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16 e enquête socio-professionnelle du CNISF. L’ingénieur dans la société et sa rémunération 84 Chapitre 7 Analyse des effets de diverses variables sur le salaire Romain Aeberhardt, administrateur de l’INSEE Horacio Henriquez, stagiaire L’analyse de la variance est une méthode statistique qui identifie de manière quantitative la relation entre une et plusieurs variables. Pour cela, on construit au préalable un modèle dans lequel les liens existant entre la variable expliquée et les variables explicatives sont déduits de la théorie économique. L’estimation du modèle par cette méthode permet de contrôler simultanément les effets de toutes les variables explicatives sur la variable étudiée. Notre étude porte sur la formation du salaire et permet grâce à cette méthode de mesurer l’impact des caractéristiques observables des individus, de leur activité et de l’entreprise qui les emploie. Elle va par exemple permettre de mesurer la croissance du salaire en fonction de l’expérience professionnelle. L’étude ne peut prendre en compte que les caractéristiques observables des individus. Or un certain nombre d’autres variables peuvent aussi avoir une influence sur le salaire comme par exemple, des qualités relationnelles, des capacités de négociation, voire des caractéristiques physiques telles la beauté ou la taille qui font que deux individus ayant exactement le même profil observable ne toucheront pas le même salaire. Ainsi, le modèle mis en œuvre permet d’expliquer 70 % de la variance des salaires. 1 Présentation L’étude porte sur les rémunérations en 2004 des ingénieurs diplômés, exerçant leur activité en France métropolitaine en tant que salarié (CDI ou CDD), titulaire de la fonction publique ou intérimaire. L’échantillon est constitué de 14 922 individus, issus des 89 écoles ayant participé à l’enquête, qui représen- tent après pondération 465 254 ingénieurs. 1.1 Intérêt de la méthode Raisonner « toutes choses égales par ailleurs », c’est mesurer l’effet d’une variable explicative conditionnel- lement à toutes les autres variables du modèle. Examinons par exemple les différences de salaire entre les hommes et les femmes. Les hommes ont en moyenne un salaire brut de 62 796 alors que celui des femmes est de 45 469 , soit une différence de 27,6 %. Les répartitions des hommes et des femmes par tranche de salaire brut annuel sont en effet très différentes.

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Analyse des effets de diverses variables sur le salaire

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enquête socio-professionnelle du CNISF.

L’ingénieur dans la société et sa rémunération

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Chapitre 7

Analyse des effets de diverses variables sur le salaire

Romain Aeberhardt, administrateur de l’INSEE

Horacio Henriquez, stagiaire

L’analyse de la variance est une méthode statistique qui identifie de manière quantitative la relation entre une et plusieurs variables. Pour cela, on construit au préalable un modèle dans lequel les liens existant entre la variable expliquée et les variables explicatives sont déduits de la théorie économique. L’estimation du modèle par cette méthode permet de contrôler simultanément les effets de toutes les variables explicatives sur la variable étudiée.

Notre étude porte sur la formation du salaire et permet grâce à cette méthode de mesurer l’impact des caractéristiques observables des individus, de leur activité et de l’entreprise qui les emploie. Elle va par exemple permettre de mesurer la croissance du salaire en fonction de l’expérience professionnelle.

L’étude ne peut prendre en compte que les caractéristiques observables des individus. Or un certain nombre d’autres variables peuvent aussi avoir une influence sur le salaire comme par exemple, des qualités relationnelles, des capacités de négociation, voire des caractéristiques physiques telles la beauté ou la taille qui font que deux individus ayant exactement le même profil observable ne toucheront pas le même salaire. Ainsi, le modèle mis en œuvre permet d’expliquer 70 % de la variance des salaires.

1 Présentation

L’étude porte sur les rémunérations en 2004 des ingénieurs diplômés, exerçant leur activité en Francemétropolitaine en tant que salarié (CDI ou CDD), titulaire de la fonction publique ou intérimaire.

L’échantillon est constitué de 14 922 individus, issus des 89 écoles ayant participé à l’enquête, qui représen-tent après pondération 465 254 ingénieurs.

1.1 Intérêt de la méthode

Raisonner «toutes choses égales par ailleurs», c’est mesurer l’effet d’une variable explicative conditionnel-lement à toutes les autres variables du modèle.

Examinons par exemple les différences de salaire entre les hommes et les femmes. Les hommes ont en moyenneun salaire brut de 62 796

alors que celui des femmes est de 45 469

, soit une différence de 27,6 %. Lesrépartitions des hommes et des femmes par tranche de salaire brut annuel sont en effet très différentes.

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Graphique 1. Distributions des salaires bruts annuels selon le sexe

On constate que plus d’une femme sur deux perçoit un salaire compris entre 30 000 et 50 000

, alors quece n’est le cas que pour moins de deux hommes sur cinq. Au-delà, la décroissance des parts des femmes esttrès forte alors que celle des hommes est beaucoup moins accentuée. Une telle concentration au sein de lapopulation féminine ne provient pas uniquement du fait d’être une femme mais aussi de l’effet multiplica-tif de diverses caractéristiques qui conditionnent le salaire.

Ainsi, les femmes sont plus jeunes que les hommes dans la population des ingénieurs, ont moins d’expé-rience professionnelle et par conséquent moins de responsabilités hiérarchiques.

Une comparaison juste nécessite donc de se positionner sur le même champ d’analyse. Par exemple, l’étudede la différence de salaire (entre hommes et femmes) sur un sous-échantillon constitué de cadres sans res-ponsabilité hiérarchique travaillant en région parisienne conduit à une forte réduction par rapport à celleque l’on peut constater sur l’échantillon total.

Le calcul des effets de chaque variable sur le salaire indépendamment des autres conduit donc à une sures-timation de leur effet propre. L’analyse de la variance, qui permet de quantifier l’effet de chaque caractéris-tique observable conditionnellement à toutes les autres, se révèle donc beaucoup plus judicieuse pourdéterminer l’effet réel de chaque variable explicative sur le salaire.

1.2 Choix des variables

La variable expliquée du modèle est le salaire brut 2004. Celui-ci a fait l’objet d’une annualisation si lesalaire ne correspondait pas à une année entière de travail et/ou d’un recalcul en équivalent temps pleinpour les personnes qui n’ont pas travaillé toute l’année et/ou ont travaillé à temps partiel. Voici la liste desvariables explicatives retenues dans la modélisation :

Tableau 1. Répartition selon la responsabilité hiérarchique

Responsabilité hiérarchique Hommes Femmes

Aucune 38,4 % 57,6 %Équipe 31,5 % 30,8 %Service/Département 19,9 % 7,8 %Direction générale 10,2 % 3,8 %

Total 100 % 100 %

Tableau 2. Différences de salaire entre hommes et femmes

Expérience professionnelle Sous-échantillon Échantillon total

Moins de 10 ans 8,0 % 11,2 %Entre 10 et 19 ans 9,5 % 17,1 %20 ans et plus 4,9 % 19,8 %

0

5

10

15

20

25

30

35 %

270250230210190170160150140130120110

Tranches de rémunération (milliers d'euros)10090807060504030200

Hommes Femmes

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Situation familiale

La situation familiale a un double impact sur le salaire : de manière directe elle a par exemple une influencesur la disponibilité professionnelle. Ainsi, la vie en couple procure davantage de disponibilité profession-nelle aux hommes alors que c’est l’inverse pour les femmes. La présence d’enfants pèse davantage sur lesfemmes que sur les hommes.

De plus, la situation familiale a également une influence sur la participation sur le marché du travail (essen-tiellement pour les femmes). Cependant les femmes qui ont fait le choix des études d’ingénieur le font dansla perspective d’exercer cette profession (la part des congés parentaux ou des situations de non activité pro-fessionnelle est extrêmement faible). Il s’agit davantage pour elles de concilier vie professionnelle etenfants, lorsqu’elles en ont, à travers du travail à temps partiel, par exemple.

Ces considérations expliquent les choix que nous avons faits pour les différentes modalités de cette varia-ble : homme seul, homme en couple, femme sans enfant, femme avec enfant(s).

École d’ingénieur

Les écoles sont regroupées en quatre groupes selon les valeurs des coefficients obtenues lors de l’analyse de lavariance. Seul le groupe 1 (Centrale, les Mines de Paris et Polytechnique) s’imposait par l’écart notable de salairemanifesté par rapport à chacune des autres écoles. Celles-ci sont dans un continuum où aucun seuil net ne semanifeste et où la part d’arbitraire dans le placement des deux autres barres est plus grande (

cf.

plus loin).

Diplômes

Le niveau d’études est déterminé par cinq variables. Ainsi, on est renseigné sur le diplôme à l’entrée del’école, la formation suivie et les formations complémentaires.

Activité

Elle est décrite par le type de contrat passé avec l’employeur et par une classification en huit catégories.

Position hiérarchique

Cette variable résulte du croisement entre le statut et les critères de responsabilité. La part des non cadresdans l’échantillon est relativement faible puisqu’elle n’excède pas 4 %. C’est pourquoi seuls les cadres sontconcernés par les caractéristiques liées aux responsabilités hiérarchiques.

Mobilité

Plusieurs types de mobilité sont décrits par cette variable : le changement d’entreprise, le passage parl’étranger, le changement de niveau hiérarchique, le licenciement et le nombre d’entreprises. Comme pourla variable «Innovation», les caractéristiques sont binaires, la modalité de référence est donc à chaque foisle cas «nul».

Expérience sur le marché du travail

L’expérience potentielle est une mesure approchée du capital de connaissances et du savoir- faire accumuléau cours des années. Le calcul de ces acquis professionnels est effectué différemment pour chaque individuen fonction de sa formation d’ingénieur.

Pour les ingénieurs de formation initiale, on a comptabilisé le nombre d’années après l’obtention dudiplôme. Et pour ceux qui ont obtenu leur diplôme autrement, on a choisi la valeur la plus grande entrel’ancienneté, le nombre d’années après l’obtention du diplôme et le nombre d’années après les débuts pro-fessionnels en tant qu’ingénieurs.

Entreprise

Sont regroupées ici toutes les variables liées au lieu de travail, qu’il s’agisse de l’emplacement géographique,de la taille de l’entreprise, du secteur d’activité ou des pratiques en matière d’innovation.

1.3 Lecture des tableaux

Le salaire de référence correspond au salaire moyen qu’une personne ayant toutes les caractéristiques men-tionnées RÉF peut espérer.

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Les coefficients estimés indiquent la variation moyenne sur le salaire de référence provoquée par un chan-gement de la caractéristique correspondante. Les effets sont multiplicatifs, ainsi une personne travaillantdans le Nord/Pas-de-Calais et possédant une expérience comprise entre 2 et 3 ans (et dont toutes les autrescaractéristiques correspondent à celle de la personne de référence) peut espérer le salaire suivant :

40 068

×

(1 – 0,099)

×

(1 + 0,055) = 38 093

Les bornes indiquées à côté de chaque coefficient représentent les intervalles de confiance à 95 %, c’est-à-dire que les vraies valeurs ont 95 % de chance de se situer dans ceux-ci. Pour les groupes d’écoles, l’inter-valle présenté est celui des coefficients, les bornes ne sont donc pas introduites dans le tableau.

Les coefficients non significatifs, c’est-à-dire ceux dont on ne peut rejeter l’hypothèse qu’ils ont un effet nulsur le salaire par rapport à la modalité de référence, sont différenciés par une écriture italique.

2 Analyse des résultats

Les résultats sont présentés sous forme de trois tableaux extraits d’une régression unique. Chaque tableaufait référence à une catégorie d’étude particulière : employé, emploi et employeur.

2.1 Salaire et caractéristiques liées à l’individu

(1) Groupes d’écoles :

Groupe 1 :

ECP (Paris), EMP (Paris), EP (Palaiseau).

Groupe 2 :

EFPG (Grenoble), EMN (Nancy), EMSE (Saint-Étienne), ENAC (Toulouse), ENPC (Paris), ENSAE (Toulouse), ENSCP (Paris),ENSIC (Nancy), ENSICA (Caen), ENST (Paris), ENSTA (Paris), ESE (Gif, Metz, Rennes), ESEO (Angers), ISEP (Paris).

Groupe 3 :

CPE (Lyon), EC (Lille), ECAM (Lyon), ECL (Lyon), ECN (Nantes), EFREI (Paris), EISTI (Cergy-Pontoise), EMA (Alès), EMD(Douai), ENGEES (Strasbourg), ENSAM (Paris), ENSCL (Lille), ENSCMON (Montpellier), ENSEA (Cergy-Pontoise), ENSEEIHT(Toulouse), ENSIACET (Toulouse), ENSPS (Strasbourg), ENTPE (Vaulx-en-Velin), EPF (Sceaux), ESCOM (Cergy-Pontoise),ESIEA (Paris), ESIEE (Noisy-le-Grand), ESIGETEL (Fontainebleau), ESIL (Marseille), ESO (Orsay), ESTP (Paris), HEI(Lille), ICAM (Lille, Nantes, Toulouse), IFMA (Clermont-Ferrand), IIE (Évry), INA P-G (Paris-Grignon), INPG (Grenoble),INSA (Lyon, Rennes, Rouen, Toulouse), ISEN (Brest, Lille, Toulon), Polytech’Lille, UTC (Compiègne).

Tableau 3. Paramètres relatifs à l’individu

Salaire de référence : 40 068

Variable Caractéristique personnelle Coefficient Borne inférieure Borne supérieure

Situation conjugale

Homme seul

RÉF

Homme en couple

4,1 %

2,9 % 5,4 %Femme sans enfant

– 3,2 %

– 4,9 % – 1,4 %Femme avec enfant(s)

– 3,9 %

– 6 % – 1,9 %

Niveau d’études à l’entrée de l’école d’ingénieur

Classes préparatoires

RÉF

Bac (prépas intégrés)

– 1,3 % – 2,9 % 0,3 %

DUT ou BTS

0 % – 1,7 % 1,7 %

Bac + 4 et plus

– 1,9 % – 4,1 % 0,2 %

Autre

– 1,2 % – 2,7 % 0,3 %

Formation

Scolaire initiale

RÉF

Statut d’apprenti

– 3,1 % – 6,6 % 0,5 %

Continue

– 3,9 %

– 5,9 % – 1,8 %

Spécialité formation

Diplôme spécialisé

RÉF

Diplôme généraliste

1,7 %

0,4 % 3,1 %

Écoles

1

Groupe 1

RÉF

Groupe 2

[– 6 % ; – 16 %]

Groupe 3

[– 16,1 % ; – 22 %]

Groupe 4

[– 22,5 % ; – 32,7 %]Second diplôme d’ingénieur

Aucun

RÉF

Double diplôme français

2,9 %

1 % 4,8 %Double diplôme étranger

3,7 %

1,5 % 5,9 %

Autre diplôme

Aucun

RÉF

Commerce, gestion, management

5,6 %

4,3 % 6,8 %Scientifique

– 1,8 %

– 3 % – 0,6 %Thèse ou PhD

– 3,9 %

– 5,7 % – 2 %

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Groupe 4 :

CESI (Paris), CNAM (Paris), EBI (Cergy), ECE (Paris), EGIM (Marseille), ENIM (Metz), ENSAIA (Nancy), ENSAIT (Roubaix),ENSAMON (Montpellier), ENSAR (Rennes), ENSAT (Toulouse), ENSBANA (Dijon), ENSCCF (Clermont-Ferrand), ENSCPB(Bordeaux), ENSCR (Rennes), ENSGTI (Pau), ENSI (Caen), ENSMM (Besançon), ESA (Angers), ESAP (Toulouse), ESB(Nantes), ESME (Paris), ESTIT (Villeneuve d’Ascq), INSA (Strasbourg), ISA (Lille), ISAB (Beauvais), ISARA (Lyon), ITECH(Lyon), Formations partenariales, Polytech’Tours, UTBM, UTT (Troyes).

Les coefficients relatifs à la formation sont à rapprocher de l’arbitrage fait par chaque individu entre lescoûts et les gains qu’engendre l’acquisition d’un stock de connaissances ou «capital humain». Étant donnéque chaque personne fait un choix entre suivre une formation scolaire et exercer une activité rémunérée,on peut penser que les personnes qui font des études longues espèrent obtenir en retour un gain plusimportant que le coût de cet investissement.

Nos estimations montrent qu’en effet, l’acquisition d’un double diplôme, français ou étranger, ou un autrediplôme en gestion-management procure un surplus du gain moyen espéré. Ce n’est pas le cas pour lesétudes scientifiques et les thèses : ce type d’études conduit souvent à des métiers «à vocation», tels quel’enseignement, la recherche fondamentale et l’expertise, ce qui suggère que ces choix ne sont pas seule-ment motivés par la perspective d’un revenu futur accru.

Les coefficients associés à la formation à l’entrée de l’école d’ingénieur sont tous non significatifs, c’est-à-dire que l’on ne peut assurer qu’il y a bien des différences de salaire liées au fait d’être entré dans une écoleavec un Bac, un Bac + 2 ou après passage par les classes préparatoires. Les différences de formation sont enfait captées par les effets d’appartenance à telle ou telle école d’ingénieur qui ont des politiques de recrute-ment différentes. En d’autres termes, le diplôme pèse davantage sur le marché du travail que le type de for-mation antérieure à la formation d’ingénieur.

Graphique 2. Effets individuels détaillés des écoles

Dans ce graphique sont représentés les écarts par école au groupe de référence (trois écoles du groupe 1).On observe une décroissance qui s’articule en trois temps : une première phase relativement pentue, unedeuxième plus douce et une troisième davantage accentuée.

Les seuils représentent les séparations établies pour constituer les autres groupes : les écoles situées au-dessus du premier seuil constituent le groupe 2, celles entre les deux seuils le groupe 3 et celles sous lesecond seuil le groupe 4. Comme tous les coefficients de l’analyse, la valeur relative à chaque école ne repré-sente que la moyenne d’un intervalle de confiance au sein duquel la vraie valeur a 95 % de chance de setrouver. Ainsi, si deux écoles ont des coefficients relativement proches, on ne dispose pas des moyensnécessaires pour les démarquer. Les seuils sont donc pris suffisamment larges pour que chaque grouped’école soit significativement différent.

Écoles Seuil 1 (– 14,3 %) Seuil 2 (– 22,15 %)

– 35 %

– 30

– 25

– 20

– 15

– 10

– 5

0

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Ce tableau nous montre que les groupes ainsi constitués sont relativement homogènes puisque l’on observeun écart d’environ 10 000

entre les salaires moyens des groupes 2, 3 et 4. Le groupe de tête est pour sapart notablement plus décroché mais concerne une population moins importante.

En ce qui concerne la situation familiale, on constate qu’elle joue de manière différenciée sur le salaire. Eneffet, la mise en couple apparaît favorable aux hommes puisque le coefficient obtenu suggère une augmenta-tion moyenne du salaire de 4 %. Le fait d’être une femme implique par contre une baisse de 3 % par rapportau salaire moyen des hommes seuls ; cet écart se creuse jusqu’à 4 % lorsque des enfants de moins de 16 ansvivent encore dans le foyer. On peut justifier en partie ces coefficients en termes de différences de disponibilitémais cette variable capte également l’effet d’autres caractéristiques inobservables corrélées avec le salaire.

2.2 Salaire et caractéristiques liées à l’emploi

Tableau 4. Statistiques descriptives par groupe d’écoles

Groupe d’écoles Effectif pondéré Part dans la population Salaire moyen (

) Salaire médian (

)

Groupe 1 29 919 7,4 % 87 265 75 000

Groupe 2 62 024 15,9 % 69 251 60 800

Groupe 3 248 191 50,8 % 59 968 52 235

Groupe 4 125 120 25,9 % 50 320 44 385

Tableau 5. Paramètres relatifs à l’emploi

Salaire de référence : 40 068

Variable Caractéristique personnelle Coefficient Borne inférieure Borne supérieure

Activité professionnelle

CDI

RÉF

CDD

– 5,0 %

– 7,4 % – 2,5 %Fonctionnaire

– 3,1 %

– 5,5 % – 0,6 %Intérim, vacations, contrat précaire

– 9,2 %

– 14,9 % – 3 %

Position hiérarchique

Cadre

RÉF

Pas encore cadre

– 8,7 %

– 11,2 % – 6,1 %Cadre chef de projet

3,2 %

1,4 % 5,1 %Cadre expert

2,0 %

0,4 % 3,7 %Responsable d’une équipe

5,9 %

4 % 7,9 %Chef de projet + équipe

7,7 %

5,9 % 9,5 %Responsable d’un service

20,9 %

18,8 % 23,1 %Direction générale

37,8 %

34,8 % 40,9 %

Activité

Études, recherche, conception

RÉF

Production et fonctions connexes

2,2 %

1 % 3,4 %Informatique

1,2 %

– 0,1 % 2,5 %

Commercial, marketing

11,3 %

9,6 % 13,1 %Direction générale

22,8 %

20 % 25,7 %Administration, finance

10,6 %

8,4 % 12,9 %Activités transversales ou multiples

8,4 %

5,7 % 11,2 %Autre 1,1 % – 1,9 % 4 %

Mobilité 1 entreprise 1,4 % 0,2 % 2,5 %2 entreprises 3,4 % 2,1 % 4,7 %3 entreprises 5,7 % 4,2 % 7,3 %4 entreprises et plus 3,4 % 1,8 % 5 %Vers l’étranger l’an passé 7,4 % 4,9 % 9,8 %Vers l’étranger après 1999 3,3 % 1,9 % 4,8 %Changement hiérarchique après 1999 3,8 % 2,8 % 4,7 %Licencié après 1999 – 4,5 % – 6,1 % – 2,8 %

Expérience sur le marché du travail

1 an et moins RÉFEntre 2 et 3 ans 5,5 % 3,5 % 7,6 %Entre 4 et 5 ans 17,8 % 15,3 % 20,4 %Entre 6 et 10 ans 34,5 % 31,9 % 37,2 %Entre 11 et 15 ans 56,8 % 53,5 % 60,2 %Entre 16 et 20 ans 77,6 % 73,7 % 81,6 %Entre 21 et 25 90,4 % 86,0 % 94,9 %Plus de 25 ans 105,5 % 100,8 % 110,3 %

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CHAPITRE 7. Analyse des effets de diverses variables sur le salaire

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On analyse en premier lieu les groupes d’activités qui se dégagent de nos estimations. Le premier, constituéde la modalité de référence et des catégories «informatique» et «autre», représente 45 % de la population.Viennent ensuite les activités dans la production et fonctions connexes qui bénéficient d’une rémunérationlégèrement supérieure et constituent 32 % des emplois. Avec une rémunération plus conséquente, del’ordre de 10 % à intervalle de confiance près, le commerce, l’administration et les activités transversales oumultiples forment un troisième groupe représentant 18 % de l’échantillon. Enfin les 5 % restant ont uneactivité de direction générale qui leur confère «toutes choses égales par ailleurs» les rémunérations les plusélevées de toutes les catégories.

L’expérience professionnelle est sans nul doute la variable qui infère le plus sur l’évolution du salaire. Lacourbe de croissance du salaire en fonction de l’expérience est habituellement de forme concave, traduisantun accroissement de la rémunération plus important en début qu’en fin de carrière. Pour retracer la courbeassociée aux ingénieurs, on a estimé une fonction linéaire par morceaux en prenant des seuils croissants.

Graphique 3. Salaire et expérience professionnelle

En début de carrière, la courbe a plutôt une forme exponentielle. Il faut donc attendre la confirmation descompétences, période d’environ deux ans, pour observer une forte croissance de l’écart au salaire de réfé-rence. On retrouve ensuite la forme concave habituelle qui dénote qu’une fois les bases de la professionacquises, la croissance est continuelle et de moins en moins importante tout au long de la vie active.

L’acquisition de compétences professionnelles s’accompagne souvent d’une évolution des fonctions occupées.Si on compare les salaires moyens de chaque position hiérarchique sur l’ensemble de la population, onobserve des différences relativement élevées. Dès lors que l’on contrôle l’effet de l’expérience, l’écart au salairede référence engendré par une évolution hiérarchique se révèle beaucoup moins important.

Graphique 4. Salaire et position hiérarchique

Évolution en fonction des années, « toutes choses égales par ailleurs »

0

10

20

30

40

50

60

70

80 %

302826242220181614Nombre d'années d'expérience

121086420

– 15 %

0

15

30

45

60

75

90

105

120

135

150 %

Directiongénérale

Service oudépartement

Chef etéquipe

ÉquipeCadreexpert

Cadre,chef

de projet

Non cadre

Écarts réels (« toutes choses égales par ailleurs ») Écarts apparents (en moyenne)

– 9,1 % – 9,1 % 3,2 %17,1 %

2,0 %

19,5 %5,8 %

37,3 %

7,4 %

33,4 %19 %

72,8 %

32 %

144,5 %

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CHAPITRE 7. Analyse des effets de diverses variables sur le salaire

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La population de référence du graphique 4 est constituée des cadres sans responsabilité hiérarchique. Desfonctions de direction générale qui impliquent apparemment une augmentation de 145 % ne correspon-dent en réalité qu’à une augmentation de 38 % par rapport à la modalité de référence.

Toutes choses égales par ailleurs», le fait d’être cadre chef de projet et responsable d’une équipe de moins devingt personnes a un impact deux fois plus important sur le salaire que le fait d’être uniquement chef de projet.On observe aussi un effet qui double pour chaque échelon supplémentaire dans l’échelle de responsabilité. Enfin,si l’évolution hiérarchique s’est opérée au cours des cinq dernières années, l’écart est rehaussé de 3,8 %.

Les effets positifs sur le salaire des mobilités très récentes à l’étranger (+ 7,4 %) suggèrent que les entrepri-ses, dans le cadre d’une internationalisation grandissante de leur domaine d’action, utilisent cette mobilitédans les parcours promotionnels de leurs cadres. Le passage dans un poste à l’étranger, par l’ouvertureinternationale, la maîtrise d’une langue qu’il permet, se valorise bien ultérieurement.

Le fait d’avoir travaillé dans plusieurs entreprises, par la somme d’expériences diversifiées qu’il permet, parles capacités d’adaptation qu’il suggère et les possibilités de négocier des hausses avantageuses dans les casoù la mobilité n’est pas contrainte, est aussi un facteur qui influence le salaire à la hausse. On note ainsi quetrois changements d’entreprises sont plus valorisés que vingt ans d’ancienneté dans une entreprise donnée.

Le fait d’avoir été licencié au cours des cinq dernières années conduit à minorer le salaire. Trois explica-tions peuvent être avancées. L’interruption d’activité retarde la carrière et le bénéfice salarial qui s’y rap-porte. Lors de la reprise d’emploi, un chômeur dispose d’un pouvoir de négociation affaibli en raison de sasituation. Enfin, l’existence de périodes de chômage dans le CV peut être un signal négatif sur la qualité dusalarié pour l’entrepreneur. Le fait que le taux de chômage des ingénieurs soit très faible stigmatise encoreplus les chômeurs que dans d’autres groupes de salariés.

2.3 Salaire et caractéristiques liées à l’entreprise

(2) Types d’intervention : innovation et adaptation de process; conception de nouveaux produits; réflexions à moyen terme surles nouveaux produits ou process.

Tableau 6. Paramètres relatifs à l’entreprise

Salaire de référence : 40 068 €

Variable Caractéristique personnelle Coefficient Borne inférieure Borne supérieureZone d’emploi Région parisienne RÉF

Nord/Pas-de-Calais – 9,9 % – 11,9 % – 7,9 %Rhône-Alpes – 10,9 % – 12,1 % – 9,6 %Alsace-Lorraine – 12,4 % – 14,3 % – 10,5 %Midi-Pyrénées – 14,1 % – 15,8 % – 12,3 %PACA – 11,3 % – 13 % – 9,6 %Autres régions françaises – 12,6 % – 13,6 % – 11,6 %

Nature et taille de l’entreprise

Privé : 2000 salariés ou plus RÉFPrivé : 500 à 1999 salariés – 1,7 % – 3 % – 0,3 %Privé : 20 à 499 salariés – 4,8 % – 5,9 % – 3,7 %Privé : moins de 20 salariés – 12,6 % – 14,4 % – 10,9 %Secteur nationalisé – 8,4 % – 9,9 % – 6,8 %Secteur public – 9,4 % – 11,4 % – 7,4 %Autre – 11,7 % – 13,6 % – 9,8 %

Secteur d’activité

Fabrication, construction d’équipement RÉFAgriculture – 7,3 % – 10,7 % – 3,7 %Énergie, matériaux 3,7 % 2 % 5,3 %Chimie, pharmacie 5,9 % 3,8 % 8,1 %Agroalimentaire, agrofournitures 6,2 % 3,4 % 9,2 %Autre industrie 2,4 % 0,6 % 4,3 %Commerce, grande distribution 3,4 % 0,2 % 6,8 %Télécommunications 3,2 % 1,1 % 5,4 %Assurances, banque 10,3 % 7,9 % 12,7 %Administration publique – 6,1 % – 8,8 % – 3,4 %Enseignement – 11,7 % – 14,1 % – 9,2 %Autre tertiaire – 1,8 % – 3,1 % – 0,6 %

Innovation Intervention dans la démarche d’innovation2 1,3 % 0,4 % 2,2 %Associé à un programme de R & D de l’UE après 1999 1,9 % 0,4 % 3,4 %Politique de veille concurrentielle stratégique 3 % 2,1 % 4 %

Ancienneté 20 ans et moins RÉF Plus de 20 ans 5,2 % 3,3 % 7 %

Page 9: Chapitre 7 Analyse des effets de diverses variables sur le ...C HAPITRE 7. Analyse des effets de diverses variables sur le salaire 16 e enquête socio-professionnelle du CNISF. L’ingénieur

CHAPITRE 7. Analyse des effets de diverses variables sur le salaire

16e enquête socio-professionnelle du CNISF. L’ingénieur dans la société et sa rémunération

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L’écart de salaire entre la région parisienne et les autres régions est très marqué et fluctue autour de 10 %.De plus, les autres régions constituent un groupe relativement homogène. Cet écart singulier s’explique parle fait que l’activité en région parisienne est beaucoup plus dense et la pression immobilière plus intenseque dans le reste du pays.

En ce qui concerne la nature et la taille de l’entreprise, la lecture des coefficients nous indique que ce sontles entreprises privées de plus de 2 000 salariés qui offrent les revenus les plus élevés. L’écart de salaires’accroît ensuite avec la réduction de la taille de l’entreprise. Les secteurs publics et nationalisés ne sont quesensiblement différents et fournissent des salaires inférieurs de 9 % en moyenne par rapport aux très gran-des entreprises.

On analyse ensuite les estimations liées au secteur d’activité en étudiant dans un premier temps larépartition de la population par tranche de salaire brut.

Graphique 5. Services et industrie (tranches en milliers d’euros)

Pour chaque secteur, la largeur des barres horizontales est proportionnelle à l’effectif pondéré de la tranchede rémunération brute. Jusqu’à 40 000 €, les effectifs sont plus importants dans les services que dansl’industrie et inversement au delà.

C’est entre 30 000 et 40 000 € que l’on retrouve le plus de salariés dans les services avec 48 677 individus, etentre 40 000 et 50 000 pour l’industrie avec 46 549 individus. Le fait que la part majeure des emplois dansles services soit comprise dans une tranche inférieure à celle de l’industrie corrobore nos résultats écono-métriques.

Mis à part la distribution, les télécommunications et le secteur bancaire, les services sont « toutes choseségales par ailleurs» moins rémunérateurs que le secteur de référence. De plus, cette catégorie de référencene représente que la section la moins intéressante du secteur industriel puisque toutes les autres sous-caté-gories ont un coefficient positif.

Enfin l’ancienneté et l’innovation sont les dernières variables influentes sur le gain espéré. L’effet de la pre-mière étant principalement absorbé par l’expérience professionnelle, elle ne devient significative qu’à partird’une durée de 20 ans. Les modalités de la seconde variable ont un impact positif sur le salaire qui,lorsqu’ils sont cumulés, peuvent être relativement conséquents.

0

Services Industrie

10 000

Tranches salaires bruts(milliers d'euros)

Effectifs

0-2020-3030-4040-5050-6060-7070-8080-90

90-100100-110110-120120-130130-140140-150150-160160-170170-190190-210210-230230-260