CHAPITRE 35 TRAITEMENT DE L’INSOMNIE · CHAPITRE 35. TRAITEMENT DE L’INSOMNIE 689 Chloral...

12
Pharmacie clinique et thérapeutique © 2012 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. CHAPITRE 35 TRAITEMENT DE L’INSOMNIE Catherine Dejean Pharmacien attaché, Centre hospitalier Henri-Laborit, Maître de Conférences des Universités, Poitiers, France Denis Richard Praticien hospitalier, pharmacien, chef de service pharmacie, Centre hospitalier Henri-Laborit, Poitiers, France Jean-Louis Senon Professeur des universités, chef de service, service universitaire de psychiatrie et de psychologie médicale, Centre hospitalier universitaire, Poitiers, France GÉNÉRALITÉS L’insomnie La clinique des troubles du sommeil a évolué ces dernières années. Devenue plus précise, elle permet une prise en charge codifiée qui ménage une part moindre à la chimiothérapie, la restreignant — du moins en théorie — à des indications ciblées. Les nombreux centres d’hypnologie (ou centres « veille-sommeil ») implantés dans plusieurs établissements de soins et accessibles pour l’exploration comme le traitement des troubles graves et invalidants du sommeil témoignent de cette mutation. Les troubles du sommeil ne se limitent pas, évidemment, aux seules insomnies objet de ce chapitre. Hypersomnies et troubles du rythme circadien ne doivent pas être méconnus du fait de leur incidence sur la vie quotidienne (accidents de la circulation ou accidents du travail). Ils sont d’ailleurs par- fois eux-mêmes induits par un mésusage des tranquillisants et des hypnotiques. L’insomnie est un symptôme banal qui concerne entre 30 et 50 % de la population adulte des pays occidentaux, toutes formes confondues, et 10 à 20 % de cette population en ce qui concerne les formes les plus graves. Rarement iso- lée (insomnie chronique primaire, sans cause évidente), elle survient volontiers dans le cadre d’une pathologie psychia- trique (dépression) ou somatique (dyspnée nocturne, maladie rhumatismale). Dans la pratique, une insomnie isolée est à ce point rare qu’il faut remettre en question sa réalité face à chaque patient insomniaque qui nie avoir des problèmes psy- chologiques, relationnels ou existentiels. La tendance actuelle privilégie une définition de l’insomnie avant tout subjective. Elle caractérise un sommeil perçu par le patient comme difficile à obtenir, insuffisant, insatisfaisant ou non récupérateur. La durée objective du sommeil peut être normale ou peu abrégée et l’endormissement peut être rapide, mais on repère de façon récurrente une fragmentation exces- sive de la phase de sommeil. Il est difficile d’établir une nosologie de l’insomnie car les causes comme les mécanismes de cette affection sont toujours méconnus. La classification internationale des troubles du sommeil distingue trois formes d’insomnie intrinsèque (dont la cause a pour origine l’organisme) et douze formes d’insom- nie extrinsèque (dont la cause est extérieure à l’organisme), sans même évoquer les insomnies d’origine neurologique, psychiatrique ou somatique. Elle est d’une extraordinaire complexité pour le clinicien. La classification du DSM-IV est plus pratique. Toutefois, nous proposons ici une classifica- tion schématique, ayant avant tout une valeur pédagogique (tableau 35.1). Médicaments utilisés Avant tout, il importe de souligner que la prescription d’hyp- notiques ne peut constituer en toute situation une réponse adaptée. Le recours à d’autres médicaments peut s’avérer plus pertinent, ainsi que la mise en œuvre d’autres stratégies théra- peutiques que la chimiothérapie (psychothérapie, etc.). Il n’y a plus lieu d’utiliser aujourd’hui des produits dont l’index thérapeutique est aussi faible que les barbituriques ou l’hydrate de choral, d’ailleurs retirés du commerce. Par conséquent, nous avons pris ici le parti de n’évoquer ces médicaments que dans la présentation générale, pour infor- mation, sans les développer par ailleurs (le lecteur trouvera toutefois mention des barbituriques dans d’autres chapitres car le phénobarbital est toujours prescrit comme anti- épileptique). Les principaux hypnotiques commercialisés sont présentés dans le tableau 35.2.

Transcript of CHAPITRE 35 TRAITEMENT DE L’INSOMNIE · CHAPITRE 35. TRAITEMENT DE L’INSOMNIE 689 Chloral...

Pharmacie clinique et thérapeutique

© 2012 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

C H A P I T R E 3 5

TRAITEMENT DE L’INSOMNIE

Catherine DejeanPharmacien attaché, Centre hospitalier Henri- Laborit, Maître de Conférences des Universités, Poitiers, France

Denis RichardPraticien hospitalier, pharmacien, chef de service pharmacie, Centre hospitalier Henri- Laborit, Poitiers, France

Jean- Louis SenonProfesseur des universités, chef de service, service universitaire de psychiatrie et de psychologie médicale,

Centre hospitalier universitaire, Poitiers, France

GÉNÉRALITÉS

L’insomnieLa clinique des troubles du sommeil a évolué ces dernières années. Devenue plus précise, elle permet une prise en charge codifi ée qui ménage une part moindre à la chimiothérapie, la restreignant — du moins en théorie — à des indications ciblées. Les nombreux centres d’hypnologie (ou centres « veille- sommeil ») implantés dans plusieurs établissements de soins et accessibles pour l’exploration comme le traitement des troubles graves et invalidants du sommeil témoignent de cette mutation.

Les troubles du sommeil ne se limitent pas, évidemment, aux seules insomnies objet de ce chapitre. Hypersomnies et troubles du rythme circadien ne doivent pas être méconnus du fait de leur incidence sur la vie quotidienne (accidents de la circulation ou accidents du travail). Ils sont d’ailleurs par-fois eux- mêmes induits par un mésusage des tranquillisants et des hypnotiques.

L’insomnie est un symptôme banal qui concerne entre 30 et 50 % de la population adulte des pays occidentaux, toutes formes confondues, et 10 à 20 % de cette population en ce qui concerne les formes les plus graves. Rarement iso-lée (insomnie chronique primaire, sans cause évidente), elle survient volontiers dans le cadre d’une pathologie psychia-trique (dépression) ou somatique (dyspnée nocturne, maladie rhumatismale). Dans la pratique, une insomnie isolée est à ce point rare qu’il faut remettre en question sa réalité face à chaque patient insomniaque qui nie avoir des problèmes psy-chologiques, relationnels ou existentiels.

La tendance actuelle privilégie une défi nition de l’insomnie avant tout subjective. Elle caractérise un sommeil perçu par le patient comme diffi cile à obtenir, insuffi sant, insatisfaisant

ou non récupérateur. La durée objective du sommeil peut être normale ou peu abrégée et l’endormissement peut être rapide, mais on repère de façon récurrente une fragmentation exces-sive de la phase de sommeil.

Il est diffi cile d’établir une nosologie de l’insomnie car les causes comme les mécanismes de cette affection sont toujours méconnus. La classifi cation internationale des troubles du sommeil distingue trois formes d’insomnie intrinsèque (dont la cause a pour origine l’organisme) et douze formes d’insom-nie extrinsèque (dont la cause est extérieure à l’organisme), sans même évoquer les insomnies d’origine neurologique, psychiatrique ou somatique. Elle est d’une extraordinaire complexité pour le clinicien. La classifi cation du DSM- IV est plus pratique. Toutefois, nous proposons ici une classifi ca-tion schématique, ayant avant tout une valeur pédagogique (tableau 35.1).

Médicaments utilisésAvant tout, il importe de souligner que la prescription d’hyp-notiques ne peut constituer en toute situation une réponse adaptée. Le recours à d’autres médicaments peut s’avérer plus pertinent, ainsi que la mise en œuvre d’autres stratégies théra-peutiques que la chimiothérapie (psychothérapie, etc.).

Il n’y a plus lieu d’utiliser aujourd’hui des produits dont l’index thérapeutique est aussi faible que les barbituriques ou l’hydrate de choral, d’ailleurs retirés du commerce. Par conséquent, nous avons pris ici le parti de n’évoquer ces médicaments que dans la présentation générale, pour infor-mation, sans les développer par ailleurs (le lecteur trouvera toutefois mention des barbituriques dans d’autres chapitres car le phénobarbital est toujours prescrit comme anti- épileptique).

Les principaux hypnotiques commercialisés sont présentés dans le tableau 35.2.

PARTIE VII. PATHOLOGIE NEUROLOGIQUE ET PSYCHIATRIQUE

688

Présentation des hypnotiques

BarbituriquesLe squelette chimique commun à tous les barbituriques est l’acide barbiturique, synthétisé par le chimiste allemand Adolf von Baeyer en 1864 à partir du noyau malonylurée. Dès 1882, Conrad et Guthzeit isolèrent l’un de ses sels, le barbital, mais ce n’est qu’en 1903 qu’Emil Fischer et J.  von Mehring en découvrirent les propriétés hypnotiques (Véronal).

Ce médicament constitua le chef de fi le d’une famille de molécules nombreuses dont, notamment, le phénobarbital (Gardénal) indiqué aujourd’hui dans la prévention des crises d’épilepsie, etc.

Utilisés de façon en hypnologie, les barbituriques induisent rapidement une dépendance et ont un index thérapeutique extrêmement réduit (la dose potentiellement mortelle est seu-lement deux à trois fois supérieure à la dose thérapeutique). Ils ne sont plus commercialisés en France depuis 1988 dans cette indication.

Tableau 35.1.Classifi cation simplifi ée des insomnies.

Types d’insomnie Catégories cliniques Origines et signes cliniques Orientations générales du traitement

Insomnies occasionnellesou situationnelles

Accumulation d’événements stressants Prescription d’hypnotiques (ou de tranquillisants) pour une durée limitée (< 4 semaines)

Insomnies chroniques

Insomnies psychophysiologiques

État de tension musculaire et psychologiqueConditionnement négatif au sommeil

RelaxationBiofeedbackThérapies comportementales

Insomnies organiques Insuffi sance cardiaque ou respiratoireDouleurs chroniques

Traitement symptomatique

Impatience des membres inférieurs Traitement spécialiséRecours à un centre veille- sommeil

Myoclonies nocturnes Recours à un centre veille- sommeil

Apnées du sommeil Traitement spécialiséRecours à un centre veille- sommeil

Insomnies pharmacologiques

Insomnies médicamenteuses

Consommation régulière de tranquillisants ou d’hypnotiques

Sevrage médicamenteux très progressif et médicalisé

Insomnies « rebond » Arrêt brutal d’un traitement tranquillisant ou hypnotique

Sevrage très progressif et médicalisé

Tableau 35.2.Principaux hypnotiques utilisés dans le traitement de l’insomnie.

Familles DCI Noms commerciaux Présentations

Benzodiazépines estazolam Nuctalon Comprimé sécable 2 mg

fl unitrazépam Rohypnol Comprimé sécable 1 mg

loprazolam Havlane Comprimé sécable 1 mg

lormétazépam Noctamide Comprimé sécable 1 et 2 mg

nitrazépam Mogadon Comprimé sécable 5 mg

témazépam Normison Capsule 10 et 20 mg

Imidazopyridines zolpidem Stilnox Comprimé sécable 10 mg

Cyclopyrrolones zopiclone Imovane Comprimé sécable 7,5 mg

Antihistaminiques alimémazine Théralène Comprimé 5 mg, gouttes et sirop

doxylamine Donormyl Comprimé sécable 15 mg effervescent ou non

niaprazine Nopron Enfants Sirop

prométhazine Phénergan Comprimé 25 mg

Mélatoninergiques mélatonine Circadin Comprimé LP 2 mg

CHAPITRE 35. TRAITEMENT DE L’INSOMNIE

689

ChloralSynthétisé par le chimiste allemand von Liebig en 1832, le chloral donna lieu au XIXe siècle à un usage toxicomaniaque, proche de celui induit par les barbituriques.

Le chloral est actif comme hypnotique à des doses com-prises entre 0,5 et 1 gramme chez l’adulte, mais perd rapide-ment son effi cacité. Il a été conseillé pour traiter les insomnies des sujets âgés déments, mais son administration expose à un important rebond d’insomnie dès que le traitement est sus-pendu. Les interactions médicamenteuses sont nombreuses.

Par ailleurs, l’usage du chloral est fortement irritant pour la muqueuse digestive. Il induit, au plan neurologique, une ébriété accompagnée de migraine, de troubles de la marche, parfois d’une excitation paradoxale, de confusion mentale voire d’hallucinations chez le sujet âgé. L’intoxication aiguë évoque celle réalisée par les barbituriques. Elle s’accom-pagne de signes hépatiques et digestifs aggravés allant jusqu’à la nécrose gastrique. Des décès par arythmie cardiaque ont été rapportés. De plus, le potentiel cancérigène du chloral sur modèle murin (tumeurs hépatiques) a été démontré. Ce médicament a été retiré du marché en France en 2000.

BenzodiazépinesVoir chapitre 36 « Traitement de l’anxiété ».

Analogues pharmacologiques des benzodiazépinesLes cyclopyrrolones sont représentées par la zopiclone (Imo-

vane) et les imidazopyridines par le zolpidem (Stilnox). Ces deux familles sont proches de celle des benzodiazépines, du moins quant à leur mécanisme d’action et leur profi l pharma-cologique. Ces médicaments plus récents respectent mieux l’architecture physiologique du sommeil, comme l’attestent les études hypnographiques. Elles sont également relati-vement mieux tolérées  : moins d’effets rebond, réveil plus agréable, etc. Pour autant, il convient de toujours demeurer prudent, leur prescription n’étant en rien anodine.

MélatoninergiquesCommercialisée comme médicament, la mélatonine (Cir-

cadin) n’a pas d’action myorelaxante, anxiolytique ou pro- amnésiante. Elle est indiquée dans l’insomnie idiopathique avec sommeil de mauvaise qualité chez le patient de plus de 55  ans, sans que des données précises soient actuellement disponibles quant à son usage chez l’insuffi sant rénal et/ou hépatique.

DiversD’autres composés sont indiqués dans le traitement des troubles du sommeil, notamment des antihistaminiques H1. On peut citer la niaprazine (Nopron), actuellement indiquée dans le traitement des insomnies occasionnelles de l’enfant (noyau pipérazine), la doxylamine (Donormyl, Méréprine), la prométhazine (Phénergan) ou l’alimémazine (Théralène).

Le rapport bénéfi ce/risque des associations de principes actifs (acéprométazine + carbamate de la Mépronizine ; acéprométazine + acépromazine + clorazépate du Noctran) (voir chapitre 41 « Traitement de l’anxiété ») a été réévalué par l’Afssaps en 2011. Ayant été jugé négatif, ces médicaments ont été retirés du marché, fi n 2011 (Noctran) et début 2012 (Mépronizine).

Mécanisme d’action des hypnotiquesLe mécanisme de l’action hypnotique des benzodiazépines comme celui de leurs analogues (et comme celui des barbitu-riques) s’explique par une action sur la transmission GABA-ergique, comme évoqué au chapitre 36 sur le traitement de l’anxiété. Les manifestations latérales de somnolence, d’apa-thie et de ralentissement des réfl exes observées chez les usa-gers d’anxiolytique trouvent leur pleine expression dans l’in-dication spécifi que des insomnies.

Les composés les plus récents (zopiclone, zolpidem) ont toutefois une action plus spécifi que sur certains récepteurs aux benzodiazépines (récepteurs de type I), ce qui explique-rait la moindre incidence de leurs effets indésirables et leur meilleure maniabilité.

Hormone sécrétée par l’épiphyse (ou glande pinéale, une glande endocrine située sous le plancher du 3e ventricule qui traite l’information photopériodique et joue un rôle capital dans la photosynchronisation circadienne et saisonnière), la mélatonine est impliquée dans la régulation du rythme circa-dien. Sa structure est voisine de celle de la sérotonine. Aug-mentant dès la tombée de la nuit, la sécrétion de mélatonine connaît un pic entre 2 et 4  heures du matin puis diminue jusqu’au lever du jour : elle est corrélée à une action hypno-tique induite par sa liaison aux récepteurs mélatoninergiques centraux MT1, MT2 (plus secondairement MT3). Le tonus mélatoninergique diminue avec l’âge, ce qui explique que les sujets âgés dorment moins que plus jeunes : l’administration de mélatonine exogène (Circadin) tend alors à régulariser le sommeil chez les patients souffrant d’insomnie primaire (c’est- à- dire d’une insomnie sans cause somatique, psychique, toxique ou environnementale évidente).

Pharmacocinétique des hypnotiques

BenzodiazépinesVoir chapitre 36 « Traitement de l’anxiété ».

Analogues des benzodiazépinesLes cyclopyrrolones (zopiclone, Imovane) et les imidazopy-ridines (zolpidem, Stilnox) s’administrent per os, avec une résorption satisfaisante, non infl uencée par les aliments. Ces hypnotiques doivent être administrés immédiatement avant le coucher car leur délai d’action n’est que de 10 à 15 min. Le pic plasmatique est atteint en environ 1 heure pour la zopiclone et 1,8 heure pour le zolpidem. Les deux groupes de médica-ments subissent oxydation, desméthylation et hydroxylation.

PARTIE VII. PATHOLOGIE NEUROLOGIQUE ET PSYCHIATRIQUE

690

Leur métabolisation est importante (le zolpidem est totale-ment résorbé, mais un effet de premier passage hépatique limite sa biodisponibilité à 70 % environ). Quatre à cinq pour cent seulement de la dose de zopiclone sont éliminés sous forme inchangée, la molécule mère étant, contrairement au zolpidem, transformée en un catabolite partiellement actif, son N- oxyde.

La zopiclone, comme son métabolite actif, a une demi- vie d’élimination variable, oscillant entre 3 et 6  heures, allant jusqu’à 8  heures chez l’insuffi sant hépatique ou le sujet âgé. Le zolpidem a une demi- vie constamment plus brève, de l’ordre de 2,4 heures. Ces deux composés fran-chissent également la barrière fœto- placentaire et passent dans le lait.

Le tableau  35.3 présente les caractéristiques pharmaco-cinétiques des principaux hypnotiques benzodiazépiniques et apparentés.

MélatonineLa mélatonine (Circadin) bénéfi cie d’une absorption com-plète, mais qui peut être réduite de 50 % chez le sujet âgé. Un important effet de premier passage hépatique (85 %) explique que la biodisponibilité ne soit que de 15 % envi-ron. Le pic plasmatique s’observe 3 heures après la prise. La liaison plasmatique de la mélatonine est de 60 % (albu-mine, alpha- 1 glycoprotéine, lipoprotéines). L’hormone subit un important métabolisme hépatique par certains iso-formes du cytochrome P450 : CYP1A1, CYP1A2, CYP2C19 puisque seulement 2 % de la mélatonine est excrétée sous forme inchangée. Son métabolite principal est la 6- sulfatoxy- mélatonine (6- S- MT), inactive. La demi- vie ter-minale d’élimination est d’environ 4 heures. 90 % de la dose est excrétée par voie rénale, sous forme de métabolites. Il existe une importante variabilité interindividuelle dans le métabolisme. De même, le métabolisme de l’hormone est plus réduit chez le sujet âgé.

CRITÈRES DE CHOIX THÉRAPEUTIQUELes hypnotiques prescrits en France aujourd’hui ont de nom-breux points communs (exception faite de la mélatonine, dont l’usage reste limité et l’effi cacité modeste). Ils agissent comme les anxiolytiques sur le récepteur au GABA. Leur résorption après administration orale est rapide et ils sont rapidement éliminés. La différence essentielle avec les benzodiazépines évoquées au chapitre « Traitement de l’anxiété » réside dans la cinétique de leur effet, permettant une action précoce (utile pour l’endormissement), intense (suffi sante pour assurer le sommeil et non une simple anxiolyse) et brève (pour prévenir les effets indésirables diurnes).

Le traitement de l’insomnie doit intégrer des mesures d’hy-giène de vie. Par exemple, nombre d’insomniaques sont de gros consommateurs de café  : il importe avant tout traitement de réduire ou de cesser cette consommation, et de ne pas consom-mer de café même si l’on a recours à des médicaments. Le trai-tement doit aussi intégrer une prise en compte étio logique des troubles : agir sur le bruit, la température, les conditions de tra-vail (travail posté imposant des rythmes en contradiction avec les rythmes biologiques), le stress psychique.

Selon le type d’insomnieUn traitement spécifi que de l’affection primaire est nécessaire le plus souvent dans les insomnies accompagnant un trouble psychiatrique (dépression, psychose, etc.). Dans ce cas, des antipsychotiques ou des antidépresseurs, surtout s’ils ont une composante sédative importante peuvent agir à la fois sur l’affection psychiatrique et sur l’insomnie. Pour autant, cer-tains antidépresseurs, connus comme stimulants, peuvent en revanche favoriser les insomnies (ex. : moclobémide = Mocla-

mine et autres inhibiteurs des mono- amines oxydases). Il en va de même pour l’anxiété : des benzodiazépines administrées

Tableau 35.3.Caractéristiques pharmacocinétiques des principales BZD et apparentés hypnotiques.

DCI Noms commerciaux

Affi nités T max (h) Demi- vies d’élimination (h)

Principaux métabolites actifs

Demi- vies d’élimination des métabolites actifs (h)

Benzodiazépines hypnotiques ayant une demi- vie moyenne et prolongée

Estazolam Nuctalon 1 à 1,5 10 à 30 nombreux

Flunitrazépam Rohypnol ++++ 1 à 1,5 15 à 30 norfl unitrazépam 20 à 40

Loprazolam Havlane +++ 1 à 4 8 à 10 0

Lormétazépam Noctamide ++++ 1 à 1,5 10 à 12 0

Nitrazépam Mogadon +++ 1 à 2 18 à 30 0

Témazépam Normison ++++ 0,75 à 4 5 à 8 oxazépam (5 %) 4 à 15

Hypnotiques non benzodiazépiniques

Zolpidem Stilnox 0,5 à 3,5 2 à 10 0

Zopiclone Imovane 1 à 3,5 5 à 8 N- oxyde 4,5

CHAPITRE 35. TRAITEMENT DE L’INSOMNIE

691

à très faible dose, dans une perspective simplement anxio-lytique, peuvent suffi re à réguler le sommeil.

Le traitement médicamenteux est privilégié, à court terme, dans les insomnies occasionnelles (sur 2 à 5 jours par exemple) ou dans les insomnies d’origine somatique, dès lors que le traitement de la cause est impossible ou insuffi -sant (sans excéder 4 semaines en général). Si la majorité des insomnies relèvent de l’hygiène de vie, un traitement médica-menteux peut toutefois s’avérer nécessaire. Il faut alors pré-venir le risque de survenue d’une dépendance (voir infra), en prescrivant un traitement discontinu. Les insomnies sévères ou organiques peuvent, elles, imposer un traitement quoti-dien sur une période aussi limitée que possible.

Les hypnotiques ayant une demi- vie courte (zopiclone, zolpidem) sont recommandés dans le traitement des insom-nies d’endormissement mais il faut proscrire leur utilisation à posologie plus élevée dans les insomnies de maintien (surve-nant en milieu ou en fi n de nuit), qui nécessitent le recours à un composé de demi- vie moyenne ou prolongée (lorméta-zépam, nitrazépam, estazolam) (tableau 35.3). La mélatonine (Circadin) est indiquée de façon assez sélective dans l’insom-nie du sujet âgé de plus de 55 ans, sur une période qui est, comme tous les hypnotiques, limitée (ici à 3 semaines).

Selon le terrain

Pathologies associées

Insuffi sance respiratoireLes benzodiazépines doivent être administrées avec prudence ou, souvent, totalement évitées, chez les patients atteints d’une insuffi sance respiratoire sévère en raison du risque d’apnées. On privilégie alors le recours à des antihistami-niques à des produits type zolpidem (Stilnox) ou zopiclone (Imovane), mieux tolérés, voire à la mélatonine, dont l’usage reste cependant assez marginal. Pour autant, un syndrome d’apnée du sommeil installé constitue une contre- indication absolue à l’utilisation des hypnotiques benzodiazépiniques et des composés apparentés.

Insuffi sance hépatiqueLa demi- vie de la zopiclone (Imovane) sera augmentée, allant jusqu’à 9 heures ; le temps requis pour obtenir le pic plasma-tique sera aussi allongé. En conséquence, une posologie limi-tée à 3,75 mg/j (demi- dose) sera alors préconisée. (Voir cha-pitre 36 « Traitement de l’anxiété » pour les benzodiazépines.)

Il en va de même pour le zolpidem (Stilnox), pour lequel la demi- vie pourra atteindre alors près de 10 heures. Il est donc souvent suffi sant de limiter l’administration à 5 mg/j en ce cas.

Une insuffi sance hépatique sévère constitue une contre- indication absolue à l’administration de ces deux produits comme à celle des benzodiazépines. L’usage de la mélatonine est déconseillé chez l’insuffi sant hépatique.

Insuffi sance rénaleElle impose d’adapter la posologie de la zopiclone (Imovane), sans excéder un comprimé par jour (voir chapitre 36, « Trai-tement de l’anxiété » pour les benzodiazépines). La prudence s’impose lors de l’usage de la mélatonine.

MyasthénieCette affection représente une contre- indication relative à l’emploi de benzodiazépines apparentées comme des benzo-diazépines elles- mêmes. Dans ce cadre, ces produits ne seront administrés qu’exceptionnellement et sous surveillance médi-cale accrue.

Glaucome par fermeture de l’angle, rétention urinaireCe type de pathologie constitue bien sûr une contre- indication à l’emploi d’antihistaminiques en raison de leur composante anticholinergique.

Chez la personne âgéeLa posologie d’un traitement hypnotique doit être systéma-tiquement réduite chez la personne âgée, pour prévenir tout risque de confusion mentale, d’effets sédatifs résiduels (risque de chute avec fracture du col) ou d’hypotension artérielle (voir le chapitre 36, « Traitement de l’anxiété » sur les ben-zodiazépines).

D’une façon plus spécifi que, la biodisponibilité de la zopi-clone (Imovane) est augmentée, passant d’environ 80 % chez le sujet jeune à plus de 90 % chez celui de plus de 75 ans. Son catabolisme est, en revanche, fortement réduit et l’élimination sous forme inchangée domine. La demi- vie augmente aussi sensiblement, passant de 3- 6 heures à 8 heures ou plus. Mais le produit ne semble pas pour autant s’accumuler après admi-nistration réitérée.

Le volume de distribution du zolpidem (Stilnox) est réduit avec, en corollaire, augmentation des concentrations sériques maximales et de la demi- vie.

Rappelons que la mélatonine (Circadin) n’a d’indication, précisément, que chez le sujet de plus de 55 ans, où elle est prescrite dans le traitement de l’insomnie idiopathique avec sommeil de mauvaise qualité. Son absorption est réduite de 50 % chez le sujet âgé.

Chez l’enfantLe recours à des hypnotiques doit être absolument proscrit chez l’enfant, en dehors des troubles du sommeil s’intégrant dans un tableau psychopathologique avéré et en dehors du cas particulier que représentent les parasomnies. La médica-tion familiale est pourtant fréquente dans ce domaine (ben-zodiazépines et niaprazine, Nopron) et n’améliore guère la symptomatologie, en étant pour autant responsable d’une somnolence diurne et d’une fatigue chronique. La prise en charge des insomnies du nourrisson et de l’enfant passe avant

PARTIE VII. PATHOLOGIE NEUROLOGIQUE ET PSYCHIATRIQUE

692

tout par le respect de règles élémentaires d’hygiène (environ-nement serein, respect de la typologie veille- sommeil, prise en charge psychologique de l’enfant mais souvent aussi de la famille).

Dans le cas où la prescription est jugée incontournable, elle doit recourir à des médicaments dont l’AMM autorise l’admi-nistration à l’enfant de moins de 15 ans (Nopron, Théralène,

Nuctalon, Mogadon).

Chez la femme enceinteÀ côté de la problématique propre aux benzodiazépines (voir le chapitre 36, « Traitement de l’anxiété ») — qui concerne bien sûr aussi les composés apparentés —, il faut souligner l’incidence possible sur la grossesse des médicaments ayant une composante anticholinergique, même si les incidents demeurent rares  : distension abdominale, iléus méconial, retard à l’émission du méconium, tachycardie, troubles neu-rologiques. La grossesse constitue donc une contre- indication relative (premier trimestre, notamment) à l’utilisation des antihistaminiques dans le traitement des troubles du som-meil. La mélatonine, quant à elle, doit être évitée pendant la grossesse et passe dans le lait maternel : son périmètre d’in-dication rend toutefois improbable un usage chez la femme enceinte !

Chez la femme allaitanteL’administration d’hypnotiques, tous éliminés partiellement dans le lait, peut entraîner une sédation importante du nour-risson, mettant en jeu la qualité des relations précoces dans la dyade mère- enfant ou, au contraire, une excitation para-doxale. Plus encore, elle détermine un risque important d’ap-née du sommeil, y compris avec les antihistaminiques.

Application de la réglementation

La référence médicale opposable (RMO) du 14  novembre 1998 constitue, en France, un encadrement de la prescription des hypnotiques et des anxiolytiques. Concernant les hypno-tiques : – « La prescription des hypnotiques et anxiolytiques doit repo-

ser sur une analyse soigneuse de la situation clinique, en cher-

chant à séparer ce qui relève des diffi cultés transitoires et des

réactions à une pathologie somatique, de la pathologie psy-

chiatrique confi rmée. Elle doit être régulièrement réévaluée et

tenir compte des indications de l’AMM, de la fi che de transpa-

rence et de l’arrêté du 7 octobre 1991. Un traitement datant de

plusieurs semaines ne doit pas être arrêté brutalement.

– Il n’y a pas lieu d’associer deux hypnotiques.

– Il n’y a pas lieu de prescrire des hypnotiques sans tenir compte

des durées de prescription maximales réglementaires (incluant

la période de sevrage) et sans réévaluation régulière. Les

durées de prescription doivent être courtes et ne pas excéder 2

à 4 semaines (2 semaines pour le triazolam ; 3 semaines pour

la mélatonine).

– Il n’y a pas lieu de prescrire un hypnotique sans débuter par

la posologie la plus faible, sans rechercher la posologie mini-

male effi cace pour chaque patient, ni de dépasser les posologies

maximales recommandées. »Depuis la publication de l’arrêté du 1er février 2001, la pres-

cription des spécialités à base de fl unitrazépam (Rohypnol) est limitée à deux semaines (comme l’était celle du triazo-lam, Halcion retiré du marché en 2005) mais avec obligation de fractionner en périodes de 7 jours. De plus, cette pres-cription est soumise aux mêmes dispositions réglementaires que celle des stupéfi ants, de façon à éviter le détournement de ce produit par les toxicomanes et les conséquences graves d’une consommation abusive : perte de contrôle, excitation, désinhibition, amnésie, dépression respiratoire notamment lors d’une association à des morphiniques (héroïne) ou à de la buprénorphine (Subutex, Buprénorphine Arrow, Suboxone).

Il est utile de rappeler ici que le rapport bénéfi ce/risque des associations de principes actifs (acéprométazine + car-bamate de la Mépronizine ; acéprométazine + acépromazine + clorazépate du Noctran) (voir chapitre 36 « Traitement de l’anxiété ») ayant été jugé négatif par l’Afssaps en 2011, ces médicaments ont été retirés du marché, fi n 2011 (Noctran) et début 2012 (Mépronizine) (tableau 35.4).

OPTIMISATION THÉRAPEUTIQUELe médicament représente le traitement le plus banalement utilisé contre les diverses formes d’insomnie. S’il possède de nombreux avantages, il n’en a pas moins également des inconvénients.

Optimisation posologiqueLa durée de l’action hypnotique est proportionnelle à la dose : la demi- vie ne peut seule être prise en compte. La variabilité interindividuelle explique qu’il faille adapter de façon rigou-reuse la posologie à chaque situation en commençant systé-matiquement par la dose la plus faible et en n’augmentant que selon les paliers les plus restreints.

Il faut absolument n’administrer que la posologie minimum effi cace et réduire systématiquement la dose par deux chez le sujet âgé. Les posologies moyennes des hypnotiques sont présentées dans le tableau 35.4.

Optimisation de l’administrationLes hypnotiques doivent s’administrer juste avant le coucher pour prévenir tout risque de chute (personnes âgées, notam-ment).

L’injection IV (lente ou perfusion) ou IM représente la modalité d’utilisation en urgence des anxiolytiques (Tran-

xène, Valium) — ou des benzodiazépines prescrites en anes-thésiologie (Hypnovel, Narcozep) —, car l’action se développe en quelques minutes. Ce mode d’administration n’a aucun intérêt dans le traitement de l’insomnie.

CHAPITRE 35. TRAITEMENT DE L’INSOMNIE

693

NB  : L’injection constitue un mode d’administration fré-quent chez les personnes toxicomanes qui peuvent écraser des comprimés (Rohypnol, notamment) et s’injecter le fi ltrat (risque important d’embolie par « poussières », reliquats d’ex-cipient et micro- agglomérats, ainsi que risque de dépression respiratoire également important si elles associent héroïne, méthadone, buprénorphine ou autres opioïdes à des benzo-diazépines).

Prévention de l’iatropathologie

Prévention des risques majeurs

Contre- indicationsVoir le tableau 35.5.

Tableau 35.4.Posologies moyennes et nombre de prises des hypnotiques.

Familles DCI Noms commerciaux Posologies moyennes adulte (mg/j)

Benzodiazépines estazolam Nuctalon 1 à 2

fl unitrazépam Rohypnol 0,5 à 1

loprazolam Havlane 0,5 à 1

lormétazépam Noctamide 0,5 à 2

nitrazépam Mogadon 2,5 à 10

témazépam Normison 10 à 20

Imidazopyridines zolpidem Stilnox 10 à 20

Cyclopyrrolones zopiclone Imovane 7,5

Antihistaminiques alimémazine Théralène 5 à 20

doxylamine Donormyl 7,5 à 15

niaprazine Nopron Enfants 1 à 2 mg/kg

prométhazine Phénergan 25 à 50

Mélatoninergiques mélatonine Circadin 2 (soit 1 cp 1 à 2 h avant le coucher et après le dîner)

Tableau 35.5.Contre- indications des hypnotiques.

CI absolues CI relatives

Benzodiazépines Hypersensibilité à l’un des composantsInsuffi sance hépatique sévèreInsuffi sance respiratoire sévèreSyndrome d’apnée du sommeilEnfants < 15 ans (fl unitrazépam)

MyasthénieAllaitementEnfants < 15 ans (témazépam, lormétazépam)

Benzodiazépines apparentées :zopiclone, zolpidem

Hypersensibilité à l’un des composantsInsuffi sance hépatique sévèreInsuffi sance respiratoire sévèreSyndrome d’apnée du sommeil

MyasthénieEnfants de moins de 15 ansAllaitement

Mélatonine (Circadin) – –

Prométhazine (Phénergan)alimémazine (Théralène)

HypersensibilitéEnfant de moins de 6 ans

Grossesse et allaitement

Doxylamine (Donormyl) Enfant de moins de 6 ansTroubles urétro- prostatiquesRisque de glaucome par fermeture de l’angle

Niaprazine (Nopron) Hypersensibilité

PARTIE VII. PATHOLOGIE NEUROLOGIQUE ET PSYCHIATRIQUE

694

Interactions médicamenteuses à proscrireLes interactions médicamenteuses présentées dans le tableau 35.6 se limitent à un niveau « association déconseillée ». Aucune interaction de niveau « contre- indication » n’est décrite pour les hypnotiques.L’usage d’alcool majore les effets sédatifs et amnésiants de tous les hypnotiques, y compris des antihistaminiques. Il faut donc proscrire l’usage de boissons alcoolisées dans le contexte de leur administration. Il semble cependant que les réactions soient variables selon les produits, plus sensibles avec des produits d’action rapide comme le triazolam (Halcion retiré

du marché en 2005), et limitées avec le zolpidem (Stilnox) ou la zopiclone (Imovane).

Prévention des effets indésirablesLa marge thérapeutique des benzodiazépines hypnotiques est faible : cette notion demeure vivace à l’esprit. Il est en effet diffi cile de revendiquer une action à la fois rapide et intense par effet de pic et d’espérer simultanément l’absence de toute action non hypnotique lors du pic (amnésie, confusion men-tale, troubles du comportement, modifi cations de l’hypno-gramme, etc.). Ces effets ne sont toutefois observables que si le patient est réveillé à un moment coïncidant ou presque avec le pic plasmatique. Le tableau 35.7 présente la compa-raison des principaux effets indésirables par classe d’hypno-tiques.Les effets indésirables des benzodiazépines hypnotiques sont qualitativement analogues à ceux envisagés pour les benzodiazépines anxiolytiques. On a aussi décrit, de façon identique au plan qualitatif, des effets similaires

pour les cyclopyrrolones ou les imidazopyridines (mieux tolérées cependant au niveau de la fonction ventilatoire) et quelques- unes plus spécifi ques d’un composé précis (par exemple, amertume matinale, avec sensation de goût « métallique » et sécheresse buccale avec la zopiclone). Des comportements paradoxaux ont été observés, associant, une demi- heure environ après la prise du produit, halluci-nations et troubles visuels, précédant une phase de sommeil profond avec amnésie au réveil. Si les structures chimiques sont différentes, les paramètres cinétiques sont proches. Ces effets pourraient être corrélés à la rapidité de l’élévation des concentrations sériques. Il en va de même des effets sur la mémoire.

La mélatonine bénéfi cie d’une tolérance satisfaisante  : les effets indésirables se traduisent par de la nervosité, des cépha-lalgies, des sensations vertigineuses.

Il faut cependant souligner ici certains aspects plus spéci-fi ques relatifs à l’usage des hypnotiques benzodiazépiniques et apparentés : effets résiduels, risque de dépendance, interac-tions avec l’alcool, insomnie de rebond.

Effets résiduelsVoir chapitre 36, « Traitement de l’anxiété ».

Insomnie de rebondRapportée dans 3 à 7 % des cas, elle survient davantage avec les produits hypnotiques qu’avec ceux simplement utilisés comme anxiolytiques. L’insomnie de rebond est condition-née par la puissance du produit, une poso logie élevée, un terrain favorable. Une demi- vie prolongée (supérieure à une

Tableau 35.6.Interactions médicamenteuses de niveau « association déconseillée » des hypnotiques.

Médicamentsautres

Niveaux MécanismesRemarques et conseils

– Benzodiazépines hypnotiques et apparentés (zopiclone, zolpidem)– Antihistaminiques H1 sédatifs (acéprométazine, alimémazine, doxylamine, prométhazine)– Mélatonine

Alcool AD Majoration par l’alcool de l’effet sédatif des benzodiazépinesÉviter la prise de boissons alcoolisées et de médicaments contenant de l’alcool lors d’un traitement par benzodiazépines, apparentés ou antihistaminiquesL’alcool diminue l’effi cacité de la mélatonine sur le sommeil

Tableau 35.7.Comparaison des effets indésirables des principales classes d’hypnotiques.

Benzodiazépines Benzodiazépines apparentées(zolpidem, zopiclone)

Antihistaminiques

Effi cacité +++ +++ + à ++ +++

Effets indésirables de pic (mémoire, troubles du comportement)

++ à +++ + à ++ + +++

Effets résiduels (à posologie adaptée) ± ± ++ ±

Dépendance +à ++ ± 0 +++

Toxicité ± ± ± +++

Index thérapeutique +à ++ ++ +

CHAPITRE 35. TRAITEMENT DE L’INSOMNIE

695

journée) et une hypersensibilisation des récepteurs explique-raient qu’elle s’observe volontiers chez le sujet âgé (risque de chute avec fracture du col du fémur) ou l’enfant jeune. Ce phénomène ne semble pas décrit avec la mélatonine.

DépendanceLa dépendance aux hypnotiques fut décrite dès le XIXe  siècle, avec les barbituriques et le chloral. Les bar-bituriques d’action rapide (pentobarbital, sécobarbital) peuvent donner lieu à une forte dépendance, qu’ils soient utilisés par voie orale ou IV (barbiturisme ou barbituro-manie). Cette toxicomanie est caractérisée par une impor-tante réduction de l’activité intellectuelle, une irritabilité, une agressivité et des troubles de la personnalité proches de ceux décrits dans l’alcoolisme. Les réactions du sujet sont liées au contexte de l’usage. Le sevrage brutal expose à des risques psychiques (anxiété, attaques de panique, état confusionnel, bouffées délirantes) mais surtout somatiques graves. Des décès ont été décrits. La prudence impose, dans tous les cas, de réaliser un sevrage progressif. L’arrêté du 2 septembre 1988 a largement limité l’usage abusif de bar-bituriques en restreignant de façon drastique les possibili-tés de prescription.

Les risques et signes de dépendance aux benzodiazépines hypnotiques ont été évoqués dans le chapitre « Traitement de l’anxiété ».

Les tests prédictifs de dépendance, sur modèle animal, se sont révélés négatifs pour le zolpidem (Stilnox) ou la zopi-clone (Imovane). Néanmoins, une grande prudence s’impose lors de leur prescription car des dépendances ont été depuis décrites.

Les antihistaminiques et la mélatonine, quant à eux, ne donnent pas lieu à des phénomènes de dépendance.

L’arrêté du 7  octobre 1991 limite la prescription de tous les hypnotiques à quatre semaines. La réglementation de cer-taines molécules est, de plus, soumise à des dispositions spé-cifi ques : la prescription du fl unitrazépam est ainsi limitée à deux semaines. De plus, il ne peut être délivré que pour une durée maximale de sept jours, dans les mêmes conditions que s’il s’agissait d’un stupéfi ant (arrêté du 1er février 2001). Les antihistaminiques ne sont pas visés par ces deux arrêtés. Dans tous les cas, le prescripteur est tenu de revoir le patient afi n d’évaluer l’effi cacité du traitement et peut, s’il le juge indis-pensable, reconduire la prescription.

L’index thérapeutique défavorable des associations à visée hypnotique contenant un ou deux antipsychotiques et un anxiolytique (carbamate ou BZD), comme le Noctran et la Mépronizine, explique leur retrait du marché en 2011- 2012.

CONSEILS AU PATIENTCe sont avant tout des conseils simples d’hygiène de vie afi n de limiter au maximum le recours aux hypnotiques : – proscrire tout excitant ou tout stimulant (veiller notamment à ne pas consommer de thé ou de café après 16 heures) ;

– limiter ou, mieux, proscrire, l’usage de boissons alcoolisées et, particulièrement, proscrire toute consommation d’alcool en soirée ;

– faire un repas très léger le soir ; – mener une vie régulière, prendre les repas à heures stables, respecter un moment de détente en soirée ;

– reprendre une activité physique et sportive de préférence le matin ou en début d’après- midi, mais pas le soir avant l’heure du coucher ;

– respecter l’heure d’endormissement physiologique repé-rable par la sensation de fatigue, les bâillements, une atten-tion en baisse, correspondant à une mise au repos des sys-tèmes d’éveil, à une baisse des sécrétions hormonales et de la température centrale ;

– éviter de visionner des fi lms violents ou stressants avant le coucher, ne pas prendre l’habitude de regarder la télévision au lit ;

– respecter un rituel d’endormissement  : lecture, musique douce, câlins ;

– dormir dans une pièce fraîche ; – dormir à l’abri du bruit.En cas d’utilisation d’hypnotique :

– éviter de conduire et d’utiliser des machines ; – leur arrêt doit toujours être progressif si la durée du traite-ment a dépassé une dizaine de jours.

Ce qu’il faut retenir

Insomnie

La marge de sécurité des hypnotiques modernes est satisfaisante  : elle ne doit cependant pas constituer un encouragement à utiliser une solution médicamenteuse durable à tout problème insom-niaque.

Stratégie thérapeutique

Hygiène de vie, benzodiazépines, apparentés (zopiclone, zolpidem), mélatonine ou antihistaminiques doivent être rigoureusement adap-tés à chaque patient :• selon le type d’insomnie :

– traitement spécifi que de l’affection primaire dans les insomnies psychiatriques (dépression, psychose, etc.) : antipsychotiques ou antidépresseurs ;

– traitement médicamenteux hypnotique dans les insomnies transitoires ou dans les insomnies d’origine somatique, dès que le traitement étiologique est impossible ou insuffi sant. Les diverses formes d’insomnies intrinsèques relèvent de l’hygiène de vie, mais un traitement médicamenteux peut s’avérer néces-saire. Il faut alors prévenir le risque de survenue d’une dépen-dance, en prescrivant un traitement discontinu. Les insomnies sévères ou organiques peuvent, quant à elles, faire imposer un traitement quotidien ;

• selon le terrain : – insuffi sance respiratoire : éviter les benzodiazépines et privilé-

gier les antihistaminiques, le zolpidem, la zopiclone ou, dans le cadre de son AMM, la mélatonine ;

– insuffi sances hépatique et rénale  : adapter la posologie, si nécessaire ;

PARTIE VII. PATHOLOGIE NEUROLOGIQUE ET PSYCHIATRIQUE

696

ÉTUDE DE CAS CLINIQUES

CAS CLINIQUE N° 1Un homme de 71 ans se plaint de troubles du sommeil d’ins-tallation récente lors d’une consultation auprès de son méde-cin généraliste. Sa femme, âgée de 70 ans, est atteinte par la maladie d’Alzheimer et a dû être placée dans une maison d’ac-cueil spécialisée. Il s’est occupé d’elle avec attention et affec-tion depuis maintenant presque 3 ans mais ne pouvait plus faire face à des charges devenues bien trop lourdes.

Il précise à l’interrogatoire s’endormir relativement facile-ment, mais souffre de réveils en pleine nuit avec impossibi-lité de retrouver le sommeil, sauf parfois au petit matin. Son état de santé général n’a pas évolué récemment. Il souffre d’une dysurie induite par un adénome prostatique et d’une bronchite chronique occasionnée par un tabagisme impor-tant.

Questions1. Quel type de traitement peut être prescrit dans ce cas ?

A) Aucun.B) Un traitement hypnotique par barbituriquesC) Un traitement hypnotique par benzodiazépines ou

équivalentsD) Un traitement antidépresseurE) Une psychothérapie Le médecin a prescrit à ce patient un traitement

associant du bromazépam (Lexomil, ¼, ¼ et ½ com-primé) et du zolpidem (Stilnox, 1 comprimé par jour) pour une durée de 4 semaines.

2. Quels sont les conseils donnés au patient avec cette ordonnance ? Ce traitement semble insuffi sant. Au bout d’un mois,

le patient est toujours insomniaque. Il est extrême-

Les valeurs normales des constantes biologiques fi gurent en annexe.

ment fatigué et rumine des préoccupations liées à la mort de sa femme qu’il juge imminente et à sa propre santé. Il mange peu et fume beaucoup.

3. Que peut inspirer cette évolution ? Le médecin modifi e le traitement. Il prescrit de la

fl uvoxamine (Floxyfral) à la posologie de 100 mg ainsi que du témazépam (Normison) à la posolo-gie de 20 mg chaque soir, le tout sur une nouvelle période de 4 semaines. Au bout de 10 jours, il est appelé par le service des urgences de l’hôpital géné-ral voisin qui lui apprend que le patient a été amené la nuit précédente pour chute ayant entraîné une fracture du dol fémoral, dans un contexte général d’agressivité, d’agitation et de nervosité. Son état général s’est largement dégradé et le malade est très affaibli.

4. Cette chute et cette agressivité sont- elles liées au traite-ment de ce patient ?

5. Que peut- on proposer dans ce contexte ?

Réponses1. Ce type de prise en charge est toujours délicat. L’absten-

tion de traitement médicamenteux peut être mal vécue par le patient. Elle peut pourtant constituer une pre-mière étape, sur quelques jours, si cette période est mise à profi t pour sécuriser le patient, analyser ses problèmes et réfl échir avec lui aux solutions. Il est évident, dans ce cas, que ce patient est devenu insomniaque car il est inquiet pour sa femme qui est désormais éloignée de lui. Il vient de vouer à ses soins une période prolongée de son existence et se retrouve brutalement isolé et rela-tivement désœuvré. Il ne peut plus « s’approprier » les soins à sa femme. Un travail psychologique peut être mis en place. Cette stratégie requiert du temps et n’est pas toujours possible.

– myasthénie : contre- indication relative à l’emploi de benzodia-zépines et apparentées ;

– glaucome par fermeture de l’angle, rétention urinaire : contre- indication à l’emploi d’antihistaminiques en raison de leur composante anticholinergique ;

– personne âgée : la posologie d’un traitement hypnotique doit être systématiquement réduite chez la personne âgée, pour prévenir tout risque de confusion mentale, d’effets sédatifs rési-duels ;

– enfant : la prise en charge des insomnies de l’enfant passe avant tout par le respect de règles élémentaires d’hygiène (environ-nement serein, respect de la typologie veille- sommeil, prise en charge psychologique de l’enfant mais souvent aussi de la famille). Dans le cas où la prescription est jugée incontournable,

elle doit recourir à des médicaments dont l’AMM autorise l’ad-ministration à l’enfant de moins de 15 ans (Nopron, Théralène, Nuctalon, Mogadon) ;

– la grossesse constitue une contre- indication relative (premier trimestre, notamment) à l’utilisation des antihistaminiques dans le traitement des troubles du sommeil ;

– chez la femme allaitante, l’administration d’hypnotiques, tous éliminés partiellement dans le lait, peut entraîner une sédation importante du nourrisson.

Les principes de la RMO du 14 novembre 1998 doivent être parfai-tement connus de façon à prévenir tout risque de dépendance au traitement  : pas d’association de deux hypnotiques, prescription d’hypnotiques limitée à 4 semaines (2 semaines pour le fl unitra-zépam).

CHAPITRE 35. TRAITEMENT DE L’INSOMNIE

697

2. Ce traitement associe la prescription d’un anxiolytique et d’un hypnotique. On peut se demander s’il n’est pas redondant et ce d’autant plus que les posologies sont celles destinées à un sujet plus jeune. Le médecin et le pharma-cien doivent rappeler la nécessité de ne pas consommer d’alcool avec ces médicaments (risque d’altération de la vigilance, notamment en cas de conduite automobile). L’usage associé d’autres médicaments sédatifs (antihista-miniques par exemple) peut également potentialiser l’ef-fet sédatif des benzodiazépines. Le patient sera prévenu des effets indésirables liés aux traitements  : sensations ébrieuses, asthénie et hypotonie musculaire.

3. Cette évolution clinique évoque une composante dépres-sive expliquant probablement les troubles du sommeil. Dans ce cas, un traitement antidépresseur convenable-ment adapté permet généralement, à lui seul, de restaurer un sommeil de qualité.

4. Bien sûr, l’administration des benzodiazépines comme celles d’analogues, notamment dans le traitement de l’in-somnie mais aussi dans celui de l’anxiété, détermine sou-vent une somnolence rémanente à l’origine d’accidents nombreux à la maison (chute de personnes âgées à l’occa-sion notamment d’un réveil nocturne pour uriner, ce qui s’est révélé être le cas pour ce patient prostatique) mais aussi d’accidents de la circulation et d’accidents sportifs (au ski en particulier). Des réactions paradoxales ne sont pas rares chez l’en-

fant ou la personne âgée, particulièrement dans un contexte de grande anxiété, ce qui est le cas chez ce patient. Il faut toujours y penser lors de la prescrip-tion de benzodiazépines chez le vieillard.

La posologie prescrite ici est trop importante. Le zol-pidem aurait dû être administré à moitié dose, tout comme le témazépam. La plus grande vigilance doit toujours accompagner la prescription de semblables médicaments chez la personne âgée.

5. Avant toute chose, le traitement doit viser à améliorer l’état général du patient. La composante dépressive sera traitée sans pour autant administrer trop de psychotropes afi n qu’il puisse se réapproprier les bouleversements récemment survenus dans sa vie. Toute administration de benzodiazépines ou apparentés sera supprimée, du moins dans un premier temps, et l’on évitera bien sûr de prescrire des neuroleptiques. Cette agitation passagère s’abolit spontanément dès que l’imprégnation par les ben-zodiazépines cesse. On veillera à l’hydratation du patient, à son alimentation et une aide à domicile devra être pré-vue pour sa sortie de l’hôpital.

CAS CLINIQUE N° 2Madame T., 62  ans, vient consulter son médecin. Elle uti-lise depuis maintenant une dizaine d’années un médicament « pour dormir » qu’elle apprécie beaucoup : la mépronizine. La prescription a été régulièrement renouvelée à la demande

de cette patiente, par ailleurs visiblement hypocondriaque et particulièrement angoissée depuis le décès de son mari il y a 4  ans. Elle a depuis fi nit par prendre entre 1,5 puis 2 cp chaque soir, peu avant son coucher. Nouvelle source d’an-xiété : le pharmacien vient de lui apprendre que ce médica-ment a été retiré du commerce. Madame T. demande donc au médecin si, vraiment, il n’est plus possible d’obtenir ce traite-ment. Ce dernier lui confi rme l’information, soulignant qu’il s’agit d’une décision valable partout en France et satisfaisant à un légitime besoin de limiter l’usage d’un médicament dont le bénéfi ce thérapeutique objectif est réduit au regard des effets secondaires induits.

Questions1. Que propose le médecin ?

Le médecin a prescrit un traitement par Imovane (1 cp au coucher). Deux semaines plus tard, la patiente prend rendez- vous. Elle dit ne pas supporter ce trai-tement. D’une part, elle ressent une saveur « métal-lique » très désagréable dans la bouche notamment au réveil, le matin, mais, surtout, elle ne parvient pas à dormir. Madame T. souhaite augmenter la dose de l’hypnotique, pour retrouver le sommeil « de qua-lité » qu’elle connaissait auparavant. Elle se dit plus stressée qu’à l’ordinaire et ressent des maux de tête dans la journée.

2. À quoi est dû cette saveur « métallique » ?3. Quelle est l’attitude du médecin ?

Réponses1. Le médecin évalue, conformément aux recommandations

de la HAS, la diffi culté de la patiente à arrêter ce trai-tement dont elle est devenue dépendante et auquel elle est devenue accoutumée, d’où une escalade posologique la conduisant à prendre quotidiennement une forte dose de l’hypnotique. La nature du médicament (association d’acépromatézine, un anti- histaminique H1 de première génération, puissant et sédatif, et d’un carbamate, le méprobamate), la posologie utilisée (au- delà de l’AMM fi xant à 1cp/j la dose de Mépronizine), l’ancienneté de la consommation, le profi l psychologique (anxiété, hypo-condrie) de Madame laissent présager de réelles diffi cul-tés à faire le deuil de son hypnotique… Il opte pour la prescription d’un hypnotique classique, la zopiclone, en évoquant déjà avec Madame T. la nécessaire réduction des doses ultérieures en vue d’un sevrage progressif. Il n’opte pas pour la mélatonine (Circadin) car la patiente est visiblement trop anxieuse, et ce traitement serait d’une effi cacité trop modeste.

2. La saveur « métallique » dans la bouche est un effet indé-sirable bénin assez banalement rapporté lors de l’usage de zopiclone, comme d’autres médicaments. L’origine exacte de cette dysgueusie est mal déterminée, mais probable-

PARTIE VII. PATHOLOGIE NEUROLOGIQUE ET PSYCHIATRIQUE

698

ment à relier à la légère action anticholinergique de la molécule : la sécheresse buccale, variable entre individus, crée un environnement défavorable au bon fonctionne-ment des cellules des papilles gustatives de la muqueuse buccale. Cette saveur peut se révéler désagréable pour l’usager du médicament  : pour autant, elle ne remet en cause ni l’effi cacité du traitement ni sa tolérance générale.

3. Le médecin récuse toute augmentation de la posologie et en explique les raisons. Les signes décrits par la patiente ne sont autres que des signes de sevrage. La Mépronizine, en effet, contenait 400 mg de méprobamate, un anxio-lytique puissant  : en fait, c’est exactement la quantité d’un comprimé d’Équanil, un tranquillisant dont l’AMM a été suspendue en 2011 en raison de sa toxicité. Le com-primé de zopiclone exerce une action moins puissante, d’où les signes de sevrage dont se plaint Madame T. le médecin explique à nouveau l’enjeu de cette substitution. Il propose à la patiente de poursuivre ce traitement pen-dant 2 semaines, puis de mettre en œuvre une réduction progressive des doses, par paliers, en faisant alterner des comprimés entiers et des demi- comprimés, puis en n’uti-lisant que des demi- comprimés, eux- mêmes pris un soir sur deux, etc. Madame T. sera directement impliquée dans la gestion de ce sevrage en tenant un calendrier de décroissance posologique, associé à un agenda du som-meil. Il est, comme dans tant d’autres domaines de la médecine, indispensable de réaliser ici une alliance thé-rapeutique avec la patiente. Le médecin proposera aussi à

Madame T., qui y sera plus attentive qu’il n’imaginait, un accompagnement adapté, destiné à travailler son anxiété, qui, visiblement, est à l’origine de sa surconsommation en hypnotique.

RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUESBilliard M. Le sommeil normal et pathologique. Masson, Paris, 1999 (2e éd.), 570 p.Finucane TE. Evidence- based recommendations for the assessment and management of sleep disorders in older persons. J Am Geriatr Soc 2009 ; 57 : 2173- 4.Haute autorité de santé. Modalités d’arrêt des benzodiazépines et médicaments apparentés chez le patient âgé. Recommandations, 2007. www.has- sante.fr Haute autorité de santé. Quelle place pour la mélatonine (Circadin) dans le traitement de l’insomnie ? 2009. www.has- sante.fr National Institute for health and Clinical Excellence (2010) - NICE recommends treatment for sleep disorders, sur : www.nice.org.uk Lader M, Tylee A, Donoghue J. Withdrawing benzodiazepine in pri-mary care. CNS Drugs 2009 ; 23 : 19- 34.Schutte- Rodin S, Broch L, Buysse D, Dorsey C, Sateia M. Clinical guideline for the evaluation and management of chronic insomnia in adults. J Clin Sleep Med 2008 ; 4 : 487- 504.Senon JL, Richard D. Thérapeutique psychiatrique, Hermann, Paris, 1995.Société de formation thérapeutique du généraliste avec le partenariat méthodologique de l’HAS. Recommandations pour la pratique cli-nique : prise en charge du patient adulte se plaignant d’insomnie en médecine générale, 2007.