CHAPITRE 2 LA SPECTROMETRIE RMN · C.J. Ducauze et D.N. Rutledge AgroParisTech

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C.J. Ducauze et D.N. Rutledge AgroParisTech 39 CHAPITRE 2 LA SPECTROMETRIE RMN « Spectrométrie RMN » veut dire qu’on s’intéresse aux informations qu’apportent les spectres, c’est-à-dire à un ensemble d’observations effectuées sur le domaine des fréquences. On ne va donc pas se préoccuper ici des applications de la RMN sur le domaine temps, de la RMN-IBR par exemple ou de l’IRM. L’objectif de ce chapitre n’est pas non plus d’être exhaustif sur les applications de la spectrométrie RMN : on va essentiellement se limiter à l’étude des spectres du proton 1 H en vue d’identifier la structure des molécules organiques. L’objectif est d’introduire en fait quelques notions fondamentales qui seront aisément transposables à l’étude d’autres spectres. 1 – LES DEPLACEMENTS CHIMIQUES 1-1- Notion de déplacement chimique : définition et notations utilisées Si l’on se bornait à étudier – comme cela a été fait au chapitre 1 pour essayer de comprendre le phénomène de RMN – un ensemble de protons magnétiquement équivalents, tous soumis au même champ d’induction 0 B , le spectre de RMN ne comporterait qu’un signal unique à une radiofréquence 0 ν telle que 0 0 B ν γ = … et la spectrométrie RMN ne serait alors d’aucun intérêt. Mais comme on l’a déjà vu (Ch.I, §3), les protons observés appartiennent en réalité à des molécules. Ils baignent dans le nuage électronique que forme l’ensemble des orbitales moléculaires et la densité électronique au voisinage d’un proton dépendra de sa position dans la molécule. Or sous l’effet d’un champ magnétique 0 H appliqué à l’échantillon, les orbitales moléculaires vont s’orienter dans l’espace de façon à créer en chaque point une induction magnétique proportionnelle mais de sens opposé à 0 B : on se trouve en présence d’un diamagnétisme électronique, beaucoup plus intense que le paramagnétisme nucléaire et d’autant plus intense que la densité électronique est plus forte au point considéré. Les électrons qui se trouvent au voisinage d’un proton (i) vont en quelque sorte constituer un écran au champ magnétique imposé 0 H , si bien que ce proton est soumis à une induction magnétique 0 B diminuée d’une induction magnétique 0 i B σ , i σ désignant la constante d’écran. Ainsi l’ensemble des protons (i) chimiquement équivalents, c’est-à-dire l’ensemble des protons au voisinage desquels la densité électronique est identique, seront soumis à une

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CHAPITRE 2

LA SPECTROMETRIE RMN

« Spectrométrie RMN » veut dire qu’on s’intéresse aux informations qu’apportent les spectres,

c’est-à-dire à un ensemble d’observations effectuées sur le domaine des fréquences. On ne va

donc pas se préoccuper ici des applications de la RMN sur le domaine temps, de la RMN-IBR

par exemple ou de l’IRM. L’objectif de ce chapitre n’est pas non plus d’être exhaustif sur les

applications de la spectrométrie RMN : on va essentiellement se limiter à l’étude des spectres du

proton 1H en vue d’identifier la structure des molécules organiques. L’objectif est d’introduire en

fait quelques notions fondamentales qui seront aisément transposables à l’étude d’autres spectres.

1 – LES DEPLACEMENTS CHIMIQUES

1-1- Notion de déplacement chimique : définition et notations utilisées

Si l’on se bornait à étudier – comme cela a été fait au chapitre 1 pour essayer de comprendre

le phénomène de RMN – un ensemble de protons magnétiquement équivalents, tous soumis

au même champ d’induction 0B�

, le spectre de RMN ne comporterait qu’un signal unique à

une radiofréquence 0ν telle que 0 0Bν γ= … et la spectrométrie RMN ne serait alors d’aucun

intérêt. Mais comme on l’a déjà vu (Ch.I, §3), les protons observés appartiennent en réalité à

des molécules. Ils baignent dans le nuage électronique que forme l’ensemble des orbitales

moléculaires et la densité électronique au voisinage d’un proton dépendra de sa position dans

la molécule. Or sous l’effet d’un champ magnétique 0H�

appliqué à l’échantillon, les orbitales

moléculaires vont s’orienter dans l’espace de façon à créer en chaque point une induction

magnétique proportionnelle mais de sens opposé à 0B�

: on se trouve en présence d’un

diamagnétisme électronique, beaucoup plus intense que le paramagnétisme nucléaire et

d’autant plus intense que la densité électronique est plus forte au point considéré.

Les électrons qui se trouvent au voisinage d’un proton (i) vont en quelque sorte constituer un

écran au champ magnétique imposé 0H�

, si bien que ce proton est soumis à une induction

magnétique 0B�

diminuée d’une induction magnétique 0i Bσ�

, iσ désignant la constante

d’écran. Ainsi l’ensemble des protons (i) chimiquement équivalents, c’est-à-dire l’ensemble

des protons au voisinage desquels la densité électronique est identique, seront soumis à une

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induction magnétique iB�

telle que : 0 1i iB B ( )σ= −� �

. Il est à remarquer qu’on vient

d’introduire ici le terme « chimiquement équivalent » qui diffère du terme « magnétiquement

équivalent », ce dernier prenant à la fois en compte l’environnement électronique et

l’environnement nucléaire auquel est liée la notion de couplage spin-spin.

On va prendre maintenant l’exemple du spectre de RMN des protons de la molécule

CH3-O-CH2-O-CH3. Ce di-éther a été mis en solution dans du chloroforme deutéré CDCl3 qui

ne contient pas de protons et on a préalablement rajouté à l’échantillon, en très petite quantité,

du tétraméthyl-silane (TMS), représenté ci-dessous, pour lequel on voit bien que tous les

protons sont identiques et soumis à une forte densité électronique.

H3C

CH3

Si le champ magnétique du spectromètre utilisé est de 2,35 T (0ν = 100 MHz ), le spectre

obtenu est celui de la figure1. Sur ce spectre, on peut mesurer – en Hz par exemple – la

distance qui sépare les pics de résonance. On peut aussi mesurer la surface de ces pics.

Si

3

1

TMS

327 Hz

448 Hz

0υ ց

0H ր

FIGURE 1 : Spectre 1H de CH3-O-CH2-O-CH3 dans CDCl3 (Référence = TMS)

enregistré avec un spectromètre RMN de 100 MHz

CH3

CH3

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Deux pics apparaissent, séparés d’une distance de 121 Hz; puis un pic, à une fréquence encore

plus basse, qui correspond sans aucun doute au TMS. On constate également que les surfaces

des deux pics correspondant au di-éther sont dans un rapport de 1 à 3. Or le composé étudié

renferme 2 protons méthyléniques pour 6 protons méthyliques : la concentration de ces

protons est donc dans un rapport de 1 à 3 et, la surface de chaque pic étant proportionnelle à la

concentration analytique, on va donc en déduire que le pic le plus proche de celui du TMS, à

une distance de 327 Hz de ce dernier, correspond aux protons méthyliques, alors que le plus

éloigné, à 448 Hz, doit correspondre aux protons méthyléniques. Ceci n’a rien d’étonnant, si

l’on remarque que les protons –CH2- se trouvent entre deux atomes d’oxygène dont l’effet

inductif est bien connu et qui, attirant les électrons, vont diminuer le diamagnétisme

électronique au voisinage des protons méthyléniques, diamagnétisme auquel on associe une

constante d’écran2CHσ − − . Ces protons sont donc soumis à une induction magnétique plus

proche de 0B�

et donnent donc un pic de résonance à une fréquence plus élevée que les

protons méthyliques. On dira alors que le blindage des protons méthyléniques est moins

important que celui des protons méthyliques ; ou encore que ces derniers sont plus blindés que

les précédents.

Considérant la formule fondamentale de la RMN – à savoir : 0 1i i iB B ( )ν γ γ σ= = − – on

voit que si l’on choisit de fixer 0H�

, c’est-à-dire 0B�

, la fréquence de résonance iν d’un

ensemble de protons (i) chimiquement équivalents sera d’autant plus élevé que iσ est plus

faible. Inversement, si l’on fixe à 0ν la fréquence de résonance, le champ 0H�

devra être

d’autant plus élevé que la constante d’écraniσ - c’est-à-dire le blindage - sera plus élevée. On

comprend ainsi que les protons du TMS, au voisinage desquels la densité électronique est

élevée, « sortent à champ fort » : on les distinguera facilement des autres protons et ils ne

viendront pas perturber le spectre enregistré ; c’est la raison pour laquelle le TMS est utilisé

comme repère.

On peut également remarquer que iν est proportionnel à 0B , ce qui veut dire que deux pics de

résonance différents seront d’autant mieux séparés que 0B , et donc le champ appliqué 0H→

,

sera plus élevé : l’utilisation de champs magnétiques élevés améliore donc la résolution sur

les spectres enregistrés. La distance qui sépare le pic de résonance d’un ensemble de protons

chimiquement équivalents du pic des protons du TMS est donc proportionnelle à 0B et, si l’on

veut caractériser chaque catégorie de protons par une mesure indépendante des

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caractéristiques du spectromètre utilisé, on va se ramener à la distance qui sépare leurs

constantes d’écran respectives. Si Rσ désigne la constante d’écran des protons du TMS et

celle d’un ensemble de protons (i) chimiquement équivalents, on va donc calculer leur

différence : R RR

0 0

i ii i

B B

B

ν νδ σ σ

ν− −

= − = = .

iδ est défini comme étant le déplacement chimique des protons (i), cette grandeur étant donc

indépendante de 0B , c’est-à-dire du champ magnétique 0H�

appliqué.

Cette grandeur qui est en général positive – un contre-exemple sera donné plus loin au §131 –

est exprimée en ppm car la différence ( Riν ν− ) est de l’ordre de grandeur de quelques

centaines d’hertz alors que 0ν est de l’ordre de grandeur de la centaine de MHz. Pour

l’exemple de la figure 1, on peut ainsi calculer :3CH 6

3273 27 ppm

100 10,

.δ− = = et

2CH 6

4484 48 ppm

100 10,

.δ− = = .

De façon générale, le domaine du déplacement chimique des protons s’étend sur moins de 15

ppm et le plus souvent, comme on le voit sur les figures 2 et 2bis, sur à peine plus de 10 ppm.

Comme on va le voir, les valeurs d’un déplacement chimique peuvent être expliquées au

moyen de quelques concepts usuels en chimie organique, par exemple des effets inductifs ou

mésomères ou encore certaines anisotropies magnétiques dans l’espace. Il convient également

de noter ici que l’étendue du domaine dépend du type de noyau étudié : en RMN du 13

C par

exemple, les valeurs du déplacement chimique s’étalent sur 300 ppm environ.

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11 10 9 8 7 6 5 4 3 2 1 0

(ppm)

TMS

7,3 CH3OH

CH3Cl CH3COCH3

(2,05)

FIGURE 2 : Représentation de quelques déplacements chimiques du proton (δH)

-CO2H

-O-CH3

Ar-H R-C-H

O

-C-O-CH-

O

C = C

H

N - CH3

H3C-C = C

- C - H

(aliphatique

alicyclique)

H3C- C -

H

H

H0

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OH

OH

NH

δ PPM 8,0 7,0 6,0 5,0 4,0 3,0 2,0 1,0 0

δ PPM

8 7 6 5 4 3 2 1 0

500 400 300 200 100 0 Hz

11,0 10,0 9,0 8,0

C OH

O C H

O

R SH R NH2

H

HS

NH2

R OH

R NH3+

CH CH cycle

CH CH C CH2

CH X

CH O

CH N CH C

O

C CH

CH

CH2 O cycle

CH2 X

C CH2 C

C CH2 C

O

C CH2 N C CH2 NO2

C CH2 O

CH2 cycle

CH3

CH3 O

CH3 N

CH3 S

CH3 C

O CH3 C

CH3 C O

CH3 C X

CH3 C C

CH3 Si

R

H

H

FIGURE 2Bis : Déplacements chimiques des principaux types de protons en chimie organique

(d’après un document Bruker Biospin)

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1-2- Déplacement chimique et effet électronique des substituants

Il va de soi que plus la densité électronique au niveau d’un proton (i) est forte, autrement dit plus

la constante d’écran est élevée, plus le déplacement chimique iδ est faible ; le signal de RMN du

proton (i) « sortira » donc alors à champ plus élevé.

On conçoit ainsi aisément que la présence dans une molécule d’un groupement fonctionnel ayant

un effet inductif attractif, comportant par exemple un hétéroatome tel que l’azote ou l’oxygène,

va diminuer dans son voisinage la densité électronique sur les protons et donc la constante

d’écran qui leur correspond : ce « déblindage » implique l’apparition du signal à un champ plus

faible, vers la gauche d’un spectre enregistré à champ croissant.

Ainsi, si l’on considère une suite d’atomes ayant une électronégativité croissante – I,Br <N,Cl <

O < F – portés par un carbone méthylique, les trois protons correspondants auront un

déplacement chimique qui augmente comme l’électronégativité des atomes considérés. On

pourra donc prévoir par exemple que: ppm 3 ppm 3( >N CH ) < ( O CH )δ δ− − − . De plus, on constate

que les effets inductifs vont pouvoir se renforcer les uns les autres, ce qui explique qu’au proton

du chloroforme H-CCl3 va correspondre un déplacement chimique δ =7,27 ppm.

N.B. : Lorsque CDCl3 est utilisé comme solvant, on observera souvent sur le spectre un pic de faible intensité à 7,27

ppm correspondant à CHCl3 qui reste à l’état d’impureté dans le chloroforme deutéré.

Si l’on considère à présent certains hydrocarbures éthyléniques substitués, on va devoir aussi

prendre en compte un effet mésomère qui affecte la répartition des électrons.

Pour une cétone α-éthylénique par exemple :

C

Cl

Cl Cl

H

CC C

O H H

(α) (β)

CC C

H HO

(α) (β)

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On comprend aisément que δ (Hβ) > δ (Hα) ; en fait, au proton situé en β de la fonction cétone

correspond un déplacement chimique d’environ 8 ppm.

On peut également s’intéresser aux effets de groupements fonctionnels hydroxylique ou

carboxylique substitués à un proton sur la molécule de benzène. On verra d’ailleurs ensuite

pourquoi un déplacement chimique δ =7,3 ppm correspond aux protons de la molécule de

benzène.

Si l’on considère la molécule de phénol :

On voit que les protons se trouvant en positions ortho- et para- de la fonction phénol vont être

blindés, en conséquence de quoi ils apparaîtront sur le spectre vers 6 ppm au lieu de 7,3 ppm,

c’est-à-dire à un champ plus élevé.

C’est l’inverse pour la molécule d’acide benzoïque :

Les protons situés en ortho- et para- de la fonction acide sont déblindés et apparaissent donc sur

le spectre à champ plus bas qu’un proton benzénique, vers 8 ppm.

1-3- Déplacement chimique et anisotropies magnétiques

On peut s’étonner que, comme on vient de le voir, un proton benzénique, porté par un carbone

hybridé en sp2, apparaisse sur le spectre à 7,3 ppm, alors qu’on s’attendrait plutôt à un

déplacement chimique voisin de 3 ppm. Ceci est facilement expliqué par l’anisotropie

magnétique au voisinage du noyau benzénique, résultant du courant électronique qui est associé

OH

OH

OH

OH

C

OHO

C

OHO

C

OHO

C

HO O

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à la délocalisation des électrons des orbitales π, de part et d’autre du plan contenant le squelette

hydrocarboné.

1-3-1- Effets de courant électronique

Le modèle présenté sur la figure 3 est validé par la valeur du déplacement chimique des protons

benzéniques mais aussi par le fait qu’on a réussi à construire un polymère sur lequel sont

⇒ Effet

paramagnétique

dans le plan du

noyau benzénique

⇒ Effet

paramagnétique

dans le plan du

noyau benzénique

H H

H H

H H

⇒ Effet diamagnétique

de part d’autre du

noyau benzénique

δց

δր δր

δց

blindage

déblindage déblindage

FIGURE 3 : Description de l’anisotropie magnétique

au voisinage d’un noyau benzénique

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alternativement fixés des groupements méthyliques et des noyaux benzéniques, comme indiqué

sur la figure 4.

Pour ce type de polymère, les protons méthyliques ont un déplacement chimique négatif,

autrement dit leur blindage est plus important que celui des protons du TMS.

Ces effets de courant électronique seront aussi pris en compte dans d’autres cas, par exemple des

groupements éthynyle ou cyano

FIGURE 5 : Exemple d’un groupement éthynyle

Le courant électronique représenté sur la figure 5A qui résulte de la délocalisation des orbitales

π de la liaison carbone-carbone se traduit, comme indiqué sur la figure 5B, par un blindage dans

l’axe de la liaison et par un déblindage à l’extérieur.

1-3-2- Autres anisotropies magnétiques dans l’espace

Il s’agit ici d’anisotropies magnétiques plus faibles. On peut penser par exemple à l’anisotropie

magnétique que crée les liaisons de symétrie plane, comme la liaison éthylénique (Figure 6A) ou

une fonction cétone (Figure 6B).

B0

(A) (B)

H C C H C C

δ

δ

δ

δ

Φ

Φ

Φ

Φ

H3C

H3C

FIGURE 4 : Exemple d’un polymère pour lequel

les protons méthyliques se trouvent

pris en sandwich entre des noyaux

aromatiques (Φ)

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Comme on le voit sur la figure 6, il y a blindage dans l’axe de la double liaison et déblindage

suivant un axe perpendiculaire. On constate un phénomène du même type pour des liaisons de

symétrie axiale telles que C-C, C-O, C-H ou C-Cl, etc. : là aussi il y a blindage dans l’axe de la

liaison et déblindage selon un axe perpendiculaire.

En fait, pour interpréter les phénomènes d’anisotropie magnétique à travers l’espace, on va

considérer que chaque liaison ou groupement fonctionnel d’une molécule se comporte comme un

petit dipôle magnétique ou électrique qui contribue à modifier à distance, à travers l’espace, le

champ local. Ainsi, l’effet d’un dipôle magnétique C-C en un point M sera proportionnel à

l’induction magnétique 0B�

, avec une constante de proportionnalité qui varie comme 2

3

1 3cos

r

θ−

On sera amené à prendre en compte non seulement des effets intramoléculaires mais aussi des

effets intermoléculaires comme les effets de solvant.

L’étude sur les spectres des déplacements chimiques liés à ces différentes anisotropies va fournir

de précieuses indications sur la configuration, voire la conformation des molécules, comme le

montre l’exemple qui suit.

1-3-3- Phénomène d’anisotropie à travers l’espace : étude d’un exemple

Les molécules de 5α-14α androstane (Figure 7A1) et 5β-14α androstane (Figure7B1) donnent

des spectres de RMN dont l’allure est respectivement représentée sur les figures 7A2 et 7B2 : on

observe en fait un massif complexe de pics situés entre 0 et 3 ppm, d’où émergent 2 pics

d’intensité plus forte et qui correspondent donc aux deux groupes méthyliques occupant les

CC

R3

R

R1

R2 4

δց

δց δր

δր

(A) (B)

C O

R

R'

δց

δց

δր

δր

FIGURE 6 : Anisotropies magnétiques correspondant à des

liaisons de symétrie plane

C

C

0 M x

r

θ

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FIGURE 7 : Etude des spectres de RMN d’un stéroïde – les 5α - 14α et 5β - 14α

androstane – et de quelques – uns de leurs dérivés

Me

H

H

12

3

4 5

6 7

8910

1911 12

13

18

14 15

1617

A

B

C DMe

α

α

MeDC

B

A

17 16

1514

18

13

121119

10 9 8

76

4

3

2

1H

Me

5

H

β

α

Hax

A

Heq

A

CN

O

C

OH3C

A

CN

OC

H3C

O

A

0,692 0,792

δppm 3 2 1 0

0,692 0,925

δppm 3 2 1 0

7A1 : molécule de 5α - 14α androstane 7A2 : allure de son spectre RMN

7B1 : molécule de 5β - 14α androstane 7B2 : allure de son spectre RMN

7A3 : 5α - 14α (Hα = Haxial) 7B3 : 5β - 14α (Hβ = Héquatorial)

7D1 7D2

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positions 18 et 19 : un pic apparaît à 0,692 ppm dans l’un et l’autre cas, alors que l’autre pic est

enregistré soit à 0,792, soit à 0,925 ppm ; ceci peut être expliqué en considérant que l’hydrogène

porté par le carbone 5 est en position axiale (voir figure 7A3) sur le cycle A dans le cas du 5α-

14α androstane et en position équatoriale dans le cas du 5β-14α androstane (voir figure 7B3).

Dans le premier cas, la liaison C-H(α) donne un blindage des protons méthyliques qui se

trouvent dans la même direction, c’est-à-dire dans une direction orthogonale au cycle,

contrairement à un proton équatorial.

Si l’on considère à présent la molécule d’acétoxy-3 β, céto-11, ∆16

acétyl-17 5α-14α androstane

qui est représentée sur la figure 8, on peut essayer de prédire par le calcul les déplacements

chimiques qui correspondent aux groupements méthyliques C18 et C19. Il est en effet possible

d’associer aux différentes substitutions des incréments de déplacement chimique, obtenus

empiriquement à partir d’un très grand nombre de spectres déjà connus. On pourra ensuite

comparer les valeurs prédites aux valeurs observées sur le spectre enregistré. On a, pour

l’exemple étudié ici :

-CH3(19) -CH3(18)

5α - 14α 0, 792 0, 692

acétoxy -3β 0, 050 0, 008

céto -11 0, 217 0, 033

∆16

acétyl -17 0, 017 0, 175

_______ _______

δ (calculé) 1, 076 0, 842

δ (observé) 1, 075 0, 830

Il y a donc, dans les deux cas, un bon accord entre valeurs expérimentales et valeurs prédites.

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DC

B

A

17 16

1514

18

13

121119

10 9 8

76

54

3

2 1

H

H

O

H3C OC

O

M eC O C H3

Me

FIGURE 8 : Représentation d’une molécule d’acétoxy-3 β, céto-11, ∆16

acétyl-17

5α-14α androstane

Il n’en irait pas de même, si l’on substituait en position 5 un groupement cyano au proton. En

recherchant les causes de ce désaccord, on sera vite conduit à imaginer que l’encombrement

stérique lié à la présence du groupement cyano-5 implique une conformation « bateau » du cycle

A (figure 7D2) au lieu de sa conformation « chaise » initiale (figure 7D1).

1-4- Intérêt des déplacements chimiques

Il ressort de ce qui précède que l’étude des déplacements chimiques des différents protons d’une

molécule fournira de précieuses informations sur leur environnement chimique, c’est-à-dire sur

les groupements fonctionnels présents, et donc sur la structure des molécules. L’exemple qui

vient d’être abordé montre même la très grande finesse des informations susceptibles d’être

obtenues à la suite d’une telle étude. Il laisse également entrevoir une modélisation possible, si

l’on dispose d’une base de données suffisante sur les déplacements chimiquesδ ; on a alors la

possibilité de prédire des spectres par le calcul et de les comparer aux spectres enregistrés. Ceci

sera fort utile lorsqu’on cherche à identifier une molécule nouvelle ou inconnue.

Mais avant de pouvoir effectuer ces calculs de spectres ab initio, comme on le fera

ultérieurement dans le chapitre 3, on va devoir prendre en compte d’autres informations qui sont

contenues dans les spectres enregistrés : elles concernent les couplages de spins qui vont

renseigner sur le nombre de noyaux se trouvant au voisinage du noyau observé ou, plus

exactement, au voisinage d’un ensemble de noyaux magnétiquement équivalents, ayant le même

déplacement chimique. En fait, les spectres enregistrés pourront être interprétés selon deux

dimensions (RMN 2D) : d’une part, les déplacements chimiques δ ; d’autre part, les couplages

de spins.

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2 – LES COUPLAGES DE SPINS

2-1- Présentation du phénomène de couplage spin-spin : première étude des niveaux d’énergie

Considérons une molécule telle que ci-dessous où A et B sont des groupes substituants de nature

différente :

On sait que AHδ et

BHδ , déplacements chimiques respectifs des protons HA et HB sont différents

et l’on devrait s’attendre, dans l’état actuel de notre connaissance, à observer sur le spectre deux

pics de résonance aux fréquences Aν et Bν . En fait, on constate qu’apparaissent symétriquement,

de part et d’autre de chacune de ces deux fréquences, un doublet dont les deux raies sont

séparées d’une distance J, qui s’exprime en Hz, comme indiqué ci-dessous.

JAB(Hz) est, par définition, la constante de couplage des protons HA et HB.

Pour prendre un exemple concret, on a représenté sur la figure 9 l’allure du spectre de RMN

correspondant à la molécule de diéthyl-étheroxyde CH3-CH2-O-CH2-CH3.

FIGURE 9 : Allure du spectre du diéthyl-étheroxyde

A – C – C – B

HA HB

J(Hz) J(Hz)

υB

TMS

3

2

υ0

H0

J(Hz)

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54

En considérant ce spectre, on est en droit de penser que le quadruplet doit être attribué aux

protons méthyléniques –CH2- parce que, d’une part, le déplacement chimique plus élevé peut

s’expliquer par l’effet inductif dû à l’électronégativité de l’atome d’oxygène qui se trouve à

proximité, d’autre part, par le fait que la surface des deux massifs – triplet vs quadruplet – se

trouve dans un rapport de 3 à 2, comme les protons méthyliques par rapport aux protons

méthyléniques (6/4).

Ces deux exemples conduisent à penser que lorsqu’un proton se trouve à proximité d’un proton

ayant un déplacement chimique différent, son signal correspond à un doublet et de même pour

son voisin, les 2 raies du doublet ayant le même espacement pour chacun d’eux ; que le signal

des protons méthyléniques ayant à leur proximité 3 protons méthyliques est un quadruplet, alors

que ces mêmes protons méthyliques qui « voient » dans leur voisinage 2 protons méthyléniques

se signalent sur le spectre par un triplet.

Il semblerait donc que si n est le nombre de protons se trouvant, avec un déplacement chimique

différent, au voisinage immédiat d’un proton observé sur le spectre, il correspond à ce dernier un

signal comportant (n+1) raies. Ceci s’explique assez simplement, en une première

approximation, en considérant les 2 possibilités présentées sur la figure 10

FIGURE10 : Effet du couplage spin-spin sur le déplacement chimique du proton HA

A H A 0(1 )(B B)ν γ σ+ = − + ∆ A H A 0(1 )(B B)ν γ σ− = − − ∆

On comprend que le pic de résonance du proton HA sera constitué d’un doublet aux fréquences

Aν + et Aν − séparées d’une distance : AB A A H A

J (1 ). 2 Bν ν γ σ+ −= − = − ∆ . JAB est la constante de

A C C B A C C B

A B A B

B0 + ∆B B0 - ∆B

∆B

- +

B0

∆B HB

HB HA

HA

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55

couplage des protons A et B. Tout aussi simplement, on pourrait montrer qu’au proton B

correspond un doublet aux fréquences Bν + et Bν − séparées par la même distance JAB.

En fait, d’un point de vue énergétique, si l’on considère un ensemble de protons magnétiquement

équivalents (i), on écrira, avec les conventions de sens initialement adoptées :

( )

0 zE (1 ) B . I i

i iγ σ= − − , s’il n’est pas tenu compte de l’énergie de couplage.

Par contre, si l’on prend en compte le couplage des protons (i) avec d’autres protons (j) ayant des

déplacements chimiques différents, on écrira :

( ) ( ) ( )

0E= - (1 )B . I J I Ii i j

i i z ij z z

i i j

γ σ<

− −∑ ∑

Soit ( ) ( ) ( )E=+ I I Ii i j

i z z z

i i j

ν<

−∑ ∑

Au moyen de l’hamiltonien qui correspond à ce système, il est possible de calculer les différents

niveaux énergétiques possibles. Ces niveaux sont quantifiés et, si l’on considère 2 ensembles

distincts de noyaux magnétiquement équivalents (i) et (j), les transitions entre ces niveaux

donneront sur le spectre RMN des pics de résonance aux fréquences :

2 2

D

1 1J J

2 2 2

i j

ij ij ij

ν νν ν

+= ± ± ∆ +

����� , d’intensité

JI 1

D= ± .

2-2- Description des spectres avec couplages de spins

Sur le plan de la nomenclature, on a pris l’habitude de désigner les différents types de spectres en

utilisant des lettres de l’alphabet, ces lettres étant d’autant plus éloignées que les déplacements

chimiques des protons couplés sont différents. Ainsi, un spectre de type AX désigne un spectre

pour lequel il y a couplage entre des protons HA et HX ayant des déplacements chimiques très

différents alors qu’à l’inverse, un spectre de type A2 considère le couplage entre 2 protons

magnétiquement équivalents.

2-2-1- Spectres A2

Pour ce type de spectre, on a A Bν ν= , c’est-à-dire

i jν ν= , et donc 0ijν∆ = . Il en résulte que :

A BAB AB

1 1J J

2 2 2

ν νν

+= ± ± avec AB

AB

JI 1

J= ±

Cela veut dire que les deux raies centrales du spectre vont se confondre en une raie unique à

A BA

2

ν νν ν

+= = , d’intensité AB

AB

JI 1 2

J= + = , alors que les 2 raies extérieures du spectre seront

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56

d’intensité nulle ( AB

AB

JI 1 0

J= − = ). Pour 2 protons magnétiquement équivalents, ayant le même

déplacement chimique Aδ , on n’observe donc en fait qu’une raie unique d’intensité 2 à Aν .

2-2-2- Spectres AX

On considère ici le cas où AXν∆ >> JAX et, de ce fait, AX D ν∆≅ . Dans ce cas, les raies vont avoir

toutes la même intensité. Comme indiqué ci-dessous on aura 2 doublets symétriques autour de

Aν et Xν , les deux raies de chaque doublet étant identiquement séparées d’une distance AXJ qui

représente la constante de couplage

2-2-3- Spectres AXn

On va envisager maintenant le couplage d’un proton de déplacement chimique Aδ à n protons de

déplacement chimique Xδ . Pour prendre l’exemple le plus simple où n = 2, la description d’un

spectre AX2 se fera aisément si l’on considère – comme indiqué dans le schéma ci-dessous – que

le proton HA, de déplacement chimique Xδ , peut se trouver dans 3 situations différentes,

correspondant à des inductions magnétiques d’intensités proportionnelles à (0B 2 B− ∆ ),

0B et

( 0B 2 B+ ∆ ), la deuxième d’entre elles étant statistiquement deux fois plus probable que les

autres. En même temps, les 2 protons HX, de déplacement chimique Xδ , vont connaître 2

situations équiprobables correspondant soit à ( 0B 2 B− ∆ ) soit à ( 0B 2 B+ ∆ ).

JAX JAX

υX υA

HA HX HX

2∆B→

2∆B→

+

0

A H A 0υ (1 σ )(B -2∆B)γ− = −

A H A 0υ (1 σ )(B +2∆B)γ+ = −

A H A 0υ (1 σ )Bγ= −

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57

Ainsi, à la résonance du proton HA va correspondre un triplet, l’intensité à Aν étant double de

celle des deux autres et la surface totale de ce triplet étant la moitié de la surface du doublet

correspondant aux protons HX. Le spectre aura effectivement l’allure qui est représentée sur la

figure 11.

FIGURE 11 : Allure d’un spectre AX2

La figure 12 donne une représentation des niveaux énergétiques et fréquences de transition

correspondant à un spectre AX2

JAX

JAX

Aυ Xυ

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58

FIGURE 12 : Niveaux énergétiques et transitions correspondant à un système AX2 :

(A) Sans prise en compte de l’énergie de couplage

(B) Avec prise en compte de l’énergie de couplage

(A) (B)

AXX

β β β

β α β

β α

( )

i

E υ Ii

zi↑∑

( ) ( )

J I Ii j

z zij

i

−∑

A X

1υ υ

2− +

A

2−

A X

1υ υ

2− −

A X

1υ υ

2+ −

A X

1υ υ

2+ +

β α α

α β β

α α α

β α

α β

A

2+ α

AX

1J

2

AX

1J

2

AX

1J

2

AX

1J

2

A AXυ J+

X AX

1υ J

2+

X AX

1υ J

2+

X AX

1υ J

2−

X AX

1υ J

2−

A AXυ J−

0

B0

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59

Une méthode facile pour retrouver l’allure de ce spectre consiste à considérer que le couplage du

proton A à un premier proton X donne un doublet symétrique autour de Aν , les deux raies étant

séparées d’une distance JAX ; puis que le couplage à un deuxième proton X va dédoubler de

façon identique chacune des deux raies, ce qui conduit à un triplet dont la raie centrale a une

intensité double des raies latérales. Comme le montre la figure 13, on peut continuer à appliquer

cette méthode par itération si le nombre n des protons X couplés à A augmente.

FIGURE 13 : Allure d’un spectre AXn

(Les intensités des raies sont données entre parenthèses)

On peut ainsi déduire de ce qui précède qu’à un proton A, de déplacement chimiqueAδ , couplé à

n protons X ayant un déplacement chimique Xδ , va correspondre sur le spectre RMN un multiplet

comportant (n+1) raies dont les intensités relatives sont comme les coefficients du binôme (1+x)n

et ayant Aν comme centre de symétrie. On retrouvera facilement les coefficients du binôme

précédent en ayant recours au fameux triangle de Pascal, soit :

n = 0 1

1 1 1

2 1 2 1

3 1 3 3 1

4 1 4 6 4 1

5 1 5 10 10 5 1

……………………….

AX

AX2

AX3

Spectres

υA

(1) (1)

(1) (1)

(1) (1)

(2)

(3) (3)

JAX

JAX

doublet

triplet

quadruplet

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60

2-2-4- Spectres AMX

On est en mesure de prévoir facilement l’allure d’un tel spectre en utilisant la méthode

précédente. Supposons par exemple que : JAM > JAX > JMX. La figure 14 montre comment

trouver l’allure d’un tel spectre.

FIGURE 14 : Reconstitution (A) et interprétation (B) d’un spectre AMX

2-2-5- Spectres du deuxième ordre

Jusqu’à présent, les interprétations des spectres présentés ont été relativement simples : on a

supposé qu’en règle générale ν∆ était beaucoup plus grand que J, de l’ordre de 10 fois plus,

c’est-à-dire que la différence de déplacement chimique entre 2 protons couplés était à peu près

10 fois plus grande que leur constante de couplage. On va dire qu’on s’est borné à faire des

interprétations de spectres au 1er

ordre.

Mais l’interprétation des spectres va très vite se compliquer dès que ν∆ et J seront du même

ordre de grandeur. On va devoir faire une interprétation des spectres au 2ème

ordre.

JAM JAX

JMX

JAM

JMX JMX JMX

JMX JMX JMX JMX

JAX JAX

JAX JAX

JAM

JAM

JAM

JAM

υA υM υX

υA υM υX

JAX

JAX

(A)

(B)

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61

Il a été vu précédemment (§ 2.1) comment calculer de façon générale les niveaux d’énergie d’un

système comprenant un ensemble de protons magnétiquement équivalents (i) couplés à un

ensemble de protons magnétiquement équivalents (j); comment prévoir les fréquences et

l’intensité des pics de résonance du spectre de RMN. L’interprétation d’un spectre AB ne posera

donc pas trop de difficultés : on aura à repérer 2 doublets aux fréquences Aν et

Bν , les 2 raies de

chaque doublet étant séparées d’une distance JAB. Mais l’analyse d’un spectre AB ne permet pas

de déterminer directement Aν et

Bν : en fait, on ne peut accéder directement sur le spectre qu’aux

valeurs de A B

2

ν ν+, (D+JAB) et (D-JAB). Sachant que (D+JAB) (D-JAB) = D

2 – 2

ABJ = ( )2

A Bν ν− , on

aura à résoudre un système de 2 équations, JAB étant par ailleurs directement mesuré.

On sera encore en mesure de fournir une interprétation s’il s’agit d’un spectre ABX, chacune des

4 raies du spectre AB étant alors dédoublées en 2 raies séparées d’une distance JAX.

Par contre à un spectre A2B2 va correspondre un massif, deux massifs s’il s’agit d’un spectre

AA’BB’, et les interprétations deviennent alors beaucoup plus complexes. Le fait de reconnaître

parfois qu’il s’agit d’un spectre AB2 ou AB3 pourra fournir de précieux renseignements…

Mais, en règle générale, on se contentera d’utiliser de tels spectres comme des empreintes

digitales et de les comparer à d’autres spectres déjà enregistrés et stockés dans une bibliothèque

de spectres. On pourra ainsi simuler par le calcul les spectres RMN de certaines molécules, dont

on suppose qu’elles pourraient correspondre à la molécule dont le spectre a été enregistré, pour

procéder ensuite à des comparaisons. Mais ces calculs obligent, comme on le verra plus tard,

d’avoir recours au modèle de la mécanique quantique et de résoudre l’équation de Schrödinger

du système de l’ensemble des spins nucléaires plongés dans le champ magnétique appliqué.

2-3- Brève étude des constantes de couplage

Les constantes de couplages J sont des grandeurs expérimentales directement mesurées sur les

spectres de RMN. Après avoir indiqué le système de notation utilisé, on essaiera de donner une

interprétation du mécanisme de couplage, de son signe, et de voir enfin quelques facteurs

influençant les valeurs prises par ces constantes de couplage.

2-3-1- Notations utilisées

On va essentiellement préciser en haut et à gauche du symbole J le nombre de liaisons qui

séparent les deux atomes couplés :

- 1J va par exemple désigner un couplage F-H ou

13C-H

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62

- 2J désigne un couplage géminal, comme par exemple les 2 protons de

- 3J désigne un couplage vicinal, comme par exemple les 2 protons de

2-3-2- Mécanisme et signe du couplage

Il faut tout d’abord poser qu’un couplage spin-spin est indépendant du champ magnétique 0H�

appliqué. En conséquence, la valeur de la constante de couplage J ne change pas, quel que soit le

champ appliqué. La fréquence de résonance va varier, mais pas la valeur de J. On dispose donc

d’un excellent moyen de repérer ainsi les couplages.

Le deuxième point à souligner est que les couplages se font essentiellement à travers les

électrons des 2 noyaux couplés et que le signe sera noté ⊕ pour 2 spins nucléaires antiparallèles

(↑↓) et pour des spins nucléaires parallèles (↑↑). De ce fait, on aura :

- pour 1J , c’est-à-dire un couplage ⊕ (sauf pour F)

- pour 2J , c’est-à-dire un couplage (sauf pour F)

- pour 3J , J est alors presque toujours > 0, soit ⊕

2-3-3- Quelques facteurs agissant sur la valeur des constantes de couplage

L’intensité du couplage dépend tout d’abord de la nature des noyaux impliqués. Si l’on

considère, par exemple, le couplage 1J ⊕ de

13C avec

1H (

13C-

1H), la valeur de la constante de

couplage est linéairement liée à l’état d’hybridation du carbone comme il est montré ci-dessous

% s

1J(Hz)

x

x

x

C H sp3 1/4 120

C H sp2 1/3 170

C H sp 1/2 248

%s 1J (Hz)

C

H

H

C

H

C

H

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63

On ne sera donc pas étonné de trouver une valeur de 159 Hz pour la constante de couplage entre

1H et

13C d’un cycle benzénique.

Deux types de facteurs doivent être aussi pris en considération pour essayer d’interpréter les

valeurs des constantes de couplage :

- d’une part, des facteurs structuraux comme pour 2J- où : 2 J diminue si θ augmente dans

------------; 2 J augmente si l’électronégativité de X augmente dans .

Le couplage 2 J peut être aussi augmenté, jusqu’à atteindre 19 Hz, par la présence d’une double

liaison comme dans

On peut donner ci-dessous quelques valeurs des constantes de couplage entre protons :

H

o

m

p

C CC

HH

n

C C

H H

C

H

H

C C

HH

C C

HH

H

J = 10 à 20 Hz J = 6 à 7 Hz J ≃ 0 si n ≥ 1

J = 13 à 18 Hz J = 5 à 12 Hz

Jo ≃ 8 - 10 Hz

Jm ≃ 2 - 4 Hz

Jp ≃ 0 - 1 Hz

H

C

H

X

H

C θ

H

X H

C

R H

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64

- d’autre part, des facteurs géométriques comme dans 3J ⊕ où la valeur de la constante de

couplage, donnée par l’équation de Karplus 3 2J = a bcos Φ + peut être représentée comme ci-

dessous

On remarquera enfin qu’à partir de 4J les valeurs de la constante de couplage sont extrêmement

faibles et que le signe même de cette constante n’a plus souvent de sens.

2-4- Un cas particulier : l’échange chimique

Lorsqu’on enregistre le spectre de l’éthanol CH3-CH2-OH, on pourrait s’attendre à ce que le

proton de la fonction alcool donne un triplet, puisqu’il est couplé à 2 protons méthyléniques, et

que ces derniers donnent un signal d’intensité double correspondant à un quadruplet (couplage

aux protons de -CH3) lui-même dédoublé par le proton de la fonction –OH. Or, on observe en

fait sur le spectre un triplet pour les protons méthyliques (-CH3), un quadruplet pour les protons

méthyléniques (-CH2) et un singulet pour le proton de la fonction alcool. On interprétera cette

observation, en admettant que le proton de la fonction alcool va pouvoir s’échanger très

rapidement – c’est ce que l’on appelle l’échange chimique – avec les protons des molécules

d’eau se trouvant à proximité et que, de ce fait, les protons des autres groupements fonctionnels

ne vont percevoir statistiquement qu’un spin nul, le proton de la fonction alcool étant ainsi

alternativement dans l’état α ou β , et ce de façon très rapide lorsque sa condition de résonance

n’est pas remplie. Effectivement, il a été possible de constater qu’en milieu anhydre, on observe

bien sur le spectre de RMN un triplet pour le proton de –OH et un quadruplet dédoublé pour les

protons –CH2.

0 90° 180°

3J

Φ

C

C

H

H

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65

3 – QUELQUES NOTIONS SIMPLES SUR LES SPECTRES RMN DU 13C

Le noyau d’un atome de carbone-13 a le même nombre quantique de spin que le proton mais

un rapport gyromagnétique γ à peu près 4 fois plus petit, ce qui explique que dans un champ

de 2,35 T, alors que la fréquence de résonance des protons se situe autour de 100 MHz, celle

des 13

C est très proche de 25,17 MHz. Les domaines des fréquences de résonance des protons

et des noyaux de 13

C sont donc éloignés l’un de l’autre. De plus, l’abondance isotopique de

13C pour l’élément carbone étant environ 100 fois plus faible que celle de

1H pour

l’hydrogène, il est facile de calculer que le signal de résonance du 13

C est presque 6000 fois

plus faible que celui obtenu pour un proton. On a en effet démontré que l’intensité du signal

de résonance observé pour un ensemble de noyaux magnétiquement équivalents est

proportionnelle à N0H02γ

3 (H0 est proportionnel à B0), si N0 représente le nombre total des

noyaux, H0 le champ magnétique imposé et γ le rapport gyromagnétique du type de noyau

concerné.

Il est alors évident que pour enregistrer un spectre en 13

C, on a intérêt à utiliser un champ H0

aussi élevé que possible ; ceci permettra d’ailleurs en même temps d’avoir une meilleure

résolution sur le spectre.

On comprend tout aussi aisément l’intérêt de faire appel à une technique impulsionnelle pour

l’obtention du spectre, puisque celle-ci permet, en cumulant un grand nombre

d’enregistrements à la suite d’impulsions successives, de multiplier par n la sensibilité de la

méthode si n représente le nombre des impulsions.

En ce qui concerne enfin la préparation de l’échantillon, comme en RMN du proton, CDCl3 et

le TMS sont les plus utilisés comme solvant et comme référence.

Cependant, lorsqu’on étudie le spectre, une première différence importante apparaît: les

déplacements chimiques δ des 13

C couvrent un domaine de fréquences beaucoup plus large,

de l’ordre de 200 à 300 ppm. De plus, le spectre enregistré présente une structure fine

complexe, avec un très grand nombre de pics, car chaque noyau 13

C est fortement couplé avec

les protons auxquels il est directement lié, la constante de couplage pouvant aller jusqu’à 250

Hz : elle va généralement de 100 à 250 Hz. Il faut ajouter à cela que, quoique moins élevés,

les couplages à de plus longues distances ne peuvent pas être négligés puisqu’ils peuvent

valoir de 5 à 10 Hz pour un couplage 3J entre un

13C et un proton. Le couplage

13C-

13C pourra

quant à lui être négligé car la probabilité de rencontrer une telle liaison est environ 100 fois

plus faible que celle d’une liaison 13

C-12

C.

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66

D’après ce qui précède, les spectres de RMN du 13

C sont difficiles à interpréter, du moins

directement, et pour pouvoir en tirer plus facilement une information, on va procéder

simultanément à une irradiation à la fréquence de résonance de l’ensemble des protons de

façon à faire disparaître les couplages gênants. On obtient ainsi un spectre totalement

découplé des protons : chaque carbone apparaît alors sous la forme d’un singulet et l’on peut,

en quelque sorte, « compter » les carbones d’une molécule. On est aussi en mesure de tirer du

spectre une information sur la position de ces carbones, comme l’indique la figure 15 où sont

représentés les δ13

C.

Sur ces spectres du 13

C, on constate néanmoins que les pics de chacun des carbones n’ont pas

tous la même intensité. Deux raisons peuvent être données pour expliquer ce fait : d’une part,

si les séquences d’impulsions ne sont pas assez espacées, les noyaux n’auront pas tous le

temps de revenir à leur position d’équilibre et ceux qui sont le moins bien relaxés vont

donner des signaux moins intenses ; d’autre part, l’irradiation simultanée des protons peut

engendrer une relaxation dipôle-dipôle intramoléculaire entre 1H et

13C qui est d’autant plus

intense que les noyaux sont plus rapprochés. C’est ce que l’on appelle l’effet Overhauser

(NOE) : il est très important pour des carbones qui portent des atomes d’hydrogène, beaucoup

moins intense s’il s’agit de carbones quaternaires.

Une autre technique, extrêmement utile, est aussi fréquemment employée : l’enregistrement

de spectres hors résonance. Elle consiste à effectuer la deuxième irradiation à une fréquence

proche de la fréquence de résonance des protons : on ne supprime ainsi que les couplages

faibles, alors que subsistent les couplages les plus forts, c’est-à-dire ceux qui correspondent à

une liaison directe entre protons et 13

C. On est ainsi capable de voir combien de protons porte

chaque atome de carbone.

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67

C=O Cétone

C=O Aldéhyde

C=O Acide

C=O Ester, Amide

C=S Thiocétone

C=N Azométhine

C N Nitrile

C=N Hétéroaromatique

C=C Alcène

C=C Aromatique

C=C Hétéroaromatique

C C Alcyne

C C (C quaternaire)

C C

C N

C S C Hal

CH C (C tertiaire)

CH O

CH N

CH S CH Hal CH2 C (C secondaire) CH2 O CH2 N CH2 S CH2 Hal H3C C (C primaire) H3C O H3C N H3C S H3C Hal

Résonance des solvants

usuels

FIGURE 15 : Valeurs de quelques déplacements chimiques du 13

C (d’après un document Bruker Biospin)

ppm (CS2) - 26 - 16 - 6 4 14 24 34 44 54 64 74 84 94 104 114 124 134 144 154 164 174 184 194

ppm (TMS) - 200 - 210 - 200 - 190 - 180 - 170 - 160 - 150 - 140 - 130 - 120 - 110 - 100 - 90 - 80 - 70 - 60 - 50 - 40 - 30 - 20 - 10 0

(CH3)2CO CF3COOH CS2 CF3COOH C6H6 CCl4 CHCl3 1,4 Dioxane CH3OH DMSC (CH3)2CO

AgroParisTech

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68

4 – CONCLUSION SUR CES QUELQUES NOTIONS DE RMN

Il n’est pas utile d’aller plus loin pour ce chapitre, dont l’objectif essentiel était de montrer, en

présentant quelques applications usuelles de la spectrométrie RMN, à partir de quelles

données expérimentales on a pu bâtir le modèle de la RMN; et de voir comment, à l’inverse,

en s’appuyant sur ce modèle, on peut ensuite donner une interprétation cohérente des faits

expérimentaux, c’est-à-dire des spectres obtenus.

La validité d’un modèle théorique réside dans sa capacité de prévoir des faits expérimentaux

nouveaux et, pour prédire quel sera le spectre d’une molécule organique de structure connue,

on va avoir recours en même temps à un autre modèle : le modèle de la mécanique quantique.

Cette application réussie de la mécanique quantique à la spectrométrie de RMN constituera

une validation des deux modèles proposés.