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2 • AFFECTIONS OU PROCESSUS PATHOLOGIQUES POUR LESQUELS LA DIÉTÉTIQUE JOUE UN RÔLE IMPORTANT 27 PHYSIOPATHOLOGIE - TOME 2 PATHOLOGIES DE LA BOUCHE ET DES VOIES AERODIGESTIVES SUPERIEURES STOMATITE 1 DÉFINITION 2 PATHOGÉNIE ET TYPES DE STOMATITES Physiologiquement l’épithélium buccal se renouvelle en 6 jours en moyenne, ce qui lui permet une cicatrisation relativement rapide en cas de lésion. Les causes de stomatites sont diverses mais le plus souvent elles sont provoquées par une infection virale à Herpes virus ou fongique à Candida albicans, par la présence d’aphtes (stomatite aphteuse), ou par les chimiothérapies et radiothérapies. Certains sujets comme les diabétiques, les personnes atteintes de maladie de Crohn ou de maladie cœliaque, ainsi que les personnes immunodéprimées (sujets atteints par le VIH), sont plus à risque de faire une stomatite. Une mauvaise hygiène bucco-dentaire et le tabagisme favorisent sa survenue. Il faut également envisager une origine cancéreuse en cas de stomatite traînante. Selon le siège des lésions, le terme générique de stomatite prendre la dénomination de : gingivite en cas de lésions des gencives, de chéilite en cas d’inflammation des lèvres, de glossite si les lésions touchent la langue, et d’ouranite pour le palais. > La stomatite correspond à une inflammation (d’origine infectieuse, inflammatoire, mécanique, médicamenteuse) de la muqueuse buccale, pouvant rester locale ou s’étendre à toute la bouche. Son extension représente souvent un caractère de gravité, en particulier du fait des troubles de la mastication et de la déglutition qu’elle occasionne. DÉFINITION

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PHYSIOPATHOLOGIE - TOME 2

CHAPITRE 1CHAPITRE 1CHAPITRE 1

PATHOLOGIES DE LA BOUCHE ET DES VOIES AERODIGESTIVES

SUPERIEURES

STOMATITE

1 DÉFINITION

2 PATHOGÉNIE ET TYPES DE STOMATITESPhysiologiquement l’épithélium buccal se renouvelle en 6 jours en moyenne, ce qui lui permet une cicatrisation relativement rapide en cas de lésion. Les causes de stomatites sont diverses mais le plus souvent elles sont provoquées par une infection virale à Herpes virus ou fongique à Candida albicans, par la présence d’aphtes (stomatite aphteuse), ou par les chimiothérapies et radiothérapies. Certains sujets comme les diabétiques, les personnes atteintes de maladie de Crohn ou de maladie cœliaque, ainsi que les personnes immunodéprimées (sujets atteints par le VIH), sont plus à risque de faire une stomatite. Une mauvaise hygiène bucco-dentaire et le tabagisme favorisent sa survenue. Il faut également envisager une origine cancéreuse en cas de stomatite traînante.

Selon le siège des lésions, le terme générique de stomatite prendre la dénomination de : gingivite en cas de lésions des gencives, de chéilite en cas d’infl ammation des lèvres, de glossite si les lésions touchent la langue, et d’ouranite pour le palais.

> La stomatite correspond à une infl ammation (d’origine infectieuse, infl ammatoire, mécanique, médicamenteuse) de la muqueuse buccale, pouvant rester locale ou s’étendre à toute la bouche. Son extension représente souvent un caractère de gravité, en particulier du fait des troubles de la mastication et de la déglutition qu’elle occasionne.

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Sur le plan anatomique, les lésions peuvent se manifester par :

• Un érythème (rougeur) de la muqueuse

• Des papules, lésions épaisses de la paroi buccale

• Des macules, lésions planes et rouges

• Des pustules, lésions infectées

• Un œdème gingival et parfois des saignements des gencives

• Rarement, des bulles comme dans le syndrome de Stevens-Johnson, maladie orpheline grave des sujets jeunes avec nécrolyse épidermique pouvant s’étendre au reste du corps (et prenant alors le nom de syndrome de Lyell)

3 DIAGNOSTICIl est réalisé à partir de l’aspect des lésions, et nécessite rarement d’examens complémentaires (parfois cependant, il est nécessaire de réaliser un frottis ou une biopsie afi n d’affi ner le diagnostic). Le nom des médicaments utilisés par le patient peut également s’avérer utile pour éliminer une origine iatrogène.

Il faudra également penser à des lésions érythémateuses dans le cadre de maladies infantiles chez l’enfant (rubéole, rougeole), ou de lésions liées à l’infection par le virus d’Epstein Barr dans le cadre de la mononucléose infectieuse. Les lésions de stomatites récidivantes doivent faire rechercher un diabète (le plus souvent de type 2). Enfi n la candidose mycosique (ou muguet chez l’enfant) est facilement reconnaissable du fait de la présence d’un enduit blanchâtre recouvrant la langue et se détachant facilement. Ces lésions sont capables de s’étendre à l’oropharynx ou à l’œsophage, voire même de toucher l’ensemble du tube digestif. Dans ce cas le sujet ne peut plus s’alimenter du fait des douleurs, ce qui peut conduite à une malnutrition ou une dénutrition.

4 TRAITEMENTIl reposera sur la suppression de la cause. Des antalgiques et des antiseptiques seront employés d’emblée, mais des traitements plus spécifi ques seront utilisés selon la cause (antibiotiques, antifongiques). Une suspicion de processus néoplasique nécessitera une biopsie et une étude anatomopathologique.

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TROUBLES DE LA DEGLUTITION(chapitre à mettre en lien avec la dénutrition)

1 DÉFINITION DE DÉGLUTITION

2 ÉTIOLOGIES DES TROUBLES DE LA DÉGLUTITIONLes troubles de la déglutition sont la conséquence d’un dysfonctionnement empêchant le bol alimentaire de transiter correctement vers l’œsophage, avec souvent une dysphagie, soit pour initier la déglutition (dysphagie oro-pharyngée), soit localisée au niveau de l’œsophage avec sensation de blocage dans la région rétro-sternale. Les causes sont diverses : corps étranger bloqué, lésions infl ammatoires ORL, sténose, tumeur, pathologies neurologiques (Alzheimer, Parkinson), myasthénie, achalasie (trouble moteur des muscles lisses de l’œsophage avec absence de relaxation du sphincter supérieur).

3 PHYSIOPATHOLOGIE ET DIAGNOSTICLe médecin devra interroger le patient pour réaliser l’anamnèse précise sur l’apparition des troubles, et sur leurs caractères (pour les solides, les liquides). Les facteurs de risque ainsi que l’âge du patient seront déterminants pour envisager des risques de dénutrition.

Les troubles de la déglutition peuvent être liés à l’âge (attention aux prothèses dentaires inadaptées ou mal positionnées) et entraîneront une modifi cation des habitudes alimentaires, le tri des aliments, des raclements de gorge, de la toux, une diffi culté à prendre les médicaments, avec toujours un risque de “fausse route”. Le personnel soignant doit être attentif dans les structures de soin à l’apparition de ces signes.

La dysphagie peut être douloureuse (= odynophagie), et s’accompagner de :

• Dyspnée en cas d’atteinte trachéo-laryngée

• Dysphonie en cas d’atteinte du nerf récurrent

• Régurgitations en cas de sténose

• Pyrosis

> La déglutition est l’action mécanique et physiologique qui permet le passage du bol alimentaire de l’oropharynx vers l’œsophage.

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• D’otalgie réfl exe pouvant orienter vers une pathologie cancéreuse du pharynx ou du larynx (après avoir éliminé une otite)

• La présence d’un ganglion sus-claviculaire de Troisier faisant suspecter une origine néoplasique

• Des examens complémentaires seront souvent nécessaires pour déterminer la cause :

• Nasofi broscopie, examen de référence ORL, surtout en cas de dysphagie oro-pharyngée)

• Endoscopie oeso-gastro-duodénale (EOGD) avec biopsie et examen anatomopathologique

• Manométrie pour déterminer la pression des sphincters et des anomalies de relaxation

• TDM thoracique à la recherche d’un processus cancéreux ou extensif.

• Le risque pour les patients est une perte de poids pouvant être importante et mener à une dénutrition. En fonction de leur tolérance aux “fausses routes”, une pneumopathie d’inhalation peut se développer.

4 TRAITEMENTUne fois le diagnostic posé, la prise en charge portera sur des stratégies d’adaptation portant sur le bol alimentaire (consistance) et la posture du patient au moment du repas, mais aussi sur l’environnement, et sur de la rééducation. Dans certains cas (sténose, tumeur) des mesures chirurgicales seront envisagées.

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CHAPITRE 2CHAPITRE 2CHAPITRE 2

REFLUX GASTRO-ŒSOPHAGIEN (RGO) ET HERNIES HIATALES

DÉFINITION

CONSÉQUENCES PHYSIOPATHOLOGIQUESLa survenue d’ un RGO est multifactorielle :

• Défaillance de la barrière anti-refl ux œsogastrique. Le SOI (sphincter œsophagien inférieur) est une zone de haute pression, et si celle-ci diminue de façon importante dans le cas d’ une défaillance sphinctérienne, elle constitue un facteur de risque majeur de RGO.

• Présence d’ une hernie hiatale (HH), qui se défi nit comme une protrusion permanente ou intermittente d’ une partie de l’ estomac dans le thorax à travers le hiatus œsophagien du diaphragme. On distingue :

- La hernie hiatale par glissement, la plus fréquente (85%) au cours de laquelle le cardia traverse le diaphragme et devient intra-thoracique. C’ est la forme qui expose le plus au RGO ;

- La hernie hiatale par roulement, dans laquelle la grosse tubérosité forme une poche intra-thoracique, para-œsophagienne, alors que le cardia reste intra-abdominal. Cette forme peut se compliquer de torsion mais rarement de RGO.

• Autres facteurs :

- Une stase gastrique ou une hyperpression abdominale comme dans le cas d’ une obésité, sont des facteurs favorisant le RGO (une prise de poids de 5kg en peu de temps augmente le risque de RGO) ;

- Le RGO peut aussi s’ observer lors d’ eff orts de toux ;

- La grossesse du fait de la prise de poids et de l’ hyperpression abdominale occasionnée

> Le RGO désigne le passage involontaire et sans eff ort de vomissement à travers le cardia, d’ une partie du contenu gastrique dans l’ œsophage.

> Le RGO est physiologique après les repas et ne s’ accompagne alors ni de symptômes ni de lésions muqueuses œsophagienne. Il devient pathologique lorsqu’ il s’ accompagne de symptômes et/ou de lésions caractérisant une œsophagite (douleurs ou brûlures).

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par le fœtus (surtout au dernier trimestre de grossesse), reste une cause fréquente de RGO, parfois accompagné de pyrosis (voir ci-après) ;

- Le décubitus dorsal favorise le RGO, d’ où sa fréquente apparition nocturne.

Outre le fait que le RGO peut être asymptomatique, les signes cliniques peuvent être divers :

Signes digestifs du RGO non compliqué :• Pyrosis : c’ est une douleur à type de brûlures rétro-sternale ascendante à point de

départ épigastrique. Elle survient souvent à l’ antéfl exion du tronc (appelé « signe du lacet ») et en décubitus (syndrome postural du RGO).

• Il s’ accompagne souvent de régurgitations acides, remontées du contenu gastrique acide, sans eff ort de vomissement ni nausées.

• Ces deux symptômes sont souvent associés et alors quasi-pathognomonique du RGO, d’ où un diagnostic réalisé sur l’ aspect clinique, surtout s’ ils surviennent en post-prandial.

Signes atypiques digestifs :Ils peuvent être isolés ou associés au pyrosis. Ce sont :

• Le hoquet

• Une hypersalivation

• Des éructations

• Une odynophagie

• Rarement une dysphagie et /ou une hémorragie digestive (hématémèse ou méléna), mais ces signes tardifs constituent des symptômes d’ alarme nécessitant une fi broscopie œsophagienne.

Signes atypiques extradigestifsLes manifestations seront alors d’ ordre :

• Pulmonaire : toux spasmodique, asthme

• ORL : enrouement, otalgie inexpliquée (souvent droite), laryngite, dysphonie

• Cardiaque : douleur simulant un angor (angine de poitrine) et nécessitant un bilan cardiovasculaire qui revient négatif

• Des manifestations stomatologiques ont été décrites (gingivites ou caries à répétition), ainsi que des troubles du sommeil avec micro-réveils.

Symptômes du RGO compliquéManifestation d’ une œsophagite sévère caractérisée par des ulcérations étendues, confluentes ou circonférentielles ou par une sténose peptique. Elle expose à une hémorragie digestive révélée par une anémie ferriprive, et à une sténose œsophagienne avec apparition d’ une dysphagie (liée à cette sténose) et à une altération de l’ état général.

L’ hémorragie digestive peut être favorisée par une prise médicamenteuse.

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EXAMENS COMPLÉMENTAIRES

1 EXAMENS MORPHOLOGIQUES• Fibroscopie œsogastroduodénale ( FOGD)

Elle permet d’ affi rmer le diagnostic de RGO lorsqu’ elle découvre une œsophagite objectivée par des pertes de substance (érosives) ulcérées. Toutefois une fi broscopie normale n’ élimine pas le diagnostic de RGO.

• Ingestion d’ une vidéocapsule endoscopique qui « fi lme » la lumière et les parois digestives

2 EXPLORATIONS FONCTIONNELLES• pHmétrie œsophagienne des 24h, très sensible pour détecter un RGO pathologique.

Elle permet de quantifi er l’ exposition acide dans l’ œsophage. La technique consiste à introduire une sonde par voie nasale et jusqu’ à la partie inférieure de l’ œsophage, et à mesurer le pH durant 3 à 24h.

• Manométrie œsophagienne : examen qui mesure la pression du SOI et fournit une orientation diagnostique.

ÉVOLUTIONUne hernie hiatale peut rester longtemps asymptomatique ou entraîner un RGO. L’ œsophagite est une conséquence du RGO, parfois assimilée à une complication pouvant aboutir à un ulcère, une hémorragie, une sténose et parfois à un endobrachyœsophage (EBO) ou œsophage de Barrett = remplacement sur une hauteur +/- grande, de l’ épithélium normal malpighien de l’ œsophage distal par un épithélium métaplasique cylindrique de type intestinal, et considéré comme une lésion précancéreuse, exposant au risque d’ un adénocarcinome œsophagien ( rare mais de pronostic très sombre, avec 10 à 12 % de survie à 5 ans). Se voit davantage chez l’ homme.

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TRAITEMENTEn cas de RGO occasionnel ou peu symptomatique, des mesures simples hygiéno-diététiques peuvent suffi re à soulager le patient : repas pauvres en graisses surtout le soir, éviter les vêtements serrés au niveau abdominal, éviter la consommation de chocolat, de produits sucrés, de sodas, de tomates, d’ alcool, diminuer le tabac, surélever la tête du lit.

Sinon un traitement médicamenteux à base d’ IPP (inhibiteur de la pompe à protons), ou des anti-H2, associés à des pansements gastriques peuvent être prescrits. En cas d’ aggravation, une alternative chirurgicale peut être envisagée : la fundoplicature de Nissen par voie laparoscopique ou par laparotomie : cette technique consiste à fabriquer un manchon au niveau de l’ œsophage distal, afi n d’ augmenter la pression du sphincter.

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CHAPITRE 3CHAPITRE 3CHAPITRE 3

LES ŒSOPHAGITES

L’ ŒSOPHAGITE CAUSTIQUE

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2 FRÉQUENCE ET CIRCONSTANCES D’ APPARITIONL’ ingestion de produit caustique peut être accidentelle chez l’ enfant, notamment avant l’ âge de 5 ans, du fait de la quasi-absence de réfl exe de rejet. Elle occasionne des brûlures au niveau de l’ œsophage. Chez l’ adulte, qui aura le réfl exe de cracher de suite, l’ ingestion accidentelle cause dans la plupart des cas des brûlures de la bouche, de la langue et parfois du pharynx.

L’ ingestion peut aussi être volontaire (tentative d’ autolyse) et souvent massive chez l’ adulte, plus fréquente chez les femmes, avec un risque de décès dans un 1 à 2% des cas, consécutif à des brûlures graves de l’ estomac et de l’ œsophage.

3 CONSÉQUENCES PHYSIOPATHOLOGIQUESLa nature, la concentration et la quantité ingérée du produit conditionneront l’ ampleur des lésions.

Les bases dissolvent les protéines et sont à l’ origine des lésions les plus sévères, provoquant une nécrose et une ulcération de la muqueuse œsophagienne (= perte de

> Ce sont des inflammations de la paroi de l’ œsophage, pouvant atteindre la totalité de l’ épaisseur, jusqu’ à la musculeuse.

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> C’ est une brûlure de la muqueuse œsophagienne, provoquée par l’ ingestion d’ un produit caustique (acide concentré = acide sulfurique, acide chlorhydrique…, base concentrée = produits ménagers à base de soude concentrée ou de potasse, ou oxydant comme l’ eau de Javel). DÉ

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substance au niveau du tissu) et une nécrose, pouvant toucher la musculeuse et perforer la couche pariétale (nécrose vient de «nekros = mort anormale d’une cellule ou d’un tissu). Les surinfections bactériennes sont fréquentes, aggravant la destruction tissulaire dans les jours qui suivent l’ ingestion. Au bout d’ une quinzaine de jours, du tissu fi breux cicatriciel apparaît, pouvant être à l’ origine d’ adhérences du fait du caractère rétractile des lésions, puis de sténoses, se manifestant par une dysphagie.

Les acides forts provoquent une coagulation des protéines permettant la formation d’ une escarre ( croûte protectrice qui limite de façon relative l’extension en profondeur et la propagation de la nécrose). Les lésions sont plus importantes au niveau de l’ estomac du fait du caractère acide surajouté à ce niveau.

À long terme, le risque de cancérisation de la zone brûlée est réel.

Selon l’ ampleur des lésions, une classifi cation permet de distinguer trois ou quatre stades de gravité croissante :

• Stade 0 : état normal de la muqueuse

• Stade 1 : présence d’ un érythème et d’ un œdème

• Stade 2a : observation d’ ulcérations superfi cielles, d’ hémorragies de la muqueuse et de fausses membranes

• Stade 2b : ulcérations creusantes ayant tendance à confl uer

• Stade 3a : nécrose focale

• Stade 3b : nécrose diff use

• Stade 4 est parfois utilisé pour désigner une perforation

4 SIGNES CLINIQUES ET ÉVOLUTIONLes signes cliniques dépendent de la gravité des brûlures :

• En phase aiguë on peut retrouver :

- Des douleurs pharyngées, rétrosternales et épigastriques

- Des troubles de la déglutition, une dysphagie, une hypersialorrhée

- Des troubles respiratoires dus aux brûlures trachéales avec toux et dyspnée

- Un état de choc

- Parfois une perforation

Ne jamais faire vomir, ni donner de neutralisants, ce qui aggraverait les lésions.

• En phase de cicatrisation on distingue deux étapes :

- Une phase de détersion caractérisée par l’ élimination des couches superfi cielles nécrosées de la paroi œsophagienne ou stomacale. Des ulcérations apparaissent, pouvant saigner et se surinfecter, nécessitant souvent une antibiothérapie. Des hémorragies digestives sont possibles durant cette phase, ainsi que des perforations, ou des fi stules œso-trachéales, nécessitant une alimentation par voie parentérale.

- Une phase de réparation durant laquelle l’ épithélium se répare et la muqueuse cicatrise en 2 à 3 semaines.

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L’ évolution à court terme voit en général une cicatrisation en un mois et demi environ. Néanmoins, en présence de lésions sévères, peut apparaître une dysphagie du fait du rétrécissement œsophagien par fi brose et sclérose, avec rétraction sous muqueuse.

L’ évolution à long terme se fait en règle générale vers une cicatrisation sans séquelles. Parfois la dysphagie s’ accentue, provoquant un risque de dénutrition. Une cancérisation est possible à long terme et impose une surveillance endoscopique régulière.

5 EXAMENS ET SIGNES PARACLINIQUES • En phase aiguë sont réalisés :

- Une radiographie thoracique systématique

- Une évaluation des lésions sous anesthésie locale ou générale

- Un examen ORL de dépistage de lésions

- Une endoscopie digestive

- Eventuellement une fi broscopie bronchique en cas de symptomatologie respiratoire

- Une tomodensitométrie thoraco-abdominale pour confi rmer la décision d’ œsophagectomie pour nécrose transpariétale

• À court terme :

- Un bilan nutritionnel

- Une surveillance de la cicatrisation par endoscopie, afi n de pouvoir également déceler les risques de sténose

• À long terme :

- Une surveillance endoscopique avec biopsie et examen anatomopathologique du fait du risque de cancérisation

6 TRAITEMENTIl dépendra de l’ âge du patient, de la nature du produit caustique, de l’ ampleur des lésions.

Il sera

• soit d’ ordre médical avec des inhibiteurs de la pompe à protons pour éviter l’ action d’ un RGO sur les lésions existantes, une antibioprophylaxie et parfois une corticothérapie qui pourrait prévenir l’ apparition de sténose œsophagienne, même si ce protocole semble controversé par certains auteurs ;

• soit d’ ordre chirurgical à partir du stade 3b, avec intervention en urgence : résection œsophagienne, voire gastrectomie. Parfois il sera nécessaire d’ élargir la chirurgie et de réaliser une œsogastrectomie associée à une duodénopancréatectomie avec anastomoses des parties restantes.

• une prise en charge nutritionnelle sera réalisée par voie parentérale puis très vite par voie entérale pour stimuler la fonction digestive, pour les patients au stade 3b ou ayant des troubles respiratoires.

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7 TRAITEMENT DES COMPLICATIONS ET SÉQUELLESLes complications les plus fréquentes sont dans un premier temps, les pneumopathies d’ inhalation souvent associées à des défaillances respiratoires, nécessitant une prise en charge en réanimation, du fait des troubles métaboliques importants observés. Des hémorragies digestives et perforations sont également retrouvées au stade 3b.

Plus tard le risque repose sur l’ apparition de sténoses œsophagiennes (qui représentent environ ¼ des cas), nécessitant des interventions de dilatation au ballonnet ou à la bougie. En cas d’ échec peut être réalisée une œsophagoplastie.

L’ ŒSOPHAGITE PEPTIQUE

1 DÉFINITION ET GÉNÉRALITÉS

2 PATHOGÉNIEIl s’ agit là de la pathogénie du RGO, c’ est à dire une remontée anormale du contenu gastrique vers l’ œsophage, plus ou moins associée à de la bile, lié à une défi cience du système anti-refl ux du sphincter inférieur de l’ œsophage. Parfois on retrouve associée au RGO, une hernie hiatale.

On peut donc considérer que l’ œsophagite peptique est une possible complication du RGO.

3 CONSÉQUENCES PHYSIOPATHOLOGIQUESOn observe :

• les œsophagites superfi cielles, sans lésions visibles en fi broscopie, et ne pouvant donc être révélées que par l’ anatomopathologie sur la biopsie ;

• les œsophagites profondes, avec lésions érosives observables à l’ endoscopie : la muqueuse est rouge, fragile et facilement hémorragique au contact. On peut observer assez fréquemment une exsudation en surface des lésions.

> L’ œsophagite peptique est une infl ammation de la muqueuse œsophagienne, résultant le plus souvent d’ un refl ux gastro œsophagien (RGO), et retrouvée chez environ 1/3 des patients porteur d’ un RGO. Elle peut conduire à une sténose œsophagienne, nécessitant donc une prise en charge effi cace. C’ est une aff ection chronique et fréquemment récidivante.

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L’ œsophagite peptique sera responsable :

• soit d’ anémies, du fait d’ hémorragies plus ou moins importantes

• soit d’ ulcère œsophagien plus rarement, pouvant cicatriser avec formation de sténose, occasionnant une œsophagite sténosante se manifestant par une dysphagie ;

• soit parfois d’ une transformation sur plusieurs centimètres de l’ épithélium malpighien en épithélium cylindrique de type gastrique, nommée muqueuse de Barrett ou endobrachyœsophage, lésion précancéreuse (vue avec le RGO).

4 SIGNES CLINIQUES ET ÉVOLUTIONElle est révélée par :

• des brûlures intenses de la partie inférieure de l’ œsophage

• un pyrosis, sensation de brûlure se transmettant le long de l’ œsophage et s’ accompagnant de régurgitations acides

Des complications peuvent apparaître comme une anémie, plus rarement une hématémèse, une dysphagie et parfois une odynophagie, une perte de poids. La sténose est retrouvée, comme évoquée précédemment, dans 10% des cas, avec développement d’ une fi brose. Dans 2 à 5% des cas, on voit apparaître une muqueuse de Barrett pouvant être à l’ origine d’ un adénocarcinome.

Il est important de pouvoir diff érencier un RGO d’ une œsophagite, compte tenu du risque de sténose de cette dernière, grâce notamment à une fi bro-œsogastroscopie avec biopsie.

5 EXAMENS PARACLINIQUESIls permettront de mettre en évidence soit l’ œsophagite et son retentissement sur l’ état général, soit le RGO. Dans tous les cas, ils détermineront l’ importance et le degré de gravité.

• endoscopie œsophagienne avec biopsies pour examen anathomopathologique afi n d’ apprécier la profondeur des lésions et leur type histologique

• pHmétrie des 24h et/ou manométrie œsophagienne pour visualiser le RGO et son importance

• examens biologiques (NFS avec Hb, VGM, CCMH, leucocytes et formule, Albuminémie, CRP) pour apprécier le retentissement de l’ œsophagite sur l’ état général.

6 TRAITEMENTIl sera prescrit en tenant compte de la gravité des signes, de l’ âge et de l’ évolution de chaque traitement. Il a pour but la suppression des douleurs et la cicatrisation des lésions dans un premier temps. Dans un deuxième temps, il devra prévenir et traiter les complications.

Les moyens utilisés seront :

• des mesures hygiéno-diététiques (voir RGO)

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• des traitements médicamenteux qui, selon les cas, seront des antisécrétoires, des antibiotiques pour éradiquer Hélicobacter pylori, des traitements qui renforceront la tonicité du SIO ou augmenteront la motilité de l’ œsophage

• des traitements chirurgicaux en cas d’ échec médicamenteux sur des œsophagites sévères : confection d’ un système antirefl ux ou fundoplicature, parfois associé à une vagotomie et une pyloroplastie ( intervention de Nissen) ou une diversion duodénale de Holt et Large pour lutter contre les conséquences du refl ux ou une résection de la zone sténosée et rétablissement de la continuité digestive.

AUTRES ŒSOPHAGITES

1 ŒSOPHAGITE INFECTIEUSEElles résultent de l’ action de bactéries, de virus ou de levure comme Candida albicans, chez des sujets fragiles ou défi cients sur le plan immunitaire. On peut également les observer lors de stase œsophagienne, ou de brûlure caustique, mais également à la suite d’ antibiothérapie ou de corticothérapie, en particulier chez le sujet diabétique ou immunodéprimé. Les principaux signes cliniques sont une dysphagie souvent avec odynophagie, des nausées et vomissements, une fi èvre plus ou moins élevée, et parfois des hémorragies digestives. Le traitement relève d’ antibiothérapie en cas d’ infection bactérienne, ou de l’ administration d’ antifongique en cas d’ infection mycosique. La réhydratation doit être adaptée surtout en cas de fi èvre élevée.

2 ŒSOPHAGITE RADIQUEElle résulte d’ un traitement par radiothérapie, notamment pour des cancers du poumon, du larynx, du médiastin et de l’ œsophage. Le risque de voir apparaître une sténose œsophagienne est important.

3 ŒSOPHAGITE IATROGÈNEElle est la conséquence de la prise de certains traitements médicamenteux, pouvant être agressifs pour la muqueuse œsophagienne. Exemple : aspirine, AINS (anti-infl ammatoires non stéroïdiens), certains antibiotiques (les tétracyclines par exemple).