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Nutrition Protéique

Qualité et tolérance des céréales et

produits laitiers

Nutrition et maladies dégénératives,

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CENTRE DE RECHERCHE EN NUTRITION

AUVERGNE

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Centre Diocésain de Pastorale

133, avenue de la République

63000 CLERMONT-FERRAND

Nutrition Protéique

Qualité et tolérance des céréales et

produits laitiers

Nutrition et maladies dégénératives,

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UTRITION HUMAINE

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OOrrggaanniissaattiioonn

COMITE SCIENTIFIQUE :

Y. Boirie, N. Cano, F. Caldefie-Chezet, A. Cirotte, V. Coxam, L. Mioche, C.

Rémésy, R. Thibault, M.P. Vasson.

COMITE D’ORGANISATION :

N. Cano, C. Rémésy, M. Spilmont, C. Tagliaferri, L. Wittrant

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SSoommmmaaiirree

LISTE DES INTERVENANTS .................................................................................................................. 4

PROGRAMME ..................................................................................................................................... 5

AVANT-PROPOS……………………………………………………………………………………………………………….8

CRITERES D’EVALUATION ET FACTEURS DE VARIATION DES BESOINS PROTEIQUES ....................... 10

APPORTS ENERGETIQUES ET ACCRETION PROTEIQUE ..................................................................... 19

EFFETS NON PROTEINOGENES DES ACIDES AMINES........................................................................ 24

SOURCES ET PERSPECTIVES D’EVOLUTION DE L’APPORT PROTEIQUE ............................................ 29

ACIDES AMINES ET REGULATION DE LA PRISE ALIMENTAIRE .......................................................... 36

INFLUENCE DE LA CULTURE SUR LA CONSOMMATION DE PROTEINES ........................................... 40

SCENARIO AFTERRES 2050 ............................................................................................................... 47

SOYONS ACTEURS DE NOTRE SANTE PAR L’ALIMENTATION : EXEMPLE DE NUTRINET................... 53

LA QUALITE DU GLUTEN: VARIATIONS DE SA COMPOSITION ET DE SES PROPRIETES .................... 59

INTOLERANCE AU GLUTEN, ASPECTS NOSOLOGIQUES .................................................................... 67

PERMEABILITE INTESTINALE ET SENSIBILITE AU GLUTEN……………………………………………………………….75

EVOLUTION DE L’OFFRE DES PRODUITS CEREALIERS ....................................................................... 78

PROPRIETES NUTRITIONNELLES DES PROTEINES DU LAIT ............................................................... 82

BASES DES RECOMMANDATIONS POUR LA CONSOMMATION DES PRODUITS LAITIERS ................ 85

ALIMENTATION ANIMALE ET QUALITE DU LAIT ............................................................................... 91

FACTEURS DE CROISSANCE DU LAIT ET DES PRODUITS LAITIERS: UN IMPACT SUR LE

RISQUE DE CANCERS? ....................................................................................................................... 98

ALIMENTATION ET RISQUE DE CANCER ......................................................................................... 105

RISQUES ASSOCIES AU MESUSAGE DES COMPLEMENTS ALIMENTAIRES ...................................... 110

SYNDROME METABOLIQUE ET CANCER DU SEIN ........................................................................... 115

DENUTRITION ET CANCER .............................................................................................................. 121

MALADIE D’ALZHEIMER: ASPECTS EPIDEMIOLOGIQUES, CAUSES, APPROCHES

NUTRITIONNELLES .......................................................................................................................... 125

STRESS OXYDANT ET MALADIES DEGENERATIVES ......................................................................... 131

VITAMINE D ET CERVEAU ............................................................................................................... 139

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Liste des intervenants

BIRLOUEZ Eric

BRANLARD Gérard

CHILLIARD Yves

DARDEVET Dominique

DESPORT Jean-Claude

DEVAUCHELLE Elen

GAUDICHON Claire

HERCBERG Serge

HININGER Isabelle

LATINO-MARTEL Paule

LEONIL Joëlle

LOPEZ Walter

MALAMUT Georgia

MARGARITIS Irène

MARIOTTI François

MAURIN Anne-Catherine

MENARD Sandrine

MOSONI Laurent

RIZZOLI René

SECHER Marion

SENESSE Pierre

TREDAN Olivier

VASSON Marie-Paule

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MERCREDI 12 SEPTEMBRE

9h00 Accueil

9h45 Introduction

10h00 Critères d’évaluation et Mosoni)

10h45 Apports énergétiques et accrétion protéique (Claire Gaudichon)

11h30 Effets non protéinogènes des acides aminés (Dominique Dardevet)

14h00 Sources et perspectives d’évolution

14h45 Acides aminés et régulatio

16h00 Influence de la culture sur la consommation de protéines (Eric Birlouez)

16h45 Scénario AFTERRES 2050 (Elen

Programme

EPTEMBRE

Critères d’évaluation et facteurs de variation des besoins protéiques (Laurent

Apports énergétiques et accrétion protéique (Claire Gaudichon)

Effets non protéinogènes des acides aminés (Dominique Dardevet)

Déjeuner

Sources et perspectives d’évolution de l’apport protéique (François Mariotti)

Acides aminés et régulation de la prise alimentaire (Anne-Catherine Maurin)

Pause

Influence de la culture sur la consommation de protéines (Eric Birlouez)

Scénario AFTERRES 2050 (Elen Devauchelle)

facteurs de variation des besoins protéiques (Laurent

Effets non protéinogènes des acides aminés (Dominique Dardevet)

de l’apport protéique (François Mariotti)

Catherine Maurin)

Influence de la culture sur la consommation de protéines (Eric Birlouez)

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JEUDI 13 SEPTEMBRE

8h30 La qualité du gluten: variations de sa composition et de ses propriétés (Gérard Branlard)

9h15 Intolérance au gluten, aspects nosologiques (Georgia Malamut)

Pause

10h30 Perméabilité intestinale et sensibilité au gluten (Sandrine Ménard)

11h15 Evolution de l’offre des produits céréaliers (Walter Lopez)

Déjeuner

14h00 Propriétés nutritionnelles du lait (Joëlle Léonil)

14h45 Bases des recommandations pour la consommation des produits laitiers (René Rizzoli)

Pause

16h00 Alimentation animale et qualité du lait (Yves Chilliard)

16h45 Facteurs de croissance du lait et des produits laitiers: un impact sur le risque de cancers? (Irène Margaritis)

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VENDREDI 14 SEPTEMBRE

8h30 Alimentation et risque de cancer (Paule Latino-Martel)

9h15 Risques associés au mésusage des compléments alimentaires (Marie-Paule Vasson)

Pause

10h30 Syndrome métabolique et cancer du sein (Olivier Tredan)

11h15 Dénutrition et cancer (Pierre Sénesse)

Déjeuner

14h00 Maladie d’Alzheimer: aspects épidémiologiques, causes, approches nutritionnelles (Marion Secher)

14h45 Stress oxydant et maladies dégénératives (Isabelle Hininger)

15h30 Vitamine D et cerveau (Jean-Claude Desport)

16h15 Conclusion générale

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AVANT-PROPOS

Le Centre de Recherche en Nutrition Humaine d’Auvergne (CRNH) et l’INRA organisent, depuis 1999, une Université d’Été de Nutrition se déroulant sur trois journées permettant d’aborder différentes facettes de la nutrition et de l’alimentation : aspects physiologiques, relations avec la santé et aspects sociétaux, avec la perspective de bâtir une alimentation durable. Le champ exploré dans le cadre de cette université d’été est très large et chaque année, nous nous efforçons d’en éclairer quelques aspects grâce à l’intervention des meilleurs spécialistes francophones. Nous vous invitons à consulter les actes des années précédentes que vous trouverez sur internet en recherchant « université d’été de nutrition » Pour cette 14ème édition, nous ferons le point : 1) sur l’évolution des connaissances dans le domaine de la nutrition protéique, 2) sur la question de la maîtrise de la qualité et de la tolérance des produits céréaliers et laitiers, 3) sur la prévention des maladies dégénératives et de certains cancers par l’alimentation. La maîtrise des apports en protéines est fondamentale pour notre santé, pour lutter contre la faim ou du point de vue écologique. Les besoins en protéines ont été estimés chez l’adulte à 0,8 g/kg/jour et chez le sujet âgé à 1 g/kg/jour. Ces besoins varient en fait selon les conditions physiologiques et pathologiques. Les facteurs de variation de besoins protéiques et le rôle de l’apport énergétique associé seront analysés. L’intérêt et la disponibilité des différentes sources de protéines, au sein lesquelles la place des protéines végétale doit être élargie, seront également abordées. Cette journée sera aussi consacrée aux effets physiologiques spécifiques des acides aminés, notamment dans la régulation de l’appétit. Les aspects sociétaux (influence culturelle) et l’impact écologique de la consommation de protéines seront également développés. Au cours des dernières années diverses manifestations « d’intolérance » ont est attribuées aux produits céréaliers et laitiers. La deuxième journée de l’Université d’été sera consacrée à ces aliments fondamentaux. Nous tenterons de préciser la réelle responsabilité de ces aliments dans les manifestations alléguées et, en ce qui concerne particulièrement les produits céréaliers, d’évaluer l’influence possible des variétés de céréales et de leurs modes de transformation. Les produits laitiers constituent un apport important en calcium et en protéines. Dans le cadre du PNNS, il est ainsi recommandé de consommer trois produits laitiers par jour, voire quatre pour le sujet âgé. Les bases de ces recommandations seront

revisitées de même que l’impact de l’alimentation animale sur qualité du lait. Cette

journée se terminera par l’analyse d’un récent rapport de l’ANSES (Agence nationale de

sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail) sur l’impact

possible des facteurs de croissance apportés par le lait.

La troisième journée permettra de traiter sous différents angles les relations nutrition-alimentation-santé au cours du cancer : 1) rôle de l’alimentation dans le risque de survenue de certains cancers et type d’alimentation apte à en limiter l’incidence ; 2) impact pronostique et prise en charge de la dénutrition, facteur déterminant de la survie au cours de nombreux cancers ; 3) cas particulier des relations entre syndrome métabolique et cancer

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du sein ; 4) limitations de l’usage de compléments alimentaires dans ces différentes situations. La dernière session de l’université d’été 2012 sera consacrée aux maladies neurologiques dégénératives qui constituent également un grand défi de santé public. Seront successivement étudiés : les approches nutritionnelles de la maladie d’Alzheimer, le rôle du stress oxydant dans la survenue de ces maladies et les effets cérébraux de la vitamine D. Afin d’étudier sur une très grande population les relations nutrition-santé, les

comportements alimentaires et leurs déterminants, l’Unité de Recherche en Epidémiologie

Nutritionnelles (U 557 Inserm / U 1125 Inra / Cnam / Université Paris 13), avec le soutien

du Ministère de la santé et de nombreuses institutions, a mis en place l’enquête NutriNet-

Santé. Cette enquête qui vise à recueillir des données de 500 000 internautes vous sera

présentée par son principal animateur, Serge Hercberg, au cours d’une conférence grand

public qui se tiendra à 20 H, ce mercredi 12 dans cette salle.

[email protected] 06 70 01 51 97

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Critères d’évaluation et facteurs de

variation des besoins protéiques

Laurent MOSONI

Unité de Nutrition Humaine, UMR1019, Equipe « NuTriM »

INRA Clermont-Fd – Theix, Saint Genès-Champanelle

BIOGRAPHIE

Ingénieur Agronome, Docteur de l’Université Blaise Pascal, Chercheur en Nutrition Humaine à l’INRA de Theix sur le thème « Métabolisme protéique et vieillissement » depuis 1993.

RESUME DE L’INTERVENTION

Les protéines sont des constituants fonctionnels et structuraux majeurs de toutes les cellules du corps. Un homme de 70 kg contient 11 kg de protéines, dont 43% dans le muscle et 15% dans la peau ou le sang. La moitié des protéines totales de l'homme est constituée par la myosine, l’actine, l’hémoglobine et le collagène qui représente à lui seul 25% des protéines corporelles. Toutes ces protéines sont constituées d’acides aminés, et ces acides aminés ont également d’autres rôles en tant que précurseurs de co-enzymes, hormones, acides nucléiques et autres molécules essentielles pour la vie. La synthèse des protéines, processus continu qui nécessite la présence simultanée de tous les acides aminés, constitue la principale voie de leur utilisation (80 % soit plus de 250 g par jour). L’utilisation comme précurseurs de composés divers est quantitativement moins importante mais elle est la principale composante du besoin chez l’adulte. En effet, les acides aminés utilisés dans l’organisme proviennent principalement du recyclage des acides aminés libérés par la dégradation des protéines corporelles. Toutefois, une fraction (environ 20 %) doit être fournie par l’alimentation d’une part, pour compenser les pertes en acides aminés qui ne sont pas recyclés et qui ont été excrétés, oxydés pour produire de l’énergie ou utilisés pour synthétiser d’autres métabolites et d’autre part, pour permettre le remplacement des acides aminés éliminés dans les protéines sécrétées (pertes digestives, cutanées). En particulier, il est nécessaire d’avoir un apport spécifique en 9 acides aminés indispensables car l’organisme ne peut pas les synthétiser. En revanche, le besoin en acides aminés non indispensables, que l’organisme peut synthétiser à partir d’autres acides aminés ou de composés azotés, est indifférencié.

1. Critères d’évaluation des besoins protéiques

Les besoins en protéines correspondent aux besoins en azote alpha-aminé et aux besoins en acides aminés indispensables. Les capacités d’adaptation du métabolisme des protéines à

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des niveaux variables de protéines et d’énergie rendent plus difficile l’établissement de besoins quantitatifs précis.

a) Critères d’évaluation des besoins en protéines :

La méthode factorielle : Cette méthode est basée 1) sur l’estimation des pertes obligatoires d’azote chez un sujet nourri avec suffisamment d’énergie mais sans protéines 2) sur le calcul des autres composantes du besoin (croissance, lactation, etc…). Il suffira alors d’additionner ces différentes composantes pour obtenir les besoins. Cependant, dans une situation où les apports en protéines sont nuls, l’organisme devient très efficace pour économiser les protéines. Quand les apports en protéines sont proches du besoin, cette efficacité diminue. Dans cette méthode, en appliquant des pertes mesurées en situation de déficit complet à une situation d’apports corrects, on commet une erreur et l’on sous-estime les pertes réelles. De plus, il est difficile de mesurer avec précision certaines pertes azotées (sueur, desquamations, sécrétions nasales, etc…).

La méthode du bilan azoté :

C’est actuellement la méthode de référence. Il s’agit de calculer la différence entre les apports en protéines et les différentes pertes. On suppose que quand les apports sont suffisants et proches du besoin, la balance azotée devient nulle. Pour faire ces mesures, des protéines de bonne qualité sont utilisées de façon à ce que la balance azotée ne soit pas négative uniquement du fait d’un déficit en un acide aminé indispensable.

Cette méthode n’est cependant pas idéale. Du fait d’un renouvellement lent du pool d’urée, il faut plusieurs jours d’acclimatation à un niveau donné d’apport protéique pour obtenir des données fiables. De plus, il faut être très rigoureux dans les moyens mis en œuvre car il est facile de surestimer les ingérés et de sous-estimer les pertes. Ceci est aggravé par le fait que les pertes cutanées peuvent varier de façon importante en fonction des variations climatiques. Ainsi, on observe souvent des bilans azotés largement positifs dans la littérature chez des adultes, ce qui est biologiquement improbable.

Finalement, quand on veut établir les besoins par la méthode du bilan azoté, on cible un apport protéique proche du besoin. Mais en pratique, il est nécessaire de tester plusieurs niveaux d’apports, et d’établir alors par calcul le niveau d’apport qui correspond à un bilan nul. Il est d’ailleurs important de réaliser plusieurs niveaux d’apports pour chaque sujet du fait de la variabilité individuelle. Cependant, la majorité des études a fait les mesures en commençant par un niveau d’apport bas, et en montant ensuite à un niveau légèrement supérieur aux besoins. Or, nous savons que l’efficacité du métabolisme protéique n’est pas constante : à un niveau d’apport bas, l’organisme est plus efficace pour éviter les pertes. Ainsi, les scientifiques s’accordent à penser que lorsque l’on calcule l’apport qui conduit à un bilan nul, il ne vaut mieux pas utiliser une régression linéaire, mais plutôt un modèle non linéaire ou bilinéaire. Cependant, pour passer du besoin mesuré à une recommandation à l’échelle d’une population, on a besoin d’avoir une idée de la variabilité des mesures entre individus. Or les scientifiques estiment que c’est seulement avec la méthode de la régression linéaire que l’on dispose de suffisamment de données pour calculer la variabilité individuelle et proposer des recommandations à l’échelle de la population. Ainsi, bien que l’on sache que

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le bilan azoté sous-estime les besoins, et que la régression linéaire n’est pas la meilleure méthode de calcul, la majorité des organismes gouvernementaux utilise le bilan azoté et la régression linéaire pour proposer des recommandations en protéines. Ainsi, le besoin moyen chez l’adulte serait de 0,66 g de protéines par kg et par jour, ce qui donne une recommandation d’apport pour être sûr que 95% de la population couvre ses besoins de 0,8 g de protéines par kg et par jour. A titre de comparaison, la consommation spontanée des adultes en France est de 1,4 g/kg/j.

La méthode de l’oxydation d’un acide aminé témoin

Certains auteurs proposent pour déterminer les besoins protéiques d’utiliser une méthode utilisée au départ pour mesurer les besoins en acides aminés indispensables (voir plus bas). Le principe de cette méthode est de mesurer l’oxydation d’un acide aminé témoin ou indicateur (souvent la phénylalanine) dont le niveau d’apport reste constant tout en faisant varier le niveau d’apport protéique total. Quand le niveau d’apport est bas, l’acide aminé témoin ne peut pas être incorporé dans les protéines car beaucoup d’acides aminés sont limitant, et son oxydation est donc forte. Au fur et à mesure que le niveau d’apport protéique augmente, l’oxydation diminue, et à partir d’un certain niveau d’apport protéique, elle ne varie plus. Le point d’inflexion correspond théoriquement au niveau du besoin. Cette méthode a été utilisée chez l’homme adulte par Elango et al. (2010). Ils obtiennent un besoin moyen de 0,93 g/kg/j et un apport recommandé de 1,2 g/kg/j, et ils estiment que cela correspond assez bien aux chiffres que l’on pourrait obtenir en utilisant un modèle bilinéaire à partir des données du bilan azoté. Cependant, cette méthode est également critiquable. Elle n’est mise en œuvre que dans des conditions nutritionnelles un peu particulières, à l’état nourri, pendant une durée courte. L’effet de la variation des apports protéiques sur l’oxydation de l’acide aminé témoin à jeun n’a pas été étudié. Au moins, la méthode du bilan azoté représente une moyenne de plusieurs jours.

b) Critères d’évaluation des besoins en acides aminés indispensables :

Dans la grande majorité des cas, lorsque l’on consomme des protéines alimentaires courantes, on couvre largement ses besoins en acides aminés indispensables. Il était néanmoins nécessaire de les déterminer. Plusieurs méthodes ont été proposées. Elles sont toujours basées sur le principe de faire varier uniquement les apports de l’acide aminé étudié et de mesurer les conséquences sur un marqueur.

Le bilan azoté

Le premier marqueur utilisé a été le bilan azoté : on fait varier les apports de l’acide aminé étudié, et on mesure le bilan azoté. Quand on s’approche du besoin, le bilan devient nul. Comme expliqué, on considère que cette méthode sous-estime les besoins, et effectivement, les besoins calculés avec cette technique sont inférieurs à ceux obtenus par d’autres méthodes.

La concentration plasmatique de l’acide aminé testé

On a ensuite considéré la concentration plasmatique de l’acide aminé testé. En théorie, lorsque l’apport est insuffisant, la concentration plasmatique de l’acide aminé testé est basse, et dans un premier temps, ne varie pas quand l’apport augmente. C’est seulement

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quand on arrive au niveau du besoin que la concentration se met à croître. En pratique, de nombreux facteurs influencent la concentration plasmatique des acides aminés, et il est souvent difficile de détecter un point d’inflexion clair dans la courbe de la concentration en fonction des apports.

L’oxydation de l’acide aminé testé

La mesure de la concentration est maintenant supplantée par l’utilisation d’acides aminés marqués sur le carbone avec des isotopes stables et mesure de l’oxydation. Comme les acides aminés indispensables ne peuvent être synthétisés (c’est ce qui les rend indispensables !), la production de 13CO2 à partir d’un acide aminé marqué au 13C est une bonne mesure de la perte oxydative irréversible de cet acide aminé. On va donc comme précédemment rechercher le point d’inflexion de la courbe représentant l’oxydation de l’acide aminé en fonction des apports : l’oxydation ne commencera à monter que lorsque les apports seront devenus suffisants et légèrement excédentaires.

Plusieurs critiques ont été émises sur cette méthode. Tout d’abord, il est nécessaire de tester des apports très bas, si bas que la proportion du traceur devient significative par rapport aux apports, alors que ce n’est plus le cas quand les apports augmentent. Cela conduit à des incertitudes dans les mesures. D’autre part, on ne peut tester par cette méthode que les acides aminés dont le groupement carboxyle est libéré directement dans le pool des bicarbonates après oxydation (acides aminés ramifiés, phénylalanine, lysine). On ne peut utiliser cette méthode pour la thréonine ou le tryptophane. Enfin, pour chaque niveau d’apport, les mesures ont souvent été réalisées à l’état postprandial uniquement, et ne sont pas forcément représentatives d’un jour complet.

Ces critiques ont conduit certains auteurs à mesurer l’oxydation de l’acide aminé test en continu pendant 24h. Ainsi, El-Khouri et al. (1994) ont étudié 3 niveaux d’apports différents de leucine : le niveau proposé par la FAO en 1985 sur la base de mesures de bilan azoté (14 mg/kg/j), le niveau obtenu après leurs mesures d’oxydation réalisées sur des périodes courtes (40 mg/kg/j), et un niveau considéré comme excédentaire (90 mg/kg/j). Ils ont pu calculer l’oxydation sur 24h, mais aussi faire le bilan entre la leucine ingérée et la leucine oxydée. Ils concluent que les mesures d’oxydation réalisées sur 24h sont très proches des extrapolations obtenues après des mesures sur une période courte, et confirment que le besoin en leucine se situe autour de 40 mg/kg/j.

L’oxydation d’un acide aminé témoin

Cette méthode est dérivée de la méthode précédente mais cette fois-ci, on mesure non pas l’oxydation de l’acide aminé étudié, mais l’oxydation d’un autre acide aminé indispensable, dont l’oxydation baisse quand les apports de l’acide aminé indispensable limitant étudié augmentent, et devient constante quand le besoin est atteint. Cette méthode a également été utilisée pour mesurer le besoin en protéines (voir plus haut). Le recours à cette méthode permet cette fois-ci de mesurer le besoin de tous les acides aminés indispensables et notamment la thréonine ou le tryptophane. Une mesure sur 24h a été réalisée en 2001 (Kurpad et al. 2001) pour mesurer les besoins en lysine en mesurant l’oxydation de la

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leucine. Cette méthode (oxydation d’un acide aminé témoin sur 24h) est considérée comme la méthode de référence.

En fonction des données disponibles dans la littérature, les experts de tous les pays ont alors établi des recommandations officielles sur les besoins des différents acides aminés indispensables. En France, les données proposées par l’ANSES (mg/kg/j) sont les suivantes :

Histidine 11 / Isoleucine 18 / Leucine 39 / Valine 18 / Lysine 30 / AA soufrés 15 / AA aromatiques 27 / Thréonine 16 / Tryptophane 4.

2. Facteurs de variation des besoins protéiques

Les principaux facteurs de variation des besoins protéiques sont l’âge, la grossesse, la lactation, et l’exercice. Bien sûr, les besoins en protéines et acides aminés indispensables peuvent également varier en fonction de l’état pathologique des personnes (inflammation, etc…) mais nous nous limiterons ici aux cas des personnes en bonne santé.

a) L’âge :

L’âge va modifier les besoins d’une part chez les enfants du fait des besoins liés à la croissance, et d’autre part au cours du vieillissement du fait des altérations du métabolisme des protéines.

Les besoins liés à la croissance

Alors que chez un adulte la masse protéique corporelle est stable, chez l’enfant elle s’accroît et cela implique des besoins en protéines supplémentaires. Ces besoins ne sont pas forcément faciles à évaluer car il est délicat de mettre en œuvre des techniques un peu invasives chez l’enfant. Ainsi, de 0 à 6 mois, on considère que les besoins correspondent certainement aux apports moyens observés dans le lait humain. Après cet âge, on utilise la méthode factorielle en estimant du mieux possible l’apport protéique nécessaire pour équilibrer les pertes inévitables et les besoins liés à la croissance. Ceux-ci peuvent être estimés en mesurant l’évolution de la composition corporelle des enfants et en calculant la quantité de protéines fixées en moyenne par jour. A partir de 4 – 5 ans, il est raisonnable de considérer que le besoin d’entretien est égal aux besoins totaux mesurés chez les adultes (puisqu’ils n’ont pas de besoins de croissance). On obtient finalement des valeurs de l’ordre de 10 g par jour pour les enfants de 0 à 36 mois, puis de 1,2 g/kg/j de 7 à 12 mois, autour de 1 g/kg/j jusqu’à 14 ans. Les recommandations sont ensuite très proches de celles des adultes.

Pour ce qui est des acides aminés indispensables, on utilise également la méthode factorielle en considérant que la composition en acides aminés des besoins pour la croissance, mais aussi pour l’entretien, doit être proche de la composition en acides aminés des protéines fixées, donc des protéines corporelles. Chez les nourrissons, on se base également sur la composition du lait de femme ; des formules artificielles ont également été testées avec pour objectif de déterminer les apports minimaux permettant une croissance et une albuminémie normales.

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Il faut souligner que la plupart des méthodes mises en œuvre chez les jeunes enfants vont avoir tendance à surestimer le besoin. Après 1 an, comme chez les adultes, on constate que dans les pays développés, les consommations spontanées sont largement supérieures aux apports recommandés (de l’ordre de 3 à 5 fois).

Evolution des besoins au cours du vieillissement

Au cours du vieillissement, la masse grasse s’accroît alors que la masse maigre diminue. Cette perte de masse maigre correspond à une perte de masse musculaire et osseuse alors que le foie et le tractus digestif sont peu affectés.

Le turnover protéique corporel exprimé par kg de poids corporel est réduit avec l’âge du fait de la perte de masse maigre. Lorsqu’il est exprimé par kg de masse maigre, il se maintient avec l’âge dans la plupart des études. Cependant, au niveau du muscle, on observe une baisse de la sensibilité du métabolisme protéique aux stimuli anaboliques. Ainsi, chez l’adulte, après un repas, du fait d’une augmentation des teneurs en insuline et en acides aminés, la synthèse protéique est stimulée, et la protéolyse est inhibée. Ceci permet un gain net de protéines qui va compenser les pertes observées à jeun. Au cours du vieillissement, ce phénomène fonctionne moins bien : il faut des repas suffisamment riches en protéines pour obtenir une réponse normale.

Ainsi, l’étude de l’effet du vieillissement sur le métabolisme protéique conduit à des conclusions contradictoires :

- Certains arguments plaident en faveur d’une absence de différence entre les besoins des adultes et des personnes âgées : à l’état basal, les flux de synthèse et de dégradation sont peu modifiés avec l’âge ; l’augmentation globale du niveau des apports protéiques a des effets similaires chez les adultes et les âgés.

- D’autres observations permettent de penser que les modifications liées à l’âge vont conduire à une augmentation des besoins : la lutte contre le stress oxydant devrait ainsi générer des besoins accrus ; la baisse de l’effet des acides aminés lors du repas va également dans ce sens.

On peut cependant souligner qu’aucun argument ne permet de penser que les besoins seront diminués avec l’âge.

Les études réalisées pour déterminer les besoins protéiques vont dans le même sens. En l’état actuel des connaissances, on considère que le besoin en protéines est plus élevé chez des sujets âgés, où on l’estime à 0,8 g/kg/j, que chez des sujets adultes (0,66 g/kg/j), ce qui correspond à un apport conseillé de 1,0 g/kg/j de protéines de bonne qualité. Les américains maintiennent un apport conseillé à 0,8 g/kg/j en expliquant que comme la masse maigre a diminué, les apports par kg de masse maigre seront ainsi plus élevés. Mais les auteurs concluent à la nécessité d’études supplémentaires pour avoir des informations plus solides. En ce qui concerne le besoin en acides aminés, les mêmes problèmes méthodologiques se posent et moins d’études ont été réalisées. Pour les études qui ont cherché à quantifier ce besoin en acides aminés, on considère actuellement qu’il est inchangé ou supérieur chez les sujets âgés. Cependant, la lutte contre le stress oxydant plus intense avec l’âge pourrait conduire à un besoin accru en cystéine, histidine et acides aminés aromatiques.

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b) La grossesse et l’allaitement :

La grossesse et l’allaitement induisent des besoins protéiques qui se rajoutent aux besoins d’entretien des femmes. Au cours de la grossesse, on calcule le plus souvent les besoins par la méthode factorielle en estimant les quantités de protéines fixées dans le fœtus, le placenta et la mère (modification de composition corporelle). Ainsi, le gain total de protéines au cours la grossesse a été évalué à 950 g, dont plus de la moitié pour le fœtus et le placenta. Cela représente un apport supplémentaire de l’ordre de 3,4 g /j (de 0,7 g/ j pendant le premier trimestre à 5,8 g /j pendant le troisième trimestre). Des mesures de bilan azoté et d’évolution de la composition corporelle montrent que le rendement de fixation de l’azote augmente au cours de la grossesse. De plus, l’organisme maternel semble fixer plus d’azote que nécessaire en début de grossesse, et cet azote sera entièrement utilisé en toute fin de grossesse au moment où la croissance du nouveau-né est la plus forte. Les besoins en acides aminés indispensables sont également majorés en proportion des acides aminés fixés en sus. Finalement, l’apport nutritionnel conseillé en plus des besoins moyens est de 25 g / j en moyenne au cours des deux derniers trimestres de grossesse.

En ce qui concerne la lactation, on applique également la méthode factorielle en estimant la quantité de protéines produites pendant la lactation. Elle est relativement compliquée à mesurer car la teneur en protéines du lait de femme varie au cours de la lactation (plus élevée en début de lactation) et de la tétée, et les protéines ne constituent que 75 % de l’azote total contenu dans ce lait (urée, peptides, acides aminés sont également présents). Les apports protéiques conseillés en plus du besoin de base sont de 19 g/ j au cours du premier mois de lactation à 14 g / j au cours du sixième mois.

c) L’exercice

L’exercice modifie de manière significative le métabolisme protéique conduisant à une inhibition de la synthèse protéique et une stimulation de la protéolyse pendant l’exercice, et à une stimulation de la synthèse protéique après l’exercice. Les acides aminés peuvent également servir de substrats énergétiques. Il existe différents types d’exercice (endurance, résistance, aérobie, anaérobie, intensité faible, forte), et chaque type d’exercice aura une influence spécifique sur le métabolisme protéique. Les exercices de type marathon vont induire des altérations des fibres musculaires, générant un besoin accru en protéines pour réparer et renouveler les protéines contractiles. Les exercices de force vont au moins transitoirement conduire à une augmentation de la masse musculaire, conduisant à des besoins accrus en protéine. Il faut d’ailleurs ici distinguer les apports correspondant à des besoins, et les apports correspondant à un désir d’augmenter les performances (les sportifs qui font de la musculation consomment parfois des quantités énormes de protéines dans le but de stimuler leur prise de muscle). Les méthodes que l’on peut mettre en œuvre pour étudier ces besoins sont les mêmes que chez l’adulte, et l’on peut également étudier l’effet de différents niveaux d’apport sur les performances.

En général, les besoins sont couverts par un apport en protéines égal à 12-14 % de l’apport énergétique total, lorsque la balance énergétique est équilibrée. Les apports nutritionnels conseillés en protéines du sportif d’endurance peuvent être évalués à 1,2 - 1,4 g/kg/j. Ces valeurs varient avec le niveau d’entraînement. Les femmes ont en général des besoins de 15

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à 20 % inférieurs à ceux des hommes. En ce qui concerne les disciplines de force, les apports nutritionnels conseillés en protéines peuvent être estimés entre 1,3 et 1,5 g /kg /j. Dans le cas où ces apports sont majorés dans le but de développer la masse musculaire, ils ne devraient pas dépasser 2,5 g /kg /j et pour une durée n’excédant pas 6 mois.

3. Perspectives :

En ce qui concerne les méthodes de mesure des besoins azotés, on peut imaginer que l’avènement de la métabolomique permettra de définir de nouveaux critères de satisfaction des besoins. Il faut également constater que les méthodes actuelles de définition des besoins correspondent à des besoins minimaux, en dessous desquels il y aurait carence, et non pas à des besoins optimaux, pour lesquels on manque de critères objectifs. Les pistes pour établir ces besoins seraient de mieux comprendre le rôle des acides aminés dans le maintien de la composition corporelle (leucine), la santé osseuse, la fonction intestinale avec sa flore, l’homéostasie glucidique, la signalisation cellulaire, la satiété. Une autre donnée vient s’immiscer dans le débat : l’augmentation de la population mondiale, dans un monde où les ressources de terres cultivables sont limitées. Pour pouvoir nourrir de manière équitable l’ensemble de la population mondiale, il va sans doute devenir nécessaire de diminuer nos consommations en protéine et de consommer plus de protéines végétales. Il nous faut donc continuer à améliorer nos connaissances sur la quantité et la qualité des protéines que nous devons consommer, voire sur le moment où il faut les consommer.

References

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NOTES

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Apports énergétiques et accrétion protéique

Claire GAUDICHON

UMR Physiologie de la Nutrition et du Comportement Alimentaire

AgroParisTech-INRA, Paris

BIOGRAPHIE

Claire Gaudichon est professeur de Nutrition Humaine à AgroParisTech où elle exerce en tant qu’enseignant chercheur. Elle y enseigne différentes thématiques, allant de la physiologie et biologie de la nutrition aux débouchés agro-industriels des aliments à bénéfice sur la santé. Elle est responsable de la spécialité de master « Nutrition et Santé » du master STVE d’AgroParisTech. Ses thèmes de recherche sont la digestion des protéines, le métabolisme protéino-énergétique, les régimes hyperprotéiques, la qualité de l’apport protéique. Elle a conduit de nombreuses études chez l’Homme et travaille aussi sur modèle rongeur, avec pour voie d’approche privilégiée la détermination des flux digestifs métaboliques.

RESUME DE L’INTERVENTION

Les protéines ont un rôle ubiquitaire dans l’organisme dans la mesure où elles exercent une fonction, spécifique à chaque protéine (qu’il s’agisse d’enzymes, de protéines de transports, d’hormones ou de messagers, de molécules de l’immunité, de protéines de structure…), mais elles peuvent aussi servir de substrat énergétique après avoir été dégradées en acides aminés. La définition du besoin azoté selon la FAO tient compte de la composante énergétique : « le besoin azoté est la prise protéique habituelle permettant de maintenir un équilibre azoté chez une personne en bonne santé et de composition corporelle normale, en bilan énergétique normal et en activité physique modérée ». Lorsque l’apport énergétique n’est pas suffisant par rapport à la dépense, une partie de l’apport protéique alimentaire sera utilisé pour pallier cette insuffisance et ne pourra alimenter la synthèse protéique. L’étroite relation entre le métabolisme énergétique et le métabolisme protéique trouve sa source dans les régulations biochimiques et hormonales. Sur le plan pratique, le statut énergétique de l’individu influence l’accrétion protéique dans les situations de croissance ou encore de restriction alimentaire ; les états cataboliques liés à des pathologies ou traumatismes sont aussi une expression de cette interaction.

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Le métabolisme protéique : une des trois voies énergétiques

Trois classes de nutriments sont capables de fournir de l’énergie : les glucides, les lipides et les protéines. Des interconversions entre ces voies sont possibles au niveau de carrefours métaboliques, tels que le pyruvate, carrefour acides aminés - glucose, le glycérol, carrefour triglycérides – glucose ou l’acétyl coA qui permet aux produits de dégradation des molécules énergétiques soit de rentrer dans le cycle de Krebs soit de resynthétiser des molécules énergétiques telles que les lipides ou des corps cétoniques. La transformation des squelettes carbonés des acides aminés peut donc fournir du glucose par l’intermédiaire de l’alanine et du pyruvate, ou rentrer dans le cycle de Krebs et fournir directement de l’énergie. La dégradation des protéines est donc une voie conduisant à la production d’énergie.

Au contraire, comme toutes les voies de synthèse, la synthèse protéique est coûteuse en énergie. Il faut environ 1 kcal pour synthétiser 1 g de protéines (4 kcal). Lorsque le statut énergétique est défavorable, un senseur énergétique cellulaire, l’AMP kinase, est activé et bloque les processus de synthèse, permettant l’activation des processus de dégradation. L’accrétion protéique, qui est une résultante entre les phénomènes de synthèse et de dégradation, en est donc perturbée. Un autre type de régulation de l’accrétion protéique intervient par le biais de l’insuline. Suite à l’ingestion de glucides, l’insuline libérée est signalisée dans certains tissus comme le muscle à travers la voie de la PI3Kinase qui via l’Akt, active les effecteurs cibles de la voie mTOR. En présence d’acides aminés, la traduction protéique est alors activée.

Il apparaît donc que l’apport énergétique est susceptible d’influencer l’accrétion protéique par le biais de plusieurs facteurs. Un apport énergétique insuffisant ne permettra pas une utilisation optimale des apports protéique pour le renouvellement ; de plus, une faible stimulation de l’insuline par un apport glucidique peut diminuer l’efficacité des processus d’anabolisme protéique.

Apport énergétique total et accrétion protéique

Le bilan azoté est une expression de l’accrétion protéique. Il a été montré dans de multiples études que le bilan azoté est fonction de l’apport protéique et de l’apport énergétique. Selon des métanalyses anciennes (Elwyn, 1980, Elia, 1982), l’apport protéique permettant d’équilibrer le bilan est de l’ordre de 5 g d’azote chez un individu en apport excédentaire, de 8 g lorsque l’apport est équilibré, alors que 16 g ne permettent pas d’équilibrer le bilan en cas de déficit énergétique. Les travaux de Calloway, qui ont en partie servi de base à l’établissement des besoins protéiques par la FAO en 1985, ont abouti à la conclusion qu’une variation d’1 kcal pouvait faire varier la rétention protéique de 1 à 2 mg d’azote. Le concept de rapport protéines/énergie dans les régimes a été mis en avant par la FAO comme indicateur d’adéquation des régimes aux besoins nutritionnels, mais son utilisation reste discutable du fait des variabilités combinées des besoins protéiques et énergétiques dans la population, et de sa sensibilité au poids, sexe et âge de l’individu.

Il a été largement observé, notamment dans la pratique des régimes amaigrissants, qu’une restriction calorique se traduisait par une perte de masse maigre. La perte de masse maigre est positivement corrélée à la restriction énergétique, corrélation qui a été évaluée à 0.31 par Chaston et al. dans une revue systématique (2007). Les régimes à très basse calorie (VLCD), pratiqués largement dans les années 1980, ont montré l’influence du ratio

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protéines/énergie sur l’intensité de la perte de masse maigre. L’étude de Hoffer et al., en 1984, est instructive car elle montre que le bilan azoté reste négatif pendant les 8 semaines de pratique d’un régime VLCD avec un apport protéique modéré (ratio P:E=0.35) alors qu’il se normalise si l’apport protéique est élevé (ratio P :E=0.68). L’augmentation de l’apport protéique permet de palier l’effet négatif du déficit énergétique sur l’accrétion protéique. Mais cette étude montre aussi clairement que quel que soit l’apport protéique, la restriction calorique altère le bilan azoté pendant les 4-5 premières semaines de régime.

On retrouve largement cette observation dans la littérature : une perte de masse maigre est inéluctable lors d’une restriction calorique, même modérée et avec un apport protéique adéquat, dans les premières semaines de régime, ainsi que l’ont montré Adéchian et al. (in press) alors que cette perte de masse maigre s’estompe à plus long terme. La méta-analyse de Krieger et al. (2006) illustre bien l’influence du temps de régime sur la perte de masse maigre. Ceci témoigne probablement des phénomènes adaptatifs du métabolisme énergétique mais aussi protéique aux restrictions à long terme. Ces adaptations concernent la perte de poids et la réduction du métabolisme basal, et une augmentation du recyclage de l’urée limitant ainsi les pertes d’azote dites obligatoires (Waterlow, 1986).

L’effet de la restriction calorique sur les flux protéiques n’est pas clairement établi. Par exemple, si Friedlander et al. (2005) montrent bien une altération du bilan azoté lors d’une restriction calorique, ils ne mettent pas en évidence de diminution de la synthèse protéique corps entier, de même que Garlick et al. (1980) n’ont pas montré de diminution du turnover protéique lors d’une restriction sévère. Cela peut masquer des différences tissulaires, le muscle pouvant être plus sensible que d’autres organes à la restriction calorique car il peut jouer un rôle de réserve énergétique en cas de déficit alors que la fonctionnalité des organes vitaux tels que le foie et le rein doit être préservée. En effet, Pasiakos et al. (2010) rapportent une diminution de 20 % du taux de synthèse protéique musculaire, allant de pair avec une moindre activation des voies Akt et mTOR.

Qualité de l’apport énergétique et accrétion protéique

La nature des macronutriments énergétiques du repas ou du régime influence également l’accrétion protéique. L’effet d’épargne des glucides a été montré à plusieurs reprises. Les pertes postprandiales des protéines du repas chez le volontaire sain non restreint sont diminuées de 5 % en présence de sucre alors que les lipides ne minimisent pas les pertes (Gaudichon et al. 1999 ; Mariotti et al, 2001), ce qui correspond dans ces études à une épargne de 1.5 g de protéines par repas. Lors d’une restriction calorique sévère, il a été mis en évidence qu’un taux élevé de glucides permettait d’épargner plus d’azote qu’un taux faible, mais l’épargne est là encore modérée car elle correspond à 150 g de protéines épargnées pendant 1 mois (Vazquez et al., 1995). La métanalyse de Krieger et al. (2006) montre aussi cette prépondérance de l’effet des glucides dans l’apport énergétique. Lors de la pratique de régimes amaigrissants, souvent hypoglucidiques, un taux inférieur à 46 % de glucides est associé à une perte de masse maigre, ce qui peut contrecarrer le bénéfice d’une augmentation de l’apport protéique. L’effet bénéfique des lipides a aussi été proposé par certains auteurs, comme Mc Cargar et al. (1989) chez l’homme sain non restreint (alors qu’en restriction énergétique, un fort taux de glucides ou de lipides sont équivalents), ou comme Boulétreau et al. (2005) chez le patient en nutrition parentérale, mais cette effet spécifique des lipides reste controversé. La nature des lipides utilisés est elle-même une

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source de variation des résultats obtenus car certains acides gras peuvent interagir avec les processus de synthèse protéique en améliorant l’insulino-sensibilité dans des conditions d’insulino résistance (Tardif et al. 2011).

Au final, si l’impact de l’apport énergétique sur l’accrétion protéique a été démontré dans de nombreuses études depuis plus de 50 ans, l’interaction entre le métabolisme des macronutriments énergétiques et le métabolisme protéique est une question large dont certains pans restent encore à explorer, notamment dans des situations nutritionnelles ou physiopathologiques particulières.

Bibliographie

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NOTES

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Effets non protéinogènes des acides aminés

Dominique DARDEVET, PhD, HDR

Unité de Nutrition Humaine, UMR1019, Equipe « NuTriM »

INRA Clermont-Fd – Theix, Saint Genès-Champanelle

�04 73 62 45 05

BIOGRAPHIE

Parcours Professionnel

1989-1990 "Exchange Student" à Medical University of South Carolina (MUSC), Department of Medicine and Biochemistry/Molecular Biology, Prof. MG Buse, Charleston, USA

1990-1994 Attaché Scientifique Contractuel à l'Unité d'Etude du Métabolisme Azoté - INRA Clermont-Theix

1994-1999 Chargé de Recherche 2ème classe à l'Unité d'Etude du Métabolisme Azoté - INRA Clermont-Theix

1999-2005 Chargé de Recherche 1ère classe à l'Unité de Nutrition et Métabolisme Protéique - INRA Clermont-Theix

2002-2004 Vanderbilt University, Department of Molecular Physiology & Biophysics, Prof. AD Cherrington, Nashville, USA

2006-2011 Directeur de Recherche et Responsable de l’équipe “Nutrition et Signaux Protéiques (NSP)” à Unité de Nutrition Humaine UMR 1019.

2006 Directeur Adjoint de l’Unité de Nutrition Humaine, UMR 1019 Clermont-Theix 2012-2017 Co-responsable de l’équipe « Nutrition, Métabolismes et Masse Musculaire » ,

NutriM, à Unité de Nutrition Humaine UMR 1019.

Activités de recherche

Mes activités de recherche se situent dans les différents domaines du métabolisme des protéines. Celles-ci visent à l'optimisation de l'anabolisme protéique musculaire à travers deux approches: 1 - Etude de nouveaux mécanismes de la perte de muscle et leurs relations avec le déclin des fonctions contractiles, 2 - Analyse des effets des protéines alimentaires et des acides aminés sur l'anabolisme des protéique dans les situations de fonte musculaire, par exemple le vieillissement ou les états cataboliques. L’objectif global étant de caractériser les perturbations métaboliques associées à une situation d’atrophie musculaire et de générer des stratégies nutritionnelles adéquates par des combinaisons de nutriments.

Nutrition metabolisms &

muscle mass

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RESUME DE L’INTERVENTION

Les acides aminés sont les constituants de bases des protéines corporelles. Ils sont au nombre de 20 (Acide aspartique, Acide glutamique, Alanine, Arginine, Asparagine, Cystine, Glutamine, Glycine, Histidine, Isoleucine, Leucine, Lysine, Méthionine, Phénylalanine, Proline, Sérine, Thréonine, Tyrosine, Tryptophane, Valine). Même si certains d’entre eux peuvent être synthétisés par l’organisme, cette synthèse endogène est souvent insuffisante et l’apport en acides aminés est donc directement dépendant de la consommation de protéines alimentaires qu’elles soient d’origine animale ou végétale. Il existe d’autres acides aminés qui ne sont pas retrouvés dans les protéines et qui peuvent être soient synthétisés par l’organisme soit être consommés. A titre d’exemple, nous pouvons citer la Citrulline, l’ Ornithine, la Taurine, la Carnitine , la Créatine ……).

Après la digestion des protéines alimentaires, ou leur ingestion directe, les acides aminés se retrouvent dans le compartiment sanguin et vont être captés par les tissus. Lorsqu’ils ne sont pas dégradés directement par le foie, les acides aminés vont pouvoir être utilisés pour les synthèses protéiques. Cependant, certains acides aminés, une fois entrés dans les cellules peuvent avoir des fonctions autres et influencer l’activité cellulaire via 1) des fonctions signal (comme une hormone) en modulant l’activité de voies de signalisation spécifiques à tel ou tel métabolisme ; 2) être utilisés dans la synthèse de composés actifs mais sans mise en jeu de la protéosynthèse ou 3) via leur catabolisme, générer des métabolites actifs. A titre d’exemple,les effets de la leucine et la citrulline seront developpés pour les voies de signalisation ; la cystéine en tant que précurseur du glutathion et l’arginine en tant que générateur d’oxyde nitrique (NO).

Modulation de voies de signallisation et sarcopénie

Avec l’âge, il y a des modifications de la réponse du métabolisme protéique pendant la période de transition de l’état post-absorptif (a jeun) à l’état post-prandial (nourri). La prise alimentaire inhibe moins la dégradation des protéines et stimule moins la synthèse des protéines musculaires chez la personne âgée et ceci quel que soit le sexe. Cette perte de l’effet anabolique du repas pourrait donc en partie expliquer le déclin de la masse musculaire au cours de l’âge (sarcopénie) puisqu’une partie des protéines musculaires perdue au cours de la phase post-absorptive ne serait pas complètement compensée durant la prise alimentaire chez la personne âgée. Ce défaut de régulation de l’anabolisme protéique musculaire a pu être mis en relation avec la perte de sensibilité à un acide aminé : le leucine. Parmi les acides aminés, ceux à chaîne ramifiée et en particulier la leucine, jouent un rôle important dans la stimulation de la synthèse des protéines musculaires. En effet cet acide aminé, en plus d’être un substrat, est également un « acide aminé signal » puisqu’il stimule spécifiquement des facteurs et kinases intracellulaires impliqués dans des voies de signalisation contrôlant la traduction des protéines i.e la voie mTOR. Des stratégies nutritionnelles ont donc été envisagées à partir de ces observations. En effet, in vitro, la protéosynthèse musculaire du rat âgé est toujours capable de répondre à l’effet signal de la leucine mais avec des concentrations en cet acide aminé 2 à 3 fois supérieures à celles qui sont normalement obtenues avec un repas normo protéique. A partir de ces résultats, il a été fait l’hypothèse qu’une augmentation importante de la leucinémie au moment du repas pourrait contrecarrer la diminution de sensibilité du muscle squelettique et améliorer la régulation du métabolisme protéique post-prandial des individus âgés.

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Un autre acide aminé a été étudié : la citrulline. Cet acide aminé non protéique est retrouvé dans certains aliments (la pastéque) mais il peut être aussi synthétisé par le tube digestif à partir de l’ornithine. D’ailleurs, cet acide aminé a été utilisé pour rendre compte de la masse intestinale puisque sa concentration est directement dépendante de la masse de ce tissu. Dans les autres tissus, la citrulline est produite à partir de l’arginine. Des études récentes ont également montré que la citrulline pouvait, comme la leucine, moduler l’activité de la voie de signalisation mTOR. Des stratégies nutritionnelles basées sur la supplémentation en citrulline ont été conduites chez le rat âgé dénutri en phase de re-nutrition. Il s’est avéré que de telles supplémentations permettaient de mieux stimuler la synthèse des protéines musculaires et d’ améliorer ainsi la masse musculaire.

Synthèse de composés actifs et insulino-résistance

La cystéine est un acide aminé soufré non essentiel puisque sa synthèse peut être assurée à partir de la méthionine. En plus de son métabolisme vers la synthèse des protéines ou de taurine, elle est également utilisée pour produire un tri-peptide : le glutathion (GSH). C’est un tripeptide présent dans les cellules à des concentrations comprises entre 0,5 et 10,0 mM. Le glutathion est synthétisé dans le cytosol à partir du glutamate, de la cystéine et de la glycine. La proportion de cystéine utilisée par la synthèse de GSH est très importante puisqu’elle représente entre 30 et 50 % de l’utilisation totale de cet acide aminé chez l’homme. Un apport alimentaire restreint en acides aminés soufrés diminue de manière marquée le taux de synthèse du GSH circulant. Le glutathion intervient dans diverses fonctions physiologiques telles le contrôle des concentrations intracellulaires d’espèces réactives de l’oxygène (ERO), l’élimination des réactifs électrophiles exogènes par conjugaison et le transport des acides aminés. En ce qui concerne le contrôle des ERO, il est connu que leur excès est délétère pour les cellules car les ERO réagissent en modifiant toutes les classes de macromolécules, une caractéristique qui est à l’origine d’effets cytotoxiques et/ou mutagènes.

La réduction du glutathion érythrocytaire observée chez le diabétique est essentiellement due à une augmentation très importante de son utilisation, que ne parvient pas à compenser l’augmentation de la synthèse observée chez ces sujets. L’insulino-resistance qui se développe chez ces patients pourrait être due à une diminution des défenses anti-oxydantes et une supplémentation en cystéine susceptible de restaurer le pool de GSH pourrait représenter une stratégie nutritionnelle de prévention. Ainsi, une supplémentation en cystéine dans un régime de type « western diet » favorisant l’obésité, permettrait de prévenir le développement du stress oxydant et l’apparition de l’insulino résistance (et donc l’altération des voies de signalisation intracellulaires de l’insuline assurant le bon fonctionnement du transport du glucose).

Métabolites secondaires et risques cardio-vasculaires.

Bien qu’il soit un élément constitutif des protéines, l’arginine (un acide aminé partiellement indispensable ) intervient dans deux autres voies métaboliques d’importance que sont la synthèse d’urée et de monoxyde d’azote (NO) via la NO synthase (NOS). La production de NO est quantitativement faible par rapport au flux d’arginine. Elle correspond à environ 1 % du flux plasmatique d’arginine en condition normale chez l’homme. Par contre elle joue un rôle physiologique essentiel pour le bon fonctionnement des tissus qui assure cette synthèse. Au niveau des vaisseaux, le NO est le principal vasodilatateur produit

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par l’endothélium vasculaire. Il contrôle également l’adhésion leucocytaire, l’agrégation plaquettaire, la thrombose, la prolifération des cellules musculaires vasculaires, l’angiogenèse, le remodelage artériel, ainsi que la libération d’autres substances paracrines par l’endothélium. Le bon fonctionnement de l’endothélium vasculaire est étroitement lié à cette capacité de production de NO, de manière basale et sous provocation. Le dysfonctionnement de l’endothélium vasculaire n’est pas seulement présent chez les patients souffrant de maladies cardiovasculaires mais également chez les sujets à risque sans manifestation clinique apparente (tabac, hypertension, hypercholestérolémie, obésité, diabètes, etc.) . Il est intéressant de noter que chez le sujet sain, une dysfonction endothéliale transitoire apparaît pendant la phase postprandiale après un repas (ou une charge) riche en sucre ou en graisse. L’excursion triglycéridémique ou glycémique postprandiale semble expliquer la dysfonction constatée. La moindre production et/ou activité du NO est ainsi un marqueur primaire du risque cardiovasculaire et pourrait également être largement impliquée dans l’étiologie d’autres pathologies comme le syndrome métabolique ou le diabète de type II. L’intérêt d’un apport supplémentaire en arginine est très largement démontré dans diverses situations pathologiques. Chez le sujet sain, à risque ou malade, un apport massif d’arginine (voie orale ou intraveineuse) augmente la production de NO et améliore les fonctions qui lui sont liées, comme la dilatation de l’artère brachiale à l’hyperhémie, la résistance périphérique totale, etc. L’intérêt préventif de l’arginine, utilisé à doses supra-nutritionnelles « raisonnables » n’a pas encoré été clairement démontré. Chez la femme post-ménopausée, une supplémentation de 9 g d’arginine ne semble pas augmenter la production de NO et ne s’accompagne d’aucune amélioration de la fonction endothéliale.

Conclusions :

Les acides aminés ne servent pas seulement de substrat pour la synthèse des protéines corporelles. Leurs effets non protéinogènes sont aussi variés que le sont les acides aminés eux-mêmes. Les ANC pour couvrir les besoins azotés sont estimés aux environs de 0.8gr/Kg/jour. Au-delà de cette estimation, les besoins des divers acides aminés sont sans doute variables et pourraient être déclinés en fonction de l’état physiologique de la personne qui les consomme. Ainsi, même si le besoin est théoriquement globalement couvert, l’apport en certains acides aminés pourrait être optimisé en terme de prévention nutritionnelle chez des sujets à risque ou vieillissants. Toutefois la mise en application d’une telle stratégie métabolique demeure difficile et doit encore être validée.

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NOTES

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Sources et perspectives d’évolution de l’apport protéique

François MARIOTTI

Unité « Physiologie de la nutrition et du comportement alimentaire »

UMR 914 INRA-AgroParisTech, Equipe PAASM, Paris

BIOGRAPHIE

François Mariotti est Maître de conférences, habilité à diriger les recherches, à AgroParisTech. Au sein de l’équipe « Protéines, métabolisme des acides aminés, et prévention du syndrome métabolique » (PAASM) de l’Unité 914 INRA-AgroParisTech, à Paris, il étudie les relations entre la consommation de protéines, le métabolisme des acides aminés, et les répercussions sur l’initiation des dérégulations métaboliques et physiologiques. Par ailleurs, il travaille aussi sur des thématiques plus larges associant la définition des besoins nutritionnels, l’analyse de données de consommation, l’évaluation de l’état nutritionnel, dans une perspective de Nutrition de Santé publique. Il est président du Comité d’Expert Spécialisé en Nutrition humaine de l’Anses1.

RESUME DE L’INTERVENTION

L’objectif de cette conférence est de faire le point sur les niveaux de consommation de protéines, en quantités et en nature, dans la population française, et de dresser des perspectives d’évolution. Nous rendrons compte de l’évolution de cette consommation en France et dans les pays industrialisés, puis nous dégagerons les tendances de fond qui semblent structurer sa typologie, en termes de groupe d’aliments vecteurs puis en termes de sources spécifiques de protéines – animales et végétales. Pour raisonner les perspectives d’évolution de la consommation protéique, nous dresserons succinctement un tableau des questions de durabilité des modèles alimentaires sous-jacents, pour enfin examiner la question des répercussions des types de consommation sur les critères de Santé. Enfin, nous développerons ce dernier point en rendant compte d’une étude, que nous avons achevée récemment, qui permet d’analyser, dans la population française, l’adéquation nutritionnelle en fonction des niveaux de consommation de protéines animales, végétales et de leurs vecteurs spécifiques. Nous terminerons par des perspectives pour mieux comprendre les déterminants des consommations protéiques et leur impact sur la santé.

1 Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (issue de la fusion

de l’Afssa et de l’Afsset) en 2010.

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Dans les pays industrialisés, la consommation protéique totale des adultes contribue à environ 16 % de l’apport énergétique total. Elle se situe autour de 100 g de protéines par jour, c’est-à-dire 1,3-1,4 g de protéines par kg de poids corporel et par jour (Dubuisson et al., 2009, Elmadfa, 2009, Fulgoni, 2008). Selon les pays, ou leurs régions, l’apport total varie assez peu, entre 15 et 18 % de l’apport énergétique (Elmadfa, 2009, Halkjaer et al., 2009). Les protéines végétales contribuent à 5-7 % de l’apport énergétique total, variant assez peu selon les pays. La variation régionale de la consommation de protéines animales est plus importante (entre ~9 et ~14 % de l’apport énergétique dans la cohorte EPIC, par exemple – Halkjaer et al., 2009). Ce sont donc surtout les protéines animales qui expliquent les variations régionales de consommation protéique totale, même si ces variations restent assez faibles. Typiquement, les protéines animales contribuent aux deux tiers de la consommation protéique totale (et les protéines végétales le tiers restant). Les différences importantes de consommation protéique sont donc surtout constatées dans des populations particulières, notamment les végétariens dont le profil de consommation protéique (animal vs végétal) tend à être inverse de celui des omnivores.

Cette similitude des consommations protéiques entre pays industrialisés est le résultat d’une convergence qui est, de fait, assez récente : il y a 50 ans, les dissemblances étaient très fortes et les niveaux de consommation protéiques ont largement changés. Les données statistiques de disponibilité alimentaire de la F.A.O. retracent bien cette évolution, comme nous le montrerons (Mariotti et al., d’après données FAOSTAT). Dans la plupart des pays, la consommation de protéines animales a fortement augmenté, de façon disparate selon les pays. La consommation de protéines végétales a été moins affectée lors des 50 dernières années, mais affiche une tendance générale à la baisse, surtout entre 1960 et 1980. Ces évolutions sont à rapprocher du niveau initial de consommation, de l’accroissement du niveau de vie, ou encore de facteurs culturels qui semblent profonds. En particulier, en Europe, nous verrons qu’on peut rendre compte d’une typologie de la consommation des vecteurs de protéines à partir des positions régionales des pays et de leurs types culturels, qui restent prégnants (De Boer, 2006).

En France, les données de l’étude Individuelle Nationale des Consommations Alimentaires (INCA-2) montrent que les groupes d’aliments (selon la nomenclature INCA) qui contribuent le plus à l’apport protéique total sont les viandes (14,6 %), les pains et biscottes (11,4 %), les volailles et gibiers (9,5 %), les fromages (8,6 %), la charcuterie (7,3 %), les plats composés (6,0 %), les poissons (6,0 %), les produits laitiers ultra-frais (4,2 %), le lait (3,9 %), les pizzas, quiches et tartes salées (2,6 %), les sandwiches (2,6 %), les pâtisseries (2,4 %), les légumes (2,4 %) et les œufs et dérivés (2,0 % – Mariotti et al., données non publiées, AFSSA, 2008, AFSSA (French Food Safety Agency), 2009). Les autres groupes d’aliments (par ex., pâtes, abats, riz et semoule, légumes secs) contribuent chacun pour moins de 2 % de l’apport protéique total. Entre la première et la dernière étude INCA (c'est-à-dire entre 1999 à 2007), ces profils de contribution n’ont pas changés de façon notable (AFSSA (French Food Safety Agency), 2009). On peut noter une tendance à la baisse de la contribution des viandes, volailles et gibiers, fromages, plats composés, lait, œufs et dérivés, et une tendance à l’augmentation de la contribution des sandwiches, pâtisseries, légumes, et pâtes.

Il n’est pas directement possible à partir de ces données d’évaluer précisément les consommations en protéines animales et végétales, notamment parce qu’il existe une

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consommation importante d’aliments mixtes ou complexes (par ex. sandwiches, pizzas, plats composés) qui comportent différents ingrédients protéiques. Dans notre équipe, en partenariat avec l’Anses, nous avons retracé dans l’étude INCA2 les sources protéiques à partir des tables de composition des aliments en ingrédients et pu ainsi établir les consommations de chaque type de protéines. Comme nous el verrons, les protéines animales contribuent à 70 % de l’apport protéique total, 45 % provenant de protéines de tissus animaux (de viande rouge : 19 %, volaille : 10 %, charcuterie : 9 %, poisson : 7 %) ; 21 % de protéines laitières (de lait : 7 %, de yaourts : 4 %, de fromages : 10 %), et 4 % de protéines de l’œuf. Les protéines végétales contribuent à 30 % de l’apport protéique total, essentiellement par les protéines de céréales (20 %). On constate des différences, modérées, entre les profils de consommation moyens des hommes et des femmes. Notamment, chez les femmes, les contributions de protéines de viandes sont en moyenne plus faibles et celles des protéines laitières et des protéines de poisson sont plus fortes (Mariotti et al., données non publiées).

Pour explorer les perspectives d’évolution de ces consommations, il est nécessaire de comprendre les pressions sur les modes de consommation qu’exercent les questions de durabilité des systèmes de production sous-jacents. Les productions animales font l’objet de critiques renouvelées pour leur faible durabilité selon le volet environnemental (Deckers, 2010). Elles posent des questions de consommation des ressources (en eau, en céréales et en énergies fossiles) et des problèmes d’impact environnemental (comme la production de gaz à effets de serre, chez les ruminants, ou encore la participation à l’eutrophisation des eaux de surface – Gonzalez et al., 2011). Ces considérations ont conduit certains acteurs publics à proposer des recommandations en faveur de la consommation de protéines végétales (Harmon et Gerald, 2007). L’analyse conduit très souvent à considérer une restriction de la consommation de produits animaux, notamment de viande rouge de ruminants (McMichael et al., 2007). En ce qui concerne la durabilité selon le volet de la Santé, force est de constater que nous ne disposons pas de données suffisantes pour rendre compte des répercussions des niveaux de consommation de protéines totales, animales et végétales, quoique cela soit crucial pour analyser la durabilité globale des modèles alimentaires. C’est ce point que nous analyserons dans la dernière partie de l’exposé.

Si on se réfère au besoin en protéines, la consommation protéique actuelle est plus que suffisante pour assurer la couverture du besoin. En effet, les niveaux d’apport moyens dépassent les recommandations, et la prévalence d’insuffisance d’apport en protéines dans la population générale est ainsi virtuellement nulle (AFSSA, 2008). Néanmoins, le critère utilisé pour évaluer le besoin en azote et en acides aminés reste celui du bilan azoté, qui se rapporte donc à un critère minimal, lié à la fonction primaire des protéines alimentaire, le renouvellement des protéines corporelles. Les pistes sont nombreuses, mais les données restent insuffisantes pour proposer de fixer un niveau de besoin supérieur, fondé sur un critère physiologique et de santé (Clifton, 2009). En outre, il est difficile de proposer une limite supérieure de sécurité pour les apports en protéines et en acides aminés, faute de données solides, et donc d’évaluer la sécurité de ces fortes consommations protéiques. On peut seulement constater que les apports n’apparaissent pas excessifs, d’un simple point de vue métabolique très primaire (AFSSA, 2008).

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Nous ne disposons pas non plus de données suffisantes pour établir les effets de la consommation de protéines selon la source, animale ou végétale sur la Santé. Ces effets pourraient être directs, c'est-à-dire liés à la consommation des acides aminés de ces protéines. En effet, les protéines alimentaires ont des compositions en acides aminés très variables, et de nombreuses données suggèrent que l’apport en différents acides aminés pourrait affecter un grand nombre de voies métaboliques et différents paramètres physiologiques et modifier ainsi le risque de maladies chroniques (par ex., Huneau et al., 2008, Lin et al., 2012, Mariotti, 2011). Les effets de la consommation protéique pourraient également, et même peut-être plus surement, être indirects. En effet, comme nous l’avons constaté régionalement et temporellement, l’apport total en protéines est essentiellement le résultat d’une modification de l’apport protéique animal, ce qui renvoie en situation l’effet de l’un à l’effet de l’autre. Surtout, la nature des protéines consommées dans le régime s’assortit d’une typologie de consommation des autres aliments, correspond à des profils diététiques globaux qui sont différents, et implique ainsi une consommation différentielle de nutriments. Dans l’étude INCA2, nous avons constaté ces associations entre la consommation de différentes protéines et l’apport en différents nutriments. Une des conséquences de cette situation d’intrication complexe des variables diététiques et nutritionnelles avec la nature des protéines consommées est que les études épidémiologiques d’observation comportent très vraisemblablement beaucoup de confusion résiduelle : il n’est pas possible d’attribuer de façon spécifique le lien entre un facteur de santé et la consommation de protéines animales/végétales, et ces consommations protéiques marquent plutôt, indirectement, des typologies diététiques et nutritionnelles, voire des typologies nutri-socio-économiques complexes.

Pour analyser le lien entre la nature des protéines consommées et la qualité de l’alimentation, nous ne pouvons pas avoir recours aux indices diététiques, qui s’avèrent inadaptés dans ce cas. On peut en revanche pousser l’analyse à l’échelle des nutriments. En effet, nous savons que la consommation différentielle de protéines animales et végétales tend à être fortement associée à des différences de consommations en nutriments « négatifs » (par ex., acides gras saturés, cholestérol, sodium) et « positifs » (par ex., fer, calcium, vitamine B12, zinc, magnésium, potassium, fibres, folates). Cependant, nous ne savons pas si la consommation de protéines est associée, de façon générale, à la couverture de besoins en nutriments et au non-dépassement des recommandations. Il est en outre difficile de répondre sous forme simple à la question de l’adéquation « globale », c'est-à-dire quand on considère l’ensemble des nutriments. A l’aide des données recueillies lors de la seconde étude individuelle nationale des consommations alimentaires (INCA2), nous avons évalué la qualité de l’alimentation de 1912 adultes avec l’indice PANDiet (Verger et al., 2012), qui combine 35 probabilités d’adéquation des apports en 24 nutriments. Nous avons étudié les associations entre le score PANDiet et les consommations de protéines animales et végétales, ou de sources protéiques plus spécifiques, à l’aide de modèles linéaires multivariables (Mariotti et al., données non publiées). Les apports en protéines végétales étaient positivement associés au PANDiet, quel que soit le sexe (β=0,50 ; P<0,0001). A l’inverse, l’association entre les apports en protéines animales et le PANDiet était positive chez les femmes (β=0,08 ; P<0,0001) et négative chez les hommes (β=-0,05 ; P<0,01). Dans le détail des sources protéiques animales, les relations étaient variées : les apports en protéines de viande rouge et de volaille étaient négativement associés au PANDiet chez les hommes mais pas chez les femmes. Ainsi, la consommation de protéines végétales apparaît

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comme un marqueur robuste d’une bonne alimentation. En ce qui concerne les protéines animales, la situation diffère entre hommes et femmes. En outre, cette relation générale entre consommation de protéines animales et qualité de l’alimentation cache des relations contrastées selon les familles d’aliments vecteurs de protéines animales. Il apparait donc qu’il faut se garder de traiter des « protéines animales » comme un descripteur homogène d’un point de vue nutritionnel, mais bien plutôt considérer les différentes sources mais aussi l’état nutritionnel des sous-populations qui les consomment.

Actuellement, il semble encore que les données soient insuffisantes pour établir des recommandations en terme de quantité et de nature des protéines à consommer pour une bonne santé. Outre des données physiologiques, physiopathologiques, et d’épidémiologie longitudinale, il apparait important de pouvoir disposer de données pour analyser les effets indirects qu’induiraient de telles recommandations sur les profils diététiques et nutritionnels des populations. Il est également important de saisir la prégnance qu’exercent les facteurs économiques, sociaux et culturels sur les profils de consommation protéique, et de bien comprendre que les situations varient selon le statut nutritionnel des sous-populations. Nous manquons aussi de données d’intervention en situation contrôlée, pour décrire directement l’effet de modulations de profils protéiques des régimes. Enfin, il conviendrait de prendre en compte les autres paramètres de la durabilité, afin de proposer des modèles complets pour évaluer les scénarios de transition alimentaire. Il est fort probable que les perspectives d’évolution de l’apport protéique dépendront de la capacité de proposer cette analyse, de promouvoir les recommandations, et d’alimenter le processus d’évaluation, en suivant l’impact des conduites alimentaires des populations sur leurs paramètres de santé.

Remerciements

Pour leur contribution à l’analyse des consommations protéiques et nutritionnelle de l’étude INCA-2, mes remerciements vont à Géraldine Camilleri, Eric Verger, Jean-François Huneau (Equipe PAASM-U914), Jean-Luc Volatier et Karine Dubuisson (Anses).

Références citées

AFSSA. Apport en protéines : consommation, qualité, besoins et recommandations: AFSSA; 2008. AFSSA (French Food Safety Agency). Rapport de l'étude Individuelle Nationale des Consommations Alimentaires 2 (INCA 2) 2006/2007. Coord. L Lafay, Septembre 2009. 2009. Clifton P. High protein diets and weight control. Nutr Metab Cardiovasc Dis. 2009;19:379-82. De Boer J. Protein consumption and sustainability: DIet diversity in EU-15. Ecol Econ. 2006;59:267-74. Deckers J. Should the consumption of farmed animal products be restricted, and if so, by how much? Food Policy. 2010;35:497–503. Dubuisson C, Lioret S, Touvier M, Dufour A, Calamassi-Tran G, Volatier JL, Lafay L. Trends in food and nutritional intakes of French adults from 1999 to 2007: results from the INCA surveys. Br J Nutr. 2009:1-14. Elmadfa I, editor. European nutrition and health report 2009: Karger; 2009. Fulgoni VL, 3rd. Current protein intake in America: analysis of the National Health and Nutrition Examination Survey, 2003-2004. Am J Clin Nutr. 2008;87:1554S-7S. Gonzalez DA, Frostell B, Carlsson-Kanyama A. Protein efficiency per unit energy and per unit greenhouse gas emissions: Potential contribution of diet choices to climate change mitigation. Food Policy. 2011;36:562–70.

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Halkjaer J, Olsen A, Bjerregaard LJ, Deharveng G, Tjonneland A, Welch AA, Crowe FL, Wirfalt E, Hellstrom V, et al. Intake of total, animal and plant proteins, and their food sources in 10 countries in the European Prospective Investigation into Cancer and Nutrition. Eur J Clin Nutr. 2009;63 Suppl 4:S16-36. Harmon AH, Gerald BL. Position of the American Dietetic Association: food and nutrition professionals can implement practices to conserve natural resources and support ecological sustainability. J Am Diet Assoc. 2007;107:1033-43. Huneau JF, Mariotti F, Blouet C, Tome D, Blachier F. Implications métaboliques, physiologiques et fonctionnelles de l’apport en acides aminés soufrés et en protéines riches en acides aminés soufrés. In: Roberfroid M, Coxam V, Delzenne N, editors. Aliments fonctionnels (2ieme édition). Paris: Lavoisier; 2008. Lin G, Liu C, Wang T, Wu G, Qiao S, Li D, Wang J. Biomarkers for optimal requirements of amino acids by animals and humans. Front Biosci (Schol Ed). 2012;3:1298-307. Mariotti F. Postprandial low-grade inflammation and the recent data suggesting a protective impact of dietary protein quantity and sources [L’inflammation postprandiale : les données récentes suggèrent un rôle préventif des protéines alimentaires et de leur nature]. Ocl-Oleagineux Corps Gras Lipides. 2011;18:14-20. doi : 10.1684/ocl.2011.0366. McMichael AJ, Powles JW, Butler CD, Uauy R. Food, livestock production, energy, climate change, and health. Lancet. 2007;370:1253-63. Verger EO, Mariotti F, Holmes BA, Paineau D, Huneau JF. Evaluation of a Diet Quality Index Based on the Probability of Adequate Nutrient Intake (PANDiet) Using National French and US Dietary Surveys. PLoS One. 2012;7:e42155.

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NOTES

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Acides aminés et régulation de la prise alimentaire

Anne-Catherine MAURIN

CR2 INRA, Unité de Nutrition Humaine, INRA Centre de Clermont-Ferrand/Theix

[email protected]

BIOGRAPHIE

Fonction : chargée de recherche à l’INRA depuis 2008 ; Recherches en physiologie moléculaire appliquée à la nutrition et biologie cellulaire

Laboratoire : Unité de Nutrition Humaine, Equipe de Pierre Fafournoux (Gènes/Nutriments)

Centre INRA de Clermont-Ferrand/Theix

63122 Saint-Genès Champanelle

Parcours :

- 2002 : Doctorat de Biologie Humaine; Recherches en biologie cellulaire à l’INSERM

- 2003-2008 : Post-doctorat ; Recherches en physiologie moléculaire appliquée à la nutrition à l’INRA

RESUME DE L’INTERVENTION

Introduction :

La régulation de la prise alimentaire est l’un des processus les plus fondamentaux pour l’organisme. La survie de l’organisme dépend de sa capacité à se procurer une variété de macro- et micronutriments essentiels dans un environnement dans lequel la disponibilité et la qualité de la nourriture peuvent varier. Ainsi, outre les aspects culturels et la composante neurophysiologique associée au plaisir, la motivation à se nourrir et le choix des aliments naît pour grande partie d’un besoin métabolique. On parle dans ce cas de contrôle homéostatique de la prise alimentaire, c’est à dire ayant pour objectif de maintenir l’homéostasie, la constance du milieu intérieur (Claude Bernard). La composition en nutriments de l’alimentation joue un rôle essentiel dans cette régulation. Si l’on se replace dans un contexte d’environnement naturel, la recherche et la consommation de nourriture ne sont pas uniquement motivées par le besoin d’énergie. En particulier, considérant la

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nécessité métabolique d’un approvisionnement adéquat en acides aminés, il semble logique que des mécanismes physiologiques existent pour assurer la consommation de protéines adaptées.

L’hypothalamus site de régulation majeur de la prise alimentaire :

De nombreuses zones du cerveau sont impliquées dans la régulation de la prise alimentaire (Berthoud). Cependant, l’hypothalamus est un site primordial. D’une manière générale, l’hypothalamus intègre des informations d’ordre primitif liées au contrôle de l’appétit et la recherche d’aliments, mais également de la thermorégulation, de la reproduction et des réactions de défense, de sorte qu’il en résulte une réponse adaptative optimale vis-à-vis du maintien de l’homéostasie, via des voies de sorties comportementales, autonomes et endocrines. De plus, une particularité importante de l’hypothalamus est sa capacité à détecter les variations de concentrations en certains nutriments, ceci grâce à deux caractéristiques, sa configuration anatomique (présence du polygone de Willis et d’un endothélium fenestré) et l’équipement moléculaire des neurones le composant (voies de signalisation). De ce fait, l’hypothalamus va jouer un rôle majeur dans la régulation de la prise alimentaire par la composition en nutriments de l’alimentation.

Métabolisme des acides aminés :

Pour leur rôle en tant que substrats de la synthèse protéique et d’autres fonctions importantes les acides aminés sont indispensables au bon fonctionnement de l’organisme. Pourtant par rapport aux autres macronutriments, deux caractéristiques importantes des acides aminés va rendre la qualité de leur apport alimentaire crucial chez les Mammifères. D’une part, neuf des vingt acides aminés utilisés pour la synthèse des protéines ne peuvent pas être synthétisés de novo et sont nommés acides aminés indispensables, c’est à dire qu’ils doivent être absolument présents dans l’alimentation. D’autre part il n’existe pas de système dédié au stockage des acides aminés, et leur mobilisation au sein de l’organisme se fait au détriment de protéines fonctionnelles. Au niveau moléculaire, des voies de signalisation détectent les variations de disponibilité des acides aminés et déclenche des processus d’adaptation en cas de déficit, par le biais de la modulation de certaines fonctions physiologiques.

Mécanismes d’adaptation aux variations de disponibilité en acides aminés :

Deux voies de signalisation moléculaire jouent un rôle majeur dans la réponse adaptative aux variations de disponibilité en acides aminés. Ces voies impliquent respectivement les protéines kinases mTOR, qui est activée par la présence d’acides aminés et inhibée par les déficits, et GCN2, dont l’activité est spécifiquement induite lors de carences en acides aminés indispensables. Une grande partie des travaux de notre équipe de recherche vise à caractériser les rôles physiologiques de GCN2. Au niveau moléculaire, la protéine kinase GCN2 est un détecteur des déficits en acides aminés à l’intérieur des cellules, qui phosphoryle le facteur d’initiation de la traduction eIF2α. De cette première étape découlent deux conséquences : d’une part une inhibition de la synthèse protéique dans le but d’économiser l’acide aminé manquant, et d’autre part l’induction tissu-spécifique de gènes impliqués dans l’adaptation à la carence.

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Apport nutritionnel en acides aminés et régulation de la prise alimentaire :

Un grand nombre d'études comportementales indiquent que la quantité et la qualité des protéines alimentaires peuvent influencer sensiblement l'apport alimentaire. Des régimes riches en protéines ont tendance à réduire la consommation, tandis qu’une faible teneur en protéines du régime a tendance à augmenter la consommation. Par ailleurs, il a très bien été montré que plusieurs espèces d’omnivores sont capables, de façon innée, de détecter la qualité nutritionnelle des protéines consommées afin de rejeter les régimes qui ne sont pas équilibrés en acides aminés, notamment déficients en un acide aminé indispensable (aversion), et privilégier ceux qui le sont (Anderson GH 1979). Une grande partie des mécanismes de régulation de la prise alimentaire par le contenu nutritionnel en protéines résulte de l’effet de variations de concentration de certains acides aminés dans des zones-clés du cerveau. Des données récentes de la littérature suggèrent que la détection des niveaux d’acides aminés par l’hypothalamus joue un rôle important (Cota et al. 2006).

GCN2 cérébrale et régulation de la prise alimentaire :

Nos travaux antérieurs ont montré que la réponse d’adaptation consistant à diminuer la prise alimentaire lors de la consommation d’un régime déficient en un acide aminé indispensable résulte de l’activation de la voie de signalisation GCN2/eIF2α au niveau du cerveau (Maurin et al., Cell Metab 2005). Notre but est actuellement d’identifier les zones cérébrales impliquées dans ce processus. Il existe peu de données sur les zones de détection cérébrale des déficits en acides aminés. Des expériences anciennes (1971) de lésions cérébrales avaient impliqué une zone appelée cortex piriforme antérieur dans la mise en place de l’aversion vis-à-vis de régimes déséquilibrés en acides aminés (Leung and Rogers 1971). Les données de la littérature ainsi que nos résultats de cartographie de l’expression de GCN2 dans le cerveau de souris nous ont conduits à émettre l’hypothèse que d’autres zones, en plus du cortex piriforme antérieur, pourraient être impliquées dans le mécanisme d’inhibition de la prise alimentaire. Nos résultats suggèrent fortement que l’activité de GCN2 dans l’hypothalamus joue un rôle important dans le contrôle de la prise alimentaire en fonction de la qualité de l’apport nutritionnel en acides aminés.

Publications en lien avec le sujet :

The amino acid sensor GCN2 biases macronutrient selection during aging. Maurin AC, Chaveroux C, Lambert-Langlais S, Carraro V, Jousse C, Bruhat A, Averous J, Parry L, Ron D, Alliot J, Fafournoux P. Eur J Nutr. 2012 Feb;51(1):119-26.

Amino acid availability controls TRB3 transcription in liver through the GCN2/eIF2α/ATF4 pathway. Carraro V, Maurin AC, Lambert-Langlais S, Averous J, Chaveroux C, Parry L, Jousse C, Ord D, Ord T, Fafournoux P, Bruhat A. PLoS One. 2010 Dec 21;5(12).

Contrôle des fonctions physiologiques par la disponibilité en acides aminés: rôle de la protéine kinase GCN2. Maurin AC, Chaveroux C, Averous J, Carraro V, Jousse C, Parry L, Bruhat A, Fafournoux P. Cahiers de Nutrition et de Diététique 2009. 44 : 247-252.

GCN2 regulates feeding behavior to maintain amino acid homeostasis in omnivores. Maurin AC, Jousse C, Balage M, Averous J, Parry L, Bruhat A, Cherasse Y, Zeng H, Zhang Y, Harding H, Ron D, Fafournoux P. Med Sci (Paris). 2005 Oct;21(10):799-801.

The GCN2 kinase biases feeding behavior to maintain amino acid homeostasis in omnivores. Maurin AC, Jousse C, Averous J, Parry L, Bruhat A, Cherasse Y, Zeng H, Zhang Y, Harding HP, Ron D, Fafournoux P. Cell Metab. 2005 Apr;1(4):273-7.

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NOTES

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Influence de la culture sur la

consommation de protéines

Eric BIRLOUEZ

Cabinet EPISTEME, Paris

BIOGRAPHIE

Ingénieur agronome de formation, Eric BIRLOUEZ, est sociologue et exerce le métier de consultant indépendant. Il enseigne l’Histoire et la Sociologie de l’Alimentation au sein d’Ecoles d’ingénieurs et d’Universités, en France et dans plusieurs pays étrangers. Derniers ouvrages parus ou à paraître (aux éditions Ouest France) : « A la table des seigneurs, des moines et des paysans du Moyen Age » (2009) ; « Festins princiers et repas paysans à la Renaissance » (2011) ; « Histoire de la cuisine et de la nourriture : du menu des cavernes à la gastronomie moléculaire » (2011) ; « A table avec les grands personnages de l’Histoire » (à paraître en octobre 2012).

RESUME DE L’INTERVENTION

La viande dans les cultures alimentaires : du désir au tabou.

Thème de la journée : Nutrition protéique

Au premier rang des régimes alimentaires riches en protéines figurent ceux qui accordent une large place aux produits animaux et, plus particulièrement, à la viande (celle-ci contient en général entre 17 et 23 g de protéines pour 100 grammes). Dans cet article, nous évoquerons les dimensions culturelles, symboliques et anthropologiques de cet aliment ; puis nous nous interrogerons sur les évolutions passées, contemporaines et futures de la consommation de viande en pointant les enjeux des tendances en cours et les débats qu’elles suscitent.

La viande, moteur du développement biologique et culturel de l’homme

Apparus en Afrique il y a 2,4 millions d’années, les premiers représentants du genre humain, les Homo habilis, sont, dès l’origine, omnivores : ils se nourrissent à la fois d’aliments végétaux et animaux. Ces derniers ne représentent toutefois qu’une part minoritaire du régime alimentaire de nos plus lointains ancêtres : leur repas est en effet principalement constitué d’herbes sauvages, de bourgeons et de jeunes feuilles, de racines et de tubercules,

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de fruits et de baies… Les protéines animales sont principalement apportées par la chair des insectes et celle des proies de petite taille. Ces Homo habilis fabriquent et manient des outils de silex avec habileté (d’où leur nom), outils dont ils se servent pour découper les carcasses des grands herbivores qu’ils trouvent déjà morts (à l’instar des hyènes et des vautours, nos « grands anciens » ont en effet commencé par pratiquer le charognage). Les nouvelles espèces humaines qui apparaissent ensuite (Homo ergaster puis Homo erectus…) développent progressivement leur capacité à chasser collectivement le gros gibier : bisons, mammouths, rennes, chevaux, cerfs… Peu à peu, la part de la viande dans l’alimentation s’accroît jusqu’à devenir, sous certaines latitudes, largement majoritaire. Les produits de la pêche (poissons, coquillages…) complètent ces apports de protéines animales ; en revanche, le lait et les produits laitiers ne sont pas consommés, les hommes du Paléolithique ne pratiquant pas encore l’élevage des vaches, des brebis ou des chèvres.

La part de la viande augmentant, le régime alimentaire devient de plus en plus riche en protéines. Des chercheurs ont estimé que celles-ci pouvaient fournir jusqu’à 35 % de l'énergie totale apportée par la ration (contre 12 à 15 % aujourd’hui).

Cette consommation élevée de viande distingue les hommes préhistoriques des autres groupes d’hominidés qui leur sont contemporains, comme les Paranthropes. Or, il y a 1 million d’années, ces derniers, qui sont demeurés très largement végétariens, disparaissent de la surface de la terre tandis que les Homo erectus mangeurs de viande se maintiennent. La viande, par sa richesse en protéines de haute valeur biologique et en certains autres nutriments (vitamines B12, B3 et B6, fer héminique, zinc, sélénium…) aurait ainsi permis la survie et le succès de la lignée humaine en favorisant, notamment, le développement de son cerveau. De surcroît, même lorsqu’elle est mangée crue (ce qui sera le cas pendant les deux premiers millions d’années de l’histoire humaine), la viande est bien mieux digérée que les végétaux crus : l’augmentation de sa part dans les repas préhistoriques aurait ainsi « libéré » (rendu disponible) de l’énergie qui a pu alors être utilisée pour le développement cérébral.

Facteur-clé de l’évolution biologique de l’homme, la viande a également joué un rôle fondamental dans le développement culturel et dans l’organisation sociale de nos ancêtres. En effet, pour se procurer en quantité cette viande tant convoitée, les hommes du Paléolithique ont été contraints de chasser des grands animaux, ce qu’ils n’ont pu faire qu’en groupe. Cela les a conduits à imaginer des stratégies collectives de chasse, à répartir les tâches, à communiquer avec les autres chasseurs, à nouer des alliances temporaires avec d’autres communautés, autrement dit à échanger et à coopérer. De même, pour gérer sans conflit le partage des dépouilles, nos aïeuls ont dû élaborer des règles de répartition précises, acceptées et respectées par tous les membres du groupe.

La naissance de l’agriculture, il y a près de 12 000 ans au Proche-Orient, est l’amorce d’un changement radical : la part (élevée) des protéines dans l’alimentation commence à diminuer. En effet, les céréales cultivées sont introduites de plus en plus dans le régime alimentaire des populations ; ces aliments riches en glucides se substituent progressivement à la viande dont la place dans la ration diminue (sauf chez les élites sociales). L’élevage, qui apparaît lui aussi au Proche-Orient environ mille ans après les débuts de l’agriculture, ne parvient pas à enrayer ce déclin de la consommation de viande per capita (à partir du Néolithique, la population augmente rapidement). Le processus de domestication animale commence par la chèvre et la brebis, et se poursuit avec le porc et le bœuf. L’élevage des mammifères permet en outre d’introduire dans le régime alimentaire un aliment qui, jusque là, n’était consommé que par les jeunes enfants, à savoir le lait.

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Un aliment « particulier » et ambivalent

Dans toutes les cultures et à toutes les époques, la viande a toujours été considérée comme un aliment particulier. En effet, notre propre corps est constitué de chair et de muscles… tout comme celui des animaux qui fournissent leur viande à l’homme. Pour accepter sans répulsion l’idée d’ingérer cet aliment, il nous faut donc établir, au moins inconsciemment, une distinction nette entre les notions d’animalité et d’humanité (dans le cas contraire, manger de la chair animale, c’est-à-dire une partie d’un corps qui a été vivant et nous ressemble, pourrait être assimilé à un acte de cannibalisme). Par ailleurs, la consommation de viande implique nécessairement la mise à mort préalable de l’animal. Or, il est intéressant de noter que dans les sociétés traditionnelles, ce « meurtre alimentaire » a souvent généré un fort sentiment de culpabilité (voir plus loin).

Aliment « particulier », la viande est également un aliment ambivalent. C’est, d’une part, l’aliment le plus convoité par les hommes, depuis l’origine des temps préhistoriques jusqu’à aujourd’hui (cf l’explosion actuelle de la demande de viande dans des pays émergents comme la Chine ou le Brésil). En effet, à quelques rares exceptions culturelles près (végétarisme religieux), les pauvres n’ont toujours eu qu’une obsession : pouvoir manger de la viande… comme les riches.

L’appétence de la viande n’est pas la seule raison de son attrait. Son aura symbolique est tout aussi importante… La viande est l’aliment emblématique des puissants (elle constitue, de fait, un puissant marqueur social), c’est une denrée extrêmement valorisée, une nourriture considérée comme noble et prestigieuse (et d’autant plus lorsqu’elle est rare). Tout au long du millénaire médiéval, les princes et les nobles consomment en abondance cet aliment qui est conforme à leur rang de seigneur et qui leur permet d’afficher ostensiblement leur différence vis-à-vis des moines et des paysans, les deux autres groupes de la société médiévale. Dans les mentalités de l’époque, la viande est tout à la fois symbole de richesse, de pouvoir, de force physique et de puissance sexuelle… quatre notions qui sont étroitement liés entre elles et que l’aristocratie place au sommet de son échelle de valeurs. S’agissant de la nature des viandes consommées, le gros gibier est privilégié (cela n’a rien d'étonnant : le seigneur pratique la chasse avec le même engagement physique et la même passion qu'il fait la guerre). Et les grands oiseaux sauvages ont la primeur : lors des festins princiers, les tables se couvrent de paons, de faisans, de cygnes, de hérons, de cigognes, de grues… L’explication est, là encore, symbolique. Elle renvoie à une certaine vision du monde : séjournant dans le ciel, ces grands volatiles sont proches de Dieu. Depuis leur position élevée, ils dominent toutes les créatures terrestres et marines : leur chair convient donc parfaitement aux « dominants », aux individus qui sont socialement « élevés ».

Un aliment qui cristallise la méfiance et les interdits

Si la viande est ardemment désirée, elle est aussi, de tous les aliments, celui qui fait le plus souvent l’objet d’interdictions ou de restrictions de consommation. Tout le monde connaît le tabou « absolu » du porc dans le judaïsme et dans l’islam, ainsi que celui de la vache dans l’hindouisme. Certaines castes hindoues (comme celle des brahmanes) vont plus loin et s’abstiennent de toute chair animale : elles pratiquent le végétarisme, à l’image des adeptes du jaïnisme (une autre religion de l’Inde), des moines bouddhistes ou encore des pythagoriciens de la Grèce antique. La tradition judéo-chrétienne, elle aussi, a manifesté un a priori négatif sur la viande : ainsi, le paradis terrestre est végétarien, Yahvé n’autorisant la viande qu’après le Déluge… et sous conditions (l’animal doit, par exemple, être entièrement

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vidé de son sang). Dans l’occident chrétien du Moyen Âge, les restrictions alimentaires qu’impose l’Eglise portent d’abord sur la viande : pendant les jours « maigres » les fidèles doivent s’abstenir de consommer cet aliment que les clercs accusent de « déclencher l’incendie de la luxure ». Pendant les quarante jours du Carême, l’interdit s’étend aux laitages, aux graisses et aux œufs… tous produits d’origine animale (a contrario, le poisson, un des symboles du Christ, est conseillé : sa nature « froide et humide » est idéale pour tempérer les ardeurs sexuelles des mangeurs).

Dans nombre de sociétés traditionnelles, consommer de la viande ne va pas de soi. La mise à mort de l’animal génère en effet un sentiment de culpabilité. Celui-ci est particulièrement fort vis-à-vis de l’animal d’élevage, en raison de la proximité affective qui s’est établie avec l’éleveur. Pour ne pas ressentir le malaise et la culpabilité liée au « meurtre alimentaire », certains groupes humains ont alors opté pour la solution la plus radicale : le végétarisme institutionnalisé. Cette pratique alimentaire permet aux brahmanes, jaïns et bouddhistes de respecter le principe de l’ahimsa, c’est à-dire de la « non violence » (ou, plus exactement, la « volonté de ne pas nuire »).

Dans d’autres sociétés – comme celles de l’Egypte pharaonique, du peuple Hébreu, de la Grèce ancienne ou encore de la Rome antique – le végétarisme n’est pas édicté en norme : l’animal est mis à mort et sa viande est mangée. Mais cette mise à mort et cette consommation s’inscrivent dans un cadre religieux et très ritualisé. Ainsi, le bœuf, le veau ou l’agneau sont toujours sacrifiés sur un autel et par la main d’un prêtre. Cette pratique vise à signifier que le « meurtre alimentaire » n’est pas accompli pour satisfaire une simple envie de manger de la viande, mais qu’il est « justifié » (moralement légitimé) par une raison infiniment plus noble : rendre hommage aux divinités, honorer les dieux protecteurs. La consommation de la viande doit elle aussi répondre à une exigence : être réalisée en groupe, lors d’un banquet rituel. Ce partage de la viande avait pour but de « diluer », entre tous les convives, la responsabilité de la mise à mort de l’animal.

Sur les fresques grecques représentant des sacrifices, la scène où le couteau s’abat sur l’animal n’est jamais représentée (comme si on voulait occulter cet instant de cruauté). Avant de lui trancher la gorge, le prêtre-boucher attend que l’animal lui signifie qu’il accepte son sort (un simple mouvement de tête de la part de ce dernier sera interprété dans ce sens). Le couteau est ensuite jeté à la mer : c’est en effet à l’arme du crime, et non au sacrificateur, que l’on attribue la responsabilité du meurtre de l’animal.

La transition alimentaire et les évolutions de la consommation de viande

En France, c’est à partir de la Révolution que l’alimentation des classes populaires commence à s’améliorer, après des millénaires de précarité alimentaire, ponctués de disettes et de famines. Grâce aux progrès de l’agriculture et de l’élevage, chaque Français voit augmenter la quantité de nourriture dont il dispose. Dans un premier temps, la croissance la plus forte est celle des aliments de base : céréales, légumes secs, tubercules, légumes... La viande, le poisson, les produits laitiers et les oeufs – autrement dit les produits d’origine animale - sont eux aussi davantage consommés, mais leur augmentation au sein de la ration est moins rapide que celles des aliments végétaux.

A la fin du XIX° siècle, le niveau de vie des Français ayant continué à augmenter régulièrement, une seconde étape est initiée. La quantité totale de nourriture ingérée se stabilise (les estomacs sont parvenus à saturation). Mais des évolutions continuent de s’opérer. Ainsi, la composition de la ration se modifie en profondeur : la consommation

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d’aliments « populaires » (pain, bouillies de céréales, pommes de terre, légumes secs) se réduit tandis que s’accroît celle de produits plus appétents et plus prestigieux, au premier rang desquels figurent la viande. Il n’en reste pas moins que, jusque dans les années 1950, les classes populaires rurales et ouvrières ne mangent toujours pas de la viande tous les jours. En revanche, les Trente Glorieuses voient sa consommation littéralement exploser jusqu’à devenir bi-quotidienne dans de nombreux foyers.

Ces évolutions de l’alimentation des Français ne constituent en rien un cas particulier. De manière plus ou moins rapide, tous les pays de la planète ont été, sont ou seront confrontés à des évolutions similaires. En effet, quelle que soit la région du monde concernée, le développement socio-économique – et plus particulièrement l’accroissement du pouvoir d’achat et l’urbanisation – modifient en profondeur les habitudes alimentaires des individus. Partout, on enregistre une baisse de la consommation des produits traditionnels de base (céréales, légumes secs, tubercules puis, dans un second temps, des fruits et légumes frais) et, parallèlement, une augmentation de celle des produits animaux (viande notamment), des matières grasses animales et végétales, des sucres rapides, des produits transformés… C’est la fameuse « transition alimentaire et nutritionnelle », dont les effets délétères sont de mieux en mieux décrits (obésité, maladies cardio-vasculaires, cancers, diabète de type 2, etc).

A cet égard, le cas de la Chine est particulièrement illustratif. En une seule génération, les habitudes alimentaires de ses habitants ont connu des évolutions profondes. A partir du début des années 1980, la part des glucides dans la ration alimentaire commence à diminuer tandis que celle des lipides augmente et que les protéines animales se substituent en partie aux protéines végétales. Alors que la consommation (plus exactement la « disponibilité ») de viande atteignait à peine 9 kilos par habitant et par an en 1970, elle dépasse aujourd’hui les 60 kilos. Le poisson, les œufs et même les produits laitiers (pourtant quasiment absents de l’alimentation chinoise traditionnelle) enregistrent eux aussi une croissance soutenue, à l’instar du sucre et des produits sucrés, des corps gras, des produits de « snacking » et des boissons alcoolisées.

En France, à l’inverse, la consommation totale de viande baisse depuis une vingtaine d’années. Le mouvement est amorcé par la viande de bœuf, dont le déclin commence dès 1980, soit seize années avant la première crise de l’ESB (1996). En 2010, la consommation de viande de bœuf par les Français s’établit à 11,6 kg (données CREDOC), très loin devant celle de porc (4,5 kg), de veau (1,4 kg) et d’agneau (1,3 kg). Les éléments explicatifs de cette érosion de la consommation de viande sont nombreux et, contrairement à ce qu’on pourrait penser, relèvent peu de facteurs économiques (ce sont en effet les couches les plus aisées de la population française qui, les premières, ont réduit leur consommation de viande rouge). Le changement des modes de vie (travail et loisirs moins « physiques », chauffage, transports en commun…) ainsi que les évolutions de mentalités ont modifié l’image autrefois très positive de la viande. Dans notre société post-industrielle, les valeurs qu’incarnait traditionnellement la viande (notamment la viande rouge) à savoir la force physique, la virilité, la conquête sociale… sont devenues « archaïques ». Les messages nutritionnels incitant à consommer moins de viande et davantage de légumes et de fruits, ainsi que la sensibilité croissante au bien-être animal et aux problématiques environnementales ont également contribué à renforcer la désaffection pour la viande.

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La viande et les produits de l’élevage au cœur du débat

Dans le groupe des PED (pays en développement), la consommation des produits de l’élevage a connu une forte hausse à partir du début des années 1980. Les prévisions de la FAO indiquent que cette tendance n’est pas prête de s’arrêter. Entre 2000 et 2050, la demande de viande devrait croître de 82 % en Asie de l’Est et du sud, de 65 % dans la zone « Asie centrale et occidentale et Afrique du Nord », de 33 % en Amérique latine et dans les Caraïbes. Le continent africain devrait quant à lui voir doubler la consommation de viande de ses habitants (mais en partant d’un niveau bien plus bas que dans les autres régions du monde).

Cependant, dans les pays émergents ou en développement, la consommation de produits animaux demeure encore bien inférieure à celle des pays industrialisés. Ainsi, par exemple, les Français ingèrent toujours, en moyenne, deux fois plus de viande que les Chinois (et les Américains 2,5 fois plus) ; de même, la consommation de lait et de produits laitiers par nos concitoyens est 20 fois plus élevée que celles des Chinois.

Il n’en reste pas moins que la forte croissance de la demande mondiale de produits d’origine animale nécessiterait, pour être satisfaite, une augmentation considérable de la production ; selon la FAO, la production de viande devrait doubler d’ici 2050 pour répondre aux besoins des consommateurs chinois, brésiliens et même indiens (tous ne sont pas végétariens). Or produire davantage de viande fait courir le risque d’une dégradation des écosystèmes et de la biodiversité (la déforestation et le surpâturage accélèrent le processus de désertification), d’une surexploitation des terres (pour produire un kilo de protéines de viande, il faut, selon le type de viande recherchée, produire entre 2 et 12 kilos de protéines végétales) et d’un prélèvement « insoutenable » sur les ressources (1000 litres d’eau sont nécessaires pour obtenir un kilo de blé mais il en faut 13000 pour produire un kilo de viande de bœuf). Par ailleurs, l’élevage hyper-intensif génère d’importantes pollutions, altère la qualité de l’eau, inflige aux troupeaux des conditions de vie bien éloignées du « bien être animal », produit une viande gorgée d’antibiotiques et d’hormones de croissance… Enfin, les troupeaux de ruminants contribuent, pour une part significative, aux émissions mondiales de gaz à effet de serre.

Pour autant, l’élevage n’est pas une activité qu’il conviendrait de rayer de la surface de la terre. Conduit de façon « raisonnable », il comporte des aspects positifs, y compris dans les pays pauvres où il représente une source d’engrais naturel (déjections des animaux), fournit un moyen de traction écologique, apporte un revenu aux éleveurs et contribue à l’équilibre nutritionnel de la ration alimentaire. Par ailleurs, les émissions de gaz à effet de serre sont, en partie, compensées par la fonction « puits de carbone » des prairies. Et, ne l’oublions pas, les ruminants consomment aussi l’herbe qui pousse sur les moins bonnes terres… et que les humains ne mangent pas !

Les projections réalisées par les organismes internationaux ou de recherche montrent toutefois qu’il sera nécessaire, pour répondre au défi alimentaire mondial, de réduire la part des produits animaux dans la ration des populations qui en consomment déjà beaucoup (et même souvent trop) tout en limitant l’accroissement de cette part au sein des pays émergents (à qui on ne peut évidemment pas interdire l’accès à la viande !). Manger moins de viande, mais une viande de meilleure qualité et produite dans des conditions respectueuses de l’environnement et des animaux, est le défi que devront relever les habitants du Nord s’ils veulent limiter la dégradation de l’état de santé des individus et de la planète toute entière.

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NOTES

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Scénario AFTERRES 2050

Elen Devauchelle

www.solagro.org

BIOGRAPHIE

Elen Devauchelle est chargée d’études à Solagro depuis 2009. Elle apport un appui technique aux collectivités territoriales dans la définition de leur stratégie énergie-gaz à effet de serre ; et accompagnement des porteurs de projet en méthanisation. Elle a participé à l’élaboration du volet alimentation du scénario Afterres2050.

Bureau d’études associatif basé à Toulouse, Solagro a élaboré un scénario d’utilisation des terres à l’horizon 2050. La question centrale posée est : « disposerons-nous des surfaces nécessaires pour nourrir la France en 2050, lui fournir énergie et matériaux, satisfaire l’ensemble des besoins vitaux des populations en matière de d’environnement, de biodiversité, … ».

Conçu avec le soutien de la Fondation Charles Léopold Mayer pour le Progrès de l’Homme, Afterres2050 définit pour les prochaines décennies une trajectoire sur l’usage des terres que Solagro a voulue “désirable, crédible, compréhensible”, toutes qualités qui impliquent de quantifier les besoins, les usages, les objectifs, autrement, dit de modéliser l’éventail des possibles.

Ce travail a croisé de manière chiffrée des besoins essentiels - alimentaires ET non alimentaires - avec des ressources notamment foncières dans une stratégie de préservation voire de reconquête de la qualité de notre environnement.

Car notre environnement, déjà dégradé, va changer : du point de vue du climat, de l'énergie avec l’épuisement des réserves, des ressources en eau, des rendements, de la démographie. Opposé aux travaux prospectifs centrés sur des « offres » considérées comme extensibles, Afterres2050 ajuste nos besoins au plus près des capacités réelles – physiques et fonctionnelles - de notre biosphère.

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RESUME DE L’INTERVENTION

Les défis d’afterres2050

Afterres2050 a été conçu pour répondre à 5 défis prioritaires :

• Alimenter 72 millions d’habitants en 2050 en France, et quelques pays voisins notamment du pourtour méditerranéen. Bien qu’orienté sur la reconquête d’une certaine souveraineté alimentaire, Afterres2050 [1] n’est pas un scénario d’autarcie. Nous continuons d’exporter une partie de notre production en Europe ainsi que vers les peuples du bassin méditerranéen. Ils auront à supporter, en plus de leur propre croissance démographique, un climat moins propice à l’agriculture,

• Réduire les problèmes de santé liés à l’alimentation,

• Améliorer la qualité des productions,

• Atteindre les objectifs environnementaux notamment le facteur 4 (soit 75 % de réduction des émissions de gaz à effet de serre d’ici à 2050 pour stabiliser le climat, tous secteurs confondus)

• Déterminer nos potentialités de production et de mobilisations de biomasse renouvelable pour produire de l’énergie ou des matériaux, en substitution aux énergies non renouvelables condamnées à plus ou moins long terme à l’épuisement.

Afterres2050 : un modèle d’utilisation des terres

Les caractéristiques du scénario :

C’est un scénario physique qui combine de manière itérative des millions d’habitants, des têtes de bétail, des hectares, des rendements, des tonnes de CO2, des grammes et calories alimentaires, des kWh, des fréquences de traitements en pesticides, des millions de m3 d’eau disponible pour l’irrigation, etc…

Il fixe des curseurs, des bornes chiffrées à ne pas dépasser pour respecter le fonctionnement des agrosystèmes et de la forêt.

Les champs de la modélisation :

• Le régime alimentaire des humains que nous détaillerons ci-après,

• Le régime alimentaire des cheptels : notre régime a un impact fort sur la taille et la nature des cheptels et de ce fait l’occupation de l’espace, mais aussi sur le climat

• Les systèmes d’exploitations agricoles : la palette et la combinaison des cultures, la place de l’élevage, les conduites : en intensif, en semi-intensif, en extensif, en AB, ou production intégrée, l’agroforesterie, …

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• Les pratiques agricoles : en donnant plus ou moins de place aux pratiques les plus bénéfiques (ou les moins agressives pour l’environnement), le tout relié aux rendements,

• Le flux des importations et exportations : Afterres2050 réduit notamment les importations d’aliments pour le bétail, mais nous l’avons dit, conserve une part de notre activité d’exportation, notamment de céréales.

En faisant jouer les paramètres liés à ces évolutions, nous avons pu construire deux scénarios, avec leurs variantes internes :

• Le scénario tendanciel, scénario ni souhaitable, ni désirable et surtout, non soutenable, y compris pour un grand nombre d’agriculteurs,. Ce sont les premières victimes d’un système qui a concentré les productions, les pollutions, vidée les campagne. Pas moins de 15 000 fermes disparaissent tous les ans actuellement.

• Le scénario « afterres2050 », compromis équilibré entre une trajectoire désirable et une trajectoire réalisable. Il s’agit d’offrir offre au monde agricole et rural (qui perd 15 000 exploitations tous les ans !) de nouvelles perspectives d’évolution.

Focus sur le volet alimentaire : La modélisation de nos besoins de surfaces agricoles pour

l’alimentation

La modélisation fait varier :

- les besoins alimentaires (apports nutritionnels)

- la proportion entre les différents denrées alimentaires : animales et végétales

- les pertes et gaspillages

La première étape consiste à décrire un régime alimentaire pour la population française pour les 40 prochaines années.

Au côté du scénario tendanciel qui prolonge les évolutions constatées, le scénario Afterres2050 a été établi sur les conseils de nutritionnistes, et dans l’optique de réduire sensiblement les émissions de gaz à effet de serre.

Les besoins alimentaires sont décrits selon plusieurs paramètres clé : l’énergie, les protéines, les lipides, les sucres, le calcium. La quantité d’énergie nécessaire est estimée à partir des projections tendancielles de la population et de la taille moyenne des personnes. L’indice de masse corporelle est un paramètre variable. Ces données permettent d’estimer les besoins alimentaires (de type « apports nutritionnels conseillés») en valeur énergétique, protéinique, en sucre et en lipides.

Les statistiques disponibles mettent en évidence un écart important entre ces apports nutritionnels conseillés et la consommation réelle de denrées alimentaires. Cet écart est dû à une surconsommation d’une part et à des pertes et gaspillages d’autre part. Des hypothèses sont effectuées sur la répartition actuelle de ces surconsommations et pertes, qui nous permettent de disposer d’une photographie des flux de denrées alimentaires.

La modélisation fait varier dans le temps le facteur de surconsommation ainsi que le taux de pertes et de gaspillage.

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Nous distinguons :

• les « pertes évitables » qui sont dues à des gaspillages d’aliments à proprement parler ainsi qu’aux quantités perdues dans les chaînes de transformation et de distribution,

• les « pertes inévitables », constituées des matières non consommables (épluchures, os…).

A partir des apports nutritionnels conseillés et de ces différents facteurs, nous remontons ainsi à la disponibilité en denrées alimentaires, c’est-à-dire à la quantité d’aliments que le marché intérieur doit fournir.

Afterres fait ce travail pour les principales denrées alimentaires dont la disponibilité est connue grâce aux statistiques publiées par la FAO depuis 1961, avec leur valeur en énergie, protéines et lipides.

Les hypothèses alimentaires intégrées dans le modèle pour mieux nourrir une population

croissante

Afterres2050 propose de :

• Diviser par deux les pertes « évitables » c’est à dire les aliments jetés alors qu’ils étaient mangeables sur l’ensemble de la chaine,

• Réduire de 25% notre consommation totale en protéines pour passer de 95 à 70 g/j/personne pour un apport nutritionnel conseillé (ANC) d’environ 50 à 60 g/j pour un adulte.

• Réduire la part de protéines animales et augmenter la part de protéines végétales afin d’inverser le ratio de nos apports en protéines. Cela correspondrait à couvrir nos besoins protéiques par 62 % de protéines végétales et 38% de protéines animales.

• Réduire notre apport de calcium par le lait à 200 mg/j/pers (soit 1 à 2 produits laitiers par jour)

Et quels usages des terres en 2050 ?

Nos modélisations confirment en effet qu’un scénario structuré autour de la généralisation des meilleurs systèmes et pratiques sur la totalité des terres agricoles - scénario que l’on peut modéliser en 50 % de la surface agricole en production intégrée (à ne pas confondre avec l’agriculture raisonnée) et 50 % en production biologique - peut nourrir la France et quelques voisins en 2050.

Notre assiette, nos paysages, notre agriculture, notre environnement sont toutefois vraiment différents :

• Le bol alimentaire contient moins de lait, de viande mais plus de céréales, de fruits et de légumes,

• Les sols ne sont jamais nus et une parcelle délivre jusqu’à 6 « productions » végétales - céréales, fruitiers, bois d’œuvre, engrais verts …, contre 1 à 2 aujourd’hui,

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• Les troupeaux ont fortement réduit leurs effectifs, mais il y a toujours des prairies et des vaches pour les pâturer,

• La biodiversité ordinaire, spontanément dopée par une agriculture plus écologique, est restaurée,

• Les espaces naturels aujourd’hui protégés le sont … restés,

• Nos agrosystèmes résistent mieux aux effets du changement climatique.

Autre résultat de première importance : ces bouleversements libèrent quelques millions d’ha, lesquels pourraient satisfaire d’autres besoins essentiels : production de biomasse pour l’énergie, la chimie verte ou les matériaux de construction.

En revanche, les émissions de gaz à effet de serre de la filière agricole et alimentaire ne sont divisées que par 2 (et non par 4).

Ce résultat est toutefois conforme à la feuille de route sur l’économie à faible intensité carbone de la Commission Européenne qui projette une réduction des émissions de gaz à effet de serre de 42 à 49 % pour les agricultures européennes[2].

Perspectives

Premier exercice du genre dont les principales hypothèses ont été validées par des experts « extérieurs », Afterres2050 est en perfectionnement constant. Il rentre dans une phase de déclinaison régionale dans trois régions françaises, démarche qui va permettre de voir comment à l’image de la diversité de nos agricultures actuelles, Afterres2050 se diversifie dans les territoires.

Scénario « physique », il invite l’économie à prendre en compte des réalités de terrain, notamment foncières. Quand au coût du scénario Afterres2050, il reste à évaluer, tout comme le chiffrage du scénario tendanciel, et cela pour tous ses compartiments, y compris alimentaires…

Afterres fait enfin une immense confiance aux agriculteurs, mais aussi à tous ceux qui par l’évolution de leurs comportements, notamment alimentaires, feront évoluer notre agriculture, et nos « traditions » culinaires.

[1] Afterres2050 ne s’inscrit pas dans le discours qui voudrait que l’Europe, la France nourrissent le monde, et solutionnent la question de la malnutrition. Hors aide alimentaire d’urgence, il faut permettre aux autres peuples du monde de bien se nourrir eux-mêmes à partir de leurs propres terres. [2] Communication de la commission européenne au Parlement, au conseil, au comité économique et social européen, et au comité des régions. Feuille de route pour une économie compétitive à faible intensité en carbone à l’horizon 2050 – Page 6

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NOTES

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Soyons acteurs de notre santé par l’alimentation : Exemple de Nutrinet

Pr Serge Hercberg

Professeur de Nutrition Université Paris 13/Hôpital Avicenne

Directeur de l’Unité de Recherche en Epidémiologie de la Nutrition

U557 inserm/Inra/Cnam/Paris 13

RESUME DE L’INTERVENTION

Le 11 mai 2009, a été lancée officiellement, en France, « l'étude NutriNet-Santé : 500 000

Nutrinautes pour étudier les comportements alimentaires et les relations nutrition-

santé ».

Ce grand programme de recherche, coordonné par l’Unité de Recherche en Epidémiologie Nutritionnelle (U557 Inserm/Inra/Cnam/Université Paris 13), s’est fixé comme objectif de recruter des internautes (de plus de 18 ans), les « Nutrinautes », acceptant de répondre chaque année, sur le site www.etude-nutrinet-sante.fr, à des questionnaires sur leur alimentation (3 enregistrements alimentaires de 24h), leur activité physique, leurs poids et taille, leur état de santé et sur divers déterminants des comportements alimentaires. Dans le cadre de leur suivi (l’étude est programmée sur plusieurs années), les Nutrinautes reçoivent chaque mois un e-mail les informant de l’avancement de l’étude et les invitant à remplir d’éventuels questionnaires complémentaires utiles aux chercheurs pour mieux évaluer l’état nutritionnel et la santé des participants (20 minutes en moyenne par questionnaire). Des données sont régulièrement collectées sur la santé des participants. Pour pouvoir atteindre l’ensemble de leurs objectifs, les chercheurs souhaitent que s’inscrivent 500 000 internautes pour participer aux 5 années de suivi prévues dans l’étude.

Pourquoi mettre en place une grande étude épidémiologique sur les relations nutrition-santé ?

De nombreux travaux cliniques, physiopathologiques et épidémiologiques, suggèrent que des facteurs nutritionnels sont susceptibles de participer à une réduction ou à une augmentation de l’incidence des pathologies qui constituent les grands problèmes de santé publique auxquels nous sommes confrontés en France, comme dans l’ensemble des pays industrialisés : cancers, maladies cardiovasculaires, obésité, diabète de type 2, dyslipidémies, hypertension artérielle, dépression nerveuse, polyarthrite rhumatoïde, déclin cérébral,…(1-4).

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Identifier des facteurs de risque ou de protection, liés à la nutrition, constitue une étape indispensable pour établir des recommandations nutritionnelles visant à réduire le risque de pathologies et améliorer la santé des populations.

Ces pathologies sont des maladies multifactorielles dans lesquelles interviennent des facteurs génétiques, biologiques et environnementaux. L’épidémiologie nutritionnelle occupe une place importante dans l’étude des relations nutrition-santé car elle contribue à fournir une information directe sur la relation entre l’exposition alimentaire et la survenue de ces maladies dans des conditions de vie habituelles (2-5).

Pour pouvoir mettre en évidence le rôle spécifique des facteurs nutritionnels, il est indispensable de développer des études de cohortes prospectives (suivi d’une population sur plusieurs années) portant sur un très grand nombre de sujets pour lesquels sont mesurées de façon précise et régulière les apports alimentaires et collectant les informations utiles permettant de contrôler un maximum de facteurs de confusion potentiels.

Internet au service de la recherche épidémiologique

L’utilisation d’Internet offre l’opportunité d’un accès à un très large échantillon de sujets volontaires et des possibilités de recueillir régulièrement, de très nombreuses données qu’il est possible de collecter, stocker et traiter de façon automatisée.

La France arrive en tête du classement européen en matière d'utilisation d'Internet (6). En novembre 2009, 34 700 000 français de plus de 11 ans, soit 65 % de la population âgée de plus de 11 ans, se sont connectés à Internet en un mois, quel que soit le lieu de connexion (domicile, travail, lieux publics ou privés) (7,8). Le profil des internautes montre qu’il est possible d’avoir accès à une population proche de la population générale avec une bonne représentation possible des différents âges (et notamment des seniors), des différentes catégories socio-professionnelles et des diverses régions.

Internet offre l’opportunité de poser des questionnaires simples, faciles à remplir par les participants (même s’ils n’ont pas une grande expérience informatique) et ne prenant que peu de temps avec une excellente ergonomie.

Des objectifs de recherche ambitieux à la hauteur des enjeux de santé publique

Les objectifs principaux de l’étude Nutrinet-Santé sont :

1. Etudier les relations entre les apports en nutriments, aliments, comportements alimentaires et la mortalité globale et spécifique, l’incidence des cancers, des maladies cardiovasculaires, de l’obésité et du surpoids, du diabète de type 2, de l’hypertension artérielle, des dyslipidémies, du syndrome métabolique, de la dépression nerveuse, des polyrathrite rhumatoïde et le vieillissement et la qualité de vie.

2 Etudier les déterminants (sociologiques, économiques, culturels, psychologiques, cognitifs, sensoriels, préférences,…) des comportements alimentaires, de l’état nutritionnel et de l’état de santé.

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3. Etudier (sur un sous-échantillon de sujets qui acceptent de venir dans un centre médical NutriNet) les relations entre les apports en nutriments, aliments, comportements alimentaires et des marqueurs clinico-biologiques.

4. Surveiller dans le temps l’évolution des apports alimentaires et de l’état nutritionnel de la population.

5. Evaluer l’impact de campagnes ou d’actions de santé publique (connaissance, perception, efficacité...).

Par la quantité et la qualité des informations collectées, par la taille de l’échantillon, la cohorte NutriNet-Santé permettra de constituer une gigantesque base de données sur la nutrition et la santé de la population vivant en France et sera une des plus grandes bases de données épidémiologique dans le champ de la santé dans le monde.

Matériel et Méthodes

Il s’agit d’une étude d’observation (cohorte prospective), lancée en mai 2009, portant sur une large population (500 000 sujets inscrits à terme pour inclure 300 000 participants réels) surveillée pendant une période suffisamment longue (10 ans). Il s’agit d’adultes de plus de 18 ans, les Nutrinautes, dont au moins 250 000 sujets de plus de 45 ans (en bonne santé ou malades), recrutés par des campagnes multimédia grand public (télévision, radio, presse écrite, Internet) et relayée par de multiples canaux professionnels. La communication s’appuie sur un appel permanent au volontariat pour recruter des sujets « acteurs de la recherche et de la santé publique » contribuant au progrès des connaissances scientifiques. L’inclusion dans la cohorte commencée en 2009 est ouverte pendant au moins 5 ans.

L’ensemble des Nutrinautes est suivi grâce au site Internet développé à cet usage (www.etude-nutrinet-sante.fr). Tous les questionnaires et collectes de données sont conçus pour être remplis directement sur le site Internet, à l’aide d’une interface HTML sécurisée. Toutes les conditions de sécurité informatique et physique des données sont assurées.

A l’inclusion, tous les sujets remplissent un dossier de base comprenant différentes parties : questionnaires alimentaires (3 enregistrements alimentaires de 24h sur 21 jours), questionnaire sur l'activité physique, sur les données anthropométriques, sociodémographiques, sur le mode de vie et sur l’état de santé).

L’inclusion est considérée comme validée définitivement lorsque les participants ont rempli complètement tous les questionnaires de leur dossier de base.

Dans le cadre de leur surveillance, les Nutrinautes receoivent chaque mois un e-mail automatisé les informant sur l’avancement de l’étude et sur les nouveaux questionnaires à remplir pour compléter leur dossier (jamais plus d’un questionnaire par moi qui ne prend pas plus de 20 mn pour être rempli). Des données sont également collectées sur la santé des participants au travers de questionnaire spécifiques ou la possibilité pour les volontaires de déclarer tout problème de santé dans son espace personnel sur Internet.

Une collecte de données clinico-biologiques est également prévue sur un sous-échantillon dans le cadre de la Biobanque NutriNet-Santé.

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Partenaires

L’étude est exclusivement publique. Le programme s'appuie sur l'engagement de partenaires institutionnels concernés: ministères, organismes de recherche, agences et fondations (Ministère de la Santé et des Sports, Institut National de la Prévention et de l’Education pour la Santé, Institut de Veille Sanitaire, Inserm, INRA, Conservatoire National des Arts et Métiers, Université Paris 13, Fondation pour la Recherche Médicale, Institut de Recherche en Santé Publique). La banque de données et l'accès à la population constituera un réel patrimoine scientifique national, utile à la communauté scientifique pour la recherche, l’observation, la surveillance, l’évaluation et l’aide à l’expertise.

L’étude bénéficie d’un avis favorable du Comité de Qualification Institutionnelle (IRB) INSERM 10 juillet 2008, n°IRB0000388 FWA00005831, du CCTIRS 11 juillet 2008, n°08.301 et 15 juillet 2010 n°10-367 et de la CNIL 24 février 2009, n°908450 et 12 février 2010, n° 909216.

References

1. World Health Organization. Diet, Nutrition and the Prevention of Chronic Diseases. Joint WHO/FAO Expert Consultation. WHO Technical Report Series. Geneva: WHO, 2003. 2. World Cancer Research Fund/American Institute for Cancer Research. Food, nutrition, physical activity, and the prevention of cancer: a global perspective. AICR, Washington DC, 2007. 3. World Health Organization. The challenge of obesity in the WHO European Region and the strategies for response. Copenhagen: WHO Regional Office for Europe, 2007. 4. World Cancer Research Fund/American Institute for Cancer Resaerch. Policy and action for cancer prevention. AICR, Washington DC, 2009. 5. Willett W. Nutritional Epidemiology, 2nd Edition, Oxford University Press, New York, Oxford, 1998. 6. http://eiaa.net/index.asp: European Interactive Advertising Association. 2009. 7. http://www.mediametrie.fr/internet/: Médiamétrie - Internet. 2009. 8. http://www.ipsos.fr/canalipsos/poll/8273.asp/: Ipsos Media. 2009.

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DEVENEZ EGALEMENT UN ACTEUR DE LA RECHERCHE ET DE VOTRE SANTE EN PARTICIANT

A L’ETUDE-NUTRINET-SANTE.

Les chercheurs de l'INSERM (Institut National de la Santé et de la Recherche Médicale) cherchent à mobiliser la population générale pour participer à l'étude NutriNet-Santé, la plus grande étude jamais lancée dans le monde, sur Internet, pour mieux comprendre les relations entre la nutrition (alimentation et activité physique) et la santé afin de lutter contre les maladies cardiovasculaires, les cancers, l'hypertension artérielle, l'obésité, le diabète, la dépression nerveuse, la polyrathrite rhumatoide,...

La réussite de cette recherche repose sur la capacité de convaincre nos concitoyens à aider la recherche; non pas en sortant leur portefeuille, mais en donnant un peu d'eux même et de leur temps pour faire avancer la recherche publique pour réduire le risque des grandes maladies auxquelles nous sommes confrontés en France comme dans l'ensemble des pays industrialisés.

En consacrant juste quelques minutes par mois pour répondre, par Internet, aux différents questionnaires simples et confidentiels, sur l'alimentation, l'activité physique et la santé, chacun peut, au travers geste citoyen, devenir un acteur de la recherche et contribuer à l'amélioration de la santé de tous et des générations futures.

Rejoignez, vous-aussi, les 230 000 volontaires qui se sont déjà inscrits à l’étude. Les chercheurs comptent donc sur votre soutien !’Informez-vous et inscrivez-vous sur le site de l’étude : www.etude-nutrinet-sante.fr et participez au progrès de la recherche.

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NOTES

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La qualité du gluten: variations de sa composition et de ses propriétés

Gérard BRANLARD

Unité « Génétique Diversité et Ecophysiologie des Céréales »

UMR 1095 INRA– Université Blaise Pascal, Clermont Ferrand.

BIOGRAPHIE

E mail : [email protected]

Directeur de recherches à l’INRA UMR 1095 Génétique Diversité et Ecophysiologie des Céréales – Université Blaise Pascal, Clermont Ferrand.

Ses recherches portent principalement sur les bases génétiques, biochimiques, moléculaires et technologiques de la qualité des blés.

Quelques mots clés : gluténines, gliadines, diversité génétique, dureté de l’albumen, amidon, pentosanes, qualité des blés, valeur nutritionnelle, protéome du grain en développement.

RESUME DE L’INTERVENTION

1. Introduction

Le gluten est obtenu à partir des céréales cultivées : c’est à dire essentiellement blé tendre (Triticum aestivum), blé dur (Triticum durum), épeautre (Triticum spelta), engrain (Triticum monococcum), seigle (Secale cereale) Les grains de maïs, de riz, d’orge, et d’avoine contiennent des protéines de réserve proches en composition et structure de celles du blé mais elles sont incapables d’apporter les propriétés de viscoélasticité du gluten nécessaires en panification. Le blé tendre, dont la production mondiale est estimée à 670 Mt en 2012 est la seconde céréale après le maïs (920 Mt) mais la principale à partir de laquelle on obtient le gluten. Les 27 pays européens ont produit cette année 126.5 Mt de blé tendre dont près de 47.8 Mt rentreront dans la consommation humaine. En France cette dernière représente environ 20% de la collecte (qui a atteint 36.6Mt en 2012) et plus de 4 Mt seront utilisés en panification. Les farines destinées à la boulangerie, la biscotterie, la biscuiterie et la pâtisserie industrielle doivent répondre à des caractéristiques technologiques spécifiques à ces usages, dont plusieurs sont directement liées à la quantité et aux propriétés du gluten. Selon la variété de blé et les conditions agro-climatiques de production, la teneur en protéines de la farine varie généralement entre 10 et 13% de la matière sèche ; environ 80% de ces protéines constituent le gluten.

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2. Le Gluten.

C’est le produit obtenu par lixiviation de la pâte (malaxage en présence d’une eau salée et tamisage pour retenir les parties non solubles). Le gluten est essentiellement constitué de protéines, mais il peut contenir aussi quelques granules d’amidon et des lipides. La centaine de constituants protéiques différents accumulés dans l’albumen du grain contribue à former le gluten qui n’existe réellement que par l’action du pétrissage et l’élimination des autres composants de l’amende farineuse. Le gluten est formé de deux familles de protéines : les gliadines et les gluténines. Pour une revue bibliographique voir les références [1] et [2].

Les gliadines sont des protéines monomériques de poids moléculaire allant de 15à 85 kDa. Les gluténines sont, par contre, des protéines polymérisées par des liaisons covalentes (disulfure) et leur poids varie de 200 kDa à plus de 45000 kDa. La rupture de ces liaisons permet de révéler les sous-unités de haut et de faible poids moléculaires (SG-HPM et SG-FPM) constitutives des gluténines. Les sous unités gluténines forment un réseau tridimensionnel dans lequel s’agrègent les gliadines généralement repliées sous forme de pelote. Ces deux familles de protéines, les gliadines et gluténines, se regroupent dans la super famille des prolamines ; elles sont naturellement hydrophobes. Mais sous l’action de l’eau, lors du pétrissage, des liaisons hydrogènes s’établissent entres les gliadines et les sous unités des gluténines. La teneur en gluténines et surtout celle de la fraction insoluble dans le sodium docécyl sulfate (SDS) a été associé à l’élasticité de la pâte. Les gliadines (monomériques) agissent plus comme un agent de dilution et contribuent à l’extensibilité de la pâte. Le rapport entre la proportion de gliadines et gluténines dans la farine ainsi que celle des gluténines insolubles dans le SDS sont parmi les facteurs essentiels contrôlant les aptitudes à la panification d’un blé. Ces deux familles de protéines (gliadines et gluténines) sont très riches en proline (acide aminé utile lors du stress hydrique occasionné par le gel à la germination) et en glutamine (acide aminé duquel dérive la synthèse de plusieurs autres acides aminés). Ces protéines sont accumulées entre les 10ème et le 35ème jour après la fécondation dans le grain, elles entourent les granules d’amidon dans le grain mature. Les quantités de gliadines et de gluténines ainsi que leurs propriétés technologiques dépendent de facteurs génétiques propres à l’espèce mais elles sont aussi fonction du milieu agro climatique agissant lors de la croissance de la céréale et de l’accumulation des réserves dans le grain [3].

Les sélectionneurs disposent d’un appareil, le GlutomaticTM, qui offre la possibilité d’extraire

le gluten et de déterminer la teneur en gluten humide, en gluten sec et l’indice de gluten. Les valeurs observées avec ces trois paramètres, entre variétés de blé tendre, peuvent varier dans de fortes proportions (par exemple de 8 à 99% pour l’indice du gluten). L’héritabilité des ces paramètres, généralement voisine de 0,4, indique que leur variation est majoritairement sous l’influence de facteurs agro climatiques. Cette faible héritabilité résulte aussi du nombre élevé de gènes codant les protéines du gluten et de leur diversité.

3. La diversité des protéines du gluten.

Les constituants du gluten sont génétiquement déterminés et leur polymorphisme suffit souvent à caractériser une variété de blé. Des techniques analytiques telles que l’électrophorèse bidimensionnelle permet d’observer de 120 à près de 200 protéines différentes constitutives du gluten, [Figure 1].

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Figure 1 Electrophorèse bidimensionnelle (IPGE x SDS PAGE) des protéines de réserve d’une variété de blé tendre. (HPM, FPM = respectivement sous unité des gluténines de gliadine), Sur la gauche : l’échelle des poids moléculaires apparents

Ce sont les gliadines de types faible poids moléculaires des gluténines. Ces protéicentaine de gènes répartis en douze locus principauxGlu-D1, respectivement sur les bras long des chromosomes 1A, 1B et 1D. codant pour les sous unité gluténines de haut poids molécuD3 sur les bras courts des chromosomes de faible poids moléculaires (SGGlu-3 se trouvent les locus Glibêta- et gamma-gliadines sont codées par les locus chromosomes 6A, 6B et 6D. relativement distant du locus d’un même chromosome entre ces deux locus. Les locus groupes de plusieurs dizaines de gènes avec une grande similarité entre les séquences codantes. De rares recombinaisons se produisent au sein d’un groupe de gène au locus complexe des gliadines. Les formes alléliques observées pour chacun des locus Gli-1 et Gli-2 sont particulièrement nombreuses. C’est en général plusieurs dizaines de formes alléliques que l’on observe à chacun des douze locus lors de l’analyse d’une collection mondiale des blés tendres. En plus des recombinaisons génétiques observées entre locus, les gliadines et gluténinesqu’elles ne possèdent pas de fonction enzymatique. Elles jouent le rôle de réservoir d’acides aminés indispensables aux synthèses protéiques nécessaires au développement de l’embryon lors de la germination.immense. Plusieurs milliards de blés, tous génétiquement différents et donc distincts par la

Figure 1 Electrophorèse bidimensionnelle (IPGE x SDS PAGE) des protéines de réserve d’une variété de blé tendre. (HPM, FPM = respectivement sous unité des gluténines de haut et faible poids moléculaire, gli = gliadine), Sur la gauche : l’échelle des poids moléculaires apparents

Ce sont les gliadines de types alpha-, bêta-, gamma- et oméga- et les sous unités de haut et faible poids moléculaires des gluténines. Ces protéines résultent de l’expression d’une centaine de gènes répartis en douze locus principaux. Ce sont les locus

sur les bras long des chromosomes 1A, 1B et 1D. codant pour les sous unité gluténines de haut poids moléculaires (SG-HPM), les locus Glu

chromosomes 1A, 1B, 1D codent pour les sous unités gluténines de faible poids moléculaires (SG-FPM). Sur ces même bras courts et à proximités des locus

Gli-1 codant principalement pour les oméga-gliadines. Les alphagliadines sont codées par les locus Glu-2 sur les bras courts des

Sur un même chromosome 1A, 1B ou 1D le locus s Glu-3. De fréquentes recombinaisons se produisent au sein

d’un même chromosome entre ces deux locus. Les locus Gli-1 et Gli-2 groupes de plusieurs dizaines de gènes avec une grande similarité entre les séquences

ombinaisons se produisent au sein d’un groupe de gène au locus complexe des gliadines. Les formes alléliques observées pour chacun des locus

sont particulièrement nombreuses. C’est en général plusieurs dizaines de ques que l’on observe à chacun des douze locus lors de l’analyse d’une

collection mondiale des blés tendres. En plus des recombinaisons génétiques observées entre locus, les gliadines et gluténines sont excessivement polymorphes en raison du fait

ne possèdent pas de fonction enzymatique. Elles jouent le rôle de réservoir d’acides aminés indispensables aux synthèses protéiques nécessaires au développement de l’embryon lors de la germination. Au total la diversité génétique des protéines du gluten esimmense. Plusieurs milliards de blés, tous génétiquement différents et donc distincts par la

Figure 1 Electrophorèse bidimensionnelle (IPGE x SDS PAGE) des protéines de réserve d’une variété de blé haut et faible poids moléculaire, gli =

et les sous unités de haut et nes résultent de l’expression d’une . Ce sont les locus Glu-A1, Glu-B1 et

sur les bras long des chromosomes 1A, 1B et 1D. codant pour les Glu-A3, Glu-B3 et Glu-

1A, 1B, 1D codent pour les sous unités gluténines FPM). Sur ces même bras courts et à proximités des locus

gliadines. Les alpha-, sur les bras courts des

Sur un même chromosome 1A, 1B ou 1D le locus Glu-1 est . De fréquentes recombinaisons se produisent au sein

sont constitués de groupes de plusieurs dizaines de gènes avec une grande similarité entre les séquences

ombinaisons se produisent au sein d’un groupe de gène au locus complexe des gliadines. Les formes alléliques observées pour chacun des locus Glu-1, Glu-3,

sont particulièrement nombreuses. C’est en général plusieurs dizaines de ques que l’on observe à chacun des douze locus lors de l’analyse d’une

collection mondiale des blés tendres. En plus des recombinaisons génétiques observées sont excessivement polymorphes en raison du fait

ne possèdent pas de fonction enzymatique. Elles jouent le rôle de réservoir d’acides aminés indispensables aux synthèses protéiques nécessaires au développement de

Au total la diversité génétique des protéines du gluten est immense. Plusieurs milliards de blés, tous génétiquement différents et donc distincts par la

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composition protéinique du gluten, peuvent être obtenus par croisement naturel sur la base des formes alléliques identifiées. Cependant compte tenu du fait que l’on observe pour de nombreuses variétés de blé un apparentement avec des blés ayant connu un large succès de par leur aptitude agronomique et ou génétique, la diversité des protéines du gluten au niveau d’un pays donné est relativement restreinte. La France est un des pays au monde où la diversité des protéines du gluten est la plus élevée au niveau des variétés cultivées. Nous verrons ci dessous que l’on peut encore modifier la composition du gluten.

4. Facteurs de variation de la composition du gluten

4.1 Les facteurs génétiques.

Les SG-HPM sont polymérisées entre elles et aussi avec les SG-FPM par des liaisons covalentes disulfures (SS) qui aboutissent à un réseau tridimensionnel. La densité et la taille de ce réseau résulte en partie de la présence de cystéines libres (SH non engagés dans les liaisons disulfures intramoléculaires). Ainsi brièvement les alpha- et bêta-gliadines possèdent, selon l’allèle et la protéine codée, 2 ou 3 SS et parfois 1SH libre, les gamma-gliadines ont en général 4 SS intramoléculaires et parfois 1SH libre, les oméga-gliadines ne possèdent pas de cystéines, la plupart des SG-HPM de type x n’ont qu’un SS mais possèdent 1SH libre à chacune des extrémités de la sous unité ce qui favorise la polymérisation , celles de type y ont 2SSet 3SH libres enfin les SG-FPM possèdent 3 SS et 1 voire 2 SH libres. Chacun des douze locus principaux possèdent les séquences codantes pour une protéine voire plusieurs protéines différentes de la même famille (alpha, bêta, SG-HPM, etc). La composition protéinique du gluten d’une variété donnée va donc être fonction des séquences alléliques portées à chacun des douze locus. Le blé tendre (Triticum aestivum), formé des génomes A, B et D possède au total une centaine de protéines différentes de types gliadines et gluténines , le blé dur (Triticum durum) en contient un peu moins car il est dépourvu du génome D, l’engrain ou petit épeautre (Triticum monococcum) encore moins puisqu’il ne porte que le génome A.

En plus de la composition génomique, il est possible d’obtenir des glutens très différents de par la proportion de tel ou tel type de protéines. Il existe en effet naturellement au sein de l’espèce blé tendre, dans des variétés cultivées voire des cultivars de collection, des allèles nuls ne codant pour aucune protéine. Ces formes alléliques résultent souvent de délétion d’un fragment du chromosome. Il est ainsi possible de cumuler au sein d’un même génotype plusieurs allèles nuls aboutissant par exemple à l’absence des alpha-gliadines ou encore des SG-HPM. De plus en utilisant des séquences consensus propres aux gliadines il a été possible par transformation génétique d’induire l’expression de l’ARN anti sens à ces séquences et ainsi d’annihiler l’expression des gliadines [4].

La variation quantitative de telle ou telle sous unité ou famille de protéines fait aujourd’hui l’objet de recherches. Il semble que pour les gliadines et les SG-FPM le nombre de séquences dupliquées au sein du locus, sous forme de copies identiques ou quasi identiques qui seront ainsi transcrites est un des éléments majeurs de la variation quantitative de chacune de ces protéines. L’analyse des séquences promotrices des gènes des protéines de réserve, l’identification des promoteurs situés plusieurs centaines de paires de bases (bp) en amont du codon ATG, leur variabilité dans leur nombre et dans leur séquence ainsi que

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l’identification des facteurs de transcription qui seront recrutés pour que la séquence codante soit exprimée, sont autant de questions que sous tend l’analyse de la régulation de la synthèse des protéines du gluten. Cette recherche peut impliquer des séquences plus éloignées du codon ATG. Ainsi la SG-HPM Glu-B1x7oe est 30 à 40% plus abondante que la Glu-B1x7 en raison d’une duplication d’une séquence située environ 2500 bp en amont de l’ATG. Les conditions agro climatiques contribuent également à la variation quantitative des protéines du gluten.

4.2 Facteurs environnementaux

Gliadines et gluténines sont, d’une variété de blé à l’autre, en proportion souvent équivalente (c’est-à-dire chacune de 35 à 45 % des protéines du grain). Mais cette proportion peut varier en fonction de la variété et surtout selon les conditions agronomiques et climatiques lors de la production du blé. L’apport azoté à la culture permet d’augmenter la teneur en protéines du grain et les quantités de gluténines et de gliadines vont croître linéairement à la quantité d’azote arrivant dans le grain [3]. Ainsi la fertilisation azotée tardive en l’absence de stress hydrique permet d’accroître la teneur en gluten. Les protéines du gluten se distinguent par leur teneur en soufre : les SG-FPM et les gamma-gliadines en contiennent plus que les SG-HPM et les alpha- bêta-gliadines. Les blés produits sur un sol carencé en soufre auront proportionnellement plus d’oméga-gliadines (dépourvues de soufre) et moins de gamma-gliadines et de SG-FPM qu’un blé non carencé. Les sols carencés en soufre sont aujourd’hui moins rares qu’il y a cinquante ans en raison de l’arrêt de la combustion de charbon (pluies acides) et l’extension de la culture du colza (exportatrice de soufre). Les températures élevées lors de l’accumulation des réserves ont plus d’impact sur la quantité d’amidon synthétisé (dû au stress thermique) que sur la quantité de protéines par grain. Il en résulte une teneur en protéines plus élevée puisque la part de l’amidon régresse dans le grain. De plus une température supérieure à 35°C peut provoquer un stress thermique, ralentir la synthèse des gluténines et corrélativement augmenter la proportion de gliadines. Notons enfin que la taille des polymères formés principalement par les gluténines et certaines gliadines va dépendre de la durée d’accumulation des réserves. Les travaux en cours semblent indiquer que des températures élevées, lors de la synthèse des réserves, augmentent la taille des polymères [5].

Ces variations agro-climatiques vont donc modifier la teneur en gluten dans la farine ainsi que les proportions relatives des protéines de réserve. Les propriétés technologiques d’élasticité et d’extensibilité, respectivement associées aux gluténines et gliadines, varieront en conséquence.

5. Quelques questions communément posées.

5.1 Les blés modernes sont ils plus riches en gluten ?

Les blés produits en France présentent depuis plus de dix ans une légère diminution de la teneur en protéines 10 11%MS contre 11-12.5% dans les années 90. Plusieurs facteurs notamment agronomiques et climatiques sont avancés pour expliquer cette régression avec cependant des variétés modernes potentiellement capables d’exprimer une teneur en

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protéines de l’ordre de 12 à 15% MS. Ainsi les blés récoltés actuellement possèdent en moyenne moins de gluten qu’il y a une vingtaine d’années.

5.2 Le gluten des blés modernes est il différent de celui des variétés anciennes?

Les blés modernes possèdent les allèles que l’on trouve dans les blés du XIXème et XXème siècle. Il n’existe pas de blé cultivé ayant les protéines de réserve modifiées par transgénèse. Les blés de bonne qualité boulangère possèdent naturellement plusieurs protéines favorables conférant des aptitudes rhéologiques de ténacité, d’extensibilité et de gonflement de la pâte. Le gluten des variétés modernes est donc aujourd’hui généralement moins abondant que dans les variétés cultivées autrefois, mais possède plus de protéines impliquées dans la mise en place d’un film permettant la rétention gazeuse et le gonflement de la pâte. Sans ces protéines la farine de ces blés de haut rendement n’aurait pas les caractéristiques requises pour être panifiable en l’état c'est-à-dire sans mélange d’un blé de force avec la variété récoltée ou sans incorporation d’un agent favorisant les oxydations et sans ajout de gluten.

5.3 Les blés modernes sont ils plus allergéniques que les blés anciens.

L’augmentation des allergies dans la population européenne est constatée sur tous les principaux aliments tant d’origine animale (ex : œufs, lait, crustacées) que végétale (arachide, kiwi, cèleri), la farine de blé ne fait pas exception. Peu d’études ont comparé l’allergénicité des blés anciens par rapport aux modernes. En utilisant les séra de 20 patients souffrant d’allergies au blé il fut montré [6] que l’engrain (T. monococcum) induisait moins de réponses que le blé cultivé (T. aestivum). Ce résultat peut sembler logique car il convient d’observer que l’engrain ne possède qu’un génome (A) contre trois dans le blé tendre cultivé (ABD). L’intolérance au gluten revêt plusieurs aspects symptomatiques. Pour ne garder que la maladie cœliaque, des différences existent entre variétés de blé sur le nombre d’épitopes portés par les gliadines et gluténines. La séquence majeure de 33 acides aminés, principale responsable de l’immuno-toxicité du gluten [7] contient 6 épitopes dont certains se retrouvent dans les séquences des gliadines et gluténines. Des différences existent entre variétés sur le nombre d’épitopes inducteurs de l’immuno-toxicité. Le fait que (1) un ou plusieurs de ces épitopes se retrouvent dans toutes les classes multigéniques de ces protéines, (2) qu’aucune sélection dirigée n’a été réalisée contre ces épitopes et (3) que leur séquence n’est pas associée à des caractéristiques technologiques spécifiques, laisse entrevoir qu’il y a autant de chance d’identifier des génotypes moins inducteurs de la maladie cœliaque dans les blés anciens que dans les modernes. Il ne sera pas possible de créer un blé dépourvu de toutes ces séquences inductrices car cela reviendrait à retirer du grain la quasi-totalité des gliadines et gluténines; protéines de réserve pourvoyeuses des acides aminés nécessaires à la germination. Pour autant des solutions sont à développer en réduisant ce nombre d’épitopes, en recherchant des blés ayant une composition protéique plus favorable à l’hydrolyse enzymatique et surtout en adoptant une technologie de préparation spécifique des produits panifiés (durée et type de fermentation, composition en sucres simples, température de cuisson notamment).

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Références

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th International Gluten Workshop

Clermont Ferrand, France, 7-9 septembre 2009, INRA, Paris, pp 379. [3] Triboï E, Triboi-Blondel A.M., Martre P. A general concept to analyse the relationships between productivity and quality and genotype by environment interactions Proceedings of the VIII ESA Congress: European agriculture in a global context. LVL Copenhagen, Denmark, 11-15 July 2004, 561-562. [4] Gil-Humanes J, Pistón F, Tollefsen S, Sollid LM, Barro F, Effective shutdown in the expression of celiac disease-related wheat gliadin T-cell epitopes by RNA interference. PNAS September 28, 2010 vol. 107 no. 39 17023-17028. [5] Lesage V, Rhazi L, Aussenac T, Meleard B, Branlard G. Effects of HMW- & LMW-glutenins and grain hardness on size of gluten polymers. Proceeding of 11

th Int. Wheat Gluten Workshop Bejing August 12-15, 2012.

In press. [6] Larré, C., Lupi, R., Gombaud, G., Brossard, C., Branlard, G., Moneret-Vautrin, D.A., Rogniaux H., Denery-Papini S. (2011) Assessment of allergenicity of diploid and hexaploid wheat genotypes: Identification of allergens in the albumin/globulin fraction J. of Proteomics 74, 1279 1289. [7]Shan L, Molberg w, Parrot I, Hausch F, Filiz F, et al. (2002) Structural basis for gluten intolerance in celiac sprue. Science 297: 2275–2279.

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NOTES

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Intolérance au gluten, aspects nosologiques

Georgia Malamut1,2,3

1 : Université Paris Descartes

2 : Inserm U793, Université Paris Descartes, Faculté de Médecine

3 : Service d’Hépatogastroentérologie, Hôpital Européen Georges Pompidou

BIOGRAPHIE

Fonctions Hospitalières et Universitaires

Internat Ile de France : 1998-2004

Médecin attaché : Nov 2004-Oct 2006. HEGP, Hépato-gastroentérologie: 1 consultation/semaine. Gardes de spécialité : 2/mois. Doctorat de Sciences (Immunologie), Université Paris Descartes : 2004-2009 Chef de clinique des universités, assistant des hôpitaux: 2006- 2010 Université Paris Descartes-Hépato-gastroentérologie, Pr Jian-HEGP. Astreintes endoscopie : 2/semaine ; Gardes: 3/mois jusqu’en Aôut 2007. Praticien hospitalo-universitaire depuis juillet 2010 : HEGP- Université Paris Descartes

Activités antérieures et actuelles :

Activités hospitalières : praticien à l’HEGP depuis 8 ans, actuellement PHU en Hépato-gastroentérologie

• activités cliniques et/ou biologiques : • Urgences endoscopiques et avis spécialisés : ½ à 1 journée/ semaine (SAU, réanimations etc.)

• Gastroentérologie générale avec thématiques spécifiques : maladie coeliaque, maladies inflammatoires chroniques

intestinales, entéropathies auto-immunes, liées aux déficits immunitaires, lymphomes digestifs. Consultations (2 demi-journées/semaine), Responsable d’un secteur d’hospitalisation à temps plein, Réalisation et coordination des explorations et prélèvements endoscopiques de l’intestin grêle (endoscopies digestives hautes, basses, entéroscopies : 1-2 vacations/semaine)

• Thématiques immunologiques et oncologiques impliquant un partenariat renforcé avec services de l’HEGP et de

l’hôpital Necker Enfants Malades et partenaire au projet d’IHU Necker.

• Comités hospitaliers : membre du CLAN et du conseil du pôle Cancérologie depuis 2008. - membre du CMEL HEGP- Vaugirard -Corentin Celton (nov 2011). - membre de la sous commission des effectifs CMEL HEGP- Vaugirard -Corentin Celton (2012) - membre de la sous commission SIRU HEGP- Vaugirard -Corentin Celton (2012)

• Innovations développées : Thématique : Lymphome T intestinal • Création du réseau national Lymphocoeliaque: lymphomes associés à la maladie coeliaque ; (Coordinateurs : Pr C.

Cellier, Dr G. Malamut, Inca Cancers Rares de l’Adulte 2008-2010).

• Création du CELAC : Centre Expert national des Lymphomes associés à la maladie coeliaque, INCA

• Stratégies thérapeutiques dans le traitement des lymphomes de bas grade associés à la maladie coeliaque (sprues

réfractaires) : (1) protocole de chimiothérapie-autogreffe (PHRC INCA Sprue Autogreffe) et (2) thérapie ciblée par utilisation des anticorps anti-IL-15 ou les inhibiteurs de JAK3 dans la sprue réfractaire clonale (rationnel issu des travaux de thèse de science).

• Budget global crédité à l’HEGP par l’INCA pour ces innovations de recherche clinique : 700 000 euros

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Activités d'enseignement (académique et/ou au lit du patient) :

* Etudiants en médecine 1er

et 2e cycle : enseignement ED (faculté) + Hospitalier : 270 heures/an

* Internes DES (Hépato-gastroentérologie) : 40 heures/an ; DESC : 4 heures/an, direction de mémoires de DES.

* Enseignement post-universitaire (DU et DIU) : 4 heures/an ; Médecins libéraux (FMC) : 5 heures/an * Infirmières : 6 heures/an

Activités de recherche (clinique et/ou fondamentale) :

Travaux antérieurs :

• Manifestations digestives et hépatiques des hypogammaglobulinémies primitives.

• Gamma-delta T cell's repertoire and mucosal location in Crohn's Disease and Ulcerative Colitis) ; T-lymphocytes Development and Function ; Directeur: Dr S.Carding- Université de Pennsylvanie Philadelphie,US

• Etude quantitative et fonctionnelle des MAP kinases au cours des maladies inflammatoires chroniques de l’intestin

(DEA) Laboratoire des maladies inflammatoires chroniques de l’intestin, EPI0114 INSERM, Directeur : Pr P.Desreumaux. Hôpital Huriez, CHRU de Lille

• Lymphomagénèse associée à la maladie coeliaque : sprue réfractaire et rôle de l’IL-15 (thèse de science), Directeur : Dr N.Cerf-Bensussan, laboratoire Inserm U989. 2004- 2009

Travaux actuels et en projet :

• Gestion et coordination avec Pr C. Cellier du Centre Expert national des Lymphomes Associés à la maladie Coeliaque

(CELAC) (Appel d’offre Inca, labellisation de centres experts nationaux de référence pour cancers rares de l’adulte: 2011-2015) : 25 centres experts régionaux (y compris DOM-TOM).

• PHRC Inca : Evaluation de l’autogreffe de cellules souches hématopoïétiques dans le traitement des lymphomes intra-

épithéliaux intestinaux de bas grade (sprues réfractaires) associés à la maladie coeliaque ; Sprue Autogreffe (Investigateurs coordinateurs : Pr C. Cellier, G. Malamut, O. Hermine), ouvert.

• Elaboration de protocoles avec anti-IL-15 ou inhibiteurs de JAK3 pour traiter les patients avec sprues réfractaires

(Investigateurs coordinateurs: Pr C. Cellier, Pr O. Hermine, Dr G. Malamut, Dr Nadine Cerf-Bensussan).

• Poursuite de la caractérisation des entéropathies et des lymphoproliférations T intestinales avec activités de

recherche translationnelle (Laboratoire Inserm U989 ; Dr N. Cerf-Bensussan)

• Investigateur associé des Etudes internationales : Clinical staging and survival in refractory celiac disease: validation

and refinement of a new staging model using a multinational cohort. coordinateurs : Pr J. Murray and Dr A. Rubio-Tapia, Mayo Clinic, USA. Etude européene coordonnée par Dr F Biagi & Prof GR Corazza (PROgnosticating COeliac patieNts SUrvivaL: the

PROCONSUL SCORE)

• Développement d’outils diagnostiques et d’évaluation des enteropathies et/ou lymphomes intestinaux :

- Endomicroscopie confocale par mini-sonde avec Dr G. Rahmi - Traduction, adaptation et validation du « Celiac Disease Questionnaire » coordonné par le Pr J. Pouchot, - Eude de nouveaux marqueurs sérologiques dans la maladie coeliaque coordinateur Dr MA Dragon-Durey

Activités d'intérêt général

* Membre du conseil de rédaction de la revue Gastroentérologie Clinique et Biologique, 2007- 2009. * Membre du GERMC (groupe d’étude et de recherche sur la maladie coeliaque). * Membre du GETAID (groupe d’étude thérapeutique des affections inflammatoires du tube digestif). * Membre de la SNFGE (Société Nationale Française de Gastroentérologie)

28 Publications indexées dans PubMed (n=32) ; ci-dessous les 5 meilleures publications originales

1. Malamut G, Verkarre V, Callens

C, et al. Enteropathy Associated T cell Lymphoma complicating an Autoimmune

Enteropathy. Gastroenterology, 2012;142(4):726-729.e3; quiz e13-4. (IF=12.6)

2. Malamut G, Verkarre V, Suarez F, et al. The enteropathy associated with common variable immunodeficiency: the

delineated frontiers with celiac disease. Am J Gastroenterol, 2010;105 (10):2262-75. (IF: 6.88)

3. Malamut G, El Machhour R, Montcuquet N, et al. IL-15 driven antiapoptotic signaling in inflammation and T cell lymphomagenesis associated with celiac disease: a rationale for new therapeutic strategies. J Clin Invest 2010, 12 : 2131-43 (IF:16.5)

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4. Malamut G, Afchain P, Verkarre V, et al. Presentation and long term follow-up of refractory celiac disease: comparison of type I with type II. Gastroenterology 2009;136:81-90. (IF:12.6)

5. Malamut G, Ziol M, Suarez F, et al. Nodular regenerative hyperplasia: The main liver disease in patients with primary hypogammaglobulinemia and hepatic abnormalities. J Hepatol, 2008; 48:74-82. (IF:7)

RESUME DE L’INTERVENTION

MALADIE COELIAQUE

DEFINITION ET RAPPELS PHYSIOPATHOGENIQUES

La maladie coeliaque (MC) est une entéropathie de type autoimmune secondaire à l’ingestion de gluten survenant chez des sujets génétiquement prédisposés HLA DQ2/DQ8 [1]. Elle se traduit sur le plan histologique par une atrophie villositaire intestinale avec augmentation des lymphocytes intraépithéliaux CD3+ CD8+ [2].

Les molécules HLA DQ2/DQ8 exprimées par les cellules dendritiques présentent les peptides dérivés du gluten activant ainsi les lymphocytes T CD4+ du chorion [3].

Les protéines « toxiques » pour les patients sont les protéines de stockage du blé, de l’orge et du seigle inhabituellement riches en résidus glutamine et proline, d’où leur nom de prolamines. La toxicité de l’avoine, moins riche dans ces deux acides aminés est discutée, cette céréale étant considérée actuellement comme bien tolérée par la majorité des patients. La structure compacte des prolamines du blé et la présence de nombreuses prolines les rendent très résistantes à la digestion par les enzymes pancréatiques et de la bordure en brosse qui n’ont pas d’activité prolyl-endopeptidase. La présence de motifs répétés riches en glutamine et proline fait des protéines du gluten un substrat privilégié pour la tissu transglutaminase 2 (Ttgase). Elle possède une activité enzymatique, la déamidation, dans le chorion, de résidus glutamine en acide glutamique. La Ttgase peut ainsi introduire dans les peptides du gluten des charges négatives qui augmentent leur affinité pour la poche à peptides des molécules HLA-DQ2/8 et favorisent la formation de complexes stables efficacement reconnus par les LT CD4+ [3].

Des facteurs environnementaux pourraient intervenir dans le déclenchement de la maladie comme les infections intestinales favorisant la production de cytokines pro-inflammatoires, notamment d’interféron alpha (IFN-α) et d’interleukine 15 (IL-15). Confortant cette hypothèse, une étude épidémiologique suggère une association entre des infections répétées à rotavirus et le déclenchement de la MC chez le nourrisson [4]. En outre, ces deux cytokines sont produites en excès chez les patients coeliaques [5]. L’IFN-α contribue à induire la production d’interféron gamma (IFN-γ) par les lymphocytes T intestinaux des patients [6]. Enfin IFN-α et IL-15 peuvent stimuler réciproquement leur production et

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pourraient favoriser la rupture de tolérance au gluten en stimulant de concert la maturation des cellules dendritiques et l’activation non seulement des LT CD4+ mais aussi des LT CD8+ [5]. L’IL-15 semble capable d’activer l’expression de marqueurs NK sur les lymphocytes intraépithéliaux (LIE) qui peuvent ainsi, à travers ces récepteurs NK, lyser les cellules épithéliales exprimant leurs ligands [7, 8]. Ainsi la synthèse chronique d’IL-15 au cours de la MC peut conduire à une attaque « auto-immune like » de l’épithélium par les LIE.

La compréhension des mécanismes physiopathogéniques impliquant une réponse immune adaptative dans le chorion permet de bien la distinguer l’intolérance au gluten de l’allergie au gluten et de l’hypersensibilité au gluten. L’allergie au gluten a principalement été décrite dans le cadre des allergies alimentaires dépendantes d’un effort physique. Il s’agit d’une réaction d’hypersensibilité immédiate médiée par les IgE. L’hypersensibilité au gluten se manifeste par des troubles fonctionnels digestifs améliorés par le régime sans gluten. Les IgA anti-gliadine sont observés chez moins de 8% des patients et les anticorps antitransglutaminase, témoins de la réponse immune adaptative dans le chorion au cours de la MC, y sont négatifs [9]. Il n’existe dans les deux cas aucune atrophie villositaire intestinale détectable infirmant le diagnostic de MC.

EPIDEMIOLOGIE

Les études séroépidémiologiques révèlent la prévalence inattendue de la MC (0,3 à 1% en Europe et aux USA) et transforment la MC longtemps considérée comme une affection rare de l’enfant en une maladie fréquente susceptible de se révéler à tout âge [10]. La fréquence de la MC a longtemps été sous-estimée, en raison des formes silencieuses, pauci-symptomatiques ou atypiques qui sont actuellement majoritaires. La MC affecte essentiellement les sujets de type caucasien et reste exceptionnelle chez les Noirs africains, les Chinois et les Japonais [1]. En revanche la prévalence de la MC en Afrique du Nord est proche de celle observée en Europe [11]. La MC a deux pics de fréquence avec une révélation soit dans l’enfance ou à l’âge adulte. La majorité des diagnostics se font actuellement à l’âge adulte et les formes à révélation tardive sont en constante augmentation avec 20% des cas diagnostiqués après l’âge de 60 ans [12, 13]. Cette maladie est 2 à 3 fois plus fréquente chez la femme [1].

PRESENTATION CLINIQUE

La forme classique associe diarrhée avec stéatorrhée, amaigrissement, dénutrition, asthénie et douleurs abdominales. Les anomalies biologiques sont une anémie par carence en fer, folates, vitamine B12, un déficit en facteurs vitamino-K dépendants, une hypoalbuminémie, une hypocalcémie, une hypomagnésémie et un déficit en zinc [1]. Cette forme est actuellement minoritaire et les formes atypiques, avec symptômes extradigestifs, pauci-symptomatiques ou silencieuses, représentent désormais la majorité des cas diagnostiqués chez l’adulte [1, 10, 12]. En effet le diagnostic de MC peut être évoqué devant une augmentation des transaminases [14], voire une hépatopathie sévère inexpliquée [15], une anémie isolée, une aphtose buccale récidivante [1] ou encore des troubles fonctionnels intestinaux [16]. Il faut noter également qu’environ 30% des patients nouvellement diagnostiqués aux USA ont une surcharge pondérale [17]. Des manifestations extra-digestives sont également fréquemment révélatrices telles qu’une déminéralisation osseuse diffuse ou des arthralgies. Ainsi une MC asymptomatique a été observée chez 1 à 5% des patients souffrant d’une ostéoporose idiopathique qui peut être la seule manifestation de la

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malabsorption intestinale du calcium et de la vitamine D [18]. Le risque de fractures au niveau des membres serait augmenté chez les malades coeliaques, en particulier chez les patients non encore diagnostiqués [19]. Parfois seuls des troubles neurologiques [20] voire une cardiomyopathie dilatée idiopathique peuvent révéler la maladie [21]. Les troubles de la reproduction sont fréquents chez les patients coeliaques [22]. Il existe un risque accru de MC chez les apparentés au premier degré de malades coeliaques (10%), chez les patients atteints de dermatite herpétiforme ou d’autres maladies auto-immunes (diabète, thyroïdite,…). Des maladies auto-immunes sont en effet observées chez environ 20% des patients [23]. En théorie, une MC, même latente est présente chez tous les patients ayant une dermatite herpétiforme.

BILAN DIAGNOSTIC

Le recours aux tests sérologiques doit être facile qu’il s’agisse d’étayer le diagnostic de symptômes évocateurs ou le dépistage dans les groupes à risque. L’utilisation de la transglutaminase humaine pour l’élaboration des kits de détection a permis d’augmenter leur sensibilité et spécificité [24] expliquant que le recours prioritaire aux anticorps IgA anti-transglutaminase (tTG) affichant désormais une meilleure sensibilité et spécificité que les anti-gliadine et anti-endomysium [6]. Le recours aux anticorps IgG anti-tTG reste préconisé en cas de déficit en IgA (2 à 3% des coeliaques). Le dosage des anticorps anti-tTG est actuellement le seul remboursé par la sécurité sociale. Des tests basés sur la détection des anticorps anti-gliadine déamidée avec une très bonne sensibilité et spécificité sont en cours d’évaluation [25]. Dans tous les cas, le diagnostic doit être confirmé par la réalisation d’une endoscopie digestive haute avec biopsies duodénales. Il est souhaitable de réaliser 4 biopsies dans la deuxième partie du duodénum et 2 biopsies au niveau du bulbe en raison de la distribution et de l’intensité hétérogènes des lésions histologiques [26]. Les lésions intestinales prédominent logiquement dans la partie proximale de l’intestin grêle. La classification de Marsh [27] modifiée par Oberhuber [28] reconnaît désormais à côté des lésions sévères classiques d’atrophie villositaire sévère (Marsh IIIb-IIIc) des lésions d’atrophie villositaire partielle (Marsh IIIc), voire chez certains patients des lésions subtiles se résumant à une augmentation de la taille des cryptes et du nombre des LIE (Marsh II), celle-ci pouvant même être isolée (Marsh I).

TRAITEMENT

Le seul traitement actuel de la maladie coeliaque est un régime sans gluten (RSG) strict à vie. Le RSG nécessite l’éviction de tous les aliments contenant une des trois céréales toxiques (blé, orge et seigle) et leur substitution par le maïs et le riz. L’explication du régime par une diététicienne expérimentée est nécessaire et l’adhésion des malades auprès d’associations de malades (Association française d’intolérants au gluten, AFDIAG) est préconisée afin d’obtenir la liste des différents produits sans gluten et les médicaments qui en contiennent. Ce régime permet chez la grande majorité des patients la guérison des symptômes digestifs mais également la régression de manifestations extra-digestives telles que la déminéralisation osseuse [29] ou les cytolyses hépatiques [15]. L’efficacité et la surveillance du RSG sont appréciées par l’amélioration clinique et biologique après un à trois mois de régime et par la régression des anomalies histologiques et la négativation des anticorps spécifiques après 12 mois de régime [30]. Alors que l’amélioration clinique est rapide, l’atrophie villositaire ne régresse généralement pas avant 12 à 24 mois de RSG [31]. Le RSG

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doit être préconisé à vie, en particulier chez l’adulte, car il prévient en partie le risque de complications osseuses [29], la survenue de maladies autoimmunes [23] et de complications malignes [32]. L’échec du RSG impose d’abord et avant tout la réévaluation du diagnostic initial de MC et d’éliminer une autre cause d’atrophie villositaire. Si le diagnostic initial de MC est confirmé, la principale cause de mauvaise réponse au RSG est une observance incorrecte de celui-ci dans plus de 50% des cas [33]. La qualité de son suivi peut être vérifiée en s’appuyant sur l’enquête diététique et les tests sérologiques qui doivent se négativer. Néanmoins, une négativité de ces tests ne permet pas d’éliminer des erreurs occasionnelles ou mineures qui peuvent suffire à entretenir les lésions intestinales. Le contrôle biopsique associé à un bilan exhaustif est indispensable en cas de persistance ou de reprise des symptômes chez un patient suivant correctement son régime. La survenue d’une telle résistance fait redouter la survenue d’une complication maligne, en particulier sprue réfractaire clonale et lymphome T intestinal dont le risque est multiplié par 6 par rapport à la population générale [34].

CONCLUSION

Les multiples facettes de la MC avec les fréquentes formes paucisymptomatiques en font une maladie encore mal diagnostiquée bien que fréquente. Le dépistage doit porter sur des groupes à risque, tels les enfants des sujets atteints de MC, les patients atteints de maladies autoimmunes ou d’ostéoporose inexpliquée. Le diagnostic repose sur les tests sérologiques et la mise en évidence de lésions histologiques. Le RSG reste actuellement le seul traitement de la MC et doit être prescrit à vie.

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NOTES

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PPeerrmmééaabbiilliittéé iinntteessttiinnaallee eett sseennssiibbiilliittéé

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Sandrine Ménard

Chargée de Recherche

INRA, UMR Toxalim, équipe de neurogastroentérologie et nutrition,

Toulouse, France

RESUME DE L’INTERVENTION

Le gluten est une fraction protéique dérivée du blé et des céréales apparentées tel que le seigle et orge. Le gluten et plus particulièrement les gliadines qui le composent sont capables d'induire des pathologies dont la plus connue et la mieux caractérisée est la maladie cœliaque (MC). La MC est une entéropathie inflammatoire qui touche 0.3 à 1% de la population en Europe et aux Etats-Unis. C'est une maladie multifactorielle impliquant des facteurs environnementaux (gluten) et génétiques (HLA-DQ2/8 gène de prédisposition à la MC) et le seul traitement est actuellement un régime sans gluten à vie. La présence de gluten dans l'alimentation semble aussi associée à d'autres pathologies mais son rôle reste encore mal compris.

Le gluten faisant parti de l'alimentation, l'épithélium intestinal est la première barrière en contact avec le gluten. L'étude du transport des peptides de la gliadine à travers l'épithélium intestinal a principalement été réalisée chez des patients atteints de MC et est actuellement sujet à controverse. Tout d'abord, il est important de souligner que de part leur composition riche en proline et glutamine, les gliadines sont particulièrement résistantes aux enzymes digestives et sont donc présentes sous forme intacte au niveau de la lumière intestinale. Chez les patients atteints de MC un transport intact des peptides de la gliadine a été observé alors que les peptides sont dégradés lors de leur passage à travers un épithélium intestinal sain(1). Deux voies de transport des peptides de la gliadine sous forme intact ont été mises en évidence chez les malades cœliaques. Le groupe de A. Fasano suggère un transport paracellulaire des peptides de la gliadine alors que le groupe de M. Heyman a mis en évidence un transport transcelulaire. Les travaux de Fasano et al. suggèrent que la libération de zonuline, un analogue de la ZOT (zonula occludens toxin), sous l’effet de la gliadine, induit l’ouverture des jonctions serrées intercellulaires qui pourrait permettre une fuite paracellulaire des peptides de la gliadine (2, 3). Le transport transcellulaire des peptides de la gliadine décrit par le groupe de M. Heyman implique quant à lui un retro-transport d’immun-complexes IgA/gliadine par CD71 (récepteur de la transférine et des IgA) (4). En effet, la MC se caractérise par la présence d’anticorps IgA anti-gliadine dans le sang et dans les sécrétions intestinales ainsi qu'une expression ectopique de CD71 à la surface apicale des entérocytes des patients.

Le transport sous forme intacte des peptides de la gliadine observé chez les patients atteints de MC implique la libération de zonuline (hypothèse paracellulaire) et/ou la présence d'IgA

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anti-gliadine (hypothèse transcellulaire). Or ces caractéristiques ne sont pas exclusives de la MC mais sont partagées par d'autres pathologies pour lesquelles la présence de gluten dans l'alimentation semble avoir un effet délétère. De façon non exhaustive, une augmentation des taux circulant de zonuline a été observé chez les patient atteints de diabète de type 1 (insulino-dépendant) (5) et une augmentation des IgA anti-gliadine a été montré chez les patients atteints d'ataxie au gluten (6) et les patients atteints de diabète de type 1.

En plus de son effet connu et décrit dans la MC le gluten semble être un facteur environnemental délétère chez des individus non génétiquement prédisposés. Un effet délétère du gluten a notamment été décrit dans des pathologies neuronales tel que l'ataxie au gluten et des maladies auto-immunes comme le diabète de type 1. Dans le cas de l'ataxie au gluten, les anticoprs anti-gliadine présents cross-réagissent avec un épitope des cellules de Purkinje induisant des lésions permanentes (7). Le lien entre gluten et diabète de type 1 est plus difficile a établir car quand la pathologie est déclarée les cellules pancréatiques ont été détruites de façon irréversible. Cependant, des études menées chez des animaux prédisposés a développer un diabète de type 1 (souris NOD ou rats BBDP) montrent que l'exclusion du gluten de l'alimentation permet de diminuer le nombre d'animaux développant un diabète (8, 9).

Enfin, une cohorte de patients avec des troubles intestinaux semble répondre de façon positive à l'exclusion du gluten.

L'objectif de cette présentation est de faire un résumé de la littérature sur la perméabilité intestinale au gluten (principalement documentée dans la MC) et de décrire les principales pathologies associées à une sensibilité au gluten autre que la MC.

Bibliographie

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NOTES

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Evolution de l

Limagrain Céréales Ingrédients, Riom

RESUME DE L’INTERVENTION

Contexte historique

Au commencement, l’alimentation des premiers hominidés semblait pauvre en céréales.Basé essentiellement sur la cueillette (fruits , racines…) et les produits carnés, ce régime primitif apportait un nombre de calories important, tout en étant hyposodé et riche en fibres.

Mais il y a 12 000 ans, l’avènement de l’agriculture changea cettnomade, l’homme se sédentarisait et maîtrisait la production de sa nourriture. Avec des impacts économiques (une concentration humaine devient possible), écologiques (recul du milieu sauvage, domestication des animaux et des végétaupremières sélections…) et sociaux (la nourriture étant maintenant à portée de charrue, les premières civilisations peuvent prendre corps) C’est donc à partir de ce moment là, que la domestication des céréales commence, avec déjàporte respectivement sur le riz et le maïs en Asie ou en Amérique, tandis que l’Afrique se concentre sur le millet ou le sorgho. A partir de ce moment, les produits à base de céréales, comme le pain ou les galetteprocurent la majorité des calories nécessaires à l’activité des hommes. Cette dépendance vis-à-vis des aliments riches en amidon va devenir de plus en plus forte pour l’humanité et va engendrer disettes et famines quand un problème de production ou d’approvisionnement en céréales survient.

La deuxième grande évolution des céréales se situe beaucoup plus proche de nous, au 20e siècle. Pour reconstruire un monde détruit par 5 ans de conflit, une cous’engage après 1945, les rendements à l’hectare augmentent de façon exponentielle, les agriculteurs se focalisent sur trois principales cultures céréalières toujours d’actualité

Evolution de l’offre des produits céréaliers

Walter LOPEZ

Chef de marché

Limagrain Céréales Ingrédients, Riom

[email protected]

INTERVENTION

Au commencement, l’alimentation des premiers hominidés semblait pauvre en céréales.Basé essentiellement sur la cueillette (fruits , racines…) et les produits carnés, ce régime primitif apportait un nombre de calories important, tout en étant hyposodé et riche en

000 ans, l’avènement de l’agriculture changea cette donnée de départnomade, l’homme se sédentarisait et maîtrisait la production de sa nourriture. Avec des impacts économiques (une concentration humaine devient possible), écologiques (recul du milieu sauvage, domestication des animaux et des végétaux à intérêt majeur avec les premières sélections…) et sociaux (la nourriture étant maintenant à portée de charrue, les premières civilisations peuvent prendre corps) C’est donc à partir de ce moment là, que la domestication des céréales commence, avec déjà des spécificités par régionporte respectivement sur le riz et le maïs en Asie ou en Amérique, tandis que l’Afrique se concentre sur le millet ou le sorgho. A partir de ce moment, les produits à base de céréales, comme le pain ou les galettes prennent un rôle essentiel dans l’alimentation humaine et procurent la majorité des calories nécessaires à l’activité des hommes. Cette dépendance

vis des aliments riches en amidon va devenir de plus en plus forte pour l’humanité et va settes et famines quand un problème de production ou d’approvisionnement

La deuxième grande évolution des céréales se situe beaucoup plus proche de nous, au 20e siècle. Pour reconstruire un monde détruit par 5 ans de conflit, une course à la productivité s’engage après 1945, les rendements à l’hectare augmentent de façon exponentielle, les agriculteurs se focalisent sur trois principales cultures céréalières toujours d’actualité

’offre des produits

Au commencement, l’alimentation des premiers hominidés semblait pauvre en céréales. Basé essentiellement sur la cueillette (fruits , racines…) et les produits carnés, ce régime primitif apportait un nombre de calories important, tout en étant hyposodé et riche en

e donnée de départ : de nomade, l’homme se sédentarisait et maîtrisait la production de sa nourriture. Avec des impacts économiques (une concentration humaine devient possible), écologiques (recul du

x à intérêt majeur avec les premières sélections…) et sociaux (la nourriture étant maintenant à portée de charrue, les premières civilisations peuvent prendre corps) C’est donc à partir de ce moment là, que la

des spécificités par région : l’effort se porte respectivement sur le riz et le maïs en Asie ou en Amérique, tandis que l’Afrique se concentre sur le millet ou le sorgho. A partir de ce moment, les produits à base de céréales,

s prennent un rôle essentiel dans l’alimentation humaine et procurent la majorité des calories nécessaires à l’activité des hommes. Cette dépendance

vis des aliments riches en amidon va devenir de plus en plus forte pour l’humanité et va settes et famines quand un problème de production ou d’approvisionnement

La deuxième grande évolution des céréales se situe beaucoup plus proche de nous, au 20e rse à la productivité

s’engage après 1945, les rendements à l’hectare augmentent de façon exponentielle, les agriculteurs se focalisent sur trois principales cultures céréalières toujours d’actualité

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aujourd’hui : le blé devient la céréale la plus cultivée en Europe et en Chine, le maïs en Amérique (Etats-Unis, Argentine, Chili…) et le riz confirme sa primauté en Asie.

De plus, le consommateur frustré par les années de privations de la guerre, cherche refuge dans les produits céréaliers raffinés, symbole de rareté et de richesse. Le pain blanc si cher avant 1945, devient peu à peu la référence en France, assimilant le « pain noir » aux années de la même couleur. En plus de la réduction de densité nutritionnelle due au passage au pain blanc, le pain perd aussi sa place centrale dans le repas des Français : les produits carnés, les fruits et de nouveaux produits à base de lait pèsent de plus en plus lourds dans les assiettes hexagonales. Durant les 30 Glorieuses d’après guerre, les céréales voient ainsi leur première utilisation changer, de la consommation directe par l’homme vers l’alimentation animale : les poulets, cochons ou bovins maintenant consommés au quotidien deviennent le premier débouché pour la production des céréales. Enfin les produits céréaliers ont une image qui se dégrade peu à peu : de l’aliment de base au début du 20e siècle, une majorité de Français pensent maintenant que le pain fait maintenant grossir et il convient d’en limiter sa consommation !

Evolution récente de la demande et de l’offre des produits à base de céréales

Les années 2000 ont vu les esprits changer. Les programmes institutionnels de nutrition comme le PNNS recommandent une consommation « de féculents à chaque repas, si possible en version complète ». Les produits céréaliers reprennent leur place, naturellement.

De plus, le goût pour la diversité du pain s’installe petit à petit : les baguettes plus « crème » à fermentation plus longue, les pains de seigle ou les pains multi-graines sont devenus les nouveaux pains « haut de gamme », relayant la baguette ultra-blanche à un pain bon marché, qui ne fait plus rêver grand monde. Ces nouvelles perceptions du pain peuvent s’expliquer par une volonté de ne pas tomber dans la monotonie de la mie blanche, par la recherche de pains plus denses nutritionnellement ou tout simplement l’arrivée d’une génération qui n’a pas connu le « pain noir de la guerre ».

Bien qu’évoluant vers une meilleure densité nutritionnelle depuis quelques années, les produits céréaliers restent toujours montrés du doigt sur certains aspects :

• Le pain est toujours la première source de sodium et peu d’efforts sont entrepris pour réduire l’ajout de sel dans ce produit

• Le pain ou les céréales prêts à consommer (céréales du petit déjeuner) ont des index glycémiques élevés, qui induisent des à-coups glycémiques et sont impliqués dans le processus de diabète à long terme.

• Les biscuits ou les céréales prêts à consommer sont riches en sucres et ne peuvent pas être recommandés aux enfants.

Il se dessine aussi des tendances de fond qui touchent les produits céréaliers : les consommateurs désirent des produits « clean label ». Cette tendance « étiquetage propre » regroupe une volonté d’un retour aux produits simples, à des ingrédients bien connus et

authentiques (farine, œufs, sucre…), tout en chassant les « nuisibles alimentaires » qui peuvent être des

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• additifs alimentaires, les fameux E… qui regroupent les conservateurs, les colorants…

• ingrédients indésirables comme la graisse de palme, les acides gras trans..

• ennemis absolus de la nutrition : sucre, sel, cholestérol, acides gras saturés..

• ou les …allergènes comme le lactose ou le gluten

Ainsi le marché du sans gluten a pris depuis 3 ans un essor considérable, d’abord aux Etats Unis puis maintenant en Europe. Les Américains ont trouvé le coupable idéal à leur problème d’obésité : le gluten est maintenant présent dans tous les produits alimentaires et cette omniprésence pourrait expliquer un dérèglement intestinal !

Ainsi à côté des malades cœliaques qui ne peuvent pas avaler des aliments contenant du gluten sous peine de problèmes intestinaux, il se développe un groupe important de personnes qui adoptent le régime sans gluten pour des raisons de …bien-être !

Cependant, pour réaliser des produits « gluten free », les contraintes sont lourdes. Dans le monde des céréales, toutes les céréales à paille (blé, orge, seigle, triticale, épeautre, avoine…) présentent un risque gluten. Et donc seuls le riz, le maïs, le sorgho ou le millet peuvent être utilisés pour la confection de produits sans gluten. Outre le peu de possibilité de matière première, des installations dédiées doivent être utilisées pour réaliser les 3 types de produits qui ont une forte rotation : le pain, les pâtes alimentaires et les biscuits.

Quel avenir pour les céréales ?

Si les céréales accompagnent l’humanité depuis 12 000 ans, certaines évolutions doivent priser en considération dans un avenir proche. Actuellement le maïs, blé et riz couvrent 60 % de l'énergie alimentaire d'origine végétale au niveau mondial. La FAO dénonce cette dépendance vis-à-vis d’un nombre limité d’espèces qui induit une simplification générale des régimes alimentaires. En plus de cette perte de biodiversité et face à une démographie terrestre galopante, les stocks mondiaux de céréales ne cessent de se réduire, faisant s’envoler le prix mondial et aussi craindre un « choc céréalier » qui pourrait conduire à une famine mondiale.

L’utilisation générale des céréales est en train de fortement évoluer : l’émergence de puissances économiques comme la Chine ou le Brésil provoque un basculement d’une consommation directe des céréales vers l’alimentation animale, ce qui induit une demande accrue de céréales !

Les agro-carburants font aussi grimper la note. Il est bon de rappeler que la première utilisation du maïs aux Etats Unis est aujourd’hui pour la fabrication de l’éthanol.

Enfin la demande de céréales étant de plus en plus importante, la production agricole nécessite de plus en plus de ressources en termes de terre arable et surtout d’eau douce. Dans ce contexte, la recherche de céréales faibles consommatrices d’eau est à privilégier : à titre d’exemple, 1 kg de matière sèche de riz inondé a besoin de 10 fois plus d’eau qu’1 kg de blé.

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NOTES

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Propriétés nutritionnelles des protéines du lait

Joëlle LEONIL

UMR 1253, INRA-Agrocampus Ouest, Science et Technologie du lait et de l’œuf (Rennes)

www4.rennes.inra.fr/stlo

BIOGRAPHIE

Joëlle Léonil, directrice de recherche INRA et directrice de l’Unité UMR INRA-Agrocampus Ouest (1253) Science et technologie du lait et de l’Ouf à Rennes. Le laboratoire étudie les phénomènes qui interviennent au cours de la transformation du lait et des ovoproduits.

Après une formation universitaire en biochimie et en chimie à l’université Pierre et Marie Curie (Paris VI), mon activité de recherche a débuté à l’INRA en 1986 dans le domaine des Sciences de l’aliment avec un domaine d’expertise sur la biochimie des protéines du lait avec la particularité d’avoir travailler sur les peptides à activité biologique du lait.

RESUME DE L’INTERVENTION

Propriétés nutritionnelles du lait : lien entre la structure des produits laitiers et leur digestibilité

Joëlle LEONIL, Florence Barber, Karima Bouzerzour, Rachel Boutrou, Didier Dupont

Confirmant une hypothèse avancée depuis longtemps, les travaux de S. Mahé, Y. Boirie et B. Beaufrère à la fin des années quatre dix ont été décisifs pour démontrer l’impact de la nature, de la structure des protéines sur leur biodisponibilité et par conséquent sur leurs propriétés nutritionnelles. Parce qu’elles se distinguent par leur capacité à précipiter en milieu acide, les caséines ont une cinétique de vidange gastrique plus lente que celle des protéines du lactosérum (Mahé et al . 1996) d’où découle une orientation métabolique postprandial complètement différente, à l’origine du concept de protéines lentes (caséines) et rapides (protéines solubles du lait) (Boirie et al. (1997). La vitesse d’absorption d’une protéine alimentaire se révèle être un facteur de régulation indépendamment de la composition en acides aminés de cette protéine (Dangin et al. 2001). Cette vitesse influence l’utilisation postprandiale de cette protéine en modulant les voies du métabolisme protéique. Au fil des travaux menés et des résultats acquis dans cette ligne de recherche, un questionnement de plus en plus prégnant s’est précisé sur la relation entre microstructures, propriétés des matrices alimentaires et leur digestibilité/biodisponibilité autrement dit sur leur impact nutritionnel. Une matrice alimentaire ne peut être définie comme la somme de ses composants mais comme l’interaction complexe de nutriments entre eux au sein d’un

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aliment formulé et organisé sous l’effet des traitements technologiques utilisés en industrie agroalimentaire, entre autres les traitements thermiques, physico-chimiques, enzymatiques ou les processus de gélification, de coagulation. Ces traitements technologiques affectent la valeur nutritionnelle des protéines. Par exemple, il a été montré que les traitements thermiques en modifiant la structure des protéines modifient les cinétiques digestives. Dans une étude basée sur l’analyse des cinétiques de transfert de l’azote alimentaire dans les pools azotés plasmatiques (protéines, acides aminés et urée), un traitement UHT du lait accélère les cinétiques de digestion (Lacroix et al. 2008) aboutissant à une rétention postprandiale plus faible comparée au lait non traité. Basé sur ces exemples ainsi que sur un bon nombre d’autres résultats de la littérature, il apparait ainsi que la microstructure des matrices alimentaires intervient sur leur biodisponibilité au travers des cinétiques digestives. La microstructure d’une matrice est définie par ses propriétés mécaniques, la taille des particules, leur morphologie, l’encombrement stérique spatial généré par le réseau de nutriments, les mécanismes de transfert, de diffusion et de libération des molécules au sein de ce milieu matriciel.

Notre objectif est de comprendre comment cette microstructure affecte la déconstruction de matrices alimentaires telles qu’elle se passe au niveau de la digestion. Ces recherches s’inscrivent dans la perspective de construire la qualité de matrices alimentaires à base de protéines de lait en tenant compte des objectifs de nutrition-santé de populations spécifiques (enfant, sénior). Elles ont aussi pour objectif l’acquisition de connaissances scientifiques sur les mécanismes de déstructuration aux différentes échelles (moléculaire, macromoléculaire et mésoscopique) de ces matrices dans le tube digestif et des relations entre leurs compositions et/ou structures et leurs fonctionnalités biologiques (métabolisme protéino-énergétique et bio-activités). Nous nous proposons donc d’intégrer le rôle de la microstructure de l’aliment dans le processus de digestion et d’analyser finement la formation des produits d’hydrolyse à l’intérieur des différents compartiments du tube digestif, de façon à pouvoir comprendre l’utilisation métabolique des protéines alimentaires.

Au travers de quelques exemples marquants, il sera décrit les méthodologies développées pour analyser ces matrices alimentaires complexes ainsi que les résultats cinétiques obtenus pour des matrices laitières de mêmes compositions mais de structures différentes.

Bibliographie - Boirie Y, Dangin M, Gachon P, Vasson MP, Maubois JL, Beaufrère B. Slow and fast dietary proteins differently modulate postprandial protein accretion Proc Natl Acad Sci U S A. 1997;94(26):14930-5. - Dangin M, Boirie Y, Garcia-Rodenas C, Gachon P, Fauquant J, Callier P, Ballèvre O, Beaufrère B. The digestion rate of protein is an independent regulating factor of postprandial protein retention. Am J Physiol Endocrinol Metab. 2001; 280(2):E340-8 - Lacroix M, Bon C., Bos C., Leonil J., Benamouzig R., Luengo C., Fauquant J., Tomé D. Gaudichon C. Ultra High Temperature treatment, but not pasteurization, affects the postprandial kinetics of milk proteins in humans. J. Nutr. 2008, 138:2342-2347 -- Mahé S, Roos N, Benamouzig R, Davin L, Luengo C, Gagnon L, Gaussergès N, Rautureau J, Tomé D. Gastrojejunal kinetics and the digestion of [15N]beta-lactoglobulin and casein in humans: the influence of the nature and quantity of the protein. Am J Clin Nutr. 1996;63(4):546-52

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NOTES

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Bases des recommandations pour la consommation des produits laitiers

René RIZZOLI

Service des Maladies Osseuses, Département des spécialités de médecine, Hôpitaux

Universitaires et Faculté de Médecine de Genève, CH-1211 Genève 14

RESUME DE L’INTERVENTION

INTRODUCTION

A l’âge de 50 ans, le risque de subir une fracture au cours de la suite de son existence est de plus de 50% pour une femme et de 20% pour un homme. Une fonction squelettique de soutien efficace implique un système osseux solide, qu'assurent une masse suffisante et une structure adaptée. Le capital osseux maximal est atteint en fin de deuxième décennie de vie et, dans des conditions normales, permet de résister avec succès à une contrainte mécanique. Entre 60 et 80% de la variance du capital osseux de l'âge moyen sont déterminés par des facteurs génétiques, dont l'influence s'exerce dès la naissance, voire au cours de la vie foetale.

Dans la perspective d'une prévention primaire efficace, et afin d'affronter avec un capital osseux aussi optimal que possible les dégâts osseux liés à la carence hormonale de la ménopause et à l'âge avançant, il est primordial de tirer bénéfice du contrôle de ces facteurs environnementaux. Ainsi, au cours de la croissance, dans l'enfance et l'adolescence, ainsi qu’à l’âge avancé, promouvoir une nutrition équilibrée et un exercice physique régulier, et éviter des facteurs de risque néfastes, tels que tabac et alcool, sont des mesures préventives primaires de l'ostéoporose à privilégier.

Après la ménopause, toute réduction de la densité minérale osseuse d'un écart-type (environ 10%) est associée à un doublement du risque fracturaire. Par conséquent, une augmentation de 10% du capital osseux maximal devrait conduire à une diminution significative du risque de fracture dans la deuxième moitié de l'existence.

NUTRITION ET CROISSANCE OSSEUSE

Au cours de l'enfance et de l'adolescence, la croissance et l'augmentation de la masse minérale osseuse suivent une courbe, qui est une voie déterminée génétiquement. Toute carence nutritionnelle peut altérer la croissance et déplacer les sujets vers une courbe moins favorable, conduisant à un capital maximum insuffisant à l’âge adulte. Au contraire, des apports nutritionnels adéquats permettent de suivre la meilleure courbe de croissance osseuse possible et, partant, d'atteindre un capital osseux optimal.

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Deux nutriments ont fait l'objet d'une attention particulière en ce qui concerne la croissance osseuse : le calcium et les protéines.

Apports calciques et croissance osseuse

Diverses études ont mis en évidence une association positive entre gains osseux et apports calciques. Ces associations semblent s'observer plus volontiers avant la puberté. Des études d'intervention contrôlées contre placebo offrent un degré d'évidence plus convaincant. Des suppléments de calcium, donnés sous forme d'ultrafiltrats du lait, augmentent la densité et la masse minérales osseuses, plus particulièrement au niveau du squelette périphérique, aussi bien chez la fillette que chez le garçon prépubère. Le bénéfice semble persister au moins une année après l'arrêt de la supplémentation. Dans un suivi à long terme, jusqu'à l'âge adulte, d'une cohorte de jeunes filles ayant participé à l'âge de 8 ans à une étude d'intervention avec 850 mg de supplément calcique d'origine laitière par jour (correspondant donc à environ 7 dl de lait), on a constaté une persistance de l'effet sur le capital osseux maximal dans la moitié de l'effectif avec une ménarche plus précoce. Cela pourrait suggérer qu'un effet prolongé du calcium sur le modelage s'observe pour autant que le supplément intervienne près de la ménarche. Les effets positifs du calcium ont été attribués à une diminution du remodelage osseux et, par conséquent, à un comblement de l'espace de résorption. En revanche, lorsqu'un sel de phosphate de calcium ou un extrait de calcium laitier est administré, au lieu de carbonate ou de citrate-malate de calcium, un effet supplémentaire sur la taille des os, le modelage, a été suggéré.

Apports protéiques et croissance osseuse

En plus du calcium, du phosphore, des calories et des vitamines, un litre de lait apporte 32 à 35 g de protéines, principalement de la caséine, mais aussi les protéines du petit lait qui contiennent de nombreux facteurs de croissance cellulaire. En ce qui concerne les protéines, les gains osseux sont proportionnels à la quantité de protéines alimentaires ingérées, même après ajustement pour les apports calciques. Cette association positive est principalement observée avant la puberté. Dans une étude prospective portant sur des enfants et adolescents entre 6 et 18 ans, les apports nutritionnels ont été enregistrés de manière annuelle, sur une période de 4 ans. La taille et la masse des os de l'avant-bras, mesurées par scanner, de même qu'une évaluation indirecte de la résistance mécanique osseuse, étaient positivement corrélées aux apports protéiques. Dans une étude longitudinale chez des garçons prépubères, les sujets avec apports protéiques spontanés au-dessus de la médiane de 1.8 g par kg de poids corporel avaient un gain osseux annuel supérieur à ceux en dessous de la médiane.

Cependant, il n'existe pas à l'heure actuelle d'étude d'intervention avec un supplément protéique de manière sélective, afin de déterminer si les corrélations mentionnées ci-dessus sont une simple association ou démontrent une relation causale.

La production hépatique de l'hormone IGF-I est stimulée par les protéines alimentaires ingérées. L'IGF-I augmente la croissance longitudinale et radiaire des os; de plus, il stimule la réabsorption tubulaire du phosphore et la synthèse rénale de calcitriol, ce qui conduit à une absorption intestinale plus élevée de calcium et phosphore. Ce faisant, l'IGF-I contribue à assurer un environnement minéral approprié pour la minéralisation du tissu osseux nouvellement formé.

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Cependant, il existe une interaction entre les apports protéiques et l’activité physique. Les effets favorables de cette dernière non seulement sur la densité minérale osseuse, mais aussi sur les dimensions du fémur proximal n’étaient détectables que dans le groupe de garçons prépubères ayant des apports protéiques spontanés au-dessus de la médiane. La même interaction au niveau du col du fémur est observée chez ces mêmes sujets 8 ans plus tard, donc à l’âge de 15 ans. Des éléments microstructuraux et des variables calculées de la résistance mécanique étaient également influencés par cette interaction. Au niveau du tibia distal, la tranche de section, le nombre de trabécules sont plus élevés, et l’espacement entre celles-ci plus faibles chez les adolescents présentant des apports protéiques spontanés et un exercice physique supérieurs à la médiane.

Il se pourrait aussi que les apports protéiques de la mère au cours de la croissance aient un impact sur le squelette du nouveau-né, et même plus tard, longtemps après la naissance.

Produits laitiers et croissance osseuse

Un litre de lait apporte 1'200 mg de calcium et 32 g de protéines. Nombre d'études transversales et longitudinales concluent à un effet favorable des produits laitiers sur la croissance osseuse. Une carence en produits laitiers au cours de l'enfance prédispose aux fractures. Une association positive existe entre gains osseux, capital osseux maximal à l'âge adulte, dimensions osseuses, stature, et consommation de produits laitiers. On pourrait alors envisager que le calcium influence surtout le remodelage et, partant, la densité volumique, alors que les protéines auraient un effet sur le modelage, donc la taille des os. Les deux phénomènes contribueraient à assurer une meilleure solidité, une meilleure résistance mécanique et, partant, un risque fracturaire réduit.

Les premières études d'intervention avec des suppléments de lait se sont déroulées en Angleterre à la fin des années 1920. En fournissant environ 0.5 l de lait par jour aux enfants dans les écoles, le gain de taille était plus élevé chez les enfants des écoles avec suppléments que dans celles sans. Nombre d'essais thérapeutiques contrôlés ont confirmé par la suite les bénéfices osseux des produits laitiers sur la santé osseuse. Dans une étude randomisée et contrôlée, des jeunes filles de 12 ans ont reçu une pinte de lait, correspondant à 568 ml. Comparées au groupe contrôle, ces jeunes filles ont eu un gain de masse minérale osseuse supérieur, particulièrement au niveau des membres inférieurs, associé à des taux sériques d'IGF-I plus élevés, que le groupe contrôle. Comparé à du calcium sous forme de comprimés, un supplément de fromage a augmenté la masse d'os cortical. Un effet sur le modelage osseux est probable, vu que le diamètre des os métacarpiens était augmenté de manière significative chez des enfants chinois recevant un supplément de lait.

Les recommandations récentes de l’Institute of Medicine des Etats-Unis en termes de quantité nécessaire estimée de calcium sont de 1'100 mg par jour entre l’âge de 9 et 18 ans. Les apports diététiques quotidiens conseillés (RDA) correspondants sont de 1'300 mg par jour. Un litre de lait contenant 1'200 mg de calcium et les produits laitiers apportant en moyenne entre 50 et 60% du calcium total, ces derniers fournissent donc entre 600 et 720 mg de calcium. Une portion de produits laitiers (20 g de fromage à pâte dure, 2 dl de lait, ou 1 yoghourt) représente 250 mg de calcium. Pour assurer environ 700 mg de calcium par jour, 3 portions apparaissent donc nécessaires.

Trois portions de produits laitiers par jour, comme définies ci-dessus, apportent environ 20 g par jour de protéines. Les produits laitiers représentant environ 30% des apports protéines

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totaux, ils contribuent donc à 66 g par jour, presque 1.0 g par kg de poids corporel pour un sujet de 70 kg. Les apports diététiques quotidiens conseillés (RDA) sont d’au moins 0.8 g/kg. Par conséquent, 3 portions de produits laitiers permettent également de satisfaire ces apports conseillés.

CONCLUSIONS

La croissance osseuse est influencée par les apports nutritionnels, particulièrement le calcium et les protéines. La croissance osseuse est un modèle permettant d’évaluer la pertinence des recommandations des apports en produits laitiers, sous forme de 3 portions quotidiennes. Les produits laitiers, qui fournissent ces deux nutriments, pourraient donc améliorer le capital osseux de l'âge adulte, et contribuer ainsi à réduire le risque fracturaire plus tard dans la vie.

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NOTES

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Alimentation animale et qualité du lait

Yves CHILLIARD

INRA, UMR1213 Herbivores, Theix

[email protected]

RESUME DE L’INTERVENTION

CHILLIARD Y., GRAULET B., GLASSER F., MARTIN B., FERLAY A.

1. INTRODUCTION

Parmi les composés d’intérêt nutritionnel du lait, nous avons centré cet exposé sur les acides gras (AG) et les vitamines, qui sont les plus sensibles aux effets de l’alimentation des ruminants producteurs de lait.

ACIDES GRAS. L’importance quantitative de la consommation de matières grasses laitières (en 2004, environ 47 g/j/Français, dont 45 g d’origine bovine, le reste se partageant entre les produits ovins et caprins), et sa teneur élevée en AG saturés (AGS), en font le principal vecteur de la consommation de ces AG dont certains sont athérogènes lorsqu’ils sont consommés en excès. D’autres AG, spécifiques des produits de ruminants (trans, conjugués, ramifiés, …), pourraient en outre avoir des effets, positifs ou négatifs, qui restent toutefois à confirmer chez l’homme. Il est donc important de connaître les facteurs de variation de la composition en AG du lait.

Les effets liés à la race ou au génotype sont significatifs mais d'ampleur limitée. L'effet du stade de lactation est marqué, principalement lié à la mobilisation des réserves lipidiques en début de lactation, mais celle-ci ne dure que quelques semaines par an. Cet effet est donc largement tamponné dans les laits de mélange (troupeau, tournée de collecte, lot de fabrication). Les fluctuations saisonnières sont très importantes, dues pour l'essentiel aux modifications de l'alimentation. Les effets de la technologie beurrière ou fromagère sur la composition en AG des produits sont minimes par rapport à ceux de l'alimentation des ruminants et ne sont donc pas présentés ici.

Les AG les plus abondants dans la ration des ruminants sont les 9c-18:1, 18:2 n-6 et 18:3 n-3. La biohydrogénation ruminale sature partiellement ou totalement la majorité des AG insaturés de la ration, et conduit à du 18 :0 et à des intermédiaires trans, principalement 11t, 10t et dans une moindre mesure 13t, l’équilibre entre ces trois familles dépendant en partie de l’équilibre fibres-amidon-lipides de la ration.

La glande mammaire prélève des AG dans le sang artériel, principalement parmi les AG à 16 et 18 carbones, non estérifiés et des triglycérides. Elle synthétise en outre des AG ayant de 4 à 16 carbones, principalement à partir d’acétate et de β-hydroxybutyrate provenant de la fermentation ruminale des glucides. Lorsque le prélèvement mammaire d’AG à 16 et 18 carbones s’accroît, du fait d’une supplémentation lipidique ou d’une mobilisation du tissu

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adipeux, on observe une diminution de la synthèse de novo des AG de 4 à 16 carbones. La lipogenèse mammaire est très fortement inhibée par certains intermédiaires de la biohydrogénation ruminale, notamment le 10t12c-18:2, en synergie probable avec d’autres AG trans. La glande mammaire peut delta-9 désaturer environ 50% du 18:0 prélevé dans le sang en 9c-18:1, et 10 à 40% du 11t-18:1 d’origine ruminale qu’elle prélève en 9c11t-CLA. Cette désaturation mammaire représente la principale source de CLA du lait (de 80 à 95 %).

VITAMINES. Le lait de vache contient naturellement l’ensemble des vitamines et selon les pratiques alimentaires des consommateurs, le lait et les produits laitiers sont parmi les premiers contributeurs aux apports journaliers recommandés de vitamines A, D, B2, B5, B9 et B12. L’ensemble des vitamines du lait est un groupe hétérogène de composés, sur le plan de leur nature chimique, leurs concentrations, leurs origines, leurs propriétés biologiques et leurs intérêts pour le consommateur. On les subdivise le plus souvent en vitamines liposolubles (A, D, E et K) ou hydrosolubles (C et groupe B).

Hormis la vitamine B12, l’ensemble des vitamines présentes dans le lait peut provenir de l’alimentation de la vache, c’est-à-dire principalement des fourrages, du complément minéral et vitaminique contenant généralement des esters de vitamines A et E, parfois de la vitamine D3, et plus marginalement des matières premières faisant partie des aliments concentrés. Le métabolisme animal peut également être à l’origine de vitamine A par l’hydrolyse par les entérocytes des carotènes alimentaires ; la vitamine C peut être synthétisée par le foie, la vitamine D par la peau. Enfin, les vitamines B et K sont produites par les micro-organismes du rumen qui contribuent notablement aux apports. A l’heure actuelle, si les facteurs de variation des concentrations en vitamine A (et de ses précurseurs caroténoïdes) du lait sont relativement bien connus, il n’en est pas de même pour les autres vitamines.

2. COMPOSITION EN ACIDES GRAS DU LAIT

Les lipides du lait de vache sont constitués de 96% à 98% de triglycérides. La somme des AGS pairs (entre 4 et 22 carbones), des AGS impairs et ramifiés, des AG monoinsaturés (AGMI) et des AGPI représente respectivement, en moyenne, environ 65%, 5%, 26% et 4% des AG totaux (%AGT, ou g/100 g d’AGT) du lait (en l’absence de supplémentation lipidique). Les isomères trans-18:1 et -18:2 représentent moins de 4%AGT (dont 1,4% de t11-18 :1). Les AG de 4C à 8C, ou de 10C à 14C, représentent environ 7 ou 20%AGT. Les proportions des acides palmitique, stéarique, oléique, linoléique et linolénique sont, respectivement, de 32, 10, 19, 2 et 0,6%AGT.

2.1. Effets d’une alimentation au pâturage

En raison de la richesse de l’herbe verte en AG et en 18:3 n-3, la mise à l’herbe ou inversement le passage du pâturage à l’alimentation hivernale modifient rapidement (4 à 6 jours) la composition en AG du lait. La substitution isoénergétique d’une ration ensilage de maïs/tourteau de soja (82/18) par une ration herbe jeune/céréales (82/18) augmente le 18:0, le 9c-18:1, le 11t-18:1, le 9c11t-CLA et le 18:3 n-3 du lait de 3, 7, 3, 1,2 et 0,6 %AGT (respectivement) et diminue les AGS pairs de 4 à 14C et surtout le 16:0 (-13 %AGT). Des teneurs en 18:3 n-3 ne dépassant pas 1% sont toutefois fréquemment observées au pâturage, notamment lorsque le stade de végétation de l’herbe est plus avancé. Les prairies

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permanentes très diversifiées sont à l’origine de laits légèrement plus riches en 18:3 n-3 que les laits issus de prairies faiblement diversifiées vraisemblablement en raison de la richesse de certaines plantes dicotylédones en métabolites secondaires susceptibles de limiter les hygrogénations ruminales.

2.2. Effets de la nature des fourrages conservés, et du POURCENTAGE de concentré

Le fanage de l’herbe en foin s’accompagne d’une baisse de sa teneur en AG et surtout en 18:3 n-3, en raison d’une part de l’oxydation de cet AG et d’autre part de la perte relative de feuilles, plus riches que les tiges. De ce fait, la teneur du foin en 18:3 n-3 peut être inférieure de l’ordre de 50-75% à celle de l’ensilage d’herbe. Toutefois, le lait de vaches nourries avec du foin de bonne qualité peut être plus riche en 18:2 n-6 et 18:3 n-3 que lorsqu’elles reçoivent de l’ensilage, du fait d’une hydrogénation ruminale plus faible avec le foin. L’ensilage de trèfle violet ou blanc, comparé à l’ensilage de graminées, permet d’augmenter les teneurs du lait en 18:2 n-6 et en 18:3 n-3 de 0,4 et 0,6 %AGT, respectivement. Les laits issus de l’agriculture biologique présentent des teneurs sensiblement plus élevées en 18:3 n-3 du fait de l’utilisation importante de légumineuses dans ces élevages.

L’ensilage de maïs, pauvre en 18:3 n-3 et riche en 18:2 n-6 et en 9c-18:1, augmente fortement le rapport n-6/n-3 du lait par rapport à l’ensilage d’herbe. L’augmentation du % de concentré a des effets très différents, et parfois opposés, sur le profil des AG du lait selon qu’elle s’opère sur des rations riches ou pauvres en fourrages, mais toujours avec des augmentations des 18:2 n-6 et 10t-18:1 (1,7 et 1,1 %AGT dans notre base de données).

2.3. Effets d’apports de matières grasses végétales

La supplémentation lipidique des rations est utilisée pour modifier les performances des vaches laitières et/ou la composition en AG du lait. Les tentatives pour modifier le pourcentage d’une catégorie d’AG se traduisent par des modifications simultanées d’autres AG, qui peuvent être considérés comme favorables ou défavorables à la santé humaine. Ainsi, les régimes qui diminuent la teneur en AGS du lait et accroissent les AGPI ou le CLA entraînent généralement un accroissement des AG trans.

Lorsque la disponibilité en AG à 18C augmente en raison d'un apport alimentaire accru, on assiste à de fortes diminutions de la sécrétion et surtout des teneurs en AG de 8:0 à 16:0 du lait. La sécrétion de 18:0 peut être accrue soit par un apport de 18:0 alimentaire, soit par l'apport d'AG insaturés à 18C en raison de leur hydrogénation en 18:0 dans le rumen. Il en est de même pour le 9c-18:1, soit d'origine alimentaire (pour environ 20%), soit issu de la synthèse dans la mamelle (pour environ 80%) par la désaturation de 18:0.

En Europe, mis à part les fourrages à base d’herbe, seul le lin permet des apports importants de 18:3 n-3. A titre de comparaison, une vache consommant 20 kg de MS par jour peut ingérer jusqu'à 400 g de 18:3 n-3 sur un pâturage de printemps ou d’automne, et la même quantité si elle reçoit une ration hivernale à base d’ensilage de maïs additionnée de 3,7% d’huile de lin (ou 12% de graine de lin). En supplémentant la ration des vaches en lin, l'accroissement de la teneur en 18:3 n-3 du lait varie entre +0,3 et +0,9%AGT (+0,5%AGT en moyenne).

La composition des laits en CLA et en 18:1 trans dépend de deux facteurs principaux: 1) l'apport alimentaire d'AGPI (18:2 n-6 ou 18:3 n-3) pour la formation de CLA et de 18:1 trans dans le rumen, et 2) les régimes modifiant l’activité microbienne d’hydrogénation ruminale

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de ces AG. Les combinaisons de ces facteurs provoquent de très larges variations des teneurs des AG du lait en CLA et en 18:1 trans (jusqu'à 4-5% de 9c11t-CLA et 10-12% de 11t-18:1). Il existe de fortes interactions entre fourrages, concentrés amylacés et suppléments lipidiques. Des augmentations de 1a teneur du lait en 10t-18:1 sont observées avec les régimes riches soit en concentré soit en ensilage de maïs, supplémentés en AGPI, qui diminuent fortement le taux butyreux du lait et s’accompagnent aussi d’augmentations faibles mais significatives de sa teneur en 10t12c-CLA.

Il existe un nombre croissant de données sur l'influence de l'alimentation sur les différents isomères trans du 18:1 et du 18:2 (conjugués ou non) du lait. Leurs rôles physiologiques respectifs et leurs éventuels intérêts ou risques nutritionnels pour l'homme n'ont toutefois que très peu été étudiés à ce jour.

2.4. Particularités de la chèvre par rapport à la vache

Avec les régimes riches en concentré ou en ensilage de maïs, supplémentés en AGPI, on n’observe pas de diminution du taux butyreux du lait et de la sécrétion de matières grasses chez la chèvre, contrairement à la vache. En effet, en réponse à ces régimes riches en amidon et en AGPI, les AG du lait synthétisés de novo par la glande mammaire diminuent moins chez la chèvre que chez la vache, et les AG longs (> C16), le 11t-18:1 et les 9c11t- et 9t11t-CLA augmentent plus, alors que le 10t-18:1 et le 9t11c- CLA augmentent moins. Par ailleurs, avec les régimes supplémentés en AGPI, la réponse du 9c-18:1 est plus faible chez la chèvre, et celle du 18:3 n-3 est plus forte, avec une plus grande sensibilité de l’expression du gène de la delta-9 désaturase mammaire à l’effet inhibiteur de ces régimes, et une moindre sensibilité à la fois de la lipogenèse de novo et de la captation des AG longs à l’effet inhibiteur du 10t12c-CLA. Ces réponses très différentes entre deux espèces de ruminants a priori très voisines offrent de nouvelles pistes d’étude des régulations du métabolisme ruminal et de la lipogenèse mammaire, et conduisent à réévaluer et préciser les théories couramment admises pour la vache.

3. TENEURS DU LAIT EN MICRONUTRIMENTS VITAMINIQUES

L’alimentation (en particulier la nature du fourrage) est le principal facteur de variation des teneurs en vitamines du lait de vache. Les connaissances restent très lacunaires pour la plupart des vitamines, notamment B et K issues des synthèses microbiennes et donc susceptibles de varier selon les types de ration conduisant à des orientations fermentaires du rumen différentes.

En ce qui concerne les concentrations en vitamine A, il existe des différences entre races, selon le stade de lactation, le niveau de production et surtout de l’alimentation. Il faut

distinguer les apports respectifs de rétinol et de β-carotène. Bien que le rétinol du lait varie

peu sous l’effet du type de fourrage distribué, les concentrations en β-carotène sont très supérieures au pâturage (par rapport aux rations à base de foin, concentré et/ou ensilage de maïs), surtout lorsque les prairies sont riches en graminées à un stade feuillu. Le lait de vaches au pâturage est donc plus riche en équivalents-rétinol (vitamine A + carotènes) qu’avec une ration à base de fourrages conservés. Il en est de même pour la vitamine E dont les concentrations sont 1,5 à 2 fois supérieures dans le lait des vaches au pâturage puisque l’herbe fraiche est nettement plus riche en vitamine E que les fourrages conservés à base

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d’herbe ou de maïs. De plus, en situation de moyenne montagne, les concentrations en vitamines A et E du lait augmentent chez les vaches au cours de la saison de pâturage. De

manière générale, les concentrations en β-carotène et en vitamines A et E du lait augmentent avec les quantités ingérées de fourrage. Néanmoins, en fermes commerciales où les éleveurs distribuent des suppléments vitaminiques contenant des vitamines A et E, la relation entre la consommation de fourrage et les concentrations du lait en ces vitamines n’est pas toujours apparente.

Des résultats récents montrent que les concentrations des vitamines B9 et B12 du lait sont également variables en fonction des rations distribuées aux vaches. Ainsi, les teneurs en vitamines B12 apparaissent plus élevées avec une alimentation à base d’ensilage de maïs alors que les teneurs en vitamine B9 sont supérieures au pâturage ou avec une alimentation riche en foin. De plus, des suppléments alimentaires en ces 2 vitamines permettent des améliorations significatives de leurs quantités sécrétées dans le lait, ainsi que des performances des vaches (lait produit, taux butyreux, valorisation de l’azote alimentaire). Ceci indiquerait que, selon le type de ration, les besoins des vaches en vitamines B pourraient ne pas être toujours couverts de manière optimale.

4. CONCLUSION

L'alimentation des vaches permet de faire varier largement, et de façons diverses, les compositions du lait en AG et en micronutriments vitaminiques. Il n'existe toutefois que peu d’études mesurant finement ces compositions et comparant systématiquement différents fourrages, concentrés, suppléments lipidiques (huiles, graines, traitements technologiques) et leurs interactions. Il reste, de ce fait, difficile d’établir précisément les lois de réponse à l’alimentation des différents composés d’intérêt.

Les rations à base d’herbe, pâturée ou conservée dans de bonnes conditions, modifient le profil des AG et les teneurs en certaines vitamines (A, E, B9) du lait dans un sens potentiellement favorable, comparées aux rations riches en concentrés et/ou en ensilage de maïs. Les supplémentations en oléagineux (lin notamment) ont des effets sur les AG en partie similaires à l’herbe, mais accroissent en outre différents isomères trans du 18:1 et du 18:2, particulièrement lorsqu’ils sont ajoutés à des rations riches en concentrés et/ou en ensilage de maïs. Les effets potentiels de la majorité de ces isomères sont encore inconnus chez l’animal et chez l’homme. La chèvre se distingue de la vache par des réponses positives, fortes et stables de la sécrétion lipidique et des teneurs en 11t-18:1 et du 9c11t-CLA à la supplémentation lipidique, alors que le 10t-18:1 répond moins. Les effets secondaires potentiels des différentes pratiques alimentaires sur la qualité sanitaire (transfert éventuel de facteurs antinutritionnels présents dans certaines graines, variations de nutriments à effet pro-oxydant, etc.), technologique et sensorielle demandent toutefois à être mieux évalués.

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NOTES

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Facteurs de croissance du lait et des

produits laitiers: Un impact sur le risque de cancers?

Irène Margaritis

Unité d'évaluation de la nutrition et des risques nutritionnels

ANSES, Paris

BIOGRAPHIE

Margaritis est diplômée d’un Doctorat es Sciences de l’Université d’Aix Marseille II en 1995 puis en 2001, de l’Habilitation à Diriger les Recherches de l’Ecole Doctorale de pharmacologie et biologie moléculaire de l’Université Nice Sophia-Antipolis. Maître de Conférences de 1995 à 2002 à l’Université René Descartes (Paris V), puis à l’Université de Nice Sophia-Antipolis. Professeur des Universités depuis 2002. Doyen de la Faculté des Sciences du Sport de l’Université Nice Sophia-Antipolis de 2000 à 2005, ses recherches ont été centrées sur les réponses adaptatives des systèmes antioxydants, modulés par les apports alimentaires, l’activité physique et les stress environnementaux. Experte du Comité d’Experts Spécialisés en nutrition humaine de l’Agence française de sécurité sanitaire des aliments (Afssa) de 2000 à 2006, et de plusieurs groupes de travail auprès de l’Autorité européenne de sécurité sanitaire des aliments (Efsa), depuis 2006 chef d’Unité à l’Afssa – aujourd’hui Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (ANSES) – pour l’évaluation des risques liés à la nutrition.

RESUME DE L’INTERVENTION

Irène Margaritis1, Esther Kalonji1, Isabelle Bordes1, Sandrine Wetzler1, MC Boutron-Ruault2. 1Unité d'évaluation de la nutrition et des risques nutritionnels - Agence nationale de sécurité sanitaire de

l'alimentation, de l'environnement et du travail (ANSES)

2CESP, Inserm U1018 Equipe 9, Institut Gustave Roussy, et Université Paris-Sud

Des associations positives entre la concentration sanguine d’IGF-1 et l’incidence de cancers fréquents chez l’Homme que sont les cancers de la prostate, du sein (tumeurs ER +) et du côlon-rectum ont été décrites. Les données disponibles ne permettent pas d’exclure que de l’IGF-1 d’origine laitière rejoigne la circulation sanguine ; elles suggèrent néanmoins que cette contribution exogène, si elle existe, est faible par rapport aux quantités circulantes d’IGF-1 résultant de la production endogène. En conséquence, il n’est pas établi qu’un

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apport exogène d’IGF-1 d’origine laitière ait une incidence notable sur la concentration sanguine d’IGF-1. Ainsi, au vu de l’ensemble des données disponibles à ce jour, la contribution de l’IGF-1 d’origine laitière au risque de cancers, si elle existe, serait faible.

En revanche, de nombreux facteurs alimentaires, tels l’apport protéique et l’apport énergétique, peuvent participer à la modulation de la synthèse endogène d’IGF-1. La question de la relation entre la consommation de lait et de produits laitiers, et la concentration sanguine d’IGF-1 pourrait se poser alors, du fait de leur contribution aux apports protéiques et énergétiques, sans toutefois être spécifique de ce groupe alimentaire.

Compte tenu du rôle des facteurs de croissance présents dans l’ensemble des tissus et fluides dans les mécanismes de prolifération cellulaire, leur implication dans la cancérogénèse a été soulevée Ainsi, la question du risque cancérogène lié à la présence des facteurs de croissance dans le lait et les produits laitiers s’est posée.

Les facteurs de croissance - molécules polypeptidiques produites chez l’Homme et de nombreuses espèces animales - exercent de multiples effets physiologiques, notamment sur la croissance, la différenciation et le métabolisme cellulaires. On distingue plusieurs familles de facteurs de croissance, selon l’action physiologique ou cellulaire qui a permis initialement leur caractérisation.

La plupart des données disponibles concerne les IGF (Insulin-like growth factors ou facteurs de croissance insulinomimétiques), les EGF (Epidermal growth factors ou facteurs de croissance de l’épiderme) et les TGF-β (Transforming growth factors β ou facteurs de croissance transformants β), l’IGF-1 constituant de loin le facteur de croissance le plus étudié.

Il existe une variabilité physiologique élevée des concentrations sanguines de ce facteur de croissance et l’amplitude de la variabilité inter-individuelle des gammes de concentrations sanguines d’IGF-1est élevée,

Concernant la question du risque cancérogène lié à la présence des facteurs de croissance dans le lait et les produits laitiers, il existe d’une part une littérature sur les associations entre concentration sanguine de facteurs de croissance et incidence des cancers et d’autre part des études relatives aux effets de l’alimentation sur la concentration sanguine des facteurs de croissance, par contre on ne dispose pas de travaux ayant étudié les effets directs des facteurs de croissance contenus dans le lait et les produits laitiers sur le risque de cancer chez l’Homme.

Relations entre facteurs de croissance et cancers

*Méthode d’analyse et données disponibles :

Les relations entre concentrations sanguines de facteurs de croissance, notamment l’IGF-1 (Insulin-like growth factor 1), et incidence des cancers chez l’Homme ont fait l’objet de nombreuses études. L’évaluation s’est appuyée sur des données épidémiologiques d’observation chez l’Homme. Les études d’observation prospectives, dans lesquelles les concentrations sanguines de facteurs de croissance sont mesurées avant le diagnostic de cancer, ont été privilégiées. Pour les cancers les plus fréquents, en raison d’une littérature abondante, l’analyse a essentiellement porté sur les méta-analyses publiées et les études ultérieures. Les études disponibles ont porté sur des populations d’hommes et de femmes

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adultes de différents pays, majoritairement âgées de plus de 50 ans. La plupart des études ont déterminé un risque relatif d’incidence de cancer en fonction de la concentration sanguine de facteurs de croissance. Seules les données relatives à IGF-1, pour les quatre sites de cancers les plus fréquents, ont été jugées suffisantes pour se prononcer, car elles correspondaient à un nombre d’études et/ou un nombre de sujets suffisants.

• poumon : les méta-analyses d’études prospectives sont cohérentes et ne mettent pas en évidence d’association entre la concentration sanguine d’IGF-1 et le risque ultérieur de cancer du poumon.

• prostate : il existe une association entre la concentration sanguine d’IGF-1 et le risque de cancer de la prostate, sans argument pour une relation dose-effet. D’après 2 méta-analyses récentes, ayant inclus uniquement des études prospectives, le risque de cancer de la prostate serait augmenté de 30 à 40 % chez les hommes présentant une concentration sanguine d’IGF-1 située parmi les 20 à 25 % les plus élevées de la distribution d’IGF-1, par comparaison aux hommes dont la concentration sanguine est située dans les 20 à 25 % les plus bas.

• sein : en s’appuyant essentiellement sur l’étude la plus récente, qui a uniquement considéré des études prospectives et rassemblé le plus grand nombre de sujets, une association positive apparaît entre la concentration sanguine d’IGF-1 et le risque de cancer du sein, pour les tumeurs présentant des récepteurs aux œstrogènes (« tumeurs ER+ »), et de façon indépendante du statut ménopausique. D’après cette étude, une femme dont la concentration sanguine d’IGF-1 se situe dans les 20 % les plus élevés de la distribution aurait un risque augmenté de 38 % de développer un cancer du sein ER + par rapport aux femmes dont la concentration sanguine d’IGF-1 se situe dans les 20 % les plus bas.

• côlon-rectum : il apparaît une association positive entre la concentration sanguine d’IGF-1 et le risque de cancer colorectal avec une augmentation du risque comprise entre 28 et 58 %.

Pour ces quatre cancers, les études disponibles estiment un risque relatif entre les extrémités de distribution et ne permettent donc pas de proposer un seuil de concentration sanguine d’IGF-1 au-delà duquel il existerait une augmentation de l’incidence des cancers.

Pour les autres cancers étudiés (endomètre, foie, pancréas, ovaires, cerveau, thyroïde, estomac, lymphome, leucémie), les données sont insuffisantes pour permettre la mise en évidence ou l’exclusion d’une association avec la concentration sanguine d’IGF-1.

Il convient d’apprécier les associations observées pour les cancers de la prostate, du sein et du côlon-rectum au regard des éléments suivants : i/ les concentrations d’IGF-1 des percentiles supérieurs des populations étudiées, bien qu’associées à une augmentation du risque de cancer, se situent dans la gamme des valeurs observées chez des sujets sains, ce qui en rend difficile l’interprétation d’un point de vue physiopathologique ; ii/ les conséquences physiopathologiques de concentrations sanguines élevées d’IGF-1 devraient être interprétées en prenant en compte l’ensemble de leurs effets sur la santé, notamment leurs effets bénéfiques ou délétères potentiels sur le risque d’autres maladies que le cancer (comme l’ostéoporose et les maladies cardiovasculaires) ; iii/ l’interprétation devrait aussi intégrer les autres composants du système IGF (c'est-à-dire les IGFBPs et les récepteurs), qui

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participent largement à la modulation de l’activité d’IGF-1 ; iv/ l’IGF-1 favorise la prolifération cellulaire, ce qui rend plausibles biologiquement les associations observées entre la concentration sanguine d’IGF-1 et le risque de certains cancers ; néanmoins ce facteur ne peut être incriminé isolément dans la survenue d’un cancer, dont l’origine est multifactorielle, avec des déterminants génétiques, physiologiques (comme le sexe, l’âge, le statut hormonal), comportementaux (comme le tabagisme, l’alimentation) ou encore des facteurs liés à l’environnement.

Déterminants alimentaires de la concentration sanguine d’IGF-1

Les associations observées dans les études épidémiologiques analysées entre la concentration sanguine d’IGF-1 et le risque de certains cancers amènent à s’interroger sur les facteurs susceptibles de moduler cette concentration. La modulation de la concentration sanguine d’IGF-1 peut en effet être due à des apports exogènes d’IGF-1 par les aliments ou à une modification de la synthèse endogène par l’alimentation.

Apports exogènes par les aliments

Les homologies de séquences des facteurs de croissance élevées entre les formes synthétisées par l’Homme et celles de certaines espèces animales amènent à émettre l’hypothèse qu’un apport exogène d’IGF-1 par la consommation de produits d’origine animale s’ajoute aux quantités circulantes. Pour étudier cette hypothèse, les teneurs en IGF-1 dans les aliments d’origine animale et le devenir métabolique de l’IGF-1 susceptible d’être ingéré doivent être considérées. Les données disponibles dans la littérature sur les teneurs en facteurs de croissance dans les aliments d’origine animale concernent essentiellement les produits laitiers et plus particulièrement le lait bovin cru. Les données relatives aux teneurs dans les autres produits d’origine animale sont très parcellaires.

On observe une grande variabilité des teneurs du lait en facteurs de croissance en fonction des conditions d’élevage et de conditionnement. Au cours de la fabrication des produits dérivés du lait, les effets cumulatifs des transformations technologiques conduisent à une réduction des teneurs en facteurs de croissance. L’IGF-1 n’est plus détecté dans le lait après un traitement de type UHT. On observe une réduction d’environ 80 % de la teneur en IGF-1 au cours de la fermentation lactique — procédé technologique permettant la fabrication de laits fermentés, dont les yaourts — ce qui suggère une faible teneur en IGF-1 dans les laits fermentés et les fromages. La consommation de lait cru est marginale en France : 98 % du lait de vache produit est transformé en produits laitiers. Le lait de consommation UHT représente 97 % des ventes du lait de consommation en France. Les données disponibles sont en faveur d’une faible exposition aux facteurs de croissance d’origine laitière.

Concernant le devenir métabolique de l’IGF-1 ingéré, la majorité des données provient d’études réalisées chez l’animal, majoritairement en dehors d’un contexte alimentaire, portant isolément sur les étapes des processus de digestion et de dégradation. Les rares études chez l’Homme analysant l’effet de doses d’IGF-1 susceptibles d’être apportées par l’ingestion d’environ 1 litre de lait cru ne mettent pas en évidence d’augmentation de la concentration sanguine d’IGF-1 attribuable à un apport exogène d’IGF-1. Il n’existe pas chez l’Homme d’études portant sur les processus de digestion et d’absorption des facteurs de croissance dans un contexte alimentaire.

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Au final, si de l’IGF-1 d’origine laitière rejoint la circulation sanguine, cette quantité est faible par rapport aux quantités circulantes d’IGF-1 produites de façon endogène. Compte tenu des données disponibles, on ne peut pas proposer une valeur quantifiant l’IGF-1 d’origine laitière susceptible de s’ajouter à la production endogène d’IGF-1.

La question de l’exposition aux facteurs de croissance n’est pas spécifique du lait et des produits laitiers. Bien que les données sur les aliments autres que le lait et produits laitiers soient parcellaires, les éléments exposés peuvent être étendus aux denrées d’origine animale. Ainsi, la faible consommation d’aliments crus d’origine animale, les effets de la préparation des aliments, la dégradation digestive d’IGF-1 et son absorption limitée, conduisent à estimer que l’IGF-1 exogène, issu de l’ensemble des aliments d’origine animale, contribue faiblement au pool circulant. Par contre il est nécessaire de décrire les facteurs alimentaires susceptibles de moduler la synthèse endogène d’IGF-1.

*La consommation de lait module-t-elle la synthèse endogène d’IGF-1 ?

Une majorité d’études d’observation chez l’Homme met en évidence une association positive entre consommation de lait et concentration sanguine d’IGF-1. En outre, la majorité des études d’intervention ainsi que la seule méta-analyse disponible décrivent également une augmentation de la concentration sanguine d’IGF-1 dans les groupes recevant un supplément de lait. Toutefois, la majorité des études d’intervention présente des limites méthodologiques entachant leur validité.

S’appuyant sur cet ensemble de données, on ne peut conclure à un lien de causalité entre consommation de lait et concentration sanguine d’IGF-1. Les arguments en faveur d’un tel lien reposent aujourd’hui principalement sur des études d’association. Des études d’intervention complémentaires chez l’adulte seraient nécessaires pour établir un lien causal et le cas échéant, préciser quantitativement cet effet.

Lorsque les produits laitiers sont considérés dans leur ensemble, l’association entre leur niveau de consommation et la concentration sanguine d’IGF-1 dans les études d’observation est plus inconstante que quand le lait est étudié seul. Les études d’intervention, peu nombreuses, présentent les mêmes limites que celles décrites à propos du lait et ne permettent pas non plus de conclure. Ce groupe alimentaire est toutefois très hétérogène, notamment en termes de composition, mais aussi en termes d’aliments considérés et selon les études, le lait pouvait être inclus ou non.

D’autres constituants de l’alimentation modulent-ils la synthèse endogène d’IGF-1 ?

L’apport énergétique et l’apport protéique sont les facteurs alimentaires les plus étudiés par ailleurs.

Les études d’intervention (et non d’observation) indiquent que, chez des sujets normo-pondéraux, l’augmentation de l’apport énergétique pourrait être à l’origine d’une augmentation de la concentration sanguine d’IGF-1. L’ensemble des données disponibles suggère que l’augmentation de l’apport protéique pourrait être à l’origine d’une augmentation de la concentration sanguine d’IGF-1.

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Conclusion,

Au vu de l’ensemble des données disponibles à ce jour, il apparaît que la contribution de l’IGF-1 d’origine laitière au risque de cancers, si elle existe, serait faible. La question des déterminants alimentaires de la concentration sanguine d’IGF-1 se pose peu en termes d’exposition alimentaire aux facteurs de croissance d’origine exogène (laitière ou autre), mais plutôt en termes de modulation de la synthèse endogène d’IGF-1 par certains facteurs alimentaires. Des apports protéique et énergétique élevés pourraient ainsi être à l’origine d’une augmentation de la concentration sanguine d’IGF-1. La modulation de la synthèse endogène dépend aussi d’autres facteurs comme le sexe, l’âge, le patrimoine génétique, l’indice de masse corporelle et le niveau d’activité physique. Le traitement de la question posée met en lumière le manque de données concernant, i) le développement et la standardisation des méthodes de dosages des facteurs de croissance (dosages sanguins ou dans des matrices alimentaires) ; ii) l’effet des procédés de transformation (industriels et domestiques) sur les teneurs en facteurs de croissance dans les aliments ; iii) le devenir métabolique des facteurs de croissance ingérés, chez l’Homme, dans un contexte alimentaire ; iv) les effets de certains aliments (dont les produits laitiers), le rôle d’autres facteurs alimentaires (apports protéiques, énergétiques) ou non alimentaires (polymorphisme génétique, activité physique, etc.) sur la synthèse endogène d’IGF-1.

MOTS CLES :

Facteurs de croissance, Insulin-like growth factor, facteur de croissance insulinomimétique, IGF, IGF-1, lait, produits laitiers, cancers

L’avis et le rapport sont disponibles au lien suivant :

http://www.anses.fr/Documents/NUT2009sa0261Ra.pdf

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NOTES

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Alimentation et risque de cancer

Paule Latino-Martel

Unité de Recherche en Epidémiologie Nutritionnelle

UMR INRA 1125, INSERM U 557, CNAM, Université Paris 13, Sorbonne Paris Cité

Réseau National Alimentation Cancer Recherche

Réseau NACRe : www.inra.fr/nacre ; [email protected]

RESUME DE L’INTERVENTION

Introduction

Le cancer est un problème majeur de santé publique en France. L’incidence des cancers a presque doublé dans la période 1980-2005. Cette augmentation s’explique pour moitié par l’augmentation de la population et son vieillissement, et pour moitié par les progrès du diagnostic et du dépistage et l’augmentation de l’exposition à des facteurs de risque (1). Depuis 2004, le cancer est la première cause de mortalité tous âges confondus et de mortalité prématurée avant 65 ans (2). Pour l’année 2011, l’incidence des cancers a été estimée à 365 500 nouveaux cas (207 000 chez l’homme et 108 000 chez la femme) et la mortalité par cancer à 147 500 décès (84 500 chez l’homme et 63 000 chez la femme) (3). Ce constat montre l’importance de renforcer les stratégies de prévention primaire visant à réduire l’exposition de la population aux facteurs de risque évitables et à améliorer l’exposition aux facteurs protecteurs.

La nutrition permet d’accroître la prévention primaire des cancers

Le cancer a des origines multifactorielles impliquant des facteurs individuels (âge, genre, terrain génétique et épigénétique, statut hormonal, microbiote…), comportementaux (tabagisme, nutrition…) et environnementaux (contaminants chimiques, agents infectieux, précarité…). Alors que certains facteurs ne sont pas modifiables (âge, genre, terrain génétique), la nutrition (qui comprend l’alimentation, le statut nutritionnel et l’activité physique) fait partie des facteurs modifiables et est importante pour la santé publique. La nutrition joue un rôle dual puisqu’elle comporte à la fois des facteurs de risque et des facteurs protecteurs.

Evaluation du niveau de preuve en santé publique

Les effets de la nutrition sur la santé sont multiples et complexes. Plusieurs types d’études épidémiologiques (cas-témoins, cohortes, interventions) et mécanistiques (sur modèles cellulaires ou animaux) sont utilisés pour étudier la relation entre les facteurs de risque ou de protection et le développement des cancers et leurs mécanismes d’action. Chaque type d’étude présente des avantages et des limites.

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Dans le domaine médical, la médecine fondée sur l’expérience personnelle a fait place à la médecine fondée sur des preuves. Celle-ci s’appuie sur la lecture critique de la littérature scientifique, la prise en compte du « niveau de preuve » et prévoit une remise en cause permanente des connaissances. Cette méthode établie principalement pour évaluer l’efficacité des médicaments, repose sur une hiérarchisation des études épidémiologiques et sur le principe que des essais randomisés contrôlés de forte puissance sont réalisables et suffisent à établir une preuve scientifique. Dans le domaine nutritionnel, cette approche est applicable à la nutrition clinique (nutrition pendant le cancer).

En revanche, en santé publique, pour les facteurs de risque et les domaines non cliniques, la démonstration d’un effet chez l’Homme avec un essai randomisé contrôlé est généralement impossible. Pour établir ou approcher une relation de causalité, l’argumentation est alors basée sur un faisceau de critères : force de l’association, dose-réponse, temporalité, absence d’hétérogénéité inter-études, plausibilité biologique et évidence expérimentale. Cette approche portfolio doit prendre en compte l’ensemble des études publiées. Elle implique donc une revue systématique exhaustive de la littérature. Elle est généralement réalisée par un groupe d’experts selon une méthodologie rigoureuse prédéfinie. Elle est applicable à la prévention nutritionnelle (nutrition avant et après le cancer) et à l’établissement des recommandations de santé publique (4).

Expertise collective internationale dans le domaine nutrition et prévention des cancers

Dans le domaine « nutrition et prévention primaire des cancers », une vaste expertise collective internationale est réalisée par le Fonds mondial de recherche contre le cancer (WCRF) et l’Institut américain de recherche sur le cancer (AICR). Un premier rapport a été publié en 1997, le second en 2007 (5) et, depuis, des actualisations sont réalisées par localisation de cancer. Pour le rapport 2007, l’évaluation a comporté 1) la revue systématique des études publiées jusqu’en 2006 et la réalisation de méta-analyses à partir des études épidémiologiques éligibles ; 2) l’évaluation du niveau de preuve à partir des données épidémiologiques ainsi que de la plausibilité biologique. A partir des niveaux de preuve jugés convaincants ou probables, le WCRF et l’AICR ont proposé des recommandations pour la population mondiale et estimé que la mise en œuvre des recommandations nutritionnelles permettrait d’éviter environ 1/3 des 12 cancers les plus communs dans des pays développés et 1/4 dans les pays en voie de développement (6).

Trois objectifs sont prioritaires pour la prévention nutritionnelle des cancers en France

Pour les populations des différents pays, il reste ensuite à déterminer, parmi les facteurs bénéficiant d’un niveau de preuve convaincant ou probable, ceux qui sont pertinents en termes d’exposition (surexposition aux facteurs de risque ou sous-exposition aux facteurs de protection). Dans le cas de la population française, des travaux d’expertise collective récents réalisés sous l’égide de l’INCa puis de l’Anses, en partenariat avec le réseau NACRe, montrent que huit facteurs s’avèrent pertinents (7-8) : trois facteurs réduisent le risque de cancers (activité physique, fruits et légumes, allaitement) et cinq facteurs l’augmentent (boissons alcoolisées, surpoids et obésité, viandes rouges et charcuteries, sel et aliments salés, compléments alimentaires à base de bêta-carotène).

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De plus, l’Anses a conclu que la prévention nutritionnelle des cancers est légitime et que, prises dans leur globalité, les recommandations concernant les facteurs pertinents permettent d’identifier trois objectifs prioritaires (8). Il s’agit de :

• réduire la consommation de boissons alcoolisées,

• promouvoir une alimentation équilibrée et diversifiée,

• promouvoir la pratique d’activité physique.

La prévention nutritionnelle des cancers nécessite donc une appropriation précoce de ces objectifs par l’ensemble de la population. Elle impose une mobilisation de tous les acteurs concernés ainsi qu’une sensibilisation optimale de la population française par des messages audibles pour tous, en particulier les plus jeunes et les plus défavorisés. Il convient notamment d’éviter :

• de mettre en exergue des observations issues de travaux isolés qui donnent lieu à des affirmations ou des recommandations basées sur des interprétations abusives voire erronées.

• les messages mettant en avant des aliments ou des composants soi-disant "anticancer", qui sont de nature à induire le consommateur en erreur.

Ces objectifs sont applicables à la prévention des seconds cancers primaires

Bien que les études portant sur la prévention des seconds cancers soient moins nombreuses qu’en prévention primaire, les données disponibles mettent en évidence une association entre l’excès de poids et le risque de seconds cancers après un cancer du sein (9) et une association entre la consommation d’alcool et le risque de seconds cancers après un cancer des voies aérodigestives supérieures. Sachant que la prévention de l’excès de poids passe par le recours à une alimentation équilibrée et diversifiée et la pratique régulière d’une activité physique régulière, ces observations montrent que les trois objectifs prioritaires définis pour la prévention primaire sont applicables aussi après la maladie pour réduire le risque de seconds cancers.

Ces objectifs sont cohérents avec les politiques publiques

Les trois objectifs prioritaires pour la prévention nutritionnelle des cancers sont compatibles avec la prévention d’autres pathologies (maladies cardiovasculaires, diabète, obésité…) et cohérents avec les politiques publiques. En France, ils sont repris en totalité ou partie dans le plan Cancer 2009-2013, le Plan National Nutrition Santé (PNNS) 2011-2015, le plan Obésité 2010-2013 et le Plan National pour l’Alimentation (PNA) 2010-2013. Au plan international, ils constituent, avec l’arrêt du tabagisme, les quatre objectifs prioritaires du plan d’action de l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) 2008-2013 pour la stratégie mondiale de contrôle et prévention des maladies transmissibles.

Conclusion

La prévention nutritionnelle des cancers est légitime et doit être développée. A partir des niveaux de preuve convaincants ou probables issus d’une expertise collective internationale et des données d’exposition en France, les objectifs prioritaires sont de promouvoir la

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réduction de la consommation de boissons alcoolisées, l’alimentation équilibrée et diversifiée et la pratique d’activité physique.

Ces objectifs doivent être relayés auprès du public par les professionnels de santé ainsi que par tous les acteurs de la prévention. Ces messages peuvent être accompagnés de conseils pratiques rappelant qu’il n’est jamais trop tard pour commencer. L’important est de s’engager dans la durée, en se fixant des objectifs de progrès étape par étape, afin de corriger les excès et/ou les insuffisances, en intervenant sur la fréquence et /ou la quantité ou l’intensité (de l’exposition). Ces objectifs n’étant pas basés sur des interdits, ils sont compatibles avec le plaisir de savourer.

Références

Belot A, Grosclaude P, Bossard N et al. Cancer incidence and mortality in France over the period 1980-2005. Rev Epidemiol Sante Publique 2008;56:159-75. Aaouba A, Eb M, Rey G et al. Données sur la mortalité en France : principales causes de décès en 2008 et évolutions depuis 2000. Bulletin Epidémiologique Hebdomadaire 2011;22:249-55. INCa. La situation du cancer en France en 2011. INCa Collection rapports & synthèses Octobre 2011:320 pages. www.e-cancer.fr/expertises-publications-de-l-inca/rapports-et-expertises/sante-publique Latino-Martel P, Druesne-Pecollo N, Hercberg S. Comment passer du niveau de preuve aux recommandations de santé publique ? OCL 2011 ;18 :359-62. World Cancer Research Fund (WCRF)/American Institute for Cancer Research (AICR). Food, Nutrition, Physical Activity, and the Prevention of Cancer: a Global Perspective. Washington DC: AICR, 2007. www.dietandcancerreport.org/ World Cancer Research Fund (WCRF) / American Institute for Cancer Research (AICR). Policy and Action for Cancer Prevention. Food, Nutrition, and Physical Activity: a Global Perspective. Washington DC: AICR, 2009. www.dietandcancerreport.org/ Réseau National Alimentation Cancer Recherche (NACRe)/Institut National du Cancer (INCa)/Direction Générale de la Santé (DGS). Nutrition et prévention des cancers : des connaissances scientifiques aux recommandations. Synthèse PNNS pour les professionnels de santé. www.inra.fr/nacre/le_reseau_nacre/publications/synthese_pnns_nutrition_prevention_des_cancers Agence Nationale de Sécurité Sanitaire Alimentation, Environnement, Travail (ANSES). Nutrition et cancer. Légitimité de recommandations nutritionnelles dans le cadre de la prévention des cancers. 2011. www.anses.fr/Documents/NUT2007sa0095Ra.pdf Druesne-Pecollo N, Touvier M, Barrandon E et al. Excess body weight and second primary cancer risk after breast cancer: a systematic review and meta-analysis of prospective studies. Breast Cancer Res Treat 2012 Aug 5. (DOI) 10.1007/s10549-012-2187-1 (online first). http://www.inra.fr/presse/la_surcharge_ponderale_facteur_de_risque_d_un_second_cancer

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NOTES

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Risques associés au mésusage des compléments alimentaires

Marie-Paule VASSON

UMR 1019 - ECREIN / CRLC

Clermont-Ferrand

BIOGRAPHIE

Madame Marie-Paule Vasson, PU-PH, enseigne la Biochimie et la Nutrition à la Faculté de Pharmacie de Clermont-Ferrand et coordonne l’équipe ECREIN « microEnvironnement CellulaiRE, Immunomodulation et Nutrition » de l’UMR 1019 INRA - Université d’Auvergne. Elle préside le Comité de Liaison Alimentation Nutrition (CLAN) du Centre Jean-Perrin et contribue aux activités de l’Unité d’Exploration en Nutrition (CHU, CRNH Auvergne). Elle participe à la coordination de l’axe « Environnement, Nutrition, Cancer » du Cancéropôle Lyon Auvergne Rhône-Alpes (CLARA) et anime le groupe « Formation des Professionnels de Santé » du Réseau National Alimentation Cancer Recherche (NACRe).

RESUME DE L’INTERVENTION

La consommation de compléments alimentaires est de plus en plus fréquente dans les pays occidentaux, favorisée par une offre commerciale en développement constant, que ce soit en pharmacie, grandes surfaces, magasins spécialisés ou internet, et portée par des campagnes publicitaires accrocheuses relayées par l’ensemble des média (presse, radio, télévision, …). En France, l’enquête INCA 2 (2006-07) a révélé qu’une part non négligeable de la population adulte consomme régulièrement des compléments alimentaires (27% des femmes, 13% des hommes) sur une durée moyenne de 3 à 4 mois par an. Ces consommateurs, le plus souvent cadres moyens ou supérieurs, se montrent plus attentifs à leur santé et privilégient une alimentation réputée saine associée à une meilleure hygiène de vie.

Les compléments, définis comme des denrées alimentaires susceptibles de compléter un régime nutritionnel normal, sont des sources concentrées de nutriments ou d’autres substances ayant un effet nutritionnel ou physiologique (vitamines, minéraux, acides gras insaturés, protéines, fibres, choline, glucosamine, chitosan, polyphénols…). Ces compléments se caractérisent par des allégations destinées à valoriser leur composition

(allégation nutritionnelle : exemple ‟produit riche en fibres”) et/ou leurs effets

potentiels sur la santé (allégation de santé : exemple ‟les fibres facilitent le transit

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intestinal”). Récemment, a été publié au Journal officiel de l’Union européenne une liste de 222 allégations de santé génériques précisant les conditions d’utilisation (règlements : UE n°432/2012, CE n° 1924/2006). Ces allégations autorisées concernent notamment les vitamines et minéraux, les acides gras mono- et poly-insaturés, les stérols et stanols des plantes, l’eau, les protéines… et seront applicables à partir de décembre 2012. Ce règlement, aboutissement d’un long processus conduit par l'Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) permettra de clarifier et d’harmoniser le marché des compléments alimentaires au bénéfice du consommateur au travers des 27 pays de l’Union.

Ce règlement devrait contribuer à limiter le risque de confusion entre complément alimentaire et médicament, puisque des ingrédients identiques (par exemple : vitamine C, phytostérols, probiotiques), présentés sous forme de doses similaires (par exemple : comprimés, gélules), peuvent selon leur niveau d’apport et leur efficacité attendue, être qualifiés de compléments alimentaires ou de médicaments et de ce fait, relever d’exigences réglementaires très différentes.

Si certains compléments alimentaires sont susceptibles d’avoir une influence bénéfique sur la santé, pour des groupes de population bien déterminés, d’autres ont peu d’effet, voire même, un effet potentiellement délétère. Aussi, ces compléments ne doivent pas être consommés par tout un chacun, en n’importe quelle circonstance, mais par une population bien caractérisée, dans des conditions déterminées.

Les niveaux de preuve de l’efficacité des compléments alimentaires sont souvent discutés du fait que ces produits sont rarement testés dans les conditions réelles d’utilisation. Si de telles études sont réalisées, elles sont encore le plus souvent discutables car conduites sur un petit nombre de personnes, sans groupe contrôle, à des doses plus importantes que celles recommandées, et sur des périodes de temps courtes ne permettant pas d’évaluer les effets à long terme.

Il faut avoir à l’esprit que le consommateur peut choisir d’absorber plusieurs produits en même temps (compléments alimentaires, aliments enrichis) : ainsi, les doses consommées s’additionnent quand il s’agit de molécules similaires avec un risque de sur-dosage et le mélange absorbé, d’autant plus complexe, n’a pu être testé dans ces conditions d’utilisation ! Comme les compléments alimentaires sont susceptibles d’être consommés par l’ensemble de la population, d’âge varié, jeune ou âgé, en bonne santé ou sans problème de santé détecté, ou en situation pathologique, aiguë ou chronique, avec des terrains et environnements différents, il est indispensable que la sécurité de ces produits soit totale et ce, en toutes circonstances.

Les problèmes de toxicité (contaminations chimiques ou microbiologiques, allergies, mésusage, interactions avec médicaments, fraudes) peuvent survenir : c’est pourquoi il a été mis en place en 2010 un dispositif national de nutrivigilance (décret n°2010-688) par l’Agence Nationale de Sécurité Sanitaire de l’Alimentation, l’Environnement et du Travail (Anses). Les déclarations d’effets indésirables, en augmentation régulière depuis cette date, sont l’objet d’une expertise scientifique afin d’évaluer l’imputabilité du produit concerné.

Parmi les effets biologiques revendiqués, la prévention du stress oxydant, impliqué dans le développement de nombreuses pathologies comme les maladies cardiovasculaires ou le cancer, est fréquemment alléguée. Ce stress oxydant induit des altérations moléculaires et accélère le vieillissement cellulaire. Le régime alimentaire participe naturellement à la prévention du stress oxydant par la consommation de micronutriments anti-oxydants comme les vitamines (C, E), les polyphénols ou les caroténoïdes des fruits et légumes. Dans

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la même finalité, des compléments alimentaires à visée anti-oxydante ont été développés apportant ces nutriments de façon isolée ou associée, à des doses fréquemment supra-nutritionnelles. Ces cocktails d’anti-oxydants sont toutefois à utiliser avec précaution, des essais cliniques de supplémentation à dose pharmacologique, voire même à dose nutritionnelle, ayant démontré un effet négatif notamment dans la survenue de pathologies cancéreuses.

En prévention primaire, une augmentation de l’incidence du cancer du poumon a été mise en évidence chez des sujets à risque (fumeurs) recevant une supplémentation en bêta-carotène à dose pharmacologique (≥ 10 fois ANC) (CARET, Omenn 1996 ; ATBC, Virtamo 2003). Dans l’étude d’observation E3N, la consommation de bêta-carotène en quantité nutritionnelle ou supra-nutritionnelle est associée à une diminution du risque de cancer lié au tabac chez les sujets non fumeurs mais à l’inverse, à une augmentation du risque chez les personnes fumeurs (HR=2,14 ;95% CI=1,16-3,97 pour 3ème tertile) (Touvier 2005).

En ce qui concerne la vitamine E, une association significative est observée entre le taux plasmatique élevé de cette vitamine et le risque accru et la sévérité du cancer du sein (Gerber 1996, Saintot 2002). Dans l’étude d’intervention SELECT, une augmentation de l’incidence du cancer de la prostate est observée dans le suivi à long terme (7 ans en moyenne) pour le groupe recevant la supplémentation en vitamine E à dose pharmacologique (≥ 20 fois ANC) (Lippman 2005, Klein 2011).

Dans l’étude SUVIMAX, la supplémentation à dose nutritionnelle (1 à 3 x ANC) à base d’une combinaison de micronutriments anti-oxydants (vitamines C et E, bêta-carotène, sélénium zinc) augmente significativement l’incidence du cancer de la prostate chez les hommes présentant un taux basal de PSA augmenté (> 3 µg/L, prostate spécifique Ag total) : HR=1,54; 95% CI = 0,87-2,72 (Hercberg S 1998 ; Meyer 2005).

En prévention secondaire, selon l’expertise du rapport WCRF/AICR (2007), la complémentation en anti-oxydants n’apporte pas de bénéfice de survie globale et spécifique (OR mortalité par cancer 0,80 ; IC 95% = 0,47-1,35), ni de réduction du risque de récidive (OR 0,85 ; IC 95% = 0,53-1,36) (Bekkering 2006). De récentes méta-analyses confirment l’absence de bénéfice de la supplémentation en anti-oxydants sur le risque de récidive ou la gravité du cancer (Myung SK 2010, Stratton 2011). Dans l’étude de cohorte (Shanghai Breast Cancer Survival Study –SBCSS n=4877 femmes après cancer du sein), il n’est pas observé d’amélioration de la survie et du risque de récidive en lien avec la complémentation multivitaminée (Nechuta 2010).

En phase de thérapie, associée aux traitements cytolytiques, la complémentation en anti-oxydants n’améliore pas le pronostic global ou spécifique de la pathologie cancéreuse. De nombreux agents cytotoxiques agissent par l’intermédiaire de la production d’espèces réactives de l’oxygène et par l’induction de l’apoptose. De ce fait, l’administration concomitante d’anti-oxydants tend à réduire l’efficacité de ces traitements (Lawenda 2008). En terme de réduction des effets indésirables liés au traitement, les données actuelles ne permettent pas d’affirmer un bénéfice de la complémentation en vitamines et minéraux anti-oxydants (Simone 2007, Block 2008).

Ainsi, discernement et prudence doivent présider en matière de complémentation alimentaire et ce d’autant plus, qu’en situation pathologique, il y a un risque de majoration des effets. Il est essentiel d’éclairer le consommateur sur les risques liés à une utilisation irraisonnée et au mésusage des compléments alimentaires. Il est aussi primordial de rappeler la recommandation du Plan National Nutrition Santé, de satisfaire les besoins

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nutritionnels de l’organisme par une alimentation équilibrée et diversifiée sans avoir recours à la complémentation, hors cas particuliers.

Bekkering T et al. Updated report WCRF/AICR 2007 Block KI and al. Int J Cancer 2008 123(6):1227-39 Gerber M et al . J Nutr 1996 126:1201S-7S Hercberg S et al. Int J Vitam Nutr Res 1998 68(1):3-20 Klein EA et al. JAMA 2011 306:1549-56 Lawenda D et al. J Natl Cancer Inst 2008 100:773-83 Lippman SM et al. J Natl Cancer Inst 2005 97(2):94-102 Meyer F et al. Int J Cancer 2005 116,182-6 Myung SK et al. Ann Oncol 2010 21:166-79 Nechuta S et al. Cancer Epidemiol Biomarkers Prev 2011 20(2) :262-71 Omenn GS et al. J Natl Cancer Inst 1996 88:1550-9 Rapport afssa/Anses 2009 : étude Individuelle Nationale des Consommations Alimentaires 2 (INCA 2) Report 2007 World Cancer Research Fund (WCRF)/American Institute for Cancer Research (AICR): Food, Nutrition, Physical Activity, and the Prevention of Cancer: a Global Perspective Saintot M et al. Int J Cancer 2002 97:574-9 Simone CB et al. Altern Ther Health Med 2007 13(1):22-8 Stratton J et al. Fam Pract 2011 28(3):243-52 Touvier M et al. J Natl Cancer Inst 2005 97:1338-44 Virtamo J et al. JAMA 2003 290:476-85

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NOTES

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Syndrome métabolique et cancer du sein

Olivier TREDAN

Centre Léon Bérard

BIOGRAPHIE

FORMATION et DIPLOMES :

2009 Thèse de 3ème cycle : école doctorale Biologie Moléculaire Intégrative et Cellulaire, Lyon 1

2005 DES d’Oncologie Médicale (Université Lyon 1)

TITRES et POSITIONS :

2009-présent

2009-présent

2007-2009

2005-2007

2000-2005

Directeur de l’Enseignement du Centre Léon Bérard

Médecin Spécialiste des Centres de Lutte Contre le Cancer

Ancien Chef-de-Clinique des Hôpitaux de Lyon (Université Claude Bernard Lyon 1)

Assistant au Centre Léon Bérard, Pr J.Y. Blay

Ancien Fellow du Collège Royal des Médecins du Canada (FRCPC)

Université de Toronto (Princess Margaret Hospital, Pr I. Tannock)

Ancien Interne des Hôpitaux de Lyon

TRAVAUX :

Cancer du sein :

Jobard E, Pontoiseau C, Blaise BJ, Toulhoat P, Emsley L, Bachelot T, Elena-Herrmann B, Trédan O. 1H NMR–based metabolomics reveals a serum metabolic signature of advanced metastatic human breast cancer. Cancer Lett [under submission]

Manuel M, Trédan O, Bachelot T, Clapisson G, Courtier A, Parmentier G, Rabeony T, Grives A, Perez S, Mouret JF, Perol D, Chabaud S, Ray-Coquard I, Labidi-Galy SI, Heudel P, Pierga JY, Caux C, Blay JY, Pasqual N, Menetrier-Caux C. Lymphopenia combined with low TCR diversity (divpenia) predicts poor overall survival in metastatic breast cancer patients. OncoImmunology 2012 Jul 1;1(4):432-40.

Gillibert-Duplantier J, Duthey B, Sisirak V, Salaün D, Gargi T, Trédan O, Finetti P, Bertucci F, Birnbaum D, Bendriss-Vermare N, Badache A. Gene expression profiling identifies sST2 as an effector of ErbB2-driven breast carcinoma cell motility, associated with metastasis. Oncogene 2012 Jul 26;31(30):3516-24.

Heudel PE, Trédan O, Ray-Coquard I, Treilleux I, Guastalla JP, Bachelot T. Antihormonal therapy in breast cancer and mTOR inhibitors. Bull Cancer 2011 Dec 1;98(12):1431-7.

Trédan O, Bajard A, Meunier A, Roux P, Fiorletta I, Gargi T, Bachelot T, Guastalla JP, Lallemand Y, Faure C, Pérol D, Bachmann P. Body weight change in women receiving adjuvant chemotherapy for breast cancer: A French prospective study. Clin Nutr 2010 Apr;29(2):187-91.

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Cancers gynécologiques :

Trédan O, Treilleux I, Wang Q, Gane N, Pissaloux D, Bonnin N, Petit T, Cretin J, Bonichon-Lamichhane N, Priou F, Lavau-Denes S, Mari V, Freyer G, Lebrun D, Alexandre J, Ray-Coquard I. Immunohistochemistry and molecular biology for predicting everolimus treatment efficacy in patients with advanced endometrial carcinoma: a GINECO group study. Target Oncol [under submission]

Labidi-Galy SI, Sisirak V, Meeus P, Gobert M, Treilleux I, Bajard A, Combes JD, Faget J, Mithieux F, Cassignol A, Trédan O, Durand I, Ménétrier-Caux C, Caux C, Blay JY, Ray-Coquard I, Bendriss-Vermare N. Quantitative and functional alterations of plasmacytoid dendritic cells contribute to immune tolerance in ovarian cancer. Cancer Res 2011 Aug 15;71(16):5423-34.

Pecorelli S, Ray-Coquard I, Trédan O, Colombo N, Parma G, Tisi G, Katsaròs D, Lhommé C, Lissoni AA, Vermorken JB, du Bois A, Poveda A, Frigerio L, Barbieri P, Carminati P, Brienza S, Guastalla JP. Phase II of oral gimatecan in patients with recurrent epithelial ovarian, fallopian tube or peritoneal cancer, previously treated with platinum and taxanes. Ann Oncol 2010 Apr;21(4):759-65.

Trédan O, Geay JF, Touzet S, Delva R, Weber B, Cretin J, Provençal J, Martin J, Stefani L, Pujade-lauraine E, Freyer G. Carboplatin/cyclophosphamide or carboplatin/paclitaxel in elderly patients with advanced ovarian cancer? Analysis of two consecutive trials from the Groupe d’Investigateurs Nationaux pour l’Etude des Cancers Ovariens (GINECO). Ann Oncol 2007 Feb;18(2):256-62.

Facteurs pronostiques :

Jordheim LP, Sève P, Trédan O, Dumontet C. The ribonucleotide reductase large subunit (RRM1) as a predictive factor in patients with cancer. Lancet Oncol 2011 Jul;12(7):693-702.

Trédan O, Ray-Coquard I, Chvetzoff G, Rebattu P, Cropet C, Bajard A, Chabaud S, Pérol D, Saba C, Quiblier F, Blay JY, Bachelot T. Validation of prognostic scores for survival in cancer patients beyond first-line therapy. BMC Cancer 2011 Mar 15;11(1):95.

Ray-Coquard I, Cropet C, Van Glabbeke M, Sebban C, Le Cesne A, Judson I, Trédan O, Verweij J, Biron P, Labidi I, Guastalla JP, Bachelot T, Perol D, Chabaud S, Hoogendorn PCW, Cassier P, Dufresne A, Blay JY. Lymphopenia as a prognostic factor for overall survival in advanced carcinomas, sarcomas, and lymphomas. Cancer Res 2009 Jul 1;69(13):5383-91.

Trédan O, Galmarini CM, Patel K, Tannock IF. Drug resistance and the solid tumor microenvironment. J Natl Cancer Inst 2007 Oct; 99(19):1441-54.

RESUME DE L’INTERVENTION

Le tissu adipeux joue un rôle-clé dans la production d'œstrogènes (facteurs de croissance majeurs pour les cellules tumorales mammaires). En effet, il est capable d'exprimer des enzymes de la superfamille du cytochrome P450, les aromatases (qui permettent la conversion de l'androstenedione en estrone et de la testostérone en estradiol). Ainsi, il a été montré que les femmes obèses avaient des concentrations d’œstrone et d’œstradiol plus élevées (+ 35 % et + 130 % respectivement) en comparaison aux femmes de poids « normal » [1]. La concentration sérique d'œstradiol libre est deux fois plus élevée chez les femmes en surpoids et obèses par rapport aux femmes non-obèses. L'implication du tissu adipeux dans la genèse et/ou la progression du cancer du sein semble donc probable. Il faut tout de même souligner que le tissu tumoral mammaire exprime également abondamment l’aromatase [2].

Le tissu adipeux est aussi capable de sécréter des peptides (TNF-α, interleukines, la leptine, l'adiponectine, etc ....) qui participent à l'inflammation dans le contexte de l'obésité. Un

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excès de tissu adipeux (en particulier dans la région abdominale) peut provoquer des perturbations métaboliques telles que la résistance à l'insuline (via différentes voies impliquant les adipokines). La leptine a ainsi été identifiée comme une adipokine majeure (régulation de l'appétit, stimulation de l’angiogenèse, production de cytokines pro-inflammatoires comme le TNF-α ou l’IL-6). Elle participe également aux mécanismes d'insulino-résistance, ainsi qu’à la stimulation de la biosynthèse des œstrogènes via l’augmentation d’activité des aromatases [3]. Par ces deux mécanismes, elle pourrait donc promouvoir la progression tumorale. Des études ont ainsi mis en évidence que l’augmentation de la concentration de leptine était associée à un risque augmenté de cancer du sein [4]. En stimulant la croissance des cellules tumorales et leur migration, et en favorisant la néo-angiogenèse, il semble que la leptine soit associée à un phénotype tumoral agressif et à une survie réduite.

Cependant, toutes les études ne sont pas concordantes quant aux effets des adipokines sur les cancers du sein. Certes, plusieurs études in vitro ont confirmé les effets proliférant de la leptine sur les cellules de cancer du sein, mais son rôle exact dans l’agressivité de la maladie reste à définir. En ce qui concerne l’adiponectine, elle est considérée habituellement comme une sorte d’antagoniste à la leptine. Elle a un effet anti-angiogénique et des propriétés anti-inflammatoires. Elle sensibilise les tissus à l'action de l'insuline. Elle aurait des propriétés anti-prolifératives et pro-apoptotiques [5]. In vitro l'adiponectine diminue la prolifération de lignées de cancer du sein et inhibe la croissance tumorale (même dans des modèles de tumeur RE-négative). Dans les études cliniques, un faible taux d’adiponectine est corrélé à un risque accru de cancer du sein. Cependant, l'impact pronostique de l'adiponectine reste peu documenté et controversé [6].

L'insuline est une hormone qui, en se liant à son récepteur, induit différentes voies métaboliques. L'insuline est probablement impliquée dans la croissance des cellules tumorales et, chez les femmes, des taux élevés d'insuline à jeun augmentent le risque de cancer du sein (indépendamment de l'âge et du poids) [7]. De même, le peptide C, un marqueur périphérique de la sécrétion d'insuline, a été montré comme étant un facteur de risque de cancer du sein pour les femmes pré-et post-ménopausées (indépendamment de la distribution de la graisse corporelle). De plus, l’hyper-insulinémie est un facteur de mauvais pronostic chez des femmes atteintes de cancer du sein [8,9]. Cette association entre hyperinsulinisme et mauvais pronostic semble plus forte pour les tumeurs RE-positives, ainsi que pour les femmes atteintes de diabète de type 2 [9].

L'hormone de croissance et l'insuline stimulent un peptide appelé IGF-1. Celui-ci est connu pour favoriser la prolifération et la différenciation cellulaire. Il inhibe l'apoptose in vitro. Il interagit avec un groupe de protéines de liaison spécifiques (IGFBP) et se fixe à son récepteur : IGF-1R. Des études ont montré une augmentation du risque de cancer du sein avec l’élévation des concentrations d'IGF-1 sérique, et la diminution de l'IGFBP-3 [10,11]. Cependant, un fort taux d’IGFBP-3 a aussi été montré comme étant un facteur pronostique péjoratif [12]. Les études sont donc, là encore, contradictoires. Il faut tout de même noter, que les voies de signalisation de l'IGF impliquent des facteurs identiques aux voies liées à l'œstrogène, et de nombreuses études ont montré que l'IGF-I agit en synergie avec

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l'œstrogène pour stimuler la prolifération cellulaire tumorale [13]. Ainsi, l’activité de l’IGF-1 est inhibée par les traitements anti-œstrogènes [14].

Il est probable que l’activité physique permette de moduler de façon positive ces facteurs métaboliques liés à la cancérogénèse mammaire. En effet, l’activité physique i) réduit les niveaux d'adiposité et d'œstrogènes (en diminuant la conversion périphérique des androgènes en œstrogènes par l'aromatase et en augmentant le niveau des globulines sériques se liant aux œstrogènes) ; ii) accroît la sensibilité à l'insuline et la captation du glucose par le muscle ; iii) diminue la synthèse des acides gras, et iv) diminue l'état inflammatoire chronique (via une diminution des cytokines telles que l’IL6, le TNF-α, et la leptine ; et via une augmentation de l’adiponectine circulante) [15].

Malheureusement, la prise en charge thérapeutique du cancer du sein aboutit souvent à une diminution de l’activité physique des patientes. Couplées à de nombreux autres facteurs, comme les modifications hormonales (ménopauses chimio-induites), les co-médications (corticothérapie, psychotropes, etc) et les modifications des habitudes alimentaires, les femmes traitées pour cette maladie prennent du poids pendant et après le traitement [16, 17]. La prise de poids est le plus souvent progressive et persistante après le diagnostic [16]. Elle est comprise en moyenne entre 2,5 et 6,2 kg, mais de manière non exceptionnelle, elle peut atteindre plus de 10 kg. La prise de poids chez les personnes en bonne santé a lieu en général de façon concomitante aux niveaux de la masse grasse et de la masse maigre. La répartition de la prise de poids après traitements (chez les patientes atteintes de cancer du sein) serait différente. L’augmentation du poids serait liée principalement à une augmentation de la masse grasse associée à une relative stabilité, voire une diminution, de la masse maigre, conduisant à un état d’obésité sarcopénique. Cette modification de la composition corporelle est aussi observée chez des patientes de poids stable [16]. Un lien entre statut ménopausique et prise de poids a été proposé : la prise de poids à un an du traitement étant significativement plus importante chez les patientes non-ménopausées que chez les patientes ménopausées. Cette prise de poids pourrait être due à l’induction de la ménopause par les traitements, entrainant une accélération des processus physiologiques liés à la ménopause comme l’accumulation des graisses, les modifications de la répartition des graisses et la diminution de la masse maigre.

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4. Schaffler A, Scholmerich J, Buechler C. Mechanisms of disease: adipokines and breast cancer – endocrine and paracrine mechanisms that connect adiposity and breast cancer. Nat Clin Pract Endocrinol Metab 2007; 3: 345-54

5. Kelesidis I, Kelesidis T, Mantzoros CS. Adiponectin and cancer: a systematic review. Br J Cancer 2006; 94: 1221-5

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7. Del Giudice ME, Fantus IG, Ezzat S, et al. Insulin and related factors in premenopausal breast cancer risk. Breast Cancer Res Treat 1998; 47: 111-20

8. Goodwin PJ, Ennis M, Pritchard KI et al. Fasting insulin and outcome in early-stage breast cancer: results of a prospective cohort study. J Clin Oncol 2002; 20: 42-51

9. Irwin ML, Duggan C, Wang CY et al. Fasting C-peptide levels and death resulting from all causes and breast cancer: the health, eating, activity, and lifestyle study. J Clin Oncol 2011; 29: 47-53

10. Renehan AG, Zwahlen M, Minder C, et al. Insulin-like growth factor (IGF)-I, IGF binding protein-3, and cancer risk: systematic review and meta-regression analysis. Lancet 2004; 363: 1346-53

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12. Goodwin PJ, Ennis M, Pritchard KI et al. Insulin-like growth factor binding proteins 1 and 3 and breast cancer outcomes. Breast Cancer Res Treat 2002; 74: 65-76

13. Dupont J, Le Roith D. Insulin-like growth factor 1 and oestradiol promote cell proliferation of MCF-7 breast cancer cells: new insights into their synergistic effects. Mol Pathol 2001; 54: 149-54

14. Campbell MJ, Woodside JV, Secker-Walker J, et al. IGF status is altered by tamoxifen in patients with breast cancer. Mol Pathol 2001; 54: 307-10

15. Lorincz AM, Sukumar S. Molecular links between obesity and breast cancer. Endocr Relat Cancer 2006; 13: 279-92.

16. Vance V, Mourtzakis M, McCargar L, et al. Weight gain in breast cancer survivors: prevalence, pattern and health consequences. Obes Rev 2011; 12: 282-94

17. Trédan O, Bajard A, Meunier A, et al. Body weight change in women receiving adjuvant chemotherapy for breast cancer: A French prospective study. Clin Nutr 2010; 29: 187-91

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NOTES

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Dénutrition et cancer

Pierre SENESSE

C.R.L.C. Val d’Aurelle, Montpellier

RESUME DE L’INTERVENTION

Introduction

Les patients porteurs de néoplasie présentent une incidence élevée de dénutrition. La

dénutrition est définie par une perte de poids ≥ 10 % par rapport au poids habituel sur une période de 6 mois. Au diagnostic, environ 20 à 30 % des patients présentent des signes de dénutrition définis par ce critère (1). Le poids est un élément simple, fiable, indispensable dans le bilan préthérapeutique du patient cancéreux. L'altération du statut nutritionnel est corrélée avec l’état général, la fréquence des complications postopératoires (1) mais aussi dans certains cas à la réponse à la chimiothérapie (2).

La dénutrition est secondaire au déséquilibre de la balance nutritionnelle, soit par diminution des apports, soit par augmentation des pertes ou des besoins soit, le plus souvent, par l’effet concomitant des 2 phénomènes.

En cancérologie, les 2 mécanismes sont souvent intriqués. Par exemple :

- Augmentation des besoins en rapport avec la tumeur (cytokines, Proteolysis Inducing Factor –PIF-, leptine …), mais aussi des pertes éventuellement secondaires aux traitements (grêle radique, grêle court, diarrhée post-chimiothérapie …) ou à la tumeur.

- Diminution des apports en rapport avec la tumeur (anorexie, obstacle au fonctionnement du tube digestif, douleurs…), avec les traitements (vomissements, diarrhées liés à la chimiothérapie, …), l’état psychologique du patient (dépression, …).

Objectif du dépistage de la dénutrition

L’existence d’une dénutrition avant la mise en place d’un traitement antitumoral est un facteur indépendant de mauvais pronostic car souvent corrélé à l’importance de la maladie tumorale (3). Le dépistage de la dénutrition est essentiel car, dans un contexte de dénutrition, un traitement antitumoral est plus toxique, moins bien toléré, sera plus difficile à réaliser dans sa totalité. Un geste chirurgical réalisé dans un contexte de dénutrition, sans prise en charge nutritionnelle adaptée, augmente le risque de complications post-opératoires (baisse des défenses immunitaires, difficulté de cicatrisation avec augmentation du risque de fistules, d’escarres…). La dénutrition est associée à une altération de la qualité de vie, une augmentation de la durée d’hospitalisation. Le dépistage de la dénutrition nécessite une prise en charge spécifique, par la mise en place d’un conseil diététique, essentiel actuellement, avec évaluation des apports nutritionnels et proposition d’un enrichissement de l’alimentation. Les compléments oraux peuvent compléter la démarche thérapeutique avant de débuter, en fonction du contexte, une nutrition artificielle dont

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l’objectif est d’assurer le fonctionnement optimal des principales fonctions vitales afin de permettre un traitement antitumoral le plus efficace possible dans les meilleures conditions possibles.

Nutrition artificielle en cancérologie

La nutrition artificielle est utilisée couramment en cancérologie. Toutefois, dans les structures qui ne dépistent pas la dénutrition, ce traitement est souvent mal utilisé, alors à risque pour les patients. La nutrition entérale doit toujours être privilégiée sauf en cas d’occlusion.

Quelques exemples

Nutrition péri-opératoire

Une nutrition péri-opératoire devrait être proposée aux patients dénutris avec une perte de poids supérieure ou égale à 10 %, si possible à débuter 8 à 10 jours avant la prise en charge chirurgicale et si possible par voie entérale (4).

Un travail récent publié par l'équipe de Bozzetti (5) confirme la supériorité dans la prise en charge de patients dénutris en péri-opératoire de la nutrition entérale comparativement à l'utilisation de la nutrition parentérale. Trois cent dix sept patients ont été inclus dans la prise en charge, tous dénutris avec cancer gastro-intestinal. Cent cinquante neuf patients ont bénéficié d'une nutrition entérale post-opératoire et 158 d'une nutrition parentérale post-opératoire. Au total, les complications post-opératoires survenaient pour 34 % des patients en nutrition entérale contre 49 % dans le groupe nutrition parentérale. La longueur d'hospitalisation en post-opératoire était plus courte (13,4 j vs 15 j) pour le groupe nutrition entérale.

Les cancers de la tête et du cou

L'évolution multidisciplinaire des prises en charge des néoplasies de la tête et du cou nécessite très fréquemment des associations thérapeutiques comprenant chirurgie et radio-chimiothérapie. Les complications avec perte de poids importante surviennent principalement pendant les radio-chimiothérapies avec des toxicités locales sévères (mucites) et impossibilité de s’alimenter dans plus de 50% des cas (6;7). Souvent cette toxicité nécessite l’arrêt thérapeutique ne permettant pas alors de ce fait un traitement curatif. La nutrition artificielle est indispensable dans ce contexte.

Nutrition au cours des radiothérapies et chimiothérapies

De façon plus générale, la nutrition artificielle mise en place systématiquement au cours des radiothérapies et chimiothérapies a fait l'objet de nombreux travaux avec des résultats très discordants. La toxicité des traitements, la réponse tumorale, le risque de complications et la mortalité ne sont pas influencés par l'utilisation d'une nutrition artificielle standard.

Par contre, la mise en place d'une nutrition artificielle est le plus souvent indispensable pour des patients dénutris. Elle permet alors de fournir les nutriments et l'hydratation nécessaire au confort et à la survie des patients incapables, durant ces périodes, de s'alimenter de façon correcte (8).

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Bibliographie

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NOTES

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Maladie d’Alzheimer: aspects épidémiologiques, causes, approches

nutritionnelles

Marion SECHER

Gérontopôle, CHU Toulouse

BIOGRAPHIE

Fonctions hospitalo-universitaires

Chef de Clinique-Assistant des Hôpitaux de Toulouse depuis 2008

Service Universitaire de Physiologie du Pr Rivière, CHU Rangueil

Service Hospitalier de Médecine Interne et de Gérontologie Clinique du Pr Vellas, CHU Purpan-Casselardit

Diplômes obtenus

2011 Diplôme d’Etudes Spécialisées Complémentaire en Gériatrie

Université Paul Sabatier Toulouse

2009 Diplôme d’Etudes Spécialisées Complémentaire en Nutrition

Université Paul Sabatier Toulouse

2008 Diplôme d’Etat Spécialisé de Docteur en Médecine Générale

Université Paul Sabatier Toulouse

Publications principales

- Gillette S, Secher M, Vellas B. Nutrition and neurodegeneration. British Journal of Clinical Pharmacology, accepted.

- Secher M, Ritz P. Hydration and cognitive performance. J Nutr Health Aging. 2012 Apr; 16(4):325-9.

- Secher M, Cantet C, Gillette S, Andrieu S, Rolland Y, Vellas B, Ritz P. Weight changes in aberrant motor behavior patients with moderate Alzheimer’s disease. Int J Geriat Psy, submitted.

- Soto M, Secher M, Nourhashemi F, Reynish E, Andrieu S, Vellas B. Weight loss and rapid cognitive decline in

community-dwelling patients with Alzheimer´s disease. J Alzheimers Dis. 2012;28(3):647-54.

- Soto M, Andrieu S, Villars H, Secher M, Gardette V, Coley N, Nourhashemi F, Vellas B. Improving Care of Older Adults with Dementia: Description of 6299 Hopsitalisations over 11 years in a Special Acute Care Unit.

J Am Med Dir Assoc. 2012 Jun;13(5):486.e1-6.

- Secher M, Soto ME, Villars H, Abellan van Kan G, Vellas B. The Mini Nutritional Assessment (MNA) after 20 years of research and clinical practice. Reviews in clinical gerontology 2007; 17: 293- 310.

- Secher M, Ritz P, Vellas B. Nutrition and Aging and. Present Knowledge in Nutrition. 10th

Edition; ch 42: 654-668.

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RESUME DE L’INTERVENTION

La maladie d’Alzheimer (MA) n’est pas une pathologie nouvelle puisque le premier cas a été publié en 1906. Néanmoins, le principal facteur de risque de la maladie étant l’avancée en âge, le vieillissement démographique en fait un véritable problème de santé publique. La MA ne se résume pas à des troubles de la mémoire mais s’accompagne de l’atteinte d’autres domaines cognitifs, en particulier du langage (aphasie), de la perception (agnosie) et de labilité gestuelle (apraxie). Une des complications les plus fréquentes de la MA est la perte de poids (1-4), reconnue comme étant un facteur de risque de progression de l’atteinte cognitive, de perte d’autonomie, d’institutionnalisation et de mortalité (5-8). Il y a de plus en plus d’arguments en faveur du rôle des nutriments sur le risque de déclin cognitif. La plupart des données de recherche clinique concernant les relations entre consommation de nutriments et survenue de déclin cognitif sont issues d’études d’observation et leurs résultats sont souvent discordants. Ces contradictions sont expliquées en grande partie par les problèmes méthodologiques inhérents à ce type d’étude (biais de sélection, facteurs de confusion, modalités de recueil et de mesure des apports nutritionnels, durée de suivi variable). Les résultats des Essais Cliniques Randomisés (ECR) ne sont pour le moment pas concluants et ne permettent pas de proposer de recommandations nutritionnelles en terme de prévention du déclin cognitif. L’hétérogénéité des populations étudiées avec des critères d’inclusion variables et la difficulté de contrôle des facteurs confondants rendent en rendent la tenue difficile. Dans ce travail, nous aborderons dans un premier temps l’influence des facteurs nutritionnels sur l’apparition des troubles cognitifs en présentant les résultats des principaux ECR. Puis, nous analyserons les travaux ayant étudié les rapports entre perte de poids et MA.

Facteurs nutritionnels et risque de maladie d’Alzheimer

Les recherches épidémiologiques réalisées ces dernières années soulignent le rôle déterminant de la nutrition dans le processus de vieillissement cognitif et tentent d’objectiver les facteurs de risque modifiables de la maladie. En raison de sa faible teneur en antioxydants, le tissu cérébral est particulièrement vulnérable aux attaques radicalaires. Les résultats des études longitudinales semblent montrer une relation inverse entre la quantité de vitamines anti-oxydantes (vitamines E, C et β-carotène entre autres) consommées et l’apparition de troubles cognitifs. Plusieurs ECR portant sur la supplémentation en vitamine E chez des sujets sans trouble cognitif ou présentant un déclin cognitif léger ont été publiés, mais aucun n’a montré d’impact significatif (9,10). Deux ECR récents ont porté sur la supplémentation en complexe antioxydant et ont montré une amélioration des performances cognitives au cours du suivi dans le groupe traité par rapport au groupe placebo (11,12), de la même façon qu’une supplémentation en β-carotène à long terme (13). Néanmoins, une récente méta-analyse semble montrer que la supplémentation en β-carotène, vitamine A ou E serait un facteur de risque de mortalité (14). Les relations entre les vitamines du groupe B et la MA ont fait l’objet de nombreuses études épidémiologiques dont les résultats sont très contradictoires. Les vitamines du groupe B agissent sur l’intégrité des structures cérébrales, ont une action sur les fonctions de neurotransmission et leur taux est inversement proportionnel à celui de l’homocystéine (Hcy), acide aminé soufré qui à taux sérique élevé est potentiellement toxique pour la paroi vasculaire et l’environnement neuronal. Sa conversion en méthionine et en cystéine nécessite la présence des vitamines

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du groupe B. Toutefois, la majorité des ECR portant sur les vitamines B9, B12 et B6 n’ont pas montré d’impact sur la cognition (15,16). Seuls 2 ECR ont montré des résultats positifs, l’un portant sur une supplémentation en vitamine B9 (17) et l’autre sur une association vitamines B9 et B12 (18). Une récente méta-analyse portant sur des ECR testant l’efficacité de la supplémentation en vitamines B9, B6 ou B12 chez des sujets indemnes de trouble cognitif ou présentant des troubles cognitifs légers n’a pas retrouvé de résultat positif (19). La supplémentation en vitamine B a également été testée chez des patients présentant une MA et seul un ECR a retrouvé un impact positif d’une supplémentation en vitamine B9 et B12 (20). Certains travaux suggèrent que la vitamine D pourrait avoir un rôle neuro-protecteur. Il existe d’ailleurs de nombreux récepteurs de la vitamine D dans certaines régions cérébrales comme l’hippocampe et le thalamus. Mais pour le moment, les données épidémiologiques sont insuffisantes pour porter une conclusion définitive (21-23). Les acides gras jouent un rôle dans la composition et la fluidité des membranes de neurone, ont un effet sur les phénomènes neuro-inflammatoires et sur les propriétés vasculaires cérébrales. Les études épidémiologiques semblent montrer que la consommation d’acides gras poly-insaturés, en particulier les oméga 3 (poisson, huile de noix) est associée à une diminution du risque de démence. Les études interventionnelles restent controversées, certaines ne montrant qu’un impact modeste sur certains aspects de la mémoire (24-27). L’intérêt croissant pour le régime méditerranéen provient de travaux convergents montrant une diminution du risque de maladies cardiovasculaires et de mortalité avec une alimentation favorisant des apports élevés en légumes, fruits, céréales et graisses insaturées (huile d’olive), modérément élevés en poisson, modérés en produits laitiers, faibles en viandes et volailles, modérée en vin. Des études longitudinales récentes montrent aussi une diminution de l’incidence de la MA et du déclin cognitif chez les populations ayant ce type d’alimentation (28,29). Scarmeas et ses coll. soulignent d’ailleurs l’effet additif de ce type de régime combiné à une activité physique régulière sur la baisse de l’incidence de la MA (30).

Maladie d’Alzheimer et perte de poids

Si les premières études ont décrit la perte de poids chez les sujets atteints de MA à un stade avancé, celle-ci peut être présente dès les stades débutants voire précéder le diagnostic de la maladie (31). D’après les données de la littérature scientifique, la perte de poids affecte entre 30 et 40% des patients atteints de formes légères à modérément sévères indépendamment de leur lieu de vie (domicile ou institution) (4,5). La perte de poids traduit toujours une insuffisance des apports caloriques alimentaires par rapport aux besoins. Au début de l’évolution de la maladie, ce sont les difficultés à réaliser les actes complexes de la vie quotidienne (difficultés à faire des courses, préparer le repas) qui peuvent en être à l’origine. D’autres hypothèses, non confirmées pour le moment, sont également évoquées: possibilité d’une élévation des dépenses énergétiques (32), atrophie du cortex temporal interne (33), perturbations biologiques (34), facteurs génétiques (35). D’autres travaux soulignent la relation entre le « fardeau » ressenti par l'aidant informel et la survenue d'une perte de poids chez les patients à des stades modérés à sévères (36). Au cours de l’évolution de la maladie, apparaissent fréquemment des troubles du comportement alimentaire dominés par l’anorexie. Les causes de l’anorexie sont multiples et très souvent intriquées : troubles de l’humeur, délires et hallucinations, causes somatiques, iatrogénie. A des stades plus sévères, le refus de s’alimenter peut se manifester par des attitudes d’opposition, des réflexes de défense, des troubles de nature apraxique (37). La perte de poids doit pouvoir être dépistée précocement pour être prise en charge au plus vite. La majorité des études

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confirme qu’une prise en charge précoce et adaptée permet une amélioration de l’état clinique (38).

Références

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NOTES

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Stress oxydant et maladies

dégénératives

Isabelle HININGER-FAVIER

Laboratoire de Biologie Fondamentale Appliquée /INSERM1055

Université Joseph Fourier-Grenoble

BIOGRAPHIE

Maitre de Conférence des Universités

Spécialité : Biochimie et Nutrition

Lieu de rattachement : Université Joseph Fourier- Faculté de Pharmacie Grenoble

1. IDENTIFICATION

Grade : Maître de conférences, classe normale, 5ème échelon

Etablissement : Université Joseph Fourier Grenoble 1

Section CNU : N° 87 : enseignants chercheurs de pharmacie en Sciences biologiques, fondamentales et cliniques

Qualification sur la liste d’aptitude aux postes de professeur : PR_2009_87_09187083804

2. TITRES ET DIPLOMES UNIVERSITAIRES

1988 Maîtrise de biochimie et de biologie moléculaire. Université des Sciences et Techniques du Languedoc. Montpellier II.

1989 Diplôme d'Etudes Approfondies spécialité : Physiologie et physiopathologie de la Nutrition humaine. Université Paris 7

1993 Thèse de doctorat ès sciences. Spécialité physiologie et physiopathologie de la Nutrition Humaine. Université Paris 7. Laboratoire de Recherche : Laboratoire de biochimie de la toxicité de l’alcool. Faculté de Médecine Paris V. Titre: « Intervention des radicaux libres dans la cardiotoxicité de l’éthanol ».

1997 Certificats d’Etudes Universitaire de « Recherche Clinique et Epidémiologie » . Université Claude Bernard-Lyon 1

2000 Diplôme Inter-Universitaire « de Formation des Assistants de Recherche Clinique des médicaments ». Université Claude Bernard Lyon I.

2004 Habilitation à Dirigé des Recherches. Délivré par l’Université Joseph Fourier

Titre: " Micronutriments antioxydants et prévention nutritionnelle".

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3. FONCTIONS UNIVERSITAIRES

Maître de Conférences (section CNU 87).

Enseignement : spécialité Biochimie et nutrition

Département de Biologie des Maladies et des Traitements. UFR Pharmaçie Grenoble

Recherche : Laboratoire de Biologie Fondamentale Appliquée (LBFA) /Unité mixte Université Joseph Fourier/INSERM1055

Thématique de recherche : Satut rédox- prévention nutritionnelle- cerveau-mitochondrie

PRIX SCIENTIFIQUES

1989. 2ème Prix Robert Debré, délivré par le Ministère de la santé pour mes travaux de DEA sur l’alcool.

1995 Prix C.E.I.V. (Centre d’Etude et d’Investigation sur les Vitamines) pour travaux sur les effets d’une supplémentation en caroténoïdes dans une étude Européenne

2009 Prime d’Excellence Scientifique de l’Université Joseph Fourier

PUBLICATIONS

- AKBARALY, N. T., HININGER-FAVIER, I., CARRIÈRE I., ARNAUD J., GOURLET V., ROUSSEL AM., AND BERR C. Plasma selenium over time and cognitive decline in the elderly. Epidemiology 18 (1): 52-8. 2007

- SEAMANS KM, HILL TR, SCULLY L, MEUNIER N, , HININGER-FAVIER I, CIARAPICA D, SIMPSON EE, COUDRAY C, CASHMAN KD.Vitamin D status and measures of cognitive function in healthy older European adults.Eur J Clin Nutr. 2010 Oct;64(10):1172-8.

- COUTURIER K, QIN B, BATANDIER C, AWADA M, HININGER-FAVIER I, CANINI F, LEVERVE X, ROUSSEL AM, ANDERSON RA Cinnamon increases liver glycogen in an animal model of insulin resistance. Metabolism. 2011 Nov;60(11):1590-7

RESUME DE L’INTERVENTION

Le stress oxydant (SO), ( défini dans les années 1980 comme un déséquilibre entre d’une part des espèces réactives de l’oxygène (EROs) et/ou l’azote (RNOS) et d’autre part les systèmes de défenses antioxydants capables de les neutraliser) est un facteur à considérer pour la compréhension mécanistique du vieillissement et de nombreuses maladies chroniques évolutives qu’il induit ou auxquelles il est associé, comme les maladies inflammatoires, cardiovasculaires, broncho-pulmonaires, affections de la peau, affections virales chroniques, cancers, diabète de type II, neurodégénératives, cataracte). Depuis ce concept a beaucoup évolué faisant passer les EROs d’ennemi public n°1 à la notion de molécules « signaling » intervenant dans la régulation redox de plusieurs fonctions métaboliques essentielles. Ces nouvelles données ne remettent pas en cause la théorie du stress oxydant mais le concept par lequel il a été abordé jusqu’à présent. En effet, depuis les échecs des essais d’interventions avec des supplémentations en antioxydants, les méta-analyses ne permettent pas de conclure à un effet bénéfique de la vitamine E dans la prévention des maladies cardiovasculaires, ni des caroténoïdes qui contre toute attente augmentent le risque du cancer du poumon chez les fumeurs. De nouvelles données sur la

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réactivité biologique des RNOS et leur essentialité dans l’adaptation de l’organisme à un stress oxydant et leur intervention comme interface dans plusieurs voies de signalisation, suggèrent que selon leur intensité de production ou leur forme, ces RNOS semblent jouer des rôles différents sinon opposés tels que signalisation, neuroprotection ou cytotoxicité. La notion d’une régulation redox est désormais devenue une notion incontournable pour la compréhension du concept de stress oxydant, faisant appel à une régulation beaucoup plus fine et complexe.

Du fait de l’ampleur du vieillissement démographique, le vieillissement du cerveau et son expression pathologique ( - la démence- et les maladies neurodégénératives) posent actuellement un problème de santé publique majeur, et en l’absence de traitement efficace. Il apparaît clairement que, pour les prochaines années, le pari à relever est de déterminer les facteurs protecteurs du vieillissement cérébral pour assurer un vieillissement «réussi ». Nous décrirons donc principalement, la place du stress oxydant dans les maladies neurodégénératives.

Stress oxydant et vieillissement.

Parmi les nombreuses théories bio-gérontologiques pour tenter de définir les causes du vieillissement (plus de 300), celle énoncée initialement par D. Harman en 1956 est la plus séduisante. Elle stipule que les réactions radicalaires entraîneraient l’accumulation progressive de modifications au cours du temps qui augmenterait la possibilité de maladies liées à l’âge et de mortalité. Depuis, cette théorie a été largement reprise et son influence est croissante2. Toutefois les supplémentations en antioxydants, n’ont pas permis d’allonger l’espérance de vie de rongeurs et paradoxalement, en désaccord avec la théorie proposée par Harmann, la production mitochondriale d’ERO a été décrite comme un facteur de longévité chez le vers C.Elegans3 alors que en accord avec cette théorie la surexpression de certaines enzymes antioxydantes augmente l’espérance de vie d’animaux. L’ensemble de ces résultats a donc amené à reconsidérer le stress oxydant, et à faire émerger la notion de signaling redox, une caractéristique de la réponse cellulaire à un stress oxydatif, permettant de la distinguer du SO4. Ce mécanisme impliquant l’oxydation de groupements thiols (-SH) portés par des cystéines en pont disulfure sont à l’origine d’effets biologiques variés capables d’interagir dans différentes de voies de signalisation sensibles à une oxydation. Plusieurs facteurs de transcription thiols-sensibles sont ainsi redox régulés parmi lesquels ceux impliqués dans l’expression de gènes codant pour des protéines antioxydantes comme Nrf-2 (Nuclear Factor E2-Related Factor 2)Viii. Ce dernier considéré comme le facteur de transcription « gardien » de la réponse antioxydante, en se fixant sur des séquences spécifiques de l’ADN appelé ARE pour Antioxidant Response Element, déclenche l’expression de protéines de phase 2 et de protéines antioxydantes comme le système thioredoxine. Ce dernier siège d’une régulation thiols-redox, est considéré comme un facteur anti-apoptotique en interagissant avec le pore de permeabilité mitochondriale. D’autres facteurs de transcription comme NFB, AP-1 , P53, HIF-1, les récepteurs aux glucocorticoides sont redox sensibles. Cette régulation «sulfur » redox des processus physiologiques apparaît désormais comme étant aussi importante que la régulation par phosphorylation/dephosphorylation pour le métabolisme énergétique avec lequel elle

2 . Neurobiol Aging. 23(5):795-807. 2002 3 Wen Yang et al. PLoS Biology, vol 8, 512: 1-14.2010 4 Foyer CH et Noctor G. Plant Cell. 17(7):1866-75.2005

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interagit en activant ou inhibant des kinases et des phosphatases 5. Etant donné le nombre importants des fonctions-clés sensibles à une régulation redox (parmi lesquelles: les canaux calciques, les protéines tyrosines phosphatases (PTP) et le pore mitochondrial de transition), il n’est pas surprenant que cette signalisation redox soit associée à de nombreuses fonctions cellulaires (contrôle de l’apoptose, des dommages à l’ADN, de l’homéostasie vasculaire, de la transcription de gène, de la modulation de la signalisation calcique, du contrôle de l’insulinosensibilité).

Stress oxydant et vieillissement cérébral

Le cerveau, en raison de sa forte consommation en oxygène, sa forte proportion d’acides gras polyinsaturés, molécules cibles de la peroxydation induite par les radicaux libres et de sa richesse en fer, alors que il est pauvre en antioxydants, est particulièrement sensible aux attaques radicalaires. Le rôle des EROs dans le déclin cognitif et la neurodégénération a fait l’objet de plusieurs revues6. La maladie d’Alzheimer, de Parkinson, la sclérose latérale amyotrophique (SLA) sont les plus fréquentes et ler étiologie est multifactorielle (génétique, environnementale ….) mais dans les trois cas, les marqueurs du stress oxydant sont anormaux. Le vieillissement cérébral et les maladies neurodégénératives montrent sur des cerveaux post-mortem un stress oxydant caractérisé par l’augmentation de dommage oxydatif (lipidique, protéique) et des modifications de l’ADN nucléaire et mitochondrial. Le stress oxydant joue un rôle aussi bien dans l’étiologie de la plaque amyloïde, que dans l’hypothèse inflammatoire ou du métabolisme calciques et de l’altération des fonctions mitochondriales. Dans la maladie de parkinson et Alzheimer des accumulations de fer sont décrites ainsi que des altérations du fonctionnement de la chaîne respiratoire. Dans la SLA, ce sont des mutations sur le gène codant pour l’enzyme antioxydante SOD qui ont été impliqué. Dans ces pathologies, les perturbations du métabolisme calcique et du fonctionnement mitochondrial coexistent avec une intervention à de multiples interfaces, du stress oxydant. Parallèlement des altérations des capacités mnésiques ont été associés avec une diminution des défenses antioxydantes (Se, Zn) au niveau plasmatique et cérébral et ou inversement corrélés à une accumulation de métaux divalents (Fe, Mn, Cu) qui en excès augmentent le stress oxydatif et les dommages cellulaires. Le taux intracellulaire de glutathion réduit (GSH) qui joue le rôle de tampon réducteur, en maintenant au niveau cellulaire un état réducteur, diminue avec l’âge dans toutes les régions du cerveau. Cette diminution serait liée à une diminution de son absorption, dont le mécanisme de transport membranaire nécessite que la cystéine soit sous forme réduite. Au cours du vieillissement au niveau systémique et cérébral l’augmentation d’IL6 est à l’origine d’une inflammation et une neuroinflammation. En cause, la liaison du facteur de transcription nucléaire NFkB rédox-sensible, sur le promoteur d’IL6 des cellules microgliales7,8 conduisant à une neuroinflammation qui produit à son tour des EROs créant un cercle vicieux. Le contrôle de l’inflammation par un traitement avec de NAC (N-acétyl cystéine) un précurseur du GSH, souligne l’interdépendance entre inflammation et production de EROs.

5 Suzuki YJ, et al. Free Radic Biol. Med 22:269–285.1997. 6 Serrano F & Klann E Ageing Res Rev. 3,431-443. 2004 7 Ye SM et al. J. Neuroimmunol.117,87-96. 2001

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Insulinoresistance, stress oxydant et déclin cognitif

Le vieillissement de la population est associée à une augmentation de la prévalence de diabète de type II et de syndrome métabolique en raison de l’insulinorésistance (IR) associée au vieillissement alors que inversement chez les centenaires ce risque insulinorésistance est faible. L’hyperglycémie est associée à une augmentation de la production des EROs et des altérations de la fonction mitochondriales ont été placés au centre des mécanismes étiologique de ce désordre métabolique : la production d’EROs par cette organite serait à l’origine d’une augmentation de l’apoptose et de la fonte musculaire. Au niveau systémique, l’hyperglycémie est corrélée à un stress oxydant élevé, qui a été impliqué dans l’étiologie des complications du diabète. Récemment l’insulinorésistance et le diabète de type II ont été associés à une augmentation du déclin cognitif et des maladies neurodégénératives, certains auteurs n’hésitant pas à parler de diabète de type 3 pour qualifier la maladie d‘Alzheimer. Il est désormais admis que le récepteur de l’insuline est exprimé au niveau cérébral, y compris au niveau de l’hippocampe et que l’insuline joue un rôle important pour le fonctionnement mnésique. La toxicité induite par une hyperglycémie pourrait conduire à des pertes fonctionnelles et structurelles du cerveau. Des autopsies post-mortem de patients Alzheimer ont révélé des niveaux plus bas d’insuline et de ses récepteurs dans le cortex frontal comparés à des témoins et outre l’agrégation protéique au niveau de la plaque amyloïde une augmentation du fer et du stress oxydatif est observée dans de nombreuses études.

Alors que un stress oxydatif est associé à une hyperglycémie et au risque de diabète de type II, paradoxalement, certains EROS auraient un effet « insulin-like « en absence d’insuline (comme au cours de la nuit)9. Plusieurs phosphatases, redox sensibles, comme la tyrosine phosphatase 1B (PT1B), seraient inactivées par H202 au niveau de cystéines spécifiques. Ainsi, en présence H202 ou d’un déplacement du milieu cellulaire vers un état plus oxydatif, le domaine catalytique kinase du R à l’insuline peut être phosphorylée et donc activé en absence d’insuline. Sachant que le récepteur à l’insuline intéragit également dans des voies de signalisation qui conduisent à une diminution de l’expression des sirtuines et à la protéolyse autophagique10, l’activation chronique induite par un SO du R-Ins pourrait supprimer ce mécanisme. Or ce mécanisme autophagique est nécessaire au maintien de l’intégrité cellulaire et l’hypothèse d’un rôle neuroprotecteur de l’autophagie a même été avancée. Ainsi les EROs selon l’intensité ou le tissus concernés apparaissent tout autant nécessaire que délétères pour l’activation du récepteur à l’insuline. Le fait que l’utilisation d’antioxydants dans des études d’intervention est augmentée le risque de DT2 chez des sujets apparemment sains amènent à reconsiderer le rôle des EROs dans cette pathologie.

Métaux divalents, stress oxydant et déclin cognitifs

Une accumulation de métaux divalents (Fe2+, Mn2+, Cu2+) au niveau cérébral peut être à l’origine de stress oxydant et de maladies neurodégénératives.

Le Fer participe à de multiples fonctions dans le système nerveux central parmi lesquelles l’expression de gènes, la synthèse d’ADN, la neurotransmission, la myélinisation, le transport d’oxygène, et le transport d’électrons au niveau de la chaîne respiration mitochondriale. Il participe aussi en tant que cofacteur à de nombreuses enzymes clés de la biosynthèse des neurotransmetteurs comme la dopamine (DA) et la noradrénaline. L’accumulation de fer au

9 Goldstein Barry J.et al. Diabetes. 2005 . 4(2): 311–321. 10 Dröge J Gerontol A Biol Sci Med Sci. 60(11):1378-85. 2005

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cours du vieillissement cérébral et l’augmentation du SO qui lui est associé ont été décrites dans de nombreuses maladies neurodégénératives (AD, Parkinson, Huntgington, ataxie de Friedrich, et la sclérose amyotrophique latérale) ainsi que au cours du viellissement normal. Le processus d’accumulation du fer implique une accumulation de ferritine dans plusieurs types de cellules neuronales (microglie, astrocytes et oligodentrocytes) et en particulier dans des régions sélectives du cerveau qui sont des cibles du vieillissement et des maladies neurodégénératives liés à l’âge (cervelet, substance noire). La neurotoxicité du fer attribuée à ses propriétés prooxydantes, (via la production en °OH dans la réaction de fenton qu’il catalyse), a été impliquée dans la perte des neurones, et le déclin des fonctions cognitives avec l’âge. Le SO et la production de EROs associé à l’excès de fer induisent des dommages moléculaires qui peuvent altérer et fragiliser les fonctions biologiques, modifier la structure des protéines et indiure finalement la mort cellulaire. De plus, l’accumulation du fer peut augmenter la neurotoxicité en activant le récepteur NMDA (N-méthyl-D-acide aspartatique. L’augmentation de monoamine oxydase (MAO), enzyme qui catalyse la déamination oxydative des neurotransmetteurs, réaction au cours de laquelle de l’H2O2 et des aldéhydes sont produits, est également impliqué dans le stress oxydant associé à la maladie de Parkinson.

D’autres oligoélements essentiels comme le Manganèse peuvent en cas d’excès être neurotoxique11. Bien que nécessaire à l’activité de la SOD, Mn mitochondriale, capable de métaboliser O2°- en H202, le Mn n’en est pas moins toxique, puisque son accumulation conduit au manganisme, une maladie neurodégénérative dont les symptômes sont proches de ceux de la maladie de Parkinson. Des travaux expérimentaux montrent un lien entre maladie d’Alzheimer et Mn suggérant un rôle du Mn dans l’agrégation protéique, et dans les maladies à prions.

Place des micronutriments antioxydants dans la prévention des maladies neurodégénératives et approche thérapeutiques

Les études épidémiologiques concluent à l’importance d'une prévention nutritionnelle, en montrant une association positive entre une alimentation saine, ou une consommation élevée de Zn, Se, polyphénols, et la cognition. Les arguments mécanistiques sur le rôle du stress oxydant dans le vieillissement, la diminution du statut en antioxydant (Se, Zn) d’une part et l’accumulation de fer libre, suggèrent qu’un contrôle plus efficace des sources de production des EROs et en particulier une suppression du fer libre devrait diminuer les conditions oxydatives dans les neurones et par voie de conséquence influencer favorablement les processus du vieillissement. Plusieurs études rapportent en effet un bénéfice d’un statut en Se et Zn élevé chez des centenaires et de meilleurs scores cognitifs chez les sujets âgés ayant des les taux plasmatiques les plus élevées pour ces deux éléments essentiels. Le zinc est, avec le fer, le métal le plus concentré dans le cerveau et 10 % du zinc se trouve dans l'hippocampe. Le zinc est un antioxydant, mais c’est aussi un antagoniste du fer et un neuromodulateur dans la transmission synaptique et axonale. Son rôle au niveau cérébral semble donc essentiel pourtant paradoxalement une accumulation de Zn est parfois retrouvée en cas de maladie d’Alzheimer.

Au cours de ces deux dernières décennies les polyphénols, se sont imposés comme une nouvelle classe de molécules qui suscitent le plus d’ espoirs thérapeutiques, en raison du

11

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rôle bénéfique d’une consommation élevée sur la prévention des pathologies dégénératives (MCV, diabète de type 2) et de leur rôle neuroprotecteur. Une revue de synthèse sur le rôle d’une consommation de polyphenols sur les performances cognitives conclue à un effet bénéfique des polyphénols (du thé vert, du cacao et des isoflavones de soja) tout en soulignant les limites de ces études12. La consommation de ces polyphénols a été associée à une plus faible prévalence de déclin cognitif13,14 et de dépression15, et améliorerait certains symptomes de la maladie de Parkinson. Leur structure chimique leur confère de puissantes propriétés antioxydantes mais également chélatrice de métaux divalent comme le fer, qui protègerait les cerveaux d’oxydation induite par le fer. Plusieurs études réalisés avec des constituants nutritionnels antioxydants (curcumine, isiothiocyanates acide caféique, flavonoides et terpénoides) suggèrent que les activités antioxydantes de ces molécules ne seraient pas les seules impliquées dans le bénéfice santé de ces nutriments mais que paradoxalement par un effet « subtoxique » ils permettraient d’induire Nrf2 et l’expression des enzymes sous son contrôle. Or Nrf-2, en plus d’être le « gardien de la réponse antioxydante à un stress est également capable d’induire l’expression d’un facteur de plasticité neuronale BDNF (Brain Derived neutrophonic factor) et son rôle neuroprotecteur en réponse à un SO16 a été proposé. La modulation de Nrf2, par les polyphénols, ouvre donc des perspectives thérapeutiques dans la prévention de maladies neurodégénératives. Cette nouvelle approche mécanistique dans le contrôle du stress oxydant est aujourd’hui porteuse de nouveaux espoirs thérapeutiques dans de nombreuses maladies dégénératives.

En résumé,

Le stress oxydatif est un marqueur biologique associé à de nombreuses maladies dégénératives et en particulier aux maladies neurodégénératives. Si une alimentation saine est en faveur d’une prévention des maladies neurodégénératives, toutefois l’évolution du concept du stress oxydant nous amène à être de plus en plus prudent dans l’utilisation des antioxydants. En effet les EROs seraient nécessaires à l’expression de systèmes de défenses antioxydants, à la régulation basale de l’insulinémie, au déclenchement de l’apoptose et à l’autophagie qui pourraient s’avérer bénéfique au cours du vieillissement. En cas de pathologies neurodégénératives, certains micronutriments dont les polyphénols par leur propriétés antioxydantes, anti-inflammatoires, insulino-sensibisatrice et chélateur de fer, voire subtoxique suscitent de nombreux espoirs thérapeutiques dans la prévention de ces maladies. Enfin un meilleur contrôle du risque d’intoxication par des oligoeléments essentiels présents en excès dans notre alimentation (Fe) ou dans l’environnement (Mn) pourrait être une des premières mesures de prévention à acquérir.

12

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NOTES

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Vitamine D et cerveau

Pr Jean-Claude DESPORT

Unité de Nutrition, CLAN et réseau LINUT ; CHU Dupuytren

INSERM UMR1094 - Faculté de Médecine, Limoges ;

mail : [email protected]

BIOGRAPHIE

Titres universitaires

Doctorat en Médecine, Spécialité en Anesthésie & Réanimation Chirurgicale, Maîtrise de Biologie Humaine, DEA de Physiologie et Physiopathologie de la Nutrition Humaine, Thèse d’Université, HDR, Professeur des Universités

Enseignement

Pr de Nutrition, Faculté de Médecine, Limoges ; Co-responsable du DU de Nutrition Humaine de Limoges ; Co-responsable du DIU de Médecine et Chirurgie de l’obésité (Toulouse Bordeaux Limoges), Coordonnateur inter régional du DESC de Nutrition

Ministère de la santé

Coordonnateur régional de la région Limousin pour le Programme National Nutrition Santé

Membre du groupe de travail national PNNS3 « dénutrition »

Membre du COPIL « alimentation et personnes âgées fragiles »

Activités de recherche

Enseignant chercheur INSERM UMR 1094 Faculté de Médecine de Limoges

Thématiques de recherches cliniques : Nutrition et maladies neurologiques, alimentation et nutrition de la personne âgée en maisons de retraites, épidémiologie nutritionnelle en établissement de santé, épidémiologie et obésité en médecine générale, nutrition activité physique et cancer.

Responsabilités régionales

Praticien Hospitalier, responsable de l’Unité de Nutrition Clinique du CHU de Limoges

Responsable du Centre Régional du Limousin de Prise en Charge de l’Obésité Sévère

Président du réseau « LINUT »

Président du Comité de Liaison Alimentation Nutrition (CLAN) du CHU de Limoges

Membre du Centre de Référence du Limousin pour la prise en charge de la Sclérose Latérale Amyotrophique

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RESUME DE L’INTERVENTION

1 Introduction

(Constans, Dickens, Guilland, Humble, Le Grusse, Parker)

La vitamine D, ou calciférol, longtemps considérée seulement comme un élément indispensable à l’équilibre phospho-calcique, voit depuis plusieurs décennies ses rôles se diversifier, et son importance grandir en pratique courante.

Elle est fournie à notre organisme par l’alimentation, sous forme d’ergocalciférol (vitamine D2) présent au niveau des végétaux, et de cholécalciférol (vitamine D3) présent dans diverses huiles de poisson, le jaune d’œuf, le foie, mais aussi dans de nombreux produits dits de complémentation. L’apport en cholécalciférol est cependant en général minime.

Il existe surtout, à partir du cholestérol, une synthèse cutanée de cholécalciférol sous l’influence des UVB du soleil, d’où l’assimilation pour certain de cette vitamine à une hormone stéroïde.

La vitamine D2 et le cholécalciférol sont transformées en 25OH hydroxycalciférol (25OH D) au niveau hépatique, puis au niveau rénal en calcitriol (1,25(OH)2 D3), forme active de la vitamine. Le dosage sanguin porte sur la 25OH D et situe la normalité au-dessus de 30 ng/mL.

Une grande partie de la population mondiale est carencée en vitamine D. Ce problème a probablement été récemment renforcé par les conseils dermatologiques de limiter notre exposition au soleil pour éviter les cancers de la peau. Les personnes âgées sont particulièrement à risque pour diverses raisons : elles s’exposent peu au soleil, elles peuvent avoir des apports alimentaires insuffisants, et leur métabolisme cutané et rénal est limité par l’âge. Les personnes à la peau foncée, qui synthétisent moins de vit D à ensoleillement égal que les personnes à peau blanche, sont aussi à risque de carence si elles vivent dans les pays occidentaux. La carence en vitamine D est donc un vrai problème de santé publique.

. La vitamine D agit par liaison avec des récepteurs nucléaires (VDR), et module la synthèse de protéines vectrices du calcium. La présence des VDR cérébraux est connue depuis 1982 mais, de manière paradoxale, leurs actions ne sont explorées que depuis peu. Les études neuro-histochimiques cérébrales ont montré qu’ils existent chez le fœtus, bien que le lien entre le statut de la femme enceinte en vitamine D et l’état neurologique ou psychologique ultérieur de l’enfant ne paraisse pas constant (Gale). Chez l’adulte, les VDR sont présent en particulier au niveau de zones cérébrales impliquées dans la cognition. En pathologie humaine, les études sont très rares : Sutherland et al. ont montré que les VDR et la calbindine (protéine liée au calcium) cérébraux sont moins présents chez les patients atteints de maladie d’Alzheimer (MA) versus ceux atteints de maladie de Huntington (Sutherland). Kuningas et al. ont signalé que les personnes âgées dépressives et avec altérations cognitives étaient porteuses de variations génétiques pour le VDR (Kuningas).

D’une manière plus fondamentale, les marqueurs associés à la vitamine D sont de trois ordres : les VDR, la concentration locale en calcitriol et les protéines intracérébrales liées au calcium, qui peuvent intervenir dans la toxicité calcique cellulaire. Les effets favorables de la vitamine D passeraient par diverses voies physiopathologiques, comme la modulation de l’expression des facteurs neurotrophiques et de certains neurotransmetteurs, la présence

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d’effets protecteurs contre non seulement le calcium, mais aussi le glutamate, les radicaux libres, les cytokines et d’une manière plus générale l’inflammation, la stimulation de la clearance de la protéine βamyloïde, la limitation de l’apoptose lors de la MA (Constans, Dickens, Humble, Kocovska). Les hypothèses d’action cérébrale sur les principales maladies neurologiques sont montrées par la figure 1.

Figure 1. Hypothèses d’action cérébrale du calcitriol (MA : maladie d’Alzheimer).

2 Relations avec les troubles cognitifs et les démences

La conclusion globale de nombreux travaux est qu’au moins pour les troubles cognitifs et la MA, une carence sévère en vitamine D, par rapport à une absence de carence, serait liée à la présence de troubles plus graves, et à la survenue plus précoce de MA. Néanmoins, Constans et al. concluaient en 2010 à partir de 10 études chez les personnes âgées qu’il ne s’agissait que d’hypothèses, du fait de la divergence des résultats (Constans). Le rôle de nombreux facteurs de confusion méritait d’être vérifié, parmi lesquels la race des personnes suivies, ainsi que leur niveau éducatif. Il en était de même avec une population d’adolescents dans une étude de 2011 (Tolppanen). La segmentation selon le sexe, chez les personnes âgées, semble en revanche être plus claire, avec chez les femmes des effets peut-être favorables d’un niveau d’apport élevé en vitamine D et d’un statut sanguin normal, effets non confirmés chez les hommes (Annweiler, Slinin 2010 et 2012). Cependant, les études d’intervention restent très rares et, de plus, leur qualité ne permet pas actuellement de conclure à l’intérêt réel d’une supplémentation en vitamine D (Corless, Manders).

3 Relations avec les pathologies cérébrales vasculaires et traumatiques

(Anderson, Buell, Oermann, Pilz, Wang, Wolf)

La carence en vitamine D est associée à une prévalence plus élevée d’infarctus cérébraux, ainsi qu’au risque d’AVC. Au moins dans des modèles cellulaires et animaux, le statut en vitamine D pourrait moduler l’étendue d’une ischémie cérébrale, d’où un intérêt potentiel en neurotraumatologie et neurochirurgie.

Tyrosine

hydroxylase Catécholamines

Noradrénaline

Dopamine

Humeur

Parkinson

Choline

acétyltransférase Acétylcholine MAA

Nerf growth factor (NGF)

Grial Derived Neurotrophic

Factor (GNDF)

Neurotrophine 3 et 4 (NT3 NT4)

Dévelopt cérébral

Autisme

Dépression

Schizophrénie

Parkinson..

Glutathion Effets antioxydants

Calcitriol

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4 Relations avec les pathologies psychiatriques

On sait depuis les années 1950 environ que, de plus en plus, le travail est pour une grande partie de la population occidentale effectué à l’intérieur, donc que l’exposition au soleil a régressé (Berck, Humble). Depuis les années 1980, il a de plus été conseillé de limiter l’exposition de loisir, du fait du risque accru de développement de mélanomes malins. Il est frappant de constater qu’en parallèle, l’incidence des états dépressifs et de l’autisme a augmenté, suggérant un lien avec l’ensoleillement, mais aussi la vitamine D (Berck, Humble). Néanmoins, les hypothèses principales concernant les voies d’action sont différentes, avec pour l’ensoleillement à la fois la synthèse de vitamine D et la stimulation de production cérébrale de sérotonine, et pour la vitamine D à la fois les actions neurotrophiques déjà décrites et la stimulation de production cérébrale de Dopamine (Berck, Humble).

4.1 Etats dépressifs (Berck, Bertone-Johnson, Humble, Parker)

La dépression est en rapport avec le contexte de vie et en particulier le stress, mais peut également être liée à des déficits synaptiques en neurotransmetteurs comme la Dopamine et la Norépinéphrine, d’où l’hypothèse d’un rôle de la carence en vitamine D. Les études ponctuelles tentant de relier la concentration sanguine de vitamine D à l’état dépressif ont des résultats discordants, avec souvent des problèmes méthodologiques qui en limitent l’intérêt (Bertone-Johnson, Hoogendijk, Lee, Pan). Les études longitudinales semblent montrer un plus fort risque de développer un état dépressif chez les personnes âgées, en particulier si ce sont des femmes, en cas de carence basale en vitamine D (Milaneschi). Les études d’intervention sont rares dans les états dépressifs classiques, plus nombreuses lors des états dépressifs saisonniers, mais là encore les résultats sont discordants, même avec des niveaux très élevés d’apports en vitamine D (Jorde, Klaergaard). Malgré la description de cas cliniques avec des améliorations spectaculaires d’état dépressif sous supplémentation en vitamine D, il n’y a donc pas de recommandation dans ce sens lors de la dépression.

4.2 Autisme (Humblea, Kocovska)

L’autisme est une maladie liée à l’environnement, mais aussi à la génétique. La vitamine D a un rôle modulateur sur au moins 200 gènes, qui peuvent participer à la construction cérébrale, donc pourrait jouer un rôle dans cette maladie. L’incidence de l’autisme augmente dans les populations qui s’exposent peu au soleil de manière volontaire ou non. Des études de populations migrant de pays du sud vers des pays du nord ont montré à la fois la réduction de la concentration en vitamine D et l’augmentation de l’incidence de l’autisme. De nombreuses études ont rapporté l’existence de carences en vitamine D lors de l’autisme, mais avec là aussi des discordances nettes, ne permettant pas de conclure. L’hypothèse d’un rôle fœtal de la concentration sanguine en vitamine D maternelle a été posée, à la lumière en particulier de l’étude d’une population somalienne ayant émigré en Suède. La supplémentation en vitamine D lors de l’autisme n’a été testée que de manière ponctuelle, produisant parfois une amélioration clinique. Il n’y a cependant pas de recommandation de supplémentation systématique dans cette maladie.

4.3 Schizophrénie (Humbleb, Itzhaky)

La schizophrénie est liée à l’environnement, la génétique, et probablement le statut autoimmunitaire et inflammatoire du patient. Des études de migrants vers l’Europe et le

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Canada montrent qu’il y a une augmentation de la prévalence de la maladie dans ces populations qui sont moins exposées au soleil, et ceci d’autant plus que les patients ont la peau noire.

Les nouveaux nés avec vitamine D basse ont plus de risque de développer la maladie, de même que les nouveaux nés qui sont nés en hiver.

Plusieurs études ont montré que les patients atteints de schizophrénie avaient un niveau de vitamine D faible, mais seulement deux études ont utilisé des populations contrôles, dont une sans différence significative. Dans tous les cas, le nombre de patients évalués est faible, et de plus les populations ne sont pas forcément comparables. Il n’y a pas de recommandation dans cette maladie concernant la vitamine D.

5 Relations avec épilepsie, la maladie de Parkinson et la sclérose en plaques (SEP)

5.1 L’épilepsie

Un effet épileptogène de carences sévères en vit D a été décrit, la vitamine D aurait une effet inhibiteur sur l’influx calcique neuronal, d’où une possible limitation de la fréquence des crises, et enfin un effet potentialisateur entre vit D et traitements antiépileptiques a été rapporté (Kocovska).

5.2 La maladie de Parkinson

De fortes prévalences de carence en vitamine D ont été décrites lors de la maladie de Parkinson, sans cependant de comparaison avec des populations témoins (Evatt, Sato). La vitamine D, par le biais de son action de stimulation du Glial Derived Neurotrophic Factor (GNDF), mais aussi par de multiples actions génomiques ou non génomiques (tableau 1), aurait un effet favorable lors de cette maladie (Humble, Luong).

Effets génomiques modulateurs de la vitamine D

- Complexe Majeur d’Histocompatibilité

- VDR

- Cyt 2D6 « détoxifiant »

- Système Rénine Angiotensine cérébral

- Protéine de stress (hème Oxygénase 1)

- Polypolymérase 1 (PARP1) (neurotoxicité, mort neuronale)

- GNDF, Nerve Growth Factor (NGF)

- Facteur de transcription Sp1 (production de Dopamine)

- PG (inflammation)

Effets non génomiques

- Diabète : possible liaison vit D – diabète – Parkinson (effet protecteur de vit D)

- Canaux calciques (toxicité neuronale dopaminergique)

- Métalloprotéases (inflammation)

- Limitation du stress oxydatif

Tableau 1. Hypothèse d’actions de la vitamine D lors de la maladie de Parkinson (Luong)

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5.3. La sclérose en plaques (SEP)

De même qu’un niveau bas d’ensoleillement, que la contamination par le virus Epstein-Barr et probablement l’intoxication tabagique, une carence en vitamine D est un facteur de risque de survenue de SEP connu depuis de nombreuses années (Kampman). La maladie est d’autant plus fréquente que les patients vivent sous des latitudes nordiques, et consomment moins de poissons gras. Il existe également un risque majoré pour l’enfant dont la mère était carencée en vitamine D durant la grossesse. Une étude longitudinale prospective a montré que le risque de rechute de la maladie baisse de 30 et 50% pour les personnes dont le statut est bon et élevé respectivement, versus un statut carencé (Runia). Enfin, une récente étude interventionnelle française apportant de l’ordre de 3000 UI/j de vitamine D à 76 patients durant environ 4 ans a démontré après ajustement sur l’âge, le durée de la maladie et les traitements immunologiques que l’incidence des rechutes est d’autant plus faible que le niveau de vitamine D est élevé, jusqu’à environ 45 ng/mL (Figure 2) (Pierrot-Desseilligny).

Figure 2 : Evolution de l’incidence de récidive de SEP selon le niveau de vitamine D sanguin en nmol/L (d’après Pierrot-Desseilligny).

6 Conclusions

La vitamine D, qui intervient dans la croissance cérébrale, les systèmes de défense du cerveau et les mécanismes de transmission intracérébraux, a pu être assimilée par certains à une hormone stéroïde. Elle joue très probablement un rôle dans de nombreuses pathologies neurologiques et psychiatriques. Les essais de supplémentation menés dans diverses affections ont eu parfois des effets positifs pour des cas cliniques, et au moins pour les patients atteints de SEP ont montré une limitation des rechutes.

Les recherches en cours doivent cependant encore préciser l’intérêt de la vitamine D, dans l’hypothèse de fournir des recommandations de pratique courante.

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