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Centre Catholique des Médecins Français(CCMF)

5 avenue de l'Observatoire, 75006 [email protected] — www.ccmf.fr

Conseil national• Aumônier national: Père Jacques Faucher (Bordeaux)• Président: Dr Bertrand Galichon (Paris)• Vice-Président: Pr Christophe de Champs (Reims)• Secrétaires généraux: Dr Bernard Guillotin, et Dr Stanislas Faivre d'Arcier (Paris)• Trésorier: Pr Christian Brégeon (Angers)• Autres membres: Dr François Blin (St-Witz), Pr Michel de Boucaud (Bordeaux), Dr Didier Deroche (Joué-les-Tours), Pr Jean-Paul Eschard (Reims), Dr Françoise Gontard (Paris), Dr Solange Grosbuis (Garches), Dr Patrick Lepault (Bordeaux), Dr René Pugeault (Dijon), Pr Jean-Michel Rémy (Garches)

Médecine de l'HommeComité de Rédaction

Dr Bertrand Galichon, Père Jacques Faucher, Père Olivier de Dinechin, Pr Christophe de Champs, Pr Christian Brégeon, Dr François Blin, Pr Michel de Boucaud, Dr Solange Grosbuis, Pr Jean-Michel Rémy, Dr Gérard Bleichner.

Prochaines activités du CCMFDimanches 3 avril et 19 juin, à Paris, chez les Bénédictines de Montmartre: Réunion du Groupe parisien du CCMF, poursuite de la lecture de l'Evangile de Saint Luc avec Mgr G. Gilson chez les Bénédictines de Montmartre. RV à 9 heures. Contact: [email protected]

Dimanche 15 mai, à Paris, Hôpital de La Pitié: Premières Assises des Associations de Professionnels Catholiques dans la Santé, sur le thème: «Entre professionnels dans la santé, oser la rencontre». Organisée par la Conférence des Associations de Professionnels Catholiques dans la Santé (ACMSS, AFPC, CCMF, JMC). Deux autres journées seront organisées en 2012 «En Eglises, faire le pari du dialogue» et en 2013 «Dans la société pour un service renégocié». Ces trois journées veulent appréhender les différents aspects de nos exercices. Elles s'inscrivent dans une préparation de la Diaconia 2013. Contact: [email protected].

Mardi 18 octobre, Fête de la St-Luc: faites nous part des différentes initiatives à votre connaissance, pour que nous puissions faire le relais.

Vendredi 21 octobre, à Bruxelles, dans les locaux du Parlement européen: Rencontre Européenne (organisée par les associations belges et françaises, avec la participation de la FEAMC) sur le thème: «Sens et non sens de la fragilité en Europe».Contact: [email protected], et [email protected]

Février 2012: Prochaine récollection du CCMF. Nous serions heureux si vous pouvez nous faire des propositions de thèmes et de lieux. Contact: [email protected].

Bordeaux, les jeudis, de 20h30 à 22h30: 5 rencontres sur le thème: "Vie psychique et vie spirituelle: Quel accompagnement ?"• 13 janvier, Centre Beaulieu, 145 rue St-Genès: "Les principales dimensions de la vie psychologique: Personnalité et connaissance de soi" - Mme Gérat-Muller et Dr M. de Boucaud• 10 février, Centre Beaulieu, 145 rue St-Genès: "Le champ existentiel. Les questionnements fondamentaux de l'homme dans les événements vécus" - Dr M. de Boucaud

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• 10 mars 2011, salle "Peyriguère", Centre Nazareth, 212-214 rue de Pessac (près barrière de Pessac / église Notre Dame des Anges): "La spiritualité et la religion. Les conceptions chrétiennes de l'homme" - Père Jacques Faucher• 7 avril, Centre Beaulieu, 145 rue St-Genès: "Eclairage biblique. Dans la lumière des textes: le cheminement de l'homme" - Père Alain Dagron• 5 mai, Centre Beaulieu, 145 rue St-Genès: "La dynamique de l'accompagnement. La relation, l'écoute et ses chemins" - Dr V. Pointillart, Dr P. LepaultContact: [email protected].

Diocèse d'Angers: la Pastorale de la santé organise 4 conférences sur l'euthanasie: • Mercredi 9 février, à Angers• Mercredi 23 février, à Saumur• Mardi 5 avril, à Cholet• Mercredi 6 avril, à SegréContact: Services diocésains Santé-Solidarités, et [email protected].

Reims, Centre Diocésain St-Sixte, mercredi 13 avril à 20h: Conférence de Bertrand Vergely: «Le mal et la souffrance: pourquoi le silence de Dieu?». Contact: CCMF de Reims.

Faites nous parvenir vos annonces à [email protected] les publierons dans notre prochaine édition.

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MEDECINE DE L'HOMMERevue du Centre Catholique des Médecins FrançaisTrimestriel — Nouvelle série N°4 — Février 2011

REFLEXIONS A LA VEILLE DE LA REVISIONDES LOIS DE BIOETHIQUE (2)

Sommaire• La nécessaire révision des lois bioéthiques, Editorial

Dr Bertrand Galichon ............................................................................................................... 5

• Emergence et champ de la bioéthique (2e partie)Pr Christian Brégeon ................................................................................................................. 6

• Quelle posture pour un parlementaire chrétien engagé à une époque où le spirituel est considéré avec gravité ?Mme Marie-Thérèse Hermange, sénateur de Paris ................................................................ 10

• Le principe d'indisponibilité du corps humainPr Michel de Boucaud .............................................................................................................. 14

• L'avenir de la procréation humaineDr Benoît Bayle ........................................................................................................................ 20

• Dons de gamètes: l'anonymat sert-il à quelque chose ?Mme Dominique Regnault, et Pr Dominique Gaillard ............................................................ 25

• L'accès aux origines: un droit d'humanitéDr Pauline Tiberghien ............................................................................................................. 28

• La gestation pour autrui… ou pourquoi est-il difficile de répondre à une question en apparence simpleDr Lise Selleret ........................................................................................................................ 31

• Questions de vocabulaire: diagnostic et dépistageDr Gilles Grangé ..................................................................................................................... 32

• Grossesse interrompue ou mort d'un enfant à la naissance: quels chemins possibles quand ces événements envahissent ?Association AGAPA ................................................................................................................. 34

• Liens internet sur la révision des lois de Bioéthique ........................................................ 33

• Notes de lecture ...................................................................................................................... 34- Patrick Verspieren : Pas de surenchère en bioéthique- Myriam Szejer: L'héritage encombrant des donneurs anonymes- Agata Zielinski: L'éthique du care. Une nouvelle façon de prendre soin- Françoise Gontard: A coeur ouvert. Approche relationnelle clinique en cardiologie- Pr Louis Puybasset: Enjeux éthiques en réanimation.- Violaine Journois: Approcher la personne qui souffre- Axel Kahn: L'ultime Liberté

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EDITORIAL:LA NECESSAIRE REVISION DES LOIS BIOETHIQUES

Dr Bertrand GalichonPrésident du CCMF

Pourquoi devons nous dans notre pays régulièrement réviser ces lois? Le maître mot est : ajustement. Il nous faut en effet ajuster une aspiration individuelle à un bien commun. Il faut ajuster une conscience à un savoir et inversement. Notre savoir scientifique, notre technique évoluent par eux-mêmes à une vitesse de plus en plus vertigineuse avec une logique qui leur est propre et constitutionnelle. Pour que la personne reste dans tout son mystère au centre de nos préoccupations il nous faut faire fructifier ce dialogue entre science et conscience, entre raison et Foi. Les questions soulevées par tous les bouleversements de notre société doivent nous permettre d'accepter ces décentrements pour approfondir plus encore l'intelligence de notre foi. Que signifie cette relation filiale au Père Créateur pour l'homme qui n'a de cesse que de s'en détacher? Relisons les premiers chapitres de la Genèse. Par la Création, la Révélation ne cesse de se renouveler. Profitons de cette tension !

Quelques principes fondamentaux doivent baliser notre réflexion éthique, lui donner un sens, une finalité. Le tout premier est l'indisponibilité du corps humain, de la personne. Nous devons en être les responsables, les garants. «Qu'as-tu fait de ton frère ?». Préserver la personne, guérir l'homme c'est vouloir le réhabiliter dans sa liberté, donc dans sa responsabilité. La liberté du médecin commence avec celle du patient et inversement. Le bien commun passe par la protection du plus faible. Cette posture donne tout sens à notre société. Le jour où elle ne sera plus au centre de notre réflexion, notre société réduite à un «attroupement» d'individus, avides de leur propre jouissance, sera morte.A cet égard, les grandes questions de bioéthique sont encore devant nous avec la médecine prédictive qui désignera le plus faible, ou encore la mise en question de l'utilité du grand âge dépendant. Quelle place, quelle symbolique donner à la fragilité ?

Les lois de bioéthique viennent dessiner une limite au-delà de la quelle se trouve posée une interrogation. Elles nous rappellent à la nécessaire quête de sens du bien commun. Elles nous invitent au discernement. Nous, médecins chrétiens, ne sommes pas seuls à partager cette préoccupation. Nous avons voulu dans ce dossier de «Médecine de l'Homme» par la mise en perspective de ces révisions insister sur ce nécessaire dialogue, à hauteur d'homme avec les patients qui nous sont confiés. Ces questionnements qui doivent trouver une réponse ajustée. Nous avons ainsi rapproché des articles de réflexion fondamentale et des contributions appréhendant la réalité de tous les jours.

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EMERGENCE ET CHAMP DE LA BIOÉTHIQUE(2e partie)

LE CHAMP DE LA BIOÉTHIQUE:DEUX EXEMPLES PROCHES DE NOUS

Pr Christian BrégeonLa réflexion bioéthique n'est pas réservée aux grands problèmes très techniques ou très médiatisés. Ce n'est pas non plus l'exclusivité des chercheurs ou des chirurgiens. Nous pouvons tous être concernés, et de près, dans des situations plus courantes, comme acteurs ou comme enjeux. Délibérément, j'ai choisi deux types de ces circonstances, où les uns et les autres nous pouvons être confrontés à un questionnement éthique difficile.

I. Le cancer est désormais une perspective qui menace la moitié d'entre nous, et l'angoisse qu'il suscite est toujours forte malgré les progrès thérapeutiques qui ont notablement réduit le caractère d'imminence de la mort que comportait naguère l'évocation de cette maladie.L'approche et l'annonce du diagnostic représentent des périodes particulièrement délicates. En général, après les premières évocations de cette éventualité, le ou la malade se prête volontiers à des explorations multiples et contraignantes. Si à ce stade, l'existence de "quelque chose'' se confirme, les réactions des patients ne sont ni uniformes ni toutes rationnelles. Certains, en s'aidant d'Internet, s'installent d'emblée dans une vision hyper lucide et pessimiste, alors que d'autres choisissent l'esquive ou la fuite en refusant d'entendre ou d'accepter pour eux l'annonce d'un résultat positif. Le médecin sait qu'il n'a plus le droit de cacher au patient la réalité de son état et qu'il faut en arriver à prononcer devant lui -sauf exception rare maintenant – les mots de cancer et de métastases, si telle est la vérité. C'est indispensable pour respecter son autonomie et obtenir une adhésion éclairée et efficace à son traitement. Mais en même temps, il doit garder tact et mesure pour éviter des réactions excessives ou incontrôlables qui aboutiraient à une véritable malfaisance à son égard. Quel juste milieu garder entre le trop et le pas assez, sans encourir le risque de nuire à son malade, psychologiquement ou par rapport à ses chances de guérison ? Faut-il alors alerter les proches ou la personne dite de confiance ? Faut-il garder une attitude paternaliste ou bien opter pour un véritable partenariat ? Le médecin est souvent bien seul avec sa conscience pendant la période de maturation nécessaire à la reconnaissance de la réalité, et l'ajustement de la communication aux capacités de son patient est un véritable problème d'éthique médicale et une cause d'inquiétude qui se renouvellent avec chaque nouveau malade.

Certains cancers du sein ont indiscutablement une distribution familiale, authentifiée maintenant par l'existence de marqueurs génétiques, les oncogènes ou les mutations du gène BRCA 1 et 2. Leur découverte a déclenché un véritable problème de Médecine prédictive, dans la mesure où toutes les femmes de la lignée, sur plusieurs générations, peuvent se trouver concernées. Dans de bonnes conditions, l'appréciation du risque réel se fait en couplant les données cliniques et les marqueurs génétiques recherchés à bon escient. Mais une firme américaine a réussi à faire breveter, aux Etats-Unis et en Europe, les tests de recherche qu'elle a mis au point, et elle détient de ce fait un monopole (direct ou concédé) de ces tests sur la planète entière, et elle en use largement par le biais d'une publicité active sur Internet et l'envoi facile de kits permettant à toute personne qui le désire de savoir si elle est porteuse de ces marqueurs. Les résultats, fournis directement au demandeur, sans connaissance du cas particulier et sans commentaire, peuvent entraîner certaines malades à demander l'ablation des deux seins et une castration chirurgicale.Or cette pratique,outre le caractère un peu sauvage et impersonnel de cette enquête standardisée, pose en fait le grave problème bioéthique de la brevetabilité des gènes. Les conventions internationales reconnaissent toutes que l'on ne peut breveter la séquence d'un gène qui existe dans la nature, même après l'avoir isolée, purifiée ou synthétisée,car le corps humain ne peut pas faire l'objet d'un commerce, et le libre accès à la connaissance doit être assuré à tous les chercheurs.Par contre, et la firme américaine utilise à fond cet argument, les procédés techniques, fruits d'une activité créatrice, d'une innovation, peuvent faire l'objet d'un brevet. Les autres laboratoires qui avaient développé des tests plus fiables mais beaucoup moins onéreux, ont été contraints à de longues démarches pour que les arguments de santé publique et d'équité dans l'accès aux soins, auxquels s'oppose le monopole de fait, fassent reculer cette logique de brevets.

La conduite des traitements est aussi un domaine où l'éthique intervient. Le cancérologue, bien conscient que chez un cancéreux aucun protocole thérapeutique, même solidement discuté et vali-

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dé en staff technique, ne fournit une assurance absolue de guérison, va devoir exposer de façon compréhensible et positive les justifications rationnelles de ses choix et chercher l'acquiescement de son patient, sans cacher les effets secondaires qui sont presque inhérents à ces thérapeutiques. La simple perspective d'une amputation de sécurité ou d'une perte de cheveux peut provoquer un refus d'emblée. Lors des échanges, apparaît vite une tension entre la durée de vie, objectif souvent prioritaire pour le médecin, et la qualité de vie, qui traduit mieux les préférences subjectives du patient. On s'est attaché, depuis une vingtaine d'années, à réintroduire ces dernières dans la sphère du rationnel et du mesurable, puisque l'on sait aujourd'hui évaluer et même quantifier la qualité de vie : telle option offre statistiquement 10 années de vie, mais au prix d'un mois d'hospitalisation, parfois pénible, chaque année, tandis qu'une autre, sans hospitalisation périodique, n'offre que 6 ou 7 ans. Lors des discussions et à l'heure des choix, c'est en définitive le malade, bien informé sans "catastrophisme", qui doit supputer ses chances, exprimer ses préférences, et avoir le dernier mot.

La même attitude doit prévaloir si le malade entre dans un protocole d'expérimentation de médicaments nouveaux. Les règles d'information complète et de consentement éclairé imposent parfois des échanges éprouvants - pour le malade et le médecin - d'autant plus que le bénéfice escompté de cette recherche, qui demeure irremplaçable, ou le rapport bénéfice-risque, seront plus utiles à la communauté des malades qu'au patient lui-même. Il est indispensable que l'on soit particulièrement vigilant vis-à-vis des conditions d'autorisation et de surveillance du protocole de recherche, et que l'on respecte scrupuleusement la liberté du patient de quitter à tout moment l'étude en cours.

II. L'autre exemple concerne le don et le prélèvement des organes pour les greffes.C'est indiscutablement une grande cause sociétale. On reconnaît volontiers que depuis Noël 1952 (1ère greffe de rein à Paris) et 1967 (1ère greffe de cœur) les progrès techniques et les réussites en matière de transplantation ont été extraordinaires. Mais les besoins restent énormes: globalement en France 12 000 à 13 000 personnes attendent chaque année une greffe d'organe, mais on n'en transplante même pas 5 000; en 2008, il y a eu 3 000 greffes de rein, mais 6 770 candidats étaient en attente. Les non-transplantés restent sur la liste d'attente, et beaucoup meurent par absence de don disponible: 379 en 2007, pour la France, 2 par jour en moyenne sur 40.000 candidats en Europe. N'oublions pas enfin que beaucoup d'autres prélèvements peuvent aussi être réalisés: l'ensemble cœur-poumon, pour les mucoviscidoses des sujets jeunes notamment, le foie, en urgence, le pancréas, la cornée…

Spontanément, nous sommes tous convaincus du principe d'avoir à répondre – par une sorte d'obligation morale – à cette large demande, et nous compatissons à l'angoisse de tous ceux qui sont en attente, comme nous trouverions logique de recevoir une greffe si cela se justifiait.Or, malgré toutes les campagnes des organismes et des associations, en faveur du don d'organes, il persiste, bon an mal an, une proportion de refus d'environ 30% par rapport aux possibilités de prélèvement et de don. Un bref calcul nous montre qu'en réduisant cette opposition, on pourrait augmenter fortement les chances des malades qui sont en attente.Volontairement, je n'aborderai pas les problèmes techniques ni les règles d'attribution des organes, pour m'en tenir à ce qui nous concerne, nous qui sommes ici, ou nos proches, car nous pouvons être personnellement et très brutalement plongés dans ce grave problème éthique du consentement au don.

Nous pouvons l'être de plusieurs manières. Très exceptionnellement comme un éventuel donneur vivant, d'un rein (organe double) ou d'un lobe de foie par exemple. Cette occurrence est strictement encadrée en France par la loi, et ne peut être que gratuite et librement consentie, après une exposition répétée et une prise de conscience authentique des risques vitaux et psychologiques auxquels le donneur est exposé à court et moyen terme. Il n'en est pas partout ainsi aujourd'hui (c'est parfois une véritable entreprise commerciale, en Asie, au Moyen-Orient, et en Egypte, où vient d'être promulguée une nouvelle loi portant interdiction de vendre ses organes).On admet en effet que l'homme peut légitimement faire don de son corps et des ses organes après sa mort, dans l'intérêt collectif, mais non pour en tirer un profit personnel. Le corps humain, siège de la personne, garde même après la mort un caractère sacré et l'on ne peut le considérer comme un simple objet. Contrairement au mercantilisme de la société industrielle qui tend à traiter les parties du corps ou les tissus humains comme des marchandises, ou des "dispositifs médicaux'', la France s'est toujours opposée à cette idée, qui a pourtant été inscrite dans une directive européenne de 1993, discutée, à vrai dire à Bruxelles dans le cadre du groupe "Marché Intérieur''.

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Notre loi rappelle fermement la non-patrimonialité, la non-commercialisation et la non-disponibilité du corps humain.Dans la quasi-totalité des cas, le prélèvement est réalisé sur un donneur décédé. Le décès peut être «normal», mais il faut que ce soit en milieu hospitalier et dans des conditions telles que le prélèvement puisse être organisé de façon valable. En fait, 90% des greffons sont prélevés sur des patients en état de mort encéphalique, après traumatisme, accident vasculaire cérébral, ou arrêt cardio-respiratoire, dans un service de réanimation. Et, dans ce cas, nous pouvons être directement questionnés comme personne de référence ou parent proche, si la personne dont on déclare la mort encéphalique représente un donneur potentiel. Il faut alors, en quelques heures tout au plus, donner son consentement ou son refus, l'indécision prolongée étant toujours interprétée comme une absence de consentement.Il nous faut ainsi, généralement dans un contexte de grande émotion, d'angoisse ou même de drame, intégrer et accepter psychologiquement la réalité couverte par le terme de mort encéphalique. Les critères précis en sont : pas d'activité cérébrale discernable sur 2 EEG (électro-éncéphalogrammes) pratiqués à 12h d'intervalle et absence de circulation cérébrale constatée par angiographie. Mais en même temps, on constate que le "mort'' respire et que son cœur continue à battre, grâce à l'appareillage, nous l'admettons, mais cela reste troublant. De plus, cette mort, souvent brutale, nous refusons, au fond de nous-mêmes, de la reconnaître, de l'accepter, et enfin nous pouvons mettre en avant une certaine sacralisation du corps qui est une valeur constante de notre civilisation. Il n'en faut pas plus pour expliquer la permanence de ces refus de prélèvement et de ces morts sur les listes d'attente.

La loi française a bien essayé d'éclairer ce problème du consentement. Jusqu'en 1976, celui qui n'avait pas consenti explicitement était considéré comme opposé au prélèvement. La loi Caillavet a alors inversé le raisonnement : celui qui n'avait pas clairement fait connaître son opposition de son vivant était réputé consentant, ce qui donnait une priorité à l'intérêt collectif sur le droit de la personne. Mais cela n'a pas remédié fondamentalement à la pénurie, car il faut toujours tenir compte des proches et de leur douleur. Actuellement, il existe d'une part des cartes (ADOT ou Agence de la Biomédecine) qui permettent de dire son acceptation de donner ses organes en cas de décès, et d'autre part un registre national des refus sur lequel on peut s'inscrire (sur carte ou par Internet), dès l'âge de 13 ans, et qui laisse la possibilité de changer d'avis. Ce registre est obligatoirement consulté, mais il n'est pas très fourni : à peine 50 000 refus.

Concrètement, nous sommes en fait doublement concernés par cette question du don d'organes pour greffe :1. comme référents toujours possibles d'un accidenté qui n'a pas exprimé son opposition absolue, nous avons à réfléchir, personnellement et avec les autres proches, sur les valeurs qu'il défendrait, avec leur hiérarchisation, et à prendre l'option qu'il aurait très probablement choisie s'il lui avait été possible de l'exprimer, en dépassant l'émotion et la douleur, mais sans imposer nos préférences.2. comme prévoyants-responsables, pour le cas où nous serions placés - nous-mêmes - dans le rôle d'un donneur de greffe ou de tissus- en cas de refus, enregistré ou non, quels sont les critères que nous mettons en avant ?- si nous sommes favorables au don, acceptons-nous de porter sur nous une carte accessible signifiant notre acceptation, et surtout avons-nous clairement fait savoir à nos proches quel était notre choix, car dans tous les cas ils seront sollicités pour interpréter nos directives anticipées le cas échéant ?

Ces questionnements ne sont sans doute pas très médiatiques, mais ils sont indiscutablement éthiques et pratiques, et surtout ils nous impliquent très personnellement sans nous permettre de nous défausser sur quelqu'un d'autre.

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QUELLE POSTURE POUR UN PARLEMENTAIRE CHRÉTIEN ENGAGÉ À UNE ÉPOQUE OÙ LE SPIRITUEL

EST CONSIDÉRÉ AVEC GRAVITÉ?Marie-Thérèse Hermange, sénateur de Paris

janvier 2011

Le parlementaire représente la chose publique, c'est à dire «l'opinion qui pense mal» selon Bachelard. "La science, ajoutait Bachelard, s'oppose à l'opinion, et s'il lui arrive, sur un point particulier, de légitimer l'opinion, c'est pour d'autres raisons que celles qui fondent l'opinion; de sorte que l'opinion a, de fait, toujours tort". Son propos n'est donc pas celui de l'érudition mais celui d'une personne qui a vocation à légiférer. Alors que le parlement va être conduit à réviser la loi bioéthique de 2004 autour des cinq thèmes suivants : l'assistance médicale à la procréation, le prélèvement et la greffe d'organes, les diagnostics prénatal et préimplantatoire, la médecine prédictive, la recherche sur les cellules souches et sur l'embryon, ce rôle revêt une signification particulière. Et d'autant plus si on est une femme qui tente d'être chrétienne en politique et qui pour cela cherche le roc sur lequel bâtir ses décisions, tâche difficile qui donne parfois l'impression de bâtir sur du sable. Dans cette perspective, avec une conception de l'homme selon laquelle "tout homme est une histoire sacrée", toute préoccupation bioéthique fut-elle de bienfaisance ou de compassion ne peut se soustraire à un questionnement sur le sens. Voter sur la bioéthique c'est voter sur l'être humain, sur une vision de l'homme et sur des situations que le citoyen peut être amené à rencontrer dans son propre corps. Le corps est-il du ressort de chacun ou la société doit-elle protéger l'homme à travers le corps de chacun? Peut-on accepter la commercialisation du corps humain sans porter atteinte à la communauté humaine en général? Que doit-on autoriser et pourquoi ? Jusqu'où sommes-nous prêts à aller pour satisfaire telle ou telle demande particulière ? Qu'est-ce que c'est que donner lorsque l'on donne son propre corps? L'énoncé de ces questions témoigne que si elles ne sont pas ordonnées à tout le moins à la loi naturelle, l'homme peut avoir pour tentation de se vouloir maître de l'homme. Or le fait de se rendre maître du corps de l'autre et «de s'élever lui-même au rang de créateur déiforme peut finalement aboutir à la destruction même de l'homme1». C'est pourquoi sous couvert de bioéthique, nous sommes quelquefois en réalité en pleine situation inéthique.Telle est la contradiction que nous posent les débats d'aujourd'hui. Ainsi, malgré une conception anthropologique altruiste prégnante dans notre droit (corps au service de l'homme1), les risques sont grands de voir se construire un corpus juridique sociétal où le corps devient une denrée pour se servir de l'homme (II), donnant au législateur l'occasion de s'interroger sur cette parole de Luc (11, 46) : «malheureux êtes-vous, docteurs de la loi, parce que vous chargez les gens de fardeaux impossibles à porter.» (III)

I. Une conception du corps au service de l'hommeEn France, les dons de produits humains (cellules, tissus ou organes2) faits "à titre exceptionnel dans l'intérêt thérapeutique d'autrui3" obéissent à la reconnaissance de principes éthiques universels: la dignité de la personne humaine et le respect de la vie d'êtres humains desquels découlent tous les autres. En donnant ce statut protecteur au corps humain, le législateur a fait prévaloir l'indissociabilité de la personne et de son corps et en a déduit un triptyque juridique pour tout ce qui est relatif au don d'organes : le consentement présumé qui implique, qu'après sa mort chaque personne est présumée consentante si elle n'a pas manifesté son opposition de son vivant sur un registre, ou à sa famille. L'anonymat du don4 qui se veut une mesure de protection de la vie privée du donneur et du receveur destinée à empêcher pressions morales et financières. La gratuité5 veut exprimer le fait que le don est appelé à rester dans la sphère de la générosité et de la solidarité, mais aussi le fait que "le corps humain, ses éléments et ses produits ne peuvent faire l'objet d'un droit patrimonial6" et que ses organes ou tissus ne peuvent être utilisés comme des articles à vendre ou à utiliser. Le non respect de ce principe est pénalement sanctionné7 mais cette interdiction n'exclut toutefois pas un remboursement des frais que le donneur a pu engager8.Ce corpus juridique a une dimension anthropologique dès lors que les principes qui les dictent ne sont ni soumis aux progrès de la technique ni aux lois du marché et qu'ils encadrent et protègent une réalité intemporelle, celle du bien-être humain. Cette dimension rejoint la loi naturelle mais aussi la dimension chrétienne puisque pour celle-ci, il ne s'agit pas de donner quelque chose qui nous appartient dans la mesure où le bien de la vie n'est pas la propriété de l'homme et que nul ne se fabrique son corps. Chacun le reçoit comme un don gratuit de Dieu. C'est pourquoi aucun prix quel qu'il soit ne peut correspondre à ce don gratuit et total. C'est seu-

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lement dans le cadre de ce don libre que le prélèvement d'organes a un sens. Celui-ci n'est en réalité qu'un acte technique et chirurgical qui n'a de consistance que s'il se situe non sur une logique de prélèvement mais sur celle de la divine surabondance que l'être humain peut accueillir et faire sienne en vérité. C'est la raison pour laquelle aujourd'hui, nul ne peut contraindre, d'une manière ou d'une autre à donner son corps. Or aujourd'hui ce corpus juridique est remis en question par une construction matérialiste et utilitariste du corps tendant à en faire une denrée et sur laquelle se fondent certains discours.

II. Les risques d'un corpus juridique où le corps serait conçu comme une denrée pour se servir de l'hommeA - Le discours quantitativiste de la pénurie d'organesDepuis quelques années, la politique de prélèvement d'organes est remise en question au vue de la pénurie chronique d'organes disponibles9. Face à cette situation, des efforts ont été réalisés pour augmenter le nombre de donneurs décédés ou vivants. Néanmoins certains estiment qu'une nouvelle approche est nécessaire : vision anatomiste du cadavre où la mort est attendue pour rendre possible la transplantation d'un organe, propositions de prélèvement systématique au nom d'une générosité imposée de commande. C'est dans ce cadre que des tactiques comme rechercher soi-même l'organe nécessaire ou son donneur sur internet, acheter son organe à l'étranger10, s'immiscent dans le débat et changent la donne. Toujours est-il que les mentalités semblent évoluer. La liste des interrogations deviendrait alors sans fin : comment sera régulé ce marché ? Sera-t-il régi par un contrat ? Sera-t-il pratiqué pour tous les dons y compris pour les dons intrafamiliaux ? Considère-t-on que tous les donneurs subissent un préjudice dans leur corps, auquel cas tous les donneurs devraient être indemnisés par principe? Au-delà des questions théoriques, combien d'organes ou de prises de sang pourra-t-on vendre par personne? Quel public sera concerné par la vente des produits de son corps? Quand les échanges sont régulés par l'argent n'y a-t-il pas l'évidence que les plus aisés achèteront aux plus nécessiteux? C'est ainsi que nous sommes entrain de glisser vers un risque de marchandisation pour l'ensemble des dons d'organes où le corps serait conçu comme une denrée.

B - Les risques de marchandisation pour les dons du corps ou le corps conçu comme une denrée1) La rémunération du don de gamètes et plus particulièrement du don d'ovocytes : problématique posée en raison d'une part de leur pénurie, et d'autre part de pratiques fréquentes dans des pays comme l'Espagne. Si le législateur lève la gratuité, n'assimile-t-il pas ce don à une logique comptable de résultat, faisant des ovocytes et au-delà des génitrices, des denrées au service de la vie ? Quel récit de ces origines sera fait à l'enfant s'il n'est pas le fruit d'un don mais d'une tractation marchande? l'acceptation d'une rémunération pour les dons d'ovocytes ne risque-t-il pas de faire lever la gratuité pour tous les autres dons d'organes ?

2) La recherche sur l'embryon ne peut être déconnectée de son application industrielle éventuelle - dans l'hypothèse où des applications thérapeutiques seraient un jour démontrées - puisqu'il existe un continuum qui s'étend de ladite recherche à son développement industriel. Aujourd'hui une telle finalité est expressément interdite par le code de santé publique11 mais sous la revendication d'un régime «d'autorisation pérenne» n'a-t-on pas en filigrane pour objectif de ne pas décourager les investissements privés par des échéances à court terme ? l'autorité du laboratoire peut-elle rendre caduque toutes les disciplines qui ont parlé de l'homme autrement que sous la forme d'une molécule ?C'est ce que nous allons voir aussi avec une question qui fait actualité : la gestation pour autrui.

3) La gestation pour autruiAu-delà du fait que légaliser la gestation pour autrui12, c'est légaliser un abandon d'enfant puisque la mère d'intention ne deviendra légale qu'après une procédure d'abandon à la naissance par celle qui accouche, légaliser la gestation pour autrui c'est aussi réifier la femme en la considérant comme un sac ou un garage à louer puisque la GPA implique un échange marchand entre la mère porteuse et la mère commanditaire. C'est donc considérer indirectement que l'être humain est une chose puisqu'en vertu de notre droit il n'y a que les choses qui sont dans le commerce qui font l'objet de convention. C'est enfin poser plusieurs questions : quel sera l'objet du contrat ? Comment sera-t-il résilié ? l'acte de céder un enfant contre rétribution ne le fait-il pas basculer dans le monde des choses, appropriables et disponibles, à l'inverse de la personne radicalement indisponible ? Là aussi, c'est enfin perturber toute notre éthique du don.

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De concession en concession nous abandonnerions les principes d'humanité qui constituent le socle de celle-ci jusqu'à faire du corps humain une denrée oubliant cette adresse : «Malheureux êtes-vous docteurs de la loi».

III. Malheureux êtes-vous docteurs de la loiOn l'a pressenti, ni la science ni la médecine ne disent où est le bien de l'homme et seulement ce qu'est un homme. Des institutions qualifiées ont la charge de se prononcer en la matière : des institutions législatives et gouvernementales qui ordonnent le monde et la cité. Ainsi, c'est par le biais du législateur et du gouvernement que le sens de ce que font et de ce que doivent faire médecine et biologie leur est donné. Or, si le cadre légal omet la finalité même de l'homme -le replacer au cœur du dispositif législatif - mais le fonde exclusivement sur une philosophie organique matérialiste et rationaliste ou un relativisme éthique, comme le souligne Benoit XVI13, «les réponses aux défis de la société d'aujourd'hui apparaissent comme des réponses inadéquates à la juste question de l'homme. Le rationalisme (...) ne tient pas compte des limites humaines (...) - et - mortifie la raison parce qu'il arrive à affirmer que l'être humain ne peut rien connaître avec certitude au-delà du domaine scientifique positif.» Ainsi, si les dispositions législatives ne sont pas tendues vers le bien commun fondé sur la loi naturelle, les principes qui font humanité sont alors constamment remis en cause. Or si la législation devient un compromis entre divers intérêts et désirs, le législateur transforme alors en droit, des intérêts privés ou des désirs, qui s'opposent au devoir découlant de la responsabilité humaine de l'homme. C'est pourquoi le droit naturel est en définitive «le seul rempart valable contre l'abus de pouvoir technologique» qui consiste à réduire l'être humain comme objet de manipulation vendable et sécable traité comme une denrée et un marchandise abandonnant le sujet faible à la volonté du plus fort. Ainsi est renvoyée au législateur cette affirmation «Malheureux alors êtes-vous docteurs de la loi». L'oublier c'est ne pas saisir que c'est par ce qu'il y a ontologiquement quelque chose d'altéré et d'abîmé en l'homme, de manquant, que l'homme aspire à un autre que soi, c'est-à-dire à l'altérité qu'il recherche en raison de son altération. L'homme d'aujourd'hui en voulant maîtriser l'homme pour en définitive, pouvoir le maîtriser dans son corps, dans sa vie, ne parvient qu'à un objectif : capturer la vie et occulter la souffrance dans sa nudité irréductible.

1. Benoit XVI, 12 09 2008, rencontre avec le monde de la culture aux Bernardins.2. Aujourd'hui, il est possible de prélever et de greffer :- les organes (le cœur, les poumons, les reins, le foie, le pancréas); - les tissus et notamment les tissus concernant la peau, les tendons, la cornée, les os, les valves cardiaques ou les veines et vaisseaux sanguins. Mais des techniques expérimentales de greffes de tissus composites (mains, parties du visage) existent aussi.- les cellules essentiellement aujourd'hui les cellules souches* hématopoïétiques* prélevées dans la moelle osseuse, le sang périphérique ou le sang de cordon ombilical, lesquelles concernent le traitement d'environ 85 maladies.3. Art. 16-3 du Code civil4. Disposition qui s'applique au prélèvement du don d'organes sur donneur décédé ou au don de tissus comme les cellules hématopoïétiques.5. D'abord exigée pour le sang, inscrite dans le code de la santé depuis 19766. Art. 16-1 du code civil7. Art. L. 1272-1, L. 1272-3 et L. 1273-28. Décret du 11 mai 20009. La baisse observée en 2008 de l'activité de greffe d'organes se poursuit en 2009 avec 4 580 organes greffés contre 4 620 en 2008 soit une baisse de 0,9%.10. Aux USA, en Inde, en Europe avec des marchés intéressants et des propositions d'immédiateté pour être greffé sans tenir compte toujours des complications médicales pour le receveur: infection grave allant jusqu'au VIH (en Inde 78% des donneurs sont atteints de VIH), thrombose des veines rénales, hépatite B et C, pneumonie etc.) ou du taux de mortalité. C'est ainsi qu'en Inde la mortalité à un an après transplantation commerciale est de 10 à 19% alors qu'elle n'est que de 1 à 2% en Europe pour une greffe à partir d'un organe cadavérique.11. Art. L 2141-8 et L. 2151-3 du code de santé publique : "Un embryon humain ne peut être conçu ni utilisé à des fins commerciales ou industrielles."; "Un embryon humain ne peut être ni conçu, ni constitué par clonage, ni utilisé, à des fins commerciales ou industrielles."12. 13. 5 août 2009, catéchèse sur le Curé d'Ars

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LE PRINCIPE D'INDISPONIBILITE DU CORPS HUMAINPr Michel de Boucaud, psychiatre, ancien Président du CCMF

Le principe d'indisponibilité du corps humain est la base fondamentale de toute éthique humaniste. Il permet d'affirmer que le corps humain ne saurait être considéré comme un objet manipulable, marchandable ou utilisable selon les propres désirs de l'homme. Il repose sur des fondements philosophiques affirmant que le corps fait partie de notre existence et que l'existence corporelle est bien une existence absolue. Il a des dimensions juridiques précises et il amène à considérer la dignité fondamentale du corps humain dont l'homme ne peut disposer. Il ne peut être possédé en tant qu'objet. Car l'homme, la femme ou l'enfant ne possèdent pas leur corps parce qu'ils sont une existence corporelle absolue.

IntroductionL'indisponibilité du corps humain est une réalité fondamentale de l'éthique humaniste qui concerne les conceptions théoriques, les conduites humaines, et les nombreuses problématiques bioéthiques. Cette notion d'indisponibilité du corps humain constitue aussi l'ancrage profond de la conception chrétienne de l'éthique biomédicale. Elle interpelle toutes personnes de convictions très diverses, et par son caractère d'universalité, elle permet à la fois le dialogue avec des positions différentes et l'enracinement dans l'anthropologie chrétienne. Elle concerne plusieurs domaines, le droit et la jurisprudence, l'anthropologie philosophique, et les conceptions théologiques... Nous les rencontrons à travers les nombreuses situations de l'existence. Disons tout de suite qu'il n'est pas besoin d'être croyant pour prendre en compte le principe d'indisponibilité du corps humain, mais les dimensions religieuses et spirituelles lui donnent une consistance incomparable.A notre époque où chacun cherche à disposer librement de ses désirs et de ses biens, de ses actes, de son corps et de son destin, il est important de préciser les conditions de ces aspirations capables de mener l'homme au tragique de la destruction de soi. La réflexion sur l'indisponibilité du corps nous amène en effet aux profondeurs de l'être. Il s'agit d'abord de bien prendre en compte les différentes composantes de l'anthropologie philosophique, fondement capable d'éclairer les positions différentes dans notre société pluraliste, et de faire comprendre les enjeux essentiels du respect de l'être humain et de son corps, au milieu des nombreuses sollicitations scientifiques actuelles.Nous pourrons aborder cette démarche essentielle en plusieurs temps, qui nous feront bien situer les positions du droit, et les avenues lumineuses des conceptions spirituelles et religieuses:

- les dimensions fondamentales des définitions- l'approche de l'anthropologie philosophique- l'approche du droit- et les fondements éthiques

I. Les dimensions fondamentales des définitions.Elles sont très importantes à préciser.Dans le champs de tous nos désirs, l'indisponibilité c'est l'état dont on ne peut disposer légalement pour le service d'une cause particulière. C'est en fait l'état dont on ne peut user selon sa seule détermination. Elle vient ainsi rencontrer, dans une opposition souvent conflictuelle, la volonté d'action et la détermination personnelle d'une décision ou d'une conduite: la maison indisponible que l'on souhaiterait habiter est celle dont on ne peut disposer parce qu'elle est occupée par d'autres résidents, par exemple.En partant de la physique et de la chimie, le principe nous ouvre à des univers très différents, mais c'est essentiellement le fondement de la connaissance: par ex. le principe d'identité, de non-contradiction, etc... Il désigne la proposition initiale d'une affirmation qui comportera des développements théoriques et pratiques. Le principe du secret médical, par exemple, est fait d'éléments qui sont en rapport avec le respect de la parole du patient, de la relation interpersonnelle, des exigences thérapeutiques. De même le principe de précaution est fait d'une affirmation fondamentale développée dans des pratiques.L'indisponibilité du corps humain pose alors le problème de l'usage inconditionnel de son corps dans toutes les situations existentielles possibles, jusqu'à la détermination de la vie et de la mort. Est-il licite de disposer de son corps dans les situations d'alcoolisme, d'addiction aux drogues, d'expériences sexuelles additives, de grossesse, de désir de mort, de suicide, de conduites à risques intenses, etc...? Il nous faut dire tout de suite qu'est licite ce qui n'est pas contraire à la loi»; mais cela repousse le problème à l'examen de la nature des lois. Est illicite ce qui est contraire à la loi, à la loi naturelle, à la loi juridique, à la loi morale. La question de l'indisponibilité

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pose très fortement la problème de la liberté, et celui du statut du corps humain que nous aborderons en profondeur. Mais nous rencontrons aussi avec elle les situations psychopathologiques concernant l'atteinte à l'intégrité du corps, et à la vie, considérées comme une pathologie de la liberté (Henri Ey), qu'il est nécessaire de prendre en compte de manière distincte et spécifique.La complexité du corps humain se traduit aussi par de multiples facettes, qu'il s'agit de préciser, au milieu de la familiarité des médecins avec le corps des hommes, des femmes, et des enfants.Il est d'abord nécessaire de bien différencier du point de vue psychologique, le «corps vécu» (souffrance, douleur, plaisir), le «schéma corporel» (organisation des nombreuses potentialités du corps), la «représentation du corps» (le narcissisme par exemple) et l'«image du corps» rejoignant l'estime de soi.Nous distinguons d'un point de vue anthropologique, le corps subjectif, et le corps objectif.Le «corps propre», subjectif, désigne un mode d'appartenance, ou d'appropriation, tellement intime que l'impossibilité de dissocier le possédant et le possédé se double de l'impossibilité de penser un tel rapport en terme d'avoir pur et simple. Le corps propre est mon point de vue immédiat sur le monde, cet «ici absolu» sur lequel je ne puis prendre de point de vue. Le statut radicalement «non objectif» interdit,comme le dit Paul Ricoeur, «de l'appréhender autrement que par une démarche régressive». Nous retrouvons d'ailleurs le concept de fusion possessive dans le désir de vouloir disposer de son propre corps. Le «corps objet» est le fait de ce qui s'offre à l'autre dans la perception des corps. Il est ce qui occupe le cœur, l'âme et la volonté. C'est le corps qui s'offre à l'extérieur. C'est le corps des sciences biologiques, médicales et cliniques, et aussi celui du peintre et du sculpteur. Mais l'objet, c'est une chose quelconque qui s'offre à la vue. Le corps humain peut précisément être considéré comme une chose, une chose quelconque, que l'on pourra manipuler selon sa volonté: l'histoire du XXe siècle nous l'a suffisamment montré. Mais notre époque prend de plus en plus le corps comme un objet, dans tous les domaines, de l'expression plastique à la médecine, du cinéma à la publicité ! Le «corps objet» se retrouve aussi, et c'est un phénomène grave et important, dans l'histoire douloureuse de ces personnes qui détruisent leur corps dans l'alcoolisme, les addictions, et plus gravement encore, dans les conduites qui mutilent leur organisme ou leur vie.Dans le champ de tous les pouvoirs de l'homme, quand on parle de vouloir disposer de son corps, on rencontre tout de suite le problème de la liberté. On insistera jamais assez sur la valeur fondamentale du corps humain, dans toutes ses dimensions physiques, esthétiques, familiales, sociales, métaphysiques, et spirituelles. Dans la volonté de disposer de son corps, il est capital de bien préciser les différentes formes d'expression de la liberté, et les niveaux auxquels le libre arbitre peut s'exercer.Sans développer ce problème immense, disons qu'il existe trois niveaux de la liberté, en jeu chez toute personne.Il y a la «liberté d'impulsion», faite du jaillissement des pulsions et des tendances de tous ordres, que chacun rencontre au milieu de ses aspirations et de ses pulsions plus ou moins inconscientes: c'est une liberté en mouvement, et souvent en désarroi qui a besoin d'être constamment contrôlée.Il y a la «liberté d'autonomie» d'un être qui cherche à se libérer de ses contraintes, la liberté d'un être qui cherche à se donner ses propres lois, à partir de ses conditionnements biologiques et sociaux. Ces conduites partent du propre désir subjectif qu'il s'agit d'objectiver dans l'éducation, la relation d'aide, etc... C'est cette liberté qui est invoquée comme l'idole au nom du droit à disposer sans contrainte de soi, de sa vie psycho-affective et corporelle, et du droit à disposer des autres, de la personne de l'autre (dans le couple et la famille par exemple). Nous la rencontrons à tous les tournants dans notre société.Il y a enfin la «liberté d'initiative et de choix», sans laquelle l'autonomie n'est pas liberté. Au milieu des plus douloureux problèmes physiques ou mentaux, elle est la condition pour que l'existence ait un sens. Et c'est le sens qui fait l'équilibre et l'épanouissement de l'individu. C'est à cette liberté de choix et d'initiative qu'il s'agit d'éveiller les personnes en souffrance, désespérant d'elles-mêmes dans leur désir de mort pour elles-mêmes ou pour les autres, dans leur demande d'avortement, dans leur désir d'euthanasie. Il s'agit de les aider à se libérer de l'angoissante pulsion venant obscurcir, et même anéantir cette profonde liberté enfouie au fond des cœurs, et en elle-même orientée inconsciemment vers la vie et la créativité.

II. L'approche de l'anthropologie philosophiqueCes considérations nous amènent directement au cœur de l'approche anthropologique de l'indisponibilité du corps humain.L'anthropologie, c''est dans l'essentiel, la conception de l'homme, c'est à dire un ensemble de représentations capables de rendre compte de l'origine, de la genèse de l'organisation et de

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l'évolution de l'homme, en prenant en compte le corps, le psychisme et l'esprit, dans la trajectoire existentielle de la personnalité. On parle ainsi de vision optimiste de l'homme, chez Dante, W. Scheler, M. Merleau-Ponty, K. Jaspers, et de vision pessimiste chez S. Freud, P. Janet, F. Nietzche, et Sartre, qui influencent la façon de penser de notre monde actuel. L'anthropologie, c'est donc l'ensemble synthétique des représentations de l'homme capables de rendre compte de sa situation par rapport à lui-même et au monde, par rapport à ses perspectives existentielles et spirituelles. On parle ainsi, vous le savez, d'anthropologie du judaïsme et du christianisme, d'anthropologie matérialiste, existentielle, spiritualiste, etc....Cette approche anthropologique comporte de nombreux versants. Il est possible d'aborder le problème de l'indisponibilité du corps humain du point de vue psychologique, biologique, sociologique, juridique, théologique, philosophique, mais l'approche des principes qui peuvent faire comprendre cette position est principalement et essentiellement de l'ordre de l'anthropologie philosophique. La réflexion sur les capacités de disposer ou de ne pas disposer de son corps bénéficie énormément du point de vue ontologique. C'est cette perspective que nous allons développer maintenant. Elle n'est pas la plus facile, mais elle est la plus spécifique pour comprendre le sens profond de l'indisponibilité de notre corps.Les nombreux courants philosophiques ont abordé cette question à partir de leurs conceptions des rapports entre le corps et l'âme. Disons rapidement que Platon, et plus tard Descartes et ses nombreux disciples ont toute une conception de la distance entre l'homme et son corps : nous avons un corps d'un coté, et une capacité psychique et, conceptuelle de l'autre. Aristote, au contraire, insistera sur les liens étroits entre le corps et l'activité psychique, comme la philosophie et la pensée du christianisme des siècles futurs. C'est l'unité psychosomatique de ces courants si féconds. Mais en revenant à notre époque contemporaine nous retrouvons une richesse de pensée anthropologique qui nous apporte des éclairages fondamentaux.

1) La perspective ontologique:est celle qui nous fait le mieux comprendre la valeur essentielle et fondamentale de notre corps humain.a] L'ontologie, c'est la connaissance et la science de l'homme en tant qu'être général, dans ses diverses propriétés et ses diverses relations. Elle nous ouvre à l'être et à l'essence.L'être est ce qui existe en soi, par soi et pour soi, en tant que réalité absolue qui demeure stable sous les changements, et que nous avons à découvrir au delà des apparences sensibles. Notre époque a des difficultés à comprendre cette réalité. Et pourtant les personnes font couramment l'expérience de leur être dans le plaisir, dans l'expérience de la vitesse, des sports passionnants, dans le yoga et les méditations, dans l'admiration de la beauté.L'essence désigne alors la «réalité profonde» d'un être, ce qui compose sa nature stable et permet de le définir. L'essence s'oppose à ce qui survient de façon contingente et secondaire, à l'apparence des phénomènes. Elle a deux significations complémentaires, c'est un concept abstrait qui est le produit d'une généralisation à partir des données contingentes de l'expérience (la blancheur du cygne est incluse dans l'essence du cygne par exemple); l'essence désigne aussi le sens même du phénomène envisagé (le sens de l'affectivité par exemple).

b] La structure ontologique du corps, fondement de l'indisponibilitéNotre époque a vu privilégier la recherche de l'être et de l'essence dans le courant de la phénoménologie, qui s'intéresse à la recherche et à la saisie de l'essence des choses de l'homme (et non à l'étude apparente des phénomènes, comme on le dit trop souvent); Ces considérations vont nous permettre de bien saisir la nature et la structure du corps. Beaucoup de philosophes ont étudié cette question dans le courant de la phénoménologie : Binswanger, Merleau-Ponty, et nous prendrons davantage en compte l'œuvre magistrale de Michel Henry dans ce domaine. C'est une démarche originale, parfois un peu difficile, mais que tout médecin humaniste doit connaître quand il s'agit de l'indisponibilité du corps humain.L'unité de notre corps est une réalité objective transcendantale, c'est à dire qui a un sens extérieur à l'ego de la personne. Le corps est fait d'une expérience interne transcendantale, qui dépasse le donné brut et ouvre vers un monde de sens propre aux caractéristiques de la corporéité: la force, l'unité, l'identité, le mouvement, les fonctions perceptives (vision, audition), les fonctions de croissance (digestion), les fonctions de reproduction, etc... Tout cela constitue des exemples particuliers des qualités du corps qui ont un sens. Toutes les fonctions du corps ont un sens.Le corps est donc une unité transcendantale (qui a un sens). Et il est une unité objective absolue qui se reçoit de l'ego personnel, et qui ne peut être confondu avec lui. C'est là l'idée centrale des travaux et de la pensée de Michel Henry, et cette conception est très éclairante.Cette distinction entre le corps et l'ego n'empêche absolument pas l'étroite liaison entre le corps et

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le psychisme dans la réalité subjective du fonctionnement biologique, psychologique et psychosomatique de la personne, au plan du vécu, au plan médical et psychologique. Nos organes sont ainsi intégrés dans une totalité qui repose sur l'unité du corps transcendant. Mais l'unité du corps transcendant est l'unité même de la vie absolue. La vie de ce corps originaire est la vie absolue de la subjectivité et de l'objectivité: «C'est en elle que nous vivons, que nous nous mouvons et que nous sentons, elle est l'alpha et l'oméga de notre expérience du monde, c'est par elle que l'être advient au monde» (M. Henry)Le corps n'est pas un ensemble de déterminations qui seraient en quelque sorte survolées par un pur esprit. Notre corps est bien plutôt une structure faite d'intentionnalité, c'est à dire une totalité organique orientée vers un sens.Il est important d'insister sur la notion de «corps absolu» permettant de bien préciser le statut du corps humain. Cette prise en compte du corps absolu n'est pas pour absolutiser les conduites corporelles. Mais au contraire, elle constitue les prémisses et le principe du respect du corps et de toutes ses fonctions pour que le sujet puisse les développer et leur donner un sens. On apprend par exemple à l'enfant à respecter son corps dès son plus jeune âge, et à découvrir la fonction de ses différentes composantes. Le corps absolu échappe donc à la catégorie de la contingence et du secondaire, c'est à dire à une éventualité qui pourrait être ou ne pas être, qui pourrait exister au gré des circonstances. C'est à dire qu'il échappe à la catégorie des choses relatives éventuelles, qui pourraient exister ou ne pas exister, selon le désir des personnes.L'existence corporelle est donc bien une existence absolue. Et dire cela dans notre culture, c'est signifier que «les principales activités dans lesquelles s'exprime notre vie corporelle doivent être comme les manifestations appartenant dans leur essence à l'être général de la nature, c'est à dire comme des processus objectifs et impersonnels». (Michel Henry)Ces considérations qui peuvent paraître abstraites ont des conséquences pragmatiques sur notre sujet, dans la vie pratique de l'homme. D'une manière résumée, dire que le corps est une réalité objective absolue, distincte du sujet pensant et ressentant, c'est dire que le corps ne saurait être considéré comme un objet manipulable dont l'ego pourrait disposer à sa guise.

En tant que corps objectif absolu, le sujet, le jeune, l'adulte ou la personne âgée, la famille ou même l'entourage, ne peuvent volontairement et sciemment prendre le corps comme un objet leur appartenant pour le faire disparaître dans l'euthanasie ou dans le suicide; ou même l'altérer dans des conduites addictives de drogue, ou des conduites sexuelles altérant le corps dans la possession ou la perversion. Toute la dynamique en jeu dans la situation de grossesse pour autrui et de mère porteuse est concernée par ce processus, où l'on voit les personnes disposer de leur propre corps et du corps de l'autre, au milieu de désirs ne répondant souvent qu'à des déterminations subjectives où l'existence corporelle n'est plus une existence absolue. C'est bien dans tous ces domaines qu'il nous faut distinguer les niveaux psychologiques et les niveaux ontologiques fondant des conduites éthiques. Car toute ces conduites concernent le statut ontologique du corps.En termes concrets, auxquelles nous amènent ces considérations fondamentales, nous ne possédons pas notre corps en tant qu'objet. Nulle personne n'est propriétaire de son corps. Homme ou femme nous ne possédons pas notre corps, ni à plus forte raison le corps de l'autre. Le statut fondamental de l'existence corporelle et du corps est une existence absolue, constituée de processus objectifs, qui ne peuvent en aucun cas être considérés comme un ensemble d'objets dont l'homme pourrait disposer selon son désir ou sa volonté. Le statut du corps absolu en fait une réalité distincte objective, étroitement liée à toute l'unité de la personne et du sujet pensant, mais fondamentalement objective et ne pouvant être l'objet d'appartenance ni de possession. C'est le statut ontologique qui contribue à la grandeur de la dignité de la personne, de son corps, de son psychisme et de son esprit, et de toute l'unité de la personnalité dans son vécu corporel et ses expressions psychiques, où l'autre vient trouver sa place.

2) La perspective systémiqueCette perspective est intéressante dans cette réflexion sur le statut du corps humain, car la place de l'autre et l'altérité doivent être bien entendu envisagées. Il existe diverses approches pour ce faire, et, dans ce domaine, on pense tout de suite à l'approche phénoménologique qui a développé cette question grâce à l'œuvre de P. Ricoeur et E. Levinas. Mais dans la problématique sociétale du principe de l'indisponibilité du corps humain et du statut du corps, la perspective systémique nous apporte des éclairages intéressants.La conception systémique est faite «d'un ensemble de théories qui considèrent l'individu comme partie d'un groupe structuré comme une unité originale, régie par des règles particulières propres à ce système, et dont le but est d'en protéger l'homéostasie. Le «tout» y est différent de la somme

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des parties. On parle d'unité systémique pour désigner tout groupe naturel, tel que la famille structurée progressivement dans le temps à travers une histoire permettant l'expérimentation par essais et erreurs de transactions et rétroactions correctives». J.F AllilaireIl existe différents modèles de systèmes, des systèmes ouverts, et des modèles de systèmes fermés. Nous ne pouvons développer cette question, mais nous soulignerons simplement que dans toute cette organisation de systèmes, le corps humain est au premier chef concerné. Les fonctions du corps humain avec leurs expressions vont interférer sur le système dans lequel il se trouve, venant influencer le fonctionnement des personnes concernées par le système. L'autre est aussi concerné de façon constante, et c'est tout le problème de l'altérité qui est en jeu. Il s'agit alors de prendre en compte les modalités d'expression du corps humain de la personne capables d'influencer l'autre. Dans toutes ces organisations systémiques, l'indisponibilité du corps humain est présente, pour un authentique et profond fonctionnement des systèmes où le corps est présent dans l'action et les relations, dans le langage, et dans la sexualité, dans l'expérience du récit exprimant l'histoire du sujet, et la trame de son existence corporelle, psychique et spirituelle.

III. Les dimensions juridiquesDu point de vue juridique, l'indisponibilité est une notion plus habituelle et plus connue.En droit commun, il s'agit de la qualité d'une chose ou d'un droit particulier qui ne peut faire l'objet d'actes de transaction, et qu'il n'est pas possible d'aliéner, d'hypothéquer, de transférer ou de détruire.«L'indisponibilité du corps humain est un principe ancien du droit qui a trouvé, au travers des lois du 29 juillet 1994, dites de bio-éthique, une consécration indirecte dans le Code Civil».Cette question a été remarquablement traitée dans le cadre des travaux du Colloque national organisé par le groupe d'étude de la Conférence des évêques de France, sous la direction de Mgr Pierre d'Ornellas. Ce thème avait été présenté par le Pr Jean-René Binet et Sœur V. Margron. Nous nous permettons de n'en évoquer que les grands axes venant compléter et prolonger notre réflexion sur l'indisponibilité du corps humain. Et nous renvoyons au chapitre traité dans l'ouvrage «Bioéthique, propos pour un dialogue», édition Lethielleux DDB.Les positions juridiques sont partagées dans deux orientations, en fait inconciliables, nous disent les auteurs. Un courant admet qu'il est possible de disposer de son corps en vertu du droit à la liberté; un autre courant considère que le corps est lié à la personne de telle façon qu'il n'est pas possible d'en disposer à son gré.C'est cette dernière thèse, dite «personnificatrice», qui a les faveurs du droit. Dans ses applications pratiques, c'est dans la question de la gestation pour autrui qu'est affirmée la stricte application du principe d'indisponibilité du corps humain. Alors qu'est envisagée la traduction d'une «indisponibilité assouplie du corps humain» dans les cessions de produits du corps humain dans des conditions de gratuité et d'anonymat: certains éléments du corps: les organes, et certains produits (sang, gamètes).Nous voyons que le droit veut contribuer à préserver absolument de la «marchandisation» le corps humain . Et la prohibition des maternités pour autrui constitue la seule grande application stricte de ce principe d 'indisponibilité du corps humain au plan juridique.Mais il faut souligner que beaucoup d'autres situations que nous avons rencontrées et citées dans l'approche anthropologique sont concernées par les dispositions juridiques spécifiques: les atteintes à l'intégrité de la personne, l'euthanasie, les dispositions concernant le suicide, etc... rentrent dans les vastes et douloureuses situations où les personnes désirent disposer, plus ou moins librement certes, de leur corps et de leur vie. Nous n'en développerons pas les dimensions juridiques, car elles dépassent largement le thème abordé dans ces propos. Nous proposons de se référer au résumé concernant les dimensions juridiques synthétisant très bien les problématiques essentielles propres à cette question.

IV. Conclusion : la dignité fondamentale du corpsEn parcourant les différentes dimensions de l'indisponibilité du corps humain, nous sommes confrontés à une démarche progressive nous amenant au sens le plus profond de l'être humain, corps, psychisme et esprit.Les nombreuses avancées scientifiques nous font découvrir ce qu'est le corps humain, sa structure, sa genèse, sa force, ses fonctions et ses énergies. Elles nous montrent la merveilleuse structure du corps, et l'harmonie de son organisation. En précisant les rapports du corps à sa première origine, la pensée religieuse fait qu'on attribue un caractère sacré au corps, à sa fonction sacrée capable d'intégrer le corporel,le psychisme et l'esprit, et de permettre l'expression de l'unité de l'être humain.L'anthropologie philosophique nous a montré l'importance du statut ontologique du corps qui

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contribue à la grandeur et à la dignité de la personne toute entière,d'un point de vue humaniste. Il s'agit aussi de faire la place à la «théologie du corps qui fonde la méthode la plus appropriée de la pédagogie du corps, c'est à dire de l'éducation, et de l'auto-éducation de l'homme»... «Tout le développement de la science contemporaine, regardant le corps comme organisme, a plutôt le caractère de connaissance biologique parce que basé sur la séparation de ce qui, dans l'homme, est corporel de ce qui est spirituel. Utilisant une connaissance si unilatérale des fonctions du corps comme organisme, on en arrive facilement à traiter plus ou moins systématiquement le corps comme objet de manipulations» Jean-Paul II.Il s'agit alors d'aboutir à une spécifique «spiritualité du corps», où le corps devient signe de la personne, continue Jean Paul II. Au milieu de toutes les situations les plus douloureuses que cherchent à accompagner les orientations humanistes de la bio-éthique, «la théologie du corps» que nous découvrons dans les paroles clés du Christ, nous permet de prendre en compte d'une manière profonde et argumentée, l'irréductibilité fondamentale de la dignité du corps humain, du point de vue humaniste, spirituel et religieux.

Bibliographie

• Boss M.: Introduction à la Médecine Psychosomatique - PUF Paris I959 • De Boucaud M.: l'évolution des conceptions psychosomatiques in Psychosomatique de l'enfant - Mardaga

Bruxelles I985• Chirpaz F.: Le corps - PUF I969 • Henry M.: Philosophie et Phénoménologie du corps - PUF I965 • Henry M.: Phénoménologie de la vie - PUF 2OO3 • Lacroix X.: Le corps de chair - Cerf I992 • Merleau-Ponty M.: Phénoménologie de la perception Gallimard I945

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L'AVENIR DE LA PROCRÉATION HUMAINEDr Benoît Bayle*

La logique de surproduction, de sélection et de surconsommation embryonnaire interroge notre rapport social à l'embryon humain. Et l'un des problèmes les plus difficiles à résoudre reste la question de l'instrumentation de l'enfant à naître. La psychopathologie de la conception humaine éclaire notre compréhension de l'embryon humain. La notion d'identité conceptionnelle est importante à prendre en compte même et surtout dans les situations douloureuses. Et les atteintes à la dignité de l'être humain conçu donnent à approcher la dignité de l'embryon humain.

La médecine de la procréation (ou «procréatique») occupe une place majeure dans notre société. Non seulement, son domaine d'application est très vaste, depuis la contraception (pilule, stérilet, etc.) jusqu'aux procréations artificielles, en passant par l'interruption de grossesse, le diagnostic prénatal et la stérilisation, mais aussi, elle occupe une place spécifique dans notre société postmoderne. En effet, si dans un pays comme la France, le gouvernement annonçait subitement qu'il interdisait la contraception, l'interruption de grossesse et les procréations artificielles, nous assisterions à un véritable soulèvement social... La procréatique est profondément ancrée dans nos mentalités. J'irais même jusqu'à affirmer qu'elle structure certains de nos modes de pensée. C'est pour cette raison que je qualifie notre société postmoderne de «société procréatique». La société d'aujourd'hui ne peut pas se passer de la procréatique. Tout au moins, le croit-elle. En réalité, cette approche médicale de la procréation humaine, qui a certes prise en compte un certain nombre de réalités humaines difficiles et douloureuses, répond à un projet utopique qui expose à de multiples déconvenues et cache une authentique violence sociale. J'en explorerai ici quelques aspects, en me centrant sur l'embryon humain.

La logique de surproduction, de sélection et de surconsommation embryonnaire interroge notre rapport social à l'embryon humainL'un des problèmes les plus difficiles à résoudre reste la question de l'instrumentalisation de l'enfant à naître. La procréatique repose sur une logique de surproduction, de sélection et de surconsommation des embryons humains et des fœtus humains. En effet, les interventions sur les gamètes et sur l'embryon humain ont pour la plupart une action délétère sur l'être humain conçu : il s'agit, par exemple, des mécanismes d'action antinidatoire1 des contraceptifs les plus utilisés, comme le stérilet, voire même la contraception orale, ou encore, les pertes embryonnaires que suscitent la fécondation extracorporelle ou la congélation de l'embryon humain, sans parler des embryocides fondateurs qui ont permis la mise au point de la fécondation in vitro à partir de fécondations expérimentales (en France, Jacques Testart raconte que les premiers embryons humains fécondés in vitro dans son laboratoire ont été procréés à partir d'ovocytes donnés par des femmes venues se faire stériliser, avec le sperme des chercheurs eux-mêmes). Ainsi, l'usage du stérilet provoque, selon toute vraisemblance, la destruction de quelques millions d'embryons humains chaque année, en France (2 millions d'utilisatrices dans notre pays). Les fécondations in vitro entraînent un important gaspillage embryonnaire : de 3 % à 5 % seulement des embryons donneront naissance à un enfant. Depuis la légalisation de l'interruption de grossesse, près de 7 millions d'interruptions volontaires de grossesse (IVG) ont été réalisées en France, ce qui aurait représenté, si elles n'avaient pas eu lieu, la naissance de près de 4 à 5 millions d'enfants dit «non-désirés». Avec l'interruption médicale de grossesse (IMG), on assiste à l'extinction progressive d'une population génétiquement discriminée, de plus en plus efficacement repérée : celle des sujets porteurs de trisomies 21. Cette «gestion sélective des naissances» (pour reprendre l'expression de Danielle Moyse), qui promeut la sélection des embryons désirés et non atteints de maladies incurables, interroge sur notre rapport social à l'embryon humain, fondé sur la destruction de masse d'une catégorie d'êtres humains dont on dit ignorer le statut. Au regard de ce phénomène, nous traitons l'enfant à naître comme un objet, nous l'instrumentalisons. La logique de surproduction, de sélection et de surconsommation embryonnaire ne pourrait-elle pas alors constituer une véritable violence sociale ? Est-il réactionnaire de le penser, ou simplement, humaniste ? La clinique nous rappelle à l'ordre, lorsque par exemple ce père venu consulter pour son fils qui présente des troubles du sommeil raconte les circonstances de la venue au monde de son enfant : il avait demandé à sa femme d'interrompre les deux premières grossesses, car il était trop tôt pour attendre un enfant (elle en était d'accord), puis cet homme avait accepté la venue au monde de l'enfant suivant, qui avait été «désiré» par le couple; enfin, lorsqu'il avait appris la grossesse du dernier enfant - celui qui est

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sous mes yeux en consultation - il avait demandé à nouveau à sa femme d'avorter, car il ne souhaitait pas un autre enfant; son épouse avait alors refusé et avait décidé de mener à terme la grossesse, ce que le mari avait finalement accepté. Ce pouvoir que la société confie aux parents n'est-il pas, en fin de compte, exorbitant ?

La psychopathologie de la conception humaine éclaire notre compréhension de l'embryon humain.Il est souvent très intéressant de se consacrer à l'étude des phénomènes pathologiques pour mieux comprendre la psychologie ordinaire. C'est dans cet état d'esprit que j'ai décidé d'étudier la «psychopathologie de la conception humaine». Comprendre la conception humaine et la grossesse dans la perspective du développement psychologique de l'être humain représentent autant d'atouts pour appréhender non seulement les effets de la procréatique sur les vivants, mais aussi la nature de l'embryon humain et son éventuelle dignité.Qu'est-ce que la psychopathologie de la conception humaine ? Il s'agit tout simplement de repérer l'émergence de problématiques psychologiques dès la conception d'un enfant. Un être humain est conçu dans un contexte qui contribue à des perturbations psychologiques. Voici un exemple. Damien est un enfant désiré, conçu par fécondation in vitro, puis congelé deux mois avec trois autres embryons. De nombreux embryons ont été fécondés, mais c'est le seul à s'être développé. Ses parents consultent car ils n'en peuvent plus. À deux ans et demi, il fait colères sur colères. Il se roule par terre, ne supporte aucune frustration, il n'a aucune limite, c'est un «enfant impossible», explique sa mère. Les parents s'interrogent, ils se disent déçus. «C'était un aboutissement d'avoir cet enfant. Qu'est-ce qu'on a raté ?» La mère explique : «il a survécu, il a été le plus fort, subir tout ça et vivre… après de telles épreuves, ce fut un miracle, un vrai miracle». Elle parle d'«enfant inespéré». «Maintenant on se dit : "on a forcé la nature, on le paie !"». Damien impose sa loi et ne tolère aucune parole contradictoire. Dans les jeux, son père évite qu'il perde afin de ne pas déclencher de crise. Et Damien d'affirmer : «je suis le premier, le plus fort», «je peux tout faire, je pense que je sais tout». Dans cet exemple, on voit comment l'histoire de la conception marque les parents, et contribue à ce qu'ils investissent leur enfant comme un enfant extraordinaire, un enfant héros, qui a survécu à de multiples épreuves. Nous observons alors les troubles qui en résultent chez l'enfant : sentiment de toute-puissance, intolérance aux frustrations, etc.2En réalité, le contexte qui a été le plus étudié par les psychiatres et les psychanalystes, est celui de l'enfant de remplacement. Un enfant est conçu par ses parents, parfois sur le conseil d'un médecin, pour remplacer un enfant qui vient de mourir... Cet enfant n'est pas conçu tout à fait pour lui-même. Il est là pour remplacer un autre enfant, mort voici peu de temps. Les spécialistes ont repéré une problématique qui s'oriente dans deux directions. Les enfants dits «de remplacement» ont des difficultés dans le domaine de l'identité. Le psychiatre français Maurice Porot explique qu'ils ont été condamnés à un «non-être». Cela se traduit par exemple par le besoin de se distancer de l'enfant mort, souvent idéalisé par les parents, auquel l'enfant de remplacement est constamment comparé, identifié. Certains enfants de remplacement sont devenus des personnages célèbres, comme Salvador Dali, Vincent Van Gogh, Ludwig von Beethoven. La création représentait pour eux un moyen d'exister en propre... Un autre problème est celui de la culpabilité. L'enfant de remplacement est confronté à la culpabilité d'exister, car il se trouve dans la situation existentielle suivante : si son frère ou sa sœur n'était pas mort, lui n'aurait pas été conçu, donc il ne serait pas en vie. De là à se sentir responsable de la mort de l'autre, il n'y a qu'un pas pour l'inconscient. Bien entendu, ce sentiment est absurde, l'enfant n'est pas responsable de la mort de son frère ou de sa sœur, mais il ne peut, parfois, se débarrasser de ce sentiment qui le hante. Nous observons là aussi comment le contexte de conception a contribué à la problématique psychopathologique.Après avoir étudié ces travaux, je me suis tourné vers un autre contexte : l'enfant conçu après viol ou inceste. La littérature scientifique est pauvre sur ce sujet, et il m'a fallu interroger des confrères, consulter certains dossiers, être attentif aux situations que je pouvais rencontrer dans ma pratique professionnelle. Je marchais à reculons, lorsque j'ai entrepris cette étude, tant c'est un sujet douloureux et difficile. Mais, c'est en m'intéressant à ce contexte extrême, que j'ai découvert la notion d'«identité conceptionnelle». Être conçu d'un viol, ou d'un inceste, participe à l'identité de la personne humaine : c'est une détermination identitaire. Nous observons plusieurs phénomènes importants. Tout d'abord, cette détermination identitaire n'a rien à voir avec le biologique. Ce qui est en jeu, c'est d'être conçu de la violence d'un homme sur une femme, non de posséder telle ou telle caractéristique biologique. Cette détermination identitaire émerge dès la conception de l'enfant : affirmer «cet embryon est issu d'un viol» revient

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alors à attribuer une forme de subjectivité au corps embryonnaire. Ce n'est nullement indifférent pour l'être humain conçu d'être issu du viol de son géniteur sur sa mère, ou d'être conçu de l'amour de son père pour sa mère. Cette subjectivité particulière marque la relation à l'enfant avant et après la naissance. Enfin, cette identité conceptionnelle particulière, traumatique, est aussi bien celle de l'embryon ou du fœtus, que celle, plus tard, de l'enfant, de l'adolescent ou de l'adulte. En fait, avant d'être fils ou fille de …, nous sommes tous «être conçu de tel homme et de telle femme, à tel moment de l'histoire de l'humanité et en tel lieu du monde». Cette identité conceptionnelle participe à la construction de notre identité personnelle. Ainsi, tout être humain conçu possède une identité conceptionnelle, qui répond aux questions : «qui suis-je ?», «d'où est-ce que je viens ?». Mon propre corps me pose ces questions fondamentales, mais il ne s'agit pas, là encore, d'une question seulement biologique, mais aussi onto-psychique : «quel est mon être ?», «à qui dois-je la vie ?» Si je cherche à comprendre ce qu'est un embryon humain, je ne peux pas me contenter de le définir comme un matériau biologique, comme la réunion de deux gamètes, comme un zygote qui a une identité génétique, au sens biologique du terme, avec un génome, des chromosomes, de l'ADN, etc. - ce qui est pourtant déjà énorme ! l'embryon humain est d'emblée un être bio-psychique, il possède une identité conceptionnelle, il est «être conçu d'un homme et d'une femme», avec l'ensemble des déterminations psychosocioculturelles que cette définition suppose. Cet embryon est le fruit d'une rencontre, il est le fruit de deux histoires humaines singulières et il a sa biographie propre, son histoire. L'identité conceptionnelle donne une subjectivité au corps humain dès la conception. Plus tard, je sais par mon corps que je proviens de deux autrui qui m'ont donné la vie, envers qui j'ai une dette de vie, mon histoire est dépendante de leur histoire, sans toutefois se confondre avec elle. Je découvre donc que mon être n'est pas clos sur lui-même. L'identité conceptionnelle m'impose de passer par autrui pour répondre à la question de ma propre identité. Je ne peux me poser la question «qui suis-je» sans découvrir autrui en moi-même. Autrui m'apparaît à l'intérieur de moi-même, autrui se reflète en moi. Je ne peux m'interroger en moi-même sur moi-même, sans me tourner vers l'histoire d'une rencontre interpersonnelle qui fonde, parfois avec ses aléas, mon existence. En ce sens, l'être humain conçu possède une véritable structure intersubjective. Il est ontologiquement, c'est-à-dire dans son être, en relation avec autrui à l'intérieur de lui-même. Les atteintes à la dignité de l'être humain conçu donnent à approcher la dignité de l'embryon humainLa psycho(patho)logie de la conception humaine pourrait bien révéler également la dignité de l'être humain conçu, en mettant l'accent sur ses atteintes possibles.En effet, avec l'exemple extrême de l'enfant issu du viol ou de l'inceste, nous objectivons un cas possible d'atteinte à la dignité de l'être humain, dès sa conception. L'embryon humain issu d'un viol peut être biologiquement sain, il n'en est pas moins atteint dans sa chair, dans son corps subjectif : il est l'incarnation d'une relation sexuelle contrainte et violente qui attente à sa dignité au plus profond de son être, le blessant jusque dans le fondement même de son identité conceptionnelle. «Je suis conçu d'un viol». Qui souhaite répondre par cette triste affirmation à la question du «qui suis-je ?» ? Être conçu d'un viol renvoie à la honte et à la culpabilité d'exister, au sentiment d'avoir fait souffrir la femme qui nous a donné la vie, au risque de s'éprouver indigne d'être né. Faut-il pour autant penser que l'être humain conçu d'un viol ou d'un inceste est un être dépourvu de dignité ? Certainement pas. L'atteinte à la dignité humaine qu'il a subie et dont il est la victime innocente n'altère en rien sa dignité intrinsèque. L'être issu d'un viol possède une dignité égale à la mienne, égale à celle de tout être humain. C'est par exemple parce que je suis prêt à anticiper le visage de cet être conçu, ou encore parce que je connais un autrui conçu dans de semblables circonstances, que je peux concevoir l'évidence de cette affirmation. Cette notion d'atteinte à la dignité de l'être humain conçu incite à examiner une autre situation, l'affaire du diéthylstilbœstrol. Cette substance chimique est une hormone de synthèse qui a été prescrite massivement chez des femmes enceintes, dès 1948, afin de prévenir du risque de fausse-couche. Son inefficacité dans cette indication a été démontrée par la suite, mais surtout, il a été mis en évidence ses méfaits à long terme chez les enfants de sexe féminin : risque accru de cancer du vagin, anomalies utérines favorisant des fausses couches répétées ou des accouchements prématurés, infertilités, etc. Il ne fait aucun doute à présent que la prescription du diéthylstilbœstrol au cours de la grossesse, alors que nous en connaissions les dangers, constitue une atteinte à la dignité des êtres humains conçus qui ont été exposés in utero à cette substance. Avec ces deux exemples nous objectivons en réalité deux sortes d'atteintes à l'intégrité de l'être humain conçu : intégrité psychique d'une part, du fait de l'atteinte portant sur ce que j'appelle

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«l'identité conceptionnelle»; intégrité physique d'autre part, lors de la prescription d'un produit tératogène. Sur ce dernier point, il est facile d'en déduire un impératif éthique sur lequel bien des citoyens pourraient être d'accord. «Je ne peux administrer une substance pendant la grossesse, dont je sais qu'elle risque de produire une atteinte grave à la santé de l'être humain conçu, maintenant, dans plusieurs semaines ou dans plusieurs mois, voire dans plusieurs années. Il y va de la dignité de l'être humain conçu !» Le fait que nous ne puissions pas percevoir l'atteinte à la dignité humaine aussitôt et qu'il faille attendre parfois plusieurs années pour s'en rendre compte, n'enlève rien à la force de cette atteinte. Ce raisonnement n'est guère spécifique de la période prénatale. Par exemple, l'amiante attend plusieurs années avant de faire des ravages sur la santé des travailleurs qui ont été exposés à sa toxicité. Nous ne mesurerons véritablement la réalité et l'étendue d'une atteinte à la dignité humaine qu'au fil du temps. L'embryon et le fœtus humains n'échappent pas à cette règle, pas plus que cette règle ne leur est spécifique.S'il est louable de respecter l'intégrité physique de l'être humain conçu dès sa première forme embryonnaire, pour ne pas lui nuire dès maintenant ou dans son développement futur, comment ne pas poser comme une valeur fondamentale, plus forte encore, le respect de la vie de l'embryon ou du fœtus humain, car détruire la vie représente la forme la plus ultime, la plus grave d'atteinte à l'intégrité physique ! Ce raisonnement ne tendrait-il pas à fonder rationnellement l'existence d'un droit objectif de l'embryon humain à la vie ? Un tel discours est-il cependant audible dans notre société procréatique ?3Par ailleurs, la notion d'intégrité psychique pose une question rarement évoquée. L'être humain conçu possède, dès le stade embryonnaire, une structure intersubjective, c'est-à-dire que sa propre identité conceptionnelle se définit en passant par l'identité de deux autrui sexuellement différenciés : il est «être conçu d'un homme et d'une femme». Cette structure ne mériterait-elle pas un respect inconditionnel ? Il apparaît en effet que la procréation artificielle bouleverse radicalement la structure de l'identité conceptionnelle. Schématiquement, au lieu d'être «l'enfant conçu de papa et maman», ce qui définit d'ordinaire l'identité de conception, l'enfant va être par exemple «l'enfant conçu d'un donneur et de maman, avec l'accord de papa, grâce à l'équipe médicale». L'enfant a une dette de vie à l'égard de chacune de ces personnes qui participent à sa conception. La structure de son identité vole en éclats. Il doit répondre d'une autre façon à la question «qui suis-je ?» Son identité conceptionnelle n'est plus définie exclusivement en passant par l'identité de l'homme et de la femme qui lui donne la vie, mais aussi en fonction de tiers qui appartiennent à l'espace public. Cela circonscrit autrement son sentiment d'appartenance et d'identité. L'être humain conçu possède une dette de vie à l'égard de l'État, il se trouve liée très profondément à celui-ci, il lui «appartient» pour une part. Ce fait n'est pas banal ! Faut-il penser qu'il s'agisse là d'une atteinte à la dignité de l'être humain conçu ? La question reste ouverte à la discussion.

Une troisième voie…Le féminisme moderne a eu raison de dénoncer la domination masculine. Cependant, avec la révolution procréatique, il lui a substitué un autre rapport de domination, plus difficilement perceptible : la domination de l'homme et de la femme sur l'être en gestation. Sous prétexte d'un idéal utopique, où la sexualité est libérée et où l'enfant est désiré et naît en bonne santé, la procréatique répond à une logique de surproduction, de sélection et de surconsommation embryonnaire et fœtale, dont il serait temps d'apercevoir la violence sociale sous-jacente. Des populations entières d'individus génétiquement discriminés (trisomiques 21, béta-thalassémiques, etc.) sont en voie d'élimination, selon la logique d'un eugénisme et d'un génocide libéral, où la décision n'appartient guère à un État totalitaire, mais au citoyen. Les pertes prénatales procréatiques ne sont pas seulement l'affaire des embryons morts. Elles s'inscrivent aussi dans la biographie des vivants, au risque de difficultés psychologiques encore mal évaluées, pour lesquelles j'ai proposé notamment le modèle de la survivance. L'enfant de la société procréatique, aussi désiré soit-il, est aujourd'hui soumis au pouvoir exorbitant de ses parents, qui ont le droit de décider de sa vie et de sa mort au cours de la période prénatale. Un tel pouvoir ne peut manquer de retentir sur la relation parents-enfant. Cette puissante destructivité procède probablement d'une violence enracinée, depuis la nuit des temps, au plus profond du cœur de l'être humain. Faut-il pour autant la cautionner ? Une troisième voie est possible, où un authentique respect de l'être humain conçu et de sa dignité participerait aux valeurs essentielles de la société, sans laisser pour compte la femme, l'homme, le couple, sa sexualité et la procréation. Il faut relever ce défi, car l'instrumentalisation évolutionniste de l'homme par l'homme, que nous propose la société procréatique, pourrait bien anéantir une part de notre humanité. Il est urgent de prendre conscience de ces enjeux. En instrumentalisant l'être humain conçu, la société procréatique rabaisse l'homme à un objet de production. Respecter l'être

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humain conçu et sa dignité ne condamne nullement la société à un retour au passé. Il s'agit plutôt d'ouvrir la porte à une révolution ambitieuse et généreuse.

*Benoît Bayle, psychiatre et docteur en philosophie, exerce au Centre hospitalier Henri Ey (Chartres, France). Auteur d'ouvrages sur la psychologie prénatale, parmi lesquels : «L'embryon sur le divan» (Masson, 2003), «L'enfant à naître» (Erès, 2005), «Maternité et traumatismes sexuels de l'enfance» (l'Harmattan, 2006) et «Ma mère est schizophrène» (Erès, 2008). A publié en 2009 un essai sur la révolution procréatique : «À la poursuite de l'enfant parfait. L'avenir de la procréation humaine» (Robert Laffont). Email : [email protected]

1. Le contraceptif contribue à modifier la muqueuse utérine afin d'empêcher l'implantation de l'embryon humain, et par conséquent son développement. 2. Cette histoire, où apparaît également des éléments de culpabilité, illustre ce que j'appelle la survivance conceptionnelle ou prénatale : un embryon ou un fœtus a survécu à la mort d'autres embryons ou fœtus. J'ai observé sur une dizaine de cas des troubles psychologiques comparables, sur certains plans, à ce qui a été décrit chez l'enfant et l'adulte à la suite d'autres expériences de survivance, par exemple après des catastrophes naturelles, des actes de terrorisme, ou la Shoah. Sur ce sujet, consulter : Bayle B., L'embryon sur le divan. Psychopathologie de la conception humaine, Masson, Paris, 2003 (traduit en italien aux éditions Koinè, Roma, 2005); L'enfant à naître. Identité conceptionnelle et gestation psychique, Érès, Toulouse, 2005; À la poursuite de l'enfant parfait. L'avenir de la procréation humaine, Robert Laffont, Paris, 2009.3. Comment s'empêcher de penser en effet que l'interruption de grossesse pourrait être remise en cause par la formulation d'un tel droit à la vie de l'embryon humain ! Il est cependant habituel que des droits s'opposent et s'affrontent à l'occasion de conflits d'intérêt. Ainsi, l'affirmation d'un droit à la vie de l'embryon ne remet pas forcément en question l'interruption de grossesse, mais elle impose une argumentation forte pour arbitrer le conflit d'intérêt entre la vie de l'embryon humain et l'intérêt de la femme.

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DONS DE GAMÈTES : l'ANONYMAT SERT-IL A QUELQUE CHOSE ?Dominique Regnault* et Dominique Gaillard*** Psychologue, CHU Reims - ** Généticienne, CHU Reims

Les auteurs, impliqués dans l'activité d'un CECOS en tant que psychologue et médecin, appréhendent pour chacun des acteurs la signification de l'anonymat de ce don essentiel à toute vie. Ils nous montrent en quoi notre société est toute entière concernée par cette question symbolique. Ils défendent ainsi en dehors de toute considération pragmatique la nécessité du maintien de l'anonymat.

La demande de levée de l'anonymat des dons de gamètes, à l'occasion de la révision de la loi de bioéthique, revient à remettre sur la place publique les choix de notre société quant à sa philosophie du don.Cette philosophie place le don à un niveau symbolique, dans le cadre d'un fonctionnement social, communautaire, et non pas de personne à personne. Il ne s'agit pas d'un cadeau fait par une personne à une autre (ou à plusieurs autres) mais d'un acte de solidarité qui tend à assurer la cohésion, et la survie de notre société. Jusqu'à présent, nos lois ont exprimé ces choix en érigeant en principe fondamental le volontariat, l'anonymat et la gratuité de cet acte. Dès lors, si ce principe est remis en cause, le sens même que notre société attribue au don sera modifié.D'un point de vue social, les études anthropologiques (M. Mauss) démontrent que, pour être acceptable, le don doit être rendu et inscrit dans un processus social. La manière moderne de respecter cette nécessité dans le cas du don de gamète n'est-il pas que ce don soit anonyme ? Ainsi la dette des couples peut être acquittée dans le champ social et dans la filiation.En dehors même de ces aspects, quels effets la levée de l'anonymat peut-elle introduire ?

Pour les DONNEURS : Quelles sont les motivations des donneurs ? En France, ce ne peut pas être l'argent puisque les dons sont gratuits, ni la reconnaissance de leur mérite puisqu'ils sont anonymes. La motivation principale est le sentiment de solidarité réveillé par leur propre expérience de paternité et la connaissance dans leur entourage d'un couple en souffrance. Les donneurs font un don à une période de leur vie (celle à laquelle on fait les enfants) à des couples du même âge. Ce qu'ils donnent, c'est la possibilité à un autre couple de vivre une grossesse, de donner la vie et de fonder une famille. Dans ce but, ils donnent à une institution ce qui manque à certains couples pour réaliser ce projet : des spermatozoïdes ou des ovocytes. Les ovocytes ou les spermatozoïdes sont-ils séparables ou inséparables de la personne du donneur ? Le don de gamètes peut-il être un don symbolique ou bien est-il impossible de donner même une partie de son matériel génétique ? Selon la réponse apportée à cette question, l'anonymat doit être levé, ou bien être conservé. Si, parmi les dons de parties du corps humain, seul le don de gamètes n'est plus anonyme, cela voudrait-il dire que, justement, il ne peut s'agir d'un don ?En tout état de cause, les donneurs ne donnent pas un enfant à quelqu'un d'autre, ni des demi frères ou sœurs à leurs propres enfants. Leur famille existe, distincte de cet acte de solidarité. Lever l'anonymat revient à affirmer que le donneur a un lien indéfectible avec les enfants nés (dans plusieurs familles différentes) à partir des spermatozoïdes ou ovocytes qui ont été donnés.En rencontrant le donneur, quel statut les enfants nés grâce à un don pourront ils avoir face à cette famille inconnue ? Une famille qui a une autre histoire et d'autres valeurs que les leurs. Le sentiment ressenti ne risque-t-il pas d'être un sentiment d'étrangeté : «quel lien originel avec ces étrangers ? Où est ma vraie place ?»

Pour les COUPLES : Les couples en demande de don souffrent de leur situation d'infertilité, que le don ne guérira d'ailleurs pas. Ils doivent forcément accepter l'intervention de la médecine et d'un tiers dans l'intime de leur vie afin de réussir à réaliser leur projet d'enfant.Les couples essaient de préserver au maximum la relation d'intimité liée à la notion de procréation, et on entend le plus souvent dans leurs propos combien l'anonymat du don peut leur permettre de protéger leur projet d'enfant d'une intrusion ultime, celle d'une troisième personne. Lorsque le couple réussit à resserrer son espace autour de son désir d'enfant, l'anonymat vient donc lui permettre d'occuper à part entière leur place de parents.Tous les hommes allant devenir pères connaissent cette nécessité: se fier à la parole de leur femme lorsqu'elle déclare «tu es le père de notre enfant». Le recours au don crée un chaînon in-

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termédiaire dans cette séquence. Pour que le lien de paternité s'établisse, il est nécessaire que l'homme ou la femme du couple réussisse à s'approprier, «psychiquement» en quelque sorte, les spermatozoïdes ou ovocytes donnés. Ainsi, chaque homme, mais aussi chaque femme, au sein du couple est appelé à effectuer un travail d'élaboration original, qui l'amènera à réaménager ses fantasmes liés à la procréation et à la filiation, selon sa propre histoire, ses propres valeurs, et sa vie de couple.L'anonymat offre aux couples le cadre qui semble le mieux leur adapté pour engendrer et construire leur propre modèle de parenté, tenant compte de la situation d'infertilité, et leur permettant de construire une famille avec un environnement choisi par les parents. En effet ce sont les parents qui transmettent les valeurs qui leur sont propres (éducation, religion, amour, respect d'autrui, histoire familiale …) à leurs enfants. Mais ceci n'est possible que s'ils assument leur place de parents à part entière.

Pour les ENFANTS : L'argument : «connaître le donneur pour pouvoir se construire», pourtant si souvent avancé dans les médias est rarement évoqué par les quelques enfants conçus grâce à un don de gamètes qui s'adressent aux CECOS. Ils parlent plutôt d'une difficulté d'identification qui pour eux semble liée aux propres difficultés de leurs parents à assumer une place parentale.Pour l'enfant, la construction identitaire se fait à partir de ce qui lui est transmis par ses parents, eux-mêmes en prise directe avec l'histoire de leurs propres ascendants, et leurs constructions personnelles. Il arrive que les parents gardent une trace délétère du traumatisme de la stérilité et du nécessaire passage par l'Assistance Médicale à la Procréation. Ceci peut être une source d'angoisse transmise à l'enfant. Celui-ci va essayer à son tour d'en maîtriser les effets perturbateurs pour lui à travers sa propre élaboration et ses propres fantasmes.Dans notre société où la transparence et l'exactitude des faits viennent tenir lieu de vérité, la recherche de la personne du donneur s'avère un leurre fantasmatique opérant et partageable, mais cela ne répond pas à la question sur la vérité. Il est également indéniable que l'existence du don dans l'histoire de la famille nourrit chez l'enfant les fantasmes qui tournent autour de l'identification. Mais on sait bien que ce n'est pas une réponse dans la réalité qui peut venir pacifier les fantasmes lorsqu'ils sont les représentants d'une difficulté psychique et affective fondamentale. Déplacer la question de la vérité en répondant sur l'identité du donneur ne fera que provoquer un déplacement de la demande. Cela ne sera en aucune façon une solution au problème de ces enfants.

L'anonymat est parfois présenté comme obligeant au secret vis à vis de l'enfant. L'expérience clinique montre justement le contraire. L'institution d'un secret autour de la conception de l'enfant tend surtout à protéger l'homme ou la femme de la révélation de sa stérilité, que la naissance d'un enfant n'a pas réussi à dépasser.Mais, par exemple en cas de don de sperme, lorsque c'est l'homme du couple qui assure une position paternelle, et non la personne du donneur, la particularité de la procréation devient «racontable» sans pour autant mettre en danger sa reconnaissance en tant qu'homme et père de famille.La levée de l'anonymat pourrait-elle permettre de mieux mettre en place les éléments de cette élaboration pour les parents ? Ou bien risque-t-elle de la rendre plus compliquée et plus risquée pour eux, en attribuant au donneur un statut «officiel» mais sans nom ? Dans ce cas, les enfants ne seraient pas bénéficiaires en fin de compte.

Ainsi, nous pouvons dire que l'anonymat est une condition nécessaire, mais elle n'est pas suffisante. L'anonymat est nécessaire parce qu'il permet à l'homme du couple d'occuper à part entière une place de père vis à vis de son enfant, et parce qu'il permet à la femme de reconnaître son mari ou compagnon comme l'homme à l'origine de la naissance de son enfant.L'anonymat n'est pas suffisant car les parents doivent réussir à effectuer le travail de deuil de la fertilité, et à s'approprier le don. Si l'élaboration de cette parentèle particulière n'a pu se faire, elle ne peut pas être transmise. L'enfant ne peut alors que partager le désarroi de ses parents et (ou) chercher une échappatoire.

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L'ACCÈS AUX ORIGINES : UN DROIT D'HUMANITÉDr Pauline Tiberghien, gynécologue obstétricienne, présidente de l'association PMA

L'association PMA fut créée en novembre 2004 dans le but de modifier la loi de la bioéthique. Nous demandons qu'à sa majorité, chaque personne issue de nos Assistances Médicales à la Procréation avec tiers ait la liberté de choix : Savoir ou ne pas savoir qui est son donneur d'hérédité. L'association PMA regroupe aujourd'hui une centaine de jeunes adultes nés d'un don de sperme (IAD), des parents qui ont eu recours à un donneur et qui aujourd'hui revendiquent un accès aux origines pour leur enfant, et des ex donneurs de sperme qui aujourd'hui accepteraient de lever le secret de leur identité. Au sein de l'association PMA, tous les IAD souhaitent avoir le choix de lever ou non l'anonymat de leur donneur. Pas un ne considère ce dernier comme son père. Aucun n'entend remettre en cause l'amour, le lien social et la filiation existants avec les parents qui l'ont élevé. Les personnes conçues par don ne souhaitent pas nécessairement rencontrer leur donneur : certains désirent avoir une photo, certains un nom, d'autres le voir furtivement sans établir de liens durables avec lui, mais tous veulent avoir le choix et refusent que l'Etat français décide à leur place et à la place du donneur. Savoir que l'on peut savoir est plus qu'important. C'est essentiel. Car un des fondements de la souffrance de ces jeunes IAD est qu'il sont jugés immatures : on leur dit qu'ils ne doivent pas savoir d'où ils viennent. Ils ne sont ni des patients ni des malades et sont pourtant considérés comme tels, infantilisés par les médecins de leurs parents.

Le projet de loi BachelotLe projet de loi annoncé prévoit qu'en cas de demande d'ouverture de dossier par un jeune adulte issu d'un don, son donneur sera retrouvé (pas si simple) puis questionné. Le donneur aurait le choix de lever ou non le secret de son identité. Cette disposition respecte l'intérêt du donneur en lui demandant son avis 18, 20 ou 25 ans après son don.De plus, le projet de loi annoncé encadre et organise le recueil puis l'accès aux données non identifiantes, ce qui est une bonne chose. Toutefois, le projet de loi verrouille clairement cet accès en dressant une liste a priori exhaustive des données non identifiantes auxquelles les personnes issues de don pourraient avoir accès. Les seules données non identifiantes dont l'accès est garanti aux personnes issues d'un don ne correspondent pas à leur attente et n'apportent aucune information puisqu'il s'agit uniquement de l'âge du donneur au moment du don, de son état de santé au moment du don (par définition bon) et de ses caractéristiques physiques : compte tenu de l'appariement physique auquel procèdent minutieusement les médecins, chaque donneur ressemble plus que moins au père social. De ce fait, il faut être conscient que, même lorsque l'enfant est effectivement malade, la loi ne permet que d'accéder à des informations médicales sur le donneur, obsolètes de plusieurs années et vraisemblablement inutiles puisque les donneurs sont, par définition, des personnes en bonne santé au moment de leur don. D'ailleurs, lors des auditions dans le cadre de la mission d'information parlementaire relative à la révision de la loi de bioéthique, Jean-François Mattei a témoigné : «Il faudrait sans aucun doute améliorer grandement la communication de données génétiques et médicales non identifiantes, afin de permettre à l'enfant de bénéficier de prévention et de prévoyance, encore que cela s'impose moins que pour l'accouchement sous X, les donneurs étant sélectionnés pour leurs qualités génétiques». A l'heure actuelle, il n'existe aucun suivi des donneurs après leur don et ceux-ci ne sont même pas tenus de déclarer les pathologies qu'ils auraient pu développer ou qui auraient pu se déclarer chez leurs enfants au cours des 10, 20, 30, 40 années après leur don. Il serait juste de demander aux personnes ayant accepté de donner leurs gamètes, d'informer un médecin tous les 5 ans des éventuelles maladies transmissibles qu'ils ont développées ou qui sont survenues chez les membres de leur famille. Il en résulte que non seulement l'accès à ces informations sera très hypothétique mais aussi et surtout qu'une personne issue d'un don ne pourra pas obtenir des informations primordiales telles que savoir si son frère ou sa sœur (juridique) est issu ou non du même donneur, des informations médicales récentes, ou combien de personnes ont été conçues à partir des gamètes du même donneur.

Une résistance au changementEn cette veille de révision législative, on entend des voix s'élever contre le projet de loi de Mme Bachelot. Cette levée de bouclier est d'autant plus illogique et surprenante que ce projet de loi a le mérite de responsabiliser et de respecter les donneurs.

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Différents courants de pensée s'expriment, ayant en commun la volonté d'amender le projet et le désir de laisser les personnes issues de dons de gamètes définitivement au ban de la société. Pour ce faire, certains ont choisi le registre de la peur et brandissent devant les couples infertiles la menace d'une baisse du nombre de donneurs volontaires. Bien sûr, derrière l'hypothétique pénurie, les couples voient leur possible recours au don se volatiliser en cas d'échec de leur premier parcours en assistance médicale à la procréation intraconjugale. Adopter n'a jamais été aussi onéreux et compliqué qu'aujourd'hui et une vie sans enfant est relativement impensable dans notre société. Mais cet argument qui fait appel à une logique de «rendement» nous paraît choquant et inapproprié, s'agissant de vies humaines. Faut-il vouloir permettre aux couples infertiles de donner naissance à beaucoup d'enfants à tout prix ? Ou préférer permettre de faire un peu moins d'enfants, mais dans des conditions qui ne les privent pas arbitrairement d'une partie de leur identité ? Nous pensons également que la levée de l'anonymat, en entraînant une modification du profil des donneurs, constituera une avancée et non une régression. La responsabilisation des donneurs fait alors de leur don un don véritablement citoyen solidaire.

Certains médecins, en cette veille de révision législative font mine de s'inquiéter de ces personnes issues de dons, arguant du fait que leur révéler l'identité de leur donneur d'hérédité ne résoudrait pas leur mal être et pourrait même augmenter leur frustration... D'autres affirment même que rechercher le géniteur serait un leurre pour l'enfant et le détournerait de l'essentiel. Ces prophéties sont infondées et montrent à quel point ils méconnaissent notre action. Un responsable des CECOS a même osé émettre un jugement éhonté sur l'éducation donnée par les papas : il a affirmé en public que, si les IAD de l'association PMA cherchaient à connaître leur donneur, cela ne pouvait être que parce que leurs pères n'avaient pas su assumer leur rôle.

D'autres avancent des scénarios-catastrophe : notre société serait menacée par une dictature du «tout biologique». A les entendre, il faut d'urgence répondre à cette menace de «biologisation de la société» et choisir entre la filiation affective et sociale, et la filiation biologique. Pourtant, ceux qui prônent l'accès aux origines aujourd'hui sont ceux qui vivent au quotidien cette dissociation créée de toute pièce dans nos centres médicaux et subventionnée par les fonds publics. Ils sont bien placés pour savoir que le chromosome ne fait pas le parent ! On devient parent parce qu'on attend un enfant dans son cœur, dans son esprit et qu'on se nomme en tant que parent. Et si des personnes nées d'un don de gamètes désirent savoir d'où elles viennent, cela n'a rien à voir avec une quête affective : ils ont des parents qui les ont désirés, attendus et reconnus. Les personnes conçues à l'aide d'un don veulent juste savoir de qui ils sont issus biologiquement, objectivement, corporellement.

Il existe même des psychiatres qui clament que ce n'est pas d'informatif dont l'enfant a besoin mais de narratif, incitant ainsi les parents au déni. Il est cependant mensonger de faire croire aux parents qu'il n'y a personne derrière un spermatozoïde. Encourager cette illusion revient à les inciter à nier la réalité de leur infertilité. Car le donneur a bel et bien eu un rôle. On l'a même sollicité, encouragé pour le jouer. L'enfant est la preuve que le donneur a donné, car il est bien là en chair et en os, l'enfant du couple infertile. Penser qu'un enfant va se laisser conter sa vie sans se poser aucune question est bien naïf et étonnant de la part de professionnels du psychisme.

Une situation inédite et impenséeCette résistance au changement est due au fait qu'être issu d'une procréation médicale avec un tiers donneur d'hérédité est une situation totalement inédite. Les schémas qui servent encore aujourd'hui de bases de réflexion sont inadaptés et il est grand temps de penser cette naissance pour ce qu'elle est vraiment :- Contrairement aux enfants adoptés qui sont par définition abandonnés, ces IAD sont désirés. De plus, les enfants abandonnés sont nés d'une mère qui a vécu le traumatisme de l'abandon alors que les IAD sont issus d'un homme qui a choisi de donner son sperme et qui n'a pas souffert. En effet, un donneur de sperme est de fait un adulte consentant et volontaire : il a souhaité et fait en sorte que ses gamètes soient utilisés pour donner naissance à 10 enfants.- Contrairement aux naissances adultérines, donner la primauté à une prétendue paix des familles et camoufler la réalité n'a pas lieu d'être. En effet, les deux membres du couple ont fait ensemble la démarche d'avoir recours à un donneur, il n'y a pas d'adultère, il n'y a pas de mensonge mais un choix de couple. De plus, dans une relation adultérine, la mère choisit son amant. Dans l'IAD c'est le médecin qui choisit le donneur.- Contrairement aux enfants issus de relations passagères qui ne connaissent pas leur père, les IAD ont un papa à leurs côtés. Si dans le premier cas la maman fait le choix de taire le nom du

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géniteur, cette séquestration de données est un secret de famille comme tant d'autres. Dans le cas de l'IAD, il s'agit d'une interdiction décrétée par des médecins tout puissants et cautionnée par le législateur. Le nom du géniteur est connu des médecins et enfermé à clef dans leur armoire.- Contrairement à un don de globule rouge ou un don de rein dont le but est de soigner et de guérir, le don de gamètes ne guérit personne. Le couple infertile reste infertile. Certes, il connaîtra le bonheur d'être parent mais le vrai destinataire du don de gamète est l'enfant et non le couple. L'enfant porte en lui trace du donneur toute sa vie. Il en porte l'hérédité, la véhicule et est amené à la transmettre. Car les vecteurs de notre nature biologique sont bel et bien les gamètes et c'est ici que se manifeste l'ambiguïté du statut du gamète : là où certains ne voudraient y voir que substance inerte, substituable, interchangeable et non identifiée, surgit l'incontournable nature humaine du support biologique de l'humain.Cette nature humaine véhiculée par les gamètes les distingue des autres dons de produits du corps humain qui méritent notre respect bien évidemment, mais ne sont pas, eux, porteurs d'humanité.

Humaniser le don d'hérédité protégera des dérives annoncéesLes personnes qui continuent à prôner le maintien de l'anonymat renforcent la dépersonnalisation des gamètes et contribuent, à leur insu, à la mise en place d'un grand magma de la procréation assistée, dont ils perçoivent insuffisamment les enjeux économiques et sociétaux. En préférant le maintien de l'anonymat, ils contribuent, par ignorance, à encourager la macédoine procréative des scientistes. Car ce qui se joue effectivement est bel est bien d'un autre ordre. En effet, avec l'anonymat, l'individu perd de son humanité. Avec l'anonymat, le corps est morcelé, à cause de ses «pièces détachées» consciencieusement anonymisées. Désincarnés, les vecteurs biologiques de notre humanité sont congelés, vitrifiés, répertoriés, étiquetés, appariés, donnés, redonnés…. Le tout sous couvert de générosité. Avec l'anonymat, les gamètes, deviennent des cellules interchangeables. Sans provenance, ces «miettes de corps» ont pour vocation finale de ne plus être reliées à l'Humain. Ainsi, elles appartiennent à tous…puisqu'elles ne proviennent de personne. Si les gamètes sont anonymisés, si les embryons sont indifférenciés, alors viendront au monde des enfants de NULLE PART. Personne ne s'en offusquera car l'enfant sera le fruit d'un «projet parental», véritable fourre-tout qui autorise toutes les cuisines procréatives pourvu que l'enfant soit objet de désir. Il est urgent de mener d'un seul corps un combat humaniste et de prendre conscience que nous sommes tous responsables d'un développement humain durable de notre société. Ce développement passe par la vérité et la levée de l'anonymat pour humaniser la vie des "enfants du don». Reconnaître la réalité du tiers dans ce type de procréation, comme le propose le projet de loi actuel, protègera de dérives annoncées.

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LA GESTATION POUR AUTRUI… OU POURQUOI EST-IL DIFFICILE DE RÉPONDRE

À UNE QUESTION EN APPARENCE SIMPLE. Dr Lise Selleret, Gynécologue-obstétricienne, Paris

Le Dr Lise Selleret dans cet article nous montre la remise en cause fondamentale de la filiation par cette technique de la Grossesse Pour Autrui (GPA) par l'intrusion d'une tierce personne intimement impliquée dans la relation mère enfant. L'homme peut ainsi aujourd'hui par cette technique remettre en question la définition de la maternité.

La gestation pour autrui (GPA), dénomination aseptisée de la pratique dite des "mères porteuses" après de nombreux débats dans les années 1980, a été interdite par la loi de 1994 et confirmée par les dernières lois de bioéthiques. Néanmoins ce sujet sera susceptible de refaire parler de lui chaque révision.

Qu'est ce que la gestation pour autruiLa gestation pour autrui fait porter un embryon à une mère dite porteuse qui ne sera pas la personne qui élèvera l'enfant. Sa mission s'arrêterait avec l'accouchement de l'enfant; elle peut néanmoins être la mère biologique de l'enfant. Le plus souvent l'enfant est conçu en dehors de toute relation sexuelle, soit par insémination soit par fécondation in vitro avec des gamètes pouvant ou non provenir du couple élevant l'enfant appelés «parents intentionnels».

A qui s'adresserait la gestation pour autruiLa gestation pour autrui pourrait s'adresser à toutes les femmes qui pourraient ou ne souhaiteraient pas porter un enfant. Les raisons médicales le plus souvent avancées sont des anomalies sévères utérines, comme le Syndrome de Mayer Rokitanski Kuster Hauser (MRKH), des patientes dont l'état de santé ne leur permettrait pas de supporter une grossesse, des patientes présentant des échecs inexpliqués de fécondation in vitro mais aussi d'autres demandes plus sociales : des femmes ne souhaitant pas porter une grossesse voire des hommes.Les arguments des lobbies pro GPA mettent en avant une innocuité bien établie par des pays ayant une expérience de 25 ans avec des enfants plutôt plus équilibrés que la moyenne, des liens privilégiés entre la gestatrice, le couple et l'enfant, donc un tableau idyllique.Alors pourquoi ce sujet fait-il encore débat ?La GPA modifie visiblement la filiation. «Mater semper certa est» néanmoins nous aurions pu déjà constater cette rupture avec le don de gamètes mais le couvert de l'anonymat et le don ne mettaient pas visiblement un tiers dans la grossesse. La GPA est visible, et nous fait nous demander qui est plus la mère celle qui donne les gamètes, celle qui a l'intention d'élever cet enfant, celle qui «prête» son utérus…Dans la bible une des premières GPA fut expérimentée avec un succès encore visible entre Sarah et Agar permettant la naissance d'Ismaël !!

Dans notre quotidien, lorsqu'on rencontre des patientes porteuses de MRKH, notre désir médical serait effectivement de pouvoir pallier à cette injustice, mais la solution de passage par un autre être humain rend effectivement cette réalisation difficile. La solution pourrait être la greffe d'utérus. Des esprits joueurs ne seraient-ils pas ensuite très tentés de réaliser cette greffe chez les hommes ?Il n'existe donc pas de vraies bonnes solutions pour ces patientes car qui peut garantir qu'une femme peut accepter de porter l'enfant d'une autre pour de bons motifs, comment réellement garantir l'innocuité aux différents protagonistes.Si la GPA est techniquement possible, la loi française n'a pas souhaité l'autoriser : témoignant que tout ce qui est techniquement possible n'est pas forcement humainement souhaitable.

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QUESTIONS DE VOCABULAIREDIAGNOSTIC ET DÉPISTAGE

DIAGNOSTIC PRÉNATAL OU PRÉIMPLANTATOIRE (DPN OU DPI)Dr Gilles Grangé, Assistance Publique - Hôpitaux de Paris.

Dans cet article le Docteur Grangé nous précise les définitions des différents termes utilisés autour de la naissance pour identifier des malformations présentes ou à venir. Il nous montre bien les risques de glissement d'un terme vers l'autre, d'amalgame de situations différentes. Les couples et les médecins entendent-ils la notion de «risque» de la même manière. Dès que le mot risque est lancé, la mise en œuvre de la procédure de diagnostic est là.

Le dépistage et le diagnostic :Tenter de différencier la phase de dépistage et de diagnostic revient, en période prénatale, à parler de la trisomie 21. En effet, c'est ce dépistage qui nous préoccupe. Le dépistage permet l'identification, à l'aide d'un test, d'une population à haut risque d'être porteur de la trisomie 21. Les patientes ayant un risque accru se voient alors proposer un examen diagnostic qui affirmera ou écartera définitivement le diagnostic. La phase de diagnostic consiste à prélever des cellules de la grossesse avec le risque d'entraîner une fausse couche.

Le dépistage est un calcul de risque basé sur différents paramètres (âge maternel, mesure échographique de la clarté nucale de l'embryon et dosage de certains marqueurs dans le sang maternel). C'est un calcul statistique qui compare les données de la grossesse étudiée à des populations de référence de plusieurs dizaines de milliers de patientes. La phase de dépistage est considérée comme peu fiable par le grand public, car le nombre de faux positif est important, c'est à dire que beaucoup de femmes sont inquiétées à tort. Il est très important de comprendre qu'un risque élevé ne signifie pas la trisomie 21, ni à l'inverse qu'un risque bas est synonyme de l'absence de trisomie. Le seuil de risque est fixé arbitrairement de manière à repérer le plus possible de fœtus ayant l'anomalie, et à éviter au maximum que des fœtus ayant une formule chromosomique habituelle aient un calcul de risque les plaçant dans le groupe «haut risque». Cet exercice est très imparfait puisque seulement 1% de femmes inquiétées sera réellement confronté à la trisomie 21.

Le dépistage pose question aux médecins et sages-femmes: Le médecin ou la sage femme doit proposer le dépistage de la trisomie 21 à toutes les patientes même si son risque est très faible. Cette obligation semble devoir être confirmée dans la future loi de bioéthique. Si le médecin propose un test, ne justifie-t-il pas intrinsèquement son opportunité ? A propos de la trisomie 21, les médecins et les sages-femmes sont donc dans la position de justifier passivement le dépistage d'un handicap dont il n'existe pas de traitement avant la naissance. La phase de dépistage parait poser peu de problèmes à la conscience car elle permet de rassurer plus de 90% des femmes. Pour celles qui sont particulièrement inquiètes, cette étape est intéressante car elle permet de donner de la sérénité à l'évènement majeur de la grossesse. Mais les 5% sélectionnées vont être plongées dans des questions peu ou mal préparées.

Si le risque calculé est jugé important, un examen diagnostic est proposé. Aujourd'hui, ce calcul de risque jette le trouble chez environ 5% de l'ensemble des femmes qui se prêtent au dépistage et va les conduire à un prélèvement de l'œuf (amniocentèse ou biopsie du placenta), examen qui comporte un risque de fausse couche, pour accéder au diagnostic. Rappelons que, le diagnostic fait, la quasi-totalité des patientes se dirige vers une interruption de grossesse.

La phase de diagnostic pose de nombreuses questions de bioéthique. Prélever des cellules fœtales comporte un risque de fausse couche; est-il justifié? Que faire devant un fœtus porteur de la trisomie 21? l'avortement a-t-il une légitimité? Quels en sont les ressorts et les implications? Quel est le rôle de l'entourage familial? Peut-on accepter qu'un enfant associant plusieurs malformations cardiaques et digestives soit pris en charge alors que les soins qui lui seront donnés pour lui sauver la vie risquent de le mener vers un lourd handicap ? Ne faut-il pas alors se poser la question de l'excès de soins? D'autres questions se posent, toutes sont importantes. La société cherche à établir fragilement un dialogue avec des équipes médicales qui pourraient sembler ne pas respecter la vie. Le respect mutuel est essentiel à la progression des idées et des lois. La dignité de chaque être humain, femme, homme, médecin, sage-femme, politicien, passe par

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sa liberté profonde, celle qui est éclairée avec justesse mais que rien ne vient contraindre en conscience.

Diagnostic prénatal ou préimplantatoire (DPN ou DPI)Le diagnostic prénatal (DPN) est l'ensemble des techniques qui permettent, chez la femme enceinte, de déceler un risque de handicap chez l'embryon ou le fœtus. Le diagnostic préimplantatoire (DPI) consiste à pratiquer une fécondation in vitro pour obtenir des embryons au laboratoire sur lesquels des tests génétiques sont effectués. Seuls, les embryons sains sont susceptibles d'être réimplantés chez la future mère. Les familles touchées par une maladie génétiquement identifiée peuvent ainsi espérer débuter une grossesse sans avoir l'appréhension de demander un avortement, après un acte diagnostic au troisième mois, au cas où le fœtus serait atteint. En France, cette pratique est, pour ce qui est des indications, relativement bien encadrée par la loi de bioéthique de 1994 et de 2004. Seuls trois centres ont un agrément. La position très claire de l'Eglise semble ainsi en contradiction avec les demandes de notre société et l'évolution de la recherche médicale. Alors, comment mettre dans la balance la douloureuse histoire de certains couples et une certaine vision de l'homme qui refuserait d'instrumentaliser l'embryon ?

La question qui se pose de façon intense et chronique dans le DPI est le statut de l'embryon car nous sommes confrontés au tri sélectif. Nous ne pouvons pas répondre de façon univoque, car cette question impose de faire le grand écart entre les lois sur l'avortement et la tentation bien réelle d'une loi vers un statut juridique et civil des fausses couches. La loi de 2004 ayant poussé la dépénalisation de l'avortement datant de 1975 jusqu'à la banalisation médicale, le risque est bien, aujourd'hui, de considérer l'embryon comme un objet de désir ou de non désir. Il ne s'agit pas ici, pour le DPI, de désir ou de non désir d'enfant. Le désir est toujours présent, puisqu'il s'agit d'éviter la récurrence d'une maladie grave. Nous parlons plutôt du désir ou du non désir que porte chaque embryon formé au laboratoire. Ainsi, à l'évidence, la loi ne peut pas répondre de façon cartésienne.

Les médias relaient les débats sur la recherche sur l'embryon, le diagnostic préimplantatoire et la grossesse pour autrui. Ces débats sont fondamentaux car ils repositionnent les bases de notre société, mais au fond, ils touchent peu de couples. La question du dépistage, qui dépasse la question de la trisomie 21, s'inscrit dans une dimension plus vaste en tant qu'elle est susceptible de toucher, toutes les femmes enceintes, leur conjoint, et l'enfant à naître, c'est à dire la société dans son ensemble, celle d'aujourd'hui, mais aussi celle de demain.

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GROSSESSE INTERROMPUE OUMORT D'UN ENFANT À LA NAISSANCE:

QUELS CHEMINS POSSIBLESQUAND CES ÉVÉNEMENTS ENVAHISSENT ?

Association AGAPA

Quelle que soit la raison d'une grossesse interrompue, d'une mort fœtale ou à la naissance, il est parfois difficile pour les hommes et pour les femmes, qui y sont confrontés, d'en parler avec leur entourage. C'est pour offrir un espace de parole à toutes ces personnes que l'association AGAPA propose accueil, écoute et accompagnement. Créée en 1994 à Paris, l'association dispose de plusieurs antennes en Ile-de-France et en province.

Une souffrance encore insuffisamment reconnueLa perte anténatale (IVG, IMG, réduction embryonnaire, fausse couche, mort fœtale in utero…) et la souffrance qui peut l'accompagner sont encore, souvent incomprises ou taboues. Même si chaque situation est différente, il arrive que l'entourage veuille minimiser ce qui est arrivé par des phrases difficiles à entendre comme «Toutes les femmes font une fausse couche»; «Vous êtes jeunes, faites-en vite un autre»; «Ce n'était pas encore vraiment un bébé»; «C'est mieux pour lui, il aurait souffert toute sa vie»; «Personne ne t'a obligée à avorter, maintenant il faut aller de l'avant». Il y a un décalage souvent immense entre ce que ressentent les femmes ou les hommes qui y sont confrontés et ce qu'ils peuvent ou se sentent en droit d'exprimer. Les réactions, ou l'absence de réaction, de leur entourage ou de la société, peut ajouter encore à leur douleur.Or, certaines des personnes qui à un moment donné de leur histoire n'ont pu accueillir la vie ou qui ont vu celle qu'elles attendaient s'interrompre brutalement, vont éprouver le besoin d'exprimer leur mal être. Ce peut être très vite après l'événement ou de nombreuses années plus tard.C'est en étant accueillies et écoutées qu'elles vont pouvoir peu à peu donner une juste place à ce qui a été et, avancer sur un chemin de pacification.

Un espace de parole ouvert à tousA toutes ces personnes, l'association AGAPA propose écoute et accompagnement. Les bénévoles, chrétiens, accueillent toute personne qui le souhaite, quelles que soient ses convictions. Chacun est reçu dans le respect de son identité et sans aucun jugement.

Un lieu de soutien pour aider à dépasser le mal êtreA l'écoute des besoins exprimés par les personnes qui s'adressent à elle, AGAPA propose différentes formes de soutien : parfois, une simple écoute téléphonique, un échange de mails, d'autre fois une ou deux rencontres, suffiront à certaines pour déposer une histoire lourde à porter seule. Pour celles qui le désirent, l'association propose un accompagnement spécifique, bâti avec l'aide de psychiatres et lié à ce deuil spécifique qu'est le deuil anténatal. Accompagnement qui se décline en une vingtaine de rencontres hebdomadaires, soit en petit groupe (durant deux heures), soit individuellement (durant une heure).A Paris, l'association propose également un groupe de parole et d'entraide, une fois par mois.

Des accompagnantes solidement forméesLes personnes investies à AGAPA sont des chrétiennes, bénévoles. Elles ont souvent un parcours personnel ou professionnel qui les a préparées à l'accompagnement. Mais elles reçoivent toutes à AGAPA une formation supplémentaire spécifique (initiale et continue), notamment à l'écoute active et bienveillante, ainsi qu'aux étapes du travail de deuil. Elles sont par ailleurs toutes invitées à réaliser un travail personnel sur elles-mêmes et sur leur propre histoire. Enfin, elles adhèrent à un code de déontologie et sont supervisées régulièrement par un psychiatre.

Ils témoignent…«J'ai passé de longues années à souffrir seule dans mon coin après mon IVG : tristesse et culpabilité ne me quittaient plus. Cette rencontre de plusieurs mois avec AGAPA a été un tremplin pour me remettre debout». Nathalie«Après deux fausses couches, AGAPA m'a aidé à faire le deuil. C'est le seul lieu où j'ai pu parler de ce que j'avais vécu et où on ne niait pas l'existence de ces deux vies que j'avais portées en mois.» Valérie«Mon petit garçon est né mort à 22 semaines de grossesse. AGAPA m'a permis d'exprimer ma souffrance, sans la minimiser mais, pour la traverser et la dépasser. J'ai pu accueillir, quelque

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temps après, mon second bébé dans de bonnes conditions.» Isabelle«C'est 15 ans après l'avortement, que nous sommes allés ma compagne et moi à AGAPA. Je croyais que notre couple était foutu, que j'avais gâché ma vie et celle de la femme que j'aime. Et là, j'ai pris le temps de m'exprimer, de parler de mes émotions et, des portes se sont ouvertes…» Eric

N'hésitez pas à nous contacter pour davantage d'informationsou pour recevoir des plaquettes ou des affiches

AGAPA Paris42 rue Saint Lambert

75015 Paris Tél : 01 40 45 06 36

e-mail : [email protected]

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LIENS INTERNET — RÉVISION DES LOIS DE BIOÉTHIQUESite des Etats généraux de la bioéthique:

www.etatsgenerauxdelabioethique.fr/• Rapport final, 1er juillet 2009, (66 p.):

www.sante.gouv.fr/IMG/pdf/Rapport_final_bioethique_2_juillet09.pdf• Annexes (133p.):

www.etatsgenerauxdelabioethique.fr/uploads/annexes.pdfwww.sante.gouv.fr/IMG/pdf/Annexes_bioethique.pdf

Etudes du Conseil d'État: la révision des lois de bioéthique (2009)• Etude adoptée par l'assemblée générale plénière (122 p.):

www.conseil-etat.fr/cde/media/document//etude-bioethique_ok.pdf• Dossier de presse (46 p.):

www.conseil-etat.fr/cde/media/document//dossier-presse-bioethique.pdf

Rapport d'information du 20 janvier 2010, fait au nom de la Mission d'information sur la Révision des Lois de bioéthique. Président: Alain Claeys, Rapporteur: Jean Léonetti

www.assemblee-nationale.fr/13/pdf/rap-info/i2235-t1.pdf (561 p.)www.etatsgenerauxdelabioethique.fr/uploads/rapport-mission-LBE.pdf (1170 p.)

Projet de loi relatif à la Bioéthique• Extrait du compte rendu du Conseil des ministres du 20 octobre 2010

www.assemblee-nationale.fr/13/dossiers/bioethique.asp• Projet de loi relatif à la Bioéthique, déposé le 20 octobre 2010

www.assemblee-nationale.fr/13/projets/pl2911.asp• Étude d'impact, 18 octobre 2010

www.assemblee-nationale.fr/13/projets/pl2911-ei.asp• Assemblée Nationale: Dossier Bioéthique, 15 février 2011:

www.assemblee-nationale.fr/13/dossiers/bioethique.asp

Conférence des Evêques de France• Bioéthique

www.eglise.catholique.fr/eglise-et-societe/bioethique/bioethique.html• Blog sur la révision des lois de bioéthique

www.bioethique.catholique.fr/

Point de vue: Le projet de loi de bioéthique concerne toutes les femmes enceintesDr Gilles Grangé, Dr Elie Azria, Dr Marie-Cécile Berger-Aubry, Pr Dominique Cabrol, Dr Romain Favre, Pr Pascal Gaucherand, Pr Francois Goffinet, Pr Emmanuel Hirsch, Pr Gérard Lévy, Pr Jean-François Mattei, Pr Israel Nisand, Pr Didier Sicard, Pr Vassili TsatsarisLEMONDE.FR: 08.02.2011, 16h16: www.lemonde.fr/idees/article/2011/02/08/le-projet-de-loi-de-bioethique-concerne-toutes-les-femmes-enceintes_1476744_3232.html#ens_id=1476735

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NOTES DE LECTURE

La Revue "ETUDES" de décembre 2010 (Tome 413, n° 6) nous propose trois articles en rapport avec les réflexions actuelles à propos de la révision des lois de Bioéthique (Christian Brégeon):

1. Patrick Verspieren : "Pas de surenchère en bioéthique": p. 580-582Le processus de révision, presque unanimement salué comme particulièrement sérieux et approfondi, n'échappe pas à quelques risques de dérapage "à la marge».Ainsi, dans la dernière rédaction du projet de loi concernant la transmission intra-familiale d'une maladie génétique, une action en responsabilité pour manque d'information devient recevable, alors qu'elle était exclue jusque là. De même, les dérogations à l'interdiction de la recherche sur l'embryon humain seraient médicales et non plus thérapeutiques, ce qui en ouvre et diversifie leur champ d'application. La non-acceptation de la gestation pour autrui et le maintien du respect encadré d'un certain anonymat dans l'accès aux origines laissent malgré tout persister des problèmes de fond tels que la sauvegarde de la dignité humaine, l'indisponibilité du corps humain, le droit revendiqué à l'enfant, le principe même du recours aux gamètes d'un tiers pour la conception d'un enfant.Il importe donc de rester très attentif aux ultimes campagnes d'opinion ou amendements qui pourraient intervenir jusqu'à la fin de cette révision par le Parlement.

2. Myriam Szejer: "L'héritage encombrant des donneurs anonymes": p. 607-617.Pédopsychiatre et psychanalyste, fondatrice de l'association "La Cause des Bébés", l'auteur s'interroge sur le retentissement du secret lié à l'anonymat sur les adultes, adoptants ou demandeurs de remèdes à la stérilité, et sur les enfants, trop souvent absents du débat et victimes bâillonnées des bricolages de la filiation.Secrets de famille et névroses, fantasmes de transgression de l'interdit de l'inceste, ambiguïtés du dire et du non-dire, risques d'amnésie infantile et de négationnisme..., ce sont de vraies et fondamentales questions, abordées sous l'angle de l'inconscient et du refoulement, peut-être inutilement alourdies par des rappels historiques (Vichy et Nazisme), alors que les possibilités de résilience sont effleurées seulement dans la conclusion. Mais cet article a le double mérite de l'aisance et de la clarté, dans l'exposition des enjeux qui sont et seront débattus au cours des mois à venir.

3. Agata Zielinski: "L'éthique du care. Une nouvelle façon de prendre soin": p. 631-641.Le "care", notion plutôt nouvelle en Europe, et que Martine Aubry a traduite par le "soin mutuel", élargit en fait beaucoup le champ de réflexion sur le soin, en favorisant avec bonheur la rencontre entre philosophie, sociologie et médecine.Sagesse pratique, le care suppose d'abord un souci d'identifier et d'analyser précisément un besoin, puis d'y répondre avec efficacité, en veillant à respecter les dimensions relationnelles du soin: contact direct avec les personnes, évaluation de la manière dont il est perçu et reçu.Il faut ainsi s'éduquer à l'attention à l'autre, à l'empathie, à la perception de la vulnérabilité du patient et de soi-même, à la responsabilité, à la compétence technique et relationnelle, au maintien de l'autonomie du malade, qui guide, apprécie, et reste le maître du soin donné.

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Cet article est une sorte de dissection moderne de la pratique médicale, et on y retrouve avec clarté et plaisir les fondamentaux de notre éthique de soin.

Françoise Gontard: A coeur ouvert. Approche relationnelle clinique en cardiologie - Ed. Publibook (Coll. "Recherches"), Paris, décembre 2010, 180 p.

C'est vers une redéfinition de la fonction «cardiologue» et de son rapport au malade que s'oriente la réflexion du Dr Gontard. Elle nous invite à considérer la relation médecin malade comme une altérité prenant en compte toute a vie de ce dernier. Le malade est fait de ses symptômes mais aussi et surtout de tous les non-dits, les interstices laissés par ceux-ci. Le Dr Françoise Gontard nous invite à considérer toute la richesse de ce dialogue à hauteur de cœur.Bertrand Galichon

Sous la direction du Pr Louis Puybasset: Enjeux éthiques en réanimation - Ed. Springer Verlag France, Paris, octobre 2010, 634 p.

Nous saluons la très grande richesse de cet ouvrage. Sans aucun faux fuyant, les différents auteurs retenus pour leurs compétences vont au plus loin de leur réflexion en fonction des pratiques médicales actuelles et celles qui adviendront demain avec leurs nouveaux questionnements. Le champ de ce livre dépasse largement le strict service de réanimation puisqu'il donne la parole à la médecine d'urgence, ouvre la réflexion sur le don d'organes. D'autre part, le malade n'est pas le seul objet de réflexion mais aussi son entourage et les équipes soignantes. L'esprit de cet ouvrage tient dans la dernière phrase de la postface du Dr Régis Aubry : «La fin de vie devient plus longue, elle doit avoir un sens».Bertrand Galichon

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Violaine Journois (Préface de Marie de Hennezel): Approcher la personne qui souffre - Ed. Nouvelle Cité (Coll. "Vie des hommes"), Bruyères-le-Châtel, septembre 2010, 158 p.

L'auteur, docteur en chirurgie dentaire, a fait de l'accompagnement aux patients pendant huit ans en soins palliatifs. Elle dirige actuellement un établissement pour personnes handicapées. Le livre est écrit en deux parties. Les deux sont enrichies de nombreux exemples tirés de situations vécues (soins palliatifs, maisons de retraite, divorces …). Il évoque la souffrance dans toutes ses composantes, physiques, psychiques et spirituelles, dans le domaine des soins mais également dans les situations de la vie courante. Dans la première partie, il met en exergue les erreurs que l'on peut faire dans l'approche de la personne qui souffre. Dans la deuxième l'auteur y expose la conduite à tenir face à différentes situations illustrées par des exemples plus longuement développés. Ce livre est à conseiller à tous et tout particulièrement aux visiteurs des hôpitaux, aux étudiants du monde médical et paramédical.Christophe de Champs

Axel Kahn: l'Ultime Liberté - Ed. Plon (Coll. "Tribune libre"), Paris, octobre 2008, 137 p.

Cet ouvrage, facile à lire, est toujours d'actualité au moment où l'on rediscute de l'euthanasie. Axel Kahn y reprend, avec un langage de médecin ayant l'expérience des malades, les notions de vraie liberté et de dignité.Il montre que, lorsque quelqu'un se suicide, il n'est - la plupart du temps - pas libre, car soumis à une telle détresse qu'il n'a plus le choix et que le suicide lui apparaît comme l'unique solution.Quant à la dignité il précise que «si une personne peut elle-même douter de sa dignité jusqu'à vouloir mourir» «la société ne doit pas renvoyer cet image ni introduire cette idée dans la loi.».Il insiste sur les soins palliatifs en disant que «le geste du médecin n'a pas pour but d'interrompre la vie, il doit soulager.»

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Ce livre, écrit par un non-croyant, intéresse car, si l'auteur n'exclut pas l'idée d'un suicide décidé librement et réalisé sans l'aide d'autrui, pour le reste il rejoint notre éthique et notre expérience médicale.

COMMUNIQUÉ DE SOUTIENAUX CHRÉTIENS DU MOYEN ORIENT

SOCIETE MEDICALE BELGE DE SAINT-LUCc/o Abbaye des Norbertins, Kerkplein 1, 1850 Grimbergen

&

CENTRE CATHOLIQUE DES MEDECINS FRANÇAIS5 avenue de l'Observatoire, 75006 Paris

Nos deux associations tiennent à dénoncer les actes de barbarie dont les Chrétiens du moyen Orient font l'objet depuis ces dernières semaines. Nous tenons à manifester tout notre soutien à nos confrères chrétiens y exerçant.Nous prions pour qu'ils puissent continuer de vivre en paix sur les terres de leurs pères, terres qui ont vu la naissance de leur foi, de leurs Eglises.Nous prions aussi pour que nos confrères puissent continuer à répondre à leurs missions de médecins et de chrétiens et de prendre soin en toute liberté de leurs frères souffrants quels qu'ils soient.Nous demandons à nos confrères belges et français de soutenir matériellement les associations d'entraide des chrétiens du Moyen Orient.

Conseil d'Administration de la Société Médicale Belge de Saint Luc• Président d'Honneur: Dr Paul Deschepper,• Président: Dr. Bernard Ars,• Vice-Président: Dr Luc Van Der Plaetsen• Trésorier-Secrétaire: Dr Paul Deschepper• Membres: Dr Luc David, Dr Ilse Kerremans, Dr Raymond Lenaerts, Dr Théo De Decker

Conseil national du Centre Catholique des Médecins Français• Président: Dr Bertrand Galichon• Vice-Président: Pr Christophe de Champs• Secrétaires généraux: Dr Bernard Guillotin, et Dr Stanislas Faivre d'Arcier• Trésorier: Pr Christian Brégeon• Aumônier: Père Jacques Faucher• Membres: Dr François Blin, Pr Michel de Boucaud, Dr Didier Deroche, Pr Jean-Paul Eschard,

Dr Françoise Gontard, Dr Solange Grosbuis, Dr Patrick Lepault, Dr René Pugeault, Pr Jean-Michel Rémy

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