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    DOSSIER

    lvaluationCahiers de

    N 4 - Janvier 2010

    Avant propos

    Rsum du dossier

    Notation, information et confiance

    Vers la socit de notation gnralise ?

    Un prcurseur : le Guide Michelin

    La 3me toile, un actif fragile ?

    Un innovateur : eBay

    Notation ou rputation numrique ?

    Notation = valuation ?

    Vol.1 - De Michelin eBay

    p. 5

    p. 7

    p. 15

    p. 23

    p. 26

    p. 31

    p. 36

    p. 43

    Entretien

    avec

    Pierre

    Kosciusko

    Morizet

    p. 9

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    Cahiers de lvaluation, n4, janvier 2010 3

    Quelques clefs de lecture

    Rgles du jeuRevue bimestrielle lectroniquedune trentaine de pagespubliant des articles et des interviews.

    Les articles proposs sont soumis lapprciationdun Comit dorientation dont les avis concourentau choix des textes et, ventuellement, leuramlioration, tant en ce qui concerne leur qualitscientifique que la clart de leur expos.

    Les jugements et les opinions exprimspar les auteurs nengagent queux-mmeset non les institutions auxquelles ces auteursappartiennent. Ils nengagent, a fortiori,ni la Direction gnrale du Trsor et de la politiqueconomique ni le ministre de lconomie, delIndustrie et de lEmploi ni le Centre danalysestratgique.

    Dossiers De nombreuses histoires dvaluation raconter, des histoires russies et dautres

    moins. Ce sont ces histoires que Les Cahiers se proposent de rapporter dans desdossiers thmatiques afin de favoriser une comprhension intuitive desproblmatiques dvaluation.

    Laccent est mis sur les aspects concrets de lvaluation, en privilgiant, dans la

    mesure du possible, des exemples dvaluation applique et en proposant danschaque numro linterview dune personnalit (dcideur, expert, acteur de lasocit civile) lexprience reconnue.

    Chaque dossier constitue une entit autonome, une brique dinformationpouvant tre lue indpendamment. Suivant leur importance, les dossiers seronttraits en un ou plusieurs numros.

    Chaque dossier sarticule autour darticles choisis pour leur capacit clairer lathmatique aborde. Ce sont, en gnral, des articles ayant dj t publis,accompagns de complments rdigs par la rdaction (biographie, encadrsmthodologiques, dfinitions ) mais il pourra tre fait appel, le cas chant, descontributions originales.

    Chaque numro pourra comporter, en plus du dossier, une rubrique Variaprsentant divers exemples dvaluation.

    Dfinitions Lvaluation consiste porter un jugement

    de valeur fond sur une dmarche cognitive.

    Les politiques publiques englobent toutes lesmodalits daction permettant aux pouvoirspublics (au sens large) dinflchir lescomportements des acteurs sociaux en vue delintrt gnral.

    Interrogations Quest ce que lvaluation ? Que sont, au juste, les politiques publiques ? ce

    stade, les rponses ne peuvent tre quesquisses. Les dfinitions proposes ci-contre, pour imparfaites quelles soient, prsentent le mrite douvrir une largeavenue lvaluation des politiques publiques et donc de ne pas restreindre a priorile champ dinvestigation de la revue.

    Lexplication des termes conomiques peut, par ailleurs, tre recherche sur desglossaires en ligne, notamment celui propos par la revue Problmes conomiquesde la Documentation franaise.

    Directeur de la publication :Rdactrice en chef :Rdaction :Conception graphique :Secrtariat et ralisation :

    Renseignements :Diffusion :

    Benoit Coeur, directeur gnral adjoint la Direction gnrale du Trsor et de la politique conomiqueMartine Perbet, Direction gnrale du Trsor et de la politique conomiqueMara Dobrescu, Violaine Faubert, Elena CrivellaroService dinformation du gouvernement (SIG)Muriel Badin, assistante au Conseil danalyse conomique (CAE)

    Tl. : 01 44 87 72 90 - Fax : 01 53 18 36 28 - Mel : [email protected] www.minefi.gouv.fr

    ISSN 1760-5725

    Comit dorientation :Claire Aubin, inspectrice gnrale lInspection gnrale des affaires sociales/IGAS, ministre du Travail, des Relations sociales, de la Famille et de laSolidarit,Daniel Aunay, dlgu adjoint la mission dvaluation des politiques publiques (MEPP) au ministre du Budget, des Comptes publics, de la Fonctionpublique et de la Rforme de ltat,Anne-Marie Brocas, directrice de la Direction de la recherche, de lvaluation, des tudes et des statistiques/DREES, ministre du Travail, desRelations sociales, de la Famille et de la Solidarit,Dominique Bureau, dlgu gnral au Conseil conomique pour le dveloppement durable/CEDD, ministre de lcologie et du DD,Elisabeth Buskspan, inspectrice gnrale des Finances lIGF, ministre du Budget, des Comptes publics et de la Fonction publique,Vincent Chriqui, directeur gnral du Centre danalyse stratgique/CAS,Franois calle, conseiller rfrendaire la Cour des comptes,Annie Fouquet, inspectrice gnrale des Affaires sociales, prsidente de la Socit franaise de lvaluation,

    Henri Lamotte, chef du service des politiques publiques la Direction gnrale du trsor et de la politique conomique/DGTPE,Jean Maia, chef du service de la lgislation et de la qualit du droit au Secrtariat gnral du gouvernement/SGG,Bertrand du Marais, conseiller dtat, section du contentieux et section de ladministration au Conseil dtat,Franoise Maurel, chef du service conomie, valuation et intgration du dveloppement durable au ministre de lcologie, de lnergie, duDveloppement durable et de la Mer,Bernard Perret, chef de la mission valuation des politiques publiques au Conseil gnral de lenvironnement et du dveloppement durable/CGEDD,ministre de lcologie et du Dveloppement durable,Michel Qur, directeur de la Direction de lvaluation, de la prospective et de la performance au ministre de lducation nationale,

    Fabienne Rosenwald, directrice du service de la statistique et de la prospective, ministre de lAgriculture et de la Pche,Batrice Sdillot, chef de service adjointe au directeur de la Direction de lanimation, de la recherche, des tudes et des statistiques/DARS ministredu Travail, des Relations sociales, de la Famille et de la Solidarit,Nicolas Treich, directeur de recherche lInstitut national de la recherche agronomique, chercheur au LERNA, Toulouse School of Economics.

    mailto:[email protected]:[email protected]:[email protected]://www.strategie.gouv.fr/http://www.strategie.gouv.fr/http://www.strategie.gouv.fr/http://www.strategie.gouv.fr/http://www.strategie.gouv.fr/mailto:[email protected]
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    AAvvaanntt--pprrooppooss ddee BBeennooiitt CCooeeuurr

    ancrage institutionnel de lvaluation des politiques publiques volue. Depuis

    fvrier 2009, cest le ministre du budget, des comptes publics, de lafonction publique et de la rforme de l'tat qui assume les missionsauparavant dvolues au secrtariat dtat plac auprs du Premier ministre. loccasion de ce mouvement, la rdaction en chef des Cahiers de

    lvaluationa rejoint la Direction gnrale du Trsor. Ceci n'affecte en rien la ligneditoriale des Cahiers, mais les rapproche d'une administration qui se situe au curdu conseil de politique conomique.

    L'objectif des Cahiersn'est pas d'valuer : il est danimer le dbat sur lvaluation, d'en clarifier les termes, d'enprsenter les mthodes et les outils, de fournir des rfrences au dbat public, sous le contrle et limpulsion dunComit dorientation compos des grands acteurs publics de lvaluation. La varit des thmes traits dans les

    premiers numros des Cahiersreflte la diversit du monde de lvaluation, lequel renvoie un rseau complexedinstitutions, de concepts, de mthodes et parfois de cultures. Toutes les facettes de ce monde ne peuvent treapprhendes dun seul regard. De ce fait, les numros des Cahiersmettenten lumire diffrentes pices dunpuzzle dont les liens, les connexions, les interactions ne se percevront que progressivement. Le chemin se feraavec le lecteur, pas pas, autour dune interrogation commune sur ce quest lvaluation.

    L'valuation plonge ses racines dans une tradition de calcul conomique comme guide des choix publics ne au XIXesicle dans un monde marqu par lessor de l'industrie et le dveloppement des grands rseaux dinfrastructure, etdans laquelle les conomistes franais ont excell et excellent encore aujourd'hui. Cette tradition perdure et semodernise; les dispositifs mis en uvreautour de l'Emprunt National devront tre l'occasion de le vrifier. Mais

    l'valuation doit aussi s'adapter, au XXIe sicle, un monde domin par les services, par l'immatriel et par lavalorisation de linformation, o l'Etat rgulateur est aussi important que l'Etat btisseur.

    Les acteurs sociaux sont confronts dans leur vie quotidienne une multitude de choix de services, detechnologies et de contenus. Le bouche--oreille, les rseaux sociaux, la circulation rapide de l'informationdonnent une importance critique des notations qui sont autant de jugements gradus ports sur des biens etdes services complexes. Cest un fait de socit, un enjeu conomique car ces biens et ces services sont porteursde valeur et de cration d'emploi, et un dfi pour l'Etat qui n'intervient en gnral pas directement sur cesmarchs mais demeure le gardien de leur intgrit. C'est l'objet de ce nouveau dossier des Cahiers.

    Les contributions prsentes dans ce numro montrent ainsi que lvaluation nest pas la chasse garde des acteurs

    publics mais peut fournir des repres prcieux pour le bon fonctionnement des marchs condition, cela va de soi,que ce pouvoir soit utilis bon escient. L'Etat, parfois, doit intervenir pour le rappeler. Il l'a fait dans le cadredu G20, la demande de l'Europe et en particulier de la France, vis vis des agences de notation des produitsfinanciers. Choix publics, choix privs : dans les deux cas, l'valuation requiert des outils matriss. Ce numro desCahiers de l'valuationentend y contribuer.

    Benoit Coeur

    Directeur gnral adjoint la Direction gnrale du Trsor et de la politique conomique

    Ministre de l'conomie, de l'Industrie et de lEmploi

    L

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    RRssuumm dduu nnuummrroo 44

    almars des hpitaux, classement de Shanghai pour lesuniversits, notation du vendeur sur eBay, classement descompagnies ariennes, des organisations caritatives auxEtats-Unis, notation financire et thique des entreprises,

    notation des Etats, notation des portefeuilles de brevets aucunservice, aucune profession, aucune institution nchappe auxnotations. Les mdias sen emparent en parlant leur proposdvaluation. Mais ces notations sont-elles vraiment desvaluations ?

    Dans la sphre publique, valuer semploie souvent proposdune politique et consiste, en premire analyse, porter un

    jugement de valeur en vue dune action future (cf. figure 1).Cette dfinition sapplique diffrents cosystmes valuation (cf.figures 2 et 3) et reflte bien la pluralit du monde de lvaluationtout en mettant laccent sur trois points clefs:

    lengagement de lvaluateur (il assume son jugement),

    le choix dun rfrentiel mthodologique (tout point de vue nest pas une valuation), le rle actif de lvaluation (on value pour prparer lavenir).

    Au vu de cette dfinition, les notations sontbien des valuations. Pour autant cesnotations sont diffrentes des valuations depolitiques publiques telles que celles, parexemple, effectues lors des grands choix

    dinfrastructure (cf

    . figure 2). Pour faire court,les notations sont des agrgatsdinformations minemment contingents leur producteur (en gnral priv) et non des valeurs exprimant un jugement socitallabor par les pouvoirs publics. Voici pour leprocessus de production. Le mode opratoireest, lui aussi, trs diffrent. Les notationsdiffusent de linformation des myriadesdagents conomiques et, ce faisant,modifient leurs comportements sur denombreux marchs. Rien voir aveclvaluation des politiques publiques, outildaide la dcision des hommes politiques

    en charge des choix collectifs(gouvernement, lus locaux, parlement), quiimpacte les marchs via leur encadrementrglementaire.

    Pourquoi sintresser aux notations ?Essentiellement parce quelles imprgnentnotre quotidien bien plus que ne le font lesvaluations des politiques publiques. Cettemergence des notations tmoigne dubesoin dinformation des acteurs sociaux ensituation de prise de dcision, que ce soientles entreprises en position dinvestir o lescitoyens en recherche dune cole pour leurs

    enfants. Contrairement ce que suggrentquelques controverses, les Franais

    P Dossier : valuation = notation ?Vol. 1 De Michelin eBay * Notation, information et confiance

    Vers la socit de notation gnralise ?

    Un prcurseur : le Guide Michelin

    La 3e toile, un actif fragile ?

    Un innovateur : eBay

    Notation ou rputation numrique ?

    * Ce dossier comprendra deux autres volumes qui

    sattacheront, lun la notation des entreprises (notation

    financire et thique, volume 2), et lautre la notation desservices publics, (ducation et sant, volume 3).

    Figure 1 Dfinition de lvaluation *

    valuer = porter unjugement de valeur (sur un objet) la suite dune dmarche cognitive, dans une perspective future

    * Cette dfinition prend appui sur celle du rapport Viveret en 1989, valuer une politique,cest former un jugement sur sa valeur ainsi que celle du rapport n 392 du Snat (2003-2004) : Selon vos rapporteurs, la caractristique essentielle de lvaluation des politiques() rside certes dans son objet, qui est de dboucher sur un jugement, une apprciation,mais aussi dans sa nature, qui est dtre une dmarche la fois ambitieuse et rigoureuse.() Lvaluation poursuit un objectif cognitif labor au service de lintelligence de ladcision publique. Plutt que porter un jugement , on pourrait dire aussi porter uneapprciation .

    ** valuer un individu renvoie des mcanismes de type rmunration au mrite .

    Jugement de valeur

    Binaire (positif/ngatif)ou nuanc (infinit devaleurs) ?

    Objet

    Une action

    Une institution

    Un individu ** ?

    Dmarche cognitive

    Quel corpusde rfrence ?

    Action

    Commentinfluer surlavenir ?

    Figure 2 valuation des projets dinfrastructure *(par la puissance publique en vue de lintrt gnral)

    * Cf. dossier n 1 des Cahiers de lvaluation, Calculer pour dcider, en particulier larticle 6.

    Jugement de valeur

    Quelle valeur

    attribuer un

    quipement public ?

    Objet

    Route

    Canal

    TGV ?

    Dmarche cognitive

    Calcul conomique

    (bilan cot-avantage,

    valeur actualise nette

    pour la collectivit)

    Action

    Investir bon escient

    pour la collectivit

    Tarifer correctement

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    apparaissent plutt ouverts aux mcanismes de notation (article 2). Lessor des communauts dinternautes semblebien rendre irrversibles les partages dexpriences sur la toile, lesquels dbouchent souvent sur des notations(articles 5 et 6).

    Ce numro, De Michelin eBay ,premier volume du dossier Notation = valuation ? , constitue uneintroduction ces mcanismes. Il sappuie sur deux exemples de notation, le guide gastronomique des frresMichelin

    et la notation du vendeur sur eBay. Finalement, lanctre Michelin et les pionniers des systmes interactifsde notation en ligne, eBay et PriceMinister, rvlent un profil commun dinnovateurs, dabord sur leur cur demtier puis sur le crneau des systmes de notation, notation des restaurants pour le premier, construction de larputation des vendeurs et acheteurs sur leurs sites de commerce pour les seconds (cf. interview de PierreKosciusko-Morizet, PDG du site de Priceminister).

    Lenjeu commun ces notationsestdenglober diffrentes dimensions dunbien donn en une apprciationsynthtique de sa qualit (chiffre,toile, lettre) qui soit utile aux agentsconomiques. Apparaissant sur desmarchs dont le seul point communest la prsence dasymtries

    dinformation (le consommateur estsouvent moins inform de la qualit dubien chang que le vendeur), lessystmes de notation savrenthtrognes. Les notations peuventtre fonds sur des dires dexpert ouproduites de faon communautaire surInternet, elles peuvent schanger surdes marchs ou tre mises disposition gratuitement, certainesacquirent un statut de quasi-label quileur donne un rle crucial sur lesmarchs (article 1).

    La large diffusion des notations, dans le temps et dans lespace, engendre parfois des problmes degestion du flux informationnel. Les deux exemples exposs dans ce numro en tmoignent leur mesure :certains sinquitent de la course aux toiles impulse par le Guide Michelin avec, comme corollaire, desdfaillances dentreprises au sein de la haute restauration (article 4); dautres soulignent le risque rputationnelinduit par la prolifration des notations sur internet (article 6). En tmoigne, aussi et surtout, le questionnementrcent sur le rle des agences de notation dans la crise financire, sujet qui sera abord dans un prochain numroportant sur la notation des entreprises (vol.2 : notation financire et thique). Ce numro mettra laccent sur lesmcanismes de responsabilit en prsence deffets systmiques.

    Les valuations de politiques publiques peuvent aussi sinspirer des systmes de notation. En effet, bienque souvent jugs frustes au regard des outils plus robustes des valuations classiques, les systmes de notationconstituent un vritable laboratoire dexpriences destines talonner la qualit de biens extrmement divers. Orprendre en compte le niveau de qualit des services est souvent un point faible des valuations de politique

    publique ainsi que lon en a eu un exemple avec les dbats sur lindice des prix : il augmentait peu car il prenait encompte une meilleure qualit des produits mais cet effet qualit tait-il correctement apprhend ? De mme quandil faut choisir entre deux projets dont les cots mais aussi les services rendus diffrent, il nest pas toujours facile dedisposer dlments darbitrages. Dans ces conditions mieux vaut profiter de ces expriences pour en dgager desenseignements en matire dvaluation de politiques publiques. Ce sujet sera abord dans un prochain volumeddi la notation dans les domaines de la sant et de lenseignement (vol.3 : notation des services publics).

    Ce dossier vise se dtacher de lactualit et des polmiques qui sattachent aux notations pourrechercher des solutions techniques (quelles notations ? pour quels usages ? quelle rgulation ?) afindobjectiver le dbat mergent entre producteurs et utilisateurs de notations, daccompagner dventuellesavances du rgulateur sur ce terrain, voire mme de progresser pour valuer les politiques publiques.

    La rdaction

    Objet

    Entit

    ActionIndividu **

    Dmarche cognitive

    Varie :

    - Enqute- Statistique

    - Modle

    Action

    Orienter les choix

    des consommateurs

    Inciter la performance

    Hpitaux, coles, professeurs,

    restaurants, vendeurs sur eBay

    emprunteurs (agences de notation)

    * Les notations dcrites ici renvoient auxexemples cits ci-contre. Bien videmment,

    on peut trouver des mcanismes de

    notation produits par des acteurs publics

    mais ils reprsentent plutt lexception que

    la gnralit.

    ** Comme indiqu dans la figure 1, valuerun individu renvoie des mcanismes de

    type rmunrationau mrite qui ne sont

    pastraits dans ce dossier.

    Jugement de valeur

    Quelle note attribuer ?

    Figure 3 Notation

    (par des acteurs privs en vue dintrts privs *)

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    EEnnttrreettiieenn aavveeccPierre Kosciusko-Morizet

    Un innovateur, praticien de la notation

    Martine Perbet : Ce numro des Cahiers delvaluation sintresse aux mcanismes denotation qui, pour anciens quils soient,sacclimatent trs bien au monde numrique.

    PKM : Internet est fabuleux grce sa capacit demise en relation des acteurs sociaux. Cest vrai pourle e-commerce qui met en relation acheteurs etvendeurs. Cest vrai aussi pour la recherchedemploi, pour les relations de loisirs, etc. monavis, on en est seulement au dbut. Internet offre

    des opportunits indites pour crer une entrepriseet avoir de nombreux clients alors que lon a justeune bonne ide technologique. Je pense que ceciprenait beaucoup plus de temps avant ce mdiapour dvelopper un business et atteindre une tailleimportante.

    MP: Pourquoi, et comment, avez-vous crPriceMinister ?

    PKM : Pour moi, crer une entreprise, ctait uneurgence. Jtais convaincu quInternet tait unvritable espace dinnovation, une sorte de Farwestde la cration dentreprise, sans barrire lentreen termes de connaissance de loutil, puisque

    personne navait dexprience.Ensuite, pourquoi crer PriceMinister plutt quunautre business? Cest sans doute un effet crois duhasard et de mon histoire personnelle. Aux tats-Unis, javais achet un CD doccasion sur le sitedachat Half.com qui mavait t conseill par unami. Jai t sduit par le concept du site : en tantque consommateur, jai vraiment apprci derecevoir un produit chez moi, de le payer peu cheret, en plus, de voir que mon achat tait garanti par lesite ; dans un deuxime temps, je me suis dit que levendeur faisait aussi une bonne affaire puisquilvendait quelque chose qui ne lui servait plus rienet quil gagnait quelques dollars ; enfin, dans untroisime temps, jai pens que le site aussi gagnait

    de largent.

    Ceci ma remis en mmoire la frustration ressentieau moment de la revente de mes livres scolaires : jeperdais du temps la librairie qui me reprenait meslivres pas cher et je les retrouvais ensuite revenduspar la boutique trois fois le prix. Pour autant, laboutique navait pas le choix parce quelle supportaitdes frais levs, notamment un loyer dans le centrede Paris.

    Pierre Kosciusko-Morizet est prsident directeur gnral dePriceMinister. Encore tudiant HEC, il lance Visualis SA, socitspcialise dans le comptage de personnes par des camrasnumriques mais la socit est contrainte au dpt de bilan lt

    1999, suite des problmes avec son unique fournisseur. Iltravaille ensuite aux tats-Unis, chez Capital One, socitspcialise dans la distribution de crdits par Internet.Enthousiasm par le modle dune toute jeune socit amricainede e-commerce, Half.com, il rentre en France pour fonder, avecquatre associs, PriceMinister.com, la premire plate-formefranaise de CtoC(Consumer To Consumer).

    PriceMinister est class aujourdhui 2e site de e-commerce franaisen termes daudience et ses 10 millions de membres proposentplus de 127 millions de produits sur le site (novembre 2009). Lesactivits du groupe sont organises en trois ples : lachat-vente garanti : http://www.priceminister.com/(2001); limmobilier : http://www.AVendreALouer.fr(2007) ; le voyage : http://www.VoyagerMoinsCher.com

    PriceMinister stend ltranger. Lactivit dachat-vente garanti

    existe maintenant pour lEspagne et le Royaume-Uni partir dedeux sites grs Paris. En revanche , PriceMinister sest dessaiside ses sites de vente d'automobiles dbut 2009.

    Pierre Kosciusko-Morizet a reu Le Mercure de la crationdentreprises dcern par lAssociation des anciens HEC(2001) etle Prix du jeune dirigeant de l Ivy Executive Search (2004). Il a tlu, pour la deuxime fois conscutive, prsident de lAscel(Association de lconomie numrique) qui milite notamment enfaveur dune politique europenne de lconomie numrique.

    http://www.priceminister.com/(2001http://www.priceminister.com/(2001
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    Internet, de par sa capacit mettre les individus enrelation, peut satisfaire les mmes besoinsdchange de biens doccasion en rduisant lesentiment de frustration car les cots de transactionsont rduits donc les prix sont plus bas.Lentrepreneur y trouve aussi son compte car sonvolume de transactions est potentiellement pluslev. Jai trouv que ctait un business modelsans

    faille ; cest dailleurs comme cela quon la prsentquand on a lev des fonds.

    MP: Pourquoi ce nom de PriceMinister ? Parceque votre site se veut le ministre des prix ,comme je lai lu dans un magazine ?

    PKM : Pas vraiment. Lide de dpart tait certes demettre laccent sur les prix mais, en mme temps,nous voulions un nom qui puisse identifier unemarque sur le long terme. Aprs plusieurs fausses bonnes ides (lapoirendeux.com, fixo), uneagence spcialise dans la cration de noms nous asuggr in extremis, juste quelques semaines avantlouverture du site, PriceMinister. Cela renvoyait la

    notion de prix. Ctait international, rassurant,institutionnel, srieux mais, en mme temps, un peutransgnrationnel (minister est employ dans leschansons de rap), on la adopt tout de suite.Certes, PriceMinister ne veut rien dire, mais l nestpas lessentiel pour une marque. Michelin non plusne renvoie ni la scurit ni aux pneus et, pourtant,cest une marque qui sest impose grce laqualit de son produit.

    MP : Vous avez cr votre site combien de tempsaprs la cration dHalf.com ?

    PKM : Six mois. Je suis arriv aux tats-Unis audbut de lanne 2000 et je suis rentr en France en

    juillet 2000 pour lancer le projet et PriceMinister admarr en janvier 2001. lpoque, Half.com entait encore ses dbuts. Si lon avait attendu unpeu plus, on aurait t plus sr que le modle soitbon mais on aurait pu aussi se faire doubler par unconcurrent. Cest parce quon sest lanc trs tt quecela a bien march.

    MP: Et aujourdhui, vous ftez un succs dePriceMinister ! De quoi sagit-il ?

    PKM: PriceMinister vient de franchir la barre des10 millions de visiteurs uniques au deuximetrimestre 2009. Cela signifie que PriceMinisterdevient un gros mdia car peu de titres de presse

    atteignent un tel public. En outre, PriceMinisterprogresse face eBay : son audience reprsenteaujourdhui plus de 85 % de celle d'eBay, contremoins de la moiti il y a deux ans. Ce chiffredaudience est important pour nous car cest la foisun indicateur de recettes publicitaires et unindicateur avanc du chiffre daffaires. On sait queplus lon a de visiteurs, plus lon a de transactions. Etcest aussi, indirectement, un indicateur de part demarch dans un march dont le montant est malconnu.

    MP : Vous avez copi le modle dHalf.com, est-ce que vous leur payez des droits de licence ?

    PKM: Non, il faut replacer tout cela dans le contextedInternet. Le grand jeu pour les entrepreneursconsiste reprer ce qui se passe ltranger et essayer de transposer. Quand jai voulu crerPriceMinister, jai envoy un e-mail Half.com maisils nont pas rpondu, sans doute parce que, pour

    eux, la France ntait pas un march intressant.Cest une chance, finalement, parce que cela permetaux entrepreneurs franais de se lancer.

    Aujourdhui, tout le monde regarde ce qui se faitailleurs, au Japon et aux tats-Unis notamment ;cela cre une effervescence assez passionnante.Etre copi est la loi du genre. PriceMinister a tcopi et cest une raison pour laquelle on a ouvertrcemment des sites destins lEspagne et lAngleterre, on souhaitait viter que dautres ne lefassent avant nous. Ceci dit, il ne faut pas exagrernon plus ; tout nest pas admissible. Nous avons, parexemple, port plainte contre des socits quiavaient copi mot mot nos conditions de vente

    alors que nous avions pay des prestations desjuristes pour les tablir.

    MP : Pouvez-vous expliquer ce qui fait laspcificit de PriceMinister par rapport dautres sites de e-commerce ?

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    PKM: Le concept de dpart de PriceMinister estcommun tous les sites dchanges de biensdoccasion.

    Lide est que le plus grand stock de produits dumonde saccumule chez lensemble des particuliers,sur leurs tagres et dans leurs armoires. Lenjeuest alors dattirer un maximum de visiteurs car ceux-ci sont la fois les fournisseurs (ils apportent lesmarchandises changes sur le site), les acheteurs(ils paient les fournisseurs) et nos clients (ilsrmunrent le site pour le service). Pour fidliser sesclients,PriceMinister mise sur un service de qualit.Notre modle, classique en distribution, consiste optimiser choix, prix et service.

    Le systme de mise en vente gratuite permet davoirle choix le plus large possible. Les vendeurs, enconcurrence, sont obligs de saligner les uns sur lesautres, ce qui exerce une pression sur les prix. De

    notre ct, nous offrons un bon service, cest--dire une simplicit de navigation sur le site, unebonne relation avec le client (cf. encadr sur larelation client) et, surtout, lAchat-Vente Garanti quifait de nous un tiers de confiance .

    Plus on offre de services, plus cela cote, mais on afait le choix, trs tt, davoir une bonne qualit deservice ; je pense que cest ce qui nous permetdavoir un trs bon bouche oreille.

    MP : Comment fonctionne le systme de tiersde confiance ?

    PKM : Le systme est simple : ds que lon reoitlargent de lacheteur, on donne le feu vert auvendeur pour quil envoie le produit ; si lacheteur nereoit pas son produit, on le rembourse.

    On est tiers de confiance entre acheteurs etvendeurs : largent passe par nous mais pas leproduit.

    Finalement, il ny a pas de fraude possible. La seulechose qui puisse arriver, cest que lacheteur dclarene pas avoir reu son colis alors quil la reu. Dansce cas, on le remboursera mais cela ne se produiraquune fois. Comme on a des statistiques sur tousnos membres, un acheteur qui fait plusieurs fois lecoup alors quil a achet un vendeur fiable serarembours, mais on le prviendra que cest ladernire fois.

    MP : Cest essentiellement ce systme deremboursement qui vous diffrencie deBay ?

    PKM : Effectivement. Un site comme eBay donnepeu de garantie lacheteur ; ces garanties sont enoutre rserves aux achats effectus avec lesmeilleurs vendeurs (ceux qui ont une bonne note et

    Le e-commerce

    1. Le e-commerce est lune des trois grandes familles de sites

    Internet :

    sites communautaires (Facebook, Viadeo, LinkedIn...).Mlanges de messageries lectroniques, de carnetsdadresses, de forums de discussion, de serveurs de fichiers,ces sites sont des supports de rseaux sociaux qui se

    financent partir de ressources publicitaires etdabonnements ;

    sites de contenus, texte, audio, vido (Lemonde, YouTube).Ces sites se financent partir de ressources publicitaires etdabonnements ;

    sites de e-commerce (eBay, PriceMinister, Fnac,Lastminute.com...) dont le business modelest principalementbas sur la vente de produits ou services. Ces sites sefinancent par une marge commerciale sur les produits (Fnac),une commission sur les transactions (eBay, Priceminister) et,galement, des ressources publicitaires.

    Le point commun ces sites Internet est quils sont tous des mdias bnficiant de ressources publicitaires hauteur deleur audience et que nombre dentre eux bnficient deffet

    club : plus les visiteurs du site sont nombreux, plus grand estlintrt du site pour ses visiteurs (ceci est vrai pour les sitescommunautaires et les sites de commerce de biens doccasion).

    2. Le e-commerce explose :

    Il reprsente aujourdhui prs des trois quarts de la vente distance (VAD), antrieurement appele vente par correspondance(VPC), alors quil en reprsentait seulement un quart en 2002.

    3. Les sites de e-commercese classent en deux catgories :

    sites de commercants (Fnac, Cdiscount, Amazon, Voyage-Sncf) dont le business model est proche de celui decommerants classiques. Le commerant dtient des stockset se rmunre par une marge sur le prix de vente du produit,lequel prix est fix par ses soins. Certains, comme la Fnac, ontaussi des magasins physiques (81 magasins Fnac, 8 % du CAralis sur fnac.com en 2009) ;

    sites dintermdiation(eBay, Priceminister) dont le rle est

    simplement de mettre en relation vendeurs et acheteurs, enoffrant des services connexes. Ces sites se rmunrent parune commission sur chaque transaction, le prix associ latransaction tant fix de faon exogne entre le vendeur etlacheteur (prix fixe ou enchre).

    Ce classement sommaire masque la crativit entrepreneuriale surInternet, crativit dont lencadr Crise, cologie et innovationsur Internet donne un aperu.

    Source : la rdaction

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    un nombre important de transactions). Chez eBay, lascurit de lacheteur repose essentiellement sur larputation du vendeur dont le signal est sa notation .

    Ce systme me semble fragile car le nouveau clientrisque de ne pas tre content du service et donc dene pas revenir.

    De ces choix techniques dcoulent des marchsdiffrents. Le fait, pour eBay, de peu simpliquerdans les contentieux favorise les changes locaux(on peut changer simultanment paiement etmarchandise) de produits qui peuvent tre lourdset/ou volumineux. En revanche, PriceMinister, enoffrant plus de garanties sur le transfert de lamarchandise, stimule les changes distance, cequi oriente son march vers de petits volumes, telsque, par exemple, CD, DVD, jeux vido et petitsappareils lectroniques.

    PriceMinister table sur la simplicit de son modle(mise en vente gratuite, prix fixs ds le dpart,

    achat-vente-garantie) pour augmenter sonattractivit face eBay dont le modle est pluscomplexe car mlant vente aux enchres, petitesannonces gratuites et un peu dachat-vente prixgaranti. Pour moi, dailleurs, le site deBay dans sonensemble sapparente un site de petites annoncesdu fait de la grande latitude laisse auxcocontractants pour finaliser leurs transactions, unefois ceux-ci mis en relation par le site.

    MP : Vous avez, vous aussi, mis en place unsystme de notation du vendeur. Commentlutilisez-vous ?

    PKM :PriceMinister cre un march sans friction, ou

    presque, et, ensuite, on ajoute de nouvellesfonctionnalits pour amliorer la qualit de service.Le systme de notation du vendeur par lacheteurest lune de ces fonctionnalits. On pourrait se direque lacheteur na pas besoin de noter le vendeurcar, de toute faon, lacheteur sera rembours si levendeur est dfaillant mais on a quand mme unsystme de notation.

    Les acheteurs notent les vendeurs suivant le niveaude leur satisfaction, sur une chelle allant de 1 5,la note maximale correspondant une apprciationdu genre jai reu mon produit, dans les dlaisconvenus, ctait ce que javais command, il est enbon tat .

    Les notes des vendeurs saffichent sur le site, ce quipermet aux acheteurs de slectionner les bons vendeurs. Avec ce systme, les mauvais ven-deurs sont progressivement limins. En tmoigneune note moyenne des vendeurs quasiment stabi-lise 4,8 depuis louverture du site en 2001, ce quisexplique par un effet dviction des mauvaisvendeurs par de bons nouveaux vendeurs.Ceux-ci, obtenant des notes comprises entre 4 et 5,attirent les acheteurs tandis que ceux ayant desnotes infrieures ne vendent plus faute de clients. La

    note moyenne reste donc trs stable bien que lagamme de produits ait volu dans le temps.

    Cest un systme trs vertueux pour nos clients etpour PriceMinister car cela nous vite davoir effectuer des remboursements.

    MP : Le fait davoir une bonne note permet-il unvendeur daugmenter ses prix ?

    PKM : Les vendeurs nous disent que oui. Ceux quiont une bonne rputation semblent pouvoir afficherdes prix plus levs que les entrants. Ensuite, celadpend de la faon dont la note est construite. SurPriceMinister on affiche une note moyenne et

    Ce systme de notation renforce lefficacit du site.

    Nous travaillons avec une universit, ToulouseSchool of Economics, qui est en train danalyser tousnos chiffres, lide tant de voir qui vend quoi, quelssont les volumes, quel est limpact des notes sur lesvolumes de ventes. Cest assez intressant regarder.

    lenombre de transactions accomplies car, videm-ment, avoir une note de 5 sur une seule vente, cestun moins bon signal que davoir une note de 4,5 surplusieurs centaines de ventes. En revanche, avec lesystme deBay o la note finale est une agrgation,+1 si vous avez une bonne note, -1 si cest ngatif(cf. article 5), quand on fait beaucoup de ventes, onest sr un moment donn davoir une bonne note.

    MP : Finalement, sur PriceMinister et ailleurs, cesnotations forgent des rputations lectroniques.Ceci amne sinterroger sur les limites de cessystmes.

    La relation client de PriceMinister

    PriceMinister emploie prs de200 personnes, installes boule-vard de la Villette, Paris, dans

    une ancienne usine deconstruction de dirigeables (cf.photo ci-contre).

    Sur cet effectif 120 personnestravaillent pour le site dachat-vente-garanti, les autres travail-lant pour les autres activits dugroupe (limmobilier et lesvoyages).

    En gros, un tiers des effectifs estau service client qui traite, entreautres, des contentieux. Ce service rpond un millier de-mail,voire plus, chaque jour, grce un systme dautomatisationdes rponses.

    La gestion de la relation client sappuie aussi sur des socits

    externes qui, par exemple, synthtisent les informationscollectes dans des rapports ou aident personnaliser lacommunication, mais PriceMinister conserve aussi uneintelligence en interne pour superviser lensemble.

    Source : la rdaction partir des informations fournies parPriceMinister (crdit photo de PriceMinister)

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    tait plus petit, on y arrivait bien parce que les gensaiment beaucoup donner leur avis. Ils nosent pasforcment critiquer lachalandage dans un magasinmais cest beaucoup plus facile quand on estderrire un cran. Il faut profiter de cette chancenorme quon a davoir cette remonte dinfor-mation.

    Cest mme parfois amusant : un moment, nosclients nous ont demand douvrir une catgorie Tlphone et ils taient tellement demandeursquils ont commenc sacheter des tlphones surles fiches produits du groupe de rock Tlphone. Ona vu fleurir des annonces du style : Je ne vendspas le CD Rappel du groupe Tlphone mais jevends un Nokia. A ce moment-l, on sest dit quilfallait vraiment ouvrir une rubrique Tlphonemobile .

    MP : Vous offrez un service immatriel de miseen relation et de gestion clients mais, au momentde lenvoi de colis, vous tes sur du matriel.Vous ne matrisez pas lensemble de la chane,vous dpendez du transport. Comment intgrez-vous ce facteur exogne ?

    PKM: Effectivement, nous sommes tributaires de LaPoste, ou de ses concurrents ,pour certains produits.Depuis deux ou trois ans, La Poste observe une trsforte monte du colis de personne personne. Celavient clairement du e-commerce et en particulier dePriceMinister dont lactivit crot rapidement. On estcertainement le plus gros client de La Poste dans lacatgorie du colis entre personnes.

    MP: Vous napparaissez pas en tant quacteurpuisque, videmment, chaque vendeur envoie deson bureau de poste lui. La Poste a-t-elle unmoyen didentifier le motif de lenvoi (e-

    commerce ou non) ?

    PKM: On connat nos flux ; on les connat mmeassez bien. Finalement, on nest pas directementclient de La Poste mais La Poste nous considrequand mme comme un grand compte. On estprescripteur vis--vis de nos vendeurs. On peut leurproposer denvoyer un recommand ou unChronopost colissimo ou de passer par untransporteur priv ou dutiliser un point relais. Onpeut donc ramener vers La Poste des clients quinallaient plus dans les bureaux de poste, ce qui lesintresse beaucoup dautant quils peuvent, ensuite,tenter de les fidliser en leur proposant dautresservices.

    MP: Pour conclure, diriez-vous, comme Henride Bodinat (cf. encadr ci-contre), que lamodernit consiste coller au plus prs desvux du client, pratiquer une stratgie deloffre qui constitue certains gards unerupture par rapport aux tendances marketingantrieures souvent cratrices dillusion ?

    PKM : Tout entrepreneur de e-commerce ne peutqutre daccord avec cette analyse car, sur internet,si le service nest pas bon, le client ne revient jamais. Dans un magasin classique, cest diffrentcar le client est physiquement captif, il manquesouvent de temps pour aller ailleurs. Sur Internet, onest en permanence en concurrence, notamment vis--vis de nouveaux entrants qui dmarrent avec peu

    de moyens. On est oblig dtre le meilleur, le plussouvent possible.

    La clef de la russite consiste offrir le plus deproduits diffrents ses clients ; c'est lune desexplications du succs des hypermarchs. SurInternet, cest pareil, le client veut acheter ses CD ouses livres chez le mme cybermarchand. Le

    vritable enjeu pour les sites de e-commerce debiens doccasion est donc de sduire un maximumde vendeurs et, pour cela, il faut connatre lesinternautes, leurs aspirations mais, finalement,toute linformation est dehors, il suffit daller lachercher sur Internet.

    La stratgie de loffre

    Le thme. Depuis la nuit des temps, lesentreprises naviguent entre troisstratgies :

    - la domination dabord, entenduecomme la recherche dune forme derente par absence ou liminationdes concurrents. Cest le royaumedes monopoles ou des oligopoles,faon Microsoft ou TF1 ;

    - la surpromesse ensuite, cest--dire

    la facult de pousser le client lachat en maximisant les avantages et en minimisant lesinconvnients. On peut, par exemple, vendre des yaourtssupposs bons pour la sant ou pratiquer des promotionstournantes pour donner lillusion des prix bas ;

    - et puis il y a la stratgie de loffre qui consiste donner auclient le produit qui lui donnera rellement satisfaction.Soudain, la crise donne lavantage cette approche quivalorise lexprience utilisateur , celle d'Apple, deNintendo, d'Ikea ou de Zara. Pas de tromperie, on cultive leclient sur le long terme pour quil revienne. Longue btir,cette stratgie est plus solide.

    Lauteur.Henri de Bodinat () est lauteur du Mystre deloffre , premire dition du prsent ouvrage.

    Lextrait. La crise renforce les exigences des consommateurs,mieux informs quavant grce Internet. Rsultat : lesstratgies de domination et de surpromesse sont fragilises et lastratgie de valeur de loffre devient tonnammentpertinente.

    Source : Les chos, 2 octobre 2009

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    VVooll.. 11 -- DDee MMiicchheelliinn eeBBaayy

    Notation, information et confianceLa notation, dfinie comme attribution un agent ou une entit dun indicateur synthtique refltant une sriede ses caractristiques, semble devenir un outil de prdilection des socits modernes. Elle scurise lesmarchs en rvlant les caractristiques caches dun bien chang. En permettant de lever lasymtriedinformation, la notation procure ainsi une utilit aux agents : la notation a alors une valeur marchande, un prixdquilibre qui stablit sur le march de la notation . Deux structures du march de la notation sonttudies : la notation externe (un entrepreneur commercialise le service de notation auprs des consom-mateurs de notation) et la notation interne (la note est produite et consomme instantanment par les partiesprenantes la transaction). La premire sappuie sur lexpertise, la seconde, en plein essor, sur le dvelop-pement de communauts dinternautes prts partager leurs informations. Les deux soulvent des questionsde lgitimit de la notation car, conues pour clairer les acteurs de marchs, les notations peuvent aussiproduire de la dsinformation , ce qua montr la crise financire. Les mcanismes de notation issus de la

    sphre prive, pour des acteurs privs, peuvent donc appeler des rgulations publiques.Cahiers de lvaluation

    Avec Internet, la notation fait irruption dans la vie quotidienne

    Choisir un placement financier, uneuniversit pour ses enfants, un hpitalpour subir une intervention, voire plusbanalement un restaurant autant dechoix oprer en information incomplte(cf. encadr 1). Acceptable dans unmonde archaque aux limites troites,cette opacit est de plus en plus malressentie par les habitants du villageplantaire qui, confronts des choix de

    plus en plus complexes, souhaitent exercer leur libre arbitre entoute connaissance de cause. Le progrs technique, lorigine decette ouverture de lventail des possibles via leffet richesse, lamobilit, la diversification des biens, se trouve galement treun lment de la solution. En effet, il dmultiplie les possibilits deproduction dinformation sur la qualit des acteurs, sous la formedune notation

    I

    dfinie comme attribution dun indicateursynthtique refltant leurs principales caractristiques (cf.figure 1).

    nternet est le dernier en date et le plus marquant des outilstechniques. La notation, initialement construite comme unevaluation dexperts (agences de notation du risque de crdit, Guide Michelindes restaurants, etc.), devientavec Internet un outil simple pouvant tre produit et diffus trs faibles cots par les agents. Quiconque a djcommand un objet sur des sites de e-commerce, comme eBay ou PriceMinister, a ainsi pu noter son

    vendeur afin de constater et valuer la qualit dune transaction effectue : dinformation prive, descriptif duneexprience personnelle, la note peut tre convertie presque aussitt en information publique.

    Auteurs :Martine Perbet (rdactrice en chef) et Mara Dobrescu*

    * Mara Dobrescu a effectu un stage la rdaction des Cahiers de lvaluation qui a donn lieu un rapport demaster en gouvernance conomique de lcole doctorale de Sciences politiques, La notation : mthode designalisation de la rputation dans le cadre dinteractions stratgiques , juin 2008.

    www.commons.wikimedia.org

    Encadr 1 : Information incomplte

    Selon qui la dtient et lusage quil en fait,linformation peut tre un phare, un bton, unrameau dolivier, une dissuasion. Son pouvoir esttel que la seule supposition dune information,mme dpourvue de toute ralit concrte, faitrflchir. () Dans toute transaction, il est courantquune partie soit mieux informe quune autre.Dans le jargon conomique, on parle alorsdasymtrie de linformation. Il est globalementadmis dans le systme capitaliste quune personne(en gnral un consommateur) en sache davantagequune autre (en gnral un consommateur). Maisavec larrive dInternet, dinnombrables asy-mtries de ce type ont disparu. Linformation est lamonnaie dchange de la Toile mondiale. En tantque mdia, Internet excelle faire passerlinformation des mains de ceux qui la dtiennent celles de ceux qui ne la dtiennent pas.

    Source : Steven D. Levitt et Stephen J. Dubner,

    Freakonomics , Folio actuel, n 132, ditions Denoel,

    2007

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    Figure 2 Exemples dinstitutions de notation

    InstitutionsInstigateu r de la

    notation

    Guide Michelin pr odu itpour stimuler

    le ssor de l automobile

    Palmars pu bli s par les md ias (hp itaux,

    tablissements d ducation)

    Tie rs

    eBay: notation du ven deur par acheteur

    Notation des professeurs par les tudiants

    Acheteur

    Agences de notation

    Cl assement de Shan ga

    V en d eu r

    No

    tation Correction

    de lasymtrie

    dinformation

    La notation merge donc comme loutil de prdilection debiens, de personnes, dorganisations. Lobjectif est de lesclasser les uns par rapport aux autres, en rendantcompte de diverses caractristiques (pour un restaurant,par exemple, qualit des mets, du service, du dcoralors mme quil nexiste pas de mesure commune cesdiffrentes caractristiques. La notation sappuie doncobligatoirement sur des mcanismes dagrgation plus oumoins fragiles, agrgation dapprciations individuelles(notation sur eBay) ou agrgation dindicateurshtrognes (tablissement de sant ou dducation). Letalon dAchille des processus de notation est ainsi mis envidence : la notation, simple critre ordinal , estsouvent questionne sur sa capacit apporter desinformations fiables.

    Diverses institutions de notation

    La confiance tant un pralable au bon droulement des changes, les parties prenantes dune transaction ontintrt bnficier de la notation afin de garantir leur rputation (cf. encadr 2). Mais ont-elles vritablementintrt produire la notation ? Ce nest pas vident car l

    Pourtant les notations existent depuis un sicle pour certaines , et simplantent dans des domaines inat-tendus ; les institutions caritatives, par exemple, sont notes de mme que les portefeuilles de brevets desentreprises (cf. encadrs 5 7). Cet essor des notations rvle lexistence dun consentement payer qui, lexprience, sappuie sur trois formes de motivation :

    a notation est un bien public et, en tant que tel, ellenest pas spontanment produite par un utilisateur, chacun ayant intrt en faire supporter le cot par dautres(cf. encadrs 3 et 4). Ce comportement de passager clandestin, classique pour les biens publics, se traduit

    souvent par labsence dinvestissement financier en leur faveur.

    -

    -

    la notation est suffisamment attractive pour que les acheteurs du bien soient prts dbourser pour enbnficier ; ceci suppose que laccs la notation puisse tre subordonn au paiement dun tarif (par exempleachat dun guide gastronomique ou abonnement Que Choisir ?) ;

    -

    les vendeurs de ce bien voient la notation comme une condition ncessaire au dveloppement du march(par exemple les metteurs de crances rmunrent eux-mmes les agences de notation sans quoi aucuninvestisseur naccepterait leurs titres) ;

    ni vendeurs ni acheteurs ne sont prts noter un bien mais, en revanche, des tiers imaginent un marchde la notation distinct du march initial ; certaines notations sont ainsi finances par la publicit (palmars deshpitaux ou des coles publis dans les mdias) ou par un sponsor (Michelin a diffus gratuitement son clbreguide pour dvelopper son activit de pneumatiques).

    Dit autrement, cest le premier acteurconomique qui peroit lopportunit decration de valeur induite par la notationqui devient linstigateur du systme denotation. Acheteur, vendeur, ou tiersextrieur lchange, cet entrepreneurdifie le business model1

    de notation : ilrecherche des ressources financires adhoc, conoit linstrument de production,choisit le mode de diffusion de la notation.

    De lternelle confrontation entre demandeet outils naissent donc des institutions de notation qui savrent extrmementdiverses (cf. figure 2). Les institutions sontentendues ici comme les mcanismes decoordination des acteurs qui se mettent enplace pour produire les notations, cest--

    dire pour fabriquer des indicateurs agrgs ayant du sens eu gard la demande sociale. Ces institutions,naissent, voluent, se transforment sous lempire de lenvironnement conomique et technique.

    1

    Le business modelcorrespond au modle conomique adopt par une entreprise pour rentabiliser son projet entrepreneurial (Quelbien, quel prix, pour quels clients et sur quel march ?). Il nexiste pas vraiment de traduction approprie en franais, lexpressionla plus proche serait le modle daffaires employe au Qubec.

    Outils de scurisation des marchs,Mcanismes dassurances,

    Systme dinformations dont notations

    Risque dedfaillance

    Imperfectionde linformation

    Complexificationdes biens

    Globalisation des marchs

    Transports, Tlcommunications,lectronique, Internet

    Innovation

    Figure 1 Le progrs techniquestimule la demande et loffre de notation

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    Encadr 3 : Bien priv et bien public

    Bien public. Un bien public est un bien tel que la consommation qu'en fait unepersonne nen rduit pas la disponibilit pour les autres (principe de non-rivalit).Quand un bien public remplit en outre trois conditions : impossibilit dexclusion (ilnest matriellement pas possible dobtenir que certains individus nen bnficientpas), obligation dusage (le fait de disposer dun bien public ne relve pas dunedcision des agents eux-mmes) et absence deffets dencombrement (laconsommation par un grand nombre dagents nvince pas de consommateurs),

    cest un bien public pur. Lusage des biens publics purs ne pouvant tre rserv ceux qui acquittent un tarif, il ne peut exister de march pour ces biens, il revientdonc, sous certaines conditions, la puissance publique den organiser laproduction.Bien priv. Un bien priv se caractrise par le fait que la consommation totale de cebien se divise entre les diffrents usagers. Ces biens vrifient le principe de rivalit :la consommation dun individu prive un autre individu de lutilisation du mme bien.La plupart vrifient le principe dexclusion par les prix (un agent ne dispose du bienque sil en paie le prix) mais pas toujours (distribution gratuite de biens).Passager clandestin. Comportement dun acteur conomique qui cherche fairesupporter le cot de la production dun bien public par les autres. Comme tous ontintrt adopter le mme comportement, chacun attend que son voisin produise lebien, qui nest donc pas produit.

    La rdaction

    Encadr 4 : Comment expliquer les contributions un bien public ?Les modles conomiques de biens publics standards avec agents gostes prdisent que la contribution lquilibre de Nash est nulle. Cecitraduit le comportement opportuniste du passager clandestin . Ce comportement ne semble pas toujours compatible avec lesobservations de la vie de tous les jours. Les individus votent, font des dons, participent des associations, travaillent dur en quipe et semobilisent pour lenvironnement. De manire similaire, ils consacrent du temps fournir une valuation sur un vendeur/service, sachantque cette valuation sera principalement utile dautres individus. Comment expliquer ces comportements coopratifs ?

    Diffrentes ides ont t formalises dans la littrature pour expliquer ces comportements. Lide la plus simple est dintgrer delaltruisme, au sens o lutilit dun individu augmente quand lutilit (ou un attribut de lutilit) dun autre individu augmente. Unedeuxime ide est dintgrer un plaisir pur donner, dit warm glow (Andreoni, 1989) : ce qui compte pour lindividu cest lacte de donner,peu importe la destination finale de contribution. Une troisime ide est base sur le concept daversion lingalit (Fehr et Schmidt,1999 ; Bolton and Ockenfels, 2000) : les individus adverses lingalit souffrent des diffrences de revenus entre eux et le reste du groupe ;ces individus sont alors prts punir les passagers clandestins qui cherchent tirer avantage de la situation, si bien que cette menacepeut gnrer un comportement coopratif global lquilibre. Une quatrime ide est base sur laltruisme conditionnel et la rciprocit(Rabin, 1993 ; Cox, Friedman et Gjerstad, 2007) : les individus rpondent de manire positive des actions gnreuses, et de manirengative des actions hostiles.

    Les conomistes ont test ces ides laide de jeux exprimentaux dvelopps dans des laboratoires (Cooper et Kagel, 2009). Il ressort queles sujets participant ces jeux contribuent souvent hauteur dune part importante de leurs ressources, mais que ces contributions serduisent avec la rptition des jeux. De plus, les comportements des sujets sont trs htrognes. Fischbacher et Gchter (2009) indiquentpar exemple que dans leur jeu exprimental, i) 55 % des sujets cooprent conditionnellement, cest--dire cooprent seulement si les autrescooprent, ii) 23 % des sujets ne contribuent en rien et les autres ont un comportement complexe ou imprvisible. Plus gnralement, cestravaux indiquent que le comportement coopratif existe, mais est complexe et peut tre fragile. Il est par exemple possible de crer un jeude bien public o 90 % des sujets ont un comportement de passager clandestin (Kagel et Roth, 1995). Mais des tendances ressortent : ainsi,des intrts homognes, peu dinformation, des discussions en face face, et les petits groupes favorisent les comportements coopratifs.

    Ltude de multitudes de variantes de jeux exprimentaux de biens publics a montr que le comportement coopratif dpend fortement delenvironnement. Cette remarque est compatible avec les observations empiriques dElinor Ostrom, politologue amricaine et rcent prixNobel dconomie. Les travaux dOstrom ont permis de comprendre comment de petites collectivits grent les biens publics ( limage dessystmes dirrigation ou de pches dans le pays en dveloppement). Ostrom (1990) dfinit une srie de rgles institutionnelles basessur un systme de normes et de sanctions sociales. Ostrom (2000) souligne en particulier limportance de rgles claires spcifiant qui faitpartie du groupe et qui nen fait pas partie, de rgles modifiables au cours du temps, sous le contrle de quelques personnes qui peuvent

    imposer des sanctions graduelles, et ayant a leur disposition des moyens simples et rapides pour rsoudre les conflits. Ainsi, ces rglespeuvent permettre, selon Ostrom, de grer efficacement les biens publics, souvent de manire plus prenne quavec des mcanismesexternes de type intervention gouvernementale.

    Nicolas Treich (Toulouse School of Economics)

    BibliographieAndreoni, James, 1989, Giving with impure altruism: Applications to charity and Ricardian equivalence, Journal of Political Economy, 97, 1447-58.Bolton, Gary E. et Axel Ockenfels, 2000, ERC: A theory of equity, reciprocity and competition, American Economic Review, 90, 166-93.Cooper, David J. et John H. Kagel, 2009, Other regarding preferences: A selective survey of experimental results, mimeo.Cox, James C., Daniel Friedman, et Steve Gjerstad, 2007, A tractable model of reciprocity and fairness, Games and Economic Behavior, 59, 17-45.Fehr, Ernst et Klaus M. Schmidt, 1999, A theory of fairness, competition and cooperation, Quarterly Journal of Economics, 11, 817-868.Fischbacher, Urs et Simon Gchter, 2009, Social preferences, beliefs, and the dynamics of free-riding in public good games, American Economic Review, paratre.Kagel, John H. et Alvin E. Roth, 1995, The Handbook of Experimental Economics, Princeton University Press.Ostrom, Elinor, 1990, Governing the Commons: The Evolution of Institutions for Collective Action . Cambridge University Press.Ostrom, Elinor, 2000, Collective action and the evolution of social norms,Journal of Economic Perspectives, 14, 137-58.

    Rabin, Matthew, 1993, Incorporating fairness into game theory and economics, American Economic Review, 83, 1281-302.

    Encadr 2 : change, confiance etrputation

    Lchange, pour se raliser, peut se fonder surle contrat, le serment ou la rputation. Le premierconsiste sentourer de garanties, de faon faire intervenir la justice en cas de non-respect delchange prvu ; mais cest coteux et long. Lesecond consiste sexposer au chtiment duntiers (Dieu) si l'on ne respecte pas la paroledonne ; mais cela suppose une foi commune. Letroisime prend en compte le temps : si je roulelautre, je mets fin une srie potentielledchanges, je troque donc un gain immdiatcontre une perte future. Mais, explique Orlan,mme ce calcul nest pas dict par lintrt : ilsuppose une communaut partageant une notioncommune de rputation.

    Ce rsum dun article dAndr Orlan ( qui sefier ? Confiance, interaction et thorie des jeux ,Revue du MAUSS, n 4) est issu dAlternativesconomiques, n 123, janvier 1995.

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    Quelques exemples de notation

    Encadr 5 : Les compagnies ariennesau banc dessai sur le Web

    Internet : deux sites proposent des classements et une

    valuation ractualise sur la scurit et la qualit des services.Les compagnies ariennes nont qu bien se tenir. Au momentdes grands dparts estivaux, deux sites Internet proposent din-former les voyageurs sur le niveau de scurit des diffrentstransporteurs. Ils cherchent briser la loi du silence qui rgneaujourdhui autour de cet pineux dossier. Car, mise part la liste noire encore peu connue tablie par lUnion euro-penne, les passagers ne disposent pas dindicateurs satis-faisants. Et pourtant, la majorit dentre eux aimerait mieuxconnatre la compagnie avec laquelle ils voyageront. Cest pourrpondre cette forte demande que le site Securvol.fr a tcr. Il dlivre une information gratuite sur une cinquantaine decompagnies, en collaboration avec lObservatoire de la scuritarienne et du tourisme (Obsat) bas Genve. Particularit dusite : un baromtre volutif qui tablit un classement descompagnies en fonction de leur scurit. Le procd est simple :les transporteurs ariens sont classs en cinq groupes. Le

    groupe A regroupant les compagnies les plus fiables, le B celles considres comme correctes et ainsi de suite jusquau E , qui rassemble les plus risques, certaines dailleursinterdites en Europe. Le baromtre est mis jour chaquesemaine. Le classement est tabli partir dun large spectre dedonnes : lge des avions et leur suivi technique, la formationde lquipage, le respect des temps de repos ou encorelenvironnement conomique dans lequel volue la compagnie.Sont aussi pris en compte les incidents mineurs ou majeurs attri-bus aux transporteurs. Le site comporte, en outre, destmoignages et des enqutes sur lactualit du secteur arien.Un autre site, Air-valid.com propose, lui, deux typesdinformations aux voyageurs : des donnes conomiques, com-merciales et techniques et un systme de notation. la dif-frence de Securvol, ce sont les compagnies qui apportent elles-mmes les lments qui les concernent. Elles concourent ainsi

    la transparence de leur activit. Les notes sont attribues par lesvoyageurs sur le confort et le niveau de scurit quils ontconstat en vol. Sont valus des critres tels que laspect ext-rieur et intrieur des appareils, la propret, la ponctualit ouencore les conditions de livraison des bagages dans les aro-ports. Le site, partenaire avec des agences de voyages en ligne,accompagne ainsi le client du choix de la compagnie jusqu larecherche du billet. Air-valid recense aujourdhui prs de60 000 avis de clients et propose des informations sur 1 140compagnies.

    Source : Pierre Rabotin, Le Monde, 25 juillet 2008

    Encadr 6 : Les organisations caritatives

    Charity Navigator est le premier valuateur indpendant am-ricain des organisations caritatives. Son but est de rendre lemarch de la philanthropie plus efficient et responsable. Ses ana-lystes examinent les oprations financires des 5 300 orga-nisations caritatives amricaines les plus importantes, en sefocalisant sur le degr de responsabilit sociale des organismes etsur la capacit de ces derniers poursuivre leur programme dansle temps. Ils se fondent pour cela sur les informations financiresque chaque organisation fournit dans son Informational TaxReturns (IRS Forms 990) ainsi que sur les codes dactivit envigueur dans leur domaine. Ils leur attribuent ensuite une notegnrale variant entre zro et quatre toiles (cf. tableau ci-dessous) partir dchelles de notation dveloppes par leschercheurs de Charity Navigator sur le modle de celles utilises

    par les experts de lindustrie. Cette notation nest pas un clas-sement mais plutt un label de qualit. Charity Navigator napas vocation identifier la meilleure organisation caritative parcatgorie dactivit (animaux, arts, culture, ducation, environ-nement, sant, services sociaux, international) mais amliorerla qualit et la quantit dinformations disponibles pour lesdonateurs. Lassociation ne recommande pas dutiliser ses notescomme le seul facteur de dcision pour le choix dinvestir dansune organisation particulire mais encourage les donateurs rechercher des informations additionnelles, directement par lebiais des organisations elles-mmes ou travers dautres sourcespubliques et prives. Les donations intelligentes dpendent en faitdinformations fiables.

    Source : La rdaction laide du site : www.charitynavigator.org

    Encadr 7 : Les brevets en qute de transparence

    La multiplication des brevets nuit leur qualit. Les entreprises tentent de faire face en adoptant des politiques plus slectives ou endveloppant des initiatives de rating. lorigine, Ocean Tomo tait spcialis dans le ngoce de la proprit intellectuelle. Mais, en

    janvier 2005, cette socit de Chicago a rachet PatentRating, dont le fondateur, Jonathan Barney, avait invent une mthode de mesureobjective de la qualit des brevets grce des outils statistiques. En effet, la valeur dun brevet repose sur diffrents lments tels quelintrt de linvention elle-mme, sa valeur commerciale et la qualit de la protection offerte par le brevet. partir de ce constat et enprocdant une analyse statistique historique, Jonathan Barney a associ la qualit dun brevet certaines caractristiques structurellesquantifiables : longueur de la description de linnovation, nombre de revendications indpendantesles plus courtes possibles , nombrede brevets apparents, nombre de citations dans dautres brevets, etc. Ces critres quantitatifs ont ensuite t agrgs pour construire unindice synthtique applicable tout portefeuille de proprit intellectuelle. La mthode ne fonctionne actuellement que pour les brevetsamricains mais Ocean Tomo, qui a ouvert une filiale en France, prpare une version adapte aux brevets europens, comme la expliquJonathan Barney lors de la prsentation quil a faite la semaine dernire devant la Licencing Executives Society franaise. Elle pourraitservir non seulement valuer les portefeuilles des entreprises mais aussi, pourquoi pas, ceux de la recherche publique.

    Source : Les chos,29 janvier 2009

    No. of Stars Qualitative Rating Description Exceptional Exceeds industry standards and outperforms most charities in its Cause.

    GoodExceeds or meets industry standards and performs as well as or better than most charitiesin its Cause.

    NeedsImprovement

    Meets or nearly meets industry standards but underperforms most charities in its Cause.

    Poor Fails to meet industry standards and performs well below most charities in its Cause.

    NONE Exceptionally Poor Performs far below industry standards and below nearly all charities in its Cause.

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    Divers business models

    La notation nest donc pas seulement un concentr dinformations destin corriger une dfaillance de mar-ch, cest aussi un service qui procure une utilit aux agents et qui, en tant que tel, peut tre vendu et achetsur un march autonome . Chaque situation notateur/not tant spcifique, il existe pratiquement autant debusiness modelsque de notations, ce quesuggre la figure 3.

    Deux cas polaires se distinguent cepen-

    dant, selon que la notation est produite lintrieur du march par les agents eux-mmes (notation interne) ou produite parune autorit extrieure et indpendante(notation externe). Cela renvoie, entreautres considrations, la capacit dob- jectiver la qualit dun bien et lon retrouvela distinction voque plus haut entre lva-luation par les experts et lvaluation par lesacteurs eux-mmes.

    La notation interne . Se classent danscette catgorie tous les systmes de nota-tion sur Internet, que ce soit la notation des

    professeurs par les lves, la notation duvendeur sur eBay ou les systmes de nota-tion des individus visant construire unerputation de lindividu en soi et non plus enrelation avec un acte dchange spcifi (cf.article 6). La notation finale de chaque bien(i.e. de chaque personne) se construit alorspar agrgation des notations individuelles.Lexpression notation spontane estsouvent employe pour caractriser cesnotations manant directement dunemultitude de consommateurs (valuationdes enseignants aux tats-Unis, par exemple).

    Cette mise en commun des valuations est en gnral le fait dun entrepreneur qui cre un march de la

    notation et propose un business modelax prcisment sur le service dagrgation et de mise en commundes valuations.

    Ceci permet daligner les incitations des agents notateurs pour les inciter la coopration : pour changer sur lemarch, ils ont tout intrt bnficier de linformation col-lectivement labore. Cependant, la limite de cette notationrside en ce quelle peut impliquer des conflits dintrt : lesnotations sinscrivent parfois dans des vises stratgiquespropres aux notateurs, cest dailleurs un des problmesquessaie actuellement de rsoudre eBay en faisant voluerson systme de notation. Autre systme de notation interne,celui qui mane du producteur lui-mme comme le fait, parexemple, lducation nationale ou le ministre de la Santavec la publication en ligne dinformations sur leurstablissements, mais aussi du monde arien (compagniesariennes et agences de voyages) avec le site air-valid.comvoqu plus haut (cf. encadr 5). Ce schma nest pas nonplus exempt de conflits dintrts, les producteurs ayantintrt valoriser leurs produits.

    La notation externe . Dans certains cas, la qualit dunbien ne peut tre formalise qu laide dune expertiseadquate. Des institutions mergent alors pour produire desavis dexperts destination du public intress. Ces insti-tutions peuvent tre publiques ou prives suivant le caractreplus ou moins rgalien ou jug comme tel suivant le contexte et lpoque du bien en question. Dans lechamp de linitiative prive se situent tous les comparatifs de biens et de services destins aux consom-mateurs, des guides gastronomiques aux palmars des tablissements publis dans les mdias (ducation etsant) mais aussi des notations destines aux entreprises dont la plus connue, et dailleurs sans doute la plus

    ancienne, est la notation du risque de dfaut des crances (Moodys, Standard & Poors). Dans le champ delinitiative publique se rangent plutt les labels de qualit (par exemple, label AB pour agriculture biologique)

    Encadr 8 : Labels, certificats

    Labels de qualit, certifications visent crer de laconfiance sur le march en donnant des informations surla qualit des biens (i.e. services). Ces instruments ont encommun dattester de la conformit dun bien (i.e. ser-vice) un rfrentiel prdfini en direction dacheteurspotentiels qui demandent tre scuriss.

    Ces instruments se diffrencient les uns des autres par lecontenu du rfrentiel et par la qualit du contrle oprpour vrifier ladquation au rfrentiel. Le droit franais

    offre cet gard un cadrage partiel : selon le code de laconsommation les labels concernent plutt le domaineagroalimentaire (article L.115-21 L.115-26) et lescertificats le domaine des services (articles L115-23 L115-27 et R115 R115-12). Les mcanismes de contrlesont plus lches pour les labels (autolabellisation possible)que pour les certificats (organisme certificateur sap-puyant sur des contrles raliss par un auditeurindpendant).

    La rdaction

    March

    local

    March

    global

    Indicateurs /Modlisation

    Simple chronique des avis

    Agent

    (type)Bien

    (qualit)

    Agences de

    notation

    Hpitaux

    Guide Michelin

    Professeur

    Mdecin

    Vendeur Ebay

    Classement

    Shanghai

    Abscisses : objet de la notation (bien ou agent ? )

    Ordonnes : mthode de notation (simple ou complexe ? )

    Notation interne (par les parties prenantes la transaction)

    Notation externe (par un agent qui ne prend pas parti la transaction)

    Figure 3 Caractristiques de quelques institutions de notation

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    mais ceux-ci ressortent plus de la certification ex ante de process (cf. encadr 8) que de la notation strictosensu. La notation externe est confronte lagestion de lexpertise : comment choisir les experts, assurer leurindpendance, intgrer les avis dans un tout cohrent 2

    Notation interne et notation externe ne sont pas exclusives lune de lautre .

    ? Enfin,malgr saposition en retrait du march, lanotation externe se voit aussi expose aux critiques concernant le risque dentente entre not et notateur (cf. dbats actuels du monde de la finance propos des agences de notation financire).

    Les tablissements denseignementou de soin, par exemple, peuvent tre nots la fois par les utilisateurs (notation interne) et par la presse

    (notation externe). Ils font aussi souvent lobjet de notation par ladministration de tutelle ce qui est une formemixte, mi-interne (ladministration de tutelle est partie prenante de la production du bien not), mi-externe(ladministration de tutelle met en uvre de lexpertise pour noter) de notation. Cet exemple illustre bien ladiversit des business models possibles. noter que cette concurrence entre notations engendre le dbat,dbat qui gagnerait voluer vers une rflexion sur les ventuelles complmentarits entre ces diffrents typesde notation. Lobjectif premier est, en effet, dobtenir des notations de bonne qualit, aptes remplir leur rledans les interactions sociales ; confronter les mthodes constitue un pas dans cette direction

    Une mme logique : les notations accroissent la confiance et augmentent le bien-tre collectif

    .

    Incertitude, dfiance, engendrent une rarfaction des interactions sociales et, notamment, des transactions surles marchs. En effet, la mfiance des acheteurs mal informs se traduit par un moindre engagement de leurpart sur les marchs, les changes sont donc moins nombreux que ce qui serait souhaitable (cf. encadr 8). Ditautrement, tous les changes mutuellement avantageux ne se ralisent pas. Il y a alors un manque gagner pour le vendeur, une perte dutilit pour lacheteur et, finalement, une perte de bien-tre au niveau dela collectivit toute entire qui savre suprieure lagrgation des deux prcdentes du fait denchanementspervers (moindre consommation, moins demplois, moins de demande).

    Lexplosion des notations laquelle on assisteactuellement sexplique dailleurs par linsa-tisfaction des acteurs conomiques face ltat de sous-information de certains marchs. Lesconsommateurs sont devenus exigeants, ilsrecherchent les classements, les notations ; ilsadoptent de nouveaux comportements. Ils sesont mus eux-mmes en comparateurs... de plusen plus aguerris, en "professionnels" de laconsommation/comparaison, qui ne se laissentplus raconter d'hisoires Pierre Kosciusko-Morizet, Le journal du Net, 18 mai 2007).

    Crer de nouveaux marchs. La notation rendpossible des formes dchange qui nauraient puse dvelopper auparavant. Le commerce en ligne,par exemple, permet de passer dun march local un march global : un producteur nest plusastreint vendre uniquement un petit groupedacheteurs situ proximit, il peut galementexpdier ses produits ltranger. Mais, pour cela,il lui faut se forger une rputation de bonvendeur car, si ses clients de proximit leconnaissaient personnellement, ce nest plus lecas de ses nouveaux clients en ligne. La crationdun systme de notation et de rputation sur le

    site denchres en ligne eBay permet aujourdhui des dizaines de millions de personnes dacqurirdes biens sans jamais les avoir vus, et,symtriquement, envoyer de largent despersonnes quelles ne connaissent pas, ce quiaurait t impensable il y a quelques dcennies.

    Larrive

    de ces flux dinformations contribue :

    Prserver des marchs que lasymtriedinformation met mal. Le march des voitureset les marchs de biens doccasion en gnralseffondreraient sans un systme qui permette de prserver la confiance (cf. encadr 9). Le march despneumatiques sest dvelopp grce aux nombreux efforts de Michelin pour inciter les voyageurs prendre laroute, efforts qui se sont matrialiss par la publication de guides, guides techniques puis guides touristiques, et

    2 Cette problmatique est bien connue des pouvoirs publics qui pratiquent un large recours lexpertise pour valuer les politiques

    publiques complexes (par exemple application du principe de prcaution en environnement et en sant). LUnion europenne adailleurs publi des guidelines sur lexpertise ( Principes et lignes directrices sur lobtention et lutilisation dexpertise ,Communication de la Commission, 11 dcembre 2002).

    Encadr 9 : Le march des voitures doccasion aux tats-Unis

    En 1970, George Akerlof publie un article The Market for "Lemons":Quality Uncertainty and the Market Mechanism qui traite desasymtries dinformation sur le march des voitures doccasion (Lemonsest une expression idiomatique amricaine dsignant les vhiculesdfectueux). Cet article est le point de dpart des travaux deGeorge Arthur Akerlof pour lesquels il obtiendra, en 2001, le prix Nobeldconomie avec Michael Spence et Joseph Stiglitz.

    Dans cet article, George Akerlof remarque que le vendeur est toujoursen position privilgie car il connat les vices cachs de la voiture dont ilsouhaite se dbarrasser. Or, ces dfauts cachs ne sont pas observablespar lacheteur potentiel. Le vendeur a alors tout intrt exploiter sonavantage pour vendre la voiture un prix suprieur sa valeur relle.Par la suite, la dfaillance du march ne fait que saggraver : lacheteursait quil existe des vendeurs malhonntes et des produits de mauvaisequalit sur le march, mais il ne peut les identifier directement parlobservation. Lorsque lagent ne peut pas faire le tri entre les bons et les mauvais produits, il sait quil court un risque important enachetant la voiture doccasion. Pour supporter ce risque, lacheteurexigera donc une rduction significative du prix de vente (dcote). Dansces conditions, le prix du march baisse. Si le prix du march baisse suf-fisamment, les vendeurs de bonnes voitures doccasion estimerontque ce prix ne couvre pas la valeur intrinsque du bien quils essayent devendre : ils nont alors aucune raison de vendre la voiture moins que cequelle vaut et se retirent par consquent du march. Cest la slectionadverse : les mauvais vendeurs chassent les bons , il ne restedonc sur le march que des mauvaises voitures (celles dont la valeurintrinsque est infrieure au prix du march). Les acheteurs, de leur

    ct, tant privs dinformations techniques, ont tendance prendre leprix lui-mme comme base dinformation : si tel vendeur baisse sesprix, cest que sa voiture est de mauvaise qualit, donc je ne lachtepas . Les acheteurs se dtournent donc galement du march.George Akerlof met ainsi en vidence une contraction inluctable dumarch en prsence dasymtries dinformation.

    La rdaction

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    Lexercice mthodologique dlaboration des notations sapparente la cration dindicateurs composites par lestatisticien (cf. figure 4). Cest le double choix des composants de base et des modalits dagrgation (commentadditionner des choux et des carottes ?) qui dtermine la pertinence de la notation. Les notations doivent trerobustes, cest--dire autoriser une comparaison dans lespace (deux biens doivent pouvoir tre compars unmoment donn) et dans le temps (un mme bien peut se comparer lui-mme deux moments diffrents). Ditautrement, les notations doivent tre reproductibles : les mmes inputs doivent aboutir aux mmes outputs.Concevoir un modle de notation qui satisfasse cette exigence est techniquement dlicat du fait du largerecours des avis dexperts pour pallier labsence ou linsuffisance de donnes objectives (qualit dunmets, qualit dune crance ?). En matire de notation la recherche de la perfection technique est infinie (unraffinement supplmentaire peut toujours tre intgr) et illusoire (subsidiarit du notateur).Une notation na de sens que pour un usage spcifi. Cest en effet la mthode retenue pour laborer lanotation qui dtermine quel en est lusage lgitime pour les consommateurs. Cela suppose que ces derniersbnficient dune bonne information sur les diffrents systmes de notation et, en particulier, quils enconnaissent les limites. Cest assez vrai pour les notations et classements de la vie courante : lamateur denouvelle cuisine achte le Gault-Millaualors que le gastronome traditionnel prfre le Guide rouge; de mme,lindividu qui cherche un tablissement de soin ou denseignement choisira le systme de notation qui reflteses propres prfrences (par exemple, confort versusqualit mdicale pour un hpital, ou pdagogie versusniveau de recherche pour une universit). Dans des domaines plus techniques, comme la notation financire, ilsemble que lutilisateur de la notation ne soit pas toujours bien inform de ces limites. De nombreux acteurs ontdcouvert loccasion de la crise financire que les notations des agences ntaient pas une certification dequalit des crances mais une simple opinion . Pour que les notations jouent bien leur rle de signauxinformationnels, linstitution de notation doit mettre en place une communication ad hoc. Plus le sujet estcomplexe, plus lusage des notations requiert des connaissances techniques, et plus la communication doit tre

    affine.Une bonne gouvernancedes systmes de notation doit prcder la communication. La gouvernance est en-tendue ici comme la prsence de mcanismes assurant lalignement des intrts des offreurs de notation et desutilisateurs de notation, cest--dire la prsence de mcanismes garantissant le fait que les notations dlivrentde linformation de bonne qualit eu gard lusage qui en sera fait, dfaut de quoi les notations deviennentelles-mmes sources dimperfection des marchs.

    En premire approche, trois outils sont susceptibles de scuriser lusage des notations : premier outil , latransparence : en labsence de mthodologie dure , le client de la notation doit disposer dlmentsdinformation sur la notation, en connatre les ingrdients et les limites dutilisation ; deuxime outil, le droit : desmcanismes de responsabilit doivent pouvoir tre actionns pour traiter dventuels prjudices subis du faitdes notations ; troisime outil, lintervention publique en prsence de dfaillances de march. Par exemple, lacrise financire actuelle suggre que des enjeux collectifs sattachent la notation financire. Cela pose laquestion de la rgulation de certains types de notation par les pouvoirs publics.

    En dfinitive, les systmes de notation sont htrognes. Il est difficile de comparer la notation des restaurantsgastronomiques, celle du vendeur par lacheteur sur les sites de e-commerce et celle des produits financierspar Moodys ou Standard & Poors. Chaque systme correspond un modle spcifique, caractris par sonsubstrat technique (agrgation davis des consommateurs, dire dexpert, modles mathmatiques), sonbusiness model (qui offre et qui achte la notation ?), le statut de la notation (opinion ou label ?) et son rleeffectif sur le march considr, voire sur dautres marchs. Leur point commun est dorienter les choix desconsommateurs et, par ricochet, dinfluencer loffre, ds lors que ces notations acquirent une certainenotorit. Fournir des lments daide la dcision est lobjectif du notateur (i.e. loffreur de notation) dont lemtier consiste, pour lessentiel, rendre compatible les ressources induites par la notation et les moyenstechniques quil met en uvre pour la produire et la diffuser, le prix dterminant lquilibre du march si celui-ciest concurrentiel mais la ralit est souvent bien plus complexe (Cahiers de lvaluation).

    EN SAVOIR PLUS

    Andr Orlan, La thorie conomique de la confiance et ses limites , in La confiance en question , sous la direction deR. Laufer et M. Orillard, collection Logiques sociales , Les Cahiers de socio-conomie, Paris, LHarmattan, 2000.

    Paul Seabright, Tout marche la confiance , LExpansion, n690, octobre 2004. O. Williamson, Calculativeness, Trust, and Economic Organization , Journal of Law and Economics, vol. XXXVI, avril 1993,

    pp. 453-486.

    G. Akerlof, M. Spence et J. Stiglitz, Lasymtrie dinformation au cur de la nouvelle microconomie , Problmesconomiques, n2734, octobre 2001.

    Guy Schuller, conomie et confiance - La confiance : un facteur indispensable mais complexe , Actes de la Section dessciences morales, volume VIII, Institut grand-ducal, Luxembourg, 2004, pp. 239-292.

    Anabelle Matigot et Dominique Ferrand, Labels et certificats des sites de commerce lectronique, 26 fvrier 2002,www.temesis.com

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    VVooll.. 11 -- DDee MMiicchheelliinn eeBBaayy

    Vers la socit de la notation gnralise ?Que pensent les Franais des notations des ministres, mdecins, professeurs, patronsqui fleurissent sur la Toile ? Une majorit des personnes interroges y est favorable, soit entant que citoyen pour mieux contrler les autorits publiques, soit en tant queconsommateur pour choisir des services. Ces notations sont aussi perues comme un outildincitation la performance : prs des trois-quarts des personnes interroges pensent quenoter des personnes dans le milieu professionnel peut avoir une influence positive sur leurtravail. Si la demande est particulirement forte pour les services locaux (garagistes,agences bancaires, nourrices), une certaine rticence se manifeste envers la notation

    des professeurs et mdecins. Ces professions recueillent le plus faible score de demande de notation, mmesi une moiti des personnes interroges y est malgr tout favorable. Une initiative rcente dans ce domaine sestdailleurs vue couper lherbe sous le pied : le site Web destin la notation des professeurs a t ferm pardcision de justice peu de temps aprs son ouverture.

    Les Cahiers de lvaluation

    Vers la socit de la notation gnralise ?

    Et si, malgr les controverses, les Franais, taient favorables lanotation ? En tout cas, force est deconstater que la pratique nechoque pas, bien au contraire.Ainsi, 77 % des personnesinterroges trouvent normal denoter les membres dugouvernement. Un chiffre qui en ditlong sur le dsir des citoyens demieux contrler leursreprsentants. Mais les hommespolitiques ne sont pas les seulsconcerns. Les chefs dentreprise,

    avec 66 % de personnes pensant quils doivent tre nots et les syndicats,avec 63 %, suivent de prs.

    Dune manire gnrale, on observe quune majorit des personnesinterroges est favorable la notation. Les rfractaires restent une minorit.Bien sr, pour dautres corps de mtiers, plus spcialiss, lopinion est moinsfranche. Cest le cas des fonctionnaires (57 %), des policiers (56 %), des avocats (56 %) et des commerants(53 %). Lopinion est encore plus rserve pour les mdecins (51 %) ainsi que pour les professeurs et lesinstituteurs (48 %). Mais difficile de nier lvidence. Dans un contexte de mfiance et dincertitude quant lefficacit des institutions, la culture du rsultatsemble sduire une proportion non ngligeable de Franais. Au-

    Sources de larticle:Ipsos Marketing, Vers la socit de la notation gnralise ? ,enqute dejuin 2008

    Harris Interactive, Noter des professeurs ou des mdecins sur Internet ,enqute de mars 2008

    Le texte nest pas repris dans son intgralit : les titres de larticle (en bleu) sont ajouts par la rdaction(ils peuvent reprendre un titre de larticle). Les notes de bas de page ont t supprimes.

    Article de Rmy Oudghiri, Vers la socit

    de la notation gnralise ? , publi le

    8 septembre 2008 surwww.ipsos.fr

    Enqute ralise en ligne par Ipsos

    Marketing pour Marketing Magazine en juin 2008, auprs dun chantillon

    reprsentatif de 500 personnes

    www.ipsos.fr

    www.notetonentreprise.com

    http://www.ipsos.fr/http://www.ipsos.fr/http://www.ipsos.fr/
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    del des autorits, les citoyens eux-mmes sont concerns.Ainsi, 70 % des personnes interroges pensent que noter despersonnes dans leur milieu professionnel peut avoir uneinfluence positive sur leur travail ; 22 % en sont mme tout faitcertains. Pas de diffrence de sexe ni de gnration sur cesujet.

    Serait-ce la consquence de ce que lon observe sur Internet ?

    Il est vrai que, sur la Toile, les internautes sont incits noter tout moment : les produits, les services, les articles et les aviseux-mmes nchappent pas cette fivre valuatrice ! 43 %des personnes interroges ont dj attribu des notes desproduits ou des prestations de service sur un site Internet et20 % dclarent le faire de temps en temps. Ces pratiques sontdj largement rpandues et devraient se dvelopper dans lesannes venir. Autre lment important : les notes ont unerelle influence sur leurs comportements : 33 % des sondsdclarent avoir t dj influencs dans leurs choix, notammentpour l'achat d'un produit ou le recours un service. Cest unnouveau marketing qu