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Rapport pour le Pôle grenoblois d’études et prévention des risques naturels : compte rendu des travaux du programme de recherche 2005 CARACTERISATION DU COMPORTEMENT NON LINEAIRE DE LA COUCHE LACUSTRE DANS LA CUVETTE GRENOBLOISE Pierre FORAY 1 Safwan LABANIEH Jane JERRAM Laboratoire 3S, Grenoble 24 Novembre 2006 Programme de recherche 2005 financé par le Conseil Général de l’Isère 1 Professeur de l’INPG Tél : 04 76 82 51 60 [email protected]

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Rapport pour le Pôle grenoblois d’études et prévention des risques naturels : compte rendu des travaux du programme de recherche 2005

CARACTERISATION DU COMPORTEMENT NON LINEAIRE

DE LA COUCHE LACUSTRE DANS LA CUVETTE GRENOBLOISE

Pierre FORAY1

Safwan LABANIEH Jane JERRAM

Laboratoire 3S, Grenoble

24 Novembre 2006

Programme de recherche 2005 financé par le Conseil Général de l’Isère

1Professeur de l’INPG Tél : 04 76 82 51 60

[email protected]

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Rapport pour le Pôle grenoblois d’études et prévention des risques naturels : compte rendu des travaux du programme de recherche

2005

Caractérisation du comportement non linéaire de la couche lacustre dans la cuvette grenobloise Pierre FORAY, Jane JERRAM, Safwan LABANIEH Laboratoire 3S

1. Introduction La cuvette grenobloise est un bassin rempli de centaines de mètres de sédiments mous. Cette grande épaisseur de sédiments peut entraîner une amplification dynamique des ondes sismiques s’y propageant lors d’un séisme d’une magnitude moyenne. En particulier, on considère ce problème d’amplification sismique dans la couche d’argile ou limon lacustre se trouvant entre 40 mètres de profondeur jusqu’à environ 400 mètres. L’amplification sismique est une fonction de l’épaisseur des sédiments et du comportement non linéaire du sol, c'est-à-dire la dégradation de G et l’augmentation de D avec le niveau de distorsion pendant le séisme. Afin d’étudier la réponse sismique de ce matériau lacustre, il faut donc caractériser les non linéarités de son comportement dynamique.

Figure 1. courbes de non linéarité des argiles en fonction de Ip (d’après Vucetic et Dobry, 1991) Le comportement non linéaire d’un sol peut être caractérisé par des courbes donnant l’évolution de G et D en fonction de la distorsion γ, ou déformation de cisaillement. Pour des niveaux de distorsion très faibles, de l’ordre de 10-6 à 10-5, le module d’élasticité est le module élastique « vrai » du sol, Gmax, mais lorsque la distorsion augmente, ce module décroît fortement. Il y a également une croissance du coefficient d’amortissement. Pour des sols cohésifs (argiles, limons), cette non linéarité dépend fortement de l’indice de plasticité, Ip ; lorsque la valeur de Ip croît, l’étendue du domaine où G/Gmax reste égal à 1 augmente, et le taux de dégradation de G/Gmax diminue. Autrement dit, plus l’Ip est faible, plus le sol a un comportement

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non linéaire. Pour les sables, la non linéarité est plutôt une fonction de la contrainte effective in situ, σ’0 : plus σ’0 est faible, plus le sol a un comportement non linéaire. Dans la pratique, un comportement non linéaire implique une réduction dans l’amplification dynamique des couches molles. Donc une modélisation correcte de la réponse sismique nécessite la prise en compte de la non linéarité de la couche lacustre dans la cuvette grenobloise. Une étude antérieure a déjà été faite avec l’objectif de déterminer le comportement non linéaire des matériaux représentatifs de ceux remplissant la vallée grenobloise. Dans cette étude des essais triaxiaux cycliques ont été effectués en condition non drainée sur une argile prélevée en surface au site du Lac du Bourget, près de Chambéry (Labanieh et al, 2003). Les courbes de dégradation du module G et d’amortissement ont pu être établies pour des contraintes de confinement correspondant aux profondeurs du début de la couche lacustre. Dans l’étude actuelle, une démarche similaire a été faite. Des échantillons d’argile ou limon lacustre ont été obtenus à partir de deux sites différents de la cuvette grenobloise. On a cherché à établir des courbes de non linéarité de type « Dobry » à partir des essais triaxiaux cycliques en laboratoire sur des échantillons intacts du sol lacustre se trouvant entre 40 et 50 mètres de profondeur. Afin d’extrapoler ces résultats aux plus grandes profondeurs dans la couche lacustre, pour lesquelles l’on ne disposait pas d’échantillons intacts, des essais de classification des sols en laboratoire ont été également effectués sur des échantillons pris entre 40 et 430 mètres. Ces essais, dont des essais de limites d’Atterberg et d’analyses granulométrique et minéralogique ont permis de vérifier l’homogénéité de l’épaisse couche lacustre. Avec les courbes de non linéarité du sol lacustre supérieur, aussi bien que les indices de plasticité, la granulométrie et la minéralogie dans la couche lacustre à toutes profondeurs, l’objectif était de caractériser le comportement non linéaire de toute la couche lacustre et donc le risque d’amplifications dynamiques lors d’un séisme. 2. Classification des sols lacustres à deux sites : Montbonnot et Crolles Des échantillons d’argile ou limon lacustre ont été récupérés sur deux sites différents de la cuvette grenobloise afin d’établir des caractéristiques physiques à partir des essais de classification en laboratoire. Il s’agit des « cuttings » (échantillons remaniés) du forage profond de Montbonnot (1999) entre 100 et 430 mètres de profondeur, et des échantillons intacts entre 44 et 48.5 mètres d’un forage à Crolles (2005). Montbonnot Le forage destructif de Montbonnot a été réalisé en 1999 sous la direction de l’IPSN, et il a atteint le substratum à 534 mètres de profondeur. Il a permis d’identifier la nature des sédiments présents dans la cuvette, mettant en évidence cette épaisse couche argileuse sur environ 450 mètres de profondeur. Les sédiments ont été caractérisés par des reconnaissances géophysiques donnant des vitesses de

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propagation d’ondes de cisaillement, Vs, et par des reconnaissances visuelles à partir des cuttings du forage (Nicoud et al, 2002). Pour cette étude, les cuttings entre 100 et plus de 400 mètres ont été récupérés et stockés à l’Institut Dolomieu de Grenoble (Rabot). Il n’y avait pas d’échantillons intacts. Crolles Un forage jusqu’à 48,5 mètres a été effectué en août 2005 dans la zone industrielle de Crolles, par le bureau d’études Fondasol pour le compte du Laboratoire 3S. Un essai piézocône a été effectué en parallèle dans l’objectif d’une modélisation numérique du profil in situ sous sollicitation sismique. Des échantillons intacts ont été prélevés dans la couche lacustre entre 44 et 48,5 mètres de profondeur afin d’effectuer des essais en laboratoire. Des échantillons intacts ont été également prélevés entre 20 et 24 mètres, dans une couche d’argile non lacustre se trouvant entre 4,5 et 27 mètres (provenant du torrent du Manival). On présentera par la suite les principaux résultats des essais des limites d’Atterberg, des analyses granulométriques et des analyses minéralogiques aux rayons X.

Figure 2. Coupes lithologiques de (a) le forage profond de Montbonnot ; (b) le forage de Crolles jusqu’à 48.5 mètres

Graviers limoneux bruns

Argile molle grise

Graviers sableux gris plus ou moins argileux

Argile grise à bancs sableux

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Détermination des limites d’Atterberg Les essais de limites d’Atterberg ont été effectués sur 14 échantillons de Montbonnot provenant des profondeurs entre 103 et 282 mètres. Ce travail de détermination des limites d’Atterberg a été effectué dans le cadre d’un stage de Master par G. Lepoutre en mai 2005. On expose ses résultats ici. On a groupé les résultats en intervalles de profondeur pour lesquelles les limites de liquidité (WL) et les indices de plasticité (Ip) étaient très similaires. On expose également les résultats des essais des limites d’Atterberg sur des échantillons de Crolles à 44 et 47 mètres de profondeur. Pour tous les essais, les WL ont été obtenues par la méthode du cône anglais, tandis que les limites de plasticité (WP) ont été obtenues par la méthode des rouleaux. Toutes les valeurs de WL et Ip présentées ont été ensuite corrigées par une corrélation empirique afin retrouver la valeur de WL qui aurait été trouvée par la méthode de la coupelle de Casagrande. Cette correction nous a permis de situer les valeurs sur le diagramme de plasticité Britannique.

Figure 3. (a) Variation des Ip avec la profondeur pour les deux sites (b) situation des valeurs moyennes sur le

diagramme de plasticité Britannique

Tableau 1. Résultats des essais des limites d’Atterberg

Site Depth (m) wL (%) wP(%) IP (%)

Montbonnot 100 - 120 35,3 20,8 14,5

Montbonnot 120 - 160 33,7 21,3 12,4

Montbonnot 160 - 200 36,0 19,6 16,4

Montbonnot 240 - 282 30,9 17,8 13,1

Crolles 44 33,2 23,4 9,8

Crolles 47 42,0 27,4 14,6

Indices de Plasticité: Echantillons lacustres

0

50

100

150

200

250

300

10 12 14 16 18 20Ip (%)

Prof

onde

ur (m

)

MontbonnotCrolles

100-120m

120-160m

160-200m

240-282m

0 10 20 30 40 50 60 70 80 90 100 110 120Liquid Limit

0

10

20

30

40

50

60

70

Plas

ticity

Inde

x

MontbonnotCrolles

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On constate que les Ip sont du même ordre de grandeur (entre 10 et 16%) sur les deux sites, indiquant dans un premier temps une minéralogie similaire et un comportement non linéaire similaire. D’après le système britannique, les échantillons de Montbonnot sont des argiles de plasticité moyenne à faible, tandis que les échantillons de Crolles sont des limons de plasticité moyenne à faible. Tous les points se situent très près de la droite « A », qui permet de distinguer entre les argiles et les limons. Les valeurs de Ip nous permettent d’avoir une première estimation du comportement non linéaire de la couche lacustre. On estime la courbe de dégradation G/Gmax en fonction de la distorsion en prenant celle qui correspond à IP = 15% dans le faisceau des courbes proposées par Vucetic et Dobry (1991) pour des sols cohésifs et plastiques. Pour ces sols argileux, la non linéarité semble ne dépendre que de IP. Selon cette estimation, on peut donc s’attendre à des non linéarités significatives dans la couche lacustre.

Modulus degradation curves

0

0.1

0.2

0.3

0.4

0.5

0.6

0.7

0.8

0.9

1

0.0001 0.001 0.01 0.1 1 10

Cyclic shear strain (%)

G/G

max

PI = 200

10050

3015

0

Montbonnot, Crolles 47 m(PI≈14)

Crolles 44m(PI≈10)

Figure 4. Comportement non linéaire « estimé » à partir des Ip pour les échantillons lacustres : situés par rapport

aux courbes de Vucetic et Dobry (1991) Analyses granulométriques Des analyses granulométriques ont été effectuées par un dispositif laser au Laboratoire Interdisciplinaire de Recherche Impliquant la Géologie et la Mécanique (LIRIGM). 14 échantillons de Montbonnot, de 103 à 430 mètres, et 2 échantillons de Crolles (44 et 47 mètres) ont été testés. Les résultats sont présentés dans le tableau ci-dessous. La décomposition de la granulométrie en argile, limon et sable a été effectuée d’après le système britannique.

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Tableau 2. Composition granulométrique des échantillons à Montbonnot et Crolles

Site % Argile (d < 0,002 mm)

% Limon (0,002 < d < 0,06 mm)

% Sable (d > 0,06 mm)

Crolles (44, 47 m) 7,8 90,0 2,2

Montbonnot (103; 121-181; 430 m) 6,3 86,0 7,7

Montbonnot (109; 198-326 m) 3,6 71,4 25,0

Les résultats montrent clairement que le sol de la couche lacustre, quelque soit sa profondeur, est un limon et non pas une argile. De plus, la teneur en argile n’est jamais supérieure à 8%. Malgré quelques passages plus sableux, la teneur en limon reste supérieure à 65% à toutes profondeurs. On constate que la granulométrie est très similaire entre les deux sites et à toutes profondeurs. Les résultats des limites d’Atterberg restent valides car on a toujours affaire à un sol cohésif, même si ce dernier n’est pas une argile comme on a cru au départ. Résultats des analyses aux rayons X Afin de compléter la classification des échantillons lacustres et de confirmer l’homogénéité de la couche, des analyses minéralogiques ont été effectuées sur la fraction argileuse des échantillons suivants :

• Crolles à 19,8 et 47 m • Montbonnot à 282 et 430 m.

Ces analyses ont été effectuées au Laboratoire Processus et Bilan des Domaines Sédimentaires (PBDS) à l’Université des Sciences et Technologies de Lille. L’objectif était d’identifier les principaux minéraux constituant les échantillons différents. On présente ci-dessous un tableau montrant les teneurs en chaque minérale.

Tableau 3. Minéralogie de la fraction argileuse des échantillons à Montbonnot et Crolles

Echantillon %

Minéraux gonflants

% Illite % Chlorite % Kaolinite

Argille Crolles 19,8 56 19 7 18 Argile Crolles 47 66 34

Argile Montbonnot 282 10 56 34 Argile Montbonnot 430 3 56 41

On constate que, pour les deux échantillons à Montbonnot et l’échantillon à 47 m à Crolles, les principaux constituants sont des illites et des chlorites, et que les teneurs en chacun sont très voisines entre ces trois échantillons. Par contre, on voit que la distribution des minéraux est très différente pour l’argile de Crolles à 19,8 m. Ces résultats confirment la minéralogie et donc la provenance identique de l’échantillons de Montbonnot et de l’échantillon à 47 m de Crolles. Les résultats mettent bien en évidence la provenance différente de la couche d’argile supérieure à Crolles (torrent du Manival).

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3. Essais triaxiaux cycliques sur des échantillons intacts de Crolles Deux essais triaxiaux cycliques non drainés ont été effectués sur des échantillons du limon lacustre de Crolles. La presse triaxiale utilisée était la Presse Cyclique Asservie à 2 Vérins (PCA2V) du laboratoire 3S. Son fonctionnement est décrit dans les rapports de E. Tapan (2002, 2003). Les deux échantillons ont été taillés dans une carotte prélevée entre 47 et 48,5 m. Les échantillons ont été soumis à une consolidation isotrope de 450 kPa, correspondant à la contrainte effective verticale in situ. Ensuite, avec le drainage fermé, 6 séries consécutives de cycles de déformation ont été appliquées aux échantillons. Les amplitudes des séries étaient de ε1 = 5 x 10-

5 à ε1 = 1 x 10-2. Ces essais nous ont permis d’établir des courbes préliminaires de non linéarité pour le limon lacustre. Les courbes de dégradation du module et d’augmentation de coefficient d’amortissement en fonction de la distorsion sont présentées ci-dessous. Les courbes sont comparées à celles de Vucetic et Dobry (1991).

Modulus degradation curves

0

0.1

0.2

0.3

0.4

0.5

0.6

0.7

0.8

0.9

1

0.0001 0.001 0.01 0.1 1

Gammac (%)

G/G

max

Crolles47(1)

Crolles47(2)

Dobry IP = 15%

Figure 5. Courbes de dégradation de G en fonction de γ pour l’échantillon de Crolles comparées à la courbe de

Vucetic et Dobry (1991) pour un sol plastique Ip = 15%

Damping Curves

0

5

10

15

20

25

0.001 0.01 0.1 1

Gamma c (%)

D (%

)

Crolles47(1)

Crolles47(2)

Dobry IP = 15%

Dobry IP = 30%

Dobry IP = 0%

Figure 6. Courbes d’augmentation de D en fonction de γ pour l’échantillon de Crolles comparées aux courbes de

Vucetic et Dobry pour Ip = 0-30%

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Les courbes expérimentales semblent bien se caler avec les courbes de Vucetic et Dobry correspondant à Ip = 15%, une valeur qui tombe dans la fourchette des valeurs d’Ip obtenues pour le limon lacustre à Crolles lors des essais des limites d’Atterberg. Pourtant, les valeurs de Gmax, n’ayant pas pu être mesurées expérimentalement, ont été estimées par extrapolation des courbes expérimentales de dégradation du module G à petites valeurs de distorsion de l’ordre de γ<9 x 10-6. Les valeurs obtenues sont d’un ordre de grandeur très faible par rapport à la contrainte de confinement appliquée, ce qui nous amène à croire qu’il y a eu du remaniement du sol pendant l’échantillonnage. L’allure des courbes de dégradation du module indique néanmoins un comportement non linéaire très important pour le limon lacustre à 47 mètres. Discussion Il reste à faire d’autres essais triaxiaux cycliques afin de confirmer ce comportement non linéaire. Etant donné que le limon lacustre de Montbonnot a la même minéralogie, granulométrie et des Ip voisines à ceux de Crolles, on pourrait faire l’hypothèse que les courbes de non linéarité établies peuvent être appliquées partout dans la couche lacustre de la cuvette grenobloise. Pourtant, une profondeur de 400 mètres correspond à une contrainte effective de confinement d’environ 2500 kPa. A notre connaissance, dans la littérature les études montrant l’influence négligeable de σ’0 sur le comportement non linéaire des argiles ne s’étendent pas au-delà de σ’0 = 400 kPa. Il faut donc étudier l’influence des σ’0 très fortes sur le comportement non linéaire de ce limon lacustre. De plus, des études ont montré (Ishibashi 1992) que plus Ip est petit, plus σ’0 a une influence sur le comportement non linéaire des sols cohésifs (plus σ’0 est grande, plus le comportement est linéaire, comme pour les sables).

Figure 7. Effet de la contrainte de confinement sur les courbes G/Gmax-γ pour deux argiles avec différentes

valeurs de Ip d’après Ishibashi A grandes profondeurs dans la cuvette grenobloise, il faut donc étudier le rôle antagonique de deux paramètres : l’indice de plasticité Ip relativement faible du limon qui indique un comportement très non linéaire, et la forte σ’0 qui pourrait avoir l’influence inverse.

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4. Conclusions Afin d’étudier la réponse sismique de l’épaisse couche lacustre de la cuvette grenobloise, on a été amené à étudier son comportement non linéaire, c'est-à-dire la dégradation du module de cisaillement G et l’augmentation du coefficient d’amortissement D avec le niveau de distorsion. Dans les sols cohésifs cette non linéarité est principalement une fonction de l’indice de plasticité, Ip (Vucetic et Dobry 1991). Pour la présente étude, des échantillons lacustres de deux sites différents dans la cuvette grenobloise ont été testés : des cuttings entre 100 et 400 m de profondeur du forage profond à Montbonnot (1999), et des carottes intactes prélevées entre 44 et 48,5 m lors d’un forage à Crolles en 2005. Entre les deux sites et les deux profondeurs, on retrouve des valeurs de Ip très voisines, et ce résultat est soutenu par des analyses rayons X donnant une minéralogie très similaire entre les argiles lacustre du bas (Montbonnot) et du haut (Crolles) de la couche. Les analyses granulométriques par laser ont mis en évidence non seulement une forte homogénéité de la granulométrie à toutes profondeurs et entre les deux sites, mais surtout une teneur moyenne de 80% en limon, et non pas en argile (teneur toujours inférieure à 8%). Ces analyses ont permis de confirmer l’homogénéité des propriétés de la couche lacustre. Les résultats des essais triaxiaux cycliques non drainés sur des échantillons intacts de limon du forage de Crolles ont donné des courbes de non linéarité se calant bien avec les courbes proposées par Vucetic et Dobry (1991), et indiquent un comportement non linéaire important. Si on extrapole ces résultats à grandes profondeurs, le comportement non linéaire de toute la couche aurait tendance à réduire l’amplification dynamique lors d’un séisme. Pourtant, on ne connaît pas l’effet des très grandes profondeurs sur le comportement non linéaire d’une argile de faible plasticité. Perspectives Afin d’étudier le comportement non linéaire du limon lacustre à plus grandes profondeurs, il nous faudrait une presse triaxiale ayant la capacité de fournir des pressions de confinement de l’ordre de 4 MPa. Dans un premier temps, on va faire consolider un échantillon remanié du limon lacustre de Crolles à une pression de confinement autour de 1 MPa, ce qui correspond à une profondeur au-delà de 100 mètres. Cette pression reste dans les capacités de la presse PCA2V. La comparaison de la courbe de dégradation du module obtenue à partir de cet essai aux celles à σ’0 = 450 kPa nous permettraient déjà de voir l’influence des plus grandes contraintes de confinement sur le comportement non linéaire du limon lacustre. On se servira des courbes de non linéarité obtenues pour la couche lacustre dans le code de calcul NOAH (Bonilla 2000), un code qui permet de modéliser la réponse dynamique des couches de sol lors d’un séisme. Les résultats de ces modélisations fourniront une estimation de l’amplification dynamique possible dans la couche lacustre de la cuvette grenobloise.

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Références Bonilla, F. Computation of linear and non linear site response for near field ground

motion. Thèse, Université de Californie, 2000. Craig, R F. Experimental soil mechanics. Spon press, Londres, 2002. Ishibashi I. Discussion of effect of soil plasticity on cyclic response by M. Vucetic and

R. Dobry. Journal of Geotechnical Engineering, ASCE, 118, No. 5, 830-832, 1992.

Labanieh, S., Tapan, E. et Foray, P. Evaluation des propriétés non linéaires d’une argile représentative des matériaux de remplissage de la cuvette grenobloise. Rapport final, Syndicat Mixte pour l’élaboration et le suivi du Schéma Directeur de la Région Grenobloise, Pôle Grenobloise d’Etude et de Prévention des Risques Naturels, 2003.

Lepoutre, G. Etudes des limites d’Atterberg des argiles grenobloises. Rapport de Master 1, Université Joseph Fourier, 2005.

Nicoud G. et al. Creusement et remplissage de la vallée de l’Isère au Quaternaire recent. Géologie de la France, No. 4, 39-49, 2002.

Tapan, E. PCA2V : Presse Cyclique Asservie à 2 Vérins et comportement mécanique du sable Hostun S28, Mémoire de Master 2 Recherche, Université Joseph Fourier, 2003.

Tapan, E. Validation de la presse cyclique asservie à deux vérins. Rapport de Master 1, Université Joseph Fourier, 2002.

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Publications Jerram, J., Foray P., Labanieh, S. et Flavigny, E. Characterising the non linearities of

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Annexe 1: Plan d’implantation du sondage carotté de Crolles

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