Calcul débit solide

5
Transports solides / DS janvier 2003 page 1 Philippe Belleudy profil 1 profil 2 seuil sédiments en place surface libre Transports solides dans le lit des cours d’eau Examen du 27 janvier 2003 et correction Règles du jeu : Durée 2 heures. Les questions sont indépendantes. Tous documents autorisés. La note finale du cours "Transports solides" sera élaborée à partir de cette note d'examen (75%) et de la note de TP (25%). 1. La Gigondas en amont … La Gigondas est un torrent de montagne dans le haut bassin. Il a fait l’objet d’un reboisement intensif au début du XXème siècle et a été équipé d’une plage de dépôt. La photo ci contre a été prise 10 km en aval de cet aménagement. Les ingénieurs Andouillette, Boudin, Cervelas et Diot (de Savoie) commentent ce document : - Andouillette : « On retrouve même à cette échelle la morphologie classique d’une rivière : un lit mineur utilisé en étiage, et un lit plus important en cas de crue » - Boudin : « C’est une érosion : les aménagements en amont ont perturbé les apports solides naturels ; le lit s’est donc enfoncé ». - Cervelas : « Le diamètre moyen des sédiments est d m =50 mm ; la pente est de 1%, lors du dernier orage, le débit a été de 7 m 3 /s. Je calcule donc que la profondeur était h=1.3 m et que la contrainte adimensionnelle de frottement teta=0.157. Le seuil de début de transport a donc été dépassé ; il y eu donc de l’érosion ». - Diot-de-Savoie : « Bandes d’intellos ! On voit bien que cette tranchée est artificielle ; elle a été creusée pour éviter le débordement en crue (et le calcul de Cervelas le montre bien) ». Qui a raison ? 2. La Brouilly en amont … 100 kilomètres plus à l’ouest, la rivière Brouilly prend source. Toujours les mêmes problèmes d’érosion torrentielle : une petite plage de dépôt a aussi été aménagée ; en aval de cet ouvrage, le lit a été équipé d’une cascade de seuils (photo 2). Andouillette a fait deux visites du site ; elle a relevé la topographie (profil en long) à chacune de ces visites et elle a résumé à chaque fois les caractéristiques hydrologiques qui ont précédé sa visite. 12 novembre : Après un été sec, il a beaucoup plu cet automne. Le débit du ruisseau est resté soutenu. 5 avril: De très fortes pluies en mars. Les terrains étaient nus et l’érosion a été forte, en particulier au début du mois. 2.1 Diot a hérité de l’analyse, mais Andouillette qui est partie en mission dans la jungle de Bornéo pour plusieurs mois ne pourra lui en dire plus. Il demande conseil à Boudin et Cervelas. Qui a raison ?: - Boudin : « Le profil 2 a été relevé le 5 avril : la plage de dépôt a vite été saturée en mars ; les apports solides générés par les autres pluies se sont donc accumulés plus en aval entre les seuils ». - Cervelas : « Le profil 2 a été relevé le 12 novembre : Les petits débits de cet été ont emporté les sédiments fins ; il y avait donc un pavage en début d’automne qui a protégé le lit de l’érosion ; malgré des débits importants cet automne ». Qui a raison ? 2.2 Diot : « Mais alors, pouvez-vous m’expliquer le profil 1 ? » Expliquez-donc !

Transcript of Calcul débit solide

Page 1: Calcul débit solide

Transports solides / DS janvier 2003 page 1 Philippe Belleudy

profil 1

profil 2

seuil

sédiments en place

surface libre

Transports solides dans le lit des cours d’eau Examen du 27 janvier 2003 et correction

Règles du jeu : Durée 2 heures. Les questions sont indépendantes. Tous documents autorisés. La note finale du cours "Transports solides" sera élaborée à partir de cette note d'examen (75%) et de la note de TP (25%).

1. La Gigondas en amont … La Gigondas est un torrent de montagne dans le haut bassin. Il a fait l’objet d’un reboisement intensif au début du XXème siècle et a été équipé d’une plage de dépôt. La photo ci contre a été prise 10 km en aval de cet aménagement.

Les ingénieurs Andouillette, Boudin, Cervelas et Diot (de Savoie) commentent ce document :

- Andouillette : « On retrouve même à cette échelle la morphologie classique d’une rivière : un lit mineur utilisé en étiage, et un lit plus important en cas de crue »

- Boudin : « C’est une érosion : les aménagements en amont ont perturbé les apports solides naturels ; le lit s’est donc enfoncé ».

- Cervelas : « Le diamètre moyen des sédiments est dm=50 mm ; la pente est de 1%, lors du dernier orage, le débit a été de 7 m3/s. Je calcule donc que la profondeur était h=1.3 m et que la contrainte adimensionnelle de frottement teta=0.157. Le seuil de début de transport a donc été dépassé ; il y eu donc de l’érosion ».

- Diot-de-Savoie : « Bandes d’intellos ! On voit bien que cette tranchée est artificielle ; elle a été creusée pour éviter le débordement en crue (et le calcul de Cervelas le montre bien) ».

Qui a raison ?

2. La Brouilly en amont … 100 kilomètres plus à l’ouest, la rivière Brouilly prend source. Toujours les mêmes problèmes d’érosion torrentielle : une petite plage de dépôt a aussi été aménagée ; en aval de cet ouvrage, le lit a été équipé d’une cascade de seuils (photo 2). Andouillette a fait deux visites du site ; elle a relevé la topographie (profil en long) à chacune de ces visites et elle a résumé à chaque fois les caractéristiques hydrologiques qui ont précédé sa visite.

12 novembre : Après un été sec, il a beaucoup plu cet automne. Le débit du ruisseau est resté soutenu.

5 avril: De très fortes pluies en mars. Les terrains étaient nus et l’érosion a été forte, en particulier au début du mois.

2.1 Diot a hérité de l’analyse, mais Andouillette qui est partie en mission dans la jungle de Bornéo pour plusieurs mois ne pourra lui en dire plus. Il demande conseil à Boudin et Cervelas. Qui a raison ?:

- Boudin : « Le profil 2 a été relevé le 5 avril : la plage de dépôt a vite été saturée en mars ; les apports solides générés par les autres pluies se sont donc accumulés plus

en aval entre les seuils ». - Cervelas : « Le profil 2 a été relevé le 12 novembre : Les petits débits de cet

été ont emporté les sédiments fins ; il y avait donc un pavage en début d’automne qui a protégé le lit de l’érosion ; malgré des débits

importants cet automne ». Qui a raison ?

2.2 Diot : « Mais alors, pouvez-vous m’expliquer le profil 1 ? »

Expliquez-donc !

Page 2: Calcul débit solide

Transports solides / DS janvier 2003 page 2 Philippe Belleudy

3. La Gigondas un peu plus en aval … C’est maintenant une rivière à lit unique, mais qui comporte un lit d’étiage et des bancs alternés (photo 2). Nos amis cherchent à comprendre son fonctionnement et à évaluer la capacité de transport solide. Il ont l’idée de l’expérience suivante : « Nous allons prélever des galets sur un banc (on veillera à prendre des galets sensiblement de même taille, représentatifs de la granulométrie moyenne du banc). Nous allons peindre ces galets en rouge et les marquer avec une pastille magnétique ; puis nous allons replacer ces galets en ligne droite, dans une section en travers située dans une section rectiligne de la rivière ». En supposant que l’année qui va s’écouler aura une hydrologie « moyenne » (avec par exemple une crue qui réalise le « plein-bord » ) où pensez-vous que l’on retrouvera les galets marqués l’année suivante à la même date ? (on est optimiste et on suppose que le marquage magnétique permet de tous les retrouver).

- Andouillette : « On aura du mal ! Nos galets marqués seront dispersés à l’aval, à des distances allant de 10 km à 130 km . Beaucoup seront enterrés, parfois jusqu’à 1 m de profondeur ».

- Boudin : « Une bonne partie va se déposer à l’aval du banc qui se trouve après le prochain coude de la rivière (schéma) ».

- Cervelas : « Les galets du centre vont plus loin, ceux du bord subissent des contraintes insuffisantes pour le transport. Nous aurons donc une distribution qui ressemble à ça : (schéma)».

- Diot « C’est comme en Savoie ! Beaucoup de galets sur les bancs les plus proches ; mais dis-moi Boudin, pourquoi en aval des bancs précisément ? ».

Qui a raison ?

4. Confluence de la Gigondas et de la Brouilly … Quand elle rejoint la Gigondas, la rivière Brouilly transporte majoritairement du sable (dm=2 mm). Le flux annuel a été évalué dans une étude antérieure à 270 106 kg/an.

Nos amis cherchent de leur côté à évaluer le flux solide dans la Gigondas à l’amont de la confluence.

La granulométrie du lit est sensiblement uniforme (dm=30 mm). La pente longitudinale de la rivière est S0=0.001.On a évalué le coefficient de rugosité Strickler kstr=35. La section est sensiblement rectangulaire. On se place suffisamment loin de la confluence pour avoir des conditions d’écoulement uniforme.

4.1 Nos amis proposent d’utiliser une formule de transport :

Andouillette : « C’est Meyer-Peter et Müller la plus pratique ! On l’emploie souvent et c’est la meilleure ! »

Boudin : « Pour la Brouilly, ils ont utilisé la formule d’Engelund. Ce sont les spécialistes, et le sérieux de leur étude n’a jamais été mise en doute. Je propose d’utiliser aussi la formule d’Engelund ».

Cervelas : « Pour cette granulométrie, j’utilise la formule de Lefort ; elle a l‘avantage de ne pas utiliser la géométrie qui est trop schématique ici ».

Diot : « De toutes manières elles donnent toutes le même résultat ! Prenons donc la plus simple «

Qui a raison ? (si aucune des réponses de vous paraît satisfaisante, proposez autre chose !)

4.2 Malgré votre avis (ou : En suivant vos conseils…), on décide d’utiliser la formule de Meyer-Peter et Müller.

où : ρs=masse volumique des matériaux ; ρW=masse volumique de l’eau ; b=65m=largeur de la section ; g = accélération de la gravité ; dm=diamètre moyen des matériaux=30mm, µ=0.8 ; h=hauteur d’eau ; Sf=pente de la

ligne d’énergie ; θc=contrainte critique de début de transport=0.047.

On a fait part ailleurs l’analyse des débits classés pour cette rivière :

disposition initialeproposition de Cervelas

proposition de Boudin

mW

WS

f

d

hS

ρρ−ρ

( ) 23

c3

mW

WSSS dg*b*8*G θ−µθ

ρρ−ρ

ρ=

Page 3: Calcul débit solide

Transports solides / DS janvier 2003 page 3 Philippe Belleudy

Fréquence de

non-dépassement

nombre de jours de

dépassement

durée (jours)

débit total(m3s-1)

0.9986 0.5 0.5 18000.9945 2 1.5 12000.9890 4 2 9000.9726 10 6 5000.9178 30 20 3200.8356 60 30 2420.6712 120 60 1990.0000 365 245 98

Calculez la masse de sédiments qui transite annuellement dans la Gigondas dans cette section ?

5. Aménagement de la prise d’eau du canal de Reblochon On envisage la construction d’un canal d’irrigation à Reblochon, situé 23 km en aval de la confluence. Ce canal est alimenté par un pompage aménagé sur la rive droite de la Gigondas (voir croquis pour le principe). Nos amis discutent du meilleur emplacement pour cet ouvrage de prise.

Andouillette : « En A, en sortie de courbe ! »

Boudin : « En B, parce que c’est là que les écoulements sont le moins perturbés ».

Cervelas : « Je suis d’accord avec toi, il faut une section qui n’est pas perturbée, mais attention ! on doit construire un épi pour abriter la prise du courant et des sédiments. Comme sur le plan, en C ».

Diot : « En D ! »

Qui a raison ? et pourquoi les autres ont tort ?

A la lecture des copies de l’examen précédent, on nous prie d’insérer que tort (nom) de tortus (tordu) s’écrit avec un « t » et qu’il ne faut pas confondre avec tord, tordu (adjectif) de torquere (tordre) qui s’écrit avec un « d ».

A

B C

D

canal

10

100

1 000

10 000

0 100 200 300 400

nombre de jours de dépassement en année moyenne

débit (m3/s)

Page 4: Calcul débit solide

Transports solides / DS janvier 2003 page 4 Philippe Belleudy

1. La Gigondas en amont … - Andouillette a tort : C’est vrai que l’on retrouve les mêmes phénomènes et les mêmes caractéristiques à différentes

échelles. Mais ce n’est visiblement pas le cas ici - Boudin a raison. La plage de dépôt en amont retient les apports solide. Elle est probablement curée régulièrement

comme la plupart des plages de dépôt. En aval la rivière est en déficit sédimentaire. Sur la photo : ruisseau de Donnières, balcon est du Vercors (doc. Ph. Lefort).

- Cervelas a raison quand il dit qu’il y eu du transport solide à la dernière crue. Mais il a tort sur la question posée : il existence du transport n’implique pas nécessairement l’érosion.

- Diot-de-Savoie a tort sur la réponse à la question. Par ailleurs, la correction de lit évoquée par Diot est généralement une action néfaste.

2. La Brouilly en amont …

2.1 C’est Boudin qui a raison. « La rivière adapte sa pente pour mettre en accord la capacité de transport avec les flux solides arrivant de l’amont ». Il y a eu beaucoup d’apports solides en mars, plus que ce ne pouvait en transporter le torrent au delà de la zone d’érosion. La plage de dépôt a vite été saturée (et elle n’a pas eu le temps d’être nettoyée). Ces sédiments en excès se sont accumulés ensuite entre les seuils (où le torrent a construit une pente plus forte pour essayer de les évacuer).

Cervelas a tort. Le pavage limite l’érosion mais ne la supprime pas complètement (ne serait ce que parce qu’il a besoin d’évacuer le volume de sédiments fins pour se constituer).

- Boudin : « Le profil 2 a été relevé le 5 avril : la plage de dépôt a vite été saturée en mars ; les apports solides générés par les autres pluies se sont donc accumulés plus en aval entre les seuils ».

- Cervelas : « Le profil 2 a été relevé le 12 novembre : Les petits débits de cet été ont emporté les sédiments fins ; il y avait donc un pavage en début d’automne qui a protégé le lit de l’érosion ; malgré des débits importants cet automne ».

2.2 On confirme Boudin. Le profil 1 a été relevé en novembre : beaucoup d’eau auparavant (et pas forcément beaucoup de sédiments). Le torrent a donc rétabli un profil d’équilibre avec une pente pus faible en emportant le stock constitué en mars.

3. La Gigondas un peu plus en aval … Andouillette a tort : les distances parcourues en une année (quelques crues…) par ce type de matériau (galet) sont ben inférieures ; de l’ordre de quelques centaines de mètres tout au plus.

Boudin a tort à mon avis (mais l’erreur est permise !).

Cervelas a tort. Difficile a concevoir avec des matériaux caractéristiques des bancs et après une année nomale.

Diot a raison.

4. Confluence de la Gigondas et de la Brouilly …

4.1 Andouillette a tort : ce n’est pas « parce que c’est la plus pratique et qu’on l’emploie souvent » qu’il faut l’utiliser ici, mais parce qu’elle est bien adaptée à cette granulométrie et au type de transport par charriage que l’on va rencontrer ici.

Boudin a tort : La rivière Brouilly transporte du sable (et sa pente n’est pas forcément la même que celle de la Gigondas). La formule d’Engelund est donc bien adaptée à la Brouilly mais pas à la Gigondas.

La section est peut-être schématique, mais on nous dit que cette approximation est valable… En principe la formule SOGREAH-Lefort a été établie pour des lits de rivière en tresse. Donc pas vraiment plus justifié ici que Meyer-Peter et Müller.

Diot dit des âneries : les formules ne donnent pas le même résultat au début du transport et pour les conditions « morphogènes ».

Les réponses Andouillette et Cervelas sont bonnes, mais à la condition d’être sévèrement commentées.

4.2

Page 5: Calcul débit solide

Transports solides / DS janvier 2003 page 5 Philippe Belleudy

On peut calculer au préalable de débit de début de transport : Qc=426 m3/s seulement quatre calculs du débit solide MPM.

Le flux total est évalué en sommant les apports respectifs de chaque tranche de débit. On calcule les contraintes de transport en utilisant l’hypothèse de régime uniforme.

Fréquence de non-

dépassement

nombre de jours de

dépassement durée (jours) débit liquide

(m3s-1) h (m) teta µ*tetadébit solide

net GV(m3s-1) Gs (kg/s) Masse transportée

(kg)

0.9986 0.5 0.5 1800 6.90 0.1394 0.1115 0.178 472.417 20408423 0.9945 2 1.5 1200 5.41 0.1093 0.0875 0.088 234.440 30383367 0.9890 4 2 900 4.55 0.0920 0.0736 0.047 124.934 21588519 0.9726 10 6 500 3.20 0.0647 0.0517 0.004 9.348 4846240 0.9178 30 20 320 2.45 0.0495 0.0396 - - 0 0.8356 60 30 242 2.07 0.0418 0.0335 - - 0 0.6712 120 60 199 1.84 0.0372 0.0298 - - 0 0.0000 365 245 98 1.20 0.0243 0.0195 - - 0

total: 77.2 106kg

5. Aménagement de la prise d’eau du canal de Reblochon Andouillette a tort ! c’est le pire endroit parce que c’est la zone préférentielle des dépôts solides. La prise sera ensablée ou engravée en permanence.

Boudin n’a pas vraiment raison ; mais avec la légère courbure sur le schéma, la réponse est possible (à condition de ne pas démonter la réponse de Diot, parce que c’est pour les mêmes raisons).

Cervelas a tort : Il perturbe justement les écoulements, et d’une manière défavorable parce que l’épi crée une zone de dépôt préférentielle en C.

Diot a raison : Le point D, dans l’intrados de la courbe (ici vers la gauche), ne risque pas de s’ensabler ou de s’engraver.