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jnd-Duché de Luxembourg ünistère d'État Bulletin de documentation SOMMAIRE La Journée de Commémoration Nationale à Luxem- bourg 1 L'ouverture de la session parlementaire 1982-1983 2 La politique étrangère du Gouvernement luxem- bourgeois 6 Visite du Président du Gouvernement, Monsieur Pierre Werner, à Londres 18 Perspectives et limites du commerce extérieur lu- xembourgeois Discours de Madame Colette Flesch, Vice-Président du Gouvernement, Ministre des Affaires étrangères et du Commerce extérieur, devant la Fédération des Jeunes Dirigeants d'Entreprises de Luxembourg, le 18 octobre 1982 21 Les relations entre les Etats-Unis et l'Europe face à la crise économique Discours de Madame Colette Flesch, Vice-Président du Gouvernement, Ministre des Affaires étrangères, à l'American and Common Market Club à Bruxel- les, le 20 octobre 1982 24 The European and U.S. relationship Speech by Mrs. Colette Flesch, Minister of Foreign Affairs and Economy of Luxembourg, in Pittsburgh at the World Affairs Council 27 Hommage à Monsieur Joseph Bech au Collège de l'Europe à Bruges 30 Inauguration du triage central des CFL à Bettem- bourg-Dudelange 35 28 Octobre Service Information et Presse Luxembourg - 10, boulevard Roosevelt

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jnd-Duché de Luxembourgünistère d'État

Bulletindedocumentation

SOMMAIRE

La Journée de Commémoration Nationale à Luxem-bourg 1

L'ouverture de la session parlementaire 1982-1983 2

La politique étrangère du Gouvernement luxem-bourgeois 6

Visite du Président du Gouvernement, MonsieurPierre Werner, à Londres 18

Perspectives et limites du commerce extérieur lu-xembourgeoisDiscours de Madame Colette Flesch, Vice-Présidentdu Gouvernement, Ministre des Affaires étrangèreset du Commerce extérieur, devant la Fédération desJeunes Dirigeants d'Entreprises de Luxembourg, le18 octobre 1982 21

Les relations entre les Etats-Unis et l'Europe face àla crise économiqueDiscours de Madame Colette Flesch, Vice-Présidentdu Gouvernement, Ministre des Affaires étrangères,à l'American and Common Market Club à Bruxel-les, le 20 octobre 1982 24

The European and U.S. relationshipSpeech by Mrs. Colette Flesch, Minister of ForeignAffairs and Economy of Luxembourg, in Pittsburghat the World Affairs Council 27

Hommage à Monsieur Joseph Bech au Collège del'Europe à Bruges 30

Inauguration du triage central des CFL à Bettem-bourg-Dudelange 35

28 Octobre

Service Information et PresseLuxembourg - 10, boulevard Roosevelt

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La Journée de Commémoration Nationale à Luxembourg

Le 10 octobre 1982 a été célébrée à Luxembourgla Journée de Commémoration Nationale. A cetteoccasion le Gouvernement a publié une proclama-tion dont nous reproduisons ci-après le texte enlangue française et en langue luxembourgeoise:

Proclamation du Gouvernement

La Journée de Commémoration Nationale unitchaque année les Luxembourgeois dans la mémoirerespectueuse des victimes dont le combat pour l'in-dépendance et la liberté de la patrie reste un pharepour toutes les générations.

Quarante ans après la grève héroïque, nous devonsrendre un hommage particulier à tous ceux qui ontpayé de leur vie leur engagement fervent pour lesdroits et les libertés de notre peuple. Leurs immensessacrifices sont inscrits dans nos mémoires car, sym-boles d'une nation unie et solidaire face à des épreu-ves tragiques, ils restent pour notre Communauténationale un appel constant au courage et à la solida-rité.

Le Gouvernement invite les Luxembourgeois,dans la pleine concorde des esprits, à honorer la mé-moire de tous les résistants et sacrifiés dont le dé-vouement à la cause nationale était porté par la foiindélébile en la victoire de la justice et des valeursdémocratiques.Luxembourg, le 8 octobre 1982

Les Membres du Gouvernement,Pierre WernerColette FleschEmile KriepsCamille NeyJosy BarthelJacques SanterRené KonenFernand BodenJean SpautzErnest MühlenPaul Helminger

Proklamatioun vun der Regirung

Ail Jor, um Dag vun der «Commémoration Natio-nale», kommen d'Lëtzebuerger zesummen fir vollerRespekt un déi Leit ze denken, denen hiren Asaz fird'Onofhängegkeet an d'Fräiheet vun der Hemechtfir all Generatiounen en Zeeche bleift, dat hinen deWee weist.

Véierzeg Jor no dar kuragéierter Grève musse merdéi ganz besonnesch éieren, déi hiirt Aston fird'Rechter an d'Fräiheete vun eisern Vollek mat demLiewe bezuelt hun. Mir wellen hir grouss Affer nivergiessen, well si sin d'Symboler vun enger Natioun,déi eneg a solidaresch as, wann et gëllt, eng eeschtProuf ze beston; si bleiwe fir eist ganzt Land e be-stännegen Appel, Courage a Solidariteit ze weisen.

D'Regirung fuerdert all Lëtzebuerger op, am Ge-escht zesummenzeston an un all déi Resistenzler zedenken, déi sech fir d'Land geaffert hun, well se ganzfest dru gegleeft hun, datt d'Gerechtegkeet an di de-mokratesch Wäerter d'Iwwerhand musse behalen.Lëtzebuerg, den 8. Oktober 1982

D'Membre vun der Regirung,

Pierre WernerColette FleschEmile KriepsCamille NeyJosy BarthelJacques SanterRené KonenFernand BodenJean SpautzErnest MühlenPaul Helminger

Les cérémonies de la Journée de CommémorationNationale débutèrent à Luxembourg par un servicereligieux célébré par le vicaire général MathiasSchütz en la cathédrale de Luxembourg, en présencede Leurs Altesses Royales le Grand-Duc et laGrande-Duchesse ainsi que de nombreuses person-nalités, notamment les représentants du Corps diplo-matique, de la Chambre des Députés, le Président etplusieurs membres du Gouvernement, les représen-tants du Conseil d'Etat, de la Cour Supérieure deJustice, du Conseil Communal de la Ville de Luxem-bourg, les membres du Conseil National de la Résis-tance, les représentants de l'Armée, de la Gendar-merie et de la Police, et de fortes délégations d'asso-ciations patriotiques et d'anciens combattants, demaquisards, de la résistance et des enrôlés de force.

L'encadrement musical était assuré par la maîtrisede la cathédrale, sous la direction de l'Abbé RenéPonchelet, avec aux orgues Maître Albert Leblanc.

A l'issue du service religieux une cérémonie s'estdéroulée devant le Monument de la Solidarité Lu-

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xembourgeoise en présence de Leurs Altesses Roy-ales le Grand-Duc et la Grande-Duchesse ainsi quedes membres du Corps diplomatique, des Corpsconstitués, du Comité de la Flamme, du Conseil Na-tional de la Résistance, des délégations et porte-dra-peaux des associations des Anciens Combattants, desgroupements de la Résistance, des associations pa-triotiques et des mouvements de jeunesse.

Le Grand-Duc, accompagné de Monsieur PierreWerner, Président du Gouvernement, passa en revuela garde d'honneur. Ensuite le Grand-Duc et laGrande-Duchesse déposèrent une couronne defleurs au pied du monument, après que le Grand-Duc eut ranimé la flamme du souvenir, Leurs Altes-ses Royales, accompagnées du Président du Gouver-nement, pénétrèrent à l'intérieur du monument poury signer le Livre d'Or.

Une deuxième cérémonie s'est déroulée devant leMonument du Souvenir, à la Place de la Constitu-tion, où des couronnes de fleurs furent déposées parMonsieur Emile Krieps, Ministre de la Force Pu-blique, et Madame Lydie Polfer, bourgmestre de laVille de Luxembourg.

La Journée de Commémoration Nationale s'estterminée à Luxembourg par une cérémonie devant laCroix de Hinzert au cimetière Notre-Dame. Après labénédiction de la tombe des victimes du camp deconcentration de Hinzert par le Chanoine MathiasSchütz, Vicaire Général, des fleurs y furent déposéespar Monsieur Pierre Werner, Président du Gouver-nement, Madame Lydie Polfer, Bourgmestre de laVille de Luxembourg, et par les représentants duConseil National de la Résistance, des Mouvementsde la Résistance et des Associations patriotiques.

L'ouverture de la session parlementaire 1982-1983

La traditionnelle séance d'ouverture de la sessionparlementaire 1982/83 a eu lieu le 12 octobre 1982conformément à l'article 72 de la Constitution et àl'article Ier du règlement de la Chambre des Députés.La séance débuta sous la présidence du doyen d'âge,Monsieur Jean-Pierre Urwald, avec comme secré-taires les plus jeunes députés, Madame Lydie Wurth-Polfer et Monsieur Charles Goerens.

En vertu des pouvoirs qui lui furent conférés parSon Altesse Royale le Grand-Duc, Monsieur PierreWerner, Président du Gouvernement, Ministred'Etat, déclara close la session ordinaire qui avait étéouverte le 13 octobre 1981. Il déclara ensuite ou-verte la session ordinaire 1982/83.

Après le discours du doyen d'âge, la Chambre pro-céda à l'élection de son nouveau bureau, dont voici lacomposition: Monsieur Léon Bollendorff, Président;Monsieur Joseph Eyschen, Monsieur René Hengel etMonsieur Nicolas Mosar, Vice-Présidents; MonsieurCamille Hellinckx, Monsieur Roger Krier, MonsieurVictor Braun et Madame Viviane Reding, Membres;Monsieur Guillaume Wagener, Greffier et MonsieurPierre Dillenburg, Greffier adjoint.

Dans son discours inaugural, le Président élu,Monsieur Léon Bollendorff a consacré une bonneplace aux problèmes des pays pauvres, à la faim dansle monde et aux personnes âgées. Il a rappelé enoutre qu'il poursuivra ses efforts en vue de revalori-ser le travail parlementaire. Voici un extrait du dis-cours du Président de la Chambre:

II y a un autre problème humanitaire qui me tient àcœur, celui du troisième âge, qui est, lui aussi, d'unebrûlante actualité, surtout pour le Luxembourg quiest un des pays les plus concernés par ce problème enraison de sa situation démographique inversée.L'évolution de cette situation devient de plus en plus

alarmante, étant donné que le nombre de personnesâgées augmente sans cesse, grâce à des conditions devie plus hygiéniques et plus aisées et particulièrementgrâce aux progrès de la médecine moderne, alors quela natalité est en régression permanente pour des rai-sons aussi variées que nombreuses, de sorte que ladisparité entre la population âgée et la population ac-tive s'amplifie d'année en année. Les données statis-tiques à ce sujet sont très éloquentes.

L'Organisation des Nations Unies a consacré uneconférence aux problèmes des personnes âgées aumois de juillet dernier à Vienne. C'est la preuve quele problème de la veillesse se pose au niveau mondialquoique différemment de pays en pays.

Les pouvoirs publics ont le devoir de prendre tou-tes les mesures nécessaires pour garantir à cette caté-gorie sociale une existence dans la sécurité et ladignité.

Il est évident que, pour atteindre cet objectif, lasituation matérielle des personnes âgées doit suffire àleurs besoins essentiels. C'est une condition primor-diale. La majeure partie de nos concitoyens âgés bé-néficient de rentes et pensions desservies par les di-vers régimes de la sécurité sociale, mais trop souventencore ces émoluments frôlent le minimum vital. Ilnous invite, nous responsables politiques, à parer àcette carence au plus vite.

Cependant, je constate avec satisfaction que notrepays est doté d'une remarquable infrastructure d'hé-bergement pour la population âgée valide et invalide.Selon le relevé sur les institutions et services enfaveur des personnes âgées au Grand-Duché deLuxembourg, publié en septembre 1981 par leMinistère de la Famille, du Logement social et de laSolidarité sociale, nous comptons actuellement cin-quante-cinq établissements réservés aux gens âgés.Ces établissements, studios et appartements, maisons

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de retraite, maisons de soins et maisons de convales-cence, appartiennent soit à des institutions privées,soit à des communes et à l'Etat. Les personnes âgéesont en outre la possibilité de recourir à un certainnombre de services appropriés pour les aider maté-riellement et moralement en cas de besoin. Je cite leService de Gérontologie du Ministère de la Famille,le Fonds national de Solidarité, les Aides-Seniors,l'AMIPERAS, les Centres médico-sociaux et dispen-saires, les Repas sur roues, le Téléphone-seniors et leTransport-seniors, services qui permettent aux per-sonnes âgées de rester dans leur cadre de vie accou-tumé jusqu'à l'extrême limite.

Bien que nous ne soyons déjà pas mal nantis poursecourir nos compatriotes âgés et pour leur rendre lavie agréable, de nombreuses demandes d'admissionaux maisons de retraite restent insatisfaites et les ser-vices offerts à ceux qui désirent rester chez eux nesont pas encore assez développés. Il faudra donc àl'avenir persévérer dans nos efforts sur ce plan afinque nulle personne âgée ne doive éprouver le senti-ment d'être délaissée.

J'ai déjà évoqué tout à l'heure la sévère crise éco-nomique qui affecte aussi notre pays. Je n'ai pas l'in-tention d'empiéter ici sur nos prochains débats, oùnous aurons tous l'occasion de procéder à un examenminutieux des problèmes qui nous préoccupent et deproposer des thérapeutiques. Je me contenterai ici designaler quelques-uns de nos principaux problèmeséconomiques actuels:

La croissance du PIB se situe près de zéro; le chô-mage et plus particulièrement le chômage des jeuness'accentue davantage; la hausse moyenne des prixatteindra en 1982 environ 10%, d'où augmentationdu taux d'inflation; la facture pétrolière est en aug-mentation constante; le coût des produits de l'indus-trie pétro-chimique a considérablement augmenté,de même que celui des transports, de l'essence, duchauffage, en raison de la hausse spectaculaire desprix pétroliers; la situation budgétaire de l'Etat s'estdétériorée à tel point que le budget accuse un déficitd'un peu plus de 1% du PIB; la balance commercialeest déficitaire (ce déficit a été de 22 milliards en1982); les faillites se multiplient et de nombreusesentreprises se trouvent en difficulté; la situation de lasidérurgie n'est guère prometteuse; le secteur ban-caire est, lui aussi, menacé en raison des difficultésfinancières de nombreux pays lourdement débiteurset de maintes grandes entreprises des pays dévelop-pés.

S'il appartient aux experts d'analyser ces problè-mes et leurs causes, les hommes politiques sont appe-lés à faire leur choix parmi les solutions proposées età prendre des décisions. Il faudra un courage certainà ces derniers, car il serait absolument insoutenablede se laisser guider en cette matière par des motifs depolitique de parti ou de corporatisme, car seulementdes décisions honnêtes et courageuses pourront nouspréserver de la catastrophe.

Nous voici parvenus, non seulement au début de lasession 1982/83, mais aussi à la fin de la session1981/82. Vous penserez certainement avec moi, mes

chers collègues, que c'est l'instant de jeter un regardsur le chemin parcouru et de nous poser quelquesquestions sur l'avenir.

Si la session écoulée fut particulièrement lourde,elle fut aussi singulièrement riche de travail accom-pli. Nous avons tenu 73 séances publiques, 2 séancesnon publiques, 360 réunions de commissions, voté 77projets de loi, évacué 14 projets de règlementsgrand-ducaux, discuté 9 interpellations, traité 197questions au Gouvernement et 209 demandes de na-turalisation.

Outre le budget qui nous occupe chaque année deseptembre à décembre, nous avons évacué entre au-tres des projets de loi et de règlements grand-ducauxconcernant: l'office du ducroire; l'égalité de traite-ment entre hommes et femmes quant à l'accès à l'em-ploi, à la formation et à la promotion profession-nelles; les réquisitions civiles et militaires en cas deconflit ou de crise internationales ou de catastrophegrave; l'indemnisation de la victime en cas de déten-tion préventive inopérante; l'accord culturel avec laRépublique Fédérale d'Allemagne; le Fonds culturelnational; les licenciements collectifs; l'accession del'Espagne au Traité de l'Atlantique Nord; des me-sures de reconversion économique et sociale dansl'agriculture, le commerce et l'artisanat; les presta-tions familiales; les règles juridiques appliquables enmatière de succession; des mesures spéciales en vued'assurer le maintien de l'emploi et la compétitivitégénérale de l'économie; le périmètre viticole; le bailà ferme; les relations entre l'Etat et l'enseignementpostprimaire privé; le 3 e programme quinquennald'équipement sportif; l'occupation d'étudiants; ledroit de la filiation et des incapables majeurs; lacoopération au développement; les banques et éta-blissements de crédit; la protection de la nature etdes ressources naturelles; la protection de la vie pri-vée; l'approvisionnement du pays en produits pétro-liers en cas de nécessité; le statut de l'Eglise protes-tante réformée; le fonds pour le logement à coût mo-déré; la concurrence déloyale.

Quant à la présente session, j'espère que nouspourrons nous occuper de façon décisive, outre lebudget pour l'année 1983, de problèmes en rapportavec: l'Institut monétaire luxembourgeois et l'asso-ciation monétaire avec la Belgique; la Caissed'Epargne; le régime de prêts aux jeunes ménages etl'aide au logement; les organismes de placement col-lectif; la loi électorale; la conservation et la protec-tion des sites et monuments nationaux; l'exercice dela profession de médecin; l'assurance pension en casde vieillesse, d'invalidité et de survie, plus communé-ment appelée « Rentenreform » et de bien d'autres.

Pour conclure, le Président Bollendorff a traitéplus spécialement des mesures à envisager et à met-tre en œuvre pour accroître l'efficacité des travauxdes commissions parlementaires, de la procédure desquestions au Gouvernement, de l'urgence et del'opportunité à construire un nouveau bâtiment pourla Chambre, ainsi que de la révision et de l'adapta-

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tion de notre loi fondamentale, tenant compte del'évolution des institutions et de la société en général.

En fin de séance, la Chambre des Députés a procé-dé à la désignation des membres des différentes com-missions permanentes et des autres organes prévuspar le règlement de la Chambre des Députés.

Composition de la Chambre des Députés

1. Berchem Albert, PD2. Berg Benny, POSL3. Birtz Nicolas, POSL4. Bisdorff Aloyse, PC5. Bollendorff Léon, PCS6. Brasseur Anne, PD7. Braun Victor, PD8. Brebsom Jos, POSL9. Burger René, PCS

10. Colling François, PCS11. Cravatte Henry, n. i.12. Dichter Jean-Pierre, PCS13. Dondelinger Willy, POSL14. Eyschen Joseph, PD15. Fischbach Marc, PCS16. Frieden Pierre, PCS17. Gerson Emile, PCS18. Gitzinger Robert, PD19. Glesener Jean-Pierre, PCS20. Goedert Jean, PCS21. Goerens Charles, PD22. Gremling Jean, PSI23. Hamilius Jean, PD24. Hellinckx Camille, PD25. Hengel René, POSL26. Hennicot-Schoepges Erna, PCS27. Hübsch René, PD28. Juncker Edouard, PCS29. Koch Henri, PCS30. Krieps Robert, POSL31. Krier Roger, POSL32. Lenert Roger, PCS33. Lentz Marcelle, PCS34. Lucius Joseph, PCS35. Lulling Astrid, PSD36. Majerus Nie, PCS37. Margue Georges, PCS38. Mart René, PD39. Meintz Carlo, PD40. Mosar Nicolas, PCS41. Nanquette Henri, PCS42. Pescatore Claude, PD43. Polfer Lydie, PD44. Poos Jacques-F., POSL45. Prussen Robert, PD46. Rau Fernand, PCS47. Reding Viviane, PCS48. Regenwetter Jean, POSL49. Rippinger Jean-Paul, PD50. Schlechter Marcel, POSL51. Steichen René, PCS52. Thoss Maurice, POSL53. Urbany René, PC

54. Urwald Jean-Pierre, PCS55. Van den Bulcke René, POSL56. Wagener Pol, PCS57. Weiler Camille, POSL58. Weirich Jos, EdF59. Wohlfart Joseph, POSL

Clés: PCS = Parti chrétien socialPOSL = Parti ouvrier socialiste luxembourgeoisPD = Parti démocratiquePC = Parti communistePSD = Parti social-démocratePSI = Parti socialiste indépendantEdF = Enrôlés de Force

Composition des commissions parlementaires

Commission de TravailLéon Bollendorff, PrésidentNicolas Mosar, Carlo Meintz, Benny Berg

Commission des PétitionsPierre Frieden, PrésidentRobert Gitzinger, Vice-PrésidentRené Burger, Emile Gerson, Jean-Pierre Urwald;Camille Hellinckx, Jean-Paul Rippinger; René Hen-gel, Roger Krier, Camille Weiler; Joseph Weirich

Commission des ComptesPol Wagener, PrésidentJean Hamilius, Vice-PrésidentJean-Pierre Glesener, Fernand Rau, René Steichen;Anne Brasseur, René Hübsch; Nie Birtz, Jean Re-genwetter, René Van den Bulcke; Joseph Weirich

Commission des Affaires étrangèresCarlo Meintz, PrésidentGeorges Margue, Vice-PrésidentMarc Fischbach, Henri Koch, Joseph Lucius; LydiePolfer, Robert Prussen; Willy Dondelinger, Jacques-F. Poos, René Van den Bulcke, Astrid Lulling

Commission de la Force publiqueRené Mart, PrésidentEdouard Juncker, Vice-PrésidentPierre Frieden, Jean-Pierre Glesener, René Stei-chen; Charles Goerens, René Hübsch; René Hengel,Marcel Schlechter, Maurice Thoss; Henry Cravatte

Commission des Affaires socialesViviane Reding, PrésidentClaude Pescatore, Vice-PrésidentFrançois Colling, Marc Fischbach, Emile Gerson;Anne Brasseur, Victor Braun; Benny Berg, RenéHengel, Jean Regenwetter; Astrid Lulling

Commission des Finances et du BudgetNicolas Mosar, PrésidentCarlo Meintz, Vice-PrésidentFrançois Colling, Fernand Rau, Pol Wagener; Char-les Goerens, Claude Pescatore; Benny Berg, Jac-ques-F. Poos, Maurice Thoss; Aloyse Bisdorff

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Commission de iEconomie, des Classes moyennes etdu TourismeRené Mart, PrésidentFernand Rau, Vice-PrésidentFrançois Colling (remplaçant: Roger Lenert - ques-tions Tourisme), Emile Gerson, Jean-Pierre Urwald;Charles Goerens (remplaçant: Robert Gitzinger —questions Tourisme), Claude Pescatore; Willy Don-delinger, Jacques-F. Poos, Maurice Thoss; JosephWeirich

Commission agricoleRené Steichen, PrésidentCharles Goerens, .Vice-PrésidentRoger Lenert, Henri Nanquette, Pol Wagener; Vic-tor Braun, Robert Gitzinger; Joseph Brebsom, Mar-cel Schlechter, Camille Weiler; Astrid Lulling

Commission de l'Education nationale et des AffairesculturellesErna Hennicot-Schoepges, PrésidentRené Hübsch, Vice-PrésidentJean-Pierre Dichter, Henri Koch (remplaçant: PolWagener — questions Affaires culturelles), RogerLenert; Anne Brasseur, Carlo Meintz; Nie Birtz, Ro-bert Krieps, Roger Krier; Aloyse Bisdorff

Commission juridiqueCamille Hellinckx, PrésidentGeorges Margue, Vice-PrésidentMarc Fischbach, Pierre Frieden, Nicolas Mosar; Ly-die Polfer, Jean-Paul Rippinger; Robert Krieps,Maurice Thoss, René Van den Bulcke; Jean Grem-ling

Commission de la Fonction publiqueCarlo Meintz, PrésidentPierre Frieden, Vice-PrésidentEdouard Juncker, Roger Lenert, Pol Wagener; Vic-tor Braun, René Hübsch; Willy Dondelinger, MarcelSchlechter, Joseph Wohlfart; Jean Gremling

Commission des Transports, des Communications etde l'EnergieJean Hamilius, PrésidentFrançois Colling, Vice-PrésidentJean-Pierre Dichter, Jean-Pierre Glesener, JosephLucius; Robert Gitzinger, Claude Pescatore; JosephBrebsom, Roger Krier, Marcel Schlechter; AloyseBisdorff

Commission des Travaux publicsClaude Pescatore, PrésidentEdouard Juncker, Vice-PrésidentJean Goedert, Henri Nanquette, Jean-Pierre Ur-wald; Robert Gitzinger, Lydie Polfer; René Hengel,Roger Krier, Joseph Wohlfart; René Urbany

Commission des Affaires communalesGeorges Margue, PrésidentJean-Paul Rippinger, Vice-PrésidentJean-Pierre Dichter, Jean Goedert, Edouard

Juncker; Victor Braun, René Hübsch; Nie Birtz, Jo-seph Brebsom, Joseph Wohlfart; Henry Cravatte

Commission de la Santé et de la FamilleRobert Prussen et René Burger, Co-PrésidentsJean Goedert (remplaçant: Erna Hennicot-Schoep-ges — questions Famille et Logement), MarcelleLentz, Nicolas Majerus (remplaçant: Viviane Reding— questions Famille et Logement); Victor Braun(remplaçant: Anne Brasseur - questions Famille etLogement), Joseph Eyschen; Benny Berg, Nie Birtz,Camille Weiler; Joseph Weirich

Commission de l'Education physique, de la Jeunesseet des LoisirsAnne Brasseur et Viviane Reding, Co-PrésidentsRené Burger, Jean-Pierre Dichter, Pierre Frieden;Charles Goerens, Robert Prussen; René Hengel, Ro-ger Krier, Camille Weiler; Aloyse Bisdorff

Commission de la Révision constitutionnelleGeorges Margue, PrésidentCamille Hellinckx, Vice-PrésidentMarc Fischbach, Nicolas Mosar, René Steichen; Ly-die Polfer, Jean-Paul Rippinger; Benny Berg, RobertKrieps, René Van den Bulcke; René Urbany

Commission pour la Vente de Domaines de l'EtatJean-Pierre Urwald, PrésidentJoseph Eyschen, Vice-PrésidentEmile Gerson, Roger Lenert, Joseph Lucius; JeanHamilius, René Hübsch; Jean Regenwetter, MarcelSchlechter, Camille Weiler; Joseph Weirich

Commission de l'Aménagement du Territoire et del'EnvironnementNicolas Mosar, PrésidentRobert Gitzinger, Vice-PrésidentMarcelle Lentz, Nicolas Majerus, René Steichen;Jean Hamilius, Jean-Paul Rippinger; Willy Donde-linger, Jacques-F. Poos, Joseph Wohlfart; HenryCravatte

Composition des bureaux des groupesparlementaires

Groupe parlementaire du Parti Chrétien Social (PCS)Président: Monsieur Nicolas MosarVice-Présidents: Messieurs François Colling,Edouard Juncker, Fernand RauSecrétaire-Député: Monsieur Marc FischbachResponsable à l'information: Madame Erna Henni-cot-SchoepgesTrésorier: Monsieur Pol WagenerSecrétaire parlementaire: Monsieur Jean-ClaudeJunckerSecrétaires: Mesdames Marie-Louise Giampellegri-ni-Wilwo, Alice Fournelle-Molitor

Groupe parlementaire du Parti Démocratique (PD)Président: Monsieur Carlo MeintzVice-Président: Monsieur René HübschTrésorier: Monsieur Camille Hellinckx

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Secrétaire parlementaire: Monsieur Mill EvenSecrétaire: Madame Marie De Nuccio-Schiltz

Groupe parlementaire du Parti Ouvrier SocialisteLuxembourgeois (POSL)Président: Monsieur Benny Berg

Vice-Présidents: Messieurs Robert Krieps, Jacques-F. PoosTrésorier: Monsieur Jean RegenwetterSecrétaire parlementaire: Monsieur Robert GoebbelsSecrétaire: Madame Sylvie Asselborn-Huber

La politique étrangère du Gouvernement luxembourgeoisExposé budgétaire de Madame Colette Flesch, Ministre des Affaires étrangères,

fait à la Chambre des Députés le 21 octobre 1982

Monsieur le Président,Mesdames, Messieurs les Députés,

Au cours de l'année écoulée, la situation interna-tionale, politique et économique s'est encore consi-dérablement détériorée. Les principaux foyers deconflits et de tensions existants, relations Est-Ouest,Moyen-Orient, se sont aggravés ou étendus, d'autressont venus s'y ajouter — je pense notamment à laguerre des Falklands/Malouines et à l'AmériqueCentrale. Partout où nous tournions le regard, ce nesont que guerres, révolutions, massacres, répressionset actes de terrorisme.

Du côté économique, le tableau n'est pas moinssombre. A l'exception de quelques îlots de prospé-rité, le chômage a pris des proportions inquiétantes;le rythme de l'inflation semble incontrôlable; le sys-tème monétaire international est dans une situationchaotique. Nous vivons actuellement la crise écono-mique la plus dure et la plus longue depuis la deu-xième guerre mondiale.

La solidarité occidentale, qui a été, pendant plusde trente ans, le fondement de la paix et de la prospé-rité de nos pays, subit les contrecoups du marasmeéconomique et financier, et nonobstant les effortssincères de part et d'autre les tensions s'accroissentdangereusement entre les Etats-Unis et l'Europe.

On ne peut s'empêcher de penser aux annéestrente de funeste mémoire. Et, en effet, les voix semultiplient qui mettent en garde que sous l'effet cu-mulatif de tous les facteurs déstabilisateurs, les équi-libres fondamentaux, qui ont dominé notre planètedepuis la deuxième guerre mondiale, puissent êtrebouleversés et notre monde sombrer dans un étatd'anarchie généralisée. Ce danger est réel, mais nousvoulons garder l'espoir que l'usage intelligent desnombreux mécanismes politiques, économiques etfinanciers dont nous disposons aujourd'hui et qui ontatteint un degré de développement et de perfection-nement technique inconnu dans l'histoire de l'huma-nité, nous permettra d'éviter un tel désastre et demaîtriser finalement la situation.

La situation politique internationale

Déjà lors des débats budgétaires de l'année passée,j'avais signalé l'état peu satisfaisant des relations Est-

Ouest. Aux antagonismes existants - occupation mi-litaire de l'Afghanistan et répression contre le peupleafghan, violation toujours plus ouverte et défiantedes Droits de l'Homme par la plupart des pays duPacte de Varsovie —, s'est ajouté depuis lors le pro-blème polonais qui a sérieusement détérioré nos re-lations avec l'Est. Le 13 décembre le régime polonaisa certifié son incapacité à satisfaire les aspirations dupeuple polonais en décrétant la loi martiale et enpromulguant des lois d'exception contre une popula-tion souffrant depuis des années des conséquences dela bureaucratie et de la mauvaise gestion. Aucun ré-gime vraiment démocratique ne peut être indifférentà l'égard du sort de la Pologne et du peuple polonais.Conscient de ses devoirs, le Luxembourg a levé avecinsistance sa voix dans différents forums afin de dé-noncer tout ce qui porte atteinte à la libre expressionde la volonté du peuple polonais. Le principe de lanon-ingérence ne peut pas consister dans le silenceface à l'injustice, il ne peut exiger de personne de sefaire complice de la tragédie polonaise. Par la signa-ture de l'Acte Final de Helsinki ce ne sont pas seule-ment des Etats particuliers qui se sont engagés, c'estla Communauté des Etats européens et de l'Amé-rique du Nord qui a pris des engagements formels àl'égard du respect des Droits de l'Homme.

Depuis l'instauration de la loi martiale, le Conseilmilitaire de salut national a mené une politique derépression massive: des milliers de gens ont été inter-nés et arrêtés, condamnés selon une justice expédi-tive par des tribunaux spéciaux; des campagnes dedénigrement ont été lancées contre les chefs des syn-dicats libres et contre tout homme qui osait n'être pasd'accord avec le régime militaire; des «déclarationsde loyauté» ont été imposées aux fonctionnaires pu-blics sous menace d'être licenciés; l'association desjournalistes polonais a été dissoute par la force. Lepoint culminant de cette politique agressive contreun peuple qui lutte pour la sauvegarde de ses libertésa été la promulgation d'une loi cynique qui a «délé-galisé» le syndicat indépendant «Solidarité» et ceciaprès l'étouffement progressif de toute activité syndi-cale.

L'interdiction de «Solidarité» abolit les acquis desaccords de Gdansk. Le Gouvernement luxembour-

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geois déplore vivement ces mesures qui ne sauraientconduire ni vers le renouveau et la réconciliation na-tionale en Pologne ni vers la reprise du dialogue avecles pays à démocratie pluraliste. Les événements san-glants à l'occasion du 2 e anniversaire des accords deGdansk ont démontré l'isolement de ce pouvoir quine réussit que par les menaces et par la répression àmaîtriser le courroux populaire.

Après les événements récents, nous sommes plusque jamais convaincus que le gouffre séparant la so-ciété polonaise de l'Etat ne peut être comblé que siles trois conditions que la Communauté Européenneavait formulées le 4 janvier dernier sont remplies:levée de l'état de siège, libération des personnes ar-rêtées et restauration d'un dialogue général avec lescomposantes de la société polonaise, à savoir l'Egliseet le syndicat indépendant. Tant qu'il n'y aura pas deréponse favorable à ces demandes, un développe-ment en Pologne dans le calme s'avérera impossibleet le climat général des relations Est-Ouest s'en res-sentira inéluctablement. Entretemps et malgré les re-lations tendues avec les autorités militaires de Varso-vie, le Gouvernement et, je suis convaincue, le peu-ple luxembourgeois entier continueront à faire toutleur possible pour alléger le sort malheureux de lapopulation polonaise. Aussi bien sur le plan commu-nautaire que sur le plan national des actions significa-tives ont été entreprises en matière d'aides humani-taires. Par ailleurs je rappelle que le Luxembourg aété un des premiers pays à accueillir des réfugiéspolonais regroupés dans les camps autrichiens.

Nous sommes à la veille de la reprise de la réunionde Madrid dans le cadre de la Conférence sur la Sé-curité et la Coopération en Europe. La nouvelle ses-sion qui débutera le 9 novembre restera placée sousle signe déplorable des événements dramatiques quiont sérieusement détérioré le climat des relationsEst-Oùest et qui ont par conséquent empêché jus-qu'à présent la conclusion d'un document final.

La délégation luxembourgeoise ira à Madrid avecla volonté de reprendre les négociations. Nous som-mes d'avis que le document présenté le 16 décembre1981 par les pays neutres et non-alignés continue àfournir la meilleure base pour de telles négociations.Tel reste le cas, même si déjà au moment de son dé-pôt, les Etats occidentaux avaient formulé des réser-ves quant au libellé de certaines recommandations,plus spécifiquement dans le domaine des Droits del'Homme. Un autre point très important de désac-cord reste la formulation d'un mandat pour une con-férence sur la sécurité et le désarmement en Europe,notamment la partie du mandat portant sur la zoned'application des mesures de confiance et de désar-mement. Il est bien clair que nous maintiendrons no-tre position initiale visant à incorporer dans un man-dat précis et non équivoque tout le continent euro-péen.

Il est évident que nous ne pourrons pas agir commesi rien ne s'était passé en Pologne et dans d'autrespays de l'Europe orientale. Je cite ici à titre d'exem-ple l'interruption, par l'Union Soviétique, des liai-sons téléphoniques directes. De telles mesures, qui

violent d'une manière flagrante les stipulations del'Accord de Helsinki, nous préoccupent vivement etun document final de Madrid devra d'une façon oud'une autre tenir compte de nos préoccupations etdonner des assurances pour une attitude de toutes lesparties qui soit conforme aux recommandations dudocument de 1975.

En résumé, la position de la délégation luxembour-geoise sera constructive et elle tâchera d'aboutir, en-semble avec ses partenaires, à un document substan-tiel et équilibré et ceci dans les meilleurs délais possi-bles.

Le Moyen-Orient reste actuellement plus que ja-mais parmi les régions les plus instables du monde. Ala guerre absurde, qui continue d'opposer après plusde deux ans l'Iran et l'Irak, se sont ajoutés durantl'été passé les événements dramatiques au Liban, àl'origine desquels s'est trouvée l'invasion des troupesisraéliennes. Après avoir été durement éprouvé parune guerre civile impitoyable qui a sévi depuis 1975entre les différentes communautés religieuses, cepays autrefois si prospère ainsi que sa capitale ont étéravagés pendant six semaines par l'armée israélienne.Le Gouvernement luxembourgeois s'est élevé avecses partenaires de la Communauté Européenne con-tre cette action des autorités de Jérusalem qui a causéla mort de milliers d'innocents parmi la populationcivile. Ensuite est intervenu le massacre froidementperpétré de plusieurs centaines de réfugiés palesti-niens, après le départ des forces armées de l'OLP deBeyrouth, qui a porté à son comble une horreur déjàinsoutenable. De plus cette guerre libanaise a fait dedizaines de milliers de Palestiniens des sans-abri quine savent pas où et dans quelles conditions ils vontpasser l'hiver prochain.

La question se pose dans ces conditions commentle Liban pourra retrouver la paix à laquelle ce paysmartyre aspire depuis de si longues années ? Nousestimons qu'un Gouvernement central, fort et indé-pendant ne sera en mesure de rétablir son autoritésur l'ensemble du territoire qu'à la condition qu'Is-raël aussi bien que la Syrie et l'OLP consentent à re-tirer toutes leurs troupes du Liban. Des efforts encours prévoient un retrait en phases successives. Ilfaut espérer qu'ils aboutiront avant la fin de l'année.

Cependant, même une paix revenue au Liban dansun avenir plus ou moins rapproché ne devra nousfaire oublier le sort de ces quatre millions de Palesti-niens qui sont dispersés en Israël ainsi que dans unedizaine d'Etats arabes. Aucun règlement du conflitisraélo-arabe n'est concevable sans que le peuple pa-lestinien ne soit associé aux négociations par l'inter-médiaire également de l'Organisation pour la Libé-ration de la Palestine.

Si le droit d'Israël à exister à l'intérieur de fron-tières sûres et reconnues ne peut être mis en ques-tion, je voudrais souligner que le droit à l'autodéter-mination pour les Palestiniens est tout aussi indispen-sable à toute solution globale au Proche-Orient. LeLuxembourg et ses partenaires de la CommunautéEuropéenne se sont prononcés depuis le Conseil Eu-ropéen de Venise en juin 1980 à plusieurs reprises en

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faveur de ces deux principes qui demeurent fonda-mentaux à nos yeux et semblent en train d'être re-connus également par les parties concernées. Lespropositions que le Président Reagan a présentéesdans son discours du 1er septembre, et notammentl'idée d'associer un territoire palestinien situé en Cis-jordanie et dans la bande de Gaza au Royaume deJordanie, pourraient offrir aux protagonistes l'occa-sion de réaliser des progrès en ce qui concerne laquestion palestinienne. Par ailleurs, la déclaration deFès adoptée le 9 septembre par les Chefs d'Etat et deGouvernement arabes témoigne de leur volonté una-nime ainsi que de celle des dirigeants de l'OLP de re-chercher, par des moyens pacifiques, une paix justepour la région, qui engloberait tous les Etats, ycompris Israël. II est hautement regrettable que lesdirigeants de Jérusalem aient cru devoir rejeter coupsur coup ces deux initiatives sans même vouloir endiscuter. Je n'en pense pas moins qu'après les événe-ments tragiques survenus durant ces derniers mois auLiban, les nouvelles propositions américaines et laprise de position arabe de Fès pourraient ouvrir lavoie à des négociations vers une paix juste et durabledont profiteraient tous les peuples de cette région.Pour y parvenir, les parties concernées devrontd'abord créer entre elles un climat de confiance de-venu indispensable après plus de trente ans de haineet de guerres souvent meurtrières.

En Asie, le Cambodge reste, comme l'Afghanis-tan, sous la domination d'une puissance étrangère.Avec l'appui de l'Union Soviétique, le Vietnam a en-vahi ce malheureux pays sous le prétexte de le libérerd'un régime barbare et génocide et il continue cetteoccupation malgré les appels répétés des NationsUnies en faveur d'une solution politique négociée.

Toutefois, cette année a apporté de nouveaux dé-veloppements qui pourraient contribuer à une solu-tion du problème, et notamment la formation d'ungouvernement de coalition sous le Prince Sihanouk.Il y a eu aussi des contacts entre le Vietnam et d'au-tres pays de la région, qui — sans avoir amené des ré-sultats jusqu'ici - pourraient peut-être faire naîtreun nouvel espoir.

Nous sommes d'avis qu'il doit être possible detrouver une solution satisfaisante pour les aspirationslégitimes de toutes les parties, mais surtout qu'il esttemps de mettre fin aux souffrances terribles qu'a dûsubir le peuple cambodgien, afin qu'il puisse renaîtredans un Kampuchea neutre, indépendant et libre detoute ingérence étrangère.

Les pays de l'Afrique restent confrontés à la lourdetâche de régler leurs problèmes internes et externesd'une façon non-violente et pacifique. Le désarroirégnant au sein de l'OUA ne facilite évidemment pascette œuvre, mais il faut espérer que cette organisa-tion reprendra sans tarder son rôle unique dans le rè-glement pacifique des différends en Afrique.

Dans la région du Sud de l'Afrique deux objectifsmajeurs restent à atteindre: l'indépendance de la Na-mibie et l'abolition de la politique raciste de l'apart-heid.

Nous sommes heureux de constater les progrèsréels qui se concrétisent sur la voie compliquée quimènera la Namibie à l'indépendance, conformémentà la résolution 435 du Conseil de Sécurité des Na-tions Unies et nous félicitons les pays du Groupe desCinq pour leurs efforts dans cette direction. Maisnous nous devons aussi de lancer un appel urgent àtoutes les parties concernées de faire preuve d'un es-prit courageux de conciliation et de sagesse pour quepuisse être trouvée une solution définitive. Dans cecontexte, nous condamnons les incursions armées del'Afrique du Sud en Angola qui ne peuvent que re-tarder cette solution.

En Afrique du Sud même, l'oppression de la popu-lation noire par une minorité de blancs continue enviolation flagrante des droits de l'homme les plusfondamentaux. Cette institutionalisation du racismeque constitue l'apartheid ne peut mener à la longuequ'à des conséquences dramatiques et violentes. LeLuxembourg, ensemble avec ses partenaires de laCommunauté, ne cesse d'œuvrer et de plaider afinque le gouvernement de Pretoria établisse une socié-té juste et libre pour tous.

Aux foyers de tension habituels s'est ajouté cetteannée un nouveau conflit dans l'Atlantique du Sud.

La crise autour des Iles Falkland/Malouines, qui acommencé par le débarquement illégal des Argentinssur l'île de South Georgia pour continuer par l'occu-pation de Port Stanley et des deux îles principales, aété particulièrement ressentie au Luxembourg alorsque la victime de l'aggression est l'un de nos meil-leurs alliés. Ensemble avec ses partenaires de laCommunauté, le Luxembourg a fait preuve de soli-darité avec ses amis britanniques tout au long de lacrise. Notre attitude était dictée par la défense desprincipes de la Charte des Nations Unies aussi fonda-mentaux que le non-recours à la force et le droit despeuples à l'autodétermination, principes qui tradi-tionnellement inspirent notre attitude et notre diplo-matie.

Cependant, la crise autour des Iles Falkland/Ma-louines ne devra empêcher à la longue le développe-ment de nos relations avec les pays de l'AmériqueLatine. Les pays de la Communauté ont de longs rap-ports historiques ainsi que d'étroits liens culturels,commerciaux et même familiaux avec les pays del'Amérique du Sud et de l'Amérique Centrale. Cecidevrait nous inciter à surmonter des différends actu-els pour étendre notre coopération avec ces Etats.

L'Amérique Centrale, en particulier, ne cesse denous préoccuper, compte tenu des conflits intérieursqui la déchirent. Les graves problèmes économiqueset sociaux ont créé des foyers de tension locaux surlesquels vient se superposer la rivalité Est-Ouest, cequi tend à internationaliser de plus en plus ces pro-blèmes. Aux ingérences politiques extérieures s'ajou-tent l'accroissement des livraisons d'armes qui mène-ra fatalement à un recours de plus en plus fréquent àla violence.

Tout comme ses partenaires, le Luxembourg estd'avis que seuls le dialogue politique et les négocia-tions peuvent amener une solution pacifique et dura-

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blé. Nous saluons par conséquent les propositionsémanant de divers pays de la région pour trouver unrèglement aux conflits qui persistent.

C'est devant cette toile de fond de crises interna-tionales et de climat de méfiance générale quel'OTAN est appelée à exercer ses responsabilités. Labase du concept de dissuasion et de défense de l'Al-liance a toujours été l'équilibre politique et militaire.Deux stratégies sont inextricablement liées danscette notion d'équilibre; d'une part, la capacité et lavolonté d'assurer une défense véritable, d'autre partla volonté de s'engager dans un processus de contrôledes armements et de désarmement. A l'intérieurd'une telle stratégie il y a bien sûr la possibilité de va-riantes. Dans les premières années de l'Alliance, lastratégie de défense reposait sur le principe des re-présailles massives; dans les années soixante ce con-cept a fait place à celui de la riposte graduée. Actuel-lement des réflexions ont lieu sur un nouveau con-cept qui, sans supprimer la dissuasion nucléaire in ex-tremis, mettrait l'accent beaucoup plus sur le poten-tiel conventionnel. Il s'agit en fait d'un élargissementdu concept de la réponse graduée. Dans ce contexteet vu que l'équilibre dans l'armement conventionneljoue particulièrement en défaveur de l'Ouest, les al-liés seraient appelés à faire de nouveaux efforts afinde pouvoir, dans le domaine conventionnel, arrêterune aggression par une défense avancée. L'alterna-tive est soit celle du réarmement jusqu'au niveauatteint par les pays du Pacte de Varsovie soit celle dudésarmement par celui des deux camps qui détientune suprématie manifeste. Le Luxembourg opte net-tement en faveur de l'alternative qui vise à recher-cher l'équilibre au niveau le plus bas possible en te-nant compte des intérêts de sécurité de toutes lesParties. Le désarmement équilibré doit ainsi con-duire à une plus grande stabilité internationale.

C'est dans cette optique que s'inscrit également«l'option zéro» en matière d'armes nucléaires de thé-âtre préconisée par le Gouvernement américain, àsavoir le non-déploiement des missiles de croisière etdes Pershing 2 américains en contrepartie du déman-tèlement des SS 4 et SS 5 et du retrait des SS 20 ducôté soviétique. Malheureusement et malgré le mo-ratoire annoncé par Monsieur Brejnev en mars decette année, nous avons des indications sérieuses quel'URSS a continué aussi bien la mise en place de nou-velles fusées SS 20 que la construction de nouveauxsites de lancement.

La défense occidentale — et ceci est attesté égale-ment par des instituts neutres et indépendants -souffre d'un déséquilibre quantitatif vis-à-vis de l'Estdans la presque totalité des systèmes de défense. Dece fait il peut de moins en moins être compensé parl'argument de l'avantage qualitatif. Dans un domaineaussi sensible que celui des forces nucléaires de thé-âtre, qui met directement en cause la sécurité de no-tre continent, nous ne pouvons tolérer que le désé-quilibre manifeste soit encore renforcé. Il faut doncespérer que les négociations actuellement en cours àGenève pourront réussir et nous savons que les Amé-ricains les abordent avec le souci d'aboutir. Si toute-

fois elles devaient échouer du fait de l'inflexibilitésoviétique, les Alliés se verraient obligés de mettreen œuvre les décisions unanimes prises en décembre1979.

Dans le domaine qui touche plus à la sécurité glo-bale — je parle des armes stratégiques - nous som-mes heureux que les négociations «START» aient pudébuter le 29 juin dernier et que des consultationsétroites aient eu lieu à ce sujet au sein de l'Alliance.Nous sommes ici en présence de pourparlers très dif-ficiles et de longue haleine qui sont encore dans leurphase de départ. Il paraît dès lors prématuré de for-muler des prévisions à leur sujet.

L'Ouest a présenté de nouveaux projets de désar-mement non seulement dans le domaine nucléairemais encore dans celui de l'armement conventionnel.En juillet une nouvelle proposition globale a été in-troduite à Vienne pour relancer les négociations surune réduction réciproque et équilibrée des forcesconventionnelles en Europe Centrale (MBFR), né-gociations auxquelles le Luxembourg participe direc-tement. Ce projet maintient le principe de l'engage-ment collectif et fixe d'emblée le déroulement desphases de réduction. La proposition ne prévoit plusdeux étapes de réduction différentes comme résultatde deux traités différents, mais un seul traité intégréqui réglerait tout le processus du désarmement. Lebut reste un plafond collectif de 900.000 hommes depart et d'autre.

Même si un plafond équilibré est atteint à Vienne,l'Europe occidentale reste néanmoins menacée par lepotentiel global de l'URSS, compte tenu notammentde l'asymétrie géostratégique de l'Europe, très défa-vorable à l'Occident. C'est la raison pour laquelle leLuxembourg est un partisan engagé d'une Confé-rence sur les mesures de confiance et le désarmementdans le cadre de la Conférence sur la Sécurité et laCoopération en Europe. Dans notre esprit, l'ensem-ble de ces négociations en cours à Madrid devraitaboutir à un désarmement effectif et verifiable.

Un mot encore sur les travaux du Comité duDésarmement, siégeant à Genève. Le Grand-Duchén'est pas membre de cette organisation, mais les tra-vaux du Comité font constamment l'objet d'échangesde vues dans le cadre de la coopération politique etnous suivons de près les travaux entre le Royaume-Uni, les Etats-Unis et l'Union Soviétique en vue d'unarrêt complet des essais nucléaires, plus connu en an-glais sous le sigle de CTB (Comprehensive NuclearTest Ban). Deux autres objectifs nous semblent par-ticulièrement désirables; l'élaboration d'une conven-tion qui bannisse le développement, la production etle stockage d'armes chimiques et un accord visant àune plus grande transparence et une vraie compara-bilité dans le domaine des budgets militaires.

Questions économiques

J'en viens à présent aux activités du Ministère desAffaires Etrangères dans le domaine des relationséconomiques extérieures. Sous diverses formes, laparticipation des services diplomatiques à l'effort

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économique et commercial du pays s'est généraliséedepuis quelques années et revêt une importance par-ticulière en ces temps de crise.

Les économies de la grande majorité des pays dumonde doivent actuellement faire face à une situa-tion difficile, voire dramatique, caractérisée par lamontée inquiétante du chômage, par une inflation te-nace malgré des taux de croissance économique ex-cessivement bas, par des fluctuations monétaires sou-vent erratiques, par des endettements publics élevés.

L'insolvabilité de fait d'un nombre croissant d'im-portants pays débiteurs fait par ailleurs peser de sé-rieuses menaces sur la stabilité du système financieret bancaire international et introduit un élément sup-plémentaire d'incertitude dans les relations économi-ques internationales.

Dans ces conditions, il n'est guère surprenant deconstater que le commerce mondial stagne depuisenviron 3 ans, alors qu'il avait progressé régulière-ment en volume et en valeur jusqu'au début de cettedécennie marquée par l'augmentation massive del'inflation, le caractère de plus en plus heurté de laconjoncture internationale, l'écroulement du systèmemonétaire de Bretton-Woods, les crises énergétiquessuccessives.

En même temps, la concurrence sur les marchésextérieurs se fait de plus en plus dure; lorsque la de-mande interne et la demande mondiale ne croissentplus, que la capacité financière des clients potentielss'affaiblit et que, par conséquent, l'offre effective debiens dépasse largement la demande, la lutte entreles fournisseurs, pour s'assurer des débouchés, s'exa-cerbe.

Cette tendance est encore accentuée par la montéedes pays nouvellement industrialisés qui est en trainde bouleverser la structure des échanges internatio-naux. Pour de nombreuses branches industrielles, cespays disposant d'une main-d'œuvre relativement bonmarché, ont dorénavant un avantage comparatif dé-terminant.

Le domaine de la sidérurgie que nous ne connais-sons que trop bien illustre parfaitement les boulever-sements intervenus ces dernières années; alors qu'iln'y avait dans les années 50 qu'une bonne dizaine depays exportateurs d'acier, il y en a aujourd'hui prèsde 50.

La part croissante prise par les pays nouvellementindustrialisés dans le commerce mondial et notam-ment les formules de coopération Sud-Sud ne con-currencent pas seulement les productions nationalesdes pays développés, mais commencent déjà à limitersérieusement leurs débouchés.

Face aux ajustements difficiles et souvent doulou-reux, de nombreux pays, industrialisés ou autres,cherchent à s'assurer la meilleure part du marché enayant recours à des mesures protectionnistes de tousgenres — subventions massives à l'exportation quidénaturent la libre concurrence, entraves à la librecirculation des biens et services etc.

Compte tenu de l'ampleur de la crise, cette réac-tion peut paraître compréhensible à première vue età court terme. Mais à court terme uniquement, car

elle met en danger le principe même de la liberté deséchanges, fondement du système d'après-guerre etcondition essentielle de la prospérité de nos pays.

Le Gouvernement luxembourgeois a toujours sou-tenu et soutiendra toutes les initiatives destinées àcontrecarrer de telles tendances et à préserver unsystème économique fondé sur l'ouverture des fron-tières. Dans ce contexte, la réunion des Parties con-tractantes du GATT à niveau ministériel qui auralieu à Genève en novembre prochain, fournira uneoccasion d'examiner les difficultés et les blocagescroissants que connaît le système commercial inter-national et d'évoquer les graves contentieux qui af-fectent les relations entre les principaux partenairescommerciaux. Il s'agira pour la communauté interna-tionale de réaffirmer par des engagements politiquesconcrets sa conviction que les difficultés actuelles nepourront trouver une solution durable que dans lecadre du libre échangisme et du maintien des rela-tions commerciales internationales dans un cadremultilatéral.

Nous savons tous que le Luxembourg, en tant quepetit pays largement dépendant de l'extérieur pour saprospérité, voire sa survie économique — point n'estbesoin de répéter ici les chiffres attestant cette dé-pendance extrême, car ils vous sont connus - a toutintérêt à ce que de telles initiatives soient couronnéesde succès.

Les comportements étroitement mercantilistes etmalthusiens qui se font jour en temps de récessionéconomique frappent, en effet, avec une vigueur par-ticulière les petits pays, moins aptes à se défendre etqui ne disposent pas d'une véritable monnaied'échange dans les négociations internationales. Dé-pourvus d'un marché intérieur substantiel, nousavons par ailleurs toutes les raisons de craindre les ef-fets néfastes d'une tendance croissante dans le mon-de vers le bilatéralisme commercial: compte tenu desa gamme de produits industriels forcément assezlimitée, le Luxembourg ne peut pas, en effet, se lan-cer dans des opérations de troc de grande envergure.

Bien sûr, la taille de notre pays n'a pas que des in-convénients, j'en conviens volontiers; elle nous a per-mis d'une certaine façon de mieux nous adapter à lacrise et de faire preuve de flexibilité, il n'en reste pasmoins vrai que les dangers et menaces qui pèsent surnotre économie sont proportionnellement plus élevésque ceux auxquels doivent faire face des pays plusgrands. La disparition de pans entiers de leurs indus-tries est certes grave pour tous les pays en règle géné-rale; mais elle ne remet cependant pas en cause l'es-sence même de leur survie économique; la crise aiguëdans laquelle se débattent les sidérurgies europé-ennes risque par contre — en raison de la place pré-pondérante qu'occupe ce secteur dans notre écono-mie — de vider notre pays de sa substance indus-trielle si les mesures adéquates ne sont pas prises.

Le tableau relativement sombre que je viens debrosser ne doit pas nous plonger dans la résignation;il s'agit au contraire de faire face avec lucidité auxcontraintes actuelles et de poursuivre une politiqueétrangère dynamique ajustée à la défense de nos in-

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térêts. Une telle politique présuppose en tout pre-mier lieu la consolidation des liens étroits qui nousrattachent à nos partenaires privilégiés dans le cadrede l'UEBL, du Benelux, et de la CEE. Ce n'est quegrâce à son insertion dans les structures précitées quele Luxembourg a pu s'affirmer sur le plan internatio-nal et défendre ses intérêts politiques et économi-ques.

Les tensions diverses qui se sont manifestées ausein notamment de l'UEBL et de la CEE dans lecourant des 12 mois écoulés ne doivent pas masquerle bénéfice réel que tire notre pays de son apparte-nance à ces unions, même si certains réaménage-ments peuvent paraître souhaitables en vue d'unemeilleure adaptation aux réalités et aux exigences denotre temps.

UEBL

Je voudrais tout d'abord dire quelques mots surl'état de nos relations avec le partenaire privilégiéqu'est la Belgique. Il ne saurait être nié que les re-mous monétaires de février dernier ont ébranlé lesfondements d'une union longtemps harmonieuse,d'une union qui a souvent et à juste titre été citéecomme modèle de cohabitation et de coopération en-tre Etats voisins. La décision du Gouvernementbelge de demander une dévaluation substantielle ausein du SME a été prise, avouons-le, dans des cir-constances peu satisfaisantes et a mis le Luxembourgdevant un fait accompli d'autant plus difficile à ac-cepter que, vu les structures particulières et l'état denotre économie, il fallait craindre des répercussionstrès négatives pour le Luxembourg sur les plans éco-nomique, financier et social.

Le Gouvernement grand-ducal n'a pas manquéd'entamer avec le partenaire belge des négociationsen vue de clarifier les positions et de mettre en placeun dispositif qui permettra d'éviter à l'avenir la re-production d'une situation de ce genre. En attendantde voir aboutir ces pourparlers qui ont donné l'occa-sion aux représentants luxembourgeois de présenterun certain nombre de demandes relatives aux rela-tions monétaires entre les deux pays, notre Gouver-nement a suspendu la procédure d'approbation par-lementaire du Protocole belgo-luxembourgeois rela-tif à l'association monétaire, signé le 9 mars 1981 etqui a pour objet de réaménager un certain nombre dedispositions de cette association.

Je suis persuadée que grâce au climat d'entente etd'amitié qui caractérise depuis des décennies nos re-lations avec notre voisin belge, notre associationcommune retrouvera sa stabilité et sa cohésion. Je lesuis d'autant plus que les efforts d'assainissementéconomique entrepris par Bruxelles - efforts quenous suivons avec intérêt et sympathie, — commen-cent à porter leurs fruits. Il faut espérer que la politi-que de redressement engagée avec succès par la Bel-gique pourra être poursuivie avec la même vigueur àl'avenir.

Les événements survenus sur le plan monétaire onttout naturellement fait passer au second plan d'au-tres aspects des relations belgo-luxembourgeoises

qui n'en sont pas moins fort importants. L'entrée envigueur le 6 mars 1982 de la décision prise par le Co-mité des Ministres de l'UEBL le 9 mars 1981 de pro-roger l'UEBL pour une nouvelle période de 10 ansen constitue d'ailleurs la meilleure preuve; qu'il suf-fise ici de mentionner l'étroite collaboration en ma-tière de formation, d'orientation professionnelle,d'emploi, la coopération sans cesse renouvelée dansl'enseignement et le domaine médical, les transports,l'aménagement du territoire, et enfin les multiplesliens administratifs qui facilitent grandement la tâchenotamment de nos services diplomatiques et écono-miques.

Benelux

Les événements spectaculaires ont été absents decet autre cadre privilégié de notre politique exté-rieure qu'est l'Union économique Benelux. Les or-ganes institutionnels se sont essentiellement consa-crés à la coordination des points de vues des troispartenaires en prévision de la discussion des problè-mes au niveau des organisations internationales etplus spécialement de la CEE. Longtemps moteur del'intégration européenne, le Benelux a peu à peu, augré des progrès réalisés à ce niveau-là, cédé la placeaux Communautés, structure plus vaste et plus ambi-tieuse.

Face à la relative stagnation actuelle des CE laquestion se pose toutefois de savoir si le temps n'estpas venu pour les 3 pays que nous sommes de redé-couvrir notre rôle d'impulsion à l'intérieur de laCommunauté, de faire avancer l'Europe des Dix touten défendant mieux nos intérêts communs face à despartenaires plus puissants.

D'autre part, les difficultés internes au niveaucommunautaire devraient nous stimuler dans la re-cherche d'une coopération somme toute logique et,dirais-je, plus nécessaire que jamais entre trois paysau système économique largement comparable, ca-ractérisée par sa grande ouverture sur l'extérieur.

C'est dans cet esprit que le Gouvernement luxem-bourgeois abordera la réunion au niveau des Pre-miers Ministres et des Ministres des Affaires Etran-gères prévue avant fin 1982 et destinée à sonder lespossibilités d'une relance du Benelux. Nous y auronsnotamment l'occasion d'examiner le «manifeste»présenté aux 3 Gouvernements par le Conseil inter-parlementaire Benelux du 7 mai 1982 à l'occasion dela session commemorative de son 25 e anniversaire;ce manifeste préconise d'intensifier la coopérationdans des domaines tels que la circulation des person-nes et des marchandises, la politique des investisse-ments productifs, l'énergie . . .

Communauté Européenne

L'importance de la CEE pour le Luxembourg n'estplus à souligner — c'est grâce à l'ouverture du mar-ché communautaire que nous avons pu atteindre uneprospérité inégalée auparavant, c'est grâce à son en-gagement européen de la première heure, que notrepays a acquis un prestige et un poids qui dépassentlargement ses dimensions territoriales.

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C'est pour cette raison d'ailleurs que le Gouverne-ment est très préoccupé par l'état de crise chroniquedans lequel semble se débattre la Communauté. Eneffet, celle-ci fait face actuellement à une multitudede problèmes qui, aux yeux de certains, en ébranlentles fondements mêmes. Je ferai remarquer toutefoisen guise d'introduction et sans vouloir nier la gravitéde ces problèmes, que la CEE, organisme vivant etdynamique, a toujours connu des crises plus ou moinsaiguës — est-ce pour surprendre, si l'on pense aux in-térêts souvent opposés qu'ont tout naturellement desEtats différents par leurs tailles et leurs structureséconomiques et sociales ?

Mais la Communauté a toujours su finalement sur-monter ses difficultés. Je trouve d'ailleurs très révéla-teur et très encourageant le fait que les réalisationsconcrètes de la CEE semblent tellement aller de soiet faire partie de notre patrimoine politique et éco-nomique que personne ou presque ne trouve néces-saire d'en parler et d'en accorder le crédit à laCEE! !

La construction européenne reste l'une des œuvresles plus impressionnantes d'après-guerre; l'adhésionde 3 nouveaux membres en 1973, de la Grèce en1981, et l'entrée prochaine de l'Espagne et du Portu-gal constituent d'ailleurs à mes yeux des témoignagesvivants de l'attrait toujours aussi grand de l'idée eu-ropéenne. Bien sûr, le nouvel élargissement, entre-prise d'une redoutable complexité, ne manquera pasde faire surgir de nouveaux problèmes d'équilibre etd'adaptation chez toutes les parties concernées, etcela notamment sur le plan agricole et sur le marchédu travail; je reste cependant convaincue que, quelleque soit l'envergure de la tâche, les difficultéspeuvent et doivent être surmontées, si nous y met-tons la volonté politique nécessaire.

Ceci étant dit, il ne saurait être nié que les difficul-tés économiques rencontrées par tous les pays mem-bres pèsent sur le climat général en Europe et met-tent la solidarité communautaire à rude épreuve —«den Aarmutt war nach ëmmer e Straitmécher», lagenèse du mandat du 30 mai l'illustre bien, car àl'origine de ce mandat se trouve le problème, d'ail-leurs tout à fait réel, de la contribution britanniqueau financement du budget communautaire.

C'est justement le mérite de la Commissiond'avoir, dans son rapport établi en exécution du«mandat du 30 mai», dépassé l'analyse purementcomptable du dossier budgétaire et préconisé l'adop-tion d'une stratégie structurelle et globale de relanceeuropéenne centrée autour de1° la relance des politiques existantes et le dévelop-

pement de nouvelles politiques communautaires2° la réforme de la PAC dans le respect des princi-

pes de base3° la solution du problème budgétaire proprement

ditCe n'est pas ici le lieu pour entrer dans le détail des

longues et difficiles négociations autour du mandatdu 30 mai; qu'il suffise de dire que malgré des pro-grès significatifs dans beaucoup de domaines, un ac-cord global n'a pas encore pu être obtenu. Des diver-

gences de vues subsistent notamment sur les orien-tations en matière de dépenses agricoles, d'agricul-ture méditerranéenne, du problème budgétaire pro-prement dit qui n'a trouvé, une fois de plus, qu'unesolution transitoire.

L'heure n'est manifestement pas aux grands bondsen avant; les péripéties de ces négociations doiventnous inciter à aborder les problèmes communautai-res avec réalisme, sans pour cela renier nos idéaux.Que les grands projets, le développement de nouvel-les politiques ambitieuses ne progressent guère pourl'instant, est certes éminemment regrettable, maispeut se comprendre.

En revanche, je voudrais lancer une mise en gardecontre des tendances malheureusement croissantesde remise en cause de l'acquis communautaire. Ainsi,les entraves de toutes sortes à la libre circulation desmarchandises au sein même de la CEE se multip-lient, portant préjudice à l'intégrité et au fonctionne-ment du marché intérieur.

Tout aussi grave me paraît être la tentation appa-remment grandissante de raisonner en termes de«juste retour». Il faut se rendre à l'évidence qu'unetelle évolution, si elle se concrétisait, irait totalementà rencontre de la solidarité et de l'esprit communau-taires et signifierait la fin d'une organisation origi-nale.

Dans ce contexte, il conviendra de dire un motd'un dossier qui préoccupe et sensibilise à juste titrela population luxembourgeoise: je parle évidemmentde la question des lieux de travail du Parlement euro-péen. Le rapport avec ce qui précède peut à premièrevue paraître lointain, mais ne s'agit-il pas dans lesdeux cas d'une atteinte à une certaine idée que nousnous faisons de l'Europe ?

La fameuse résolution du 7 juillet 1981 du Parle-ment européen, modifie, en effet unilatéralement lestatu quo établi en droit et en fait depuis 1965 au seuldétriment de notre pays.

Je n'entends pas revenir ici sur les péripéties decette affaire délicate alors que le dossier est pendantdevant la Cour de Justice des Communautés Euro-péennes — je voudrais tout simplement rappeler quele recours en annulation pour incompétence et viola-tion des formes substantielles de la Délibération del'Assemblée du 7 juillet 1981 introduit par le Gou-vernement luxembourgeois vise, au-delà de la dé-fense de nos intérêts propres, à garantir le respect dudroit communautaire et des engagements qui nousgouvernent.

Je regrette de devoir constater que le déroulementnormal de la procédure judiciaire n'a pas fait dispa-raître toute velléité de préjuger dans les faits - no-tamment par des transferts de fonctionnaires - la dé-cision attendue de la Haute Juridiction. Il est tout àfait évident que le Gouvernement, comme par le pas-sé, reste fermement décidé à s'opposer à toutes lestentatives visant à porter unilatéralement atteinteaux arrangements existants en matière de lieux detravail.

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Problèmes sectoriels

Après avoir brossé un rapide tableau de notre par-ticipation aux unions et organisations internationalesles plus importantes de notre point de vue, je vou-drais à présent évoquer trois dossiers sectoriels quiont beaucoup fait parler d'eux ces derniers mois etqui sont cruciaux pour l'avenir de notre pays.

La sidérurgie

Vous connaissez tous, Mesdames, Messieurs, lesdifficultés auxquelles font face les sidérurgistes euro-péens tout autant qu'américains et qui ne datentd'ailleurs pas d'hier. Je n'ai pas non plus besoin derépéter que la crise dans ce secteur vital pour notreéconomie heurte de plein fouet le Luxembourg, étantdonné que la quasi-totalité de notre production na-tionale est destinée à l'exportation. Raison de pluspour nous de nous inquiéter des répercussions néga-tives de ce que d'aucuns appellent la «guerre del'acier» entre les Etats-Unis et la CEE.

Les faits sont connus: le 11 janvier 1982, plusieursgrands producteurs américains ont introduit, dans lecadre de la législation américaine sur les droits com-pensateurs et anti-dumping, 96 recours contre les im-portations de certains produits sidérurgiques origi-naires de 7 pays communautaires dont le Grand-Du-ché, lançant ainsi une vaste offensive protectionniste.Les suites ne sont pas moins connues; le 25 août, leDépartement du Commerce retient des droits com-pensateurs à l'encontre de 13 producteurs de laCEE; il faut noter que le Luxembourg n'est que trèsfaiblement pénalisé, contrairement à la Grande-Bre-tagne, la France, l'Italie, la Belgique, ce qui revient àdire que de l'avis d'un observateur indépendant — enl'occurence les autorités américaines — la sidérurgieluxembourgeoise n'est que peu subsidiée.

La bonne tenue de notre sidérurgie a d'ailleurs étéconfirmée une fois de plus le 9 août 1982 lorsque leDépartement du Commerce a procédé à la détermi-nation préliminaire des taux «anti-dumping» retenuscontre les industries européennes: l'industrie luxem-bourgeoise n'a en effet pas été touchée par ces droits«anti-dumping».

Devant la gravité de la crise, la Communauté euro-péenne a très tôt pris l'initiative d'entamer des négo-ciations avec le Gouvernement des Etats-Unis en vuede trouver une solution mutuellement satisfaisante àun problème qui risquait d'empoisonner les rapportstransatlantiques. Nous avions cru que ces négocia-tions avaient apporté une solution avec la conclusion,le 6 août 1982, d'un arrangement euro-américain quidétermine le niveau d'autolimitation des exporta-tions d'acier de la Communauté en fonction de laconsommation d'acier des USA.

Or, il y a eu de nouvelles et toutes récentes péripé-ties. Il est cependant permis d'admettre que les négo-ciations pourront finalement aboutir, et que ce cha-pitre sera clos à bref délai.

Pourquoi, direz-vous, le Luxembourg s'est-il ralliéà celte façon de procéder alors qu'il n'aurait été quemarginalement affecté par les mesures américaines ?

Cette question est d'autant plus justifiée qu'un ac-cord d'autolimitation est unique dans les annales desrelations d'échanges entre les deux principales puis-sances commerciales du monde, relations normale-ment placées sous le signe du libre-échange.

Je répondrai ceci: notre décision a été motivée pardes considérations de solidarité européenne, maisaussi et surtout par la volonté d'éviter toute détério-ration durable des rapports transatlantiques. L'ar-rangement conclu avec les Etats-Unis contribuera àdétendre l'atmosphère euro-américaine et assurera,pendant les 3 années à venir, une paix et une stabilitéplus indispensables que jamais pour notre industriesidérurgique.

J'ajouterai qu'en période de surcapacité, unequasi-fermeture du marché américain aux importa-tions françaises, belges, britanniques, italiennes, neferait qu'aggraver la concurrence déjà vive que selivrent les entreprises sidérurgiques sur des marchéstiers.

Il serait par ailleurs illusoire de croire que les partsde marché abandonnées par les autres Européens surle marché américain nous reviendraient automati-quement: sur un marché de concurrence, il n'y a pasde simples transferts d'un fournisseur à un autre, etcela d'autant plus que les gammes de produits expor-tés par les producteurs européens ne sont pas forcé-ment identiques.

Quant à l'action de la Communauté en matière desidérurgie à l'intérieur des frontières des 10, il fautsurtout mentionner la décision prise par la Commis-sion fin juin 1982 de reconduire le régime de surveil-lance et de quotas de production qu'elle a instaurédans le secteur de l'acier. Ainsi peut se poursuivre lamise en œuvre du plan auquel l'opinion associe lenom de M. Davignon, Vice-Président de la Commis-sion chargé des affaires industrielles. L'objectif de ceplan consiste à prévenir les effets néfastes de la criseactuelle et à assurer l'avenir immédiat et à long termede la sidérurgie européenne qui doit retrouver unesituation saine et continuer à jouer un rôle importantdans un système industriel en mutation.

Dans ce contexte, il convient d'évoquer égalementles rapports entre le Gouvernement et la Commis-sion en ce qui concerne la restructuration de la sidé-rurgie. Ils seront sans doute plus opportunément trai-tés dans le contexte de la discussion consacrée aubudget du Ministère de l'Economie nationale.

Les problèmes de télédiffusion

L'Europe connaît actuellement un vaste débat surles problèmes de l'audiovisuel et surtout sur les ré-percussions de l'introduction de la télédiffusiondirecte par satellite sur les structures des média desdifférents pays.

Le Luxembourg compte être présent dans ce qued'aucuns appellent la révolution audiovisuelle qui esten train de se dessiner; il a notamment l'intention defaire usage des cinq canaux pour la radio-diffusiondirecte par satellite qui lui ont été alloués à la confé-rence administrative mondiale des radiocommunica-

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tions réunie à Genève en janvier 1977. Il a donc, dès1973, reconnu à la CLT une option prioritaire pourl'octroi de la concession d'exploitation du satellite;aussi la CLT a-t-elle préparé, en liaison avec les ins-tances gouvernementales, un projet de réalisation quiprévoit la mise sur orbite d'un satellite luxembour-geois pourvu de 4 canaux pour l'année 1986. La dé-cision définitive de la CLT quant à la mise en œuvredu projet est attendue dans les tous prochains mois.

Il n'est un secret pour personne que le projet enquestion, pourtant conçu dans le strict respect desdispositions prévues par la conférence de Genève, asuscité un certain nombre d'inquiétudes du côté denos pays voisins, préoccupés par le débordement desfuturs programmes de RTL diffusés par satellite etpar le caractère commercial de la compagnie luxem-bourgeoise.

Conscient de ces faits et soucieux de préserver labonne entente avec tous ses voisins, le Luxembourg apris l'initiative de s'adresser à plusieurs reprises auxGouvernements concernés pour les assurer de sa vo-lonté de coopérer et d'offrir un certain nombre degaranties quant à l'utilisation du satellite luxembour-geois, sans préjudice toutefois de ses droits souve-rains en matière de radio-diffusion, notamment celuide déterminer librement ses propres structures demédia.

Au cours des contacts bilatéraux avec les autoritésdes pays voisins tout comme lors des négociations quiont eu et ont lieu dans diverses enceintes multilaté-rales, le Gouvernement luxembourgeois n'a cesséd'insister sur le caractère éminemment européen duprojet luxembourgeois, et continuera à le faire, et desouligner l'importance de préserver la liberté d'infor-mation et d'expression prévue par l'article 10 de laConvention européenne des droits de l'homme. Jevoudrais dans ce contexte saluer la déclaration adop-tée par le Comité des Ministres du Conseil de l'Eu-rope le 29 avril sur la liberté d'expression et d'infor-mation qui engage les Etats membres à suivre unepolitique favorable à la «diversité des moyens decommunication et à la pluralité des sources d'infor-mation permettant celle des idées et des opinionsainsi qu'à l'existence d'un large éventail de moyensde communication indépendants et autonomes».

Outre les discussions fort constructives qui ont eulieu au sein du Conseil de l'Europe, et qui se poursui-vent, il convient de mentionner la Conférence inter-gouvernementale sur la création d'un espace audiovi-suel qui a réuni à Paris les 19 et 20 juillet des repré-sentants de 6 pays: Benelux, RFA, France, Autriche.Une nouvelle conférence élargie à tous les pays duConseil de l'Europe qui sont intéressés par cette ini-tiative se réunira sous peu.

Le Gouvernement luxembourgeois espère que lestravaux entamés à Paris donneront les résultats es-comptés, contribuant ainsi à une meilleure compré-hension mutuelle et à une coopération plus appro-fondie des Etats européens dans le domaine audio-visuel.

Cattenom

Quand, l'année passée, à cette même tribune, j'aidû constater qu'à Cattenom c'était la fin des illusions,nous eûmes confirmation de cet état de choses àpeine un mois plus tard à l'occasion de la visite que lePrésident du Gouvernement et moi-même faisions àParis auprès du Premier Ministre, Monsieur PierreMauroy. En effet, notre interlocuteur ne laissa sub-sister aucun doute sur l'option prise par son Gouver-nement en faveur du nucléaire, ni sur le fait que leparc de quatre tranches de 1300 MW sera réalisé àCattenom. La centrale lorraine constitue un maillondu programme d'équipement électro-nucléaire de laFrance et devra fournir à la région lorraine la baseénergétique nécessaire à son renouveau économique.

Dès lors, dans l'optique française et dans un con-texte où les risques sont, à tout le moins, aussi grandspour la population environnante de Cattenom quepour nos propres ressortissants, les graves préoccu-pations avancées par Monsieur Pierre Werner et parmoi-même n'ont pas pu retenir les autorités fran-çaises de réaliser leur projet.

Il n'en demeure pas moins que le fait Cattenom,l'attitude du Gouvernement français dans cette ques-tion et l'approche de ses représentants dans les négo-ciations actuellement en cours continuent à peser surles relations traditionnellement amicales et cordialesavec nos voisins de l'Ouest.

La commission d'experts bilatérale franco-luxem-bourgeoise, créée à l'issue de nos entretiens à Paris, anéanmoins entretemps sérié les problèmes qui seposent dans l'immédiat et qui devront avoir trouvéune solution satisfaisante avant la mise en route dupremier bloc à Cattenom. Les contacts réguliers en-tre les deux délégations ont d'ores et déjà permis deréaliser des rapprochements substantiels dans le do-maine de la responsabilité civile nucléaire incombantà l'exploitant français, voire à la France en cas d'acci-dent. Les négociations vont bon train aussi dans laquestion des procédures et dispositifs de surveillanceet de contrôle.

Par ailleurs, je suis en mesure de confirmer que lesnormes concernant plus particulièrement la protec-tion de l'environnement et se rapportant à réchauf-fement des eaux de la Moselle et au remplacementdes pertes d'évaporation, définies dans l'accord fran-co-luxembourgeois de 1978, ont été inscrites dans laprocédure française d'autorisation et seront dès lorsintégralement respectées par l'exploitant E.D.F.

S'il faut reconnaître l'évidence - pour les raisonsénoncées plus haut et notamment par le fait que leGouvernement français ne fera pas un sort plus avan-tageux aux voisins luxembourgeois qu'à ses propresressortissants — que dans ces conditions nos deman-des ne seront pas satisfaisantes dans leur totalité, ilfaut se rendre compte pareillement que nous ne dis-posons pas de moyens de contrainte, ni d'instrumentsjuridiques internationaux permettant d'obtenir satis-faction sur toute la ligne.

J'estime d'ailleurs que le moment est venu de faireface au nucléaire avec plus de sérénité en évitant de

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verser dans le pessimisme, voire dans la panique.Tous nos pays voisins ont désormais pris une optionclaire pour l'énergie nucléaire. Dans une situation dedépendance énergétique totale de l'étranger, notrepays ne pourra pas éternellement se refuser au faitnucléaire accepté par ceux-là mêmes qui sont nosfournisseurs.

Commerce extérieur

J'ai eu au cours de mon exposé l'occasion d'évo-quer le problème épineux du protectionnisme et deseffets néfastes qu'il risque d'avoir sur notre com-merce extérieur et, partant sur toute notre économie.Le maintien du libre-échange est, en effet, une con-dition nécessaire pour la prospérité de notre pays,mais force est de reconnaître que ce n'est pas unecondition suffisante. Il faut encore que nos entre-prises soient compétitives face à une concurrence deplus en plus dure. La dégradation dramatique denotre balance commerciale depuis 1975 s'expliqueévidemment par la récession économique qui sévitchez la plupart de nos partenaires commerciaux etqui réduit la demande étrangère, mais elle résulteaussi d'une détérioration des termes de l'échange del'économie luxembourgeoise et d'un manque decompétitivité de nos produits.

Cette situation de notre balance commerciale doitnous inspirer les plus vives inquiétudes — le déficit de21,9 milliards de francs enregistré en 1981 équivautà un quart du montant total de nos exportations.Malgré une légère amélioration, due essentiellementà un accroissement en valeur des exportations horsUEBL après la dévaluation en février, les perspec-tives restent sombres, car le marasme sur les marchéssidérurgiques et le contrecoup des hausses mécani-ques des prix à l'importation entraînées par cettemême dévaluation laissent craindre une nouvelleaggravation de la situation.

Le dynamisme du secteur tertiaire, et notammentbancaire, a permis jusqu'ici au pays de ne pas tropressentir les répercussions négatives du déclin relatifde son industrie, l'important excédent de la balancedes services ayant très largement compensé le déficitcommercial. Mais le ralentissement de la croissancerégulière de cet excédent devrait nous inciter à laprudence, et cela d'autant plus que les incertitudesqui planent actuellement sur les marchés financiersne sont pas de nature à apaiser les craintes d'une pos-sible évolution moins favorable du secteur bancairedans les années à venir.

Il serait en tout état de cause excessif de considérerla substitution des services à une industrie déclinantecomme la panacée à tous les maux. Il est au contraireindispensable que le Luxembourg dispose à côté d'unsecteur tertiaire dynamique, d'une industrie perfor-mante adaptée aux exigences de notre temps et fon-cièrement saine.

Aussi le Gouvernement entend-il persévérer dansles efforts entrepris en vue d'assurer la diversificationdu tissu industriel, il s'efforce notamment d'attirer lesinvestissements nouveaux dans le pays afin de contri-buer de la sorte à élargir la gamme des produits d'ori-

gine luxembourgeoise susceptibles de s'imposer surles marchés étrangers.

En ce qui concerne la promotion proprement ditedes exportations, l'intervention des autorités publi-ques devient de plus en plus indispensable. Vul'étroitesse du marché domestique et la concurrenceexacerbée sur nos marchés traditionnels qui offrentde moins en moins de possibilités d'expansion, nosfirmes exportatrices se verront contraintes de cher-cher de nouveaux débouchés et de réaliser sans douteune part croissante de leur chiffre d'affaires sur desmarchés du Tiers-Monde.

Or, les affaires avec les PVD ne se réalisent trèssouvent qu'après de longues négociations préalablesau niveau diplomatique. L'ouverture sur des marchésnouveaux — et, faut-il ajouter, sur des produits nou-veaux car il faudra ajuster notre offre aux besoinsspécifiques de ces marchés — nécessite par ailleursdes moyens financiers considérables. Du fait de laforte concurrence et des surcapacités qui régnentdans de nombreux secteurs, les clients ont, en effet,acquis une position de force qui leur permet de dicterdans une large mesure les conditions en matière decrédit. Pour remporter de tels marchés il ne suffitplus d'offrir un produit de haute qualité - le plan definancement des exportations revêt une importancecapitale. Conscient de la nécessité d'éviter que laconcurrence ne se fasse uniquement sur le coût dufinancement et au détriment des firmes luxembour-geoises, le Grand-Duché s'est doté au cours des der-nières années d'une panoplie très complète d'instru-ments de soutien.

Toute entreprise luxembourgeoise qui souhaite selancer sur le marché de la grande exportation peutdonc bénéficier d'un système d'aides efficace, com-parable à celui qui existe dans la plupart des pays in-dustrialisés. Le COPEL, la SNCI et l'Office duDUCROIRE ont fait leurs preuves et se complètentutilement; la loi autorisant le Gouvernement à con-sentir des prêts à des Etats ou organismes étrangers,votée par la Chambre des Députés le 4 décembre1981, contribuera à augmenter les chances de nos fir-mes sur les marchés du Tiers Monde, même si l'enve-loppe financière actuellement disponible s'avère en-core relativement insuffisante et devrait être renfor-cée par des dotations régulières au cours des années àvenir. Différentes possibilités sont en train d'être ex-plorées afin d'utiliser de la façon la plus rationnellece nouvel instrument et de maximiser les retombéeséconomiques pour le Luxembourg.

Il est évident que l'aide publique au financementdes exportations représente une charge considérablepour le budget de l'Etat. Mais j'estime que dans lasituation actuelle nous n'avons vraiment pas d'autrechoix; il vaut mieux nous donner les moyens d'êtreconcurrentiels sur les marchés extérieurs que de fi-nancer le chômage.

Cela ne veut pas dire, toutefois, qu'il faille présen-ter les ventes à l'étranger comme une panacée à tousles maux. Je le dis avec insistance: un produit qui nese vend pas ou plus sur le marché traditionnel (Bene-lux voire CEE) ne saurait, par le seul passage de la

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frontière, recouvrer ou découvrir une vitalité quel-conque. Il ne faut jamais perdre de vue que, si ellerapporte parfois, l'exportation est aussi un mode decommerce spécifique et onéreux. Les structures in-ternes de l'entreprise doivent lui être adaptées. End'autres termes: l'existence d'un système d'aide aufinancement des exportations ne suffira pas à lui seulà rendre compétitives des firmes qui ne le sont pas in-trinsèquement. Le Gouvernement ne peut et ne doitpas se substituer aux milieux des affaires en ce quiconcerne l'effort économique et commercial propre-ment dit; il peut par contre épauler cet effort et con-tribuer à créer les conditions propices à l'action del'entreprise.

Dans ce contexte, on peut constater avec regretl'absence au Luxembourg d'entreprises généralesayant l'envergure nécessaire pour assumer de grandsprojets en collaboration avec des entreprises de taillemoyenne.

D'autre part, les produits luxembourgeois sontsouvent mal adaptés aux besoins spécifiques des paysen voie de développement. L'intégration de sous-traitants luxembourgeois dans des projets étrangerssemble être l'une des voies offrant de nouvelleschances d'exportation. La société luxembourgeoisepour la coopération économique internationale Lux-Development, en étroite coordination avec le Minis-tère, explore actuellement les possibilités qui sont of-fertes dans cette direction; elle étudie par ailleurs lessecteurs où plusieurs firmes du pays disposent d'élé-ments complémentaires et pourraient mettre en com-mun leurs efforts.

Avant de conclure ce bref exposé sur notre com-merce extérieur je voudrais inviter nos entreprises àprendre conscience du fait que les temps de facilitésont révolus; dans la période actuelle marquée par lacrise et la récession, il faut faire preuve de dynamis-me, d'imagination et de savoir-faire, il faut être pré-paré à sortir des sentiers battus et à procéder auxréajustements indispensables.

Le Gouvernement a mis à la disposition des firmesluxembourgeoises un système très complet d'aidesfinancières aux exportations, il a noué de multiplesliens avec des pays étrangers en vue d'offrir aux en-treprises une introduction sur les marchés nouveaux,et il continuera dans cette voie. Mais il appartient enfin de compte aux opérateurs économiques de notrepays de tirer un maximum de bénéfice du cadre ainsitracé et de se montrer compétitifs sur les marchés in-ternationaux.

Coopération au développement

Après ces quelques considérations sur notre com-merce, je me propose maintenant d'aborder le cha-pitre de notre politique d'aide au développement.

La gravité de la crise qu'affrontent les pays indus-trialisés ne doit pas masquer l'ampleur des difficultéséconomiques et financières qui pèsent sur la plupartdes pays du Tiers Monde avec leur cortège de misèreet de détresse. Un effort sérieux d'aide au dévelop-pement s'impose de toute évidence, si le monde ne

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veut pas courir à la catastrophe: la faim et la pauvretésont sources de violence, de révoltes, de guerre. C'estaussi, faut-il le répéter, une simple question de mo-rale que de ne pas rester insensibles devant la misèrede tant d'êtres humains. En dépit de la crise, le Gou-vernement luxembourgeois est fermement décidé àintensifier les efforts qu'il a déjà consentis dans le do-maine de l'aide au développement.

Plus de la moitié des sommes versées en 1981 dansl'intérêt du développement du Tiers Monde l'ont étéau titre de l'aide multilatérale, notamment dans lecadre de la Communauté européenne qui s'efforced'être l'interlocuteur privilégié des PVD et de trou-ver des formules de coopération originales. Dans cecontexte je voudrais tout particulièrement attirervotre attention sur la nouvelle orientation de la poli-tique communautaire de lutte contre la faim et d'aideau développement; au lieu d'axer cette politique sur-tout sur la réalisation de projets individuels, elle vas'orienter dorénavant davantage vers l'appui de pro-grammes globaux, et notamment de stratégies ali-mentaires élaborées par les PVD.

Il faut regretter ici que l'impulsion aux négocia-tions globales dans le cadre du dialogue Nord-Sudqui semblait avoir été donnée au sommet de Cancun(octobre 81) n'ait pas eu les suites escomptées.

Sur le plan bilatéral, l'essentiel de notre effort a étéconsacré à des projets d'infrastructure sociale et sani-taire et à l'aide alimentaire. En raison de nos moyenslimités, tant sur le plan humain que sur le plan finan-cier, nous avons jugé préférable de concentrer nos ef-forts sur certains secteurs déterminés et dans unnombre restreint de pays.

Je voudrais enfin souligner l'importance du votepar cette Chambre de la loi relative à la coopérationau développement (statut du coopérant); je suis per-suadée qu'il s'agit-là d'un instrument précieux quinous permettra de jouer un rôle encore plus actif surle plan de la coopération au développement.

Conclusion

II y a un an, j'avais expliqué, chiffres et faits à l'ap-pui, l'extraordinaire et, en même temps, l'inévitableimbrication de notre pays dans le tissu des relationsinternationales, et la charge très lourde qui en dé-coule pour un appareil diplomatique réduit à sa plussimple expression et dont les effectifs ne sont plusguère suffisants pour faire face à nos obligations cou-rantes en temps normal.

Or, qui oserait affirmer que nous vivons en destemps normaux ? Nous vivons dans un monde où ledésordre général et les égoïsmes nationaux débridésrendent la défense des intérêts d'un petit pays de plusen plus difficile, voire problématique. Faut-il ajouterque dans de nombreux cas il s'agit pour nous de pro-blèmes vitaux pour la survie de notre communauténationale.

L'avenir de notre sidérurgie, la vitalité de la placefinancière, la question du siège, nos relations moné-taires avec la Belgique, les problèmes de RTL et deCattenom, nos efforts inlassables pour attirer des in-

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vestissements étrangers — pour ne nommer que lesplus essentiels — sont autant de problèmes qui, à desdegrés divers, présentent un important aspect de po-litique étrangère et qui de ce fait exigent d'être suivisde manière constante sur le plan diplomatique.

D'autre part il y a les relations diplomatiques bila-térales indispensables avec nos voisins et nos princi-paux partenaires ainsi qu'avec quelques très grandespuissances; enfin nous devons remplir convenable-ment notre rôle de partenaire à part entière dans lesCommunautés Européennes et l'OTAN, et, au ris-que de mettre en cause notre crédibilité d'Etat sou-verain et indépendant, assurer une contribution etune présence appropriées dans les principales organi-sations internationales.

A la fin de mon discours budgétaire de l'année pas-sée j'avais fait allusion au risque d'un blocage de no-tre appareil diplomatique qui était arrivé à la limitede ses possibilités. A la suite de la dégradation accé-lérée de la situation mondiale au cours des douzederniers mois et devant l'accumulation croissante desproblèmes où des intérêts nationaux considérablessont directement engagés, la cote d'alarme a été at-teinte plus vite que prévu. Malgré un personnel trèsqualifié et animé de la meilleure volonté, notre appa-reil diplomatique ne sera bientôt plus à même des'acquitter de la tâche qui est la sienne avec la céléri-té et le soin que requièrent ces problèmes générale-ment fort délicats. Il s'agit là d'une constatation réa-liste que je fais sans la moindre intention de dramati-ser inutilement la situation. En effet le travail diplo-matique ne peut pas attendre ou être renvoyé à plustard; les problèmes doivent obligatoirement être trai-tés au moment où ils se présentent. D'autre part c'estun travail minutieux, voire méticuleux, qui demandedes recherches, des vérifications, de la réflexion,donc du temps. Une hâte excessive et la précipitationne peuvent aller qu'au détriment de la qualité et doncde l'effet escompté. Avec les effectifs actuels ce tra-vail ne peut plus être fait de façon adéquate, autre-ment dit la défense de nos intérêts à l'étranger est enjeu. Si nous voulons éviter des dégâts majeurs il nousfaut donc augmenter ces effectifs; je pense à un mini-mum d'une demi-douzaine de postes à répartir entrela carrière diplomatique et la carrière administrative.Je m'empresse de souligner que dans mon esprit il nes'agit pas d'augmenter maintenant le nombre de nosmissions à l'étranger, mais de renforcer l'une oul'autre d'entre elles qui en a le plus besoin, et surtoutle Département qui ne peut plus absorber la massedes affaires.

Je sais qu'une telle proposition peut, à premièrevue, paraître insolite dans la situation économique etbudgétaire actuelle où l'esprit d'économie la plusstricte est de rigueur. Mais il faut se rendre à l'évi-dence. Il s'agit en l'occurence d'un effort absolumentindispensable, et d'un sacrifice qui n'est certainementpas exagéré si nous tenons compte de la place plus

que modeste que la dépense pour notre appareil di-plomatique occupe dans le budget global des dépen-ses de l'Etat.

J'invite la Chambre à scruter ces chiffres et à fairecette comparaison. Par ailleurs la mise en œuvre decette entreprise demande nécessairement un certaintemps, mais au plus tard en 1985, c'est-à-dire à laveille de notre prochaine présidence des Communau-tés Européennes, tout devrait être en place.

Personne ne met plus en doute l'importance fonda-mentale de notre politique étrangère pour la défensede nos intérêts. Au risque de compromettre ceux-ci,force nous est donc d'adapter l'instrument que cons-titue notre appareil diplomatique aux exigences con-traignantes d'une situation internationale changeanteet, toujours plus difficile.

Pour conclure, je rappellerai que j'ai, hélas, dûbrosser devant vous un tableau inquiétant de la situa-tion internationale. Je me rends compte que dans labouche d'un Ministre des Affaires Etrangères du Lu-xembourg une telle description risque de prendreune note d'autant plus alarmante, voire résignée, quenous n'avons qu'une influence relative et souvent dé-risoire sur le cours des événements. En effet, sur leplan mondial, notre action politique se poursuit tou-jours essentiellement à travers les canaux multilaté-raux, dans le cadre des grands ensembles, notam-ment les Communautés Européennes et l'OTAN, etbien entendu l'ONU; mais ce sont précisément lescarences ou le fonctionnement trop souvent défectu-eux de ces organismes qui sont à la base de nos diffi-cultés. Je ne veux nullement être pessimiste, mais ilfaut regarder la réalité en face.

Je vous ai également exposé les problèmes spécifi-quement luxembourgeois toujours plus nombreux etcomplexes et dont la solution est d'une importancecapitale pour l'avenir de notre pays. Aussi n'est-cepas un hasard si la partie de cet exposé consacrée à lapolitique économique est plus volumineuse que cellevouée aux activités plus strictement politiques etdiplomatiques. Ce faisant, je n'ai pas voulu minimiserces dernières — loin de là —, mais indiquer où se si-tuent l'essentiel de nos préoccupations et l'urgencede l'action.

En effet, si la situation est grave et les problèmessérieux, ce n'est pas une raison de perdre courage etde se résigner à l'inaction. Au contraire, le Gouver-nement est déterminé à continuer à agir et à réagir,évidemment dans la limite de ses moyens.

Dans le contexte que je viens de tracer, il importede réaffirmer le bien-fondé de nos politiques europé-enne et atlantique et des solidarités qu'elles compor-tent. Il convient d'œuvrer dans le respect des engage-ments consentis tout en exigeant la reconnaissancedes intérêts légitimes de notre pays. Au lieu de pleu-rer les occasions perdues, il me semble préférable devaloriser celles qui s'offrent à nous.

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Visite du Président du Gouvernement,Monsieur Pierre Werner, à Londres

Répondant à l'invitation de Madame MargaretThatcher, Premier Ministre de Grande-Bretagne, lePrésident du Gouvernement a fait une visite à Lon-dres les 26 et 27 octobre 1982, accompagné de Ma-dame Pierre Werner.

Durant son séjour à Londres, le Président du Gou-vernement a notamment eu des entretiens avec lePremier Ministre britannique, Madame MargaretThatcher, Sir Geoffrey Howe, Chancelier de l'Echi-quier, et le Gouverneur de la Banque d'Angleterre.Ces entretiens ont porté sur des questions d'ordrebilatéral, communautaire et international.

Monsieur et Madame Pierre Werner ont égale-ment été reçus en audience par Sa Majesté le Reine-Mère lors de leur visite à Londres.

Monsieur Pierre Werner a prononcé en outre undiscours à la tribune du Royal Institute for Interna-tional Affairs sur le projet suivant: «European Mo-netary Union — Why not ?»

Au cours de cette conférence, le Président du Gou-vernement, Monsieur Pierre Werner, a notammentexprimé le vœu que le sterling joigne aussi rapide-ment que possible le Système Monétaire Européen.Monsieur Werner estime en effet que l'intégration dusterling dans le Système Monétaire Européen confé-rerait un prestige renouvelé et substantiel au SystèmeMonétaire Européen.

Par ailleurs, un tel pas constituerait, selon Mon-sieur Werner, une contribution importante à la stabi-lisation et au renforcement des économies des paysmembres de la Communauté dans leurs relations mu-tuelles et particulièrement dans leurs relations avecles Etats-Unis.

Nous reproduisons ci-après le texte de la confé-rence dont le sujet était: «L'Union Monétaire Eur-opéenne — Pourquoi Pas ?»

The topic on which I am supposed to talk to youhas the special feature of untimeliness. I mean thatwhenever I happened to speak about or to lecture onwhat has become over the years nearly a standingpractice of mine, turned out so very often on themind of my hearers to be considered as unseason-able. And when I tried to convince them to let actionfollow acquired intellectual conviction, I got repea-tedly the sobering answer, that this was not the rightmoment, that things had not matured.

At the risk of raising in your mind the same que-stioning and doubts, I accepted once more the themeof my speech to be monetary integration. It mightseem presumptuous ! But I feel that from time to ti-me, it is appropriate to test the idea with respect tothe underlying current economic and political reali-ties.

Especially in a period of strain and turbulence inthe markets we are bound to measure the Europeaninfluence on the events and to scrutinize every possi-

bility of using with a stabilizing purpose the potentialeconomic strength of Europe.

The way of setting the accent on either of the twowords in my interrogative title, affords a natural divi-sion of my speech in two parts.

I shall first examine the «why not». I mean by thatthe reasons of the inherent difficulties of the pro-blem.

After this and switching the accent on the «not»,the «why not» question appears as a kind of chal-lenge to overcome these difficulties in view of a finalbetter order of things.

Some 13 years ago speaking of closer monetaryties inside the E.E.C. had become of actual interest.Suddenly the Governments of the Six became awareof the insufficient foresight and provisions of theTreaty of Rome in monetary matters. This insuffi-ciency was in sharp contrast with the ambitions andfar-reaching goals of the Treaty as far as the lifting oftrade restrictions between the member-states, thecommon trade policy towards third countries, theharmonization of economic and fiscal policies wereconcerned, not to speak of the constraints of the uni-fied price system for agricultural goods.

So far this weakness of the Community policy hadnot seriously emerged, because the reign of the Bret-ton Woods system of fixed parities supported also bythe «European Payments Union» drawn from theMarshall plan, afforded a decent stability of interna-tional monetary relations.

But the peace of Bretton Woods was drawing to itsend and the rulings of the International MonetaryFund, which were supposed to maintain orderly ex-change relations on a worldwide level were more andmore questioned.

Since 1967 the calm on the monetary front was dis-turbed.

The Governments of the Six felt that the growinginfatuation for floating exchange systems, could jeo-pardize their continuous efforts to fight discrimina-tory practices and fair dealings between the nationaleconomic systems, which were widely liberalized.

Of course the Treaty of Rome hat not completelyignored the eventuality of monetary disturbances andcrumbling national exchange systems. But its provi-sions actually intended more to shield individualmember-countries against the direct impact of distor-ting monetary practices, rather than to actively res-tore sound relationships, thus falling back from thefundamental liberalizing philosophy of the CommonMarket.

It is important however to stress that article 107 ofthe Treaty had practically recognized the existence ofa proper Community interest to be observed in sha-ping monetary policy.

As a matter of fact, the article reads that «Everymember-state handles its exchange-rate policy as a

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problem of common interest». The national interestought not to exert an absolute rule.

In December 1969, the heads of State or Govern-ments, meeting in the Hague asked the council of mi-nisters to work out in cooperation with the Commis-sion a scheme in view of the creation by stages of aneconomic and monetary union within the Commu-nity. On March 6 th, 1970, the Council of Ministersset up a special study group. As Prime Minister andMinister of Finance of Luxembourg, who had alreadysince years advocated monetary union, I was askedby the Council to preside over these studies givingthem by this way the desirable political touch.

My intention is not to recall to you the whole storyof the report to which my name has been linked. Letme only say that after six months of thorough investi-gations and cross examinations during which the mo-netarist and economist approach were often at grips,we issued a report responding accurately to the man-date given by the Hague Summit Meeting.

The purpose of the Governments had been to givethe Community a new start by a logical and gradualdevelopment of its aims and policies through thestructuring and coordinating power of common mo-netary policies and, on the final stage, of a CommonEuropean Currency System.

Hailed by the fervent militants for European inte-gration for its unfaltering description of the institu-tional aspects of a fully completed economic union,the same aspect made a lot of politicians raise eye-brows on what they considered as to bold a suprana-tional thrust.

Nevertheless in 1971 and 1972 the Council of Mi-nisters decided to go ahead for a first stage with abalanced economic and monetary program. On themonetary side, it initiated a mechanism keeping thefluctuations of the currencies of the member-stateswithin narrower margins than those applicable accor-ding to the articles of agreement of the IMF withthird currencies and especially the US dollar. This isthe birth of the so-called monetary snake, which inspite of its agitated and variable fate has had enoughvitality to lend still its model to the present EuropeanMonetary System.

The first stage of the scheme largely considered asan experimental three years phase without funda-mental institutional changes, was supposed to end inDecember 1973. It took a rather jolting course afterthe first six months. The year 1971 is marked as amatter of fact by deep going commotions in the inter-national monetary system due to the progressiveweakening of the Dollar.

In May 1971 the Deutschmark and the Dutch guil-der began to float against the Dollar, on August 15$,President Nixon suspended the convertibility in goldof the American currency, in December the Smithso-nian agreement devalued the Dollar by 7,89%. The-se and other events did not offer the calm back-ground needed for the first steps of the Six on theroad to monetary integration, although, as my con-viction was, they might have acted as a challenge and

provoked a jump in the reaction of the member-countries.

This leads me to the first «why» !What are, putting aside the cited episodes, the in-

herent difficulties of monetary integration ?The first of course is the strong attachment not on-

ly of the statesmen but also of the men in the street tothe sovereign right of issuing coins and other legaltenders under a national authority.

As far as the symbolic value of national coins andbanknotes is concerned, a monetary union does notnecessarily mean their abolition.

What is more fundamental is the handling of thenational currency system as a whole, the pulsation ofthe credit operations piled upon it, the movements ofthe money-stock in all its shapes.

The modern state has the means of creating, des-troying or reducing purchase power according to va-riable methods.

Without any doubt, a complete monetary unionentails a common control of the quantity of money. Itimplies especially a common approach to the fightagainst inflation.

These two requirements at first sight cut deeplyinto national policies. On the other hand budgetaryand generally fiscal policies are largely influenced bythe management of the national currency system. Acertain consensus on the way budgetary deficitsought to be financed would be necessary. As a matterof fact, if Finance Ministers with the help of theCommission, could be induced to agree on generalguidelines about the appropriate means of balancingnational budgets and setting limits to mere monetaryexpansion for budgetary reasons, harmonization ofpolicies would have made a major progress.

Harmonization of economic policies means alsoachieving a compromise between the economist ap-proach, which excludes a monetary set-up before theresults of a large cohesion on policies have becomeconspicuous and the monetarist approach, which isconvinced that the achievement of common policiesdepends largely on monetary incentives. May I recallin this respect the slogan Mister Jacques Rueff hadforged already in 1949 saying: «L'Europe se fera parla monnaie ou ne se fera pas». Which might be trans-lated into Shakespearian terms: «To be or not to befor Europe means to engage in or to abstain frommonetary union.»

Inflation and employment are nowadays the twomain matters of concern and anguish for Govern-ments and citizens. Their mutual interaction is a mat-ter of hot controversy between economists. Can thisdouble fight be waged at the same time with positiveresults ? That is one of the great themes of interna-tional discussion going on.

May I quote in this connection the opinion of aBritish Economist Mister David T. Llewellyn, whoadvocates in principle monetary union. He says:«The durability of any fixed exchange rate will be de-termined, in no small part, by the willingness of highinflation countries to accept the short run employ-ment costs of the necessary monetary adjustment !

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The long run results will be the more assured.This is of course a matter of strong political will,

inspired by an enlightened understanding of the mo-dern world's unity of fate.

Some institutional aspects proposed by the 1970report of economic and monetary union, have raisedmuch dust at that time. It had been underlined in thereport that monetary union involves efficient centersof decision-making on overall economic and moneta-ry policy. Later on the intellectual content of thisclaim was drowned somewhat in the concept of Eur-ope Union.

This aspect raises the whole problem of the ade-quacy and efficiency of the Community institutions,especially if we take into account a further enlarge-ment of the membership. So many handicaps canthey be overcome ? Is there any future in monetaryunion ?

Experience shows that the logic behind the aim ofa monetary order inside a Common Market, is sostrong, that it cannot constantly be eluded.

This was recognized by the European Councilmeeting at Bremen on July 7 th, 1978, when theHeads of Governments decided to launch a new Eur-opean Monetary System. Since March 1979, thissystem is working among a certain number of mem-ber-countries and in spite of heavy doubts at the out-set, it has been able to contribute to the stability ofthe economies of this group of countries. Based alsofundamentally on a permissible margin of fluctua-tions between exchange-rates, it shows some impro-vements with respect to the former «snake», puts theECU at the center of the system and affords conside-rable larger credit facilities within it.

It is not my purpose to describe this system whichas such constitutes a first stage in a more ambitiousscheme, leading to a European Monetary Fund withlarge powers in monetary policy.

It shows that the «why not» has already received alimited response.

The recrudescence of a monetary design was cer-tainly due to a shift of thinking flowing from actualexperience.

The incriminated loss of Sovereignty inferred bycommon action is no longer considered as standing inthe way.

The interdependance of the economies resultingfrom a non-discriminatory trade relationship, rein-forced by common policies, leads to a correspondinginterdependance of monetary policies. As eventsshow, the value of a currency, though determined bythe economic performance of the national economy,is largely dependent on the policy and behaviour notonly of the neighbour, but on the whole internationalenvironment.

Monetary sovereignty is no longer absolute, be-cause the free will of authorities is permanently over-run by indomitable events. Take for instance the con-tested influence of high interest rates in the U.S.A.on the growth of the European economies.

The pooling of sovereign rights in currency mattersis certainly not equivalent to their loss. Collective ac-

tion is on the contrary able to restore a great part of itfor every one.

On the other hand, the inflation issue has also pro-voked new insights. The so-called stagflation, whichprevailed for several years, shows that stagnation andinflation can coexist, and that the latter does not ne-cessarily beget full employment.

Harmonization of economic and budgetary poli-cies, though still not easy, has made some involuntaryprogress, as facts are stronger than Governments. Ifyou look around Europe, you will notice that recent-ly pratically all the Governments have drawn theirconclusions from the continued crisis situation andare practicing or trying to practice more rigorous po-licies. The result is that inflation rates have dropped.The general aim seems to get at least below 10%. Onthe other hand the European Monetary System cantolerate some discrepancy between inflation rates(perhaps 4—5%), as the exchange rate is influencedalso by other economical as well as political factors.

The feeling is increasing that a new pattern ofgrowth, after the current adjustements can only suc-ceed if, as well on a worldwide level as on the Eur-opean front, a greater stability and confidence clima-te can be developed.

In this respect we must admit that the EuropeanCommunity has not reached sufficient cohesionenabling it to supply a decisive contribution to a bet-ter worldwide economic and monetary order.

As such the Community is strong enough to createa European currency system capable of taking uponitself part of the burden of the prevailing reserve cur-rency, the U.S.A. Dollar. The competition betweentwo strong currency systems, will compel the UnitedStates as well as Europe to manage their currencieson stricter and more coordinated lines, externallyand internally, creating alternatives of stability fa-vourable to economic expansion throughout theworld. The real value of the dollar would not sufferfrom it. On the contrary, presently the rather unpa-ralleled reserve currency, tends to be rated too muchon political and speculative grounds.

On the whole the European countries by strength-ening their common monetary system can free them-selves from disturbing outer influences and at thesame time consolidate what has been so far the ac-quired achievement of the Common Market.

It is of course fundamentally a problem of politicalinsight and will.

I am aware now that I am pleading again, leavingmy neutral approach.

It may still be a long way to economic and mone-tary union.

It is therefore the more important to strengthenand complete the existing EMS.

Several lines of progress have been advocated andshould be followed.

In the short run we should:— improve the policy coordination towards the dol-

lar by setting up a FECOM - FED (Fonds Eur-opéen de Coopération Monétaire — Federal Re-serve System) swap credit line, giving more stabi-

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lity to the dollar vis-à-vis the European curren-cies.

— enlarge the role of the ECU (European CurrencyUnit) by dropping the existing acceptability limitson its use between central banks and by encoura-ging its private use. The private use has alreadybeen developed in recent months in fund raisingand bank accounts.

The Belgian Government has proposed on its sideto secure a better convergence among membercountries' economic performances, in particular bydevising and using a «divergence indicator» for infla-tion rates, which would indicate when inflation oughtto be halted by appropriate policies.

In the longer run the FECOM created in 1973should be converted into a European MonetaryFund.

When discussing the strengthening of the EMS,one cannot escape the problem of the Pound Ster-ling.

May I recall that the United Kingdom has appro-ved in 1978 the Foundation of the EMS. The poundsterling is one of the currencies of the basket formingthe ECU. But the British Government did not consi-der in 1978 that the economic conditions in the coun-try were such that it could immediately join the inter-vention mechanism.

Now, many things have changed since 1978. Forinstance, the reduction of the inflation rate has beenspectacular since then.

Much of what has been said of the advantages ofmonetary cooperation applies of course also to GreatBritain.

I know very well that joining the EMS means sol-ving delicate problems of appropriate conditions andsetting the rate.

But I can only express the wish that sterling jointhe system as soon as possible under appropriate con-ditions. Much of which I said of the possible prestigeof a european currency system, depends on this im-portant step.

Perhaps some of you will consider that also thisproposal is untimely as other desirable steps mentio-ned in my speech.

But why should we not think about the whole andponder how and under what conditions the untimelycould be made timely.

I must repeat however that the full benefit of mo-netary union can only be expected if the Communityon the whole takes conscience of the present dangersconsisting of a return to protectionism and adultera-tion of the Common Market's goals and principles.

Perspectives et limites du commerce extérieur luxembourgeoisDiscours de Madame Colette Flesch, Vice-Président du Gouvernement, Ministre des Affaires

étrangères et du Commerce extérieur, devant la Fédération des Jeunes Dirigeantsd'Entreprises de Luxembourg, le 13 octobre 1982

Permettez-moi de vous remercier de me donnerl'occasion de venir traiter devant vous des perspec-tives et des limites du commerce extérieur luxem-bourgeois.

En effet, si les questions commerciales sont aucœur même des préoccupations de la Communautéinternationale elles revêtent pour une économie aussiouverte et tournée vers l'extérieur que la nôtre, uneimportance toute particulière.

Je me réjouis de pouvoir aborder ces questionsdevant l'Assemblée générale ordinaire de la Fédéra-tion des Jeunes Dirigeants d'Entreprises luxembour-geoises. De par le dynamisme dont vous faites preuveet les responsabilités que vous êtes appelés à assumerdans l'économie luxembourgeoise, vous êtes particu-lièrement bien placés pour contribuer, par vos effortsde réflexion et d'imagination à la solution des sérieu-ses difficultés que nous rencontrons aujourd'hui.

Avant de me pencher sur les problèmes spécifiquesluxembourgeois, je souhaiterais formuler quelquesobservations générales sur la situation du commerceinternational. En effet, il me semble nécessaire de

placer les problèmes luxembourgeois dans une pers-pective globale, celle de la détérioration générale dela situation économique internationale.

Je ne reviendrai pas longuement sur les effets de lacrise économique qui frappe les pays développés de-puis près de 10 ans: inflation, chômage, déficits bud-gétaires, difficultés de balance des paiements, crisedu système financier international.

Il était inévitable que ces tensions se répercutentsur le commerce international en provoquant d'unepart, une stagnation des flux commerciaux et d'autrepart, une montée inquiétante du protectionnisme.

Stagnation:Alors que le commerce mondial avait progressé ré-

gulièrement en volume et en valeur jusqu'au débutde cette décennie, il est en stagnation depuis troisans.

Le ralentissement de la croissance de la demandeinterne et de la demande mondiale, ainsi que l'affai-blissement de la capacité financière des acheteurs onteu pour résultat que l'offre effective ou potentielle debiens dépasse largement la demande et que donc la

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concurrence entre les fournisseurs est devenue parti-culièrement dure.

Autant la concurrence peut être saine lorsque lesrègles du jeu sont respectées, autant elle peut avoirdes effets négatifs lorsqu'elle est poussée à l'extrêmeou pire, lorsqu'elle est faussée.

C'est malheureusement ce deuxième type de con-currence que nous connaissons aujourd'hui.1. Les règles du jeu sont faussées lorsqu'on restreint

artificiellement l'accès des marchandises étran-gères au marché national pour réserver aux pro-ducteurs nationaux la principale part de ce mar-ché. Face à la forte poussée du protectionnisme,on peut exprimer des craintes sérieuses quant ànotre capacité de préserver l'un des principauxacquis du monde d'après guerre: un système delibre-échange fondé sur le respect des règles et desprincipes défendus par le GATT.

2. Les règles sont faussées également lorsque des en-treprises trop faibles pour affronter seules la con-currence des plus efficients bénéficient de subven-tions ou d'autres aides pour améliorer leur posi-tion concurrentielle.L'exacerbation de la concurrence entre les pays in-

dustrialisés et notamment entre les 3 grandes puis-sances commerciales, CEE, Etats-Unis, Japon, n'apas seulement des effets nuisibles sur les protago-nistes eux-mêmes. En effet, nos différends affectentégalement le reste du monde et notamment les plusfaibles de nos partenaires, les pays en voie de déve-loppement.

Nous fermons nos frontières à certains produits deces pays et les privons donc de recettes d'exportationsi nécessaires pour assurer leur démarrage économi-que.

Nous reportons notre rivalité économique sur lesmarchés tiers en nous livrant une concurrence trèsdure pour la réalisation de grands projets qui sontsouvent pour nos industries la seule chance d'écoulerleur production.

Si tous les pays industrialisés sont soumis à cesmêmes contraintes externes, quelles sont les difficul-tés propres de l'économie luxembourgeoise et lescontraintes internes de notre commerce extérieur ?

Le symptôme le plus alarmant est certainement lesolde négatif de la balance commerciale qui atteinten 1981, 22 milliards de francs, soit le quart de la va-leur de nos exportations (88,6 mia). Inquiétant, cedéficit l'est non seulement par son envergure, maiségalement par sa durée, la tendance négative n'ayantpas cessé de se confirmer depuis 1975.

L'évolution de l'année en cours ne permet pasd'envisager des perspectives plus réjouissantes.

Malgré le bénéfice initial de la dévaluation du 20février 1982, la demande extérieure reste trop faiblepour donner une réelle impulsion à nos exportations,tandis que nos achats à l'étranger ont contribué àaugmenter notamment en raison du renchérissementd'un grand nombre de produits entrant dans la con-sommation intermédiaire des entreprises et la con-sommation finale des ménages. Je citerai égalementl'augmentation de notre facture pétrolière qui s'est

élevée à 9,2 milliards en 1981 contre 7,7 milliards en1980, malgré un recul en volume des approvisionne-ments à l'étranger en produits pétroliers.

L'aggravation du déficit de la balance commerciales'explique par une quasi-stagnation de nos exporta-tions et par une progression assez soutenue de nosimportations.

Etant donné notre dépendance de l'étranger enmatière d'importations une résorption du déficitcommercial est donc principalement liée à une stimu-lation des exportations.

Deux causes principales au déséquilibre actuel denotre balance commerciale vu sous l'angle des expor-tations peuvent être identifiées:

— la composition de nos exportations— la structure géographique de notre commerce ex-

térieur.Notre déficit commercial tient principalement au

déclin de notre industrie sidérurgique. Si en 1974,dernière année avant la crise, 67,4% de nos expor-tations étaient composées de produits sidérurgiques,ce pourcentage n'était plus en 1981 que de 52,8%.En volume, les expéditions totales de produits lami-nés ont régressé de 8% en 1981 par rapport à l'annéeprécédente.

Pour ce qui est de la structure géographique de no-tre commerce extérieur, plus de 90% de nos produitsexportés sont expédiés vers les pays occidentaux, laCEE représentant à elle seule environ 75%. Cesmarchés en régression n'offrent plus pour nos pro-duits, en particulier ceux provenant de l'industrie si-dérurgique, de grandes possibilités d'expansion.Nous assistons en effet, au plan communautaire à uncontingentement de la production et de la livraisondes produits laminés, tandis que dans les relations dela Communauté avec les Etats-Unis, les livraisonseuropéennes d'acier constituent une importantesource de conflit de plus. Un arrangement durablesur cette question devra nécessairement passer quepar une autolimitation des exportations de la Com-munauté, et ainsi nous ne pourrons plus à l'avenircompter sur une augmentation comparable à celleenregistrée l'année dernière qui s'était élevée à 30%.

La stagnation de nos exportations vers nos mar-chés traditionnels devrait nous amener à nous de-mander si le moment n'est pas venu de réorienter lastructure de notre commerce extérieur et donc ausside notre production. Ainsi, pour ne citer qu'un seulexemple, le poids de la facture pétrolière qui ne cessede s'alourdir devrait nous inciter, à l'image d'autrespays industrialisés, à accroître nos exportations versles pays producteurs de pétrole pour nous permettrede rétablir un tant soit peu, le déséquilibre commer-cial.

De ces quelques remarques sur la composition et lastructure de notre commerce extérieur, nous de-vrions pouvoir tirer au moins deux enseignements. Ilnous faut, en premier lieu, diversifier nos produitsd'exportation et, en deuxième lieu, trouver de nou-veaux débouchés.

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1. La diversification

La diversification de notre palette de produitsd'exportations va de pair avec la diversification denotre tissu industriel.

Sans pour autant négliger l'apport encore considé-rable de l'industrie sidérurgique, nous ne pouvonsplus comme par le passé, nous appuyer uniquementsur ce secteur. Outre le processus de restructurationde l'industrie sidérurgique nous devons continuer leprocessus de diversification de notre économie et en-courager toute entreprise nouvelle, luxembourgeoiseou étrangère qui souhaite développer ou renforcerses activités au Luxembourg. Ceci vaut pour le sec-teur secondaire et tertiaire.

2. Trouver de nouveaux débouchés

Face au développement de nos marchés tradition-nels, nos entreprises doivent se tourner vers de nou-veaux marchés, ceux qui dans la structure géogra-phique de notre commerce extérieur ne reçoivent àl'heure actuelle pas même 10% de nos exportations.Ce sont en grande majorité les pays en voie de déve-loppement qui ont des possibilités de croissance et unsérieux besoin en technologie occidentale.

Dans les conditions de concurrence qui régnent ac-tuellement entre les pays occidentaux pour la con-quête de ces nouveaux marchés, il est devenu indis-pensable de faire bénéficier nos entreprises de toutesles facilités de financement disponibles dans les au-tres pays engagés dans la course. La condition néces-saire pour remporter une affaire d'envergure, c'estsouvent le financement, le client cherchant d'abord ànégocier le crédit avant même de considérer les au-tres composantes de l'offre.

Nous pouvons désormais offrir à nos exportateursune panoplie d'aides efficaces qui leur permettentd'affronter dans de meilleures conditions la concur-rence internationale.

Il s'agit des crédits à l'exportation gérés par laSNCI, des bonifications d'intérêts du Copel, de l'as-surance-Ducroire et plus récemment des créditsd'Etat à Etat.

Il serait cependant faux de croire que le finance-ment est une panacée permettant dans tous les cas deréussir sur le marché de la grande exportation. Nosentreprises sont confrontées à un certain nombre deproblèmes spécifiques auxquels elles ne sont pas ha-bituées mais qu'il leur faudra résoudre:1. Un produit qui n'est pas compétitif du point de

vue de la qualité ou du prix sur le marché nationalaura peu de chance d'être bien accueilli par lespays en voie de développement. Il en va de mêmepour des produits qui ne sont pas adaptés aux be-soins spécifiques de ces pays.

2. Pour un certain nombre de firmes, l'exportationest une voie nouvelle. Les conditions climatiques,les méthodes de travail, les habitudes commercia-les sont différentes sur ces marchés lointains.

3. La dimension de nos entreprises les empêchent des'attaquer aux projets souvent intégrés et ambi-tieux des pays en voie de développement.

L'expérience de ces dernières permet toutefois dedégager d'ores et déjà quelques solutions à ces pro-blèmes.

1. Si la dimension de la plupart de nos entreprises neleur permet pas de s'attaquer seules à des projetsd'envergure, elles ont tout intérêt à mettre leursefforts en commun. Diverses tentatives devrontencore être faites dans ce sens et devraient être en-couragées. A l'une ou l'autre exception près l'éco-nomie luxembourgeoise ne dispose,, hélas, pas en-core, d'entreprises générales capables de prendreen charge la conception, l'encadrement, la gestionet la coordination de ces grands projets.

2. En l'absence d'une entreprise générale nationalel'incorporation de sous-traitants luxembourgeoisdans des projets étrangers pourrait offrir des pers-pectives intéressantes en matière d'exportations.

3. Plutôt que de disperser nos efforts sur un tropgrand nombre de pays, il semble préférable denous concerter sur certains pays particuliers. Unecampagne de promotion commerciale concertée,le cas échéant menée avec le concours du Gouver-nement, peut dans certains cas donner à nos entre-prises, la carte de visite qui leur permettra par lasuite de créer de nouveaux flux commerciaux. Unetelle campagne comprend des visites officielles,une représentation dans les foires commerciales,et surtout une présence continue de nos exporta-tions dans le pays en question. Je citerai à cetégard, l'exemple de l'Algérie, pays avec lequel noséchanges ont considérablement augmenté.

4. Pour terminer, je dirai qu'un effort sérieux d'infor-mation doit être engagé pour permettre à nos en-treprises de se familiariser avec les pratiques del'exportation. Le Ministère du Commerce Exté-rieur, la Chambre de Commerce et Lux-Develop-ment disposent des structures permettant d'assis-ter nos exportateurs que je voudrais encourager àrecourir aux services de ces organismes.

A des problèmes nouveaux, nous devons trouverdes solutions nouvelles. La prépondérance de l'in-dustrie sidérurgique dans l'économie luxembour-geoise a longtemps permis de préserver la santé denotre commerce extérieur. Pour nous permettre d'af-fronter les difficultés actuelles, nous devons explorertoutes les voies possibles.

Dans les conditions actuelles des marchés d'expor-tation les autorités publiques doivent épauler l'effortdes entreprises et contribuer à créer les conditionspropices au succès de l'entreprise. C'est pourquoinous avons prévu un certain nombre de mesuresd'accompagnement qui devraient permettre à nosentreprises d'affronter la concurrence internationale.Mais il n'appartient pas au Gouvernement de sesubstituer aux milieux d'affaires. Il revient en fin decompte aux exportateurs de se montrer compétitifssur les marchés extérieurs et de faire preuve de l'ima-gination et des initiatives nécessaires.

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Les relations entre les Etats-Unis et l'Europe face à la criseéconomique

Discours de Madame Colette Flesch, Vice-Président du Gouvernement, Ministre des Affairesétrangères, à l'American and Common Market Club à Bruxelles, le 20 octobre 1982

L'ACMC constitue par définition une associations'intéressant de près aux problèmes communautaires.Aussi voudrais-je ne pas négliger l'importance duprocessus d'unification européenne pour les relationsinter-atlantiques.

Toutefois je pense qu'il est indispensable d'exami-ner d'abord les principes de base qui semblent inspi-rer les Etats-Unis dans leur politique européenne,afin de déterminer les effets de celle-ci sur l'Europeen proie à la crise économique mondiale.

En ce moment, les relations des Etats-Unis avecles Etats de l'Europe occidentale semblent avoir at-teint, sinon le point de rupture, du moins un seuil cri-tique. En effet, les Etats-Unis donnent la très netteimpression de vouloir diriger l'avenir des relationséconomiques et politiques entre les deux continents,suivant leurs conceptions. Outre le fait qu'une telleévolution doit nécessairement, et à priori, provoquerde la part des Européens une réaction négative, unetelle attitude pose le problème de l'orientation fon-damentale de la politique étrangère américaine.

A la fin de la seconde guerre mondiale, les Etats-Unis ont entrepris de tirer les conséquences de l'im-portance nouvelle de l'Union Soviétique sur la scèneeuropéenne.

Ayant compris la nécessité d'une politique d'équi-libre vis-à-vis de l'autre super-puissance, ils ont en-trepris de contribuer à stabiliser durablement lesEtats de l'Europe occidentale au moyen notammentd'une relation structurée de ces Etats entre eux et desEtats-Unis avec ceux-ci.

Ainsi, la finalité initiale de cette relation n'était pasuniquement le développement harmonieux du mon-de démocratique, mais aussi l'élaboration d'une poli-tique de défense pour se prémunir contre l'expan-sionnisme de l'Union Soviétique.

Cette politique de défense occidentale pouvait seconcevoir au départ de deux manières différentes: lebut pouvait être de maintenir tout simplement l'équi-libre existant, c'est-à-dire l'équilibre de Yalta, mal-gré ses défauts et lacunes; il pouvait être encore la re-cherche d'une plus large application des libertés dé-mocratiques, ce qui ne pouvait revenir qu'à amenerl'Union Soviétique à changer de nature.

La stabilité politique étant l'objectif recherchéprioritairement, la première solution devait nécessai-rement l'emporter, même si pour des considérationstactiques la deuxième voie ne fut jamais entièrementabandonnée.

Cette politique, qui reste toujours d'application,s'appuie sur deux piliers principaux: au plan mili-taire, sur l'Alliance Atlantique, au sein de laquelleles Etats-Unis constituent le partenaire prédominant

et, au plan économique et politique, sur le processusd'unification européenne, qui bénéficiait dès l'ori-gine du plein appui américain.

Inspirée par la nécessité de réagir contre un facteurextérieur, l'attitude des Etats-Unis vis-à-vis de l'Eu-rope répondait notamment à des impératifs propres àla sécurité des Etats-Unis, qui ne pouvaient ni tolé-rer, ni supporter, l'apparition d'une Europe mar-xiste-léniniste.

Par ailleurs, cependant, il ne faut pas négliger lefait que si les intérêts européeps et américains se con-fondent largement en matière de sécurité, tel n'estpas forcément le cas dans d'autres domaines, et no-tamment dans le domaine économique.

Les relations des Etats-Unis avec l'Europe sontcertainement marquées au départ par l'hypothèquesoviétique. Tel a été le cas en 1948, dans les annéescinquante, c'est encore le cas en 1979, lors de la déci-son de l'Alliance Atlantique sur l'installation de mis-siles de portée intermédiaire en Europe et sur l'ou-verture de négociations avec l'Union Soviétique. Telest toujours le cas en 1982, après l'invasion enAfghanistan et le coup d'Etat militaire en Pologne.

Intéressés à la stabilité de l'Europe, les Américainsne le sont à sa prospérité que pour autant que les me-naces pesant sur celle-ci remettent en cause sa stabi-lité politique ou économique.

Cette constatation, pour brutale qu'elle puisse pa-raître, me semble toutefois normale dans une rela-tion saine entre Etats indépendants. En effet, toutcomme les Etats-Unis ne sont pas prêts à assumer lesresponsabilités propres à l'Europe, celle-ci ne sauraitaccepter que son sort dépende du bon vouloir desEtats-Unis, non seulement en matière de sécurité,mais également sur le plan économique et social.

S'il est donc certes justifié de dire que les Améri-cains ne sont pas corvéables à merci par les Europé-ens, nous avons pour notre part le droit, et sans douteaussi le devoir, eu égard à l'impératif de sécuritécommun, de nous demander si l'approche américaineactuelle vis-à-vis de l'Europe occidentale rencontrebien son but, c'est-à-dire si elle contribue à stabiliserl'Europe. Si tel ne devait pas être le cas, l'Europepourrait se poser la question si l'orientation fonda-mentale de la politique européenne de l'Amériqueest en train de changer.

Je ne voudrais pas traiter ce soir des question stric-tement du domaine de la défense. Un tel sujet neprésente qu'un intérêt indirect pour des spécialistesde l'Union Economique Européenne. En outre, il mesemble que l'essentiel des différends actuels entre lesEtats-Unis et l'Europe se situent non dans le do-

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maine stratégique ou militaire, mais dans le domaineéconomique.

En conséquence, il faut se demander si l'approcheaméricaine dans le domaine économique est de na-ture à affermir ou, au contraire, à affaiblir la stabilitéen Europe.

Elle comporte un premier volet se rattachant à lapolitique de sécurité et un second concernant la sau-vegarde des intérêts économiques américains vis-à-vis des Européens.

Qu'en est-il du premier volet ?.A la suite de l'invasion soviétique en Afghanistan,

qui a fait de cet Etat un nouveau satellite soviétique,et depuis le début de la répression militaire en Po-logne, l'Administration américaine a décidé, en ac-cord avec ses partenaires de l'Alliance Atlantique,qu'il était temps de faire comprendre à l'Union So-viétique qu'il lui fallait mettre un terme à sa fuite enavant. C'est grâce à l'engagement américain quel'Alliance Atlantique a renforcé sa détermination àrétablir l'équilibre nucléaire en Europe, les Etats-Unis ont encore entrepris de persuader leurs parte-naires européens de diminuer leurs liens économi-ques avec l'Union Soviétique, dans le domaine finan-cier, technologique et énergétique, tout en mainte-nant - je le souligne en passant - la dépendance ali-mentaire de l'U.R.S.S. vis-à-vis d'eux-mêmes. A lasuite des conversations de La Sapinière au Canada,récemment, des contacts ayant pour objectif de met-tre en œuvre cette restructuration doivent débuter àWashington, dans les semaines à venir, entre les re-présentants des pays dits «du Sommet Economique»,la Présidence et la Commission des Communautés.

L'issue de ces conversations sera très importante,alors qu'elle conditionnera la cohésion interne del'Alliance Atlantique pour l'avenir à court, voire àmoyenterme.

Il serait certainement excessif d'espérer qu'une po-litique économique restrictive à l'égard de l'URSSpuisse amener cet Etat totalitaire aux dimensionscontinentales et largement autarcique sur le planéconomique à changer fondamentalement de poli-tique. Tout au plus peut-on envisager un ralentisse-ment de son développement intérieur et une plusgrande prudence dans son action extérieure.

Un tel ralentissement et une prudence accruepeuvent indéniablement avoir un effet bénéfique surla stabilité en Europe, en diminuant d'autant la me-nace d'une action de l'URSS en Europe occidentale.

L'enjeu ainsi dégagé correspond-il cependant auxdésagréments inhérents à cette politique ?

Il nous faut constater que les liens économiquesavec l'Est revêtent désormais une importance cer-taine pour les Européens de l'Ouest, alors que leuréconomie se trouve plongée dans la plus grande crisequ'elle ait connue depuis les années trente. Certes,l'impact'des mesures envisagées par les Américainsn'est pas décisif, mais renoncer à traiter des affairesavec l'Est européen constitue une décision impor-tante sur le plan de la politique économique alors quedes emplois sont menacés.

Si l'étendue de ce sacrifice n'est sans doute guèrede nature à infléchir la détermination européenne àtrouver un accord avec les Etats-Unis sur une poli-tique commune face à l'Est, il n'en reste pas moinsqu'une présentation unilatérale de cette politique parles Américains ne peut avoir que des effets malen-contreux, et place les Européens dans une situationdifficile. Ainsi le caractère rétroactif et extraterrito-rial des mesures prises par l'Administration améri-caine pour gêner la construction du gazoduc sibérienvers l'Europe de l'Ouest, sans rien empêcher, a eupour résultat de diviser ouvertement le camp occi-dental.

Il est certain que les mesures de sécurité à carac-tère économique constituent pour le moins une armedifficile, ne pouvant être maniée que de façon limitéeet avec beaucoup de sensibilité. La consultation et lacoopération inter-Atlantiques sont d'autant plus né-cessaires dans ce domaine que des actions unilatéra-les, loin de rassembler les alliés, sont susceptibles aucontraire de les séparer, voire de les rapprocher invo-lontairement de ceux dont à l'origine on voulait leséloigner.

En conséquence, une telle politique de sécurité àcaractère économique, sans la compromettre sansdoute, ne contribue pas de manière claire et détermi-nante à renforcer la stabilité intérieure de l'Europe.

Qu'en est-il du deuxième volet: quelle est l'atti-tude des Etats-Unis sur le plan des relations stricte-ment économiques ?

Elle semble tout à fait claire; les Américainsrestent de façon générale attachés aux principes de laconcurrence et, s'ils ont intérêt à stabiliser l'Europe,c'est certainement aussi parce qu'ils entendent fairedes affaires avec les Européens disposant d'une éco-nomie saine.

Ce souci ne peut être que légitime aux yeux desEuropéens eux-mêmes, alors que ceux-ci prônent laliberté des échanges.

Cependant, dans de nombreux domaines, des dif-férences d'intérêt sensibles existent entre Américainset Européens, et les intérêts économiques particu-liers empêchent parfois le libre jeu de la concurrence.L'agriculture constitue ainsi une pomme de discordedéjà ancienne. La politique monétaire américainefait encore et toujours l'objet d'attaques virulentesdes Européens, qui considèrent que celle-ci est tropsouvent orientée de manière à maintenir les écono-mies européennes dans une situation de dépendance.Les Américains ne peuvent accepter le déclin de leurindustrie sidérurgique que dans la mesure où il s'ac-compagne d'une diminution, voire d'une suppressiondes ventes d'acier européen en Amérique, et j'enpasse . . .

En fin de compte, les Européens ont souvent l'im-pression qu'ils sont sollicités de jouer pleinement lejeu du libéralisme économique lorsqu'ils se trouventen situation d'infériorité, sans toutefois pouvoir enréciproque en tirer les bénéfices lorsqu'ils sont enposition de force, en raison de la virulence améri-caine dans la défense des intérêts économiquesd'Outre-Atlantique.

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Il en résulte un climat de mauvaise entente et deprocès d'intention qui n'aboutit malheureusementqu'à raviver les rancunes, sans pour autant apporterde solution à la crise.

Dans ce contexte, il faut espérer qu'il sera possibled'éviter de faire de la prochaine réunion ministérielledu GATT le théâtre de discussions inutilement sté-riles, en l'absence de propositions réalistes de natureà combattre la crise.

En effet, la stabilité interne de l'Europe pourrait setrouver sérieusement menacée par les effets de lacrise, et notamment par le chômage.

Comme vous le savez, le taux de chômage, à l'inté-rieur de la Communauté Economique Européenne,approche désormais les 10% et le nombre total dechômeurs dépasse les 10 millions, les jeunes et lesfemmes étant les catégories les plus frappées.

Il faut craindre voir ainsi se développer une nou-velle classe sociale, celle des oisifs forcés. Cette mar-ginalisation de couches entières de la population nesemble pas devoir être de courte durée, mais au con-traire durable, voire permanente. Cette situationfrustrante provoquera dépression chez les uns, ré-volte chez d'autres. Le chômage des jeunes pourraitmême se révéler être à l'origine de développementspouvant aller jusqu'à compromettre le fonctionne-ment démocratique de nos sociétés. De nombreusesvilles européennes connaissent les bandes de jeunesvandales qui prônent la violence gratuite. D'autressuccombent aux tentations de la drogue ou de l'al-cool. D'autres, enfin, entreprennent des actions àconnotation politique: les squatters, ou encore les«verts», c'est-à-dire les écologistes. Ces groupes re-fusent désormais de se conformer et de s'intégrerdans un système économique et politique incapablede leur offrir un avenir.

De toute évidence, ces jeunes n'ont plus de rela-tion avec le système politique traditionnel, et il n'estpoint étonnant de voir se répandre parmi eux cer-tains thèmes de propagande marxiste, notamment ence qui concerne le désarmement.

En République Fédérale d'Allemagne, le phéno-mène a pris une ampleur telle que le fonctionnementdu système politique s'en trouve menacé dès à pré-sent.

La croissance continue du chômage constitue ainsi,à terme, une menace très sérieuse contre la stabilitéinterne de l'Europe.

Le problème du chômage est, certes, égalementbien connu aux Etats-Unis, mais l'expérience sembleprouver que les conséquences politiques en sont pluslourdes en Europe, étant donné la configuration poli-tique des Etats européens.

Réagir contre cette menace constitue un devoir quiincombe au premier chef aux Européens.

Ceux-ci doivent ainsi réfléchir à leur propre aveniret éviter de sombrer dans le fatalisme et la résigna-tion. Pourtant, actuellement, l'impression prévautque le fatalisme est le plus fort.

Que doivent faire les Européens pour réagir effica-cement contre les menaces qui pèsent sur la stabilité

interne de leurs Etats, et que peuvent faire les Etats-Unis pour les soutenir dans cette entreprise.

Au plan économique, il nous faut d'abord dégagerune véritable alternative au marasme actuel. A ceteffet, nous devons donner priorité à l'imagination etau risque calculé, plutôt qu'aux égoïsmes nationauxinspirés par le désir de sécurité générateur de conser-vatisme. Le manque d'idées et d'engagement se trou-ve sans doute à la base du retard européen dans la re-cherche et dans la transposition de nouvelles techno-logies en nouveaux produits, accentuant ainsi les ef-fets d'une crise, par ailleurs largement provoquée pardes facteurs extérieurs à l'Europe.

Ensuite, il nous faut retrouver une unité dans l'ac-tion. En effet, l'expérience prouve qu'une approchenationaliste et protectionniste est bien trop limitéepour pouvoir réussir et qu'elle a, en fin de compte,des effets contre-productifs désastreux. Par ailleurs,l'Europe ne peut compter sur la compréhension desEtats-Unis que dans la mesure où ceux-ci peuventtraiter avec une unité cohérente et non avec une mul-titude d'interlocuteurs divergents entre eux.

Personnellement, je suis fermement convaincueque seuls des progrès dans l'unification européennepeuvent nous aider à l'avenir. Malheureusement, jedois avouer que c'est une voie que les Européens nepratiquent pas assez assidûment. De ce fait, ils ne sedonnent pas les moyens de réussir.

Quel peut être le rôle dévolu aux Etats-Unis dansce contexte ?

Une première et facile réaction pourrait être dedire: En quoi la décadence européenne nous concer-ne-t-elle ? Pourquoi nous adresser à la Communautéen tant que telle ? N'est-il pas plus intéressant denous adresser aux Etats membres individuellement,pour tirer profit de leurs divergences et les affaiblirde ce fait ?

Une telle approche irait diamétralement à ('en-contre de l'objectif de la politique européenne desEtats-Unis de l'après-guerre qui consiste, nousl'avons vu, à raffermir la stabilité économique et po-litique de l'Europe.

Il serait en effet excessivement dangereux de céderà la tentation que peut nous suggérer la crise écono-mique de se replier sur soi-même et de négliger lasolidarité indéniable existant toujours entre lesEtats-Unis et l'Europe.

Cette solidarité doit faire l'objet de tous nos soins,au sein de l'Alliance Atlantique, au sein de l'OCDE,au sein du GATT, au sein des Nations-Unies.

Mais la solidarité ne suffira pas. Il faut aller plusloin et engager un processus qui, menant de la réfle-xion à l'action, permettra de mettre en application,de part et d'autre, un plan pour adapter nos écono-mies et pour nous permettre de vivre avec la crise.

Un tel plan devrait avoir pour objet la restructura-tion des mécanismes de notre économie, pour l'adap-ter à la disparition progressive des industries tradi-tionnellement tributaires d'une main d'œuvre peuqualifiée et à bon marché, à l'apparition de nouvellestechnologies et de nouveaux besoins et au réaména-gement du temps de travail.

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Un tel effort, qui toucherait certainement profon-dément l'organisation des rapports entre patrons etsalariés, ne peut être laissé au développement spon-tané de l'économie, car les soubresauts sociaux, quine manqueront pas de se produire, risquent de com-promettre la stabilité de l'Europe, comme aussi, dansune moindre mesure, celle de l'Amérique.

Aussi, un effort de conception et d'organisationcommun est-il nécessaire. .

L'Europe doit la première se décider à aller danscette voie. J'espère que l'Amérique voudra l'y en-courager et la soutenir dans son action.

Permettez-moi aussi d'affirmer que l'approcheéconomique des Etat-Unis vis-à-vis de l'Europe est,de façon inéluctable, liée à des considérations poli-tiques. Intéressés à la stabilité intérieure de l'Europe,les Etats-Unis ne peuvent adopter ni une attitude né-gative, ou se limitant à réagir contre les menaces ex-térieures, ni une attitude indifférente ou égoïste. Demême, les Européens ne peuvent se désintéresser dece qui se passe aux Etats-Unis, ni refuser de com-

prendre les problèmes auxquels l'Administrationaméricaine est confrontée.

En ce moment, la tâche des responsables améri-cains et européens ne peut être que de travailler à lamise au point de cette attitude positive, certainementdéfaillante à l'heure actuelle.

Si l'avenir proche devait démontrer que l'Adminis-tration américaine considère comme inutile et irréali-ste, voire injustifiée, une telle approche, alors, il mesemble, qu'inévitablement les Européens seraientamenés à s'interroger sur la finalité de l'actuelle poli-tique américaine.

En conclusion, permettez-moi donc d'exprimermon inquiétude quant à la détérioration des relationsaméricano-européennes. Nous ne savons pas encores'il s'agit là d'un épiphénomène ou d'une lame defond. C'est la réponse à cette question que les Euro-péens recherchent dans leurs contacts actuels avec lesresponsables américains. Optimiste, je me prononcepour l'épiphénomène, et je ne veux abandonner ni ledialogue, ni ma conviction atlantique.

The European and U.S. relationshipSpeech by Mrs. Colette Flesch, Minister of Foreign Affairs and Economy of Luxembourg, in

Pittsburgh at the World Affairs Council

Allow me to welcome this opportunity to addressthe world affairs council about the current internatio-nal situation and thus raise an issue that cuts acrossour common concerns in Europe and in America.

But first of all let me extend my sincere thanks tothis distinguished gathering of industrialists and busi-nessmen from the keystone state of Pennsylvania andto Mr. Pete Love, chairman of National Steel, for hiskind words of introduction.

Talking about European-U.S. relationship in par-ticular seems to have become less easy than someyears ago.

Not so much because of the difference of opinionon this or that aspect of policy - I know no allianceof free nations which does not, at one time or an-other, have differences of opinion — but because ofthe unspoken feeling that facing the perhaps most se-rious challenges to industrial democracies ever, themeeting of minds between the partners on both sho-res of the Atlantic no longer goes without saying.

If I may attempt a brief and perhaps rather wildsweep on urgent problems facing the Western allian-ce, it will bring me, inevitably to both their politicaland economic aspects.

«The foundations of the NATO alliance are beingundermiped by major differences between the Uni-ted States and its European allies over how to dealwith the Soviet Union», the German Foreign Mini-ster, H. D. Genscher, is quoted to have said just afortnight ago.

He directly referred to the current impasse bet-ween the U.S. and the Europeans over the Soviet-West European natural gas pipeline and, beyond, ofcourse, to the consensus on a policy of detente.

The Europeans, I believe, neither have a tendencyto be a little bit tired and sceptical about the world inwhich we live, whereas other nations still have faithin the destiny of mankind and in the potential of hu-manity to continue on the road of progress, nor havethey completely left civilization to the scholars andgot down to earth to tackle fish and butter and retire-ment pensions, the serious stuff of life.

It is true, detente, coexistence with the Soviet bloc,have always raised a lot more moral dilemnas forAmericans than for their European allies.

In the age of thermonuclear weapons and intercon-tinental missiles the alliance always was aware thatthe interaction of the two superpowers was essentialto the prospects of peace and security. That was, Iguess, the political context of the special meeting ofthe NATO alliance's Foreign and Defense Ministerson December 12, 1978, calling for the developmentof Pershing II ballistic missiles and ground-launchedcruise missiles in Europe, linked to the commitmentto reach with the Soviets a meaningful and equitablearms control agreement on long-range theatre nucle-ar forces.

I don't belong to those who think that neither con-tainment nor detente should be the goal of our policy

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towards the Soviet Union. In fact, a sensible long-term policy needs elements of both.

During the past, our American friends have beendisappointed in the conduct of their European allieson various occasions.

When the United States had, in 1979 asked forsanctions against the Soviet Union after the invasionof Afghanistan, some did consider that the Europeangovernments just cowered under the table.

The same was true, they say, when earlier this year,the U.S. asked for an economic response to the Po-lish-Russian crackdown on solidarity.

Yesterday's hesitations and our today's reluctance,were they simply an accident ?

It seems to me that Europeans had some reasons tocomplain on failure of consultation and on the vacil-lations of U.S. policy in East-West relations.

Also, European governments do not consider thatusing foreign trade is efficient as a tactical instrumentof foreign policy. Furthermore they are sceptic vis-à-vis the «light switch diplomacy» and the impression iswide spread among public opinion that the US wantsforeign business on its own terms, without having fi-gured out as yet what those terms are.

Especially regarding the natural gas pipeline toEurope, sanctions were not only put on sales fromU.S. firms but also broadened to prohibit sales fromforeign subsidiaries or licensees of U.S. multinatio-nals in Europe. As my country is at least not directlyinvolved in the case, I may perhaps feel free to givethe common feeling of the member states of theCommunity expressing that the U.S. action is unila-teral, retroactive and extraterritorial and thus reallysetting a dangerous precedent in international busi-ness relations. I am therefore very pleased that at thisvery moment representatives of the EEC countriessit together in New York with U.S. officials trying tosettle this particular aspect of what I am willing toconsider a family dispute.

I may assure you Ladies and Gentlemen, and it is aprofound conviction shared by a majority of WesternEuropeans, that the U.S. commitment in Europe hasprovided the foundation for one of the longest pe-riods of peace and prosperity our continent has everenjoyed, largely enabling our countries to build theEuropean community and to nurture our historicalties to East European countries now under the So-viets' thumb.

And I remember gratefully President Reagan's de-claration in his Bonn speech of June 9, 1982: «Eu-rope's shores are our shores. Europe's borders areour borders. We will stand with (Europe) in defenseof our heritage of liberty and dignity».

There are indeed fundamental reasons for conti-nuing and strengthening within the European Ameri-can alliance in the 80's:— the evolution of Soviet military power will re-

main a dominant factor— rifts within the world economy are not ready to

vanish— international and regional conflicts especially in

the third world threaten international stability

— the fundamental assumptions behind the alliance— social, political and economical — are sharedby all.

How could I however neglect the fact that evolu-tion of public opinion on the two sides of the Atlanticmay at certain moments be different.

The U.S.A., again stressing the primacy of foreignpolicy, is willing to give priority to military affairs as away of coping with international challenges.

In Western Europe public opinion has a differentperception of the international situation and is there-fore less willing to adopt the same line.

In that respect it may be significant of congressio-nal sentiment that very recently the Senate appro-priations subcommittee on defense voted 12 to 1 toreduce American military presence in Europe by23.000 troops, taking its action on the grounds that itis high time for other North atlantic treaty organiza-tion countries to carry more of the alliance's defenseburden.

But, as in 1971, in the context of the «Mansfieldamendment», I would imagine there will be anotherstate department's chief congressional mine sweepermaking sure that the latest proposals will not becomelaw. The Secretary of State, in a recent interview toLe Monde, seems - I am glad to say — to take thesame view.

Improved and, perhaps, new forms of cooperationbetween the U.S.A. and Western Europe ought to befound facing the need for a comprehensive strategyfor defending the integration of military, economicand diplomatic means of coping with these various is-sues. This presupposes certainly a renewed willing-ness to make progress in Western European politicalcooperation and on how best to organize the divisionof responsibility between the U.S.A. and WesternEurope for example with the Middle East problems,the East West relations and the overall economicchallenges. There is a real necessity for cultivating anawareness of continuity and predictability with res-pect to the broad lines of foreign policy, of strategyand of international economies to meet the demandsof one's friends and partners.

Controversial discussions about the attitude ofthose, notably in the younger generation, who nolonger share the basic assumptions of foreign policy,certain movements of pacifism, neutralism, withdra-wal and protest in Western European countriesshould not lead us to conclude prematurely on a cre-dibility gap between the political leadership and so-me sectors of the young people. Nevertheless, weshould know that the crisis is not one of weapons andeconomy. It is one of belief and will, of growing apo-calyptic fear.

Speaking on behalf of my country, I feel confidentto say that these movements are not perceived asstrongly there as they are in other European states.

Anyway, Luxembourg's effort to the commonconsciousness and effort can only very marginally beon the defense level.

On the economic side especially, we have the fee-ling that we have made important efforts, that is to

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say sacrifices especially in the field of our nationaleconomy's major component, the steel industry.

Although the efforts of industrial diversificationundertaken about twenty years ago show positive re-sults, our steel sector continues to have a most impor-tant part within the Luxembourg economy and theemployment and public welfare scene.

The crisis affecting the steel sector since 1975 hassubsequently revealed itself-to be structural. It sets tothe country economic and social problems of consi-derable importance, which are subject to a continiousconcerted action within a tripartite conference (go-vernment — companies - trade unions).

Since 1976, our steel industry is engaged on a longterm industrial process of restructuring. The measu-res of modernization and rationalization, are de-signed to achieve adaptation to market conditions.

This industrial adaptation which includes reduc-tion of capacities has led to an exceptional decreaseof employment of more than 40 percent comparedwith 1975. Therefore particular measures with re-gard to surplus labor had to be taken besides the in-dustrial action of re-structuring.

The counterpart of this re-structuring of the steelindustry is the activation of the effort systematicallyembarked upon some 20 years ago, the creation ofnew industrial activities.

Foreign investment in general, offers, I think, abrighter outlook for the development of our mutualrelations. Be it from the U.S. to Europe or from Eu-rope to the U.S., it offers a unique opportunity tostrengthen our friendship and to prove mutual confi-dence in one another.

It is true, though, according to the U.S. departmentof commerce, that last year's direct investment byAmerican industry in nine common market countriesgrew by only about 3 percent compared with annualincreases of 17 percent in each of the two previousyears. At the same time, foreign investment in theU.S. grew by 28 percent.

The slowdown in U.S. investment is causing consi-derable concern in Europe.

However, in this regard, relations between thePittsburgh area and Luxembourg provide a good ex-ample. Despite the downgoing trend of U.S. invest-ments in Europe, we have been able, especially in thelast one or two years, to increase substantially theeconomic cooperation between our two areas andalso, I'm sure our mutual friendship.

Indeed, in recent years several agreements havebeen concluded between the Luxembourg steel in-dustry and some major steel producers of this area. ALuxembourg firm has set up an office in Pittsburghand is providing technology for the building of a con-tinious casting installation.

In the other direction, a galvanizing process, basedon a license agreement from a U.S. steel firm, will beintegrated in a new plant that is being set up in Lu-xembourg.

We have also had the privilege recently to wel-come to Luxembourg subsidiaries of several well-known companies in the Pittsburgh area. Copper-

weld has set up a distribution center in the Southernpart of the Grand-Duchy, National Aluminum, asubsidiary of National Steel, is in the process of buil-ding an important production facility for aluminumfoil, a subsidiary of Allegheny International has justthis year commenced operations of a new plant forindustrial equipment, N. L. Kimes Ass. has just cho-sen a location in the South of the country and Com-mercial Shearing Corp., from your neighboringYoungstown, has been for many years in Luxem-bourg an outstandingly successful European opera-tion of a U.S. manufacturer.

I would like to take this opportunity to once againrenew our most sincere thanks to all those — andmany of them are among us today — whose relentlessefforts have so happily contributed to tighten thelinks and to strengthen the friendship between ourtwo areas.

Though we might not always be in agreement onall steel and trade issues, the recent developments Ihave just mentioned are very encouraging and provethat there is enough common ground between us fora contructive and mutually beneficial cooperation.

We, for our part, would very much welcome moreinteraction between our two steel producing areasand before all, we would be delighted to welcomemore U.S. companies in Luxembourg. We alreadyhave twenty of them in our small country, amongwhich such famous names as Goodyear, Dupont, Gu-ardian, Copperweld, National Aluminum, Commer-cial Shearing, Allegheny International, Dresser In-dustries, General Motors, etc. and they are I think,our best references to convince others to come.

But let me make it very clear, that by no means dowe intend to transfer jobs from this area to ours. Weare indeed fully aware of the dramatic unemploy-ment problem in this part of the United States.

The botton line of my message is, that if it makessense in economic terms to set up a facility in Europe— and it sometimes does - the tiny Grand-Duchyshould not be left out of your considerations, becausewe think we have things to offer that others don't.

First for all who are not too familiar with my coun-try, let me repeat a few basic data. A central location,thus access to any major European market.

«Stability» from the political as well as from theeconomic point of view, virtually no strikes, one ofthe lowest absenteeism and productivity among thehighest in Europe.

Some of the benefits that the European labor forcehas acquired over the years may raise question marksin the business community in this country. And I amaware of that. The two main problems are indexationof wages and worker's participation in some aspectsof management of our firms.

Let me just briefly point out that in Luxembourgwe have put on hold the automatic indexation ofwages to the costs of living. We have maintained thesystem of automaticity, to avoid the never endingyearly wage bargaining sessions between trade unionsand management, and the threat of strike. What we

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have changed is the moment and the extent to whichour adaptation of the wages takes place.

One word on workers' representation and partici-pation in some aspects of management. In Luxem-bourg, we have not followed some of our more ad-venturous neighbours who go for parity of repres-entation on a 50/50 basis on their boards and in otherdecision-making organs. We are instead operating avery moderate system which promotes responsibilityamong wage earners, giving them a say in some mat-ters relating to security and health problems, butwhich leaves management decisions where they be-long, and that is with management. Experience inLuxembourg has shown that this system which is asound compromise, has on the whole been a benefi-cial contribution to social and economic stability, wi-thout hampering whatsoever the decision makingprocess on the management level.

But most important of all is probably the fact thatour general approach towards foreign investment isone of particular attention to each project. Luxem-bourg is a small country and it has a small govern-ment. Contact with whomever is competent to makedecisions is easy and I myself am certainly availablewhenever it is felt that I can help to solve a problem.Our administration is small and uncomplicated. Ateam of red tape cutters is readily available and willassist any project from the earliest stages to its com-pletion and even beyond. To illustrate our rapidityand flexibility in this respect, let me just tell you that,even if this is not the rule, in Luxembourg it is possi-ble to obtain a construction permit in less than aweek.

On the incentives side, our policy consists of offe-ring a package for each specific project that best suitsits needs.

— Land with appropriate provision for public servi-ces such as road or rail access, power and watersupply is provided for a nominal fee.

— Capital subsidies covering up to 15 percent of theinvestment in buildings, equipment tools as wellas on industrial research and development aregranted. These subsidies can also be given in theform of interest rebates on investment loans.

— Expenses for vocational training or retraining oflabor qualify for additional subsidies.

— As for taxation, there is a 25 percent exemptionof taxable profits with respect to corporation in-come tax and business tax during the first eightyears of operation plus a tax credit of about 14percent against taxes otherwise payable in res-pect of investments in fixed assets. Additionaltemporary special tax relief is possible.

— Last but not least, the national credit and invest-ment corporation may grant equipment credits,medium and long-term loans as well as exportcredits at very favorable conditions.

We believe that in a world where so much of whatyesterday looked stable, today is now visibly shownto be fragile, Luxembourg offers long-term stability,a central location, a responsible government and pu-blic administration and finally a highly efficient andproductive work force plus those financial and fiscalincentives which I just mentioned.

I hope, I have been able to give you somewhatmore insight into the realities and views of my coun-try and that this will contribute to further develop thecooperation and friendship between our two regions,which show so many similarities.

Competitors though we may sometimes be, weshould never forget our basic community of interestsand never lose sight of the fact that we are naturalpartners in that we belong to one and the same freeworld.

Hommage à Monsieur Joseph Bech au Collège d'Europeà Bruges

A l'occasion de l'ouverture de l'année académique1982-1983 du Collège de l'Europe à Bruges (Pro-motion Joseph Bech), le recteur du Collège d'Eu-rope, Monsieur J. Lukaszewski, a retracé la vie etl'œuvre de Joseph Bech dans une allocution dontnous reproduisons le texte ci-après.

Robert Schuman, Jean Monnet, Alcide de Gaspe-ri, Konrad Adenauer, Paul-Henri Spaak, Johan Wil-lem Beyen ayant donné leur nom à des promotionsdu Collège d'Europe, il étaif clair depuis longtempsque Joseph Bech devait trouver sa place dans l'aréo-page de nos Patrons. Permettez-moi, selon la tradi-tion du Collège, de le rappeler à ceux qui l'ont connuet de le présenter aux membres de la nouvelle Pro-

motion, pour lesquels il appartient à une histoire déjàlointaine et souvent peu connue.

Etudier la vie et l'œuvre de Joseph Bech, c'estplonger avec plaisir dans l'histoire sociale, culturelle,politique et économique de l'Europe d'avant la se-conde révolution industrielle, de cette Europe où lagrande ville n'avait pas encore vidé les campagnes deleurs populations, de leur vitalité et de leur pittores-que, où la province bouillonnait encore d'activitésdiverses, où l'entreprise familiale jouait un rôle im-portant dans l'économie, où la culture générale occu-pait une grande place dans l'éducation et la vie publi-que, où les liens et les relations personnelles gar-daient toute leur force.

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Joseph Bech est né le 17 février 1887 dans une fa-mille enracinée depuis des générations dans le terroirmosellan. Son père dirigeait une petite banque fami-liale à Diekirch et appartenait au monde des notablesde province.

Joseph connaît une enfance et une adolescenceheureuses. Il va à l'école primaire à Diekirch et aulycée à Echternach. Puis il fait des études de droit àFribourg, en Suisse, et à Paris, et devient avocat.L'intérêt pour la politique ayant toujours été vif dansla famille et plusieurs parents de Joseph, du côté pa-ternel aussi bien que maternel, ayant assumé des res-ponsabilités dans la vie publique, il n'est pas éton-nant qu'à l'âge de 27 ans, le jeune juriste décide debriguer le mandat de député. Il se présente dans lecanton de Grevenmacher, lequel pendant de longuesannées avait été représenté à la Chambre par sononcle, Philippe Bech, l'un des fondateurs et le pre-mier Président du parti catholique.

Fort de la confiance et du soutien des dirigeants dece parti, Joseph est élu à une très confortable majori-té, le 30 juin 1914, et s'installe sur les bancs de l'op-position, face à la majorité libérale-socialiste del'époque. Au moment de son élection, Bech n'étaitpas formellement membre du parti catholique et lesmauvaises langues n'ont pas manqué de soutenirqu'il avait choisi sa place sur l'échiquier politique paropportunisme et non pas par une authentique adhé-sion aux idéaux du parti. II est vrai que Joseph Bechn'a jamais fait preuve d'une grande ferveur religieuseet n'est jamais apparu comme un doctrinaire intransi-geant. Mais il serait injuste de le taxer d'opportu-nisme. En effet, pendant ses études à Paris, il s'est liéau mouvement du Sillon, fondé par Marc Sangnier,et cela a joué un grand rôle dans la cristallisation deses conceptions politiques, conceptions qui devaienttoujours rester modérées, empreintes de bons sens,de pragmatisme et de ce genre de recul par rapport àl'immédiat qui va de pair avec une authentique sa-gesse. «Je ne crois pas, pour ma part, aux solutionstoutes faites. Ce n'est que sur le papier qu'il est possi-ble de simplifier la vie des sociétés humaines et qu'onapplique des solutions radicales et définitives». Etquand on l'entend affirmer «La perfection finiraitpar régner sur le néant», on sent immédiatementqu'il est à l'opposé de toute intolérance et de tout to-talitarisme.

Elu à la Chambre juste à la veille de la PremièreGuerre mondiale, Joseph Bech ne la quitte que 50ans plus tard. Il exerce diverses responsabilités gou-vernementales pendant 38 ans, dont celle de Ministred'Etat - Président du Gouvernement pendant 15 anset celle de Ministre des Affaires étrangères pendant33 ans. Ce qu'il a réalisé est dû en premier lieu à sesqualités personnelles. Sa culture et son savoir-faireimpressionnaient ses interlocuteurs. Réfractaire àtoute technicité, il se laissait guider par son intuitionteintée d)un grain de scepticisme. Son action a tou-jours été marquée par la discrétion et le sens de lamesure. Les innombrables honneurs, distinctions etlouanges dont il fut l'objet ne l'ont jamais poussé aupremier rang et n'ont jamais altéré sa modestie. Sa

loyauté est toujours restée exemplaire et il était bienplacé pour nous donner cette leçon: « . . . le mondeest ainsi fait que la confiance est le fondement detoute communauté humaine. Toute société, entrepersonnes ou entre Nations, ne peut vivre que parune collaboration sincère et confiante de ses mem-bres. Quand elle fait défaut aucune communauté nepeut atteindre ses objectifs».

Il n'est donc pas surprenant que Joseph Bech ait eubeaucoup d'amis et qu'ainsi son action ait pu être ef-ficace. Des liens étroits existaient, bien sûr, entre luiet les personnalités de sa famille politique, telles queKonrad Adenauer, Alcide de Gasperi et RobertSchuman. Mais ses amitiés traversaient facilement lesfrontières des autres camps, pour ne citer que cellestrès fécondes avec Aristide Briand, Johan WillemBeyen et Paul-Henri Spaak. Ecoutons le témoignagede ce dernier: «Avec mes deux collègues du Benelux,Bech et Beyen, nous formions un triumvirat, travail-lant en plein accord chacun avec nos tempéramentsrespectifs, plus de modération souriante chez Bech,plus de volonté et d'intransigeance chez Beyen, plusde passion chez moi. Tout cela additionné finissaitpar constituer une force qui nous a permis de jouernotre rôle».

Son sens de l'humour légendaire, son sourire affa-ble et sa rondeur rassurante donnaient à Joseph Bechune facilité exceptionnelle de contacts humains.Voici, à ce propos, l'avis du Chancelier KonradAdenauer: «Herr Bech schafft gleich eine so ange-nehme Atmosphäre, daß es einfach unmöglich ist,sich nicht gegenseitig zu verstehen».

Celui qui s'intéresse à l'histoire de l'unification eu-ropéenne et aux hommes qui l'ont faite, ne peut pasmanquer de noter les ressemblances entre JosephBech et certaines personnalités qui l'ont précédé ouaccompagné sur le chemin européen. Tout d'abord,Bech fait penser à Briand. Un peu à cause de sonabondante chevelure et de sa moustache. Un peu, àcause de sa longue présence sur la scène politique:Briand ne fut-il pas 23 fois Ministre et 11 fois Prési-dent du Conseil, entre 1906 et 1932. Mais surtout,comme son illustre collègue français, Bech avait l'aird'un artiste égaré dans la politique. Travailleur effi-cace grâce à sa capacité de concentration intellec-tuelle et à son don d'observation, Bech se plaisait àdonner de lui l'image d'un dilettante réfractaire àl'ordre et à la discipline.

D'autre part, Bech apparaît en un certain sens pro-che de Robert Schuman. Originaires de la mêmeterre, au point de rencontre de deux grandes cultureset de deux traditions politiques qu'ils connaissaient àfond et qu'ils appréciaient, l'un et l'autre considé-raient comme leur tâche de construire des ponts etdes liens entre elles.

Enfin, Joseph Bech rappelle Jean Monnet. Provin-cial, comme lui, il était aussi fortement lié à la Mo-selle que Monnet à la Charente. Resté toute sa vieproche de la terre, Bech avait, à l'instar de Monnet,un sens extraordinaire du rythme naturel des choses,une intuition du moment, une méfiance instinctive àl'égard de toute précipitation, une résistance iné-

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branlable à l'adversité, peu de goût pour tout ce quiétait abstrait ou dogmatique. Mais il existe encore unautre trait commun entre les deux hommes. Monnetprovenait du monde des producteurs et des négo-ciants de cognac et y resta attaché sa vie durant.Bech, lui, fut toujours associé à la viticulture mosel-lane. Ainsi,il tenait beaucoup à ce qu'au sein du gou-vernement, le Département de la Viticulture resteentre ses mains. Il a fait énormément pour améliorerla production du vin au Luxembourg et pour luiouvrir les frontières des pays voisins. Avec d'autantplus de conviction, qu'il aimait le vin et en était ungrand connaisseur. Quand le Secrétaire d'Etat améri-cain lui demanda pourquoi il tenait tellement à asso-cier le portefeuille de la Viticulture à celui des Affai-res étrangères, lequel à lui seul exigeait énormémentde travail, Bech répondit: «Voyez-vous, il faudraitqu'il y ait une règle internationale que chaque Minis-tre des Affaires étrangères soit en même temps Mi-nistre de la Viticulture. Les grandes négociationspolitiques sortiraient alors plus facilement du pointmort».

Joseph Bech entre pour la première fois au gouver-nement en 1921, à l'âge de 34 ans. D'abord Ministrede l'Intérieur et de l'Instruction publique, il se voitégalement confier, deux années plus tard, le Dépar-tement de la Justice. Après les élections de 1925, dé-favorables à son parti, il redevient député de l'oppo-sition. Mais, dès l'année suivante, l'échec du gouver-nement socialiste donne une nouvelle chance à unecoalition catholique-libérale. Bech paraît le mieuxplacé dans son parti pour rassurer les libéraux et estchargé de former le gouvernement, en juillet 1926. Ilreste Chef de l'Exécutif grand-ducal - fonction à la-quelle il associe celle de Ministre des Affaires étran-gères — jusqu'en 1937. Cette année-là, son intuitionpolitique lui fait défaut. Irréductiblement opposé auxidéologies et aux mouvements extrémistes, il soumetau referendum populaire un projet de loi visant àjuguler les menées subversives. Il sous-estime l'oppo-sition du parti socialiste et d'un large secteur de sonpropre parti, auxquels la loi semble être une menacepour les libertés publiques. Le projet rejeté, Bechquitte la présidence du gouvernement et la coalitioncatholique-libérale éclate. Pierre Dupong qui repré-sente l'aile gauche du parti catholique forme un gou-vernement avec les socialistes, mais garde Bechcomme Ministre des Affaires Etrangères, de la Viti-culture, et des Arts et Sciences.

La politique internationale correspond admirable-ment aux goûts et aux talents de Bech. La présidencedu gouvernement et la gestion des affaires internesétaient devenues pour lui une servitude pesante àcause de l'écart croissant entre sa conception del'Etat, héritée du XIXe siècle, et la nouvelle réalitépolitique faite de plus en plus de conflits d'intérêtssectoriels et marquée sans cesse davantage par les in-gérences de groupes de pression.

Bech est entré dans le monde de la politique inter-nationale en 1926, à l'époque d'une intense activitédiplomatique et des grands espoirs suscités par laConférence de Locarno et la vitalité apparente de la

Société des Nations. Il n'est pas exagéré de dire qu'ila inauguré une authentique politique étrangère duGrand-Duché et que c'est grâce à lui que la voix decelui-ci s'est fait entendre dans le concert des na-tions. Avant la Première Guerre mondiale, le Lu-xembourg ne participait pas vraiment à la vie inter-nationale et menait une existence effacée dansl'ombre de l'Empire allemand.

Bech tient à représenter personnellement son paysà la Société des Nations. En 1929, il est même éluVice-Président de l'Assemblée. En effet, ses qualitésont vite été découvertes à Genève où il est devenul'une des personnalités les plus connues et les plusappréciées. Il souscrit bien sûr, aux objectifs de la So-ciété des Nations et utilise tous ses talents de diplo-mate pour concilier la participation de son pays àl'œuvre de l'organisation genevoise et les exigencesdu statut de neutralité imposé au Grand-Duché parle Traité de Londres du 11 mai 1867. Le point culmi-nant de cette période de sa vie est sa recontre avecAristide Briand et sa coopération avec le Ministrefrançais pour établir «une sorte de lien fédéral» entreles nations de l'Europe.

En 1930, Bech est élu Président du Comité deCoordination économique au sein de la Commissiond'études pour l'union européenne, constituée par laSociété des Nations, Commission qui devait sombrerdans la tourmente de la grande crise, de la montée dufascisme, de la politique suicidaire des Démocratiesoccidentales . . .

Bien que partisan convaincu des objectifs de la So-ciété des Nations, Bech a toujours été gêné par unaspect de celle-ci. En effet, sous l'influence deWoodrow Wilson, la Société des Nations était deve-nue le haut-lieu de ce qu'on appelait la «diplomatieouverte», remède à la «diplomatie secrète» dans la-quelle le Président américain voyait la source de tousles malheurs politiques du passé. Or, Bech que sapersonnalité portait vers une action discrète et effi-cace, a vite saisi que la soi-disant diplomatie ouverteétait synonyme de la démagogie, dialogue de sourdset de l'immobilisme.

Ayant compris que la paix ne serait pas sauvée parla Société des Nations, Bech a déployé toute sonénergie pour obtenir des puissances signataires duTraité de 1867 une nouvelle déclaration du respectde la neutralité luxembourgeoise et, ainsi, protégerson pays du cataclysme qui se profilait à l'horizon.Puis il a essayé d'arracher une déclaration dans cesens de la France et de l'Allemagne seules. Mais sesefforts sont restés vains et le Grand-Duché, commela plupart des Etats européens, a été englouti par lacatastrophe de la Deuxième Guerre.

En 1940, face au triomphe nazi, le gouvernementgrand-ducal réfugié en France est, comme bien d'au-tres, en proie à des doutes et à des divergences.Joseph Bech penche pour la continuation de la lutteaux côtés des Anglais et il est finalement suivi par sescollègues. Passant par la France, l'Espagne et le Por-tugal, ce gouvernement composé de quatre Ministresarrive à Londres au moment où commence la terribleoffensive de la Luftwaffe. La situation paraît déses-

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pérée. L'issue de la Bataille d'Angleterre est incer-taine. D'autre part, le petit Luxembourg sembleavoir été oublié par ses alliés: le Président Rooseveltn'a-t-il pas omis de le citer dans son enumeration desvictimes de l'agression allemande, lors de son granddiscours de novembre 1940 ? De plus, l'activité dugouvernement devient excessivement difficile à causede la faiblesse des moyens financiers à sa dispositionet de sa division en deux équipes installées dans dessièges différents. En effet," Pierre Dupong, chef del'Exécutif, et un de ses collègues ont accompagnéleur Souveraine au Canada, tandis que Bech et Kriersont restés à Londres. Mais c'est dans la capitale bri-tannique, notamment grâce au Ministre des Affairesétrangères, que s'accomplit l'essentiel du travail vi-sant à faire entendre la voix du Luxembourg et à luiassurer une place dans le monde après les hostilités.

Joseph Bech est l'un de ces hommes clairvoyantsqui, avant la fin même du conflit, ont entrevu unenouvelle organisation de l'Europe, censée garantir lasurvie du Vieux Monde dans les conditions complè-tement changées de l'après-guerre. Son témoignagedu 3 juin 1942, devant la Commission des Affairesétrangères du Sénat américain en est une preuve. Sasignature en bas du Traité du 5 septembre 1944 insti-tuant le Benelux — dans lequel il ne voit qu'un pasvers l'union future de l'Europe — en est une autre.

Après la Libération, le Luxembourg connaît unesituation semblable à celle de plusieurs autres paysdélivrés de l'occupation nazie: un manque de com-préhension et une tension entre le gouvernement quia passé la Guerre en exil et une partie de la popula-tion durement éprouvée par les hostilités et par lejoug nazi et instinctivement réfractaire aux normesde la vie politique et sociale d'avant le conflit. LePrésident du gouvernement Dupong est tellement af-fecté par la déception des retrouvailles avec le paysqu'au printemps 1945, il est prêt à démissionner et àouvrir une crise gouvernementale. C'est grâce à l'ap-pui et à l'amitié de Joseph Bech, inébranlable dansson sang-froid et dans sa résistance à l'adversité, queDupong abandonne cette idée et reste à la tête del'Exécutif. Les élections d'octobre 1945 révèlent lafaiblesse numérique des groupes favorables à unchambardement aussi radical que mal défini et per-mettent au gouvernement de retrouver une légitima-tion indiscutable.

Ministre des Affaires étrangères et de la Viticul-ture jusqu'à la mort de Pierre Dupong, en 1953,Joseph Bech devient alors Président du Gouverne-ment, tout en conservant ces deux portefeuilles. Le29 mars 1958, il renonce à la présidence mais gardeces derniers jusqu'au 2 mars de l'année suivante, dateà laquelle il quitte définitivement l'Exécutif pour de-venir Président de la Chambre des Députés. En1964, à l'âge de 77 ans, Bech se retire complètementde la vie publique. Il meurt onze ans plus tard.

Sa longévité politique — qui n'a de véritable équi-valent qu'en celle de Metternich — sa fidélité auxidéaux de sa jeunesse, sa constance dans l'action, sonhabileté et son rayonnement personnel ont permis àJoseph Bech d'acquérir une stature exceptionnelle

dans la vie internationale et de contribuer à des réali-sations historiques. Le Président Eisenhower voyaiten lui l'un des trois hommes d'Etat européens les pluséminents de son époque, les deux autres étant Kon-rad Adenauer et Robert Schuman. Comme nousl'avons signalé plus haut, la politique internationale aété son élément naturel, la construction de l'Europeson but et sa passion à partir de sa rencontre avecBriand.

Sa riche expérience genevoise et les leçons de laGuerre ont créé dans son esprit une profonde mé-fiance à l'égard des organisations internationales dugenre de la défunte Société des Nations, à l'égard dece qu'en 1923 déjà, Richard Coudenhove-Kalergiappelait: «un œcuménisme artificiel». Dans sa décla-ration du 3 juin 1942, Joseph Bech a mis le doigt surle principal défaut de la Société des Nations: «TheLeague of Nations . . . did not succeed. The causesof this failure are manifold, the chief being that themember states of the League were not able to ap-proach the vital problems which the League had tosolve from a supernational point of view. The Leaguefailed because the member states of the League werethinking on national terms».

Une solution régionale, un lien organique entre lesvieilles nations de l'Europe lui ont paru plus réalistes,plus efficaces, plus profitables à la paix et au progrèséconomique. Ainsi, sous son impulsion, le Grand-Duché abandonne la politique de neutralité, qui nel'avait pas protégé contre l'agression allemande, ets'engage résolument dans la voie de l'intégration eu-ropéenne. Cette dernière semble à Bech s'inscriretout naturellement dans la logique de l'histoire. Ellelui paraît aussi indispensable du point de vue écono-mique, à cause de l'interdépendance sans cesse crois-sante des nations. Que Bech ait découvert très tôt lebesoin impératif de l'intégration économique n'estpas étonnant. En la prônant il agissait en bon Euro-péen certes, mais également en bon Luxembour-geois. Pour le Grand-Duché, l'insertion dans unevaste communauté économique était la condition es-sentielle de l'existence et du progrès, vu l'étroitessede son marché intérieur, sa dépendance en matièrespremières importées et son grand potentiel indus-triel.

D'autre part, l'intégration de l'Europe offrait, se-lon Bech, la seule solution raisonnable de la questionallemande. Voici son avis formulé en 1942: «Butthere is another fact, a capital fact which cannot buthave an influence on the cooperation of the Euro-pean nations. There is Germany. And Germany can-not be excluded from the European community».Une union de l'Europe lui paraissait d'autant plus in-dispensable que la Guerre avait précipité la cristalli-sation de deux gigantesques pôles de puissance, l'unà l'est, l'autre à l'ouest du Vieux Monde. Face à cettesituation, l'Europe devait pouvoir parler d'une seulevoix. Toutefois, Joseph Bech n'a jamais mis un signed'équation entre les Etats-Unis et l'Union sovié-tique, comme on le fait fréquemment aujourd'hui.

Depuis son entrée dans la vie politique jusqu'à lafin de ses jours, il a gardé une profonde méfiance vis-

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à-vis du totalitarisme communiste et n'a pas cessé demettre l'Occident en garde contre cette menace. Lesméandres de la politique de Moscou et l'apparitionde la doctrine de la coexistence pacifique n'ont susci-té aucune illusion dans l'esprit de Bech. Il a été l'undes premiers à percevoir la coïncidence entre le relâ-chement de la pression soviétique en Europe et sonintensification dans d'autres continents. L'extensionde l'influence de Moscou en Asie, en Afrique et enAmérique latine l'inquiétait profondément car ilcroyait que la perte de la liberté par un peuple dimi-nue la «somme globale», comme il disait, de la liber-té humaine et réduit ses chances de survie.

Dans l'intégration européenne Bech ne voyait au-cun danger pour la pérennité de la personnalité spé-cifique de son peuple et de son pays. Il la considéraitplutôt comme un abri à l'intérieur duquel cette per-sonnalité pourrait survivre et rayonner. Ces considé-rations renforçaient sans doute son engagement eu-ropéen, car il était viscéralement attaché à l'indivi-dualité, aux traditions et au mode de vie de son peu-ple. Etant donné que la brève leçon sur la vie etl'œuvre du Patron d'une Promotion du Collège nedoit pas nécessairement être un exercice d'hagiogra-phie, disons dans ce contexte que cet attachement deBech à la particularité luxembourgeoise et, plus gé-néralement, à la diversité de l'Europe — combienlouable et justifié en soi — a été à la base d'un graveproblème avec lequel la Communauté est encore auxprises aujourd'hui. C'est grâce à l'habileté de JosephBech que Luxembourg est devenu le siège de laHaute Autorité de la Communauté européenne ducharbon et de l'acier. Mais quand, en 1958, le prin-cipe du siège unique fut adopté par les pays membresdes Communautés et quand un large consensus se futdégagé pour que ce siège soit établi dans la capitaledu Grand-Duché, Bech s'y est opposé avec force. Ilcraignait que l'invasion des fonctionnaires européensaboutît à une dissolution de l'individualité luxem-bourgeoise. De toute évidence, l'âge aidant - n'ou-blions pas qu'à cette époque, Bech avait 71 ans - ,l'instinct de conservation a pris décidément les dessussur l'audace, cette audace, qui a pourtant joué un rô-le décisif dans les débuts de l'unification européenne.Ainsi, le Ministre grand-ducal a contribué à la di-spersion des institutions européennes avec les fai-blesses que cela implique pour l'édifice communau-taire qu'il s'appliquait pourtant à bâtir avec énormé-ment de constance et de zèle. Mais l'erreur est unechose humaine et, si erreur il y a dans l'action euro-péenne de Bech, elle pâlit à côté de ses mérites.

Citons seulement les efforts du Ministre pour quel'intégration économique européenne ne deviennepas une fin en soi mais plutôt une étape menant àl'intégration politique. Il considérait toujours la pre-mière comme la préparation du terrain pour la se-conde. Dans un discours prononcé le 19 novembre1957, il affirme: «La communauté d'intérêts consti-tuée par une telle union et l'effort de coopération etd'ajustement que son fonctionnement exige au jourle jour a pour effet de rapprocher les Gouverne-ments, les Administrations et le public, au point

qu'une communauté politique s'en dégage insensi-blement et en dehors de tout plan préconçu».

Pour que l'Europe se fasse, il fallait, selon Bech, lacompréhension et le soutien populaires aussi largesque possible. C'est ainsi que le rôle du Parlement luiparaissait irremplaçable. Ne déclare-t-il pas, le 2 fé-vrier 1954: «Nous espérons qu'un Parlement euro-péen, composé de représentants sortis du suffrageuniversel, apportera à l'idée européenne le concoursindispensable des opinions publiques de nos pays.C'est alors seulement que l'Europe nouvelle ne seraplus une construction artificielle de l'esprit exposée àse désagréger aux premiers remous politiques». Etcombien il est opportun de rappeler aujourd'hui cetteautre leçon que Joseph Bech a donnée il y a 28 ans:«II va sans dire qu'un pays, petit ou grand, n'a droit àune place dans la communauté des peuples europé-ens que s'il est prêt à assumer, dans la mesure de sesmoyens, les mêmes obligations et devoirs envers laCommunauté que tous les Etats membres».

Grâce à sa méthode de travail et à un vaste réseaude relations et d'amitiés personnelles, Joseph Bech aréussi à faire du Grand-Duché non seulement unpartenaire apprécié de la grande politique internatio-nale, mais encore un agent indispensable de la cons-truction européenne. Le Luxembourg participe à lacréation du Conseil de l'Europe, puis à celle de laCommunauté européenne du charbon et de l'acier.Joseph Bech sent bien que cette dernière représenteune innovation révolutionnaire dans les relations in-ternationales et, le 10 décembre 1952, il s'exclameavec enthousiasme : « . . . les limites des souveraine-tés nationales sont franchies non seulement théori-quement mais en réalité; des intérêts divergents ontété confondus, une autorité unifiée a été instituée etune règle de droit soigneusement élaborée et balan-cée s'est substituée aux antagonismes antérieurs».

Plus tard, le Grand-Duché adhère à la Commu-nauté européenne de défense. Mais l'échec final decelle-ci renforce la prudence instinctive de JosephBech et sa crainte de toute précipitation. Le 19 no-vembre 1957, il formule ainsi sa pensée: «Après lesrevers subis par l'idée européenne — et je dirai mêmeaprès les revers qu'elle s'est peut-être préparés elle-même en voulant brûler les étapes — la sagesse a con-seillé de tenter l'intégration sur le terrain des problè-mes concrets de l'économie». Cette phrase résumel'essentiel de la relance européenne à laquelle JosephBech avait magistralement contribué pendant lesdeux années précédentes.

Rappelons que l'échec de la Communauté euro-péenne de défense provoqua découragement etdésarroi parmi les partisans de l'intégration europé-enne. La plupart de ceux qui, malgré tout, tiennent àcontinuer l'entreprise européenne sont convaincusque toute nouvelle initiative doit être empreinted'une extrême prudence. Monnet et Spaak eux-mêmes croient que seul, un modeste projet d'intégra-tion sectorielle a une chance d'aboutir. En revanche,Johan Willem Beyen, le Ministre néerlandais des Af-faires étrangères, croit qu'il faut un nouveau projetaudacieux. Il élabore un mémorandum sur la Com-

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munauté économique européenne et estime que ceplan doit être lancé non pas par les Pays-Bas seulsmais par un groupe d'Etats. D'accord, avec ce projet,Joseph Bech assume un rôle capital dans la construc-tion du front commun du Benelux, sans lequel laConférence de Messine n'aurait pas pu avoir lieu etréussir. Donnons encore une fois la parole à Paul-Henri Spaak: « . . . à côté de cette tendance prudenteet attentiste, il y avait celle de mes collègues luxem-bourgeois et néerlandais. Elle était toute différente.Bech, avec qui j'entretenais des rapports constants,partageait mes idées. J'étais sûr de pouvoir comptersur son appui . . . Nous décidâmes, après avoir con-sulté Bech et obtenu son agrément, que nous défen-drions à trois le plan Beyen dans toute sa rigueur,mais que nous garderions en réserve, en cas d'échec,les idées plus modestes relatives à l'extension desattributions de la CECA . . . Pendant toute la confé-rence je maintins un contact constant avec Bech etBeyen. Nous agîmes toujours en plein accord noussoutenant l'un l'autre, joignant nos effort pour at-

teindre les objectifs que nous nous étions fixés. Le ré-sultat dépassa nos espoirs.

Grâce à l'initiative, à l'entente, à la ténacité, àl'habileté des trois Ministres du Benelux, la Confé-rence de Messine est entrée dans l'histoire commele symbole de la réussite européenne. Le mémoran-dum du Benelux, accepté comme base de l'accorddes six Ministres, relança la construction europé-enne, quelques mois à peine après le grave revers dela Communauté de défense. En 1957, moins de deuxans avant la fin de sa très longue carrière gouverne-mentale, Joseph Bech eut la joie de poser sa signa-ture en bas des Traités de Rome. Ce fut le point cul-minant et la récompense de son inlassable labeur auservice de l'Europe.

Joseph Bech, cet homme d'une efficacité discrète,cet homme de conciliation, cet homme modeste, sou-riant et généreux, a bien mérité d'être appelé à ladignité de Patron de la Promotion 1982-83 du Col-lège d'Europe. C'est à vous, nouveaux étudiants duCollège, de vous inspirer de son exemple et de conti-nuer son œuvre.

Inauguration du triage central des CFLà Bettembourg-Dudelange

Le 15 octobre 1982 a eu lieu l'inauguration dutriage central des Chemins de Fer Luxembourgeoisà Bettembourg-Dudelange en présence de Son Al-tesse Royale le Grand-Duc et de nombreuses per-sonnalités, notamment Monsieur Josy Barthel, Mi-nistre des Transports, Monsieur René Konen, Minis-tre des Travaux Publics, Monsieur Paul Helminger,Secrétaire d'Etat à l'Economie, Monsieur GeorgesThorn, président du conseil d'administration desCFL, et Monsieur Justin Kohi, directeur général desCFL.

Des différents discours prononcés à cette occasionil ressort que le problème des triages a été inscrit dès1970 dans le programme général de rationalisation etde modernisation des CFL.

En effet, les CFL ne disposaient à ce moment d'au-cun triage approprié. L'analyse des prestations demanœuvres des gares d'Esch/Alzette et de Belval/Usines, en ce qui concerne le trafic sidérurgique, deLuxembourg et de Bettembourg, en ce qui concernenotamment les trafics locaux, devait permettre de dé-gager les lignes de force suivantes:

Les installations des quatre gares précitées étaientà peine suffisantes pour traiter le trafic qui leur étaitdestiné et ne répondaient en rien à une exploitationrationnelle.

La modernisation des chantiers de manœuvre deLuxembourg, d'Esch/Alzette et de Belval/Usines nepouvait aboutir à une extension pourtant indispensa-ble, en raison de la situation géographique des lieuxn'autorisant aucun agrandissement.

Seule la gare de Bettembourg était bien placéegéographiquement et disposait de possibilités d'ex-tension des installations existantes pour permettre detraiter l'essentiel du trafic des CFL. En effet, elle oc-cupe une position centrale du fait qu'elle est située aucroisement des deux grands axes ferroviaires Bel-gique-France-Suisse-Italie et Bassin minier-Alle-magne.

En ce qui concerne le trafic il était difficile d'enestimer l'évolution pour les prochaines décennies.Cette évolution dépendait en majeure partie de celledu trafic de la sidérurgie luxembourgeoise. Or la ca-pacité de production d'acier brut des usines luxem-bourgeoises, qui était de 6,7 mio t en 1974, étaitmontée à 7,5 mio de t en 1975 et suivant les indica-tions de la CEE elle devait atteindre 8,2 mio de t en1977. Les CFL estimaient dès lors prudent de pré-voir des installations permettant de traiter 2.500wagons/jour.

Or, pour la première fois depuis 1966, la produc-tion d'acier brut de l'ARBED tomba en 1977 au-dessous du niveau de 4,5 millions de t.

Avec un total de 4.329.000 t, elle restait en retraitde 5,2% par rapport aux 4.566.000 t produites en1976 et de 6,4% par rapport aux 4.625.000 t en1975. En comparaison avec le record de productionétabli en 1974 (6.449.000 t), le recul se chiffrait à32,9% et les capacités de production n'étaient utili-sées qu'à environ 60%. Au vu de ces résultats quiétaient d'ailleurs conformes à la tendance généraleobservée dans la sidérurgie communautaire, les CFL

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décidaient en octobre 1977 de réduire l'ampleur duprojet initial en le scindant en plusieurs phases adap-tées aux exigences du trafic et en ne perdant néan-moins pas de vue les conditions suivantes: le principede la création d'un triage central unique est main-tenu; les avantages et économies escomptés doiventêtre réalisés; la réalisation intégrale du projet doitrester possible; la première phase d'exécution duprojet doit être telle que la réalisation des phasescomplémentaires n'entraîne pas de dépenses anor-males.

L'étude du projet réduit suivant les conceptionsprécitées aboutissait à l'exécution intégrale des tra-vaux d'infrastructure ainsi que des travaux de gros-œuvre, l'exécution partielle des installations de voieet la réduction concomitante des installations de sé-curité, de signalisation et de traction électrique.

La réduction des installations de voie affectantpour l'essentiel le faisceau de débranchement (24voies au lieu de 32), le faisceau de réception (8 voiesau lieu de 10) et le faisceau d'attente et de départ (3voies au lieu de 5), réduisait la capacité de triage de2.500 à 2.000 wagons par jour au maximum, la capa-cité moyenne se situant entre 1.200 et 1.300 wagonspar jour.

Les investissements nécessaires pour la réalisationde l'ensemble des travaux étaient estimés en août1976 à 1.575 mio francs lux. Le devis initial a été ra-mené à 1.425 mio francs après la décision d'exécuterun projet réduit. Une adaptation de cette estimationà l'évolution des prix a eu lieu en mars 1980, portantle montant définitif du projet réduit à 1.485 miofrancs. Les ressources ont été libérées pour 17% àcharge du fonds de renouvellement qui est un compted'amortissement, et 83% à charge du compte de 1er

établissement qui est un compte d'investissement.Nous reproduisons ci-après le discours de Mon-

sieur Josy Barthel, Ministre des Transports, pro-noncé à l'occasion de l'inauguration du triage cen-tral:

La récession économique qui dure depuis des an-nées n'est pas de nature à nous inciter à l'allégresse.

Et pourtant, même dans les périodes les plussombres, il y a parfois des éclaircies et des momentsde profonde satisfaction.

C'est un tel moment que les CFL nous permettentde vivre aujourd'hui.

La mise en service définitive du nouveau triagecentral des CFL constitue en effet un grand pas enavant sur la route de la restructuration indispensabledes chemins de fer et nous avons tout lieu de nous enréjouir.

Notre pays et son économie ont besoin du cheminde fer, de ce moyen de transport largement réconciliéavec l'environnement et de plus en plus indépendantdu pétrole.

Il est vrai que ce chemin de fer ne sera plus tout àfait celui que nous avons connu hier, mais que, pouraffronter les défis de demain, nous devons l'adapter

progressivement aux exigences sociales et écono-miques nouvelles tout en améliorant continuellementsa productivité.

Un chemin de fer moderne, efficace et fonctionnelest, dans le contexte de l'économie de notre pays, unatout permanent et je constate avec satisfaction queles CFL se sont engagés dans cette bonne voie.

Les grands projets récemment achevés ou en coursd'exécution sont la preuve irréfutable de cette volon-té de renouveau. Je ne cite que l'électrification de laligne de Pétange à Luxembourg qui, outre ses effetsbénéfiques sur l'environnement et le confort desvoyageurs, libère encore davantage les CFL de l'em-prise pétrolière.

Je cite aussi les importants travaux d'améliorationde tracé sur l'axe de transit international Arlon-Lu-xembourg-Thionville, permettant de relever sensi-blement les vitesses de circulation, ou encore, lamodernisation de la ligne du Nord, véritable épinedorsale de notre pays et dont la sauvegarde est ainsiassurée.

Je cite enfin l'installation d'un système radio sol-train aux avantages multiples, telles que l'améliora-tion de la régulation des trains ou l'humanisation dutravail des mécaniciens et, bien sûr, je n'oublierai pasde mentionner dans ce contexte le nouveau triagecentral de Bettembourg-Dudelange.

Mais modernisation signifie rationalisation etrationalisation signifie également économies en per-sonnel.

Toutefois, les efforts de modernisation réalisés parles CFL n'ont pas seulement pour but de réduire l'ef-fectif; elles ont aussi et parfois notamment pour butd'augmenter la sécurité de l'exploitation ferroviaireet de faciliter et de rendre plus sûr le travail des che-minots.

J'attache de l'importance à ce que tous les grandsprojets de modernisation ou de restructuration soientaccompagnés d'un plan social, afin d'éviter danstoute la mesure du possible des rigueurs d'ordre so-cial pour le personnel touché par les mesures de mo-dernisation.

Le Gouvernement soutient pleinement les CFLdans leurs efforts de modernisation et de restructura-tion.

Je félicite les responsables de la Société et l'ensem-ble de son personnel pour les résultats appréciablesqu'ils ont déjà obtenus à ce jour et je les encourage àpoursuivre leur tâche avec la compétence qu'on leurconnaît à tous les niveaux.

Je ne voudrais pas terminer sans avoir adressé mesplus chaleureux remerciements à tous les cheminots,entrepreneurs et fournisseurs qui ont contribué àprojeter et réaliser cette belle œuvre qu'est le triagecentral de Bettembourg-Dudelange.

J'exprime enfin le souhait que la journée d'au-jourd'hui laissera à nos nombreux hôtes distinguésune impression d'un chemin de fer et d'un pays large-ment ouverts sur l'extérieur et résolument tournésvers l'avenir et le progrès.

36 Imprimerie Linden, Luxembourg-Gasperich