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Bulletin d’informationEn quelques mots…

•15 janvier 2016

En quelques mots…

Communications Jurisprudence

Statuant en matière de prestation de compensation du handicap,

prestation versée par le département et qui a « notamment pour objet de financer les surcoûts

liés au handicap dans la vie quotidienne » (Laurence Lazerges-

Cousquer, D. 2015, chron., p. 1805), la deuxième chambre

civile a jugé, le 2 juillet (infra, no 69), que cette dernière, « n’étant pas

mentionnée dans la liste des prestations de l’article 29 de la loi

no 85-677 du 5 juillet 1985, [...] ne donne pas lieu à recours

subrogatoire contre la personne tenue à réparation et à imputation

sur le montant du préjudice devant être indemnisé par celle-ci »,

ceci dans la mesure où, selon Laurence Lazerges-Cousquer

(op. cit.), « il est jugé par la Cour de cassation en droit commun

qu’il résulte des articles 29 et 33 de la loi du 5 juillet 1985 que

seules doivent être imputées sur l’indemnité réparant l’atteinte à

l’intégrité physique de la victime les prestations versées par

des tiers payeurs qui ouvrent droit, au profit de ceux-ci, à un recours subrogatoire contre la personne tenue à réparation ».

Le 7 juillet, la chambre commerciale a jugé (infra, no 82)

que « la recevabilité de la demande de révocation du liquidateur,

formée sur le fondement de l’article L. 237-25

du code de commerce, n’est pas subordonnée à la saisine préalable,

aux fins d’injonction, du président du tribunal statuant en référé en application de l’article L. 238-2 du même code », solution qui,

selon Vincent Thomas (D. 2015, p. 1885), permet d’éviter « les

procédures en cascade » (« il n’est pas nécessaire d’agir en injonction

d’accomplir les formalités négligées par le liquidateur pour saisir le juge de sa révocation ») et, ainsi, « favorise le respect du

délai de trois ans dans lequel est enfermée la liquidation », se

conformant « au réalisme qui semble avoir inspiré les rédacteurs

de l’article L. 237-25 : l’auteur de telles négligences

n’est pas digne de confiance pour mener à bien la réalisation de l’actif

et l’apurement du passif social ».

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15 janvier 2016En quelques mots…

•Bulletin d’information

Doctrine

Le lendemain (infra, no 58), la première chambre civile a jugé que

« le légataire universel a la qualité pour agir en nullité d’un acte à titre onéreux sur le fondement

de l’article 489-1 du code civil, dans sa rédaction antérieure à

celle issue de la loi no 2007-308 du 5 mars 2007 ». Pour Nathalie

Levillain (AJ Famille 2015, p. 501), la jurisprudence « ne semble

pas prête à admettre d’autres possibilités de révocation tacite »

d’un testament que les hypothèses prévues par les articles 1036

et 1038 du code civil et celle de la « destruction volontaire de l’original

du testament par le testateur ou sur son ordre » prévue par

jurisprudence, l’auteur ajoutant qu’« en application du principe

de correspondance des formes, la révocation d’un testament ne

peut être faite dans une donation » et que, « pour limiter les risques et éviter les conséquences d’un

décès prématuré, le notaire aurait dû conseiller à son client soit

d’établir un testament authentique, soit de rédiger un testament

olographe immédiatement après la signature de l’acte de donation ».

Le même jour, la chambre mixte a jugé qu’« il résulte de

l’article L. 271-4 du code de la construction et de l’habitation que le dossier de diagnostic technique

annexé à la promesse de vente ou à l’acte authentique de vente

d’un immeuble garantit l’acquéreur contre le risque mentionné au 3o

du deuxième alinéa du I de ce texte et que la responsabilité du

diagnostiqueur se trouve engagée lorsque le diagnostic n’a pas été

réalisé conformément aux normes édictées et aux règles de l’art, et

qu’il se révèle erroné », approuvant la cour d’appel qui, « ayant relevé

que les investigations insuffisantes du diagnostiqueur n’avaient

pas permis que les acquéreurs soient informés de l’état véritable

d’infestation parasitaire de l’immeuble et retenu que ceux-ci avaient été contraints de réaliser

des travaux pour y remédier », « a déduit exactement de ces seuls motifs que les préjudices matériels

et de jouissance subis par les acquéreurs du fait du diagnostic

erroné avaient un caractère certain et que l’assureur du diagnostiqueur

leur devait sa garantie ».

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Bulletin d’informationTable des matières

•15 janvier 2016

Table des matières

* Les titres et sommaires des arrêts publiés dans le présent numéro paraissent, avec le texte de l’arrêt, dans leur rédaction définitive, au Bulletin des arrêts de la Cour de cassation du mois correspondant à la date du prononcé des décisions.

Jurisprudence

Tribunal des conflits Numéros

Séparation des pouvoirs 1 à 5

Cour de cassation (*)

I. - ARRÊT PUBLIÉ INTÉGRALEMENTArrêt du 8 juillet 2015 rendu par la chambre mixte Page

Vente 8

II. - ARRÊTS DES CHAMBRES STATUANT EN MATIÈRE DE QUESTION PRIORITAIRE DE CONSTITUTIONNALITÉ Numéros

Question prioritaire de constitutionnalité 6 à 12

III. - TITRES ET SOMMAIRES D’ARRÊTS - ARRÊTS DES CHAMBRES Numéros

Accident de la circulation 13

Animaux 14

Appel civil 15

Appel correctionnel ou de police 16

Arbitrage 17

Atteinte à l’autorité de l’État 18

Avocat 19 à 24

Bail commercial 25-26

Brevet d’invention et connaissances techniques 27

Cassation 28

Chambre de l’instruction 29-30

Circulation routière 31

Commune 32

Conflit collectif du travail 33

Conflit de lois 34

Contrat de travail, durée déterminée 35-36-94

Contrat de travail, rupture 37 à 39

Copropriété 40 à 42

Courtier 43

Crédit-bail 44

Criminalité organisée 48

Divorce, séparation de corps 45-46

Donation 47

Enquête préliminaire 48

Fichiers et libertés publiques 49

Filiation 50

Impôts et taxes 51-52

Indemnisation des victimes d’infraction 53

Instruction 48-54-55

Juridictions correctionnelles 56-57

Majeur protégé 58

Mandat d’arrêt européen 59

Nom 60

Officiers publics ou ministériels 61

Peines 62

Postes et communications électroniques 63

Prêt 64

Professions (en général) 24

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15 janvier 2016Table des matières

•Bulletin d’information

Société anonyme 82

Société civile 83

Statut collectif du travail 84 à 86

Statuts professionnels particuliers 87

Syndicat professionnel 88 à 90

Testament 91

Tourisme 92

Travail réglementation, durée du travail 93-94

Travail réglementation, rémunération 87

Travail réglementation, santé et sécurité 95

Protection des consommateurs 65 à 68

Responsabilité délictuelle ou quasi délictuelle 69

Responsabilité du fait des produits défectueux 70

Santé publique 71

Sécurité sociale 72 à 76

Sécurité sociale, accident du travail 77

Sécurité sociale, assurances sociales 78-79

Séparation des pouvoirs 80

Société (règles générales) 81

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Bulletin d’informationTribunal des conflits

•15 janvier 2016

Jurisprudence

No 1

Séparation des pouvoirsCompétence judiciaire. - Domaine d’application. - Actes se rattachant à une procédure judiciaire. - Appréciation. - Applications diverses. - Rejet opposé par un directeur départemental de la sécurité publique à une demande de transmission d’informations au procureur général aux fins de réouverture sur charges nouvelles d’une information judiciaire.

Le rejet opposé par un directeur départemental de la sécurité publique à une demande de transmission d’informations au procureur général aux fins de réouverture sur charges nouvelles d’une information judiciaire clôturée par un non-lieu ne saurait être regardé comme un acte administratif détachable de la procédure qui a été suivie devant la juridiction de l’ordre judiciaire et susceptible, comme tel, d’être soumis à la juridiction administrative.

Dès lors, seule la juridiction de l’ordre judiciaire est compétente pour connaître du litige opposant le plaignant au ministre de l’intérieur.

6 juillet 2015.

No 15-04.017. - Conseil d’État, 15 avril 2015.

M. Arrighi de Casanova, Pt. - M. Maunand, Rap. - M. Dacosta, Rapporteur public.

No 2

Séparation des pouvoirsCompétence judiciaire. - Domaine d’application. - Litige relatif à une personne de droit privé investie d’une mission de service public. - Conditions. - Absence de mise en œuvre de prérogatives de puissance publique. - Applications diverses. - Refus de communication de la liste nominative des masseurs-kinésithérapeutes employés par un établissement de santé privé chargé d’une mission de service public à l’ordre national des masseurs-kinésithérapeutes.

Le refus opposé par un établissement de santé privé chargé d’une mission de service public à une demande du conseil départemental de l’ordre national des masseurs-kinésithérapeutes tendant à la communication de la liste nominative des masseurs-kinésithérapeutes qu’il emploie, effectuée sur le fondement de l’article L. 4321-10 du code de la santé publique, dans sa rédaction issue de la loi no 2009-879 du 21  juillet  2009, ne manifeste pas l’exercice d’une prérogative de puissance publique.

Il en résulte que l’action introduite par le conseil départemental de l’ordre à l’encontre de cet établissement relève de la compétence de la juridiction judiciaire.

6 juillet 2015.

No 15-04.010. - Conseil d’État, 16 février 2015.

M.  Arrighi de Casanova, Pt. - M.  Duval-Arnould, Rap.  - Mme Escaut, Rapporteur public.  - SCP Hémery et Thomas-Raquin, Av.

No 3

Séparation des pouvoirsCompétence judiciaire. - Exclusion. - Cas. - Litige relatif à un service public géré par un organisme de droit privé. - Conditions. - Exercice de prérogatives de puissance publique - Applications diverses.

La Caisse nationale des allocations familiales a, dans le cadre de sa mission d’action sanitaire et sociale, mis en place une subvention au fonctionnement des établissements et services d’accueil de jeunes enfants, dénommée « prestation de service unique », qui est versée par les caisses d’allocations familiales aux personnes morales de droit public ou privé assurant la gestion de tels établissements ou services.

La prestation de service unique ne constitue donc pas un droit conféré par les législations et réglementations de sécurité sociale, au sens du deuxième alinéa de l’article L. 142-1 du code de la sécurité sociale, de sorte que le litige relatif à son versement ne relève pas du contentieux général de la sécurité sociale.

En outre, toute décision relative à cette subvention prise par une caisse d’allocations familiales, qui est un organisme de droit privé chargé d’une mission de service public administratif, met en jeu des prérogatives de puissance publique, ce dont il résulte que seule la juridiction administrative est compétente pour en connaître.

6 juillet 2015.

No 15-04.013. - TA Strasbourg, 17 mars 2015.

M. Arrighi de Casanova, Pt. - M. Honorat, Rap. - M. Desportes, Rapporteur public. - SCP Foussard et Froger, Av.

No 4

Séparation des pouvoirsCompétence judiciaire. - Exclusion. - Cas. - Nécessité d’apprécier la légalité, la régularité ou la validité d’un acte administratif. - Effets. - Obligation de soulever une question préjudicielle. - Applications diverses.

Tribunal des conflits

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15 janvier 2016Tribunal des conflits

•Bulletin d’information

En premier lieu, en vertu des dispositions de l’article L. 211-1 du code des ports maritimes alors applicable, aujourd’hui codifiées à l’article L. 5321-1 du code des transports, et des dispositions de l’article R. 211-1 du code des ports maritimes, également applicables, la « contribution environnementale  » perçue par une commune au titre de l’enlèvement des déchets des navires installés dans son port maritime est une composante du droit de port perçu par cette collectivité.

En second lieu, il résulte de la combinaison des dispositions de l’article L. 211-4 du code des ports maritimes alors applicable et des dispositions des articles 285 et 357 bis du code des douanes qu’il appartient aux tribunaux de l’ordre judiciaire, lorsqu’ils sont saisis d’une contestation concernant le paiement d’une redevance constitutive du droit de port fondée sur une prétendue illégalité des textes instituant cette redevance et fixant son montant, de se prononcer sur leur légalité.

Toutefois, si le juge judiciaire saisi d’une contestation portant sur le paiement d’un droit de port sursoit à statuer et pose une question préjudicielle portant sur la légalité de l’acte administratif fondement de ce droit, alors même qu’une telle appréciation relève de sa compétence compte tenu de la plénitude de juridiction qu’il tient des dispositions précitées, le juge administratif saisi de cette question ne peut alors qu’exercer sa compétence pour répondre à la question en appréciant la légalité de l’acte administratif.

Le  juge administratif saisi à tort est donc compétent pour se prononcer sur la légalité d’une délibération de la commune instituant une « contribution environnementale » due pour tout bateau séjournant en zone portuaire.

6 juillet 2015.

No 15-04.012. - TA Montpellier, 9 mars 2015.

M. Arrighi de Casanova, Pt. - M. Schwartz, Rap. - M. Desportes, Rapporteur public.

No 5

Séparation des pouvoirsConflit. - Conflit négatif de juridictions. - Obligation de renvoi au Tribunal des conflits en prévention de conflit négatif. - Domaine d’application. - Identité d’objet des litiges. - Définition.

Il résulte de l’article 32 du décret no 2015-233 du 27 février 2015 qu’après une décision d’incompétence de la juridiction d’un ordre qui n’est plus susceptible de recours, la juridiction de l’autre ordre ne renvoie la question de compétence au Tribunal des conflits que si les deux juridictions ont été saisies du même litige.

Lorsque le juge judiciaire a été saisi d’une demande d’évaluation d’une dette en argent et d’annulation de procédures de recouvrement et que le juge administratif l’a été d’une demande tendant à la reconnaissance d’une occupation illicite et à l’expulsion qui devrait s’en évincer, il n’y a pas identité d’objet entre les deux litiges, de sorte que le Tribunal des conflits a été saisi à tort en prévention de conflit négatif.

6 juillet 2015.

No 15-04.011. - TA Rouen, 12 mars 2015.

M. Arrighi de Casanova, Pt. - M. Fossier, Rap. - Mme Escaut, Rapporteur public.

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Bulletin d’informationArrêt publié intégralement

•15 janvier 2016

Cour de cassation

VenteImmeuble. - Termites. - Recherche de la présence de termites. - Fourniture d’un diagnostic technique. -

Conséquences. - Détermination.

Il résulte de l’article L. 271-4 du code de la construction et de l’habitation que le dossier de diagnostic technique annexé à la promesse de vente ou à l’acte authentique de vente d’un immeuble garantit l’acquéreur contre le risque mentionné au 3o du deuxième alinéa du I de ce texte et que la responsabilité du diagnostiqueur se trouve engagée lorsque le diagnostic n’a pas été réalisé conformément aux normes édictées et aux règles de l’art, et qu’il se révèle erroné.

Ayant relevé que les investigations insuffisantes du diagnostiqueur n’avaient pas permis que les acquéreurs soient informés de l’état véritable d’infestation parasitaire de l’immeuble et retenu que ceux-ci avaient été contraints de réaliser des travaux pour y remédier, une cour d’appel a déduit exactement de ces seuls motifs que les préjudices matériels et de jouissance subis par les acquéreurs du fait du diagnostic erroné avaient un caractère certain et que l’assureur du diagnostiqueur leur devait sa garantie.

ARRÊT

La Cour de cassation, siégeant en chambre mixte, a rendu l’arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par la société MMA IARD, société anonyme, dont le siège est 14, boulevard Marie- et-Alexandre-Oyon, 72030 Le Mans Cedex 9, contre l’arrêt rendu le 26 septembre 2013 par la cour d’appel de Montpellier (1re chambre, section AO1), dans le litige l’opposant :

1o à M. Antoon X...,

2o à Mme Léonie Z… épouse X..., domiciliés tous deux (...), 34310 Quarante,

3o à la société Verdier et associés, société à responsabilité limitée, dont le siège est 16, rue Georges-Durand, 34490 Murviel-lès-Béziers,

4o à M. Henri Y..., domicilié (...), 34350 Valras-Plage, défendeurs à la cassation ;

Par arrêt du 18 février 2015, la troisième chambre civile a renvoyé le pourvoi devant une chambre mixte. Le premier président a, par ordonnance du 22 juin 2015, indiqué que cette chambre mixte sera composée des première, deuxième, troisième chambres civiles et de la chambre commerciale, financière et économique ;

La demanderesse invoque, devant la chambre mixte, le moyen de cassation annexé au présent arrêt ;

I. - ARRÊT PUBLIÉ INTÉGRALEMENT

ARRÊT DU 8 JUILLET 2015 RENDU PAR LA CHAMBRE MIXTE

Titre et sommaire Page 8

Arrêt Page 8

Note Page 9

Rapport Page 12

Avis Page 26

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15 janvier 2016Arrêt publié intégralement

•Bulletin d’information

Ce moyen unique a été formulé dans un mémoire déposé au greffe de la Cour de cassation par la SCP Boré et Salve de Bruneton, avocat de la société MMA IARD ;

Un mémoire en défense a été déposé au greffe de la Cour de cassation par la SCP Piwnica et Molinié, avocat de M. et Mme X… ;

La SCP de Nervo et Poupet s’est constituée pour la société Verdier et associés ;

La SCP Baraduc, Duhamel et Rameix s’est constituée pour M. Y… ;

Le rapport écrit de M. Guérin, conseiller, et l’avis écrit de M. Charpenel, premier avocat général, ont été mis à la disposition des parties ;

(...)

Sur le rapport de M. Guérin, conseiller, assisté de Mme Konopka, auditeur au service de documentation, des études et du rapport, les observations de la SCP Boré et Salve de Bruneton, de la SCP Piwnica et Molinié, l’avis de M. Charpenel, premier avocat général, auquel les parties, invitées à le faire, n’ont pas souhaité répliquer, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Donne acte à la société MMA IARD (la société MMA) du désistement de son pourvoi en ce qu’il est dirigé contre la société Verdier et associés et M. Y… ;

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l’arrêt attaqué (Montpellier, 26 septembre 2013), que M. et Mme X..., qui ont acquis de M. Y… un bien immobilier à usage d’habitation, ont eu communication, avant la vente, des états parasitaires établis par la société Hérault diagnostic immobilier (la société HDI) ; qu’ayant découvert, à l’occasion de travaux, un état avancé d’infestation de termites, M. et Mme X… ont, après expertise judiciaire, assigné en indemnisation de leurs préjudices M. Y..., la société Verdier et associés, agence immobilière par l’entremise de laquelle ils avaient acquis le bien, et la société MMA, assureur de responsabilité de la société HDI, entre-temps mise en liquidation judiciaire ;

Attendu que la société MMA fait grief à l’arrêt de la condamner à payer diverses sommes à M. et Mme X… en réparation de leurs préjudices matériels et de jouissance alors, selon le moyen, que les conséquences d’un manquement à un devoir d’information et de conseil ne peuvent s’analyser qu’en une perte de chance dès lors que la décision qu’aurait prise le créancier de l’obligation d’information et les avantages qu’il aurait pu obtenir, s’il avait été mieux informé, ne sont pas établis de manière certaine ; qu’en relevant, pour condamner la société MMA à payer à M. et Mme X… le montant de l’intégralité des travaux de reprise des dégâts causés par l’attaque des termites dont la présence n’avait été décelée que partiellement par l’assuré de la société MMA, que si M. et Mme X… « avaient connu l’ampleur des dégâts causés par l’infestation des insectes xylophages, ils auraient négocié la vente avec leur vendeur en tenant compte du coût des travaux de réparation desdits dégâts » bien que de tels motifs ne soient pas de nature à établir que, mieux informés, M. et Mme X..., qui avaient déjà connaissance de la présence de termites, même s’ils ignoraient l’ampleur exacte de leur attaque, auraient pu obtenir du vendeur une diminution du prix équivalente au coût des travaux de réparation, la cour d’appel a violé l’article 1382 du code civil ;

Mais attendu qu’il résulte de l’article L. 271-4 du code de la construction et de l’habitation que le dossier de diagnostic technique annexé à la promesse de vente ou à l’acte authentique de vente d’un immeuble garantit l’acquéreur contre le risque mentionné au 3o du deuxième alinéa du I de ce texte et que la responsabilité du diagnostiqueur se trouve engagée lorsque le diagnostic n’a pas été réalisé conformément aux normes édictées et aux règles de l’art, et qu’il se révèle erroné ; qu’ayant relevé que les investigations insuffisantes de la société HDI n’avaient pas permis que les acquéreurs soient informés de l’état véritable d’infestation parasitaire de l’immeuble et retenu que ceux-ci avaient été contraints de réaliser des travaux pour y remédier, la cour d’appel a déduit exactement de ces seuls motifs que les préjudices matériels et de jouissance subis par M. et Mme X… du fait de ce diagnostic erroné avaient un caractère certain et que la société MMA, assureur de la société HDI, leur devait sa garantie ; que le moyen n’est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.

Ch. mixte - 8 juillet 2015. REJET

No 13-26.686. - CA Montpellier, 26 septembre 2013.

M. Louvel, P. Pt. - M. Guérin, Rap., assisté de Mme Konopka, auditeur. - M. Charpenel, P. Av. Gén. - SCP Boré et Salve de Bruneton, SCP Piwnica et Molinié, Av.

Un commentaire de cette décision est paru dans la Gaz. Pal. 2015, 1, p. 8, note Marc Mignot. Voir également cette même revue, 1, p. 19, note Mustapha Mekki, le D. 2015, somm., p. 1489, cette même revue, p. 2155, note Vincent Mazeaud, le JCP 2015, éd. G, II, 1088, note Yves-Marie Serinet, la RDLC 2015, no 5967, note Charlotte Guillemin, la revue Ann. loyers, septembre 2015, p. 83, note Christelle Coutant-Lapalus, la revue Contrats, conc. consom. 2015, comm. no 253, note Laurent Leveneur, et la RJDA 2015, no 792.

Note sous chambre mixte, 8 juillet 2015

Depuis 1996 (décret no 96-97 du 7 février 1996 relatif à la protection de la population contre les risques sanitaires liés à une exposition à l’amiante dans les immeubles bâtis), le législateur a multiplié les diagnostics techniques que le propriétaire d’un immeuble bâti doit remettre à l’acquéreur de son bien. Ces diagnostics portent aujourd’hui sur le risque d’exposition au plomb, la présence d’amiante, la présence de termites, l’état de l’installation intérieure de gaz et d’électricité et la performance énergétique. Ils sont regroupés dans un « dossier de diagnostic technique »

I. - ARRÊT PUBLIÉ INTÉGRALEMENT

ARRÊT DU 8 JUILLET 2015 RENDU PAR LA CHAMBRE MIXTE

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Bulletin d’informationArrêt publié intégralement

•15 janvier 2016

(article L. 271-4 du code de la construction et de l’habitation), qui doit également contenir le document établi à l’issue du contrôle des installations d’assainissement non collectif et, dans certaines zones géographiques, un état des risques naturels et technologiques ainsi qu’une information sur la présence d’un risque de mérule.

La sanction de la non-remise de la plupart des états ainsi requis est l’impossibilité pour le vendeur de s’exonérer de la garantie des vices cachés (article L. 271-4, II, du code de la construction et de l’habitation) (ce n’est pas le cas du diagnostic de performance énergétique, qui n’a qu’une valeur indicative, et de l’état des risques naturels et technologiques, dont l’absence lors de la signature de l’acte authentique permet à l’acquéreur de demander la résolution du contrat ou une diminution de prix. La loi ne prévoit pas de sanction pour la non-transmission de l’information sur le risque de présence de mérule, qui ne nécessite pas un véritable diagnostic individualisé de l’immeuble). Mais, en cas d’inexactitude d’un ou plusieurs diagnostics, le vendeur, s’il est de bonne foi, est utilement protégé par la clause exonératoire stipulée au contrat. Son obligation se limite à transmettre à l’acquéreur l’information qui lui a été fournie par le diagnostiqueur (3e Civ., 23 septembre 2009, pourvoi no 08-13.373, Bull. 2009, III, no 204  ; voir, dans le même sens, 3e Civ., 6 juillet 2011, pourvoi no 10-18.882, Bull. 2011, III, no 126  ; 3e Civ., 16 décembre 2014, pourvoi no 13-17.469).

L’acquéreur ayant reçu une information erronée n’a donc souvent d’autre choix que de rechercher la responsabilité délictuelle du diagnostiqueur, en raison du dommage que lui cause la mauvaise exécution par le technicien du contrat qu’il a conclu avec le vendeur, ou son agence immobilière (assemblée plénière, 6 octobre 2006, pourvoi no 05-13.255, Bull. 2006, Ass. plén., no 9).

La question s’est posée de la nature du préjudice dont l’acquéreur peut demander réparation au technicien. S’agit-il d’un préjudice certain, dont le montant correspond au coût des travaux permettant de remédier au vice non révélé, ou, compte tenu de l’incertitude pesant sur la situation qui aurait été celle de la victime si elle avait été parfaitement informée, consiste-t-il en une perte de chance, celle d’avoir pu acquérir le bien à des conditions plus avantageuses, tenant compte du coût des réparations nécessaires, ou même d’avoir pu renoncer à cette acquisition  ?

La troisième chambre civile, compétente en matière immobilière, juge régulièrement qu’est certain et correspond au coût des travaux de réparation nécessaires le préjudice résultant d’une mauvaise information de l’acquéreur par le professionnel (3e Civ., 26 septembre 2001, pourvoi no 99-21.764, pour des capricornes  ; 3e Civ., 23 mai 2007, pourvoi no 06-13.656, pour la présence de plomb [il faut cependant noter que, dans cette affaire, le pourvoi n’évoquait pas la notion de perte de chance], 3e Civ., 12 septembre 2012, pourvoi no 11-18.122, pour des termites).

Si, dans un arrêt du 8 février 2012 (pourvoi no 10-27.250), la troisième chambre civile a retenu que la cour d’appel avait pu estimer que, « par ses fautes, [le diagnostiqueur] avait fait perdre une chance [à l’acquéreur] d’avoir son attention suffisamment attirée sur les désordres présents de l’immeuble, sur la nécessité de le visiter intégralement et de se renseigner sur le coût des travaux de remise en état » et le condamner à indemniser l’acquéreur du préjudice en découlant, elle a, plus récemment, approuvé la décision d’une cour d’appel qui, ayant retenu que, « du fait de la présence d’amiante dans les murs et le plafond de la pièce principale de l’immeuble, il n’était pas possible de procéder à des travaux sans prendre des mesures particulières très contraignantes et onéreuses, tant pour un simple bricolage que pour des travaux de grande envergure, et qu’il fallait veiller à l’état de conservation de l’immeuble, afin d’éviter tout risque de dispersion de l’amiante dans l’air [...], a caractérisé la certitude du préjudice résultant de la présence d’amiante [et] a pu en déduire que le préjudice de [l’acquéreur] correspondait au coût des travaux de désamiantage » (3e Civ., 21 mai 2014, pourvoi no 13-14.891, Bull. 2014, III, no 70).

La troisième chambre civile se montre également exigeante sur la motivation des décisions des juges du fond relative au lien de causalité. Elle a ainsi censuré un arrêt ayant retenu que la faute du diagnostiqueur était sans lien direct avec le préjudice consistant dans la moindre valeur de l’immeuble en jugeant « qu’en statuant ainsi, par un motif dont ne résulte pas l’absence d’un lien de causalité entre la faute imputée [au diagnostiqueur] et le préjudice de [l’acquéreur], la cour d’appel a violé [l’article 1382 du code civil] » (3e Civ., 28 janvier 2003, pourvoi no 01-13.875 ; voir, dans le même sens, 3e Civ., 26 septembre 2012, pourvoi no 11-17.422).

La première chambre civile, appelée à statuer sur le préjudice causé à l’acquéreur par le diagnostiqueur de performance énergétique ayant sous-estimé le coût annuel du chauffage, a, dans un arrêt du 20 mars 2013 (pourvoi no 12-14.711), jugé pour sa part que « les conséquences d’un manquement à un devoir d’information et de conseil ne peuvent s’analyser qu’en une perte de chance dès lors qu’il n’est pas certain que, mieux informé, le créancier de l’obligation d’information se serait trouvé dans une situation différente et plus avantageuse ». D’autres décisions, rendues par cette même chambre dans des domaines voisins, analysent également le préjudice de l’acquéreur mal informé en une perte de chance, en raison de l’incertitude sur la situation qui aurait été la sienne si le fait dommageable ne s’était pas produit (1re Civ., 12 décembre 2007, pourvoi no 06-16.920, pour la responsabilité d’un expert immobilier consulté, avant l’achat, sur le coût des réparations à effectuer  ; 1re Civ., 9 décembre 2010, pourvoi no 09-69.490, Bull. 2010, I, no 255, pour la responsabilité d’intermédiaires immobiliers sur les conditions de réalisation de la rénovation dont le bien avait fait l’objet avant la vente).

La deuxième chambre civile, statuant sur un arrêt ayant retenu que la faute du diagnostiqueur « a fait subir un préjudice certain et direct aux acquéreurs qui, pour remédier à la situation et pallier le risque non décelé par l’opérateur de repérage, devront supporter le coût de travaux de désamiantage et que c’est donc à tort que [le diagnostiqueur] et son assureur soutiennent que [les acquéreurs] pouvaient seulement se prévaloir d’une perte de chance d’une meilleure négociation du prix d’achat », a jugé « qu’en statuant ainsi, alors que les travaux de désamiantage non obligatoires au regard de la réglementation alors en vigueur ne constituaient pas un préjudice certain, la cour d’appel a violé [l’article 1382 du code civil] » (2e Civ., 25 février 2010, pourvoi no 08-12.991).

C’est pour mettre fin à ces différences d’appréciation, que l’on retrouve aussi devant les juridictions du fond, que la chambre mixte a été saisie, sur renvoi de la troisième chambre civile, du pourvoi formé contre un arrêt qui, pour condamner l’assureur de responsabilité d’un diagnostiqueur ayant établi un état parasitaire erroné à payer aux

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15 janvier 2016Arrêt publié intégralement

•Bulletin d’information

acquéreurs diverses sommes correspondant au coût des travaux de réparation des dégâts causés par les termites et à la privation de jouissance, avait retenu que, si les acquéreurs avaient connu l’ampleur de ces dégâts, ils auraient négocié la vente avec leur vendeur en tenant compte du coût des travaux de réparation nécessaires.

Le moyen faisait valoir que ce motif n’est pas de nature à établir que, mieux informés, les acquéreurs auraient pu négocier avec le vendeur une diminution du prix équivalente au coût des travaux de réparation. Selon le grief, les conséquences d’un manquement à un devoir d’information et de conseil ne peuvent s’analyser qu’en une perte de chance dès lors que la décision qu’aurait prise les acquéreurs et, surtout, les avantages qu’ils auraient pu obtenir s’ils avaient été mieux informés ne sont pas établis de manière certaine. Le mémoire en défense répliquait que le diagnostiqueur n’est pas tenu exclusivement d’une obligation d’information et de conseil mais d’une obligation de résultat et qu’à ce titre, il doit réparer l’entier préjudice à l’origine duquel se trouve l’inexécution de cette obligation.

L’arrêt ici commenté retient que le dossier de diagnostic technique annexé à la promesse de vente ou à l’acte authentique de vente d’un immeuble garantit l’acquéreur contre le risque de présence de termites et, au terme d’un contrôle « lourd », approuve la décision de la cour d’appel qui, pour retenir que le préjudice des acquéreurs, correspondant au coût des travaux de réparation des conséquences du vice non révélé et à la privation de jouissance, présentait un caractère certain, a relevé que les investigations insuffisantes du diagnostiqueur n’avaient pas permis aux acquéreurs d’être informés de l’état véritable d’infestation parasitaire de l’immeuble et que ces travaux étaient nécessaires, ces motifs étant jugés suffisants.

La chambre mixte ne retient donc pas la thèse de la perte de chance. Dès lors, il n’y a pas lieu de se demander si, mieux informés, les acquéreurs auraient pu obtenir du vendeur une réduction de prix correspondant, totalement ou partiellement, au coût des travaux de réparation des dégâts causés par les insectes.

La solution permet également de dépasser la difficulté relative au lien de causalité entre l’erreur du diagnostiqueur, qui n’est pas à l’origine du défaut de l’immeuble, et le préjudice. Le diagnostiqueur ayant délivré une information inexacte doit être condamné à réparer un dommage qu’il n’a pas causé mais que sa négligence a empêché la victime d’éviter. Comme le relève un auteur, on passe ainsi « d’une logique de responsabilité à une logique de garantie » (Ph. Stoffel-Munck, « Responsabilité civile, Chronique », JCP, éd. G, no 51, 15 décembre 2014, doctr. 1323, B, 3).

En apportant la précision que la responsabilité du diagnostiqueur se trouve engagée lorsque le diagnostic n’a pas été réalisé conformément aux normes édictées et aux règles de l’art et qu’il se révèle erroné, la chambre mixte rappelle qu’on ne saurait reprocher à un technicien de ne pas avoir révélé des vices qui ne faisaient pas partie de sa mission, confirmant une solution retenue dans le domaine voisin du contrôle technique automobile (Com., 13 mars 2012, pourvoi no 11-14.459, Bull. 2012, IV, no 54). Le diagnostiqueur n’est tenu que dans la limite de ses obligations de contrôle.

L’arrêt de la chambre mixte s’inscrit dans le sens du renforcement de la sécurité des transactions immobilières et de la protection des acquéreurs voulu par le législateur, qui non seulement a étendu les domaines dans lesquels un diagnostic technique devait être remis à l’acquéreur d’un immeuble bâti, mais aussi encadré strictement l’activité des diagnostiqueurs, en leur imposant des garanties de compétence, d’indépendance et d’impartialité et en les obligeant à souscrire une assurance de responsabilité (article L. 271-6 du code de la construction et de l’habitation).

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Bulletin d’informationArrêt publié intégralement

•15 janvier 2016

La procédure semble régulière.

1. - Rappel des faits et de la procédure

Par l’entremise de la société Verdier et associés, qui exploite une agence immobilière, M. Y… a vendu à M. et Mme X..., une maison sise (...) à Quarante (34). L’arrêt précise qu’il s’agit « d’une bâtisse très ancienne et en mauvais état ». L’acte de vente du 28 mai 2007 comporte, en annexe, un état parasitaire établi par la société Hérault Diagnostic Immobilier (la société HDI) mentionnant l’existence de termites1.

En réalisant des travaux, M. et Mme X… ont découvert l’état d’infestation avancé de l’immeuble par des insectes xylophages. Une expertise judiciaire a été ordonnée en référé et le rapport déposé le 6 novembre 2008.

L’expert a constaté la présence de termites et de capricornes de maison, l’infestation ambiante de termites souterrains et autres insectes à larves xylophages qui a pu se développer depuis 2006 et 2007 en l’absence de traitement. Il a conclu que les investigations n’avaient pas été suffisamment approfondies par le diagnostiqueur tant sur les pièces de bois mises en œuvre que sur les bois et autres éléments cellulosiques jonchant les sols des diverses annexes, alors que plusieurs constatations visuelles essentielles pour la recherche de termites étaient possibles.

Le 30 juillet 2009, M. et Mme X… ont assigné leur vendeur, M. Y..., la société Verdier et associés, ainsi que les assureurs de la société HDI2, la société Axa France Iard (la société Axa) et la société MMA Iard (la société MMA), en réparation de leurs préjudices.

Par jugement du 23 mai 2011, le tribunal de grande instance de Béziers a :

- mis hors de cause M. Y...3 et la société Axa4 ;

- condamné in solidum la société HDI, la société MMA et la société Verdier et associés à payer à M. et Mme X… les sommes de 37 771,60 euros HT pour la mise en protection de l’immeuble, 21 470 euros HT pour les pièces à changer et 1 500 euros pour le trouble de jouissance.

Par arrêt du 26 septembre 2013, la cour d’appel de Montpellier a :

- confirmé le jugement déféré en ce qu’il avait débouté M. et Mme X… de leurs demandes à l’encontre de M. Y… et en ce qu’il avait retenu l’obligation de la société MMA de garantir la société HDI, responsable d’un état parasitaire insuffisant ;

- infirmé le jugement en ses autres dispositions et, statuant à nouveau, a :

- rejeté les demandes formées par M. et Mme X… contre la société Verdier et associés5 ;

- condamné la société MMA à payer à M. et Mme X… les sommes de 39 849,94 euros TTC et de 22 650,85 euros TTC en réparation de leurs préjudices matériels et de 1 500 euros au titre du préjudice de jouissance ;

- dit que les sommes allouées au titre des préjudices matériels portent intérêts au taux légal à compter du 6 novembre 2008, date du dépôt du rapport d’expertise, avec capitalisation dans les conditions de l’article 1154 du code civil ;

- rejeté l’ensemble des recours en garantie de la société MMA et des demandes de M. et Mme X… à l’encontre de la société Verdier et associés.

Sur la question du préjudice, seule en débat devant la Cour de cassation, la cour d’appel a retenu que :

- si M. et Mme X… avaient connu l’ampleur des dégâts causés par l’infestation des insectes xylophages, ils auraient négocié la vente avec leur vendeur en tenant compte du coût des travaux de réparations desdits dégâts ;

- MMA, assureur du diagnostiqueur, doit donc les indemniser de l’intégralité des travaux de traitement des dégâts causés par les termites et insectes xylophages.

1 Ce certificat n’est pas produit. Selon l’arrêt, trois rapports sur l’état parasitaire de la maison ont été remis à M. et Mme X... avant la signature de l’acte de vente, mentionnant, dans l’état du 25 juillet 2006 : « traces de termites sans activité et traces d’insectes à larves xylophages de type vrillettes et capricornes avec altérations biologiques », dans l’état du 18 août 2006 : « traces de termites avec altérations biologiques sans activité (galeries tunnels) » et dans l’état du 15 mai 2007 : « traces de termites (cordonnets) traces d’insectes à larves xylophages de types vrillettes et capricornes avec altérations biologiques (trous de sorties) ». C’est, semble-t-il, ce dernier état qui a été annexé à l’acte de vente.

2 Selon l’arrêt, M. et Mme X... auraient également assigné la société HDI, mais celle-ci ne figure pas au rang des parties en cause et n’a conclu ni en première instance ni en appel. Le jugement l’a néanmoins condamnée à paiement. Le mémoire en défense indique que cette société a été mise en liquidation judiciaire le 3 décembre 2008.

3 Le tribunal a retenu que le vendeur, dont la bonne foi devait être présumée, ignorait le vice caché et ne pouvait donc être recherché, sur le fondement de l’article 1646 du code civil, qu’en restitution du prix de vente et remboursement des frais. Il a donc rejeté les demandes formées par les acquéreurs à son encontre, qui ne portaient que sur la remise en état du bien infesté et l’allocation de dommages-intérêts (jugement, p. 6).

4 Selon le jugement, le contrat d’assurance conclu avec la société Axa, résilié à effet du 1er décembre 2008, ne couvrait pas la responsabilité civile de la société HDI, qui était assurée pour ce risque auprès de la société MMA.

5 L’arrêt retient que l’agence immobilière, tenue à l’égard des acquéreurs d’une obligation d’information sur les risques de l’immeuble sans avoir une obligation de connaissance technique, a rempli son obligation en fournissant à M. et Mme X..., outre un état parasitaire datant de moins de trois mois, deux autres états parasitaires qui établissaient que, dès août 2006, l’immeuble subissait une attaque de termites.

Rapport de M. GuérinConseiller rapporteur

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15 janvier 2016Arrêt publié intégralement

•Bulletin d’information

C’est l’arrêt attaqué par le pourvoi de la société MMA.

Le pourvoi a été distribué à la troisième chambre civile, qui en a ordonné le renvoi devant une chambre mixte.

2. - Énoncé du moyen

Le pourvoi fait, par un moyen unique, grief à l’arrêt de condamner la société MMA à payer à M. et Mme X… les sommes précitées en réparation de leurs préjudices matériels et au titre du préjudice de jouissance et d’avoir dit que les sommes allouées au titre des préjudices matériels porteraient intérêts au taux légal à compter du 6 novembre 2008, date du dépôt du rapport, avec capitalisation dans les conditions de l’article 1154 du code civil.

Le moyen repose sur une branche unique, tirée de la violation de l’article 1382 du code civil.

Il est soutenu que les conséquences d’un manquement à un devoir d’information et de conseil ne peuvent s’analyser qu’en une perte de chance dès lors que la décision qu’aurait prise le créancier de l’obligation d’information et les avantages qu’il aurait pu obtenir, s’il avait été mieux informé, ne sont pas établis de manière certaine.

Il est donc reproché à la cour d’appel d’avoir retenu, pour condamner la société MMA à payer le montant de l’intégralité des travaux de reprise des dégâts causés par l’attaque des termites dont la présence n’avait été décelée que partiellement par la société HDI, son assuré, que si M. et Mme X… « avaient connu l’ampleur des dégâts causés par l’infestation des insectes xylophages, ils auraient négocié la vente avec leur vendeur en tenant compte du coût des travaux de réparations desdits dégâts », bien que de tels motifs ne soient pas de nature à établir que, mieux informés, M. et Mme X..., qui avaient déjà connaissance de la présence de termites, même s’ils ignoraient l’ampleur exacte de leur attaque, auraient pu obtenir du vendeur une diminution du prix équivalente au coût des travaux de réparation.

3. - Identification du point de droit faisant difficulté à juger

Quelle est la nature du préjudice causé à l’acquéreur d’un bien immobilier par la faute du diagnostiqueur qui ne l’a pas informé de l’importance de l’infestation de l’immeuble par des insectes xylophages : préjudice certain correspondant au coût des travaux de remise en état ou perte de la chance d’avoir pu acquérir le bien dans de meilleures conditions ?

4. - Discussion citant les références de jurisprudence et de doctrine

Depuis 1996, les pouvoirs publics ont progressivement étendu les domaines dans lesquels les propriétaires sont tenus de produire différents diagnostics techniques lors de la vente d’immeubles bâtis. L’ordonnance no 2005-655 du 8 juin 2005, codifiée aux articles L. 271-4 et suivants du code de la construction et de l’habitation, a réalisé une mise en cohérence partielle de ces différentes obligations en prévoyant le regroupement de certaines des informations dans un document unique, le dossier de diagnostic technique (DDT).

Ce dossier comprend des informations concernant, selon les cas, le plomb, l’amiante, les termites, l’état des risques naturels et technologiques, le diagnostic de performance énergétique, l’état de l’installation intérieure de gaz naturel, l’état de l’installation d’électricité ainsi que le document établi à l’issue du contrôle des installations d’assainissement non collectif. Il convient d’y ajouter, dans certains cas, les informations relatives à l’existence d’une installation classée et à la manipulation de déchets chimiques ou radioactifs (article L. 514-20 du code de l’environnement).

La sanction de la non-remise de la plupart de ces diagnostics est l’impossibilité pour le vendeur de s’exonérer de la garantie des vices cachés (article L. 271-4, II, du code de la construction et de l’habitation)6.

En cas d’inexactitude d’un ou plusieurs diagnostics, le vendeur de bonne foi est utilement protégé par la clause élusive de garantie des vices cachés stipulée (v. not. 3e Civ., 6 juillet 2011, pourvoi no 10-18.882, Bull. 2011, III, no 126). En effet, son obligation n’est pas tant d’informer que de transmettre une information qui lui a été fournie par un diagnostiqueur. Il a ainsi été jugé que « la loi n’oblige le propriétaire de l’immeuble qu’à transmettre à l’acquéreur l’état établi par le professionnel » et que devait être cassé l’arrêt qui le condamne « sans constater l’existence d’un engagement spécifique des vendeurs de livrer un immeuble exempt d’amiante » (3e Civ., 23 septembre 2009, pourvoi no 08-13.373, Bull. 2009, III, no 204 ; dans le même sens : 3e Civ., 6 juillet 2011, pourvoi no 10-18.882, Bull. 2011, III, no 126 ; 3e Civ., 14 décembre 2014, pourvoi no 13-17.469).

En revanche, en cas de mauvaise foi du vendeur, la clause de non-garantie est privée d’effet, peu important que le vendeur ait transmis à l’acquéreur un dossier de diagnostic technique (3e Civ., 8 avril 2009, pourvoi no 08-12.960, Bull. 2009, III, no 87 ; 3e Civ., 16 décembre 2009, pourvoi no 09-10.540, Bull. 2009, III, no 288)7.

À l’exception de cette dernière hypothèse, l’acquéreur n’a donc d’autre choix que de rechercher la responsabilité du diagnostiqueur qui a mal exécuté sa mission en lui délivrant une information erronée.

Cette responsabilité est de nature délictuelle. Si, à l’égard de la personne qui, par contrat, l’a chargé d’effectuer le diagnostic (le propriétaire du bien dont la vente est envisagée ou l’agence immobilière mandatée pour rechercher un acquéreur), la responsabilité est de nature contractuelle, c’est sur le terrain délictuel que le diagnostiqueur engage sa responsabilité à l’égard du tiers à qui la mauvaise exécution de sa mission a pu causer un dommage (assemblée plénière, 6 octobre 2006, pourvoi no 05-13.255, Bull. 2006, Ass. plén., no 9).

6 Il faut réserver, notamment, le cas de l’absence d’état des risques naturels et technologiques lors de la signature de l’acte authentique, qui permet à l’acquéreur de demander la résolution du contrat ou une diminution de prix.

7 L’acquéreur ne peut toutefois se prévaloir à l’encontre du propriétaire des informations contenues dans le diagnostic de performance énergétique, qui n’a qu’une valeur informative (article L. 2714, II, précité, in fine).

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Bulletin d’informationArrêt publié intégralement

•15 janvier 2016

La question se pose alors de la nature du préjudice causé à l’acquéreur, qui se voit opposer que le diagnostiqueur n’est pas à l’origine du vice.

Comme l’écrit M. Leveneur8, le diagnostiqueur qui ne décèle pas une caractéristique défavorable du bien qu’il est chargé d’examiner n’est pas à l’origine de la situation réelle : « si la performance énergétique du logement est moins bonne que celle qu’il a annoncé, ce n’est pas pour autant le diagnostiqueur qui a réalisé l’isolation ou installé le système de chauffage ; de même s’il n’a pas découvert l’amiante dont il était chargé de rechercher la présence éventuelle, ce n’est pas lui pour autant qui a placé ce matériau dans l’immeuble9… En revanche, il se peut que les acquéreurs eussent cherché à acheter le bien à un prix moins élevé, ou peut-être auraient-ils même renoncé à l’acquérir, si le diagnostic avait été correctement effectué et leur avait donné les informations exactes sur les caractéristiques du bien. Ainsi c’est la chance perdue par les acquéreurs de se trouver dans une situation plus avantageuse qui constitue leur préjudice et qu’il faut chercher à apprécier ».

C’est donc vers la notion de perte de chance que se sont orientés les tribunaux pour caractériser le préjudice de l’acquéreur à qui avait été communiqué un diagnostic technique erroné. Mais plusieurs décisions ont, au contraire, retenu que le préjudice réparable de l’acquéreur correspondait au coût des travaux destinés à corriger le vice non signalé (désamiantage, réfection des parties de l’immeuble attaqué par les insectes xylophages...).

Avant d’analyser ces différentes décisions et essayer de dégager le ou les critères permettant de caractériser la nature du préjudice subi par l’acquéreur (II), il apparaît nécessaire de procéder à un rappel de la définition et du régime juridique de perte de chance (I).

I. - La perte de chance

A. - La notion de perte de chance10

1. Pour être réparable, le préjudice doit être direct, personnel et certain (il doit aussi, en matière contractuelle, être prévisible).

Le préjudice peut être certain tout en étant futur, mais à la condition d’être inéluctable. En l’absence de préjudice certain, la faute n’ouvre aucun droit à réparation d’un dommage matériel (1re Civ., 27 février 2013, pourvoi no 12-16.891, Bull. 2013, I, no 27). Le préjudice hypothétique n’est pas susceptible de réparation (1re Civ., 30 mai 2000, pourvoi no 98-18.304).

Mais, comme le rappelle M. Bénabent, « la distinction entre préjudice futur certain, entièrement réparable, et préjudice éventuel, aucunement réparable, apparaît quelquefois brutale, dans des hypothèses où l’éventualité est trop sérieuse pour être négligée mais pas assez pour être tenue pour certaine »11.

Le préjudice doit pouvoir être réparé quand bien même il existerait une incertitude, non sur son existence ou sa survenance future, mais sur la situation qui aurait été celle de la victime si le fait dommageable ne s’était pas produit.

C’est pour éviter un système de tout ou rien que la jurisprudence a introduit la notion de perte de chance réparable, définie comme la disparition actuelle et certaine d’une éventualité favorable (par ex. : 1re Civ., 21 novembre 2006, pourvoi no 05-15.674, Bull. 2006, I, no 498 ; 4 juin 2007, pourvoi no 05-20.213, Bull. 2007, I, no 217 ; 8 mars 2012, pourvoi no 11-14.234, Bull. 2012, I, no 47).

Il s’agit, selon l’expression de J. Flour, d’effectuer un « pronostic rétrospectif »12.

Peuvent ainsi être indemnisés, en fonction de leur probabilité, les avantages dont la victime aurait pu, peut-être, bénéficier si elle n’avait pas été affectée par le dommage (ex : la perspective de gagner un procès si l’auxiliaire de justice n’avait pas laissé passer le délai du recours13, de gagner une course pour un cheval arrivé en retard au départ par la faute du transporteur, d’être admis à un concours auquel l’étudiant a été empêché de se présenter à la suite d’un accident de la circulation causé par un tiers...).

Si la perte de chance suppose que la victime soit privée de la perspective de survenance d’un événement favorable, la notion est également utilisée lorsque le fait dommageable empêche la victime d’éviter un événement malheureux car, « dans les deux cas, l’acte reproché au défendeur a compromis la situation de la victime, mais sans qu’on puisse mesurer avec précision les incidences de cette atteinte, qui dépendent pour une part du hasard ou de circonstances inconnues »14.

Il y a donc perte de chance lorsque, venant se mêler aux autres circonstances ou aléas de la vie, le fait dommageable vient modifier le cours des choses pour empêcher que la situation espérée se réalise (événement heureux) ou pour permettre que la situation redoutée se produise (événement malheureux). Dans les deux hypothèses, un fait générateur de responsabilité fait disparaître une éventualité, sans que l’on soit certain que, sans ce fait, l’événement, heureux ou malheureux, se serait réalisé.

8 L. Leveneur, « Erreur du diagnostiqueur : le préjudice s’analyse en une perte de chance », Contrats conc. cons., juin 2013, comm. 127.9 La troisième chambre civile a ainsi approuvé une cour d’appel d’avoir « retenu que la présence avérée d’amiante dans la chaufferie

[...] constituait un vice caché engageant la garantie du vendeur », et d’en avoir déduit « l’absence de lien de causalité entre la faute [du diagnostiqueur], qui avait failli dans sa mission de contrôle, et la présence d’amiante dans l’immeuble, dont seul le propriétaire vendeur devait répondre au titre de son obligation de garantie des vices cachés » (3e Civ., 7 octobre 2009, pourvoi no 08-12.920).

10 Sur la notion et les controverses auxquelles elle donne lieu, cf. les actes du colloque organisé à Orléans le 12 février 2013 sur « La perte de chance » (LPA, 31 octobre 2013, no 218).

11 A. Bénabent, Droit des obligations, LGDJ, 14e éd., 2014, no 679.12 Cité par A. Bénabent, ibid.13 C’est l’hypothèse qui, pour la première fois en jurisprudence, a donné lieu à l’indemnisation de la perte de chance (Req., 17 juillet 1889,

S. 1891, 1, 399).14 G. Viney, P. Jourdain et S. Carval, Traité de droit civil, Les conditions de la responsabilité, sous la direction de J. Ghestin, LGDJ, 4e éd.,

2013, no 278.

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15 janvier 2016Arrêt publié intégralement

•Bulletin d’information

Cette distinction est parfois seulement sémantique. L’événement malheureux qu’on voulait légitimement éviter relève souvent de l’envers de l’événement heureux qu’on pouvait légitimement espérer. En matière médicale, par exemple, faut-il parler de la perte d’une chance de survie ou de la perte d’une chance d’éviter un décès15 ?

2. Dans tous les cas, cependant, la notion de perte de chance suppose qu’il existe un doute sur la survenance d’un événement, heureux ou malheureux. Comme le rappelle Mme Viney, « il est clair que lorsque le préjudice n’est pas réellement aléatoire, il ne doit pas être assimilé à une simple « perte de chance », dont l’indemnisation est moins avantageuse pour la victime [...]. Le juge peut donc, lorsqu’il s’agit de la demande de réparation d’un préjudice, avoir à requalifier le dommage selon qu’il constate l’existence ou l’absence de l’aléa »16.

La Cour de cassation rappelle régulièrement que la perte de chance implique toujours l’existence d’un aléa et n’a pas sa place en présence d’un préjudice certain.

- 2e Civ., 23 juin 1993, pourvoi no 91-20.728, Bull. 1993, II, no 233 :

« Attendu que pour limiter l’indemnisation du préjudice matériel de Mme X…, l’arrêt retient, par motifs adoptés, que les manquements du notaire lui ont fait perdre une chance, nonobstant les délais administratifs et la relative célérité des créanciers de son ex-époux, de pouvoir éviter la prise des inscriptions sur son bien ;

Qu’en statuant ainsi, alors qu’il résultait de ses énonciations que le préjudice dont Mme X… demandait réparation avait un caractère certain, la cour d’appel a violé le texte susvisé » (article 1382 du code civil).

- 1re Civ., 9 décembre 2010, pourvoi no 09-16.531, Bull. 2010, I, no 254 :

« Attendu qu’en statuant ainsi, sur le fondement de la perte de chance, quand, en n’informant pas Mme X… des solutions fiscales régulières au regard de son intention libérale, dont il n’était pas contesté qu’elles existaient, le notaire, qui a concouru à la donation déguisée en méconnaissance des dispositions fiscales, a ainsi exposé les héritières de la donatrice au paiement du redressement et des intérêts de retard, lequel constitue un préjudice entièrement consommé dont l’évaluation commande de prendre en compte l’incidence financière des solutions fiscales licitement envisageables, la cour d’appel a violé le texte susvisé » (article 1382 du code civil).

- 1re Civ., 16 octobre 2013, pourvoi no 12-19.428 :

« Attendu que pour limiter à la somme de 10 000 euros le montant des dommages-intérêts alloués à M. X..., l’arrêt retient que celui-ci ne peut prétendre qu’à la réparation d’une perte de chance de gains pour une utilisation à temps partiel de la pelle ;

Qu’en statuant ainsi, alors que, selon ses propres constatations, M. X… démontrait avoir perdu un marché avec la société SCCV Lila suivant devis d’un montant de 72 455,62 euros, ce qui excluait tout aléa dans la réalisation du dommage, la cour d’appel a violé le texte susvisé » (article 1147 du code civil).

3. Pour être à la source d’un préjudice réparable, la perte de chance doit non seulement être certaine (le fait imputé au défendeur, s’il n’a, par hypothèse, fait disparaître qu’une probabilité, n’en doit pas moins l’avoir oblitérée de manière certaine17), mais aussi réelle ou sérieuse.

Des auteurs18 estiment que la jurisprudence a vidé cette condition de son intérêt en admettant qu’une probabilité, même faible, suffisait (1re Civ., 16 janvier 2013, pourvoi no 12-14.439, Bull. 2013, I, no 2). Deux arrêts sont venus ultérieurement rappeler que la victime devait justifier d’un préjudice direct et certain résultant de la perte d’une chance raisonnable (1re Civ., 30 avril 2014, pourvois no 13-16.380 et no 12-22.567, Bull. 2014, I, no 76 et 78), ce qui a été compris par certains comme un revirement de jurisprudence19. Toutefois, la chambre commerciale a, par la suite, repris l’affirmation suivant laquelle « la perte d’une chance, même faible, est indemnisable » (Com., 13 mai 2014, pourvoi no 13-11.758).

4. Lorsque le préjudice résultant de la perte de chance20 est réparable, les dommages-intérêts alloués à la victime ne sont qu’une fraction de l’avantage espéré, plus ou moins forte selon la probabilité de sa réalisation.

L’indemnité ne peut être égale à la totalité du gain espéré, dont l’obtention, par hypothèse, est aléatoire.

Selon la formule régulièrement reprise par les différentes chambres de la Cour de cassation, « la réparation d’une perte de chance doit être mesurée à la chance perdue et ne peut être égale à l’avantage qu’aurait procuré cette chance si elle s’était réalisée » (1re Civ., 16 juillet 1998, pourvoi no 96-15.380, Bull. 1998, I, no 260, et, plus récemment, Com., 3 mai 2012, pourvoi no 11-16.979 ; 1re Civ., 26 septembre 2012, pourvoi no 11-19. 464 ; 1re Civ., 27 février 2013, pourvoi no 12-15.483 ; 1re Civ., 11 décembre 2013, pourvoi no 12-23.068 ; 2e Civ., 11 septembre 2014, pourvoi no 13-10.414).

La méthode d’évaluation consiste à déterminer le montant du « préjudice plein » (ou « préjudice final »), puis à l’affecter d’un coefficient proportionnel à sa probabilité de réalisation (1re Civ., 18 juillet 2000, pourvoi no 98-20.430, Bull. 2000, I, no 224).

15 C. Bloch et A. Giudicelli, Droit de la responsabilité et des contrats, œuvre collective sous la direction de Ph. Le Tourneau, Dalloz, 9e éd., 2012, chapitre premier, « Préjudice », no 1425.

16 G. Viney, P. Jourdain et S. Carval, op. cit., no 281.17 Ph. Brun, Responsabilité civile extracontractuelle, Litec, 3e éd., 2014, no 184.18 Ph. Malaurie, L. Aynès, Ph. Stoffel-Munck, Droit civil - Les obligations, LGDJ, 6e éd., 2013, no 242.19 V. not. : J.-S. Borghetti, « Réparation de la perte de chance : la Cour de cassation pose l’exigence du caractère raisonnable de la

chance perdue », JCP 2014, éd. G, no 28, 815 ; O. Deshayes, « Perte de chance : une nouvelle jurisprudence en voie de formation », RDC, 1er décembre 2014, no 4, p. 610.

20 La perte de chance est habituellement considérée comme étant, en elle-même, un préjudice, et elle doit, à ce titre, être directe et certaine. Il paraît plus exact de dire que, pour obtenir réparation, le demandeur doit justifier d’un préjudice direct et certain résultant de la perte d’une chance raisonnable. C’est l’expression utilisée par la première chambre civile dans ses deux arrêts du 30 avril 2014 précités.

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Bulletin d’informationArrêt publié intégralement

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B. - Perte de chance et obligation précontractuelle d’information

C’est dans le domaine de la réparation du dommage causé par le manquement à une obligation précontractuelle d’information que la notion de perte de chance d’éviter un dommage a reçu l’une de ses applications majeures.

Il convient, à titre liminaire, de rappeler que la responsabilité précontractuelle ne constitue pas une catégorie autonome, aux côtés de celles de responsabilité contractuelle et de responsabilité délictuelle. Il est généralement considéré que la matière précontractuelle doit être rattachée à la responsabilité délictuelle. Mais la nature du préjudice réparable ne paraît pas devoir varier en fonction de la nature qui est reconnue à la responsabilité précontractuelle. La perte de chance y sera, ou pas, indemnisée sans égard à la qualification retenue.

Le créancier d’une obligation précontractuelle d’information qui a été conduit, en raison d’un manquement à cette obligation, à conclure un contrat lui ayant causé un préjudice, sans qu’il soit possible de savoir quelle aurait été son attitude s’il avait été correctement informé, ne peut se plaindre que d’avoir perdu une chance d’éviter la réalisation du dommage en prenant une autre décision. Il a été très bien dit que « l’exécution correcte de l’obligation ne prémunit pas automatiquement le créancier contre la survenance du dommage. Elle ne peut avoir cet effet que médiatement, par le truchement de la décision prise par le créancier, décision qu’elle permet d’éclairer et sur laquelle elle exerce donc une influence. Or une influence n’est pas un commandement »21.

Dès lors, le dommage réparable est constitué de la seule perte d’une chance d’éviter le dommage tel qu’il s’est réalisé.

Mais lorsqu’il apparaît avec certitude, ou de façon suffisamment plausible, que le créancier, correctement informé, aurait pris une décision qui lui aurait permis d’empêcher la réalisation du dommage subi en raison du défaut de renseignement, l’indemnisation totale des pertes subies du fait de la réalisation des risques dont il n’a pas été informé doit lui être accordée (par ex. : 1re Civ., 9 juillet 2009, pourvois no 08-18.110 et 08-16.917, pour le préjudice résultant d’un redressement fiscal ; 1re Civ., 2 octobre 2013, pourvoi no 12-20.504, Bull. 2013, I, no 194, pour un placement immobilier désavantageux).

L’exposé détaillé des solutions retenues par la jurisprudence dans les différents domaines où le manquement à une obligation précontractuelle d’information est, ou non, sanctionné sur le terrain de la perte de chance sortirait du cadre de cette étude. En effet, cantonnée à l’origine au contrat de vente, cette obligation prétorienne d’information s’est généralisée à la plupart des contrats22 et la notion de perte de chance est susceptible d’être utilisée dans de très nombreux cas.

Pour cerner les relations entre l’obligation précontractuelle d’information et la notion de perte de chance, il apparaît cependant utile de rappeler brièvement les solutions qui ont été retenues dans les deux domaines ayant donné lieu au plus grand nombre d’applications, la responsabilité des professions de santé et celle des banques et intermédiaires financiers.

1. Dans le domaine médical, la victime d’un manquement à une obligation précontractuelle d’information a longtemps été indemnisée de l’intégralité du coût du préjudice constaté. C’était la solution retenue par la chambre des requêtes dans l’arrêt Teyssié (Req., 28 janvier 1942, D. 1942, 63) puis par la première chambre civile (par ex. : 1re Civ., 11 février 1986, pourvoi no 84-10.845, Bull. 1986, I, no 24).

En 1990, la première chambre a modifié sa position et retenu qu’« en manquant à son obligation d’éclairer [le patient] sur les conséquences éventuelles de son choix d’accepter l’opération qu’il lui proposait, [le médecin] a seulement privé ce malade d’une chance d’échapper, par une décision peut-être plus judicieuse, au risque qui s’est finalement réalisé, perte qui constitue un préjudice distinct des atteintes corporelles qui, seules, ont fait l’objet de la demande [...] » (1re Civ., 7 février 1990, pourvoi no 88-14.797, Bull. 1990, I, no 39).

Cette solution a été reprise par la suite. Il a ainsi été jugé que :

- « la violation d’une obligation d’information ne peut être sanctionnée qu’au titre de la perte par le patient de la chance d’échapper, par une décision peut-être plus judicieuse, au risque qui s’est finalement réalisé et que, le dommage correspond alors à une fraction des différents chefs de préjudice subis qui est déterminée en mesurant la chance perdue et ne peut être égale aux atteintes corporelles résultant de l’acte médical » (1re Civ., 7 décembre 2004, pourvoi no 02-10.957, Bull. 2004, I, no 302) ;

- « le seul préjudice indemnisable à la suite du non-respect de l’obligation d’information du médecin, laquelle a pour objet d’obtenir le consentement éclairé du patient, est la perte de chance d’échapper au risque qui s’est finalement réalisé » (1re Civ., 6 décembre 2007, pourvoi no 06-19.301, Bull. 2007, I, no 380).

Si la première chambre civile a, par la suite, décidé que, même sans incidence sur le choix du patient, le manquement à l’obligation d’information du médecin cause à celui-ci un préjudice (1re Civ., 3 juin 2010, pourvoi no 09-13.591, Bull. 2010, I, no 128 ; 1re Civ., 12 juillet 2012, pourvoi no 11-17.510, Bull. 2012, I, no 165), elle a, plus récemment, précisé que « le non-respect, par un professionnel de santé, de son devoir d’information cause à celui auquel l’information était due, lorsque ce risque se réalise, un préjudice résultant d’un défaut de préparation aux conséquences d’un tel risque, que le juge ne peut laisser sans réparation », et ce, « indépendamment des

21 O. Deshayes, « Quel est le préjudice réparable en cas de manquement à une obligation d’information, de mise en garde ou de conseil ? », RDC, 1er avril 2011, no 2, p. 446.

22 Pour un inventaire des principaux débiteurs de cette obligation, v. B. Petit et S. Rouxel, Juris-Classeur civil code, fasc. 50 : « Contrats et obligations - Obligation d’information », no 16 ; S. Le Gac-Pech, « L’obligation d’information : omniprésente, mais en mal de reconnaissance ? », Lamy droit civil 2012, 97 ; G. Viney, P. Jourdain et S. Carval, op. cit., no 503 et s. ; cf. aussi les articles L. 111-1 et L. 111-2 du code de la consommation ainsi que le décret no 2014-1061 du 17 septembre 2014, qui détaille les informations générales que les professionnels, vendeurs de biens ou prestataires de services, doivent communiquer aux consommateurs sur les lieux de vente avant la conclusion d’un contrat ou un acte d’achat, mais aussi préalablement à la conclusion d’un contrat selon une technique de communication à distance ou en dehors d’un établissement commercial.

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•Bulletin d’information

cas dans lesquels le défaut d’information sur les risques inhérents à un acte d’investigation, de traitement ou de prévention a fait perdre au patient une chance d’éviter le dommage résultant de la réalisation de l’un de ces risques, en refusant qu’il soit pratiqué » (1re Civ., 23 janvier 2014, pourvoi no 12-22.123, Bull. 2014, I, no 13).

A ainsi été clairement affirmée l’indépendance entre le préjudice résultant du défaut de préparation à la réalisation du risque et le préjudice résultant de la perte de chance d’éviter le dommage en refusant l’acte médical, le cumul entre les deux étant même envisageable23.

La notion de perte de chance reste donc tout à fait d’actualité dans le domaine de la responsabilité médicale. Faute de certitude sur l’attitude qu’aurait eu la victime si elle avait été correctement informée, les tribunaux n’indemnisent, au titre du préjudice matériel, que la perte de la chance de prendre la décision qui aurait évité le dommage.

Cela implique que la perte de chance n’a lieu d’être réparée que lorsque le patient avait la possibilité de refuser l’acte de soins proposé par le médecin et qu’il est établi qu’une connaissance exacte des risques inhérents à cet acte aurait influé sur sa décision de le subir. On considère alors que le défaut d’information est directement à l’origine de la perte de chance pour le patient d’éviter le dommage.

Mais, lorsque l’intervention était nécessaire ou qu’il n’existait pas d’alternative de traitement, la perte de chance n’est pas caractérisée (par ex. : 1re Civ., 20 juin 2000, pourvoi no 98-23.046, Bull. 2000, I, no 193 ; 1re Civ., 13 novembre 2002, pourvois no 01-00.377 et 01-02.592, Bull. 2002, I, no 265 et 266 ; 1re Civ., 4 avril 2003, pourvoi no 00-15.572, Bull. 2003, I, no 40).

2. La notion de perte de chance est également d’utilisation courante dans le domaine de la responsabilité bancaire, tant en matière d’octroi de crédit que de prestations de services d’investissement.

2.1. On sait que, tenu à un devoir de vigilance et de discernement, le banquier ne doit pas accorder un crédit de manière inconsidérée. Après s’être assuré que le crédit sollicité est supportable par l’emprunteur, sans pour autant s’immiscer dans ses affaires24, le banquier prêteur doit l’informer des caractéristiques du prêt proposé.

Lorsque le demandeur de crédit agit dans le cadre de son activité professionnelle, cette communication est effectuée par la remise des conditions générales et particulières du contrat formalisant les obligations des parties.

Des dispositions particulières plus contraignantes régissent les crédits à la consommation et les crédits immobiliers25.

Le préjudice résultant du manquement du banquier prêteur à son obligation précontractuelle d’information est constitué par la perte de chance de ne pas contracter ou d’éviter le risque qui s’est réalisé (Com., 23 janvier 2007, pourvoi no 05-18.557, Bull. 2007, IV, no 6 ; Com., 10 juillet 2012, pourvoi no 11-11.891).

Lorsque l’obligation d’information se prolonge d’un devoir de mise en garde à l’égard de l’emprunteur ou de sa caution, le préjudice né du manquement du banquier à ce devoir s’analyse également en une perte d’une chance de ne pas contracter (Com., 20 octobre 2009, pourvoi no 08-20.274, Bull. 2009, IV, no 127 ; Com., 26 janvier 2010, pourvoi no 08-20.505).

Sans aller jusqu’à la mise en garde, l’obligation d’information du banquier prêteur peut être assortie d’un devoir d’éclairer. C’est le cas lorsque la banque propose à son client emprunteur d’adhérer à l’assurance de groupe qu’elle a souscrite afin de couvrir les risques pouvant affecter sa capacité à rembourser le prêt. La banque est alors tenue, d’une part, d’une obligation d’information sur l’objet même du contrat d’assurance (prévue par l’article L. 141-4 du code des assurances), obligation qui s’exécute par la remise d’une notice définissant les garanties et les modalités de mise en œuvre de l’assurance, et, d’autre part, d’un devoir d’éclairer, au titre duquel elle doit attirer l’attention de l’emprunteur sur les limites et l’intérêt de l’assurance qu’elle lui propose, en d’autres termes, « l’éclairer sur l’adéquation des risques couverts à sa situation personnelle d’emprunteur, la remise de la notice ne suffisant pas à satisfaire à cette obligation » (assemblée plénière, 2 mars 2007, pourvoi no 06-15.267, Bull. 2007, Ass. plén., no 4).

La jurisprudence est constante : 2e Civ., 2 octobre 2008, pourvoi no 07-15.276, Bull. 2008, II, no 201 ; Com., 15 février 2011, pourvoi no 10-10.677 ; Com., 31 janvier 2012, pourvoi no 11-11.700 ; Com., 10 mai 2012, pourvoi no 11-15.206 ; 1re Civ., 30 octobre 2013, pourvoi no 12-22.731).

Le préjudice né du manquement à cette obligation d’éclairer s’analyse en une perte de chance de ne pas contracter (Com., 15 février 2011, pourvoi no 09-16.779) ou de souscrire une assurance adaptée (2e Civ., 1er juin 2011, pourvoi no 10-19.630 ; Com., 31 janvier 2012, précité), laquelle ne peut qu’être mesurée à la chance perdue et ne peut être égale à l’avantage qu’aurait procuré cette chance si elle s’était réalisée. Sont ainsi cassés les arrêts qui, après avoir retenu le manquement de la banque à son obligation d’éclairer, la condamne au paiement de dommages-intérêts d’un montant égal à celui que l’emprunteur aurait pu obtenir de l’assureur si le sinistre avait été garanti (Com., 13 septembre 2011, pourvoi no 10-20.644).

23 O. Sabard, « Précisions sur le préjudice né du défaut d’information du médecin », LPA, 11 avril 2014, no 73, p. 11 ; A. Guégan-Lécuyer, « Le préjudice d’impréparation ou comment subordonner la sanction du défaut d’information médicale à l’atteinte corporelle résultant de l’acte médical », RDC, 2014 no 3, p. 368.

24 En principe, sauf anomalies grossières ou informations manifestement inexactes, le banquier est en droit de se fier aux informations qui lui sont communiquées et l’emprunteur est, comme tout contractant, tenu à une obligation de loyauté et de sincérité dans la fourniture des informations à son cocontractant (1re Civ., 30 octobre 2007, pourvoi no 06-17.003, Bull. 2007, I, no 330). Mais, si les éléments fournis sont manifestement inexacts ou insuffisants, l’établissement de crédit doit procéder à des investigations plus poussées (1re Civ., 25 avril 2007, pourvois no 06-11.804 et 06-12.379).

25 Pour les crédits à la consommation, par exemple, l’article L. 311-6 du code de la consommation précise que cette communication préalable porte sur « les informations nécessaires à la comparaison de différentes offres et permettant à l’emprunteur, compte tenu de ses préférences, d’appréhender clairement l’étendue de son engagement ». L’article L. 311-8 du même code dispose que le prêteur ou l’intermédiaire de crédit fournit également à l’emprunteur les explications lui permettant de déterminer si le contrat de crédit proposé est adapté à ses besoins et à sa situation financière. L’inobservation de ces prescriptions est sanctionnée par la déchéance du droit aux intérêts (article L. 311-48).

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2.2. Le banquier prestataire de services d’investissement est également tenu d’une obligation d’information qui, après avoir été dégagée par la jurisprudence, a été consacrée par les textes26.

Là encore, l’obligation d’information peut se prolonger d’un devoir de mise en garde envers l’investisseur non averti qui réalise une opération spéculative, voire de conseil, si le banquier en prend l’engagement.

Il est établi que le préjudice né du manquement du prestataire de services d’investissement à son obligation d’information, de mise en garde ou de conseil s’analyse en une perte de chance d’échapper, par une décision plus judicieuse, au risque qui s’est finalement réalisé, perte qui constitue un préjudice distinct de celui qui résulte des opérations que l’investisseur a effectuées.

Depuis un arrêt de la chambre commerciale du 10 décembre 1996 (pourvoi no 94-16.082, Bull. 1996, IV, no 307), la jurisprudence en ce sens est constante. On peut citer, par exemple, Com., 12 février 2008, pourvoi no 06-21.974 ; Com., 22 septembre 2009, pourvoi no 08-18.141 ; Com., 9 novembre 2010, pourvoi no 09-69.997 ; Com., 4 février 2014, pourvoi no 13-10.630, Bull. 2014, IV, no 28)27.

Comme l’écrit un auteur28, « le client a perdu la possibilité qui lui aurait été offerte s’il avait été mieux informé ou mieux orienté, s’il avait compris la technique ou mesuré le risque qu’elle présentait, de ne pas souscrire à ce placement, de choisir un autre produit mieux adapté à sa situation patrimoniale ou à ses attentes. L’épargnant a donc perdu une chance de ne pas conclure, de ne pas réaliser l’opération qui lui a fait perdre tout ou partie de son capital investi ».

L’homogénéité des solutions ainsi retenues par la Cour de cassation en matière de responsabilité médicale et bancaire ne se retrouve pas dans le domaine particulier du diagnostic technique préalable à la vente d’un immeuble bâti.

II. - Diagnostic erroné et préjudice de l’acquéreur

A. - La position des différentes chambres

1. Les première et deuxième chambres civiles retiennent régulièrement la notion de perte de chance pour caractériser le préjudice subi par l’acquéreur d’un bien immobilier à qui le diagnostiqueur a communiqué une information erronée.

- 2e Civ., 25 février 2010, pourvoi no 08-12.991 :

« Attendu que pour condamner in solidum M. X… et son assureur à payer à M. Y… et à Mme Z… la somme de 23 335 euros, l’arrêt retient que la faute de M. X… a fait subir un préjudice certain et direct aux acquéreurs qui, pour remédier à la situation et pallier le risque non décelé par l’opérateur de repérage, devront supporter le coût de travaux de désamiantage et que c’est donc à tort que M. X… et son assureur soutiennent que M. Y… et Mme Z… pouvaient seulement se prévaloir d’une perte de chance d’une meilleure négociation du prix d’achat ;

Qu’en statuant ainsi, alors que les travaux de désamiantage non obligatoires au regard de la réglementation alors en vigueur ne constituaient pas un préjudice certain, la cour d’appel a violé le texte susvisé [...] ».

- 1re Civ., 9 décembre 2010, pourvoi no 09-69.490, Bull. 2010, I, no 255 :

« Attendu qu’après avoir retenu le manquement des intermédiaires29 à leur obligation d’information et de conseil concernant la réalisation hors toute assurance de cette rénovation et évalué à 94 064,85 euros le coût de reprise des désordres décennaux, à 29 300 euros le montant du préjudice immatériel en résultant et à 5 000 euros celui du préjudice moral, l’arrêt condamne in solidum le vendeur, les notaires et l’agent commercial à payer aux acquéreurs le total de ces sommes ;

Qu’en statuant ainsi, sans constater qu’il était certain que, mieux informés, les acquéreurs auraient pu obtenir un avantage équivalent au coût des travaux de réparation, la cour d’appel, qui, au demeurant, s’agissant le cas échéant de la réparation d’un préjudice né d’une perte de chance, ne pouvait allouer une indemnité égale au bénéfice que le demandeur aurait retiré de la réalisation de l’événement escompté, a privé sa décision de base légale au regard du texte susvisé » (article 1382 du code civil).

- 1re Civ., 20 mars 2013, pourvois no 12-14.711 et 12-14.712 (erreur commise par un diagnostiqueur de performance énergétique qui a sous-estimé le coût annuel du chauffage) :

« Vu l’article 1382 du code civil ;

Attendu que pour condamner, d’une part, la société Allo diagnostic et la société Covea Risks à payer aux époux X… une provision de 100 000 euros, d’autre part, M. Y… et la SCP Y… et Z… [les notaires] à payer une provision de 20 000 euros, l’arrêt retient qu’ayant directement concouru au dommage des époux X..., le diagnostiqueur et le notaire sont tenus, in solidum entre eux et avec les vendeurs, de réparer le préjudice de ceux-ci ;

Qu’en statuant ainsi, alors que les conséquences d’un manquement à un devoir d’information et de conseil ne peuvent s’analyser qu’en une perte de chance dès lors qu’il n’est pas certain que, mieux informé,

26 Article L. 533-12, II, du code monétaire et financier, qui prescrit aux prestataires de services d’investissement de communiquer à leurs clients, notamment leurs clients potentiels, « les informations leur permettant raisonnablement de comprendre la nature du service d’investissement et du type spécifique d’instrument financier proposé ainsi que les risques y afférents, afin que les clients soient en mesure de prendre leurs décisions d’investissement en connaissance de cause ».

27 On rappelle que la solution n’est pas applicable dans le cas où il est certain que, mieux informé, l’investisseur aurait évité le risque qui s’est réalisé (1re Civ., 2 octobre 2013, pourvoi no 12-20.504, précité).

28 R. Bonhomme, « Responsabilité et gestion du risque financier », RD banc. et fin., no 6, novembre 2010, étude 31, no 41.29 Cet arrêt, cité par le mémoire ampliatif, porte sur la responsabilité non d’un diagnostiqueur mais d’intermédiaires dans l’acquisition

d’un bien immobilier. La solution apparaît néanmoins transposable.

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15 janvier 2016Arrêt publié intégralement

•Bulletin d’information

le créancier de l’obligation d’information se serait trouvé dans une situation différente et plus avantageuse, la cour d’appel, qui n’a pas recherché si, mieux informés, les époux X… auraient renoncé à acquérir le bien litigieux ou l’auraient acquis à des conditions plus avantageuses, n’a pas donné de base légale à sa décision [...] ».

En matière de mesurage (loi Carrez), domaine différent de celui des diagnostics techniques mais avec lequel un parallèle peut être fait, la deuxième chambre civile a également retenu la notion de perte de chance.

- 2e Civ., 6 juin 2013, pourvoi no 12-19.660 :

« Vu l’article 1382 du code civil ;

Attendu que pour débouter Mme X… de sa demande de dommages-intérêts en réparation de la perte de chance d’avoir acquis à un moindre prix, l’arrêt retient que Mme X… n’a pas fait l’acquisition d’une surface sans égard aux caractéristiques intrinsèques et extrinsèques du bien, que les parties n’ont soumis la vente qu’aux dispositions légales de la loi Carrez et que la superficie ne constituait pas une condition déterminante de l’engagement de Mme X..., qui n’a pas jugé utile de procéder, dans le délai de recevabilité de l’article 46 de la loi du 10 juillet 1965, à la vérification de la surface déclarée à l’acte de vente ;

Qu’en statuant ainsi, sans rechercher, ainsi qu’elle y était invitée, si la faute de la société Foncia, qui avait établi le certificat de mesurage erroné, n’avait pas néanmoins privé Mme X… d’une chance d’obtenir l’acquisition du bien à un moindre prix, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard du texte susvisé [...] ».

On peut également citer un arrêt plus ancien, rendu dans une espèce où les acquéreurs savaient qu’ils devaient faire des travaux et avaient, avant de s’engager, confié à un expert le soin d’en évaluer le coût. Ils ont ensuite acquis le bien sur la base de la moins-value chiffrée par l’expert, laquelle s’est révélée inférieure au coût réel des travaux. La première chambre civile a approuvé la cour d’appel d’avoir retenu que la faute de l’expert n’avait causé aux acquéreurs qu’une perte de chance dès lors qu’il n’était pas certain qu’ils auraient renoncé à la vente s’ils avaient connu le coût des réparations des désordres non signalés.

- 1re Civ., 12 décembre 2007, pourvoi no 06-16.920 :

« Attendu que les époux X… font grief à l’arrêt de limiter à 17 000 euros leur indemnisation alors, selon le moyen, que le coût des réparations nécessitées par les désordres non signalés par l’expert constitue un préjudice certain et qu’en décidant qu’un tel préjudice ne constituait qu’une perte de chance, la cour d’appel a violé l’article 1147 du code civil ;

Mais attendu qu’ayant relevé qu’il n’était pas certain que les époux X… auraient renoncé à la vente s’ils avaient connu le coût des réparations des désordres non signalés, la cour d’appel a pu retenir que la faute de l’expert ne leur avait causé qu’une perte de chance de mieux apprécier l’opportunité de contracter et d’échapper à l’obligation du coût de la remise en état [...] ».

2. En revanche, la troisième chambre civile retient que la faute du diagnostiqueur cause à l’acquéreur un préjudice certain, correspondant au coût des travaux permettant de remédier au vice non décelé.

- 3e Civ., 26 septembre 2001, pourvoi no 99-21.764 :

« Vu l’article 1382 du code civil ;

Attendu que pour condamner M. X… à payer aux époux Y… la somme de 24 234,37 francs, l’arrêt retient que les conséquences dommageables de la faute de M. X..., architecte, ne consistent que dans le défaut de signalement d’une infestation très légère de capricornes et que le préjudice qui lui est imputable se traduit donc par la perte d’une chance d’avoir procédé avant la vente à une expertise plus approfondie qui se limite au quart de ce qu’aurait révélé l’expertise complète ;

Qu’en statuant ainsi, alors que le coût des réparations nécessitées par la présence de capricornes non signalés par M. X… dans l’attestation destinée à informer les acquéreurs sur la présence des parasites constituait un préjudice certain, la cour d’appel a violé le texte susvisé [...] ».

- 3e Civ., 23 mai 2007, pourvoi no 06-13.656 :

Dans cette affaire, où les acquéreurs reprochaient à un architecte de ne pas avoir décelé la présence de plomb sur certaines parties du bien acquis, la troisième chambre a approuvé une cour d’appel d’avoir retenu « à bon droit que les volets, fenêtres, garde-corps et barres d’appui devaient être examinés dès lors qu’il s’agissait d’éléments accessibles de l’intérieur de l’appartement, et [d’avoir] relevé, par motifs adoptés, que le préjudice subi par les acquéreurs résultait de la présence non diagnostiquée de plomb dans les peintures, [pour en déduire exactement] que [l’architecte] devait être déclaré responsable du préjudice subi par [les acquéreurs] ».

Il faut cependant noter que le moyen n’évoquait pas la notion de perte de chance.

- 3e Civ., 12 septembre 2012, pourvoi no 11-18.122 :

« Mais attendu qu’ayant retenu, par motifs propres et adoptés, qu’en raison de la faute commise par la société CEA diagnostic, dont les investigations insuffisantes n’avaient pas permis de révéler l’ampleur de l’infestation par les termites, M. X..., qui avait acheté l’immeuble pour un prix en rapport avec sa vétusté, était contraint de le démolir et de le reconstruire, la cour d’appel en a exactement déduit qu’il avait droit à l’indemnisation de son entier préjudice et non à celle d’une perte de chance et, sans être tenue de procéder à une recherche que ses constatations rendaient inopérante, a légalement justifié sa décision [...] ».

Il faut rappeler que, dans cette affaire, le dommage ne pouvait être réparé que par la démolition puis la reconstruction d’une petite maison qui n’aurait pas résisté au traitement de pulvérisation contre les termites.

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Bulletin d’informationArrêt publié intégralement

•15 janvier 2016

Le diagnostiqueur soutenait, dans l’une des branches de son moyen, que, mieux informé, l’acquéreur n’aurait pu obtenir des vendeurs une diminution du prix équivalente au coût de la reprise des désordres puisque le prix payé correspondait, en fait, au coût du terrain.

- 3e Civ., 21 mai 2014, pourvoi no 13-14.891, Bull. 2014, III, no 70 (publication sur un autre moyen) :

« Attendu, d’autre part, qu’ayant retenu, par motifs adoptés, que du fait de la présence d’amiante dans les murs et le plafond de la pièce principale de l’immeuble, il n’était pas possible de procéder à des travaux sans prendre des mesures particulières très contraignantes et onéreuses, tant pour un simple bricolage que pour des travaux de grande envergure, et qu’il fallait veiller à l’état de conservation de l’immeuble, afin d’éviter tout risque de dispersion de l’amiante dans l’air, la cour d’appel, qui a caractérisé la certitude du préjudice résultant de la présence d’amiante, a pu en déduire que le préjudice de Mme X… correspondait au coût des travaux de désamiantage [...] ».

La troisième chambre a, toutefois, approuvé un arrêt qui avait retenu que l’erreur du diagnostiqueur sur les attaques d’insectes xylophages dont le bien faisait l’objet avait privé l’acquéreur d’une chance de mener des investigations complémentaires sur l’état de l’immeuble.

- 3e Civ., 8 février 2012, pourvois no 10-27.250 et 10-31.074 :

« Mais attendu qu’ayant constaté que le premier diagnostic, établi le 24 décembre 2002 et annexé à la promesse de vente, n’était pas conforme à la norme XPP03.20, faute d’indications, sur les parties de l’immeuble visitées par M. X..., que celui-ci n’y avait pas relevé d’importantes attaques d’insectes xylophages, avait sous-estimé la présence d’humidité, dont il avait attribué l’origine à une cause bénigne, et avait omis de mentionner des attaques fongiques visibles sans sondages destructifs à différents endroits de l’immeuble, et que le second diagnostic, daté du 2 avril 2003 et annexé à l’acte authentique de vente, n’était que la copie du premier diagnostic et avait été réalisé sans visite concomitante de l’immeuble, en violation des dispositions réglementaires applicables en l’espèce, la cour d’appel a pu en déduire que par ces fautes, M. X… avait fait perdre une chance à la société 9 rue du Pré d’avoir son attention suffisamment attirée sur les désordres présents de l’immeuble, sur la nécessité de le visiter intégralement et de se renseigner sur le coût des travaux de remise en état et le condamner à l’indemniser du préjudice en découlant [...] ».

Comment choisir entre les deux solutions ?

Avant de présenter les éléments de discussion de cette question, il convient de rappeler, dans le souci d’être complet, que, lorsque l’acquéreur à qui un diagnostic technique erroné a été communiqué engage, à l’encontre du vendeur, une action fondée sur les vices cachés, il est unanimement jugé que l’obligation de restituer le prix incombant audit vendeur en cas d’annulation du contrat ne représente pas un préjudice mais n’est que la conséquence de l’annulation de la vente. Elle ne peut donc donner lieu ni à réparation ni à garantie du débiteur de la restitution par le diagnostiqueur fautif (3e Civ., 5 décembre 2007, pourvoi no 06-15.332, pour un diagnostic amiante). La solution est la même pour la restitution partielle du prix prévue par l’article 1644 du code civil en cas d’exercice de l’action estimatoire (3e Civ., 17 novembre 2009, pourvoi no 08-20.049, pour un diagnostic termites).

La troisième chambre civile applique la même solution en matière de mesurage (par ex. : 3e Civ., 25 octobre 2006, pourvoi no 05-17.427, Bull. 2006, III, no 205 ; 3e Civ., 8 juin 2011, pourvoi no 10-12.004 ; 3e Civ., 12 juin 2014, pourvoi no 13-11.176), mais retient que les notions de restitution de la partie du prix excédentaire et de faute du technicien ouvrant droit à réparation pour le vendeur sont distinctes et que la première n’exclut pas la seconde. Elle a ainsi refusé de transmettre au Conseil constitutionnel, pour absence de caractère sérieux, une question prioritaire de constitutionnalité soutenant que la non-garantie du mesureur sur la restitution partielle du prix portait atteinte au principe de réparation et de responsabilité au motif que « l’article 46 de la loi du 10 juillet 1965, et la portée effective qui lui est donnée par la jurisprudence de la troisième chambre civile de la Cour de cassation, ne privent pas le vendeur d’un lot de copropriété qui a subi un préjudice à cause d’une erreur de mesurage de son droit d’en demander réparation sur le fondement de la responsabilité de droit commun » (3e Civ., 10 janvier 2013, pourvoi no 12-40.084, Bull. 2013, III, no 1).

La troisième chambre civile a fait récemment application de cette distinction.

- 3e Civ., 28 janvier 2015, pourvoi no 13-27.397, en cours de publication :

« Mais attendu qu’ayant retenu, à bon droit, que, si la restitution, à laquelle le vendeur est tenu en vertu de la loi à la suite de la diminution du prix résultant d’une moindre mesure par rapport à la superficie convenue, ne constitue pas, par elle-même, un préjudice indemnisable permettant une action en garantie, le vendeur peut se prévaloir, à l’encontre du mesureur ayant réalisé un mesurage erroné, d’une perte de chance de vendre son bien au même prix pour une surface moindre, la cour d’appel a souverainement apprécié l’étendue du préjudice subi par Mme X… [...] ».

Dans la mesure où cette solution serait transposable au diagnostiqueur, on peut se demander si le droit ainsi reconnu au vendeur d’invoquer le préjudice résultant de la perte de chance de céder son bien au même prix n’implique pas, corrélativement, que le préjudice subi par l’acquéreur à qui a été communiqué un diagnostic technique erroné résulte, lui aussi, d’une perte de chance, en l’occurrence celle d’acquérir le bien affecté du vice non décelé pour un prix diminué du coût des réparations, voire de renoncer à l’acquisition.

B. - Les éléments de discussion

La question étant de déterminer la nature du préjudice réparable causé par la faute du diagnostiqueur, la solution ne dépend pas, comme le soutient le mémoire en défense (mémoire en défense, p. 9, alinéa 2), de la nature de cette obligation, de résultat ou de moyen. Cette distinction conditionne l’objet de la preuve du manquement à

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15 janvier 2016Arrêt publié intégralement

•Bulletin d’information

l’obligation dans le cadre contractuel duquel elle a été souscrite30 (absence du résultat promis ou insuffisance des moyens mis en œuvre), et non la nature ou l’étendue de la réparation de ses conséquences défavorables, notamment pour un tiers qui recherche la responsabilité de son auteur sur le plan délictuel. L’aléa, qui peut guider la qualification de l’obligation, de résultat ou de moyen, n’est pas celui qui affecte l’existence du préjudice, mais celui qui porte sur le résultat contractuel31.

Au demeurant, contrairement à ce qui est souvent dit, la perte de chance ne donne pas lieu à une réparation partielle. Comme l’a bien montré Mme Viney32, « l’indemnisation de la perte de chance est soumise au principe de la réparation intégrale, mais, comme celui-ci oblige à tenir compte de tous les éléments du dommage, les juges ne peuvent éviter de prendre en considération l’aléa qui affecte la réalisation de la chance perdue [...]. L’obligation d’effectuer un abattement par rapport à l’indemnisation du dommage non aléatoire explique donc que l’on ait pu parler de réparation partielle mais, en réalité, ce qui justifie cette différence, c’est que la « perte de chance » constitue un dommage spécifique et autonome par rapport au dommage final ».

Il ne semble pas qu’il y ait lieu, non plus, de tenir compte de la situation particulière du diagnostiqueur par rapport aux autres professionnels tenus à une obligation d’information.

Cette particularité tient, d’abord, à la circonstance que l’obligation d’information constitue l’objet même du contrat qu’il a conclu, et non un préalable nécessaire à la bonne exécution d’autres obligations dont il serait débiteur. Elle tient également au fait qu’il n’a pas souscrit cette obligation à l’égard de l’acquéreur, mais du vendeur. En effet, pour définir la nature du préjudice indemnisable, il faut se placer du point de vue de la victime, et ce qui est déterminant, à cet égard, est que l’information erronée lui a été délivrée durant la période précontractuelle, à un moment où elle devait prendre sa décision d’acquérir, aux conditions convenues avec le vendeur, le bien affecté du vice non décelé.

1. Les auteurs qui ont concentré leur analyse sur la question particulière de la responsabilité du diagnostiqueur envers l’acquéreur se sont prononcés pour le mécanisme de la perte de chance.

a) Commentant l’arrêt de la troisième chambre du 26 septembre 2001 précité, M. Bus33 expose que, par cette décision, la Cour de cassation « a jugé que le préjudice résultant du coût des réparations nécessitées par la présence de capricornes non signalés était certain. Le principe de la réparation intégrale devait donc conduire à couvrir l’entier préjudice. Le raisonnement de la Cour de cassation doit être expliqué. Il consiste à considérer que, certes, l’organisme n’est pas responsable de la présence de capricornes (ou d’amiante) dans l’immeuble acquis, mais que cette présence entraîne des travaux qui n’auraient pas été nécessaires pour l’acquéreur si l’état avait été fiable. Si l’acheteur l’avait su, il aurait peut-être renoncé à l’acquisition, en tout cas modifié son prix à proportion des travaux nécessités. D’après la Cour de cassation, il est donc équitable de faire peser la charge entière des travaux sur l’organisme. Seule une telle condamnation est de nature à réparer de manière intégrale le préjudice subi par l’acquéreur. Une telle solution semble toutefois très sévère à l’encontre de l’organisme. Une réparation simplement partielle relative à la perte d’une chance correspondrait sans doute mieux à la mission de l’organisme ».

b) Mme Durand-Pasquier34 expose, elle aussi, que la notion de perte de chance permet de surmonter la difficulté relative au lien de causalité entre la faute du diagnostiqueur et le dommage, le caractère erroné d’un diagnostic n’étant pas la cause du défaut de l’immeuble, qui par hypothèse lui est antérieur.

Plutôt que de faire subir au lien de causalité quelques distorsions35, l’auteur juge « plus orthodoxe et bien utile [...] le recours à la notion de perte de chance », dans la mesure où « rien n’est moins sûr que, chaque fois, la négociation du prix à laquelle les parties auraient pu aboutir si elles avaient connu les défauts de l’immeuble aurait permis de répercuter l’ensemble du prix des travaux sur le propriétaire ».

c) Mme Saint Geniest36 considère également que le raisonnement qui consiste à considérer la faute de l’organisme de contrôle comme le fait générateur unique des travaux à entreprendre se révèle critiquable car les opérations de décontamination sont avant tout rendues nécessaires par l’existence même de la contamination, qu’il n’était pas au pouvoir du diagnostiqueur d’empêcher.

d) Commentant l’arrêt de la troisième chambre civile du 21 mai 2014 précité, M. Stoffel-Munck37 observe qu’en imposant au diagnostiqueur fautif « d’effacer un dommage qu’il n’a pas causé mais que sa négligence a empêché la victime d’éviter, on passe d’une logique de responsabilité à une logique de garantie ». Relevant que la présence d’amiante dans les murs n’était pas due au diagnostiqueur mais que, s’il avait fait correctement son analyse, il aurait permis à l’acquéreur soit de ne pas acheter soit d’acquérir à de meilleures conditions, l’auteur estime que le préjudice ne pouvait pas correspondre à plus qu’une perte de chance d’autrement se décider. Il en conclut que la solution retenue par l’arrêt « fait davantage que rétablir le cours des choses tel qu’il aurait été sans la faute » et attribue « donc à la responsabilité civile une fonction qui la dépasse ».

30 A. Bénabent, op. cit., no 406 ; M. Poumarède, Droit des obligations, LGDJ, 2014, no 18.31 J.-C. Saint-Pau, Juris-Classeur civil code, article 1146 à 1155, fasc. 1110 : « Droit à réparation, conditions de la responsabilité

contractuelle », no 121.32 G. Viney, P. Jourdain et S. Carval, op. cit., no 284.33 J.-P. Bus, « La responsabilité des organismes agréés : une problématique nouvelle (en matière de diagnostic amiante - plomb -

termites - radon - gaz naturel - légionelles) », AJDI 2003, p. 566.34 G. Durand-Pasquier, « La responsabilité des diagnostiqueurs immobiliers », Resp. civ. et assur., no 1, Janvier 2009, étude 1.35 L’auteur cite un arrêt de la troisième chambre civile du 28 janvier 2003 (pourvoi no 01-13.875) qui censure une décision d’appel

ayant relevé que la faute du diagnostiqueur était sans lien direct avec le préjudice consistant dans la moindre valeur de l’immeuble en retenant « qu’en statuant ainsi, par un motif dont ne résulte pas l’absence d’un lien de causalité entre la faute imputée à la société Socotec et le préjudice de la société Adir, la cour d’appel a violé [l’article 1382 du code civil] ». Dans le même sens : 3e Civ., 26 septembre 2012, pourvoi no 11-17.422.

36 C. Saint-Geniest, « La responsabilité des diagnostiqueurs », AJDI 2012, p. 167.37 Ph. Stoffel-Munck, « Responsabilité civile, Chronique », JCP, éd. G, no 51, 15 décembre 2014, doctr. 1323.

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Bulletin d’informationArrêt publié intégralement

•15 janvier 2016

Cette dernière observation peut être nuancée car, comme l’a montré M. Deshayes38, la réparation de la perte de chance attribue également à la responsabilité civile une fonction différente de celle qui est, en principe, la sienne. Raisonnant sur la perte d’un avantage espéré, l’auteur écrit : « Censée replacer la victime dans l’état dans lequel cette dernière se serait trouvée en l’absence du fait dommageable, la responsabilité civile devrait logiquement buter sur l’impossibilité d’établir avec une certitude suffisante ce qu’il se serait passé si le fait dommageable n’avait pas eu lieu. La solution retenue, qui consiste à indemniser la perte de chance, revient à allouer à la victime une somme représentant une quote-part de l’avantage escompté, quote-part égale au pourcentage de chances qu’avait l’événement favorable de se produire. Pourtant, il est indéniable que si le fait générateur de responsabilité n’avait pas modifié le cours de l’histoire, la victime aurait reçu l’avantage en totalité ou bien n’en aurait rien reçu. Mais en aucun cas elle aurait pu n’en recevoir qu’une quote-part. Par où l’on voit que l’indemnisation de la perte de chance revient à arrêter le cours de l’histoire un instant de raison avant le fait dommageable afin de replacer la victime dans l’état dans lequel elle se trouvait à ce moment-là. L’indemnité couvre le « prix » de la chance à cet instant [...] sans tenir compte du fait que la chance aurait dû en réalité soit se réaliser, soit ne pas se réaliser ».

e) Dans son analyse du même arrêt du 21 mai 2014, M. Leveneur39 estime, lui aussi, que « le dommage que cause un diagnostiqueur en accomplissant mal sa mission s’analyse en une perte de chance, la chance qu’avaient les acquéreurs de renoncer à l’acquisition (et d’acheter plutôt un autre bien, sans amiante) ou de négocier une diminution de prix ».

L’auteur admet, cependant, qu’« au sujet de l’amiante, matériau dangereux susceptible de provoquer de graves maladies, la chance qu’aurait eue un acquéreur de négocier une diminution de prix égale au coût des travaux de désamiantage peut être estimée très élevée ».

f) M. Dagorne-Labbe40 considère également que « l’insuffisance des informations données par le diagnostiqueur à l’acheteur sur la situation de l’immeuble en matière d’amiante ne peut être sanctionnée que sur le fondement de la perte de chance. En effet, on peut penser que, s’il avait été mieux informé de l’importance et des conséquences de la présence d’amiante dans le bien, l’acquéreur l’aurait sans doute quand même acquis, mais à des conditions plus avantageuses ». Il remarque toutefois que l’arrêt du 21 mai 2014, « qui, en présence d’un diagnostic erroné et d’un vendeur de bonne foi, met à la charge du diagnostiqueur les frais de désamiantage du bien, peut paraître sévère à l’égard de ce dernier. Cependant, il est la conséquence des obligations de compétence et d’assurance que fait peser sur lui l’article L. 271-6 du CCH ».

2. À ces analyses s’opposent celles d’une autre partie de la doctrine, qui, sur un plan général, considère que le recours à la perte de chance pour qualifier le dommage causé par le non-respect d’une obligation d’information n’est pas justifié et préconise une indemnisation totale du préjudice final dès lors que le débiteur a exposé le créancier à un risque qui s’est finalement réalisé.

Ces critiques sont fondées sur l’idée que la perte de chance est souvent utilisée comme palliatif de l’incertitude sur le lien de causalité entre le fait générateur et le préjudice final. Pour éviter de refuser toute indemnisation, on fait abstraction du dommage final (le coût des travaux de réparation des parties infectées par les termites, dans l’hypothèse de la présente affaire) et on lui substitue un « dommage intermédiaire »41, la privation de la possibilité d’un choix éclairé. On raccourcit ainsi la chaîne causale, dont la preuve devient ainsi plus facile à rapporter.

Comme l’explique Mme Bacache42, « le préjudice de perte de chance est une création artificielle d’un préjudice abstrait, destinée à venir en aide aux victimes qui se heurtent aux difficultés de preuve du lien causal. C’est un préjudice de substitution, dans la mesure où le préjudice auquel il se substitue ne peut être rattaché avec certitude au fait générateur de responsabilité. C’est donc nécessairement et conceptuellement un préjudice distinct du préjudice final, non réparable »43.

a) Mme Fabre-Magan44, qui approuve cette analyse du préjudice intermédiaire, rappelle qu’« il est nécessaire de bien distinguer les deux liens ainsi identifiés. Le lien de causalité entre la faute et la perte de chance doit être établi de façon certaine et ne dépend nullement de la chance perdue. En revanche, le rapport entre la chance perdue et le préjudice finalement survenu se mesure précisément à l’aide de la probabilité de survenance de l’événement favorable. »

Pour cet auteur, il y a donc « une grave dérive lorsqu’on utilise la notion de perte d’une chance pour tenir compte du fait que, si le créancier avait connu l’information, il n’aurait peut-être pas modifié son comportement [...], la notion de perte de chance [étant] alors utilisée pour pallier l’incertitude sur le lien de causalité. Or, la notion de perte de chance ne [devrait] jamais pouvoir être utilisée pour tenir compte de l’incertitude subsistant sur l’attitude, la réaction du créancier de l’obligation de l’information s’il avait connu cette information [...]. La perte de chance ne peut dépendre que d’un événement futur et incertain dont la réalisation est aléatoire et ne peut donc résulter de l’attitude de la victime [...]. Le juge doit prendre une décision certaine sur l’attitude qu’aurait adoptée, le créancier et doit trancher selon la plus grande vraisemblance »45.

b) Dans son commentaire de l’arrêt rendu par la chambre commerciale le 20 octobre 2009 (pourvoi no 08-20.274, précité), par lequel il a été jugé que le préjudice causé à la caution en raison d’un manquement de la banque à son

38 O. Deshayes, « Perte de chance », RDC, 1er juillet 2009, no 3, p. 1032.39 L. Leveneur, « Faute du diagnostiqueur amiante : quel est le préjudice causé ? », Contrats conc. cons., no 8-9, août 2014, comm. 187.40 Y. Dagorne-Labbe, « Amiante : responsabilité du diagnostiqueur », JCP, éd. N, no 31-35, 1er août 2014, 1260.41 C. Ruellan, « La perte de chance en droit privé », RJJ 1999, p. 729 et s. (spéc. no 20 et s.).42 M. Bacache, « La réparation de la perte de chance : quelles limites ? », note sous 1re Civ., 16 janvier 2013, pourvoi no 12-14.439, Bull.

2013, I, no 2, D. 2013, p. 619.43 Cette distinction a été contestée au motif que la victime d’une perte de chance n’invoque aucun dommage qui soit, en ses éléments,

distinct du dommage final (J. Boré, « L’indemnisation des chances perdues, une forme d’appréciation quantitative de la causalité d’un fait dommageable », JCP, éd. G, 1974, I, 620, no 13 et 14).

44 Mme Fabre-Magnan, De l’obligation d’information dans les contrats, thèse, LGDJ, 1992, no 601 et s. (rééditée par Lextenso éditions en décembre 2014, dans la collection « Anthologie du droit »).

45 Ibid., no 618.

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15 janvier 2016Arrêt publié intégralement

•Bulletin d’information

devoir de mise en garde s’analyse en une perte de chance de ne pas contracter, M. Borghetti46 approuve l’analyse de Mme Fabre-Magnan et la complète en exposant qu’« il est très contestable d’affirmer qu’un manquement à l’obligation d’information ou de mise en garde a pour conséquence une « perte de chance » d’éviter un mauvais choix pour le créancier de l’information. De deux choses l’une, en effet : soit le créancier, correctement informé, n’aurait pas contracté et, en ce cas, c’est l’intégralité des conséquences du contrat qui constitue son préjudice ; soit le créancier, correctement informé, aurait malgré tout décidé de conclure le contrat et les conséquences de celui-ci ne sauraient alors être considérées comme un préjudice de son point de vue.

Face à un manquement à l’obligation de mise en garde ou d’information, la difficulté pour les juges est donc de reconstituer le choix que le demandeur aurait fait s’il avait été correctement informé. Il s’agit d’un problème de causalité, la question étant de savoir si le fait générateur (le manquement) a bien causé le préjudice invoqué (les conséquences négatives du choix posé par le demandeur). Or, la perte de chance n’a pas vocation à être utilisée pour pallier une incertitude sur l’existence du lien de causalité, sauf à remettre en cause l’exigence d’un lien de causalité certain en matière de responsabilité. La notion permet seulement, ou devrait seulement permettre, de pallier l’incertitude sur l’étendue du préjudice lorsque celui-ci est certain dans son principe. Néanmoins, en cas d’incertitude sur le choix qu’aurait fait le créancier de l’information, les juges se servent de la perte de chance un peu comme d’un procédé d’équité, presque salomonien : puisqu’il est trop difficile de savoir quel choix aurait été fait en cas de respect de l’obligation d’information, il n’y a qu’à répartir les conséquences négatives du choix qui a effectivement été réalisé entre les deux protagonistes, dans une mesure librement décidée par les juges du fond ».

M. Borghetti reconnaît cependant que « la mesure du préjudice en cas de manquement d’un professionnel à son obligation de mise en garde ou d’information soulève des difficultés redoutables, au point que l’on pourrait défendre l’idée que le recours à la perte de chance, aussi contestable soit-il, constitue finalement la solution préférable parce que la plus simple. Poussant un peu plus loin la réflexion, cependant, on peut se demander si l’invocation de plus en plus fréquente de la perte de chance n’est pas le symptôme d’une certaine dérive du droit français. Le plus souvent, en effet, la perte de chance est utilisée comme moyen d’assurer la réparation (partielle) d’un préjudice allégué de nature purement économique, consistant en un manque à gagner ou en des dépenses imprévues ».

c) Dans un article précédent47, M. Borghetti soutenait déjà que le recours à la notion de perte de chance conduit à ce « résultat absurde » que le créancier de l’obligation d’information est indemnisé comme s’il avait accepté à X % ou Y % de conclure le contrat si le renseignement correct lui avait été délivré, ce qui « n’a pas de sens ». Le créancier ne peut qu’accepter ou refuser de conclure le contrat. Il ne peut l’accepter à moitié.

M. Deshayes48 ne partage pas ce point de vue et estime que, « dans les hypothèses où le choix qu’aurait effectué la victime est impossible à connaître, une part d’aléa subsiste, qui donne prise à l’indemnisation de la perte de chance. Certes, l’aléa en question ne doit pas être entendu au sens du coup du sort, car une décision n’est pas, pour celui qui la prend, un coup du sort. Mais au moins y a-t-il un aléa au sens d’incertitude. Or, pour le juge chargé de vérifier l’existence d’un lien causal entre le fait dommageable et la perte de l’avantage escompté, ne revient-il pas au même que l’incertitude procède d’un coup du sort ou d’une décision de la victime impossible à reconstituer ? Dans les deux cas, la probabilité que, sans le fait dommageable, l’avantage aurait été obtenu est jugée trop faible pour qu’un lien de causalité soit reconnu. La solution consiste alors à faire de la perte de chance, « prise en elle-même », un préjudice réparable ».

d) Mme Viney, M. Jourdain et Mme Carval49, qui doutent aussi « que la meilleure façon de traiter l’incertitude causale soit celle qui consiste à limiter l’indemnisation de la victime à un pourcentage des pertes qu’elle a effectivement subies », estiment qu’« il serait préférable d’assouplir les exigences relatives à la preuve ; ainsi, dans les affaires où il est impossible de déterminer ce qu’il se serait produit sans la faute, il suffirait que la victime établisse une probabilité suffisante de causalité pour être entièrement indemnisée ».

3. Pour refuser le recours au mécanisme de la perte de change en cas de manquement à une obligation précontractuelle d’information, Mme Vacarie50 et Mme Fabre-Magnan51 proposent, plus fondamentalement, de faire la distinction entre la perte de chance proprement dite, c’est à dire la perte d’un avantage espéré, et l’exposition du créancier à un risque.

Mme Fabre-Magnan expose ainsi que les deux notions, qui correspondent l’une et l’autre à des préjudices réparables, diffèrent par leur mode de calcul. Alors que « le quantum de la réparation de la perte de change varie selon que la chance perdue est plus ou moins grande, la réparation de l’exposition à un risque ne dépend pas de sa probabilité de réalisation. Lorsqu’un individu expose fautivement un autre à un risque [ou lui tait fautivement l’existence d’un risque52], il doit lui réparer intégralement le dommage subi en cas de réalisation du risque. En effet, par hypothèse, si la faute n’avait pas été commise, la personne n’aurait été exposée à aucun risque et n’aurait donc subi aucun dommage de ce fait. Si, en revanche, le risque ne se réalise pas, aucune réparation n’est due [...] ».

En cas de violation d’une obligation d’information, « les juges doivent apprécier si, du fait de l’ignorance de l’information, le créancier a perdu une possibilité de réaliser un gain ou, au contraire, d’éviter un préjudice. Dans le

46 J.-S. Borghetti, « La perte de chance de ne pas contracter », RDC, 1er avril 2010, no 2, p. 610.47 J.-S. Borghetti, « Manquement du médecin à son obligation d’information : quel préjudice réparable ? », RDC, 1er juillet 2008, no 3,

p. 769 (note sous 1re Civ., 6 décembre 2007, pourvoi no 06-19301).48 O. Deshayes, « Perte de chance », RDC, 1er juillet 2009, no 3, p. 1032 (article précité).49 G. Viney, P. Jourdain et S. Carval, op. cit., no 369-1.50 I. Vacarie, « La perte d’une chance », RRJ 1987, p. 903, spéc. p. 917 et s.51 Mme Fabre-Magnan, op. cit., no 620 et s.52 Précision apportée par l’auteur dans son manuel de droit des obligations (Mme Fabre-Magnan, Droit des obligations, responsabilité

civile et quasi-contrats, tome 2, PUF, Thémis, 3e édition, 2013, p.182 et s.).

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Bulletin d’informationArrêt publié intégralement

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premier cas [...], le créancier doit obtenir une réparation partielle de son préjudice final, réparation proportionnelle à la probabilité qu’avait la chance de se réaliser [...]. Dans le second cas, le créancier doit obtenir une réparation intégrale en cas de réalisation du risque et aucune réparation, en principe, si le risque ne se réalise pas. Ainsi, par exemple, si un médecin n’informe pas un patient sur les risques d’une opération, le juge doit apprécier si ce patient aurait ou non refusé l’opération ; ce n’est que s’il est établi qu’il l’aurait refusée et que le risque se réalise que le médecin doit être condamné à réparer tout le préjudice ».

Cette position a été contestée. M. Brun53 estime ainsi que la distinction sur laquelle elle repose « n’est pas d’une parfaite clarté ». Elle postule que « la perte d’une chance suppose un aléa préexistant au fait générateur, de sorte que la victime n’avait antérieurement à celui-ci que des chances de réaliser un gain ou d’éviter une perte, chances qui ont été courues et ont été perdues ; tandis que l’exposition à un risque consiste à créer des risques qui n’existaient pas avant le fait générateur, leur réalisation ultérieure dépendant du hasard ou résultant de circonstances extérieures. Dans le premier cas, on n’indemnise que les chances perdues, alors que dans le second on répare le préjudice résultant de la réalisation des risques créés [...]. Mais l’on peut aussi considérer que les risques de dommage préexistaient au défaut d’information, qui ne les a pas créés mais les a seulement accrus en empêchant la victime de se prémunir contre leur réalisation ; étrangère aux risques que le dommage réalise, la faute d’information ferait seulement perdre à la victime une chance d’éviter leur réalisation ».

M. Brun reconnaît toutefois que cette théorie a fait l’objet de quelques applications en jurisprudence. Il y rattache les cas suivants, dans lesquels le manquement à une obligation d’information a conduit le juge à accorder l’indemnisation intégrale de leur préjudice final :

- aux touristes qui n’avaient pas été avertis par l’agence de voyage du défaut d’assurance des hôteliers qui les hébergeaient (1re Civ., 3 novembre 1983, pourvoi no 82-12.729 , Bull. 1983, I, no 253) ;

- aux participants à une réunion sportive qui n’avaient pas été informés par l’organisateur de l’absence d’assurance les couvrant (1re Civ., 16 juillet 1986, pourvoi no 84-16.903, Bull. 1986, I, no 209) ;

- aux héritiers en raison du redressement fiscal et des pénalités de retard qu’ils ont dû acquitter par suite de la faute commise par le notaire, qui n’avait pas informé le donateur, lequel leur avait consenti une libéralité déguisée en ayant pris en charge et réglé, par l’intermédiaire du notaire, l’intégralité des droits de succession, des solutions fiscales régulières répondant à son intention libérale (1re Civ., 9 décembre 2010, pourvoi no 09-16.531, Bull. 2010, I, no 254) ;

- aux acquéreurs d’un bien qui ont été exposés au risque d’annulation de la vente en raison de la faute du notaire, qui ne les avait pas informés de l’existence de recours contre le permis de construire et avait omis de mentionner dans l’acte que la société venderesse ne détenait que des droits indivis sur la parcelle destinée à assurer la desserte des immeubles à construire (1re Civ., 2 juillet 2014, pourvoi no 12-28.615, Bull. 2014, I, no 123).

On peut également citer un arrêt de la troisième chambre civile rendu dans une affaire où les vendeurs d’un pavillon (qu’ils avaient construit) avaient caché à l’acquéreur la présence d’amiante. Il a été jugé qu’en relevant que les vendeurs avaient ainsi « dissimulé les risques auxquels [l’acquéreur] serait exposé lors de la réalisation de travaux et la nécessité dans laquelle [il] se trouverait de faire procéder préalablement au désamiantage de l’immeuble, la cour d’appel avait caractérisé la certitude du préjudice et a pu en déduire que les vendeurs devaient être condamnés à des dommages-intérêts correspondant au coût des travaux de désamiantage » (3e Civ., 16 mars 2011, pourvoi no 10-10.503, Bull. 2011, III, no 36).

4. M. Ghestin54 critique également, de façon plus radicale encore, l’application de la perte de chance à la sanction de l’obligation précontractuelle d’information. Il expose que, lorsque le manquement à cette obligation a influencé la conclusion d’un contrat par le créancier de l’obligation et faussé ainsi la procédure contractuelle, « il n’y a pas de place pour la perte de chance, serait-ce la chance de ne pas conclure le contrat.

Par définition, la violation de l’obligation précontractuelle d’information, parce qu’elle a déterminé le consentement du demandeur en réparation, a causé le dommage résultant de ce consentement. Elle doit être sanctionnée par la réparation de toutes les conséquences de la conclusion du contrat puisque la victime ne l’aurait pas conclu, ou ne l’aurait en tout cas pas conclu aux même conditions, si elle avait été mieux informée. Il en est ainsi même lorsque l’inexécution de l’obligation d’information ou de conseil due par un tiers au contrat à conclure est sanctionnée sur le terrain de la responsabilité délictuelle ».

L’auteur fait donc, lui aussi mais pour des raisons différentes, totalement abstraction de la décision qu’aurait prise le créancier de l’obligation de l’information si celle-ci avait été correctement exécutée. Il tient pour acquis que, dans tous les cas, le créancier aurait refusé de contracter ou n’aurait accepté de conclure qu’à des conditions différentes.

Est-ce si sûr ? Malgré l’influence qu’a pu exercer l’information sur la décision du créancier de l’obligation, n’est-il pas, souvent, impossible de dire dans quel sens celui-ci se serait prononcé s’il avait su ? Est-il certain, par exemple, que, mue par quelque solidarité familiale, amicale ou d’intérêt, la caution, dûment informée des difficultés financières du débiteur principal, n’aurait pas, tout de même, consenti à garantir ses engagements ou que l’acheteur d’une maison payée au seul prix du terrain aurait renoncé à l’acquérir aux mêmes conditions s’il avait été informé de la présence de termites ? L’existence de cette incertitude peut-elle être occultée au point de sanctionner la violation du devoir d’information indépendamment de son incidence sur le processus décisionnel de la victime ?

53 Ph. Jourdain, « Le manquement au devoir de conseil du notaire sanctionné par la réparation intégrale du préjudice subi », RTD Civ. 2014, p. 893.

54 J. Ghestin, G. Loiseau et Y.-M. Serinet, Traité de droit civil, La formation du contrat, sous la direction de J. Ghestin, LGDJ, 4e éd., 2013, no 1819 et s.

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•Bulletin d’information

Même si, comme on le voit, la matière fait l’objet d’intenses débats doctrinaux, le mécanisme de la perte de chance est celui qui est le plus largement utilisé en jurisprudence pour indemniser la victime de la violation d’une obligation précontractuelle d’information, sauf dans les situations où il apparaît, avec certitude, que, mieux informée des risques auxquels la conclusion du contrat proposé l’exposait, la victime aurait refusé de le conclure ou n’y aurait consenti qu’à des conditions différentes.

On sait que la caractérisation de l’existence ou de l’absence du préjudice est laissée à l’appréciation souveraine des juges du fond (assemblée plénière, 26 mars 1999, pourvoi no 95-20.640, Bull. 1999, Ass. plén., no 3 ; chambre mixte, 6 septembre 2002, pourvoi no 98-14.397, Bull. 2002, Ch. mixte, no 5), qui porte également sur la recherche des éléments constitutifs du préjudice indemnisable et son montant. Les juges du fond sont même dispensés de préciser les éléments sur lesquels ils fondent cette évaluation (chambre mixte, 6 septembre 2002, pourvoi no 98-22.981, Bull. 2002, Ch. mixte, no 4).

La Cour de cassation contrôle les caractères légaux du préjudice réparable tels que sa licéité, son caractère direct et sa certitude55. C’est de ce dernier caractère que relève la notion de perte de chance. La Cour de cassation contrôle donc l’existence ou l’absence d’un aléa pouvant affecter le préjudice et, en présence de celui-ci, veille à ce que la privation d’une chance soit indemnisée, laissant aux juges du fond le soin d’estimer la chance perdue.

Dans ce cadre, on peut se demander s’il pourrait être admis qu’il relève du pouvoir souverain des juges du fond, habilités à rechercher la volonté des parties, de décider ce qu’aurait été l’attitude de la victime si elle avait été correctement informée, un simple contrôle de motivation permettant de vérifier, sous la sanction du défaut de base légale, que cette appréciation ne procède pas d’une simple affirmation.

La rédaction de l’arrêt de la première chambre civile du 9 décembre 2010 (pourvoi no 09-69.490, précité) peut le laisser supposer puisque la censure est prononcée pour manque de base légale au motif que la cour d’appel a accordé l’indemnisation du préjudice final « sans constater [pouvoir souverain ?] qu’il était certain que, mieux informés, les acquéreurs auraient pu obtenir un avantage équivalent au coût des travaux de réparation ».

L’arrêt rendu par la même chambre le 20 mars 2013 (pourvois no 12-14.711 et 12-14.712, précité) est, de ce point de vue, moins facile à interpréter, puisqu’il pose comme principe « que les conséquences d’un manquement à un devoir d’information et de conseil ne peuvent s’analyser qu’en une perte de chance dès lors qu’il n’est pas certain que, mieux informé, le créancier de l’obligation d’information se serait trouvé dans une situation différente et plus avantageuse », mais casse ensuite l’arrêt pour manque de base légale au motif que la cour d’appel « n’a pas recherché si, mieux informés, les époux X… auraient renoncé à acquérir le bien litigieux ou l’auraient acquis à des conditions plus avantageuses ».

Dans son arrêt du 12 septembre 2012 (pourvoi no 11-18.122, précité), la troisième chambre civile opère un « contrôle lourd » : « la cour d’appel en a exactement déduit que [l’acquéreur] avait droit à l’indemnisation de son entier préjudice et non à celle d’une perte de chance ».

Le dernier arrêt rendu par la troisième chambre civile (21 mai 2014, pourvoi no 13-14.891, précité) relève que les juges du fond, après avoir caractérisé « la certitude du préjudice résultant de la présence d’amiante, ont pu en déduire [« contrôle léger »] que le préjudice de l’acquéreur correspondait au coût des travaux ».

En l’état de ces éléments, il appartiendra à la chambre mixte de décider si :

- l’impossibilité dans laquelle se trouve le juge de savoir ce qu’auraient pu décider, et, surtout, obtenir du vendeur, les acquéreurs s’ils avaient été correctement informés de l’état du bien convoité doit le conduire à limiter la condamnation du diagnostiqueur fautif à l’indemnisation du préjudice résultant de la chance perdue par ces acquéreurs d’avoir pu acquérir le bien à un prix tenant compte du coût des travaux de réparation ;

- en l’espèce, la cour d’appel a explicitement caractérisé (ou souverainement retenu ?) la certitude que, « si M. et Mme X… avaient connu l’ampleur des dégâts causés par l’infestation des insectes xylophages, ils auraient négocié la vente avec leur vendeur en tenant compte du coût des travaux de réparations desdits dégâts » et, implicitement, qu’ils auraient obtenu, à concurrence de ce coût, une diminution du prix ;

- de façon générale, il apparaît certain, ou suffisamment plausible, que, si le diagnostiqueur avait correctement exécuté son obligation, les acquéreurs n’auraient accepté de contracter qu’après avoir obtenu du vendeur une réduction de prix égale au coût des travaux de réparation des dégâts causés par les termites et qu’ils ont donc le droit d’obtenir la réparation de ce préjudice final ;

- la réalisation du risque pour les acquéreurs d’avoir à supporter le coût des réparations des dégâts causés par les termites, causée par le manquement du diagnostiqueur à une obligation d’information qui a affecté leur consentement, est constitutive d’un préjudice consommé, qui oblige le prestataire fautif à le réparer intégralement, sans qu’il y ait lieu de prendre en considération l’attitude que ces acquéreurs auraient pu adopter s’ils avaient été correctement informés et la situation qui en serait résultée.

Nombre de projet(s) préparé(s) : 2.

55 J. et L. Boré, La cassation en matière civile, Dalloz, 4e éd., 2008, no 67.158 et 67.181.

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Bulletin d’informationArrêt publié intégralement

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Faits et procédure

À l’occasion de travaux dans la maison située à Quarante qu’ils venaient d’acheter, M. et Mme X… ont constaté un état avancé d’infestation de termites, alors qu’au moment de la vente, ils avaient reçu en annexe un état parasitaire établi par le cabinet Herault Diagnostic Immobilier (société HDI).

Sur l’assignation que les acheteurs ont adressé notamment à MMA Iard, l’assureur de la société Hérault Diagnostics Immobilier, par jugement du 23 mai 2011, le tribunal de grande instance de Béziers, après expertise, a mis hors de cause M. Y… et la société AXA, et condamné in solidum la société HDI, la MMA Iard et la société Verdier et Associés.

Par arrêt du 26 septembre 2013, la cour d’appel de Montpellier a notamment confirmé le jugement déféré en ce qu’il a retenu l’obligation de la compagnie MMA Iard à garantir la SARL Diagnostics Immobilier, responsable d’un état parasitaire insuffisant.

Le 22 novembre 2013, la société MMA a formé contre cet arrêt un pourvoi.

Le 13 janvier 2015, la troisième chambre civile, au visa des articles L. 431-5 et L. 431-7, alinéa premier, du code de l’organisation judiciaire, a ordonné le renvoi en chambre mixte.

Analyse succincte du moyen unique

Le moyen unique fait grief à l’arrêt de condamner la société MMA à payer à M. et Mme X… des sommes en réparation de leurs préjudices matériels et au titre du préjudice de jouissance.

La branche unique soutient que les conséquences d’un manquement à un devoir d’information et de conseil ne peuvent s’analyser qu’en une perte de chance, dès lors que la décision qu’aurait prise le créancier de l’obligation d’information et les avantages qu’il aurait pu obtenir, s’il avait été mieux informé, ne sont pas établis de manière certaine ;

qu’en relevant, pour condamner la société MMA à payer aux époux X… le montant de l’intégralité des travaux de reprise des dégâts causés par l’attaque des termites dont la présence n’avait été décelée que partiellement par l’assuré de la société MMA, que si les époux X… « avaient connu l’ampleur des dégâts causés par l’infestation des insectes xylophages, ils auraient négocié la vente avec leur vendeur en tenant compte du coût des travaux de réparations desdits dégâts », bien que de tels motifs ne soient pas de nature à établir que, mieux informés, les époux X…, qui avaient déjà connaissance de la présence de termites, même s’ils ignoraient l’ampleur exacte de leur attaque, auraient pu obtenir du vendeur une diminution du prix équivalente au coût des réparations.

Discussion

Quel préjudice doit réparer le diagnostiqueur : perte de chance ou préjudice certain ?

Pour le mémoire ampliatif, le professionnel en cause ne peut voir sa responsabilité engagée que sur la base d’une perte de chance, dès lors qu’il existe une incertitude sur l’attitude que la victime aurait adoptée si elle avait été exactement informée.

En l’espèce, le mémoire estime que l’état parasitaire incomplet s’analyse comme un manquement à une obligation d’information n’ayant entraîné qu’une perte de la possibilité de négocier le prix de vente afin qu’il comprenne le coût des travaux de reprise des désordres.

Il invoque à l’appui de sa thèse les principes d’indemnisation retenus en la matière par la Cour de cassation, notamment l’arrêt de la première chambre civile du 12 décembre 2007, qui, après avoir observé « qu’il n’était pas certain que les acquéreurs auraient renoncé à la vente s’ils avaient connu le coût des réparations des désordres non signalés », ne retient que la perte d’une chance « de mieux apprécier l’opportunité de contracter et d’échapper à l’obligation du coût de la remise en état ».

Le mémoire invoque également une décision rendue par la troisième chambre civile le 8 février 2012 qui retient également une perte de chance dans le fait de n’avoir pas suffisamment attiré l’attention de l’acheteur sur les désordres présents et le coût de la remise en état.

Le mémoire en défense se place, lui ,sur le terrain de l’obligation de résultat pour conforter l’arrêt attaqué en ce qu’il sanctionne le préjudice tiré du non-respect de l’arrêté de 2000 relatif à l’état parasitaire et constate la faute du diagnostiqueur, qui a omis de mentionner la présence de parasites, le lien de causalité étant fait avec le préjudice, en l’espèce, la nécessité de réaliser des travaux.

Selon que vous analyserez la mission du diagnostiqueur comme une obligation de moyen (obligation d’information) ou une obligation de résultat, la réparation due à l’acquéreur sera celle d’une perte de chance ou celle d’une inexécution d’une obligation contractuelle.

Les premiers juges, page 7, ont relevé la faute quasi délictuelle de HDI comme n’ayant pas révélé la présence de parasites.

L’arrêt attaqué a confirmé cette analyse par ces motifs :

« Dans ces conditions, le cabinet diagnostiqueur a commis une faute en ne mentionnant pas de façon explicite et exhaustive dans ses rapports parasitaires la présence de termites en activité à l’intérieur et l’extérieur des

Avis de M. CharpenelAvocat général

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15 janvier 2016Arrêt publié intégralement

•Bulletin d’information

planchers bas et hauts ainsi que la présence d’attaques de termites sur les divers bois posés et jonchant le sol et l’ampleur des dégâts, notamment les dégradations des poutres du plancher rez-de-jardin de l’ancienne cave vinaire.

Cette faute est en relation directe avec le préjudice résultant des traitements curatifs et de changement de poutres et pièces de bois que les époux X… doivent impérativement réaliser ».

La présente affaire nous donne donc l’occasion de revisiter quelques notions fondamentales du droit civil, non celle de la caractérisation de la faute, qui est ici établie et reconnue, mais celle de la réparation intégrale, celle de la distinction entre obligation de résultat et obligation de moyen, celle enfin de la chaîne de causalité.

1. S’agissant de la réparation intégrale

Il n’est pas inutile de rappeler que la terminologie juridique est ici nécessairement en rupture avec le français vernaculaire du justiciable non juriste.

De même que le principe de gratuité de la justice civile ne dispense pas le justiciable, même vainqueur, d’avoir à supporter un coût de procédure, l’affirmation de la réparation intégrale, même exactement appliquée, ne rétablit jamais la victime dans son exacte situation antérieure.

Sa véritable nature d’objectif nécessairement utopique a cependant le mérite d’éviter la barémisation en donnant au juge le rôle déterminant de trouver le type de réparation s’approchant, dans chaque espèce, de l’idéal d’équité.

Mais pour qu’il y ait réparation, il faut d’abord établir une faute imputable à une partie, cette faute résultant de la méconnaissance d’une obligation que le juge doit identifier avant d’établir un préjudice découlant de cette faute dont la nature et l’ampleur doivent être précisées afin de permettre une réparation équitable, c’est-à-dire « intégrale » au sens de la jurisprudence.

À l’occasion d’un colloque organisé à la Cour de cassation en 2005, le professeur Heuzé résumait parfaitement cette problématique : « Dans ces conditions, il est, non pas seulement artificiel, mais radicalement inexact de prétendre que l’on procède à une réparation intégrale du dommage effectivement subi. La vérité est qu’on offre à la victime une compensation dont on veut se persuader qu’elle est satisfactoire, sous prétexte que l’on applique à la détermination de son montant une méthode dont on sait qu’elle est totalement arbitraire, mais que l’on ne peut remplacer par une autre qui ne le soit pas, sans par là même renoncer à l’objectif, pourtant irréalisable, que l’on s’est donné de replacer aussi exactement possible la victime dans la situation où elle se serait trouvée si le dommage ne s’était pas produit ».

Il en déduisait non moins justement que le principal avantage de cette construction juridique pouvait être trouvé dans la légitimation du pouvoir souverain des juges du fond une fois admis le principe selon lequel les règles de la responsabilité civile n’ont pas pour but de garantir la réparation intégrale des préjudices, mais visent, comme toutes les autres règles, à consacrer une solution juste.

C’est d’ailleurs, en matière de diagnostic parasitaire, cette considération qui justifie l’intervention du législateur en précisant l’obligation qui justifiera le cas échéant des réparations, dont la nature et l’étendue restent du ressort du juge en fonction de l’affaire qu’il a à juger.

C’est donc bien à la lumière de ce principe général d’une juste réparation qu’il convient d’examiner la présente espèce.

2. Sur la nature de l’obligation qui incombait au diagnostiqueur

S’agissant de l’inusable distinction entre obligation de moyen et obligation de résultat, vous trouverez dans cette espèce une nouvelle occasion d’en mesurer l’intérêt.

On sait que l’obligation de moyen est une obligation juridique régie par l’article 1137 du code civil, en vertu de laquelle le débiteur s’engage à fournir tous les efforts nécessaires pour essayer d’atteindre l’objectif fixé. L’obligation de moyen s’oppose à l’obligation de résultat, qui, comme son nom l’indique, fixe un résultat à atteindre.

La saisine en formation mixte du présent pourvoi est justifiée pour tenter de résoudre une contradiction récurrente entre les principes retenus respectivement par la troisième chambre, qui a rendu l’arrêt attaqué, et la première chambre.

L’une choisit de ne réparer, dans des hypothèses comparables de faute commise en matière de diagnostic, que la perte d’une chance, sanctionnant ainsi le manquement à une obligation de moyen, l’autre retient le principe d’une obligation de résultat dont la défaillance justifie la réparation d’un principe certain.

Dans la logique de la première chambre, en effet, le manquement à une obligation de conseil est une perte de chance de ne pas contracter ou de le faire à de meilleures conditions et sa définition en est claire, puisqu’elle retient qu’il y a perte de chance dès lors que le préjudice ne peut résulter que d’un événement futur et incertain, à la différence du préjudice certain, quand la survenance de l’événement qui n’a pas été révélée à la victime était certaine avant la faute de l’auteur.

Dans la logique de la troisième chambre, que l’arrêt attaqué a parfaitement respecté, il y a bien préjudice certain dès lors que la faute entraînait nécessairement des réparations. Ainsi le fait de ne pas avoir décelé des parasites qui étaient pourtant présents, particulièrement dans l’hypothèse d’une société dont la mission est précisément de dire si ces parasites étaient ou non présents, induisait davantage que la perte de la chance de procéder différemment dans la vente de l’immeuble, mais bien un préjudice certain, puisque des réparations étaient en tout état de cause nécessaires.

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Il paraît en effet artificiel de soutenir que, dans cette hypothèse précise, le préjudice n’est qu’éventuel et qu’il ne peut s’analyser que comme la perte de chance de pouvoir conclure ou non la vente, ou de la conclure à des conditions différentes, alors que la présence de termites non détectée par un professionnel de ce domaine est un fait précis qui est en lien direct avec la nécessité, que la vente soit faite ou non, d’engager des travaux.

Rappelons que la recherche de parasites est inscrite dans une loi particulière, celle organisant la prévention et la lutte contre le fléau des termites (la loi no 99-471 du 8 juin 1999).

Qu’elle est rendue applicable par le décret no 2000-613 du 3 juillet 2000 relatif à la protection des acquéreurs et propriétaires d’immeubles contre les termites et qu’elle a fait l’objet d’un arrêté du 10 août 2000 fixant le modèle de l’état parasitaire.

Rappelons encore que le diagnostic, selon le dictionnaire Larousse, est :

«  l’identification de la nature d’une situation, d’un mal, d’une difficulté, etc., par l’interprétation de signes extérieurs, par exemple le diagnostic d’une panne de moteur. Il est constitué d’un ensemble de mesures, de contrôles faits pour déterminer ou vérifier les caractéristiques techniques d’un système à des fins de maintenance ou d’amélioration (exemple : diagnostic d’un véhicule, diagnostic thermique d’un bâtiment) ».

Il s’agit bien ici, pour les termites comme pour tous les autres objets d’un diagnostic, d’identifier une réalité avérée, ce qui renvoie davantage à une obligation de résultat qu’à une simple obligation de moyen.

En effet, la mission de l’entreprise est bien d’aboutir à un résultat, déterminer s’il y a ou non présence de parasites.

Le manquement à cette obligation, dès lors qu’il cause un préjudice, c’est-à-dire les désordres causés à l’immeuble, justifie une réparation, c’est-à-dire réaliser les travaux mettant un terme aux désordres, qui doit tenir compte du caractère certain de ce préjudice, quand bien même son montant n’est pas encore exactement connu.

Dès lors que vous analyserez la faute commise par le diagnostiqueur comme le manquement à une obligation de résultat et non une simple obligation d’information, vous pourrez considérer le préjudice subi comme certain et en tirer les conséquences sur l’étendue de la réparation.

En adoptant cette position qui donne toute sa dimension à la responsabilité de l’expert diagnostiqueur dès lors qu’il commet une faute entraînant un préjudice dépourvu d’aléa, vous poursuivrez le mouvement de jurisprudence qui tend à reconnaître un lien de responsabilité directe entre un vendeur et un professionnel intervenant dans la vente en raison d’une obligation légale de prévention de certains dommages, là où vous renvoyiez précédemment au jeu contractuel classique entre vendeur et acquéreur.

C’est ainsi que la troisième chambre, dans un arrêt du 28 janvier 2015 statuant sur les conséquences d’une erreur d’un diagnostiqueur de surface, est revenue sur la position restrictive antérieure qui excluait de l’indemnisation du vendeur la diminution de prix résultant des dispositions de la loi Carrez, pour admettre l’hypothèse d’une perte de chance de vendre à meilleur prix.

La reconnaissance de la faute certaine, et non de la perte d’une chance, dans le cas d’une faute avérée en lien de causalité directe avec un préjudice certain s’inscrivant dans la logique des principes fondateurs de la responsabilité civile fondée sur l’interprétation prétorienne, mais constante, de l’article 1382.

Des arrêts récents de la troisième chambre civile vous ouvrent d’ailleurs cette voie. Voir par exemple l’arrêt rendu le 27 janvier 2015 qui écarte une demande d’indemnisation de travaux consécutive à des désordres évolutifs sur les fondations pour la raison de l’absence de lien de causalité entre la faute « du syndic et le préjudice invoqué », tout en suggérant que la même demande présentée sur le fondement de la perte de chance « d’avoir pu négocier un prix moindre pour son achat » aurait pu mieux prospérer.

On peut donc en déduire que si ce lien de causalité avait existé, l’indemnisation des travaux de réparation aurait été possible.

Cette position s’inscrivait dans la logique de décisions rendues par la même chambre dans des hypothèses d’erreur de diagnostic, et qui admettaient la réparation intégrale d’un préjudice identifié comme direct et certain causé par la faute avérée d’un diagnostiqueur :

Cf. 3e Civ., 13 novembre 2014, pour un diagnostic de toiture :

« Attendu, selon l’arrêt attaqué (Paris, 27 juin 2013), que, pour la vente des lots d’un immeuble, la société Gecina a confié à la société Sadel ingenierie (société Sadel), assurée auprès de la société MMA, l’établissement du diagnostic technique destiné à l’information des acquéreurs potentiels ; que se plaignant du mauvais état de la couverture de l’immeuble décrite comme étant en bon état général dans le rapport de la société Sadel, le syndicat des copropriétaires du 34, rue Pierre Sémard à Paris 9e (syndicat des copropriétaires) et des copropriétaires ont, après expertise, assigné la société Gecina, la société Sadel et la société MMA en paiement de travaux de réparation ; que la société Gecina a sollicité la garantie de la société Sadel et de son assureur et des dommages-intérêts ;

Attendu que, pour rejeter ces demandes, l’arrêt retient que les condamnations de la société Gecina au titre de sa garantie des vices cachés affectant la toiture de l’immeuble ne constituaient pas un préjudice indemnisable permettant une action en garantie à l’encontre de la société Sadel, dont la mission avait simplement consisté à donner un diagnostic concernant ladite toiture, qu’il n’était pas établi que cette erreur de diagnostic ait causé une perte de gain ou de rentabilité de l’opération de vente litigieuse, ni que la société Gecina aurait réalisé un gain financier si elle avait pris en charge le coût de la réalisation des travaux de réparation de la toiture dès la réception du diagnostic ;

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Qu’en statuant ainsi, sans répondre aux conclusions de la société Gecina faisant valoir qu’il y avait lieu de prendre en considération son propre préjudice constitué par la différence de coût de reprise des désordres entre la date de la vente de l’immeuble et celle à laquelle les travaux avaient été chiffrés, la cour d’appel n’a pas satisfait aux exigences du texte susvisé » ;

Cf. encore 3e Civ., 21 mai 2014, où la cour estime que le préjudice du vendeur correspondait au coût du désamiantage :

« Mais attendu, d’une part, qu’ayant exactement retenu que le contrôle auquel devait procéder le diagnostiqueur n’était pas purement visuel, mais qu’il lui appartenait d’effectuer les vérifications n’impliquant pas de travaux destructifs et constaté que la société Augry Eps n’avait pas testé la résistance des plaques, ni accédé au comble par la trappe en verre située dans le couloir, la cour d’appel a pu en déduire que cette société avait commis une faute dans l’accomplissement de sa mission ;

Attendu, d’autre part, qu’ayant retenu, par motifs adoptés, que du fait de la présence d’amiante dans les murs et le plafond de la pièce principale de l’immeuble, il n’était pas possible de procéder à des travaux sans prendre des mesures particulières très contraignantes et onéreuses, tant pour un simple bricolage que pour des travaux de grande envergure, et qu’il fallait veiller à l’état de conservation de l’immeuble, afin d’éviter tout risque de dispersion de l’amiante dans l’air, la cour d’appel, qui a caractérisé la certitude du préjudice résultant de la présence d’amiante, a pu en déduire que le préjudice de Mme X… correspondait au coût des travaux de désamiantage » ;

Cf. encore celui du 12 septembre 2012, où la troisième chambre statue sur une erreur de diagnostic de termites :

« Mais attendu qu’ayant retenu, par motifs propres et adoptés, qu’en raison de la faute commise par la société CEA diagnostic, dont les investigations insuffisantes n’avaient pas permis de révéler l’ampleur de l’infestation par les termites, M. X..., qui avait acheté l’immeuble pour un prix en rapport avec sa vétusté, était contraint de le démolir et de le reconstruire, la cour d’appel en a exactement déduit qu’il avait droit à l’indemnisation de son entier préjudice et non à celle d’une perte de chance et, sans être tenue de procéder à une recherche que ses constatations rendaient inopérante, a légalement justifié sa décision ».

Voir son commentaire doctrinal :

AJDI 2003, p. 566, M. Jean-Pascal Bus, « La responsabilité des organismes agréés : une problématique nouvelle » : « [...] Lorsque la responsabilité de l’organisme aura été établie, le principe de la réparation intégrale supposerait qu’il soit condamné à supporter le coût total des travaux rendus nécessaires par la présence des éléments non détectés lors de son intervention ».

Cette décision consacrait une position de la section construction plus sévère à l’égard des diagnostiqueurs.

En sens apparemment contraire, la décision rendue le 8 février 2012 par la même chambre sur un diagnostic insuffisant en matière de termites a retenu la perte de chances, mais en raison de circonstances montrant que le diagnostic n’avait pas mis en œuvre les moyens nécessaires :

« Mais attendu qu’ayant constaté que le premier diagnostic, établi le 24 décembre 2002 et annexé à la promesse de vente, n’était pas conforme à la norme XPP03.20, faute d’indications sur les parties de l’immeuble visitées par M. X..., que celui-ci n’y avait pas relevé d’importantes attaques d’insectes xylophages, avait sous-estimé la présence d’humidité, dont il avait attribué l’origine à une cause bénigne, et avait omis de mentionner des attaques fongiques visibles sans sondages destructifs à différents endroits de l’immeuble, et que le second diagnostic, daté du 2 avril 2003 et annexé à l’acte authentique de vente, n’était que la copie du premier diagnostic et avait été réalisé sans visite concomitante de l’immeuble, en violation des dispositions réglementaires applicables en l’espèce, la cour d’appel a pu en déduire que par ces fautes, M. X… avait fait perdre une chance à la société 9 rue du Pré d’avoir son attention suffisamment attirée sur les désordres présents de l’immeuble, sur la nécessité de le visiter intégralement et de se renseigner sur le coût des travaux de remise en état et le condamner à l’indemniser du préjudice en découlant ».

C’est à n’en pas douter la démonstration qu’il est souvent difficile de faire la distinction entre préjudice certain et perte de chance, laquelle ne peut résulter que d’un événement futur et incertain :

- l’indemnité répare la perte de chance d’échapper au risque qui s’est réalisé : 1re Civ., 29 juin 2004, pourvoi no 02-13.416) :

« Attendu, cependant, que, déterminée en fonction de l’état de la victime et de toutes les conséquences qui en découlent pour elle, l’indemnité de réparation de la perte de chance d’échapper au risque qui s’est réalisé ne saurait présenter un caractère forfaitaire et doit correspondre à une fraction des différents chefs de préjudice supportés par l’intéressée ; qu’en se déterminant ainsi, la cour d’appel a donc violé le texte susvisé » ;

- la perte de chance « ne peut résulter que d’un événement futur et incertain » (1re Civ., 29 juin 2004, pourvoi no 03-14.841).

Le préjudice est certain et doit être intégralement indemnisé quand la survenance de l’événement qui n’a pas été révélée à la victime était certaine avant la faute de l’auteur.

Voir le Juris-Classeur civil, fasc. 101, droit à réparation : « [...] La chance étant la probabilité de survenance d’un événement favorable, si la survenance de l’événement dont a été privée la victime était certaine avant son empêchement par l’auteur, alors le préjudice est lui-même directement certain et il est inutile de recourir à la notion de perte de chance pour en obtenir l’indemnisation ».

C’est l’hypothèse de l’affaire ayant donné lieu à un arrêt du 26 septembre 2001 : le coût des réparations nécessitées par la présence de capricornes non signalés par l’architecte constituait un préjudice certain, et non une perte de chance. « La victime ne perd pas seulement une chance, c’est-à-dire une probabilité que ne survienne un événement favorable, puisque dès l’origine elle est certaine, à 100 %, de subir un préjudice, c’est donc ce préjudice qu’il convient d’indemniser directement ».

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Reste donc à harmoniser cette position de la troisième chambre avec la jurisprudence de la première chambre, qui s’en tient à la reconnaissance d’une simple perte de chance en matière de manquement à une obligation de conseil, et non à la réparation intégrale.

Cf. par exemple :

- pour une faute d’un notaire :

1re Civ., 30 avril 2014, pourvoi no 13-16.380, Bull. 2014, I, no 76 :

« Mais attendu qu’après avoir retenu une faute à l’encontre du notaire, l’arrêt relève que la perte de chance de choisir un autre régime matrimonial était minime, dès lors que la préoccupation principale des époux lors de la signature du contrat de mariage était d’assurer la protection du conjoint survivant et non d’envisager les conséquences d’une rupture du lien matrimonial, et que les parties avaient tenu compte des modalités de la liquidation du régime matrimonial pour fixer le montant de la prestation compensatoire ; qu’en l’état de ces énonciations et appréciations, la cour d’appel a pu estimer que M. X… ne justifiait pas d’un préjudice direct et certain résultant de la perte d’une chance raisonnable d’adopter un autre régime matrimonial ; que le moyen n’est pas fondé » ;

- pour une erreur d’une agence immobilière :

1re Civ., 8 mars 2012 :

« Attendu que, pour condamner in solidum les époux X..., vendeurs d’un bien immobilier, et Mme Y..., acquéreur, à verser à M. Z..., agent immobilier, une somme à titre de dommages-intérêts, l’arrêt énonce, d’abord, que, dans le mandat de vente non exclusif à lui confié par les premiers, la commission à la charge de l’acquéreur n’a pas été précisément chiffrée ou définie proportionnellement au prix de vente résultant de la négociation, puisqu’il a seulement été indiqué que la commission était fixée selon « barème de l’agence » et que cette formule méconnaît les exigences de l’article 73 [du décret] du 20 juillet 1972, le mandat ne précisant pas exactement les conditions de rémunération de l’agent immobilier, ensuite, que les comportements fautifs des vendeurs et de l’acquéreur ont fait perdre à M. Z… une chance de percevoir sa commission d’intermédiaire, ce qui lui a causé un préjudice financier ;

Qu’en statuant ainsi, alors que seule constitue une perte de chance réparable la disparition actuelle et certaine d’une éventualité favorable, de sorte que l’agent immobilier, qui ne pouvait prétendre au versement d’une commission que le mandat n’avait pas régulièrement fixée, n’avait pas subi de perte de chance d’en recevoir le paiement, la cour d’appel a violé le texte susvisé » ;

- pour un défaut d’information médicale :

1re Civ., 10 avril 2013, pourvoi no 12-14.813 :

« Attendu que, pour condamner M. X..., médecin ophtalmologiste, à indemniser de l’ensemble de ses préjudices Mme Y..., sur laquelle il avait pratiqué, le 23 mai 1995, une intervention combinée de la cataracte et d’un glaucome de l’œil gauche, dont les suites avaient nécessité une nouvelle opération trois mois plus tard, puis l’éviscération de l’œil en 2002, l’arrêt attaqué, après avoir constaté que M. X… n’avait pas respecté l’obligation d’information qui lui incombait, retient que cette faute ayant privé Mme Y… de donner un consentement ou un refus éclairé à l’intervention, il y a lieu de l’indemniser des conséquences des complications survenues résultant de l’acte chirurgical non constitué de façon éclairée, et que, dans la mesure où aucun élément du dossier ne permet de connaître le délai d’évolution prévisible de la pathologie oculaire de Mme Y… en l’absence d’intervention, c’est l’ensemble de ces complications et de leurs conséquences survenues dans les suites directes et immédiates de l’intervention pratiquée qui doit être indemnisé ;

Qu’en statuant ainsi, alors qu’ayant ainsi nécessairement caractérisé un lien entre la faute commise et une perte de chance pour Mme Y… d’éviter le dommage en renonçant à l’intervention, il lui appartenait de déterminer la fraction de l’indemnité devant être mise à la charge de M. X..., la cour d’appel a violé le texte susvisé ».

À noter cependant que l’arrêt rendu par la première chambre le 2 octobre 2013 (pourvoi no 12-20.504, Bull. 2013, I, no 194) permet de nuancer le recours exclusif à la perte de chance en cas de manquement à une obligation d’information :

« Mais attendu qu’après avoir retenu que les époux X… n’avaient pas été complètement informés sur les risques que comportait l’opération, la cour d’appel a estimé que la sécurité annoncée du placement, constituant une caractéristique essentielle pour ces investisseurs, les avait déterminés à s’engager dans une acquisition dont l’objectif immédiat n’était pas de « profiter » d’un appartement à la montagne ; que, par ces motifs, d’où il résulte, avec certitude, qu’exactement informés sur les caractéristiques les moins favorables de l’investissement proposé et sur les aléas financiers corollaires des avantages annoncés, les époux X… auraient refusé d’y souscrire, elle a légalement justifié sa décision de réparer les préjudices financier et moral nés des manquements retenus à l’encontre de la société Izimmo », la Cour ayant en l’espèce retenu le caractère substantiel de l’information manquante pour aller au-delà de la simple perte de chance.

Vous observerez en résumé que la contradiction entre les deux jurisprudences ne tient en réalité qu’à l’appréciation de la nature de la faute : le manquement à une obligation d’information générale cause un préjudice éventuel réparable sur le seul fondement de la perte de chance, alors que le manquement à une obligation de résultat peut, lui, justifier une réparation intégrale.

En conséquence, j’estime que la nature particulière de l’obligation légale pesant sur le diagnostiqueur de parasites peut être analysée comme une obligation de résultat dès lors, d’une part, qu’il ne lui est pas reproché de ne pas avoir mis en œuvre tous les moyens utiles, ni, d’autre part, que ce qui est attendu de lui n’est pas une simple obligation de conseil ou d’information mais un résultat technique concret, la présence ou l’absence de parasites.

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En admettant une telle erreur, dont il n’est pas discuté qu’elle soit bien imputable au diagnostiqueur ni qu’elle a entraîné un préjudice direct et certain pour le vendeur, vous pourrez admettre le principe d’une réparation intégrale après en avoir précisé les conditions, contribuant ainsi à davantage délimiter ses frontières avec la perte de chance.

3. La perte de chance, panorama jurisprudentiel

La perte d’une chance, si l’on s’en tient à la définition donnée notamment par la troisième chambre dans sa décision du 2 octobre 2013 ou la première dans sa décision du 9 juillet 2009, ne peut être retenue que s’il existe un aléa, une incertitude quant à la décision qu’aurait prise le bénéficiaire de l’obligation d’information s’il avait été complètement informé.

La notion de perte de chance a marqué un progrès, mais elle reste en deçà du seuil d’une réparation réellement intégrale :

Cf., en matière médicale, un arrêt de la deuxième chambre civile du 9 avril 2009, pourvoi no 08-15.977, Bull. 2009, II, no 98, pour lequel, classiquement, la réparation d’une perte de chance doit être mesurée à la chance perdue et ne peut être égale à l’avantage qu’aurait procuré cette chance si elle s’était réalisée.

Dans le même esprit, voir 2e Civ., du 15 janvier 2015 :

« Dès lors, viole l’article 1382 du code civil et le principe de la réparation intégrale sans perte ni profit pour la victime la cour d’appel qui, après avoir constaté que la victime était âgée de 33 ans à la date de l’accident et demeurait atteinte d’une tétraplégie, retient, pour la débouter de sa demande d’indemnisation au titre du préjudice d’établissement, qu’elle a préalablement à l’accident fondé un foyer et eu trois enfants qui continuent de lui rendre visite en dépit de la rupture du couple parental, alors que le préjudice d’établissement recouvre, en cas de séparation ou de dissolution d’une précédente union, la perte de chance pour la victime handicapée de réaliser un nouveau projet de vie familiale ».

Ce type d’analyse suscite cependant de constantes critiques doctrinales, dont celle par exemple de M. Penneau, qui préfère le concept de préjudice autonome d’impréparation.

En matière commerciale citons l’analyse de M. Desfossez, pour lequel :

« La perte de chance représente le dommage consistant dans l’aggravation d’une probabilité funeste ou la diminution d’une probabilité heureuse. Elle ne désigne donc qu’un préjudice de substitution auquel on recourt lorsque, convaincu de l’implication de la faute dans le dommage, on ne peut raisonnablement lui prêter, comme prolongement causal, qu’une incidence sur la probabilité qu’avait la victime de subir la frustration dont elle se plaint. Il en résulte que la réparation de la perte d’une chance ne peut pas avoir à proprement parler un caractère forfaitaire mais doit consister en une fraction du préjudice, qui relève de l’appréciation souveraine des juges du fond. Mais en tout état de cause, comme l’a jugé la Cour de cassation, la réparation d’une perte de chance doit être mesurée à la chance perdue et ne peut être égale à l’avantage qu’aurait procuré cette chance si elle s’était réalisée ».

La chambre commerciale juge ainsi que le préjudice né du manquement par un établissement de crédit à son obligation de mise en garde s’analyse en une perte de chance.

Le professeur Desfossez y voit logiquement un point faible de la protection de l’emprunteur assuré, qui n’est ainsi jamais couvert intégralement.

Voir aussi cet arrêt du 2 décembre 2014 où la chambre commerciale juge que :

« N’ont pas pour contrepartie une prestation fournie au débiteur, au sens de l’article L. 622-17 du code de commerce, les dommages-intérêts demandés par le bailleur en réparation de la perte de la chance de pouvoir relouer immédiatement les lieux ».

La même logique est appliquée par exemple par la Commission nationale de réparation des détentions :

Cf. CNRD, 27 octobre 2014 :

« qu’il invoque, enfin, une perte de chance d’obtenir un aménagement de la peine prononcée à son encontre en janvier 2009, qu’il exécutait au moment de la délivrance du mandat de dépôt dans la présente affaire ; qu’il convient de constater que M. X… s’est trouvé dans l’impossibilité de présenter une requête visant à un aménagement de peine alors qu’il pouvait se prévaloir d’éléments favorables de nature à valoriser ses chances d’en obtenir le bénéfice, justifiant de garanties de stabilité familiale, de l’obtention d’un diplôme durant sa détention, d’une promesse d’embauche et de l’octroi d’une permission de sortie ; que, dans cette mesure, il convient de considérer que son préjudice s’en est trouvé aggravé ».

Même logique pour la chambre criminelle. Voir par exemple un arrêt du 27 mai 2014 :

« alors que, en vertu de l’article 1382 du code civil et du principe de réparation intégrale, le préjudice doit être réparé dans son intégralité, sans perte ni profit pour aucune des parties ; que la contradiction de motifs équivaut à leur absence ; qu’en l’espèce, alors qu’il résultait de ses propres constatations qu’en raison de l’état de santé de l’exposante, son espérance de vie était inférieure à celle de son époux, la cour d’appel a considéré que l’exposante ne pouvait prétendre qu’à l’indemnisation d’une perte de chance d’être assistée, sa vie durant, par son époux ; qu’en statuant ainsi, la cour d’appel a entaché sa décision d’un défaut de motifs et a violé les textes visés au moyen ».

S’agissant de la situation particulière des diagnostiqueurs techniques, la nature plus contraignante de leurs obligations par rapport à celles résultant de rapports contractuels classiques, qui sont le domaine privilégié de

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la perte de chance, il convient à présent de s’interroger sur la pertinence de s’en tenir à la théorie désormais acquise de la perte de chance pour rechercher la réparation d’un préjudice direct sur la base d’une responsabilité autonome.

4. Le point de vue réglementaire

À l’appui de cette thèse extensive renforçant la réalité d’une réparation intégrale au-delà de la perte d’une chance, il est intéressant de considérer la réponse ministérielle no 32660 du 22 octobre 2013 relative au diagnostic énergétique :

« Il en existe plusieurs. D’une part, il est possible pour le client de s’adresser au diagnostiqueur en personne pour en discuter, ou à l’organisme qui l’a certifié car celui-ci est chargé dans une de ses nombreuses missions de gérer les réclamations. D’autre part, l’article L. 271-4 du CCH, précisant que “l’acquéreur ne peut se prévaloir à l’encontre du propriétaire des informations contenues dans le DPE, qui n’a qu’une valeur informative”, ne concerne que les relations entre le vendeur et l’acquéreur. [...] Cependant, cette disposition n’empêche pas l’acquéreur de se retourner contre le diagnostiqueur en invoquant sa responsabilité délictuelle (article 1382 du code civil) dès lors que le diagnostiqueur a commis une faute contractuelle qui lui a causé un dommage.

Si la responsabilité délictuelle du diagnostiqueur est avérée, elle ne peut conduire à la nullité du contrat de vente puisqu’il n’est qu’un tiers au contrat. Le diagnostiqueur pourrait cependant être condamné à verser des dommages-intérêts à l’acquéreur en réparation du préjudice qu’il a subi. Si le vendeur a usé de manœuvres frauduleuses en annonçant sciemment une classe différente que celle qui apparaît réellement dans le DPE par exemple, le dernier alinéa de l’article L. 271-4 du CCH ne fait pas obstacle à l’application des règles de droit commun qui régissent les contrats.

Cela peut constituer un dol [...] qui est un vice du consentement de l’acquéreur, qui peut alors entamer une action en nullité du contrat de vente ».

5. Droit comparé

Le droit comparé peut également vous inciter, dans l’hypothèse de la faute certaine du diagnostiqueur, à étendre le recours direct contre le technicien fautif :

- le droit belge, par exemple, où un arrêt de la Cour de cassation du 22 mars 2012 stipule que « la perte de chance présente un caractère direct et certain chaque fois qu’est constatée la disparition d’une éventualité favorable ».

La jurisprudence récente insiste sur le fait que la perte de chance doit être établie de manière certaine et non pas hypothétique, comme dans la jurisprudence française, la chance doit être sérieuse et réelle, se distinguant d’un simple espoir ;

- le droit néerlandais reconnaît non seulement la théorie de la perte de chance, mais, en outre, une indemnisation est possible en fonction du degré de probabilité qu’une faute entraîne un dommage. Le « Hoge Raad » a rendu un arrêt intéressant le 31 mars 2006.

Dans cette affaire, une personne était atteinte du cancer. Elle fumait beaucoup, mais elle avait été exposée à l’amiante. La relation causale ne pouvait être déterminée par rapport à ces deux causes et la Cour suprême a choisi par une solution proportionnelle ;

- le droit anglais peut se montrer, comme l’est en général le droit anglo-saxon, moins timide dans la recherche de réparation.

Cf. note Denis Philippe in Largier, décembre 2013 :

Ainsi, dans une affaire Mac Ghee/National Coal Board52, où se posait la question de savoir s’il existait une relation causale entre l’absence d’installation protectrice et une maladie contractée, il n’y avait pas une preuve médicale certaine.

« Mais la House of Lords a néanmoins admis la possibilité qu’une responsabilité pouvait être établie même en l’absence de preuve d’un lien entre la faute et le dommage. Le seul fait de créer un risque, énonce alors WILBERFORCE, est qu’une lésion corporelle survient dans la sphère de risque. Par conséquent, la perte doit être supportée par cette personne ayant créé le risque, à moins qu’il ne soit prouvé que le dommage soit imputable à une autre cause ».

Cf. également, dans l’article de Lemaire et Zecevic, in Semaine juridique, édition notariale de novembre 2014, un éclairage sur l’acquisition de bien immobilier où un dossier d’audit technique est désormais imposé mais où, tant que l’avant-contrat n’est pas régularisé, aucune obligation précontractuelle n’est imposée.

Toutefois, selon la common law, c’est à l’acquéreur d’effectuer les démarches afin d’obtenir ces renseignements ; alors que, selon le système français, c’est au vendeur, tenu d’une obligation d’information découlant de la bonne foi, de fournir ces mêmes renseignements.

Pour achever ce rapide tour d’horizon du droit comparé en la matière, vous observerez que le droit allemand, dont il n’est pas nécessaire de rappeler l’importance pour l’analyse des fondements de notre responsabilité civile, ne connaît pas la théorie de la perte de chance.

Cf. Hans Jurgzen Sonneneberger, Lamy 2007 :

dans la logique du principe de causalité adéquate, la loi civile allemande, comme la jurisprudence, rappelle que c’est le juge, selon l’article 287 du code de procédure civile allemand, qui décidera « selon sa libre conviction et en appréciation de toutes les circonstances » en cas de contestation sur la réalité d’un dommage évolutif

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15 janvier 2016Arrêt publié intégralement

•Bulletin d’information

dans le futur, l’article 252 définissant ce type de dommage comme « un gain manqué qu’il était possible avec vraisemblance d’après le cours normal des choses ». La Cour fédérale étend depuis 1992 cette règle non seulement au dommage évolutif, mais également au préjudice évolutif.

Cette approche très pragmatique où le lien de causalité et l’aléa du préjudice futur sont appréciés directement et complètement me paraît de nature à favoriser une réparation plus proche de l’idéal de réparation intégrale que les constructions, certes évolutives mais encore très restrictives, de notre perte de chance « à la française », particulièrement dans les situations comparables à notre espèce, où la faute est certaine, comme le préjudice, et, pourtant, ne peut être réparée qu’incomplètement.

En retenant une réparation intégrale des conséquences d’une faute commise par un professionnel , vous vous ancrerez encore davantage dans la logique européenne, qui s’efforce de rapprocher davantage, en matière d’indemnisation, la faute de ses conséquences.

Vous confortez ainsi, dans l’esprit d’une réponse adéquate et juste à un préjudice et une faute particulière, la jurisprudence la plus récente de la troisième chambre civile en la matière et constante depuis une décision du 15 septembre 2001 qui posait clairement :

« La victime ne perd pas seulement une chance, c’est-à-dire une probabilité que ne survienne un événement favorable, puisque dès l’origine elle est certaine, à 100 %, de subir un préjudice, c’est donc ce préjudice qu’il convient d’indemniser directement ».

les jalons d’une responsabilité civile adaptée à ce type particulier de contentieux que la multiplication des lois protectrices de l’environnement ne manquera pas de toujours davantage poser en enjeu stratégique de protection juridique non de ceux qui commettent la faute, mais de ceux qui en subissent toutes les conséquences.

Avis de rejet.

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Bulletin d’informationQuestion prioritaire de constitutionnalité

•15 janvier 2016

II. - ARRÊTS DES CHAMBRES STATUANT EN MATIÈRE DE QUESTION PRIORITAIRE DE CONSTITUTIONNALITÉ

No 6

Question prioritaire de constitutionnalitéAvis du ministère public. - Formalité d’ordre public. - Défaut. - Irrecevabilité.

Attendu que les questions transmises sont les suivantes :

«  1o L’article  L.  2224-12 du code général des collectivités territoriales, en ce qu’il crée une obligation d’abonnement au service public d’assainissement des eaux usées, porte-t-il atteinte aux droits et libertés garantis par l’article premier de la Constitution et les articles 2 et 17 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 ?

2o Les articles R. 2224-19 et R. 2224-19-2 du code général des collectivités territoriales, en ce qu’ils créent une obligation de paiement d’une redevance sous forme de “prime fixe” en l’absence de volonté de l’usager d’adhésion au service public d’assainissement des eaux usées, et en l’absence d’usage effectif de ce service, portent-ils atteinte aux droits et libertés garantis par l’article premier de la Constitution et les articles 2 et 17 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 ? »

Attendu qu’il ne résulte ni du jugement ni de la procédure que la juridiction de proximité a communiqué les questions prioritaires de constitutionnalité au ministère public ;

D’où il suit que les questions prioritaires de constitutionnalité ne sont pas recevables ;

Par ces motifs :

DÉCLARE IRRECEVABLES les questions prioritaires de constitutionnalité.

3e Civ. - 9 juillet 2015. IRRECEVABILITÉ

No 15-40.020. - Juridiction de proximité de Palaiseau, 12 mai 2015.

M. Terrier, Pt. - Mme Renard, Rap. - M. Bailly, Av. Gén.

No 7

Question prioritaire de constitutionnalitéCode de procédure pénale. - Article 396, alinéa 3. - Droits de la défense. - Double degré de juridiction. - Droit à un procès équitable. - Caractère sérieux. - Défaut. - Non-lieu à renvoi au Conseil constitutionnel.

Attendu que la question prioritaire de constitutionnalité est ainsi rédigée :

« L’article 396, alinéa 3, du code de procédure pénale concernant la procédure de comparution immédiate des articles 395 et 396 du même code, en ce qu’il attribue au juge des libertés et de la détention la compétence pour placer en détention provisoire, saisir le tribunal correctionnel et donc mettre en accusation, le tout par une même ordonnance de placement en détention provisoire insusceptible d’appel-réformation par le mis en cause/prévenu, est-il compatible avec les principes de valeur constitutionnelle : 1o) de séparation des fonctions de justice, 2o) de la présomption d’innocence, 3o) du droit à un procès pénal équitable, 4o) de compétence de l’autorité judiciaire pour sauvegarder la liberté individuelle et 5o) du double degré de juridiction inclus dans les droits de la défense ? »

Attendu que la disposition législative contestée est applicable à la procédure et n’a pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d’une décision du Conseil constitutionnel ;

Mais attendu que la question, ne portant pas sur l’interprétation d’une disposition constitutionnelle dont le Conseil constitutionnel n’aurait pas encore eu l’occasion de faire application, n’est pas nouvelle ;

Et attendu que la question posée ne présente pas un caractère sérieux, dès lors que, d’une part, l’article 396, alinéa 3, du code de procédure pénale prévoit que le juge des libertés et de la détention, devant lequel le procureur de la République traduit le prévenu s’il décide une comparution immédiate et si la réunion du tribunal est impossible le jour même, statue sur les seules réquisitions aux fins de détention provisoire ; que la juridiction de jugement est saisie des seuls faits qui sont l’objet de la poursuite, tels qu’ils figurent dans le procès-verbal dressé par le procureur de la République lors du défèrement ; que le juge des libertés et de la détention, qui n’est pas autorité de poursuite, ne peut modifier cette saisine et se borner à fixer la date à laquelle le prévenu doit comparaître devant le tribunal correctionnel, dans la limite du troisième jour ouvrable suivant, à peine de caducité du mandat de dépôt ;

Que, d’autre part, si l’ordonnance de placement en détention n’est pas susceptible d’appel, le prévenu, lors de sa comparution à bref délai devant le tribunal correctionnel, voit nécessairement sa privation de liberté examinée de nouveau  ; qu’il dispose, en outre, du droit de présenter tous moyens de nullité visant à contester les modalités de la saisine du juge des libertés et de la détention et les dispositions incluses dans son ordonnance ; que l’article 396, alinéa 3, précité, assure aux justiciables placés dans une telle situation des garanties égales ; qu’ainsi, l’absence de double degré de juridiction ne fait pas obstacle au droit reconnu à l’intéressé de disposer d’autres moyens de contestation dans des délais appropriés ;

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15 janvier 2016Question prioritaire de constitutionnalité

•Bulletin d’information

Par ces motifs :

DIT N’Y AVOIR LIEU À RENVOYER au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité.

Crim. - 22 juillet 2015. NON-LIEU À RENVOI AU CONSEIL CONSTITUTIONNEL

No 15-90.010. - TGI Perpignan, 8 avril 2015.

M. Straehli, Pt (f.f.). - Mme Durin-Karsenty, Rap. - Mme Le Dimna, Av. Gén. - SCP Monod, Colin et Stoclet, Av.

No 8

Question prioritaire de constitutionnalitéCode du travai l . - Art ic le L.  3141-9. - Gr ief d’inconstitutionnalité. - Droit de l’Union européenne. - Droits et libertés garantis par la Constitution. - Défaut. - Irrecevabilité.

Attendu que la question transmise est ainsi rédigée :

« Les dispositions de l’article L. 3141-9 du code du travail portent-elles atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution, par les dispositions de l’article 157 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne et par la directive no 76/207/CEE relative à l’égalité de traitement entre hommes et femmes en matière de travail ? »

Mais attendu que la question posée, tirée du défaut de compatibilité d’une disposition législative aux engagements européens de la France, ne saurait être regardée comme invoquant un grief d’inconstitutionnalité, l’examen d’un tel grief, fondé sur les traités ou le droit de l’Union européenne, relevant de la compétence des juridictions judiciaires ;

D’où il suit que la question prioritaire de constitutionnalité n’est pas recevable ;

Par ces motifs :

DIT N’Y AVOIR LIEU À RENVOYER au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité.

Soc. - 8 juillet 2015. NON-LIEU À RENVOI AU CONSEIL CONSTITUTIONNEL

No 15-40.023. - CA Orléans, 4 juin 2015.

M. Frouin, Pt. - M. Huglo, Rap. - M. Petitprez, Av. Gén.

No 9

Question prioritaire de constitutionnalitéCode du travail. - Article L. 7112-5, 1o. - Principe d’égalité. - Liberté contractuelle. - Interprétation jurisprudentielle. - Portée. - Caractère sérieux. - Défaut. - Non-lieu à renvoi au Conseil constitutionnel.

Attendu que la question transmise est ainsi rédigée :

« Les dispositions de l’article L. 7112-5, 1o, du code du travail ainsi que la portée que leur donne la jurisprudence de la Cour de cassation, en ce qu’elles ne prévoient pas les modalités de leur application et en ce qu’elles créent un droit imprescriptible pour les journalistes, ne contreviennent-elles pas au principe d’égalité, au principe de liberté contractuelle ainsi qu’aux garanties fondamentales nécessaires à l’exercice des droits et libertés prévus aux dispositions des articles 1, 4 et 6 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, de l’alinéa 8 du préambule de la constitution de 1946 ainsi qu’aux dispositions des articles 1 et 34 de la Constitution de 1958 ? ».

Attendu que les dispositions contestées sont applicables au litige et n’ont pas déjà été déclarées conformes à la Constitution dans les motifs et le dispositif d’une décision du Conseil constitutionnel ;

Mais attendu, d’abord, que les questions, ne portant pas sur l’interprétation d’une disposition constitutionnelle dont le Conseil constitutionnel n’aurait pas encore eu l’occasion de faire application, ne sont pas nouvelles ;

Et attendu, ensuite, que les dispositions contestées, telles qu’elles sont interprétées par la Cour de cassation, ne dérogent pas au règles de droit commun relatives à la prescription extinctive ; que la question qui prête à l’interprétation jurisprudentielle une portée qu’elle n’a pas n’est pas sérieuse ;

D’où il suit qu’il n’y a pas lieu de la renvoyer au Conseil constitutionnel ;

Par ces motifs :

DIT N’Y AVOIR LIEU À RENVOYER au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité.

Soc. - 7 juillet 2015. NON-LIEU À RENVOI AU CONSEIL CONSTITUTIONNEL

No 15-40.019. - CPH Paris, 30 avril 2015.

M. Frouin, Pt. - M. Ballouhey, Rap. - M. Liffran, Av. Gén.

Un commentaire de cette décision est paru dans la RJS 2015, no 738.

No 10

1o Question prioritaire de constitutionnalitéCode monétaire et financier. - Article L.  465-1. - Présomption d’innocence. - Légalité des délits et des peines. - Principe de clarté de la loi. - Caractère sérieux. - Défaut. - Non-lieu à renvoi au Conseil constitutionnel.

2o Question prioritaire de constitutionnalitéCode monétaire et financier. - Articles L. 465-1, L. 466-1, L. 621-14, L. 621-15, L. 621-16. - Principe de nécessité des peines. - Ne bis in idem. - Caractère sérieux. - Défaut. - Non-lieu à renvoi au Conseil constitutionnel.

Attendu que les premières questions prior i taires de constitutionnalité posées par MM. X… et Y… sont rédigées de manière identique dans les termes suivants :

« L’article L. 465-1 du code monétaire et financier, dans sa version applicable au 4 janvier 2002, est-il conforme aux articles 8 et 9 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, ainsi qu’à l’exigence de clarté et de précision de la loi pénale, en tant qu’elles incriminent au titre du délit d’initié le fait, pour les dirigeants d’une société mentionnée à l’article 162-1 de la loi no 66-537 du 24 juillet 1966 sur les sociétés commerciales et pour les personnes disposant, à l’occasion de l’exercice de leur profession ou de leurs fonctions, d’informations privilégiées sur les perspectives ou la situation d’un émetteur dont les titres sont négociés sur un marché réglementé ou sur les perspectives d’évolution d’un instrument financier admis sur un marché réglementé, de réaliser ou de permettre de réaliser, soit directement, soit par personne interposée, une ou plusieurs opérations avant que le public ait connaissance de ces informations, sans définir la notion d’informations privilégiées ni les éléments constitutifs du délit et en utilisant des termes permettant de présumer de manière irréfragable que le délit est constitué dès lors que l’une des personnes qu’il mentionne réalise sans motif légitime une opération de marché avant que l’information privilégiée dont elle est détentrice ne soit rendue publique ? »

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Bulletin d’informationQuestion prioritaire de constitutionnalité

•15 janvier 2016

Attendu que la seconde question prioritaire de constitutionnalité posée par M. X… est ainsi rédigée :

« L’article L. 465-1 du code monétaire et financier, dans sa version applicable au 4 janvier 2002, et les articles L. 621-14 et L. 621-15 du même code, dans leur rédaction résultant de l’ordonnance no 2000-1223 du 14 décembre 2000 et de la loi no 2003-706 du 1er août 2003, sont-ils également conformes à l’article 8 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen et aux principes de nécessité des délits et des peines et ne bis in idem en tant qu’ils permettent que des poursuites pénales puissent être engagées et prospérer à l’égard des mêmes faits que ceux ayant donné lieu à des poursuites devant la Commission des opérations de bourse ou devant la commission des sanctions de l’Autorité des marchés financiers ou à une décision de ne pas engager des poursuites rendue par cette commission ou par le collège de l’Autorité des marchés financiers après l’examen d’un rapport d’enquête ou de contrôle ou d’une demande du président de l’autorité de contrôle prudentiel et de résolution ? »

Attendu que la seconde question prioritaire de constitutionnalité posée par M. Y… est ainsi rédigée :

« Les dispositions des articles L. 465-1, L. 466-1, L. 621-14, L. 621-15 et L. 621-16 du code monétaire et financier, dans leur version applicable au 21 décembre 2001, en ce qu’elles prévoient que les juridictions correctionnelles peuvent poursuivre et prononcer des sanctions à l’égard de personnes ayant préalablement été condamnées définitivement par l’autorité financière pour les mêmes faits, méconnaissent-elles l’article 8 de la Déclaration des droits de l’homme de 1789, relatif au principe de nécessité et de proportionnalité des peines, et le principe ne bis in idem qui en découle ? »

I. - Sur les premières questions posées par MM. X… et Y… :

Attendu que la disposition législative contestée est applicable à la procédure et n’a pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d’une décision du Conseil constitutionnel ;

Mais attendu que les questions, ne portant pas sur l’interprétation d’une disposition constitutionnelle dont le Conseil constitutionnel n’aurait pas encore eu l’occasion de faire application, ne sont pas nouvelles ;

Et attendu que les questions posées ne présentent pas un caractère sérieux, dès lors que les dispositions légales critiquées sont, d’une part, suffisamment claires et précises pour permettre leur interprétation, qui entre dans l’office du juge pénal, sans risque d’arbitraire, notamment en ce qu’elles concernent la nature et l’objet des informations utilisées par l’auteur du délit d’initié pour réaliser des opérations de marché telles que visées par le texte, et, d’autre part, instaurent une présomption d’utilisation de ces informations pouvant être écartée en rapportant la preuve contraire ; qu’ainsi, aucun des principes constitutionnels invoqués n’est méconnu ;

D’où il suit qu’il n’y a pas lieu de renvoyer les questions au Conseil constitutionnel ;

II. - Sur les secondes questions posées par MM. X… et Y… :

Attendu que les dispositions législatives contestées ne sont pas applicables à la procédure en l’absence de toute poursuite à l’encontre des demandeurs devant la Commission des opérations de bourse ou la commission des sanctions de l’Autorité des marchés financiers pour les faits de délit d’initié pour lesquels ils ont été condamnés par la juridiction pénale ;

D’où il suit qu’il n’y a pas lieu de renvoyer les questions au Conseil constitutionnel ;

Par ces motifs :

DIT N’Y AVOIR LIEU À RENVOYER au Conseil constitutionnel les questions prioritaires de constitutionnalité.

Crim. - 8 juillet 2015. NON-LIEU À RENVOI AU CONSEIL CONSTITUTIONNEL

No 14-84.562. - CA Paris, 19 mai 2014.

M. Guérin, Pt. - Mme de la Lance, Rap. - M. Cuny, Av. Gén. - SCP Piwnica et Molinié, SCP Sevaux et Mathonnet, SCP Spinosi et Sureau, Av.

Un commentaire de cette décision est paru au D.  2015, somm., p. 1645. Voir également la RJDA 2015, no 666, la revue Dr. pénal 2015, comm. 128, note Jacques-Henri Robert, la revue Dr. sociétés 2015, comm. 183, note Renaud Salomon, et la revue Banque et droit, octobre 2015, p. 85, note Jérôme Lasserre-Capdeville.

No 11

Question prioritaire de constitutionnalitéMémoire distinct et motivé - Délais de dépôt - Défaut - Irrecevabilité.

Sur la recevabilité de la question prioritaire de constitutionnalité :

Vu l’article 23-5, alinéa premier, de l’ordonnance no 58-1067 du 7  novembre  1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, ensemble les articles 982 et 1010 du code de procédure civile ;

Attendu que lorsque le moyen tiré de ce qu’une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution est soulevé à l’occasion d’un pourvoi en cassation, il doit être présenté, à peine d’irrecevabilité, dans un mémoire distinct et motivé remis au greffe dans le délai d’instruction de ce pourvoi ; qu’il en résulte que le défendeur au pourvoi principal ne peut poser une question prioritaire de constitutionnalité que par un mémoire spécial déposé dans le délai de remise du mémoire en défense ;

Attendu qu’après avoir, à l’occasion du pourvoi incident qu’elles ont relevé contre l’arrêt de la cour d’appel d’Agen du 26 février 2014, demandé le renvoi au Conseil constitutionnel d’une question prioritaire de constitutionnalité, les sociétés Entreprise Ducler et Ducler frères ont, après décision de non-lieu à renvoi du 27 mars 2015, reformulé leur question dans un mémoire distinct et motivé reçu au greffe le 29 mai 2015 ;

Attendu que le délai de dépôt du mémoire en défense étant expiré depuis le 31 décembre 2014, ce nouveau mémoire spécial a été déposé hors délai ;

D’où il suit que la question prioritaire de constitutionnalité qu’il contient est irrecevable ;

Par ces motifs :

DÉCLARE IRRECEVABLE la quest ion pr ior i ta i re de constitutionnalité.

Com. - 7 juillet 2015. IRRECEVABILITÉ

No 14-19.771. - C.A. Agen, 26 février 2014.

Mme  Mouillard, Pt. - Mme  Vallansan, Rap.  - M.  Le  Mesle, P. Av. Gén. - SCP Célice, Blancpain, Soltner et Texidor, SCP Caston, Av.

No 12

1o Question prioritaire de constitutionnalitéOrdonnance no 58-1067 du 7  novembre  1958. - Articles 23-4, 23-5 et 23-7. - Incompétence négative du législateur. - Principe d’impartialité des juridictions. - Droit à une procédure juste et équitable. - Déclaration préalable de constitutionnalité. - Non-lieu à renvoi au Conseil constitutionnel.

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15 janvier 2016Question prioritaire de constitutionnalité

•Bulletin d’information

2o Question prioritaire de constitutionnalitéCode du travail. - Articles L. 3121-38 et L. 212-15-3. - Liberté contractuelle. - Droit à un procès équitable. - Droit au respect des situations légalement acquises. - Droit au respect des conventions et accords collectifs. - Interprétation jurisprudentielle constante. - Portée. - Caractère sérieux. - Défaut. - Non-lieu à renvoi au Conseil constitutionnel.

Attendu qu’à l’occasion du pourvoi formé contre l’arrêt rendu le 12 décembre 2014 par la cour d’appel de Lyon, la société Auchan, par mémoires distincts et motivés, demande à la Cour de cassation de renvoyer au Conseil constitutionnel trois questions prioritaires de constitutionnalité ;

Sur la première question prioritaire de constitutionnalité :

Attendu que la première question prioritaire de constitutionnalité est ainsi rédigée :

« Les articles 23-4, 23-5 et 23-7 de l’ordonnance no 58-1067 du 7 novembre 1958, en ce qu’ils sont seuls applicables à la procédure devant la Cour de cassation du fait de l’article 12 de la loi organique no 2010-830 du 22 juillet 2010 qui a abrogé purement et simplement l’article 23-6 de l’ordonnance précitée et ainsi supprimé la formation spéciale de la Cour de cassation qui, dans le schéma initial de la réforme de la QPC, était chargée d’examiner le renvoi des questions au Conseil constitutionnel, sans prévoir de dispositions propres à garantir le respect d’une procédure juste et équitable par la Cour de cassation lorsqu’elle est saisie d’une question prioritaire mettant en cause la constitutionnalité de sa propre jurisprudence, sont-ils conformes au principe résultant de l’article 34 de la Constitution, selon lequel l’incompétence négative du législateur ne doit pas porter atteinte à un droit ou une liberté que la Constitution garantit, à savoir en l’espèce le principe d’impartialité des juridictions et le droit au respect d’une procédure juste et équitable, garantis par l’article 16 de la Déclaration des droits de 1789 ? »

Attendu que les dispositions législatives critiquées sont applicables au litige ;

Mais attendu que les dispositions contestées ont déjà été déclarées conformes à la Constitution dans les motifs et le dispositif de la décision no 2009-595 DC rendue le 3 décembre 2009 par le Conseil constitutionnel pour ce qui concerne les articles 23-4, 23-5 et 23-7 de l’ordonnance no 58-1067 du 7 novembre 1958 et dans les motifs et le dispositif de la décision no 2010-611 DC rendue le 19 juillet 2010 par le Conseil constitutionnel pour ce qui concerne l’article 12 de la loi organique no 2010-830 du 22 juillet 2010 ; qu’aucun changement dans les circonstances de droit ou de fait n’est depuis intervenu qui, affectant la portée des dispositions législatives critiquées, en justifierait le réexamen ; qu’il n’y a pas lieu de renvoyer la question au Conseil constitutionnel ;

Sur la deuxième question prioritaire de constitutionnalité :

Attendu que la deuxième question prioritaire de constitutionnalité est ainsi rédigée :

« Telles qu’elles sont interprétées par la jurisprudence constante de la Cour de cassation, les dispositions de l’article L. 3121-38 du code du travail (dans leur rédaction antérieure à la loi du 20 août 2008), en ce qu’elles exigeraient nécessairement la formalisation d’un écrit sans égard pour les dispositions de l’article L. 3121-40 du code du travail (dans leur rédaction antérieure à la loi du 20 août 2008) et le contenu de la convention ou de l’accord collectif conclu sur le fondement de ce dernier article pour prévoir les modalités et les caractéristiques principales des conventions de forfait, sont-elles conformes aux droits et libertés garantis par la Constitution et notamment :

- au droit, pour tout justiciable, d’être jugé dans le respect de la valeur normative arrêtée par le Parlement, l’existence d’un tel droit pouvant être déduite des articles 6 et 16 de la Déclaration de 1789,

et des articles 3 et 34 de la Constitution, au besoin en établissant que le non-respect de ces dispositions constitutionnelles affecte un droit ou une liberté que la Constitution garantit, à savoir en l’espèce  : (i) le droit au respect des conventions et accords collectifs conclus dans le respect des termes de la loi, notamment pour préciser les modalités concrètes d’application d’une norme édictée par le législateur, qui résulte de l’article 4 de la Déclaration de  1789 et de l’alinéa  8 du préambule de la Constitution du 1946, (ii) la liberté contractuelle, qui découle de l’article 4 de la Déclaration de 1789, (iii) ainsi que le droit à un procès équitable et le droit au respect des situations légalement acquises et des effets qui peuvent légitimement en être attendus, qui résultent de l’article 16 de la Déclaration de 1789 - l’exposante constatant qu’en l’absence de jurisprudence du Conseil constitutionnel quant à l’existence d’un tel droit, et quant à la possibilité (s’il existe) de l’invoquer au soutien d’une question prioritaire de constitutionnalité, l’existence d’une question nouvelle est caractérisée ; à la liberté contractuelle, qui découle de l’article 4 de la Déclaration de 1789 - l’exposante constatant que la question posée suppose de trancher préalablement la question de savoir si le juge est en droit de créer une atteinte à une telle liberté, par son interprétation constante (et si oui dans quelles limites) - une telle question étant nouvelle en l’absence de jurisprudence du Conseil constitutionnel ;

- au droit au respect des conventions et accords collectifs conclus dans le respect des termes de la loi, notamment pour préciser les modalités concrètes d’application d’une norme édictée par le législateur, qui résulte de l’article 4 de la Déclaration de 1789 et de l’alinéa 8 du préambule de la Constitution du 1946, dispositions conventionnelles qui se situent en principe sur le même plan que des dispositions réglementaires - l’exposante constatant que la question posée suppose de trancher préalablement  : a)  la question de la nature et des limites du contrôle que le juge est en droit d’exercer à l’égard des conventions et accords collectifs conclus pour préciser les modalités concrètes d’application d’une norme édictée par le législateur ; b) la question de savoir si le juge est en droit de porter atteinte aux conventions et accords collectifs conclus dans le respect des termes de la loi, par son interprétation constante (et si oui dans quelles limites) - de telles questions étant nouvelles ;

- au droit à un procès équitable et au droit au respect des situations légalement acquises et des effets qui peuvent légitimement en être attendus, qui résultent de l’article 16 de la Déclaration de 1789 - l’exposante constatant que la question posée suppose de trancher préalablement la question de savoir si  : a) les conventions et accords collectifs sont éligibles à la protection que l’article 16 de la Déclaration de 1789 accorde au titre du procès équitable et de la protection des situations légalement acquises et des effets qui peuvent légitimement en être attendus ; b) le juge est en droit d’y porter atteinte par son interprétation constante (et si oui dans quelles limites) - une telle question étant nouvelle, ainsi que l’a d’ailleurs déjà admis le Conseil d’État dans son arrêt du 10 juin 2013 (no 366880) ? »

Attendu que les dispositions législatives critiquées sont applicables au litige ;

Mais attendu, d’une part, que la question, qui ne porte pas sur l’interprétation d’une disposition constitutionnelle dont le Conseil constitutionnel n’aurait pas encore eu l’occasion de faire application, ne tend, sous le couvert de nouveauté, qu’à contester la possibilité même pour le juge, dans le cadre de son office, de donner une portée quelconque aux dispositions législatives qu’il doit mettre en œuvre pour trancher le litige dont il est saisi ;

Et attendu, d’autre part, que la question posée ne présente pas un caractère sérieux en ce que la formalisation par écrit de la convention de forfait en jours, en application des dispositions de l’article L. 3121-38 du code du travail, telles qu’interprétées par la Cour de cassation, qui, sans dénaturer la portée de la liberté contractuelle, participe aux garanties de nature à satisfaire aux exigences de santé et de sécurité au travail résultant du onzième alinéa du préambule de la Constitution de 1946, ne porte pas

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Bulletin d’informationQuestion prioritaire de constitutionnalité

•15 janvier 2016

atteinte à une situation légalement acquise et ne méconnaît pas les dispositions des articles 4 et 16 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 et du huitième alinéa du préambule de la Constitution de 1946 ;

D’où il suit qu’il n’y a pas lieu de la renvoyer au Conseil constitutionnel ;

Sur la troisième question prioritaire de constitutionnalité :

Attendu que la troisième question prioritaire de constitutionnalité est ainsi rédigée :

« Telles qu’elles sont interprétées par la jurisprudence constante de la Cour de cassation, sans égard pour l’ancienneté et le nombre des conventions et accords collectifs conclus et des conventions individuelles conclues pour leur application, les dispositions de l’article L. 212-15-3 du code du travail (devenu l’article L. 3121-45 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à la loi du 20 août 2008), en ce qu’elles subordonneraient la validité des conventions et accords collectifs visés par cet article  à l’existence de stipulations “assurant la garantie du respect des durées maximales de travail” et de stipulations garantissant une amplitude et une charge de travail “raisonnables et assur[a]nt une bonne répartition, dans le temps, du travail”, alors même que ces dispositions légales se bornaient à imposer un suivi de l’amplitude et de la charge de travail et que les dispositions de l’article L. 212-15-3 (devenu l’article L. 3121-47 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à la loi du 20 août 2008) excluaient l’application des durées maximales de travail prévues par le code du travail, sont-elles conformes aux droits et libertés garantis par la Constitution et notamment :

- au droit, pour tout justiciable, d’être jugé dans le respect de la valeur normative arrêtée par le Parlement, l’existence d’un tel droit pouvant être déduite des articles 6 et 16 de la Déclaration de 1789, et des articles 3 et 34 de la Constitution, au besoin en établissant que le non-respect de ces dispositions constitutionnelles affecte un droit ou une liberté que la Constitution garantit, à savoir en l’espèce  : (i) le droit au respect des conventions et accords collectifs conclus dans le respect des termes de la loi et au respect des conventions individuelles conclues pour l’application de ces conventions et accords collectifs, qui sont protégés par la Constitution, sur le fondement de l’article 8 du préambule de la Constitution de  1946 (principe dit de participation) et des articles 4 et 16 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 (ii) ainsi que le droit à un procès équitable (compte tenu, notamment, du caractère tardif, imprécis et subjectif des conditions posées, à l’occasion de l’élaboration de la portée effective des dispositions législatives en débat, les durées maximales qui doivent être respectées n’étant pas clairement définies, et les notions d’amplitude et de charge de travail raisonnables et de bonne répartition du travail dans le temps étant non seulement imprécises mais également subjectives) et le droit au respect des situations légalement acquises et des effets qui peuvent légitimement en être attendus, qui résultent de l’article 16 de la Déclaration de 1789 - l’exposante constatant qu’en l’absence de jurisprudence du Conseil constitutionnel quant à l’existence d’un tel droit, et quant à la possibilité (s’il existe) de l’invoquer au soutien d’une question prioritaire de constitutionnalité, l’existence d’une question nouvelle est caractérisée ;

- au droit au respect des conventions et accords collectifs conclus dans le respect des termes de la loi et au respect des conventions individuelles conclues pour l’application de ces conventions et accords collectifs, qui sont protégés par la Constitution, sur le fondement de l’article  8 du préambule de la Constitution de 1946 (principe dit de participation) et des articles 4 et 16 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 - l’exposante constatant que la question posée suppose de trancher préalablement la question de savoir si le juge est en droit

porter atteinte à de tels conventions et accords collectifs, et aux conventions individuelles intervenues pour leur application, par son interprétation constante (et si oui dans quelles limites), une telle question étant nouvelle en l’absence de jurisprudence du Conseil constitutionnel ;

- au droit à un procès équitable (compte tenu, notamment, du caractère tardif, imprécis et subjectif des conditions posées, à l’occasion de l’élaboration de la portée effective des dispositions législatives en débat, les durées maximales qui doivent être respectées n’étant pas clairement définies, et les notions d’amplitude et de charge de travail raisonnables et de bonne répartition du travail dans le temps étant non seulement imprécises mais également subjectives) et au droit au respect des situations légalement acquises et des effets qui peuvent légitimement en être attendus, qui résultent de l’article 16 de la Déclaration de 1789 - l’exposante constatant que la question posée suppose de trancher préalablement la question de savoir si : a) les conventions et accords collectifs sont éligibles à la protection que l’article 16 de la Déclaration de 1789 accorde au titre du procès équitable et de la protection des situations légalement acquises et des effets qui peuvent légitimement en être attendus et, dans l’affirmative, si b) le juge est en droit d’y porter atteinte par son interprétation constante (et si oui dans quelles limites) - une telle question étant nouvelle, ainsi que l’a d’ailleurs déjà admis le Conseil d’État dans son arrêt du 10 juin 2013 (no 366880) ? »

Attendu que les dispositions législatives critiquées sont applicables au litige ;

Mais attendu, d’une part, que la question, qui ne porte pas sur l’interprétation d’une disposition constitutionnelle dont le Conseil constitutionnel n’aurait pas encore eu l’occasion de faire application, ne tend, sous le couvert de nouveauté, qu’à contester la possibilité même pour le juge de procéder, ainsi qu’il en a l’obligation, à l’interprétation, à la lumière du droit de l’Union européenne, des dispositions législatives qu’il doit mettre en œuvre ;

Et attendu, d’autre part, que les dispositions de l’article L. 212-15-3, devenu L. 3121-38, du code du travail, telles qu’interprétées par la Cour de cassation à la lumière de l’article 17, §§ 1 et 4, de la directive 93/104/CE du Conseil du 23 novembre 1993, des articles 17, §§ 1, et 19 de la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003 et de l’article 31 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, qui ne permettent de déroger aux règles relatives à la durée du travail que dans le respect des principes généraux de la protection de la sécurité et de la santé du travailleur, mettent en œuvre l’exigence constitutionnelle de santé et de sécurité au travail qui découle du onzième alinéa du préambule de la Constitution de 1946 ; qu’elles ne portent pas atteinte à une situation légalement acquise et ne méconnaissent aucun des principes constitutionnels applicables invoqués  ; que cette disposition législative, ainsi interprétée, ne mettant en cause aucune règle ni aucun principe inhérent à l’identité constitutionnelle de la France, il n’y a pas lieu de la renvoyer au Conseil constitutionnel ;

Par ces motifs :

DIT N’Y AVOIR LIEU À RENVOYER au Conseil constitutionnel les questions prioritaires de constitutionnalité ;

Soc. - 7 juillet 2015. NON-LIEU À RENVOI AU CONSEIL CONSTITUTIONNEL

No 15-12.417. - CA Lyon, 12 décembre 2014.

M. Frouin, Pt. - M. Flores, Rap. - M. Liffran, Av. Gén. - Me Ricard, SCP Masse-Dessen, Thouvenin et Coudray, Av.

Un commentaire de cette décision est paru au JCP  2015, éd. G, chron., 894, spéc. no 12 et 16, note Bertrand Mathieu. Voir également la RJS 2015, no 744.

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15 janvier 2016Arrêts des chambres

•Bulletin d’information

III. - TITRES ET SOMMAIRES D’ARRÊTS

ARRÊTS DES CHAMBRES

No 13

Accident de la circulationIndemnisation.  - Offre de l’assureur.  - Modification.  - Possibilité. - Conditions. - Portée.

L’offre d’indemnisation prévue par l’article L. 211-9 du code des assurances ne peut engager l’assureur que si elle est acceptée par la victime ou ses ayants droit et aucun texte ou principe n’interdit à l’assureur de la modifier afin de tenir compte de l’évolution de la situation de la victime.

Le  tuteur ne peut transiger au nom de la personne protégée qu’après avoir fait approuver par le conseil de famille ou le juge des tutelles les clauses de la transaction, ce dont il se déduit que la saisine du juge des tutelles ne saurait établir l’acceptation sans équivoque par la victime de l’offre de l’assureur présentée en application de l’article L. 211-9 du code des assurances.

2e Civ. - 2 juillet 2015. REJET

No 14-21.562. - CA Metz, 22 mai 2014.

Mme Aldigé, Pt (f.f.). - Mme Isola, Rap. - M. Lavigne, Av. Gén. - SCP Gaschignard, SCP Rousseau et Tapie, Av.

Un commentaire de cette décision est paru dans la revue AJ Famille 2015, p. 502, note Valérie Montourcy. Voir également la RGDA 2015, p. 404, note James Landel, la revue Dr. fam. 2015, comm. 192, note Ingrid Maria, et la Gaz. Pal. 2015, 1, p. 36, note Claudine Bernfeld.

No 14

AnimauxAnimaux domestiques.  - Vente.  - Garantie.  - Vices cachés. - Dérogation conventionnelle. - Convention tacite.

Les dispositions des articles L. 213-1 et suivants du code rural et de la pêche maritime régissant la garantie des vices rédhibitoires dans les ventes d’animaux domestiques peuvent être écartées par une convention contraire, laquelle peut être implicite et résulter de la destination des animaux vendus et du but que les parties se sont proposé, et qui constitue la condition essentielle du contrat.

Justifie ainsi légalement sa décision faisant application des articles 1641 et suivants du code civil à la vente d’un cheval la cour d’appel qui relève, d’une part, que l’animal a été vendu aux enchères publiques par l’intermédiaire d’une agence spécialisée à un prix quinze fois supérieur à celui d’un cheval de loisir, d’autre part, qu’une correspondance échangée entre les parties à la vente témoigne de la destination sportive de l’animal.

1re Civ. - 1er juillet 2015. REJET

No 13-25.489. - CA Limoges, 22 août 2013.

Mme  Batut, Pt.  - M.  Vitse, Rap.  - M.  Drouet, Av.  Gén.  - SCP Ghestin, SCP Piwnica et Molinié, Av.

Un commentaire de cette décision est paru dans la revue Contrats, conc. consom. 2015, comm. no 252, note Laurent Leveneur.

No 15

1o Appel civilProcédure sans représentation obligatoire. - Convocation des parties à l’audience. - Convocation par le greffe. - Date de l’audience. - Délai maximum. - Nécessité (non).

2o Appel civilProcédure sans représentation obligatoire. - Convocation des parties à l’audience. - Convocation par le greffe. - Mentions obligatoires. - Exclusion. - Conséquences de l’absence de comparution.

1o Aucune disposition du code de procédure civile ne prévoyant un délai maximum entre la convocation et la date de l’audience, c’est sans méconnaître le principe de la contradiction et le droit d’accès au juge qu’une cour d’appel, saisie de l’appel d’un tribunal des affaires de sécurité sociale, statue deux années et demie après que l’appelante, non comparante, a reçu la convocation.

2o Aucun texte ne prévoit que la convocation à l’audience que le greffier de la cour d’appel adresse à l’appelant, lorsque la cour d’appel statue en matière de procédure sans représentation obligatoire, l’informe des conséquences de son absence de comparution.

2e Civ. - 9 juillet 2015. REJET

No 14-15.209. - CA Paris, 6 février 2014.

Mme  Flise, Pt.  - M.  Vasseur, Rap.  - M.  Lavigne, Av.  Gén.  - SCP Waquet, Farge et Hazan, Av.

Un commentaire de cette décision est paru au D. 2015, chron., p. 1796, note Hughes Adida-Canac, Thomas Vasseur et Edouard de Leiris. Voir également la revue Procédures 2015, comm. 299, note Alexis Bugada.

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Bulletin d’informationArrêts des chambres

•15 janvier 2016

No 16

Appel correctionnel ou de policeAppel du prévenu. - Déclaration d’adresse par le prévenu libre. - Citation faite à l’adresse déclarée (non). - Sanction. - Irrégularité de la citation. - Invitation du ministère public à faire citer le prévenu à son adresse déclarée. - Nécessité.

Lorsque le prévenu a été cité à une adresse autre que celle mentionnée dans sa déclaration d’appel, il appartient à la chambre des appels correctionnels, légalement saisie par l’acte d’appel, de constater l’irrégularité de la citation et d’inviter le ministère public à faire citer le prévenu à son adresse déclarée.

Crim. - 24 juin 2015. CASSATION

No 14-81.452. - CA Paris, 14 décembre 2012.

M. Guérin, Pt. - Mme Carbonaro, Rap. - M. Gauthier, Av. Gén.

No 17

ArbitrageArbitrage international. - Sentence. - Sentence étrangère. - Exequatur en France. - Compétence. - Détermination. - Portée.

Une sentence arbitrale internationale, qui n’est rattachée à aucun ordre juridique étatique, est une décision de justice internationale dont la régularité est examinée au regard des règles applicables dans le pays où la reconnaissance et l’exécution sont demandées. Il résulte des articles III, V et VII de la Convention de New York du 10  juin  1958 pour la reconnaissance et l’exécution des sentences arbitrales étrangères, et de l’article 1516 du code de procédure civile, que l’exequatur des sentences arbitrales rendues à l’étranger est exclusif de tout jugement sur le fond et relève de la compétence des juridictions judiciaires.

Viole ces textes, constitutifs de l’ordre arbitral international, la cour d’appel qui décline la compétence des juridictions judiciaires et infirme la décision accordant l’exequatur en France d’une sentence rendue à Londres.

1re Civ. - 8 juillet 2015. CASSATION

No 13-25.846. - CA Paris, 10 septembre 2013.

Mme Batut, Pt.  - M. Hascher, Rap. - M. Sarcelet, Av. Gén. - SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, SCP Barthélemy, Matuchansky, Vexliard et Poupot, Av.

Un commentaire de cette décision est paru au D. 2015, somm., p. 1547, et pan., p. 2038, note Sylvain Bollée. Voir également le JCP 2015, éd. G, chron., 1004, spéc. no 9, note Cyril Nourissat, et II, 1164, note T. Alexander Brabant et Maxime Desplats, la revue Procédures 2015, étude, no 9, note Laura Weiller, et la RJDA 2015, no 797.

Note sous 1re Civ., 8 juillet 2015, no 17 ci-dessus

Une sentence est rendue à Londres dans un litige opposant les sociétés Ryanair et sa filiale Airport Marketing Services (« AMS ») au syndicat mixte des aéroports de Charente (« SMAC ») sur la résiliation de deux conventions pour des services aéroportuaires et de marketing soumises au droit français.

La sentence reçoit l’exequatur en France à la demande des sociétés Ryanair et AMS. Saisie par le SMAC, la cour d’appel a décliné sa compétence. Sur pourvoi des sociétés Ryanair et AMS, la Cour de cassation, dans l’arrêt ici commenté, casse cette décision au visa de la Convention pour la reconnaissance et l’exécution des sentences arbitrales étrangères conclue à New York le 10 juin 1958 et de l’article 1516 du code de procédure civile.

L’exécution en France d’une sentence rendue au Royaume-Uni n’obéit pas aux mêmes conditions que l’annulation d’une sentence rendue en France, qui résulte de la jurisprudence «  Inserm » (Tribunal des conflits, 17 mai 2010, no 10-03.754, Bull. 2010, T. conflits, no 11), mais relève de la Convention de New York de 1958 précitée, en vigueur aujourd’hui entre plus de cent soixante États. Il résulte de cette Convention que l’exécution des sentences étrangères est soumise à deux principes  : l’égalité de traitement entre sentences étrangères et sentences nationales, l’interdiction de toute révision au fond, l’arbitrage n’étant pas un préalable à la saisine du juge étatique.

D’après les textes susvisés, l’exequatur des sentences arbitrales rendues à l’étranger est exclusif de tout jugement sur le fond et relève de la compétence des juridictions judiciaires. Dans la continuité de la jurisprudence « Putrabali » (1re Civ., 29 juin 2007, pourvoi no 05-18.053, Bull. 2007, I, no 250), la Cour rappelle le statut juridique spécifique de la sentence internationale, décision de justice internationale qui n’est rattachée à aucun ordre juridique étatique, et l’existence d’un véritable ordre juridique international autonome auquel participent les règles de compétence en jeu.

Même à la supposer rendue, comme ici, dans une affaire de marché public, la sentence étrangère dont l’exequatur répond à des conditions procédurales inconnues ou plus sévères que pour les sentences nationales, notamment en raison de sa soumission à une instance qui permet de juger le fond du droit, subit une discrimination, tant au regard des sentences françaises soumises au régime résultant du code de procédure civile que de toutes les sentences étrangères qui ne mettent en cause ni les marchés publics ni l’occupation du domaine public, la commande publique, le partenariat ou encore la délégation de service public.

Entrent dans le champ d’application de la Convention de New York et de l’arrêt du 8 juillet 2015 toutes les sentences, y compris celles qui mettent en jeu les règles du droit administratif français dans les domaines ci-dessus, qu’elles soient rendues à l’étranger ou en France en matière d’arbitrage international, ainsi que celles pour lesquelles les parties ont renoncé au recours en annulation.

No 18

Atteinte à l’autorité de l’ÉtatAtteinte à l’administration publique commise par les particuliers. - Outrage. - Personne chargée d’une mission de service public. - Éléments constitutifs. - Constatations nécessaires.

Ne justifie pas sa décision l’arrêt d’une cour d’appel qui relaxe un prévenu du chef d’outrages envers une enseignante sans rechercher, d’une part, si les propos reprochés n’étaient pas de nature à porter atteinte à l’autorité morale de la personne visée ou à diminuer le respect dû à la fonction d’enseignant, d’autre part, si l’intéressé, bien qu’ayant proféré ses propos à des tiers, n’avait pas conscience qu’ils seraient nécessairement rapportés à la victime.

Crim. - 24 juin 2015. CASSATION PARTIELLE

No 14-82.890. - C.A. Poitiers, 7 mars 2014.

M. Guérin, Pt. - M. Moignard, Rap. - M. Le Baut, Av. Gén.

Un commentaire de cette décision est paru dans la revue Dr. pénal 2015, comm. 110, note Michel Véron.

No 19

AvocatBarreau. - Inscription au tableau. - Refus. - Insuffisance de garanties de moralité. - Ancien avocat antérieurement radié pour faits contraires à l’honneur et à la probité. - Amendement. - Preuve. - Nécessité.

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15 janvier 2016Arrêts des chambres

•Bulletin d’information

Ayant énoncé, à bon droit, que la réhabilitation légale dont un condamné a bénéficié sur le plan pénal ne fait pas disparaître la réalité des faits commis, la cour d’appel, qui, après avoir rappelé que les faits commis par le requérant, avocat radié disciplinairement du tableau, ayant consisté à s’approprier, par divers moyens frauduleux, des fonds appartenant à la société d’avocats dont il faisait alors partie, étaient directement contraires à la probité, a retenu, par des motifs non critiqués, que l’intéressé n’offrait pas, actuellement, les gages d’amendement suffisants pour remplir à nouveau la condition de moralité exigée par l’article 11 de la loi du 31 décembre 1971, a pu, par ces seuls motifs, et abstraction faite du rappel de la date et de la teneur de condamnations pénales réhabilitées, rejeter sa demande d’inscription au tableau.

1re Civ. - 1er juillet 2015. REJET

No 13-17.152. - CA Dijon, 4 mars 2013.

Mme Batut, Pt.  - Mme Verdun, Rap. - M. Drouet, Av. Gén.  - SCP Thouin-Palat et Boucard, SCP Gaschignard, Av.

No 20

AvocatConseil de l’ordre. - Pouvoirs. - Pouvoir réglementaire. - Cotisat ions.  - Pr incipe d’égal i té.  - Atteinte.  - Caractérisation. - Cas.

Le conseil de l’ordre des avocats fixe librement les cotisations dues par les avocats inscrits à son barreau et par les avocats titulaires d’un bureau secondaire dans son ressort, sous réserve de respecter le principe de l’égalité entre avocats.

Ne tire pas les conséquences légales de ses constatations et viole l’article 17, 6o, de la loi no 71-1130 du 31 décembre 1971 la cour d’appel qui retient que ne porte pas atteinte au principe précité la décision d’un conseil de l’ordre de calculer la cotisation d’un avocat inscrit à son barreau en fonction de ses bénéfices annuels, alors que celle d’un avocat accueilli est forfaitaire et égale au montant maximal imposé à un avocat inscrit.

1re Civ. - 9 juillet 2015. CASSATION

No 14-19.043. - CA Paris, 27 mars 2014.

Mme Batut, Pt.  - Mme Wallon, Rap. - M. Cailliau, Av. Gén. - SCP Masse-Dessen, Thouvenin et Coudray, Av.

Un commentaire de cette décision est paru au D. 2015, somm., p. 1548.

No 21

AvocatDiscipline. - Procédure. - Conseil de l’ordre. - Composition. - Détermination.

I l résulte des articles  22-1 de la loi no 71-1130 du 31 décembre 1971 et 180 et 181 du décret no 91-1197 du 27 novembre 1991 que le conseil de discipline institué dans le ressort de chaque cour d’appel est composé de représentants des conseils de l’ordre de ce ressort, sans qu’aucun d’eux ne puisse désigner plus de la moitié de ses membres, et peut siéger en formation restreinte d’au moins cinq membres délibérant en nombre impair.

Ajoute à la loi une condition qu’elle ne prévoit pas et encourt, dès lors, la cassation l’arrêt qui, pour annuler une décision du conseil régional de discipline, retient que la règle selon laquelle aucun conseil de l’ordre ne peut désigner plus de la moitié des membres du conseil de discipline s’applique aussi à la composition des formations restreintes de jugement.

1re Civ. - 1er juillet 2015. CASSATION

No 14-15.402. - CA Lyon, 20 février 2014.

Mme Batut, Pt.  - Mme Wallon, Rap.  - M. Drouet, Av. Gén.  - SCP Boré et Salve de Bruneton, Av.

Un commentaire de cette décision est paru au JCP  2015, éd. G, Act., 853.

No 22

AvocatDiscipline. - Procédure. - Conseil de l’ordre. - Décision. - Recours. - Cour d’appel. - Recevabilité. - Condition.

L’article  23 de la loi no 71-1130 du 31  décembre  1971 ne comportant aucune disposition relative aux recours formés contre les décisions de sursis à statuer du conseil de discipline, c’est par une exacte appréciation des dispositions de l’article 380 du code de procédure civile, applicables en l’espèce en vertu de l’article 277 du décret no 91-1197 du 27 novembre 1991, qu’une cour d’appel, qui a constaté que l’avocat poursuivi disciplinairement ne s’était pas conformé aux exigences de ce texte, a déclaré irrecevable son appel contre la décision du conseil de discipline de surseoir à statuer.

1re Civ. - 1er juillet 2015. REJET

No 14-18.149. - CA Aix-en-Provence, 27 mars 2014.

Mme Batut, Pt.  - Mme Wallon, Rap.  - M. Drouet, Av. Gén.  - Me Carbonnier, Av.

Un commentaire de cette décision est paru au JCP  2015, éd. G, II,  1059, note Dominique Piau. Voir également la RLDC 2015, chron., p. 60, note Corinne Bléry.

No 23

AvocatExercice de la profession. - Contrat de collaboration. - Rupture. - Rupture immédiate. - Régularité. - Conditions. - Manquement grave aux règles professionnelles.  - Caractérisation. - Défaut. - Applications diverses.

Méconnaît l’article 1134 du code civil, ensemble les articles 129 du décret no 91-1197 du 27 novembre 1991 et 14.4 du règlement intérieur national de la profession d’avocat, dans sa rédaction applicable, la cour d’appel qui, pour apprécier la gravité du manquement d’une avocate aux règles professionnelles, non lié à son état de grossesse, s’en tient aux motifs invoqués dans la lettre de rupture de son contrat de collaboration libérale, sans examiner tous les faits allégués à son encontre.

1re Civ. - 9 juillet 2015. CASSATION

No 14-11.415. - CA Colmar, 2 décembre 2013.

Mme Batut, Pt.  - Mme Wallon, Rap. - M. Cailliau, Av. Gén. - SCP Gaschignard, SCP Le Bret-Desaché, Av.

No 24

1o AvocatExercice de la profession. - Incompatibilités. - Activité. - Activité délaissée. - Cession de clientèle. - Possibilité.

2o Professions (en général)Professions libérales. - Cession des éléments constitutifs de l’entreprise. - Clientèle. - Rémunération. - Renonciation. -

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42•

Bulletin d’informationArrêts des chambres

•15 janvier 2016

Exclusion.  - Accord donné par la société cédante au maintien dans les lieux de la société cessionnaire moyennant un loyer.

1o C’est à bon droit, au regard de l’article L. 822-11, II, du code de commerce, dans sa rédaction issue de la loi no 2003-706 du  1er  août  2003, et sans méconnaître les dispositions des articles 6 et 1128 du code civil, qu’une cour d’appel retient que, si une société n’est plus autorisée à poursuivre son activité de conseil auprès de ses clients dont elle certifie les comptes, elle peut néanmoins céder à un tiers la clientèle de l’activité qu’elle délaisse, quelles que soient les raisons de la cession, choisie ou forcée.

2o Ne caractérise pas une renonciation au droit à rémunération au titre de la rétrocession d’une clientèle détenue par une société de commissaires aux comptes le fait pour cette société d’accepter que le cessionnaire se maintienne dans ses locaux afin de bénéficier d’une continuité visible d’exercice.

1re Civ. - 9 juillet 2015. REJET

No 14-12.994. - CA Chambéry, 3 décembre 2013.

Mme Batut, Pt.  - M. Girardet, Rap.  - M. Cailliau, Av. Gén.  - Me Foussard, SCP Piwnica et Molinié, Av.

Un commentaire de cette décision est paru dans au JCP 2015, éd. G, chron., 1044, spéc. no 8, note Gilles Pillet. Voir également cette même revue, chron.,  1261, spéc. no  6, note Grégoire Loiseau, et le Bull. Joly sociétés 2015, p. 506, note Jean-François Barbièri.

No 25

Bail commercialPrix.  - Fixation du loyer du bail renouvelé.  - Action en fixation. - Modalités. - Cas. - Révision triennale. - Prise en considération. - Conditions. - Détermination.

Le  juge des loyers saisi d’une demande en fixation du bail renouvelé ne peut le fixer par paliers à compter du renouvellement en fonction des révisions triennales qui auraient pu intervenir sans constater être aussi saisi d’une demande de révision triennale dans les formes et conditions prévues aux articles L. 145-37 et R. 145-20 du code de commerce.

3e Civ. - 1er juillet 2015. CASSATION PARTIELLE

No 14-13.056. - CA Bastia, 30 octobre 2013.

M.  Terrier, Pt.  - Mme  Salvat, Rap.  - M.  Kapella, Av.  Gén.  - SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle et Hannotin, SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, Av.

Un commentaire de cette décision est paru au JCP  2015, éd. G, Act., 859, note Christine Lebel. Voir également la Gaz. Pal. 2015, 1, p. 31, note Jehan-Denis Barbier, la revue Administrer, août-septembre 2015, p. 36, note Danielle Lipman-W. Boccara, et la revue Ann. loyers, septembre 2015, p. 69, note Adeline Cérati-Gauthier.

No 26

Bail commercialPrix.  - Fixation du loyer du bail renouvelé.  - Action en fixation. - Prescription. - Interruption. - Cas. - Mémoire préalable affecté d’un vice de fond.

Il résulte de l’article 33 du décret no 53-960 du 30 septembre 1953 réglant les rapports entre bailleurs et locataires en ce qui concerne le renouvellement des baux à loyer d’immeubles ou de locaux à usage commercial, industriel ou artisanal et de l’article 2241

du code civil que le mémoire relatif à la fixation du prix du bail renouvelé, même affecté d’un vice de fond, a un effet interruptif de prescription.

Dès lors, la cour d’appel qui constate que l’irrégularité affectant le mémoire préalable a été couverte par l’assignation et par les actes de procédure suivants et qu’elle a disparu avant que le tribunal ne statue en déduit exactement que ce mémoire a eu un effet interruptif de prescription et que l’action introduite en assignation n’est pas prescrite.

3e Civ. - 8 juillet 2015. REJET

No 14-15.192. - CA Aix-en-Provence, 6 février 2014.

M.  Terrier, Pt.  - Mme  Meano, Rap.  - M.  Bailly, Av.  Gén.  - SCP Gadiou et Chevallier, SCP Spinosi et Sureau, Av.

Un commentaire de cette décision est paru au D. 2015, somm., p. 1597, note Yves Rouquet. Voir également la Gaz. Pal. 2015, 1, p. 34, note Jehan-Denis Barbier, et la revue Administrer, août-septembre 2015, p. 39, note Danielle Lipman-W. Boccara.

No 27

Brevet d’invention et connaissances techniquesBrevet d’invention. - Règles d’action en justice. - Saisie-contrefaçon. - Validité. - Conditions. - Obligation de se pourvoir au fond. - Modalités. - Détermination.

Selon les articles L. 615-5 et R. 615-3 du code de la propriété intellectuelle, dans leur rédaction applicable en la cause, il appartient au requérant, sous peine de nullité de plein droit de la saisie, de se pourvoir devant le tribunal dans le délai de quinze jours à compter du jour où la saisie ou la description est intervenue.

Viole ces textes, en y ajoutant une condition qu’ils ne prévoient pas, la cour d’appel qui prononce la nullité d’une saisie-contrefaçon à l’égard d’une société aux motifs que le délai de quinzaine devait impérativement être respecté vis-à-vis de cette société dans les locaux de laquelle la saisie avait été pratiquée, alors qu’elle avait constaté qu’une assignation avait été délivrée dans le délai de quinzaine suivant la saisie-contrefaçon aux autres parties auxquelles étaient reprochées la contrefaçon, ce dont il résultait qu’il avait été satisfait à l’obligation de se pourvoir devant le tribunal dans le délai de quinzaine suivant la saisie-contrefaçon.

Com. - 7 juillet 2015. CASSATION PARTIELLE SANS RENVOI

No 14-12.733. - CA Aix-en-Provence, 5 décembre 2013.

Mme  Mouillard, Pt.  - Mme  Darbois, Rap.  - Mme  Pénichon, Av. Gén. - SCP Célice, Blancpain, Soltner et Texidor, SCP Gatineau et Fattaccini, SCP Lyon-Caen et Thiriez, Av.

Un commentaire de cette décision est paru dans la Rev. dr. fiscal 2015, Act. 448. Voir également le JCP 2015, éd. N, Act., no 826.

No 28

1o CassationJuridiction de renvoi.  - Pouvoirs.  - Connaissance de l’affaire dans l’état où elle se trouvait à la date de la décision cassée.  - Appel du prévenu et du ministère public. - Aggravation du sort du prévenu. - Conditions. - Détermination.

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15 janvier 2016Arrêts des chambres

•Bulletin d’information

2o CassationJuridiction de renvoi. - Pouvoirs. - Étendue. - Cassation sur le seul pourvoi du prévenu. - Préventions ayant fait l’objet de relaxe devant la première cour d’appel (non).

1o Sous réserve des dispositions devenues définitives pour ne pas avoir été censurées par la Cour de cassation, la cour de renvoi, saisie de l’appel initialement formé, non seulement par le prévenu, mais aussi par le ministère public, peut aggraver la peine prononcée par le tribunal.

2o Après cassation, l’affaire est dévolue à la cour d’appel de renvoi dans les limites fixées par le pourvoi formé par les seuls prévenus.

Encourt la cassation l’arrêt qui statue sur deux chefs de prévention ayant fait l’objet, devant la première cour d’appel, de décisions de relaxe qui ont acquis, en l’absence de pourvoi du ministère public, l’autorité de la chose jugée.

Crim. - 8 juillet 2015. CASSATION PARTIELLE

No 14-84.084. - CA Caen, 21 mai 2014.

M.  Guérin, Pt.  - M.  Sadot, Rap.  - M.  Sassoust, Av.  Gén.  - SCP Waquet, Farge et Hazan, Av.

No 29

Chambre de l’instructionArrêts. - Arrêt de renvoi devant le tribunal correctionnel. - Circonstance aggravante de bande organisée.  - Caractérisation. - Défaut. - Cas.

Il résulte de la décision du Conseil constitutionnel no 2004-492 DC du 2 mars 2004 que la bande organisée suppose la préméditation des infractions et, à la différence de l’association de malfaiteurs, une organisation structurée entre ses membres.

Justifie en conséquence sa décision la chambre de l’instruction qui, pour retenir les qualifications correctionnelles de vols aggravés, destructions par incendie et association de malfaiteurs et renvoyer le prévenu devant le tribunal correctionnel, énonce que la seule constitution d’une équipe de plusieurs malfaiteurs ne peut suffire à qualifier la bande organisée dès lors que cette équipe ne répond pas au critère supplémentaire de structure existant depuis un certain temps et qu’en l’espèce, les équipes de malfaiteurs n’étaient pas toujours constituées de la même manière mais de façon variable avec trois, quatre ou cinq membres.

Crim. - 8 juillet 2015. REJET

No 14-88.329. - CA Nancy, 13 novembre 2014.

M. Guérin, Pt. - M. Finidori, Rap. - M. Boccon-Gibod, P. Av. Gén. - SCP Waquet, Farge et Hazan, Av.

Un commentaire de cette décision est paru dans la revue Dr. pénal 2015, comm. 120, note Philippe Conte. Voir également la Gaz. Pal. 2015, 1, p. 29, note Stéphane Detraz.

No 30

Chambre de l’instructionExamen de la régularité de la procédure. - Demande de la personne mise en examen. - Procès-verbal d’audition d’un témoin sans révélation de son identité. - Requête en contestation. - Domaine. - Conditions. - Raison plausible de soupçonner que le témoin a commis ou tenté de commettre une infraction objet de la procédure.

Seule peut être exclue de la protection prévue à l’article 706-58 du code de procédure pénale la personne à l’encontre de laquelle

il existe une raison plausible de soupçonner qu’elle a commis ou tenté de commettre une infraction, objet de la procédure dans le cadre de laquelle est apporté son témoignage.

Justifie en conséquence sa décision le président de la chambre de l’instruction qui, pour rejeter une requête contestant l’audition d’un témoin anonyme, énonce que l’examen des pièces de la procédure et de celles figurant dans le dossier distinct ne permet pas de soupçonner que le témoin a commis ou tenté de commettre une infraction dans le cadre de la prévention, objet de l’information.

Crim. - 8 juillet 2015. REJET

No 15-82.383. - CA Bordeaux, 12 mars 2015.

M. Guérin, Pt. - M. Buisson, Rap. - M. Desportes, Av. Gén. - SCP Waquet, Farge et Hazan, Av.

Un commentaire de cette décision est paru au JCP  2015, éd. G, chron.,  1149, spéc. no  13, note Albert Maron. Voir également la revue Dr. pénal 2015, comm. 130, note Albert Maron et Marion Hass, et la Gaz. Pal. 2015, 1, p. 45, note François Fourment.

No 31

Circulation routièreConduite sous l’empire d’un état alcoolique.  - État alcoolique. - Preuve. - Vérifications médicales, cliniques et biologiques. - Prélèvement sanguin. - Praticien. - Prestation de serment. - Nécessité (non).

Les dispositions des articles R. 3354-1 et suivants du code de la santé publique ne prescrivent pas que le médecin qui effectue la prise de sang prévue par l’article R. 3354-5 dudit code, afin d’établir la preuve de la présence d’alcool dans l’organisme, ait préalablement prêté serment.

Crim. - 10 juin 2015. REJET

No 14-87.054. - CA Versailles, 1er octobre 2014.

M. Guérin, Pt. - M. Beghin, Rap. - M. Boccon-Gibod, Av. Gén.

No 32

CommuneDomaine public. - Voie privée. - Voie ouverte à la circulation dans un ensemble d’habitation.  - Classement par délibération du conseil municipal. - Effet.

Ni l’ouverture d’une voie à la circulation publique ni son classement dans la voirie communale ne peuvent, en l’absence d’acte translatif de propriété, avoir pour effet d’incorporer cette voie dans le domaine public routier communal.

Viole, dès lors, les articles 1 et 2 de l’ordonnance no 59-115 du 7 janvier 1959 relative à la voirie des collectivités locales, alors en vigueur, et l’article L. 141-1 du code de la voirie routière une cour d’appel qui, pour ordonner l’enlèvement d’une barrière installée par un syndicat des copropriétaires, en amont d’un chemin traversant la copropriété, retient que ce chemin est ouvert à la circulation du public et spécialement aménagé à cette fin, et qu’il a été porté à l’inventaire des voies urbaines par délibération du conseil municipal.

1re Civ. - 1er juillet 2015. CASSATION

No 14-14.807. - CA Bastia, 29 janvier 2014.

Mme Batut, Pt.  - Mme Canas, Rap.  - M. Drouet, Av. Gén.  - Me Le Prado, SCP Gadiou et Chevallier, Av.

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Bulletin d’informationArrêts des chambres

•15 janvier 2016

No 33

Conflit collectif du travailGrève.  - Droit de grève.  - Atteinte au droit de grève.  - Mesure discriminatoire.  - Cas.  - Retenue opérée par l’employeur.  - Différence de retenue entre salariés grévistes. - Caractérisation.

La décision d’un employeur d’appliquer une retenue de 50 % des jours de grève aux salariés des magazines ayant paru à temps et une retenue de 100 % aux salariés des magazines ayant paru avec retard institue une discrimination indirecte en raison de l’exercice normal du droit de grève en ce qu’elle prend en compte le degré de mobilisation des salariés, selon les services, et ses conséquences sur le fonctionnement de l’entreprise et ne peut être justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination en raison de la grève, dès lors que la parution en retard des magazines résulte des conséquences inhérentes à la cessation collective du travail.

Soc. - 9 juillet 2015. CASSATION PARTIELLE

No 14-12.779, 14-12.781 à 14-12.787, 14-12.789 et 14-12.790. - CA Versailles, 19 décembre 2013.

M.  Frouin, Pt.  - M.  Huglo, Rap.  - Mme  Robert, Av.  Gén.  - SCP Gatineau et Fattaccini, SCP Lyon-Caen et Thiriez, Av.

Un commentaire de cette décision est paru dans la RJS 2015, no 623 et 726. Voir également le JCP 2015, éd. S, II, 1367, note François Duquesne, et la RLDAff. 2015, no 5762, note Laurianne Enjolras.

No 34

Conflit de loisContrats. - Contrat de travail. - Loi applicable. - Loi choisie par les parties. - Limites. - Dispositions impératives de la loi applicable par défaut.

Il résulte des articles  3 et 6 de la Convention de Rome du 19 juin 1980 sur la loi applicable aux obligations contractuelles que la faculté offerte aux parties de désigner la loi applicable à leur contrat ne peut avoir pour effet de priver le travailleur de la protection que lui assurent les dispositions impératives de la loi qui lui serait applicable à défaut de choix et qu’à défaut de choix des parties, le contrat est notamment régi par la loi où le travailleur accomplit habituellement son travail.

Encourt dès lors la cassation l’arrêt qui écarte l’application de la loi française aux demandes formées par un salarié à l’encontre de ses employeurs et relatives notamment à la rupture du contrat de travail et au paiement d’heures supplémentaires, sans rechercher, comme il lui était demandé, après avoir pourtant constaté que le lieu d’exécution habituel du travail était en France, si les dispositions des lois belge et espagnole choisies par les parties et relatives aux différents chefs de demandes du salarié étaient plus protectrices que les dispositions de la loi française, qui aurait été applicable à défaut de ces choix.

Soc. - 9 juillet 2015. CASSATION

No 14-13.497. - CA Paris, 9 janvier 2014.

M. Frouin, Pt. - Mme Mariette, Rap. - Mme Robert, Av. Gén. - SCP Masse-Dessen, Thouvenin et Coudray, SCP Lyon-Caen et Thiriez, Av.

Un commentaire de cette décision est paru dans la revue Dr. soc. 2015, p. 741, note Ludovic Pailler. Voir également le JCP 2015, éd. G, chron., 1004, spéc. no 3, note Cyril Nourissat, la revue Procédures 2015, comm. 298, note Cyril Nourissat, et le JCP 2015, éd. S, II, 1395, note Jean-Philippe Tricoit.

No 35

Contrat de travail, durée déterminéeCas de recours autorisés. - Emploi à caractère saisonnier. - Clause de reconduction pour la saison suivante.  - Obligation conventionnelle. - Portée.

Si, aux termes l’article  L.  1244-2 du code du travail, une convention ou un accord collectif peut prévoir que tout employeur ayant occupé un salarié dans un emploi à caractère saisonnier doit lui proposer, sauf motif réel et sérieux, un emploi de même nature, pour la même saison de l’année suivante, une telle clause, qui a seulement pour effet d’imposer à l’employeur une priorité d’emploi en faveur du salarié, ne peut être assimilée à la clause contractuelle prévoyant la reconduction automatique du contrat de travail pour la saison suivante et n’a pas, en toute hypothèse, pour effet de transformer la relation de travail à durée déterminée en une relation à durée indéterminée.

Viole ce texte et l’article 10 de la convention d’établissement du centre technique interprofessionnel de la canne et du sucre de la Réunion la cour d’appel qui, pour condamner l’employeur à payer des sommes à des salariés saisonniers non retenus pour une nouvelle campagne, retient que les contrats successifs constituent un ensemble à durée indéterminée, dont la rupture est soumise à l’exigence d’un motif réel et sérieux au sens de l’article L. 1244-2 précité.

Soc. - 8 juillet 2015. CASSATION

No 14-16.330 à 14-16.335.  - CA Saint-Denis de la Réunion, 28 janvier et 4 février 2014.

M.  Frouin, Pt.  - M.  Ludet, Rap.  - Mme  Courcol-Bouchard, Av. Gén. - SCP Gatineau et Fattacini, SCP Lévis, SCP Ortscheidt, SCP Vincent et Ohl, SCP Capron, Av.

Un commentaire de cette décision est paru dans la RJS 2015, no 620.

No 36

Contrat de travail, durée déterminéeContrat relatif aux activités d’adultes-relais. - Irrégularité. - Sanction. - Requalification en contrat de travail à durée indéterminée. - Cas.

La sanction de l’irrégularité d’un contrat adultes-relais ne peut être que sa requalification en un contrat de travail à durée indéterminée, et non en un contrat à durée déterminée relevant de l’article L. 1243-1 du code du travail.

Soc. - 8 juillet 2015. REJET

No 13-25.209. - CA Versailles, 25 septembre 2013.

M.  Frouin, Pt.  - M.  Ludet, Rap.  - Mme  Courcol-Bouchard, Av. Gén. - SCP Meier-Bourdeau et Lécuyer, SCP Masse-Dessen, Thouvenin et Coudray, Av.

Un commentaire de cette décision est paru dans la RJS 2015, no 655. Voir également la Rev. dr. tr., septembre 2015, p. 604, note Gilles Auzero.

No 37

1o Contrat de travail, ruptureLicenciement.  - Cause.  - Cause réelle et sérieuse.  - Défaut. - Effets. - Indemnité. - Fixation. - Pouvoirs des juges.

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15 janvier 2016Arrêts des chambres

•Bulletin d’information

2o Contrat de travail, ruptureLicenciement économique. - Licenciement collectif. - Plan de sauvegarde de l’emploi.  - Contenu. - Indemnités.  - Cumul avec d’autres indemnités. - Possibilité. - Indemnités n’ayant pas le même objet ni la même cause. - Cas. - Dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

1o L’article  L.  1235-1, alinéa 4, du code du travail, dans sa rédaction issue de la loi no 2013-504 du 14 juin 2013, disposant que le juge justifie dans le jugement qu’il prononce le montant des indemnités qu’il octroie, vise l’obligation faite au juge d’apprécier individuellement le préjudice subi par le salarié en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse ou irrégulier, à la différence de l’indemnisation forfaitaire prévue à l’alinéa premier de l’article précité dans la phase de conciliation.

2o Les mesures prévues par le plan de sauvegarde de l’emploi destinées à faciliter le reclassement des salariés licenciés et compenser la perte de leur emploi n’ont pas le même objet ni la même cause que les dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, qui réparent le préjudice résultant du caractère injustifié de la perte de l’emploi.

Soc. - 9 juillet 2015. REJET

No 14-14.654. - CA Rouen, 28 janvier 2014.

M. Frouin, Pt. - Mme Depelley, Rap. - Mme Robert, Av. Gén. - SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, SCP Lyon-Caen et Thiriez, Av.

Un commentaire de cette décision est paru dans la RJS 2015, no 627 et 706.

No 38

Contrat de travail, ruptureLicenciement économique. - Licenciement collectif. - Plan de sauvegarde de l’emploi. - Contenu. - Mesures réservées à certains salariés. - Avantage. - Égalité de traitement. - Conditions. - Détermination.

Si un plan de sauvegarde de l’emploi peut contenir des mesures réservées à certains salariés, c’est à la condition que tous les salariés de l’entreprise placés dans une situation identique au regard de l’avantage en cause puissent bénéficier de cet avantage, à moins qu’une différence de traitement soit justifiée par des raisons objectives et pertinentes et que les règles déterminant les conditions d’attribution de cet avantage soient préalablement définies et contrôlables.

Ayant constaté, d’une part, qu’un salarié avait refusé une mesure de cessation anticipée d’activité et que le plan de sauvegarde de l’emploi prévoyait que, de ce fait, les avantages dont il bénéficiait étaient moins importants que ceux des autres salariés licenciés qui ne remplissaient pas les conditions pour prétendre à un départ anticipé et, d’autre part, que cette différence de traitement ne pouvait être justifiée par le seul fait d’inciter les salariés âgés d’au moins 55 ans à accepter une cessation anticipée d’activité, une cour d’appel retient dès lors à bon droit que le salarié faisait l’objet d’une différence de traitement qui n’était pas justifiée par des raisons objectives et pertinentes.

Soc. - 9 juillet 2015. REJET

No 14-16.009. - CA Versailles, 18 février 2014.

M. Frouin, Pt.  - M. Chauvet, Rap.  - Mme Robert, Av. Gén.  - SCP Barthélemy, Matuchansky, Vexliard et Poupot, SCP Le Bret-Desaché, Av.

Un commentaire de cette décision est paru au JCP 2015, éd. S, II, 1386, note Jean Daniel.

No 39

Contrat de travail, ruptureRupture conventionnelle. - Forme. - Convention signée par les parties. - Objet. - Indemnité spécifique. - Montant minimal. - Défaut. - Sanction. - Nullité (non).

Ni la stipulation par les parties à la rupture conventionnelle d’une indemnité spécifique de rupture d’un montant inférieur à celui prévu par l’article L. 1237-13 du code du travail, ni la fixation d’une date de rupture du contrat de travail antérieure au lendemain de l’homologation de la convention par l’autorité administrative n’entraînent, en elles-mêmes, la nullité de la convention de rupture.

Par application de ce texte, il appartient à une cour d’appel, saisie de demandes en annulation de la convention de rupture et en paiement de sommes à ce titre, de rectifier la date de la rupture et de procéder, en cas de montant insuffisant de l’indemnité de rupture conventionnelle, à une condamnation pécuniaire.

Soc. - 8 juillet 2015. CASSATION PARTIELLE

No 14-10.139. - CA Paris, 6 novembre 2013.

M.  Frouin, Pt.  - M.  David, Rap.  - Mme  Courcol-Bouchard, Av.  Gén.  - SCP  Masse-Dessen, Thouvenin et Coudray, SCP Gatineau et Fattaccini, Av.

Un commentaire de cette décision est paru dans la Rev. dr. tr., septembre 2015, Act., p. 498, note A.-C. C. Voir également le JCP 2015, éd. G, II, 1031, note Danielle Corrignan-Carsin, et la RJS 2015, no 639.

No 40

CopropriétéAction en justice. - Action individuelle des copropriétaires. - Action formée contre un copropriétaire. - Cas. - Action tendant à la remise en état des parties communes.  - Exercice. - Mise en cause du syndicat des copropriétaires. - Nécessité.

Un copropriétaire qui exerce à titre individuel une action tendant à la remise en état des parties communes doit appeler le syndicat des copropriétaires dans la cause.

3e Civ. - 8 juillet 2015. CASSATION

No 14-16.975. - CA Bastia, 16 avril 2014.

M.  Terrier, Pt.  - Mme  Collomp, Rap.  - M.  Bailly, Av.  Gén.  - SCP  Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, SCP  Boré et Salve de Bruneton, Av.

Un commentaire de cette décision est paru dans la revue Loyers et copr. 2015, comm. 206, note Guy Vigneron. Voir également le JCP 2015, éd. G, chron., 1221, spéc. no 10, note Hugues Perinet-Marquet.

No 41

CopropriétéLot. - Vente. - Notification de la mutation. - Défaut. - Effets. - Acquéreur d’un lot.  - Parties communes.  - Charges.  - Paiement (non).

Le syndicat des copropriétaires qui oppose à l’acquéreur d’un lot l’absence de notification de la mutation conformément à l’article 6 du décret no 67-223 du 17 mars 1967 pour justifier le défaut de convocation aux assemblée générales ne peut lui réclamer le paiement des charges de copropriété.

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Bulletin d’informationArrêts des chambres

•15 janvier 2016

3e Civ. - 8 juillet 2015. CASSATION

No 14-12.995. - CA Paris, 13 novembre 2013.

M. Terrier, Pt. - Mme Collomp, Rap. - Me Foussard, SCP Piwnica et Molinié, Av.

Un commentaire de cette décision est paru dans la revue Ann. loyers, septembre 2015, p. 123, note Jean-Marc Roux. Voir également la revue Loyers et copr. 2015, comm. 206, note Guy Vigneron, et le JCP 2015, éd. G, chron., 1221, spéc. no 11, note Hugues Perinet-Marquet.

No 42

CopropriétéSyndicat des copropriétaires.  - Assemblée générale.  - Procès-verbal. - Annexe. - Caractérisation. - Cas. - Contrat de travail d’un préposé du syndicat des copropriétaire.

Le contrat de travail d’un préposé du syndicat des copropriétaires ne constituant pas une annexe du procès-verbal d’assemblée générale, viole les articles 11, 31 et 33 du décret no 67-223 du 17 mars 1967 la juridiction de proximité qui ordonne au syndic de communiquer à un copropriétaire le contrat de travail de la gardienne de l’immeuble.

3e Civ. - 8 juillet 2015. CASSATION SANS RENVOI

No 14-12.072.  - Juridiction de proximité de Cannes, 3 décembre 2013.

M. Terrier, Pt. - M. Jariel, Rap. - M. Bailly, Av. Gén. - SCP Potier de la Varde et Buk-Lament, SCP Rousseau et Tapie, Av.

Un commentaire de cette décision est paru dans la revue Loyers et copr. 2015, comm. 205, note Guy Vigneron.

No 43

CourtierCourtier matrimonial. - Responsabilité. - Faute. - Obligation de vérifier. - Étendue. - Détermination.

Selon les dispositions de l’article  6, III, de la loi no 89-421 du 23  juin  1989, toute annonce personnalisée diffusée par l’intermédiaire d’un professionnel pour proposer des rencontres en vue de la réalisation d’un mariage ou d’une union stable doit préciser, notamment, l’âge, la situation familiale, le secteur d’activité professionnelle et la région de résidence de la personne concernée.

Au titre de son devoir d’information, le professionnel en courtage matrimonial est tenu de vérifier les renseignements élémentaires concernant ses adhérents.

1re Civ. - 9 juillet 2015. CASSATION

No 14-23.109. - CA Toulouse, 13 mai 2014.

Mme  Batut, Pt.  - Mme  Dreifuss-Netter, Rap.  - M.  Cailliau, Av. Gén. - SCP Waquet, Farge et Hazan, SCP Tiffreau, Marlange et de La Burgade, Av.

Un commentaire de cette décision est paru dans la RLDC 2015, no 5978, note Marion Desolneux. Voir également la revue Contrats, conc. consom. 2015, comm. no 265, note Guy Raymond, et la revue AJ Famille 2015, p. 620, note Benoît de Boysson.

No 44

Crédit-bailCrédit-bail immobilier.  - Nullité.  - Effets.  - Indemnité d’occupation. - Versement. - Obligation. - Partie ayant bénéficié de la jouissance du bien.

Dans le cas où un contrat de crédit-bail immobilier nul a été exécuté, les parties devant être remises dans l’état où elles se trouvaient avant cette exécution, la partie qui a bénéficié de la jouissance du bien et qui ne peut restituer cette prestation doit s’acquitter d’une indemnité d’occupation.

3e Civ. - 8 juillet 2015. CASSATION PARTIELLE

No 14-11.582. - CA Lyon, 5 novembre 2013.

M. Terrier, Pt. - M. Pronier, Rap. - M. Petit, Av. Gén. - SCP Masse-Dessen, Thouvenin et Coudray, SCP Monod, Colin et Stoclet, Av.

Un commentaire de cette décision est paru au D. 2015, somm., p. 1538. Voir également la RJDA 2015, no 699, la RLDC 2015, no 5965, note Ildo D. Mpindi, et le JCP 2015, éd. G, chron., 1261, spéc. no 8, note Yves-Marie Serinet.

No 45

Divorce, séparation de corpsRègles spécifiques au divorce. - Prestation compensatoire. - Attribution. - Conditions. - Disparité dans les conditions de vie respectives des époux. - Éléments à considérer. - Exclusion. - Effets du régime de séparation de biens.

La prestation compensatoire n’a pas pour objet de corriger les effets de l’adoption, par les époux, du régime de séparation de biens.

1re Civ. - 8 juillet 2015. CASSATION PARTIELLE

No 14-20.480. - CA Douai, 3 avril 2014.

Mme Batut, Pt. - M. Mansion, Rap. - M. Sarcelet, Av. Gén. - SCP Bénabent et Jéhannin, Av.

Un commentaire de cette décision est paru dans la Gaz. Pal. 2015, 1, p.  30, note Elodie Mulon. Voir également la RLDC  2015, no 5979, note Marion Desolneux, la revue AJ Famille 2015, p. 541, note Stéphane David, et la Revue juridique personnes et famille, octobre 2015, p. 24, note Thierry Garé.

No 46

Divorce, séparation de corpsRègles spécifiques au divorce. - Prestation compensatoire. - Loi applicable. - Détermination. - Portée.

En application de l’article 15 du règlement no 4/2009 du Conseil du 18 décembre 2008 et des articles 8, 13 et 22 du Protocole de La Haye du 23 novembre 2007, la loi applicable à la prestation compensatoire, conséquence pécuniaire de la rupture du mariage, laquelle doit être prononcée par une juridiction, relève de celle applicable aux obligations alimentaires.

En l’espèce, il appartenait au juge français, saisi d’une demande de prestation compensatoire, de rechercher, de manière concrète, si, en application de l’article 13 du Protocole, les effets de la loi allemande, loi personnelle du mari, choisie par les époux lors de leur contrat de mariage alors qu’ils résidaient en Allemagne, aux termes duquel ils avaient exclu toute prestation compensatoire en cas de rupture du mariage, étaient manifestement contraires à l’ordre public international français.

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15 janvier 2016Arrêts des chambres

•Bulletin d’information

1re Civ. - 8 juillet 2015. CASSATION PARTIELLE

No 14-17.880. - CA Metz, 17 septembre 2013.

Mme Batut, Pt.  - M. Matet et M. Reynis, Rap. - M. Sarcelet, Av. Gén. - SCP Odent et Poulet, SCP Ghestin, Av.

Un commentaire de cette décision est paru au JCP 2015, éd. G, chron., 982, spéc. no 6, note Michel Farge et Hubert Bosse-Platière. Voir également la revue AJ Famille 2015, p. 492, note Alexandre Boiché, le JCP 2015, éd. G, II, 1024, note Eric Fongaro, et la Revue juridique personnes et famille, octobre 2015, p. 20, note Sara Godechot-Patris.

No 47

DonationDonation entre époux.  - Quotité disponible spéciale.  - Option. - Donation en usufruit sur le tout. - Effets. - Usufruit du droit d’exploitation d’une œuvre littéraire. - Étendue. - Détermination. - Héritier réservataire. - Portée.

Lorsqu’en application de l’article 1094-1 du code civil, le conjoint survivant est donataire de l’usufruit de la totalité des biens de la succession, l’usufruit du droit d’exploitation dont il bénéficie en application de l’article  L.  123-6 du code de la propriété intellectuelle n’est pas réductible.

Ayant relevé que le conjoint survivant d’un écrivain était donataire de l’usufruit de la totalité des biens dépendant de la succession, lequel n’affecte pas la nue-propriété de la réserve héréditaire, une cour d’appel en déduit à bon droit que l’usufruit du droit d’exploitation des œuvres de l’artiste dont son épouse bénéficie en vertu de l’article L. 123-6 précité n’est pas soumis à réduction au profit de l’héritier réservataire.

1re Civ. - 8 juillet 2015. REJET

No 14-18.850. - CA Aix-en-Provence, 20 février 2014.

Mme Batut, Pt.  - M. Chauvin, Rap. - M. Sarcelet, Av. Gén. - SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, SCP Gatineau et Fattaccini, Av.

Un commentaire de cette décision est paru dans la revue AJ Famille 2015, p. 503, note Sylvie Ferré-André. Voir également la revue Dr. fam. 2015, comm. 187, note Bernard Beignier et Marc Nicod, la Gaz. Pal. 2015, 1, p. 24, note Sophie Deville, le JCP 2015, éd. G, II, 1128, note François Sauvage, et la Revue juridique personnes et famille, octobre 2015, p. 35, note Pierre Noual et Alex Tani.

No 48

1o Enquête préliminaireOfficier de police judiciaire. - Pouvoirs. - Réquisitions aux fins de géolocalisation. - Cas. - Procédures distinctes. - Mesures successives sur la même ligne téléphonique. - Régularité. - Condition.

2o InstructionPouvoirs du juge.  - Écoutes téléphoniques.  - Durée limitée. - Computation. - Objet. - Ligne téléphonique. - Personne titulaire (non). - Cas. - Interceptions successives ou cumulées. - Régularité. - Condition.

3o Criminalité organiséeProcédure.  - Perquisitions.  - Locaux d’habitation.  - Perquisitions nocturnes.  - Régularité.  - Conditions.  - Ordonnance écrite. - Motivation spéciale. - Défaut. - Portée.

4o Criminalité organiséeProcédure.  - Sonorisations et fixations d’images de certains lieux ou véhicules. - Enregistrements. - Placement sous scellés. - Effets. - Copies. - Détention par les officiers de police judiciaire. - Limite.

1o Il ne résulte d’aucun texte qu’une même ligne téléphonique ne puisse faire l’objet de plusieurs mesures de géolocalisation à l’occasion de procédures distinctes, sauf à ce que le recours à un stratagème soit établi.

2o Les articles 100-1 à 100-2 du code de procédure pénale, selon lesquels la durée d’une écoute doit s’apprécier au regard de la ligne téléphonique interceptée et non de la personne qui en est titulaire, ne méconnaissent pas l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme en ce que l’interception successive ou cumulée, en application de ces textes, de différentes lignes téléphoniques utilisées par une même personne soupçonnée d’infractions graves est une mesure nécessaire à la défense de l’ordre et à la prévention des infractions pénales.

3o Il résulte des articles 706-91 et 706-92 du code de procédure pénale et 8 de la Convention européenne des droits de l’homme que l’ordonnance autorisant des perquisitions dans des locaux d’habitation en dehors des heures prévues à l’article 59 du code de procédure pénale doit être spécialement motivée, en droit et en fait, au vu de l’urgence et au regard des conditions prévues aux 1o à 3o de l’article 706-91 de ce code. L’absence d’une telle motivation de cette atteinte à la vie privée, qui interdit tout contrôle réel et effectif de la mesure, fait nécessairement grief aux intérêts de la personne concernée.

Encourt la censure l’arrêt de la chambre de l’instruction qui justifie l’autorisation donnée par le juge d’instruction par des considérations extérieures à cet acte, alors que l’ordonnance n’était pas motivée au regard des éléments précis et circonstanciés résultant de la procédure.

4o Selon l’article 706-100 du code de procédure pénale, les enregistrements sonores ou audiovisuels résultant de l’exploitation d’un dispositif de sonorisation ou de fixation d’images doivent être placés sous scellés.

Il s’en déduit que les officiers de police judiciaire ne peuvent détenir une copie de ces enregistrements que pour les besoins et dans le temps de l’exécution de la mission confiée par le juge d’instruction en application de l’article 706-96 du même code.

Crim. - 8 juillet 2015. IRRECEVABILITÉ ET CASSATION PARTIELLE

No 15-81.731. - CA Angers, 4 février 2015.

M. Guérin, Pt.  - M. Barbier, Rap.  - M. Desportes, Av. Gén.  - SCP Waquet, Farge et Hazan, Av.

Un commentaire de cette décision est paru dans la Gaz. Pal. 2015, 1, p. 17, note Rodolphe Mésa. Voir également cette même revue, 1, p. 39, p. 40 et p. 44, note François Fourment, et la revue Procédures 2015, comm. 308, note Anne-Sophie Chavent-Leclère.

No 49

1o Fichiers et libertés publiquesInformatique.  - Fichiers automatisés.  - Information nominative. - Interdiction d’enregistrement informatique de données personnelles sensibles. - Exception. - Défaut de consentement de l’intéressé. - Mise en mémoire de données personnelles relatives à la santé ou à l’orientation sexuelle par des établissements de santé.

2o Fichiers et libertés publiquesInformatique.  - Fichiers automatisés.  - Information nominative. - Défaut de consentement de l’intéressé. -

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Bulletin d’informationArrêts des chambres

•15 janvier 2016

Mise en mémoire de données personnelles relatives à la santé ou à l’orientation sexuelle par des établissements de santé. - Mesure légitime nécessaire à la protection de la santé.

1o L’inscription d’un candidat au don du sang dans un fichier automatisé de données personnelles entre dans les prévisions du paragraphe II, 6o, de l’article 8 de la loi no 78-17 du 6 janvier 1978, selon lesquelles l’interdiction, posée au paragraphe I du même article, de collecter ou de traiter des données à caractère personnel relatives, notamment, à la santé ou à la vie sexuelle des personnes ne s’applique pas aux traitements nécessaires aux fins de la médecine préventive, des diagnostics médicaux, de l’administration de soins ou de traitements, ou de la gestion de services de santé et mis en œuvre par un membre d’une profession de santé, ou par une autre personne soumise au secret professionnel.

Il s’en déduit qu’à défaut même de consentement exprès de l’intéressé à la mise en mémoire ou à la conservation des données le concernant, le comportement à cet égard des personnels et établissements de santé ne saurait tomber sous le coup de l’incrimination prévue par l’article 226-19 du code pénal, qui renvoie lui-même à des exceptions, prévues par la loi, à l’interdiction d’enregistrement informatique des données personnelles sensibles.

2o L’exception à l’exigence d’un consentement de la personne à l’enregistrement et à la conservation de données personnelles relatives à la santé ou à l’orientation sexuelle, qui découle des dispositions combinées des articles 226-19 du code pénal et 8 de la loi no 78-17 du 6 janvier 1978, constitue une mesure légitime, nécessaire à la protection de la santé, définie par la loi avec suffisamment de précision pour éviter l’arbitraire et de nature à assurer, en l’état, entre le respect de la vie privée et la sauvegarde de la santé publique, une conciliation qui n’est pas déséquilibrée.

Crim. - 8 juillet 2015. REJET

No 13-86.267. - CA Paris, 18 avril 2013.

M.  Guérin, Pt.  - M.  Monfort, Rap.  - M.  Liberge, Av.  Gén.  - SCP Spinosi et Sureau, SCP Waquet, Farge et Hazan, Av.

Un commentaire de cette décision est paru dans la revue Dr. pénal 2015, comm. 109, note Michel Véron.

No 50

FiliationFiliation naturelle. - Nom de l’enfant naturel. - Nom du mari de la mère conféré par déclaration conjointe des époux. - Modification par décision judiciaire. - Exclusion. - Cas. - Filiation paternelle établie postérieurement à la déclaration conjointe des époux.

Le nom du mari de la mère, conféré par celui-ci à l’enfant par déclaration conjointe des époux, selon les dispositions du premier alinéa de l’article 334-5 du code civil, alors applicable, ne peut être modifié par le juge lorsque la filiation paternelle a été établie postérieurement.

Dès lors que l’intéressé n’a pas exercé, dans le délai de deux ans suivant sa majorité, le droit de reprendre le nom de sa mère, dans les conditions prévues par le second alinéa du texte précité, alors applicable, il lui appartient de solliciter une autorisation de changement de son nom en suivant la procédure prévue par l’article 61 du code civil.

1re Civ. - 8 juillet 2015. REJET

No 14-19.131. - CA Rennes, 15 avril 2014.

Mme  Batut, Pt.  - Mme  Guyon-Renard, Rap.  - M.  Sarcelet, Av. Gén. - SCP Piwnica et Molinié, Av.

Un commentaire de cette décision est paru au D. 2015, chron., p. 1784, note Isabelle Guyon-Renard. Voir également la revue Dr. fam.  2015, comm. 186, note Anne-Claire Réglier, la RLDC 2015, no 5977, note Marion Desolneux, et la Revue juridique personnes et famille, octobre 2015, p. 15, note Isabelle Corpart.

No 51

Impôts et taxesEnregistrement.  - Droits de mutation.  - Mutation à titre onéreux d’immeubles. - Exonération. - Achat en vue de la revente. - Revente par lots. - Délai de revente. - Nature du délai. - Détermination. - Portée.

Lorsqu’un marchand de biens a acquis un immeuble en s’engageant à revendre le bien dans un délai maximum de quatre ans, tout en précisant que ce délai serait ramené à deux ans pour les reventes consistant en des ventes par lots déclenchant l’un des droits de préemption des locataires, de l’article 10 de la loi no 75-1351 du 31 décembre 1975 ou de l’article 15 de la loi no 89-462 du 6 juillet 1989, la revente de lots loués lors de l’acquisition mais libres d’occupation au moment de la revente est soumise au délai de quatre ans et non de deux ans.

Com. - 7 juillet 2015. REJET

No 13-23.366. - CA Paris, 28 mai 2013.

Mme Mouillard, Pt. - Mme Bregeon, Rap. - M. Mollard, Av. Gén. - SCP Thouin-Palat et Boucard, SCP Célice, Blancpain, Soltner et Texidor, Av.

Un commentaire de cette décision est paru dans la Rev. dr. fiscal 2015, Act. 448. Voir également le JCP 2015, éd. N, Act., no 826.

No 52

Impôts et taxesEnregistrement.  - Droits de mutation.  - Mutation à titre onéreux d’immeubles. - Exonération. - Acquisition de terrains destinés à l’édification de constructions.  - Constructions non édifiées dans le délai légal.  - Droits éludés.  - Prescription.  - Délai  - Point de départ.  - Prorogation - Cas. - Impossibilité d’agir de l’administration.

Lorsque, par des instructions administratives régulièrement publiées, l’administration fiscale a prorogé le délai de quatre ans imparti par l’article 1594-0 G, A, du code général des impôts pour édifier des constructions, le point de départ de la prescription de son action en rectification de l’imposition s’en est trouvé, en raison de l’impossibilité d’agir qui en résultait pour elle, sauf à méconnaître sa propre doctrine en violation de l’article L. 80 A du livre des procédures fiscales, reporté d’autant.

Com. - 7 juillet 2015. REJET

No 14-13.468. - CA Paris, 14 janvier 2014.

Mme Mouillard, Pt.  - M. Contamine, Rap.  - Mme Pénichon, Av. Gén. - SCP Célice, Blancpain, Soltner et Texidor, SCP Thouin-Palat et Boucard, Av.

No 53

Indemnisation des victimes d’infractionIndemnité. - Indemnité complémentaire. - Conditions. - Supériorité du montant de l’indemnisation allouée par

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15 janvier 2016Arrêts des chambres

•Bulletin d’information

la juridiction statuant sur les intérêts civils.  - Décision juridictionnelle postérieure à celle de la commission.  - Conditions suffisantes.

Il résulte de l’article 706-8 du code de procédure pénale que lorsque la juridiction statuant sur les intérêts civils a alloué des dommages-intérêts d’un montant supérieur à l’indemnité accordée par la commission d’indemnisation des victimes d’infractions, la victime peut demander un complément d’indemnité si cette décision est postérieure à celle de la commission, que cette dernière soit irrévocable ou non.

L’article 706-8 du code de procédure pénale ne subordonne pas l’allocation d’une indemnité complémentaire à la preuve d’éléments nouveaux autres qu’une décision d’une juridiction civile ou répressive allouant des dommages-intérêts supérieurs à ceux accordés précédemment par la commission d’indemnisation des victimes d’infractions.

2e Civ. - 2 juillet 2015. CASSATION PARTIELLE

No 14-18.351. - CA Metz, 23 janvier 2014.

Mme  Flise, Pt.  - Mme  Isola, Rap.  - M.  Lavigne, Av.  Gén.  - SCP Delaporte, Briard et Trichet, Av.

Un commentaire de cette décision est paru dans la revue Resp. civ. et assur. 2015, comm. 261, note Hubert Groutel.

No 54

InstructionDétention provisoire. - Placement en détention provisoire. - Saisine du juge des libertés et de la détention.  - Juge d’instruction. - Pouvoirs du juge. - Pouvoir de réquisition.

Lorsqu’il a saisi le juge des libertés et de la détention en vue du placement en détention provisoire d’un mis en examen s’étant présenté libre à son cabinet, le juge d’instruction peut, sur le fondement de l’article 51, alinéa 3, du code de procédure pénale, requérir directement la force publique pour le faire conduire devant ce magistrat et le retenir dans l’attente de sa comparution.

Doit, dès lors, être approuvée la chambre de l’instruction qui, pour écarter l’exception de nullité prise de l’irrégularité de la privation de liberté du mis en examen, relève que celui-ci a, en exécution d’une réquisition prise sur ce fondement, été momentanément retenu dans un lieu sécurisé, pour une durée n’excédant pas un délai raisonnable, compte tenu de la disponibilité nécessaire du juge des libertés et de la détention appelé à statuer sur son placement en détention.

Crim. - 22 juillet 2015. REJET

No 15-82.749. - CA Paris, 7 avril 2015.

M. Straehli, Pt (f.f.). - Mme Planchon, Rap. - Mme Le Dimna, Av. Gén. - SCP Waquet, Farge et Hazan, Av.

No 55

InstructionProcédure. - Interceptions de correspondances émises par la voie des télécommunications. - Communications électroniques. - Domaine. - Correspondances antérieures à la décision d’interception. - Exclusion. - Portée.

N’entrent pas dans les prévisions des articles 100 à 100-5 du code de procédure pénale l’appréhension, l’enregistrement et la transcription de correspondances émises ou reçues par la voie des télécommunications antérieurement à la date de la décision écrite d’interception prise par le juge d’instruction, lesquels doivent être réalisés conformément aux dispositions légales relatives aux perquisitions.

Encourt la cassation l’arrêt de la chambre de l’instruction qui, pour rejeter une requête en nullité de l’appréhension et de la transcription de courriels reçus sur la boîte électronique du requérant antérieurement à la décision d’interception prise par le juge d’instruction en application de ces textes, retient que, si la notion d’interception vise des communications en cours d’échange, elle se définit aussi comme le fait de s’emparer de ce qui est envoyé à quelqu’un et que, par suite, une commission rogatoire délivrée au titre de l’article 100 du code de procédure pénale permet d’exploiter des éléments archivés sur une boîte mail avant la date de sa délivrance.

Crim. - 8 juillet 2015. CASSATION

No 14-88.457. - CA Aix-en-Provence, 17 décembre 2014.

M. Guérin, Pt. - M. Monfort, Rap. - M. Lagauche, Av. Gén. - SCP Spinosi et Sureau, Av.

Un commentaire de cette décision est paru au JCP  2015, éd. G, Act., 884, note Stéphane Detraz. Voir également la revue Procédures  2015, comm. 309, note Anne-Sophie Chavent-Leclère, la revue Dr. pénal 2015, comm. 131, note Albert Maron et Marion Haas, et la Gaz. Pal. 2015, 1, p. 43, note François Fourment.

No 56

Juridictions correctionnellesDébats. - Prévenu. - Assistance d’un défenseur. - Avocat. - Commission d’office. - Impossibilité. - Grève du barreau. - Circonstance insurmontable.  - Droits de la défense.  - Portée.

La décision du barreau de suspendre pour une durée indéterminée sa participation aux audiences constitue, au regard des impératifs de l’espèce, une circonstance insurmontable justifiant que l’examen d’un mandat d’arrêt européen soit effectué sans que la personne réclamée soit assistée par un avocat.

Crim. - 8 juillet 2015. REJET

No 14-86.400. - CA Nîmes, 19 août 2014.

M. Guérin, Pt.  - Mme Chaubon, Rap.  - M. Cuny, Av. Gén.  - SCP Spinosi et Sureau, Av.

No 57

Juridictions correctionnellesDroits de la défense. - Débats. - Prévenu. - Notification du droit de se taire. - Défaut. - Portée.

En application de l’article 406 du code de procédure pénale, il appartient au président de la juridiction correctionnelle ou à l’un des assesseurs, par lui désigné, d’informer le prévenu de son droit, au cours des débats, de faire des déclarations, de répondre aux questions qui lui sont posées ou de se taire.

Fait nécessairement grief au prévenu l’absence d’information sur son du droit de se taire.

Crim. - 8 juillet 2015. CASSATION

No 14-85.699. - CA Cayenne, 15 juillet 2014.

M.  Guérin, Pt.  - M.  Moreau, Rap.  - M.  Le  Baut, Av.  Gén.  - SCP Waquet, Farge et Hazan, Av.

Un commentaire de cette décision est paru dans la revue Procédures  2015, comm. 307, note Anne-Sophie Chavent-Leclère. Voir également le JCP 2015, éd. G, chron., 1149, spéc. no 15, note Albert Maron, la revue Dr. pénal 2015, comm. 132, note Albert Maron et Marion Hass, et la Gaz. Pal. 2015, 1, p. 47, note François Fourment.

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Bulletin d’informationArrêts des chambres

•15 janvier 2016

No 58

Majeur protégéTutelle. - Actes antérieurs. - Nullité. - Action en nullité. - Qualité pour agir. - Légataire universel.

Le légataire universel a la qualité pour agir en nullité d’un acte à titre onéreux sur le fondement de l’article 489-1 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi no 2007-308 du 5 mars 2007.

1re Civ. - 8 juillet 2015. REJET

No 14-17.768. - CA Montpellier, 20 mars 2014.

Mme Batut, Pt. - Mme Le Cotty, Rap. - M. Sarcelet, Av. Gén. - SCP Spinosi et Sureau, SCP Caston, Av.

Un commentaire de cette décision est paru dans la revue AJ Famille 2015, p. 501, note Nathalie Levillain. Voir également la revue Dr. fam. 2015, comm. 191, note Ingrid Maria, la RLDC 2015, no 5988, note Marion Desolneux, et le JCP 2015, éd. N, II, no 1203, note Sylvie Moisdon-Chataigner.

No 59

Mandat d’arrêt européenExécution. - Remise. - Refus. - Cas. - Articles 695-22 à 695-24 du code de procédure pénale. - Énumération limitative. - Portée.

Aucune disposition légale n’exclut l’application de la procédure du mandat d’arrêt européen à une demande d’extension d’extradition.

Le principe de réciprocité ne s’oppose pas à l’exécution en France d’un mandat d’arrêt européen émis par l’Italie pour des faits postérieurs au 1er novembre 1993, peu important que la loi italienne limite l’exécution d’un tel mandat par ce pays aux infractions commises postérieurement au 7  août  2002, dès lors que l’exécution d’un mandat d’arrêt européen ne peut être refusée dans d’autres cas que ceux limitativement prévus par les articles 695-22 à 695-24 du code de procédure pénale.

Crim. - 8 juillet 2015. REJET

No 15-83.428. - CA Paris, 27 mai 2015.

M. Guérin, Pt. - M. Barbier, Rap. - M. Lagauche, Av. Gén.

No 60

NomNom patronymique.  - Changement.  - Autorisation.  - Demande.  - Procédure.  - Domaine d’application.  - Détermination.

Une cour d’appel qui retient que l’officier de l’état civil n’a pas commis d’erreur ni outrepassé les limites de sa compétence lors de l’attribution du nom de l’intéressé dans son acte de naissance excède ses pouvoirs en se prononçant sur une demande de rectification de ce nom alors que celle-ci s’analyse en une demande de changement de nom, relevant de la procédure prévue à l’article 61 du code civil.

1re Civ. - 8 juillet 2015. CASSATION SANS RENVOI

No 13-50.062. - CA Rennes, 10 septembre 2013.

Mme  Batut, Pt.  - Mme  Guyon-Renard, Rap.  - M.  Sarcelet, Av. Gén. - SCP Waquet, Farge et Hazan, Av.

Un commentaire de cette décision est paru au D. 2015, chron., p. 1783, note Isabelle Guyon-Renard.

No 61

1o Officiers publics ou ministérielsNotaire.  - Responsabilité.  - Obligation d’éclairer les parties. - Étendue. - Divorce par consentement mutuel. - Acte liquidatif de la communauté.  - Allotissement de l’intégralité de l’actif de communauté à l’un des époux et prise en charge par l’autre de la totalité du passif commun. - Effets. - Portée.

2o Officiers publics ou ministérielsNotaire. - Responsabilité. - Obligation d’éclairer les parties. - Étendue. - Obligation de s’enquérir auprès des époux des modes de financement des biens propres. - Déclaration des parties. - Obligation de vérifier. - Exclusion. - Cas.

1o Lorsqu’ils servent au paiement de la prestation compensatoire que détermine la convention de divorce par consentement mutuel conclue entre les époux en présence de leur avocat et homologuée par le juge, l’allotissement de l’intégralité de l’actif de communauté à l’un des époux et la prise en charge par l’autre de la totalité du passif commun ne caractérisent pas un partage inégal et n’imposent pas au notaire rédacteur de l’acte liquidatif de communauté un devoir de conseil sur les conséquences de la prestation compensatoire.

2o Ayant relevé que l’état liquidatif mentionnait que les époux avaient déclaré ne pas avoir reçu de bien par donation, succession ou legs pendant le mariage et qu’il n’existait pas de récompenses, ce dont il ressort, d’une part, que le notaire s’était enquis auprès des parties du point de savoir si leurs biens propres avaient été financés en tout ou partie par la communauté, et, d’autre part, qu’il ne disposait d’aucun élément permettant de douter de la véracité de ces déclarations, la cour d’appel a pu en déduire que le notaire n’avait pas commis de faute en s’abstenant d’en vérifier la vraisemblance.

1re Civ. - 9 juillet 2015. REJET

No 14-17.666. - CA Dijon, 3 avril 2014.

Mme Batut, Pt. - Mme Verdun, Rap. - M. Cailliau, Av. Gén. - SCP  Bénabent et Jéhannin, SCP  Boré et Salve de Bruneton, Av.

Un commentaire de cette décision est paru dans la RLDC 2015, no 5969, note Mélanie Jaoul. Voir également le JCP 2015, éd. G, II, 1129, note Yann Favier et Alain Bottet.

No 62

PeinesPeines complémentaires. - Confiscation. - Confiscation spéciale. - Confiscation de tout ou partie du patrimoine. - Trafic de stupéfiants. - Conditions. - Origine illicite des biens (non).

Dans les cas visés à l’article 222-49, alinéa 2, du code pénal, la confiscation de tout ou partie du patrimoine du condamné peut être prononcée sans qu’il soit nécessaire d’établir que le bien a été acquis illégalement ou qu’il constitue le produit direct ou indirect de l’infraction.

Méconnaît ces dispositions la cour d’appel qui, pour dire n’y avoir lieu de prononcer la confiscation de biens mobiliers et immobiliers appartenant au prévenu déclaré coupable d’infractions à la législation sur les stupéfiants en récidive, relève que leur origine illicite n’est pas démontrée.

Crim. - 8 juillet 2015. REJET ET CASSATION

No 14-86.938. - CA Poitiers, 25 septembre 2014.

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15 janvier 2016Arrêts des chambres

•Bulletin d’information

M. Guérin, Pt. - M. Azema, Rap. - M. Cuny, Av. Gén.

Un commentaire de cette décision est paru dans la Gaz. Pal. 2015, 1, p. 30, note Stéphane Detraz.

No 63

Postes et communications électroniquesCommunications électroniques. - Protection de la vie privée et services. - Prix des prestations de communications. - Demande en restitution.  - Prescription.  - Prescription annale.  - Domaine d’appl icat ion.  - Étendue.  - Détermination. - Portée.

Selon l’article L. 34-2, alinéa premier, du code des postes et des communications électroniques, la prescription est acquise, au profit des opérateurs mentionnés à l’article L. 33-1 du même code, pour toutes demandes en restitution du prix de leurs prestations de communications électroniques présentées après un délai d’un an à compter du jour du paiement.

Les dispositions relatives aux courtes prescriptions, telles que l’article L. 34-2, alinéa premier, précité, sont d’application stricte et ne peuvent être étendues à des cas qu’elles ne visent pas expressément.

Il en résulte que la prescription annale des demandes en restitution du prix des prestations de communications électroniques régit la restitution du règlement des frais de résiliation du contrat, mais est sans application aux demandes en réparation des préjudices attribués à la résiliation prématurée de ce contrat et à l’utilisation frauduleuse de la carte bancaire de l’abonné.

1re Civ. - 9 juillet 2015. CASSATION PARTIELLE

No 14-21.241.  - Juridiction de proximité de Paris 8, 25 septembre 2012.

Mme  Batut, Pt.  - M.  Truchot, Rap.  - M.  Cailliau, Av.  Gén.  - SCP Capron, SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle et Hannotin, Av.

Un commentaire de cette décision est paru dans la RJDA 2015, no 800.

No 64

PrêtPrêt d’argent. - Intérêts. - Taux. - Taux effectif global. - Taux variable. - Information due à l’emprunteur. - Mention écrite. - Nécessité.

En présence d’une clause d’un contrat de prêt prévoyant une variation automatique du taux effectif global en fonction de l’évolution du taux de base décidée par l’établissement de crédit, qui ne constitue pas un indice objectif, le prêteur a l’obligation de faire figurer le taux effectif appliqué sur les relevés reçus par les emprunteurs.

1re Civ. - 1er juillet 2015. CASSATION PARTIELLE

No 14-23.483. - CA Rennes, 23 mai 2014.

Mme Batut, Pt. - Mme Duval-Arnould, Rap. - M. Drouet, Av. Gén. - SCP Boré et Salve de Bruneton, SCP Baraduc, Duhamel et Rameix, Av.

Un commentaire de cette décision est paru au D. 2015, somm., p. 1484. Voir également cette même revue, p. 2110, note Jérôme Lasserre Capdeville, la RD bancaire et financier 2015, comm. 144, note Nicolas Mathey, la revue Contrats, conc. consom. 2015, comm. no 245, note Guy Raymond, et la RJDA 2015, no 775.

No 65

Protection des consommateursCautionnement.  - Mention manuscrite prescrite par l’article L. 341-2 du code de la consommation. - Défaut. - Durée de l’engagement de caution.  - Nécessité de se reporter aux clauses imprimées de l’acte.

Si les dispositions de l’article  L.  341-2 du code de la consommation ne précisent pas la manière dont la durée de l’engagement de caution doit être exprimée dans la mention manuscrite, il n’en demeure pas moins que, s’agissant d’un élément essentiel permettant à la caution de mesurer la portée exacte de son engagement, cette mention doit être exprimée sans qu’il soit nécessaire de se reporter aux clauses imprimées de l’acte de cautionnement.

1re Civ. - 9 juillet 2015. REJET

No 14-24.287. - CA Montpellier, 25 mars 2014.

Mme  Batut, Pt.  - M.  Vitse, Rap.  - M.  Cailliau, Av.  Gén.  - SCP Delaporte, Briard et Trichet, Av.

Un commentaire de cette décision est paru au JCP  2015, éd. G, II, 1069, note Jean-Denis Pellier. Voir également la Gaz. Pal. 2015, 1, p. 9, note Marc Mignot, cette même revue, 1, p. 24, note Pauline Pailler, la RD bancaire et financier 2015, comm. 153, note Alain Cerles, la RLDC 2015, no 5974, note Elodie Pouliquen, la revue Banque et droit, octobre 2015, p. 79, note François Jacob, le JCP 2015, éd. N, II, no 1187, note Jean-Denis Pellier, la revue Contrats, conc. consom. 2015, comm. no 239, note Guy Raymond, la RJ com. 2015, p. 517, note F. Macorig-Venier, la RLDC 2015, no 6004, note Cécile Le Gallou, le D. 2015, p. 2231, note Hania Kassoul, et la RJDA 2015, no 783.

No 66

Protection des consommateursCautionnement.  - Mention manuscrite prescrite par l’article L. 341-2 du code de la consommation. - Défaut. - Personne physique incapable de faire précéder sa signature de la mention manuscrite. - Portée.

La personne physique qui ne se trouve pas en mesure de faire précéder sa signature des mentions manuscrites exigées par les articles L. 341-2 et L. 341-3 du code de la consommation, destinées à assurer sa protection et son consentement éclairé, ne peut valablement s’engager que par acte authentique en qualité de caution envers un créancier professionnel.

1re Civ. - 9 juillet 2015. REJET

No 14-21.763. - CA Aix-en-Provence, 22 mai 2014.

Mme Batut, Pt. - Mme Duval-Arnould, Rap. - M. Cailliau, Av. Gén. - SCP Célice, Blancpain, Soltner et Texidor, SCP Richard, Av.

Un commentaire de cette décision est paru au JCP 2015, éd. G, II, 1069, note Jean-Denis Pellier, et chron., 1222, spéc. no 2, note Philippe Simler, également parue au JCP  2015, éd. N, chron., 1205, no 2. Voir également la Gaz. Pal. 2015, 1, p. 9, note Marc Mignot, la RD bancaire et financier 2015, comm. 151, note Alain Cerles, la RLDC 2015, no 5973, note Elodie Pouliquen, la Gaz. Pal. 2015, 1, p. 19, note Stéphane Piedelièvre, cette même revue, 1, p. 24, note Pauline Pailler, la revue Banque et droit, octobre 2015, p. 77, note Nicolas Rontchevsky, le JCP 2015, éd. N, II, no 1187, note Jean-Denis Pellier, la revue Contrats, conc. consom. 2015, comm. no 240, note Guy Raymond, la RJ com. 2015, p. 515, note F. Macorig-Venier, et la RLDC 2015, no 6004, note Cécile Le Gallou.

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Bulletin d’informationArrêts des chambres

•15 janvier 2016

No 67

Protection des consommateursCrédit à la consommation. - Défaillance de l’emprunteur. - Action. - Délai de forclusion. - Point de départ. - Article L. 313-12 du code de la consommation. - Portée.

Le délai de suspension accordé à l’emprunteur par le juge, en application de l’article L. 313-12 du code de la consommation, emporte le report du point de départ du délai de forclusion de l’article L. 311-37 (ancien) du même code au premier incident de paiement non régularisé survenu après l’expiration de ce délai.

1re Civ. - 1er juillet 2015. CASSATION

No 14-13.790. - CA Nancy, 9 janvier 2014.

Mme Batut, Pt.  - Mme Le Gall, Rap. - M. Drouet, Av. Gén. - SCP Gatineau et Fattaccini, SCP Lyon-Caen et Thiriez, Av.

Un commentaire de cette décision est paru dans la RD bancaire et financier 2015, comm. 146, note Nicolas Mathey. Voir également la Gaz. Pal. 2015, 1, p. 16, note Stéphane Piedelièvre, et la revue Contrats, conc. consom. 2015, comm. no 267, note Guy Raymond.

No 68

Protection des consommateursDémarchage et vente à domicile. - Exclusion. - Existence d’un rapport direct entre l’activité exercée et le contrat proposé. - Mandat de vente d’un fonds de commerce.

Pour un commerçant, la vente de son fonds de commerce est en rapport direct avec son activité, de sorte que n’est pas soumis aux dispositions sur le démarchage le contrat de mandat conclu par un pharmacien aux fins de trouver un acquéreur pour son officine, en application de l’article L. 121-22, 4o, du code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à la loi no 2014-344 du 17 mars 2014.

1re Civ. - 9 juillet 2015. REJET

No 14-17.051. - CA Rennes, 11 mars 2014.

Mme  Batut, Pt.  - M.  Vitse, Rap.  - M.  Cailliau, Av.  Gén.  - SCP Delaporte, Briard et Trichet, SCP Spinosi et Sureau, Av.

Un commentaire de cette décision est paru dans la revue Dr. pénal 2015, comm. 127, note Jacques-Henri Robert. Voir également la revue Contrats, conc. consom. 2015, comm. no 271, note Guy Raymond.

No 69

Responsabilité délictuelle ou quasi délictuelleDommage.  - Réparation.  - Indemnité.  - Montant.  - Fixation. - Éléments pris en considération. - Prestation de compensation du handicap (non).

N’étant pas mentionnée dans la liste des prestations de l’article 29 de la loi no 85-677 du 5 juillet 1985, la prestation de compensation du handicap ne donne pas lieu à recours subrogatoire contre la personne tenue à réparation et à imputation sur le montant du préjudice devant être indemnisé par celle-ci.

2e Civ. - 2 juillet 2015. REJET

No 14-19.797. - CA Montpellier, 22 avril 2014.

Mme Aldigé, Pt (f.f.). - M. Becuwe, Rap. - M. Lavigne, Av. Gén. - Me Haas, SCP Boré et Salve de Bruneton, SCP Célice, Blancpain, Soltner et Texidor, Av.

Un commentaire de cette décision est paru au D. 2015, somm., p. 1539, chron., p. 1805, note Laurence Lazerges-Cousquer, et pan., p. 2291, note Mireille Bacache. Voir également la Gaz. Pal. 2015, 1, p. 37, note Claudine Bernfeld.

No 70

Responsabilité du fait des produits défectueuxProduit.  - Défectuosité.  - Lien de causalité avec le dommage. - Caractérisation. - Cas.

Viole les articles 1386-1 et 1386-2 du code civil la cour d’appel qui, pour rejeter la demande en réparation du préjudice subi par une personne morale ayant une activité de commercialisation de vin à la suite de la constatation de défauts affectant des bouteilles de verres destinées à cette activité, retient que le seul préjudice invoqué est un préjudice économique constitué par des moins-values ou une perte de marge et consécutif à la mévente des bouteilles, de sorte que, ce dommage étant en lien direct avec les défectuosités du produit lui-même, il n’est pas indemnisable sur le fondement des articles 1386-1 et suivants du code civil, après avoir constaté que les défauts relevés affectaient non seulement les bouteilles de verre, mais aussi le vin qu’elles devaient contenir, ce dont il résultait que la mévente des bouteilles défectueuses, engendrant le préjudice invoqué, était consécutive au caractère impropre à la consommation du vin.

1re Civ. - 1er juillet 2015. CASSATION PARTIELLE

No 14-18.391. - CA Lyon, 13 février 2014.

Mme  Batut, Pt.  - M.  Truchot, Rap.  - M.  Drouet, Av.  Gén.  - Me Foussard, SCP de Nervo et Poupet, Av.

Un commentaire de cette décision est paru dans la RLDC 2015, no  5970, note Charlotte Guillemin. Voir également la revue Contrats, conc. consom. 2015, comm. no 251, note Laurent Leveneur, le D.  2015, p. 2227, note Bénédicte Girard, et la RJDA 2015, no 793.

No 71

Santé publiqueAlcoolisme.  - Lutte contre l’alcoolisme.  - Propagande ou publicité.  - Publicité illicite en faveur de boissons alcooliques. - Exclusion. - Cas.

La prescription de l’article L. 3323-4 du code de la santé publique relative au caractère objectif et informatif de la publicité en faveur de boissons alcooliques n’interdit pas la représentation de personnages ayant un verre à demi plein à la main, désignés comme des membres de la filière de production ou de commercialisation de vins et se rattachant aux facteurs humains visés par l’article L. 115-1 du code de la consommation.

1re Civ. - 1er juillet 2015. REJET

No 14-17.368. - CA Versailles, 3 avril 2014.

Mme Batut, Pt. - Mme Duval-Arnould, Rap. - M. Drouet, Av. Gén. - SCP Odent et Poulet, SCP Piwnica et Molinié, Av.

Un commentaire de cette décision est paru dans la revue Légipresse, septembre 2015, no 330, p. 495, note Eric Andrieu. Voir également le JCP  2015, éd. E, II,  1476, note Christine Gateau et Pauline Faron, et 1529, note Anne Penneau, la RLDAff, octobre 2015, no 5714, note Nathalia Kouchnir-Cargill et Caroline

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15 janvier 2016Arrêts des chambres

•Bulletin d’information

Bellone, la revue Contrats, conc. consom. 2015, comm. no 246, note Guy Raymond, le JCP 2015, éd. G, II, 1236, note Christine Lebel, et la RJDA 2015, no 790.

No 72

Sécurité socialeAssujettissement. - Fait générateur antérieur. - Loi instituant une contribution nouvelle. - Caractère rétroactif (non).

L’assujettissement à une contribution nouvelle d’un fait générateur antérieur ne confère pas un caractère rétroactif à la loi qui l’institue.

Viole l’article 16, IX, de la loi no 2007-1786 du 19 décembre 2007, qui institue une contribution sur les indemnités versées à compter du 1er octobre 2007 aux salariés en cas de mise à la retraite à l’initiative de l’employeur, la cour d’appel qui écarte l’application de cette disposition pour les sommes versées entre le 11 octobre et le 21 décembre 2007, au motif que sa rétroactivité à la date de présentation du projet de loi est fondée sur un motif d’intérêt général insuffisant pour justifier une atteinte aux situations légalement acquises et au principe de non-rétroactivité des lois.

2e Civ. - 9 juillet 2015. CASSATION PARTIELLE

No 14-23.556. - CA Bordeaux, 26 juin 2014.

M. Prétot, Pt (f.f.).  - Mme Belfort, Rap.  - M. de Monteynard, Av. Gén.  - SCP Delvolvé, SCP Célice, Blancpain, Soltner et Texidor, Av.

Un commentaire de cette décision est paru dans la RJS 2015, no 690. Voir également le JCP 2015, éd. S, II, 1412, note Emeric Jeansen.

No 73

Sécurité socialeCaisse. - URSSAF. - Contrôle. - Procédure. - Avis préalable adressé à l’employeur. - Destinataire. - Détermination. - Portée.

L’avis que l’organisme de recouvrement doit envoyer, en vertu de l’article R. 243-59, alinéa premier, du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue du décret no 2007-546 du 11 avril 2007, avant d’effectuer un contrôle en application de l’article L. 243-7, doit être adressé exclusivement à la personne qui est tenue, en sa qualité d’employeur, aux obligations afférentes au paiement des cotisations et contributions qui font l’objet du contrôle.

Encourt, dès lors, la cassation l’arrêt qui, pour rejeter le moyen tiré de l’irrégularité du contrôle à l’issue duquel un redressement a été notifié à l’établissement d’une société, se borne à retenir qu’il a envoyé à l’adresse où celle-ci reçoit sa correspondance et a été reçu par l’un de ses représentants, qui a signé l’avis de réception, sans caractériser la qualité d’employeur du destinataire de l’avis.

2e Civ. - 9 juillet 2015. CASSATION

No 14-21.755. - CA Paris, 26 mai 2014.

M. Prétot, Pt (f.f.).  - M. Poirotte, Rap.  - M. de Monteynard, Av.  Gén.  - SCP  Gadiou et Chevallier, SCP  Gatineau et Fattaccini, Av.

Un commentaire de cette décision est paru dans la RJS 2015, no 727.

No 74

1o Sécurité socialeCaisse. - URSSAF. - Contrôle. - Procédure. - Avis préalable adressé à l’employeur. - Destinataire. - Détermination. - Portée.

2o Sécurité socialeCaisse. - URSSAF. - Contrôle. - Procédure. - Délégation de compétences.  - Entreprise comportant plusieurs établissements. - Portée.

1o Selon l’article  R.  243-59, alinéa  premier, du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue du décret no 99-434 du 28 mai 1999, l’avis que l’organisme de recouvrement doit envoyer, avant d’effectuer un contrôle en application de l’article L. 243-7, doit être adressé exclusivement à la personne qui est tenue, en sa qualité d’employeur, aux obligations afférentes au paiement des cotisations et contributions qui font l’objet du contrôle.

2o La désignation, par délégation de compétence des organismes intéressés en application de l’article L. 213-1 du code de la sécurité sociale, d’un organisme unique pour le contrôle des bases des cotisations et contributions dues par une entreprise comportant plusieurs établissements ne saurait priver ces derniers, s’ils ont la qualité de redevables, des garanties en cas de contrôle.

2e Civ. - 9 juillet 2015. REJET

No 14-22.257. - CA Rennes, 28 mai 2014.

M. Prétot, Pt (f.f.).  - Mme Belfort, Rap.  - M. de Monteynard, Av. Gén. - SCP Boutet et Hourdeaux, Av.

Un commentaire de cette décision est paru dans la RJS 2015, no 727.

No 75

Sécurité socialeCotisations.  - Assiette.  - Décision de la caisse.  - Inopposabilité. - Changement des circonstances de droit. - Exclusion. - Cas. - Circulaire administrative.

Une circulaire administrative, dépourvue de toute portée normative, ne constitue pas un changement dans les circonstances de droit de nature à rendre inopposable à l’organisme de recouvrement l’appréciation portée par ce dernier, lors d’un précédent contrôle, sur l’application par le redevable de la règle d’assiette.

Doit, en conséquence, être cassé pour violation des articles R. 242-1 et R. 243-59, dernier alinéa, du code de la sécurité sociale l’arrêt qui, pour valider le chef de redressement résultant de la réintégration, dans l’assiette des cotisations et contributions de sécurité sociale, d’un avantage en nature, retient que, lors du contrôle litigieux, étaient pour la première fois applicables les dispositions d’une lettre circulaire du 7 janvier 2003, beaucoup plus précises et plus impératives que celles énoncées dans une lettre ministérielle du 29 mars 1991, de sorte que, la situation n’étant pas identique, la société ne peut se prévaloir de la décision explicite prises par l’URSSAF, à l’issue d’un précédent contrôle réalisé en 1996.

2e Civ. - 9 juillet 2015. CASSATION

No 14-18.686. - CA Douai, 18 avril 2014.

M. Prétot, Pt (f.f.).  - M. Poirotte, Rap.  - M. de Monteynard, Av. Gén. - SCP Célice, Blancpain, Soltner et Texidor, SCP Garreau, Bauer-Violas et Feschotte-Desbois, Av.

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Bulletin d’informationArrêts des chambres

•15 janvier 2016

Un commentaire de cette décision est paru dans la RJS 2015, no  666. Voir également le JCP  2015, éd. S, II,  1373, note Gérard Vachet.

No 76

Sécurité socialeCotisations. - Recouvrement. - Action en recouvrement. - Procédure.  - Observat ions de l ’ inspecteur du recouvrement.  - Lettre d’observations.  - Mentions obligatoires. - Détermination. - Portée.

Selon l’article R. 243-59 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction antérieure au décret no 2013-1107 du 3 décembre 2013, applicable au litige, le document que les inspecteurs du recouvrement communiquent à l’employeur ou au travailleur indépendant à l’issue du contrôle mentionne notamment, s’il y a lieu, les observations faites au cours du contrôle assorties de l’indication de la nature, du mode de calcul et du montant des redressements envisagés.

Fait une exacte application de ce texte la cour d’appel qui, après avoir retenu, dans l’exercice de son pouvoir souverain d’appréciation, que la lettre d’observation litigieuse précisait la nature de chaque chef de redressement envisagé, le contenu et les modalités d’application des textes législatifs et réglementaires invoqués ou la jurisprudence applicable, les assiettes et le montant de chaque chef de redressement par année ainsi que les taux de cotisation appliqués, et que les chefs de redressement n’appelaient pas de distinction au cas par cas, considère que la lettre d’observations ne méconnaissait pas le caractère contradictoire du contrôle, la société ayant eu une connaissance exacte des omissions et erreurs qui lui étaient reprochées ainsi que des bases du redressement.

2e Civ. - 9 juillet 2015. CASSATION PARTIELLE

No 14-17.752. - CA Aix-en-Provence, 20 mars 2014.

M. Prétot, (f.f.). - M. Poirotte, Rap. - M. de Monteynard, Av. Gén. - SCP Gatineau et Fattaccini, SCP Lesourd, Av.

Un commentaire de cette décision est paru au JCP 2015, éd. S, II, 1374, note Olivier Anfray. Voir également la RJS 2015, no 728.

No 77

Sécurité sociale, accident du travailProcédure. - Procédure préliminaire.  - Appréciation du caractère professionnel de l’accident ou de la maladie. - Décision de la caisse. - Pluralité de décisions. - Notification par un même envoi. - Modalités. - Portée.

Lorsqu’un organisme de sécurité sociale notifie, par un même envoi, plusieurs décisions relatives à la prise en charge d’une maladie ou d’un accident au titre de la législation professionnelle, il ne lui est pas fait obligation d’insérer dans l’enveloppe, outre chacune des notifications, un document récapitulatif permettant l’identification de chacune des décisions.

2e Civ. - 9 juillet 2015. REJET

No 14-17.885. - CA Poitiers, 16 octobre 2013.

Mme Flise, Pt.  - Mme Chauchis, Rap.  - M. de Monteynard, Av. Gén. - SCP Lévis, SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, Av.

Un commentaire de cette décision est paru dans la RJS 2015, no 733.

No 78

Sécurité sociale, assurances socialesPrestations (dispositions générales). - Prestations indues. - Remboursement. - Règles de tarification ou de facturation des actes, prestations, produits et frais de transports. - Cas. - Participation forfaitaire. - Portée.

Selon l’article L. 133-4 du code de la sécurité sociale, en cas d’inobservation des règles de tarification ou de facturation des actes, prestations et produits figurant sur les listes mentionnées aux articles L. 162-1-7, L. 162-17, L. 165-1 et L. 162-22-7 ou relevant des dispositions des articles L. 162-22-1 et L. 162-22-6, l’organisme recouvre l’indu correspondant auprès du professionnel ou de l’établissement de santé à l’origine du non-respect de ces règles.

Est au nombre des règles de tarification et de facturation la participation de l’assuré aux tarifs servant de base à la prise en charge des actes, prestations et produits susmentionnés prévue par l’article L. 322-2, rendu applicable par l’article L. 613-14 au régime d’assurance maladie et maternité des travailleurs non salariés des professions non agricoles.

2e Civ. - 9 juillet 2015. REJET

No 14-22.235. - TASS Bastia, 2 juin 2014.

M. Prétot, Pt (f.f.). - Mme Le Fischer, Rap. - M. de Monteynard, Av. Gén. - SCP Garreau, Bauer-Violas et Feschotte-Desbois, SCP Waquet, Farge et Hazan, Av.

Un commentaire de cette décision est paru dans la RJS 2015, no 730.

No 79

Sécurité sociale, assurances socialesVieillesse. - Pension. - Pension de réversion. - Liquidation. - Demande.  - Forme de la demande.  - Détermination.  - Portée.

Il résulte des articles R. 353-7 et R. 354-1 du code de la sécurité sociale que les personnes qui sollicitent le bénéfice des avantages de réversion prévus aux articles L. 353-1 et L. 353-2 doivent formaliser leur demande au moyen de l’imprimé mentionné par l’article R. 173-4-1 et l’adresser à la caisse ou à l’une des caisses ayant liquidé les droits à pension du de cujus.

Méconnaît ces textes la cour d’appel qui énonce que la demande de pension de réversion formulée par une lettre simple est régulière et que la date de réception de ce courrier par la caisse constitue la date du dépôt de cette demande pour en déduire que la prestation ainsi réclamée est due jusqu’au décès de la bénéficiaire, alors que la demande formulée initialement par lettre simple devait être régularisée ensuite par l’envoi de l’imprimé réglementaire complété et signé par l’intéressée elle-même ou son représentant légal.

2e Civ. - 9 juillet 2015. CASSATION SANS RENVOI

No 14-20.080. - CA Paris, 28 avril 2014.

M. Prétot, Pt (f.f). - Mme Depommier, Rap. - M. de Monteynard, Av. Gén. - SCP Gatineau et Fattaccini, Av.

Un commentaire de cette décision est paru dans la RJS 2015, no 732.

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15 janvier 2016Arrêts des chambres

•Bulletin d’information

No 80

Séparation des pouvoirsCompétence judiciaire.  - Domaine d’application.  - Responsabilité d’une personne privée à l’égard d’une personne publique. - Conditions. - Applications diverses.

La juridiction judiciaire est compétente pour connaître de l’action en responsabilité engagée par une collectivité publique à l’encontre d’une personne privée aux fins d’obtenir réparation du dommage causé à une dépendance du domaine public maritime, nonobstant le rejet par la juridiction administrative de l’action en contravention de grande voirie.

1re Civ. - 1er juillet 2015. CASSATION

No 13-17.820. - CA Nouméa, 12 novembre 2012.

Mme Batut, Pt.  - Mme Canas, Rap.  - M. Drouet, Av. Gén.  - SCP Meier-Bourdeau et Lécuyer, SCP Lyon-Caen et Thiriez, Av.

No 81

Société (règles générales)Statuts.  - Modification.  - Majorité requise.  - Clause statutaire la prévoyant. - Méconnaissance. - Sanction. - Détermination.

Une cour d’appel, qui retient à bon droit que le principe d’unanimité, sauf clause contraire, pour modifier les statuts, posé par l’article 1836 du code civil, relève des dispositions impératives du titre visé par l’article 1844-10 du même code, en déduit exactement que la méconnaissance des règles statutaires de majorité renforcée requise pour la modification des statuts est sanctionnée par la nullité.

3e Civ. - 8 juillet 2015. REJET

No 13-14.348. - CA Paris, 22 janvier 2013.

M.  Terrier, Pt.  - Mme  Georget, Rap.  - M.  Petit, Av.  Gén.  - SCP Gatineau et Fattaccini, Me Haas, SCP Piwnica et Molinié, Av.

Un commentaire de cette décision est paru dans la RJDA 2015, no 663. Voir également la revue Ann. loyers, septembre 2015, p. 72, note Bastien Brignon, et la revue Dr. sociétés 2015, comm. 190, note Renaud Mortier.

No 82

Société anonymeDissolution.  - Liquidateur.  - Demande de révocation.  - Recevabilité. - Conditions. - Saisine préalable du juge des référés aux fins d’injonction d’exécution des obligations. - Nécessité (non).

La recevabilité de la demande de révocation du liquidateur, formée sur le fondement de l’article L. 237-25 du code de commerce, n’est pas subordonnée à la saisine préalable, aux fins d’injonction, du président du tribunal statuant en référé en application de l’article L. 238-2 du même code.

Com. - 7 juillet 2015. CASSATION

No 14-13.195. - CA Lyon, 7 janvier 2014.

Mme Mouillard, Pt. - M. Fédou, Rap. - M. Mollard, Av. Gén. - SCP Boré et Salve de Bruneton, SCP Bénabent et Jéhannin, Av.

Un commentaire de cette décision est paru au D. 2015, somm., p.  1538, et p.  1885, note Vincent Thomas. Voir également

la RJDA 2015, no 672, la Gaz. Pal. 2015, 1, p. 22, note Bruno Dondero, et la revue Dr. sociétés 2015, comm. 198, note Dorothée Gallois-Cochet.

No 83

Société civileAssociés. - Décisions collectives. - Procédure de décision. - Participation et vote de l’associé. - Détermination.

Il résulte de l’article 1844 du code civil que seuls les associés ont le droit de participer aux décisions collectives de la société.

Doit en conséquence être déclarée nulle l’assemblée générale d’une société civile immobilière à laquelle ont pris part des tiers, n’ayant pas la qualité d’associés, qui ont participé à l’élection du gérant.

3e Civ. - 8 juillet 2015. REJET

No 13-27.248. - CA Colmar, 2 octobre 2013.

M.  Terrier, Pt.  - Mme  Georget, Rap.  - M.  Petit, Av.  Gén.  - SCP Gadiou et Chevallier, SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, Av.

Un commentaire de cette décision est paru au D. 2015, somm., p. 1537. Voir également la Gaz. Pal. 2015, 1, p. 13, note Bruno Dondero, la revue Ann. loyers, septembre 2015, p. 73, note Bastien Brignon, le Bull. Joly sociétés 2015, p. 585, note Jean-Pierre Garçon, et la revue Dr. sociétés 2015, comm. 189, note Renaud Mortier.

No 84

Statut collectif du travailConventions et accords collectifs. - Accords collectifs. - Accord d’entreprise.  - Accord d’entreprise du groupe Carrefour du 31 mars 1999. - Avenant du 31 mars 2000. - Article 26 bis.  - Rémunération des vendeurs qualifiés des rayons informatique, électroménager, photographie, cinéma et son. - Indemnité compensatrice. - Définition. - Détermination.

Fait une exacte application de l’article  26 bis de l’accord d’entreprise de la société Carrefour Hypermarchés du 31 mars 1999, dans sa version actualisée à la suite de l’avenant du 31 mars 2000, la cour d’appel qui constate que la spécificité des vendeurs qualifiés des rayons informatique, électroménager, photographie, cinéma et son ne serait pas prise en compte si l’indemnité compensatrice visée par cet article s’analysait comme correspondant à celle destinée à compenser la suppression des primes d’ancienneté et de présence.

Soc. - 7 juillet 2015. REJET

No 13-25.322, 13-26.041 à 13-26.043. - CA Aix-en-Provence, 10 septembre 2013.

M.  Frouin, Pt.  - Mme  Brinet, Rap.  - M.  Beau, Av.  Gén.  - SCP Masse-Dessen, Thouvenin et Coudray, SCP Gatineau et Fattaccini, Av.

Un commentaire de cette décision est paru dans la RJS 2015, no 712.

No 85

Statut collectif du travailConventions et accords collectifs. - Conventions diverses. - Convention collective nationale du commerce de détail et de gros à prédominance alimentaire du 12 juillet 2001. - Article 5.4.  - Pauses.  - Temps de pause rémunéré.  - Attribution. - Conditions. - Détermination.

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Bulletin d’informationArrêts des chambres

•15 janvier 2016

À défaut de précision de l’article 5.4 du titre V de la convention collective nationale du commerce de détail et de gros à prédominance alimentaire du 12 juillet 2001, prévoyant qu’une pause payée est attribuée à raison de 5 % du temps de travail effectif, le temps de pause doit être rémunéré au taux horaire de base.

Soc. - 7 juillet 2015. CASSATION PARTIELLE

No 13-26.773. - CPH Strasbourg, 23 septembre 2013.

M. Frouin, Pt.  - Mme Goasguen, Rap. - M. Beau, Av. Gén. - SCP Masse-Dessen, Thouvenin et Coudray, Av.

Un commentaire de cette décision est paru dans la RJS 2015, no 715.

No 86

Statut collectif du travailConventions et accords collectifs. - Conventions diverses. - Convention collective tripartite des maisons de négoce en champagne. - Article C 35-3. - Garantie de salaire. - Application. - Limite. - Cas prévu par un accord de fin de conflit.

L’article 3 de l’accord de fin de conflit conclu le 2 juillet 2007 prévoit que toute journée non travaillée pour quelque motif que ce soit ne donnera pas lieu au versement de la prime d’assiduité instituée par cet accord, les seules exceptions prévues, les heures de délégation et la formation imposée, correspondant à des périodes assimilées à du temps de travail effectif.

Viole ce texte le conseil de prud’hommes qui ordonne le paiement de cette prime d’assiduité au motif que la convention collective tripartite des maisons de négoce prévoit une garantie de salaire en cas d’arrêt de travail causé par la maladie.

Soc. - 7 juillet 2015. CASSATION SANS RENVOI

No 13-25.718. - CPH Reims, 6 septembre 2013.

M. Frouin, Pt. - M. Flores, Rap. - M. Beau, Av. Gén. - SCP Célice, Blancpain, Soltner et Texidor, SCP Spinosi et Sureau, Av.

Un commentaire de cette décision est paru dans la RJS 2015, no 641.

No 87

1o Statuts professionnels particuliersArtistes du spectacle. - Artiste-interprète. - Rémunération. - Caractère de salaire. - Critères. - Détermination. - Portée.

2o Travail réglementation, rémunérationSalaire. - Paiement. - Compensation. - Compensation entre le salaire et une créance de l’employeur. - Dispositions d’ordre public. - Portée.

1o Selon l’article L. 7121-8 du code du travail, la rémunération due à l’artiste à l’occasion de la vente ou de l’exploitation de l’enregistrement de son interprétation, exécution ou présentation par l’employeur ou tout autre utilisateur n’est pas considérée comme salaire dès que la présence physique de l’artiste n’est plus requise pour exploiter cet enregistrement et que cette rémunération n’est pas fonction du salaire reçu pour la production de son interprétation, exécution ou présentation, mais est fonction du produit de la vente ou de l’exploitation de cet enregistrement.

La cour d’appel, qui a relevé que le contrat d’exclusivité stipulait des avances dont le versement, d’une part, était conditionné par la présence physique de l’artiste, nécessairement présent lors de son entrée au studio et lors de l’achèvement de l’enregistrement

d’un album, d’autre part, n’était fonction ni du produit de la vente, ni du produit de l’exploitation de cet enregistrement, en a exactement déduit que ces avances devaient être prises en compte pour le calcul des dommages-intérêts dus en application de l’article L. 1243-4 du code du travail.

2o Encourt la cassation pour violation des articles L. 3251-2 et L. 7121-8 du code du travail l’arrêt qui, par application d’une clause contractuelle stipulant que « toutes les avances payées à l’artiste seront récupérables, par compensation directe de créances, sur toutes les sommes dues et/ou à devoir à quelque titre que ce soit par la société à l’artiste », ordonne la compensation entre les indemnités allouées à un artiste-interprète et le solde débiteur de son compte de redevances.

Ce salarié ne pouvait en effet renoncer par avance aux dispositions d’ordre public limitant les cas de compensation entre le montant du salaire et les sommes qui seraient dues à l’employeur.

Soc. - 8 juillet 2015. CASSATION PARTIELLE SANS RENVOI

No 13-25.681. - CA Paris, 5 septembre 2013.

M. Frouin, Pt. - M. Ludet, Rap. - M. Liffran, Av. Gén. - SCP Piwnica et Molinié, SCP Waquet, Farge et Hazan, Av.

Un commentaire de cette décision est paru au JCP 2015, éd. G, chron., 1044, spéc. no 9, note Grégoire Loiseau. Voir également la RJS 2015, no 680, le D. 2015, p. 2054, note Raphaël Naccach, et le JCP 2015, éd. S, II, 1397, note Laurent Drai.

No 88

Syndicat professionnelDroits syndicaux. - Exercice. - Domaine d’application. - Représentant syndical au comité d’entreprise.  - Désignation. - Conditions. - Détermination. - Portée.

Il résulte de l’article  L.  2324-2 du code du travail, dans sa rédaction issue de la loi no 2014-288 du 5 mars 2014, que seules peuvent désigner un représentant syndical au comité d’entreprise ou d’établissement les organisations syndicales qui ont recueilli, dans le périmètre de ce comité, au moins 10 % des suffrages exprimés lors des dernières élections professionnelles.

Soc. - 8 juillet 2015. REJET

No 14-60.726. - TI Paris 18, 5 septembre 2014.

M.  Frouin, Pt.  - Mme  Lambremon, Rap.  - M.  Weissmann, Av. Gén. - SCP Célice, Blancpain, Soltner et Texidor, Av.

Un commentaire de cette décision est paru au JCP 2015, éd. S, II, 1314, note Gwennhaël François. Voir également la RJS 2015, no 650.

No 89

Syndicat professionnelReprésentativité.  - Détermination.  - Critères.  - Texte applicable.  - Dispositions de la loi no 2008-789 du 20  août  2008.  - Caractère d’ordre public absolu.  - Exclusion. - Cas. - Caisse des dépôts et consignation. - Fondement. - Détermination.

Aux termes de l’article 34 de la loi no 96-452 du 28 mai 1996 portant diverses mesures d’ordre sanitaire, social et statutaire, modifié par l’article 143 de la loi no 2001-420 du 15 mai 2001, la Caisse des dépôts et consignations, représentée par son directeur général, est habilitée à conclure des accords collectifs avec les organisations syndicales représentatives et une ou plusieurs des personnes morales liées à elle au sens du II de l’article L. 439-1 du code du travail. Ces accords, approuvés par arrêté du directeur général de la Caisse des dépôts et consignations, portent,

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15 janvier 2016Arrêts des chambres

•Bulletin d’information

d’une part, sur la désignation et les compétences de délégués syndicaux communs pouvant intervenir auprès des personnes morales visées à l’alinéa précédent et bénéficiant des dispositions de la section 3 du chapitre II du titre I du livre IV du code du travail, d’autre part, sur la création d’un comité mixte d’information et de concertation.

Il en résulte que l’article 34 de la loi no 96-452 du 28 mai 1996, en ce qu’il habilite la Caisse des dépôts et consignations à conclure des accords collectifs portant sur la désignation et les compétences de ces délégués syndicaux communs aux agents de droit public et aux salariés qui relèvent du code du travail, déroge aux dispositions de la loi no 2008-789 du 20 août 2008.

Soc. - 8 juillet 2015. CASSATION

No 14-20.837. - TI Paris 7, 26 juin 2014.

M. Frouin, Pt.  - M. Huglo, Rap.  - M. Weissmann, Av. Gén.  - SCP  Masse-Dessen, Thouvenin et Coudray, SCP  Célice, Blancpain, Soltner et Texidor, Av.

No 90

Syndicat professionnelSection syndicale.  - Représentant.  - Désignation.  - Conditions. - Effectif de l’entreprise. - Entreprise employant cinquante salariés ou plus.  - Calcul.  - Modalités.  - Détermination. - Portée.

Aux termes de l’article L. 2143-3 du code du travail, la désignation d’un délégué syndical peut intervenir lorsque l’effectif de cinquante salariés ou plus a été atteint pendant douze mois, consécutifs ou non, au cours des trois années précédentes.

Dès lors que l’article L. 2142-1-1 du code du travail subordonne la désignation d’un représentant de section syndicale à la même exigence d’un effectif de cinquante salariés ou plus, les conditions de l’article L. 2143-3 relatives à la durée et à la période pendant lesquelles ce seuil doit être atteint s’appliquent également pour la désignation d’un représentant de section syndicale.

Soc. - 8 juillet 2015. REJET

No 14-60.691. - TI Saint-Denis, 25 juillet 2014.

M. Frouin, Pt. - Mme Salomon, Rap. - M. Weissmann, Av. Gén. - SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, Av.

Un commentaire de cette décision est paru au JCP 2015, éd. S, II, 1313, note Gwennhaël François. Voir également la RJS 2015, no 652.

No 91

TestamentLegs. - Révocation. - Révocation tacite.  - Modalités. - Détermination. - Portée.

Il résulte des articles 1035, 1036 et 1038 du code civil que la révocation tacite d’un testament ne peut résulter que de la rédaction d’un nouveau testament incompatible, de l’aliénation de la chose léguée ou de la destruction ou de l’altération volontaire du testament.

Viole ces textes, par refus d’application, une cour d’appel qui a déduit d’une donation consentie postérieurement la volonté du défunt de procéder à la révocation d’un testament olographe.

1re Civ. - 8 juillet 2015. CASSATION PARTIELLE

No 14-18.875. - CA Orléans, 7 avril 2014.

Mme Batut, Pt.  - M. Reynis, Rap.  - M. Sarcelet, Av. Gén.  - SCP Caston, Me Le Prado, Av.

Un commentaire de cette décision est paru au D. 2015, somm., p. 1598. Voir également la revue AJ Famille 2015, p. 500, note Nathalie Levillain, la revue Dr. fam. 2015, comm. 188, note Marc Nicod, la Gaz. Pal. 2015, 1, p. 15, note Sarah Torricelli-Chrifi, et le JCP 2015, éd. N, II, no 1197, note Gérard Chabot.

No 92

TourismeAgence de voyage. - Responsabilité. - Organisateur de voyages. - Prestataire de service substitué. - Transporteur. - Action subrogatoire. - Condition.

Dès lors que le transporteur est tenu d’une obligation de sécurité de résultat à l’égard des voyageurs, l’organisateur du voyage qui a indemnisé les voyageurs en application de l’article L. 211-16 du code du tourisme est fondé à exercer l’action subrogatoire contre le transporteur, sans être tenu de démontrer la faute de ce dernier.

1re Civ. - 9 juillet 2015. REJET

No 14-13.423. - CA Bordeaux, 13 septembre 2012.

Mme Batut, Pt. - Mme Le Gall, Rap. - M. Cailliau, Av. Gén. - SCP Lévis, SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, Av.

Un commentaire de cette décision est paru dans la RLDC 2015, no 5964, note Ildo D. Mpindi, et no 5971, note Safia Chamouard. Voir également le JCP 2015, éd. E, chron., 1491, spéc. no 23, note Isabelle Bon-Garcin.

No 93

Travail réglementation, durée du travailConvention de forfait. - Convention de forfait sur l’année. - Convention de forfait en jours sur l’année.  - Validité.  - Conditions.  - Durée maximale raisonnable de travail.  - Respect. - Détermination. - Portée.

Toute convention de forfait en jours doit être prévue par un accord collectif dont les stipulations assurent la garantie du respect des durées maximales raisonnables de travail ainsi que des repos, journaliers et hebdomadaires.

Les dispositions de la convention collective nationale des hôtels, cafés restaurants (HCR) du 30  avril  1997 et les stipulations de l’accord d’entreprise n’étant pas de nature à garantir que l’amplitude et la charge de travail restent raisonnables et assurent une bonne répartition, dans le temps, du travail de l’intéressé, et, donc, à assurer la protection de la sécurité et de la santé du salarié, sont nulles les stipulations du contrat de travail relatives au forfait en jours.

Soc. - 7 juillet 2015. CASSATION PARTIELLE

No 13-26.444. - CA Paris, 19 septembre 2013.

M. Frouin, Pt. - M. David, Rap. - M. Beau, Av. Gén. - SCP Célice, Blancpain, Soltner et Texidor, SCP Delaporte, Briard et Trichet, Av.

Un commentaire de cette décision est paru au JCP 2015, éd. G, Act., 889, note Nathalie Dedessus-Le-Moustier. Voir également la RJS 2015, no 645, et le JCP 2015, éd. S, II, 1364, note Michel Morand.

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Bulletin d’informationArrêts des chambres

•15 janvier 2016

No 94

1o Travail réglementation, durée du travailEmploi intermittent. - Recours. - Conditions. - Conditions légales. - Inobservation. - Effets. - Présomption de travail à temps complet. - Preuve contraire. - Charge. - Étendue. - Détermination. - Portée.

2o Contrat de travail, durée déterminéeQualif ication donnée au contrat.  - Demande de requalification.  - Requalification par le juge.  - Effets.  - Indemnités de fin de contrat. - Bénéfice. - Exclusion. - Cas.

1o Viole l’article L. 3123-33 du code du travail la cour d’appel qui rejette la demande en paiement de salaires tant pour les périodes non travaillées entre les missions qu’au titre d’un travail à temps plein durant celles-ci, alors qu’elle constate que le contrat de travail signé par les parties ne correspondait pas aux conditions légales du contrat intermittent, en sorte qu’il appartenait à l’employeur, soutenant que le contrat n’est pas à temps plein, d’établir la durée annuelle minimale convenue et que le salarié connaissait les jours durant lesquels il devait travailler et selon quels horaires, et qu’il n’était pas obligé de se tenir constamment à la disposition de l’employeur.

2o L’indemnité de précarité prévue par l’article L. 1243-8 du code du travail, qui compense, pour le salarié, la situation dans laquelle il est placé du fait de son contrat à durée déterminée, n’est pas due lorsque la relation contractuelle se poursuit en contrat à durée indéterminée, notamment en cas de requalification d’un contrat de travail à durée déterminée.

Soc. - 7 juillet 2015. CASSATION PARTIELLE

No 13-17.195. - CA Paris, 7 mars 2013.

M.  Frouin, Pt.  - M.  Ballouhey, Rap.  - M.  Beau, Av.  Gén.  - SCP Masse-Dessen, Thouvenin et Coudray, SCP Gatineau et Fattaccini, Av.

Un commentaire de cette décision est paru dans la RJS 2015, no 623. Voir également le JCP 2015, éd. S, II, 1361, note Michel Morand.

No 95

Travail réglementation, santé et sécuritéMaternité.  - Licenciement.  - Période de protection.  - Période de quatre semaines suivant le congé de maternité. - Suspension. - Exclusion. - Cas. - Arrêt de travail pour maladie.

Si la période de protection de quatre semaines suivant le congé de maternité prévue à l’article L. 1225-4 du code du travail est suspendue par la prise des congés payés suivant immédiatement le congé de maternité, son point de départ étant alors reporté à la

date de reprise du travail par la salariée, une telle suspension n’a pas lieu d’être en cas d’arrêt de travail pour maladie.

Soc. - 8 juillet 2015. REJET

No 14-15.979. - CA Rennes, 26 février 2014.

M. Frouin, Pt. - Mme Brinet, Rap. - Mme Courcol-Bouchard, Av.  Gén.  - SCP  Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, SCP  Masse-Dessen, Thouvenin et Coudray, Av.

Un commentaire de cette décision est paru au JCP 2015, éd. S, Act., no 288, note Lydie Dauxerre. Voir également cette même revue, II, 1365, note Dominique Everaert-Dumont, la RJS 2015, no 637, et la RLDAff, octobre 2015, no 5735, note Laurianne Enjolras.

Note sous Soc., 8 juillet 2015, no 95 ci-dessus

Dans un arrêt du 30 avril 2014 (Soc., 30 avril 2014, pourvoi no 13-12.321, Bull. 2014, V, no 111), la chambre sociale avait décidé que la période de protection de quatre semaines suivant le congé de maternité prévue par l’article L. 1225-4 du code du travail était suspendue par la prise des congés payés, son point de départ étant alors reporté à la date de reprise du travail par la salariée. La question posée par le pourvoi était de savoir si cette solution pouvait être étendue à d’autres hypothèses de suspension du contrat de travail.

Venant apporter une réponse à une situation fréquente dans les faits qui donnait lieu à des décisions contradictoires de la part des juridictions du fond, la décision du 30 avril 2014 avait suscité un certain nombre de commentaires de la doctrine, notamment quant à sa portée et à son étendue en cas de reprise du travail reportée pour d’autres causes que la prise de congés payés.

Il faut souligner que, dans l’arrêt du 8 juillet 2015 ici commenté, le contrat de travail de la salariée était suspendu en raison d’un arrêt de travail pour maladie sans lien avec la grossesse ou l’accouchement, qu’il est nécessaire de distinguer du congé pathologique prévu à l’article L. 1225-21 du code du travail. En effet, aux termes de ce texte, le congé de maternité peut être augmenté d’une durée maximale de quatre semaines après l’accouchement, lorsqu’un état pathologique résultant de la grossesse ou de l’accouchement est attesté par un certificat médical. Ce congé pathologique augmente la durée du congé de maternité, dont il a la même nature. Lorsque la salariée reprend le travail à l’issue de cette période, les quatre semaines de protection prévues à l’article L. 1225-4 commencent à courir.

En décidant que l’arrêt de travail pour maladie ne suspendait pas la période de protection de quatre semaines suivant le congé pour maternité, l’arrêt commenté vient ainsi cantonner la solution résultant de l’arrêt du 30 avril 2014 précité en la limitant (hors le cas de congé pathologique) à l’hypothèse où le congé de maternité est immédiatement suivi par la prise des congés payés, ce qui signifie que la période de protection relative de quatre semaines instituée par l’article L. 1225-4, alinéa premier, du code du travail court dès l’issue du congé de maternité, sauf en cas de prise de congés payés immédiate, auquel cas la même période de protection est reportée à la date de reprise du travail.

Les titres et sommaires des arrêts de la chambre criminelle des 17 juin 2015 (pourvois no 14-80.977, 14-80.886), 23 juin 2015 (pourvoi no 14-83.836) et 24 juin 2015 (pourvois no 14-83.505) paraîtront ultérieurement.

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