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N O 6 HIVER 2017/2018 MAGAZINE SUR LE DÉVELOPPEMENT IMMOBILIER EN EUROPE BPD À AMSTERDAM LE SIÈGE DE BPD PAYS-BAS DÉMÉNAGE DANS L’ANCIEN ORPHELINAT MUNICIPAL ARTISTE LUCAS DE MAN « IMPLIQUER CEUX QUI ONT MOINS D’ARGENT DANS LA CONSTRUCTION DU FUTUR » POLITICOLOGUE BENJAMIN BARBER PLAIDOYER POUR UN PARLE- MENT MONDIAL DES MAIRES ADJOINT AU MAIRE GREGOR BONIN PROJET DE LIFTING RADICAL DE MONCHENGLADBACH BPDEUROPE.COM

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NO 6 HIVER 2017/2018MAGAZINE SUR LE DÉVELOPPEMENT IMMOBILIER EN EUROPE

BPD À AMSTERDAM LE SIÈGE DE BPD PAyS-BAS

DÉMÉNAGE DANS L’ANCIEN

ORPHELINAT MUNICIPAL

ARTISTE LUCAS DE MAN« IMPLIQUER CEUX QUI ONT

MOINS D’ARGENT DANS LA

CONSTRUCTION DU FUTUR »

POLITICOLOGUE BENJAMIN BARBERPLAIDOyER POUR UN PARLE -

MENT MONDIAL DES MAIRES

ADJOINT AU MAIRE GREGOR BONINPROJET DE LIfTING RADICAL

DE MONCHENGLADBACH

BPDEUROPE.COM

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bpd magazine

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AVANT-PROPOS

En tant que promoteur, nous essayons autant que possible de convaincre une région d’adhérer à nos idées afin de créer nos idées en vue de créer un habitat et un cadre de vie agréable pour les résidents actuels et futurs. C’est pourquoi nous élaborons un plan – en concertation avec les autres partenaires de la réalisation – pour le résultat final, le projet. L’habitant est de plus en plus associé au développement de ce projet. Cela rend notre métier plus complexe, mais aussi plus excitant.

La planification de projets n’est actuellement guère populaire auprès des responsables politiques néer­landais. Étant donné le défi du logement auquel nous sommes confrontés, cela tombe bien mal. L’on peut même se demander combien de temps cette situation sera tenable. L’exception – un projet popu­laire – est celui de la ville compacte. Mais une ville dense exige, paradoxalement, de l’espace : car tous ces citadins supplémentaires utilisent les mêmes voiries, parcs et parkings. Et la même infrastructure et les mêmes transports en commun. Les surexploiter ne contribuera certainement pas à la qualité de vie.

La question logique est : pour qui le faisons­nous en réalité ? La ville dense, pensée par les responsables politiques, et la qualité de vie du citoyen lambda n’ont guère de points communs. On dirait deux mondes parallèles. Pour de nombreux habitants, la vie citadine est, de fait, extrêmement populaire, mais surtout en tant que consommateurs : ils n’habitent pas au centre­ville et la majorité n’y habitera jamais.

Une autre question se pose : dans quelle mesure pouvons­nous contrôler la réalité ? Du moins si cela est encore possible. Inéluctablement, notre profession devra faire face à davantage d’incertitudes, car ce n’est plus le résultat final qui importe, mais le processus. Ce dernier change et le rôle des parte­naires s’y modifie également : le gouvernement réglemente moins et fait moins de projets, et le candi­dat au logement se présente à nos bureaux à un stade de plus en plus précoce. Nous passons d’un nombre déterminé de projets à un déluge de projets.

Si l’on veut réussir dans le développement immobilier malgré toutes ces incertitudes, patience, expé­rience et passion ne suffiront pas. Nous nous réjouissons d’accueillir les futurs habitants comme par­tenaires importants. Et nous revisitons notre rôle de promoteur immobilier pour répondre le plus possible aux besoins de ces personnes en matière de logement. Ou – comme le décrit le professeur d’urbanisme néerlandais Willem Salet page 68 – pour « offrir de l’espace au consommateur en tant que producteur ». Vous retrouverez ce « nouveau producteur » dans plusieurs articles.

Walter de Boer,

PRÉSIDENT DE BPD

DÉlugE DE PRojETS

Jean-PhiliPPe BourgadePRÉSIDENT DE

BPD MaRIgNaNWalter de Boer CEo BPD EuRoPE

Franz-JoseF lickteigPRÉSIDENT DE BPD

IMMoBIlIENENTwICkluNg

BPD MagazINE 6, TRoISIÈME aNNÉE

HIVER 2017/2018

BPD Magazine est une publication de BPD Europe, Westerdorpsstraat 66, 3871 AZ Hoevelaken, Pays­Bas.

Le magazine paraît deux fois par an en trois langues (allemand, français et néerlandais) et est diffusé en édition limitée aux membres de BPD en Europe.

CoMITÉ DE RÉDaCTIoN BPD

Marcel Dekker, Jeanne Neuve­Eglise, Angela Vervoorn, Hans Weber, Katharina Zoll

CoNCEPT & RÉalISaTIoN

ZB Communicatie & Media(zb.nl)

CoNCEPT & MISE EN PagES

ZB/Marinka Reuten/Martijn Ubink

oNT CollaBoRÉ À CE NuMÉRo

Benjamin Barber, Bertus Bouwman, Margriet Brandsma, Nadine Colombel, Armelle Desmarchelier, Kees de Graaf, Raymond Heinsius, Mirjam van Immerzeel, ITA Translations, Kleis Jager, Bas Kooman,

Malin Kox, Edwin Lucas, Lucas De Man, Ruud Slierings, Francine Smink, Claudia Stoldt

PHoToS & IlluSTRaTIoNS

Pierre­Antony Allard, Ahmad Farid Alrais, ANP/Jan van Breda, AVIODROME Lelystad,Irwin Chan, Roman Dachsel, Jana Dorn, Michaël Guichard Kyle Huber, iDroneman, Khan Jun

Ming Amos, Harmen Kraai/Architectura & Natura, Ian Leung, Antoine Meyssonnier, JeRoen Murré,Yves Rousseau, Royal FloraHolland/Nils van Houts, Janita Sassen, Christian Scholl, Erik Smits,

Stadsarchief Amsterdam, Studioninedots, Siebe Swart, Tzenko, Jan de Vries

IMPRESSIoN

Drukkerij Roelofs, Enschede

BPD Magazine est imprimé sur papier offset non couché sans bois.

TIRagE 8.455

La reprise totale ou partielle des articles, photos et illustrations du magazine BPD n’est autorisée qu’après consultation avec la rédaction et mention de la source. Ni BPD ni ZB Communicatie & Media ne peuvent

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CONTEXTE

HORIZON 2033 L’urbanisation se poursuivant implacablement pour les décennies à venir, Internet, la robotisation et les voitures sans chauffeur transforment irrévocable­ment notre cadre de vie. Quelle doit être la mission des promoteurs immobiliers ?

COHABITER AVEC LES JEUNESDes startups branchées où des seniors alertes vivent avec des étudiants. Le sens de la commu­nauté revêt de nos jours de multiples aspects.

LE COLLABORATIf EN GUISE DE fIL D’ARIANELe mot d’ordre du nouveau siège de BPD Marignan est « collaboration ». Chacun évolue dans des lieux communs innovants et des espaces de travail en open­space.

LE LIfTING DE MÖNCHENGLADBACHNi étude s’étalant sur plusieurs années ni analyse détaillée pour Gregor Bonin, l’adjoint au maire de Mönchengladbach. Il entend à court terme réaliser des projets de haute qualité. « Si nous n’appuyons pas aujourd’hui sur l’accélérateur, alors quand ? »

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BPD S’INSTALLE À AMSTERDAM

« LE BURGERWEESHUIS EST PARFAITE-MENT EN PHASE AVEC NOUS »Sharon Oldenkotte­Vrolijk, directrice Art & Culture de BPD, vante l’architecture innovante de l’ancien orphelinat municipal, le Burgerweeshuis, et constate que le bâtiment s’inscrit admirablement dans la philosophie de BPD.

REVITALISATION MINUTIEUSEL’architecte Wessel de Jonge et l’architecte d’inté­rieur Odette Ex ont été confrontés à une tâche redoutable : conserver une architecture de renom­mée mondiale tout en faisant de la place pour une nouvelle utilisation par BPD.

UNE SEULE BRIQUE PERMET DE TOUT fAIREL’architecte Herman Hertzberger à propos du Burgerweeshuis : « Aldo van Eyck a rompu avec le fonctionnalisme. Il a montré qu’il n’était pas nécessaire de concevoir une forme spécifique pour chaque fonction spécifique. »

UNE HISTOIRE SINGULIÈREEn 1960, 118 enfants et 25 employés se sont installés au Burgerweeshuis. En 2018, c’est au tour des collaborateurs de BPD.

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MÉtaMorPHoSe De MöncHenglaDbacH « nous voulons être la première des villes de taille comparable. un point c’est tout. »84

burgerweeSHuiS le siège de BPd déménage dans l’ancien orphelinat municipal d’amsterdam.42

SOMMAIRE

VISION

LE COPARTAGE NE CONVIENT PAS À TOUT LE MONDEL’homme de théâtre et concepteur Lucas De Man a sillonné l’Europe a constaté qu’il existe des personnes qui partagent par choix et d’autres par obligation. « Nous devons être vigilants quant à cette inégalité. »

« LE SENS DE LA COMMUNAUTÉ NE SE DÉCRÈTE PAS »Interview croisée de Kim Putters du bureau néer­landais du plan socioculturel et de l’entrepreneur social allemand Michael Wendt. Là où, à Hambourg, Michael Wendt voit disparaître une très grave fracture sociale, Kim Putters observe aux Pays­Bas une profonde insatisfaction et de réelles tensions.

POURQUOI LES MAIRES DOIVENT GOUVERNER LE MONDEUn essai singulier du politologue américain Benjamin Barber, décédé peu de temps après l’avoir rédigé. Selon lui, ce ne sont pas les États nations mais les villes qui peuvent répondre aux problèmes de notre monde sans frontières.

MISSION POUR LE SECTEURBonne chance aux personnes désireuses d’anticiper les évolutions du marché du logement ! L’urbaniste doit créer un cadre de vie qui soit attrayant aujourd’hui et le reste demain. Cinq experts donnent leur vision.

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INSPIRATION

LET’S PLAy !On les trouve partout, en haute altitude et à d’in­commensurables profondeurs : des terrains de sport pris en sandwich entre pierre, verre et béton.

ADIEU L’INDUSTRIE, BONJOUR L’ARTISANATDes quartiers urbains et des bâtiments où étaient autrefois installées des usines sont désormais reve­nus à la vie grâce à de jeunes entrepreneurs artisans.

3X AVEC UNE TOUCHE INDUSTRIELLED’anciennes zones industrielles se muent en nouveaux quartiers résidentiels. Avec une touche industrielle, beaucoup d’espaces verts et une archi­tecture singulière. Comparaison entre le complexe néerlandais Coberco, le Central&Park allemand et l’Art’Monia français.

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terrainS De SPortil y a des terrains de sport dans chaque métropole, coincés entre vert, verre et béton.58

artiSanS les anciennes usines offrent un espace aux jeunes artisans entrepreneurs.76

SOMMAIRE

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VILLES VERTES | ÉNERGIE ÉOLIENNE | COWORKING | DEMANDE ACCRUE DE LOGEMENTS.

CONTEXTE / TEXTE EDWIN LUCAS, MARGRIET BRANDSMA, KLEIS JAGER / PHOTOS JEROEN MURRÉ,

ROYAL FLORAHOLLAND/NILS VAN HOUTS, PIERRE-ANTONY ALLARD

« Il se peut que nous ne soyons pas assez forts pour vivre dans le présent. Mais en être déçus ? S’identifier avec un meilleur passé ? Non, non ! » L’auteur américain Saul Bellow a mis en garde dès 1952 contre la nostalgie. Nous devons aller de

l’avant, vers l’avenir, même s’il n’est pas clair, truffé qu’il est de défis, de problèmes et de promesses. Trois chercheurs se projettent à l’horizon 2033.

HoRIzoN 2033

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laRS THoMSEN, allEMagNE

La ville, le grand aimant« Dans dix ans on vendra plus de robots que de voi­tures », prévoit Lars Thomsen. Cette prédiction va de pair avec la tendance dominante qu’il identifie pour la prochaine décennie : l’urbanisation. L’afflux vers les zones urbaines est inexorable. Et là où l’urbanisation conduisait encore à la paupérisation, à la surpopulation et à de mauvaises conditions de vie au 19e siècle, cela va se passer complètement différemment au 21e siècle. Le cadre de vie dans les villes occidentales, stimulé par la numérisation et les nouvelles technologies à l’instar de la robotisation, va au contraire fortement s’améliorer selon lui. « La robotisation est une mégatendance : dans dix ans nous organiserons notre mobilité d’une simple pression sur un bouton. » La mobilité électrique est déjà quasiment plus attractive économiquement que les vieilles voitures à essence et diesel. La mobilité partagée va également connaître une forte croissance. Cela aura pour corollaire une baisse des embouteillages et des émissions nocives. « La ville sera plus calme et plus propre et on pourra à nouveau entendre les oiseaux gazouiller », poursuit Lars Thomsen. « Vraiment, dans une vingtaine d’années les enfants demanderont com­ment c’était quand on n’entendait que ‘vroum, vroum, vroum’ en ville. Dans dix ans, le bruit de la circulation sera bien moindre, et dans vingt ans on n’entendra qua­siment plus rien. »La ville avec sa qualité de vie élevée exerce une attrac­tion magnétique – non seulement sur les jeunes, mais aussi sur les personnes âgées. Il est hors de question qu’elles cherchent à s’installer à la campagne, celle­ci sera la grande zone de villégiature des citadins de demain. Lars Thomsen : « Les seniors optent de plus en plus pour la ville en raison de leur niveau de vie élevé. À l’avenir, les gens formeront plus souvent des commu­nautés n’ayant aucun lien avec la famille. Ils achèteront des villas urbaines ou de grands appartements où ils constitueront leur propre ‘famille’, avec ses propres normes et règles. Ils prêtent ainsi attention à un réseau social, à un environnement où ils ont le sentiment d’être avec des personnes ayant des vues similaires. Plus la

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JacintHa ScHeerDer (1981, warnSvelD)

est futurologue chez WE THE FUTURE et est liée à l’Education Lab de l’université d’Amsterdam. Elle ne se considère pas comme ‘traqueuse de

tendance’. « J’essaie de voir aussi loin que la ten-dance à 35 ans ou encore plus loin. » Jacintha

Scheerder a étudié les sciences de l’éducation à l’université et a publié en 2014 le livre Horizon-

scan 2050, dans lequel elle examine la fusion de l’homme et de la machine en relation avec le

changement climatique et d’autres grands défis du 21e siècle.

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« MANquE dE cALcIuM ? VoTRE RÉfRIgÉRaTEuR vouS SIgNALErA qu’IL DoIT CoNTENIR Du laIT ET lE CHaRIoT auToMoTEuR Du SuPERMaRCHÉ VouS L’ApportErA »

Moyen­Orient, où de nombreux réfugiés vivent actuelle­ment dans des cities of tomorrow : des camps de réfugiés provisoires qui ressemblent étonnamment à des villes permanentes. « Certains y vivent depuis dix­sept ans déjà. Ce n’est plus temporaire. Des plans de maisons imprimés en 3D s’avèreraient fort utiles. Pas seulement là bas, mais ici aussi en Europe. » Elle considère que d’autres cadres de vie pourraient insuffler de nouvelles idées aux promoteurs. « En Chine, on se préoccupe par exemple déjà d’arcologie, un mélange d’écologie et d’architecture. Des villes vertes, parfois même couvertes, climatisées et sûres, avec de l’espace pour la culture vivrière, la vie privée et professionnelle. » On dirait de la science fiction, mais si nous finissons par devenir complètement indépendants des combustibles fossiles pour notre approvisionnement énergétique (et cela aussi va se produire), ce sera possible.Jacintha Scheerder prévoit que nous allons travailler moins. « De par la numérisation et la robotisation, nous aurons plus de temps libre et des emplois différents, avec toutes les conséquences qui en découlent pour nos postes de travail. Même les avocats, comme je viens de le lire, se préparent à la robotisation d’une partie de leur travail. Cela signifie que les semaines de travail vont se raccour­cir, que les tâches seront réparties plus équitablement et que les espaces de bureaux seront utilisés différemment. La signification du travail va également changer. Nous devrons donc aménager nos carrières de façon plus flexible, afin d’être prêts en permanence pour les futures professions que nous ne connaissons pas encore. Les Pays­Bas sont un laboratoire prometteur sur ce point : nous sommes un petit pays à population dense. »

jaCINTHa SCHEERDER, PayS-BaS

L’avenir sera technologiqueJacintha Scheerder est fascinée par les inversions de ten­dances, par les choses amenées à changer radicalement – les moments charnières qui marquent un bouleverse­ment et sont susceptibles d’exercer une grande influence sur les défis de société. Elle se souvient d’une

célèbre vidéo (on la trouve sur YouTube) dans laquelle un réalisateur de documentaires néerlandais interroge les passants en 1999 sur l’utilité et la nécessité du téléphone portable. Personne ne veut de ce gadget : bien trop envahissant, bien trop présent. « Pourquoi devrais­je être toujours joignable ? » est la réponse la plus courante. Jacintha Scheerder : « Et regardez maintenant autour de vous. Fascinant. Cela fait seulement dix­huit ans. Et qu’en sera­t­il dans dix­huit ans, en 2035 ? » Elle fait une prévision singulière. Vers 2035, la techno­logie médicale aura pénétré le corps humain. « Oui, cela nous fait frémir, mais c’est possible. Les plus jeunes générations auront moins de mal à se faire implanter des puces électroniques dans le corps pour pouvoir vivre plus longtemps. »Jacintha Scheerder prévoit que nous ferons de plus en plus souvent appel à cette technologie à l’avenir. Les conséquences pour le logement ? « La technologie per­met de vous libérer de tout souci. Vous présentez une carence en calcium ? Un signal indique que vous devez acheter du lait et le chariot automoteur du supermarché vous l’apporte. Les appareils vont penser par eux­mêmes. Non, pas seulement les voitures ou les ther­mostats. Les autres appareils vont aussi décider pour vous. Le souhaitons­nous ? Telle est la question à laquelle nous devrons répondre. »Cela fait réfléchir sur le logement, le cadre de vie et le développement immobilier. Même sans miracle techno­logique médical, les gens deviennent de plus en plus vieux, et cela a des conséquences sur notre habitat. Les promoteurs devront en tenir compte, assure­t­elle. On ne répond pas aux besoins de logement des seniors avec des maisons de plain­pied. Et encore moins à ceux du nombre croissant de personnes qui veulent à tout prix vivre en ville – qu’il s’agisse de jeunes du pays ou de migrants (issus du tiers­monde où la croissance démo­graphique est impossible à endiguer). « Nous nous diri­geons vers 9 à 11 milliards d’habitants dans le monde en 2050. Comment pourrons­nous les loger tous ? »Avant de commencer à répondre, elle pointe du doigt le

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mondialisation s’impose, plus les gens ont besoin de points de repère. Ils les trouvent dans la ville, dans le quartier dans lequel ils vivent. » En Allemagne, il y a déjà des expériences avec ce qu’on appelle la Genera­tionenhaus (une maison où habitent deux ou trois géné­rations). L’exemple le plus connu est à Brême où l’ancien maire Henning Scherf vit lui­même dans une telle communauté. Hambourg et Munich connaissent aussi ce phénomène.Lars Thomsen souligne que notre réflexion sur l’urbani­sation devra changer. « Cela relève désormais du marke­ting. La ville est identifiée à un produit, à une marque sur le marché qui doit concurrencer d’autres villes. On ne choisit pas seulement entre Nike ou Adidas, mais aussi entre des villes ou des quartiers. » Les villes s’at­tribuent des arguments clés de vente, comme la qualité de leur circulation et de leurs transports, la qualité de vie, les installations. Et les urbanistes et les promoteurs devront en tenir compte. Tout comme le changement fondamental dans la manière dont nous façonnons notre vie professionnelle. « Dans l’ère industrielle, les gens allaient au travail, bientôt ce sera le travail qui ira vers eux. Nous allons de plus en plus habiter et travailler dans le même espace. Cela aussi génère de nouvelles exigences quant à la construction de logements et à l’es­pace public. D’autant plus que la robotisation se traduit par des semaines de travail plus courtes. Le plein emploi n’existera alors plus. »Nous voyons déjà que de nombreux espaces de bureaux sont vides. Cela va s’aggraver. Lars Thomsen : « Les compagnies d’assurance et les banques dans des tours avec des centaines d’employés – tout cela va disparaître. Tout comme beaucoup de magasins, parce que nous achetons de plus en plus en ligne et nous faisons livrer chez nous. Ce qui restera : des magasins phares dans les villes, à savoir les vitrines des marques et des créateurs. »Les grands changements en matière de mobilité, de logement, de travail et de réseaux sociaux confrontent les promoteurs à une tâche plus captivante et complexe que jamais. « Les maisons et les quartiers durent en effet plus longtemps qu’un iPhone dont une nouvelle

version est lancée chaque année. Les promoteurs doivent vraiment réfléchir à ce qu’ils créent. L’iPhone également aurait pu être un appareil bien plus gros avec davantage de touches, mais Steve Jobs voulait avant tout un beau produit. Nous devrons donc également penser à la conception de nos villes, de nos quartiers et de nos maisons au cours des années à venir. »

larS tHoMSen (1968, HaMbourg)

habite à Zurich (Suisse). Il a étudié les sciences de l’information, l’économie et la politique à Sarrebruck (Allemagne). depuis 1990, il est

consultant indépendant auprès d’entreprises et d’organismes (semi-)gouvernementaux pour les

aider à élaborer leurs stratégies pour le futur. depuis 2001, il est à la tête de Future Matters, un institut pour l’innovation et les recherches

sur l’avenir qu’il a fondé. Lars thomsen est également membre de la World Future Society

à Washington.

« dANS dIx ANS, oN VENDRa PluS DE RoBoTS quE dE voIturES »

ROBOTISATION | SEMAINES DE TRAVAIL ÉCOURTÉES.

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MAGASINS FLEXIBLES.

doMINIquE cuvILLIEr, fRaNCE

L’être humain : un nomade sédentaireMobilité ! Tel est, selon le traqueur de tendances fran­çais Dominique Cuvillier, le facteur déterminant pour l’individu du 21e siècle. « Nous devenons de plus en plus mobiles. On peut même dire que nous nous déve­loppons comme des nomades sédentaires : des per­sonnes qui s’installent pendant de brèves périodes, puis repartent vers de nouveaux horizons. En même temps, nos villes connaissent une croissance continue. »Modèle de cette évolution : Paris, la ville qui croît sans arrêt, mais le concept de croissance adopte désormais une nouvelle dimension avec Le Grand Paris – un projet majeur par lequel la ville poursuit son expansion dans la région et au­delà. Ce saut d’échelle signifiera une libéra­tion pour la mégalopole. La capitale française est actuel­lement enclavée dans le carcan du boulevard périphérique, qui marque une séparation brutale avec les banlieues. « La ville peut actuellement à peine respi­rer d’un point de vue spatial », explique Dominique Cuvillier. « La superficie est bien trop étroite pour la quantité de personnes qui y vivent. Dans vingt à trente ans, cela appartiendra au passé : certaines banlieues d’aujourd’hui se situeront au milieu du Grand Paris, une région de vingt millions d’habitants. »Il cite cet exemple pour montrer dans quelle direction nous allons, selon lui. « Les villes ne cessent de croître. Et les habitants de plus en plus mobiles dans les méga­poles s’accommoderont autrement de leur lieu de travail et de leur logement. Le coworking, le fait de partager un bureau, connaît une expansion fulgurante et je prévois que cela va encore s’accentuer. » La possibilité de louer un bureau pour un jour, une semaine ou un mois n’est plus une nouveauté, mais marque une révolution cultu­relle. Cela met un terme au bureau en tant qu’espace clos et fixe. Le lieu de travail devient un espace de rencontres. On y noue de nouvelles relations de travail avec d’autres, de nouvelles idées peuvent y émerger, à un rythme plus élevé. Là aussi, la mobilité – des gens, des idées – est le mot d’ordre. Des générations entières grandissent désor­mais avec Airbnb, Uber et le partage de bureaux. Ils ne sauront bientôt plus comment cela fonctionnait avant.

Cela a des conséquences sur le marché de l’immobilier et l’urbanisme, considère Dominique Cuvillier. « Les promo­teurs devront y réfléchir sérieusement. Comment aména­ger des logements et des lieux de travail qui soient flexibles et modulaires ? Cela est impératif, car il y aura un grand besoin de logements qui seront habités pour de courtes périodes, sans le tracas de contrats de vente ou de loca­tion. Nous travaillerons aussi de plus en plus à la mai­son. Cela signifie que les espaces devront pouvoir varier rapidement de taille et de fonction. Dans l’idéal, on devrait pouvoir transformer en un rien de temps un loge­ment en atelier ou en bureau, ou inversement. » Il reconnaît que tout le monde n’aura pas besoin de flexibilité. « Mais il s’agit d’une évolution d’une ampleur considérable. Ne vous méprenez pas sur la mentalité

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DoMinique cuvillier (1967, inDeS De blacy)

est auteur, traqueur de tendances, directeur et rédacteur en chef de la revue numérique Mo

Fashion Eyewear, vice-président du comité Français de la couleur, et professeur à l’Institut

Supérieur de Marketing du Luxe, à l’Institut Supérieur Spécialisé de la Mode et à l’École

Atelier chardon-Savart. Il a publié entre autres À vue d’œil, une aventure de lunettes (2007), Comprendre les tendances (2008), 100 ten-

dances d’aujourd’hui pour demain (2010), Cap-ter les tendances : Observer le présent, anticiper l’avenir (2012) et Pour un autre marketing (2014).

« IL y AurA uN ÉNorME BESoIN DE logEMENTS PouR DES PÉRIoDES PluS CouRTES, SaNS lE TRaCaS DE CoNTRaTS DE LocAtIoN ou dE vENtE »

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LE MAGASIN DE QUARTIER REVIENT

VOITURES VERTES SANS CHAUffEUR | MOBILITÉ.

EN lIgNE

Suivez les trois chercheurs sur :

future­matters.com lecaptologue.com

wethefuture.nl

l’avenir Selon JacintHa ScHeerDer,

larS tHoMSen et DoMinique cuvillier

• La technologie est déterminante pour l’avenir : internet, robotisation, véhicules automoteurs. La robotisation va bouleverser la façon dont nous travaillons, avec d’importantes consé-quences sur notre environnement professionnel.

• Le vieillissement atteindra son pic vers 2035 dans le monde occidental. Les promoteurs devront y répondre avec une offre personnalisée.

• L’augmentation de la population et l’afflux de réfugiés entraîneront une demande croissante de logements.

• L’urbanisation suivra irrésistiblement son cours. Les villes du monde occidental exercent une attraction magnétique sur toutes sortes de nouveaux habitants.

• La mobilité devient un facteur dominant. La mobilité partagée surtout va croître rapide-ment : raison pour laquelle le cadre de vie va s’améliorer considérablement en ville, avec comme conséquence un attrait supplémentaire pour celle-ci.

• plus la mondialisation s’accentue, plus les gens ont besoin de petite échelle, de reconnaissance et de points de repère.

« LE MAgASIN dE quArtIEr rEvIENt »

des jeunes de 20 ans. Ils vont bientôt reconsidérer la manière dont ils habitent, vivent et travaillent entraînant des changements radicaux. » Il fait référence au com­merce de détail, qui est confronté à une évolution com­parable vers la flexibilité et la mobilité. Les magasins vont et viennent : des boutiques éphémères — pop­up stores — apparaissent pendant quelques mois, puis se déplacent ailleurs. Le besoin de magasins flexibles ne fait que croître. Dominique Cuvillier : « J’ai parlé récem­ment à des antiquaires qui parcourent les salons. Ils n’ont pas besoin d’un emplacement fixe : cela ne fait que générer des charges financières de location ou d’achat. Dans une même démarche, je prévois donc que les magasins flexibles vont prendre la place des bou­tiques de téléphonie et des agences bancaires qui vont fermer. Il n’est pas possible de prévoir s’ils seront super­flus à brève échéance. »Et qu’en est­il des grands centres commerciaux en France ? Les hypermarchés qui ont transformé les centres de nombreuses villes, devenues bien plus petites qu’eux, en musées de plein air ? La fin de vie de ces grands magasins n’est pas encore en vue, selon lui. « Pourtant je suis d’avis que le modèle de l’hypermarché en tant que locomotive est révolu. Certains centres com­merciaux en France comptent environ 400 magasins. Mais cela va s’arrêter au bout d’un certain temps. Ici et là, on voit déjà apparaître le centre commercial du futur proche : avec soixante magasins au plus s’intégrant par­tout dans la ville et où le visiteur ne se limite pas au shopping. Prenez Vill’Up à Paris, on y trouve aussi des loisirs. Et phénomène très frappant : nous voyons réap­paraître les commerces de proximité, une tendance sui­vie également par les plus grandes chaînes. Les petits magasins dans les gares, les mini­versions de magasins plus importants avec un assortiment limité. » Ici aussi l’élargissement d’échelle et la mondialisation conduisent à un besoin de petite taille et de points de repère.

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CoHaBITER aVEC DES jEuNES

CONTEXTE / TEXTE MIRJAM VAN IMMERZEEL / PHOTOS JANITA SASSEN, ROMAN DACHSEL

des startups branchées où des seniors fringants cohabitent avec des étudiants. de nos jours, le sens de la communauté revêt de multiples aspects. Mais qu’est-ce qui pousse

un groupe d’habitants à s’installer avec de jeunes entrepreneurs ? Le nouveau vivre ensemble est profondément ancré dans le courant social sous-jacent.

LE TERME ‘COMMUNAUTÉ’ évoque immédiatement les années 1970 à un quadragénaire, suscitant des images de danses folkloriques le vendredi soir, de nombreuses obli­gations et surtout le manque de vie privée. Mais il ne dira strictement rien à la génération Y. Ces derniers demanderont plutôt s’il s’agit d’habitat groupé ou de cohabitat, soit la com­munauté d’habitants d’aujourd’hui sans danses folkloriques et avec suffisamment de vie privée. Un babyboomer en pleine forme, ayant mis sur pied un logement collectif avec des personnes du même âge, pensera sensiblement de même. Les formes de logement alternatives ont désormais le vent en poupe et sont légion. Elles sont appuyées par toutes sortes d’évolutions : démographie, circonstances écono­miques et retour du sens de la communauté. Intégration et participation sont tendance. L’économie de partage gagne du terrain. D’après un sondage de la société d’investissement immobilier Gecina, la moitié des Français sont intéressés par le partage d’espaces communs avec des voisins. Un tiers d’entre eux le sont par l’idée d’un habitat groupé coopératif, à savoir un groupe de logements dotés d’espaces privés et communs. Parmi les jeunes, ce taux atteint même 44%. La nouvelle génération a difficilement accès à des revenus fixes et à un hébergement abordable. Les logements collectifs sont alors une aubaine. Louer ou acheter (ou même construire) ensemble des logements permet de réduire les coûts. Le cohabitat peut même évoluer vers le coworking : non contents de partager un logement, les colocataires se retrouvent pour s’inspirer mutuellement sur le plan profes­sionnel et travailler ensemble. Ce qui séduit les travailleurs indépendants et les débutants. Les jeunes entrepreneurs vivent aussi ensemble lors de ‘boot camps pour startups’, afin de coopérer intensivement lors de la création de leur entreprise. Mais le cohabitat ne s’adresse pas exclusivement aux milléniaux branchés. Les personnes âgées se recherchent tout autant, parce qu’elles partagent une phase de

vie, se sentent en sécurité les unes avec les autres ou sou­haitent acheter des soins en commun. Cette tendance n’est pas non plus apparue spontanément. Le fait que les autorités se retirent de nombreuses missions sociales incite les citoyens à rechercher des personnes partageant les mêmes idées et à s’occuper les unes des autres, comme le montre l’enquête de l’institut néerlandais Verwey­Jonker sur des groupes d’habi­tants aux Pays­Bas.

nouveau SenS De la coMMunautÉ

À cause de l’individualisation et du vieil lissement, il y a davan­tage de personnes seules et menacées d’isolement, surtout dans les grandes villes. Un habitat groupé, d’après l’expé­rience, ne met pas seulement de l’ambiance dans la maison, mais aussi dans le quartier. Un nouveau sens de la commu­nauté. Il y en a d’ailleurs pour tous les goûts. Ainsi, de plus en plus de possibilités de vieillir ensemble dans des maisons de retraite ou dans des groupes de loge ments spécifiques émer­gent pour les groupes ethniques.D’autres habitants choisissent de commencer ensemble un projet de construction durable basé sur un mode de vie écolo­gique. Une autre option est d’héberger plusieurs générations sous un même toit. En Allemagne, le concept LebensPhasen­Haus gagne du terrain. Certains auxiliaires de vie souhaitent vivre à proximité de leur parent ou ami ayant besoin d’aide et optent pour une résidence services adaptée. Aux Pays­Bas, un joli nom a été imaginé pour celles­ci : les résidences kangou­rou. « La tendance est que des types de personnes et des classes socioéconomiques de plus en plus disparates choi­sissent ce type de logement », explique Philippe Cahn. Ce der­nier est le porte­ parole de Regain, une organisation à but non lucratif du sud­est de la France qui défend vigoureusement l’habitat participatif. Il a recours au cohabitat branché pour montrer la nouvelle direction des groupes d’habitants. « Auparavant, ce type d’habitat était surtout prisé par les

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NOM : rick van cleef TyPE DE LOGEMENT : maison de retraiteLIEU : Arnhem, pays-Bas

« grANdS AvANtAgES pour MoN dÉvELoppEMENt pErSoNNEL »

« AupArAvANt c’ÉtAIt Surtout prISÉ pAr LES dIpLÔMÉS dE L’ENSEIgNEMENt SupÉrIEur, DÉSoRMaIS VouS TRouVEz TouTES SoRTES dE pErSoNNES dANS cE typE dE LogEMENt »PHIllIPPE CaHN VaN REgaIN

diplômés de l’enseignement supérieur, des personnes jouis­sant d’une bonne situation. Désormais, on voit toutes sortes de personnes y vivre. » Il signale que de nombreuses initiatives reposent sur une caractéristique commune. Qu’il s’agisse de l’origine, des biens, de l’édu cation, de l’âge ou des convictions personnelles. Les candidats colo cataires sont donc jaugés à l’aune de cette caractéristique. Afin de conserver l’authenticité de ce type de logement. Fort compréhensible, mais il y a aussi des zones d’ombre. De tels groupes d’habitants semblent pencher de plus en plus vers des communautés fermées plutôt que vers une initiative populaire d’ordre social.

Les types d’habitat ne sont pas tous axés sur l’entre­soi. L’immigration, le vieillissement de l’importante génération de babyboomers et la pression sur l’État­providence exigent une nouvelle interprétation du sens de la communauté. L’accent sur l’intégration et la participation est particulière­ment attrayant pour les jeunes. Des initiatives réunissant divers groupes de population en matière d’habitat naissent aussi à l’heure actuelle. Ainsi, une dizaine de maisons de retraite aux Pays­Bas offrent des logements à des étudiants. À Utrecht et dans quelques autres villes, étudiants et réfugiés sont logés sous le même toit. À Hambourg en Allemagne, le

À 80, parfois même 90 ans, les colocataires de rick van cleef (27 ans) sont âgés. car celui-ci habite avec quatre autres étu-diants dans la maison de retraite vreedenhoff à Arnhem. c’est très différent d’une mai-son d’étudiants, dit-il. « on peut bien sûr faire une soirée ici, mais il ne faut pas que les gens restent toute la nuit et finissent par dormir dans les couloirs. Si je veux une telle fête, je vais chez des copains. » vivre dans une maison de retraite requiert un temps d’adaptation, mais le principal est dit avec les fêtes. « c’est convivial ici, et je remarque que j’apprends beaucoup à vivre avec des per-sonnes âgées. Mes deux

grand-mères de 91 et 89 ans trouvent génial que j’habite ici. Le fait que je vienne d’une famille ayant une riche vie sociale aide peut-être. ce n’est vraiment pas conseillé aux introvertis et aux solitaires ; vous êtes toujours entouré de résidents et d’autres étudiants. quant à moi, j’y vois surtout d’énormes avantages sur le plan du développement per-sonnel. » rick van cleef étudie la gestion des paysages natu-rels et des forêts, à première vue un univers radicalement différent de celui de ses coloca-taires. Mais il y a suffisamment de points communs, explique-t-il. « Ma spécialisation est le bien-être et l’éducation, la

façon dont la nature influe posi-tivement sur notre santé. pen-sez à des cours de récréation vertes, mais aussi à des jardins pour des maisons de retraite telles que vreedenhoff. Autour de la maison il y a beaucoup d’espaces verts, mais l’accès y est limité pour les résidents. J’ai des idées pour améliorer la situation et pour faire de l’expé-rience de la nature une occupa-tion quotidienne. Je suis content de pouvoir immédiate-ment présenter ces idées au conseil d’administration et j’ob-tiens souvent le droit d’essayer quelque chose. » En échange d’un loyer abordable de 150 euros par mois, y compris eau, électricité et – très important –

le WiFi, rick van cleef donne un coup de main vingt heures par mois dans la maison. « cela signifie bavarder un moment, jouer à des jeux, verser du café et aider aux activités. J’accroche aussi parfois une peinture et j’aide en cas de problèmes d’ordinateur. Mais écouter et passer un moment agréable à discuter sont peut-être la contrepartie la plus importante. Je pense bien que je fais par-fois plus de vingt heures par mois, mais personne n’en prend note. cela va de soi. » Mais il y a une chose à laquelle il ne s’est pas encore habitué : le décès d’un résident. « c’est pourquoi Il faut être solide pour vivre dans une maison de retraite. »

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NOM : Lara Keuthen TyPE DE LOGEMENT : cohabitatLIEU : Hambourg, Allemagne

« c’ESt uN ENdroIt oÙ L’ESprIt d’ENtrEprISE A vrAIMENt SA pLAcE »

Multi­Kulti Gesundheits­und Pflegedienst a lancé une initiative délibérément interculturelle relative au logement et aux soins pour mettre en relation des Allemands de diverses ori­gines les uns avec les autres. Quand différents groupes ont des contacts quotidiens, il y a davantage de marge pour une compréhension mutuelle et le développement d’un sens de la communauté, d’après l’expérience de Gea Sijpkes, direc­trice de la maison de retraite Humanitas à Deventer (Pays­Bas). Elle aime initier et soutenir des solutions créatives, non seulement pour résoudre le problème du logement, mais surtout pour aborder les problèmes sociaux. « Il y a

des gens qui risquent d’être laissés pour compte, or nous devons les intégrer dans la société. Raison pour laquelle il est si important de les mélanger. » Ces initiatives – des jeunes vulnérables dans des maisons de retraite aux mères adolescentes demandant des conseils à des mères plus âgées (en fait des grand­mères) – rem­portent désormais un franc succès dans le monde entier. Gea Sipkes : « Nous recevons la visite d’organisations coréennes, espagnoles et suédoises. Ce week­end, nous avons reçu un courriel de Chine. Un étudiant américain va venir effectuer une recherche de troisième cycle pendant

L’Allemande Lara Keuthen (26 ans) habite et travaille depuis un an et demi avec quatre amis (deux femmes et deux hommes) dans un projet de cohabitat à Hambourg. un type de logement plus insolite qu’il n’y paraît, raconte la conseillère en communication indépen-dante. deux des cinq vivaient déjà ensemble quand ils ont décidé de faire de leur loge-ment un terreau entrepreneu-rial. Ils déménagent dans un appartement de 180 mètres carrés où s’installent aussi Lara Keuthen et deux autres coloca-taires. « Ils voulaient créer un lieu où l’esprit d’entreprise était vraiment à sa place », pour-suit-elle. « L’idée est de louer

des chambres à des entrepre-neurs en dehors de Hambourg et de leur donner accès, par le biais de notre hub, directe-ment à la scène startup de la ville. En même temps, nous sommes sélectifs quant aux gens que nous accueillons, car ils doivent aussi donner quelque chose au groupe. L’interaction est importante. Nous avons chacun notre propre spécialité et occupa-tion. L’un produit des vidéos pour des entreprises, un autre fait et vend du jus de pommes bio. Il y a aussi un ingénieur de la construction navale expert ès d’Instagram et un spécialiste informatique qui organise des hackathons. cette diversité

aboutit automatiquement à un échange d’idées sur la table de la cuisine, et parfois aussi à des collaborations. » Mais ce qui est bien, surtout, est l’ami-tié entre eux, trouve-t-elle. « Le fait que nous offrons à l’autre une oreille attentive et pouvons nous demander des conseils sur des questions telles que les prix, les appels d’offre et la meilleure appli comptable. Nous comprenons nos problèmes professionnels mutuels. » ce cocktail intensif d’amitié et d’entrepreneuriat présente-t-il aussi des inconvé-nients ? « chacun adore son travail. Nous n’avons pas besoin de tracer de limite stricte entre notre occupation

et la vie privée. Mais il y a bien sûr des jours où nous ne par-lons pas de boulot et nous aidons en cas de cœur brisé et de drame familial. celui qui veut travailler tranquillement peut le faire dans sa chambre, sinon il y a deux grandes tables communes. parfois, j’ai le senti-ment que je travaille trop, mais ce n’est pas dû au fait que les autres m’y poussent. En fin de compte, on est responsable de soi-même. » Il y a bien une chose qui l’agace : le laisser- aller dans la maison. « Mais tous ceux qui vivent en groupe connaissent le problème. Nous en discutons. Nous sommes très directs et hon-nêtes les uns avec les autres. »

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faITS SaIllaNTS

Le cohabitat ne s’adresse pas qu’aux milléniaux branchés. Les personnes âgées aiment tout autant se retrouver ensemble, parce qu’elles partagent une phase de vie, se sentent en sécurité

entre elles ou veulent acheter des soins en commun.•

À cause de l’individualisation et du vieillissement, il y a davantage de personnes vivant seules et de risque d’isolement, surtout dans les grandes villes. Un groupe d’habitants met de

l’animation, à la maison comme dans le quartier.•

Auparavant, la vie en commun était surtout prisée par les diplômés de l’enseignement supérieur, des personnes jouissant

d’une bonne situation. Désormais, on trouve toutes sortes d’individus dans ce type de logement.

•Les groupes d’habitants qui sélectionnent les résidents en

fonction de caractéristiques communes tendent parfois à être plutôt une communauté fermée qu’une initiative citoyenne

d’ordre social.•

Il y a également des initiatives qui rassemblent différents groupes de population. Ainsi une dizaine de maisons de retraite

aux Pays­Bas proposent des chambres à des étudiants.

trois mois. » Que peut­elle conseiller à ces visiteurs ? « En raison de l’individualisme, nous devons sans doute faire quelque peu l’apprentissage de l’esprit communau­taire, et cela se produit bien plus vite quand vous faites se rencontrer tous les jours des personnes différentes les unes des autres. Pour les autorités et les organisations, il importe de ne pas édicter trop de règles, et de laisser libres les citoyens quant aux initiatives qu’ils déploient. Cela fonctionne aussi parfaitement ici. Chez nous, les pension­naires plus âgés participent même au bière­pong avec les étudiants », s’amuse­t­elle. « De belles histoires à racon­ter à leurs petits­enfants ! »

SociabilitÉ

En attendant, un petit pays comme les Pays­Bas compte déjà une dizaine de milliers de communautés d’habitation et il y en a au moins une centaine de plus chaque année, selon les estimations de Gemeenschappelijkwonen.nl. Ce site est une initiative de Landelijke Vereniging Centraal Wonen (association nationale de l’habitat groupé, NDT), qui défend les intérêts des communautés résidentielles nouvelles et existantes aux Pays­Bas. Son président Peter Bakker, qui habite lui­même depuis 1983 dans la com­munauté de Lismortel à Eindhoven : « On dîne ensemble une fois par semaine. Nous fêtons les anniversaires ensemble et entretenons ensemble le jardin. Le vendredi soir, le bar communautaire est ouvert et le dimanche il y a du café et des cours de yoga. En fait, exactement ce qu’on pourrait s’imaginer d’un groupe d’habitants traditionnel. » Pourtant, cela a beaucoup changé au cours des dernières décennies, assure­t­il. « Quand je suis venu vivre ici, je n’avais qu’une chambre à moi, pour le reste tout était en commun et on dînait tous les soirs ensemble. Désormais on est plus autonome, avec une salle de bain et une cui­sine à soi en plus de la cuisine commune. Cela me plaît bien. » Mais le principe du vivre ensemble n’a pas été écorné. Heureusement, trouve­t­il. « Je vis depuis que j’ai dix­huit ans dans une communauté d’habitants et cela m’a appris beaucoup de choses. Surtout sur le plan de la sociabilité. »

EN lIgNE

gemeenschappelijkwonen.nl projekt.dorfgemeinschaft20.de

www.heuer­dialog.de/news/1000040176/wohnraum­von­morgen­wie­wollen­und­koennen­

wir­kuenftig­wohnen www.wohnportal­plus.de

www.dezeen.com/2016/07/08/six­best­co­living­developments­around­the­world

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LA RÉFLEXION SUR DE nouvelles et meilleures façons de vivre ensemble dure depuis la nuit des temps. Lors de mon périple en Europe, j’ai rencontré une foule de gens de qui j’espérais obtenir une réponse à la question de savoir à quoi une cohabitation nouvelle pourrait ressembler. Entre­temps, je sais que celle­ci n’existe pas, elle ne fait que repo­ser sur des aménagements existants. Beaucoup de ce qui est largement accepté à présent a été amorcé par les générations précédentes. Les choses arrivent maintenant parce que c’est maintenant possible. En tant qu’artiste, j’aime cette dualité. Dans de plus en plus de villes en Europe on observe de belles initiatives sur le plan de l’habitat.Amsterdam et Gand sont de superbes villes, où l’on trouve divers types de loge­ment flexibles, des formules de copar­tage, des rues réservées au jeu, des maisons kangourous, des quartiers de bricolage, des maisons minuscules, de tout. Les gens se recherchent mutuelle­ment, s’organisent. Et je crois vraiment en la force des individus qui gèrent

ensemble des quartiers, mais je vois aussi le revers de la médaille : si vous n’en faites pas partie, tant pis pour vous ! La société devient ‘plus soudée’, mais en même temps ‘plus divisée’, avec des gens qui peuvent partager et d’autres qui sont obligés de le faire. Nous devons rester vigilants quant à cette inégalité. Tout le monde n’a pas l’entregent ou les moyens de copartager. Et le monde n’est pas non plus uniquement composé de personnes qui peuvent se permettre d’habiter dans une maison durable, de manger bio et de

boire de la bière brassée par leurs soins. On voit aussi que la vie citadine est de plus en plus réservée à ceux qui ont de l’argent.Belgrade se situe à l’extrême. Rasée à moitié par un cheik pour y réaliser des appartements dont le premier prix s’élève à 250.000 euros, une fortune pour cette ville. Les plus modestes sont bannis à la périphérie. En Pologne, on ne construit même plus de logements sociaux, parce que cela ne rapporte pas assez. Pour moi, c’est le défi ultime des constructeurs en Europe : rendre accessible à tous cette autre vie en commun. Investir dans ce qui est bien. J’appelle BPD à impliquer des gens ayant moins de moyens dans la construction du futur. Lancez un fonds dont les gens peuvent devenir membres, comme je l’ai vu en Pologne. Travaillez sur les finances avec les autorités. Faites du lobbying pour la construction de logements sociaux qui soient durables. Organisez des ateliers de menuiserie pour les étrangers. À vous de choisir. Mais connectez­vous avec l’ensemble de la société.

lE CoPaRTagE NE CoNVIENT PaS À TouS

L’artiste Lucas de Man se demande pourquoi nous sommes si attachés aux villes de la renaissance et si peu aux barres d’immeubles construites

dans les années 1950 et 1960.

la SoCIÉTÉ DEVIENT À la foIS ‘pLuS SoudÉE’ Et

‘pLuS dIvISÉE’

CV L’artiste belge Lucas De Man est auteur dramatique, metteur en scène, acteur et concepteur. pour sa pièce de théâtre De Man

door Europa il s’est rendu dans dix-sept villes de huit pays. Il habite à gand et Amsterdam.

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MicHael wenDt DIRECTEUR D’UN CENTRE CULTUREL DE QUARTIER À HAMBOURG, ALLEMAGNE

« NouS ASSIS-ToNS EN faIT À la DISPaRITIoN

DES TRÈS gRaNDES DISPa-rItÉS SocIALES »

VISION / TEXTE MIRJAM VAN IMMERZEEL, MARGRIET BRANDSMA / PHOTOS ERIK SMITS

« AttENtIoN, lES CauSES

d’INSAtISFAc-TIoN SoNT BIEN PluS

proFoNdES »KiM PutterS DIRECTEUR DU SCP (BUREAU DU PLAN SOCIOCULTUREL) AUX PAYS-BAS

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NOUS VIVONS DANS les moments les plus turbulents et incertains depuis la fin de la guerre froide. Avec l’expansion de l’Union Européenne – en nombre de membres et de domaines politiques – de moins en moins de citoyens croient au projet européen. Et à peine la crise finan­cière se termine­t­elle que de nouvelles crises s’annoncent : afflux massif de migrants et retour du terrorisme dans les villes européennes. Dans ce contexte, les journaux sont remplis de nouvelles alar­mantes sur les dissensions de plus en plus vives entre citoyens. Aux Pays­Bas et en France, Geert Wilders et Marine Le Pen ont su rallier d’importants groupes d’électeurs. Même s’ils n’ont pas été consacrés par les urnes, leur électorat insatisfait ne reste pas les bras croisés et proteste avec véhémence contre l’ordre établi. Tandis que le processus du Brexit se poursuit, des élections ont eu lieu cet automne en Allemagne.

Kim Putters n’est pas vraiment étonné de ce qui se passe en Europe. Il est directeur du SCP, un institut scientifique indépen­dant des autorités néerlandaises qui conseille le gouvernement, le parlement et d’autres organisations gouvernemen­tales sur des sujets de société. « Nous écrivons depuis très longtemps sur les grandes incertitudes minant les citoyens : questions d’identité, d’appartenance ou non, oppositions entre musulmans et non­musulmans, entre personnes plus et moins qualifiées. Cela fait déjà un moment que nous nous en préoccupons. Les élections ont montré qu’aux Pays­

Bas il ne s’agit pas seulement de travail, de revenus et de bien­être matériel, mais que la qualité de vie et les incertitudes sociales et culturelles sont également extrêmement déterminantes. Je me réjouis que cela ait enfin obtenu une place dans l’agenda politique. »

Pour en savoir plus sur ce qui se passe dans la rue en Allemagne, nous deman­dons son opinion à Michael Wendt, direc­teur de ‘die MOTTE’, un centre culturel d’Ottensen. Il suit attentivement cet ancien quartier industriel de Hambourg qui est passé au cours des quarante der­nières années d’un quartier de migrants problématique à un quartier populaire. ‘Die MOTTE’ prend toutes sortes d’ini­tiatives visant à stimuler l’intégration, la formation aux médias, l’éducation cultu­relle et l’orientation professionnelle. Avec succès. Les projets et concepts locaux de die MOTTE sont repris dans toute l’Alle­magne et aussi à l’étranger.

La poussée du populisme en Allemagne est-elle arrivée à un point mort comme aux Pays-Bas et en France ?WENDT : « J’aimerais relativiser cette pro­blématique. Les partis populistes cla­ment : ‘Il faut agir autrement, le système bancaire, la politique de l’UE’. Il y a 20, 30, 40 ans, c’étaient encore les thèmes des partis de gauche. La distinction gauche­droite n’existe plus. Les gens qui votaient autrefois à gauche se rap­prochent aujourd’hui des partis de droite. Cela devrait faire réfléchir les décideurs.

Je considère par conséquent la situation actuelle davantage comme un point de départ qu’un objectif final, c’est une chance de réajuster la politique. » Kim Putters prévient également contre les conclusions trop faciles. « Après le résul­tat des élections aux Pays­Bas, on a entendu les gens affirmer immédiate­ment : ‘Voilà la fin du populisme !’ Je pense quant à moi : attention, les causes d’insatisfaction sont bien plus profondes. Il y a de réelles tensions au sujet du niveau d’éducation, de la confiance dans la politique, de la religion et de la diver­sité culturelle. Les plus importantes sont le niveau d’éducation et les antécédents religieux et ethniques. Ces mondes diffé­rents conduisent à de réels problèmes. »

À chaque fois, il est question des inégalités croissantes dans la société. Ne mettons-nous pas trop facilement en vrac toutes les dif-férences entre les gens ?PUTTERS : « Certainement, c’est pourquoi je pense qu’il est important de dire dans le débat que les inégalités ne sont pas un problème. Dans chaque société existent des différences. Il y en a déjà dès la nais­sance. Pour une société, elles ne deviennent un problème que si elles mènent à un conflit, à une discrimination structurelle et à l’injustice. La question de savoir si les gens peuvent plus ou moins s’intégrer dans la société ne se limite pas aux seuls revenus. Il s’agit de leurs réseaux sociaux, de leur capital culturel, de leur maîtrise de la langue et de leur santé. Si vous additionnez toutes ces ressources,

« J’AIMErAIS quE LA poLItIquE ET lES DÉCIDEuRS aRRIVENT

PluS SouVENT À uNEApprocHE gLoBALE »

Kim Putters

MicHael wenDt

Michael Wendt (né en 1957) est depuis 1994 directeur de ‘die MottE ’, un

centre culturel du quartier ottensen à Hambourg. Michael Wendt a étudié à l’École d’économie et de politique de Hambourg. Il a ensuite pris un congé pour prendre soin de ses enfants et a

fondé plusieurs crèches. puis il est entré au service de die MOTTE. Michael

Wendt a achevé ses études de gestion de l’éducation et de la culture et a siégé un certain nombre d’années au conseil

d’administration de Stadtkultur Hamburg, une organisation membre de l’union

fédérale allemande des centres socioculturels.

KiM PutterS

Kim putters (né en 1973) est depuis 2013 directeur du Bureau du plan socio-

culturel de La Haye. Il est, en tant que professeur spécial en ‘politique et

contrôle de soins dans l’État providence en mutation’, lié à l’université Érasme de

rotterdam. Il est depuis janvier 2017 membre nommé par la couronne du

conseil économique et social néerlan-dais. Il a été auparavant sénateur pour le pvdA (parti travailliste néerlandais, Ndt). Il a étudié les sciences économiques et a

obtenu son doctorat à l’université Érasme de rotterdam.

comment rétablir le sens de la communauté dans une société où les groupes d’habitants semblent de plus en plus s’éloigner les uns des autres ? que peuvent

faire les autorités et les urbanistes ? Et les habitants eux-mêmes ?

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laisser cela se passer ou non ? Lors de la construction et de l’aménagement, nous devrons tenir compte d’une société vieil­lissante, du changement climatique, des flux migratoires et d’une plus grande diversité culturelle. »

Est-ce exclusivement une tâche pour les autorités ou les citoyens portent-ils aussi une responsabilité ?WENDT : « Je crois dans le pouvoir du débat public. Prenez la rencontre du G20 en juillet de l’an dernier à Ham­bourg. Il n’y a été question que d’échauf­fourées, de voitures incendiées et de protection. On y a parlé des risques et non des opportunités. Nous négligeons ainsi les gens qui veulent s’engager, qui veulent participer. La politique peut faire beaucoup, mais il faut absolument impli­quer les gens. Pas seulement exécuter et expédier les questions épineuses. » Kim Putters : « Je vois souvent que des seniors souhaitent lancer un bloc d’habi­tations avec un petit groupe de personnes du même âge et se charger eux­mêmes de l’achat des soins, mais que la munici­palité ne l’autorise pas en raison de la législation urbaine en vigueur. Ce genre

de situation est paradoxale, alors que nous demandons de plus en plus aux personnes de cette même génération de prendre eux­mêmes des mesures de pré­caution pour leur vie après la retraite. »

Le sens de la communauté est-il un terme que nous pouvons encore utiliser dans notre société diversi-fiée et individualisée ?WENDT : « Selon moi, cela dépend de ce que vous, en tant que citoyen, faites chaque jour. L’esprit communautaire est ma conception de la vie. Il est très impor­tant pour moi et la raison pour laquelle je fais le travail que je fais. La solidarité rend la société plus forte. Je veux une société dans laquelle les gens s’en­traident et se motivent mutuellement, mais dans laquelle ils s’apostrophent aussi sur le plan moral et sont exigeants les uns envers les autres. Donc pas seule­ment aider quelqu’un parce qu’il ou elle en a besoin, mais veiller aussi à ce que les personnes ayant des opportunités et des capacités et celles pour qui cela va moins bien, continuent à se rencontrer dans le quartier et constituent ainsi une unité. » Kim Putters : « En fin de compte les indi­vidus sont des êtres sociaux et nous cher­

cherons toujours un sens dans les relations avec les autres. Seuls l’air du temps et l’organisation de la société influent natu­rellement sur la forme et l’intensité que cet esprit communautaire adoptera.Nous venons d’une période de rationalité économique et financière, auparavant nous avions au contraire traversé une période de solide sens de la communauté à base de groupements religieux. Actuel­lement, nous essayons de le retrouver sous diverses formes. Je l’observe parmi les personnes âgées à la piscine où je fais des longueurs de bassin depuis quinze ans chaque matin. Ils boivent du café ensemble et s’invitent à des sorties. C’est ainsi qu’on évite l’isolement social. Cela va en partie de soi, mais cela a aussi à voir avec la politique. En fait, c’est à vous qu’il revient d’organiser vos vieux jours ; les autorités se retirent et ne vont pas mettre de l’ordre dans votre réseau. C’est à vous de le faire. »

Le sens de la communauté ne se limi-te-t-il pas à notre propre groupe ?PUTTERS : « C’est exact, ce type d’esprit communautaire concerne en premier lieu votre propre réseau, votre propre groupe. Les seniors s’adressent les uns aux

« LES HABItANtS d’orIgINE oNT ÉTÉ REfoulÉS À la pÉrIpHÉrIE dE LA vILLE » michael Wendt

commune. L’envie de se rencontrer dans la rue et le quartier disparaît. C’est ma plus grande crainte : que nous nous replions de plus en plus sur nous­mêmes et restions seuls face aux questions qui nous préoccupent. Et par là sensibles au populisme, aux solutions rapides. »

Cela s’applique-t-il aussi aux gran-des villes et à la périphérie aux Pays-Bas ?PUTTERS : « Le centre d’Amsterdam est désormais la chasse gardée des jeunes diplômés, des entrepreneurs, des inves­tisseurs et des touristes. Les habitants d’origine ont été refoulés à la périphérie de la ville et dans d’autres communes. Ce ne sont pas des tendances que l’on inverse en un tour de main. Il faut étaler les nouvelles installations et aussi vouloir réexaminer la cohérence d’ensemble. J’aimerais que la politique et les déci­deurs arrivent plus souvent à une approche globale, en se rendant compte que le cadre de vie et les liens sociaux vont souvent de pair. J’aimerais aussi que nous intervenions à temps. À la biennale de Rotterdam l’an dernier, on a pu exa­miner le développement des villes et des quartiers, une des problématiques les plus importantes des dix prochaines années. J’y ai constaté des exemples frappants dans les villes sud­américaines, africaines et asiatiques de ce qu’il ne faut pas imiter : des bidonvilles complètement anonymes fonctionnant intégralement au marché noir et une foule d’autres calami­tés. Cela semble loin de nous, mais cela me confronte à la réalité. Parce que ce que j’ai vu là­bas, nous y sommes confrontés actuellement. Allons­nous

voyons s’estomper les grandes disparités sociales dans des métropoles telles que Hambourg. Ce que nous constatons cependant très clairement est une forte augmentation du nombre de parents iso­lés vivant près du seuil de pauvreté. C’est cela qui nous préoccupe. »

A-t-on tiré des leçons depuis les années 1970 ?WENDT : « Certainement. Les politiques, les promoteurs et les agents immobiliers ainsi que les entrepreneurs ont beaucoup appris quant à la façon d’aménager une ville. Qu’il ne s’agit pas seulement d’édi­fier des villes où dormir, mais qu’il doit toujours être question d’un mélange de logements, de bureaux et de soins. Mais des erreurs fatales sont encore commises. Au cours des dernières décennies, on a bien trop peu réfléchi au bien­être géné­ral. Les évolutions démographiques sont négligées, à l’instar de la croissance du nombre de personnes seules et de la génération des babyboomers qui part actuellement à la retraite. Sur le marché du logement à Hambourg, cela conduit à une flambée des prix qui provoque une peur panique à l’évocation de la situation à Londres. Ce qu’on appelle la réurbani­sation a fait en sorte que les jeunes familles se sont repliées sur la périphérie. Je penche parfois pour les théories du complot, mais on pourrait penser qu’il y a une stratégie par derrière : si nous repoussons ces gens hors du centre­ville, nous ne souffrons plus de pertes dans les zones endormies au pourtour de la ville. La conséquence négative est que vous déracinez les gens, qu’ils perdent leur identité et leur sentiment d’appartenance

vous voyez que les Pays­Bas sont encore un pays assez égalitaire : les ressources sont raisonnablement distribuées parmi tous les groupes de population. Mais on voit aussi qu’il y a une évidente couche supérieure, que des personnes sont lais­sées pour compte et qu’un certain nombre de groupes ne bénéficient quasi­ment pas de la politique. Cela est clair notamment sur le marché de la location et de la vente de logements. En outre, la tendance à la polarisation ne cesse de croître, surtout entre les plus et les moins instruits et entre musulmans et non­musulmans. »

Comment se manifestent ce genre de contrastes en Allemagne ?WENDT : « Il est très difficile de répondre à cette question. Si vous évoquez les dis­parités sociales, vous devez examiner très précisément les différentes régions. Il n’est pas possible de généraliser. Die MOTTE est un quartier de Hambourg qui était encore il y a quarante ans un ancien quartier industriel laissé à l’abandon, où l’on parle à présent d’embourgeoisement urbain. Les familles turques, kurdes, ita­liennes et grecques se sont retirées en masse en raison de la politique des loyers : le quartier leur était devenu trop cher. Mais cela ne signifie pas que cela se passe mal par définition pour elles. Non, elles sont allées s’installer dans un autre quartier de la ville. Nous n’avons pas en Allemagne de banlieues qui s’embrasent régulièrement comme en France. En rai­son d’une mauvaise politique de construc­tion dans les années 1960 et 1970 nous connaissons ici aussi les villes dortoirs et la formation de ghettos, mais nous

bpd MagazINE 3534

Page 19: BPD À AMSTERDAM ARTISTE LUCAS DE MAN POLITICOL …Interview croisée de Kim Putters du bureau néer landais du plan socioculturel et de l’entrepreneur social allemand Michael Wendt.

« JE vEux uNE SocIÉtÉ oÙ

LES gENS S’EN-TRaIDENT Et S’ApoS-TRoPHENT

auSSI SuR lE pLAN MorAL »

michael Wendt

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« JE ME rÉJouIS quE LES INcErtI-TuDES SoCIalES ET CulTuREllES

aIENT DÉSoRMaIS oBTENu uNE PlaCE

Sur L’AgENdA poLItIquE »

Kim Putters

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autres et aux personnes à proximité. Pour les jeunes, c’est une autre histoire. La technologie et les médias sociaux y jouent un rôle important, permettant de construire aisément un réseau de per­sonnes vivant au loin. C’est sans doute plus fragmenté et superficiel, mais pas pour autant moins lourd de sens. Cela signifie pour les jeunes qu’ils peuvent suivre leurs amis(e)s via des vlogs. Le sens de la communauté peut s’exprimer de multiples façons. Une grande diffé­rence avec le cloisonnement est que le sens de la communauté est aujourd’hui moins contraignant et plus ouvert. Tant pour les personnes âgées que pour les jeunes. »

Simultanément apparaissent actuel-lement toutes sortes de groupes d’habitants : des seniors aisés et des familles écologiques aux mai-sons de retraite turques.PUTTERS : « Certainement, quand vous disposez des compétences, vous pouvez organiser de plus en plus votre vie vous­même. Il devient en outre de plus en plus facile de vivre les uns à côté des autres. Vous sélectionnez vos amis et les gens avec qui vous travaillez de l’autre côté du monde, alors que vous ne rencontrez jamais vos voisins. Cela fournit une foule de possibilités, mais c’est aussi une source de conflits sociaux potentiels. C’est un point important pour les décen­nies à venir. C’est très beau de stimuler de nouvelles formes de sens de la com­munauté. Mais les autorités doivent réaliser que l’inclusion signifie aussi l’exclusion : vous faites partie d’une communauté ou pas, vous connaissez le

chemin pour y arriver ou pas. Et cette personne âgée vivant seule au troisième étage ne réussira peut­être jamais à s’y faire accepter. Que signifie alors l’esprit communautaire ? C’est un message important à destination des dirigeants politiques. Si vous vous axez sur la mobi­lisation des réseaux, alors adressez­vous à des groupes de personnes ayant déjà des réseaux. Certains groupes de migrants et de seniors vulnérables ont les réseaux les plus minces. Alors impossible d’atteindre ces personnes ! »

Ne voulez-vous pas au contraire en tant que responsable politique relier des groupes opposés les uns aux autres ou qui ne se connaissent pas encore ?PUTTERS : « Ce genre de question illustre bien à quel point il est compliqué d’avoir l’esprit communautaire comme objectif politique. Finalement, il est question de personnes et non de stratégie. Vous pou­vez exhorter ou demander des comptes, mais vous ne pouvez pas décréter. Je trouve par exemple ce qui se passe dans la communauté turque très complexe, leur long isolement rampant depuis des années. Nous le savions bien mais cela n’est devenu visible qu’il y a peu. Com­ment régler le problème en tant que gou­vernement ? Il ne sert à rien de continuer à en discuter dans la salle du conseil. Ce n’est pas ainsi que l’on rassemble les groupes. Cela devra se passer dans la rue, en regardant les gens dans les yeux. Par des rencontres. »

faITS SaIllaNTS

Les élections aux Pays­Bas ont montré qu’il ne s’agit pas seulement de travail, de revenus et de bien­être matériel, mais que la qualité de vie est également tout à fait déterminante.

•Les gens qui votaient autrefois à gauche se retrouvent désormais dans les partis de droite.

Cela devrait faire réfléchir les décideurs.•

Il est important de dire dans le débat que toutes les inégalités ne sont pas un problème. Cela ne devient un problème que si cela conduit à un conflit, à une discrimination structurelle et à l’injustice.

•Grâce à la technologie, il est de plus en plus facile de vivre les uns avec les autres. Cela apporte

beaucoup de possibilités mais aussi des conflits sociaux potentiels.

INSPIRaTIoN

KiM PutterS

« Le livre Rafels aan de rechtsstaat (‘Effilochage de l’État de droit’, NDT) du juriste et professeur de faculté Ferdinand

Grapperhaus est d’après les critiques ‘un pamphlet d’actualité sur l’inégalité, l’islam fondamentaliste et l’assimilation

déficiente’. Son blog hebdomadaire vaut également la peine.

www.ferdinandgrapperhaus.nl »

MicHael wenDt

« Ma famille patchwork, mes amis et mon âge sont des sources d’inspiration. Dans cette phase de ma vie, je ressens aussi une solide inspiration de ma pro­

fession, en raison des changements démographiques et de la société urbaine qui devient de plus en plus internatio­nale. Il est question de l’alternance des générations dans notre centre culturel,

dans la politique et dans l’administration publique. Et bien entendu, la discussion

politico­culturelle que je pratique au niveau national demeure une source

d’inspiration continue. »

bpd MagazINE 4140

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BPD À aMSTERDaM

BPD déménage dans l’ancien orphelinat municipal (Burgerweeshuis) d’Amsterdam.

MAQUETTE DU BURGERWEESHUIS EN PLASTIQUE, BOIS ET CARTON (1989), PROPRIÉTÉ DU RIJKSMUSEUM

BPD À AMSTERDAM / TEXTE KEES DE GRAAF, EDWIN LUCAS / PHOTOS JANITA SASSEN,

HARMEN KRAAI/ARCHITECTURA & NATURA, ARCHIVES DE LA VILLE D’AMSTERDAM, AVIODROME LELYSTAD

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ART & CULTURE BPDBpd contribue depuis plus de 70 ans à la qualité du cadre de vie des habitants. L’art et la culture en font partie inté-grante, sous diverses formes. Le Fonds culturel de Bpd soutient les projets artistiques et culturels ayant un lien avec l’architecture, l’urbanisme, le développement immo-bilier et l’art dans les espaces publics. La collection d’art de Bpd existe désormais depuis 40 ans. En outre, les pro-jets artistiques de Bpd contribuent à renforcer l’art et la culture en relation avec les programmes de développe-ment immobilier de Bpd. Le Lab de Bpd donne la pri-mauté à l’élaboration d’une vision dans ses futurs projets.

intérieure ont disparu. « Le concept est clairement lisible et fonctionne réellement de cette façon. Cela rend le bâtiment unique. Sur le plan international il est tenu en haute estime et reste un thème permanent d’étude dans de nombreuses écoles d’architecture. Chacun a sa propre histoire à ce sujet. »

bÂtiMent ouvert

BPD donne une nouvelle destination au Burgerweeshuis. « Cette nouvelle vie était bien nécessaire, car l’état de mainte­nance était loin d’être idéal », souligne Sharon Olden­kotte­Vrolijk. « Et cela s’inscrit parfaitement dans notre mission et notre philosophie. C’est un bâtiment ouvert, enga­geant vis­à­vis de l’extérieur et destiné à donner aux gens un sentiment d’appartenance, ce qui est précisément notre mis­sion en tant que promoteur. C’est une ville avec des loge­ments, un cadre de travail inspirant. Le concept de création de connexions nous correspond admirablement – dans notre métier nous essayons de relier toutes sortes d’intervenants. Par ailleurs, ce site urbain convient aux constructions de loge­ments pour les années à venir, dont la transformation de bâti­ments existants fait partie. Nous travaillons également avec des entreprises des environs et le lieu est facilement acces­sible de l’aéroport d’Amsterdam pour nos collègues français et allemands. C’est un bâtiment international. »

nouvelle HarMonie

Enfin et surtout : le Burgerweeshuis présente également un intérêt pour la collection d’art de BPD. Sharon Oldenkotte­ Vrolijk : « Aldo van Eyck a suivi des études d’architecture à l’École polytechnique fédérale de Zurich de 1938 à 1942.

De par la neutralité de la Suisse, il est entré en contact avec une communauté dynamique d’écrivains, d’architectes et d’ar­tistes. Il a été fortement influencé par l’avant­garde du monde artistique. Avec des artistes contemporains, il a voulu façonner un nouveau monde et créer une nouvelle harmonie. Il a sou­vent collaboré avec eux dans ses projets. » La collection d’art de BPD, lancée il y a déjà une quarantaine d’années, pourra s’intégrer dans l’architecture du Burgerweeshuis et de ses alentours. « De nombreuses œuvres de la collection ont été directement ou indirectement marquées par le bâtiment, elles ont vraiment trouvé l’écrin qu’il leur fallait. Nous pouvons ainsi les mettre en valeur, en collaboration avec des artistes, des ins­titutions culturelles et d’autres partenaires. Ainsi, un vaste espace d’exposition sera ouvert à partir duquel un programme intéressant pourra être élaboré, pour les collaborateurs, les relations d’affaires de BPD et d’autres personnes intéressées. »

CAREL VISSER, CONCERTATION, BRONZE,1991.

lumi neux, aéré et spacieux. » Aldo van Eyck lui est apparu comme l’architecte idoine, surtout en raison des nombreux terrains de jeu qu’il avait créés à Amsterdam. Sharon Olden­kotte­Vrolijk : « Ils se sont attaqués au projet ensemble. Le résultat : un bâti ment pionnier pour l’époque. Aldo van Eyck conjugue toutes sortes d’influences : architecture classique, élé­ments du Sahara et toits inspirés de la forme d’une vasque qu’il avait rapportée des îles Fidji. Mais, surtout, c’est l’un des tout premiers exemples du mouvement architectural structuraliste. » Dans l’ensemble du plan se marient espace extérieur, architec­ture et intérieur. « Il l’a réalisé avec un langage de formes entiè­rement nouveau. Ici tout s’équilibrait sous le mot d’ordre ‘une maison comme une ville, une ville comme une maison’. La structure du Burgerweeshuis est composée d’une multitude d’unités carrées, à l’instar d’une ville ayant des quantités de logements. Celles­ci s’articulent autour de patios, comparables à des places urbaines et sont reliées par des rues intérieures. »

ProceSSuS DuauX 

Les ‘processus duaux’, à savoir l’interaction entre deux élé­ments opposés, confèrent un caractère singulier à l’ouvrage. « Pensez par exemple à intérieur­extérieur, ouvert­fermé, grand­petit ou rugueux­doux. » Par ailleurs, Aldo van Eyck a créé un passage progressif de la ville vers le cœur du bâti­ment, sans frontières délimitées : « Les enfants parcouraient ainsi un itinéraire qui se terminait dans les pavillons où ils vivaient. Dans les patios et les halls, toutes sortes d’espaces étaient prévus pour les jeux. » La main de l’architecte est encore palpable dans le bâtiment, affirme Sharon Olden kotte­Vrolijk, même si de nombreux éléments de l’architecture

ENFANT, SHARON OLDENKOTTE-VROLIJK pédalait régu­lièrement dans les années 1980 le long du Burgerweeshuis, qui était encore un orphelinat. « Il attirait toujours mon regard, en raison de sa remarquable architecture. » Aujourd’hui, trente ans plus tard, elle est enthousiaste à l’idée que BPD y démé­nage. Elle raconte : « Lors de sa construction en 1959­1960, le Burgerweeshuis était encore à la périphérie de la ville. Il y avait ici beaucoup d’espace. Cela correspondait exactement à la vision de son directeur, Frans van Meurs, qui voulait s’éloi­gner de l’agitation du centre­ville et cherchait un endroit

« LE BurgErWEESHuIS EST PaRfaITEMENT EN pHASE AvEc NouS »

[ SHaron olDenKotte-vroliJK, DIRECTRICE ART & CULTURE DE BPD ]

quelle est d’après Sharon oldenkotte-vrolijk la signification du Burgerweeshuis ? La directrice Art & culture de Bpd vante son architecture innovante et renvoie à sa future utilisation en tant que siège de Bpd. « ce bâtiment s’inscrit admirablement

dans notre mission et notre philosophie. »

SHARON OLDENKOTTE-VROLIJK

bpd MagazINE 4544

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« NouS dEvoNS ÉgALEMENt aPPRENDRE À aVoIR uN agENDa

CulTuREl aRCHITECTuRal loRS DE LA rÉAFFEctAtIoN dE BÂtIMENtS »

Wessel de Jonge

voir une nouvelle vie – ce qui me tient vraiment à cœur – ouvre de nouvelles perspectives. Nous devons aussi apprendre à prévoir un programme culturel archi­tectural lors de la réaffectation de bâti­ments. Le projet pour le Burgerweeshuis est, à cet égard, un bon exemple : ne pas figer, mais revitaliser. » Odette Ex : « Celui

qui regarde le bâtiment maintenant recon­naîtra la qualité de l’ouvrage. Cette préci­sion, on ne construit plus ainsi désormais. Il offrait aux enfants un havre de sécurité dans la ville. La structure est effectivement très caractéristique, on dirait quasiment une partition de musique. Cela m’a fait aussi penser aux couvents construits par l’architecte Dom Hans van der Laan, à l’apaisement qu’ils dégagent. Je l’ai su dès le premier jour : nous devons travail­ler ici le plus minutieusement possible. »

Le bâtiment devient le siège de BPD après être resté vacant pendant des années. Est-ce une bonne chose ?Odette Ex : « Je trouve que c’est génial. En transformant rigoureusement le bâti­ment, nous ajoutons une nouvelle couche dans le temps. Aldo van Eyck s’est chargé lui­même des deux premières, lors de sa construction en 1960 et dans les années 1990 lors de sa première rénovation qu’il a pilotée lui­même. Nous poursuivons sur cette voie. Non pas en reprenant exacte­ment ses choix, mais certainement inspi­rés et nourris par ses idées. Le bâtiment en sortira encore enrichi. » Wessel de Jonge : « Je suis d’accord : le bâtiment est conservé, et le fait qu’il soit repris par un seul utilisateur évite son démantèlement et assure une approche unique. BPD est un donneur d’ordre animé d’une conscience, qui en outre apporte une importante col­lection d’art, avec des objets pouvant être placés à l’intérieur comme à l’extérieur.

emblème du modernisme de l’après­guerre, une source d’inspiration pour le structuralisme dans l’architecture. Mais le fait de décider plus tard de conserver ce type de bâtiment du 20ème siècle en tant que monument est extraordinaire. Que des bâtiments en verre et en béton méritent aussi d’être préservés et de rece­

[ aRCHITECTES oDette eX ET weSSel De Jonge ]

tous deux connaissaient son travail, mais le Burgerweeshuis est le premier projet d’Aldo van Eyck auquel ils peuvent s’attaquer eux-mêmes. L’architecte Wessel de Jonge

et l’architecte d’intérieur odette Ex doivent relever un sérieux défi : conserver une architecture de renommée mondiale, mais l’aménager pour un nouvel usage par Bpd.

Quelle est votre position vis-à-vis d’Aldo van Eyck et de son travail ?Wessel de Jonge : « J’ai eu la chance de l’avoir eu comme professeur. Plus tard, j’ai pu travailler à la restauration du sana­torium Zonnestraal, un projet qu’Aldo van Eyck a fortement inspiré. Tout concorde : sa philosophie, ses méthodes de concep­tion, certaines des solutions qu’il a choi­sies et le travail à Zonnestraal. » Odette Ex : « J’ai également été confron tée tôt au travail d’Aldo van Eyck. Mon premier travail d’architecte d’intérieur s’est déroulé à l’agence De Kleine Stad à Utrecht qui concevait des projets de rénovation urbaine dans la tradition d’Aldo van Eyck. Très reconnaissable dans la ville, notam­ment en raison de la palette de couleurs qu’il utilisait et que l’agence a logiquement repris. Je lui ai parlé une fois ensuite, ce fut une belle rencontre. Le fait d’échanger des vues avec lui sur sa vision de l’archi­tecture a été une expérience exception­nelle. Et puis ce travail… Incroyable ! Je n’en suis pas encore revenue. »

Quelle est la signification du Burgerweeshuis selon vous ?Wessel de Jonge : « Une fois l’orphelinat achevé, il a vite été considéré comme un

REVITalISaTIoN MINuTIEuSE

bpd MagazINE 4746

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WESSEL DE JONgEArchitecte

ODETTE ExArchitecte d’intérieur

L’architecte d’intérieur odette Ex a fondé Ex Interiors en 1994. Son

agence internationale conçoit des espaces viables et inspirants, où le bien-être de l’utilisateur est primor-

dial. Ex Interiors a construit son expé-rience avec des constructions

nouvelles, des restaurations, des réno-vations, la transformation de bâti-

ments (et d’organisations) et travaille entre autres pour des institutions gou-vernementales, des sociétés interna-tionales, des établissements de soins de santé, l’hôtellerie et la restauration, l’enseignement et la grande distribu-tion. En 2015, odette Ex a signé une collection de tapis en collaboration

avec le fabricant desso. depuis, la col-lection &Ex s’est élargie aux sièges.

tout comme les éléments de décora-tion intérieure, des matériaux hon-

nêtes, purs ou recyclés y sont utilisés. récemment, Ex Interiors a reçu le prix Nrp gulden Feniks pour la rénovation

du cabinet dentaire radboudumc à Nimègue. pour en savoir plus :

www.ex-interiors.nl

Wessel de Jonge Architecten est spécialisé dans la réaffectation de

bâtiments, souvent dans un contexte urbain. Mais les constructions nou-velles font de plus en plus partie de

leur domaine d’action. Le portefeuille de l’agence comprend notamment la

restauration du pavillon gerrit riet-veld de la Biennale de venise, la réaf-

fectation de l’ancien sanatorium Zonnestraal à Hilversum et de l’usine van Nelle à rotterdam. parmi les pro-jets récents : la revitalisation du labo-

ratoire aérospatial des pays-Bas à Amsterdam et du stade olympique à

Helsinki. Wessel de Jonge est l’un des fondateurs de docoMoMo

International, une plate-forme qui fait autorité dans le domaine du patri-

moine du 20ème siècle. depuis 2015, il est professeur patrimoine & design à la faculté d’architecture de l’université de technologie de delft.

pour en savoir plus : www.wesseldejonge.nl

adapté pour héberger les bureaux de BPD. Comment y faire venir les gens ? Comment y apporter lumière et air, sur­tout dans les rues intérieures qui d’après moi étaient plutôt sombres et pesantes ? En même temps, nous souhaitons hono­rer l’architecture d’Aldo van Eyck. Ainsi les enfants jouaient dans les rues inté­rieures non chauffées, avec des pavés le long des murs. Dans les pavillons, il y avait de la chaleur avec par exemple bien plus de bois. Mais aussi avec une acous­tique très différente. Nous y répondons dans notre conception intérieure, en organisant la rencontre dans les rues. Avec des endroits où vous pourrez boire un café avec un collègue par exemple. Les bureaux se trouvent dans les pavil­lons. Dans la lignée de la grille entourant l’ensemble du bâtiment – la structure caractéristique introduite par Aldo van Eyck – nous installons le plus précisé­ment possible des parois dans les espaces, pour définir les lieux de travail. Pour nous aussi il s’agit d’examiner dans les détails le plan d’Aldo van Eyck. Rai­son pour laquelle nous avons notamment effectué une recherche approfondie sur les couleurs dans l’historique du bâti­ment. Non pas pour réutiliser exacte­ment les couleurs d’autrefois, mais pour nous en approcher le plus possible : dans les sols, les panneaux. Nous avons ainsi aménagé minutieusement pièce après pièce, pavillon après pavillon. Ce bâti­ment requiert une précision ultime. »

Cela permet de trouver une disposition qui rende hommage au bâtiment d’ori­gine. Nous devons y travailler ensemble. »

N’y a-t-il pas opposition entre res-tauration et intérieur fonctionnel ? Wessel de Jonge : « Nous tentons de res­pecter au mieux le concept d’Aldo van Eyck, à savoir le bâtiment en tant que ville. Avec les rues bordées de maisons, les pavillons, mais aussi les places et les portails. Les enfants qui vivaient ici sui­vaient un itinéraire, pas à pas de l’inté­rieur vers l’extérieur et vice versa. Le contraste entre les rues intérieures avec des murs en briques brutes, et les pavil­lons d’apparence plus domestique est crucial. Aldo van Eyck parlait d’un ‘man­teau d’hiver rugueux doublé de soie’. Je ne trouve pas que ce serait une bonne idée, par exemple, d’enlever ces murs bruts dans les rues intérieures. Ou de les lisser entièrement de sorte que la distinc­tion avec les pavillons d’habitation dispa­raisse. Dans le Burgerweeshuis, Aldo Van

Eyck a utilisé des éléments de décoration qui ont été réalisés selon des techniques architectoniques, à l’instar de bancs en briques. On n’a hélas pas pu en conser­ver beaucoup, mais ce qui reste est bien entendu maintenu en place. Ce qui ne signifie pas que tout ce qui date de l’an­cienne époque doive être restauré. Ainsi nous ne remettons pas délibérément l’éclairage des années 1950, parce qu’il avait été spécifiquement conçu d’un endroit à l’autre en fonction des activités des enfants. Cela ne correspond pas à la fonction générique du bâtiment actuel en tant qu’environnement professionnel flexible. Je ne trouve d’ailleurs pas qu’il y ait de tension, plutôt un contraste naturel entre hier et aujourd’hui. Cette dialec­tique est essentielle pour ce type de pro­jets, nous en avons besoin pour repositionner le bâtiment à notre époque. » Odette Ex : « J’ai encore moins de problèmes avec cette ‘tension’. Pour moi c’est au contraire un défi. Notre tâche est de rendre le bâtiment confortable et

« EN trANSForMANt lE BÂTIMENT, NouS ajouToNS

uNE NouVEllE CouCHE dANS LE tEMpS »

odette ex

bpd MagazINE 4948

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« tout FAIrE AvEc uN SIMpLE ModuLE SpAtIAL »

HERMAN HERTZBERGER (né en 1932) a fondé son bureau d’ar-chitectes en 1958, après des études d’architecture. de 1959 à 1964, il a été rédacteur en chef de la revue d’architecture Forum, à laquelle ont collaboré Aldo van Eyck et Jaap Bakema. Avec le manifeste Het Verhaal, la revue s’est opposée à l’archi-tecture fonctionnaliste de la reconstruction. La conception structuraliste de Herman Hertzberger est toujours axée sur les relations humaines, les rencontres et l’utilisation multiple des

espaces. cela se voit dans son chef d’œuvre, le siège de cen-traal Beheer à Apeldoorn (1970) et dans ses récents projets, comme la rénovation du centre musical vredenburg à utrecht (2016). Herman Hertzberger a enseigné à l’Académie d’archi-tecture d’Amsterdam et a été professeur de 1970 à 1999 à l’université de technologie de delft. Il a reçu diverses distinc-tions (inter)nationales, parmi lesquelles la royal gold Medal du royal Institute of British Architects en 2012.

« ÉVITEZ LES FORMES NETTES, PENSEZ QU’UN BÂTIMENT DOIT OffRIR BEAUCOUP

DE POSSIBILITÉS »

[ HerMan Hertzberger A dÉFENdu LE pAtrIMoINE d’ALdo vAN EycK ]

ceux d’Aldo van Eyck. Pour le Burger­weeshuis, il s’est clairement laissé inspirer par une mosquée d’Ispahan, une maison de Le Corbusier, les métabolistes japonais, l’architecte Louis Kahn. Un architecte est imprégné de l’œuvre de ses prédécesseurs, il n’est que fort rarement frappé par un trait de génie. Les footballers ne marquent pas non plus un but tous seuls. La plupart des buts sont dus à un parfait centrage de ballon, à des actions admirablement chronométrées et préparées. Vous devez être au bon endroit au bon moment. »

« Son Burgerweeshuis est surtout réussi parce qu’il est fait d’éléments simples, constructifs et spatiaux. Tout comme cette mosquée à Ispahan. Cela avait donc été montré auparavant, mais dans l’architecture néerlandaise des années 1960, cela a été un véritable tour­nant. Nous venions de l’ère héroïque aux Pays­Bas, celle des nouvelles construc­tions, du progrès, du socialisme, des grands bâtiments blancs. Ils ont été qua­

siment dématérialisés : leur structure a été subordonnée à la forme. Le fonctionna­lisme, à savoir la forme qui suit la fonction, signifiait qu’il fallait concevoir une forme spécifique pour chaque fonction spéci­fique. Aldo van Eyck a rompu avec ce mouvement et a montré que ce n’était pas nécessaire. Avec un simple module spatial, vous pouvez créer n’importe quoi. Faites la comparaison avec un échiquier. C’est toujours la même chose, mais vous pou­vez y déployer toutes sortes de variantes. Il n’est même pas nécessaire de modifier l’architecture pour différentes utilisations. Ce concept témoigne de sobriété et d’une grande intelligence. Aldo van Eyck y a introduit une hiérarchie, en combinant des grands et des petits pavillons, mais ceux­ci représentent une seule unité spatiale. Il a utilisé une seule forme de pavillon, une seule sorte de linteau, une seule colonne – seulement trois éléments ! Certaines colonnes étaient renforcées à la base, pour pouvoir être chargées davantage sans que cela se voie de l’extérieur. Après coup,

Il a beau avoir 85 ans, il est encore très impliqué dans son agence d’ar-chitectes située dans le grenier d’une ancienne école d’Amsterdam. Aldo van Eyck a eu une influence considé­rable sur la vie professionnelle de Herman Hertzberger, laquelle s’étale sur plus de soixante ans. En 1986, Herman Hertz­berger a lancé une campagne internatio­nale contre le projet de démolition d’une partie du Burgerweeshuis. « Cet homme m’a mis sur la voie » a­t­il dit. « Son approche m’a immédiatement séduit. Les principes qu’il a appliqués à la concep­tion du Burgerweeshuis sont devenus pour moi une importante source d’inspi­ration : une thématique sur laquelle repose tout mon travail. »

« Tout le monde se laisse toujours inspirer par quelque chose », affirme­t­il aujourd’hui. « Les choses ne tombent pas toutes du ciel. Chaque bâtiment doit être vu dans un certain contexte. Cela vaut pour mes propres bâtiments comme pour

bpd MagazINE 5150

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uNE HIStoIrE ExcEptIoNNELLE

vice de l’Aménagement urbain des travaux publics, organise une rencontre entre Frans van Meurs et Aldo van Eyck. L’avant-projet est réalisé par Aldo van Eyck sur la base d’un cahier des charges détaillé éta-bli par Frans van Meurs. En 1956, Frans van Meurs se retire en tant que directeur, mais reste impliqué dans la construction.

1960 118 enfants et 25 employés s’instal-

lent dans le nouveau bâtiment conçu par Aldo van Eyck. Il est inauguré officiellement en 1961.

1986 des plans prévoi-ent de détruire

partiellement le bâtiment. ce dernier doit mieux corres-pondre à la fonction d’internat pour enfants de trois à quatorze ans. une pétition pour sauver l’orphelinat est lancée sous l’é-gide de l’architecte Herman Hertzberger et le soutien d’ar-chitectes des pays-Bas et de l’étranger. Le permis de démoli-tion et de construction demandé est annulé.

1989 L’orphelinat est vendu à un pro-

moteur immobilier. une autori-sation est accordée pour une nouvelle construction à côté de l’orphelinat. À la condition qu’Aldo van Eyck et sa femme Hannie soient impliqués dans la

rénovation et la réaffectation de l’orphelinat et qu’ils puissent concevoir le nouveau bâtiment (tripolis). L’Institut Berlage, un centre international de forma-tion des architectes, s’installe en 1991 dans la partie sud de l’orphelinat. La partie nord est encore utilisée comme foyer pour enfants.

1993 Les derniers enfants quittent le

bâtiment et la partie nord de l’orphelinat est aménagée en bureaux avec comme nom ‘garden court’. trois ans plus tard, un permis de construire est demandé pour transformer également la partie sud du bâtiment en espaces de bureaux. départ de l’Institut Berlage en 1997.

2009 L’ancien orpheli-nat obtient le sta-

tut de monument municipal.

2014 Le bâtiment obtient le statut

de monument classé, il est en grande partie vide et est loué pour éviter qu’il ne soit squatté. Il est acheté par Brouwershoff (aujourd’hui Zadelhoff) et Nij-kerk Burgerweeshuis.

2016 Le nouveau propriétaire

charge Wessel de Jonge Architecten de restaurer le bâtiment. En septembre 2016, Bpd annonce qu’il va y installer son bureau régional Nord-ouest. Il est décidé plus tard d’y établir le nouveau siège. Bpd confie l’aménagement intérieur à Ex Interiors.

2018 Bpd emménagera dans le bâtiment

en janvier 2018.

1937Le maire d’Amsterdam

et ses adjoints décident d’instal-ler le Burgerweeshuis (orpheli-nat municipal) et l’Inrichting voor Stadsbestedelingen (établissement pour les pen-sionnaires de la ville) dans un nouvel endroit à la périphérie de la ville.

1939 projet d’un nouvel orphelinat com-

mun par l’architecte Hulshoff de la municipalité d’Amster-dam. Il ne sera pas exécuté en raison du déclenchement de la guerre.

1940 Achat du terrain Amstelveense-

weg/IJsbaanpad.

1946 L’ancien conseiller municipal Frans

van Meurs est nommé directeur du Burgerweeshuis. Auparavant il en était régent et membre du conseil d’administration.

1953 Nouveaux plans pour la construc-

tion d’un nouvel orphelinat.

1954 Le directeur Frans van Meurs cher-

che un nouvel architecte pour l’orphelinat. Il est intrigué par les nouveaux terrains de jeux d’Aldo van Eyck à Amsterdam. Jakoba Mulder, responsable de la section projets auprès du ser-

SOURCES : S. Fischer, Burgerweeshuis, Aldo van Eyck, étude sur l’histoire de la construction et des couleurs, sur l’ordre de Wessel de Jonge Architecten, oegstgeest 2016. M. Steen-huis, M. Walda et J. Emmerik, Burgerweeshuis Amsterdam, analyse rapide de l’histoire culturelle, pour le compte de H-invest, effectuée par SteenhuisMeurs, Schiedam 2013. F. Strauven, Aldo van Eyck. relativiteit en verbeelding, Ams-terdam, 1994.

convenait parfaitement aux groupes fami­liaux. J’aurais dit alors : cela importe­t­il ? Ce n’est pourtant pas un problème. Mais Aldo van Eyck en a fait un problème. Il n’a donc pas tiré les conséquences extrêmes de ce qu’il avait lui­même pro­voqué. Ce qui a beaucoup joué sur ce plan est le fait qu’il considérait l’architec­ture comme un art. Il avait tout pensé jusque dans les moindres détails. Il n’était plus possible de changer quoi que ce soit, à l’instar d’une peinture. »

« Aldo van Eyck avait en fait encore un pied dans l’époque des solutions spécifiques et un autre dans le nou-veau monde. Il ne mâchait pas ses mots. Jamais. Il prenait aussi beaucoup de temps avec ses plans, il écrivait beau­coup, était très perfectionniste. Seuls son épouse Hannie et l’architecte Jaap Bakema osaient lui tenir tête. Il pouvait être très aimable, mais méprisait égale­ment toutes sortes de choses et pouvait alors facilement sortir de ses gonds. »

Les architectes sont différents de nos jours. Nous vivons à cet égard dans un monde incroyablement intéres-sant. Tout est fluide. L’architecture est également devenue fluide, les bâtiments peuvent aujourd’hui adopter d’autres fonc­tions. Mon propre ouvrage pour Centraal

Beheer (grande compagnie d’assurances néerlandaise, NDT) pourrait être trans­formé en logements. Magnifique. On voit aussi de plus en plus souvent que les bâtiments peuvent s’intégrer dans autre chose. Une école pourra faire partie d’une plus grande unité. Et le Burgerweeshuis a aussi obtenu une autre destination. Je trouve qu’il s’agit d’une évolution logique. C’est en travaillant avec des structures très élémentaires qu’Aldo van Eyck l’a en fin de compte rendu possible. Il n’a pas épargné sa peine, imprimant sa marque sur toutes sortes de formes et d’espaces. Grâce à cela, il serait même possible d’en faire un hôpital, alors qu’il s’agit d’un bâtiment bien spécifique. »

« La génération actuelle d’architectes peut encore apprendre d’Aldo van Eyck. Regardez les unités-espaces. Évitez les formes nettes. Pensez qu’un bâtiment doit offrir un grand nombre de possibilités. Toutes ces formes spécifiques pour tous ces objectifs spécifiques – cela n’est plus de notre époque. Faites un immeuble de bureaux de telle sorte qu’on puisse y habiter plus tard. Cette réflexion est extrêmement actuelle. Au supermar­ché, je peux acheter des pommes des Pays­Bas, d’Argentine et de Nouvelle Zélande. On devrait pouvoir retrouver cette mondialisation dans les bâtiments. »

l’on dit : c’est une façon de travailler qui semble évidente. Mais il fallait y penser à ce moment. »

« Je me demande d’ailleurs si Aldo van Eyck se préoccupait vraiment des utilisateurs de ses bâtiments. Le cahier des charges de l’orphelinat était fondé sur une répartition par âge : des plus jeunes aux plus âgés. Au sein d’une structure identique, Aldo van Eyck a imaginé des éléments pour chaque âge : des parcs supplémentaires pour les plus petits et des théâtres de marionnettes pour les plus grands. Il était donc très spécifique en ce qui concerne ces ajouts. On lui a reproché de ne pas donner de liberté aux gens, de décider pour eux. »

« C’est devenu mon sujet de prédi-lection : je voulais et veux autoriser cette liberté. Je considère qu’on doit toujours pouvoir utiliser un bâtiment pour de nouvelles fonctions. Aldo van Eyck avait du mal sur ce plan. Juste avant que l’orphelinat ne soit achevé, son conseil d’administration a décidé de ne plus tra­vailler en fonction de classes d’âge, mais de groupes familiaux. Aldo van Eyck ne l’a pas accepté. Il ne pouvait tolérer ce changement. Les parcs et théâtres de marionnettes qu’il venait de concevoir l’en empêchaient. Sans eux, le bâtiment

ALDO VAN EYCK (1918-1999).

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Page 28: BPD À AMSTERDAM ARTISTE LUCAS DE MAN POLITICOL …Interview croisée de Kim Putters du bureau néer landais du plan socioculturel et de l’entrepreneur social allemand Michael Wendt.

« NE vouS MÉprENEZ pAS, lES VIllES SE DÉVEloPPENT CoMME lES SouVERaINS du 21ÈME SIÈcLE »

NOUS SOMMES CONfRONTÉS à une crise gouvernementale et à une crise de la démocratie. L’État nation, le principal instrument de gouverne­ment depuis déjà 400 ans, fonctionne de moins en moins bien. Les États nations sont fondés sur la souveraineté, l’indépendance et les frontières natio­nales, et, en tant que tels, semblent impuissants à faire face aux problèmes urgents de notre monde sans frontières : le changement climatique, l’immi­gration, les maladies pandémiques, le terrorisme et les marchés mondiaux de la finance, des matières premières et du travail. Cette impuissance structu­relle est encore exacerbée par la crise idéologique qui affecte nos démocraties, des démocraties où la défiance vis­à­vis des élites et des autorités est manipulée en direction d’une politique toxique de peur et de haine. Cette politique réactionnaire et néo­populiste a généré le Brexit et Trump, et menace la survie de l’Union européenne. Elle ébranle davantage la capa­cité des États et des institutions internationales qu’ils ont érigées à résoudre les problèmes connexes du 21e siècle. L’érosion de la confiance dans les gouvernements nationaux va de pair avec la méfiance vis­à­vis de la démocratie elle­même. Le cynisme engendre le ressentiment et est un terrain fertile pour faire des « autres » des boucs émissaires : immigrants, musulmans, bureaucrates et élites des partis.

reMiSe en queStion

La crise gouvernementale se mue en crise de la démocratie, de sorte que le contrat social est remis en question : l’État nation peut­il encore rester debout, protéger la liberté et les possessions de ses propres citoyens, ce sur quoi est fondée l’obéissance aux autorités ? Si tel n’est pas le cas, nous avons besoin de formes de gouvernement alternatives en

vue de résoudre les problèmes de ce monde interdé­pendant. La réponse se trouve dans les villes, ces collectivités publiques qui représentent la majorité de la population mondiale et produisent 80% du PIB mondial. Ne vous méprenez pas, les villes se transforment en effet en souverains du 21e siècle. Dans mon livre Et si les maires gouvernaient le monde ? : Décadence des États, grandeur des villes (Rue de l’échiquier, 2015), j’ai souligné qu’il était temps de s’interroger sur les villes au lieu des nations, sur les maires au lieu des premiers ministres. J’ai tenté de démontrer que le temps d’un parlement mondial des maires était venu. Nous nous trouvons au cœur d’une révolution de la décentralisation où, comme l’a exposé le conser­vateur britannique George Osborne début 2016, « une décentralisation radicale profiterait à ces grandes villes », afin que celles­ci « reçoivent les ins­truments pour faire croître leurs propres économies locales ». Ou comme Bill de Blasio, le maire de New York, l’a dit : « Quand les gouvernements nationaux négligent de s’occuper de questions cruciales telles que le climat, il revient aux villes de le faire. »

villeS rebelleS

Lors de l’élection de Donald Trump fin 2016, Bill de Blasio a affirmé que si un gouvernement national réactionnaire essayait d’obliger les musulmans à s’inscrire pour révéler leur identité et leur religion, les villes pourraient « résister » et « refuser de s’y sou­mettre ». Dans le monde du populisme national réactionnaire, les villes rebelles pourraient se révéler comme la nouvelle norme dans leur refus d’admettre la violation des droits civils. Mais la faculté des villes à intervenir et à s’opposer aux violations des droits dépendra de leur pouvoir. Et ce pouvoir découle de leur capacité à travailler ensemble, à l’intérieur comme à l’extérieur des frontières. Alors que les

pourquoI lES MaIRES

DoIVENT gouVERNER

Les gouvernements nationaux sont de plus en plus impuissants à résoudre les problèmes mondiaux, affirme le politologue américain Benjamin Barber

disparu depuis peu. Et les citoyens se sentent également de moins en moins représentés par les politiques nationaux. Benjamin Barber plaide

pour un leadership urbain : un parlement mondial de maires.

VISION / ESSAI / TEXTE BENJAMIN BARBER

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Benjamin Barber est décédé juste après avoir écrit cet essai en avril 2017. Après avoir consulté ses proches parents, le magazine Bpd a reçu l’autorisation de le publier. c’est un hommage à Benjamin, à mes yeux un penseur exceptionnel, qui nous a quittés. J’ai fait sa connaissance en lisant son livre Et si les maires gouvernaient le monde ? et en tant qu’orateur lors du congrès de l’Association des communes néerlandaises en 2014. Il ne s’est d’ailleurs pas limité à des analyses, mais a également affiché son dynamisme avec la fondation du parlement mondial des maires. Son dernier livre Cool Cities est tout autant intéressant. Il y montre comment les villes coopèrent pour gérer le changement climatique en dépit de leurs différences en matière de richesses, de développe-ment et de culture. pour nous en tant que promoteur immobi-lier, il est important de l’illustrer avec les villes dans lesquelles nous aménageons. Walter de Boer, Président de BPD

plate­forme internationales aux villes pour une coo­pération politique mondiale. Le parlement mondial des maires résulte d’un souhait fondamental de moyens efficaces pour une autonomie ‘glocale’ (globale et locale). Autrement dit, le désir de donner la possibilité aux villes et à leurs citoyens d’intervenir puissamment et conjointement – sur la base d’un consensus. L’objectif n’étant pas de concurrencer les nations souveraines ni de leur porter atteinte. Au contraire, l’idée est de coopérer avec elles et l’ONU pour résoudre des problèmes d’ordre interna­tional. Cela est inscrit clairement dans la Déclaration de La Haye qui a été signée par les villes partici­pantes. Mais le GPM fait simultanément référence au droit des villes à intervenir au nom de leurs citoyens. Le Parlement interviendra en réalité au nom du pouvoir souverain des États, quand ces États pêcheront par ce qu’on pourrait appeler un ‘défaut de souveraineté’.

DonalD truMP

Nous avons encore un long chemin à parcourir avant une révolution municipale, mais déléguer aux villes face à une poussée du populisme réaction­naire et à Donald Trump est, en fin de compte, fondé sur une logique impérieuse de souveraineté et de droits. Il est peu probable que les villes aient besoin d’un argument aussi radical pour accomplir le travail commun, qui sera vraisemblablement salué tant par les États que les villes. Il est important de noter que si les autorités nationales perdent leur légitimité de par leur incapacité à protéger les vies et les libertés de leurs citoyens, et si le pouvoir passe à de nouveaux organismes municipaux qui soient, eux, capables de protéger ces vies et ces libertés, alors les villes pourront intervenir sur la base d’une nouvelle légitimité, qui s’ancre dans une variante de la souveraineté municipale.

« dANS LE MoNdE du popuLISME NaTIoNal RÉaCTIoNNaIRE, lES VIllES REBEllES PEuVENT ÊTRE LA NouvELLE NorME »

faITS SaIllaNTS

L’État nation semble incapable de faire face aux problèmes de notre monde sans frontières, tels que le changement climatique,

l’immigration et les marchés mondiaux de la finance, des matières premières et du travail.

•La réponse se trouve dans les villes, les organes municipaux qui

représentent une majorité de la population mondiale et produisent 80% du PIB mondial.

•L’objectif du ‘Global Parliament of Mayors’ (GPM) est de coopérer

avec les autorités et l’ONU, mais le GPM attire également l’attention sur le droit des villes à intervenir au nom de leurs citoyens si les

autorités nationales sont défaillantes.

citoyens sont désabusés et indignés par les autorités nationales et que la participation démocratique s’ef­frite au niveau national, la démocratie reste relative­ment solide au niveau municipal. (En moyenne, seul un tiers des citoyens de la planète dit avoir confiance dans son gouvernement national, tandis que les deux tiers ou plus indiquent avoir confiance dans leurs maires et autres dirigeants locaux.) Pour conti­nuer à développer la coopération et la confiance entre les villes, et sachant que le large éventail de réseaux urbains ne peut se passer d’une autorité administrative générale, des maires du monde entier se sont réunis du 9 au 11 septembre 2016 lors d’une session inaugurale du parlement mondial des maires : le Global Parliament of Mayors, soit le GPM. L’ancien maire de La Haye, Jozias van Aartsen, a reçu dans sa ‘Ville de Paix et de Justice’ plus de soixante­dix grandes et petites villes, de l’hémisphère nord et de l’hémisphère sud, développées et en voie de développement, côtières ou dans les terres. Alors que les rencontres annuelles se tiendront dans diffé­rentes villes (et seront complétées d’une nouvelle plate­forme virtuelle où les maires pourront se réunir à l’aide de smartscreens dans leurs propres mairies), La Haye héberge le secrétariat du GPM.

DÉFiS

La session inaugurale du Parlement visait à une action commune lors de défis internationaux urgents, parmi lesquels le changement climatique – où les villes doivent aider à réaliser les objectifs des accords sur le climat de Paris – et les réfugiés – les villes supportant la véritable charge des millions de gens fuyant la guerre civile, le terrorisme et l’oppres­sion ou cherchant du travail et une nouvelle exis­tence pour leurs familles. Les activités du GPM sont résumées dans la Déclaration de La Haye et un Énoncé de mission, qui donnent une voix et une

benJaMin barber

Benjamin Barber (1939­2017) était un politologue américain jouis­sant d’une renommée internationale avec ses livres Djihad versus McWorld (1996) et Et si les maires gouvernaient le monde ? : Décadence des États, gran­

deur des villes (Rue de l’échiquier, 2015). À la suite de ce dernier livre, il

a fondé le ‘Global Parliament of Mayors’, une plate­forme internatio­nale qui entend relier au niveau mon­

dial les villes, les maires et les citoyens. La première réunion de cette

plate­forme a eu lieu en septembre 2016 à La Haye. Benjamin Barber a

travaillé en tant que chercheur au The Center on Philanthropy and Civil Society de la City University à New York et a fondé le Walt Whitman

Center for the Culture and Politics of Democracy. Il a également été

conseiller politique pendant la prési­dence de Bill Clinton.

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EN HAUT : BARCELONE, ESPAGNE.

À GAUCHE : HONG KONG, CHINE.

LEt’S pLAy!on les trouve dans tous les coins, à de grandes hauteurs et à d’incommensurables profondeurs : les terrains de

sport, pris en sandwich entre la pierre, le verre et le béton.

INSPIRATION / PHOTOS KYLE HUBER, CHRISTIAN SCHOLL, SIEBE SWART, KHAN JUN MING AMOS,

IRWIN CHAN, IAN LEUNG, AHMAD FARID ALRAIS, IDRONEMAN

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TOKYO, JAPON.

EN HAUT : UTRECHT, PAYS-BAS.

EN BAS : SINGAPOUR.

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HONG KONG, CHINE.

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EN HAUT : VENISE, ITALIE.

À GAUCHE : DUBAÏ.

Kyle Huber (@asenseofhuber), christian Scholl (@zer0frndz), Khan Jun Ming Amos (@afrojacks_), Irwin chan (@irwinchan), Ian Leung (@ianleung_), Ahmad Farid Alrais (@aalrais), idroneman (@idroneman)

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doNNEr Aux HABItANtS LE pLuS d’INFLuENcE poSSIBLE pour crÉEr LEur proprE ENvIroNNE-

MENt rÉSIdENtIEL ESt LA MISSIoN prINcIpALE dE WINFrIEd HärtEL. « MAIS, coNStAtE-t-IL, LA

SItuAtIoN À BErLIN NE SE prÊtE ActuELLEMENt pAS À LA rÉALISAtIoN dE NouvEAux coNcEptS. »

Winfried Härtel est confronté à un épineux dilemme : on construit en province pour compenser l’inoccupation de demain, et la disponibilité de ter­rains à bâtir dans la zone urbaine de Berlin est insuf­fisante pour répondre aux besoins. « Cela commence déjà par la distribution de terrains dont les prix ont fortement augmenté. La municipalité est à la traîne et montre peu d’égards pour de nouveaux concepts créatifs. De nombreux terrains sont desti­nés aux logements sociaux. C’est bien, mais des espaces où développer des concepts de logement classique sont également nécessaires. »

coHabitat

Le bureau de Winfried Härtel s’occupe activement de conseiller et d’accompagner les acteurs du sec­teur privé du logement dans le développement de concepts d’habitat adaptés, et de rechercher des tiers désireux de s’engager en tant que bailleurs – Berlin étant un marché locatif pour plus de 80%. Des centaines de groupements de coopératives d’ha­bitation sont apparues à Berlin dans le secteur privé après la chute du mur. Winfried Härtel : « Jusqu’il y a un an ou deux, une grande liberté – propice à la réalisation de nouvelles idées – régnait. Maintenant que la pression sur le marché du logement aug­mente de même que les prix, de nombreux plans sont abandonnés. Il y a un grand besoin d’apport personnel et des idées fantastiques, mais la situation

économique et le processus de distribution des ter­rains font souvent en sorte qu’on finit par choisir une voie pragmatique de construction standard. Mais il existe une tendance positive : les futurs habi­tants participent de plus en plus à leur cadre de vie grâce à la technologie numérique. Un peu d’in­fluence malgré tout. »

initiativeS DeS HabitantS

Pour Winfried Härtel et son équipe, la tâche est de faire correspondre ‘ce qui est souhaité’ avec ‘ce qui est possible’. « Nous faisons souvent office de modérateurs dans les projets. Il s’agit de gérer l’at­tente en essayant de ne pas ébranler l’enthou­siasme. » Les grands promoteurs immobiliers devraient­ils davantage prêter oreille aux souhaits individuels ? « Oui, bien entendu. Mais je pense que la structure et les méthodes de travail de nom­breuses entreprises ne le permettront pas facile­ment : elles vendent des produits prêts à l’emploi. Je m’en réjouirais bien si les producteurs libéraient plus d’espace pour les initiatives des habitants, ne serait­ce que d’organiser des ateliers pour identifier les souhaits, avec par exemple un contrat de loca­tion de longue durée en guise de contrepartie. Alors vous pouvez créer un lien : entre les habitants, mais aussi entre ce qui est possible et ce qui est souhaité. Cela arrive parfois, même ici à Berlin, mais ce n’est pas encore la règle. »

1. winFrieD Härtel

Fondateur de Winfried Härtel projektentwicklung,

initiateur de la plate-forme cohousing-berlin.de

VISION / TEXTE RUUD SLIERINGS / PHOTOS ANTOINE MEYSSONNIER

SuCCÈS aVÉRÉS ET ÉPHÉMÈRES EN MaTIÈRE DE

DÉVEloPPEMENT IMMoBIlIER

L’urbaniste pèse le pour et le contre des modes de vie changeants, tendances démographiques irréversibles, migration continue vers la ville, innovation technologique, flux croissant de l’immigration. Le marché du logement est un terrain de jeu en constante évolution, d’autant plus que le client se détache du caractère axé sur l’offre de ce marché. c’est l’opportunité par excellence pour le secteur d’afficher expertise, inventivité et force.

cinq spécialistes internationaux donnent leur vision.

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« AxEZ-vouS Sur la RÉgIoN

uRBaINE, PaS SEulEMENT SuR

LA vILLE »

gÉrEr LE cHANgEMENt N’ESt pAS LE poINt Fort dES dIrIgEANtS, rEMArquE WILLEM SALEt. « quANd

LE MArcHÉ du LogEMENt SE portE BIEN, oN pENSE vItE quE THE Sky iS THE liMiT. MaIS lE PRoBlÈME

ESt quE c’ESt gÉNÉrALEMENt LE cENtrE-vILLE quI SErt dE rÉFÉrENcE, NoN LA rÉgIoN urBAINE. »

« Les décideurs n’arrivent guère à passer d’une réflexion axée sur la ville à une interprétation régionale de l’urba­nisme », poursuit Willem Salet. « De nombreuses villes raisonnent à partir de leur propre position et défendent la ville compacte du passé. Mais avec une approche aussi centralisée vous êtes plus sensible au battage médiatique, alors qu’une zone urbaine croît de façon plus constante. »Le marché du logement requiert une autre approche : « L’endroit où vous vivez contribue à façonner votre identité, les gens souhaitent davantage participer à sa conception. Il s’agit donc d’impliquer les habitants, de s’imaginer à leur service, de transformer les offreurs en demandeurs, de donner de l’espace au consommateur en tant que producteur. Or ce qui se passe est l’inverse : quand il s’est avéré que le modèle de croissance avait échoué il y a quelques années, il y a eu provisoirement davantage d’espace pour des initiatives propres, mais maintenant que la crise est derrière nous, la croissance organisée de logements l’emporte à nouveau. »

MÉtroPoleS

Un exemple de ce qu’il ne faut pas faire, sur le plan urba­nistique, est Amsterdam : « Tout tourne autour de la ville­même, pas de ses environs. La concentration visée – encore davantage de gratte­ciels – conduit à des situa­tions indésirables. Elle polarise et différencie, les prix grimpent et la sélection s’aiguise, tout cela au détriment des nouveaux arrivants. Cela crée une ville déséquilibrée et une hypersensibilité au battage médiatique. Une ville

aujourd’hui a besoin d’un modèle d’aménagement du territoire pour la région et d’un bon réseau de transports en commun. Rotterdam et La Haye s’y prennent mieux, la zone entre les deux villes fait partie de la région urbaine et présente un grand potentiel. J’habite à La Haye : devant ma porte m’attend un réseau de métro de 150 km. Cela est encore mieux organisé à Berlin. On y a déjà commencé il y a un siècle à mettre en place l’urbanisme à l’échelle du Berlin actuel, avec un réseau express régional dense de transports en commun. Une centaine de com­munes se sont ainsi développées pour constituer une gigantesque métropole régionale, avec plusieurs centres. Parallèlement, il y a énormément d’espace, on peut emprunter une piste cyclable verte sur 25 km et à peine se rendre compte que l’on pédale dans une métropole. »

zoneS rÉSiDentielleS PrÉconçueS

Willem Salet ne cesse de s’étonner que nous fassions toujours des ‘zones résidentielles préconçues’. « Pour­quoi les acteurs du marché et les organismes de loge­ment n’offrent­ils pas aussi par exemple des services qui faciliteraient bien la cohabitation et la vie profession­nelle ? Ils peuvent mieux s’en charger qu’une commu­nauté d’habitants de par leur force organisationnelle. Il y a beaucoup d’initiatives, mais je ne les retrouve pas encore dans les chiffres. Pas seulement sur le plan de l’urbanisme, mais aussi parce qu’il me semble que la réalisation de l’environnement bâti a besoin d’urgence d’une nouvelle approche. »

2. willeM Salet

professeur émérite d’urbanisme,

université d’Amsterdam

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3. DeSirÉe uitzetter

directrice développement immobilier

Bpd pays-Bas

DaNS uN MaRCHÉ oRgaNISÉ TRaDITIoNNEllEMENT, oN VEuT SouVENT allER TRoP VITE.

pourtANt, dESIrÉE uItZEttEr vEut AccÉLÉrEr LE MouvEMENt. « NouS SAvoNS BIEN gÉrEr LA

dEMANdE dE LogEMENtS ou dE BurEAux pArtAgÉS. MAIS LE pLuS IMportANt ESt LA quEStIoN

dE SAvoIr SI L’INFrAStructurE NÉcESSAIrE À LA MoBILItÉ dANS uNE rÉgIoN ExIStE. »

Un projet standard de promotion immo­bilière court sur quinze ans. Anticiper les tendances s’avère donc laborieux. Pour­tant : « Nous surveillons en permanence les tendances. Nous testons l’impact des projets et nous examinons à partir de là quelle suite nous pourrions leur donner, dans une analyse de rentabilité. »

aPPuyer Sur l’accÉlÉrateur

BPD est engagé sur plusieurs fronts quant aux projets d’économie partagée. Des expérimentations avec des concepts circulaires figurent sur la liste de projets : « Sur le terrain de la laiterie Coberco à Arnhem (Pays­Bas) par exemple, nous développons une zone entièrement circu­laire. Le fait que nous puissions la réali­ser rapidement dépend des procédures de droit public. Mais la municipalité est pour, donc je pense que nous pourrons aller plus vite. »La volonté d’aller plus vite n’est pas tou­jours là, regrette Desirée Uitzetter. « Dans ce secteur il ne s’est pas passé grand­chose ces dix dernières années. Nous avons été tellement pris de court par la crise que de nombreux plans ont

été gelés. Nous avons également dû veil­ler au grain. Mais nous devons désormais appuyer sur l’accélérateur. Et prêter oreille aux exigences actuelles. Cela signifie : répondre avec souplesse à l’évo­lution de la demande des consomma­teurs. Hélas, la volonté d’investir dans les projets à risques est toujours faible. On ose un peu plus, mais alors seulement dans les villes ayant le vent en poupe. »Indépendamment des tendances, des modes et des évolutions, c’est la mobilité qui va vraiment faire bouger les lignes. « La connexion à l’environnement est la cheville ouvrière de n’importe quel déve­loppement immobilier. Ce n’est pas une approche universelle, chaque région pré­sente des exigences uniques en matière d’infrastructure. Mais la question de savoir où nous en serons dans dix ou quinze ans ne semble guère susciter d’intérêt. »

aSSurer la viabilitÉ

Répondre aux nouveaux besoins de loge­ment est, selon Desirée Uitzetter, dans le domaine du possible. « Nous pouvons intégrer de nombreux souhaits dans le développement immobilier. Il s’agit sur­

tout d’une évolution démographique : il y a davantage de personnes seules dispo­sant d’un revenu insuffisant pour acheter indépendamment un logement. Les gens ont besoin les uns des autres, notamment pour obtenir un financement. En même temps, la volonté de partager n’est pas une tendance générique. La plupart des acquéreurs veulent avoir une influence, mais aussi que nous les déchargions le plus possible de ces soucis. C’est une bonne nouvelle, car ils sont enclins à ne considérer que leur propre situation, alors qu’un promoteur porte la responsabilité du cycle de vie d’un quartier et doit par conséquent voir plus loin que l’individu. »Elle trouve, malgré tout, ce sens de la responsabilité quelque peu délicat : « Les politiques ont tendance à penser les solu­tions à la question du ‘logement’ dans un ensemble plus vaste, comme si l’habitat n’avait pour fonction que d’être un sous­produit de solutions de transforma­tion, de durabilité ou de mobilité. Il fau­drait au contraire davantage investir pour assurer la viabilité à long terme et réflé­chir sur un cadre de vie durable, et ce impérativement avec les habitants. »

« LA MoBILItÉ EST la CHEVIllE

ouVRIÈRE DE TouT DÉVEloPPEMENT

IMMoBILIEr »

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5. Peter caMP

Auteur du livre Wonen in de 21ste eeuw. Naar een hedendaags Utopia (‘vivre

au 21e siècle. vers une utopie contemporaine’, en néerlandais uniquement)

« dES INItIAtIvES ÉMANANt dE LA SocIÉtÉ SoNt SouvENt LE MotEur pour FAIrE BougEr

LES LIgNES », AFFIrME pEtEr cAMp. « LES proMotEurS quI y dÉcouvrENt dE NouvELLES

coMBINAISoNS produIt-MArcHÉ, y AccordENt ENSuItE uNE MASSE crItIquE. »

Peter Camp est un sociologue des orga­nisations qui, après sa retraite, a réalisé son vœu le plus cher : écrire un livre sur les futures formes d’habitat. Il est aussi expert du vécu, car il s’occupe de mettre sur pied, avec un groupe d’habitants composé de générations différentes, des logements en communauté à Arnhem : « Si, en tant que municipalité, vous acceptez de travailler avec de tels collec­tifs, vous obtenez en même temps un réseau de voisinage dynamique, des per­sonnes qui organisent des choses et se présentent comme ambassadeurs d’un quartier, autrement dit des habitants qui façonnent un cadre de vie dynamique. De plus en plus de communes, de sociétés et de coopératives immobilières, veulent faciliter ce mode de vie, même si elles ne sont hélas guère enclines à mettre à dis­position des sites adaptés. »

granDe DiverSitÉ

Le besoin de partager des logements et des bureaux et de créer un cadre de vie avec d’autres est en plein essor. Selon Peter Camp, cela est dû essentiellement à la croissance du nombre de personnes vivant seules. « Ce groupe n’est pas uni­

forme quant à sa composition. Les jeunes ont souvent des moyens insuffisants pour acheter un logement ou ne veulent pas encore se fixer. Il y a des divorcés dési­reux de rester seuls. Et il y a des per­sonnes âgées ayant perdu leur partenaire. Une forte diversité caractérise ce dernier groupe : des personnes âgées vulnérables et menacées de solitude ou pour lesquels des soins s’avèrent nécessaires, en même temps que des seniors pleins de vitalité ayant d’autres besoins. »

ServiceS PartagÉS

Son étude sur les nouveaux types de logement a enthousiasmé Peter Camp. « De nombreux endroits en Europe débordent d’énergie. Les promoteurs immobiliers y sont de moins en moins insensibles. Lors de la réaffectation d’an­ciens sites industriels, des groupes d’ha­bitants sont régulièrement utilisés pour les dynamiser. De vieux immeubles de bureaux sont transformés en studios dotés de services partagés. Des éco­quar­tiers avec des jeunes familles sont mis en place. Les installations sont partagées dans les nouvelles communautés. Toutes les initiatives d’habitants sont captées

par les acteurs du marché. Car cela ne fait pas l’ombre d’un doute : ces acteurs du marché sont incontournables. » Pour­tant la réalisation d’un nouveau concept d’habitat ne se déroule pas toujours aisé­ment. Une excellente idée de projet non conventionnel se heurte souvent à son financement. « Les investisseurs ne débordent pas d’enthousiasme pour financer des idées insolites, mais il existe quand même des banques traditionnelles qui développent peu à peu de nouveaux modèles de rentabilité offrant un espace pour des formes d’habitat alternatives et des projets d’autoconstruction collectifs. Il s’agit encore de faire œuvre de pion­nier, mais le fait est que l’habitant acquiert davantage d’influence sur le pro­cessus et que les parties privées et publiques s’y associent aussi de plus en plus. Trouver la forme idéale de coopéra­tion est une épreuve de force, réaliser des types d’habitat qui répondent aux futurs besoins est l’épreuve finale. »

4. nicolaS FerranD

Nicolas Ferrand a été nommé fin octobre 2017 préfigurateur de la Solideo (Jo2024).

Ajouter à son titre ses dates de mandat (avril 2014 - nov. 2017)

PouR CoNCEVoIR la VIllE Du fuTuR, Il fauDRa CHoISIR uNE NouVEllE

ApprocHE. « LA LogIquE SELoN LAquELLE LE pLAN dE SItuAtIoN dIctE

LE proJEt d’urBANISAtIoN AppArtIENt Au pASSÉ », AFFIrME NIcoLAS FErrANd.

« LE dIALoguE ESt LE NouvEAu FoNdEMENt. »

Il va de soi que le mode de vie des personnes a toujours été lié à la façon dont les villes sont conçues. Mais parce que ce mode de vie a fortement évolué et devient plus individua­liste, un nouveau regard sur l’urbanisme s’impose, considère Nicolas Ferrand. Il est responsable de l’aménagement de Marne­ la­Vallée, territoire de 150 kilomètres carrés reliant 27 communes à l’est de Paris. « Le plan flexible, axé sur le marché et le mode de vie, est en phase avec la planification urbaine. Le processus d’urbanisme y gagne en flexibilité et répond mieux aux besoins des futurs utilisateurs. »

Davantage De ParticiPation

Pour Epamarne, ce dialogue avec les faiseurs et les utilisateurs de la ville est une bénédic­tion. « C’est un processus dynamique de nos jours que de créer une ville, un travail de coopération. Nous misons fortement sur la concertation avec les habitants et les impli­quons dès la phase de projet lors d’un amé­nagement régional. Cette approche suscite un grand enthousiasme. Les promoteurs immobiliers s’engagent aussi à travailler de cette façon, ce qui bénéficie grandement à la qualité des projets urbains. » Exemple : en

2016, une plate­forme en ligne a été mise en place pour la conception et la réalisation d’un parc municipal de 13 hectares dans la zone du plan. Nicolas Ferrand : « Cela per­met d’impliquer les habitants de façon ludique dans la conception durable de leur environnement. Nous avons pu ainsi réunir une communauté d’utilisateurs et aboutir à un consensus sur sa programmation. Le défi désormais est d’aller plus loin et d’aménager un projet d’urbanisme entier sur ce modèle. »

MobilitÉ

Nicolas Ferrand souligne que la mobilité à l’échelle de la métropole parisienne est cru­ciale pour réussir. « Le nouveau métro, le Grand Paris Express, va relier un grand nombre de centres de taille moyenne tout autour du cœur de la capitale. L’ensemble de la métropole constitue la référence, ce qui permet davantage de flexibilité dans l’aménagement urbain. »

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lE CollaBoRaTIf EN guISE dE FIL d’ArIANE

CONTEXTE / TEXTE KLEIS JAGER / PHOTOS YVES ROUSSEAU

« des couloirs avec des portes fermées et derrière chaque porte un bureau individuel. » Arnaud Sadourny, directeur des relations Humaines de Bpd Marignan, parle de son ancien siège comme s’il s’agissait d’un lointain et sombre souvenir. À l’ancienne adresse, l’on pouvait facilement travailler

toute une journée sans rencontrer quelqu‘un.

Tout cela est révolu. Depuis le 15 mai, Arnaud Sadourny travaille dans le HUB, nom du nouveau siège. Soit deux étages et demi d’un bâtiment qui en compte huit, et 4.500 m² de surface. Le reste est en location, le propriétaire de l’im­meuble est l’investisseur Standard Life. Le HUB est une belle vitrine du savoir­faire de BPD Marignan, indique Arnaud Sadourny. « Le bâtiment est clair et transparent et respire la qualité. » Tout le monde évolue désormais dans des espaces de travail connectés, semi­ou­verts et ultra collaboratifs, autours de trois ambiances soigneusement choisies pour le bien­être de ses collaborateurs : « Comme à la maison » pour les espaces communs, « loft­atelier » pour les salles de réunion et « éco­appartement » pour les espaces de travail.

Se Sentir cHez Soi

L’aménagement est très agréable selon Arnaud Sadourny qui qualifie l’ambiance générale de chic et confortable. Il y a des coins salons et des cuisines avec des détails qui confèrent un sentiment d’inti­mité « Le mobilier est ergonomique, chaises, bureaux et meubles de travail sont d’excellente qualité. ». » Tout comme la qualité de l’air et l’isolation

acoustique et thermique. Les morceaux de bois utilisés pour couvrir les murs autour des ascenseurs proviennent de bois flotté recyclé. Un énorme succès esthétique, aux dires des usagers du bâti­ment. Arnaud Sadourny a baptisé ‘New Work’ l’esprit du HUB. Ce concept a été utilisé auparavant par le philosophe exis­tentialiste américain Frithjof Bergmann, un penseur convaincu qu’il importe de tenir compte davantage des souhaits individuels des travailleurs pour un cadre de travail plus humain. ‘New Work’ va bien plus loin que le ‘travail’, que beau­coup de gens associent à toutes sortes de notions négatives et de limites, consi­dère­t­il. « ‘New Work’ est synonyme d’ouverture, de transparence et de flexi­bilité. Si les personnes se déplacent plus facilement dans le bâtiment et se ren­contrent plus aisément, le travail se déroulera de façon plus fluide, plus effi­cace. D’où le nom HUB qui signifie incu­bateur, un terme qui exprime également l’échange et l’interactivité. Vu du ciel, le bâtiment forme d’ailleurs un H. »

ceriSe Sur le gÂteau

Le nouvel endroit présente également un immense avantage. BPD Marignan est toujours installé à Levallois­Perret à

l’ouest de Paris. « Mais nous sommes désormais juste à côté de la gare, d’où un train vous emmène en cinq minutes à Paris Saint­Lazare, une jonction très importante. » Pour les automobilistes, il y a un parking de 98 places, dont dix sont pourvues de bornes de recharge pour voi­tures électriques. Cerise sur le gâteau : les œuvres d’art du HUB. Elles résultent de la charte ‘1 immeuble, 1 œuvre’’ signée en 2015 entre BPD Marignan (et 13 autres acteurs du marché de l’immobilier) et le ministère français de la Culture, et par lequel BPD s’engage à installer une œuvre d’art dans chaque nouveau bâti­ment. Sabine de Courtilles a signé ‘Human contact’ (page 75 en haut) dans la cafétéria, une sculpture collaborative de vingt­deux mains de collaborateurs moulées dans du plâtre et fixées sur des tuyaux. ‘Un miroir sans miroir’, tel est le nom que lui a donné l’artiste. La terrasse donnant sur les espaces communs au premier étage (photo en bas à gauche) est parée d’une œuvre d’usage de Natalie Elemento. ‘Espace commun’ consiste en d’élégantes volutes vertes autour des­quelles peuvent évoluer les collaborateurs lors de leurs pauses. L’artiste a souhaité évoquer toute la gamme des attitudes et émotions sur le lieu de travail.

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À QUEL POINT CET ENDROIT EST-IL IMPORTANT

POUR VOUS ? QUE VOUS Y MANQUE-T-IL ?

« Binckhorst et KoMpAAN ne font qu’un. Nous brassons la Binckse Belofte, une bière pour pro-mouvoir le site. Nous pouvons facilement livrer à la ville et à la plage à partir de Binckhorst. Mais il nous manque encore une cohésion entre le tra-vail, le logement et le secteur de la restauration.

QUELLES SONT VOS ATTENTES POUR VOTRE

ENTREPRISE ET POUR CET ENDROIT ?

« Binckhorst devient de plus en plus intéressant pour les habitants de La Haye et pour les tou-ristes. La municipalité va y installer l’éclairage et paver le quai. conjugué à nos propres plans, cela nous aidera à poursuivre notre développement. »

QUE FAITES-VOUS AVEC VOTRE ENTREPRISE ET

AVEC QUELS PARTENAIRES TRAVAILLEZ-VOUS ?

« KoMpAAN est une brasserie et un lieu de dégustation. Nous travaillons avec des boulangers et des fermiers des environs, des agences de design et des spécialistes comme des fabricants de meubles. Nous écoulons notre bière dans toute La Haye et notre salle de dégustation est devenue un lieu de rencontre pour tout le quartier. »

KoMpAAN – LA HAyE NOM : Jasper Langbroek (35 ans) | FORMATION : techniques du mouve-

ment | ENTREPRISE : KoMpAAN (depuis 2012) | ACTIVITÉ PRINCIPALE : bras-serie et vente de bière | PERSONNEL : 12 pour les ventes, la distribution et le

brassage | LIEU : ancienne zone industrielle de Binckhorst à La Haye

INSPIRATION / TEXTE MALIN KOX , BERTUS BOUWMAN, KLEIS JAGER / PHOTOS JANITA SASSEN, JANA DORN, NIKOLAS HAGELE, MICHAëL GUICHARD

AdIEu L’INduStrIE, BoNJour L’ArtISANAt

Des quartiers et des bâtiments, abritant autrefois des usines, sont désormais revenus à la vie grâce à de jeunes artisans entrepreneurs.

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tHE good Food – coLogNE NOM : Nicole Klaski (34 ans) | FORMATION : droit

NOM DE L’ENTREPRISE : the good Food (depuis 2014)

ACTIVITÉ PRINCIPALE : lutte contre le gaspillage des denrées alimentaires

PERSONNEL : 15-20 bénévoles | LIEU : cologne (Ehrenfeld)

QUE FAITES-VOUS ?

« Nous vendons des aliments qui seraient autrement jetés, les gens peuvent décider eux-mêmes ce qu’ils veulent payer. vous trouverez chez nous des légumes qui ne sont pas assez jolis pour le super-marché et des produits ayant officiellement dépassé leur date de péremption. J’ai commencé par un étal sur le marché tant j’étais exaspérée par le gaspillage, désormais nous louons un bâtiment. Nous allons chercher nous-mêmes les légumes à la ferme. »

À QUEL POINT CET ENDROIT

EST-IL IMPORTANT POUR VOUS ?

« Extrêmement important. Ici c’est incroyablement multiculturel, cela se reflète bien dans notre clientèle. Les habitants du quartier qui viennent ici ne font pas leurs achats en quatrième vitesse, ils parlent volon-tiers de la façon dont nous gérons les aliments. »

QUELLES SONT VOS ATTENTES ?

« Ehrenfeld se développe rapidement, une foule de petits cafés et un glacier y ont ouvert. Fait remar-quable, ils sont souvent créés par des femmes. Nous tenons depuis peu des réunions régulières entre entrepreneurs du quartier sur la façon dont nous pourrions l’améliorer. Nous considérons l’intégration comme notre tâche, c’est pourquoi nous organisons des fêtes de rue. »

QUELLES SUBVENTIONS Y A-T-IL POUR LES STARTUPS ?

« À cologne se trouve le coLABor, un espace de coworking pour des personnes travaillant sur des pro-jets durables. Nous y avons obtenu un bureau pour six mois dans le cadre du Social Impact Stipendium. Nous pourrons au cours de cette période bâtir un bon réseau et rencontrer de nombreux colaboristes. »

FArAdgANg E.v. – BErLIN NOM : Bastian Boss (34 ans) | FORMATION : design

NOM DE L’ENTREPRISE : Faradgang e.v. (2015)

ACTIVITÉ PRINCIPALE : faciliter la mobilité avec le vélo

PERSONNEL : 12 bénévoles | LIEU : Berlin (Neukölln) et cologne

QUE FAITES-VOUS ?

« Nous bricolons des vélos avec des jeunes du quartier chaque semaine. Les bicyclettes réparées sont destinées à des personnes qui ne peuvent pas se permettre d’en acheter une. Il s’agit surtout d’occuper les jeunes qui autre-ment traîneraient peut-être sans but. Le vélo est le moyen de relier les gens entre eux. Nous recevons de l’aide d’or-ganisations sociales, de la municipalité et d’entreprises. »

À QUEL POINT CET ENDROIT EST-IL IMPORTANT POUR VOUS ?

« c’est hyperlocal, nous habitons tous dans le coin. Mais comme nous sommes un peu en retrait, nous manquons de visibilité. c’est pourquoi nous avons régulièrement un stand sur les marchés le week-end. »

QUELLE AIDE AVEZ-VOUS OBTENU DE LA MUNICIPALITÉ ?

« Nous avons bénéficié à quatre reprises d’un petit soutien financier. Mais cela suffit, nous n’avons pas besoin de beaucoup d’argent. »

QUELLES SONT VOS ATTENTES ?

« Nous avons commencé au coin d’une rue, c’est donc bien que nous puissions utiliser un lieu de travail chaque semaine. J’aimerais bientôt en disposer d’un avec un petit café, où les jeunes qui viennent maintenant bricoler auraient un vrai travail. »

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QUE FAITES-VOUS ET AVEC QUELS

PARTENAIRES TRAVAILLEZ-VOUS ?

« Le dutch Bicycle centre est une colla-boration entre diverses sociétés de vélos. Nous partageons les connais-sances, travaillons ensemble, innovons et faisons de la promotion. Les entrepre-neurs associés – un coiffeur à vélo, un loueur de vélos et un coursier à vélo entre autres – ne se concurrencent pas. »

À QUEL POINT CET ENDROIT

EST-IL IMPORTANT POUR VOUS ?

QUE VOUS MANQUE-T-IL ?

« Le complexe Honig représentait pour nous un endroit idéal pour nous lancer, parce que beaucoup de mètres carrés étaient disponibles. Nous déménage-rons en principe dans cinq ans dans un lieu encore plus vaste, pour nous per-mettre d’accueillir davantage d’entreprises. »

QUELLES SONT VOS ATTENTES ?

« une belle collaboration entre des entreprises de vélo internationales à l’usine Honig, ou autre part dans la région de Nimègue. »

AVEZ-VOUS OBTENU DE L’AIDE

DE LA MUNICIPALITÉ ?

« Non hélas. Il n’y avait pas de possibili-tés. récemment le maire nous a rendu visite et nous avons également eu une réunion avec ses conseillers, mais ils n’ont pas de cagnotte pour nous soutenir ni maintenant ni dans un proche avenir. »

DuTCH BICyClE CENTRE – NIMÈguE

NOM : Joppe van Stiphout (37 ans) | FORMATION : Économie commerciale | NOM DE L’ENTREPRISE : dutch Bicycle centre

(depuis 2014) | ACTIVITÉ PRINCIPALE : vente de vélos spéciaux et publicitaires pour les entreprises

PERSONNEL : 3 dans la vente et au bureau LIEU : l’ancienne usine Honig à Nimègue

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QUE FAITES-VOUS ?

« realiz3d fait des visualisations en 3d de projets consultables en ligne pour le secteur immobilier. L’utilisateur peut notamment y modifier les couleurs et les matériaux de construction pour voir quel effet cela aurait. ou il installe des meubles dans un bureau paysager pour évaluer les besoins d’espace. Nous disposerons bientôt d’un outil qui per-mettra d’aménager un appartement en quelques clics. »

À QUEL POINT CET ENDROIT

EST-IL IMPORTANT POUR VOUS ?

« Nous sommes installés dans une magni-fique maison avec une cour intérieure dans le populaire dix-huitième arrondisse-ment de paris. c’est un cadre fabuleux pour nos collaborateurs et c’est en outre un grand avantage de travailler dans la ville, tous nos clients y sont aussi, nos bureaux contribuent à notre succès. Nous partageons l’espace avec une autre startup, Bulb in town, et c’est très sti-mulant. Même s’ils font tout autre chose (plate-forme de financement participatif), on peut échanger des informations sur les affaires, les bourses, les subventions et la concurrence. »

QUELLES SONT VOS ATTENTES

« Nous sommes actuellement en train de financer notre croissance. En 2016, nous avions un chiffre d’affaires d’un million d’eu-ros, il doit augmenter de 50 à 80%. Le dix-huitième arrondissement a toujours été un quartier pauvre de la ville, mais il est aujourd’hui en plein essor et deviendra de plus en plus populaire pour les entreprises. L’accessibilité s’améliore aussi d’après nous grâce aux plans pour le développement du ‘grand paris’ – un plan important pour faire de la région parisienne une métropole mon-diale durable. »

QUELLES SUBVENTIONS Y A-T-IL POUR LES

STARTUPS ?

« La France a de nombreuses mesures inci-tatives pour les startups, surtout dans le domaine de la technologie. Nous avons-nous-mêmes profité de beaucoup de sou-tiens, par exemple sous forme de prêts sans intérêt, de subventions et de dispositions fiscales. »

REalIz3D – PaRIjS NOM : Jean-Maxime gil (33 ans) | FORMATION : Master management

EScp (École supérieure de commerce de paris) | NOM DE L’ENTREPRISE : realiz3d (fondée en 2013 avec deux collègues d’une banque d’affaires)

ACTIVITÉ PRINCIPALE : visualisations innovantes | PERSONNEL : 32 LIEU : une ancienne maison du 18ème arrondissement parisien

STuDIo kREMlIN – IVRy-SuR-SEINE NOM : Éric ducher (52 ans) | FORMATION : autodidacte

NOM DE L’ENTREPRISE : Studio Kremlin ACTIVITÉ PRINCIPALE : productions audiovisuelles | PERSONNEL : 3

LIEU : une ancienne usine de mécanique à Ivry-sur-Seine

QUE FAITES-VOUS ?

« Le Studio Kremlin est un complexe audiovisuel. des bureaux et un atelier de construction de décors – et quinze entre-prises actives dans le domaine du film, de la télévision et de la publicité – jouxtent un plateau de tournage de 1.500 m². »

À QUEL POINT CET ENDROIT

EST-IL IMPORTANT POUR VOUS ?

« de par sa nature d’ancienne usine, Studio Kremlin se démarque des studios tradition-nels. Ici, l’architecture du bâtiment est aussi importante que les services proposés, et son cachet industriel attire les productions en quête d’un décor naturel à forte identité visuelle, nos équipements techniques étant qualitativement comparables à ceux de nos concurrents. Nous sommes particulière-ment attachés à notre activité d’hôtel d’en-treprises pour aider à nous faire connaître de la profession et créer une atmosphère propice aux collaborations entre les pro-ducteurs, techniciens, prestataires et artistes que nous hébergeons.

QUELLES SONT VOS ATTENTES ?`

« Au-delà de la rentabilité, nous visons un environnement inspirant, simple, et profes-sionnel ! quatre ans après le lancement du projet, le studio va bientôt s’agrandir afin de ressembler un peu plus à notre idée ini-tiale : un village audiovisuel aux portes de paris, dans lequel pourrait s’épanouir le cinéma audacieux de nos vœux. »

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CONTEXTE / TEXTE MARGRIET BRANDSMA / PHOTOS JAN DE VRIES

« SI NouS N’AppuyoNS pAS AuJourd’HuI

Sur L’AccÉLÉrAtEur, ALorS quANd ? »

Le conseiller municipal pour la construction gregor Bonin entend métamorphoser Mönchengladbach très bientôt. Il considère la ville comme une entreprise devant faire ses preuves sur le marché. « Nous voulons être le

numéro un parmi les villes de taille similaire, un point c’est tout. »

LE LIfTING DE MÖNCHENGLADBACH

NI ÉTUDE S’ÉTALANT SUR plu­sieurs années, ni analyse détaillée, pour Gregor Bonin. Il veut réaliser des projets de haute qualité à court terme. Il y a déjà suffisamment de rapports et d’enquêtes. « La situation est mûre, donc à quoi bon attendre ? Qu’est­ce que cette ville doit attendre ? Encore discuter d’un plan pendant deux ans ? Les taux d’intérêt sont bas, il y a de l’argent sur le marché et nous sommes au cœur de la concur­rence. Si nous n’appuyons pas mainte­nant sur l’accélérateur, alors quand ? »

PaS De cHÂteauX en eSPagne

Gregor Bonin n’arrive guère à maîtriser son impatience, il a du mal à contenir son flot de paroles. Son enthousiasme est contagieux, son objectif ambitieux. « En

2020, il y aura à nouveau des élections municipales. Je n’ai pas besoin d’avoir peur que nos projets soient annulés dans une nouvelle constellation politique, car ils font l’objet d’un large soutien. Mais je préfèrerais que nous soyons alors à un stade irréversible. À cette époque, il fau­dra qu’il y ait le plus d’échafaudages pos­sible pour que les habitants puissent voir que nous ne construisons pas de châ­teaux en Espagne. » Les projets dont parle Gregor Bonin ont été établis dans la Stadtentwicklungsstrategie mg+ (Mönchengladbach+), Wachsende Stadt, une stratégie qui montre clairement que Mönchengladbach se développe qualita­tivement et qu’il s’agit de l’aménagement de la ville dans son ensemble. « Cela intrigue également les investisseurs qui

sont venus nous voir d’eux­mêmes. Ils sont curieux de ce qui se passe ici et sont séduits par notre ambition de qualité et notre prise en considération de l’en­semble de la ville. Il semble que ce soit un énorme avantage. L’aménagement urbain ne concerne pas seulement l’ar­chitecture et les constructions, mais aussi la sécurité, la mobilité, la propreté, l’emploi, la culture et le sport. »

la ville en tant qu’entrePriSe

En plus de qualité, Gregor Bonin parle aussi volontiers de la ville en tant qu’en­treprise. Il considère la ville comme un groupe, et l’aménagement urbain comme un produit qui en découle. Ce produit doit faire ses preuves sur le marché et être compétitif. « Tout le monde est

LE BLAUHAUS EST UNE PROUESSE ARCHITECTURALE HÉBERGEANT L’ÉCOLE SUPÉRIEURE NIEDERRHEIN, LA COMPAGNIE

D’ÉLECTRICITÉ NEW ET PLUSIEURS STARTUPS. LE BLAUHAUS EST INDÉPENDANT SUR LE PLAN ÉNERGÉTIQUE.bpd MagazINE 85

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« vErS 2020, IL FAudrA qu’IL y AIt LE pLuS d’ÉcHAFAudAgES poSSIBLE »

importe de tirer parti de ce potentiel. Mais : « Non seulement nous le disons, nous le faisons. D’abord le schéma direc­teur (voir l’encadré ‘Calendrier’) et main­tenant la Stadtentwicklungsstrategie mg+ Wachsende Stadt a fait de la ville une communauté soudée, comme si on était tous solidaires de Borussia Mönchenglad­bach (club de football de la ville, NDT). »

Jungle

Par conséquent, le sentiment est né qu’il est possible de faire davantage que la ville ne l’a montré jusqu’à présent. Que la ville doit faire preuve de davantage d’audace, d’ambition et d’assurance. Que l’on réa­lise que les politiques, les fonctionnaires et les citoyens en sont capables ensemble. « Vous allez chez le coiffeur et vous entendez qu’il se passe quelque chose ici. Les gens croient que cette ville a des pos­sibilités et cela renforce la communauté. Les investisseurs ont compris également le message. Ils viennent et constatent le potentiel, comme dans les autres villes. Mais nous offrons en outre la solidarité et la fiabilité : vous êtes les bienvenus dans cette ville, nous vous guidons dans la jungle de la politique, nous nous chargeons des autorisations, vous pouvez escomp­ter un beau rendement, en bref, vous êtes chez nous entre de bonnes mains. » En amont du schéma directeur, un grand nombre de personne ont fréquenté les

concerné par la croissance et le dévelop­pement. Mönchengladbach ne doit pas concurrencer des villes comme Cologne ou Düsseldorf, mais des villes de taille similaire. Nous voulons être le numéro un parmi ces villes, c’est tout. » La ‘ville groupe’ consiste selon lui en politique et administration, en organisations liées à la ville et dans les habitants de Mönchen­gladbach. Au sein du groupe, il importe que tous les regards soient braqués dans la même direction. « Laissez­moi préci­ser ma pensée à l’aide d’un exemple. Le marketing urbain ne doit pas se limiter à l’organisation d’événements. Il faut se demander si un événement donné peut jouer un rôle primordial pour l’avenir de la ville. Quel est le segment cible ? Et encore bien plus important : si le seg­ment cible est composé de jeunes familles, avons­nous bien la bonne offre de logements pour eux ? Qu’en est­il des écoles, de l’emploi ?

city oSt

Gregor Bonin ajoute que rien n’arrive sans rien. Dès la toute première ébauche de leur projet, les urbanistes devaient savoir quel en serait le résultat, ce que cela procurerait à la ville et comment ils allaient le communiquer. « Si je commence un projet de construction dans une zone donnée, je dois savoir ce que je dois investir, de quelles personnes j’ai besoin, ce qu’elles paieront comme impôts, quels emplois je dois leur offrir, en bref quel sera le résultat final. C’est un simple calcul arithmétique, d’où la comparaison avec un groupe et un produit. Il s’agit

réellement d’un défi, car ce n’est pas une ville prospère. » Et cela est payant. Avec, si c’était possible, encore plus d’enthou­siasme, il évoque City Ost, un quartier entièrement nouveau qui va s’élever au cours des années à venir sur un vaste ter­rain en friche près de la Hauptbahnhof (gare centrale). « Pour cela, nous sommes partis en quête d’investisseurs par le biais d’une adjudication européenne et nous sommes actuellement en pleine négocia­tion. City Ost est synonyme d’habitations en centre­ville sur un lac que nous allons aménager. La première étape est la construction de 400 logements et ensuite celle de 600 supplémentaires au maximum. Là, habiter, travailler et se distraire iront de pair. C’est un projet clé de la Stadtentwicklungsstrategie mg+ Wachsende Stadt dans la mesure où il est lié à d’autres aménagements. Et il présente une valeur émotionnelle. Les habitants voient que quelque chose de vraiment important se produit, qu’on y investit. Il était impensable il y a peu qu’on trouve un investisseur pour ce genre de projet. » Ce n’est pas exagéré. On remarque en effet à Mönchenglad­bach qu’il se passe quelque chose, que la ville est en pleine effervescence. Com­ment l’expliquer ? Gregor Bonin hésite et dit en souriant que sa ville a du potentiel et qu’on le dit aussi dans d’autres villes. Et qu’ensuite chacun souligne qu’il

Fin 2010, des habitants et des entrepreneurs lancent à Mönchengladbach le verein Mg3.0_Masterplan Mönchen-gladbach e.v. à l’initiative de plusieurs architectes pour exprimer leur insatisfaction quant à la façon dont la ville se développe. L’idée de l’associa-tion : ne pas se plaindre mais aider à résoudre le problème et offrir un schéma directeur à la ville. Les politiques craignent que l’association n’accapare

les tâches du conseil munici-pal et réagissent au départ avec défiance. Mais à l’été 2011, le conseil municipal exprime son soutien au schéma directeur. Sa mise en œuvre est accompagnée d’ateliers et de réunions de concertation auxquelles parti-cipent des centaines d’habi-tants. En 2013, la municipalité de Mönchengladbach adopte le Masterplan Mg 3.0 en tant que concept d’aménagement urbain. Le plan a été élaboré en consultation avec l’archi-tecte britannique Sir Nicholas grimshaw. trois ans plus tard, à l’été 2016, le conseil munici-

pal émet un avis positif sur la Stadtentwicklungsstrategie mg+ Wachsende Stadt, qui inclut le schéma directeur.La stratégie est mise au point sous la houlette de gregor Bonin qui avait (et est) aussi été impliqué dans l’association du Masterplan Mönchenglad-bach créée en 2010. La straté-gie présente un certain nombre de priorités spatiales qui devront être développées dans les dix prochaines années : notamment le centre-ville de Mönchengladbach, le quartier rheydt et le terrain de l’école supérieure Niederrhein comme axe de jonction. Le

but est de transformer le cam-pus de Niederrhein en cité innovante des sciences et de la recherche. Le lifting com-prend des dizaines de projets de construction (nouveaux bâtiments, transformation et rénovation), le développe-ment d’un quartier entière-ment nouveau (city ost) et l’amélioration des structures économiques et sociales. La ville souhaite une offre plus importante dans le domaine de la culture, du sport et des sciences. Le mot d’ordre de la Stadtentwicklungsstrategie mg+ Wachsende Stadt : la qualité au lieu de la quantité.

CALENDRIER

ABTEIBERG (À DROITE SUR LA PHOTO) EST UN MUSÉE DES BEAUX-ARTS DES 20ÈME ET 21ÈME SIÈCLES. UNE RUE APPELÉE

‘TRAUMSTRASSE’ LONGE LE MUSÉE, ELLE TIRE SON NOM DES CINQ LANTERNES QUI LA RENDENT FÉÉRIQUE LE SOIR.

bpd MagazINE 87

Page 45: BPD À AMSTERDAM ARTISTE LUCAS DE MAN POLITICOL …Interview croisée de Kim Putters du bureau néer landais du plan socioculturel et de l’entrepreneur social allemand Michael Wendt.

INSPIRATION / EN DÉVELOPPEMENT / TEXTE MALIN KOX / PHOTOS STUDIONINEDOTS

LILLE: Art’MoNIA

ArNHEM : coMpLExE CoBERCo

3x AvEc uNE TouCHE INDuSTRIEllE

Les anciennes zones industrielles se transforment en nouveaux quartiers d’habitation, avec un caractère bien à elles : une touche industrielle, beaucoup d’espaces verts ou une architecture singulière. Amusez-vous à comparer le complexe néerlandais coberco (ancienne laiterie) au

central&park allemand (ancienne gare de triage) et à l’Art’Monia français (ancienne usine citroën).

fRaNCfoRT-Sur-LE-MAIN : quArtIEr EuRoParéunions d’information qui ont été orga­

nisées. C’était d’après lui la première fois dans cette ville qu’autant de gens étaient impliqués dans la planification urbaine. Cette implication est toujours palpable dans la Stadtentwicklungsstrategie mg+ Wachsende Stadt. Par le biais d’Internet, les habitants peuvent par exemple don­ner leur avis sur les projets concernant l’ancien centre­ville, le plan stratégique Abteiberg, et ils sont très heureux de le faire. Le public est impliqué dans les pro­jets et se montre largement préparé à y participer personnellement. Gregor Bonin : « Nous espérons que cela conduira à une nouvelle identification avec la ville, que les habitants auront le sentiment que nous le faisons ensemble. Pas seulement les politiques et les fonc­tionnaires, non, nous prenons aussi nos

responsabilités et aimons vivre dans cette ville. » Il fait preuve autant de réalisme que d’optimisme. Il reconnaît que cer­taines choses sont laborieuses. Le conseil municipal et la coopération entre les poli­tiques et les collaborateurs de la munici­palité doivent s’améliorer pour se concentrer davantage sur les clients et les segments cibles. Il qualifie cela d’offen­sive sur les structures traditionnelles. Cela n’arrivera pas du jour au lendemain. Mais : « La Stadtentwicklungsstrategie mg+ Wachsende Stadt nous occupe depuis un an et cela se passe bien. Si bien que dans quelques années, à la fin de mon mandat de conseiller municipal, j’aimerais brandir mon verre devant le lac de City Ost au succès de l’opération avec tous ceux qui y ont participé. »

gREgoR BoNIN

Gregor Bonin (né en 1960 à Münster) est depuis fin 2015 conseiller municipal à Mönchengladbach pour l’urbanisme, l’aménagement urbain, la mobilité et

l’environnement. Il a étudié l’architecture à Aix­la­Chapelle et s’est spécialisé en urbanisme. De 1993 à 2006, il a tra­

vaillé pour la ville de Düsseldorf, d’abord au service de l’aménagement urbain, puis en tant que chargé de mission

auprès du maire. En 2006, Gregor Bonin a été élu à Düsseldorf conseiller munici­

pal pour l’urbanisme, l’aménagement urbain et l’immobilier. Bien qu’il ait été réélu en 2014, il a choisi de travailler

pour la ville où il habite, Mönchenglad­bach. Gregor Bonin est marié et a deux fils. L’art est une source d’inspiration

pour lui et il peint lui­même.

MINTO, LE NOUVEAU CENTRE COMMERCIAL DE MÖNCHENGLADBACH ATTIRE

L’ATTENTION DU MONDE ENTIER EN RAISON DE SON ARCHITECTURE SINGULIÈRE,

NOTAMMENT SA fAÇADE ARRONDIE.

bpd MagazINE 8988

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« art’monia a oBtenu un Prix Pour son architecture

originale et innovante »gILDAS ROBIC, DIRECTEuR gÉNÉRAL

ADJOINT HABITAT DE BPD MARIgNAN

L’ancienne usine citroën rue de Wazemmes à Lille a cédé la place à la résidence primée Art’Monia. Située au cœur de la ville, à mi-chemin entre le théâtre Sébastopol et le marché du quartier de

Wazemmes, c’est un magnifique endroit où vivre. quatre stations de métro sont à un jet de pierre. Le centre-ville de Lille est à dix minutes. Art’Monia fait partie d’un plus grand complexe de six bâtiments

en tout. En plus des appartements, il y a des espaces pour les magasins. Le projet a été récom-pensé lors de la 14ème édition des pyramides d’or

et a reçu la pyramide d’Argent dans la catégorie Mixité urbaine. Art’Monia a obtenu ce prix pour son architecture originale et innovante et pour la fonc-

tion que va remplir le bâtiment dans le quartier. Avant la construction de la résidence, Bpd Mari-

gnan a hébergé des personnes en situation précaire sur le site par l’intermédiaire du gestionnaire de

biens immobiliers vacants camelot Europe.

FAITS & CHIFFRES

- Début de la construction :

déjà commencé- Livraison : fin 2019- 286 appartements

- Superficie totale : 12.830 m2

original et innovant

France > lille >

art’Monia

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À Francfort-sur-le-Main, la cinquième ville d’Alle-magne, le nouveau quartier Europa sera achevé

dans les prochaines années. Les travaux ont démarré sur l’ancienne aire de triage de marchan-

dises et de la gare Hauptgüterbahnhof il y a plus de dix ans. Aujourd’hui, l’énorme terrain de quelque 90

hectares abrite des écoles, des entreprises, des crèches et des appartements. un bel exemple dans

ce projet est central&park. ces vingt-cinq rési-dences sont entourées de pelouses et d’arbres.

c’est à l’architecte paysagiste ute Wittich qu’a été confiée la conception des espaces communs, des

jardins particuliers et des espaces verts publics. Son travail a été couronné du prix ‘garten-oskar’

décerné par l’association allemande de l’art du jar-din et du paysage pour avoir créé un cadre de vie agréable et utilisé des plantes indigènes. pour les habitants cela signifie qu’ils baignent dans la ver-dure et ont quasiment toujours vue sur la nature.

Entre les bâtiments, un terre-plein aménagé en jar-din de roses promet des promenades idylliques.

FAITS & CHIFFRES

- Début des travaux : 2012

- Livraison : 2016- 357 appartements

- Superficie totale : 31.000 m2

vert et PolYvalent

alleMagne > FrancFort-Sur-le-Main

> quartier euroPa« central&Park est un oasis de Paix dans l’agitation de

la ville de FrancFort »WOLFgANg LIPPERT, RESPONSABLE

DE PROJET DE BPD ALLEMAgNE

bpd MagazINE 93

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HERBERT BOSCH, RESPONSABLE DE L’AMÉNAgEMENT

CHEZ BPD PAYS-BAS

« en matiÈre de logements, il Y en a

Pour tous les goÛts »

vivre au bord de l’eau est souvent possible aux pays-Bas, mais ce ne sera jamais aussi exceptionnel qu’à Arnhem, à côté de la frontière avec l’Allemagne. Le

terrain d’une ancienne laiterie sur le rhin va se métamorphoser en nouveau centre d’attraction de

la ville qui se distinguera par sa polyvalence. Les habitants d’Arnhem pourront bientôt vivre, travailler et se détendre dans les bâtiments de l’ancien com-plexe coberco. L’agencement fermé classique sera transformé par l’ajout de places, d’espaces verts et de nouvelles constructions. Ainsi, ce ne sont pas

seulement les résidents, mais aussi les voisins et les passants qui viendront faire leurs courses au marché

bio ou s’attabler à une terrasse dans l’ancienne chaufferie. « En matière de logements, il y en a pour tous les goûts », affirme Herbert Bosch responsable de l’aménagement chez Bpd pays-Bas. « Il y a des studios pour les étudiants et les primo-accédants, des maisons pour les familles et aussi des apparte-ments exclusifs sur le rhin et des penthouses sur

l’ancienne usine. » Sur ? oui, au-dessus ! Le toit de l’usine fait office de plancher pour les apparte-

ments. Et pas seulement : les éléments de construc-tion qui sont démolis servent de matériaux pour les

nouveaux logements à construire.

FAITS & CHIFFRES

– Début des travaux : 2018

– Première livraison : début 2019– 280 maisons et appartements

diversiFiÉ et inclusiF

PayS-baS > arnHeM >

coMPleXe coberco

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chiffre d’affaires en 2016 en milliards

€ 1,7

nombre de logements vendus

en 2016

10.000

logements vendus depuis la fondation

330.000

logements en portefeuille

72.000

collaborateurs plus de

840

Marseille

LilleRouen

Toulouse Montpellier

Rennes Tours

Delft Amsterdam Eindhoven Amersfoort Zwolle

Nantes

Bordeaux

Lyon

Annecy

Munich

Stuttgart

Francfort

Nuremberg

CologneDüsseldorf

Berlin

Hambourg

Strasbourg

Paris

FR

BPD EST L’UN DES PLUS IMPORTANTS promoteurs immobi­liers en Europe. Notre société, implantée en Allemagne, en France et aux Pays­Bas, a réalisé des logements et des quartiers résidentiels pour plus d’un million d’Européens. En Allemagne et aux Pays­Bas, elle est connue sous le nom de BPD et en France sous celui de BPD Marignan. La dimension et la complexité des sites développés par BPD varient énormément. BPD développe, notamment aux Pays­Bas, des zones d’expansion urbaine allant jusqu’à plusieurs milliers de logements. Mais aussi des pro­grammes d’appartements à Munich, de toutes nouvelles villas à Nice, des lotissements ne pouvant accueillir que quelques maisons au cœur d’Amsterdam… Ainsi, BPD intervient sur de très grandes opérations comme sur de très petites et l’entreprise développe indifféremment des projets et des quartiers.

environneMentS DynaMiqueS

BPD souhaite contribuer à réaliser des ‘environnements dynamiques’, des cadres de vie qui vivent par eux­mêmes. Qui offrent un espace de sérénité tout en incitant à des activités dans la rue, et où les résidents aiment cohabiter. BPD prône la qualité de l’environnement bâti en accordant une attention soutenue à tout ce qui participe au bonheur de vivre. De l’aménagement des espaces publics aux espaces verts. De la variété et de l’harmonie architecturale à la sécurité et à l’accessibilité.

cHeF D’orcHeStre

La conception et le développement de nouveaux quartiers résidentiels mobilisent généralement une multitude d’inter­venants. Collectivités (locales), urbanistes, architectes, entrepreneurs et bien entendu ‘nos’ résidents pour qui nous travaillons en fin de compte. De par ses compétences organisationnelles, il n’est pas rare que BPD joue un rôle d’initiateur et de chef d’orchestre dans le processus de développement, lequel s’échelonne souvent sur plusieurs années. Dans la mesure du possible, nous conservons les vestiges du passé dans les nouveaux quartiers. Bâtir, c’est ajouter sa pierre à ce qui existe déjà. Dans un nouveau quartier, présent et passé doivent pouvoir être palpables.

bureauX rÉgionauX

Il n’y a pas à proprement parler de marché européen du logement et, même au sein de l’Allemagne, de la France ou des Pays­Bas, d’importantes différences régionales existent. Ainsi, dans une ville de province néerlandaise, il peut y avoir une forte demande pour des maisons unifamiliales dotées d’un jardin orienté vers le sud, alors qu’à Hambourg ou à Lyon, ce sont les appartements luxueux qui sont très prisés, surtout s’ils offrent une vue sur l’Elbe ou le Rhône. Fort de dizaines de bureaux régionaux disséminés dans ces trois pays, BPD est au coeur des marchés du logement et aucune tendance n’échappe à notre vigilance.

naiSSance auX PayS-baS

et DÉveloPPeMent en euroPe

BPD a été créé en 1946 par plusieurs municipalités néer­landaises. Pendant les années de pénurie de logements, le groupe a réuni des fonds pour financer la construction de logements abordables. Cette approche répondait à un grand besoin. Actuellement, aux Pays­Bas, en France et en Allemagne, près de 330.000 logements ont été réalisés par notre intermédiaire. BPD est désormais un promoteur immobilier de premier plan avec près de trente succursales en Europe. Chaque année, le groupe réalise et livre plu­sieurs milliers de logements, à vendre ou à louer. En 2016, BPD a joué un rôle de pionnier : nous sommes le premier promoteur à offrir la possibilité de procéder en ligne à la totalité du processus d’acquisition d’un logement. BPD fait partie de la Rabobank. Cela donne à notre entreprise les moyens de nous concentrer sur notre cœur de métier : la création d’environnements dynamiques, où il fait bon vivre.

EN lIgNE

bpdeurope.com bpd.nl

bpd­marignan.fr bpd­de.de

PROfIL BPD

330.000 logEMENTS VENDuS ET auTRES faITS & CHIffRES À PRoPoS DE BPD

bpd MagazINE 9796

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COORDONNÉES BPD

HAuTS-DE-FRANCE / NORMANDIE /gRAND EST521, boulevard du Président HooverBP 7000359008 Lille CedexT +33 (0)3 28 091 515g.robic@bpd­marignan.comGildas Robic, Directeur Général Adjoint Habitat

PARIS/ ILE-DE-FRANCE4, place du 8 mai 194592300 Levallois­PerretT +33 (0)1 49 641 515l.bonnardot@bpd­marignan.comLuc Bonnardot, Directeur Général Adjoint Habitat

PAYS DE LA LOIRE /BRETAgNE / CENTRE-VAL DE LOIREImmeuble AsturiaBâtiment A4, rue Edith Piaf44800 Saint­HerblainT +33 (0)2 51 831 500m.niederlender@bpd­ marignan.comMichel Niederlender, Directeur Général Adjoint Habitat

PROVENCE-ALPES-CÔTE D’AZuR / OCCITANIEL’Astrolabe79, boulevard de DunkerqueCS 8044413235 Marseille Cedex 02T +33 (0)4 96 151 815f.monichon@bpd­marignan.comFrédérique Monichon, Directrice Générale Adjointe Habitat

AuVERgNE-RHÔNE-ALPES107 rue ServientCS 1351369442 Lyon Cedex 03T +33 (0)4 72 361 515j.bonnet@bpd­marignan.comJean­Xavier Bonnet, Directeur Général Adjoint Habitat

OCCITANIE / NOuVELLE-AQuITAINE11, place Tourny33000 BordeauxT +33 (0)5 32 280 080m.gaidot@bpd­marignan.comMichel Gaidot, Directeur Général Adjoint Habitat

DIRECTION NATIONALE IMMOBILIER D’ENTREPRISES4, place du 8 mai 1945 92300 Levallois­Perret T +33 (0)1 49 64 15 15 p.arcens@bpd­marignan.comPierre Arcens, Directeur National Immobilier d’Entreprises

BPD EuROPE BV

Westerdorpsstraat 66 3871 AZ HoevelakenPays­Baswww.bpdeurope.com MANAGING BOARD

Walter de Boer, CEO Hayo Doornink, COOCarl­Jan Kreikamp, CFO

PAYS-BAS

BPD ONTWIkkELINg BVSIÈGE SOCIAL

Westerdorpsstraat 66 3871 AZ [email protected] Walter de Boer, CEO

ALLEMAgNE BPD IMMOBILIEN ENTWICkLuNg gmbHSIÈGE SOCIALLyoner Straße 1560528 FrancfortT +49 (0)69 509 579 2900 www.bpd­de.deFranz­Josef Lickteig, Président

FRANCE

BPD MARIgNANSIÈGE SOCIAL4, place du 8 mai 194592300 Levallois­PerretT +33 (0)1 49 641 515 www.bpd­marignan.com Jean­Philippe Bourgade, Président

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« À CE RYTHME EN 2050, NOUS SERONS ENTRE 9 ET 11 MILLIARDS D’HABITANTS DANS LE MONDE »

JacintHa ScHeerDer / Futurologue cHez we tHe Future / Page 10

« JE VEUX UNE SOCIÉTÉ OÙ LES GENS S’ENTRAIDENT ET SE SOUTIENNENT AUSSI MORALEMENT »

MicHael wenDt / Directeur Du centre culturel Du quartier ‘Die Motte’ / Page 35

« UNE MAISON OUVERTE SUR LE MONDE ET DESTINÉE À DONNER AUX GENS UN SENTIMENT D’APPARTENANCE »

SHaron olDenKotte-vroliJK / Directrice art & culture bPD / Page 45

« NE VOUS MÉPRENEZ PAS, LES VILLES SE DÉVELOPPENT COMME LES SOUVERAINS DU 21ÈME SIÈCLE »

benJaMin barber / Politicologue/ Page 55

« LA MOBILITÉ EST LE PIVOT DU DÉVELOPPEMENT IMMOBILIER »

DeSirÉe uitzetter / Directrice DÉveloPPeMent iMMobilier bPD PayS-baS / Page 71