BOURRASQUE - Théâtre Montansier · 2018. 5. 7. · composé Bourrasque, que Félix Prader met en...

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BOURRASQUE De Nathalie Bécue Mise en scène Félix Prader REVUE DE PRESSE Service de presse Isabelle Muraour | Emily Jokiel 01 43 73 08 88 www.zef-bureau.fr

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BOURRASQUE

De Nathalie Beacutecue

Mise en scegravene Feacutelix Prader

REVUE DE PRESSE

Service de presse

Isabelle Muraour | Emily Jokiel

01 43 73 08 88

wwwzef-bureaufr

Journalistes venus Quotidien Jean-Pierre Leacuteonardini LrsquoHumaniteacute Armelle Heacuteliot Le Figaro Hebdomadaire Nicolas Ponse Femme actuelle Mensuel Eric Demey La Terrasse Trimestriel Patrice Pavis Theacuteacirctre public Web Claudine Arrazat critiquetheatreclau Freacutedeacuteric Perez spectatiffr Sarah Franck arts-chipelsfr Jean Grapin lareuvueduspectalefr Morgane Patin bullesdeculture Martine Piazzon froggydelight Mathias Youb leblogdudoigtdansloeil Dominique Darzacq webtheatrefr Judith Policar comme il vous plaira Micheline Rousselet snes Gilles Virtel wanderersitecom Julia Bianchi le-coryphee Marguerite Dornier lebruitduofftribune Annick Drougou spectacles seacutelection

Marie-Claire Poirier abrideabattue Gilles Costaz webtheatrefr Jean-Luc Jeener lefigarofr Radio Alexandre Laurent Radio IDFM laquo Empreintes raquo Evelyne Selles-Fischer Radio freacutequence Protestante laquo Le manteau drsquoArlequin raquo Chantal Ozouf Radio Soleil Andreacute Malamut Radio soleil Marianne Joly France Info

Florence Pons RFI

Bourrasque une piegravece agrave couper le souffle

signeacutee Nathalie Beacutecue Par Jean-Luc Jeener Mis agrave jour le 03042018 agrave 15h41 | Publieacute le 03042018 agrave 07h00 Lactrice sest inspireacutee dun des reacutecits de lIrlandais John Millington Synge pour sa fresque dun monde pauvre et acircpre Elle y joue le rocircle dune femme rugueuse dans un univers ougrave le deacutechaicircnement des eacuteleacutements les bouffeacutees de fantastique apportent et la peur et le reacuteconfort Cest un tout petit peu long une heurehellip On a beau penser que si le formidable Pierre-Alain Chapuis joue le rocircle dun homme mort assis cacheacute sous un drap blanc cest bien quil va finir par ressusciter on se languithellip On aimerait que ce comeacutedien magistral entre plus vite dans le vif de la piegravece Nathalie Beacutecue comeacutedienne sensible femme intelligente sest prise damour pour les eacutecrits de lIrlandais John Millington Synge (1871-1909) et on la comprend Elle a voulu adapter lun des textes du recueil intituleacute Les Icircles dAran que lon peut lire dans la tregraves bonne traduction de Franccediloise Morvan (Actes Sud) Sous la direction preacutecise de Feacutelix Prader Nathalie Beacutecue est Alice Burke femme de la terre Bourrue attachante Son mari Daniel (Pierre-Alain Chapuis) vient de mourir Elle recircve tout haut devant Michaeumll Dara (Theacuteo Chedeville) le marin celui qui vient dailleurs et John (Philippe Smith) On est plongeacutes dans un monde qui nous est eacutetranger mais que lon reconnaicirct pourtant Un monde pauvre et acircpre dans lequel le deacutechaicircnement des eacuteleacutements les bouffeacutees de fantastique apportent et la peur et le reacuteconfort Deacutecor lumiegraveres costumes sont bien accordeacutes agrave latmosphegravere et les comeacutediens sont bons Mais que Chapuis legraveve lœil et lon est ravi Il est grandiose Irlandais dans lacircme Eacutenorme et irreacutesistible Theacuteacirctre de la Tempecircte Cartoucherie de Vincennes route du Champ-de-Manœuvre (XIIe)

Ce sont des femmes en mouvement

MARDI 3 AVRIL 2018

le Groenland monologue eacutecrit par Pauline Sales subtilement mis en scegravene par Baptiste Guiton au TNP-Villeurbanne Photo Michel Cavalca

La chronique theacuteacirctre de Jean-Pierre Leacuteonardini

La scegravene nrsquoest-elle pas le lieu ideacuteal sinon de lrsquoeacutemancipation des femmes du moins des

velleacuteiteacutes de leur souveraineteacute Voyez Ibsen Deux exemples drsquoaujourdrsquohui Nathalie Beacutecue agrave

partir de lrsquoOmbre de la valleacutee de lrsquoIrlandais magnifique John Millington Synge (1871-1909) a

composeacute Bourrasque que Feacutelix Prader met en scegravene avec rigueur (1) Synge affirmait qursquoau

theacuteacirctre laquo il faut du reacuteel il faut aussi de la joie raquo Pari tenu devant cette histoire au verbe

haut agrave la segraveve populaire fertile en meacutetaphores ougrave lrsquoon voit et entend Alice Burke (Nathalie

Beacutecue) eacuteperdue de solitude devant le cadavre assis de son mari (Pierre-Alain Chapuis) qui

soudain se dresse face agrave deux preacutetendants un jeune berger ancien marin (Theacuteo Chedeville)

et un poegravete errant (Philippe Smith) double aveacutereacute de Synge Nathalie Beacutecue met en jeu une

eacutenergie farouche au service drsquoune partition agrave lrsquoharmonie rugueuse tisseacutee de tous les deacutesirs

drsquoune liberteacute dure agrave prendre agrave laquelle il faut bien se reacutesoudre Le trio viril Pierre-Alain

Chapuis agrave sa tecircte nrsquoest certes pas en deccedilagrave mais semble un peu meacuteduseacute et crsquoest justice par

le rythme drsquoemportement absolu qursquoimpulse la comeacutedienne agrave ce manifeste drsquoeacutemancipation

au lyrisme acircpre

Un texte tregraves dense hacheacute haletant veacuteritable flot de paroles

Dans le Groenland monologue eacutecrit par Pauline Sales subtilement mis en scegravene par Baptiste

Guiton (en 2009 deacutejagrave il srsquoy eacutetait attaqueacute) Tiphaine Rabaud Fournier nrsquoest pas seule puisque

Seacutebastien Quencez est preacutesent sur le plateau pour jouer du Beacutela Bartok agrave point nommeacute sur

un piano agrave roulettes que la parleuse bouge freacutequemment pour srsquoinventer un espace

introuvable (2) Elle est censeacutee srsquoadresser sans cesse agrave sa petite fille avec laquelle il srsquoagirait

de srsquoenfuir vers le froid absolu Un texte tregraves dense hacheacute haletant veacuteritable flot de paroles

englobant une infiniteacute de menus peacuteripeacuteties et de reacuteflexions au cours desquelles la jeune

megravere (lrsquoest-elle vraiment lrsquoenfant nrsquoest-elle pas qursquoimaginaire ) laisse libre cours agrave toutes

impulsions y compris celle drsquoabandonner la chair de sa chair comme on disait jadis dans les

romans drsquoordre moral Cela se vit chez le spectateur en toute complexiteacute au sein drsquoune

espegravece de griserie susciteacutee par la motriciteacute fieacutevreuse neacuteanmoins savamment domineacutee de

lrsquointerpregravete qui srsquoavance loin dans lrsquoaffirmation du sujet autonome que figure la personne agrave

qui elle precircte vie qui nrsquoambitionne rien tant que devenir elle-mecircme soit celle sans doute

qui a eacutecrit le Groenland lorsqursquoelle fut megravere justement il y a de cela dix ans

1 Theacuteacirctre de la Tempecircte jusqursquoau 15 avril

2 TNP-Villeurbanne jusqursquoau 14 avril

Accueil gt Bourrasque de Nathalie Beacutecue drsquoapregraves Synge

Critiques Theacuteacirctre

Bourrasque de Nathalie Beacutecue drsquoapregraves Synge

par Gilles Costaz

Un orage irlandais

Les titres des documents et des affiches de Bourrasque ne preacutecisent sans doute pas

suffisamment qursquoil srsquogit drsquoune adaptation drsquoune piegravece de John Millington Synge LrsquoOmbre de

la valleacutee Nathalie Beacutecue srsquoest inspireacutee tregraves librement de la piegravece et des teacutemoignages laisseacutes

par lrsquoeacutecrivain quand il partit vivre quelque temps dans les icircles drsquoAran Crsquoest bien le monde de

Synge qursquoon trouve ici mecircme si lrsquoeacutevolution des personnages nrsquoest plus tout agrave fait la mecircme et

mecircme si le langage a un rugueux qui vient surtout de lrsquoimagination de lrsquoauteure franccedilaise

Dans un hameau perdu sur lrsquoune de ces icircles lamineacutees par les tempecirctes un couple survit

difficilement agrave la fin de leur amour totalement eacutepuiseacute par les anneacutees qui ont passeacute La

femme a gardeacute toute son eacutenergie lui tient agrave peine debout Et drsquoailleurs au moment ougrave un

nouveau voisin vient faire ses salutations le mari srsquoeffondre Mort Dans ces contreacutees-lagrave on

redresse un peu le mort et on le couvre drsquoun drap Et on continue agrave boire Entre lrsquoeacutepouse et

le visiteur la sympathie se deacuteveloppe Elle pourrait les mener loin Ils font quelques projets

plutocirct indiffeacuterents au cadavre Mais le mort se reacuteveille Il a tout entendu A-t-il simuleacute sa

mort Il nrsquoest pas content Tout ce monde plus un autre passant qui rapplique hausse la

voix montre les poings Mais avec le retour de lrsquohumaniteacute et de la luciditeacute tout pourrait

srsquoarranger une fois les cartes rebattues

Nathalie Beacutecue qui interpregravete lrsquoeacutepouse joue comme elle eacutecrit dans la rudesse masquant la

noblesse des sentiments et sans ceacuteder agrave la joliesse Elle deacutefend fort bien sa piegravece Pierre-

Alain Chapuis qui est lrsquoun de nos plus grands comeacutediens donne au rocircle du mari une belle

violence bourrue et les lentes fluctuations drsquoune laborieuse penseacutee cassant sa torpeur Theacuteo

Chedeville est un eacutetranger complexe sous lrsquoapparence drsquoun personnage bonhomme et avineacute

Philippe Smith complegravete la distribution avec une discreacutetion nuanceacutee La mise en scegravene de

Feacutelix Prader deacutetaille bien les orages et les accalmies de cette danse de mort virant agrave la danse

de vie

Bourrasque variation de Nathalie Beacutecue sur LrsquoOmbre de la valleacutee de Synge mise en scegravene

de Feacutelix Prader sceacutenographie et costumes de Ceacutecilia Galli creacuteation sonore drsquoEstelle Lembert

collaboration artistique drsquoAureacutelia Guillet avec Nathalie Beacutecue Theacuteo Chedeville Pierre-Alain

Chapuis Philippe Smith

Theacuteacirctre de la Tempecircte cartoucherie de Vincennes teacutel 01 43 28 36 36 jusqursquoau 15 avril

(Dureacutee 1 h 15)

Photo Antonia Bozzi

THEATRE AU VENT Just another Bloglemondefr weblog

LA BOURRASQUE DE NATHALIE BECUE ndash MISE EN SCENE DE FELIX PRADER AU THEATRE DE

LA TEMPETE agrave la Cartoucherie de Vincennes ndash Route du champ de manoeuvre 75012 PARIS

ndash du 16 Mars au 15 Avril 2018 ndash Salle Copi bull Dureacutee 1h40 ndash du mardi au samedi agrave 20h30 le

dimanche agrave 16h30 ndash

Publieacute le 29 mars 2018 par theatreauvent

Il lui fallait un texte agrave sa hauteur un texte qui lrsquohabite Nathalie BECUE Elle lrsquoa trouveacute en

infusant lrsquoœuvre du poegravete et dramaturge irlandais John Millington SYNGE (1871-1909) Un

conte a inspireacute sa piegravece raquo Bourrasque raquo laquo In shadow of the glen raquo lrsquoombre de la valleacutee

Elle met en scegravene une espegravece de culs-terreux une femme et son mari un berger qui vivent

dans un trou perdu

Lorsque la piegravece commence la femme vient de deacutecouvrir son eacutepoux mort sur sa chaise Elle

a du mal agrave reacutealiser lrsquoeacuteveacutenement elle continue agrave lui parler et puis rapidement reprend son

esprit La mort en Irlande encore dans les campagnes donne lieu agrave des festiviteacutes qui

deacutebutent par la veilleacutee funegravebre et dure plusieurs jours

Au moment ougrave elle se dit qursquoelle doit preacutevenir le village et surtout la sœur du mort survient

en pleine bourrasque un eacutetranger qui lui demande lrsquoasile pour la nuit Elle accepte puis laisse

lrsquoeacutetranger seul avec le mort Ce dernier se reacuteveillehellip

Lrsquoaspect fantastique de lrsquohistoire est parfaitement inteacuterioriseacute dans la piegravece Il intervient

comme une petite lumiegravere une sorte drsquoeacutelectrochoc des consciences mais il colle tout agrave fait agrave

la reacutealiteacute rude des personnages

Chez laquo Ces gens-lagrave raquo comme dans la chanson de Jacques BREL on ne se parle pas on se cuite

au whisky Crsquoest normal Madame BURKE recircve drsquoune autre vie elle nrsquoa peur de rien mais tout

de mecircmehellip

Il faut la faire deacutecoller du sol cette colegravere inteacuterieure ce deacutesespoir qui habitent les

personnages qui semblent happeacutes par le vide de leur existence

Madame BURKE est ameneacutee agrave brailler pour srsquoentendre et Monsieur BURKE agrave sortir de ses

gonds pour la faire taire Lrsquoeacutetranger poegravete sans ressources finit par offrir sa petite bulle

drsquoair agrave la femme affameacutee de liberteacute Un autre personnage un berger incompeacutetent prend

conscience que sa solitude lui pegravese et accepte lrsquoaide de Monsieur BURKE

Si lrsquoissue est positive elle aura tout de mecircme demandeacute lrsquoapport drsquoune belle bourrasque pour

faire sortir de leur terrier le couple de paysans

Elle semble jaillir de la terre mecircme la langue de Nathalie BECUE sensuelle et poeacutetique

parfois mecircme explosive

La bourrasque eacutetait deacutejagrave dans les cœurs nous suggegravere lrsquoauteure elle transfigure les

interpregravetes qui incarnent de pauvres bougres les pieds sur terre et agrave lrsquoouest dans ce

spectacle mis en scegravene sans artifice par Feacutelix PRADER et pourtant jubilatoire

Paris le 29 Mars 2018

Evelyne Tracircn

Bourrasquehellip Juste ce quil faut deacutetrangeteacute pour que le reacutealisme soit porteacute aux franges du fantastique Bourrasque Theacuteacirctre de la Tempecircte Paris

Dans Bourrasques inspireacutee par lœuvre de John Millington Synge Nathalie Beacutecue emporte le spectateur dans un tourbillon de theacuteacirctre Un theacuteacirctre mucirc par une langue concregravete drue simple manieacutee par des vagabonds des mots des enjocircleurs des charmeurs beaux parleurs qui magnifient cette terre d Irlande herbeuse et moutonneuse et tourbeuse cette terre de lOuest ces icircles dAran les bien nommeacutees

copy Antonia Bozzi

Battues par les vents peupleacutees dhommes taiseux cogneux buveux de femmes entiegraveres et acircpres et dures agrave la tacircche Cette terre dIrlande qui rend recircves et cauchemars et mots et sorts et enchantements Le spectacle de Nathalie Beacutecue sappuie sur une farce tregraves ancienne celle du mari qui feint la mort pour mieux confondre son eacutepouse et son amant La comeacutedie le drame se croisent Du trivial le plus cru au lyrique le plus naturel Feacuteroce et drocircle Assureacutement le rire de Synge est tragique mais il est sain Il est celui des fabliaux Mais ces habitants ne sont pas traiteacutes comme des ploucs mais comme des poegravetes qui savent extraire des petits faits de leurs superstitions de leurs peurs de leurs malheurs des reacutecits beaux comme la laine Des reacutecits qui exaltent tout autant que le Whiskey

copy Antonia Bozzi

Les personnages sont eacutemus par deacutetranges sympathies archaiumlques Leur humeur change au greacute des coups de vents et leur simpliciteacute de caractegravere bascule dans une franche gaiteacute ou une brusque deacutepression Cest que leur isolement des frousses leacutegendaires les font appartenir agrave un monde de recircves et de forces qui les deacutepassent La langue est simple Cest la langue du conteur Juste ce quil faut deacutetrangeteacute pour que le reacutealisme soit porteacute aux franges du fantastique Les dialogues sont croiseacutes la syntaxe subit des torsions les choses sont nommeacutees simplement Le grain de la voix le rythme du souffle leacutelan du jeu humanise les ecirctres amplifie les mots agrave la dimension du recircve et de leacutemerveillement Ce spectacle est une eacutechappeacutee belle Avec laide de ses comeacutediens leur verve et le beau travail sur le texte de Nathalie Beacutecue le spectateur retrouve le secret dune poeacutesie objective agrave base dhumour franc que le theacuteacirctre actuel a trop souvent abandonneacute Bourrasque

copy Antonia Bozzi

Variation sur LOmbre de la valleacutee de John Millington Synge Texte Nathalie Beacutecue Mise en scegravene Feacutelix Prader Avec Nathalie Beacutecue Theacuteo Chedeville Pierre-Alain Chapuis Philippe Smith Sceacutenographie et costumes Ceacutecilia Galli Creacuteation sonore Estelle Lembert Collaboration artistique Aureacutelia Guillet Lumiegraveres Thibault Gaigneux Direction des combats Franccedilois Rostain Dureacutee 1 h 30 Production En Votre Compagnie Du 16 mars au 15 avril 2018 Du mardi au samedi agrave 20 h 30 dimanche agrave 16 h 30 Theacuteacirctre de la Tempecircte Salle Copi La Cartoucherie Paris 12e 01 43 28 36 36

Jean Grapin Lundi 26 Mars 2018

Drame naturaliste de Nathalie Beacutecue dapregraves

une oeuvre de John Millington Synge mise en scegravene de Feacutelix Prader

avec Nathalie Beacutecue Theacuteo Chedeville Pierre-Alain Chapuis et Philippe

Smith

La comeacutedienne Nathalie Beacutecue a deacutejagrave montreacutee son appeacutetence pour la

parole des taiseux du temps jadis avec un monologue dramatique

Lapprentie sage-femme issu du roman dun auteur contemporain ameacutericain

Karen Cushman se deacuteroulant dans lAngleterre meacutedieacutevale

Avec Bourrasque elle propose une adaptation libre quelle qualifie de

variation dune piegravece de John Millington Synge dramaturge irlandais du

19egraveme siegravecle engageacute dans le mouvement du Celtic Reviva l qui ressort agrave la

theacutematique de lacircme simple agrave laquelle ne sont eacutetrangers ni lapproche

poeacutetique du monde ni le questionnement meacutetaphysique

Par une nuit dorage un eacutecrivain meacutemorialiste baroudeur et collecteur

dhistoires (Philippe Smith) qui bat la campagne irlandaise trouve refuge dans

une ferme isoleacutee du comteacute de Wicklow

La dame de la maison (Nathalie Beacutecue) est sous le coup de leacutemotion de

la mort soudaine - et simuleacutee - de son mari (Pierre-Alain Chapuis) car

destineacutee agrave eacutetablir linfideacuteliteacute commise avec un jeune berger (Theacuteo

Cheacutedeville) et ce subterfuge va bouleverser leur destin

Sobrement mis en scegravene par Feacutelix Prader dans une sceacutenographie

intemporelle de Ceacutecilia Galli ce drame naturaliste agrave connotation de reacutealisme

magique agrave lirlandaise entre brume et tourbe composeacute essentiellement de la

juxtaposition quatre reacutecits hybridant soliloque et de biodrame beacuteneacuteficie dune

interpreacutetation remarquable qui navigue du registre du patheacutetique avec pour

chantre Nathalie Beacutecue et celui du burlesque dont Pierre-Alain

Chapuis savegravere en lespegravece le champion qui twiste la partition en eacutevitant

leacutecueil lacrymal

MM

BOURRASQUE Theacuteacirctre de la Tempecircte

Cartoucherie

Route du Champ-de-Manœuvre

75012 Paris

Tel 01 43 28 36 36

Jusqursquoau 15 avril 2018

du mardi au samedi 20h30

Dimanche 16h30

On connaissait de JM Synge laquo Le baladin du monde occidental raquo bien sucircr et laquo

Deirdre des douleurs raquo Voici qursquoon nous exhume une piegravece bien moins connue laquo

Lrsquoombre de la valleacutee raquo Elle fut eacutecrite par Synge apregraves un seacutejour aux icircles drsquoAran Ici

elle sert de base agrave cette variation signeacutee en fait Nathalie Beacutecue

Nous sommes au deacutebut du siegravecle dans un coin reculeacute drsquoIrlande une femme Alice

Burke veille son mari qui vient de mourir et qui deacutetail important lui a bien demandeacute

de ne pas le toucher Il laisse ce soin agrave sa soeur La femme reccediloit alors la visite drsquoun

voyageur preacutenommeacute John (Synge lui-mecircme) Comme elle srsquoeacuteclipse Daniel le mari

reacutevegravele qursquoil nrsquoest pas mort Choc Et ce nrsquoest pas fini

Si Synge avait axeacute sa piegravece sur cette tradition irlandaire (contrefaire le mort) et ses

conseacutequences tragi-comiques on voit bien que ce nrsquoest pas ce qui a inteacuteresseacute

Nathalie Beacutecue Elle a vu lagrave lrsquooccasion de deacutevelopper des personnages inventer

comme elle dit laquo un parler agrave ces taiseux et agrave y glisser toute la tendresse toutes les

violences qui les habitent raquo

Dans deacutecor sobre et agrave lrsquoaide de quelques eacuteleacutements laquo parlants raquo nous avons donc

droit agrave des variations sur le couple la solitude la vie des paysans-eacuteleveurs de

moutons leurs soucis et surtout lrsquoalieacutenation de lrsquoeacutepouse

Le problegraveme est qursquoil y a quelques longueurs agrave cocircteacute de fulgurances et de trouvailles

laquo Comme on vit on meurt mecircme visage raquo ou bien lanceacute par la femme laquo Mariez-

vous vous trimerez raquo la piegravece est statique

Elle est heureusement brillamment joueacutee par Pierre-Alain Chapuis (Daniel Burke)

avec sa rudesse et ses emportements ou Philippe Smith dans le rocircle de John Theacuteo

Chedeville a la fougue de la jeunesse mais on retiendra surtout lrsquoauteur-interpregravete

Nathalie Beacutecue elle est eacutemouvante et forte dans ce rocircle de femme en reacutevolte et qui

nrsquoa au bout du compte que le choix entre trois destins incarneacutes par trois hommes

Geacuterard Noeumll

Bourrasque

de Nathalie Beacutecue

Mise en scegravene Feacutelix Prader

Avec Nathalie Beacutecue Pierre-Alain Chapuis Theacuteo Chedeville Philippe Smith

Sceacutenographie et costumes Ceacutecilia Galli

Son Estelle Lembert

Collaboration artistique Aureacutelia Guillet

Direction des combats Franccedilois Rostain

Nathalie Beacutecue Antonia Bozzi

Bourrasque agrave la Tempecircte Un moment tempeacutetueux et plein drsquoeacutemotion Cest un voyage que nous propose actuellement le theacuteacirctre de La Tempecircte Une immersion absolue dans un foyer irlandais un soir ougrave une terrible bourrasque a deacutecideacute de tout emporter sur son passage En effet Nathalie Beacutecue agrave leacutecriture et Felix Prader agrave la mise en scegravene nous emportent dans leur univers celui de la farce mais aussi celui du reacuteel Un spectacle vibrant entre violence tendresse et reacuteflexion La nuit tombe sur cette chaumiegravere et sur la vie dAlice Burke Daniel Burke est mort Le deacutesarroi la colegravere la deacutetresse transpirent chez cette femme qui entame une premiegravere nuit de deuil Puis vient la bourrasque vient cet eacutetranger qui arpente les routes vient ce berger de la ferme voisine Cette soireacutee est une soireacutee eacutesoteacuterique Tout semble hors du temps Ce soir pour chacun des protagonistes cest un nouveau deacutepart une remise agrave zeacutero des compteurs Une renaissance Un envol Alice Burke na pas peur Sur scegravene ils sont quatre Quatre comeacutediens de talent qui eacutepousent agrave la perfection les personnages quils incarnent Justes profonds et surtout attachants Nathalie Beacutecue Pierre-Alain Chapuis Theacuteo Chedeville et Philippe Smith sont vrais On sourit aux blagues de ce conteur on souffre avec cette femme tortureacutee on aime avec ce berger on est trahi avec Daniel Burke Le texte est fort il ne laisse pas insensible et pose les questions et les remises en question que tout un chacun est ameneacute agrave se poser au cours de son existence La mise en scegravene quant agrave elle ne nous impose rien Chacun est libre dajouter sa part dimagination et dhypothegravese agrave cette chaumiegravere isoleacutee dans les montagnes irlandaises La fin de cette bourrasque dans les airs et dans les cœurs est lapogeacutee de tout un cheminement dune reacuteflexion celle que propose ici Nathalie Beacutecue dapregraves les arguments de leacutecrivain J-M Synge Un spectacle vrai et sans artifice agrave deacutecouvrir

Zoom par Reacutegis DARO Paru le 30032018

-

BOURR

Spectatif

ASQUE au Theacuteacirctre de La Tempecircte 17 Mars 2018

Comment savoir si Daniel Burke est mort ou pas Srsquoil ne srsquoagit que de son fantocircme qui vient surprendre son eacutepouse Alice Burke ou si Daniel Burke feint sa reacutesurrection pour fendre ses secrets et laisser eacutechapper un peu de lui-mecircme dans ses derniers instants juste avant de tenter de fondre ses pas dans ceux de celle qui veut partir fatigueacutee du passeacute et enjoueacutee devant un avenir qursquoelle voudrait se construire meilleur et sien Deacuteroulera-t-elle ses recircves sous ses pas Troublante et mysteacuterieuse aventure que cette soireacutee de bourrasque ougrave une veilleacutee mortuaire devient une veilleacutee de palabres de reacutecits et drsquoespoirs Entre reacuteel et irreacuteel lrsquoimaginaire srsquoempare de nous nous faisant flotter sur le flux des mots dits et plonger par moments parmi les maux dits de ce couple de paysans dont on ne sait srsquoils srsquoaiment ou se haiumlssent si seulement lrsquoamour est entreacute dans leur bacirctisse ou si ce mot nrsquoexiste pas pour eux Ce spectacle baigneacute de poeacutesie reacutealiste crue et deacutepouilleacutee est une magnifique eacutecriture de Nathalie Beacutecue qursquoelle nomme Variation sur LrsquoOmbre de la valleacutee de John Millington Synge On comprend que ce grand dramaturge irlandais de la fin du 19egraveme siegravecle inspira Beckett et subjugua Artaud entre autres Tant ses peintures dramatiques de la paysannerie irlandaise de ses us et coutumes sont autant de sources pour des personnages en marge ou des situations fantastiques Le parcours de Alice Burke est captivant Ce qursquoelle raconte ce qursquoelle dit et ce qursquoelle devient Paysanne infidegravele ou eacutepouse adulteacuterine sublimeacutee dans le mal par son mari cet homme meurtri et malheureux elle deacutecouvre peu agrave peu drsquoautres horizons pour vivre

John le vagabond recueilli ce soir de bourrasque sorte drsquoaegravede qui parcoure les villages et se nourrit des morceaux de vie des autres notant ses observations se payant drsquoaumocircnes apportera agrave Alice les lumiegraveres du deacutesir drsquoailleurs Michaeumll Dara le jeune berger du voisinage venu lui aussi pour se proteacuteger de la bourrasque semble porter avec lui les plaisirs et les espeacuterances attendus inavoueacutes ou peut-ecirctre assouvis par Alice Daniel Burke le mari mort ou vivant fantocircme de lui-mecircme erre vocifegravere eacuteructe ses souffrances cacheacutees derriegravere sa violence qui le blesse autant qursquoil voudrait blesser nous montrant un paysan qui nrsquoa connu que sa famille enfant ou adulte pour tout environnement humain Joue-t-il avec la mort qui revient pour hanter la veilleacutee ou est-il lrsquoecirctre hirsute perdu agrave jamais dans ses illusions et ses souffrances dans ses remords et ses souvenirs qui le rongent tant qursquoil se confond dans la mort comme dans la vie On ne sait pas on ne sait plus Nous sommes trop eacuteblouis pour bien voir qui il est nous sommes trop toucheacutes pour savoir ougrave nous sommes vraiment La mise en scegravene de Feacutelix Prader feutre le reacutecit le meacutelange aux jeux avec adresse et fluiditeacute Les mondes se juxtaposent on nrsquoa rien vu venir La distribution est brillante Theacuteo Chedeville et Philippe Smith sont justes et convaincants Natalie Beacutecue est lumineuse et eacutemouvante Pierre-Alain Chapuis comme drsquohabitude nous surprend Il deacutegage une puissance de jeu qui donne agrave son personnage tout le trouble et la cassure qui conviennent Il est splendide et touchant Un spectacle sublime et tregraves prenant agrave lrsquoeacutecriture eacutetonnante et captivante aux jeux drsquoun brio stupeacutefiant Un tregraves grand moment de theacuteacirctre A voir absolument Drsquoapregraves les œuvres de John Millington Synge Variation sur The shadow of the Glen Eacutecriture de Nathalie Beacutecue Mise en scegravene de Feacutelix Prader Sceacutenographie et costumes de Ceacutecilia Galli Son de Estelle Lembert Lumiegraveres de Thibault Gaigneux Collaboration artistique de Aureacutelia Guillet Direction des combats de Franccedilois Rostain

Avec Nathalie Beacutecue Pierre-Alain Chapuis Theacuteo Chedeville et Philippe Smith

Du mardi au samedi agrave 20h30 et le dimanche agrave 16h30

Cartoucherie route du Champ de Manoeuvre Paris 12egraveme

0143283636 wwwla-tempetefr

- Photo copy Antonia Bozzi -

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Accueil SPECTACLES [Critique] laquo Bourrasque raquo par Feacutelix Prader Une bouffeacutee drsquoIrlande

copy Antonia Bozzi

[Critique] laquo Bourrasque raquo par Feacutelix Prader Une bouffeacutee drsquoIrlande Morgane P 2018-03-28

Le Theacuteacirctre de la Tempecircte preacutesente Bourrasque une piegravece de theacuteacirctre de Nathalie Beacutecue

mise en scegravene par Feacutelix Prader Une incursion meacutelancolique et amegravere en terre irlandaise

Lrsquoavis de Bulles de Culture qui eacutetait agrave la premiegravere de la piegravece

Synopsis

Alice Burke (Nathalie Beacutecue) veille son mari Dan Burke (Pierre-Alain Chapuis) qui vient de

mourir quand survient un vagabond (Philippe Smith) qui demande asile pour la nuit Il faut

preacutevenir Michael Dara (Theacuteo Chedeville) jeune berger des alentours afin qursquoil aille annoncer

la nouvelle en ville Mais voilagrave que le mort se redresse et qursquoil a encore des choses agrave direhellip

Bourrasque Une belle reacuteeacutecriture drsquoapregraves John Millington Synge

copy Antonia Bozzi

Crsquoest la piegravece LrsquoOmbre de la valleacutee du dramaturge irlandais John Millington Synge qui est agrave

lrsquoorigine de Bourrasque De cette petite piegravece en un acte lrsquoauteure et comeacutedienne Nathalie

Beacutecue fait la colonne verteacutebrale du spectacle un drame noueacute autour de quatre

personnages dont lrsquoun mime sa mort pour prendre son eacutepouse en faute Reprenant agrave la

lettre le texte de lrsquoauteur irlandais Nathalie Beacutecue lrsquoeacutetoffe toutefois afin drsquoimaginer le

parcours personnel eacutemotionnel de chacun des quatre personnages Lrsquointeacutegration de son

eacutecriture agrave la piegravece de John Millington Synge est parfaite en ce qursquoelle deacutepeint le quotidien

meacutelancolique et maussade de ces Irlandais isoleacutes agrave lrsquoeacutecart du monde comme prisonniers de

la tourbe qui les entoure

Le phraseacute que Nathalie Beacutecue choisit pour Bourrasque est aussi une retranscription fidegravele du

style du dramaturge une langue agrave la fois racircpeuse et poeacutetique peacutetrie de la reacutealiteacute de ces

paysans Si John Millington Synge choisit lrsquoanglo-irlandais pour ses piegraveces Nathalie Beacutecue

imagine une syntaxe et un vocabulaire reacutealisant le mecircme eacutequilibre entre langue orale aux

tournures populaires et envoleacutees des meacutetaphores pour sonder les cœurs des quatre

laquo taiseux raquo

Un quatuor qui fonctionne agrave merveille

copy Antonia Bozzi

La patte de Nathalie Beacutecue ajoute une vraie personnaliteacute agrave la piegravece de John Millington

Synge agrave tel point que tous les personnages ont un relief propre qui les rend attachants sans

les caricaturer pour autant Elle excelle aussi dans lrsquoincarnation sur scegravene de cette femme

drsquoacircge mucircr eacutetouffeacutee par la solitude et lrsquoattente perpeacutetuelle qui constitue son quotidien Elle

tient ainsi toute la tension de Bourrasque de son deacutebut agrave sa fin et ce dans une diction

parfaite drsquoun bout agrave lrsquoautre malgreacute tout ce que la langue du personnage peut avoir de

bourbeux Quant aux trois hommes qui lrsquoentourent Bourrasque leur offre une personnaliteacute

plus profonde que la piegravece du dramaturge irlandais Exploitant les ellipses du texte original

Nathalie Beacutecue imagine que la meacutelancolie de Dan Burke trouve sa source dans la violence qui

lrsquoa entoureacute degraves son enfance Elle choisit aussi de faire davantage parler le jeune berger

amant de lrsquoheacuteroiumlne un peu naiumlf et pas tregraves malin Sa candeur en vient agrave faire sourire avec

tendresse

Mais lrsquoun des personnages qui prend le plus drsquoampleur dans la piegravece est sans conteste celui

du vagabond que Nathalie Beacutecue imagine comme une sorte de chercheur drsquohistoires voyant

ainsi en lui un vague double de John Millington Synge qui a fait de la tradition et des contes

des icircles drsquoAran lrsquoune de ses quecirctes Ce personnage renoue ainsi avec la tradition orale du

reacutecit il rappelle ces aegravedes de la socieacuteteacute grecque antique qui allaient de palais en palais

chanter les reacutecits de leur connaissance Toute la deacutelicatesse dont fait preuve Philippe

Smith dans ce rocircle est remarquable

Un huis clos haletant

I

copy

Antonia Bozzi

Bourrasque reacuteussit avec brio agrave maintenir une tension forte tout au long de la piegravece Crsquoest

drsquoabord la tension qursquoil y a autour de ce deuil rendu angoissant par la preacutesence du mort sur

scegravene Crsquoest ensuite une fois que le laquo mort raquo a reacuteveacuteleacute sa supercherie au vagabond la tension

que ressent le spectateur qui attend que Dan Burke nrsquointervienne Crsquoest enfin la tension du

conflit conjugal qui explose et renverse la situation initiale La mise en scegravene de Feacutelix

Prader repose sur la simpliciteacute deacutecor rudimentaire pas de grands effets Et cela met

parfaitement en valeur la dimension relationnelle du drame

Cette tension dramatique est encore accentueacutee par la tempecircte inteacuterieure que traversent les

personnages notamment les deux eacutepoux Le monologue drsquoAlice qui ouvre la piegravece et la

longue explication que son mari offre au vagabond montrent les deux faces drsquoun couple en

crise dans lequel chacun-e ne voit plus que sa propre souffrance Ce trouble inteacuterieur et

cette forte tension eacutemotionnelle sont bien sucircr souligneacutes par les circonstances

meacuteteacuteorologiques on traverse avec les personnages une sorte de tempecircte ougrave le vent souffle

avec violence Nrsquoest-ce finalement pas cette terrible bourrasque qui trouble les esprits de

chacun Rien nrsquoest moins sucircr

Reacuteunir les deux eacutepoux et lrsquoamant confondu crsquoest un topos theacuteacirctral Mais la preacutesence de cet

inconnu que Nathalie Beacutecue place comme un observateur particulier puisqursquoon imagine que

le drame auquel il assiste pourra enrichir encore son livret de reacutecits est une belle reacuteussite

Eacutecoutant les deux eacutepoux puis prenant finalement place dans le drame en exerccedilant le recul

dont lui seul dans la piegravece est capable change la porteacutee de la piegravece et enrichit

consideacuterablement le triangle amoureux

Bulles de Culture vous recommande en tout cas vivement cette incursion en terre irlandaise

En savoir plus

bull Bourrasque de Nathalie Beacutecue mise en scegravene par Feacutelix Prader est joueacute au Theacuteacirctre de la

Tempecircte du 16 mars au 15 avril 2018

bull Bourrasque sera joueacute en 2018 au Centre culturel de Vitreacute le 20 avril sur la Scegravene nationale

de Bar-le-Duc le 17 mai et au Theacuteacirctre Montansier de Versailles le 25 mai

bull Dureacutee du spectacle 1h40

Actualiteacute theacuteacirctrale

Jusqursquoau 15 avril au Theacuteacirctre de la Tempecircte

laquo Bourrasque raquo mercredi 21 mars 2018

Par un soir de tempecircte dans une chaumiegravere isoleacutee Alice Burke veille son mari le rude et taiseux Dan Burke qui vient de mourir Il lui a interdit de toucher son corps apregraves sa mort exigeant que ce soit sa sœur qui srsquooccupe de la toilette mortuaire Mais celle-ci habite loin Alice craint la nuit et la tempecircte dans ce lieu isoleacute et ne peut le laisser seul Elle attend Deux hommes vont se preacutesenter agrave sa porte un eacutetranger qui parcourt les rudes collines des alentours pour laquo cueillir raquo les histoires qursquoon veut bien lui confier et un jeune berger peu expeacuterimenteacute qui vit un peu plus loin Avec ces deux hommes deux avenirs pourraient se dessiner le second seraient bien inteacuteresseacute par la femme et surtout les biens dont elle va heacuteriter le premier lui ouvre une sortie de son isolement et de nouveaux espaces La bourrasque qui hurle au dehors gagne aussi lrsquointeacuterieur de la chaumiegravere et bouscule tous les esprits

Nathalie Beacutecue a eacuteteacute seacuteduite par lrsquounivers du poegravete et dramaturge irlandais John Millingtone Synge et en particulier par ce livre Les Icircles Aran ougrave il a raconteacute ses rencontres avec les icircliens et les leacutegendes qursquoils lui ont conteacutees Crsquoest de lrsquoun de ses contes Lrsquoombre de la valleacutee qursquoelle srsquoest inspireacutee pour eacutecrire Bourrasque Apregraves lrsquoavoir vue dans Lrsquoapprentie sage-femme qursquoelle avait joueacutee en 2012 on comprend la continuiteacute de son travail Ce qui lrsquointeacuteresse ce sont ces destins de femmes dans les deux cas des paysannes qui cherchent leur voie et prennent la vie agrave bras le corps Dans son texte Nathalie Beacutecue a su faire entendre la sauvagerie de la nature le vent la pluie et la vie rude de ceux qui y habitent Elle a su aussi traduire les penseacutees tourmenteacutees des quatre personnages attribuant agrave John lrsquohomme qui cueille les histoires la deacutemarche de Synge lui-mecircme dans les Icircles drsquoAran

Dans la mise en scegravene de Feacutelix Prader on reste enfermeacute dans la chaumiegravere avec le mort assis ou couvert drsquoun drap et lrsquoexteacuterieur nrsquoapparaicirct qursquoinquieacutetant avec le bruit amplifieacute du vent ou des coups agrave la porte Seuls les hommes qui arrivent apportent lrsquoimage drsquoun ailleurs possible pour cette femme qui srsquoest laisseacutee enfermer dans la solitude au point drsquoecirctre obligeacutee de parler aux arbres

Nathalie Beacutecue en robe paysanne et petit gilet de laine bleue avec de gros bas de laine incarne Alice qui parle de sa vie avec cet eacutepoux taiseux porteacute sur le whisky Elle caresse la couverture de poils de chegravevre tout en parlant Calme elle dit qursquoaucun vivant ne lui a jamais fait peur crsquoest drsquoautre chose qursquoelle a peur puis soudain la colegravere lrsquoemporte quand elle pense agrave lrsquoennui de sa vie laquo fosse agrave chagrin mareacutecage de tristesse raquo et se dit qursquoelle a peut-ecirctre fait le mauvais choix en se condamnant agrave laquo regarder les saisons passer raquo Philippe Smith est John celui qui ramasse les histoires vagabond ceacuteleste qui amuse Alice avec un tour de magie lui donne les nouvelles de la valleacutee et surtout lui parle drsquoun ailleurs Theacuteo Chedeville est Michaeumll Dara le marin devenu berger Pierre-Alain Chapuis est Dan Burke le mort qui survit Il est puissant violent ravageacute par sa colegravere contre tous sa femme son pegravere mais aussi contre lui-mecircme On le sent deacutevoreacute par lrsquoamertume laquo bouffeacute par la tristesse raquo comme le dit Alice mais peut-ecirctre capable de rebondir loin de sa femme

On se laisse emporter par le reacutecit On est dans ces icircles irlandaises battues par le vent et la pluie et on rejoint John quand il dit laquo Apregraves des veilleacutees solitaires je peux dire que les gens drsquoici ne sont pas insignifiants raquo

Micheline Rousselet

Du mardi au samedi agrave 20h30 le dimanche agrave 16h30

Theacuteacirctre de La Tempecircte

Cartoucherie

Route du Champ-de-Manoeuvre 75012 Paris

Reacuteservations (partenariat Reacuteducrsquosnes tarifs reacuteduits aux syndiqueacutes Snes mais sur reacuteservation impeacuterative) 01 43 28 36 36

T H Eacute Acirc T R E

BOURRASQUE UN MAGNIFIQUE OBJET POEacuteTIQUE

ET INSPIREacute DANS LE MONDE AcircPRE ET SANS

CONCESSION DES TERRES DrsquoIRLANDE 19 MARS 2018

Reacutedigeacute par Sarah Franck

laquo Le cœur casseacute ccedila donne la vie grise raquo Quand la brume et le vent soufflent sur un monde sans avenir confit dans lrsquoeacutecoulement uniforme des jours une porte parfois srsquoentrouvre pour que change le cours des choseshellip

Un homme est mort ce soir assis dans son fauteuil Sa femme une femme de rien ou de si peu de chose heacutesite Il lui a interdit de toucher son cadavre et a jeteacute sur elle une maleacutediction au cas ougrave elle enfreindrait lrsquoordre Seule sa sœur aura le droit de le preacuteparer pour son dernier voyage Mais comment faire quand la nuit a pris des couleurs de noir drsquoencre que les nueacutees srsquoamassent que le tonnerre gronde qursquoelle a une tregraves longue route et qursquoelle est seule Il nrsquoest pas bon drsquoabandonner un mort agrave lui-mecircmehellip Dans ce lieu perdu du bout du monde ougrave ne trouvent guegravere agrave subsister que les moutons ougrave lrsquoacircpreteacute de la vie a jeteacute sur les ecirctres son voile de dureteacute ougrave ne semblent possibles que la violence des comportements et lrsquohostiliteacute ougrave lrsquoalcool est la solution ultime quotidienne pour triompher des aleacuteas un groupe heacuteteacuteroclite va peu agrave peu se rassembler

(c) Antonia Bozzi

Une arche de Noeacute de largueacutes du monde

Parmi les personnages perdus dans ce milieu de nulle part arrive drsquoabord un vagabond un cueilleur de mots un raconteur drsquohistoires qui cherche un havre pour la nuit Il voudrait simplement reposer ses pieds fatigueacutes de cheminot avant de reprendre la route Il y a lrsquoancien marin devenu eacuteleveur que la mort du mari arrange car il en guigne les terres pour faire paicirctre ses troupeaux Il y a elle la femme deacutevoueacutee dont on ne sait de quoi est fait son attachement au deacutefunt ndash amour en deacutepit de lrsquoindiffeacuterence qursquoil lui porte ennui drsquoun mariage accepteacute pour la seacutecuriteacute qursquoil donne reacutesignation devant les vexations subies Et puis il y a ce mort qui srsquoavegraverera bien vivant au moment ougrave srsquoopegravere le partage des deacutepouilles et dont lrsquohistoire a la violence et linceste pour cortegravegehellip

Ce sont lagrave des perdus eacutegareacutes sans lrsquoavoir choisi prenant racine lagrave ougrave on les a planteacutes Massifs taiseux Vivent-ils Peut-ecirctre le cheminot qui erre agrave lrsquoaventure est-il le seul agrave savoir ougrave il va ce saltimbanque ce poegravete qui donne agrave voir un ailleurs agrave respirer lrsquoodeur du vent et les senteurs venues de contreacutees lointaines Peut-ecirctre ne sont-ils pas agrave leur place mais ont-ils une place Le preacutesent est leur futur leur avenir leur eacuteterniteacute Ils portent leur brume en eux cette compagne des sortilegraveges et des superstitions qui leur colle agrave la peau Ils ont cette eacutepaisseur de la matiegravere brute cette preacutesence obstineacutee de ceux qui ne savent qursquoecirctre

(c) Antonia Bozzi

Lrsquoespace de la parole

Dans ce huis clos deacutelimiteacute par une table dans un coin une banquette sur laquelle est assis immobile le mari et une commode il nrsquoy a pas drsquoeacutechappatoire Le lieu est agrave lrsquoimage de leur existence refermeacute sur lui-mecircme Alors il ne leur reste que la parole pour briser lrsquoenfermement Une parole difficile Les mots buttent dans leur gorge ils sortent contraints rentreacutes et de trop de retenue se heurtent et srsquoentrechoquent avec de brusques flambeacutees de violence se deacuteversent tels des crachats agrave la figure de lrsquoautre Crsquoest un trop-plein qui deacuteferle pour trouver le chemin de la conscience et qui les met en face drsquoeux-mecircmes et de leur reacutealiteacute Apregraves il nrsquoy aura plus de retour en arriegravere possible et chacun devra trouver lrsquoissue qui lui convient

Ils ont ce parler fruste mais imageacute des paysans laquo ccedila crsquoest sucircr raquo qui offre une transposition bretonne agrave lrsquoanglo-irlandais du texte original Un mecircme fondement celtique court dans ces deux reacutegions que rassemblent la culture et les paysages et ougrave souffle un vent laquo agrave reacuteveiller les disparus les esprits malins ou les feacutees tordues raquo Les noms de lieux aux consonances eacutetranges chantent une poeacutesie de lrsquoailleurs qursquoaccompagne celle du deacutesespoir de ces eacutecorcheacutes de la vie laquo Crsquoest comme ccedila le bout du chemin de ceux de sa sorte Les deacutevoreacutes drsquoangoisse les rongeacutes de tristesse raquo Les mots disent leur deacutetresse Leur barbe laquo on dirait deacutejagrave du poil de moisissure raquo Lrsquounivers laquo des milliards de milliards de masses solaires qui tournoient en spirale jusqursquoagrave ecirctre happeacutees aspireacutees au centre de lrsquoinconnu du trou noir [hellip] une eacutenorme densiteacute de creacuteation ou une absence de creacuteation Du trop-plein au vide raquo agrave lrsquoimage de leur vie qui laquo se deacuteficelle raquo se deacutecompose se deacutesintegravegrehellip

Entre Synge et Nathalie Beacutecue

De lrsquoOmbre de la valleacutee de John Millington Synge ndash compatriote de Joyce Yeats et Beckett et fervent deacutefenseur du renouveau de la culture irlandaise ndash Nathalie Beacutecue reprend la situation de ce mort laquo ressusciteacute raquo tout en modifiant les enjeux et la porteacutee de lrsquohistoire Elle fait du chemineau une incarnation du poegravete Elle reprend dans lrsquoesprit ce parler si particulier qui inverse lrsquoordre des mots pour placer dans une phrase lrsquoimportant devant On y retrouve le mecircme souci de rendre leurs lettres de noblesse agrave ceux qui sont sans-grade placeacutes agrave lrsquoeacutecart en marge mais portent en eux une veacuteriteacute immeacutemoriale qui les deacutepasse Ces hommes et ces femmes qui ne savent pas parler une laquo belle raquo langue au sens classique sont pleins habiteacutes possesseurs drsquoun treacutesor qursquoil nous est donneacute de reconnaicirctre Dans sa laquo variation raquo Nathalie

Beacutecue insuffle sa propre vision de cette laquo veacuteriteacute raquo populaire peupleacutee de croyances et de leacutegendes et met ses personnages en face de choix qui les font progresser et grandir

(c) Antonia Bozzi

Un magnifique travail drsquoacteur

Ce qui frappe enfin crsquoest lrsquointerpreacutetation laquo millimeacutetreacutee raquo des comeacutediens Car enfin crsquoest sur eux que repose ce spectacle ougrave il ne se passe rien ou presque durant deux heures Pas de quiproquo ni de comique de situation Pas de trageacutedie au-delagrave de lrsquoagressiviteacute et des altercations Ni trop ni trop peu mecircme si lrsquoon alterne chuchotements et cris Ils sont tout en retenues briseacutees quand les digues lacircchent en heacutesitations en mots esquisseacutes en gestes inaboutis ou semi-dissimuleacutes en mimiques fugaces Ils disent comme en srsquoexcusant heacutesitent agrave srsquoimposer reacutevegravelent les failles avec beaucoup de finesse La minutie avec laquelle la gestuelle campe les personnages donne au spectacle une justesse qursquoon voit rarement au theacuteacirctre

On srsquoeacutemeut drsquoentendre eacutevoquer les myriades drsquoeacutetoiles comme autant drsquoesprits des morts flottant autour de nous on partage la fatigue des marches de montagne plongeacutees dans une brume eacutepaisse et hostile la difficulteacute de ces laquo nuits noires agrave en appeler agrave la clarteacute des eacutetoiles raquo Et puis on rit car ils sont des hommes avec leurs petits travers leurs lacirccheteacutes et leurs peurs ces errants agrave la deacuterive qui srsquoeacutegarent avec magnificence et nous ressemblent tant Au-delagrave du texte et de sa beauteacute crsquoest agrave une merveilleuse leccedilon drsquohumaniteacute que nous convie ce spectacle

Bourrasque de Nathalie Beacutecue librement inspireacute de lrsquoOmbre du vent de John Millington Synge (eacuted franccedilaise Actes Sud)

Mise en scegravene Feacutelix Prader

Avec Nathalie Beacutecue Pierre-Alain Chapuis Theacuteo Chedeville Philippe Smith (le poegravete)

Theacuteacirctre de la Tempecircte Cartoucherie de Vincennes Route du Champ de Mars ndash 75012 Paris

Du 16 mars 2018 au 15 avril du mardi au samedi agrave 20h30 le dimanche agrave 17h30

Teacutel 01 43 28 36 36 Site wwwla-tempetefr

Bourrasque au Theacuteacirctre de La Tempecircte

Publieacute par Michel Jakubowicz le 26 mars 2018 Publieacute dans Tendance - Fashion

Theacuteacirctre de la Tempecircte Cartoucherie Rte du Champ-de-Manœuvre 75012 Paris

Repreacutesentations du 16 mars au 15 avril 2018

httpswwwla-tempetefr

BOURRASQUE

Variation sur lrsquoOmbre de la valleacutee de JM Synge

de Nathalie Beacutecue

mise en scegravene Feacutelix Prader

avec

Nathalie Beacutecue (Alice Burke)

Pierre-Alain Chapuis (Daniel Burke)

Theacuteo Chedeville (Michaeumll Dara)

Philippe Smith (John)

Nathalie Beacutecue auteure de Bourrasque avoue srsquoecirctre inspireacutee du poegravete et dramaturge John

Millington Synge Feacutelix Prader agrave partir du texte de Nathalie Beacutecue va srsquoefforcer de recreacuteer

lrsquoambiance eacutetrange chaotique effrayante qui sourd de ce texte Il va en quelque sorte donner

corps agrave une histoire ougrave semble rocircder une ambiance agrave la limite du fantastique et mettre en lumiegravere

les comportements presque forceneacutes brutaux impreacutevisibles des personnages qursquoun hasard

apparemment faceacutetieux (ou malfaisant) a reacuteunis dans une chaumiegravere perdue de la lande irlandaise

battue par la tempecircte Il faut dire que la piegravece se deacuteroule dans un contexte peu banal presque

terrifiant puisqursquoune femme seule soliloque en srsquoadressant agrave un cosmos aveugle et infini bourreacute

de trous noirs insondables et mortels La femme semble prendre agrave teacutemoin un homme immobile

ne bougeant pas drsquoun cil et dont la raideur semble vaguement indiquer qursquoil est peut-ecirctre passeacute

de vie agrave treacutepas ou qursquoil feint deacutelibeacutereacutement lrsquoindiffeacuterence absolue face aux propos tenus par la

femme Les choses pourraient en rester lagrave mais soudainement surgi du cœur de la tempecircte qui se

deacutechaicircne agrave lrsquoexteacuterieur un inconnu reacuteclame avec insistance malgreacute lrsquohostiliteacute de la femme agrave

srsquoabriter dans la chaumiegravere

A partir de lrsquointrusion de cet eacutetranger lrsquoaction va soudainement srsquoacceacuteleacuterer et le reacutecit srsquoorienter

sans deacutelai vers lrsquoabsurde le fantastique lrsquoinattendu Le reacutecit bascule apparemment vers

lrsquoirrationnel mais en terre irlandaise il semble agrave lrsquoeacutevidence que les apparences ne sont pas

forceacutement conformes agrave la reacutealiteacute et la suite du reacutecit de Nathalie Beacutecue srsquoinspirant de John

Millington Synge ne fera que rendre encore plus creacutedible cette impression

La mise en scegravene de Feacutelix Prader reconstitue avec une sorte de preacutecision presque surnaturelle

eacutetonnante cette campagne irlandaise drsquoougrave nrsquoimporte quels fantocircmes peuvent impuneacutement surgir

de la nuit Jusqursquoau bout drsquoune nuit interminable peupleacutee de terreurs sans noms cette assembleacutee

de personnages subira jusqursquoau bout un destin fait drsquoincertitude balanccedilant constamment entre

espoir et deacutesespeacuterance Lrsquointerpreacutetation est remarquable en particulier celle de Nathalie Beacutecue

incarnant avec beaucoup drsquoacircpreteacute de passion le rocircle drsquoAlice Burke Mais les trois autres

protagonistes masculins sont eacutegalement parfaits donnant agrave leurs personnages respectifs toute

lrsquoeacutepaisseur psychologique deacutesireacutee Un spectacle prenant qui reacutevegravele dans toute sa profondeur

lrsquoacircme irlandaise

Michel Jakubowicz

LE BRUITDUOFF TRIBUNE

LES SCENES ACTUELLES SANS TABOU NI TROMPETTES

CRITIQUE laquo Bourrasque raquo variation sur Lrsquoombre de la valleacutee de JM Synge de Nathalie Beacutecue mis en scegravene par Feacutelix Prader avec Nathalie Beacutecue Pierre-Alain Chapuis Theacuteo Chedeville et Philippe Smith Au Theacuteacirctre de la Tempecircte salle Copi jusqursquoau 15 avril du mardi au samedi agrave 20h30 dimanche agrave 16h30

Crsquoest lrsquoun des plus beaux textes de la saison Nathalie Beacutecue a adapteacute les peacutereacutegrinations de Synge avec amour infleacutechissant ses rugositeacutes irlandaises drsquoune ardeur feacutebrile

laquo Bourrasque raquo crsquoest la poeacutesie cosmique descendue sur lrsquoeacutepure drsquoun verbe aussi vieux que les icircles drsquoAran qui lrsquoabritent laquo Bourrasque raquo crsquoest la meacutetaphysique de la bergegravere Srsquoeacutelegraveve une litanie vibrante adresseacutee aux eacutetoiles pour cet laquo ougrave suis-je raquo qui preacutecegravede le laquo qui suis-je raquo pour le trou noir la masse la poussiegravere lrsquoengloutissement la disparition lrsquoinconnu la creacuteation sa densiteacute son absence le trop plein le videhellip Le vertige drsquoAlice Burke un soir de tempecircte est celui drsquoun cœur simple dans le langage du monde Lrsquoespace drsquoun entre-lumiegravere avant lrsquoextinction de la salle Nathalie Beacutecue ample vibrante ancreacutee et tendue vers des ciels invisibles livre une formidable deacutemonstration de sa maicirctrise de lrsquoabandon

Encore aux prises avec ce jaillissement drsquoecirctre brut et pur il nous faut quelques battements de cœur pour lrsquohabituer aux ombres de la scegravene peacuteneacutetrer le deuil terrestre drsquoAlice Burke et investir sa maison de pierre tandis que laquo perdu ailleurs raquo le vent se legraveve Les yeux pleins drsquoorage et la voix blanche elle embarque les acircmes qursquoelle a tendues vers elle laquo Je suis en colegravere tellement je suis triste raquo

Daniel Burke le fermier sans meacutetaphysique le fermier malheureux srsquoest figeacute lagrave dans une mort subite et inviolable et sa veuve saisie de solitude et figeacutee depuis cent ans voit sa laquo vie grise raquo deacutechireacutee par laquo la grande trouille raquo La trouille de quoi Car la mort toute proche incarneacutee dans la deacutepouille de son mari immobile ne lrsquoeffraye pas Crsquoest une femme des montagnes qui croit aux fantocircmes et qui ne les craint pas

Est-ce un fantocircme qui franchit son seuil dans lrsquoorage pour mettre son errance et son immense laquo dehors raquo dans lrsquoespace sans projet ougrave elle vit confineacutee John mucirc par le timbre envoucirctant de Philippe Smith est un porteur drsquohistoires venu reacutecolter quelques miettes au foyer de la derniegravere maison allumeacutee sur les chemins rocheux drsquoAran Quand Alice Burke laisse son hocircte dans cette eacutetrange veilleacutee et que Dan Burke se redresse bien vivant et saoul crsquoest toute une vie de spectateur qui vacille agrave son tour John pourra-t-il refuser drsquoecirctre acteur de cette histoire-lagrave

Pierre-Alain Chapuis est un Dan Burke massif en corps et en ecirctre plein de passeacute de rancœur et de lrsquoeacutepaisse rusticiteacute que les silences ont tanneacutee sur sa peau et sa voix Quatriegraveme entreacutee en scegravene la jeunesse vacillante de Theacuteo Chedeville precircte ses fougues agrave Michaeumll Dara le marin en quecircte de reacuteconciliation avec la terre qui cherche agrave ecirctre au sol et treacutepigne dans la valleacutee encore la tecircte agrave moitieacute immergeacutee des recircves drsquoavant les recircves enterreacutes de large et de houle La paix est-elle plus haut dans la montagne

La mise en scegravene de Feacutelix Prader attentive aux eacuteclats de verbe sublimeacutes par les voix de Beacutecue Chapuis Chedeville et Smith est un effacement une ombre pour que la poeacutesie eacuteclaire Il veut saisir le preacutesent et la preacutesence eacutenorme des protagonistes dans la suspension du temps du theacuteacirctre Sa scegravene se deacutepare du moindre artifice se fait couloir pour lrsquoeacutemotion de cette parole vitale qui balaye le silence effareacute du spectateur srsquooublie dans une pudeur parfaite Jrsquoentends encore la voix pleine et rocailleuse de Beacutecue la Burke souffler la bourrasque laquo Jrsquoai trop la trouille pour pas y aller raquo

Drsquoun eacutelan vital et poeacutetique elle engloutit le motif radical de la mort

Marguerite Dornier

DU 1603 AU 15042018 AU THEacuteAcircTRE DE LA TEMPEcircTE | DUREacuteE 1H40 |

Librement adapteacute de la piegravece en un acte de John M Synge laquo Lrsquoombre dans la Valleacutee raquo Bourrasque fait preuve drsquoune sagaciteacute deacuteroutante dans une ambiance drsquoinsulaires superstitieux Situation macabre regraveglements de comptes conjugaux reacutecits de voyages et art du vagabondagehellip lrsquoIrlande et son hors-champ drsquoimmensiteacute montagneuse et orageuse nous submergent alors que de grandes deacutecisions se prennent dans la petite chaumiegravere drsquoAlice Burke indigneacutee par la mort foudroyante de son mari Dan qursquoelle ne peut toucher sous peine drsquoecirctre maudite

De par la traduction drsquoun gaeacutelique transposeacute dans du franccedilais paysan aux consonances lyriques et lrsquointerpreacutetation de ce tregraves beau et talentueux quatuor de comeacutediens le folklore celte est tout agrave fait plausible voire palpable et propage son caractegravere sacreacute Bourrasque est un deacutelice drsquohumour peut ecirctre un tantinet pessimiste mais surtout pittoresque et poeacutetique

Eloiumlse Dandoy

jeudi 22 mars 2018

Bourrasque de Nathalie Beacutecue

Bourrasque est un de ces spectacles dont on mesure la chance quils existent Parce que Nathalie Beacutecue a fait un travail deacutecriture tregraves reacuteussi librement adapteacute de la piegravece LrsquoOmbre de la valleacutee en reprenant lrsquoargument tout en modifiant les enjeux et la porteacutee Elle place le spectateur au plus pregraves de latmosphegravere poeacutetique qui a impreacutegneacute lIrlande que John Millington Synge (1871-1909) nous a fait deacutecouvrir au XIXdeg siegravecle et qui est encore tregraves vivante gracircce agrave la moderniteacute de la mise en scegravene de Feacutelix Prader La distribution est habile avec Nathalie Beacutecue qui interpregravete Alice Burke et trois autres comeacutediens Pierre-Alain Chapuis (Daniel Burke) Theacuteo Chedeville (Michaeumll Dara) et Philippe Smith (John) tous diffeacuterents qui permettent dapporter des points de vue parfois deacuteroutants maintenant le spectateur quasiment en haleine comme sil eacutetait au coeur dun thriller Le caractegravere primitif de la vie sociale si particuliegravere des icircles drsquoAran en deviendrait presque normal dans un deacutecor rustique simple et familier

Par un soir de violente tempecircte que lon entendra rugir derriegravere la verriegravere Alice Burke veille son mari deacutefunt lrsquoacircpre et ombrageux fermier Dan Burke comme le veut la coutume dans cette contreacutee reculeacutee Silence dans la chaumiegravere isoleacutee quand agrave la porte frappe un inconnu nomade des collines cueilleur drsquohistoires (Synge) qui ravive dans lrsquoacircme dAlice la soif drsquoun ailleurs Un autre homme bouscule les certitudes dAlice Michaeumll Dara le marin devenu berger qui vit agrave quelques lieues et convoite agrave la fois les biens et la femmethinsp Et si soudain srsquoeacuteveillait le deacutefunt chahutant les vivants que ferait Alicethinsp

Le mort est sur scegravene muet cela va sans dire mais bien preacutesent tout de mecircme Sa femme lui rend hommage malgreacute les cahots qui ont chahuteacute sa vie Cest une femme simple qui a les pieds sur terre capable dun brin de fantaisie que lon remarque dans le point de tricot du gilet quelle porte sur une robe bleu marine Sans doute reacutealiseacute avec la laine de ses moutons Les paroles se bousculent au rythme des souvenirs et agrave la mesure des angoisses qui lassaillent comme des ressentiments quelle exprime toute seule La tempecircte qui agite son esprit est semblable agrave celle qui souffle au dehors Elle reconnait quelle ne sait plus ougrave elle en est et sassoit pregraves de celui qui fut son homme Chaque mort serait une eacutetoile qui scintille dans le ciel Au-delagrave de cette jolie image Alice est confronteacutee agrave labsence de deux beaux enfants partis aux Ameacuteriques et aujourdrsquohui un mari qui part et agrave qui elle parle comme sil eacutetait vivant et comme elle ne lui a sans doute jamais parleacute parce que jusque-lagrave elle nosait pas Tout bascule ccedila vrille comment crsquoest possible possible je suis en colegravere

Elle refuse puis accueille la reacutealiteacute et lhomme eacutetranger qui explique sa fonction je cueille des mots Et qui fait davantage en analysant les eacutevegravenements Cest lui qui le premier a un doute Il est mort votre copain On dirait qursquoil fait le mort Si effectivement la mort neacutetait quune ruse pour permettre de deacutebusquer la veacuteriteacute vraie agrave linstar dOrgon cacheacute sous la nappe pour confondre Tartuffe

La langue choisie par Nathalie Beacutecue est preacutecise poeacutetique et feacuteroce Si je deacutesentortille votre charabia Jrsquoai trop la trouille pour pas y aller avant de se deacutecider agrave deacuterouler ses recircves sous ses pas

Faisons-nous aussi le pas pour ne pas louper ce petit bijou qui se joue au theacuteacirctre de la Tempecircte jusquau 15 avril 2018

Bourrasque de Nathalie Beacutecue Mise en scegravene Feacutelix Prader Avec Nathalie Beacutecue (Alice Burke) Pierre-Alain Chapuis (Daniel Burke) Theacuteo Chedeville (Michaeumll Dara) Philippe Smith (John) Sceacutenographie et costumes Ceacutecilia Galli Creacuteation sonore Estelle Lembert Direction des combats Franccedilois Rostain Du 16 mars au 15 avril 2018 Du mardi au samedi 20 h 30 dimanche 16 h 30 Les photos qui ne sont pas logotypeacutees A bride abattue sont de Antonia Bozzi Publieacute par marie-claire agrave 2335 Envoyer par e-mailBlogThisPartager sur TwitterPartager sur FacebookPartager sur Pinterest Libelleacutes coup de coeur spectacle theacuteacirctre

critiquetheatreclaucom

17 Mars 2018

ABOZZI

Bourrasque jusqursquoau 1504 th de La tempecircte

Mouvance de la destineacutee

De Nathalie Beacutecue inspireacute de lrsquoœuvre de John Millington Synge dramaturge irlandais 1871- 1909Mise en scegravene Feacutelix Prader

Au premier instant nous nous sommes happeacutes par un merveilleux poegraveme invoquant le chagrin des ecirctres perdus la solitude la deacutetresse la tristesse les regrets

laquo Pourquoi jrsquoai reccedilu cette vie Au lieu drsquoattraper lrsquoair transparent dans le bleu du cielhelliphellip Rester lagrave agrave attendre la Balayure du soir raquo

Une atmosphegravere de conte de poeacutesie et de mystegravere nous enveloppe

Un jour de grande tempecircte au plus profond de la campagne irlandaise nous peacuteneacutetrons dans une sobre demeure Il va se deacuterouler sous nos yeux pleins drsquoeacutetonnement un conte tragi-comique

Les personnages sont hauts en couleur

Un paysan Daniel Burke rustre et srsquoabreuvant de whisky pour oublier sa peur et la tristesse de la vie simule sa mort pour espionner sa femme

Alice soumise agrave sa condition se questionne sur sa vie passeacutee et agrave venir Tout en veillant son deacutefunt mari

John marcheur solitaire poegravete eacutecrivain et avide de liberteacute eacutecoutant et observant le monde arrive agrave lrsquoimproviste dans cette demeure

Michaeumll ancien marin devenu berger est un eacutetranger dans cette campagne isoleacutee Il va convoiter Alice pour srsquointeacutegrer dans ce monde hostile

Tous ses personnages vont se reacuteveacuteler nous raconter leur histoire parfois tragique parfois cocasse

Que veulent-ils devenir Prendront-ils leur destineacutee en main

Nous deacutecouvrons le sens de la fecircte les rites et coutumes funeacuteraires de la campagne irlandaise Nous ressentons lrsquoisolement de ses contreacutees la vie rude et solitaire de ses habitants ainsi que le climat rigoureux et froid

Crsquoest agrave la fois violent et tendre eacutemouvant et burlesque

Les comeacutediens nous eacutemeuvent et nous transpercent le cœur

Avec Alice Nathalie Beacutecue nous bouleverse

Daniel Pierre-Alain Chapuis bourru et tendre nous attendri

John Philippe Smith eacuteleacutegant et serein nous seacuteduit

Sans oublier Theacuteo Chedeville touchant dans le rocircle du jeune berger Michaeumll

Page 2: BOURRASQUE - Théâtre Montansier · 2018. 5. 7. · composé Bourrasque, que Félix Prader met en scène avec igueu (1). Synge affimait u’au théâtre, « il faut du réel, il

Journalistes venus Quotidien Jean-Pierre Leacuteonardini LrsquoHumaniteacute Armelle Heacuteliot Le Figaro Hebdomadaire Nicolas Ponse Femme actuelle Mensuel Eric Demey La Terrasse Trimestriel Patrice Pavis Theacuteacirctre public Web Claudine Arrazat critiquetheatreclau Freacutedeacuteric Perez spectatiffr Sarah Franck arts-chipelsfr Jean Grapin lareuvueduspectalefr Morgane Patin bullesdeculture Martine Piazzon froggydelight Mathias Youb leblogdudoigtdansloeil Dominique Darzacq webtheatrefr Judith Policar comme il vous plaira Micheline Rousselet snes Gilles Virtel wanderersitecom Julia Bianchi le-coryphee Marguerite Dornier lebruitduofftribune Annick Drougou spectacles seacutelection

Marie-Claire Poirier abrideabattue Gilles Costaz webtheatrefr Jean-Luc Jeener lefigarofr Radio Alexandre Laurent Radio IDFM laquo Empreintes raquo Evelyne Selles-Fischer Radio freacutequence Protestante laquo Le manteau drsquoArlequin raquo Chantal Ozouf Radio Soleil Andreacute Malamut Radio soleil Marianne Joly France Info

Florence Pons RFI

Bourrasque une piegravece agrave couper le souffle

signeacutee Nathalie Beacutecue Par Jean-Luc Jeener Mis agrave jour le 03042018 agrave 15h41 | Publieacute le 03042018 agrave 07h00 Lactrice sest inspireacutee dun des reacutecits de lIrlandais John Millington Synge pour sa fresque dun monde pauvre et acircpre Elle y joue le rocircle dune femme rugueuse dans un univers ougrave le deacutechaicircnement des eacuteleacutements les bouffeacutees de fantastique apportent et la peur et le reacuteconfort Cest un tout petit peu long une heurehellip On a beau penser que si le formidable Pierre-Alain Chapuis joue le rocircle dun homme mort assis cacheacute sous un drap blanc cest bien quil va finir par ressusciter on se languithellip On aimerait que ce comeacutedien magistral entre plus vite dans le vif de la piegravece Nathalie Beacutecue comeacutedienne sensible femme intelligente sest prise damour pour les eacutecrits de lIrlandais John Millington Synge (1871-1909) et on la comprend Elle a voulu adapter lun des textes du recueil intituleacute Les Icircles dAran que lon peut lire dans la tregraves bonne traduction de Franccediloise Morvan (Actes Sud) Sous la direction preacutecise de Feacutelix Prader Nathalie Beacutecue est Alice Burke femme de la terre Bourrue attachante Son mari Daniel (Pierre-Alain Chapuis) vient de mourir Elle recircve tout haut devant Michaeumll Dara (Theacuteo Chedeville) le marin celui qui vient dailleurs et John (Philippe Smith) On est plongeacutes dans un monde qui nous est eacutetranger mais que lon reconnaicirct pourtant Un monde pauvre et acircpre dans lequel le deacutechaicircnement des eacuteleacutements les bouffeacutees de fantastique apportent et la peur et le reacuteconfort Deacutecor lumiegraveres costumes sont bien accordeacutes agrave latmosphegravere et les comeacutediens sont bons Mais que Chapuis legraveve lœil et lon est ravi Il est grandiose Irlandais dans lacircme Eacutenorme et irreacutesistible Theacuteacirctre de la Tempecircte Cartoucherie de Vincennes route du Champ-de-Manœuvre (XIIe)

Ce sont des femmes en mouvement

MARDI 3 AVRIL 2018

le Groenland monologue eacutecrit par Pauline Sales subtilement mis en scegravene par Baptiste Guiton au TNP-Villeurbanne Photo Michel Cavalca

La chronique theacuteacirctre de Jean-Pierre Leacuteonardini

La scegravene nrsquoest-elle pas le lieu ideacuteal sinon de lrsquoeacutemancipation des femmes du moins des

velleacuteiteacutes de leur souveraineteacute Voyez Ibsen Deux exemples drsquoaujourdrsquohui Nathalie Beacutecue agrave

partir de lrsquoOmbre de la valleacutee de lrsquoIrlandais magnifique John Millington Synge (1871-1909) a

composeacute Bourrasque que Feacutelix Prader met en scegravene avec rigueur (1) Synge affirmait qursquoau

theacuteacirctre laquo il faut du reacuteel il faut aussi de la joie raquo Pari tenu devant cette histoire au verbe

haut agrave la segraveve populaire fertile en meacutetaphores ougrave lrsquoon voit et entend Alice Burke (Nathalie

Beacutecue) eacuteperdue de solitude devant le cadavre assis de son mari (Pierre-Alain Chapuis) qui

soudain se dresse face agrave deux preacutetendants un jeune berger ancien marin (Theacuteo Chedeville)

et un poegravete errant (Philippe Smith) double aveacutereacute de Synge Nathalie Beacutecue met en jeu une

eacutenergie farouche au service drsquoune partition agrave lrsquoharmonie rugueuse tisseacutee de tous les deacutesirs

drsquoune liberteacute dure agrave prendre agrave laquelle il faut bien se reacutesoudre Le trio viril Pierre-Alain

Chapuis agrave sa tecircte nrsquoest certes pas en deccedilagrave mais semble un peu meacuteduseacute et crsquoest justice par

le rythme drsquoemportement absolu qursquoimpulse la comeacutedienne agrave ce manifeste drsquoeacutemancipation

au lyrisme acircpre

Un texte tregraves dense hacheacute haletant veacuteritable flot de paroles

Dans le Groenland monologue eacutecrit par Pauline Sales subtilement mis en scegravene par Baptiste

Guiton (en 2009 deacutejagrave il srsquoy eacutetait attaqueacute) Tiphaine Rabaud Fournier nrsquoest pas seule puisque

Seacutebastien Quencez est preacutesent sur le plateau pour jouer du Beacutela Bartok agrave point nommeacute sur

un piano agrave roulettes que la parleuse bouge freacutequemment pour srsquoinventer un espace

introuvable (2) Elle est censeacutee srsquoadresser sans cesse agrave sa petite fille avec laquelle il srsquoagirait

de srsquoenfuir vers le froid absolu Un texte tregraves dense hacheacute haletant veacuteritable flot de paroles

englobant une infiniteacute de menus peacuteripeacuteties et de reacuteflexions au cours desquelles la jeune

megravere (lrsquoest-elle vraiment lrsquoenfant nrsquoest-elle pas qursquoimaginaire ) laisse libre cours agrave toutes

impulsions y compris celle drsquoabandonner la chair de sa chair comme on disait jadis dans les

romans drsquoordre moral Cela se vit chez le spectateur en toute complexiteacute au sein drsquoune

espegravece de griserie susciteacutee par la motriciteacute fieacutevreuse neacuteanmoins savamment domineacutee de

lrsquointerpregravete qui srsquoavance loin dans lrsquoaffirmation du sujet autonome que figure la personne agrave

qui elle precircte vie qui nrsquoambitionne rien tant que devenir elle-mecircme soit celle sans doute

qui a eacutecrit le Groenland lorsqursquoelle fut megravere justement il y a de cela dix ans

1 Theacuteacirctre de la Tempecircte jusqursquoau 15 avril

2 TNP-Villeurbanne jusqursquoau 14 avril

Accueil gt Bourrasque de Nathalie Beacutecue drsquoapregraves Synge

Critiques Theacuteacirctre

Bourrasque de Nathalie Beacutecue drsquoapregraves Synge

par Gilles Costaz

Un orage irlandais

Les titres des documents et des affiches de Bourrasque ne preacutecisent sans doute pas

suffisamment qursquoil srsquogit drsquoune adaptation drsquoune piegravece de John Millington Synge LrsquoOmbre de

la valleacutee Nathalie Beacutecue srsquoest inspireacutee tregraves librement de la piegravece et des teacutemoignages laisseacutes

par lrsquoeacutecrivain quand il partit vivre quelque temps dans les icircles drsquoAran Crsquoest bien le monde de

Synge qursquoon trouve ici mecircme si lrsquoeacutevolution des personnages nrsquoest plus tout agrave fait la mecircme et

mecircme si le langage a un rugueux qui vient surtout de lrsquoimagination de lrsquoauteure franccedilaise

Dans un hameau perdu sur lrsquoune de ces icircles lamineacutees par les tempecirctes un couple survit

difficilement agrave la fin de leur amour totalement eacutepuiseacute par les anneacutees qui ont passeacute La

femme a gardeacute toute son eacutenergie lui tient agrave peine debout Et drsquoailleurs au moment ougrave un

nouveau voisin vient faire ses salutations le mari srsquoeffondre Mort Dans ces contreacutees-lagrave on

redresse un peu le mort et on le couvre drsquoun drap Et on continue agrave boire Entre lrsquoeacutepouse et

le visiteur la sympathie se deacuteveloppe Elle pourrait les mener loin Ils font quelques projets

plutocirct indiffeacuterents au cadavre Mais le mort se reacuteveille Il a tout entendu A-t-il simuleacute sa

mort Il nrsquoest pas content Tout ce monde plus un autre passant qui rapplique hausse la

voix montre les poings Mais avec le retour de lrsquohumaniteacute et de la luciditeacute tout pourrait

srsquoarranger une fois les cartes rebattues

Nathalie Beacutecue qui interpregravete lrsquoeacutepouse joue comme elle eacutecrit dans la rudesse masquant la

noblesse des sentiments et sans ceacuteder agrave la joliesse Elle deacutefend fort bien sa piegravece Pierre-

Alain Chapuis qui est lrsquoun de nos plus grands comeacutediens donne au rocircle du mari une belle

violence bourrue et les lentes fluctuations drsquoune laborieuse penseacutee cassant sa torpeur Theacuteo

Chedeville est un eacutetranger complexe sous lrsquoapparence drsquoun personnage bonhomme et avineacute

Philippe Smith complegravete la distribution avec une discreacutetion nuanceacutee La mise en scegravene de

Feacutelix Prader deacutetaille bien les orages et les accalmies de cette danse de mort virant agrave la danse

de vie

Bourrasque variation de Nathalie Beacutecue sur LrsquoOmbre de la valleacutee de Synge mise en scegravene

de Feacutelix Prader sceacutenographie et costumes de Ceacutecilia Galli creacuteation sonore drsquoEstelle Lembert

collaboration artistique drsquoAureacutelia Guillet avec Nathalie Beacutecue Theacuteo Chedeville Pierre-Alain

Chapuis Philippe Smith

Theacuteacirctre de la Tempecircte cartoucherie de Vincennes teacutel 01 43 28 36 36 jusqursquoau 15 avril

(Dureacutee 1 h 15)

Photo Antonia Bozzi

THEATRE AU VENT Just another Bloglemondefr weblog

LA BOURRASQUE DE NATHALIE BECUE ndash MISE EN SCENE DE FELIX PRADER AU THEATRE DE

LA TEMPETE agrave la Cartoucherie de Vincennes ndash Route du champ de manoeuvre 75012 PARIS

ndash du 16 Mars au 15 Avril 2018 ndash Salle Copi bull Dureacutee 1h40 ndash du mardi au samedi agrave 20h30 le

dimanche agrave 16h30 ndash

Publieacute le 29 mars 2018 par theatreauvent

Il lui fallait un texte agrave sa hauteur un texte qui lrsquohabite Nathalie BECUE Elle lrsquoa trouveacute en

infusant lrsquoœuvre du poegravete et dramaturge irlandais John Millington SYNGE (1871-1909) Un

conte a inspireacute sa piegravece raquo Bourrasque raquo laquo In shadow of the glen raquo lrsquoombre de la valleacutee

Elle met en scegravene une espegravece de culs-terreux une femme et son mari un berger qui vivent

dans un trou perdu

Lorsque la piegravece commence la femme vient de deacutecouvrir son eacutepoux mort sur sa chaise Elle

a du mal agrave reacutealiser lrsquoeacuteveacutenement elle continue agrave lui parler et puis rapidement reprend son

esprit La mort en Irlande encore dans les campagnes donne lieu agrave des festiviteacutes qui

deacutebutent par la veilleacutee funegravebre et dure plusieurs jours

Au moment ougrave elle se dit qursquoelle doit preacutevenir le village et surtout la sœur du mort survient

en pleine bourrasque un eacutetranger qui lui demande lrsquoasile pour la nuit Elle accepte puis laisse

lrsquoeacutetranger seul avec le mort Ce dernier se reacuteveillehellip

Lrsquoaspect fantastique de lrsquohistoire est parfaitement inteacuterioriseacute dans la piegravece Il intervient

comme une petite lumiegravere une sorte drsquoeacutelectrochoc des consciences mais il colle tout agrave fait agrave

la reacutealiteacute rude des personnages

Chez laquo Ces gens-lagrave raquo comme dans la chanson de Jacques BREL on ne se parle pas on se cuite

au whisky Crsquoest normal Madame BURKE recircve drsquoune autre vie elle nrsquoa peur de rien mais tout

de mecircmehellip

Il faut la faire deacutecoller du sol cette colegravere inteacuterieure ce deacutesespoir qui habitent les

personnages qui semblent happeacutes par le vide de leur existence

Madame BURKE est ameneacutee agrave brailler pour srsquoentendre et Monsieur BURKE agrave sortir de ses

gonds pour la faire taire Lrsquoeacutetranger poegravete sans ressources finit par offrir sa petite bulle

drsquoair agrave la femme affameacutee de liberteacute Un autre personnage un berger incompeacutetent prend

conscience que sa solitude lui pegravese et accepte lrsquoaide de Monsieur BURKE

Si lrsquoissue est positive elle aura tout de mecircme demandeacute lrsquoapport drsquoune belle bourrasque pour

faire sortir de leur terrier le couple de paysans

Elle semble jaillir de la terre mecircme la langue de Nathalie BECUE sensuelle et poeacutetique

parfois mecircme explosive

La bourrasque eacutetait deacutejagrave dans les cœurs nous suggegravere lrsquoauteure elle transfigure les

interpregravetes qui incarnent de pauvres bougres les pieds sur terre et agrave lrsquoouest dans ce

spectacle mis en scegravene sans artifice par Feacutelix PRADER et pourtant jubilatoire

Paris le 29 Mars 2018

Evelyne Tracircn

Bourrasquehellip Juste ce quil faut deacutetrangeteacute pour que le reacutealisme soit porteacute aux franges du fantastique Bourrasque Theacuteacirctre de la Tempecircte Paris

Dans Bourrasques inspireacutee par lœuvre de John Millington Synge Nathalie Beacutecue emporte le spectateur dans un tourbillon de theacuteacirctre Un theacuteacirctre mucirc par une langue concregravete drue simple manieacutee par des vagabonds des mots des enjocircleurs des charmeurs beaux parleurs qui magnifient cette terre d Irlande herbeuse et moutonneuse et tourbeuse cette terre de lOuest ces icircles dAran les bien nommeacutees

copy Antonia Bozzi

Battues par les vents peupleacutees dhommes taiseux cogneux buveux de femmes entiegraveres et acircpres et dures agrave la tacircche Cette terre dIrlande qui rend recircves et cauchemars et mots et sorts et enchantements Le spectacle de Nathalie Beacutecue sappuie sur une farce tregraves ancienne celle du mari qui feint la mort pour mieux confondre son eacutepouse et son amant La comeacutedie le drame se croisent Du trivial le plus cru au lyrique le plus naturel Feacuteroce et drocircle Assureacutement le rire de Synge est tragique mais il est sain Il est celui des fabliaux Mais ces habitants ne sont pas traiteacutes comme des ploucs mais comme des poegravetes qui savent extraire des petits faits de leurs superstitions de leurs peurs de leurs malheurs des reacutecits beaux comme la laine Des reacutecits qui exaltent tout autant que le Whiskey

copy Antonia Bozzi

Les personnages sont eacutemus par deacutetranges sympathies archaiumlques Leur humeur change au greacute des coups de vents et leur simpliciteacute de caractegravere bascule dans une franche gaiteacute ou une brusque deacutepression Cest que leur isolement des frousses leacutegendaires les font appartenir agrave un monde de recircves et de forces qui les deacutepassent La langue est simple Cest la langue du conteur Juste ce quil faut deacutetrangeteacute pour que le reacutealisme soit porteacute aux franges du fantastique Les dialogues sont croiseacutes la syntaxe subit des torsions les choses sont nommeacutees simplement Le grain de la voix le rythme du souffle leacutelan du jeu humanise les ecirctres amplifie les mots agrave la dimension du recircve et de leacutemerveillement Ce spectacle est une eacutechappeacutee belle Avec laide de ses comeacutediens leur verve et le beau travail sur le texte de Nathalie Beacutecue le spectateur retrouve le secret dune poeacutesie objective agrave base dhumour franc que le theacuteacirctre actuel a trop souvent abandonneacute Bourrasque

copy Antonia Bozzi

Variation sur LOmbre de la valleacutee de John Millington Synge Texte Nathalie Beacutecue Mise en scegravene Feacutelix Prader Avec Nathalie Beacutecue Theacuteo Chedeville Pierre-Alain Chapuis Philippe Smith Sceacutenographie et costumes Ceacutecilia Galli Creacuteation sonore Estelle Lembert Collaboration artistique Aureacutelia Guillet Lumiegraveres Thibault Gaigneux Direction des combats Franccedilois Rostain Dureacutee 1 h 30 Production En Votre Compagnie Du 16 mars au 15 avril 2018 Du mardi au samedi agrave 20 h 30 dimanche agrave 16 h 30 Theacuteacirctre de la Tempecircte Salle Copi La Cartoucherie Paris 12e 01 43 28 36 36

Jean Grapin Lundi 26 Mars 2018

Drame naturaliste de Nathalie Beacutecue dapregraves

une oeuvre de John Millington Synge mise en scegravene de Feacutelix Prader

avec Nathalie Beacutecue Theacuteo Chedeville Pierre-Alain Chapuis et Philippe

Smith

La comeacutedienne Nathalie Beacutecue a deacutejagrave montreacutee son appeacutetence pour la

parole des taiseux du temps jadis avec un monologue dramatique

Lapprentie sage-femme issu du roman dun auteur contemporain ameacutericain

Karen Cushman se deacuteroulant dans lAngleterre meacutedieacutevale

Avec Bourrasque elle propose une adaptation libre quelle qualifie de

variation dune piegravece de John Millington Synge dramaturge irlandais du

19egraveme siegravecle engageacute dans le mouvement du Celtic Reviva l qui ressort agrave la

theacutematique de lacircme simple agrave laquelle ne sont eacutetrangers ni lapproche

poeacutetique du monde ni le questionnement meacutetaphysique

Par une nuit dorage un eacutecrivain meacutemorialiste baroudeur et collecteur

dhistoires (Philippe Smith) qui bat la campagne irlandaise trouve refuge dans

une ferme isoleacutee du comteacute de Wicklow

La dame de la maison (Nathalie Beacutecue) est sous le coup de leacutemotion de

la mort soudaine - et simuleacutee - de son mari (Pierre-Alain Chapuis) car

destineacutee agrave eacutetablir linfideacuteliteacute commise avec un jeune berger (Theacuteo

Cheacutedeville) et ce subterfuge va bouleverser leur destin

Sobrement mis en scegravene par Feacutelix Prader dans une sceacutenographie

intemporelle de Ceacutecilia Galli ce drame naturaliste agrave connotation de reacutealisme

magique agrave lirlandaise entre brume et tourbe composeacute essentiellement de la

juxtaposition quatre reacutecits hybridant soliloque et de biodrame beacuteneacuteficie dune

interpreacutetation remarquable qui navigue du registre du patheacutetique avec pour

chantre Nathalie Beacutecue et celui du burlesque dont Pierre-Alain

Chapuis savegravere en lespegravece le champion qui twiste la partition en eacutevitant

leacutecueil lacrymal

MM

BOURRASQUE Theacuteacirctre de la Tempecircte

Cartoucherie

Route du Champ-de-Manœuvre

75012 Paris

Tel 01 43 28 36 36

Jusqursquoau 15 avril 2018

du mardi au samedi 20h30

Dimanche 16h30

On connaissait de JM Synge laquo Le baladin du monde occidental raquo bien sucircr et laquo

Deirdre des douleurs raquo Voici qursquoon nous exhume une piegravece bien moins connue laquo

Lrsquoombre de la valleacutee raquo Elle fut eacutecrite par Synge apregraves un seacutejour aux icircles drsquoAran Ici

elle sert de base agrave cette variation signeacutee en fait Nathalie Beacutecue

Nous sommes au deacutebut du siegravecle dans un coin reculeacute drsquoIrlande une femme Alice

Burke veille son mari qui vient de mourir et qui deacutetail important lui a bien demandeacute

de ne pas le toucher Il laisse ce soin agrave sa soeur La femme reccediloit alors la visite drsquoun

voyageur preacutenommeacute John (Synge lui-mecircme) Comme elle srsquoeacuteclipse Daniel le mari

reacutevegravele qursquoil nrsquoest pas mort Choc Et ce nrsquoest pas fini

Si Synge avait axeacute sa piegravece sur cette tradition irlandaire (contrefaire le mort) et ses

conseacutequences tragi-comiques on voit bien que ce nrsquoest pas ce qui a inteacuteresseacute

Nathalie Beacutecue Elle a vu lagrave lrsquooccasion de deacutevelopper des personnages inventer

comme elle dit laquo un parler agrave ces taiseux et agrave y glisser toute la tendresse toutes les

violences qui les habitent raquo

Dans deacutecor sobre et agrave lrsquoaide de quelques eacuteleacutements laquo parlants raquo nous avons donc

droit agrave des variations sur le couple la solitude la vie des paysans-eacuteleveurs de

moutons leurs soucis et surtout lrsquoalieacutenation de lrsquoeacutepouse

Le problegraveme est qursquoil y a quelques longueurs agrave cocircteacute de fulgurances et de trouvailles

laquo Comme on vit on meurt mecircme visage raquo ou bien lanceacute par la femme laquo Mariez-

vous vous trimerez raquo la piegravece est statique

Elle est heureusement brillamment joueacutee par Pierre-Alain Chapuis (Daniel Burke)

avec sa rudesse et ses emportements ou Philippe Smith dans le rocircle de John Theacuteo

Chedeville a la fougue de la jeunesse mais on retiendra surtout lrsquoauteur-interpregravete

Nathalie Beacutecue elle est eacutemouvante et forte dans ce rocircle de femme en reacutevolte et qui

nrsquoa au bout du compte que le choix entre trois destins incarneacutes par trois hommes

Geacuterard Noeumll

Bourrasque

de Nathalie Beacutecue

Mise en scegravene Feacutelix Prader

Avec Nathalie Beacutecue Pierre-Alain Chapuis Theacuteo Chedeville Philippe Smith

Sceacutenographie et costumes Ceacutecilia Galli

Son Estelle Lembert

Collaboration artistique Aureacutelia Guillet

Direction des combats Franccedilois Rostain

Nathalie Beacutecue Antonia Bozzi

Bourrasque agrave la Tempecircte Un moment tempeacutetueux et plein drsquoeacutemotion Cest un voyage que nous propose actuellement le theacuteacirctre de La Tempecircte Une immersion absolue dans un foyer irlandais un soir ougrave une terrible bourrasque a deacutecideacute de tout emporter sur son passage En effet Nathalie Beacutecue agrave leacutecriture et Felix Prader agrave la mise en scegravene nous emportent dans leur univers celui de la farce mais aussi celui du reacuteel Un spectacle vibrant entre violence tendresse et reacuteflexion La nuit tombe sur cette chaumiegravere et sur la vie dAlice Burke Daniel Burke est mort Le deacutesarroi la colegravere la deacutetresse transpirent chez cette femme qui entame une premiegravere nuit de deuil Puis vient la bourrasque vient cet eacutetranger qui arpente les routes vient ce berger de la ferme voisine Cette soireacutee est une soireacutee eacutesoteacuterique Tout semble hors du temps Ce soir pour chacun des protagonistes cest un nouveau deacutepart une remise agrave zeacutero des compteurs Une renaissance Un envol Alice Burke na pas peur Sur scegravene ils sont quatre Quatre comeacutediens de talent qui eacutepousent agrave la perfection les personnages quils incarnent Justes profonds et surtout attachants Nathalie Beacutecue Pierre-Alain Chapuis Theacuteo Chedeville et Philippe Smith sont vrais On sourit aux blagues de ce conteur on souffre avec cette femme tortureacutee on aime avec ce berger on est trahi avec Daniel Burke Le texte est fort il ne laisse pas insensible et pose les questions et les remises en question que tout un chacun est ameneacute agrave se poser au cours de son existence La mise en scegravene quant agrave elle ne nous impose rien Chacun est libre dajouter sa part dimagination et dhypothegravese agrave cette chaumiegravere isoleacutee dans les montagnes irlandaises La fin de cette bourrasque dans les airs et dans les cœurs est lapogeacutee de tout un cheminement dune reacuteflexion celle que propose ici Nathalie Beacutecue dapregraves les arguments de leacutecrivain J-M Synge Un spectacle vrai et sans artifice agrave deacutecouvrir

Zoom par Reacutegis DARO Paru le 30032018

-

BOURR

Spectatif

ASQUE au Theacuteacirctre de La Tempecircte 17 Mars 2018

Comment savoir si Daniel Burke est mort ou pas Srsquoil ne srsquoagit que de son fantocircme qui vient surprendre son eacutepouse Alice Burke ou si Daniel Burke feint sa reacutesurrection pour fendre ses secrets et laisser eacutechapper un peu de lui-mecircme dans ses derniers instants juste avant de tenter de fondre ses pas dans ceux de celle qui veut partir fatigueacutee du passeacute et enjoueacutee devant un avenir qursquoelle voudrait se construire meilleur et sien Deacuteroulera-t-elle ses recircves sous ses pas Troublante et mysteacuterieuse aventure que cette soireacutee de bourrasque ougrave une veilleacutee mortuaire devient une veilleacutee de palabres de reacutecits et drsquoespoirs Entre reacuteel et irreacuteel lrsquoimaginaire srsquoempare de nous nous faisant flotter sur le flux des mots dits et plonger par moments parmi les maux dits de ce couple de paysans dont on ne sait srsquoils srsquoaiment ou se haiumlssent si seulement lrsquoamour est entreacute dans leur bacirctisse ou si ce mot nrsquoexiste pas pour eux Ce spectacle baigneacute de poeacutesie reacutealiste crue et deacutepouilleacutee est une magnifique eacutecriture de Nathalie Beacutecue qursquoelle nomme Variation sur LrsquoOmbre de la valleacutee de John Millington Synge On comprend que ce grand dramaturge irlandais de la fin du 19egraveme siegravecle inspira Beckett et subjugua Artaud entre autres Tant ses peintures dramatiques de la paysannerie irlandaise de ses us et coutumes sont autant de sources pour des personnages en marge ou des situations fantastiques Le parcours de Alice Burke est captivant Ce qursquoelle raconte ce qursquoelle dit et ce qursquoelle devient Paysanne infidegravele ou eacutepouse adulteacuterine sublimeacutee dans le mal par son mari cet homme meurtri et malheureux elle deacutecouvre peu agrave peu drsquoautres horizons pour vivre

John le vagabond recueilli ce soir de bourrasque sorte drsquoaegravede qui parcoure les villages et se nourrit des morceaux de vie des autres notant ses observations se payant drsquoaumocircnes apportera agrave Alice les lumiegraveres du deacutesir drsquoailleurs Michaeumll Dara le jeune berger du voisinage venu lui aussi pour se proteacuteger de la bourrasque semble porter avec lui les plaisirs et les espeacuterances attendus inavoueacutes ou peut-ecirctre assouvis par Alice Daniel Burke le mari mort ou vivant fantocircme de lui-mecircme erre vocifegravere eacuteructe ses souffrances cacheacutees derriegravere sa violence qui le blesse autant qursquoil voudrait blesser nous montrant un paysan qui nrsquoa connu que sa famille enfant ou adulte pour tout environnement humain Joue-t-il avec la mort qui revient pour hanter la veilleacutee ou est-il lrsquoecirctre hirsute perdu agrave jamais dans ses illusions et ses souffrances dans ses remords et ses souvenirs qui le rongent tant qursquoil se confond dans la mort comme dans la vie On ne sait pas on ne sait plus Nous sommes trop eacuteblouis pour bien voir qui il est nous sommes trop toucheacutes pour savoir ougrave nous sommes vraiment La mise en scegravene de Feacutelix Prader feutre le reacutecit le meacutelange aux jeux avec adresse et fluiditeacute Les mondes se juxtaposent on nrsquoa rien vu venir La distribution est brillante Theacuteo Chedeville et Philippe Smith sont justes et convaincants Natalie Beacutecue est lumineuse et eacutemouvante Pierre-Alain Chapuis comme drsquohabitude nous surprend Il deacutegage une puissance de jeu qui donne agrave son personnage tout le trouble et la cassure qui conviennent Il est splendide et touchant Un spectacle sublime et tregraves prenant agrave lrsquoeacutecriture eacutetonnante et captivante aux jeux drsquoun brio stupeacutefiant Un tregraves grand moment de theacuteacirctre A voir absolument Drsquoapregraves les œuvres de John Millington Synge Variation sur The shadow of the Glen Eacutecriture de Nathalie Beacutecue Mise en scegravene de Feacutelix Prader Sceacutenographie et costumes de Ceacutecilia Galli Son de Estelle Lembert Lumiegraveres de Thibault Gaigneux Collaboration artistique de Aureacutelia Guillet Direction des combats de Franccedilois Rostain

Avec Nathalie Beacutecue Pierre-Alain Chapuis Theacuteo Chedeville et Philippe Smith

Du mardi au samedi agrave 20h30 et le dimanche agrave 16h30

Cartoucherie route du Champ de Manoeuvre Paris 12egraveme

0143283636 wwwla-tempetefr

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Accueil SPECTACLES [Critique] laquo Bourrasque raquo par Feacutelix Prader Une bouffeacutee drsquoIrlande

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[Critique] laquo Bourrasque raquo par Feacutelix Prader Une bouffeacutee drsquoIrlande Morgane P 2018-03-28

Le Theacuteacirctre de la Tempecircte preacutesente Bourrasque une piegravece de theacuteacirctre de Nathalie Beacutecue

mise en scegravene par Feacutelix Prader Une incursion meacutelancolique et amegravere en terre irlandaise

Lrsquoavis de Bulles de Culture qui eacutetait agrave la premiegravere de la piegravece

Synopsis

Alice Burke (Nathalie Beacutecue) veille son mari Dan Burke (Pierre-Alain Chapuis) qui vient de

mourir quand survient un vagabond (Philippe Smith) qui demande asile pour la nuit Il faut

preacutevenir Michael Dara (Theacuteo Chedeville) jeune berger des alentours afin qursquoil aille annoncer

la nouvelle en ville Mais voilagrave que le mort se redresse et qursquoil a encore des choses agrave direhellip

Bourrasque Une belle reacuteeacutecriture drsquoapregraves John Millington Synge

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Crsquoest la piegravece LrsquoOmbre de la valleacutee du dramaturge irlandais John Millington Synge qui est agrave

lrsquoorigine de Bourrasque De cette petite piegravece en un acte lrsquoauteure et comeacutedienne Nathalie

Beacutecue fait la colonne verteacutebrale du spectacle un drame noueacute autour de quatre

personnages dont lrsquoun mime sa mort pour prendre son eacutepouse en faute Reprenant agrave la

lettre le texte de lrsquoauteur irlandais Nathalie Beacutecue lrsquoeacutetoffe toutefois afin drsquoimaginer le

parcours personnel eacutemotionnel de chacun des quatre personnages Lrsquointeacutegration de son

eacutecriture agrave la piegravece de John Millington Synge est parfaite en ce qursquoelle deacutepeint le quotidien

meacutelancolique et maussade de ces Irlandais isoleacutes agrave lrsquoeacutecart du monde comme prisonniers de

la tourbe qui les entoure

Le phraseacute que Nathalie Beacutecue choisit pour Bourrasque est aussi une retranscription fidegravele du

style du dramaturge une langue agrave la fois racircpeuse et poeacutetique peacutetrie de la reacutealiteacute de ces

paysans Si John Millington Synge choisit lrsquoanglo-irlandais pour ses piegraveces Nathalie Beacutecue

imagine une syntaxe et un vocabulaire reacutealisant le mecircme eacutequilibre entre langue orale aux

tournures populaires et envoleacutees des meacutetaphores pour sonder les cœurs des quatre

laquo taiseux raquo

Un quatuor qui fonctionne agrave merveille

copy Antonia Bozzi

La patte de Nathalie Beacutecue ajoute une vraie personnaliteacute agrave la piegravece de John Millington

Synge agrave tel point que tous les personnages ont un relief propre qui les rend attachants sans

les caricaturer pour autant Elle excelle aussi dans lrsquoincarnation sur scegravene de cette femme

drsquoacircge mucircr eacutetouffeacutee par la solitude et lrsquoattente perpeacutetuelle qui constitue son quotidien Elle

tient ainsi toute la tension de Bourrasque de son deacutebut agrave sa fin et ce dans une diction

parfaite drsquoun bout agrave lrsquoautre malgreacute tout ce que la langue du personnage peut avoir de

bourbeux Quant aux trois hommes qui lrsquoentourent Bourrasque leur offre une personnaliteacute

plus profonde que la piegravece du dramaturge irlandais Exploitant les ellipses du texte original

Nathalie Beacutecue imagine que la meacutelancolie de Dan Burke trouve sa source dans la violence qui

lrsquoa entoureacute degraves son enfance Elle choisit aussi de faire davantage parler le jeune berger

amant de lrsquoheacuteroiumlne un peu naiumlf et pas tregraves malin Sa candeur en vient agrave faire sourire avec

tendresse

Mais lrsquoun des personnages qui prend le plus drsquoampleur dans la piegravece est sans conteste celui

du vagabond que Nathalie Beacutecue imagine comme une sorte de chercheur drsquohistoires voyant

ainsi en lui un vague double de John Millington Synge qui a fait de la tradition et des contes

des icircles drsquoAran lrsquoune de ses quecirctes Ce personnage renoue ainsi avec la tradition orale du

reacutecit il rappelle ces aegravedes de la socieacuteteacute grecque antique qui allaient de palais en palais

chanter les reacutecits de leur connaissance Toute la deacutelicatesse dont fait preuve Philippe

Smith dans ce rocircle est remarquable

Un huis clos haletant

I

copy

Antonia Bozzi

Bourrasque reacuteussit avec brio agrave maintenir une tension forte tout au long de la piegravece Crsquoest

drsquoabord la tension qursquoil y a autour de ce deuil rendu angoissant par la preacutesence du mort sur

scegravene Crsquoest ensuite une fois que le laquo mort raquo a reacuteveacuteleacute sa supercherie au vagabond la tension

que ressent le spectateur qui attend que Dan Burke nrsquointervienne Crsquoest enfin la tension du

conflit conjugal qui explose et renverse la situation initiale La mise en scegravene de Feacutelix

Prader repose sur la simpliciteacute deacutecor rudimentaire pas de grands effets Et cela met

parfaitement en valeur la dimension relationnelle du drame

Cette tension dramatique est encore accentueacutee par la tempecircte inteacuterieure que traversent les

personnages notamment les deux eacutepoux Le monologue drsquoAlice qui ouvre la piegravece et la

longue explication que son mari offre au vagabond montrent les deux faces drsquoun couple en

crise dans lequel chacun-e ne voit plus que sa propre souffrance Ce trouble inteacuterieur et

cette forte tension eacutemotionnelle sont bien sucircr souligneacutes par les circonstances

meacuteteacuteorologiques on traverse avec les personnages une sorte de tempecircte ougrave le vent souffle

avec violence Nrsquoest-ce finalement pas cette terrible bourrasque qui trouble les esprits de

chacun Rien nrsquoest moins sucircr

Reacuteunir les deux eacutepoux et lrsquoamant confondu crsquoest un topos theacuteacirctral Mais la preacutesence de cet

inconnu que Nathalie Beacutecue place comme un observateur particulier puisqursquoon imagine que

le drame auquel il assiste pourra enrichir encore son livret de reacutecits est une belle reacuteussite

Eacutecoutant les deux eacutepoux puis prenant finalement place dans le drame en exerccedilant le recul

dont lui seul dans la piegravece est capable change la porteacutee de la piegravece et enrichit

consideacuterablement le triangle amoureux

Bulles de Culture vous recommande en tout cas vivement cette incursion en terre irlandaise

En savoir plus

bull Bourrasque de Nathalie Beacutecue mise en scegravene par Feacutelix Prader est joueacute au Theacuteacirctre de la

Tempecircte du 16 mars au 15 avril 2018

bull Bourrasque sera joueacute en 2018 au Centre culturel de Vitreacute le 20 avril sur la Scegravene nationale

de Bar-le-Duc le 17 mai et au Theacuteacirctre Montansier de Versailles le 25 mai

bull Dureacutee du spectacle 1h40

Actualiteacute theacuteacirctrale

Jusqursquoau 15 avril au Theacuteacirctre de la Tempecircte

laquo Bourrasque raquo mercredi 21 mars 2018

Par un soir de tempecircte dans une chaumiegravere isoleacutee Alice Burke veille son mari le rude et taiseux Dan Burke qui vient de mourir Il lui a interdit de toucher son corps apregraves sa mort exigeant que ce soit sa sœur qui srsquooccupe de la toilette mortuaire Mais celle-ci habite loin Alice craint la nuit et la tempecircte dans ce lieu isoleacute et ne peut le laisser seul Elle attend Deux hommes vont se preacutesenter agrave sa porte un eacutetranger qui parcourt les rudes collines des alentours pour laquo cueillir raquo les histoires qursquoon veut bien lui confier et un jeune berger peu expeacuterimenteacute qui vit un peu plus loin Avec ces deux hommes deux avenirs pourraient se dessiner le second seraient bien inteacuteresseacute par la femme et surtout les biens dont elle va heacuteriter le premier lui ouvre une sortie de son isolement et de nouveaux espaces La bourrasque qui hurle au dehors gagne aussi lrsquointeacuterieur de la chaumiegravere et bouscule tous les esprits

Nathalie Beacutecue a eacuteteacute seacuteduite par lrsquounivers du poegravete et dramaturge irlandais John Millingtone Synge et en particulier par ce livre Les Icircles Aran ougrave il a raconteacute ses rencontres avec les icircliens et les leacutegendes qursquoils lui ont conteacutees Crsquoest de lrsquoun de ses contes Lrsquoombre de la valleacutee qursquoelle srsquoest inspireacutee pour eacutecrire Bourrasque Apregraves lrsquoavoir vue dans Lrsquoapprentie sage-femme qursquoelle avait joueacutee en 2012 on comprend la continuiteacute de son travail Ce qui lrsquointeacuteresse ce sont ces destins de femmes dans les deux cas des paysannes qui cherchent leur voie et prennent la vie agrave bras le corps Dans son texte Nathalie Beacutecue a su faire entendre la sauvagerie de la nature le vent la pluie et la vie rude de ceux qui y habitent Elle a su aussi traduire les penseacutees tourmenteacutees des quatre personnages attribuant agrave John lrsquohomme qui cueille les histoires la deacutemarche de Synge lui-mecircme dans les Icircles drsquoAran

Dans la mise en scegravene de Feacutelix Prader on reste enfermeacute dans la chaumiegravere avec le mort assis ou couvert drsquoun drap et lrsquoexteacuterieur nrsquoapparaicirct qursquoinquieacutetant avec le bruit amplifieacute du vent ou des coups agrave la porte Seuls les hommes qui arrivent apportent lrsquoimage drsquoun ailleurs possible pour cette femme qui srsquoest laisseacutee enfermer dans la solitude au point drsquoecirctre obligeacutee de parler aux arbres

Nathalie Beacutecue en robe paysanne et petit gilet de laine bleue avec de gros bas de laine incarne Alice qui parle de sa vie avec cet eacutepoux taiseux porteacute sur le whisky Elle caresse la couverture de poils de chegravevre tout en parlant Calme elle dit qursquoaucun vivant ne lui a jamais fait peur crsquoest drsquoautre chose qursquoelle a peur puis soudain la colegravere lrsquoemporte quand elle pense agrave lrsquoennui de sa vie laquo fosse agrave chagrin mareacutecage de tristesse raquo et se dit qursquoelle a peut-ecirctre fait le mauvais choix en se condamnant agrave laquo regarder les saisons passer raquo Philippe Smith est John celui qui ramasse les histoires vagabond ceacuteleste qui amuse Alice avec un tour de magie lui donne les nouvelles de la valleacutee et surtout lui parle drsquoun ailleurs Theacuteo Chedeville est Michaeumll Dara le marin devenu berger Pierre-Alain Chapuis est Dan Burke le mort qui survit Il est puissant violent ravageacute par sa colegravere contre tous sa femme son pegravere mais aussi contre lui-mecircme On le sent deacutevoreacute par lrsquoamertume laquo bouffeacute par la tristesse raquo comme le dit Alice mais peut-ecirctre capable de rebondir loin de sa femme

On se laisse emporter par le reacutecit On est dans ces icircles irlandaises battues par le vent et la pluie et on rejoint John quand il dit laquo Apregraves des veilleacutees solitaires je peux dire que les gens drsquoici ne sont pas insignifiants raquo

Micheline Rousselet

Du mardi au samedi agrave 20h30 le dimanche agrave 16h30

Theacuteacirctre de La Tempecircte

Cartoucherie

Route du Champ-de-Manoeuvre 75012 Paris

Reacuteservations (partenariat Reacuteducrsquosnes tarifs reacuteduits aux syndiqueacutes Snes mais sur reacuteservation impeacuterative) 01 43 28 36 36

T H Eacute Acirc T R E

BOURRASQUE UN MAGNIFIQUE OBJET POEacuteTIQUE

ET INSPIREacute DANS LE MONDE AcircPRE ET SANS

CONCESSION DES TERRES DrsquoIRLANDE 19 MARS 2018

Reacutedigeacute par Sarah Franck

laquo Le cœur casseacute ccedila donne la vie grise raquo Quand la brume et le vent soufflent sur un monde sans avenir confit dans lrsquoeacutecoulement uniforme des jours une porte parfois srsquoentrouvre pour que change le cours des choseshellip

Un homme est mort ce soir assis dans son fauteuil Sa femme une femme de rien ou de si peu de chose heacutesite Il lui a interdit de toucher son cadavre et a jeteacute sur elle une maleacutediction au cas ougrave elle enfreindrait lrsquoordre Seule sa sœur aura le droit de le preacuteparer pour son dernier voyage Mais comment faire quand la nuit a pris des couleurs de noir drsquoencre que les nueacutees srsquoamassent que le tonnerre gronde qursquoelle a une tregraves longue route et qursquoelle est seule Il nrsquoest pas bon drsquoabandonner un mort agrave lui-mecircmehellip Dans ce lieu perdu du bout du monde ougrave ne trouvent guegravere agrave subsister que les moutons ougrave lrsquoacircpreteacute de la vie a jeteacute sur les ecirctres son voile de dureteacute ougrave ne semblent possibles que la violence des comportements et lrsquohostiliteacute ougrave lrsquoalcool est la solution ultime quotidienne pour triompher des aleacuteas un groupe heacuteteacuteroclite va peu agrave peu se rassembler

(c) Antonia Bozzi

Une arche de Noeacute de largueacutes du monde

Parmi les personnages perdus dans ce milieu de nulle part arrive drsquoabord un vagabond un cueilleur de mots un raconteur drsquohistoires qui cherche un havre pour la nuit Il voudrait simplement reposer ses pieds fatigueacutes de cheminot avant de reprendre la route Il y a lrsquoancien marin devenu eacuteleveur que la mort du mari arrange car il en guigne les terres pour faire paicirctre ses troupeaux Il y a elle la femme deacutevoueacutee dont on ne sait de quoi est fait son attachement au deacutefunt ndash amour en deacutepit de lrsquoindiffeacuterence qursquoil lui porte ennui drsquoun mariage accepteacute pour la seacutecuriteacute qursquoil donne reacutesignation devant les vexations subies Et puis il y a ce mort qui srsquoavegraverera bien vivant au moment ougrave srsquoopegravere le partage des deacutepouilles et dont lrsquohistoire a la violence et linceste pour cortegravegehellip

Ce sont lagrave des perdus eacutegareacutes sans lrsquoavoir choisi prenant racine lagrave ougrave on les a planteacutes Massifs taiseux Vivent-ils Peut-ecirctre le cheminot qui erre agrave lrsquoaventure est-il le seul agrave savoir ougrave il va ce saltimbanque ce poegravete qui donne agrave voir un ailleurs agrave respirer lrsquoodeur du vent et les senteurs venues de contreacutees lointaines Peut-ecirctre ne sont-ils pas agrave leur place mais ont-ils une place Le preacutesent est leur futur leur avenir leur eacuteterniteacute Ils portent leur brume en eux cette compagne des sortilegraveges et des superstitions qui leur colle agrave la peau Ils ont cette eacutepaisseur de la matiegravere brute cette preacutesence obstineacutee de ceux qui ne savent qursquoecirctre

(c) Antonia Bozzi

Lrsquoespace de la parole

Dans ce huis clos deacutelimiteacute par une table dans un coin une banquette sur laquelle est assis immobile le mari et une commode il nrsquoy a pas drsquoeacutechappatoire Le lieu est agrave lrsquoimage de leur existence refermeacute sur lui-mecircme Alors il ne leur reste que la parole pour briser lrsquoenfermement Une parole difficile Les mots buttent dans leur gorge ils sortent contraints rentreacutes et de trop de retenue se heurtent et srsquoentrechoquent avec de brusques flambeacutees de violence se deacuteversent tels des crachats agrave la figure de lrsquoautre Crsquoest un trop-plein qui deacuteferle pour trouver le chemin de la conscience et qui les met en face drsquoeux-mecircmes et de leur reacutealiteacute Apregraves il nrsquoy aura plus de retour en arriegravere possible et chacun devra trouver lrsquoissue qui lui convient

Ils ont ce parler fruste mais imageacute des paysans laquo ccedila crsquoest sucircr raquo qui offre une transposition bretonne agrave lrsquoanglo-irlandais du texte original Un mecircme fondement celtique court dans ces deux reacutegions que rassemblent la culture et les paysages et ougrave souffle un vent laquo agrave reacuteveiller les disparus les esprits malins ou les feacutees tordues raquo Les noms de lieux aux consonances eacutetranges chantent une poeacutesie de lrsquoailleurs qursquoaccompagne celle du deacutesespoir de ces eacutecorcheacutes de la vie laquo Crsquoest comme ccedila le bout du chemin de ceux de sa sorte Les deacutevoreacutes drsquoangoisse les rongeacutes de tristesse raquo Les mots disent leur deacutetresse Leur barbe laquo on dirait deacutejagrave du poil de moisissure raquo Lrsquounivers laquo des milliards de milliards de masses solaires qui tournoient en spirale jusqursquoagrave ecirctre happeacutees aspireacutees au centre de lrsquoinconnu du trou noir [hellip] une eacutenorme densiteacute de creacuteation ou une absence de creacuteation Du trop-plein au vide raquo agrave lrsquoimage de leur vie qui laquo se deacuteficelle raquo se deacutecompose se deacutesintegravegrehellip

Entre Synge et Nathalie Beacutecue

De lrsquoOmbre de la valleacutee de John Millington Synge ndash compatriote de Joyce Yeats et Beckett et fervent deacutefenseur du renouveau de la culture irlandaise ndash Nathalie Beacutecue reprend la situation de ce mort laquo ressusciteacute raquo tout en modifiant les enjeux et la porteacutee de lrsquohistoire Elle fait du chemineau une incarnation du poegravete Elle reprend dans lrsquoesprit ce parler si particulier qui inverse lrsquoordre des mots pour placer dans une phrase lrsquoimportant devant On y retrouve le mecircme souci de rendre leurs lettres de noblesse agrave ceux qui sont sans-grade placeacutes agrave lrsquoeacutecart en marge mais portent en eux une veacuteriteacute immeacutemoriale qui les deacutepasse Ces hommes et ces femmes qui ne savent pas parler une laquo belle raquo langue au sens classique sont pleins habiteacutes possesseurs drsquoun treacutesor qursquoil nous est donneacute de reconnaicirctre Dans sa laquo variation raquo Nathalie

Beacutecue insuffle sa propre vision de cette laquo veacuteriteacute raquo populaire peupleacutee de croyances et de leacutegendes et met ses personnages en face de choix qui les font progresser et grandir

(c) Antonia Bozzi

Un magnifique travail drsquoacteur

Ce qui frappe enfin crsquoest lrsquointerpreacutetation laquo millimeacutetreacutee raquo des comeacutediens Car enfin crsquoest sur eux que repose ce spectacle ougrave il ne se passe rien ou presque durant deux heures Pas de quiproquo ni de comique de situation Pas de trageacutedie au-delagrave de lrsquoagressiviteacute et des altercations Ni trop ni trop peu mecircme si lrsquoon alterne chuchotements et cris Ils sont tout en retenues briseacutees quand les digues lacircchent en heacutesitations en mots esquisseacutes en gestes inaboutis ou semi-dissimuleacutes en mimiques fugaces Ils disent comme en srsquoexcusant heacutesitent agrave srsquoimposer reacutevegravelent les failles avec beaucoup de finesse La minutie avec laquelle la gestuelle campe les personnages donne au spectacle une justesse qursquoon voit rarement au theacuteacirctre

On srsquoeacutemeut drsquoentendre eacutevoquer les myriades drsquoeacutetoiles comme autant drsquoesprits des morts flottant autour de nous on partage la fatigue des marches de montagne plongeacutees dans une brume eacutepaisse et hostile la difficulteacute de ces laquo nuits noires agrave en appeler agrave la clarteacute des eacutetoiles raquo Et puis on rit car ils sont des hommes avec leurs petits travers leurs lacirccheteacutes et leurs peurs ces errants agrave la deacuterive qui srsquoeacutegarent avec magnificence et nous ressemblent tant Au-delagrave du texte et de sa beauteacute crsquoest agrave une merveilleuse leccedilon drsquohumaniteacute que nous convie ce spectacle

Bourrasque de Nathalie Beacutecue librement inspireacute de lrsquoOmbre du vent de John Millington Synge (eacuted franccedilaise Actes Sud)

Mise en scegravene Feacutelix Prader

Avec Nathalie Beacutecue Pierre-Alain Chapuis Theacuteo Chedeville Philippe Smith (le poegravete)

Theacuteacirctre de la Tempecircte Cartoucherie de Vincennes Route du Champ de Mars ndash 75012 Paris

Du 16 mars 2018 au 15 avril du mardi au samedi agrave 20h30 le dimanche agrave 17h30

Teacutel 01 43 28 36 36 Site wwwla-tempetefr

Bourrasque au Theacuteacirctre de La Tempecircte

Publieacute par Michel Jakubowicz le 26 mars 2018 Publieacute dans Tendance - Fashion

Theacuteacirctre de la Tempecircte Cartoucherie Rte du Champ-de-Manœuvre 75012 Paris

Repreacutesentations du 16 mars au 15 avril 2018

httpswwwla-tempetefr

BOURRASQUE

Variation sur lrsquoOmbre de la valleacutee de JM Synge

de Nathalie Beacutecue

mise en scegravene Feacutelix Prader

avec

Nathalie Beacutecue (Alice Burke)

Pierre-Alain Chapuis (Daniel Burke)

Theacuteo Chedeville (Michaeumll Dara)

Philippe Smith (John)

Nathalie Beacutecue auteure de Bourrasque avoue srsquoecirctre inspireacutee du poegravete et dramaturge John

Millington Synge Feacutelix Prader agrave partir du texte de Nathalie Beacutecue va srsquoefforcer de recreacuteer

lrsquoambiance eacutetrange chaotique effrayante qui sourd de ce texte Il va en quelque sorte donner

corps agrave une histoire ougrave semble rocircder une ambiance agrave la limite du fantastique et mettre en lumiegravere

les comportements presque forceneacutes brutaux impreacutevisibles des personnages qursquoun hasard

apparemment faceacutetieux (ou malfaisant) a reacuteunis dans une chaumiegravere perdue de la lande irlandaise

battue par la tempecircte Il faut dire que la piegravece se deacuteroule dans un contexte peu banal presque

terrifiant puisqursquoune femme seule soliloque en srsquoadressant agrave un cosmos aveugle et infini bourreacute

de trous noirs insondables et mortels La femme semble prendre agrave teacutemoin un homme immobile

ne bougeant pas drsquoun cil et dont la raideur semble vaguement indiquer qursquoil est peut-ecirctre passeacute

de vie agrave treacutepas ou qursquoil feint deacutelibeacutereacutement lrsquoindiffeacuterence absolue face aux propos tenus par la

femme Les choses pourraient en rester lagrave mais soudainement surgi du cœur de la tempecircte qui se

deacutechaicircne agrave lrsquoexteacuterieur un inconnu reacuteclame avec insistance malgreacute lrsquohostiliteacute de la femme agrave

srsquoabriter dans la chaumiegravere

A partir de lrsquointrusion de cet eacutetranger lrsquoaction va soudainement srsquoacceacuteleacuterer et le reacutecit srsquoorienter

sans deacutelai vers lrsquoabsurde le fantastique lrsquoinattendu Le reacutecit bascule apparemment vers

lrsquoirrationnel mais en terre irlandaise il semble agrave lrsquoeacutevidence que les apparences ne sont pas

forceacutement conformes agrave la reacutealiteacute et la suite du reacutecit de Nathalie Beacutecue srsquoinspirant de John

Millington Synge ne fera que rendre encore plus creacutedible cette impression

La mise en scegravene de Feacutelix Prader reconstitue avec une sorte de preacutecision presque surnaturelle

eacutetonnante cette campagne irlandaise drsquoougrave nrsquoimporte quels fantocircmes peuvent impuneacutement surgir

de la nuit Jusqursquoau bout drsquoune nuit interminable peupleacutee de terreurs sans noms cette assembleacutee

de personnages subira jusqursquoau bout un destin fait drsquoincertitude balanccedilant constamment entre

espoir et deacutesespeacuterance Lrsquointerpreacutetation est remarquable en particulier celle de Nathalie Beacutecue

incarnant avec beaucoup drsquoacircpreteacute de passion le rocircle drsquoAlice Burke Mais les trois autres

protagonistes masculins sont eacutegalement parfaits donnant agrave leurs personnages respectifs toute

lrsquoeacutepaisseur psychologique deacutesireacutee Un spectacle prenant qui reacutevegravele dans toute sa profondeur

lrsquoacircme irlandaise

Michel Jakubowicz

LE BRUITDUOFF TRIBUNE

LES SCENES ACTUELLES SANS TABOU NI TROMPETTES

CRITIQUE laquo Bourrasque raquo variation sur Lrsquoombre de la valleacutee de JM Synge de Nathalie Beacutecue mis en scegravene par Feacutelix Prader avec Nathalie Beacutecue Pierre-Alain Chapuis Theacuteo Chedeville et Philippe Smith Au Theacuteacirctre de la Tempecircte salle Copi jusqursquoau 15 avril du mardi au samedi agrave 20h30 dimanche agrave 16h30

Crsquoest lrsquoun des plus beaux textes de la saison Nathalie Beacutecue a adapteacute les peacutereacutegrinations de Synge avec amour infleacutechissant ses rugositeacutes irlandaises drsquoune ardeur feacutebrile

laquo Bourrasque raquo crsquoest la poeacutesie cosmique descendue sur lrsquoeacutepure drsquoun verbe aussi vieux que les icircles drsquoAran qui lrsquoabritent laquo Bourrasque raquo crsquoest la meacutetaphysique de la bergegravere Srsquoeacutelegraveve une litanie vibrante adresseacutee aux eacutetoiles pour cet laquo ougrave suis-je raquo qui preacutecegravede le laquo qui suis-je raquo pour le trou noir la masse la poussiegravere lrsquoengloutissement la disparition lrsquoinconnu la creacuteation sa densiteacute son absence le trop plein le videhellip Le vertige drsquoAlice Burke un soir de tempecircte est celui drsquoun cœur simple dans le langage du monde Lrsquoespace drsquoun entre-lumiegravere avant lrsquoextinction de la salle Nathalie Beacutecue ample vibrante ancreacutee et tendue vers des ciels invisibles livre une formidable deacutemonstration de sa maicirctrise de lrsquoabandon

Encore aux prises avec ce jaillissement drsquoecirctre brut et pur il nous faut quelques battements de cœur pour lrsquohabituer aux ombres de la scegravene peacuteneacutetrer le deuil terrestre drsquoAlice Burke et investir sa maison de pierre tandis que laquo perdu ailleurs raquo le vent se legraveve Les yeux pleins drsquoorage et la voix blanche elle embarque les acircmes qursquoelle a tendues vers elle laquo Je suis en colegravere tellement je suis triste raquo

Daniel Burke le fermier sans meacutetaphysique le fermier malheureux srsquoest figeacute lagrave dans une mort subite et inviolable et sa veuve saisie de solitude et figeacutee depuis cent ans voit sa laquo vie grise raquo deacutechireacutee par laquo la grande trouille raquo La trouille de quoi Car la mort toute proche incarneacutee dans la deacutepouille de son mari immobile ne lrsquoeffraye pas Crsquoest une femme des montagnes qui croit aux fantocircmes et qui ne les craint pas

Est-ce un fantocircme qui franchit son seuil dans lrsquoorage pour mettre son errance et son immense laquo dehors raquo dans lrsquoespace sans projet ougrave elle vit confineacutee John mucirc par le timbre envoucirctant de Philippe Smith est un porteur drsquohistoires venu reacutecolter quelques miettes au foyer de la derniegravere maison allumeacutee sur les chemins rocheux drsquoAran Quand Alice Burke laisse son hocircte dans cette eacutetrange veilleacutee et que Dan Burke se redresse bien vivant et saoul crsquoest toute une vie de spectateur qui vacille agrave son tour John pourra-t-il refuser drsquoecirctre acteur de cette histoire-lagrave

Pierre-Alain Chapuis est un Dan Burke massif en corps et en ecirctre plein de passeacute de rancœur et de lrsquoeacutepaisse rusticiteacute que les silences ont tanneacutee sur sa peau et sa voix Quatriegraveme entreacutee en scegravene la jeunesse vacillante de Theacuteo Chedeville precircte ses fougues agrave Michaeumll Dara le marin en quecircte de reacuteconciliation avec la terre qui cherche agrave ecirctre au sol et treacutepigne dans la valleacutee encore la tecircte agrave moitieacute immergeacutee des recircves drsquoavant les recircves enterreacutes de large et de houle La paix est-elle plus haut dans la montagne

La mise en scegravene de Feacutelix Prader attentive aux eacuteclats de verbe sublimeacutes par les voix de Beacutecue Chapuis Chedeville et Smith est un effacement une ombre pour que la poeacutesie eacuteclaire Il veut saisir le preacutesent et la preacutesence eacutenorme des protagonistes dans la suspension du temps du theacuteacirctre Sa scegravene se deacutepare du moindre artifice se fait couloir pour lrsquoeacutemotion de cette parole vitale qui balaye le silence effareacute du spectateur srsquooublie dans une pudeur parfaite Jrsquoentends encore la voix pleine et rocailleuse de Beacutecue la Burke souffler la bourrasque laquo Jrsquoai trop la trouille pour pas y aller raquo

Drsquoun eacutelan vital et poeacutetique elle engloutit le motif radical de la mort

Marguerite Dornier

DU 1603 AU 15042018 AU THEacuteAcircTRE DE LA TEMPEcircTE | DUREacuteE 1H40 |

Librement adapteacute de la piegravece en un acte de John M Synge laquo Lrsquoombre dans la Valleacutee raquo Bourrasque fait preuve drsquoune sagaciteacute deacuteroutante dans une ambiance drsquoinsulaires superstitieux Situation macabre regraveglements de comptes conjugaux reacutecits de voyages et art du vagabondagehellip lrsquoIrlande et son hors-champ drsquoimmensiteacute montagneuse et orageuse nous submergent alors que de grandes deacutecisions se prennent dans la petite chaumiegravere drsquoAlice Burke indigneacutee par la mort foudroyante de son mari Dan qursquoelle ne peut toucher sous peine drsquoecirctre maudite

De par la traduction drsquoun gaeacutelique transposeacute dans du franccedilais paysan aux consonances lyriques et lrsquointerpreacutetation de ce tregraves beau et talentueux quatuor de comeacutediens le folklore celte est tout agrave fait plausible voire palpable et propage son caractegravere sacreacute Bourrasque est un deacutelice drsquohumour peut ecirctre un tantinet pessimiste mais surtout pittoresque et poeacutetique

Eloiumlse Dandoy

jeudi 22 mars 2018

Bourrasque de Nathalie Beacutecue

Bourrasque est un de ces spectacles dont on mesure la chance quils existent Parce que Nathalie Beacutecue a fait un travail deacutecriture tregraves reacuteussi librement adapteacute de la piegravece LrsquoOmbre de la valleacutee en reprenant lrsquoargument tout en modifiant les enjeux et la porteacutee Elle place le spectateur au plus pregraves de latmosphegravere poeacutetique qui a impreacutegneacute lIrlande que John Millington Synge (1871-1909) nous a fait deacutecouvrir au XIXdeg siegravecle et qui est encore tregraves vivante gracircce agrave la moderniteacute de la mise en scegravene de Feacutelix Prader La distribution est habile avec Nathalie Beacutecue qui interpregravete Alice Burke et trois autres comeacutediens Pierre-Alain Chapuis (Daniel Burke) Theacuteo Chedeville (Michaeumll Dara) et Philippe Smith (John) tous diffeacuterents qui permettent dapporter des points de vue parfois deacuteroutants maintenant le spectateur quasiment en haleine comme sil eacutetait au coeur dun thriller Le caractegravere primitif de la vie sociale si particuliegravere des icircles drsquoAran en deviendrait presque normal dans un deacutecor rustique simple et familier

Par un soir de violente tempecircte que lon entendra rugir derriegravere la verriegravere Alice Burke veille son mari deacutefunt lrsquoacircpre et ombrageux fermier Dan Burke comme le veut la coutume dans cette contreacutee reculeacutee Silence dans la chaumiegravere isoleacutee quand agrave la porte frappe un inconnu nomade des collines cueilleur drsquohistoires (Synge) qui ravive dans lrsquoacircme dAlice la soif drsquoun ailleurs Un autre homme bouscule les certitudes dAlice Michaeumll Dara le marin devenu berger qui vit agrave quelques lieues et convoite agrave la fois les biens et la femmethinsp Et si soudain srsquoeacuteveillait le deacutefunt chahutant les vivants que ferait Alicethinsp

Le mort est sur scegravene muet cela va sans dire mais bien preacutesent tout de mecircme Sa femme lui rend hommage malgreacute les cahots qui ont chahuteacute sa vie Cest une femme simple qui a les pieds sur terre capable dun brin de fantaisie que lon remarque dans le point de tricot du gilet quelle porte sur une robe bleu marine Sans doute reacutealiseacute avec la laine de ses moutons Les paroles se bousculent au rythme des souvenirs et agrave la mesure des angoisses qui lassaillent comme des ressentiments quelle exprime toute seule La tempecircte qui agite son esprit est semblable agrave celle qui souffle au dehors Elle reconnait quelle ne sait plus ougrave elle en est et sassoit pregraves de celui qui fut son homme Chaque mort serait une eacutetoile qui scintille dans le ciel Au-delagrave de cette jolie image Alice est confronteacutee agrave labsence de deux beaux enfants partis aux Ameacuteriques et aujourdrsquohui un mari qui part et agrave qui elle parle comme sil eacutetait vivant et comme elle ne lui a sans doute jamais parleacute parce que jusque-lagrave elle nosait pas Tout bascule ccedila vrille comment crsquoest possible possible je suis en colegravere

Elle refuse puis accueille la reacutealiteacute et lhomme eacutetranger qui explique sa fonction je cueille des mots Et qui fait davantage en analysant les eacutevegravenements Cest lui qui le premier a un doute Il est mort votre copain On dirait qursquoil fait le mort Si effectivement la mort neacutetait quune ruse pour permettre de deacutebusquer la veacuteriteacute vraie agrave linstar dOrgon cacheacute sous la nappe pour confondre Tartuffe

La langue choisie par Nathalie Beacutecue est preacutecise poeacutetique et feacuteroce Si je deacutesentortille votre charabia Jrsquoai trop la trouille pour pas y aller avant de se deacutecider agrave deacuterouler ses recircves sous ses pas

Faisons-nous aussi le pas pour ne pas louper ce petit bijou qui se joue au theacuteacirctre de la Tempecircte jusquau 15 avril 2018

Bourrasque de Nathalie Beacutecue Mise en scegravene Feacutelix Prader Avec Nathalie Beacutecue (Alice Burke) Pierre-Alain Chapuis (Daniel Burke) Theacuteo Chedeville (Michaeumll Dara) Philippe Smith (John) Sceacutenographie et costumes Ceacutecilia Galli Creacuteation sonore Estelle Lembert Direction des combats Franccedilois Rostain Du 16 mars au 15 avril 2018 Du mardi au samedi 20 h 30 dimanche 16 h 30 Les photos qui ne sont pas logotypeacutees A bride abattue sont de Antonia Bozzi Publieacute par marie-claire agrave 2335 Envoyer par e-mailBlogThisPartager sur TwitterPartager sur FacebookPartager sur Pinterest Libelleacutes coup de coeur spectacle theacuteacirctre

critiquetheatreclaucom

17 Mars 2018

ABOZZI

Bourrasque jusqursquoau 1504 th de La tempecircte

Mouvance de la destineacutee

De Nathalie Beacutecue inspireacute de lrsquoœuvre de John Millington Synge dramaturge irlandais 1871- 1909Mise en scegravene Feacutelix Prader

Au premier instant nous nous sommes happeacutes par un merveilleux poegraveme invoquant le chagrin des ecirctres perdus la solitude la deacutetresse la tristesse les regrets

laquo Pourquoi jrsquoai reccedilu cette vie Au lieu drsquoattraper lrsquoair transparent dans le bleu du cielhelliphellip Rester lagrave agrave attendre la Balayure du soir raquo

Une atmosphegravere de conte de poeacutesie et de mystegravere nous enveloppe

Un jour de grande tempecircte au plus profond de la campagne irlandaise nous peacuteneacutetrons dans une sobre demeure Il va se deacuterouler sous nos yeux pleins drsquoeacutetonnement un conte tragi-comique

Les personnages sont hauts en couleur

Un paysan Daniel Burke rustre et srsquoabreuvant de whisky pour oublier sa peur et la tristesse de la vie simule sa mort pour espionner sa femme

Alice soumise agrave sa condition se questionne sur sa vie passeacutee et agrave venir Tout en veillant son deacutefunt mari

John marcheur solitaire poegravete eacutecrivain et avide de liberteacute eacutecoutant et observant le monde arrive agrave lrsquoimproviste dans cette demeure

Michaeumll ancien marin devenu berger est un eacutetranger dans cette campagne isoleacutee Il va convoiter Alice pour srsquointeacutegrer dans ce monde hostile

Tous ses personnages vont se reacuteveacuteler nous raconter leur histoire parfois tragique parfois cocasse

Que veulent-ils devenir Prendront-ils leur destineacutee en main

Nous deacutecouvrons le sens de la fecircte les rites et coutumes funeacuteraires de la campagne irlandaise Nous ressentons lrsquoisolement de ses contreacutees la vie rude et solitaire de ses habitants ainsi que le climat rigoureux et froid

Crsquoest agrave la fois violent et tendre eacutemouvant et burlesque

Les comeacutediens nous eacutemeuvent et nous transpercent le cœur

Avec Alice Nathalie Beacutecue nous bouleverse

Daniel Pierre-Alain Chapuis bourru et tendre nous attendri

John Philippe Smith eacuteleacutegant et serein nous seacuteduit

Sans oublier Theacuteo Chedeville touchant dans le rocircle du jeune berger Michaeumll

Page 3: BOURRASQUE - Théâtre Montansier · 2018. 5. 7. · composé Bourrasque, que Félix Prader met en scène avec igueu (1). Synge affimait u’au théâtre, « il faut du réel, il

Bourrasque une piegravece agrave couper le souffle

signeacutee Nathalie Beacutecue Par Jean-Luc Jeener Mis agrave jour le 03042018 agrave 15h41 | Publieacute le 03042018 agrave 07h00 Lactrice sest inspireacutee dun des reacutecits de lIrlandais John Millington Synge pour sa fresque dun monde pauvre et acircpre Elle y joue le rocircle dune femme rugueuse dans un univers ougrave le deacutechaicircnement des eacuteleacutements les bouffeacutees de fantastique apportent et la peur et le reacuteconfort Cest un tout petit peu long une heurehellip On a beau penser que si le formidable Pierre-Alain Chapuis joue le rocircle dun homme mort assis cacheacute sous un drap blanc cest bien quil va finir par ressusciter on se languithellip On aimerait que ce comeacutedien magistral entre plus vite dans le vif de la piegravece Nathalie Beacutecue comeacutedienne sensible femme intelligente sest prise damour pour les eacutecrits de lIrlandais John Millington Synge (1871-1909) et on la comprend Elle a voulu adapter lun des textes du recueil intituleacute Les Icircles dAran que lon peut lire dans la tregraves bonne traduction de Franccediloise Morvan (Actes Sud) Sous la direction preacutecise de Feacutelix Prader Nathalie Beacutecue est Alice Burke femme de la terre Bourrue attachante Son mari Daniel (Pierre-Alain Chapuis) vient de mourir Elle recircve tout haut devant Michaeumll Dara (Theacuteo Chedeville) le marin celui qui vient dailleurs et John (Philippe Smith) On est plongeacutes dans un monde qui nous est eacutetranger mais que lon reconnaicirct pourtant Un monde pauvre et acircpre dans lequel le deacutechaicircnement des eacuteleacutements les bouffeacutees de fantastique apportent et la peur et le reacuteconfort Deacutecor lumiegraveres costumes sont bien accordeacutes agrave latmosphegravere et les comeacutediens sont bons Mais que Chapuis legraveve lœil et lon est ravi Il est grandiose Irlandais dans lacircme Eacutenorme et irreacutesistible Theacuteacirctre de la Tempecircte Cartoucherie de Vincennes route du Champ-de-Manœuvre (XIIe)

Ce sont des femmes en mouvement

MARDI 3 AVRIL 2018

le Groenland monologue eacutecrit par Pauline Sales subtilement mis en scegravene par Baptiste Guiton au TNP-Villeurbanne Photo Michel Cavalca

La chronique theacuteacirctre de Jean-Pierre Leacuteonardini

La scegravene nrsquoest-elle pas le lieu ideacuteal sinon de lrsquoeacutemancipation des femmes du moins des

velleacuteiteacutes de leur souveraineteacute Voyez Ibsen Deux exemples drsquoaujourdrsquohui Nathalie Beacutecue agrave

partir de lrsquoOmbre de la valleacutee de lrsquoIrlandais magnifique John Millington Synge (1871-1909) a

composeacute Bourrasque que Feacutelix Prader met en scegravene avec rigueur (1) Synge affirmait qursquoau

theacuteacirctre laquo il faut du reacuteel il faut aussi de la joie raquo Pari tenu devant cette histoire au verbe

haut agrave la segraveve populaire fertile en meacutetaphores ougrave lrsquoon voit et entend Alice Burke (Nathalie

Beacutecue) eacuteperdue de solitude devant le cadavre assis de son mari (Pierre-Alain Chapuis) qui

soudain se dresse face agrave deux preacutetendants un jeune berger ancien marin (Theacuteo Chedeville)

et un poegravete errant (Philippe Smith) double aveacutereacute de Synge Nathalie Beacutecue met en jeu une

eacutenergie farouche au service drsquoune partition agrave lrsquoharmonie rugueuse tisseacutee de tous les deacutesirs

drsquoune liberteacute dure agrave prendre agrave laquelle il faut bien se reacutesoudre Le trio viril Pierre-Alain

Chapuis agrave sa tecircte nrsquoest certes pas en deccedilagrave mais semble un peu meacuteduseacute et crsquoest justice par

le rythme drsquoemportement absolu qursquoimpulse la comeacutedienne agrave ce manifeste drsquoeacutemancipation

au lyrisme acircpre

Un texte tregraves dense hacheacute haletant veacuteritable flot de paroles

Dans le Groenland monologue eacutecrit par Pauline Sales subtilement mis en scegravene par Baptiste

Guiton (en 2009 deacutejagrave il srsquoy eacutetait attaqueacute) Tiphaine Rabaud Fournier nrsquoest pas seule puisque

Seacutebastien Quencez est preacutesent sur le plateau pour jouer du Beacutela Bartok agrave point nommeacute sur

un piano agrave roulettes que la parleuse bouge freacutequemment pour srsquoinventer un espace

introuvable (2) Elle est censeacutee srsquoadresser sans cesse agrave sa petite fille avec laquelle il srsquoagirait

de srsquoenfuir vers le froid absolu Un texte tregraves dense hacheacute haletant veacuteritable flot de paroles

englobant une infiniteacute de menus peacuteripeacuteties et de reacuteflexions au cours desquelles la jeune

megravere (lrsquoest-elle vraiment lrsquoenfant nrsquoest-elle pas qursquoimaginaire ) laisse libre cours agrave toutes

impulsions y compris celle drsquoabandonner la chair de sa chair comme on disait jadis dans les

romans drsquoordre moral Cela se vit chez le spectateur en toute complexiteacute au sein drsquoune

espegravece de griserie susciteacutee par la motriciteacute fieacutevreuse neacuteanmoins savamment domineacutee de

lrsquointerpregravete qui srsquoavance loin dans lrsquoaffirmation du sujet autonome que figure la personne agrave

qui elle precircte vie qui nrsquoambitionne rien tant que devenir elle-mecircme soit celle sans doute

qui a eacutecrit le Groenland lorsqursquoelle fut megravere justement il y a de cela dix ans

1 Theacuteacirctre de la Tempecircte jusqursquoau 15 avril

2 TNP-Villeurbanne jusqursquoau 14 avril

Accueil gt Bourrasque de Nathalie Beacutecue drsquoapregraves Synge

Critiques Theacuteacirctre

Bourrasque de Nathalie Beacutecue drsquoapregraves Synge

par Gilles Costaz

Un orage irlandais

Les titres des documents et des affiches de Bourrasque ne preacutecisent sans doute pas

suffisamment qursquoil srsquogit drsquoune adaptation drsquoune piegravece de John Millington Synge LrsquoOmbre de

la valleacutee Nathalie Beacutecue srsquoest inspireacutee tregraves librement de la piegravece et des teacutemoignages laisseacutes

par lrsquoeacutecrivain quand il partit vivre quelque temps dans les icircles drsquoAran Crsquoest bien le monde de

Synge qursquoon trouve ici mecircme si lrsquoeacutevolution des personnages nrsquoest plus tout agrave fait la mecircme et

mecircme si le langage a un rugueux qui vient surtout de lrsquoimagination de lrsquoauteure franccedilaise

Dans un hameau perdu sur lrsquoune de ces icircles lamineacutees par les tempecirctes un couple survit

difficilement agrave la fin de leur amour totalement eacutepuiseacute par les anneacutees qui ont passeacute La

femme a gardeacute toute son eacutenergie lui tient agrave peine debout Et drsquoailleurs au moment ougrave un

nouveau voisin vient faire ses salutations le mari srsquoeffondre Mort Dans ces contreacutees-lagrave on

redresse un peu le mort et on le couvre drsquoun drap Et on continue agrave boire Entre lrsquoeacutepouse et

le visiteur la sympathie se deacuteveloppe Elle pourrait les mener loin Ils font quelques projets

plutocirct indiffeacuterents au cadavre Mais le mort se reacuteveille Il a tout entendu A-t-il simuleacute sa

mort Il nrsquoest pas content Tout ce monde plus un autre passant qui rapplique hausse la

voix montre les poings Mais avec le retour de lrsquohumaniteacute et de la luciditeacute tout pourrait

srsquoarranger une fois les cartes rebattues

Nathalie Beacutecue qui interpregravete lrsquoeacutepouse joue comme elle eacutecrit dans la rudesse masquant la

noblesse des sentiments et sans ceacuteder agrave la joliesse Elle deacutefend fort bien sa piegravece Pierre-

Alain Chapuis qui est lrsquoun de nos plus grands comeacutediens donne au rocircle du mari une belle

violence bourrue et les lentes fluctuations drsquoune laborieuse penseacutee cassant sa torpeur Theacuteo

Chedeville est un eacutetranger complexe sous lrsquoapparence drsquoun personnage bonhomme et avineacute

Philippe Smith complegravete la distribution avec une discreacutetion nuanceacutee La mise en scegravene de

Feacutelix Prader deacutetaille bien les orages et les accalmies de cette danse de mort virant agrave la danse

de vie

Bourrasque variation de Nathalie Beacutecue sur LrsquoOmbre de la valleacutee de Synge mise en scegravene

de Feacutelix Prader sceacutenographie et costumes de Ceacutecilia Galli creacuteation sonore drsquoEstelle Lembert

collaboration artistique drsquoAureacutelia Guillet avec Nathalie Beacutecue Theacuteo Chedeville Pierre-Alain

Chapuis Philippe Smith

Theacuteacirctre de la Tempecircte cartoucherie de Vincennes teacutel 01 43 28 36 36 jusqursquoau 15 avril

(Dureacutee 1 h 15)

Photo Antonia Bozzi

THEATRE AU VENT Just another Bloglemondefr weblog

LA BOURRASQUE DE NATHALIE BECUE ndash MISE EN SCENE DE FELIX PRADER AU THEATRE DE

LA TEMPETE agrave la Cartoucherie de Vincennes ndash Route du champ de manoeuvre 75012 PARIS

ndash du 16 Mars au 15 Avril 2018 ndash Salle Copi bull Dureacutee 1h40 ndash du mardi au samedi agrave 20h30 le

dimanche agrave 16h30 ndash

Publieacute le 29 mars 2018 par theatreauvent

Il lui fallait un texte agrave sa hauteur un texte qui lrsquohabite Nathalie BECUE Elle lrsquoa trouveacute en

infusant lrsquoœuvre du poegravete et dramaturge irlandais John Millington SYNGE (1871-1909) Un

conte a inspireacute sa piegravece raquo Bourrasque raquo laquo In shadow of the glen raquo lrsquoombre de la valleacutee

Elle met en scegravene une espegravece de culs-terreux une femme et son mari un berger qui vivent

dans un trou perdu

Lorsque la piegravece commence la femme vient de deacutecouvrir son eacutepoux mort sur sa chaise Elle

a du mal agrave reacutealiser lrsquoeacuteveacutenement elle continue agrave lui parler et puis rapidement reprend son

esprit La mort en Irlande encore dans les campagnes donne lieu agrave des festiviteacutes qui

deacutebutent par la veilleacutee funegravebre et dure plusieurs jours

Au moment ougrave elle se dit qursquoelle doit preacutevenir le village et surtout la sœur du mort survient

en pleine bourrasque un eacutetranger qui lui demande lrsquoasile pour la nuit Elle accepte puis laisse

lrsquoeacutetranger seul avec le mort Ce dernier se reacuteveillehellip

Lrsquoaspect fantastique de lrsquohistoire est parfaitement inteacuterioriseacute dans la piegravece Il intervient

comme une petite lumiegravere une sorte drsquoeacutelectrochoc des consciences mais il colle tout agrave fait agrave

la reacutealiteacute rude des personnages

Chez laquo Ces gens-lagrave raquo comme dans la chanson de Jacques BREL on ne se parle pas on se cuite

au whisky Crsquoest normal Madame BURKE recircve drsquoune autre vie elle nrsquoa peur de rien mais tout

de mecircmehellip

Il faut la faire deacutecoller du sol cette colegravere inteacuterieure ce deacutesespoir qui habitent les

personnages qui semblent happeacutes par le vide de leur existence

Madame BURKE est ameneacutee agrave brailler pour srsquoentendre et Monsieur BURKE agrave sortir de ses

gonds pour la faire taire Lrsquoeacutetranger poegravete sans ressources finit par offrir sa petite bulle

drsquoair agrave la femme affameacutee de liberteacute Un autre personnage un berger incompeacutetent prend

conscience que sa solitude lui pegravese et accepte lrsquoaide de Monsieur BURKE

Si lrsquoissue est positive elle aura tout de mecircme demandeacute lrsquoapport drsquoune belle bourrasque pour

faire sortir de leur terrier le couple de paysans

Elle semble jaillir de la terre mecircme la langue de Nathalie BECUE sensuelle et poeacutetique

parfois mecircme explosive

La bourrasque eacutetait deacutejagrave dans les cœurs nous suggegravere lrsquoauteure elle transfigure les

interpregravetes qui incarnent de pauvres bougres les pieds sur terre et agrave lrsquoouest dans ce

spectacle mis en scegravene sans artifice par Feacutelix PRADER et pourtant jubilatoire

Paris le 29 Mars 2018

Evelyne Tracircn

Bourrasquehellip Juste ce quil faut deacutetrangeteacute pour que le reacutealisme soit porteacute aux franges du fantastique Bourrasque Theacuteacirctre de la Tempecircte Paris

Dans Bourrasques inspireacutee par lœuvre de John Millington Synge Nathalie Beacutecue emporte le spectateur dans un tourbillon de theacuteacirctre Un theacuteacirctre mucirc par une langue concregravete drue simple manieacutee par des vagabonds des mots des enjocircleurs des charmeurs beaux parleurs qui magnifient cette terre d Irlande herbeuse et moutonneuse et tourbeuse cette terre de lOuest ces icircles dAran les bien nommeacutees

copy Antonia Bozzi

Battues par les vents peupleacutees dhommes taiseux cogneux buveux de femmes entiegraveres et acircpres et dures agrave la tacircche Cette terre dIrlande qui rend recircves et cauchemars et mots et sorts et enchantements Le spectacle de Nathalie Beacutecue sappuie sur une farce tregraves ancienne celle du mari qui feint la mort pour mieux confondre son eacutepouse et son amant La comeacutedie le drame se croisent Du trivial le plus cru au lyrique le plus naturel Feacuteroce et drocircle Assureacutement le rire de Synge est tragique mais il est sain Il est celui des fabliaux Mais ces habitants ne sont pas traiteacutes comme des ploucs mais comme des poegravetes qui savent extraire des petits faits de leurs superstitions de leurs peurs de leurs malheurs des reacutecits beaux comme la laine Des reacutecits qui exaltent tout autant que le Whiskey

copy Antonia Bozzi

Les personnages sont eacutemus par deacutetranges sympathies archaiumlques Leur humeur change au greacute des coups de vents et leur simpliciteacute de caractegravere bascule dans une franche gaiteacute ou une brusque deacutepression Cest que leur isolement des frousses leacutegendaires les font appartenir agrave un monde de recircves et de forces qui les deacutepassent La langue est simple Cest la langue du conteur Juste ce quil faut deacutetrangeteacute pour que le reacutealisme soit porteacute aux franges du fantastique Les dialogues sont croiseacutes la syntaxe subit des torsions les choses sont nommeacutees simplement Le grain de la voix le rythme du souffle leacutelan du jeu humanise les ecirctres amplifie les mots agrave la dimension du recircve et de leacutemerveillement Ce spectacle est une eacutechappeacutee belle Avec laide de ses comeacutediens leur verve et le beau travail sur le texte de Nathalie Beacutecue le spectateur retrouve le secret dune poeacutesie objective agrave base dhumour franc que le theacuteacirctre actuel a trop souvent abandonneacute Bourrasque

copy Antonia Bozzi

Variation sur LOmbre de la valleacutee de John Millington Synge Texte Nathalie Beacutecue Mise en scegravene Feacutelix Prader Avec Nathalie Beacutecue Theacuteo Chedeville Pierre-Alain Chapuis Philippe Smith Sceacutenographie et costumes Ceacutecilia Galli Creacuteation sonore Estelle Lembert Collaboration artistique Aureacutelia Guillet Lumiegraveres Thibault Gaigneux Direction des combats Franccedilois Rostain Dureacutee 1 h 30 Production En Votre Compagnie Du 16 mars au 15 avril 2018 Du mardi au samedi agrave 20 h 30 dimanche agrave 16 h 30 Theacuteacirctre de la Tempecircte Salle Copi La Cartoucherie Paris 12e 01 43 28 36 36

Jean Grapin Lundi 26 Mars 2018

Drame naturaliste de Nathalie Beacutecue dapregraves

une oeuvre de John Millington Synge mise en scegravene de Feacutelix Prader

avec Nathalie Beacutecue Theacuteo Chedeville Pierre-Alain Chapuis et Philippe

Smith

La comeacutedienne Nathalie Beacutecue a deacutejagrave montreacutee son appeacutetence pour la

parole des taiseux du temps jadis avec un monologue dramatique

Lapprentie sage-femme issu du roman dun auteur contemporain ameacutericain

Karen Cushman se deacuteroulant dans lAngleterre meacutedieacutevale

Avec Bourrasque elle propose une adaptation libre quelle qualifie de

variation dune piegravece de John Millington Synge dramaturge irlandais du

19egraveme siegravecle engageacute dans le mouvement du Celtic Reviva l qui ressort agrave la

theacutematique de lacircme simple agrave laquelle ne sont eacutetrangers ni lapproche

poeacutetique du monde ni le questionnement meacutetaphysique

Par une nuit dorage un eacutecrivain meacutemorialiste baroudeur et collecteur

dhistoires (Philippe Smith) qui bat la campagne irlandaise trouve refuge dans

une ferme isoleacutee du comteacute de Wicklow

La dame de la maison (Nathalie Beacutecue) est sous le coup de leacutemotion de

la mort soudaine - et simuleacutee - de son mari (Pierre-Alain Chapuis) car

destineacutee agrave eacutetablir linfideacuteliteacute commise avec un jeune berger (Theacuteo

Cheacutedeville) et ce subterfuge va bouleverser leur destin

Sobrement mis en scegravene par Feacutelix Prader dans une sceacutenographie

intemporelle de Ceacutecilia Galli ce drame naturaliste agrave connotation de reacutealisme

magique agrave lirlandaise entre brume et tourbe composeacute essentiellement de la

juxtaposition quatre reacutecits hybridant soliloque et de biodrame beacuteneacuteficie dune

interpreacutetation remarquable qui navigue du registre du patheacutetique avec pour

chantre Nathalie Beacutecue et celui du burlesque dont Pierre-Alain

Chapuis savegravere en lespegravece le champion qui twiste la partition en eacutevitant

leacutecueil lacrymal

MM

BOURRASQUE Theacuteacirctre de la Tempecircte

Cartoucherie

Route du Champ-de-Manœuvre

75012 Paris

Tel 01 43 28 36 36

Jusqursquoau 15 avril 2018

du mardi au samedi 20h30

Dimanche 16h30

On connaissait de JM Synge laquo Le baladin du monde occidental raquo bien sucircr et laquo

Deirdre des douleurs raquo Voici qursquoon nous exhume une piegravece bien moins connue laquo

Lrsquoombre de la valleacutee raquo Elle fut eacutecrite par Synge apregraves un seacutejour aux icircles drsquoAran Ici

elle sert de base agrave cette variation signeacutee en fait Nathalie Beacutecue

Nous sommes au deacutebut du siegravecle dans un coin reculeacute drsquoIrlande une femme Alice

Burke veille son mari qui vient de mourir et qui deacutetail important lui a bien demandeacute

de ne pas le toucher Il laisse ce soin agrave sa soeur La femme reccediloit alors la visite drsquoun

voyageur preacutenommeacute John (Synge lui-mecircme) Comme elle srsquoeacuteclipse Daniel le mari

reacutevegravele qursquoil nrsquoest pas mort Choc Et ce nrsquoest pas fini

Si Synge avait axeacute sa piegravece sur cette tradition irlandaire (contrefaire le mort) et ses

conseacutequences tragi-comiques on voit bien que ce nrsquoest pas ce qui a inteacuteresseacute

Nathalie Beacutecue Elle a vu lagrave lrsquooccasion de deacutevelopper des personnages inventer

comme elle dit laquo un parler agrave ces taiseux et agrave y glisser toute la tendresse toutes les

violences qui les habitent raquo

Dans deacutecor sobre et agrave lrsquoaide de quelques eacuteleacutements laquo parlants raquo nous avons donc

droit agrave des variations sur le couple la solitude la vie des paysans-eacuteleveurs de

moutons leurs soucis et surtout lrsquoalieacutenation de lrsquoeacutepouse

Le problegraveme est qursquoil y a quelques longueurs agrave cocircteacute de fulgurances et de trouvailles

laquo Comme on vit on meurt mecircme visage raquo ou bien lanceacute par la femme laquo Mariez-

vous vous trimerez raquo la piegravece est statique

Elle est heureusement brillamment joueacutee par Pierre-Alain Chapuis (Daniel Burke)

avec sa rudesse et ses emportements ou Philippe Smith dans le rocircle de John Theacuteo

Chedeville a la fougue de la jeunesse mais on retiendra surtout lrsquoauteur-interpregravete

Nathalie Beacutecue elle est eacutemouvante et forte dans ce rocircle de femme en reacutevolte et qui

nrsquoa au bout du compte que le choix entre trois destins incarneacutes par trois hommes

Geacuterard Noeumll

Bourrasque

de Nathalie Beacutecue

Mise en scegravene Feacutelix Prader

Avec Nathalie Beacutecue Pierre-Alain Chapuis Theacuteo Chedeville Philippe Smith

Sceacutenographie et costumes Ceacutecilia Galli

Son Estelle Lembert

Collaboration artistique Aureacutelia Guillet

Direction des combats Franccedilois Rostain

Nathalie Beacutecue Antonia Bozzi

Bourrasque agrave la Tempecircte Un moment tempeacutetueux et plein drsquoeacutemotion Cest un voyage que nous propose actuellement le theacuteacirctre de La Tempecircte Une immersion absolue dans un foyer irlandais un soir ougrave une terrible bourrasque a deacutecideacute de tout emporter sur son passage En effet Nathalie Beacutecue agrave leacutecriture et Felix Prader agrave la mise en scegravene nous emportent dans leur univers celui de la farce mais aussi celui du reacuteel Un spectacle vibrant entre violence tendresse et reacuteflexion La nuit tombe sur cette chaumiegravere et sur la vie dAlice Burke Daniel Burke est mort Le deacutesarroi la colegravere la deacutetresse transpirent chez cette femme qui entame une premiegravere nuit de deuil Puis vient la bourrasque vient cet eacutetranger qui arpente les routes vient ce berger de la ferme voisine Cette soireacutee est une soireacutee eacutesoteacuterique Tout semble hors du temps Ce soir pour chacun des protagonistes cest un nouveau deacutepart une remise agrave zeacutero des compteurs Une renaissance Un envol Alice Burke na pas peur Sur scegravene ils sont quatre Quatre comeacutediens de talent qui eacutepousent agrave la perfection les personnages quils incarnent Justes profonds et surtout attachants Nathalie Beacutecue Pierre-Alain Chapuis Theacuteo Chedeville et Philippe Smith sont vrais On sourit aux blagues de ce conteur on souffre avec cette femme tortureacutee on aime avec ce berger on est trahi avec Daniel Burke Le texte est fort il ne laisse pas insensible et pose les questions et les remises en question que tout un chacun est ameneacute agrave se poser au cours de son existence La mise en scegravene quant agrave elle ne nous impose rien Chacun est libre dajouter sa part dimagination et dhypothegravese agrave cette chaumiegravere isoleacutee dans les montagnes irlandaises La fin de cette bourrasque dans les airs et dans les cœurs est lapogeacutee de tout un cheminement dune reacuteflexion celle que propose ici Nathalie Beacutecue dapregraves les arguments de leacutecrivain J-M Synge Un spectacle vrai et sans artifice agrave deacutecouvrir

Zoom par Reacutegis DARO Paru le 30032018

-

BOURR

Spectatif

ASQUE au Theacuteacirctre de La Tempecircte 17 Mars 2018

Comment savoir si Daniel Burke est mort ou pas Srsquoil ne srsquoagit que de son fantocircme qui vient surprendre son eacutepouse Alice Burke ou si Daniel Burke feint sa reacutesurrection pour fendre ses secrets et laisser eacutechapper un peu de lui-mecircme dans ses derniers instants juste avant de tenter de fondre ses pas dans ceux de celle qui veut partir fatigueacutee du passeacute et enjoueacutee devant un avenir qursquoelle voudrait se construire meilleur et sien Deacuteroulera-t-elle ses recircves sous ses pas Troublante et mysteacuterieuse aventure que cette soireacutee de bourrasque ougrave une veilleacutee mortuaire devient une veilleacutee de palabres de reacutecits et drsquoespoirs Entre reacuteel et irreacuteel lrsquoimaginaire srsquoempare de nous nous faisant flotter sur le flux des mots dits et plonger par moments parmi les maux dits de ce couple de paysans dont on ne sait srsquoils srsquoaiment ou se haiumlssent si seulement lrsquoamour est entreacute dans leur bacirctisse ou si ce mot nrsquoexiste pas pour eux Ce spectacle baigneacute de poeacutesie reacutealiste crue et deacutepouilleacutee est une magnifique eacutecriture de Nathalie Beacutecue qursquoelle nomme Variation sur LrsquoOmbre de la valleacutee de John Millington Synge On comprend que ce grand dramaturge irlandais de la fin du 19egraveme siegravecle inspira Beckett et subjugua Artaud entre autres Tant ses peintures dramatiques de la paysannerie irlandaise de ses us et coutumes sont autant de sources pour des personnages en marge ou des situations fantastiques Le parcours de Alice Burke est captivant Ce qursquoelle raconte ce qursquoelle dit et ce qursquoelle devient Paysanne infidegravele ou eacutepouse adulteacuterine sublimeacutee dans le mal par son mari cet homme meurtri et malheureux elle deacutecouvre peu agrave peu drsquoautres horizons pour vivre

John le vagabond recueilli ce soir de bourrasque sorte drsquoaegravede qui parcoure les villages et se nourrit des morceaux de vie des autres notant ses observations se payant drsquoaumocircnes apportera agrave Alice les lumiegraveres du deacutesir drsquoailleurs Michaeumll Dara le jeune berger du voisinage venu lui aussi pour se proteacuteger de la bourrasque semble porter avec lui les plaisirs et les espeacuterances attendus inavoueacutes ou peut-ecirctre assouvis par Alice Daniel Burke le mari mort ou vivant fantocircme de lui-mecircme erre vocifegravere eacuteructe ses souffrances cacheacutees derriegravere sa violence qui le blesse autant qursquoil voudrait blesser nous montrant un paysan qui nrsquoa connu que sa famille enfant ou adulte pour tout environnement humain Joue-t-il avec la mort qui revient pour hanter la veilleacutee ou est-il lrsquoecirctre hirsute perdu agrave jamais dans ses illusions et ses souffrances dans ses remords et ses souvenirs qui le rongent tant qursquoil se confond dans la mort comme dans la vie On ne sait pas on ne sait plus Nous sommes trop eacuteblouis pour bien voir qui il est nous sommes trop toucheacutes pour savoir ougrave nous sommes vraiment La mise en scegravene de Feacutelix Prader feutre le reacutecit le meacutelange aux jeux avec adresse et fluiditeacute Les mondes se juxtaposent on nrsquoa rien vu venir La distribution est brillante Theacuteo Chedeville et Philippe Smith sont justes et convaincants Natalie Beacutecue est lumineuse et eacutemouvante Pierre-Alain Chapuis comme drsquohabitude nous surprend Il deacutegage une puissance de jeu qui donne agrave son personnage tout le trouble et la cassure qui conviennent Il est splendide et touchant Un spectacle sublime et tregraves prenant agrave lrsquoeacutecriture eacutetonnante et captivante aux jeux drsquoun brio stupeacutefiant Un tregraves grand moment de theacuteacirctre A voir absolument Drsquoapregraves les œuvres de John Millington Synge Variation sur The shadow of the Glen Eacutecriture de Nathalie Beacutecue Mise en scegravene de Feacutelix Prader Sceacutenographie et costumes de Ceacutecilia Galli Son de Estelle Lembert Lumiegraveres de Thibault Gaigneux Collaboration artistique de Aureacutelia Guillet Direction des combats de Franccedilois Rostain

Avec Nathalie Beacutecue Pierre-Alain Chapuis Theacuteo Chedeville et Philippe Smith

Du mardi au samedi agrave 20h30 et le dimanche agrave 16h30

Cartoucherie route du Champ de Manoeuvre Paris 12egraveme

0143283636 wwwla-tempetefr

- Photo copy Antonia Bozzi -

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Accueil SPECTACLES [Critique] laquo Bourrasque raquo par Feacutelix Prader Une bouffeacutee drsquoIrlande

copy Antonia Bozzi

[Critique] laquo Bourrasque raquo par Feacutelix Prader Une bouffeacutee drsquoIrlande Morgane P 2018-03-28

Le Theacuteacirctre de la Tempecircte preacutesente Bourrasque une piegravece de theacuteacirctre de Nathalie Beacutecue

mise en scegravene par Feacutelix Prader Une incursion meacutelancolique et amegravere en terre irlandaise

Lrsquoavis de Bulles de Culture qui eacutetait agrave la premiegravere de la piegravece

Synopsis

Alice Burke (Nathalie Beacutecue) veille son mari Dan Burke (Pierre-Alain Chapuis) qui vient de

mourir quand survient un vagabond (Philippe Smith) qui demande asile pour la nuit Il faut

preacutevenir Michael Dara (Theacuteo Chedeville) jeune berger des alentours afin qursquoil aille annoncer

la nouvelle en ville Mais voilagrave que le mort se redresse et qursquoil a encore des choses agrave direhellip

Bourrasque Une belle reacuteeacutecriture drsquoapregraves John Millington Synge

copy Antonia Bozzi

Crsquoest la piegravece LrsquoOmbre de la valleacutee du dramaturge irlandais John Millington Synge qui est agrave

lrsquoorigine de Bourrasque De cette petite piegravece en un acte lrsquoauteure et comeacutedienne Nathalie

Beacutecue fait la colonne verteacutebrale du spectacle un drame noueacute autour de quatre

personnages dont lrsquoun mime sa mort pour prendre son eacutepouse en faute Reprenant agrave la

lettre le texte de lrsquoauteur irlandais Nathalie Beacutecue lrsquoeacutetoffe toutefois afin drsquoimaginer le

parcours personnel eacutemotionnel de chacun des quatre personnages Lrsquointeacutegration de son

eacutecriture agrave la piegravece de John Millington Synge est parfaite en ce qursquoelle deacutepeint le quotidien

meacutelancolique et maussade de ces Irlandais isoleacutes agrave lrsquoeacutecart du monde comme prisonniers de

la tourbe qui les entoure

Le phraseacute que Nathalie Beacutecue choisit pour Bourrasque est aussi une retranscription fidegravele du

style du dramaturge une langue agrave la fois racircpeuse et poeacutetique peacutetrie de la reacutealiteacute de ces

paysans Si John Millington Synge choisit lrsquoanglo-irlandais pour ses piegraveces Nathalie Beacutecue

imagine une syntaxe et un vocabulaire reacutealisant le mecircme eacutequilibre entre langue orale aux

tournures populaires et envoleacutees des meacutetaphores pour sonder les cœurs des quatre

laquo taiseux raquo

Un quatuor qui fonctionne agrave merveille

copy Antonia Bozzi

La patte de Nathalie Beacutecue ajoute une vraie personnaliteacute agrave la piegravece de John Millington

Synge agrave tel point que tous les personnages ont un relief propre qui les rend attachants sans

les caricaturer pour autant Elle excelle aussi dans lrsquoincarnation sur scegravene de cette femme

drsquoacircge mucircr eacutetouffeacutee par la solitude et lrsquoattente perpeacutetuelle qui constitue son quotidien Elle

tient ainsi toute la tension de Bourrasque de son deacutebut agrave sa fin et ce dans une diction

parfaite drsquoun bout agrave lrsquoautre malgreacute tout ce que la langue du personnage peut avoir de

bourbeux Quant aux trois hommes qui lrsquoentourent Bourrasque leur offre une personnaliteacute

plus profonde que la piegravece du dramaturge irlandais Exploitant les ellipses du texte original

Nathalie Beacutecue imagine que la meacutelancolie de Dan Burke trouve sa source dans la violence qui

lrsquoa entoureacute degraves son enfance Elle choisit aussi de faire davantage parler le jeune berger

amant de lrsquoheacuteroiumlne un peu naiumlf et pas tregraves malin Sa candeur en vient agrave faire sourire avec

tendresse

Mais lrsquoun des personnages qui prend le plus drsquoampleur dans la piegravece est sans conteste celui

du vagabond que Nathalie Beacutecue imagine comme une sorte de chercheur drsquohistoires voyant

ainsi en lui un vague double de John Millington Synge qui a fait de la tradition et des contes

des icircles drsquoAran lrsquoune de ses quecirctes Ce personnage renoue ainsi avec la tradition orale du

reacutecit il rappelle ces aegravedes de la socieacuteteacute grecque antique qui allaient de palais en palais

chanter les reacutecits de leur connaissance Toute la deacutelicatesse dont fait preuve Philippe

Smith dans ce rocircle est remarquable

Un huis clos haletant

I

copy

Antonia Bozzi

Bourrasque reacuteussit avec brio agrave maintenir une tension forte tout au long de la piegravece Crsquoest

drsquoabord la tension qursquoil y a autour de ce deuil rendu angoissant par la preacutesence du mort sur

scegravene Crsquoest ensuite une fois que le laquo mort raquo a reacuteveacuteleacute sa supercherie au vagabond la tension

que ressent le spectateur qui attend que Dan Burke nrsquointervienne Crsquoest enfin la tension du

conflit conjugal qui explose et renverse la situation initiale La mise en scegravene de Feacutelix

Prader repose sur la simpliciteacute deacutecor rudimentaire pas de grands effets Et cela met

parfaitement en valeur la dimension relationnelle du drame

Cette tension dramatique est encore accentueacutee par la tempecircte inteacuterieure que traversent les

personnages notamment les deux eacutepoux Le monologue drsquoAlice qui ouvre la piegravece et la

longue explication que son mari offre au vagabond montrent les deux faces drsquoun couple en

crise dans lequel chacun-e ne voit plus que sa propre souffrance Ce trouble inteacuterieur et

cette forte tension eacutemotionnelle sont bien sucircr souligneacutes par les circonstances

meacuteteacuteorologiques on traverse avec les personnages une sorte de tempecircte ougrave le vent souffle

avec violence Nrsquoest-ce finalement pas cette terrible bourrasque qui trouble les esprits de

chacun Rien nrsquoest moins sucircr

Reacuteunir les deux eacutepoux et lrsquoamant confondu crsquoest un topos theacuteacirctral Mais la preacutesence de cet

inconnu que Nathalie Beacutecue place comme un observateur particulier puisqursquoon imagine que

le drame auquel il assiste pourra enrichir encore son livret de reacutecits est une belle reacuteussite

Eacutecoutant les deux eacutepoux puis prenant finalement place dans le drame en exerccedilant le recul

dont lui seul dans la piegravece est capable change la porteacutee de la piegravece et enrichit

consideacuterablement le triangle amoureux

Bulles de Culture vous recommande en tout cas vivement cette incursion en terre irlandaise

En savoir plus

bull Bourrasque de Nathalie Beacutecue mise en scegravene par Feacutelix Prader est joueacute au Theacuteacirctre de la

Tempecircte du 16 mars au 15 avril 2018

bull Bourrasque sera joueacute en 2018 au Centre culturel de Vitreacute le 20 avril sur la Scegravene nationale

de Bar-le-Duc le 17 mai et au Theacuteacirctre Montansier de Versailles le 25 mai

bull Dureacutee du spectacle 1h40

Actualiteacute theacuteacirctrale

Jusqursquoau 15 avril au Theacuteacirctre de la Tempecircte

laquo Bourrasque raquo mercredi 21 mars 2018

Par un soir de tempecircte dans une chaumiegravere isoleacutee Alice Burke veille son mari le rude et taiseux Dan Burke qui vient de mourir Il lui a interdit de toucher son corps apregraves sa mort exigeant que ce soit sa sœur qui srsquooccupe de la toilette mortuaire Mais celle-ci habite loin Alice craint la nuit et la tempecircte dans ce lieu isoleacute et ne peut le laisser seul Elle attend Deux hommes vont se preacutesenter agrave sa porte un eacutetranger qui parcourt les rudes collines des alentours pour laquo cueillir raquo les histoires qursquoon veut bien lui confier et un jeune berger peu expeacuterimenteacute qui vit un peu plus loin Avec ces deux hommes deux avenirs pourraient se dessiner le second seraient bien inteacuteresseacute par la femme et surtout les biens dont elle va heacuteriter le premier lui ouvre une sortie de son isolement et de nouveaux espaces La bourrasque qui hurle au dehors gagne aussi lrsquointeacuterieur de la chaumiegravere et bouscule tous les esprits

Nathalie Beacutecue a eacuteteacute seacuteduite par lrsquounivers du poegravete et dramaturge irlandais John Millingtone Synge et en particulier par ce livre Les Icircles Aran ougrave il a raconteacute ses rencontres avec les icircliens et les leacutegendes qursquoils lui ont conteacutees Crsquoest de lrsquoun de ses contes Lrsquoombre de la valleacutee qursquoelle srsquoest inspireacutee pour eacutecrire Bourrasque Apregraves lrsquoavoir vue dans Lrsquoapprentie sage-femme qursquoelle avait joueacutee en 2012 on comprend la continuiteacute de son travail Ce qui lrsquointeacuteresse ce sont ces destins de femmes dans les deux cas des paysannes qui cherchent leur voie et prennent la vie agrave bras le corps Dans son texte Nathalie Beacutecue a su faire entendre la sauvagerie de la nature le vent la pluie et la vie rude de ceux qui y habitent Elle a su aussi traduire les penseacutees tourmenteacutees des quatre personnages attribuant agrave John lrsquohomme qui cueille les histoires la deacutemarche de Synge lui-mecircme dans les Icircles drsquoAran

Dans la mise en scegravene de Feacutelix Prader on reste enfermeacute dans la chaumiegravere avec le mort assis ou couvert drsquoun drap et lrsquoexteacuterieur nrsquoapparaicirct qursquoinquieacutetant avec le bruit amplifieacute du vent ou des coups agrave la porte Seuls les hommes qui arrivent apportent lrsquoimage drsquoun ailleurs possible pour cette femme qui srsquoest laisseacutee enfermer dans la solitude au point drsquoecirctre obligeacutee de parler aux arbres

Nathalie Beacutecue en robe paysanne et petit gilet de laine bleue avec de gros bas de laine incarne Alice qui parle de sa vie avec cet eacutepoux taiseux porteacute sur le whisky Elle caresse la couverture de poils de chegravevre tout en parlant Calme elle dit qursquoaucun vivant ne lui a jamais fait peur crsquoest drsquoautre chose qursquoelle a peur puis soudain la colegravere lrsquoemporte quand elle pense agrave lrsquoennui de sa vie laquo fosse agrave chagrin mareacutecage de tristesse raquo et se dit qursquoelle a peut-ecirctre fait le mauvais choix en se condamnant agrave laquo regarder les saisons passer raquo Philippe Smith est John celui qui ramasse les histoires vagabond ceacuteleste qui amuse Alice avec un tour de magie lui donne les nouvelles de la valleacutee et surtout lui parle drsquoun ailleurs Theacuteo Chedeville est Michaeumll Dara le marin devenu berger Pierre-Alain Chapuis est Dan Burke le mort qui survit Il est puissant violent ravageacute par sa colegravere contre tous sa femme son pegravere mais aussi contre lui-mecircme On le sent deacutevoreacute par lrsquoamertume laquo bouffeacute par la tristesse raquo comme le dit Alice mais peut-ecirctre capable de rebondir loin de sa femme

On se laisse emporter par le reacutecit On est dans ces icircles irlandaises battues par le vent et la pluie et on rejoint John quand il dit laquo Apregraves des veilleacutees solitaires je peux dire que les gens drsquoici ne sont pas insignifiants raquo

Micheline Rousselet

Du mardi au samedi agrave 20h30 le dimanche agrave 16h30

Theacuteacirctre de La Tempecircte

Cartoucherie

Route du Champ-de-Manoeuvre 75012 Paris

Reacuteservations (partenariat Reacuteducrsquosnes tarifs reacuteduits aux syndiqueacutes Snes mais sur reacuteservation impeacuterative) 01 43 28 36 36

T H Eacute Acirc T R E

BOURRASQUE UN MAGNIFIQUE OBJET POEacuteTIQUE

ET INSPIREacute DANS LE MONDE AcircPRE ET SANS

CONCESSION DES TERRES DrsquoIRLANDE 19 MARS 2018

Reacutedigeacute par Sarah Franck

laquo Le cœur casseacute ccedila donne la vie grise raquo Quand la brume et le vent soufflent sur un monde sans avenir confit dans lrsquoeacutecoulement uniforme des jours une porte parfois srsquoentrouvre pour que change le cours des choseshellip

Un homme est mort ce soir assis dans son fauteuil Sa femme une femme de rien ou de si peu de chose heacutesite Il lui a interdit de toucher son cadavre et a jeteacute sur elle une maleacutediction au cas ougrave elle enfreindrait lrsquoordre Seule sa sœur aura le droit de le preacuteparer pour son dernier voyage Mais comment faire quand la nuit a pris des couleurs de noir drsquoencre que les nueacutees srsquoamassent que le tonnerre gronde qursquoelle a une tregraves longue route et qursquoelle est seule Il nrsquoest pas bon drsquoabandonner un mort agrave lui-mecircmehellip Dans ce lieu perdu du bout du monde ougrave ne trouvent guegravere agrave subsister que les moutons ougrave lrsquoacircpreteacute de la vie a jeteacute sur les ecirctres son voile de dureteacute ougrave ne semblent possibles que la violence des comportements et lrsquohostiliteacute ougrave lrsquoalcool est la solution ultime quotidienne pour triompher des aleacuteas un groupe heacuteteacuteroclite va peu agrave peu se rassembler

(c) Antonia Bozzi

Une arche de Noeacute de largueacutes du monde

Parmi les personnages perdus dans ce milieu de nulle part arrive drsquoabord un vagabond un cueilleur de mots un raconteur drsquohistoires qui cherche un havre pour la nuit Il voudrait simplement reposer ses pieds fatigueacutes de cheminot avant de reprendre la route Il y a lrsquoancien marin devenu eacuteleveur que la mort du mari arrange car il en guigne les terres pour faire paicirctre ses troupeaux Il y a elle la femme deacutevoueacutee dont on ne sait de quoi est fait son attachement au deacutefunt ndash amour en deacutepit de lrsquoindiffeacuterence qursquoil lui porte ennui drsquoun mariage accepteacute pour la seacutecuriteacute qursquoil donne reacutesignation devant les vexations subies Et puis il y a ce mort qui srsquoavegraverera bien vivant au moment ougrave srsquoopegravere le partage des deacutepouilles et dont lrsquohistoire a la violence et linceste pour cortegravegehellip

Ce sont lagrave des perdus eacutegareacutes sans lrsquoavoir choisi prenant racine lagrave ougrave on les a planteacutes Massifs taiseux Vivent-ils Peut-ecirctre le cheminot qui erre agrave lrsquoaventure est-il le seul agrave savoir ougrave il va ce saltimbanque ce poegravete qui donne agrave voir un ailleurs agrave respirer lrsquoodeur du vent et les senteurs venues de contreacutees lointaines Peut-ecirctre ne sont-ils pas agrave leur place mais ont-ils une place Le preacutesent est leur futur leur avenir leur eacuteterniteacute Ils portent leur brume en eux cette compagne des sortilegraveges et des superstitions qui leur colle agrave la peau Ils ont cette eacutepaisseur de la matiegravere brute cette preacutesence obstineacutee de ceux qui ne savent qursquoecirctre

(c) Antonia Bozzi

Lrsquoespace de la parole

Dans ce huis clos deacutelimiteacute par une table dans un coin une banquette sur laquelle est assis immobile le mari et une commode il nrsquoy a pas drsquoeacutechappatoire Le lieu est agrave lrsquoimage de leur existence refermeacute sur lui-mecircme Alors il ne leur reste que la parole pour briser lrsquoenfermement Une parole difficile Les mots buttent dans leur gorge ils sortent contraints rentreacutes et de trop de retenue se heurtent et srsquoentrechoquent avec de brusques flambeacutees de violence se deacuteversent tels des crachats agrave la figure de lrsquoautre Crsquoest un trop-plein qui deacuteferle pour trouver le chemin de la conscience et qui les met en face drsquoeux-mecircmes et de leur reacutealiteacute Apregraves il nrsquoy aura plus de retour en arriegravere possible et chacun devra trouver lrsquoissue qui lui convient

Ils ont ce parler fruste mais imageacute des paysans laquo ccedila crsquoest sucircr raquo qui offre une transposition bretonne agrave lrsquoanglo-irlandais du texte original Un mecircme fondement celtique court dans ces deux reacutegions que rassemblent la culture et les paysages et ougrave souffle un vent laquo agrave reacuteveiller les disparus les esprits malins ou les feacutees tordues raquo Les noms de lieux aux consonances eacutetranges chantent une poeacutesie de lrsquoailleurs qursquoaccompagne celle du deacutesespoir de ces eacutecorcheacutes de la vie laquo Crsquoest comme ccedila le bout du chemin de ceux de sa sorte Les deacutevoreacutes drsquoangoisse les rongeacutes de tristesse raquo Les mots disent leur deacutetresse Leur barbe laquo on dirait deacutejagrave du poil de moisissure raquo Lrsquounivers laquo des milliards de milliards de masses solaires qui tournoient en spirale jusqursquoagrave ecirctre happeacutees aspireacutees au centre de lrsquoinconnu du trou noir [hellip] une eacutenorme densiteacute de creacuteation ou une absence de creacuteation Du trop-plein au vide raquo agrave lrsquoimage de leur vie qui laquo se deacuteficelle raquo se deacutecompose se deacutesintegravegrehellip

Entre Synge et Nathalie Beacutecue

De lrsquoOmbre de la valleacutee de John Millington Synge ndash compatriote de Joyce Yeats et Beckett et fervent deacutefenseur du renouveau de la culture irlandaise ndash Nathalie Beacutecue reprend la situation de ce mort laquo ressusciteacute raquo tout en modifiant les enjeux et la porteacutee de lrsquohistoire Elle fait du chemineau une incarnation du poegravete Elle reprend dans lrsquoesprit ce parler si particulier qui inverse lrsquoordre des mots pour placer dans une phrase lrsquoimportant devant On y retrouve le mecircme souci de rendre leurs lettres de noblesse agrave ceux qui sont sans-grade placeacutes agrave lrsquoeacutecart en marge mais portent en eux une veacuteriteacute immeacutemoriale qui les deacutepasse Ces hommes et ces femmes qui ne savent pas parler une laquo belle raquo langue au sens classique sont pleins habiteacutes possesseurs drsquoun treacutesor qursquoil nous est donneacute de reconnaicirctre Dans sa laquo variation raquo Nathalie

Beacutecue insuffle sa propre vision de cette laquo veacuteriteacute raquo populaire peupleacutee de croyances et de leacutegendes et met ses personnages en face de choix qui les font progresser et grandir

(c) Antonia Bozzi

Un magnifique travail drsquoacteur

Ce qui frappe enfin crsquoest lrsquointerpreacutetation laquo millimeacutetreacutee raquo des comeacutediens Car enfin crsquoest sur eux que repose ce spectacle ougrave il ne se passe rien ou presque durant deux heures Pas de quiproquo ni de comique de situation Pas de trageacutedie au-delagrave de lrsquoagressiviteacute et des altercations Ni trop ni trop peu mecircme si lrsquoon alterne chuchotements et cris Ils sont tout en retenues briseacutees quand les digues lacircchent en heacutesitations en mots esquisseacutes en gestes inaboutis ou semi-dissimuleacutes en mimiques fugaces Ils disent comme en srsquoexcusant heacutesitent agrave srsquoimposer reacutevegravelent les failles avec beaucoup de finesse La minutie avec laquelle la gestuelle campe les personnages donne au spectacle une justesse qursquoon voit rarement au theacuteacirctre

On srsquoeacutemeut drsquoentendre eacutevoquer les myriades drsquoeacutetoiles comme autant drsquoesprits des morts flottant autour de nous on partage la fatigue des marches de montagne plongeacutees dans une brume eacutepaisse et hostile la difficulteacute de ces laquo nuits noires agrave en appeler agrave la clarteacute des eacutetoiles raquo Et puis on rit car ils sont des hommes avec leurs petits travers leurs lacirccheteacutes et leurs peurs ces errants agrave la deacuterive qui srsquoeacutegarent avec magnificence et nous ressemblent tant Au-delagrave du texte et de sa beauteacute crsquoest agrave une merveilleuse leccedilon drsquohumaniteacute que nous convie ce spectacle

Bourrasque de Nathalie Beacutecue librement inspireacute de lrsquoOmbre du vent de John Millington Synge (eacuted franccedilaise Actes Sud)

Mise en scegravene Feacutelix Prader

Avec Nathalie Beacutecue Pierre-Alain Chapuis Theacuteo Chedeville Philippe Smith (le poegravete)

Theacuteacirctre de la Tempecircte Cartoucherie de Vincennes Route du Champ de Mars ndash 75012 Paris

Du 16 mars 2018 au 15 avril du mardi au samedi agrave 20h30 le dimanche agrave 17h30

Teacutel 01 43 28 36 36 Site wwwla-tempetefr

Bourrasque au Theacuteacirctre de La Tempecircte

Publieacute par Michel Jakubowicz le 26 mars 2018 Publieacute dans Tendance - Fashion

Theacuteacirctre de la Tempecircte Cartoucherie Rte du Champ-de-Manœuvre 75012 Paris

Repreacutesentations du 16 mars au 15 avril 2018

httpswwwla-tempetefr

BOURRASQUE

Variation sur lrsquoOmbre de la valleacutee de JM Synge

de Nathalie Beacutecue

mise en scegravene Feacutelix Prader

avec

Nathalie Beacutecue (Alice Burke)

Pierre-Alain Chapuis (Daniel Burke)

Theacuteo Chedeville (Michaeumll Dara)

Philippe Smith (John)

Nathalie Beacutecue auteure de Bourrasque avoue srsquoecirctre inspireacutee du poegravete et dramaturge John

Millington Synge Feacutelix Prader agrave partir du texte de Nathalie Beacutecue va srsquoefforcer de recreacuteer

lrsquoambiance eacutetrange chaotique effrayante qui sourd de ce texte Il va en quelque sorte donner

corps agrave une histoire ougrave semble rocircder une ambiance agrave la limite du fantastique et mettre en lumiegravere

les comportements presque forceneacutes brutaux impreacutevisibles des personnages qursquoun hasard

apparemment faceacutetieux (ou malfaisant) a reacuteunis dans une chaumiegravere perdue de la lande irlandaise

battue par la tempecircte Il faut dire que la piegravece se deacuteroule dans un contexte peu banal presque

terrifiant puisqursquoune femme seule soliloque en srsquoadressant agrave un cosmos aveugle et infini bourreacute

de trous noirs insondables et mortels La femme semble prendre agrave teacutemoin un homme immobile

ne bougeant pas drsquoun cil et dont la raideur semble vaguement indiquer qursquoil est peut-ecirctre passeacute

de vie agrave treacutepas ou qursquoil feint deacutelibeacutereacutement lrsquoindiffeacuterence absolue face aux propos tenus par la

femme Les choses pourraient en rester lagrave mais soudainement surgi du cœur de la tempecircte qui se

deacutechaicircne agrave lrsquoexteacuterieur un inconnu reacuteclame avec insistance malgreacute lrsquohostiliteacute de la femme agrave

srsquoabriter dans la chaumiegravere

A partir de lrsquointrusion de cet eacutetranger lrsquoaction va soudainement srsquoacceacuteleacuterer et le reacutecit srsquoorienter

sans deacutelai vers lrsquoabsurde le fantastique lrsquoinattendu Le reacutecit bascule apparemment vers

lrsquoirrationnel mais en terre irlandaise il semble agrave lrsquoeacutevidence que les apparences ne sont pas

forceacutement conformes agrave la reacutealiteacute et la suite du reacutecit de Nathalie Beacutecue srsquoinspirant de John

Millington Synge ne fera que rendre encore plus creacutedible cette impression

La mise en scegravene de Feacutelix Prader reconstitue avec une sorte de preacutecision presque surnaturelle

eacutetonnante cette campagne irlandaise drsquoougrave nrsquoimporte quels fantocircmes peuvent impuneacutement surgir

de la nuit Jusqursquoau bout drsquoune nuit interminable peupleacutee de terreurs sans noms cette assembleacutee

de personnages subira jusqursquoau bout un destin fait drsquoincertitude balanccedilant constamment entre

espoir et deacutesespeacuterance Lrsquointerpreacutetation est remarquable en particulier celle de Nathalie Beacutecue

incarnant avec beaucoup drsquoacircpreteacute de passion le rocircle drsquoAlice Burke Mais les trois autres

protagonistes masculins sont eacutegalement parfaits donnant agrave leurs personnages respectifs toute

lrsquoeacutepaisseur psychologique deacutesireacutee Un spectacle prenant qui reacutevegravele dans toute sa profondeur

lrsquoacircme irlandaise

Michel Jakubowicz

LE BRUITDUOFF TRIBUNE

LES SCENES ACTUELLES SANS TABOU NI TROMPETTES

CRITIQUE laquo Bourrasque raquo variation sur Lrsquoombre de la valleacutee de JM Synge de Nathalie Beacutecue mis en scegravene par Feacutelix Prader avec Nathalie Beacutecue Pierre-Alain Chapuis Theacuteo Chedeville et Philippe Smith Au Theacuteacirctre de la Tempecircte salle Copi jusqursquoau 15 avril du mardi au samedi agrave 20h30 dimanche agrave 16h30

Crsquoest lrsquoun des plus beaux textes de la saison Nathalie Beacutecue a adapteacute les peacutereacutegrinations de Synge avec amour infleacutechissant ses rugositeacutes irlandaises drsquoune ardeur feacutebrile

laquo Bourrasque raquo crsquoest la poeacutesie cosmique descendue sur lrsquoeacutepure drsquoun verbe aussi vieux que les icircles drsquoAran qui lrsquoabritent laquo Bourrasque raquo crsquoest la meacutetaphysique de la bergegravere Srsquoeacutelegraveve une litanie vibrante adresseacutee aux eacutetoiles pour cet laquo ougrave suis-je raquo qui preacutecegravede le laquo qui suis-je raquo pour le trou noir la masse la poussiegravere lrsquoengloutissement la disparition lrsquoinconnu la creacuteation sa densiteacute son absence le trop plein le videhellip Le vertige drsquoAlice Burke un soir de tempecircte est celui drsquoun cœur simple dans le langage du monde Lrsquoespace drsquoun entre-lumiegravere avant lrsquoextinction de la salle Nathalie Beacutecue ample vibrante ancreacutee et tendue vers des ciels invisibles livre une formidable deacutemonstration de sa maicirctrise de lrsquoabandon

Encore aux prises avec ce jaillissement drsquoecirctre brut et pur il nous faut quelques battements de cœur pour lrsquohabituer aux ombres de la scegravene peacuteneacutetrer le deuil terrestre drsquoAlice Burke et investir sa maison de pierre tandis que laquo perdu ailleurs raquo le vent se legraveve Les yeux pleins drsquoorage et la voix blanche elle embarque les acircmes qursquoelle a tendues vers elle laquo Je suis en colegravere tellement je suis triste raquo

Daniel Burke le fermier sans meacutetaphysique le fermier malheureux srsquoest figeacute lagrave dans une mort subite et inviolable et sa veuve saisie de solitude et figeacutee depuis cent ans voit sa laquo vie grise raquo deacutechireacutee par laquo la grande trouille raquo La trouille de quoi Car la mort toute proche incarneacutee dans la deacutepouille de son mari immobile ne lrsquoeffraye pas Crsquoest une femme des montagnes qui croit aux fantocircmes et qui ne les craint pas

Est-ce un fantocircme qui franchit son seuil dans lrsquoorage pour mettre son errance et son immense laquo dehors raquo dans lrsquoespace sans projet ougrave elle vit confineacutee John mucirc par le timbre envoucirctant de Philippe Smith est un porteur drsquohistoires venu reacutecolter quelques miettes au foyer de la derniegravere maison allumeacutee sur les chemins rocheux drsquoAran Quand Alice Burke laisse son hocircte dans cette eacutetrange veilleacutee et que Dan Burke se redresse bien vivant et saoul crsquoest toute une vie de spectateur qui vacille agrave son tour John pourra-t-il refuser drsquoecirctre acteur de cette histoire-lagrave

Pierre-Alain Chapuis est un Dan Burke massif en corps et en ecirctre plein de passeacute de rancœur et de lrsquoeacutepaisse rusticiteacute que les silences ont tanneacutee sur sa peau et sa voix Quatriegraveme entreacutee en scegravene la jeunesse vacillante de Theacuteo Chedeville precircte ses fougues agrave Michaeumll Dara le marin en quecircte de reacuteconciliation avec la terre qui cherche agrave ecirctre au sol et treacutepigne dans la valleacutee encore la tecircte agrave moitieacute immergeacutee des recircves drsquoavant les recircves enterreacutes de large et de houle La paix est-elle plus haut dans la montagne

La mise en scegravene de Feacutelix Prader attentive aux eacuteclats de verbe sublimeacutes par les voix de Beacutecue Chapuis Chedeville et Smith est un effacement une ombre pour que la poeacutesie eacuteclaire Il veut saisir le preacutesent et la preacutesence eacutenorme des protagonistes dans la suspension du temps du theacuteacirctre Sa scegravene se deacutepare du moindre artifice se fait couloir pour lrsquoeacutemotion de cette parole vitale qui balaye le silence effareacute du spectateur srsquooublie dans une pudeur parfaite Jrsquoentends encore la voix pleine et rocailleuse de Beacutecue la Burke souffler la bourrasque laquo Jrsquoai trop la trouille pour pas y aller raquo

Drsquoun eacutelan vital et poeacutetique elle engloutit le motif radical de la mort

Marguerite Dornier

DU 1603 AU 15042018 AU THEacuteAcircTRE DE LA TEMPEcircTE | DUREacuteE 1H40 |

Librement adapteacute de la piegravece en un acte de John M Synge laquo Lrsquoombre dans la Valleacutee raquo Bourrasque fait preuve drsquoune sagaciteacute deacuteroutante dans une ambiance drsquoinsulaires superstitieux Situation macabre regraveglements de comptes conjugaux reacutecits de voyages et art du vagabondagehellip lrsquoIrlande et son hors-champ drsquoimmensiteacute montagneuse et orageuse nous submergent alors que de grandes deacutecisions se prennent dans la petite chaumiegravere drsquoAlice Burke indigneacutee par la mort foudroyante de son mari Dan qursquoelle ne peut toucher sous peine drsquoecirctre maudite

De par la traduction drsquoun gaeacutelique transposeacute dans du franccedilais paysan aux consonances lyriques et lrsquointerpreacutetation de ce tregraves beau et talentueux quatuor de comeacutediens le folklore celte est tout agrave fait plausible voire palpable et propage son caractegravere sacreacute Bourrasque est un deacutelice drsquohumour peut ecirctre un tantinet pessimiste mais surtout pittoresque et poeacutetique

Eloiumlse Dandoy

jeudi 22 mars 2018

Bourrasque de Nathalie Beacutecue

Bourrasque est un de ces spectacles dont on mesure la chance quils existent Parce que Nathalie Beacutecue a fait un travail deacutecriture tregraves reacuteussi librement adapteacute de la piegravece LrsquoOmbre de la valleacutee en reprenant lrsquoargument tout en modifiant les enjeux et la porteacutee Elle place le spectateur au plus pregraves de latmosphegravere poeacutetique qui a impreacutegneacute lIrlande que John Millington Synge (1871-1909) nous a fait deacutecouvrir au XIXdeg siegravecle et qui est encore tregraves vivante gracircce agrave la moderniteacute de la mise en scegravene de Feacutelix Prader La distribution est habile avec Nathalie Beacutecue qui interpregravete Alice Burke et trois autres comeacutediens Pierre-Alain Chapuis (Daniel Burke) Theacuteo Chedeville (Michaeumll Dara) et Philippe Smith (John) tous diffeacuterents qui permettent dapporter des points de vue parfois deacuteroutants maintenant le spectateur quasiment en haleine comme sil eacutetait au coeur dun thriller Le caractegravere primitif de la vie sociale si particuliegravere des icircles drsquoAran en deviendrait presque normal dans un deacutecor rustique simple et familier

Par un soir de violente tempecircte que lon entendra rugir derriegravere la verriegravere Alice Burke veille son mari deacutefunt lrsquoacircpre et ombrageux fermier Dan Burke comme le veut la coutume dans cette contreacutee reculeacutee Silence dans la chaumiegravere isoleacutee quand agrave la porte frappe un inconnu nomade des collines cueilleur drsquohistoires (Synge) qui ravive dans lrsquoacircme dAlice la soif drsquoun ailleurs Un autre homme bouscule les certitudes dAlice Michaeumll Dara le marin devenu berger qui vit agrave quelques lieues et convoite agrave la fois les biens et la femmethinsp Et si soudain srsquoeacuteveillait le deacutefunt chahutant les vivants que ferait Alicethinsp

Le mort est sur scegravene muet cela va sans dire mais bien preacutesent tout de mecircme Sa femme lui rend hommage malgreacute les cahots qui ont chahuteacute sa vie Cest une femme simple qui a les pieds sur terre capable dun brin de fantaisie que lon remarque dans le point de tricot du gilet quelle porte sur une robe bleu marine Sans doute reacutealiseacute avec la laine de ses moutons Les paroles se bousculent au rythme des souvenirs et agrave la mesure des angoisses qui lassaillent comme des ressentiments quelle exprime toute seule La tempecircte qui agite son esprit est semblable agrave celle qui souffle au dehors Elle reconnait quelle ne sait plus ougrave elle en est et sassoit pregraves de celui qui fut son homme Chaque mort serait une eacutetoile qui scintille dans le ciel Au-delagrave de cette jolie image Alice est confronteacutee agrave labsence de deux beaux enfants partis aux Ameacuteriques et aujourdrsquohui un mari qui part et agrave qui elle parle comme sil eacutetait vivant et comme elle ne lui a sans doute jamais parleacute parce que jusque-lagrave elle nosait pas Tout bascule ccedila vrille comment crsquoest possible possible je suis en colegravere

Elle refuse puis accueille la reacutealiteacute et lhomme eacutetranger qui explique sa fonction je cueille des mots Et qui fait davantage en analysant les eacutevegravenements Cest lui qui le premier a un doute Il est mort votre copain On dirait qursquoil fait le mort Si effectivement la mort neacutetait quune ruse pour permettre de deacutebusquer la veacuteriteacute vraie agrave linstar dOrgon cacheacute sous la nappe pour confondre Tartuffe

La langue choisie par Nathalie Beacutecue est preacutecise poeacutetique et feacuteroce Si je deacutesentortille votre charabia Jrsquoai trop la trouille pour pas y aller avant de se deacutecider agrave deacuterouler ses recircves sous ses pas

Faisons-nous aussi le pas pour ne pas louper ce petit bijou qui se joue au theacuteacirctre de la Tempecircte jusquau 15 avril 2018

Bourrasque de Nathalie Beacutecue Mise en scegravene Feacutelix Prader Avec Nathalie Beacutecue (Alice Burke) Pierre-Alain Chapuis (Daniel Burke) Theacuteo Chedeville (Michaeumll Dara) Philippe Smith (John) Sceacutenographie et costumes Ceacutecilia Galli Creacuteation sonore Estelle Lembert Direction des combats Franccedilois Rostain Du 16 mars au 15 avril 2018 Du mardi au samedi 20 h 30 dimanche 16 h 30 Les photos qui ne sont pas logotypeacutees A bride abattue sont de Antonia Bozzi Publieacute par marie-claire agrave 2335 Envoyer par e-mailBlogThisPartager sur TwitterPartager sur FacebookPartager sur Pinterest Libelleacutes coup de coeur spectacle theacuteacirctre

critiquetheatreclaucom

17 Mars 2018

ABOZZI

Bourrasque jusqursquoau 1504 th de La tempecircte

Mouvance de la destineacutee

De Nathalie Beacutecue inspireacute de lrsquoœuvre de John Millington Synge dramaturge irlandais 1871- 1909Mise en scegravene Feacutelix Prader

Au premier instant nous nous sommes happeacutes par un merveilleux poegraveme invoquant le chagrin des ecirctres perdus la solitude la deacutetresse la tristesse les regrets

laquo Pourquoi jrsquoai reccedilu cette vie Au lieu drsquoattraper lrsquoair transparent dans le bleu du cielhelliphellip Rester lagrave agrave attendre la Balayure du soir raquo

Une atmosphegravere de conte de poeacutesie et de mystegravere nous enveloppe

Un jour de grande tempecircte au plus profond de la campagne irlandaise nous peacuteneacutetrons dans une sobre demeure Il va se deacuterouler sous nos yeux pleins drsquoeacutetonnement un conte tragi-comique

Les personnages sont hauts en couleur

Un paysan Daniel Burke rustre et srsquoabreuvant de whisky pour oublier sa peur et la tristesse de la vie simule sa mort pour espionner sa femme

Alice soumise agrave sa condition se questionne sur sa vie passeacutee et agrave venir Tout en veillant son deacutefunt mari

John marcheur solitaire poegravete eacutecrivain et avide de liberteacute eacutecoutant et observant le monde arrive agrave lrsquoimproviste dans cette demeure

Michaeumll ancien marin devenu berger est un eacutetranger dans cette campagne isoleacutee Il va convoiter Alice pour srsquointeacutegrer dans ce monde hostile

Tous ses personnages vont se reacuteveacuteler nous raconter leur histoire parfois tragique parfois cocasse

Que veulent-ils devenir Prendront-ils leur destineacutee en main

Nous deacutecouvrons le sens de la fecircte les rites et coutumes funeacuteraires de la campagne irlandaise Nous ressentons lrsquoisolement de ses contreacutees la vie rude et solitaire de ses habitants ainsi que le climat rigoureux et froid

Crsquoest agrave la fois violent et tendre eacutemouvant et burlesque

Les comeacutediens nous eacutemeuvent et nous transpercent le cœur

Avec Alice Nathalie Beacutecue nous bouleverse

Daniel Pierre-Alain Chapuis bourru et tendre nous attendri

John Philippe Smith eacuteleacutegant et serein nous seacuteduit

Sans oublier Theacuteo Chedeville touchant dans le rocircle du jeune berger Michaeumll

Page 4: BOURRASQUE - Théâtre Montansier · 2018. 5. 7. · composé Bourrasque, que Félix Prader met en scène avec igueu (1). Synge affimait u’au théâtre, « il faut du réel, il

Ce sont des femmes en mouvement

MARDI 3 AVRIL 2018

le Groenland monologue eacutecrit par Pauline Sales subtilement mis en scegravene par Baptiste Guiton au TNP-Villeurbanne Photo Michel Cavalca

La chronique theacuteacirctre de Jean-Pierre Leacuteonardini

La scegravene nrsquoest-elle pas le lieu ideacuteal sinon de lrsquoeacutemancipation des femmes du moins des

velleacuteiteacutes de leur souveraineteacute Voyez Ibsen Deux exemples drsquoaujourdrsquohui Nathalie Beacutecue agrave

partir de lrsquoOmbre de la valleacutee de lrsquoIrlandais magnifique John Millington Synge (1871-1909) a

composeacute Bourrasque que Feacutelix Prader met en scegravene avec rigueur (1) Synge affirmait qursquoau

theacuteacirctre laquo il faut du reacuteel il faut aussi de la joie raquo Pari tenu devant cette histoire au verbe

haut agrave la segraveve populaire fertile en meacutetaphores ougrave lrsquoon voit et entend Alice Burke (Nathalie

Beacutecue) eacuteperdue de solitude devant le cadavre assis de son mari (Pierre-Alain Chapuis) qui

soudain se dresse face agrave deux preacutetendants un jeune berger ancien marin (Theacuteo Chedeville)

et un poegravete errant (Philippe Smith) double aveacutereacute de Synge Nathalie Beacutecue met en jeu une

eacutenergie farouche au service drsquoune partition agrave lrsquoharmonie rugueuse tisseacutee de tous les deacutesirs

drsquoune liberteacute dure agrave prendre agrave laquelle il faut bien se reacutesoudre Le trio viril Pierre-Alain

Chapuis agrave sa tecircte nrsquoest certes pas en deccedilagrave mais semble un peu meacuteduseacute et crsquoest justice par

le rythme drsquoemportement absolu qursquoimpulse la comeacutedienne agrave ce manifeste drsquoeacutemancipation

au lyrisme acircpre

Un texte tregraves dense hacheacute haletant veacuteritable flot de paroles

Dans le Groenland monologue eacutecrit par Pauline Sales subtilement mis en scegravene par Baptiste

Guiton (en 2009 deacutejagrave il srsquoy eacutetait attaqueacute) Tiphaine Rabaud Fournier nrsquoest pas seule puisque

Seacutebastien Quencez est preacutesent sur le plateau pour jouer du Beacutela Bartok agrave point nommeacute sur

un piano agrave roulettes que la parleuse bouge freacutequemment pour srsquoinventer un espace

introuvable (2) Elle est censeacutee srsquoadresser sans cesse agrave sa petite fille avec laquelle il srsquoagirait

de srsquoenfuir vers le froid absolu Un texte tregraves dense hacheacute haletant veacuteritable flot de paroles

englobant une infiniteacute de menus peacuteripeacuteties et de reacuteflexions au cours desquelles la jeune

megravere (lrsquoest-elle vraiment lrsquoenfant nrsquoest-elle pas qursquoimaginaire ) laisse libre cours agrave toutes

impulsions y compris celle drsquoabandonner la chair de sa chair comme on disait jadis dans les

romans drsquoordre moral Cela se vit chez le spectateur en toute complexiteacute au sein drsquoune

espegravece de griserie susciteacutee par la motriciteacute fieacutevreuse neacuteanmoins savamment domineacutee de

lrsquointerpregravete qui srsquoavance loin dans lrsquoaffirmation du sujet autonome que figure la personne agrave

qui elle precircte vie qui nrsquoambitionne rien tant que devenir elle-mecircme soit celle sans doute

qui a eacutecrit le Groenland lorsqursquoelle fut megravere justement il y a de cela dix ans

1 Theacuteacirctre de la Tempecircte jusqursquoau 15 avril

2 TNP-Villeurbanne jusqursquoau 14 avril

Accueil gt Bourrasque de Nathalie Beacutecue drsquoapregraves Synge

Critiques Theacuteacirctre

Bourrasque de Nathalie Beacutecue drsquoapregraves Synge

par Gilles Costaz

Un orage irlandais

Les titres des documents et des affiches de Bourrasque ne preacutecisent sans doute pas

suffisamment qursquoil srsquogit drsquoune adaptation drsquoune piegravece de John Millington Synge LrsquoOmbre de

la valleacutee Nathalie Beacutecue srsquoest inspireacutee tregraves librement de la piegravece et des teacutemoignages laisseacutes

par lrsquoeacutecrivain quand il partit vivre quelque temps dans les icircles drsquoAran Crsquoest bien le monde de

Synge qursquoon trouve ici mecircme si lrsquoeacutevolution des personnages nrsquoest plus tout agrave fait la mecircme et

mecircme si le langage a un rugueux qui vient surtout de lrsquoimagination de lrsquoauteure franccedilaise

Dans un hameau perdu sur lrsquoune de ces icircles lamineacutees par les tempecirctes un couple survit

difficilement agrave la fin de leur amour totalement eacutepuiseacute par les anneacutees qui ont passeacute La

femme a gardeacute toute son eacutenergie lui tient agrave peine debout Et drsquoailleurs au moment ougrave un

nouveau voisin vient faire ses salutations le mari srsquoeffondre Mort Dans ces contreacutees-lagrave on

redresse un peu le mort et on le couvre drsquoun drap Et on continue agrave boire Entre lrsquoeacutepouse et

le visiteur la sympathie se deacuteveloppe Elle pourrait les mener loin Ils font quelques projets

plutocirct indiffeacuterents au cadavre Mais le mort se reacuteveille Il a tout entendu A-t-il simuleacute sa

mort Il nrsquoest pas content Tout ce monde plus un autre passant qui rapplique hausse la

voix montre les poings Mais avec le retour de lrsquohumaniteacute et de la luciditeacute tout pourrait

srsquoarranger une fois les cartes rebattues

Nathalie Beacutecue qui interpregravete lrsquoeacutepouse joue comme elle eacutecrit dans la rudesse masquant la

noblesse des sentiments et sans ceacuteder agrave la joliesse Elle deacutefend fort bien sa piegravece Pierre-

Alain Chapuis qui est lrsquoun de nos plus grands comeacutediens donne au rocircle du mari une belle

violence bourrue et les lentes fluctuations drsquoune laborieuse penseacutee cassant sa torpeur Theacuteo

Chedeville est un eacutetranger complexe sous lrsquoapparence drsquoun personnage bonhomme et avineacute

Philippe Smith complegravete la distribution avec une discreacutetion nuanceacutee La mise en scegravene de

Feacutelix Prader deacutetaille bien les orages et les accalmies de cette danse de mort virant agrave la danse

de vie

Bourrasque variation de Nathalie Beacutecue sur LrsquoOmbre de la valleacutee de Synge mise en scegravene

de Feacutelix Prader sceacutenographie et costumes de Ceacutecilia Galli creacuteation sonore drsquoEstelle Lembert

collaboration artistique drsquoAureacutelia Guillet avec Nathalie Beacutecue Theacuteo Chedeville Pierre-Alain

Chapuis Philippe Smith

Theacuteacirctre de la Tempecircte cartoucherie de Vincennes teacutel 01 43 28 36 36 jusqursquoau 15 avril

(Dureacutee 1 h 15)

Photo Antonia Bozzi

THEATRE AU VENT Just another Bloglemondefr weblog

LA BOURRASQUE DE NATHALIE BECUE ndash MISE EN SCENE DE FELIX PRADER AU THEATRE DE

LA TEMPETE agrave la Cartoucherie de Vincennes ndash Route du champ de manoeuvre 75012 PARIS

ndash du 16 Mars au 15 Avril 2018 ndash Salle Copi bull Dureacutee 1h40 ndash du mardi au samedi agrave 20h30 le

dimanche agrave 16h30 ndash

Publieacute le 29 mars 2018 par theatreauvent

Il lui fallait un texte agrave sa hauteur un texte qui lrsquohabite Nathalie BECUE Elle lrsquoa trouveacute en

infusant lrsquoœuvre du poegravete et dramaturge irlandais John Millington SYNGE (1871-1909) Un

conte a inspireacute sa piegravece raquo Bourrasque raquo laquo In shadow of the glen raquo lrsquoombre de la valleacutee

Elle met en scegravene une espegravece de culs-terreux une femme et son mari un berger qui vivent

dans un trou perdu

Lorsque la piegravece commence la femme vient de deacutecouvrir son eacutepoux mort sur sa chaise Elle

a du mal agrave reacutealiser lrsquoeacuteveacutenement elle continue agrave lui parler et puis rapidement reprend son

esprit La mort en Irlande encore dans les campagnes donne lieu agrave des festiviteacutes qui

deacutebutent par la veilleacutee funegravebre et dure plusieurs jours

Au moment ougrave elle se dit qursquoelle doit preacutevenir le village et surtout la sœur du mort survient

en pleine bourrasque un eacutetranger qui lui demande lrsquoasile pour la nuit Elle accepte puis laisse

lrsquoeacutetranger seul avec le mort Ce dernier se reacuteveillehellip

Lrsquoaspect fantastique de lrsquohistoire est parfaitement inteacuterioriseacute dans la piegravece Il intervient

comme une petite lumiegravere une sorte drsquoeacutelectrochoc des consciences mais il colle tout agrave fait agrave

la reacutealiteacute rude des personnages

Chez laquo Ces gens-lagrave raquo comme dans la chanson de Jacques BREL on ne se parle pas on se cuite

au whisky Crsquoest normal Madame BURKE recircve drsquoune autre vie elle nrsquoa peur de rien mais tout

de mecircmehellip

Il faut la faire deacutecoller du sol cette colegravere inteacuterieure ce deacutesespoir qui habitent les

personnages qui semblent happeacutes par le vide de leur existence

Madame BURKE est ameneacutee agrave brailler pour srsquoentendre et Monsieur BURKE agrave sortir de ses

gonds pour la faire taire Lrsquoeacutetranger poegravete sans ressources finit par offrir sa petite bulle

drsquoair agrave la femme affameacutee de liberteacute Un autre personnage un berger incompeacutetent prend

conscience que sa solitude lui pegravese et accepte lrsquoaide de Monsieur BURKE

Si lrsquoissue est positive elle aura tout de mecircme demandeacute lrsquoapport drsquoune belle bourrasque pour

faire sortir de leur terrier le couple de paysans

Elle semble jaillir de la terre mecircme la langue de Nathalie BECUE sensuelle et poeacutetique

parfois mecircme explosive

La bourrasque eacutetait deacutejagrave dans les cœurs nous suggegravere lrsquoauteure elle transfigure les

interpregravetes qui incarnent de pauvres bougres les pieds sur terre et agrave lrsquoouest dans ce

spectacle mis en scegravene sans artifice par Feacutelix PRADER et pourtant jubilatoire

Paris le 29 Mars 2018

Evelyne Tracircn

Bourrasquehellip Juste ce quil faut deacutetrangeteacute pour que le reacutealisme soit porteacute aux franges du fantastique Bourrasque Theacuteacirctre de la Tempecircte Paris

Dans Bourrasques inspireacutee par lœuvre de John Millington Synge Nathalie Beacutecue emporte le spectateur dans un tourbillon de theacuteacirctre Un theacuteacirctre mucirc par une langue concregravete drue simple manieacutee par des vagabonds des mots des enjocircleurs des charmeurs beaux parleurs qui magnifient cette terre d Irlande herbeuse et moutonneuse et tourbeuse cette terre de lOuest ces icircles dAran les bien nommeacutees

copy Antonia Bozzi

Battues par les vents peupleacutees dhommes taiseux cogneux buveux de femmes entiegraveres et acircpres et dures agrave la tacircche Cette terre dIrlande qui rend recircves et cauchemars et mots et sorts et enchantements Le spectacle de Nathalie Beacutecue sappuie sur une farce tregraves ancienne celle du mari qui feint la mort pour mieux confondre son eacutepouse et son amant La comeacutedie le drame se croisent Du trivial le plus cru au lyrique le plus naturel Feacuteroce et drocircle Assureacutement le rire de Synge est tragique mais il est sain Il est celui des fabliaux Mais ces habitants ne sont pas traiteacutes comme des ploucs mais comme des poegravetes qui savent extraire des petits faits de leurs superstitions de leurs peurs de leurs malheurs des reacutecits beaux comme la laine Des reacutecits qui exaltent tout autant que le Whiskey

copy Antonia Bozzi

Les personnages sont eacutemus par deacutetranges sympathies archaiumlques Leur humeur change au greacute des coups de vents et leur simpliciteacute de caractegravere bascule dans une franche gaiteacute ou une brusque deacutepression Cest que leur isolement des frousses leacutegendaires les font appartenir agrave un monde de recircves et de forces qui les deacutepassent La langue est simple Cest la langue du conteur Juste ce quil faut deacutetrangeteacute pour que le reacutealisme soit porteacute aux franges du fantastique Les dialogues sont croiseacutes la syntaxe subit des torsions les choses sont nommeacutees simplement Le grain de la voix le rythme du souffle leacutelan du jeu humanise les ecirctres amplifie les mots agrave la dimension du recircve et de leacutemerveillement Ce spectacle est une eacutechappeacutee belle Avec laide de ses comeacutediens leur verve et le beau travail sur le texte de Nathalie Beacutecue le spectateur retrouve le secret dune poeacutesie objective agrave base dhumour franc que le theacuteacirctre actuel a trop souvent abandonneacute Bourrasque

copy Antonia Bozzi

Variation sur LOmbre de la valleacutee de John Millington Synge Texte Nathalie Beacutecue Mise en scegravene Feacutelix Prader Avec Nathalie Beacutecue Theacuteo Chedeville Pierre-Alain Chapuis Philippe Smith Sceacutenographie et costumes Ceacutecilia Galli Creacuteation sonore Estelle Lembert Collaboration artistique Aureacutelia Guillet Lumiegraveres Thibault Gaigneux Direction des combats Franccedilois Rostain Dureacutee 1 h 30 Production En Votre Compagnie Du 16 mars au 15 avril 2018 Du mardi au samedi agrave 20 h 30 dimanche agrave 16 h 30 Theacuteacirctre de la Tempecircte Salle Copi La Cartoucherie Paris 12e 01 43 28 36 36

Jean Grapin Lundi 26 Mars 2018

Drame naturaliste de Nathalie Beacutecue dapregraves

une oeuvre de John Millington Synge mise en scegravene de Feacutelix Prader

avec Nathalie Beacutecue Theacuteo Chedeville Pierre-Alain Chapuis et Philippe

Smith

La comeacutedienne Nathalie Beacutecue a deacutejagrave montreacutee son appeacutetence pour la

parole des taiseux du temps jadis avec un monologue dramatique

Lapprentie sage-femme issu du roman dun auteur contemporain ameacutericain

Karen Cushman se deacuteroulant dans lAngleterre meacutedieacutevale

Avec Bourrasque elle propose une adaptation libre quelle qualifie de

variation dune piegravece de John Millington Synge dramaturge irlandais du

19egraveme siegravecle engageacute dans le mouvement du Celtic Reviva l qui ressort agrave la

theacutematique de lacircme simple agrave laquelle ne sont eacutetrangers ni lapproche

poeacutetique du monde ni le questionnement meacutetaphysique

Par une nuit dorage un eacutecrivain meacutemorialiste baroudeur et collecteur

dhistoires (Philippe Smith) qui bat la campagne irlandaise trouve refuge dans

une ferme isoleacutee du comteacute de Wicklow

La dame de la maison (Nathalie Beacutecue) est sous le coup de leacutemotion de

la mort soudaine - et simuleacutee - de son mari (Pierre-Alain Chapuis) car

destineacutee agrave eacutetablir linfideacuteliteacute commise avec un jeune berger (Theacuteo

Cheacutedeville) et ce subterfuge va bouleverser leur destin

Sobrement mis en scegravene par Feacutelix Prader dans une sceacutenographie

intemporelle de Ceacutecilia Galli ce drame naturaliste agrave connotation de reacutealisme

magique agrave lirlandaise entre brume et tourbe composeacute essentiellement de la

juxtaposition quatre reacutecits hybridant soliloque et de biodrame beacuteneacuteficie dune

interpreacutetation remarquable qui navigue du registre du patheacutetique avec pour

chantre Nathalie Beacutecue et celui du burlesque dont Pierre-Alain

Chapuis savegravere en lespegravece le champion qui twiste la partition en eacutevitant

leacutecueil lacrymal

MM

BOURRASQUE Theacuteacirctre de la Tempecircte

Cartoucherie

Route du Champ-de-Manœuvre

75012 Paris

Tel 01 43 28 36 36

Jusqursquoau 15 avril 2018

du mardi au samedi 20h30

Dimanche 16h30

On connaissait de JM Synge laquo Le baladin du monde occidental raquo bien sucircr et laquo

Deirdre des douleurs raquo Voici qursquoon nous exhume une piegravece bien moins connue laquo

Lrsquoombre de la valleacutee raquo Elle fut eacutecrite par Synge apregraves un seacutejour aux icircles drsquoAran Ici

elle sert de base agrave cette variation signeacutee en fait Nathalie Beacutecue

Nous sommes au deacutebut du siegravecle dans un coin reculeacute drsquoIrlande une femme Alice

Burke veille son mari qui vient de mourir et qui deacutetail important lui a bien demandeacute

de ne pas le toucher Il laisse ce soin agrave sa soeur La femme reccediloit alors la visite drsquoun

voyageur preacutenommeacute John (Synge lui-mecircme) Comme elle srsquoeacuteclipse Daniel le mari

reacutevegravele qursquoil nrsquoest pas mort Choc Et ce nrsquoest pas fini

Si Synge avait axeacute sa piegravece sur cette tradition irlandaire (contrefaire le mort) et ses

conseacutequences tragi-comiques on voit bien que ce nrsquoest pas ce qui a inteacuteresseacute

Nathalie Beacutecue Elle a vu lagrave lrsquooccasion de deacutevelopper des personnages inventer

comme elle dit laquo un parler agrave ces taiseux et agrave y glisser toute la tendresse toutes les

violences qui les habitent raquo

Dans deacutecor sobre et agrave lrsquoaide de quelques eacuteleacutements laquo parlants raquo nous avons donc

droit agrave des variations sur le couple la solitude la vie des paysans-eacuteleveurs de

moutons leurs soucis et surtout lrsquoalieacutenation de lrsquoeacutepouse

Le problegraveme est qursquoil y a quelques longueurs agrave cocircteacute de fulgurances et de trouvailles

laquo Comme on vit on meurt mecircme visage raquo ou bien lanceacute par la femme laquo Mariez-

vous vous trimerez raquo la piegravece est statique

Elle est heureusement brillamment joueacutee par Pierre-Alain Chapuis (Daniel Burke)

avec sa rudesse et ses emportements ou Philippe Smith dans le rocircle de John Theacuteo

Chedeville a la fougue de la jeunesse mais on retiendra surtout lrsquoauteur-interpregravete

Nathalie Beacutecue elle est eacutemouvante et forte dans ce rocircle de femme en reacutevolte et qui

nrsquoa au bout du compte que le choix entre trois destins incarneacutes par trois hommes

Geacuterard Noeumll

Bourrasque

de Nathalie Beacutecue

Mise en scegravene Feacutelix Prader

Avec Nathalie Beacutecue Pierre-Alain Chapuis Theacuteo Chedeville Philippe Smith

Sceacutenographie et costumes Ceacutecilia Galli

Son Estelle Lembert

Collaboration artistique Aureacutelia Guillet

Direction des combats Franccedilois Rostain

Nathalie Beacutecue Antonia Bozzi

Bourrasque agrave la Tempecircte Un moment tempeacutetueux et plein drsquoeacutemotion Cest un voyage que nous propose actuellement le theacuteacirctre de La Tempecircte Une immersion absolue dans un foyer irlandais un soir ougrave une terrible bourrasque a deacutecideacute de tout emporter sur son passage En effet Nathalie Beacutecue agrave leacutecriture et Felix Prader agrave la mise en scegravene nous emportent dans leur univers celui de la farce mais aussi celui du reacuteel Un spectacle vibrant entre violence tendresse et reacuteflexion La nuit tombe sur cette chaumiegravere et sur la vie dAlice Burke Daniel Burke est mort Le deacutesarroi la colegravere la deacutetresse transpirent chez cette femme qui entame une premiegravere nuit de deuil Puis vient la bourrasque vient cet eacutetranger qui arpente les routes vient ce berger de la ferme voisine Cette soireacutee est une soireacutee eacutesoteacuterique Tout semble hors du temps Ce soir pour chacun des protagonistes cest un nouveau deacutepart une remise agrave zeacutero des compteurs Une renaissance Un envol Alice Burke na pas peur Sur scegravene ils sont quatre Quatre comeacutediens de talent qui eacutepousent agrave la perfection les personnages quils incarnent Justes profonds et surtout attachants Nathalie Beacutecue Pierre-Alain Chapuis Theacuteo Chedeville et Philippe Smith sont vrais On sourit aux blagues de ce conteur on souffre avec cette femme tortureacutee on aime avec ce berger on est trahi avec Daniel Burke Le texte est fort il ne laisse pas insensible et pose les questions et les remises en question que tout un chacun est ameneacute agrave se poser au cours de son existence La mise en scegravene quant agrave elle ne nous impose rien Chacun est libre dajouter sa part dimagination et dhypothegravese agrave cette chaumiegravere isoleacutee dans les montagnes irlandaises La fin de cette bourrasque dans les airs et dans les cœurs est lapogeacutee de tout un cheminement dune reacuteflexion celle que propose ici Nathalie Beacutecue dapregraves les arguments de leacutecrivain J-M Synge Un spectacle vrai et sans artifice agrave deacutecouvrir

Zoom par Reacutegis DARO Paru le 30032018

-

BOURR

Spectatif

ASQUE au Theacuteacirctre de La Tempecircte 17 Mars 2018

Comment savoir si Daniel Burke est mort ou pas Srsquoil ne srsquoagit que de son fantocircme qui vient surprendre son eacutepouse Alice Burke ou si Daniel Burke feint sa reacutesurrection pour fendre ses secrets et laisser eacutechapper un peu de lui-mecircme dans ses derniers instants juste avant de tenter de fondre ses pas dans ceux de celle qui veut partir fatigueacutee du passeacute et enjoueacutee devant un avenir qursquoelle voudrait se construire meilleur et sien Deacuteroulera-t-elle ses recircves sous ses pas Troublante et mysteacuterieuse aventure que cette soireacutee de bourrasque ougrave une veilleacutee mortuaire devient une veilleacutee de palabres de reacutecits et drsquoespoirs Entre reacuteel et irreacuteel lrsquoimaginaire srsquoempare de nous nous faisant flotter sur le flux des mots dits et plonger par moments parmi les maux dits de ce couple de paysans dont on ne sait srsquoils srsquoaiment ou se haiumlssent si seulement lrsquoamour est entreacute dans leur bacirctisse ou si ce mot nrsquoexiste pas pour eux Ce spectacle baigneacute de poeacutesie reacutealiste crue et deacutepouilleacutee est une magnifique eacutecriture de Nathalie Beacutecue qursquoelle nomme Variation sur LrsquoOmbre de la valleacutee de John Millington Synge On comprend que ce grand dramaturge irlandais de la fin du 19egraveme siegravecle inspira Beckett et subjugua Artaud entre autres Tant ses peintures dramatiques de la paysannerie irlandaise de ses us et coutumes sont autant de sources pour des personnages en marge ou des situations fantastiques Le parcours de Alice Burke est captivant Ce qursquoelle raconte ce qursquoelle dit et ce qursquoelle devient Paysanne infidegravele ou eacutepouse adulteacuterine sublimeacutee dans le mal par son mari cet homme meurtri et malheureux elle deacutecouvre peu agrave peu drsquoautres horizons pour vivre

John le vagabond recueilli ce soir de bourrasque sorte drsquoaegravede qui parcoure les villages et se nourrit des morceaux de vie des autres notant ses observations se payant drsquoaumocircnes apportera agrave Alice les lumiegraveres du deacutesir drsquoailleurs Michaeumll Dara le jeune berger du voisinage venu lui aussi pour se proteacuteger de la bourrasque semble porter avec lui les plaisirs et les espeacuterances attendus inavoueacutes ou peut-ecirctre assouvis par Alice Daniel Burke le mari mort ou vivant fantocircme de lui-mecircme erre vocifegravere eacuteructe ses souffrances cacheacutees derriegravere sa violence qui le blesse autant qursquoil voudrait blesser nous montrant un paysan qui nrsquoa connu que sa famille enfant ou adulte pour tout environnement humain Joue-t-il avec la mort qui revient pour hanter la veilleacutee ou est-il lrsquoecirctre hirsute perdu agrave jamais dans ses illusions et ses souffrances dans ses remords et ses souvenirs qui le rongent tant qursquoil se confond dans la mort comme dans la vie On ne sait pas on ne sait plus Nous sommes trop eacuteblouis pour bien voir qui il est nous sommes trop toucheacutes pour savoir ougrave nous sommes vraiment La mise en scegravene de Feacutelix Prader feutre le reacutecit le meacutelange aux jeux avec adresse et fluiditeacute Les mondes se juxtaposent on nrsquoa rien vu venir La distribution est brillante Theacuteo Chedeville et Philippe Smith sont justes et convaincants Natalie Beacutecue est lumineuse et eacutemouvante Pierre-Alain Chapuis comme drsquohabitude nous surprend Il deacutegage une puissance de jeu qui donne agrave son personnage tout le trouble et la cassure qui conviennent Il est splendide et touchant Un spectacle sublime et tregraves prenant agrave lrsquoeacutecriture eacutetonnante et captivante aux jeux drsquoun brio stupeacutefiant Un tregraves grand moment de theacuteacirctre A voir absolument Drsquoapregraves les œuvres de John Millington Synge Variation sur The shadow of the Glen Eacutecriture de Nathalie Beacutecue Mise en scegravene de Feacutelix Prader Sceacutenographie et costumes de Ceacutecilia Galli Son de Estelle Lembert Lumiegraveres de Thibault Gaigneux Collaboration artistique de Aureacutelia Guillet Direction des combats de Franccedilois Rostain

Avec Nathalie Beacutecue Pierre-Alain Chapuis Theacuteo Chedeville et Philippe Smith

Du mardi au samedi agrave 20h30 et le dimanche agrave 16h30

Cartoucherie route du Champ de Manoeuvre Paris 12egraveme

0143283636 wwwla-tempetefr

- Photo copy Antonia Bozzi -

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Accueil SPECTACLES [Critique] laquo Bourrasque raquo par Feacutelix Prader Une bouffeacutee drsquoIrlande

copy Antonia Bozzi

[Critique] laquo Bourrasque raquo par Feacutelix Prader Une bouffeacutee drsquoIrlande Morgane P 2018-03-28

Le Theacuteacirctre de la Tempecircte preacutesente Bourrasque une piegravece de theacuteacirctre de Nathalie Beacutecue

mise en scegravene par Feacutelix Prader Une incursion meacutelancolique et amegravere en terre irlandaise

Lrsquoavis de Bulles de Culture qui eacutetait agrave la premiegravere de la piegravece

Synopsis

Alice Burke (Nathalie Beacutecue) veille son mari Dan Burke (Pierre-Alain Chapuis) qui vient de

mourir quand survient un vagabond (Philippe Smith) qui demande asile pour la nuit Il faut

preacutevenir Michael Dara (Theacuteo Chedeville) jeune berger des alentours afin qursquoil aille annoncer

la nouvelle en ville Mais voilagrave que le mort se redresse et qursquoil a encore des choses agrave direhellip

Bourrasque Une belle reacuteeacutecriture drsquoapregraves John Millington Synge

copy Antonia Bozzi

Crsquoest la piegravece LrsquoOmbre de la valleacutee du dramaturge irlandais John Millington Synge qui est agrave

lrsquoorigine de Bourrasque De cette petite piegravece en un acte lrsquoauteure et comeacutedienne Nathalie

Beacutecue fait la colonne verteacutebrale du spectacle un drame noueacute autour de quatre

personnages dont lrsquoun mime sa mort pour prendre son eacutepouse en faute Reprenant agrave la

lettre le texte de lrsquoauteur irlandais Nathalie Beacutecue lrsquoeacutetoffe toutefois afin drsquoimaginer le

parcours personnel eacutemotionnel de chacun des quatre personnages Lrsquointeacutegration de son

eacutecriture agrave la piegravece de John Millington Synge est parfaite en ce qursquoelle deacutepeint le quotidien

meacutelancolique et maussade de ces Irlandais isoleacutes agrave lrsquoeacutecart du monde comme prisonniers de

la tourbe qui les entoure

Le phraseacute que Nathalie Beacutecue choisit pour Bourrasque est aussi une retranscription fidegravele du

style du dramaturge une langue agrave la fois racircpeuse et poeacutetique peacutetrie de la reacutealiteacute de ces

paysans Si John Millington Synge choisit lrsquoanglo-irlandais pour ses piegraveces Nathalie Beacutecue

imagine une syntaxe et un vocabulaire reacutealisant le mecircme eacutequilibre entre langue orale aux

tournures populaires et envoleacutees des meacutetaphores pour sonder les cœurs des quatre

laquo taiseux raquo

Un quatuor qui fonctionne agrave merveille

copy Antonia Bozzi

La patte de Nathalie Beacutecue ajoute une vraie personnaliteacute agrave la piegravece de John Millington

Synge agrave tel point que tous les personnages ont un relief propre qui les rend attachants sans

les caricaturer pour autant Elle excelle aussi dans lrsquoincarnation sur scegravene de cette femme

drsquoacircge mucircr eacutetouffeacutee par la solitude et lrsquoattente perpeacutetuelle qui constitue son quotidien Elle

tient ainsi toute la tension de Bourrasque de son deacutebut agrave sa fin et ce dans une diction

parfaite drsquoun bout agrave lrsquoautre malgreacute tout ce que la langue du personnage peut avoir de

bourbeux Quant aux trois hommes qui lrsquoentourent Bourrasque leur offre une personnaliteacute

plus profonde que la piegravece du dramaturge irlandais Exploitant les ellipses du texte original

Nathalie Beacutecue imagine que la meacutelancolie de Dan Burke trouve sa source dans la violence qui

lrsquoa entoureacute degraves son enfance Elle choisit aussi de faire davantage parler le jeune berger

amant de lrsquoheacuteroiumlne un peu naiumlf et pas tregraves malin Sa candeur en vient agrave faire sourire avec

tendresse

Mais lrsquoun des personnages qui prend le plus drsquoampleur dans la piegravece est sans conteste celui

du vagabond que Nathalie Beacutecue imagine comme une sorte de chercheur drsquohistoires voyant

ainsi en lui un vague double de John Millington Synge qui a fait de la tradition et des contes

des icircles drsquoAran lrsquoune de ses quecirctes Ce personnage renoue ainsi avec la tradition orale du

reacutecit il rappelle ces aegravedes de la socieacuteteacute grecque antique qui allaient de palais en palais

chanter les reacutecits de leur connaissance Toute la deacutelicatesse dont fait preuve Philippe

Smith dans ce rocircle est remarquable

Un huis clos haletant

I

copy

Antonia Bozzi

Bourrasque reacuteussit avec brio agrave maintenir une tension forte tout au long de la piegravece Crsquoest

drsquoabord la tension qursquoil y a autour de ce deuil rendu angoissant par la preacutesence du mort sur

scegravene Crsquoest ensuite une fois que le laquo mort raquo a reacuteveacuteleacute sa supercherie au vagabond la tension

que ressent le spectateur qui attend que Dan Burke nrsquointervienne Crsquoest enfin la tension du

conflit conjugal qui explose et renverse la situation initiale La mise en scegravene de Feacutelix

Prader repose sur la simpliciteacute deacutecor rudimentaire pas de grands effets Et cela met

parfaitement en valeur la dimension relationnelle du drame

Cette tension dramatique est encore accentueacutee par la tempecircte inteacuterieure que traversent les

personnages notamment les deux eacutepoux Le monologue drsquoAlice qui ouvre la piegravece et la

longue explication que son mari offre au vagabond montrent les deux faces drsquoun couple en

crise dans lequel chacun-e ne voit plus que sa propre souffrance Ce trouble inteacuterieur et

cette forte tension eacutemotionnelle sont bien sucircr souligneacutes par les circonstances

meacuteteacuteorologiques on traverse avec les personnages une sorte de tempecircte ougrave le vent souffle

avec violence Nrsquoest-ce finalement pas cette terrible bourrasque qui trouble les esprits de

chacun Rien nrsquoest moins sucircr

Reacuteunir les deux eacutepoux et lrsquoamant confondu crsquoest un topos theacuteacirctral Mais la preacutesence de cet

inconnu que Nathalie Beacutecue place comme un observateur particulier puisqursquoon imagine que

le drame auquel il assiste pourra enrichir encore son livret de reacutecits est une belle reacuteussite

Eacutecoutant les deux eacutepoux puis prenant finalement place dans le drame en exerccedilant le recul

dont lui seul dans la piegravece est capable change la porteacutee de la piegravece et enrichit

consideacuterablement le triangle amoureux

Bulles de Culture vous recommande en tout cas vivement cette incursion en terre irlandaise

En savoir plus

bull Bourrasque de Nathalie Beacutecue mise en scegravene par Feacutelix Prader est joueacute au Theacuteacirctre de la

Tempecircte du 16 mars au 15 avril 2018

bull Bourrasque sera joueacute en 2018 au Centre culturel de Vitreacute le 20 avril sur la Scegravene nationale

de Bar-le-Duc le 17 mai et au Theacuteacirctre Montansier de Versailles le 25 mai

bull Dureacutee du spectacle 1h40

Actualiteacute theacuteacirctrale

Jusqursquoau 15 avril au Theacuteacirctre de la Tempecircte

laquo Bourrasque raquo mercredi 21 mars 2018

Par un soir de tempecircte dans une chaumiegravere isoleacutee Alice Burke veille son mari le rude et taiseux Dan Burke qui vient de mourir Il lui a interdit de toucher son corps apregraves sa mort exigeant que ce soit sa sœur qui srsquooccupe de la toilette mortuaire Mais celle-ci habite loin Alice craint la nuit et la tempecircte dans ce lieu isoleacute et ne peut le laisser seul Elle attend Deux hommes vont se preacutesenter agrave sa porte un eacutetranger qui parcourt les rudes collines des alentours pour laquo cueillir raquo les histoires qursquoon veut bien lui confier et un jeune berger peu expeacuterimenteacute qui vit un peu plus loin Avec ces deux hommes deux avenirs pourraient se dessiner le second seraient bien inteacuteresseacute par la femme et surtout les biens dont elle va heacuteriter le premier lui ouvre une sortie de son isolement et de nouveaux espaces La bourrasque qui hurle au dehors gagne aussi lrsquointeacuterieur de la chaumiegravere et bouscule tous les esprits

Nathalie Beacutecue a eacuteteacute seacuteduite par lrsquounivers du poegravete et dramaturge irlandais John Millingtone Synge et en particulier par ce livre Les Icircles Aran ougrave il a raconteacute ses rencontres avec les icircliens et les leacutegendes qursquoils lui ont conteacutees Crsquoest de lrsquoun de ses contes Lrsquoombre de la valleacutee qursquoelle srsquoest inspireacutee pour eacutecrire Bourrasque Apregraves lrsquoavoir vue dans Lrsquoapprentie sage-femme qursquoelle avait joueacutee en 2012 on comprend la continuiteacute de son travail Ce qui lrsquointeacuteresse ce sont ces destins de femmes dans les deux cas des paysannes qui cherchent leur voie et prennent la vie agrave bras le corps Dans son texte Nathalie Beacutecue a su faire entendre la sauvagerie de la nature le vent la pluie et la vie rude de ceux qui y habitent Elle a su aussi traduire les penseacutees tourmenteacutees des quatre personnages attribuant agrave John lrsquohomme qui cueille les histoires la deacutemarche de Synge lui-mecircme dans les Icircles drsquoAran

Dans la mise en scegravene de Feacutelix Prader on reste enfermeacute dans la chaumiegravere avec le mort assis ou couvert drsquoun drap et lrsquoexteacuterieur nrsquoapparaicirct qursquoinquieacutetant avec le bruit amplifieacute du vent ou des coups agrave la porte Seuls les hommes qui arrivent apportent lrsquoimage drsquoun ailleurs possible pour cette femme qui srsquoest laisseacutee enfermer dans la solitude au point drsquoecirctre obligeacutee de parler aux arbres

Nathalie Beacutecue en robe paysanne et petit gilet de laine bleue avec de gros bas de laine incarne Alice qui parle de sa vie avec cet eacutepoux taiseux porteacute sur le whisky Elle caresse la couverture de poils de chegravevre tout en parlant Calme elle dit qursquoaucun vivant ne lui a jamais fait peur crsquoest drsquoautre chose qursquoelle a peur puis soudain la colegravere lrsquoemporte quand elle pense agrave lrsquoennui de sa vie laquo fosse agrave chagrin mareacutecage de tristesse raquo et se dit qursquoelle a peut-ecirctre fait le mauvais choix en se condamnant agrave laquo regarder les saisons passer raquo Philippe Smith est John celui qui ramasse les histoires vagabond ceacuteleste qui amuse Alice avec un tour de magie lui donne les nouvelles de la valleacutee et surtout lui parle drsquoun ailleurs Theacuteo Chedeville est Michaeumll Dara le marin devenu berger Pierre-Alain Chapuis est Dan Burke le mort qui survit Il est puissant violent ravageacute par sa colegravere contre tous sa femme son pegravere mais aussi contre lui-mecircme On le sent deacutevoreacute par lrsquoamertume laquo bouffeacute par la tristesse raquo comme le dit Alice mais peut-ecirctre capable de rebondir loin de sa femme

On se laisse emporter par le reacutecit On est dans ces icircles irlandaises battues par le vent et la pluie et on rejoint John quand il dit laquo Apregraves des veilleacutees solitaires je peux dire que les gens drsquoici ne sont pas insignifiants raquo

Micheline Rousselet

Du mardi au samedi agrave 20h30 le dimanche agrave 16h30

Theacuteacirctre de La Tempecircte

Cartoucherie

Route du Champ-de-Manoeuvre 75012 Paris

Reacuteservations (partenariat Reacuteducrsquosnes tarifs reacuteduits aux syndiqueacutes Snes mais sur reacuteservation impeacuterative) 01 43 28 36 36

T H Eacute Acirc T R E

BOURRASQUE UN MAGNIFIQUE OBJET POEacuteTIQUE

ET INSPIREacute DANS LE MONDE AcircPRE ET SANS

CONCESSION DES TERRES DrsquoIRLANDE 19 MARS 2018

Reacutedigeacute par Sarah Franck

laquo Le cœur casseacute ccedila donne la vie grise raquo Quand la brume et le vent soufflent sur un monde sans avenir confit dans lrsquoeacutecoulement uniforme des jours une porte parfois srsquoentrouvre pour que change le cours des choseshellip

Un homme est mort ce soir assis dans son fauteuil Sa femme une femme de rien ou de si peu de chose heacutesite Il lui a interdit de toucher son cadavre et a jeteacute sur elle une maleacutediction au cas ougrave elle enfreindrait lrsquoordre Seule sa sœur aura le droit de le preacuteparer pour son dernier voyage Mais comment faire quand la nuit a pris des couleurs de noir drsquoencre que les nueacutees srsquoamassent que le tonnerre gronde qursquoelle a une tregraves longue route et qursquoelle est seule Il nrsquoest pas bon drsquoabandonner un mort agrave lui-mecircmehellip Dans ce lieu perdu du bout du monde ougrave ne trouvent guegravere agrave subsister que les moutons ougrave lrsquoacircpreteacute de la vie a jeteacute sur les ecirctres son voile de dureteacute ougrave ne semblent possibles que la violence des comportements et lrsquohostiliteacute ougrave lrsquoalcool est la solution ultime quotidienne pour triompher des aleacuteas un groupe heacuteteacuteroclite va peu agrave peu se rassembler

(c) Antonia Bozzi

Une arche de Noeacute de largueacutes du monde

Parmi les personnages perdus dans ce milieu de nulle part arrive drsquoabord un vagabond un cueilleur de mots un raconteur drsquohistoires qui cherche un havre pour la nuit Il voudrait simplement reposer ses pieds fatigueacutes de cheminot avant de reprendre la route Il y a lrsquoancien marin devenu eacuteleveur que la mort du mari arrange car il en guigne les terres pour faire paicirctre ses troupeaux Il y a elle la femme deacutevoueacutee dont on ne sait de quoi est fait son attachement au deacutefunt ndash amour en deacutepit de lrsquoindiffeacuterence qursquoil lui porte ennui drsquoun mariage accepteacute pour la seacutecuriteacute qursquoil donne reacutesignation devant les vexations subies Et puis il y a ce mort qui srsquoavegraverera bien vivant au moment ougrave srsquoopegravere le partage des deacutepouilles et dont lrsquohistoire a la violence et linceste pour cortegravegehellip

Ce sont lagrave des perdus eacutegareacutes sans lrsquoavoir choisi prenant racine lagrave ougrave on les a planteacutes Massifs taiseux Vivent-ils Peut-ecirctre le cheminot qui erre agrave lrsquoaventure est-il le seul agrave savoir ougrave il va ce saltimbanque ce poegravete qui donne agrave voir un ailleurs agrave respirer lrsquoodeur du vent et les senteurs venues de contreacutees lointaines Peut-ecirctre ne sont-ils pas agrave leur place mais ont-ils une place Le preacutesent est leur futur leur avenir leur eacuteterniteacute Ils portent leur brume en eux cette compagne des sortilegraveges et des superstitions qui leur colle agrave la peau Ils ont cette eacutepaisseur de la matiegravere brute cette preacutesence obstineacutee de ceux qui ne savent qursquoecirctre

(c) Antonia Bozzi

Lrsquoespace de la parole

Dans ce huis clos deacutelimiteacute par une table dans un coin une banquette sur laquelle est assis immobile le mari et une commode il nrsquoy a pas drsquoeacutechappatoire Le lieu est agrave lrsquoimage de leur existence refermeacute sur lui-mecircme Alors il ne leur reste que la parole pour briser lrsquoenfermement Une parole difficile Les mots buttent dans leur gorge ils sortent contraints rentreacutes et de trop de retenue se heurtent et srsquoentrechoquent avec de brusques flambeacutees de violence se deacuteversent tels des crachats agrave la figure de lrsquoautre Crsquoest un trop-plein qui deacuteferle pour trouver le chemin de la conscience et qui les met en face drsquoeux-mecircmes et de leur reacutealiteacute Apregraves il nrsquoy aura plus de retour en arriegravere possible et chacun devra trouver lrsquoissue qui lui convient

Ils ont ce parler fruste mais imageacute des paysans laquo ccedila crsquoest sucircr raquo qui offre une transposition bretonne agrave lrsquoanglo-irlandais du texte original Un mecircme fondement celtique court dans ces deux reacutegions que rassemblent la culture et les paysages et ougrave souffle un vent laquo agrave reacuteveiller les disparus les esprits malins ou les feacutees tordues raquo Les noms de lieux aux consonances eacutetranges chantent une poeacutesie de lrsquoailleurs qursquoaccompagne celle du deacutesespoir de ces eacutecorcheacutes de la vie laquo Crsquoest comme ccedila le bout du chemin de ceux de sa sorte Les deacutevoreacutes drsquoangoisse les rongeacutes de tristesse raquo Les mots disent leur deacutetresse Leur barbe laquo on dirait deacutejagrave du poil de moisissure raquo Lrsquounivers laquo des milliards de milliards de masses solaires qui tournoient en spirale jusqursquoagrave ecirctre happeacutees aspireacutees au centre de lrsquoinconnu du trou noir [hellip] une eacutenorme densiteacute de creacuteation ou une absence de creacuteation Du trop-plein au vide raquo agrave lrsquoimage de leur vie qui laquo se deacuteficelle raquo se deacutecompose se deacutesintegravegrehellip

Entre Synge et Nathalie Beacutecue

De lrsquoOmbre de la valleacutee de John Millington Synge ndash compatriote de Joyce Yeats et Beckett et fervent deacutefenseur du renouveau de la culture irlandaise ndash Nathalie Beacutecue reprend la situation de ce mort laquo ressusciteacute raquo tout en modifiant les enjeux et la porteacutee de lrsquohistoire Elle fait du chemineau une incarnation du poegravete Elle reprend dans lrsquoesprit ce parler si particulier qui inverse lrsquoordre des mots pour placer dans une phrase lrsquoimportant devant On y retrouve le mecircme souci de rendre leurs lettres de noblesse agrave ceux qui sont sans-grade placeacutes agrave lrsquoeacutecart en marge mais portent en eux une veacuteriteacute immeacutemoriale qui les deacutepasse Ces hommes et ces femmes qui ne savent pas parler une laquo belle raquo langue au sens classique sont pleins habiteacutes possesseurs drsquoun treacutesor qursquoil nous est donneacute de reconnaicirctre Dans sa laquo variation raquo Nathalie

Beacutecue insuffle sa propre vision de cette laquo veacuteriteacute raquo populaire peupleacutee de croyances et de leacutegendes et met ses personnages en face de choix qui les font progresser et grandir

(c) Antonia Bozzi

Un magnifique travail drsquoacteur

Ce qui frappe enfin crsquoest lrsquointerpreacutetation laquo millimeacutetreacutee raquo des comeacutediens Car enfin crsquoest sur eux que repose ce spectacle ougrave il ne se passe rien ou presque durant deux heures Pas de quiproquo ni de comique de situation Pas de trageacutedie au-delagrave de lrsquoagressiviteacute et des altercations Ni trop ni trop peu mecircme si lrsquoon alterne chuchotements et cris Ils sont tout en retenues briseacutees quand les digues lacircchent en heacutesitations en mots esquisseacutes en gestes inaboutis ou semi-dissimuleacutes en mimiques fugaces Ils disent comme en srsquoexcusant heacutesitent agrave srsquoimposer reacutevegravelent les failles avec beaucoup de finesse La minutie avec laquelle la gestuelle campe les personnages donne au spectacle une justesse qursquoon voit rarement au theacuteacirctre

On srsquoeacutemeut drsquoentendre eacutevoquer les myriades drsquoeacutetoiles comme autant drsquoesprits des morts flottant autour de nous on partage la fatigue des marches de montagne plongeacutees dans une brume eacutepaisse et hostile la difficulteacute de ces laquo nuits noires agrave en appeler agrave la clarteacute des eacutetoiles raquo Et puis on rit car ils sont des hommes avec leurs petits travers leurs lacirccheteacutes et leurs peurs ces errants agrave la deacuterive qui srsquoeacutegarent avec magnificence et nous ressemblent tant Au-delagrave du texte et de sa beauteacute crsquoest agrave une merveilleuse leccedilon drsquohumaniteacute que nous convie ce spectacle

Bourrasque de Nathalie Beacutecue librement inspireacute de lrsquoOmbre du vent de John Millington Synge (eacuted franccedilaise Actes Sud)

Mise en scegravene Feacutelix Prader

Avec Nathalie Beacutecue Pierre-Alain Chapuis Theacuteo Chedeville Philippe Smith (le poegravete)

Theacuteacirctre de la Tempecircte Cartoucherie de Vincennes Route du Champ de Mars ndash 75012 Paris

Du 16 mars 2018 au 15 avril du mardi au samedi agrave 20h30 le dimanche agrave 17h30

Teacutel 01 43 28 36 36 Site wwwla-tempetefr

Bourrasque au Theacuteacirctre de La Tempecircte

Publieacute par Michel Jakubowicz le 26 mars 2018 Publieacute dans Tendance - Fashion

Theacuteacirctre de la Tempecircte Cartoucherie Rte du Champ-de-Manœuvre 75012 Paris

Repreacutesentations du 16 mars au 15 avril 2018

httpswwwla-tempetefr

BOURRASQUE

Variation sur lrsquoOmbre de la valleacutee de JM Synge

de Nathalie Beacutecue

mise en scegravene Feacutelix Prader

avec

Nathalie Beacutecue (Alice Burke)

Pierre-Alain Chapuis (Daniel Burke)

Theacuteo Chedeville (Michaeumll Dara)

Philippe Smith (John)

Nathalie Beacutecue auteure de Bourrasque avoue srsquoecirctre inspireacutee du poegravete et dramaturge John

Millington Synge Feacutelix Prader agrave partir du texte de Nathalie Beacutecue va srsquoefforcer de recreacuteer

lrsquoambiance eacutetrange chaotique effrayante qui sourd de ce texte Il va en quelque sorte donner

corps agrave une histoire ougrave semble rocircder une ambiance agrave la limite du fantastique et mettre en lumiegravere

les comportements presque forceneacutes brutaux impreacutevisibles des personnages qursquoun hasard

apparemment faceacutetieux (ou malfaisant) a reacuteunis dans une chaumiegravere perdue de la lande irlandaise

battue par la tempecircte Il faut dire que la piegravece se deacuteroule dans un contexte peu banal presque

terrifiant puisqursquoune femme seule soliloque en srsquoadressant agrave un cosmos aveugle et infini bourreacute

de trous noirs insondables et mortels La femme semble prendre agrave teacutemoin un homme immobile

ne bougeant pas drsquoun cil et dont la raideur semble vaguement indiquer qursquoil est peut-ecirctre passeacute

de vie agrave treacutepas ou qursquoil feint deacutelibeacutereacutement lrsquoindiffeacuterence absolue face aux propos tenus par la

femme Les choses pourraient en rester lagrave mais soudainement surgi du cœur de la tempecircte qui se

deacutechaicircne agrave lrsquoexteacuterieur un inconnu reacuteclame avec insistance malgreacute lrsquohostiliteacute de la femme agrave

srsquoabriter dans la chaumiegravere

A partir de lrsquointrusion de cet eacutetranger lrsquoaction va soudainement srsquoacceacuteleacuterer et le reacutecit srsquoorienter

sans deacutelai vers lrsquoabsurde le fantastique lrsquoinattendu Le reacutecit bascule apparemment vers

lrsquoirrationnel mais en terre irlandaise il semble agrave lrsquoeacutevidence que les apparences ne sont pas

forceacutement conformes agrave la reacutealiteacute et la suite du reacutecit de Nathalie Beacutecue srsquoinspirant de John

Millington Synge ne fera que rendre encore plus creacutedible cette impression

La mise en scegravene de Feacutelix Prader reconstitue avec une sorte de preacutecision presque surnaturelle

eacutetonnante cette campagne irlandaise drsquoougrave nrsquoimporte quels fantocircmes peuvent impuneacutement surgir

de la nuit Jusqursquoau bout drsquoune nuit interminable peupleacutee de terreurs sans noms cette assembleacutee

de personnages subira jusqursquoau bout un destin fait drsquoincertitude balanccedilant constamment entre

espoir et deacutesespeacuterance Lrsquointerpreacutetation est remarquable en particulier celle de Nathalie Beacutecue

incarnant avec beaucoup drsquoacircpreteacute de passion le rocircle drsquoAlice Burke Mais les trois autres

protagonistes masculins sont eacutegalement parfaits donnant agrave leurs personnages respectifs toute

lrsquoeacutepaisseur psychologique deacutesireacutee Un spectacle prenant qui reacutevegravele dans toute sa profondeur

lrsquoacircme irlandaise

Michel Jakubowicz

LE BRUITDUOFF TRIBUNE

LES SCENES ACTUELLES SANS TABOU NI TROMPETTES

CRITIQUE laquo Bourrasque raquo variation sur Lrsquoombre de la valleacutee de JM Synge de Nathalie Beacutecue mis en scegravene par Feacutelix Prader avec Nathalie Beacutecue Pierre-Alain Chapuis Theacuteo Chedeville et Philippe Smith Au Theacuteacirctre de la Tempecircte salle Copi jusqursquoau 15 avril du mardi au samedi agrave 20h30 dimanche agrave 16h30

Crsquoest lrsquoun des plus beaux textes de la saison Nathalie Beacutecue a adapteacute les peacutereacutegrinations de Synge avec amour infleacutechissant ses rugositeacutes irlandaises drsquoune ardeur feacutebrile

laquo Bourrasque raquo crsquoest la poeacutesie cosmique descendue sur lrsquoeacutepure drsquoun verbe aussi vieux que les icircles drsquoAran qui lrsquoabritent laquo Bourrasque raquo crsquoest la meacutetaphysique de la bergegravere Srsquoeacutelegraveve une litanie vibrante adresseacutee aux eacutetoiles pour cet laquo ougrave suis-je raquo qui preacutecegravede le laquo qui suis-je raquo pour le trou noir la masse la poussiegravere lrsquoengloutissement la disparition lrsquoinconnu la creacuteation sa densiteacute son absence le trop plein le videhellip Le vertige drsquoAlice Burke un soir de tempecircte est celui drsquoun cœur simple dans le langage du monde Lrsquoespace drsquoun entre-lumiegravere avant lrsquoextinction de la salle Nathalie Beacutecue ample vibrante ancreacutee et tendue vers des ciels invisibles livre une formidable deacutemonstration de sa maicirctrise de lrsquoabandon

Encore aux prises avec ce jaillissement drsquoecirctre brut et pur il nous faut quelques battements de cœur pour lrsquohabituer aux ombres de la scegravene peacuteneacutetrer le deuil terrestre drsquoAlice Burke et investir sa maison de pierre tandis que laquo perdu ailleurs raquo le vent se legraveve Les yeux pleins drsquoorage et la voix blanche elle embarque les acircmes qursquoelle a tendues vers elle laquo Je suis en colegravere tellement je suis triste raquo

Daniel Burke le fermier sans meacutetaphysique le fermier malheureux srsquoest figeacute lagrave dans une mort subite et inviolable et sa veuve saisie de solitude et figeacutee depuis cent ans voit sa laquo vie grise raquo deacutechireacutee par laquo la grande trouille raquo La trouille de quoi Car la mort toute proche incarneacutee dans la deacutepouille de son mari immobile ne lrsquoeffraye pas Crsquoest une femme des montagnes qui croit aux fantocircmes et qui ne les craint pas

Est-ce un fantocircme qui franchit son seuil dans lrsquoorage pour mettre son errance et son immense laquo dehors raquo dans lrsquoespace sans projet ougrave elle vit confineacutee John mucirc par le timbre envoucirctant de Philippe Smith est un porteur drsquohistoires venu reacutecolter quelques miettes au foyer de la derniegravere maison allumeacutee sur les chemins rocheux drsquoAran Quand Alice Burke laisse son hocircte dans cette eacutetrange veilleacutee et que Dan Burke se redresse bien vivant et saoul crsquoest toute une vie de spectateur qui vacille agrave son tour John pourra-t-il refuser drsquoecirctre acteur de cette histoire-lagrave

Pierre-Alain Chapuis est un Dan Burke massif en corps et en ecirctre plein de passeacute de rancœur et de lrsquoeacutepaisse rusticiteacute que les silences ont tanneacutee sur sa peau et sa voix Quatriegraveme entreacutee en scegravene la jeunesse vacillante de Theacuteo Chedeville precircte ses fougues agrave Michaeumll Dara le marin en quecircte de reacuteconciliation avec la terre qui cherche agrave ecirctre au sol et treacutepigne dans la valleacutee encore la tecircte agrave moitieacute immergeacutee des recircves drsquoavant les recircves enterreacutes de large et de houle La paix est-elle plus haut dans la montagne

La mise en scegravene de Feacutelix Prader attentive aux eacuteclats de verbe sublimeacutes par les voix de Beacutecue Chapuis Chedeville et Smith est un effacement une ombre pour que la poeacutesie eacuteclaire Il veut saisir le preacutesent et la preacutesence eacutenorme des protagonistes dans la suspension du temps du theacuteacirctre Sa scegravene se deacutepare du moindre artifice se fait couloir pour lrsquoeacutemotion de cette parole vitale qui balaye le silence effareacute du spectateur srsquooublie dans une pudeur parfaite Jrsquoentends encore la voix pleine et rocailleuse de Beacutecue la Burke souffler la bourrasque laquo Jrsquoai trop la trouille pour pas y aller raquo

Drsquoun eacutelan vital et poeacutetique elle engloutit le motif radical de la mort

Marguerite Dornier

DU 1603 AU 15042018 AU THEacuteAcircTRE DE LA TEMPEcircTE | DUREacuteE 1H40 |

Librement adapteacute de la piegravece en un acte de John M Synge laquo Lrsquoombre dans la Valleacutee raquo Bourrasque fait preuve drsquoune sagaciteacute deacuteroutante dans une ambiance drsquoinsulaires superstitieux Situation macabre regraveglements de comptes conjugaux reacutecits de voyages et art du vagabondagehellip lrsquoIrlande et son hors-champ drsquoimmensiteacute montagneuse et orageuse nous submergent alors que de grandes deacutecisions se prennent dans la petite chaumiegravere drsquoAlice Burke indigneacutee par la mort foudroyante de son mari Dan qursquoelle ne peut toucher sous peine drsquoecirctre maudite

De par la traduction drsquoun gaeacutelique transposeacute dans du franccedilais paysan aux consonances lyriques et lrsquointerpreacutetation de ce tregraves beau et talentueux quatuor de comeacutediens le folklore celte est tout agrave fait plausible voire palpable et propage son caractegravere sacreacute Bourrasque est un deacutelice drsquohumour peut ecirctre un tantinet pessimiste mais surtout pittoresque et poeacutetique

Eloiumlse Dandoy

jeudi 22 mars 2018

Bourrasque de Nathalie Beacutecue

Bourrasque est un de ces spectacles dont on mesure la chance quils existent Parce que Nathalie Beacutecue a fait un travail deacutecriture tregraves reacuteussi librement adapteacute de la piegravece LrsquoOmbre de la valleacutee en reprenant lrsquoargument tout en modifiant les enjeux et la porteacutee Elle place le spectateur au plus pregraves de latmosphegravere poeacutetique qui a impreacutegneacute lIrlande que John Millington Synge (1871-1909) nous a fait deacutecouvrir au XIXdeg siegravecle et qui est encore tregraves vivante gracircce agrave la moderniteacute de la mise en scegravene de Feacutelix Prader La distribution est habile avec Nathalie Beacutecue qui interpregravete Alice Burke et trois autres comeacutediens Pierre-Alain Chapuis (Daniel Burke) Theacuteo Chedeville (Michaeumll Dara) et Philippe Smith (John) tous diffeacuterents qui permettent dapporter des points de vue parfois deacuteroutants maintenant le spectateur quasiment en haleine comme sil eacutetait au coeur dun thriller Le caractegravere primitif de la vie sociale si particuliegravere des icircles drsquoAran en deviendrait presque normal dans un deacutecor rustique simple et familier

Par un soir de violente tempecircte que lon entendra rugir derriegravere la verriegravere Alice Burke veille son mari deacutefunt lrsquoacircpre et ombrageux fermier Dan Burke comme le veut la coutume dans cette contreacutee reculeacutee Silence dans la chaumiegravere isoleacutee quand agrave la porte frappe un inconnu nomade des collines cueilleur drsquohistoires (Synge) qui ravive dans lrsquoacircme dAlice la soif drsquoun ailleurs Un autre homme bouscule les certitudes dAlice Michaeumll Dara le marin devenu berger qui vit agrave quelques lieues et convoite agrave la fois les biens et la femmethinsp Et si soudain srsquoeacuteveillait le deacutefunt chahutant les vivants que ferait Alicethinsp

Le mort est sur scegravene muet cela va sans dire mais bien preacutesent tout de mecircme Sa femme lui rend hommage malgreacute les cahots qui ont chahuteacute sa vie Cest une femme simple qui a les pieds sur terre capable dun brin de fantaisie que lon remarque dans le point de tricot du gilet quelle porte sur une robe bleu marine Sans doute reacutealiseacute avec la laine de ses moutons Les paroles se bousculent au rythme des souvenirs et agrave la mesure des angoisses qui lassaillent comme des ressentiments quelle exprime toute seule La tempecircte qui agite son esprit est semblable agrave celle qui souffle au dehors Elle reconnait quelle ne sait plus ougrave elle en est et sassoit pregraves de celui qui fut son homme Chaque mort serait une eacutetoile qui scintille dans le ciel Au-delagrave de cette jolie image Alice est confronteacutee agrave labsence de deux beaux enfants partis aux Ameacuteriques et aujourdrsquohui un mari qui part et agrave qui elle parle comme sil eacutetait vivant et comme elle ne lui a sans doute jamais parleacute parce que jusque-lagrave elle nosait pas Tout bascule ccedila vrille comment crsquoest possible possible je suis en colegravere

Elle refuse puis accueille la reacutealiteacute et lhomme eacutetranger qui explique sa fonction je cueille des mots Et qui fait davantage en analysant les eacutevegravenements Cest lui qui le premier a un doute Il est mort votre copain On dirait qursquoil fait le mort Si effectivement la mort neacutetait quune ruse pour permettre de deacutebusquer la veacuteriteacute vraie agrave linstar dOrgon cacheacute sous la nappe pour confondre Tartuffe

La langue choisie par Nathalie Beacutecue est preacutecise poeacutetique et feacuteroce Si je deacutesentortille votre charabia Jrsquoai trop la trouille pour pas y aller avant de se deacutecider agrave deacuterouler ses recircves sous ses pas

Faisons-nous aussi le pas pour ne pas louper ce petit bijou qui se joue au theacuteacirctre de la Tempecircte jusquau 15 avril 2018

Bourrasque de Nathalie Beacutecue Mise en scegravene Feacutelix Prader Avec Nathalie Beacutecue (Alice Burke) Pierre-Alain Chapuis (Daniel Burke) Theacuteo Chedeville (Michaeumll Dara) Philippe Smith (John) Sceacutenographie et costumes Ceacutecilia Galli Creacuteation sonore Estelle Lembert Direction des combats Franccedilois Rostain Du 16 mars au 15 avril 2018 Du mardi au samedi 20 h 30 dimanche 16 h 30 Les photos qui ne sont pas logotypeacutees A bride abattue sont de Antonia Bozzi Publieacute par marie-claire agrave 2335 Envoyer par e-mailBlogThisPartager sur TwitterPartager sur FacebookPartager sur Pinterest Libelleacutes coup de coeur spectacle theacuteacirctre

critiquetheatreclaucom

17 Mars 2018

ABOZZI

Bourrasque jusqursquoau 1504 th de La tempecircte

Mouvance de la destineacutee

De Nathalie Beacutecue inspireacute de lrsquoœuvre de John Millington Synge dramaturge irlandais 1871- 1909Mise en scegravene Feacutelix Prader

Au premier instant nous nous sommes happeacutes par un merveilleux poegraveme invoquant le chagrin des ecirctres perdus la solitude la deacutetresse la tristesse les regrets

laquo Pourquoi jrsquoai reccedilu cette vie Au lieu drsquoattraper lrsquoair transparent dans le bleu du cielhelliphellip Rester lagrave agrave attendre la Balayure du soir raquo

Une atmosphegravere de conte de poeacutesie et de mystegravere nous enveloppe

Un jour de grande tempecircte au plus profond de la campagne irlandaise nous peacuteneacutetrons dans une sobre demeure Il va se deacuterouler sous nos yeux pleins drsquoeacutetonnement un conte tragi-comique

Les personnages sont hauts en couleur

Un paysan Daniel Burke rustre et srsquoabreuvant de whisky pour oublier sa peur et la tristesse de la vie simule sa mort pour espionner sa femme

Alice soumise agrave sa condition se questionne sur sa vie passeacutee et agrave venir Tout en veillant son deacutefunt mari

John marcheur solitaire poegravete eacutecrivain et avide de liberteacute eacutecoutant et observant le monde arrive agrave lrsquoimproviste dans cette demeure

Michaeumll ancien marin devenu berger est un eacutetranger dans cette campagne isoleacutee Il va convoiter Alice pour srsquointeacutegrer dans ce monde hostile

Tous ses personnages vont se reacuteveacuteler nous raconter leur histoire parfois tragique parfois cocasse

Que veulent-ils devenir Prendront-ils leur destineacutee en main

Nous deacutecouvrons le sens de la fecircte les rites et coutumes funeacuteraires de la campagne irlandaise Nous ressentons lrsquoisolement de ses contreacutees la vie rude et solitaire de ses habitants ainsi que le climat rigoureux et froid

Crsquoest agrave la fois violent et tendre eacutemouvant et burlesque

Les comeacutediens nous eacutemeuvent et nous transpercent le cœur

Avec Alice Nathalie Beacutecue nous bouleverse

Daniel Pierre-Alain Chapuis bourru et tendre nous attendri

John Philippe Smith eacuteleacutegant et serein nous seacuteduit

Sans oublier Theacuteo Chedeville touchant dans le rocircle du jeune berger Michaeumll

Page 5: BOURRASQUE - Théâtre Montansier · 2018. 5. 7. · composé Bourrasque, que Félix Prader met en scène avec igueu (1). Synge affimait u’au théâtre, « il faut du réel, il

Un texte tregraves dense hacheacute haletant veacuteritable flot de paroles

Dans le Groenland monologue eacutecrit par Pauline Sales subtilement mis en scegravene par Baptiste

Guiton (en 2009 deacutejagrave il srsquoy eacutetait attaqueacute) Tiphaine Rabaud Fournier nrsquoest pas seule puisque

Seacutebastien Quencez est preacutesent sur le plateau pour jouer du Beacutela Bartok agrave point nommeacute sur

un piano agrave roulettes que la parleuse bouge freacutequemment pour srsquoinventer un espace

introuvable (2) Elle est censeacutee srsquoadresser sans cesse agrave sa petite fille avec laquelle il srsquoagirait

de srsquoenfuir vers le froid absolu Un texte tregraves dense hacheacute haletant veacuteritable flot de paroles

englobant une infiniteacute de menus peacuteripeacuteties et de reacuteflexions au cours desquelles la jeune

megravere (lrsquoest-elle vraiment lrsquoenfant nrsquoest-elle pas qursquoimaginaire ) laisse libre cours agrave toutes

impulsions y compris celle drsquoabandonner la chair de sa chair comme on disait jadis dans les

romans drsquoordre moral Cela se vit chez le spectateur en toute complexiteacute au sein drsquoune

espegravece de griserie susciteacutee par la motriciteacute fieacutevreuse neacuteanmoins savamment domineacutee de

lrsquointerpregravete qui srsquoavance loin dans lrsquoaffirmation du sujet autonome que figure la personne agrave

qui elle precircte vie qui nrsquoambitionne rien tant que devenir elle-mecircme soit celle sans doute

qui a eacutecrit le Groenland lorsqursquoelle fut megravere justement il y a de cela dix ans

1 Theacuteacirctre de la Tempecircte jusqursquoau 15 avril

2 TNP-Villeurbanne jusqursquoau 14 avril

Accueil gt Bourrasque de Nathalie Beacutecue drsquoapregraves Synge

Critiques Theacuteacirctre

Bourrasque de Nathalie Beacutecue drsquoapregraves Synge

par Gilles Costaz

Un orage irlandais

Les titres des documents et des affiches de Bourrasque ne preacutecisent sans doute pas

suffisamment qursquoil srsquogit drsquoune adaptation drsquoune piegravece de John Millington Synge LrsquoOmbre de

la valleacutee Nathalie Beacutecue srsquoest inspireacutee tregraves librement de la piegravece et des teacutemoignages laisseacutes

par lrsquoeacutecrivain quand il partit vivre quelque temps dans les icircles drsquoAran Crsquoest bien le monde de

Synge qursquoon trouve ici mecircme si lrsquoeacutevolution des personnages nrsquoest plus tout agrave fait la mecircme et

mecircme si le langage a un rugueux qui vient surtout de lrsquoimagination de lrsquoauteure franccedilaise

Dans un hameau perdu sur lrsquoune de ces icircles lamineacutees par les tempecirctes un couple survit

difficilement agrave la fin de leur amour totalement eacutepuiseacute par les anneacutees qui ont passeacute La

femme a gardeacute toute son eacutenergie lui tient agrave peine debout Et drsquoailleurs au moment ougrave un

nouveau voisin vient faire ses salutations le mari srsquoeffondre Mort Dans ces contreacutees-lagrave on

redresse un peu le mort et on le couvre drsquoun drap Et on continue agrave boire Entre lrsquoeacutepouse et

le visiteur la sympathie se deacuteveloppe Elle pourrait les mener loin Ils font quelques projets

plutocirct indiffeacuterents au cadavre Mais le mort se reacuteveille Il a tout entendu A-t-il simuleacute sa

mort Il nrsquoest pas content Tout ce monde plus un autre passant qui rapplique hausse la

voix montre les poings Mais avec le retour de lrsquohumaniteacute et de la luciditeacute tout pourrait

srsquoarranger une fois les cartes rebattues

Nathalie Beacutecue qui interpregravete lrsquoeacutepouse joue comme elle eacutecrit dans la rudesse masquant la

noblesse des sentiments et sans ceacuteder agrave la joliesse Elle deacutefend fort bien sa piegravece Pierre-

Alain Chapuis qui est lrsquoun de nos plus grands comeacutediens donne au rocircle du mari une belle

violence bourrue et les lentes fluctuations drsquoune laborieuse penseacutee cassant sa torpeur Theacuteo

Chedeville est un eacutetranger complexe sous lrsquoapparence drsquoun personnage bonhomme et avineacute

Philippe Smith complegravete la distribution avec une discreacutetion nuanceacutee La mise en scegravene de

Feacutelix Prader deacutetaille bien les orages et les accalmies de cette danse de mort virant agrave la danse

de vie

Bourrasque variation de Nathalie Beacutecue sur LrsquoOmbre de la valleacutee de Synge mise en scegravene

de Feacutelix Prader sceacutenographie et costumes de Ceacutecilia Galli creacuteation sonore drsquoEstelle Lembert

collaboration artistique drsquoAureacutelia Guillet avec Nathalie Beacutecue Theacuteo Chedeville Pierre-Alain

Chapuis Philippe Smith

Theacuteacirctre de la Tempecircte cartoucherie de Vincennes teacutel 01 43 28 36 36 jusqursquoau 15 avril

(Dureacutee 1 h 15)

Photo Antonia Bozzi

THEATRE AU VENT Just another Bloglemondefr weblog

LA BOURRASQUE DE NATHALIE BECUE ndash MISE EN SCENE DE FELIX PRADER AU THEATRE DE

LA TEMPETE agrave la Cartoucherie de Vincennes ndash Route du champ de manoeuvre 75012 PARIS

ndash du 16 Mars au 15 Avril 2018 ndash Salle Copi bull Dureacutee 1h40 ndash du mardi au samedi agrave 20h30 le

dimanche agrave 16h30 ndash

Publieacute le 29 mars 2018 par theatreauvent

Il lui fallait un texte agrave sa hauteur un texte qui lrsquohabite Nathalie BECUE Elle lrsquoa trouveacute en

infusant lrsquoœuvre du poegravete et dramaturge irlandais John Millington SYNGE (1871-1909) Un

conte a inspireacute sa piegravece raquo Bourrasque raquo laquo In shadow of the glen raquo lrsquoombre de la valleacutee

Elle met en scegravene une espegravece de culs-terreux une femme et son mari un berger qui vivent

dans un trou perdu

Lorsque la piegravece commence la femme vient de deacutecouvrir son eacutepoux mort sur sa chaise Elle

a du mal agrave reacutealiser lrsquoeacuteveacutenement elle continue agrave lui parler et puis rapidement reprend son

esprit La mort en Irlande encore dans les campagnes donne lieu agrave des festiviteacutes qui

deacutebutent par la veilleacutee funegravebre et dure plusieurs jours

Au moment ougrave elle se dit qursquoelle doit preacutevenir le village et surtout la sœur du mort survient

en pleine bourrasque un eacutetranger qui lui demande lrsquoasile pour la nuit Elle accepte puis laisse

lrsquoeacutetranger seul avec le mort Ce dernier se reacuteveillehellip

Lrsquoaspect fantastique de lrsquohistoire est parfaitement inteacuterioriseacute dans la piegravece Il intervient

comme une petite lumiegravere une sorte drsquoeacutelectrochoc des consciences mais il colle tout agrave fait agrave

la reacutealiteacute rude des personnages

Chez laquo Ces gens-lagrave raquo comme dans la chanson de Jacques BREL on ne se parle pas on se cuite

au whisky Crsquoest normal Madame BURKE recircve drsquoune autre vie elle nrsquoa peur de rien mais tout

de mecircmehellip

Il faut la faire deacutecoller du sol cette colegravere inteacuterieure ce deacutesespoir qui habitent les

personnages qui semblent happeacutes par le vide de leur existence

Madame BURKE est ameneacutee agrave brailler pour srsquoentendre et Monsieur BURKE agrave sortir de ses

gonds pour la faire taire Lrsquoeacutetranger poegravete sans ressources finit par offrir sa petite bulle

drsquoair agrave la femme affameacutee de liberteacute Un autre personnage un berger incompeacutetent prend

conscience que sa solitude lui pegravese et accepte lrsquoaide de Monsieur BURKE

Si lrsquoissue est positive elle aura tout de mecircme demandeacute lrsquoapport drsquoune belle bourrasque pour

faire sortir de leur terrier le couple de paysans

Elle semble jaillir de la terre mecircme la langue de Nathalie BECUE sensuelle et poeacutetique

parfois mecircme explosive

La bourrasque eacutetait deacutejagrave dans les cœurs nous suggegravere lrsquoauteure elle transfigure les

interpregravetes qui incarnent de pauvres bougres les pieds sur terre et agrave lrsquoouest dans ce

spectacle mis en scegravene sans artifice par Feacutelix PRADER et pourtant jubilatoire

Paris le 29 Mars 2018

Evelyne Tracircn

Bourrasquehellip Juste ce quil faut deacutetrangeteacute pour que le reacutealisme soit porteacute aux franges du fantastique Bourrasque Theacuteacirctre de la Tempecircte Paris

Dans Bourrasques inspireacutee par lœuvre de John Millington Synge Nathalie Beacutecue emporte le spectateur dans un tourbillon de theacuteacirctre Un theacuteacirctre mucirc par une langue concregravete drue simple manieacutee par des vagabonds des mots des enjocircleurs des charmeurs beaux parleurs qui magnifient cette terre d Irlande herbeuse et moutonneuse et tourbeuse cette terre de lOuest ces icircles dAran les bien nommeacutees

copy Antonia Bozzi

Battues par les vents peupleacutees dhommes taiseux cogneux buveux de femmes entiegraveres et acircpres et dures agrave la tacircche Cette terre dIrlande qui rend recircves et cauchemars et mots et sorts et enchantements Le spectacle de Nathalie Beacutecue sappuie sur une farce tregraves ancienne celle du mari qui feint la mort pour mieux confondre son eacutepouse et son amant La comeacutedie le drame se croisent Du trivial le plus cru au lyrique le plus naturel Feacuteroce et drocircle Assureacutement le rire de Synge est tragique mais il est sain Il est celui des fabliaux Mais ces habitants ne sont pas traiteacutes comme des ploucs mais comme des poegravetes qui savent extraire des petits faits de leurs superstitions de leurs peurs de leurs malheurs des reacutecits beaux comme la laine Des reacutecits qui exaltent tout autant que le Whiskey

copy Antonia Bozzi

Les personnages sont eacutemus par deacutetranges sympathies archaiumlques Leur humeur change au greacute des coups de vents et leur simpliciteacute de caractegravere bascule dans une franche gaiteacute ou une brusque deacutepression Cest que leur isolement des frousses leacutegendaires les font appartenir agrave un monde de recircves et de forces qui les deacutepassent La langue est simple Cest la langue du conteur Juste ce quil faut deacutetrangeteacute pour que le reacutealisme soit porteacute aux franges du fantastique Les dialogues sont croiseacutes la syntaxe subit des torsions les choses sont nommeacutees simplement Le grain de la voix le rythme du souffle leacutelan du jeu humanise les ecirctres amplifie les mots agrave la dimension du recircve et de leacutemerveillement Ce spectacle est une eacutechappeacutee belle Avec laide de ses comeacutediens leur verve et le beau travail sur le texte de Nathalie Beacutecue le spectateur retrouve le secret dune poeacutesie objective agrave base dhumour franc que le theacuteacirctre actuel a trop souvent abandonneacute Bourrasque

copy Antonia Bozzi

Variation sur LOmbre de la valleacutee de John Millington Synge Texte Nathalie Beacutecue Mise en scegravene Feacutelix Prader Avec Nathalie Beacutecue Theacuteo Chedeville Pierre-Alain Chapuis Philippe Smith Sceacutenographie et costumes Ceacutecilia Galli Creacuteation sonore Estelle Lembert Collaboration artistique Aureacutelia Guillet Lumiegraveres Thibault Gaigneux Direction des combats Franccedilois Rostain Dureacutee 1 h 30 Production En Votre Compagnie Du 16 mars au 15 avril 2018 Du mardi au samedi agrave 20 h 30 dimanche agrave 16 h 30 Theacuteacirctre de la Tempecircte Salle Copi La Cartoucherie Paris 12e 01 43 28 36 36

Jean Grapin Lundi 26 Mars 2018

Drame naturaliste de Nathalie Beacutecue dapregraves

une oeuvre de John Millington Synge mise en scegravene de Feacutelix Prader

avec Nathalie Beacutecue Theacuteo Chedeville Pierre-Alain Chapuis et Philippe

Smith

La comeacutedienne Nathalie Beacutecue a deacutejagrave montreacutee son appeacutetence pour la

parole des taiseux du temps jadis avec un monologue dramatique

Lapprentie sage-femme issu du roman dun auteur contemporain ameacutericain

Karen Cushman se deacuteroulant dans lAngleterre meacutedieacutevale

Avec Bourrasque elle propose une adaptation libre quelle qualifie de

variation dune piegravece de John Millington Synge dramaturge irlandais du

19egraveme siegravecle engageacute dans le mouvement du Celtic Reviva l qui ressort agrave la

theacutematique de lacircme simple agrave laquelle ne sont eacutetrangers ni lapproche

poeacutetique du monde ni le questionnement meacutetaphysique

Par une nuit dorage un eacutecrivain meacutemorialiste baroudeur et collecteur

dhistoires (Philippe Smith) qui bat la campagne irlandaise trouve refuge dans

une ferme isoleacutee du comteacute de Wicklow

La dame de la maison (Nathalie Beacutecue) est sous le coup de leacutemotion de

la mort soudaine - et simuleacutee - de son mari (Pierre-Alain Chapuis) car

destineacutee agrave eacutetablir linfideacuteliteacute commise avec un jeune berger (Theacuteo

Cheacutedeville) et ce subterfuge va bouleverser leur destin

Sobrement mis en scegravene par Feacutelix Prader dans une sceacutenographie

intemporelle de Ceacutecilia Galli ce drame naturaliste agrave connotation de reacutealisme

magique agrave lirlandaise entre brume et tourbe composeacute essentiellement de la

juxtaposition quatre reacutecits hybridant soliloque et de biodrame beacuteneacuteficie dune

interpreacutetation remarquable qui navigue du registre du patheacutetique avec pour

chantre Nathalie Beacutecue et celui du burlesque dont Pierre-Alain

Chapuis savegravere en lespegravece le champion qui twiste la partition en eacutevitant

leacutecueil lacrymal

MM

BOURRASQUE Theacuteacirctre de la Tempecircte

Cartoucherie

Route du Champ-de-Manœuvre

75012 Paris

Tel 01 43 28 36 36

Jusqursquoau 15 avril 2018

du mardi au samedi 20h30

Dimanche 16h30

On connaissait de JM Synge laquo Le baladin du monde occidental raquo bien sucircr et laquo

Deirdre des douleurs raquo Voici qursquoon nous exhume une piegravece bien moins connue laquo

Lrsquoombre de la valleacutee raquo Elle fut eacutecrite par Synge apregraves un seacutejour aux icircles drsquoAran Ici

elle sert de base agrave cette variation signeacutee en fait Nathalie Beacutecue

Nous sommes au deacutebut du siegravecle dans un coin reculeacute drsquoIrlande une femme Alice

Burke veille son mari qui vient de mourir et qui deacutetail important lui a bien demandeacute

de ne pas le toucher Il laisse ce soin agrave sa soeur La femme reccediloit alors la visite drsquoun

voyageur preacutenommeacute John (Synge lui-mecircme) Comme elle srsquoeacuteclipse Daniel le mari

reacutevegravele qursquoil nrsquoest pas mort Choc Et ce nrsquoest pas fini

Si Synge avait axeacute sa piegravece sur cette tradition irlandaire (contrefaire le mort) et ses

conseacutequences tragi-comiques on voit bien que ce nrsquoest pas ce qui a inteacuteresseacute

Nathalie Beacutecue Elle a vu lagrave lrsquooccasion de deacutevelopper des personnages inventer

comme elle dit laquo un parler agrave ces taiseux et agrave y glisser toute la tendresse toutes les

violences qui les habitent raquo

Dans deacutecor sobre et agrave lrsquoaide de quelques eacuteleacutements laquo parlants raquo nous avons donc

droit agrave des variations sur le couple la solitude la vie des paysans-eacuteleveurs de

moutons leurs soucis et surtout lrsquoalieacutenation de lrsquoeacutepouse

Le problegraveme est qursquoil y a quelques longueurs agrave cocircteacute de fulgurances et de trouvailles

laquo Comme on vit on meurt mecircme visage raquo ou bien lanceacute par la femme laquo Mariez-

vous vous trimerez raquo la piegravece est statique

Elle est heureusement brillamment joueacutee par Pierre-Alain Chapuis (Daniel Burke)

avec sa rudesse et ses emportements ou Philippe Smith dans le rocircle de John Theacuteo

Chedeville a la fougue de la jeunesse mais on retiendra surtout lrsquoauteur-interpregravete

Nathalie Beacutecue elle est eacutemouvante et forte dans ce rocircle de femme en reacutevolte et qui

nrsquoa au bout du compte que le choix entre trois destins incarneacutes par trois hommes

Geacuterard Noeumll

Bourrasque

de Nathalie Beacutecue

Mise en scegravene Feacutelix Prader

Avec Nathalie Beacutecue Pierre-Alain Chapuis Theacuteo Chedeville Philippe Smith

Sceacutenographie et costumes Ceacutecilia Galli

Son Estelle Lembert

Collaboration artistique Aureacutelia Guillet

Direction des combats Franccedilois Rostain

Nathalie Beacutecue Antonia Bozzi

Bourrasque agrave la Tempecircte Un moment tempeacutetueux et plein drsquoeacutemotion Cest un voyage que nous propose actuellement le theacuteacirctre de La Tempecircte Une immersion absolue dans un foyer irlandais un soir ougrave une terrible bourrasque a deacutecideacute de tout emporter sur son passage En effet Nathalie Beacutecue agrave leacutecriture et Felix Prader agrave la mise en scegravene nous emportent dans leur univers celui de la farce mais aussi celui du reacuteel Un spectacle vibrant entre violence tendresse et reacuteflexion La nuit tombe sur cette chaumiegravere et sur la vie dAlice Burke Daniel Burke est mort Le deacutesarroi la colegravere la deacutetresse transpirent chez cette femme qui entame une premiegravere nuit de deuil Puis vient la bourrasque vient cet eacutetranger qui arpente les routes vient ce berger de la ferme voisine Cette soireacutee est une soireacutee eacutesoteacuterique Tout semble hors du temps Ce soir pour chacun des protagonistes cest un nouveau deacutepart une remise agrave zeacutero des compteurs Une renaissance Un envol Alice Burke na pas peur Sur scegravene ils sont quatre Quatre comeacutediens de talent qui eacutepousent agrave la perfection les personnages quils incarnent Justes profonds et surtout attachants Nathalie Beacutecue Pierre-Alain Chapuis Theacuteo Chedeville et Philippe Smith sont vrais On sourit aux blagues de ce conteur on souffre avec cette femme tortureacutee on aime avec ce berger on est trahi avec Daniel Burke Le texte est fort il ne laisse pas insensible et pose les questions et les remises en question que tout un chacun est ameneacute agrave se poser au cours de son existence La mise en scegravene quant agrave elle ne nous impose rien Chacun est libre dajouter sa part dimagination et dhypothegravese agrave cette chaumiegravere isoleacutee dans les montagnes irlandaises La fin de cette bourrasque dans les airs et dans les cœurs est lapogeacutee de tout un cheminement dune reacuteflexion celle que propose ici Nathalie Beacutecue dapregraves les arguments de leacutecrivain J-M Synge Un spectacle vrai et sans artifice agrave deacutecouvrir

Zoom par Reacutegis DARO Paru le 30032018

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BOURR

Spectatif

ASQUE au Theacuteacirctre de La Tempecircte 17 Mars 2018

Comment savoir si Daniel Burke est mort ou pas Srsquoil ne srsquoagit que de son fantocircme qui vient surprendre son eacutepouse Alice Burke ou si Daniel Burke feint sa reacutesurrection pour fendre ses secrets et laisser eacutechapper un peu de lui-mecircme dans ses derniers instants juste avant de tenter de fondre ses pas dans ceux de celle qui veut partir fatigueacutee du passeacute et enjoueacutee devant un avenir qursquoelle voudrait se construire meilleur et sien Deacuteroulera-t-elle ses recircves sous ses pas Troublante et mysteacuterieuse aventure que cette soireacutee de bourrasque ougrave une veilleacutee mortuaire devient une veilleacutee de palabres de reacutecits et drsquoespoirs Entre reacuteel et irreacuteel lrsquoimaginaire srsquoempare de nous nous faisant flotter sur le flux des mots dits et plonger par moments parmi les maux dits de ce couple de paysans dont on ne sait srsquoils srsquoaiment ou se haiumlssent si seulement lrsquoamour est entreacute dans leur bacirctisse ou si ce mot nrsquoexiste pas pour eux Ce spectacle baigneacute de poeacutesie reacutealiste crue et deacutepouilleacutee est une magnifique eacutecriture de Nathalie Beacutecue qursquoelle nomme Variation sur LrsquoOmbre de la valleacutee de John Millington Synge On comprend que ce grand dramaturge irlandais de la fin du 19egraveme siegravecle inspira Beckett et subjugua Artaud entre autres Tant ses peintures dramatiques de la paysannerie irlandaise de ses us et coutumes sont autant de sources pour des personnages en marge ou des situations fantastiques Le parcours de Alice Burke est captivant Ce qursquoelle raconte ce qursquoelle dit et ce qursquoelle devient Paysanne infidegravele ou eacutepouse adulteacuterine sublimeacutee dans le mal par son mari cet homme meurtri et malheureux elle deacutecouvre peu agrave peu drsquoautres horizons pour vivre

John le vagabond recueilli ce soir de bourrasque sorte drsquoaegravede qui parcoure les villages et se nourrit des morceaux de vie des autres notant ses observations se payant drsquoaumocircnes apportera agrave Alice les lumiegraveres du deacutesir drsquoailleurs Michaeumll Dara le jeune berger du voisinage venu lui aussi pour se proteacuteger de la bourrasque semble porter avec lui les plaisirs et les espeacuterances attendus inavoueacutes ou peut-ecirctre assouvis par Alice Daniel Burke le mari mort ou vivant fantocircme de lui-mecircme erre vocifegravere eacuteructe ses souffrances cacheacutees derriegravere sa violence qui le blesse autant qursquoil voudrait blesser nous montrant un paysan qui nrsquoa connu que sa famille enfant ou adulte pour tout environnement humain Joue-t-il avec la mort qui revient pour hanter la veilleacutee ou est-il lrsquoecirctre hirsute perdu agrave jamais dans ses illusions et ses souffrances dans ses remords et ses souvenirs qui le rongent tant qursquoil se confond dans la mort comme dans la vie On ne sait pas on ne sait plus Nous sommes trop eacuteblouis pour bien voir qui il est nous sommes trop toucheacutes pour savoir ougrave nous sommes vraiment La mise en scegravene de Feacutelix Prader feutre le reacutecit le meacutelange aux jeux avec adresse et fluiditeacute Les mondes se juxtaposent on nrsquoa rien vu venir La distribution est brillante Theacuteo Chedeville et Philippe Smith sont justes et convaincants Natalie Beacutecue est lumineuse et eacutemouvante Pierre-Alain Chapuis comme drsquohabitude nous surprend Il deacutegage une puissance de jeu qui donne agrave son personnage tout le trouble et la cassure qui conviennent Il est splendide et touchant Un spectacle sublime et tregraves prenant agrave lrsquoeacutecriture eacutetonnante et captivante aux jeux drsquoun brio stupeacutefiant Un tregraves grand moment de theacuteacirctre A voir absolument Drsquoapregraves les œuvres de John Millington Synge Variation sur The shadow of the Glen Eacutecriture de Nathalie Beacutecue Mise en scegravene de Feacutelix Prader Sceacutenographie et costumes de Ceacutecilia Galli Son de Estelle Lembert Lumiegraveres de Thibault Gaigneux Collaboration artistique de Aureacutelia Guillet Direction des combats de Franccedilois Rostain

Avec Nathalie Beacutecue Pierre-Alain Chapuis Theacuteo Chedeville et Philippe Smith

Du mardi au samedi agrave 20h30 et le dimanche agrave 16h30

Cartoucherie route du Champ de Manoeuvre Paris 12egraveme

0143283636 wwwla-tempetefr

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Accueil SPECTACLES [Critique] laquo Bourrasque raquo par Feacutelix Prader Une bouffeacutee drsquoIrlande

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[Critique] laquo Bourrasque raquo par Feacutelix Prader Une bouffeacutee drsquoIrlande Morgane P 2018-03-28

Le Theacuteacirctre de la Tempecircte preacutesente Bourrasque une piegravece de theacuteacirctre de Nathalie Beacutecue

mise en scegravene par Feacutelix Prader Une incursion meacutelancolique et amegravere en terre irlandaise

Lrsquoavis de Bulles de Culture qui eacutetait agrave la premiegravere de la piegravece

Synopsis

Alice Burke (Nathalie Beacutecue) veille son mari Dan Burke (Pierre-Alain Chapuis) qui vient de

mourir quand survient un vagabond (Philippe Smith) qui demande asile pour la nuit Il faut

preacutevenir Michael Dara (Theacuteo Chedeville) jeune berger des alentours afin qursquoil aille annoncer

la nouvelle en ville Mais voilagrave que le mort se redresse et qursquoil a encore des choses agrave direhellip

Bourrasque Une belle reacuteeacutecriture drsquoapregraves John Millington Synge

copy Antonia Bozzi

Crsquoest la piegravece LrsquoOmbre de la valleacutee du dramaturge irlandais John Millington Synge qui est agrave

lrsquoorigine de Bourrasque De cette petite piegravece en un acte lrsquoauteure et comeacutedienne Nathalie

Beacutecue fait la colonne verteacutebrale du spectacle un drame noueacute autour de quatre

personnages dont lrsquoun mime sa mort pour prendre son eacutepouse en faute Reprenant agrave la

lettre le texte de lrsquoauteur irlandais Nathalie Beacutecue lrsquoeacutetoffe toutefois afin drsquoimaginer le

parcours personnel eacutemotionnel de chacun des quatre personnages Lrsquointeacutegration de son

eacutecriture agrave la piegravece de John Millington Synge est parfaite en ce qursquoelle deacutepeint le quotidien

meacutelancolique et maussade de ces Irlandais isoleacutes agrave lrsquoeacutecart du monde comme prisonniers de

la tourbe qui les entoure

Le phraseacute que Nathalie Beacutecue choisit pour Bourrasque est aussi une retranscription fidegravele du

style du dramaturge une langue agrave la fois racircpeuse et poeacutetique peacutetrie de la reacutealiteacute de ces

paysans Si John Millington Synge choisit lrsquoanglo-irlandais pour ses piegraveces Nathalie Beacutecue

imagine une syntaxe et un vocabulaire reacutealisant le mecircme eacutequilibre entre langue orale aux

tournures populaires et envoleacutees des meacutetaphores pour sonder les cœurs des quatre

laquo taiseux raquo

Un quatuor qui fonctionne agrave merveille

copy Antonia Bozzi

La patte de Nathalie Beacutecue ajoute une vraie personnaliteacute agrave la piegravece de John Millington

Synge agrave tel point que tous les personnages ont un relief propre qui les rend attachants sans

les caricaturer pour autant Elle excelle aussi dans lrsquoincarnation sur scegravene de cette femme

drsquoacircge mucircr eacutetouffeacutee par la solitude et lrsquoattente perpeacutetuelle qui constitue son quotidien Elle

tient ainsi toute la tension de Bourrasque de son deacutebut agrave sa fin et ce dans une diction

parfaite drsquoun bout agrave lrsquoautre malgreacute tout ce que la langue du personnage peut avoir de

bourbeux Quant aux trois hommes qui lrsquoentourent Bourrasque leur offre une personnaliteacute

plus profonde que la piegravece du dramaturge irlandais Exploitant les ellipses du texte original

Nathalie Beacutecue imagine que la meacutelancolie de Dan Burke trouve sa source dans la violence qui

lrsquoa entoureacute degraves son enfance Elle choisit aussi de faire davantage parler le jeune berger

amant de lrsquoheacuteroiumlne un peu naiumlf et pas tregraves malin Sa candeur en vient agrave faire sourire avec

tendresse

Mais lrsquoun des personnages qui prend le plus drsquoampleur dans la piegravece est sans conteste celui

du vagabond que Nathalie Beacutecue imagine comme une sorte de chercheur drsquohistoires voyant

ainsi en lui un vague double de John Millington Synge qui a fait de la tradition et des contes

des icircles drsquoAran lrsquoune de ses quecirctes Ce personnage renoue ainsi avec la tradition orale du

reacutecit il rappelle ces aegravedes de la socieacuteteacute grecque antique qui allaient de palais en palais

chanter les reacutecits de leur connaissance Toute la deacutelicatesse dont fait preuve Philippe

Smith dans ce rocircle est remarquable

Un huis clos haletant

I

copy

Antonia Bozzi

Bourrasque reacuteussit avec brio agrave maintenir une tension forte tout au long de la piegravece Crsquoest

drsquoabord la tension qursquoil y a autour de ce deuil rendu angoissant par la preacutesence du mort sur

scegravene Crsquoest ensuite une fois que le laquo mort raquo a reacuteveacuteleacute sa supercherie au vagabond la tension

que ressent le spectateur qui attend que Dan Burke nrsquointervienne Crsquoest enfin la tension du

conflit conjugal qui explose et renverse la situation initiale La mise en scegravene de Feacutelix

Prader repose sur la simpliciteacute deacutecor rudimentaire pas de grands effets Et cela met

parfaitement en valeur la dimension relationnelle du drame

Cette tension dramatique est encore accentueacutee par la tempecircte inteacuterieure que traversent les

personnages notamment les deux eacutepoux Le monologue drsquoAlice qui ouvre la piegravece et la

longue explication que son mari offre au vagabond montrent les deux faces drsquoun couple en

crise dans lequel chacun-e ne voit plus que sa propre souffrance Ce trouble inteacuterieur et

cette forte tension eacutemotionnelle sont bien sucircr souligneacutes par les circonstances

meacuteteacuteorologiques on traverse avec les personnages une sorte de tempecircte ougrave le vent souffle

avec violence Nrsquoest-ce finalement pas cette terrible bourrasque qui trouble les esprits de

chacun Rien nrsquoest moins sucircr

Reacuteunir les deux eacutepoux et lrsquoamant confondu crsquoest un topos theacuteacirctral Mais la preacutesence de cet

inconnu que Nathalie Beacutecue place comme un observateur particulier puisqursquoon imagine que

le drame auquel il assiste pourra enrichir encore son livret de reacutecits est une belle reacuteussite

Eacutecoutant les deux eacutepoux puis prenant finalement place dans le drame en exerccedilant le recul

dont lui seul dans la piegravece est capable change la porteacutee de la piegravece et enrichit

consideacuterablement le triangle amoureux

Bulles de Culture vous recommande en tout cas vivement cette incursion en terre irlandaise

En savoir plus

bull Bourrasque de Nathalie Beacutecue mise en scegravene par Feacutelix Prader est joueacute au Theacuteacirctre de la

Tempecircte du 16 mars au 15 avril 2018

bull Bourrasque sera joueacute en 2018 au Centre culturel de Vitreacute le 20 avril sur la Scegravene nationale

de Bar-le-Duc le 17 mai et au Theacuteacirctre Montansier de Versailles le 25 mai

bull Dureacutee du spectacle 1h40

Actualiteacute theacuteacirctrale

Jusqursquoau 15 avril au Theacuteacirctre de la Tempecircte

laquo Bourrasque raquo mercredi 21 mars 2018

Par un soir de tempecircte dans une chaumiegravere isoleacutee Alice Burke veille son mari le rude et taiseux Dan Burke qui vient de mourir Il lui a interdit de toucher son corps apregraves sa mort exigeant que ce soit sa sœur qui srsquooccupe de la toilette mortuaire Mais celle-ci habite loin Alice craint la nuit et la tempecircte dans ce lieu isoleacute et ne peut le laisser seul Elle attend Deux hommes vont se preacutesenter agrave sa porte un eacutetranger qui parcourt les rudes collines des alentours pour laquo cueillir raquo les histoires qursquoon veut bien lui confier et un jeune berger peu expeacuterimenteacute qui vit un peu plus loin Avec ces deux hommes deux avenirs pourraient se dessiner le second seraient bien inteacuteresseacute par la femme et surtout les biens dont elle va heacuteriter le premier lui ouvre une sortie de son isolement et de nouveaux espaces La bourrasque qui hurle au dehors gagne aussi lrsquointeacuterieur de la chaumiegravere et bouscule tous les esprits

Nathalie Beacutecue a eacuteteacute seacuteduite par lrsquounivers du poegravete et dramaturge irlandais John Millingtone Synge et en particulier par ce livre Les Icircles Aran ougrave il a raconteacute ses rencontres avec les icircliens et les leacutegendes qursquoils lui ont conteacutees Crsquoest de lrsquoun de ses contes Lrsquoombre de la valleacutee qursquoelle srsquoest inspireacutee pour eacutecrire Bourrasque Apregraves lrsquoavoir vue dans Lrsquoapprentie sage-femme qursquoelle avait joueacutee en 2012 on comprend la continuiteacute de son travail Ce qui lrsquointeacuteresse ce sont ces destins de femmes dans les deux cas des paysannes qui cherchent leur voie et prennent la vie agrave bras le corps Dans son texte Nathalie Beacutecue a su faire entendre la sauvagerie de la nature le vent la pluie et la vie rude de ceux qui y habitent Elle a su aussi traduire les penseacutees tourmenteacutees des quatre personnages attribuant agrave John lrsquohomme qui cueille les histoires la deacutemarche de Synge lui-mecircme dans les Icircles drsquoAran

Dans la mise en scegravene de Feacutelix Prader on reste enfermeacute dans la chaumiegravere avec le mort assis ou couvert drsquoun drap et lrsquoexteacuterieur nrsquoapparaicirct qursquoinquieacutetant avec le bruit amplifieacute du vent ou des coups agrave la porte Seuls les hommes qui arrivent apportent lrsquoimage drsquoun ailleurs possible pour cette femme qui srsquoest laisseacutee enfermer dans la solitude au point drsquoecirctre obligeacutee de parler aux arbres

Nathalie Beacutecue en robe paysanne et petit gilet de laine bleue avec de gros bas de laine incarne Alice qui parle de sa vie avec cet eacutepoux taiseux porteacute sur le whisky Elle caresse la couverture de poils de chegravevre tout en parlant Calme elle dit qursquoaucun vivant ne lui a jamais fait peur crsquoest drsquoautre chose qursquoelle a peur puis soudain la colegravere lrsquoemporte quand elle pense agrave lrsquoennui de sa vie laquo fosse agrave chagrin mareacutecage de tristesse raquo et se dit qursquoelle a peut-ecirctre fait le mauvais choix en se condamnant agrave laquo regarder les saisons passer raquo Philippe Smith est John celui qui ramasse les histoires vagabond ceacuteleste qui amuse Alice avec un tour de magie lui donne les nouvelles de la valleacutee et surtout lui parle drsquoun ailleurs Theacuteo Chedeville est Michaeumll Dara le marin devenu berger Pierre-Alain Chapuis est Dan Burke le mort qui survit Il est puissant violent ravageacute par sa colegravere contre tous sa femme son pegravere mais aussi contre lui-mecircme On le sent deacutevoreacute par lrsquoamertume laquo bouffeacute par la tristesse raquo comme le dit Alice mais peut-ecirctre capable de rebondir loin de sa femme

On se laisse emporter par le reacutecit On est dans ces icircles irlandaises battues par le vent et la pluie et on rejoint John quand il dit laquo Apregraves des veilleacutees solitaires je peux dire que les gens drsquoici ne sont pas insignifiants raquo

Micheline Rousselet

Du mardi au samedi agrave 20h30 le dimanche agrave 16h30

Theacuteacirctre de La Tempecircte

Cartoucherie

Route du Champ-de-Manoeuvre 75012 Paris

Reacuteservations (partenariat Reacuteducrsquosnes tarifs reacuteduits aux syndiqueacutes Snes mais sur reacuteservation impeacuterative) 01 43 28 36 36

T H Eacute Acirc T R E

BOURRASQUE UN MAGNIFIQUE OBJET POEacuteTIQUE

ET INSPIREacute DANS LE MONDE AcircPRE ET SANS

CONCESSION DES TERRES DrsquoIRLANDE 19 MARS 2018

Reacutedigeacute par Sarah Franck

laquo Le cœur casseacute ccedila donne la vie grise raquo Quand la brume et le vent soufflent sur un monde sans avenir confit dans lrsquoeacutecoulement uniforme des jours une porte parfois srsquoentrouvre pour que change le cours des choseshellip

Un homme est mort ce soir assis dans son fauteuil Sa femme une femme de rien ou de si peu de chose heacutesite Il lui a interdit de toucher son cadavre et a jeteacute sur elle une maleacutediction au cas ougrave elle enfreindrait lrsquoordre Seule sa sœur aura le droit de le preacuteparer pour son dernier voyage Mais comment faire quand la nuit a pris des couleurs de noir drsquoencre que les nueacutees srsquoamassent que le tonnerre gronde qursquoelle a une tregraves longue route et qursquoelle est seule Il nrsquoest pas bon drsquoabandonner un mort agrave lui-mecircmehellip Dans ce lieu perdu du bout du monde ougrave ne trouvent guegravere agrave subsister que les moutons ougrave lrsquoacircpreteacute de la vie a jeteacute sur les ecirctres son voile de dureteacute ougrave ne semblent possibles que la violence des comportements et lrsquohostiliteacute ougrave lrsquoalcool est la solution ultime quotidienne pour triompher des aleacuteas un groupe heacuteteacuteroclite va peu agrave peu se rassembler

(c) Antonia Bozzi

Une arche de Noeacute de largueacutes du monde

Parmi les personnages perdus dans ce milieu de nulle part arrive drsquoabord un vagabond un cueilleur de mots un raconteur drsquohistoires qui cherche un havre pour la nuit Il voudrait simplement reposer ses pieds fatigueacutes de cheminot avant de reprendre la route Il y a lrsquoancien marin devenu eacuteleveur que la mort du mari arrange car il en guigne les terres pour faire paicirctre ses troupeaux Il y a elle la femme deacutevoueacutee dont on ne sait de quoi est fait son attachement au deacutefunt ndash amour en deacutepit de lrsquoindiffeacuterence qursquoil lui porte ennui drsquoun mariage accepteacute pour la seacutecuriteacute qursquoil donne reacutesignation devant les vexations subies Et puis il y a ce mort qui srsquoavegraverera bien vivant au moment ougrave srsquoopegravere le partage des deacutepouilles et dont lrsquohistoire a la violence et linceste pour cortegravegehellip

Ce sont lagrave des perdus eacutegareacutes sans lrsquoavoir choisi prenant racine lagrave ougrave on les a planteacutes Massifs taiseux Vivent-ils Peut-ecirctre le cheminot qui erre agrave lrsquoaventure est-il le seul agrave savoir ougrave il va ce saltimbanque ce poegravete qui donne agrave voir un ailleurs agrave respirer lrsquoodeur du vent et les senteurs venues de contreacutees lointaines Peut-ecirctre ne sont-ils pas agrave leur place mais ont-ils une place Le preacutesent est leur futur leur avenir leur eacuteterniteacute Ils portent leur brume en eux cette compagne des sortilegraveges et des superstitions qui leur colle agrave la peau Ils ont cette eacutepaisseur de la matiegravere brute cette preacutesence obstineacutee de ceux qui ne savent qursquoecirctre

(c) Antonia Bozzi

Lrsquoespace de la parole

Dans ce huis clos deacutelimiteacute par une table dans un coin une banquette sur laquelle est assis immobile le mari et une commode il nrsquoy a pas drsquoeacutechappatoire Le lieu est agrave lrsquoimage de leur existence refermeacute sur lui-mecircme Alors il ne leur reste que la parole pour briser lrsquoenfermement Une parole difficile Les mots buttent dans leur gorge ils sortent contraints rentreacutes et de trop de retenue se heurtent et srsquoentrechoquent avec de brusques flambeacutees de violence se deacuteversent tels des crachats agrave la figure de lrsquoautre Crsquoest un trop-plein qui deacuteferle pour trouver le chemin de la conscience et qui les met en face drsquoeux-mecircmes et de leur reacutealiteacute Apregraves il nrsquoy aura plus de retour en arriegravere possible et chacun devra trouver lrsquoissue qui lui convient

Ils ont ce parler fruste mais imageacute des paysans laquo ccedila crsquoest sucircr raquo qui offre une transposition bretonne agrave lrsquoanglo-irlandais du texte original Un mecircme fondement celtique court dans ces deux reacutegions que rassemblent la culture et les paysages et ougrave souffle un vent laquo agrave reacuteveiller les disparus les esprits malins ou les feacutees tordues raquo Les noms de lieux aux consonances eacutetranges chantent une poeacutesie de lrsquoailleurs qursquoaccompagne celle du deacutesespoir de ces eacutecorcheacutes de la vie laquo Crsquoest comme ccedila le bout du chemin de ceux de sa sorte Les deacutevoreacutes drsquoangoisse les rongeacutes de tristesse raquo Les mots disent leur deacutetresse Leur barbe laquo on dirait deacutejagrave du poil de moisissure raquo Lrsquounivers laquo des milliards de milliards de masses solaires qui tournoient en spirale jusqursquoagrave ecirctre happeacutees aspireacutees au centre de lrsquoinconnu du trou noir [hellip] une eacutenorme densiteacute de creacuteation ou une absence de creacuteation Du trop-plein au vide raquo agrave lrsquoimage de leur vie qui laquo se deacuteficelle raquo se deacutecompose se deacutesintegravegrehellip

Entre Synge et Nathalie Beacutecue

De lrsquoOmbre de la valleacutee de John Millington Synge ndash compatriote de Joyce Yeats et Beckett et fervent deacutefenseur du renouveau de la culture irlandaise ndash Nathalie Beacutecue reprend la situation de ce mort laquo ressusciteacute raquo tout en modifiant les enjeux et la porteacutee de lrsquohistoire Elle fait du chemineau une incarnation du poegravete Elle reprend dans lrsquoesprit ce parler si particulier qui inverse lrsquoordre des mots pour placer dans une phrase lrsquoimportant devant On y retrouve le mecircme souci de rendre leurs lettres de noblesse agrave ceux qui sont sans-grade placeacutes agrave lrsquoeacutecart en marge mais portent en eux une veacuteriteacute immeacutemoriale qui les deacutepasse Ces hommes et ces femmes qui ne savent pas parler une laquo belle raquo langue au sens classique sont pleins habiteacutes possesseurs drsquoun treacutesor qursquoil nous est donneacute de reconnaicirctre Dans sa laquo variation raquo Nathalie

Beacutecue insuffle sa propre vision de cette laquo veacuteriteacute raquo populaire peupleacutee de croyances et de leacutegendes et met ses personnages en face de choix qui les font progresser et grandir

(c) Antonia Bozzi

Un magnifique travail drsquoacteur

Ce qui frappe enfin crsquoest lrsquointerpreacutetation laquo millimeacutetreacutee raquo des comeacutediens Car enfin crsquoest sur eux que repose ce spectacle ougrave il ne se passe rien ou presque durant deux heures Pas de quiproquo ni de comique de situation Pas de trageacutedie au-delagrave de lrsquoagressiviteacute et des altercations Ni trop ni trop peu mecircme si lrsquoon alterne chuchotements et cris Ils sont tout en retenues briseacutees quand les digues lacircchent en heacutesitations en mots esquisseacutes en gestes inaboutis ou semi-dissimuleacutes en mimiques fugaces Ils disent comme en srsquoexcusant heacutesitent agrave srsquoimposer reacutevegravelent les failles avec beaucoup de finesse La minutie avec laquelle la gestuelle campe les personnages donne au spectacle une justesse qursquoon voit rarement au theacuteacirctre

On srsquoeacutemeut drsquoentendre eacutevoquer les myriades drsquoeacutetoiles comme autant drsquoesprits des morts flottant autour de nous on partage la fatigue des marches de montagne plongeacutees dans une brume eacutepaisse et hostile la difficulteacute de ces laquo nuits noires agrave en appeler agrave la clarteacute des eacutetoiles raquo Et puis on rit car ils sont des hommes avec leurs petits travers leurs lacirccheteacutes et leurs peurs ces errants agrave la deacuterive qui srsquoeacutegarent avec magnificence et nous ressemblent tant Au-delagrave du texte et de sa beauteacute crsquoest agrave une merveilleuse leccedilon drsquohumaniteacute que nous convie ce spectacle

Bourrasque de Nathalie Beacutecue librement inspireacute de lrsquoOmbre du vent de John Millington Synge (eacuted franccedilaise Actes Sud)

Mise en scegravene Feacutelix Prader

Avec Nathalie Beacutecue Pierre-Alain Chapuis Theacuteo Chedeville Philippe Smith (le poegravete)

Theacuteacirctre de la Tempecircte Cartoucherie de Vincennes Route du Champ de Mars ndash 75012 Paris

Du 16 mars 2018 au 15 avril du mardi au samedi agrave 20h30 le dimanche agrave 17h30

Teacutel 01 43 28 36 36 Site wwwla-tempetefr

Bourrasque au Theacuteacirctre de La Tempecircte

Publieacute par Michel Jakubowicz le 26 mars 2018 Publieacute dans Tendance - Fashion

Theacuteacirctre de la Tempecircte Cartoucherie Rte du Champ-de-Manœuvre 75012 Paris

Repreacutesentations du 16 mars au 15 avril 2018

httpswwwla-tempetefr

BOURRASQUE

Variation sur lrsquoOmbre de la valleacutee de JM Synge

de Nathalie Beacutecue

mise en scegravene Feacutelix Prader

avec

Nathalie Beacutecue (Alice Burke)

Pierre-Alain Chapuis (Daniel Burke)

Theacuteo Chedeville (Michaeumll Dara)

Philippe Smith (John)

Nathalie Beacutecue auteure de Bourrasque avoue srsquoecirctre inspireacutee du poegravete et dramaturge John

Millington Synge Feacutelix Prader agrave partir du texte de Nathalie Beacutecue va srsquoefforcer de recreacuteer

lrsquoambiance eacutetrange chaotique effrayante qui sourd de ce texte Il va en quelque sorte donner

corps agrave une histoire ougrave semble rocircder une ambiance agrave la limite du fantastique et mettre en lumiegravere

les comportements presque forceneacutes brutaux impreacutevisibles des personnages qursquoun hasard

apparemment faceacutetieux (ou malfaisant) a reacuteunis dans une chaumiegravere perdue de la lande irlandaise

battue par la tempecircte Il faut dire que la piegravece se deacuteroule dans un contexte peu banal presque

terrifiant puisqursquoune femme seule soliloque en srsquoadressant agrave un cosmos aveugle et infini bourreacute

de trous noirs insondables et mortels La femme semble prendre agrave teacutemoin un homme immobile

ne bougeant pas drsquoun cil et dont la raideur semble vaguement indiquer qursquoil est peut-ecirctre passeacute

de vie agrave treacutepas ou qursquoil feint deacutelibeacutereacutement lrsquoindiffeacuterence absolue face aux propos tenus par la

femme Les choses pourraient en rester lagrave mais soudainement surgi du cœur de la tempecircte qui se

deacutechaicircne agrave lrsquoexteacuterieur un inconnu reacuteclame avec insistance malgreacute lrsquohostiliteacute de la femme agrave

srsquoabriter dans la chaumiegravere

A partir de lrsquointrusion de cet eacutetranger lrsquoaction va soudainement srsquoacceacuteleacuterer et le reacutecit srsquoorienter

sans deacutelai vers lrsquoabsurde le fantastique lrsquoinattendu Le reacutecit bascule apparemment vers

lrsquoirrationnel mais en terre irlandaise il semble agrave lrsquoeacutevidence que les apparences ne sont pas

forceacutement conformes agrave la reacutealiteacute et la suite du reacutecit de Nathalie Beacutecue srsquoinspirant de John

Millington Synge ne fera que rendre encore plus creacutedible cette impression

La mise en scegravene de Feacutelix Prader reconstitue avec une sorte de preacutecision presque surnaturelle

eacutetonnante cette campagne irlandaise drsquoougrave nrsquoimporte quels fantocircmes peuvent impuneacutement surgir

de la nuit Jusqursquoau bout drsquoune nuit interminable peupleacutee de terreurs sans noms cette assembleacutee

de personnages subira jusqursquoau bout un destin fait drsquoincertitude balanccedilant constamment entre

espoir et deacutesespeacuterance Lrsquointerpreacutetation est remarquable en particulier celle de Nathalie Beacutecue

incarnant avec beaucoup drsquoacircpreteacute de passion le rocircle drsquoAlice Burke Mais les trois autres

protagonistes masculins sont eacutegalement parfaits donnant agrave leurs personnages respectifs toute

lrsquoeacutepaisseur psychologique deacutesireacutee Un spectacle prenant qui reacutevegravele dans toute sa profondeur

lrsquoacircme irlandaise

Michel Jakubowicz

LE BRUITDUOFF TRIBUNE

LES SCENES ACTUELLES SANS TABOU NI TROMPETTES

CRITIQUE laquo Bourrasque raquo variation sur Lrsquoombre de la valleacutee de JM Synge de Nathalie Beacutecue mis en scegravene par Feacutelix Prader avec Nathalie Beacutecue Pierre-Alain Chapuis Theacuteo Chedeville et Philippe Smith Au Theacuteacirctre de la Tempecircte salle Copi jusqursquoau 15 avril du mardi au samedi agrave 20h30 dimanche agrave 16h30

Crsquoest lrsquoun des plus beaux textes de la saison Nathalie Beacutecue a adapteacute les peacutereacutegrinations de Synge avec amour infleacutechissant ses rugositeacutes irlandaises drsquoune ardeur feacutebrile

laquo Bourrasque raquo crsquoest la poeacutesie cosmique descendue sur lrsquoeacutepure drsquoun verbe aussi vieux que les icircles drsquoAran qui lrsquoabritent laquo Bourrasque raquo crsquoest la meacutetaphysique de la bergegravere Srsquoeacutelegraveve une litanie vibrante adresseacutee aux eacutetoiles pour cet laquo ougrave suis-je raquo qui preacutecegravede le laquo qui suis-je raquo pour le trou noir la masse la poussiegravere lrsquoengloutissement la disparition lrsquoinconnu la creacuteation sa densiteacute son absence le trop plein le videhellip Le vertige drsquoAlice Burke un soir de tempecircte est celui drsquoun cœur simple dans le langage du monde Lrsquoespace drsquoun entre-lumiegravere avant lrsquoextinction de la salle Nathalie Beacutecue ample vibrante ancreacutee et tendue vers des ciels invisibles livre une formidable deacutemonstration de sa maicirctrise de lrsquoabandon

Encore aux prises avec ce jaillissement drsquoecirctre brut et pur il nous faut quelques battements de cœur pour lrsquohabituer aux ombres de la scegravene peacuteneacutetrer le deuil terrestre drsquoAlice Burke et investir sa maison de pierre tandis que laquo perdu ailleurs raquo le vent se legraveve Les yeux pleins drsquoorage et la voix blanche elle embarque les acircmes qursquoelle a tendues vers elle laquo Je suis en colegravere tellement je suis triste raquo

Daniel Burke le fermier sans meacutetaphysique le fermier malheureux srsquoest figeacute lagrave dans une mort subite et inviolable et sa veuve saisie de solitude et figeacutee depuis cent ans voit sa laquo vie grise raquo deacutechireacutee par laquo la grande trouille raquo La trouille de quoi Car la mort toute proche incarneacutee dans la deacutepouille de son mari immobile ne lrsquoeffraye pas Crsquoest une femme des montagnes qui croit aux fantocircmes et qui ne les craint pas

Est-ce un fantocircme qui franchit son seuil dans lrsquoorage pour mettre son errance et son immense laquo dehors raquo dans lrsquoespace sans projet ougrave elle vit confineacutee John mucirc par le timbre envoucirctant de Philippe Smith est un porteur drsquohistoires venu reacutecolter quelques miettes au foyer de la derniegravere maison allumeacutee sur les chemins rocheux drsquoAran Quand Alice Burke laisse son hocircte dans cette eacutetrange veilleacutee et que Dan Burke se redresse bien vivant et saoul crsquoest toute une vie de spectateur qui vacille agrave son tour John pourra-t-il refuser drsquoecirctre acteur de cette histoire-lagrave

Pierre-Alain Chapuis est un Dan Burke massif en corps et en ecirctre plein de passeacute de rancœur et de lrsquoeacutepaisse rusticiteacute que les silences ont tanneacutee sur sa peau et sa voix Quatriegraveme entreacutee en scegravene la jeunesse vacillante de Theacuteo Chedeville precircte ses fougues agrave Michaeumll Dara le marin en quecircte de reacuteconciliation avec la terre qui cherche agrave ecirctre au sol et treacutepigne dans la valleacutee encore la tecircte agrave moitieacute immergeacutee des recircves drsquoavant les recircves enterreacutes de large et de houle La paix est-elle plus haut dans la montagne

La mise en scegravene de Feacutelix Prader attentive aux eacuteclats de verbe sublimeacutes par les voix de Beacutecue Chapuis Chedeville et Smith est un effacement une ombre pour que la poeacutesie eacuteclaire Il veut saisir le preacutesent et la preacutesence eacutenorme des protagonistes dans la suspension du temps du theacuteacirctre Sa scegravene se deacutepare du moindre artifice se fait couloir pour lrsquoeacutemotion de cette parole vitale qui balaye le silence effareacute du spectateur srsquooublie dans une pudeur parfaite Jrsquoentends encore la voix pleine et rocailleuse de Beacutecue la Burke souffler la bourrasque laquo Jrsquoai trop la trouille pour pas y aller raquo

Drsquoun eacutelan vital et poeacutetique elle engloutit le motif radical de la mort

Marguerite Dornier

DU 1603 AU 15042018 AU THEacuteAcircTRE DE LA TEMPEcircTE | DUREacuteE 1H40 |

Librement adapteacute de la piegravece en un acte de John M Synge laquo Lrsquoombre dans la Valleacutee raquo Bourrasque fait preuve drsquoune sagaciteacute deacuteroutante dans une ambiance drsquoinsulaires superstitieux Situation macabre regraveglements de comptes conjugaux reacutecits de voyages et art du vagabondagehellip lrsquoIrlande et son hors-champ drsquoimmensiteacute montagneuse et orageuse nous submergent alors que de grandes deacutecisions se prennent dans la petite chaumiegravere drsquoAlice Burke indigneacutee par la mort foudroyante de son mari Dan qursquoelle ne peut toucher sous peine drsquoecirctre maudite

De par la traduction drsquoun gaeacutelique transposeacute dans du franccedilais paysan aux consonances lyriques et lrsquointerpreacutetation de ce tregraves beau et talentueux quatuor de comeacutediens le folklore celte est tout agrave fait plausible voire palpable et propage son caractegravere sacreacute Bourrasque est un deacutelice drsquohumour peut ecirctre un tantinet pessimiste mais surtout pittoresque et poeacutetique

Eloiumlse Dandoy

jeudi 22 mars 2018

Bourrasque de Nathalie Beacutecue

Bourrasque est un de ces spectacles dont on mesure la chance quils existent Parce que Nathalie Beacutecue a fait un travail deacutecriture tregraves reacuteussi librement adapteacute de la piegravece LrsquoOmbre de la valleacutee en reprenant lrsquoargument tout en modifiant les enjeux et la porteacutee Elle place le spectateur au plus pregraves de latmosphegravere poeacutetique qui a impreacutegneacute lIrlande que John Millington Synge (1871-1909) nous a fait deacutecouvrir au XIXdeg siegravecle et qui est encore tregraves vivante gracircce agrave la moderniteacute de la mise en scegravene de Feacutelix Prader La distribution est habile avec Nathalie Beacutecue qui interpregravete Alice Burke et trois autres comeacutediens Pierre-Alain Chapuis (Daniel Burke) Theacuteo Chedeville (Michaeumll Dara) et Philippe Smith (John) tous diffeacuterents qui permettent dapporter des points de vue parfois deacuteroutants maintenant le spectateur quasiment en haleine comme sil eacutetait au coeur dun thriller Le caractegravere primitif de la vie sociale si particuliegravere des icircles drsquoAran en deviendrait presque normal dans un deacutecor rustique simple et familier

Par un soir de violente tempecircte que lon entendra rugir derriegravere la verriegravere Alice Burke veille son mari deacutefunt lrsquoacircpre et ombrageux fermier Dan Burke comme le veut la coutume dans cette contreacutee reculeacutee Silence dans la chaumiegravere isoleacutee quand agrave la porte frappe un inconnu nomade des collines cueilleur drsquohistoires (Synge) qui ravive dans lrsquoacircme dAlice la soif drsquoun ailleurs Un autre homme bouscule les certitudes dAlice Michaeumll Dara le marin devenu berger qui vit agrave quelques lieues et convoite agrave la fois les biens et la femmethinsp Et si soudain srsquoeacuteveillait le deacutefunt chahutant les vivants que ferait Alicethinsp

Le mort est sur scegravene muet cela va sans dire mais bien preacutesent tout de mecircme Sa femme lui rend hommage malgreacute les cahots qui ont chahuteacute sa vie Cest une femme simple qui a les pieds sur terre capable dun brin de fantaisie que lon remarque dans le point de tricot du gilet quelle porte sur une robe bleu marine Sans doute reacutealiseacute avec la laine de ses moutons Les paroles se bousculent au rythme des souvenirs et agrave la mesure des angoisses qui lassaillent comme des ressentiments quelle exprime toute seule La tempecircte qui agite son esprit est semblable agrave celle qui souffle au dehors Elle reconnait quelle ne sait plus ougrave elle en est et sassoit pregraves de celui qui fut son homme Chaque mort serait une eacutetoile qui scintille dans le ciel Au-delagrave de cette jolie image Alice est confronteacutee agrave labsence de deux beaux enfants partis aux Ameacuteriques et aujourdrsquohui un mari qui part et agrave qui elle parle comme sil eacutetait vivant et comme elle ne lui a sans doute jamais parleacute parce que jusque-lagrave elle nosait pas Tout bascule ccedila vrille comment crsquoest possible possible je suis en colegravere

Elle refuse puis accueille la reacutealiteacute et lhomme eacutetranger qui explique sa fonction je cueille des mots Et qui fait davantage en analysant les eacutevegravenements Cest lui qui le premier a un doute Il est mort votre copain On dirait qursquoil fait le mort Si effectivement la mort neacutetait quune ruse pour permettre de deacutebusquer la veacuteriteacute vraie agrave linstar dOrgon cacheacute sous la nappe pour confondre Tartuffe

La langue choisie par Nathalie Beacutecue est preacutecise poeacutetique et feacuteroce Si je deacutesentortille votre charabia Jrsquoai trop la trouille pour pas y aller avant de se deacutecider agrave deacuterouler ses recircves sous ses pas

Faisons-nous aussi le pas pour ne pas louper ce petit bijou qui se joue au theacuteacirctre de la Tempecircte jusquau 15 avril 2018

Bourrasque de Nathalie Beacutecue Mise en scegravene Feacutelix Prader Avec Nathalie Beacutecue (Alice Burke) Pierre-Alain Chapuis (Daniel Burke) Theacuteo Chedeville (Michaeumll Dara) Philippe Smith (John) Sceacutenographie et costumes Ceacutecilia Galli Creacuteation sonore Estelle Lembert Direction des combats Franccedilois Rostain Du 16 mars au 15 avril 2018 Du mardi au samedi 20 h 30 dimanche 16 h 30 Les photos qui ne sont pas logotypeacutees A bride abattue sont de Antonia Bozzi Publieacute par marie-claire agrave 2335 Envoyer par e-mailBlogThisPartager sur TwitterPartager sur FacebookPartager sur Pinterest Libelleacutes coup de coeur spectacle theacuteacirctre

critiquetheatreclaucom

17 Mars 2018

ABOZZI

Bourrasque jusqursquoau 1504 th de La tempecircte

Mouvance de la destineacutee

De Nathalie Beacutecue inspireacute de lrsquoœuvre de John Millington Synge dramaturge irlandais 1871- 1909Mise en scegravene Feacutelix Prader

Au premier instant nous nous sommes happeacutes par un merveilleux poegraveme invoquant le chagrin des ecirctres perdus la solitude la deacutetresse la tristesse les regrets

laquo Pourquoi jrsquoai reccedilu cette vie Au lieu drsquoattraper lrsquoair transparent dans le bleu du cielhelliphellip Rester lagrave agrave attendre la Balayure du soir raquo

Une atmosphegravere de conte de poeacutesie et de mystegravere nous enveloppe

Un jour de grande tempecircte au plus profond de la campagne irlandaise nous peacuteneacutetrons dans une sobre demeure Il va se deacuterouler sous nos yeux pleins drsquoeacutetonnement un conte tragi-comique

Les personnages sont hauts en couleur

Un paysan Daniel Burke rustre et srsquoabreuvant de whisky pour oublier sa peur et la tristesse de la vie simule sa mort pour espionner sa femme

Alice soumise agrave sa condition se questionne sur sa vie passeacutee et agrave venir Tout en veillant son deacutefunt mari

John marcheur solitaire poegravete eacutecrivain et avide de liberteacute eacutecoutant et observant le monde arrive agrave lrsquoimproviste dans cette demeure

Michaeumll ancien marin devenu berger est un eacutetranger dans cette campagne isoleacutee Il va convoiter Alice pour srsquointeacutegrer dans ce monde hostile

Tous ses personnages vont se reacuteveacuteler nous raconter leur histoire parfois tragique parfois cocasse

Que veulent-ils devenir Prendront-ils leur destineacutee en main

Nous deacutecouvrons le sens de la fecircte les rites et coutumes funeacuteraires de la campagne irlandaise Nous ressentons lrsquoisolement de ses contreacutees la vie rude et solitaire de ses habitants ainsi que le climat rigoureux et froid

Crsquoest agrave la fois violent et tendre eacutemouvant et burlesque

Les comeacutediens nous eacutemeuvent et nous transpercent le cœur

Avec Alice Nathalie Beacutecue nous bouleverse

Daniel Pierre-Alain Chapuis bourru et tendre nous attendri

John Philippe Smith eacuteleacutegant et serein nous seacuteduit

Sans oublier Theacuteo Chedeville touchant dans le rocircle du jeune berger Michaeumll

Page 6: BOURRASQUE - Théâtre Montansier · 2018. 5. 7. · composé Bourrasque, que Félix Prader met en scène avec igueu (1). Synge affimait u’au théâtre, « il faut du réel, il

Accueil gt Bourrasque de Nathalie Beacutecue drsquoapregraves Synge

Critiques Theacuteacirctre

Bourrasque de Nathalie Beacutecue drsquoapregraves Synge

par Gilles Costaz

Un orage irlandais

Les titres des documents et des affiches de Bourrasque ne preacutecisent sans doute pas

suffisamment qursquoil srsquogit drsquoune adaptation drsquoune piegravece de John Millington Synge LrsquoOmbre de

la valleacutee Nathalie Beacutecue srsquoest inspireacutee tregraves librement de la piegravece et des teacutemoignages laisseacutes

par lrsquoeacutecrivain quand il partit vivre quelque temps dans les icircles drsquoAran Crsquoest bien le monde de

Synge qursquoon trouve ici mecircme si lrsquoeacutevolution des personnages nrsquoest plus tout agrave fait la mecircme et

mecircme si le langage a un rugueux qui vient surtout de lrsquoimagination de lrsquoauteure franccedilaise

Dans un hameau perdu sur lrsquoune de ces icircles lamineacutees par les tempecirctes un couple survit

difficilement agrave la fin de leur amour totalement eacutepuiseacute par les anneacutees qui ont passeacute La

femme a gardeacute toute son eacutenergie lui tient agrave peine debout Et drsquoailleurs au moment ougrave un

nouveau voisin vient faire ses salutations le mari srsquoeffondre Mort Dans ces contreacutees-lagrave on

redresse un peu le mort et on le couvre drsquoun drap Et on continue agrave boire Entre lrsquoeacutepouse et

le visiteur la sympathie se deacuteveloppe Elle pourrait les mener loin Ils font quelques projets

plutocirct indiffeacuterents au cadavre Mais le mort se reacuteveille Il a tout entendu A-t-il simuleacute sa

mort Il nrsquoest pas content Tout ce monde plus un autre passant qui rapplique hausse la

voix montre les poings Mais avec le retour de lrsquohumaniteacute et de la luciditeacute tout pourrait

srsquoarranger une fois les cartes rebattues

Nathalie Beacutecue qui interpregravete lrsquoeacutepouse joue comme elle eacutecrit dans la rudesse masquant la

noblesse des sentiments et sans ceacuteder agrave la joliesse Elle deacutefend fort bien sa piegravece Pierre-

Alain Chapuis qui est lrsquoun de nos plus grands comeacutediens donne au rocircle du mari une belle

violence bourrue et les lentes fluctuations drsquoune laborieuse penseacutee cassant sa torpeur Theacuteo

Chedeville est un eacutetranger complexe sous lrsquoapparence drsquoun personnage bonhomme et avineacute

Philippe Smith complegravete la distribution avec une discreacutetion nuanceacutee La mise en scegravene de

Feacutelix Prader deacutetaille bien les orages et les accalmies de cette danse de mort virant agrave la danse

de vie

Bourrasque variation de Nathalie Beacutecue sur LrsquoOmbre de la valleacutee de Synge mise en scegravene

de Feacutelix Prader sceacutenographie et costumes de Ceacutecilia Galli creacuteation sonore drsquoEstelle Lembert

collaboration artistique drsquoAureacutelia Guillet avec Nathalie Beacutecue Theacuteo Chedeville Pierre-Alain

Chapuis Philippe Smith

Theacuteacirctre de la Tempecircte cartoucherie de Vincennes teacutel 01 43 28 36 36 jusqursquoau 15 avril

(Dureacutee 1 h 15)

Photo Antonia Bozzi

THEATRE AU VENT Just another Bloglemondefr weblog

LA BOURRASQUE DE NATHALIE BECUE ndash MISE EN SCENE DE FELIX PRADER AU THEATRE DE

LA TEMPETE agrave la Cartoucherie de Vincennes ndash Route du champ de manoeuvre 75012 PARIS

ndash du 16 Mars au 15 Avril 2018 ndash Salle Copi bull Dureacutee 1h40 ndash du mardi au samedi agrave 20h30 le

dimanche agrave 16h30 ndash

Publieacute le 29 mars 2018 par theatreauvent

Il lui fallait un texte agrave sa hauteur un texte qui lrsquohabite Nathalie BECUE Elle lrsquoa trouveacute en

infusant lrsquoœuvre du poegravete et dramaturge irlandais John Millington SYNGE (1871-1909) Un

conte a inspireacute sa piegravece raquo Bourrasque raquo laquo In shadow of the glen raquo lrsquoombre de la valleacutee

Elle met en scegravene une espegravece de culs-terreux une femme et son mari un berger qui vivent

dans un trou perdu

Lorsque la piegravece commence la femme vient de deacutecouvrir son eacutepoux mort sur sa chaise Elle

a du mal agrave reacutealiser lrsquoeacuteveacutenement elle continue agrave lui parler et puis rapidement reprend son

esprit La mort en Irlande encore dans les campagnes donne lieu agrave des festiviteacutes qui

deacutebutent par la veilleacutee funegravebre et dure plusieurs jours

Au moment ougrave elle se dit qursquoelle doit preacutevenir le village et surtout la sœur du mort survient

en pleine bourrasque un eacutetranger qui lui demande lrsquoasile pour la nuit Elle accepte puis laisse

lrsquoeacutetranger seul avec le mort Ce dernier se reacuteveillehellip

Lrsquoaspect fantastique de lrsquohistoire est parfaitement inteacuterioriseacute dans la piegravece Il intervient

comme une petite lumiegravere une sorte drsquoeacutelectrochoc des consciences mais il colle tout agrave fait agrave

la reacutealiteacute rude des personnages

Chez laquo Ces gens-lagrave raquo comme dans la chanson de Jacques BREL on ne se parle pas on se cuite

au whisky Crsquoest normal Madame BURKE recircve drsquoune autre vie elle nrsquoa peur de rien mais tout

de mecircmehellip

Il faut la faire deacutecoller du sol cette colegravere inteacuterieure ce deacutesespoir qui habitent les

personnages qui semblent happeacutes par le vide de leur existence

Madame BURKE est ameneacutee agrave brailler pour srsquoentendre et Monsieur BURKE agrave sortir de ses

gonds pour la faire taire Lrsquoeacutetranger poegravete sans ressources finit par offrir sa petite bulle

drsquoair agrave la femme affameacutee de liberteacute Un autre personnage un berger incompeacutetent prend

conscience que sa solitude lui pegravese et accepte lrsquoaide de Monsieur BURKE

Si lrsquoissue est positive elle aura tout de mecircme demandeacute lrsquoapport drsquoune belle bourrasque pour

faire sortir de leur terrier le couple de paysans

Elle semble jaillir de la terre mecircme la langue de Nathalie BECUE sensuelle et poeacutetique

parfois mecircme explosive

La bourrasque eacutetait deacutejagrave dans les cœurs nous suggegravere lrsquoauteure elle transfigure les

interpregravetes qui incarnent de pauvres bougres les pieds sur terre et agrave lrsquoouest dans ce

spectacle mis en scegravene sans artifice par Feacutelix PRADER et pourtant jubilatoire

Paris le 29 Mars 2018

Evelyne Tracircn

Bourrasquehellip Juste ce quil faut deacutetrangeteacute pour que le reacutealisme soit porteacute aux franges du fantastique Bourrasque Theacuteacirctre de la Tempecircte Paris

Dans Bourrasques inspireacutee par lœuvre de John Millington Synge Nathalie Beacutecue emporte le spectateur dans un tourbillon de theacuteacirctre Un theacuteacirctre mucirc par une langue concregravete drue simple manieacutee par des vagabonds des mots des enjocircleurs des charmeurs beaux parleurs qui magnifient cette terre d Irlande herbeuse et moutonneuse et tourbeuse cette terre de lOuest ces icircles dAran les bien nommeacutees

copy Antonia Bozzi

Battues par les vents peupleacutees dhommes taiseux cogneux buveux de femmes entiegraveres et acircpres et dures agrave la tacircche Cette terre dIrlande qui rend recircves et cauchemars et mots et sorts et enchantements Le spectacle de Nathalie Beacutecue sappuie sur une farce tregraves ancienne celle du mari qui feint la mort pour mieux confondre son eacutepouse et son amant La comeacutedie le drame se croisent Du trivial le plus cru au lyrique le plus naturel Feacuteroce et drocircle Assureacutement le rire de Synge est tragique mais il est sain Il est celui des fabliaux Mais ces habitants ne sont pas traiteacutes comme des ploucs mais comme des poegravetes qui savent extraire des petits faits de leurs superstitions de leurs peurs de leurs malheurs des reacutecits beaux comme la laine Des reacutecits qui exaltent tout autant que le Whiskey

copy Antonia Bozzi

Les personnages sont eacutemus par deacutetranges sympathies archaiumlques Leur humeur change au greacute des coups de vents et leur simpliciteacute de caractegravere bascule dans une franche gaiteacute ou une brusque deacutepression Cest que leur isolement des frousses leacutegendaires les font appartenir agrave un monde de recircves et de forces qui les deacutepassent La langue est simple Cest la langue du conteur Juste ce quil faut deacutetrangeteacute pour que le reacutealisme soit porteacute aux franges du fantastique Les dialogues sont croiseacutes la syntaxe subit des torsions les choses sont nommeacutees simplement Le grain de la voix le rythme du souffle leacutelan du jeu humanise les ecirctres amplifie les mots agrave la dimension du recircve et de leacutemerveillement Ce spectacle est une eacutechappeacutee belle Avec laide de ses comeacutediens leur verve et le beau travail sur le texte de Nathalie Beacutecue le spectateur retrouve le secret dune poeacutesie objective agrave base dhumour franc que le theacuteacirctre actuel a trop souvent abandonneacute Bourrasque

copy Antonia Bozzi

Variation sur LOmbre de la valleacutee de John Millington Synge Texte Nathalie Beacutecue Mise en scegravene Feacutelix Prader Avec Nathalie Beacutecue Theacuteo Chedeville Pierre-Alain Chapuis Philippe Smith Sceacutenographie et costumes Ceacutecilia Galli Creacuteation sonore Estelle Lembert Collaboration artistique Aureacutelia Guillet Lumiegraveres Thibault Gaigneux Direction des combats Franccedilois Rostain Dureacutee 1 h 30 Production En Votre Compagnie Du 16 mars au 15 avril 2018 Du mardi au samedi agrave 20 h 30 dimanche agrave 16 h 30 Theacuteacirctre de la Tempecircte Salle Copi La Cartoucherie Paris 12e 01 43 28 36 36

Jean Grapin Lundi 26 Mars 2018

Drame naturaliste de Nathalie Beacutecue dapregraves

une oeuvre de John Millington Synge mise en scegravene de Feacutelix Prader

avec Nathalie Beacutecue Theacuteo Chedeville Pierre-Alain Chapuis et Philippe

Smith

La comeacutedienne Nathalie Beacutecue a deacutejagrave montreacutee son appeacutetence pour la

parole des taiseux du temps jadis avec un monologue dramatique

Lapprentie sage-femme issu du roman dun auteur contemporain ameacutericain

Karen Cushman se deacuteroulant dans lAngleterre meacutedieacutevale

Avec Bourrasque elle propose une adaptation libre quelle qualifie de

variation dune piegravece de John Millington Synge dramaturge irlandais du

19egraveme siegravecle engageacute dans le mouvement du Celtic Reviva l qui ressort agrave la

theacutematique de lacircme simple agrave laquelle ne sont eacutetrangers ni lapproche

poeacutetique du monde ni le questionnement meacutetaphysique

Par une nuit dorage un eacutecrivain meacutemorialiste baroudeur et collecteur

dhistoires (Philippe Smith) qui bat la campagne irlandaise trouve refuge dans

une ferme isoleacutee du comteacute de Wicklow

La dame de la maison (Nathalie Beacutecue) est sous le coup de leacutemotion de

la mort soudaine - et simuleacutee - de son mari (Pierre-Alain Chapuis) car

destineacutee agrave eacutetablir linfideacuteliteacute commise avec un jeune berger (Theacuteo

Cheacutedeville) et ce subterfuge va bouleverser leur destin

Sobrement mis en scegravene par Feacutelix Prader dans une sceacutenographie

intemporelle de Ceacutecilia Galli ce drame naturaliste agrave connotation de reacutealisme

magique agrave lirlandaise entre brume et tourbe composeacute essentiellement de la

juxtaposition quatre reacutecits hybridant soliloque et de biodrame beacuteneacuteficie dune

interpreacutetation remarquable qui navigue du registre du patheacutetique avec pour

chantre Nathalie Beacutecue et celui du burlesque dont Pierre-Alain

Chapuis savegravere en lespegravece le champion qui twiste la partition en eacutevitant

leacutecueil lacrymal

MM

BOURRASQUE Theacuteacirctre de la Tempecircte

Cartoucherie

Route du Champ-de-Manœuvre

75012 Paris

Tel 01 43 28 36 36

Jusqursquoau 15 avril 2018

du mardi au samedi 20h30

Dimanche 16h30

On connaissait de JM Synge laquo Le baladin du monde occidental raquo bien sucircr et laquo

Deirdre des douleurs raquo Voici qursquoon nous exhume une piegravece bien moins connue laquo

Lrsquoombre de la valleacutee raquo Elle fut eacutecrite par Synge apregraves un seacutejour aux icircles drsquoAran Ici

elle sert de base agrave cette variation signeacutee en fait Nathalie Beacutecue

Nous sommes au deacutebut du siegravecle dans un coin reculeacute drsquoIrlande une femme Alice

Burke veille son mari qui vient de mourir et qui deacutetail important lui a bien demandeacute

de ne pas le toucher Il laisse ce soin agrave sa soeur La femme reccediloit alors la visite drsquoun

voyageur preacutenommeacute John (Synge lui-mecircme) Comme elle srsquoeacuteclipse Daniel le mari

reacutevegravele qursquoil nrsquoest pas mort Choc Et ce nrsquoest pas fini

Si Synge avait axeacute sa piegravece sur cette tradition irlandaire (contrefaire le mort) et ses

conseacutequences tragi-comiques on voit bien que ce nrsquoest pas ce qui a inteacuteresseacute

Nathalie Beacutecue Elle a vu lagrave lrsquooccasion de deacutevelopper des personnages inventer

comme elle dit laquo un parler agrave ces taiseux et agrave y glisser toute la tendresse toutes les

violences qui les habitent raquo

Dans deacutecor sobre et agrave lrsquoaide de quelques eacuteleacutements laquo parlants raquo nous avons donc

droit agrave des variations sur le couple la solitude la vie des paysans-eacuteleveurs de

moutons leurs soucis et surtout lrsquoalieacutenation de lrsquoeacutepouse

Le problegraveme est qursquoil y a quelques longueurs agrave cocircteacute de fulgurances et de trouvailles

laquo Comme on vit on meurt mecircme visage raquo ou bien lanceacute par la femme laquo Mariez-

vous vous trimerez raquo la piegravece est statique

Elle est heureusement brillamment joueacutee par Pierre-Alain Chapuis (Daniel Burke)

avec sa rudesse et ses emportements ou Philippe Smith dans le rocircle de John Theacuteo

Chedeville a la fougue de la jeunesse mais on retiendra surtout lrsquoauteur-interpregravete

Nathalie Beacutecue elle est eacutemouvante et forte dans ce rocircle de femme en reacutevolte et qui

nrsquoa au bout du compte que le choix entre trois destins incarneacutes par trois hommes

Geacuterard Noeumll

Bourrasque

de Nathalie Beacutecue

Mise en scegravene Feacutelix Prader

Avec Nathalie Beacutecue Pierre-Alain Chapuis Theacuteo Chedeville Philippe Smith

Sceacutenographie et costumes Ceacutecilia Galli

Son Estelle Lembert

Collaboration artistique Aureacutelia Guillet

Direction des combats Franccedilois Rostain

Nathalie Beacutecue Antonia Bozzi

Bourrasque agrave la Tempecircte Un moment tempeacutetueux et plein drsquoeacutemotion Cest un voyage que nous propose actuellement le theacuteacirctre de La Tempecircte Une immersion absolue dans un foyer irlandais un soir ougrave une terrible bourrasque a deacutecideacute de tout emporter sur son passage En effet Nathalie Beacutecue agrave leacutecriture et Felix Prader agrave la mise en scegravene nous emportent dans leur univers celui de la farce mais aussi celui du reacuteel Un spectacle vibrant entre violence tendresse et reacuteflexion La nuit tombe sur cette chaumiegravere et sur la vie dAlice Burke Daniel Burke est mort Le deacutesarroi la colegravere la deacutetresse transpirent chez cette femme qui entame une premiegravere nuit de deuil Puis vient la bourrasque vient cet eacutetranger qui arpente les routes vient ce berger de la ferme voisine Cette soireacutee est une soireacutee eacutesoteacuterique Tout semble hors du temps Ce soir pour chacun des protagonistes cest un nouveau deacutepart une remise agrave zeacutero des compteurs Une renaissance Un envol Alice Burke na pas peur Sur scegravene ils sont quatre Quatre comeacutediens de talent qui eacutepousent agrave la perfection les personnages quils incarnent Justes profonds et surtout attachants Nathalie Beacutecue Pierre-Alain Chapuis Theacuteo Chedeville et Philippe Smith sont vrais On sourit aux blagues de ce conteur on souffre avec cette femme tortureacutee on aime avec ce berger on est trahi avec Daniel Burke Le texte est fort il ne laisse pas insensible et pose les questions et les remises en question que tout un chacun est ameneacute agrave se poser au cours de son existence La mise en scegravene quant agrave elle ne nous impose rien Chacun est libre dajouter sa part dimagination et dhypothegravese agrave cette chaumiegravere isoleacutee dans les montagnes irlandaises La fin de cette bourrasque dans les airs et dans les cœurs est lapogeacutee de tout un cheminement dune reacuteflexion celle que propose ici Nathalie Beacutecue dapregraves les arguments de leacutecrivain J-M Synge Un spectacle vrai et sans artifice agrave deacutecouvrir

Zoom par Reacutegis DARO Paru le 30032018

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BOURR

Spectatif

ASQUE au Theacuteacirctre de La Tempecircte 17 Mars 2018

Comment savoir si Daniel Burke est mort ou pas Srsquoil ne srsquoagit que de son fantocircme qui vient surprendre son eacutepouse Alice Burke ou si Daniel Burke feint sa reacutesurrection pour fendre ses secrets et laisser eacutechapper un peu de lui-mecircme dans ses derniers instants juste avant de tenter de fondre ses pas dans ceux de celle qui veut partir fatigueacutee du passeacute et enjoueacutee devant un avenir qursquoelle voudrait se construire meilleur et sien Deacuteroulera-t-elle ses recircves sous ses pas Troublante et mysteacuterieuse aventure que cette soireacutee de bourrasque ougrave une veilleacutee mortuaire devient une veilleacutee de palabres de reacutecits et drsquoespoirs Entre reacuteel et irreacuteel lrsquoimaginaire srsquoempare de nous nous faisant flotter sur le flux des mots dits et plonger par moments parmi les maux dits de ce couple de paysans dont on ne sait srsquoils srsquoaiment ou se haiumlssent si seulement lrsquoamour est entreacute dans leur bacirctisse ou si ce mot nrsquoexiste pas pour eux Ce spectacle baigneacute de poeacutesie reacutealiste crue et deacutepouilleacutee est une magnifique eacutecriture de Nathalie Beacutecue qursquoelle nomme Variation sur LrsquoOmbre de la valleacutee de John Millington Synge On comprend que ce grand dramaturge irlandais de la fin du 19egraveme siegravecle inspira Beckett et subjugua Artaud entre autres Tant ses peintures dramatiques de la paysannerie irlandaise de ses us et coutumes sont autant de sources pour des personnages en marge ou des situations fantastiques Le parcours de Alice Burke est captivant Ce qursquoelle raconte ce qursquoelle dit et ce qursquoelle devient Paysanne infidegravele ou eacutepouse adulteacuterine sublimeacutee dans le mal par son mari cet homme meurtri et malheureux elle deacutecouvre peu agrave peu drsquoautres horizons pour vivre

John le vagabond recueilli ce soir de bourrasque sorte drsquoaegravede qui parcoure les villages et se nourrit des morceaux de vie des autres notant ses observations se payant drsquoaumocircnes apportera agrave Alice les lumiegraveres du deacutesir drsquoailleurs Michaeumll Dara le jeune berger du voisinage venu lui aussi pour se proteacuteger de la bourrasque semble porter avec lui les plaisirs et les espeacuterances attendus inavoueacutes ou peut-ecirctre assouvis par Alice Daniel Burke le mari mort ou vivant fantocircme de lui-mecircme erre vocifegravere eacuteructe ses souffrances cacheacutees derriegravere sa violence qui le blesse autant qursquoil voudrait blesser nous montrant un paysan qui nrsquoa connu que sa famille enfant ou adulte pour tout environnement humain Joue-t-il avec la mort qui revient pour hanter la veilleacutee ou est-il lrsquoecirctre hirsute perdu agrave jamais dans ses illusions et ses souffrances dans ses remords et ses souvenirs qui le rongent tant qursquoil se confond dans la mort comme dans la vie On ne sait pas on ne sait plus Nous sommes trop eacuteblouis pour bien voir qui il est nous sommes trop toucheacutes pour savoir ougrave nous sommes vraiment La mise en scegravene de Feacutelix Prader feutre le reacutecit le meacutelange aux jeux avec adresse et fluiditeacute Les mondes se juxtaposent on nrsquoa rien vu venir La distribution est brillante Theacuteo Chedeville et Philippe Smith sont justes et convaincants Natalie Beacutecue est lumineuse et eacutemouvante Pierre-Alain Chapuis comme drsquohabitude nous surprend Il deacutegage une puissance de jeu qui donne agrave son personnage tout le trouble et la cassure qui conviennent Il est splendide et touchant Un spectacle sublime et tregraves prenant agrave lrsquoeacutecriture eacutetonnante et captivante aux jeux drsquoun brio stupeacutefiant Un tregraves grand moment de theacuteacirctre A voir absolument Drsquoapregraves les œuvres de John Millington Synge Variation sur The shadow of the Glen Eacutecriture de Nathalie Beacutecue Mise en scegravene de Feacutelix Prader Sceacutenographie et costumes de Ceacutecilia Galli Son de Estelle Lembert Lumiegraveres de Thibault Gaigneux Collaboration artistique de Aureacutelia Guillet Direction des combats de Franccedilois Rostain

Avec Nathalie Beacutecue Pierre-Alain Chapuis Theacuteo Chedeville et Philippe Smith

Du mardi au samedi agrave 20h30 et le dimanche agrave 16h30

Cartoucherie route du Champ de Manoeuvre Paris 12egraveme

0143283636 wwwla-tempetefr

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Accueil SPECTACLES [Critique] laquo Bourrasque raquo par Feacutelix Prader Une bouffeacutee drsquoIrlande

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[Critique] laquo Bourrasque raquo par Feacutelix Prader Une bouffeacutee drsquoIrlande Morgane P 2018-03-28

Le Theacuteacirctre de la Tempecircte preacutesente Bourrasque une piegravece de theacuteacirctre de Nathalie Beacutecue

mise en scegravene par Feacutelix Prader Une incursion meacutelancolique et amegravere en terre irlandaise

Lrsquoavis de Bulles de Culture qui eacutetait agrave la premiegravere de la piegravece

Synopsis

Alice Burke (Nathalie Beacutecue) veille son mari Dan Burke (Pierre-Alain Chapuis) qui vient de

mourir quand survient un vagabond (Philippe Smith) qui demande asile pour la nuit Il faut

preacutevenir Michael Dara (Theacuteo Chedeville) jeune berger des alentours afin qursquoil aille annoncer

la nouvelle en ville Mais voilagrave que le mort se redresse et qursquoil a encore des choses agrave direhellip

Bourrasque Une belle reacuteeacutecriture drsquoapregraves John Millington Synge

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Crsquoest la piegravece LrsquoOmbre de la valleacutee du dramaturge irlandais John Millington Synge qui est agrave

lrsquoorigine de Bourrasque De cette petite piegravece en un acte lrsquoauteure et comeacutedienne Nathalie

Beacutecue fait la colonne verteacutebrale du spectacle un drame noueacute autour de quatre

personnages dont lrsquoun mime sa mort pour prendre son eacutepouse en faute Reprenant agrave la

lettre le texte de lrsquoauteur irlandais Nathalie Beacutecue lrsquoeacutetoffe toutefois afin drsquoimaginer le

parcours personnel eacutemotionnel de chacun des quatre personnages Lrsquointeacutegration de son

eacutecriture agrave la piegravece de John Millington Synge est parfaite en ce qursquoelle deacutepeint le quotidien

meacutelancolique et maussade de ces Irlandais isoleacutes agrave lrsquoeacutecart du monde comme prisonniers de

la tourbe qui les entoure

Le phraseacute que Nathalie Beacutecue choisit pour Bourrasque est aussi une retranscription fidegravele du

style du dramaturge une langue agrave la fois racircpeuse et poeacutetique peacutetrie de la reacutealiteacute de ces

paysans Si John Millington Synge choisit lrsquoanglo-irlandais pour ses piegraveces Nathalie Beacutecue

imagine une syntaxe et un vocabulaire reacutealisant le mecircme eacutequilibre entre langue orale aux

tournures populaires et envoleacutees des meacutetaphores pour sonder les cœurs des quatre

laquo taiseux raquo

Un quatuor qui fonctionne agrave merveille

copy Antonia Bozzi

La patte de Nathalie Beacutecue ajoute une vraie personnaliteacute agrave la piegravece de John Millington

Synge agrave tel point que tous les personnages ont un relief propre qui les rend attachants sans

les caricaturer pour autant Elle excelle aussi dans lrsquoincarnation sur scegravene de cette femme

drsquoacircge mucircr eacutetouffeacutee par la solitude et lrsquoattente perpeacutetuelle qui constitue son quotidien Elle

tient ainsi toute la tension de Bourrasque de son deacutebut agrave sa fin et ce dans une diction

parfaite drsquoun bout agrave lrsquoautre malgreacute tout ce que la langue du personnage peut avoir de

bourbeux Quant aux trois hommes qui lrsquoentourent Bourrasque leur offre une personnaliteacute

plus profonde que la piegravece du dramaturge irlandais Exploitant les ellipses du texte original

Nathalie Beacutecue imagine que la meacutelancolie de Dan Burke trouve sa source dans la violence qui

lrsquoa entoureacute degraves son enfance Elle choisit aussi de faire davantage parler le jeune berger

amant de lrsquoheacuteroiumlne un peu naiumlf et pas tregraves malin Sa candeur en vient agrave faire sourire avec

tendresse

Mais lrsquoun des personnages qui prend le plus drsquoampleur dans la piegravece est sans conteste celui

du vagabond que Nathalie Beacutecue imagine comme une sorte de chercheur drsquohistoires voyant

ainsi en lui un vague double de John Millington Synge qui a fait de la tradition et des contes

des icircles drsquoAran lrsquoune de ses quecirctes Ce personnage renoue ainsi avec la tradition orale du

reacutecit il rappelle ces aegravedes de la socieacuteteacute grecque antique qui allaient de palais en palais

chanter les reacutecits de leur connaissance Toute la deacutelicatesse dont fait preuve Philippe

Smith dans ce rocircle est remarquable

Un huis clos haletant

I

copy

Antonia Bozzi

Bourrasque reacuteussit avec brio agrave maintenir une tension forte tout au long de la piegravece Crsquoest

drsquoabord la tension qursquoil y a autour de ce deuil rendu angoissant par la preacutesence du mort sur

scegravene Crsquoest ensuite une fois que le laquo mort raquo a reacuteveacuteleacute sa supercherie au vagabond la tension

que ressent le spectateur qui attend que Dan Burke nrsquointervienne Crsquoest enfin la tension du

conflit conjugal qui explose et renverse la situation initiale La mise en scegravene de Feacutelix

Prader repose sur la simpliciteacute deacutecor rudimentaire pas de grands effets Et cela met

parfaitement en valeur la dimension relationnelle du drame

Cette tension dramatique est encore accentueacutee par la tempecircte inteacuterieure que traversent les

personnages notamment les deux eacutepoux Le monologue drsquoAlice qui ouvre la piegravece et la

longue explication que son mari offre au vagabond montrent les deux faces drsquoun couple en

crise dans lequel chacun-e ne voit plus que sa propre souffrance Ce trouble inteacuterieur et

cette forte tension eacutemotionnelle sont bien sucircr souligneacutes par les circonstances

meacuteteacuteorologiques on traverse avec les personnages une sorte de tempecircte ougrave le vent souffle

avec violence Nrsquoest-ce finalement pas cette terrible bourrasque qui trouble les esprits de

chacun Rien nrsquoest moins sucircr

Reacuteunir les deux eacutepoux et lrsquoamant confondu crsquoest un topos theacuteacirctral Mais la preacutesence de cet

inconnu que Nathalie Beacutecue place comme un observateur particulier puisqursquoon imagine que

le drame auquel il assiste pourra enrichir encore son livret de reacutecits est une belle reacuteussite

Eacutecoutant les deux eacutepoux puis prenant finalement place dans le drame en exerccedilant le recul

dont lui seul dans la piegravece est capable change la porteacutee de la piegravece et enrichit

consideacuterablement le triangle amoureux

Bulles de Culture vous recommande en tout cas vivement cette incursion en terre irlandaise

En savoir plus

bull Bourrasque de Nathalie Beacutecue mise en scegravene par Feacutelix Prader est joueacute au Theacuteacirctre de la

Tempecircte du 16 mars au 15 avril 2018

bull Bourrasque sera joueacute en 2018 au Centre culturel de Vitreacute le 20 avril sur la Scegravene nationale

de Bar-le-Duc le 17 mai et au Theacuteacirctre Montansier de Versailles le 25 mai

bull Dureacutee du spectacle 1h40

Actualiteacute theacuteacirctrale

Jusqursquoau 15 avril au Theacuteacirctre de la Tempecircte

laquo Bourrasque raquo mercredi 21 mars 2018

Par un soir de tempecircte dans une chaumiegravere isoleacutee Alice Burke veille son mari le rude et taiseux Dan Burke qui vient de mourir Il lui a interdit de toucher son corps apregraves sa mort exigeant que ce soit sa sœur qui srsquooccupe de la toilette mortuaire Mais celle-ci habite loin Alice craint la nuit et la tempecircte dans ce lieu isoleacute et ne peut le laisser seul Elle attend Deux hommes vont se preacutesenter agrave sa porte un eacutetranger qui parcourt les rudes collines des alentours pour laquo cueillir raquo les histoires qursquoon veut bien lui confier et un jeune berger peu expeacuterimenteacute qui vit un peu plus loin Avec ces deux hommes deux avenirs pourraient se dessiner le second seraient bien inteacuteresseacute par la femme et surtout les biens dont elle va heacuteriter le premier lui ouvre une sortie de son isolement et de nouveaux espaces La bourrasque qui hurle au dehors gagne aussi lrsquointeacuterieur de la chaumiegravere et bouscule tous les esprits

Nathalie Beacutecue a eacuteteacute seacuteduite par lrsquounivers du poegravete et dramaturge irlandais John Millingtone Synge et en particulier par ce livre Les Icircles Aran ougrave il a raconteacute ses rencontres avec les icircliens et les leacutegendes qursquoils lui ont conteacutees Crsquoest de lrsquoun de ses contes Lrsquoombre de la valleacutee qursquoelle srsquoest inspireacutee pour eacutecrire Bourrasque Apregraves lrsquoavoir vue dans Lrsquoapprentie sage-femme qursquoelle avait joueacutee en 2012 on comprend la continuiteacute de son travail Ce qui lrsquointeacuteresse ce sont ces destins de femmes dans les deux cas des paysannes qui cherchent leur voie et prennent la vie agrave bras le corps Dans son texte Nathalie Beacutecue a su faire entendre la sauvagerie de la nature le vent la pluie et la vie rude de ceux qui y habitent Elle a su aussi traduire les penseacutees tourmenteacutees des quatre personnages attribuant agrave John lrsquohomme qui cueille les histoires la deacutemarche de Synge lui-mecircme dans les Icircles drsquoAran

Dans la mise en scegravene de Feacutelix Prader on reste enfermeacute dans la chaumiegravere avec le mort assis ou couvert drsquoun drap et lrsquoexteacuterieur nrsquoapparaicirct qursquoinquieacutetant avec le bruit amplifieacute du vent ou des coups agrave la porte Seuls les hommes qui arrivent apportent lrsquoimage drsquoun ailleurs possible pour cette femme qui srsquoest laisseacutee enfermer dans la solitude au point drsquoecirctre obligeacutee de parler aux arbres

Nathalie Beacutecue en robe paysanne et petit gilet de laine bleue avec de gros bas de laine incarne Alice qui parle de sa vie avec cet eacutepoux taiseux porteacute sur le whisky Elle caresse la couverture de poils de chegravevre tout en parlant Calme elle dit qursquoaucun vivant ne lui a jamais fait peur crsquoest drsquoautre chose qursquoelle a peur puis soudain la colegravere lrsquoemporte quand elle pense agrave lrsquoennui de sa vie laquo fosse agrave chagrin mareacutecage de tristesse raquo et se dit qursquoelle a peut-ecirctre fait le mauvais choix en se condamnant agrave laquo regarder les saisons passer raquo Philippe Smith est John celui qui ramasse les histoires vagabond ceacuteleste qui amuse Alice avec un tour de magie lui donne les nouvelles de la valleacutee et surtout lui parle drsquoun ailleurs Theacuteo Chedeville est Michaeumll Dara le marin devenu berger Pierre-Alain Chapuis est Dan Burke le mort qui survit Il est puissant violent ravageacute par sa colegravere contre tous sa femme son pegravere mais aussi contre lui-mecircme On le sent deacutevoreacute par lrsquoamertume laquo bouffeacute par la tristesse raquo comme le dit Alice mais peut-ecirctre capable de rebondir loin de sa femme

On se laisse emporter par le reacutecit On est dans ces icircles irlandaises battues par le vent et la pluie et on rejoint John quand il dit laquo Apregraves des veilleacutees solitaires je peux dire que les gens drsquoici ne sont pas insignifiants raquo

Micheline Rousselet

Du mardi au samedi agrave 20h30 le dimanche agrave 16h30

Theacuteacirctre de La Tempecircte

Cartoucherie

Route du Champ-de-Manoeuvre 75012 Paris

Reacuteservations (partenariat Reacuteducrsquosnes tarifs reacuteduits aux syndiqueacutes Snes mais sur reacuteservation impeacuterative) 01 43 28 36 36

T H Eacute Acirc T R E

BOURRASQUE UN MAGNIFIQUE OBJET POEacuteTIQUE

ET INSPIREacute DANS LE MONDE AcircPRE ET SANS

CONCESSION DES TERRES DrsquoIRLANDE 19 MARS 2018

Reacutedigeacute par Sarah Franck

laquo Le cœur casseacute ccedila donne la vie grise raquo Quand la brume et le vent soufflent sur un monde sans avenir confit dans lrsquoeacutecoulement uniforme des jours une porte parfois srsquoentrouvre pour que change le cours des choseshellip

Un homme est mort ce soir assis dans son fauteuil Sa femme une femme de rien ou de si peu de chose heacutesite Il lui a interdit de toucher son cadavre et a jeteacute sur elle une maleacutediction au cas ougrave elle enfreindrait lrsquoordre Seule sa sœur aura le droit de le preacuteparer pour son dernier voyage Mais comment faire quand la nuit a pris des couleurs de noir drsquoencre que les nueacutees srsquoamassent que le tonnerre gronde qursquoelle a une tregraves longue route et qursquoelle est seule Il nrsquoest pas bon drsquoabandonner un mort agrave lui-mecircmehellip Dans ce lieu perdu du bout du monde ougrave ne trouvent guegravere agrave subsister que les moutons ougrave lrsquoacircpreteacute de la vie a jeteacute sur les ecirctres son voile de dureteacute ougrave ne semblent possibles que la violence des comportements et lrsquohostiliteacute ougrave lrsquoalcool est la solution ultime quotidienne pour triompher des aleacuteas un groupe heacuteteacuteroclite va peu agrave peu se rassembler

(c) Antonia Bozzi

Une arche de Noeacute de largueacutes du monde

Parmi les personnages perdus dans ce milieu de nulle part arrive drsquoabord un vagabond un cueilleur de mots un raconteur drsquohistoires qui cherche un havre pour la nuit Il voudrait simplement reposer ses pieds fatigueacutes de cheminot avant de reprendre la route Il y a lrsquoancien marin devenu eacuteleveur que la mort du mari arrange car il en guigne les terres pour faire paicirctre ses troupeaux Il y a elle la femme deacutevoueacutee dont on ne sait de quoi est fait son attachement au deacutefunt ndash amour en deacutepit de lrsquoindiffeacuterence qursquoil lui porte ennui drsquoun mariage accepteacute pour la seacutecuriteacute qursquoil donne reacutesignation devant les vexations subies Et puis il y a ce mort qui srsquoavegraverera bien vivant au moment ougrave srsquoopegravere le partage des deacutepouilles et dont lrsquohistoire a la violence et linceste pour cortegravegehellip

Ce sont lagrave des perdus eacutegareacutes sans lrsquoavoir choisi prenant racine lagrave ougrave on les a planteacutes Massifs taiseux Vivent-ils Peut-ecirctre le cheminot qui erre agrave lrsquoaventure est-il le seul agrave savoir ougrave il va ce saltimbanque ce poegravete qui donne agrave voir un ailleurs agrave respirer lrsquoodeur du vent et les senteurs venues de contreacutees lointaines Peut-ecirctre ne sont-ils pas agrave leur place mais ont-ils une place Le preacutesent est leur futur leur avenir leur eacuteterniteacute Ils portent leur brume en eux cette compagne des sortilegraveges et des superstitions qui leur colle agrave la peau Ils ont cette eacutepaisseur de la matiegravere brute cette preacutesence obstineacutee de ceux qui ne savent qursquoecirctre

(c) Antonia Bozzi

Lrsquoespace de la parole

Dans ce huis clos deacutelimiteacute par une table dans un coin une banquette sur laquelle est assis immobile le mari et une commode il nrsquoy a pas drsquoeacutechappatoire Le lieu est agrave lrsquoimage de leur existence refermeacute sur lui-mecircme Alors il ne leur reste que la parole pour briser lrsquoenfermement Une parole difficile Les mots buttent dans leur gorge ils sortent contraints rentreacutes et de trop de retenue se heurtent et srsquoentrechoquent avec de brusques flambeacutees de violence se deacuteversent tels des crachats agrave la figure de lrsquoautre Crsquoest un trop-plein qui deacuteferle pour trouver le chemin de la conscience et qui les met en face drsquoeux-mecircmes et de leur reacutealiteacute Apregraves il nrsquoy aura plus de retour en arriegravere possible et chacun devra trouver lrsquoissue qui lui convient

Ils ont ce parler fruste mais imageacute des paysans laquo ccedila crsquoest sucircr raquo qui offre une transposition bretonne agrave lrsquoanglo-irlandais du texte original Un mecircme fondement celtique court dans ces deux reacutegions que rassemblent la culture et les paysages et ougrave souffle un vent laquo agrave reacuteveiller les disparus les esprits malins ou les feacutees tordues raquo Les noms de lieux aux consonances eacutetranges chantent une poeacutesie de lrsquoailleurs qursquoaccompagne celle du deacutesespoir de ces eacutecorcheacutes de la vie laquo Crsquoest comme ccedila le bout du chemin de ceux de sa sorte Les deacutevoreacutes drsquoangoisse les rongeacutes de tristesse raquo Les mots disent leur deacutetresse Leur barbe laquo on dirait deacutejagrave du poil de moisissure raquo Lrsquounivers laquo des milliards de milliards de masses solaires qui tournoient en spirale jusqursquoagrave ecirctre happeacutees aspireacutees au centre de lrsquoinconnu du trou noir [hellip] une eacutenorme densiteacute de creacuteation ou une absence de creacuteation Du trop-plein au vide raquo agrave lrsquoimage de leur vie qui laquo se deacuteficelle raquo se deacutecompose se deacutesintegravegrehellip

Entre Synge et Nathalie Beacutecue

De lrsquoOmbre de la valleacutee de John Millington Synge ndash compatriote de Joyce Yeats et Beckett et fervent deacutefenseur du renouveau de la culture irlandaise ndash Nathalie Beacutecue reprend la situation de ce mort laquo ressusciteacute raquo tout en modifiant les enjeux et la porteacutee de lrsquohistoire Elle fait du chemineau une incarnation du poegravete Elle reprend dans lrsquoesprit ce parler si particulier qui inverse lrsquoordre des mots pour placer dans une phrase lrsquoimportant devant On y retrouve le mecircme souci de rendre leurs lettres de noblesse agrave ceux qui sont sans-grade placeacutes agrave lrsquoeacutecart en marge mais portent en eux une veacuteriteacute immeacutemoriale qui les deacutepasse Ces hommes et ces femmes qui ne savent pas parler une laquo belle raquo langue au sens classique sont pleins habiteacutes possesseurs drsquoun treacutesor qursquoil nous est donneacute de reconnaicirctre Dans sa laquo variation raquo Nathalie

Beacutecue insuffle sa propre vision de cette laquo veacuteriteacute raquo populaire peupleacutee de croyances et de leacutegendes et met ses personnages en face de choix qui les font progresser et grandir

(c) Antonia Bozzi

Un magnifique travail drsquoacteur

Ce qui frappe enfin crsquoest lrsquointerpreacutetation laquo millimeacutetreacutee raquo des comeacutediens Car enfin crsquoest sur eux que repose ce spectacle ougrave il ne se passe rien ou presque durant deux heures Pas de quiproquo ni de comique de situation Pas de trageacutedie au-delagrave de lrsquoagressiviteacute et des altercations Ni trop ni trop peu mecircme si lrsquoon alterne chuchotements et cris Ils sont tout en retenues briseacutees quand les digues lacircchent en heacutesitations en mots esquisseacutes en gestes inaboutis ou semi-dissimuleacutes en mimiques fugaces Ils disent comme en srsquoexcusant heacutesitent agrave srsquoimposer reacutevegravelent les failles avec beaucoup de finesse La minutie avec laquelle la gestuelle campe les personnages donne au spectacle une justesse qursquoon voit rarement au theacuteacirctre

On srsquoeacutemeut drsquoentendre eacutevoquer les myriades drsquoeacutetoiles comme autant drsquoesprits des morts flottant autour de nous on partage la fatigue des marches de montagne plongeacutees dans une brume eacutepaisse et hostile la difficulteacute de ces laquo nuits noires agrave en appeler agrave la clarteacute des eacutetoiles raquo Et puis on rit car ils sont des hommes avec leurs petits travers leurs lacirccheteacutes et leurs peurs ces errants agrave la deacuterive qui srsquoeacutegarent avec magnificence et nous ressemblent tant Au-delagrave du texte et de sa beauteacute crsquoest agrave une merveilleuse leccedilon drsquohumaniteacute que nous convie ce spectacle

Bourrasque de Nathalie Beacutecue librement inspireacute de lrsquoOmbre du vent de John Millington Synge (eacuted franccedilaise Actes Sud)

Mise en scegravene Feacutelix Prader

Avec Nathalie Beacutecue Pierre-Alain Chapuis Theacuteo Chedeville Philippe Smith (le poegravete)

Theacuteacirctre de la Tempecircte Cartoucherie de Vincennes Route du Champ de Mars ndash 75012 Paris

Du 16 mars 2018 au 15 avril du mardi au samedi agrave 20h30 le dimanche agrave 17h30

Teacutel 01 43 28 36 36 Site wwwla-tempetefr

Bourrasque au Theacuteacirctre de La Tempecircte

Publieacute par Michel Jakubowicz le 26 mars 2018 Publieacute dans Tendance - Fashion

Theacuteacirctre de la Tempecircte Cartoucherie Rte du Champ-de-Manœuvre 75012 Paris

Repreacutesentations du 16 mars au 15 avril 2018

httpswwwla-tempetefr

BOURRASQUE

Variation sur lrsquoOmbre de la valleacutee de JM Synge

de Nathalie Beacutecue

mise en scegravene Feacutelix Prader

avec

Nathalie Beacutecue (Alice Burke)

Pierre-Alain Chapuis (Daniel Burke)

Theacuteo Chedeville (Michaeumll Dara)

Philippe Smith (John)

Nathalie Beacutecue auteure de Bourrasque avoue srsquoecirctre inspireacutee du poegravete et dramaturge John

Millington Synge Feacutelix Prader agrave partir du texte de Nathalie Beacutecue va srsquoefforcer de recreacuteer

lrsquoambiance eacutetrange chaotique effrayante qui sourd de ce texte Il va en quelque sorte donner

corps agrave une histoire ougrave semble rocircder une ambiance agrave la limite du fantastique et mettre en lumiegravere

les comportements presque forceneacutes brutaux impreacutevisibles des personnages qursquoun hasard

apparemment faceacutetieux (ou malfaisant) a reacuteunis dans une chaumiegravere perdue de la lande irlandaise

battue par la tempecircte Il faut dire que la piegravece se deacuteroule dans un contexte peu banal presque

terrifiant puisqursquoune femme seule soliloque en srsquoadressant agrave un cosmos aveugle et infini bourreacute

de trous noirs insondables et mortels La femme semble prendre agrave teacutemoin un homme immobile

ne bougeant pas drsquoun cil et dont la raideur semble vaguement indiquer qursquoil est peut-ecirctre passeacute

de vie agrave treacutepas ou qursquoil feint deacutelibeacutereacutement lrsquoindiffeacuterence absolue face aux propos tenus par la

femme Les choses pourraient en rester lagrave mais soudainement surgi du cœur de la tempecircte qui se

deacutechaicircne agrave lrsquoexteacuterieur un inconnu reacuteclame avec insistance malgreacute lrsquohostiliteacute de la femme agrave

srsquoabriter dans la chaumiegravere

A partir de lrsquointrusion de cet eacutetranger lrsquoaction va soudainement srsquoacceacuteleacuterer et le reacutecit srsquoorienter

sans deacutelai vers lrsquoabsurde le fantastique lrsquoinattendu Le reacutecit bascule apparemment vers

lrsquoirrationnel mais en terre irlandaise il semble agrave lrsquoeacutevidence que les apparences ne sont pas

forceacutement conformes agrave la reacutealiteacute et la suite du reacutecit de Nathalie Beacutecue srsquoinspirant de John

Millington Synge ne fera que rendre encore plus creacutedible cette impression

La mise en scegravene de Feacutelix Prader reconstitue avec une sorte de preacutecision presque surnaturelle

eacutetonnante cette campagne irlandaise drsquoougrave nrsquoimporte quels fantocircmes peuvent impuneacutement surgir

de la nuit Jusqursquoau bout drsquoune nuit interminable peupleacutee de terreurs sans noms cette assembleacutee

de personnages subira jusqursquoau bout un destin fait drsquoincertitude balanccedilant constamment entre

espoir et deacutesespeacuterance Lrsquointerpreacutetation est remarquable en particulier celle de Nathalie Beacutecue

incarnant avec beaucoup drsquoacircpreteacute de passion le rocircle drsquoAlice Burke Mais les trois autres

protagonistes masculins sont eacutegalement parfaits donnant agrave leurs personnages respectifs toute

lrsquoeacutepaisseur psychologique deacutesireacutee Un spectacle prenant qui reacutevegravele dans toute sa profondeur

lrsquoacircme irlandaise

Michel Jakubowicz

LE BRUITDUOFF TRIBUNE

LES SCENES ACTUELLES SANS TABOU NI TROMPETTES

CRITIQUE laquo Bourrasque raquo variation sur Lrsquoombre de la valleacutee de JM Synge de Nathalie Beacutecue mis en scegravene par Feacutelix Prader avec Nathalie Beacutecue Pierre-Alain Chapuis Theacuteo Chedeville et Philippe Smith Au Theacuteacirctre de la Tempecircte salle Copi jusqursquoau 15 avril du mardi au samedi agrave 20h30 dimanche agrave 16h30

Crsquoest lrsquoun des plus beaux textes de la saison Nathalie Beacutecue a adapteacute les peacutereacutegrinations de Synge avec amour infleacutechissant ses rugositeacutes irlandaises drsquoune ardeur feacutebrile

laquo Bourrasque raquo crsquoest la poeacutesie cosmique descendue sur lrsquoeacutepure drsquoun verbe aussi vieux que les icircles drsquoAran qui lrsquoabritent laquo Bourrasque raquo crsquoest la meacutetaphysique de la bergegravere Srsquoeacutelegraveve une litanie vibrante adresseacutee aux eacutetoiles pour cet laquo ougrave suis-je raquo qui preacutecegravede le laquo qui suis-je raquo pour le trou noir la masse la poussiegravere lrsquoengloutissement la disparition lrsquoinconnu la creacuteation sa densiteacute son absence le trop plein le videhellip Le vertige drsquoAlice Burke un soir de tempecircte est celui drsquoun cœur simple dans le langage du monde Lrsquoespace drsquoun entre-lumiegravere avant lrsquoextinction de la salle Nathalie Beacutecue ample vibrante ancreacutee et tendue vers des ciels invisibles livre une formidable deacutemonstration de sa maicirctrise de lrsquoabandon

Encore aux prises avec ce jaillissement drsquoecirctre brut et pur il nous faut quelques battements de cœur pour lrsquohabituer aux ombres de la scegravene peacuteneacutetrer le deuil terrestre drsquoAlice Burke et investir sa maison de pierre tandis que laquo perdu ailleurs raquo le vent se legraveve Les yeux pleins drsquoorage et la voix blanche elle embarque les acircmes qursquoelle a tendues vers elle laquo Je suis en colegravere tellement je suis triste raquo

Daniel Burke le fermier sans meacutetaphysique le fermier malheureux srsquoest figeacute lagrave dans une mort subite et inviolable et sa veuve saisie de solitude et figeacutee depuis cent ans voit sa laquo vie grise raquo deacutechireacutee par laquo la grande trouille raquo La trouille de quoi Car la mort toute proche incarneacutee dans la deacutepouille de son mari immobile ne lrsquoeffraye pas Crsquoest une femme des montagnes qui croit aux fantocircmes et qui ne les craint pas

Est-ce un fantocircme qui franchit son seuil dans lrsquoorage pour mettre son errance et son immense laquo dehors raquo dans lrsquoespace sans projet ougrave elle vit confineacutee John mucirc par le timbre envoucirctant de Philippe Smith est un porteur drsquohistoires venu reacutecolter quelques miettes au foyer de la derniegravere maison allumeacutee sur les chemins rocheux drsquoAran Quand Alice Burke laisse son hocircte dans cette eacutetrange veilleacutee et que Dan Burke se redresse bien vivant et saoul crsquoest toute une vie de spectateur qui vacille agrave son tour John pourra-t-il refuser drsquoecirctre acteur de cette histoire-lagrave

Pierre-Alain Chapuis est un Dan Burke massif en corps et en ecirctre plein de passeacute de rancœur et de lrsquoeacutepaisse rusticiteacute que les silences ont tanneacutee sur sa peau et sa voix Quatriegraveme entreacutee en scegravene la jeunesse vacillante de Theacuteo Chedeville precircte ses fougues agrave Michaeumll Dara le marin en quecircte de reacuteconciliation avec la terre qui cherche agrave ecirctre au sol et treacutepigne dans la valleacutee encore la tecircte agrave moitieacute immergeacutee des recircves drsquoavant les recircves enterreacutes de large et de houle La paix est-elle plus haut dans la montagne

La mise en scegravene de Feacutelix Prader attentive aux eacuteclats de verbe sublimeacutes par les voix de Beacutecue Chapuis Chedeville et Smith est un effacement une ombre pour que la poeacutesie eacuteclaire Il veut saisir le preacutesent et la preacutesence eacutenorme des protagonistes dans la suspension du temps du theacuteacirctre Sa scegravene se deacutepare du moindre artifice se fait couloir pour lrsquoeacutemotion de cette parole vitale qui balaye le silence effareacute du spectateur srsquooublie dans une pudeur parfaite Jrsquoentends encore la voix pleine et rocailleuse de Beacutecue la Burke souffler la bourrasque laquo Jrsquoai trop la trouille pour pas y aller raquo

Drsquoun eacutelan vital et poeacutetique elle engloutit le motif radical de la mort

Marguerite Dornier

DU 1603 AU 15042018 AU THEacuteAcircTRE DE LA TEMPEcircTE | DUREacuteE 1H40 |

Librement adapteacute de la piegravece en un acte de John M Synge laquo Lrsquoombre dans la Valleacutee raquo Bourrasque fait preuve drsquoune sagaciteacute deacuteroutante dans une ambiance drsquoinsulaires superstitieux Situation macabre regraveglements de comptes conjugaux reacutecits de voyages et art du vagabondagehellip lrsquoIrlande et son hors-champ drsquoimmensiteacute montagneuse et orageuse nous submergent alors que de grandes deacutecisions se prennent dans la petite chaumiegravere drsquoAlice Burke indigneacutee par la mort foudroyante de son mari Dan qursquoelle ne peut toucher sous peine drsquoecirctre maudite

De par la traduction drsquoun gaeacutelique transposeacute dans du franccedilais paysan aux consonances lyriques et lrsquointerpreacutetation de ce tregraves beau et talentueux quatuor de comeacutediens le folklore celte est tout agrave fait plausible voire palpable et propage son caractegravere sacreacute Bourrasque est un deacutelice drsquohumour peut ecirctre un tantinet pessimiste mais surtout pittoresque et poeacutetique

Eloiumlse Dandoy

jeudi 22 mars 2018

Bourrasque de Nathalie Beacutecue

Bourrasque est un de ces spectacles dont on mesure la chance quils existent Parce que Nathalie Beacutecue a fait un travail deacutecriture tregraves reacuteussi librement adapteacute de la piegravece LrsquoOmbre de la valleacutee en reprenant lrsquoargument tout en modifiant les enjeux et la porteacutee Elle place le spectateur au plus pregraves de latmosphegravere poeacutetique qui a impreacutegneacute lIrlande que John Millington Synge (1871-1909) nous a fait deacutecouvrir au XIXdeg siegravecle et qui est encore tregraves vivante gracircce agrave la moderniteacute de la mise en scegravene de Feacutelix Prader La distribution est habile avec Nathalie Beacutecue qui interpregravete Alice Burke et trois autres comeacutediens Pierre-Alain Chapuis (Daniel Burke) Theacuteo Chedeville (Michaeumll Dara) et Philippe Smith (John) tous diffeacuterents qui permettent dapporter des points de vue parfois deacuteroutants maintenant le spectateur quasiment en haleine comme sil eacutetait au coeur dun thriller Le caractegravere primitif de la vie sociale si particuliegravere des icircles drsquoAran en deviendrait presque normal dans un deacutecor rustique simple et familier

Par un soir de violente tempecircte que lon entendra rugir derriegravere la verriegravere Alice Burke veille son mari deacutefunt lrsquoacircpre et ombrageux fermier Dan Burke comme le veut la coutume dans cette contreacutee reculeacutee Silence dans la chaumiegravere isoleacutee quand agrave la porte frappe un inconnu nomade des collines cueilleur drsquohistoires (Synge) qui ravive dans lrsquoacircme dAlice la soif drsquoun ailleurs Un autre homme bouscule les certitudes dAlice Michaeumll Dara le marin devenu berger qui vit agrave quelques lieues et convoite agrave la fois les biens et la femmethinsp Et si soudain srsquoeacuteveillait le deacutefunt chahutant les vivants que ferait Alicethinsp

Le mort est sur scegravene muet cela va sans dire mais bien preacutesent tout de mecircme Sa femme lui rend hommage malgreacute les cahots qui ont chahuteacute sa vie Cest une femme simple qui a les pieds sur terre capable dun brin de fantaisie que lon remarque dans le point de tricot du gilet quelle porte sur une robe bleu marine Sans doute reacutealiseacute avec la laine de ses moutons Les paroles se bousculent au rythme des souvenirs et agrave la mesure des angoisses qui lassaillent comme des ressentiments quelle exprime toute seule La tempecircte qui agite son esprit est semblable agrave celle qui souffle au dehors Elle reconnait quelle ne sait plus ougrave elle en est et sassoit pregraves de celui qui fut son homme Chaque mort serait une eacutetoile qui scintille dans le ciel Au-delagrave de cette jolie image Alice est confronteacutee agrave labsence de deux beaux enfants partis aux Ameacuteriques et aujourdrsquohui un mari qui part et agrave qui elle parle comme sil eacutetait vivant et comme elle ne lui a sans doute jamais parleacute parce que jusque-lagrave elle nosait pas Tout bascule ccedila vrille comment crsquoest possible possible je suis en colegravere

Elle refuse puis accueille la reacutealiteacute et lhomme eacutetranger qui explique sa fonction je cueille des mots Et qui fait davantage en analysant les eacutevegravenements Cest lui qui le premier a un doute Il est mort votre copain On dirait qursquoil fait le mort Si effectivement la mort neacutetait quune ruse pour permettre de deacutebusquer la veacuteriteacute vraie agrave linstar dOrgon cacheacute sous la nappe pour confondre Tartuffe

La langue choisie par Nathalie Beacutecue est preacutecise poeacutetique et feacuteroce Si je deacutesentortille votre charabia Jrsquoai trop la trouille pour pas y aller avant de se deacutecider agrave deacuterouler ses recircves sous ses pas

Faisons-nous aussi le pas pour ne pas louper ce petit bijou qui se joue au theacuteacirctre de la Tempecircte jusquau 15 avril 2018

Bourrasque de Nathalie Beacutecue Mise en scegravene Feacutelix Prader Avec Nathalie Beacutecue (Alice Burke) Pierre-Alain Chapuis (Daniel Burke) Theacuteo Chedeville (Michaeumll Dara) Philippe Smith (John) Sceacutenographie et costumes Ceacutecilia Galli Creacuteation sonore Estelle Lembert Direction des combats Franccedilois Rostain Du 16 mars au 15 avril 2018 Du mardi au samedi 20 h 30 dimanche 16 h 30 Les photos qui ne sont pas logotypeacutees A bride abattue sont de Antonia Bozzi Publieacute par marie-claire agrave 2335 Envoyer par e-mailBlogThisPartager sur TwitterPartager sur FacebookPartager sur Pinterest Libelleacutes coup de coeur spectacle theacuteacirctre

critiquetheatreclaucom

17 Mars 2018

ABOZZI

Bourrasque jusqursquoau 1504 th de La tempecircte

Mouvance de la destineacutee

De Nathalie Beacutecue inspireacute de lrsquoœuvre de John Millington Synge dramaturge irlandais 1871- 1909Mise en scegravene Feacutelix Prader

Au premier instant nous nous sommes happeacutes par un merveilleux poegraveme invoquant le chagrin des ecirctres perdus la solitude la deacutetresse la tristesse les regrets

laquo Pourquoi jrsquoai reccedilu cette vie Au lieu drsquoattraper lrsquoair transparent dans le bleu du cielhelliphellip Rester lagrave agrave attendre la Balayure du soir raquo

Une atmosphegravere de conte de poeacutesie et de mystegravere nous enveloppe

Un jour de grande tempecircte au plus profond de la campagne irlandaise nous peacuteneacutetrons dans une sobre demeure Il va se deacuterouler sous nos yeux pleins drsquoeacutetonnement un conte tragi-comique

Les personnages sont hauts en couleur

Un paysan Daniel Burke rustre et srsquoabreuvant de whisky pour oublier sa peur et la tristesse de la vie simule sa mort pour espionner sa femme

Alice soumise agrave sa condition se questionne sur sa vie passeacutee et agrave venir Tout en veillant son deacutefunt mari

John marcheur solitaire poegravete eacutecrivain et avide de liberteacute eacutecoutant et observant le monde arrive agrave lrsquoimproviste dans cette demeure

Michaeumll ancien marin devenu berger est un eacutetranger dans cette campagne isoleacutee Il va convoiter Alice pour srsquointeacutegrer dans ce monde hostile

Tous ses personnages vont se reacuteveacuteler nous raconter leur histoire parfois tragique parfois cocasse

Que veulent-ils devenir Prendront-ils leur destineacutee en main

Nous deacutecouvrons le sens de la fecircte les rites et coutumes funeacuteraires de la campagne irlandaise Nous ressentons lrsquoisolement de ses contreacutees la vie rude et solitaire de ses habitants ainsi que le climat rigoureux et froid

Crsquoest agrave la fois violent et tendre eacutemouvant et burlesque

Les comeacutediens nous eacutemeuvent et nous transpercent le cœur

Avec Alice Nathalie Beacutecue nous bouleverse

Daniel Pierre-Alain Chapuis bourru et tendre nous attendri

John Philippe Smith eacuteleacutegant et serein nous seacuteduit

Sans oublier Theacuteo Chedeville touchant dans le rocircle du jeune berger Michaeumll

Page 7: BOURRASQUE - Théâtre Montansier · 2018. 5. 7. · composé Bourrasque, que Félix Prader met en scène avec igueu (1). Synge affimait u’au théâtre, « il faut du réel, il

Nathalie Beacutecue qui interpregravete lrsquoeacutepouse joue comme elle eacutecrit dans la rudesse masquant la

noblesse des sentiments et sans ceacuteder agrave la joliesse Elle deacutefend fort bien sa piegravece Pierre-

Alain Chapuis qui est lrsquoun de nos plus grands comeacutediens donne au rocircle du mari une belle

violence bourrue et les lentes fluctuations drsquoune laborieuse penseacutee cassant sa torpeur Theacuteo

Chedeville est un eacutetranger complexe sous lrsquoapparence drsquoun personnage bonhomme et avineacute

Philippe Smith complegravete la distribution avec une discreacutetion nuanceacutee La mise en scegravene de

Feacutelix Prader deacutetaille bien les orages et les accalmies de cette danse de mort virant agrave la danse

de vie

Bourrasque variation de Nathalie Beacutecue sur LrsquoOmbre de la valleacutee de Synge mise en scegravene

de Feacutelix Prader sceacutenographie et costumes de Ceacutecilia Galli creacuteation sonore drsquoEstelle Lembert

collaboration artistique drsquoAureacutelia Guillet avec Nathalie Beacutecue Theacuteo Chedeville Pierre-Alain

Chapuis Philippe Smith

Theacuteacirctre de la Tempecircte cartoucherie de Vincennes teacutel 01 43 28 36 36 jusqursquoau 15 avril

(Dureacutee 1 h 15)

Photo Antonia Bozzi

THEATRE AU VENT Just another Bloglemondefr weblog

LA BOURRASQUE DE NATHALIE BECUE ndash MISE EN SCENE DE FELIX PRADER AU THEATRE DE

LA TEMPETE agrave la Cartoucherie de Vincennes ndash Route du champ de manoeuvre 75012 PARIS

ndash du 16 Mars au 15 Avril 2018 ndash Salle Copi bull Dureacutee 1h40 ndash du mardi au samedi agrave 20h30 le

dimanche agrave 16h30 ndash

Publieacute le 29 mars 2018 par theatreauvent

Il lui fallait un texte agrave sa hauteur un texte qui lrsquohabite Nathalie BECUE Elle lrsquoa trouveacute en

infusant lrsquoœuvre du poegravete et dramaturge irlandais John Millington SYNGE (1871-1909) Un

conte a inspireacute sa piegravece raquo Bourrasque raquo laquo In shadow of the glen raquo lrsquoombre de la valleacutee

Elle met en scegravene une espegravece de culs-terreux une femme et son mari un berger qui vivent

dans un trou perdu

Lorsque la piegravece commence la femme vient de deacutecouvrir son eacutepoux mort sur sa chaise Elle

a du mal agrave reacutealiser lrsquoeacuteveacutenement elle continue agrave lui parler et puis rapidement reprend son

esprit La mort en Irlande encore dans les campagnes donne lieu agrave des festiviteacutes qui

deacutebutent par la veilleacutee funegravebre et dure plusieurs jours

Au moment ougrave elle se dit qursquoelle doit preacutevenir le village et surtout la sœur du mort survient

en pleine bourrasque un eacutetranger qui lui demande lrsquoasile pour la nuit Elle accepte puis laisse

lrsquoeacutetranger seul avec le mort Ce dernier se reacuteveillehellip

Lrsquoaspect fantastique de lrsquohistoire est parfaitement inteacuterioriseacute dans la piegravece Il intervient

comme une petite lumiegravere une sorte drsquoeacutelectrochoc des consciences mais il colle tout agrave fait agrave

la reacutealiteacute rude des personnages

Chez laquo Ces gens-lagrave raquo comme dans la chanson de Jacques BREL on ne se parle pas on se cuite

au whisky Crsquoest normal Madame BURKE recircve drsquoune autre vie elle nrsquoa peur de rien mais tout

de mecircmehellip

Il faut la faire deacutecoller du sol cette colegravere inteacuterieure ce deacutesespoir qui habitent les

personnages qui semblent happeacutes par le vide de leur existence

Madame BURKE est ameneacutee agrave brailler pour srsquoentendre et Monsieur BURKE agrave sortir de ses

gonds pour la faire taire Lrsquoeacutetranger poegravete sans ressources finit par offrir sa petite bulle

drsquoair agrave la femme affameacutee de liberteacute Un autre personnage un berger incompeacutetent prend

conscience que sa solitude lui pegravese et accepte lrsquoaide de Monsieur BURKE

Si lrsquoissue est positive elle aura tout de mecircme demandeacute lrsquoapport drsquoune belle bourrasque pour

faire sortir de leur terrier le couple de paysans

Elle semble jaillir de la terre mecircme la langue de Nathalie BECUE sensuelle et poeacutetique

parfois mecircme explosive

La bourrasque eacutetait deacutejagrave dans les cœurs nous suggegravere lrsquoauteure elle transfigure les

interpregravetes qui incarnent de pauvres bougres les pieds sur terre et agrave lrsquoouest dans ce

spectacle mis en scegravene sans artifice par Feacutelix PRADER et pourtant jubilatoire

Paris le 29 Mars 2018

Evelyne Tracircn

Bourrasquehellip Juste ce quil faut deacutetrangeteacute pour que le reacutealisme soit porteacute aux franges du fantastique Bourrasque Theacuteacirctre de la Tempecircte Paris

Dans Bourrasques inspireacutee par lœuvre de John Millington Synge Nathalie Beacutecue emporte le spectateur dans un tourbillon de theacuteacirctre Un theacuteacirctre mucirc par une langue concregravete drue simple manieacutee par des vagabonds des mots des enjocircleurs des charmeurs beaux parleurs qui magnifient cette terre d Irlande herbeuse et moutonneuse et tourbeuse cette terre de lOuest ces icircles dAran les bien nommeacutees

copy Antonia Bozzi

Battues par les vents peupleacutees dhommes taiseux cogneux buveux de femmes entiegraveres et acircpres et dures agrave la tacircche Cette terre dIrlande qui rend recircves et cauchemars et mots et sorts et enchantements Le spectacle de Nathalie Beacutecue sappuie sur une farce tregraves ancienne celle du mari qui feint la mort pour mieux confondre son eacutepouse et son amant La comeacutedie le drame se croisent Du trivial le plus cru au lyrique le plus naturel Feacuteroce et drocircle Assureacutement le rire de Synge est tragique mais il est sain Il est celui des fabliaux Mais ces habitants ne sont pas traiteacutes comme des ploucs mais comme des poegravetes qui savent extraire des petits faits de leurs superstitions de leurs peurs de leurs malheurs des reacutecits beaux comme la laine Des reacutecits qui exaltent tout autant que le Whiskey

copy Antonia Bozzi

Les personnages sont eacutemus par deacutetranges sympathies archaiumlques Leur humeur change au greacute des coups de vents et leur simpliciteacute de caractegravere bascule dans une franche gaiteacute ou une brusque deacutepression Cest que leur isolement des frousses leacutegendaires les font appartenir agrave un monde de recircves et de forces qui les deacutepassent La langue est simple Cest la langue du conteur Juste ce quil faut deacutetrangeteacute pour que le reacutealisme soit porteacute aux franges du fantastique Les dialogues sont croiseacutes la syntaxe subit des torsions les choses sont nommeacutees simplement Le grain de la voix le rythme du souffle leacutelan du jeu humanise les ecirctres amplifie les mots agrave la dimension du recircve et de leacutemerveillement Ce spectacle est une eacutechappeacutee belle Avec laide de ses comeacutediens leur verve et le beau travail sur le texte de Nathalie Beacutecue le spectateur retrouve le secret dune poeacutesie objective agrave base dhumour franc que le theacuteacirctre actuel a trop souvent abandonneacute Bourrasque

copy Antonia Bozzi

Variation sur LOmbre de la valleacutee de John Millington Synge Texte Nathalie Beacutecue Mise en scegravene Feacutelix Prader Avec Nathalie Beacutecue Theacuteo Chedeville Pierre-Alain Chapuis Philippe Smith Sceacutenographie et costumes Ceacutecilia Galli Creacuteation sonore Estelle Lembert Collaboration artistique Aureacutelia Guillet Lumiegraveres Thibault Gaigneux Direction des combats Franccedilois Rostain Dureacutee 1 h 30 Production En Votre Compagnie Du 16 mars au 15 avril 2018 Du mardi au samedi agrave 20 h 30 dimanche agrave 16 h 30 Theacuteacirctre de la Tempecircte Salle Copi La Cartoucherie Paris 12e 01 43 28 36 36

Jean Grapin Lundi 26 Mars 2018

Drame naturaliste de Nathalie Beacutecue dapregraves

une oeuvre de John Millington Synge mise en scegravene de Feacutelix Prader

avec Nathalie Beacutecue Theacuteo Chedeville Pierre-Alain Chapuis et Philippe

Smith

La comeacutedienne Nathalie Beacutecue a deacutejagrave montreacutee son appeacutetence pour la

parole des taiseux du temps jadis avec un monologue dramatique

Lapprentie sage-femme issu du roman dun auteur contemporain ameacutericain

Karen Cushman se deacuteroulant dans lAngleterre meacutedieacutevale

Avec Bourrasque elle propose une adaptation libre quelle qualifie de

variation dune piegravece de John Millington Synge dramaturge irlandais du

19egraveme siegravecle engageacute dans le mouvement du Celtic Reviva l qui ressort agrave la

theacutematique de lacircme simple agrave laquelle ne sont eacutetrangers ni lapproche

poeacutetique du monde ni le questionnement meacutetaphysique

Par une nuit dorage un eacutecrivain meacutemorialiste baroudeur et collecteur

dhistoires (Philippe Smith) qui bat la campagne irlandaise trouve refuge dans

une ferme isoleacutee du comteacute de Wicklow

La dame de la maison (Nathalie Beacutecue) est sous le coup de leacutemotion de

la mort soudaine - et simuleacutee - de son mari (Pierre-Alain Chapuis) car

destineacutee agrave eacutetablir linfideacuteliteacute commise avec un jeune berger (Theacuteo

Cheacutedeville) et ce subterfuge va bouleverser leur destin

Sobrement mis en scegravene par Feacutelix Prader dans une sceacutenographie

intemporelle de Ceacutecilia Galli ce drame naturaliste agrave connotation de reacutealisme

magique agrave lirlandaise entre brume et tourbe composeacute essentiellement de la

juxtaposition quatre reacutecits hybridant soliloque et de biodrame beacuteneacuteficie dune

interpreacutetation remarquable qui navigue du registre du patheacutetique avec pour

chantre Nathalie Beacutecue et celui du burlesque dont Pierre-Alain

Chapuis savegravere en lespegravece le champion qui twiste la partition en eacutevitant

leacutecueil lacrymal

MM

BOURRASQUE Theacuteacirctre de la Tempecircte

Cartoucherie

Route du Champ-de-Manœuvre

75012 Paris

Tel 01 43 28 36 36

Jusqursquoau 15 avril 2018

du mardi au samedi 20h30

Dimanche 16h30

On connaissait de JM Synge laquo Le baladin du monde occidental raquo bien sucircr et laquo

Deirdre des douleurs raquo Voici qursquoon nous exhume une piegravece bien moins connue laquo

Lrsquoombre de la valleacutee raquo Elle fut eacutecrite par Synge apregraves un seacutejour aux icircles drsquoAran Ici

elle sert de base agrave cette variation signeacutee en fait Nathalie Beacutecue

Nous sommes au deacutebut du siegravecle dans un coin reculeacute drsquoIrlande une femme Alice

Burke veille son mari qui vient de mourir et qui deacutetail important lui a bien demandeacute

de ne pas le toucher Il laisse ce soin agrave sa soeur La femme reccediloit alors la visite drsquoun

voyageur preacutenommeacute John (Synge lui-mecircme) Comme elle srsquoeacuteclipse Daniel le mari

reacutevegravele qursquoil nrsquoest pas mort Choc Et ce nrsquoest pas fini

Si Synge avait axeacute sa piegravece sur cette tradition irlandaire (contrefaire le mort) et ses

conseacutequences tragi-comiques on voit bien que ce nrsquoest pas ce qui a inteacuteresseacute

Nathalie Beacutecue Elle a vu lagrave lrsquooccasion de deacutevelopper des personnages inventer

comme elle dit laquo un parler agrave ces taiseux et agrave y glisser toute la tendresse toutes les

violences qui les habitent raquo

Dans deacutecor sobre et agrave lrsquoaide de quelques eacuteleacutements laquo parlants raquo nous avons donc

droit agrave des variations sur le couple la solitude la vie des paysans-eacuteleveurs de

moutons leurs soucis et surtout lrsquoalieacutenation de lrsquoeacutepouse

Le problegraveme est qursquoil y a quelques longueurs agrave cocircteacute de fulgurances et de trouvailles

laquo Comme on vit on meurt mecircme visage raquo ou bien lanceacute par la femme laquo Mariez-

vous vous trimerez raquo la piegravece est statique

Elle est heureusement brillamment joueacutee par Pierre-Alain Chapuis (Daniel Burke)

avec sa rudesse et ses emportements ou Philippe Smith dans le rocircle de John Theacuteo

Chedeville a la fougue de la jeunesse mais on retiendra surtout lrsquoauteur-interpregravete

Nathalie Beacutecue elle est eacutemouvante et forte dans ce rocircle de femme en reacutevolte et qui

nrsquoa au bout du compte que le choix entre trois destins incarneacutes par trois hommes

Geacuterard Noeumll

Bourrasque

de Nathalie Beacutecue

Mise en scegravene Feacutelix Prader

Avec Nathalie Beacutecue Pierre-Alain Chapuis Theacuteo Chedeville Philippe Smith

Sceacutenographie et costumes Ceacutecilia Galli

Son Estelle Lembert

Collaboration artistique Aureacutelia Guillet

Direction des combats Franccedilois Rostain

Nathalie Beacutecue Antonia Bozzi

Bourrasque agrave la Tempecircte Un moment tempeacutetueux et plein drsquoeacutemotion Cest un voyage que nous propose actuellement le theacuteacirctre de La Tempecircte Une immersion absolue dans un foyer irlandais un soir ougrave une terrible bourrasque a deacutecideacute de tout emporter sur son passage En effet Nathalie Beacutecue agrave leacutecriture et Felix Prader agrave la mise en scegravene nous emportent dans leur univers celui de la farce mais aussi celui du reacuteel Un spectacle vibrant entre violence tendresse et reacuteflexion La nuit tombe sur cette chaumiegravere et sur la vie dAlice Burke Daniel Burke est mort Le deacutesarroi la colegravere la deacutetresse transpirent chez cette femme qui entame une premiegravere nuit de deuil Puis vient la bourrasque vient cet eacutetranger qui arpente les routes vient ce berger de la ferme voisine Cette soireacutee est une soireacutee eacutesoteacuterique Tout semble hors du temps Ce soir pour chacun des protagonistes cest un nouveau deacutepart une remise agrave zeacutero des compteurs Une renaissance Un envol Alice Burke na pas peur Sur scegravene ils sont quatre Quatre comeacutediens de talent qui eacutepousent agrave la perfection les personnages quils incarnent Justes profonds et surtout attachants Nathalie Beacutecue Pierre-Alain Chapuis Theacuteo Chedeville et Philippe Smith sont vrais On sourit aux blagues de ce conteur on souffre avec cette femme tortureacutee on aime avec ce berger on est trahi avec Daniel Burke Le texte est fort il ne laisse pas insensible et pose les questions et les remises en question que tout un chacun est ameneacute agrave se poser au cours de son existence La mise en scegravene quant agrave elle ne nous impose rien Chacun est libre dajouter sa part dimagination et dhypothegravese agrave cette chaumiegravere isoleacutee dans les montagnes irlandaises La fin de cette bourrasque dans les airs et dans les cœurs est lapogeacutee de tout un cheminement dune reacuteflexion celle que propose ici Nathalie Beacutecue dapregraves les arguments de leacutecrivain J-M Synge Un spectacle vrai et sans artifice agrave deacutecouvrir

Zoom par Reacutegis DARO Paru le 30032018

-

BOURR

Spectatif

ASQUE au Theacuteacirctre de La Tempecircte 17 Mars 2018

Comment savoir si Daniel Burke est mort ou pas Srsquoil ne srsquoagit que de son fantocircme qui vient surprendre son eacutepouse Alice Burke ou si Daniel Burke feint sa reacutesurrection pour fendre ses secrets et laisser eacutechapper un peu de lui-mecircme dans ses derniers instants juste avant de tenter de fondre ses pas dans ceux de celle qui veut partir fatigueacutee du passeacute et enjoueacutee devant un avenir qursquoelle voudrait se construire meilleur et sien Deacuteroulera-t-elle ses recircves sous ses pas Troublante et mysteacuterieuse aventure que cette soireacutee de bourrasque ougrave une veilleacutee mortuaire devient une veilleacutee de palabres de reacutecits et drsquoespoirs Entre reacuteel et irreacuteel lrsquoimaginaire srsquoempare de nous nous faisant flotter sur le flux des mots dits et plonger par moments parmi les maux dits de ce couple de paysans dont on ne sait srsquoils srsquoaiment ou se haiumlssent si seulement lrsquoamour est entreacute dans leur bacirctisse ou si ce mot nrsquoexiste pas pour eux Ce spectacle baigneacute de poeacutesie reacutealiste crue et deacutepouilleacutee est une magnifique eacutecriture de Nathalie Beacutecue qursquoelle nomme Variation sur LrsquoOmbre de la valleacutee de John Millington Synge On comprend que ce grand dramaturge irlandais de la fin du 19egraveme siegravecle inspira Beckett et subjugua Artaud entre autres Tant ses peintures dramatiques de la paysannerie irlandaise de ses us et coutumes sont autant de sources pour des personnages en marge ou des situations fantastiques Le parcours de Alice Burke est captivant Ce qursquoelle raconte ce qursquoelle dit et ce qursquoelle devient Paysanne infidegravele ou eacutepouse adulteacuterine sublimeacutee dans le mal par son mari cet homme meurtri et malheureux elle deacutecouvre peu agrave peu drsquoautres horizons pour vivre

John le vagabond recueilli ce soir de bourrasque sorte drsquoaegravede qui parcoure les villages et se nourrit des morceaux de vie des autres notant ses observations se payant drsquoaumocircnes apportera agrave Alice les lumiegraveres du deacutesir drsquoailleurs Michaeumll Dara le jeune berger du voisinage venu lui aussi pour se proteacuteger de la bourrasque semble porter avec lui les plaisirs et les espeacuterances attendus inavoueacutes ou peut-ecirctre assouvis par Alice Daniel Burke le mari mort ou vivant fantocircme de lui-mecircme erre vocifegravere eacuteructe ses souffrances cacheacutees derriegravere sa violence qui le blesse autant qursquoil voudrait blesser nous montrant un paysan qui nrsquoa connu que sa famille enfant ou adulte pour tout environnement humain Joue-t-il avec la mort qui revient pour hanter la veilleacutee ou est-il lrsquoecirctre hirsute perdu agrave jamais dans ses illusions et ses souffrances dans ses remords et ses souvenirs qui le rongent tant qursquoil se confond dans la mort comme dans la vie On ne sait pas on ne sait plus Nous sommes trop eacuteblouis pour bien voir qui il est nous sommes trop toucheacutes pour savoir ougrave nous sommes vraiment La mise en scegravene de Feacutelix Prader feutre le reacutecit le meacutelange aux jeux avec adresse et fluiditeacute Les mondes se juxtaposent on nrsquoa rien vu venir La distribution est brillante Theacuteo Chedeville et Philippe Smith sont justes et convaincants Natalie Beacutecue est lumineuse et eacutemouvante Pierre-Alain Chapuis comme drsquohabitude nous surprend Il deacutegage une puissance de jeu qui donne agrave son personnage tout le trouble et la cassure qui conviennent Il est splendide et touchant Un spectacle sublime et tregraves prenant agrave lrsquoeacutecriture eacutetonnante et captivante aux jeux drsquoun brio stupeacutefiant Un tregraves grand moment de theacuteacirctre A voir absolument Drsquoapregraves les œuvres de John Millington Synge Variation sur The shadow of the Glen Eacutecriture de Nathalie Beacutecue Mise en scegravene de Feacutelix Prader Sceacutenographie et costumes de Ceacutecilia Galli Son de Estelle Lembert Lumiegraveres de Thibault Gaigneux Collaboration artistique de Aureacutelia Guillet Direction des combats de Franccedilois Rostain

Avec Nathalie Beacutecue Pierre-Alain Chapuis Theacuteo Chedeville et Philippe Smith

Du mardi au samedi agrave 20h30 et le dimanche agrave 16h30

Cartoucherie route du Champ de Manoeuvre Paris 12egraveme

0143283636 wwwla-tempetefr

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Accueil SPECTACLES [Critique] laquo Bourrasque raquo par Feacutelix Prader Une bouffeacutee drsquoIrlande

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[Critique] laquo Bourrasque raquo par Feacutelix Prader Une bouffeacutee drsquoIrlande Morgane P 2018-03-28

Le Theacuteacirctre de la Tempecircte preacutesente Bourrasque une piegravece de theacuteacirctre de Nathalie Beacutecue

mise en scegravene par Feacutelix Prader Une incursion meacutelancolique et amegravere en terre irlandaise

Lrsquoavis de Bulles de Culture qui eacutetait agrave la premiegravere de la piegravece

Synopsis

Alice Burke (Nathalie Beacutecue) veille son mari Dan Burke (Pierre-Alain Chapuis) qui vient de

mourir quand survient un vagabond (Philippe Smith) qui demande asile pour la nuit Il faut

preacutevenir Michael Dara (Theacuteo Chedeville) jeune berger des alentours afin qursquoil aille annoncer

la nouvelle en ville Mais voilagrave que le mort se redresse et qursquoil a encore des choses agrave direhellip

Bourrasque Une belle reacuteeacutecriture drsquoapregraves John Millington Synge

copy Antonia Bozzi

Crsquoest la piegravece LrsquoOmbre de la valleacutee du dramaturge irlandais John Millington Synge qui est agrave

lrsquoorigine de Bourrasque De cette petite piegravece en un acte lrsquoauteure et comeacutedienne Nathalie

Beacutecue fait la colonne verteacutebrale du spectacle un drame noueacute autour de quatre

personnages dont lrsquoun mime sa mort pour prendre son eacutepouse en faute Reprenant agrave la

lettre le texte de lrsquoauteur irlandais Nathalie Beacutecue lrsquoeacutetoffe toutefois afin drsquoimaginer le

parcours personnel eacutemotionnel de chacun des quatre personnages Lrsquointeacutegration de son

eacutecriture agrave la piegravece de John Millington Synge est parfaite en ce qursquoelle deacutepeint le quotidien

meacutelancolique et maussade de ces Irlandais isoleacutes agrave lrsquoeacutecart du monde comme prisonniers de

la tourbe qui les entoure

Le phraseacute que Nathalie Beacutecue choisit pour Bourrasque est aussi une retranscription fidegravele du

style du dramaturge une langue agrave la fois racircpeuse et poeacutetique peacutetrie de la reacutealiteacute de ces

paysans Si John Millington Synge choisit lrsquoanglo-irlandais pour ses piegraveces Nathalie Beacutecue

imagine une syntaxe et un vocabulaire reacutealisant le mecircme eacutequilibre entre langue orale aux

tournures populaires et envoleacutees des meacutetaphores pour sonder les cœurs des quatre

laquo taiseux raquo

Un quatuor qui fonctionne agrave merveille

copy Antonia Bozzi

La patte de Nathalie Beacutecue ajoute une vraie personnaliteacute agrave la piegravece de John Millington

Synge agrave tel point que tous les personnages ont un relief propre qui les rend attachants sans

les caricaturer pour autant Elle excelle aussi dans lrsquoincarnation sur scegravene de cette femme

drsquoacircge mucircr eacutetouffeacutee par la solitude et lrsquoattente perpeacutetuelle qui constitue son quotidien Elle

tient ainsi toute la tension de Bourrasque de son deacutebut agrave sa fin et ce dans une diction

parfaite drsquoun bout agrave lrsquoautre malgreacute tout ce que la langue du personnage peut avoir de

bourbeux Quant aux trois hommes qui lrsquoentourent Bourrasque leur offre une personnaliteacute

plus profonde que la piegravece du dramaturge irlandais Exploitant les ellipses du texte original

Nathalie Beacutecue imagine que la meacutelancolie de Dan Burke trouve sa source dans la violence qui

lrsquoa entoureacute degraves son enfance Elle choisit aussi de faire davantage parler le jeune berger

amant de lrsquoheacuteroiumlne un peu naiumlf et pas tregraves malin Sa candeur en vient agrave faire sourire avec

tendresse

Mais lrsquoun des personnages qui prend le plus drsquoampleur dans la piegravece est sans conteste celui

du vagabond que Nathalie Beacutecue imagine comme une sorte de chercheur drsquohistoires voyant

ainsi en lui un vague double de John Millington Synge qui a fait de la tradition et des contes

des icircles drsquoAran lrsquoune de ses quecirctes Ce personnage renoue ainsi avec la tradition orale du

reacutecit il rappelle ces aegravedes de la socieacuteteacute grecque antique qui allaient de palais en palais

chanter les reacutecits de leur connaissance Toute la deacutelicatesse dont fait preuve Philippe

Smith dans ce rocircle est remarquable

Un huis clos haletant

I

copy

Antonia Bozzi

Bourrasque reacuteussit avec brio agrave maintenir une tension forte tout au long de la piegravece Crsquoest

drsquoabord la tension qursquoil y a autour de ce deuil rendu angoissant par la preacutesence du mort sur

scegravene Crsquoest ensuite une fois que le laquo mort raquo a reacuteveacuteleacute sa supercherie au vagabond la tension

que ressent le spectateur qui attend que Dan Burke nrsquointervienne Crsquoest enfin la tension du

conflit conjugal qui explose et renverse la situation initiale La mise en scegravene de Feacutelix

Prader repose sur la simpliciteacute deacutecor rudimentaire pas de grands effets Et cela met

parfaitement en valeur la dimension relationnelle du drame

Cette tension dramatique est encore accentueacutee par la tempecircte inteacuterieure que traversent les

personnages notamment les deux eacutepoux Le monologue drsquoAlice qui ouvre la piegravece et la

longue explication que son mari offre au vagabond montrent les deux faces drsquoun couple en

crise dans lequel chacun-e ne voit plus que sa propre souffrance Ce trouble inteacuterieur et

cette forte tension eacutemotionnelle sont bien sucircr souligneacutes par les circonstances

meacuteteacuteorologiques on traverse avec les personnages une sorte de tempecircte ougrave le vent souffle

avec violence Nrsquoest-ce finalement pas cette terrible bourrasque qui trouble les esprits de

chacun Rien nrsquoest moins sucircr

Reacuteunir les deux eacutepoux et lrsquoamant confondu crsquoest un topos theacuteacirctral Mais la preacutesence de cet

inconnu que Nathalie Beacutecue place comme un observateur particulier puisqursquoon imagine que

le drame auquel il assiste pourra enrichir encore son livret de reacutecits est une belle reacuteussite

Eacutecoutant les deux eacutepoux puis prenant finalement place dans le drame en exerccedilant le recul

dont lui seul dans la piegravece est capable change la porteacutee de la piegravece et enrichit

consideacuterablement le triangle amoureux

Bulles de Culture vous recommande en tout cas vivement cette incursion en terre irlandaise

En savoir plus

bull Bourrasque de Nathalie Beacutecue mise en scegravene par Feacutelix Prader est joueacute au Theacuteacirctre de la

Tempecircte du 16 mars au 15 avril 2018

bull Bourrasque sera joueacute en 2018 au Centre culturel de Vitreacute le 20 avril sur la Scegravene nationale

de Bar-le-Duc le 17 mai et au Theacuteacirctre Montansier de Versailles le 25 mai

bull Dureacutee du spectacle 1h40

Actualiteacute theacuteacirctrale

Jusqursquoau 15 avril au Theacuteacirctre de la Tempecircte

laquo Bourrasque raquo mercredi 21 mars 2018

Par un soir de tempecircte dans une chaumiegravere isoleacutee Alice Burke veille son mari le rude et taiseux Dan Burke qui vient de mourir Il lui a interdit de toucher son corps apregraves sa mort exigeant que ce soit sa sœur qui srsquooccupe de la toilette mortuaire Mais celle-ci habite loin Alice craint la nuit et la tempecircte dans ce lieu isoleacute et ne peut le laisser seul Elle attend Deux hommes vont se preacutesenter agrave sa porte un eacutetranger qui parcourt les rudes collines des alentours pour laquo cueillir raquo les histoires qursquoon veut bien lui confier et un jeune berger peu expeacuterimenteacute qui vit un peu plus loin Avec ces deux hommes deux avenirs pourraient se dessiner le second seraient bien inteacuteresseacute par la femme et surtout les biens dont elle va heacuteriter le premier lui ouvre une sortie de son isolement et de nouveaux espaces La bourrasque qui hurle au dehors gagne aussi lrsquointeacuterieur de la chaumiegravere et bouscule tous les esprits

Nathalie Beacutecue a eacuteteacute seacuteduite par lrsquounivers du poegravete et dramaturge irlandais John Millingtone Synge et en particulier par ce livre Les Icircles Aran ougrave il a raconteacute ses rencontres avec les icircliens et les leacutegendes qursquoils lui ont conteacutees Crsquoest de lrsquoun de ses contes Lrsquoombre de la valleacutee qursquoelle srsquoest inspireacutee pour eacutecrire Bourrasque Apregraves lrsquoavoir vue dans Lrsquoapprentie sage-femme qursquoelle avait joueacutee en 2012 on comprend la continuiteacute de son travail Ce qui lrsquointeacuteresse ce sont ces destins de femmes dans les deux cas des paysannes qui cherchent leur voie et prennent la vie agrave bras le corps Dans son texte Nathalie Beacutecue a su faire entendre la sauvagerie de la nature le vent la pluie et la vie rude de ceux qui y habitent Elle a su aussi traduire les penseacutees tourmenteacutees des quatre personnages attribuant agrave John lrsquohomme qui cueille les histoires la deacutemarche de Synge lui-mecircme dans les Icircles drsquoAran

Dans la mise en scegravene de Feacutelix Prader on reste enfermeacute dans la chaumiegravere avec le mort assis ou couvert drsquoun drap et lrsquoexteacuterieur nrsquoapparaicirct qursquoinquieacutetant avec le bruit amplifieacute du vent ou des coups agrave la porte Seuls les hommes qui arrivent apportent lrsquoimage drsquoun ailleurs possible pour cette femme qui srsquoest laisseacutee enfermer dans la solitude au point drsquoecirctre obligeacutee de parler aux arbres

Nathalie Beacutecue en robe paysanne et petit gilet de laine bleue avec de gros bas de laine incarne Alice qui parle de sa vie avec cet eacutepoux taiseux porteacute sur le whisky Elle caresse la couverture de poils de chegravevre tout en parlant Calme elle dit qursquoaucun vivant ne lui a jamais fait peur crsquoest drsquoautre chose qursquoelle a peur puis soudain la colegravere lrsquoemporte quand elle pense agrave lrsquoennui de sa vie laquo fosse agrave chagrin mareacutecage de tristesse raquo et se dit qursquoelle a peut-ecirctre fait le mauvais choix en se condamnant agrave laquo regarder les saisons passer raquo Philippe Smith est John celui qui ramasse les histoires vagabond ceacuteleste qui amuse Alice avec un tour de magie lui donne les nouvelles de la valleacutee et surtout lui parle drsquoun ailleurs Theacuteo Chedeville est Michaeumll Dara le marin devenu berger Pierre-Alain Chapuis est Dan Burke le mort qui survit Il est puissant violent ravageacute par sa colegravere contre tous sa femme son pegravere mais aussi contre lui-mecircme On le sent deacutevoreacute par lrsquoamertume laquo bouffeacute par la tristesse raquo comme le dit Alice mais peut-ecirctre capable de rebondir loin de sa femme

On se laisse emporter par le reacutecit On est dans ces icircles irlandaises battues par le vent et la pluie et on rejoint John quand il dit laquo Apregraves des veilleacutees solitaires je peux dire que les gens drsquoici ne sont pas insignifiants raquo

Micheline Rousselet

Du mardi au samedi agrave 20h30 le dimanche agrave 16h30

Theacuteacirctre de La Tempecircte

Cartoucherie

Route du Champ-de-Manoeuvre 75012 Paris

Reacuteservations (partenariat Reacuteducrsquosnes tarifs reacuteduits aux syndiqueacutes Snes mais sur reacuteservation impeacuterative) 01 43 28 36 36

T H Eacute Acirc T R E

BOURRASQUE UN MAGNIFIQUE OBJET POEacuteTIQUE

ET INSPIREacute DANS LE MONDE AcircPRE ET SANS

CONCESSION DES TERRES DrsquoIRLANDE 19 MARS 2018

Reacutedigeacute par Sarah Franck

laquo Le cœur casseacute ccedila donne la vie grise raquo Quand la brume et le vent soufflent sur un monde sans avenir confit dans lrsquoeacutecoulement uniforme des jours une porte parfois srsquoentrouvre pour que change le cours des choseshellip

Un homme est mort ce soir assis dans son fauteuil Sa femme une femme de rien ou de si peu de chose heacutesite Il lui a interdit de toucher son cadavre et a jeteacute sur elle une maleacutediction au cas ougrave elle enfreindrait lrsquoordre Seule sa sœur aura le droit de le preacuteparer pour son dernier voyage Mais comment faire quand la nuit a pris des couleurs de noir drsquoencre que les nueacutees srsquoamassent que le tonnerre gronde qursquoelle a une tregraves longue route et qursquoelle est seule Il nrsquoest pas bon drsquoabandonner un mort agrave lui-mecircmehellip Dans ce lieu perdu du bout du monde ougrave ne trouvent guegravere agrave subsister que les moutons ougrave lrsquoacircpreteacute de la vie a jeteacute sur les ecirctres son voile de dureteacute ougrave ne semblent possibles que la violence des comportements et lrsquohostiliteacute ougrave lrsquoalcool est la solution ultime quotidienne pour triompher des aleacuteas un groupe heacuteteacuteroclite va peu agrave peu se rassembler

(c) Antonia Bozzi

Une arche de Noeacute de largueacutes du monde

Parmi les personnages perdus dans ce milieu de nulle part arrive drsquoabord un vagabond un cueilleur de mots un raconteur drsquohistoires qui cherche un havre pour la nuit Il voudrait simplement reposer ses pieds fatigueacutes de cheminot avant de reprendre la route Il y a lrsquoancien marin devenu eacuteleveur que la mort du mari arrange car il en guigne les terres pour faire paicirctre ses troupeaux Il y a elle la femme deacutevoueacutee dont on ne sait de quoi est fait son attachement au deacutefunt ndash amour en deacutepit de lrsquoindiffeacuterence qursquoil lui porte ennui drsquoun mariage accepteacute pour la seacutecuriteacute qursquoil donne reacutesignation devant les vexations subies Et puis il y a ce mort qui srsquoavegraverera bien vivant au moment ougrave srsquoopegravere le partage des deacutepouilles et dont lrsquohistoire a la violence et linceste pour cortegravegehellip

Ce sont lagrave des perdus eacutegareacutes sans lrsquoavoir choisi prenant racine lagrave ougrave on les a planteacutes Massifs taiseux Vivent-ils Peut-ecirctre le cheminot qui erre agrave lrsquoaventure est-il le seul agrave savoir ougrave il va ce saltimbanque ce poegravete qui donne agrave voir un ailleurs agrave respirer lrsquoodeur du vent et les senteurs venues de contreacutees lointaines Peut-ecirctre ne sont-ils pas agrave leur place mais ont-ils une place Le preacutesent est leur futur leur avenir leur eacuteterniteacute Ils portent leur brume en eux cette compagne des sortilegraveges et des superstitions qui leur colle agrave la peau Ils ont cette eacutepaisseur de la matiegravere brute cette preacutesence obstineacutee de ceux qui ne savent qursquoecirctre

(c) Antonia Bozzi

Lrsquoespace de la parole

Dans ce huis clos deacutelimiteacute par une table dans un coin une banquette sur laquelle est assis immobile le mari et une commode il nrsquoy a pas drsquoeacutechappatoire Le lieu est agrave lrsquoimage de leur existence refermeacute sur lui-mecircme Alors il ne leur reste que la parole pour briser lrsquoenfermement Une parole difficile Les mots buttent dans leur gorge ils sortent contraints rentreacutes et de trop de retenue se heurtent et srsquoentrechoquent avec de brusques flambeacutees de violence se deacuteversent tels des crachats agrave la figure de lrsquoautre Crsquoest un trop-plein qui deacuteferle pour trouver le chemin de la conscience et qui les met en face drsquoeux-mecircmes et de leur reacutealiteacute Apregraves il nrsquoy aura plus de retour en arriegravere possible et chacun devra trouver lrsquoissue qui lui convient

Ils ont ce parler fruste mais imageacute des paysans laquo ccedila crsquoest sucircr raquo qui offre une transposition bretonne agrave lrsquoanglo-irlandais du texte original Un mecircme fondement celtique court dans ces deux reacutegions que rassemblent la culture et les paysages et ougrave souffle un vent laquo agrave reacuteveiller les disparus les esprits malins ou les feacutees tordues raquo Les noms de lieux aux consonances eacutetranges chantent une poeacutesie de lrsquoailleurs qursquoaccompagne celle du deacutesespoir de ces eacutecorcheacutes de la vie laquo Crsquoest comme ccedila le bout du chemin de ceux de sa sorte Les deacutevoreacutes drsquoangoisse les rongeacutes de tristesse raquo Les mots disent leur deacutetresse Leur barbe laquo on dirait deacutejagrave du poil de moisissure raquo Lrsquounivers laquo des milliards de milliards de masses solaires qui tournoient en spirale jusqursquoagrave ecirctre happeacutees aspireacutees au centre de lrsquoinconnu du trou noir [hellip] une eacutenorme densiteacute de creacuteation ou une absence de creacuteation Du trop-plein au vide raquo agrave lrsquoimage de leur vie qui laquo se deacuteficelle raquo se deacutecompose se deacutesintegravegrehellip

Entre Synge et Nathalie Beacutecue

De lrsquoOmbre de la valleacutee de John Millington Synge ndash compatriote de Joyce Yeats et Beckett et fervent deacutefenseur du renouveau de la culture irlandaise ndash Nathalie Beacutecue reprend la situation de ce mort laquo ressusciteacute raquo tout en modifiant les enjeux et la porteacutee de lrsquohistoire Elle fait du chemineau une incarnation du poegravete Elle reprend dans lrsquoesprit ce parler si particulier qui inverse lrsquoordre des mots pour placer dans une phrase lrsquoimportant devant On y retrouve le mecircme souci de rendre leurs lettres de noblesse agrave ceux qui sont sans-grade placeacutes agrave lrsquoeacutecart en marge mais portent en eux une veacuteriteacute immeacutemoriale qui les deacutepasse Ces hommes et ces femmes qui ne savent pas parler une laquo belle raquo langue au sens classique sont pleins habiteacutes possesseurs drsquoun treacutesor qursquoil nous est donneacute de reconnaicirctre Dans sa laquo variation raquo Nathalie

Beacutecue insuffle sa propre vision de cette laquo veacuteriteacute raquo populaire peupleacutee de croyances et de leacutegendes et met ses personnages en face de choix qui les font progresser et grandir

(c) Antonia Bozzi

Un magnifique travail drsquoacteur

Ce qui frappe enfin crsquoest lrsquointerpreacutetation laquo millimeacutetreacutee raquo des comeacutediens Car enfin crsquoest sur eux que repose ce spectacle ougrave il ne se passe rien ou presque durant deux heures Pas de quiproquo ni de comique de situation Pas de trageacutedie au-delagrave de lrsquoagressiviteacute et des altercations Ni trop ni trop peu mecircme si lrsquoon alterne chuchotements et cris Ils sont tout en retenues briseacutees quand les digues lacircchent en heacutesitations en mots esquisseacutes en gestes inaboutis ou semi-dissimuleacutes en mimiques fugaces Ils disent comme en srsquoexcusant heacutesitent agrave srsquoimposer reacutevegravelent les failles avec beaucoup de finesse La minutie avec laquelle la gestuelle campe les personnages donne au spectacle une justesse qursquoon voit rarement au theacuteacirctre

On srsquoeacutemeut drsquoentendre eacutevoquer les myriades drsquoeacutetoiles comme autant drsquoesprits des morts flottant autour de nous on partage la fatigue des marches de montagne plongeacutees dans une brume eacutepaisse et hostile la difficulteacute de ces laquo nuits noires agrave en appeler agrave la clarteacute des eacutetoiles raquo Et puis on rit car ils sont des hommes avec leurs petits travers leurs lacirccheteacutes et leurs peurs ces errants agrave la deacuterive qui srsquoeacutegarent avec magnificence et nous ressemblent tant Au-delagrave du texte et de sa beauteacute crsquoest agrave une merveilleuse leccedilon drsquohumaniteacute que nous convie ce spectacle

Bourrasque de Nathalie Beacutecue librement inspireacute de lrsquoOmbre du vent de John Millington Synge (eacuted franccedilaise Actes Sud)

Mise en scegravene Feacutelix Prader

Avec Nathalie Beacutecue Pierre-Alain Chapuis Theacuteo Chedeville Philippe Smith (le poegravete)

Theacuteacirctre de la Tempecircte Cartoucherie de Vincennes Route du Champ de Mars ndash 75012 Paris

Du 16 mars 2018 au 15 avril du mardi au samedi agrave 20h30 le dimanche agrave 17h30

Teacutel 01 43 28 36 36 Site wwwla-tempetefr

Bourrasque au Theacuteacirctre de La Tempecircte

Publieacute par Michel Jakubowicz le 26 mars 2018 Publieacute dans Tendance - Fashion

Theacuteacirctre de la Tempecircte Cartoucherie Rte du Champ-de-Manœuvre 75012 Paris

Repreacutesentations du 16 mars au 15 avril 2018

httpswwwla-tempetefr

BOURRASQUE

Variation sur lrsquoOmbre de la valleacutee de JM Synge

de Nathalie Beacutecue

mise en scegravene Feacutelix Prader

avec

Nathalie Beacutecue (Alice Burke)

Pierre-Alain Chapuis (Daniel Burke)

Theacuteo Chedeville (Michaeumll Dara)

Philippe Smith (John)

Nathalie Beacutecue auteure de Bourrasque avoue srsquoecirctre inspireacutee du poegravete et dramaturge John

Millington Synge Feacutelix Prader agrave partir du texte de Nathalie Beacutecue va srsquoefforcer de recreacuteer

lrsquoambiance eacutetrange chaotique effrayante qui sourd de ce texte Il va en quelque sorte donner

corps agrave une histoire ougrave semble rocircder une ambiance agrave la limite du fantastique et mettre en lumiegravere

les comportements presque forceneacutes brutaux impreacutevisibles des personnages qursquoun hasard

apparemment faceacutetieux (ou malfaisant) a reacuteunis dans une chaumiegravere perdue de la lande irlandaise

battue par la tempecircte Il faut dire que la piegravece se deacuteroule dans un contexte peu banal presque

terrifiant puisqursquoune femme seule soliloque en srsquoadressant agrave un cosmos aveugle et infini bourreacute

de trous noirs insondables et mortels La femme semble prendre agrave teacutemoin un homme immobile

ne bougeant pas drsquoun cil et dont la raideur semble vaguement indiquer qursquoil est peut-ecirctre passeacute

de vie agrave treacutepas ou qursquoil feint deacutelibeacutereacutement lrsquoindiffeacuterence absolue face aux propos tenus par la

femme Les choses pourraient en rester lagrave mais soudainement surgi du cœur de la tempecircte qui se

deacutechaicircne agrave lrsquoexteacuterieur un inconnu reacuteclame avec insistance malgreacute lrsquohostiliteacute de la femme agrave

srsquoabriter dans la chaumiegravere

A partir de lrsquointrusion de cet eacutetranger lrsquoaction va soudainement srsquoacceacuteleacuterer et le reacutecit srsquoorienter

sans deacutelai vers lrsquoabsurde le fantastique lrsquoinattendu Le reacutecit bascule apparemment vers

lrsquoirrationnel mais en terre irlandaise il semble agrave lrsquoeacutevidence que les apparences ne sont pas

forceacutement conformes agrave la reacutealiteacute et la suite du reacutecit de Nathalie Beacutecue srsquoinspirant de John

Millington Synge ne fera que rendre encore plus creacutedible cette impression

La mise en scegravene de Feacutelix Prader reconstitue avec une sorte de preacutecision presque surnaturelle

eacutetonnante cette campagne irlandaise drsquoougrave nrsquoimporte quels fantocircmes peuvent impuneacutement surgir

de la nuit Jusqursquoau bout drsquoune nuit interminable peupleacutee de terreurs sans noms cette assembleacutee

de personnages subira jusqursquoau bout un destin fait drsquoincertitude balanccedilant constamment entre

espoir et deacutesespeacuterance Lrsquointerpreacutetation est remarquable en particulier celle de Nathalie Beacutecue

incarnant avec beaucoup drsquoacircpreteacute de passion le rocircle drsquoAlice Burke Mais les trois autres

protagonistes masculins sont eacutegalement parfaits donnant agrave leurs personnages respectifs toute

lrsquoeacutepaisseur psychologique deacutesireacutee Un spectacle prenant qui reacutevegravele dans toute sa profondeur

lrsquoacircme irlandaise

Michel Jakubowicz

LE BRUITDUOFF TRIBUNE

LES SCENES ACTUELLES SANS TABOU NI TROMPETTES

CRITIQUE laquo Bourrasque raquo variation sur Lrsquoombre de la valleacutee de JM Synge de Nathalie Beacutecue mis en scegravene par Feacutelix Prader avec Nathalie Beacutecue Pierre-Alain Chapuis Theacuteo Chedeville et Philippe Smith Au Theacuteacirctre de la Tempecircte salle Copi jusqursquoau 15 avril du mardi au samedi agrave 20h30 dimanche agrave 16h30

Crsquoest lrsquoun des plus beaux textes de la saison Nathalie Beacutecue a adapteacute les peacutereacutegrinations de Synge avec amour infleacutechissant ses rugositeacutes irlandaises drsquoune ardeur feacutebrile

laquo Bourrasque raquo crsquoest la poeacutesie cosmique descendue sur lrsquoeacutepure drsquoun verbe aussi vieux que les icircles drsquoAran qui lrsquoabritent laquo Bourrasque raquo crsquoest la meacutetaphysique de la bergegravere Srsquoeacutelegraveve une litanie vibrante adresseacutee aux eacutetoiles pour cet laquo ougrave suis-je raquo qui preacutecegravede le laquo qui suis-je raquo pour le trou noir la masse la poussiegravere lrsquoengloutissement la disparition lrsquoinconnu la creacuteation sa densiteacute son absence le trop plein le videhellip Le vertige drsquoAlice Burke un soir de tempecircte est celui drsquoun cœur simple dans le langage du monde Lrsquoespace drsquoun entre-lumiegravere avant lrsquoextinction de la salle Nathalie Beacutecue ample vibrante ancreacutee et tendue vers des ciels invisibles livre une formidable deacutemonstration de sa maicirctrise de lrsquoabandon

Encore aux prises avec ce jaillissement drsquoecirctre brut et pur il nous faut quelques battements de cœur pour lrsquohabituer aux ombres de la scegravene peacuteneacutetrer le deuil terrestre drsquoAlice Burke et investir sa maison de pierre tandis que laquo perdu ailleurs raquo le vent se legraveve Les yeux pleins drsquoorage et la voix blanche elle embarque les acircmes qursquoelle a tendues vers elle laquo Je suis en colegravere tellement je suis triste raquo

Daniel Burke le fermier sans meacutetaphysique le fermier malheureux srsquoest figeacute lagrave dans une mort subite et inviolable et sa veuve saisie de solitude et figeacutee depuis cent ans voit sa laquo vie grise raquo deacutechireacutee par laquo la grande trouille raquo La trouille de quoi Car la mort toute proche incarneacutee dans la deacutepouille de son mari immobile ne lrsquoeffraye pas Crsquoest une femme des montagnes qui croit aux fantocircmes et qui ne les craint pas

Est-ce un fantocircme qui franchit son seuil dans lrsquoorage pour mettre son errance et son immense laquo dehors raquo dans lrsquoespace sans projet ougrave elle vit confineacutee John mucirc par le timbre envoucirctant de Philippe Smith est un porteur drsquohistoires venu reacutecolter quelques miettes au foyer de la derniegravere maison allumeacutee sur les chemins rocheux drsquoAran Quand Alice Burke laisse son hocircte dans cette eacutetrange veilleacutee et que Dan Burke se redresse bien vivant et saoul crsquoest toute une vie de spectateur qui vacille agrave son tour John pourra-t-il refuser drsquoecirctre acteur de cette histoire-lagrave

Pierre-Alain Chapuis est un Dan Burke massif en corps et en ecirctre plein de passeacute de rancœur et de lrsquoeacutepaisse rusticiteacute que les silences ont tanneacutee sur sa peau et sa voix Quatriegraveme entreacutee en scegravene la jeunesse vacillante de Theacuteo Chedeville precircte ses fougues agrave Michaeumll Dara le marin en quecircte de reacuteconciliation avec la terre qui cherche agrave ecirctre au sol et treacutepigne dans la valleacutee encore la tecircte agrave moitieacute immergeacutee des recircves drsquoavant les recircves enterreacutes de large et de houle La paix est-elle plus haut dans la montagne

La mise en scegravene de Feacutelix Prader attentive aux eacuteclats de verbe sublimeacutes par les voix de Beacutecue Chapuis Chedeville et Smith est un effacement une ombre pour que la poeacutesie eacuteclaire Il veut saisir le preacutesent et la preacutesence eacutenorme des protagonistes dans la suspension du temps du theacuteacirctre Sa scegravene se deacutepare du moindre artifice se fait couloir pour lrsquoeacutemotion de cette parole vitale qui balaye le silence effareacute du spectateur srsquooublie dans une pudeur parfaite Jrsquoentends encore la voix pleine et rocailleuse de Beacutecue la Burke souffler la bourrasque laquo Jrsquoai trop la trouille pour pas y aller raquo

Drsquoun eacutelan vital et poeacutetique elle engloutit le motif radical de la mort

Marguerite Dornier

DU 1603 AU 15042018 AU THEacuteAcircTRE DE LA TEMPEcircTE | DUREacuteE 1H40 |

Librement adapteacute de la piegravece en un acte de John M Synge laquo Lrsquoombre dans la Valleacutee raquo Bourrasque fait preuve drsquoune sagaciteacute deacuteroutante dans une ambiance drsquoinsulaires superstitieux Situation macabre regraveglements de comptes conjugaux reacutecits de voyages et art du vagabondagehellip lrsquoIrlande et son hors-champ drsquoimmensiteacute montagneuse et orageuse nous submergent alors que de grandes deacutecisions se prennent dans la petite chaumiegravere drsquoAlice Burke indigneacutee par la mort foudroyante de son mari Dan qursquoelle ne peut toucher sous peine drsquoecirctre maudite

De par la traduction drsquoun gaeacutelique transposeacute dans du franccedilais paysan aux consonances lyriques et lrsquointerpreacutetation de ce tregraves beau et talentueux quatuor de comeacutediens le folklore celte est tout agrave fait plausible voire palpable et propage son caractegravere sacreacute Bourrasque est un deacutelice drsquohumour peut ecirctre un tantinet pessimiste mais surtout pittoresque et poeacutetique

Eloiumlse Dandoy

jeudi 22 mars 2018

Bourrasque de Nathalie Beacutecue

Bourrasque est un de ces spectacles dont on mesure la chance quils existent Parce que Nathalie Beacutecue a fait un travail deacutecriture tregraves reacuteussi librement adapteacute de la piegravece LrsquoOmbre de la valleacutee en reprenant lrsquoargument tout en modifiant les enjeux et la porteacutee Elle place le spectateur au plus pregraves de latmosphegravere poeacutetique qui a impreacutegneacute lIrlande que John Millington Synge (1871-1909) nous a fait deacutecouvrir au XIXdeg siegravecle et qui est encore tregraves vivante gracircce agrave la moderniteacute de la mise en scegravene de Feacutelix Prader La distribution est habile avec Nathalie Beacutecue qui interpregravete Alice Burke et trois autres comeacutediens Pierre-Alain Chapuis (Daniel Burke) Theacuteo Chedeville (Michaeumll Dara) et Philippe Smith (John) tous diffeacuterents qui permettent dapporter des points de vue parfois deacuteroutants maintenant le spectateur quasiment en haleine comme sil eacutetait au coeur dun thriller Le caractegravere primitif de la vie sociale si particuliegravere des icircles drsquoAran en deviendrait presque normal dans un deacutecor rustique simple et familier

Par un soir de violente tempecircte que lon entendra rugir derriegravere la verriegravere Alice Burke veille son mari deacutefunt lrsquoacircpre et ombrageux fermier Dan Burke comme le veut la coutume dans cette contreacutee reculeacutee Silence dans la chaumiegravere isoleacutee quand agrave la porte frappe un inconnu nomade des collines cueilleur drsquohistoires (Synge) qui ravive dans lrsquoacircme dAlice la soif drsquoun ailleurs Un autre homme bouscule les certitudes dAlice Michaeumll Dara le marin devenu berger qui vit agrave quelques lieues et convoite agrave la fois les biens et la femmethinsp Et si soudain srsquoeacuteveillait le deacutefunt chahutant les vivants que ferait Alicethinsp

Le mort est sur scegravene muet cela va sans dire mais bien preacutesent tout de mecircme Sa femme lui rend hommage malgreacute les cahots qui ont chahuteacute sa vie Cest une femme simple qui a les pieds sur terre capable dun brin de fantaisie que lon remarque dans le point de tricot du gilet quelle porte sur une robe bleu marine Sans doute reacutealiseacute avec la laine de ses moutons Les paroles se bousculent au rythme des souvenirs et agrave la mesure des angoisses qui lassaillent comme des ressentiments quelle exprime toute seule La tempecircte qui agite son esprit est semblable agrave celle qui souffle au dehors Elle reconnait quelle ne sait plus ougrave elle en est et sassoit pregraves de celui qui fut son homme Chaque mort serait une eacutetoile qui scintille dans le ciel Au-delagrave de cette jolie image Alice est confronteacutee agrave labsence de deux beaux enfants partis aux Ameacuteriques et aujourdrsquohui un mari qui part et agrave qui elle parle comme sil eacutetait vivant et comme elle ne lui a sans doute jamais parleacute parce que jusque-lagrave elle nosait pas Tout bascule ccedila vrille comment crsquoest possible possible je suis en colegravere

Elle refuse puis accueille la reacutealiteacute et lhomme eacutetranger qui explique sa fonction je cueille des mots Et qui fait davantage en analysant les eacutevegravenements Cest lui qui le premier a un doute Il est mort votre copain On dirait qursquoil fait le mort Si effectivement la mort neacutetait quune ruse pour permettre de deacutebusquer la veacuteriteacute vraie agrave linstar dOrgon cacheacute sous la nappe pour confondre Tartuffe

La langue choisie par Nathalie Beacutecue est preacutecise poeacutetique et feacuteroce Si je deacutesentortille votre charabia Jrsquoai trop la trouille pour pas y aller avant de se deacutecider agrave deacuterouler ses recircves sous ses pas

Faisons-nous aussi le pas pour ne pas louper ce petit bijou qui se joue au theacuteacirctre de la Tempecircte jusquau 15 avril 2018

Bourrasque de Nathalie Beacutecue Mise en scegravene Feacutelix Prader Avec Nathalie Beacutecue (Alice Burke) Pierre-Alain Chapuis (Daniel Burke) Theacuteo Chedeville (Michaeumll Dara) Philippe Smith (John) Sceacutenographie et costumes Ceacutecilia Galli Creacuteation sonore Estelle Lembert Direction des combats Franccedilois Rostain Du 16 mars au 15 avril 2018 Du mardi au samedi 20 h 30 dimanche 16 h 30 Les photos qui ne sont pas logotypeacutees A bride abattue sont de Antonia Bozzi Publieacute par marie-claire agrave 2335 Envoyer par e-mailBlogThisPartager sur TwitterPartager sur FacebookPartager sur Pinterest Libelleacutes coup de coeur spectacle theacuteacirctre

critiquetheatreclaucom

17 Mars 2018

ABOZZI

Bourrasque jusqursquoau 1504 th de La tempecircte

Mouvance de la destineacutee

De Nathalie Beacutecue inspireacute de lrsquoœuvre de John Millington Synge dramaturge irlandais 1871- 1909Mise en scegravene Feacutelix Prader

Au premier instant nous nous sommes happeacutes par un merveilleux poegraveme invoquant le chagrin des ecirctres perdus la solitude la deacutetresse la tristesse les regrets

laquo Pourquoi jrsquoai reccedilu cette vie Au lieu drsquoattraper lrsquoair transparent dans le bleu du cielhelliphellip Rester lagrave agrave attendre la Balayure du soir raquo

Une atmosphegravere de conte de poeacutesie et de mystegravere nous enveloppe

Un jour de grande tempecircte au plus profond de la campagne irlandaise nous peacuteneacutetrons dans une sobre demeure Il va se deacuterouler sous nos yeux pleins drsquoeacutetonnement un conte tragi-comique

Les personnages sont hauts en couleur

Un paysan Daniel Burke rustre et srsquoabreuvant de whisky pour oublier sa peur et la tristesse de la vie simule sa mort pour espionner sa femme

Alice soumise agrave sa condition se questionne sur sa vie passeacutee et agrave venir Tout en veillant son deacutefunt mari

John marcheur solitaire poegravete eacutecrivain et avide de liberteacute eacutecoutant et observant le monde arrive agrave lrsquoimproviste dans cette demeure

Michaeumll ancien marin devenu berger est un eacutetranger dans cette campagne isoleacutee Il va convoiter Alice pour srsquointeacutegrer dans ce monde hostile

Tous ses personnages vont se reacuteveacuteler nous raconter leur histoire parfois tragique parfois cocasse

Que veulent-ils devenir Prendront-ils leur destineacutee en main

Nous deacutecouvrons le sens de la fecircte les rites et coutumes funeacuteraires de la campagne irlandaise Nous ressentons lrsquoisolement de ses contreacutees la vie rude et solitaire de ses habitants ainsi que le climat rigoureux et froid

Crsquoest agrave la fois violent et tendre eacutemouvant et burlesque

Les comeacutediens nous eacutemeuvent et nous transpercent le cœur

Avec Alice Nathalie Beacutecue nous bouleverse

Daniel Pierre-Alain Chapuis bourru et tendre nous attendri

John Philippe Smith eacuteleacutegant et serein nous seacuteduit

Sans oublier Theacuteo Chedeville touchant dans le rocircle du jeune berger Michaeumll

Page 8: BOURRASQUE - Théâtre Montansier · 2018. 5. 7. · composé Bourrasque, que Félix Prader met en scène avec igueu (1). Synge affimait u’au théâtre, « il faut du réel, il

THEATRE AU VENT Just another Bloglemondefr weblog

LA BOURRASQUE DE NATHALIE BECUE ndash MISE EN SCENE DE FELIX PRADER AU THEATRE DE

LA TEMPETE agrave la Cartoucherie de Vincennes ndash Route du champ de manoeuvre 75012 PARIS

ndash du 16 Mars au 15 Avril 2018 ndash Salle Copi bull Dureacutee 1h40 ndash du mardi au samedi agrave 20h30 le

dimanche agrave 16h30 ndash

Publieacute le 29 mars 2018 par theatreauvent

Il lui fallait un texte agrave sa hauteur un texte qui lrsquohabite Nathalie BECUE Elle lrsquoa trouveacute en

infusant lrsquoœuvre du poegravete et dramaturge irlandais John Millington SYNGE (1871-1909) Un

conte a inspireacute sa piegravece raquo Bourrasque raquo laquo In shadow of the glen raquo lrsquoombre de la valleacutee

Elle met en scegravene une espegravece de culs-terreux une femme et son mari un berger qui vivent

dans un trou perdu

Lorsque la piegravece commence la femme vient de deacutecouvrir son eacutepoux mort sur sa chaise Elle

a du mal agrave reacutealiser lrsquoeacuteveacutenement elle continue agrave lui parler et puis rapidement reprend son

esprit La mort en Irlande encore dans les campagnes donne lieu agrave des festiviteacutes qui

deacutebutent par la veilleacutee funegravebre et dure plusieurs jours

Au moment ougrave elle se dit qursquoelle doit preacutevenir le village et surtout la sœur du mort survient

en pleine bourrasque un eacutetranger qui lui demande lrsquoasile pour la nuit Elle accepte puis laisse

lrsquoeacutetranger seul avec le mort Ce dernier se reacuteveillehellip

Lrsquoaspect fantastique de lrsquohistoire est parfaitement inteacuterioriseacute dans la piegravece Il intervient

comme une petite lumiegravere une sorte drsquoeacutelectrochoc des consciences mais il colle tout agrave fait agrave

la reacutealiteacute rude des personnages

Chez laquo Ces gens-lagrave raquo comme dans la chanson de Jacques BREL on ne se parle pas on se cuite

au whisky Crsquoest normal Madame BURKE recircve drsquoune autre vie elle nrsquoa peur de rien mais tout

de mecircmehellip

Il faut la faire deacutecoller du sol cette colegravere inteacuterieure ce deacutesespoir qui habitent les

personnages qui semblent happeacutes par le vide de leur existence

Madame BURKE est ameneacutee agrave brailler pour srsquoentendre et Monsieur BURKE agrave sortir de ses

gonds pour la faire taire Lrsquoeacutetranger poegravete sans ressources finit par offrir sa petite bulle

drsquoair agrave la femme affameacutee de liberteacute Un autre personnage un berger incompeacutetent prend

conscience que sa solitude lui pegravese et accepte lrsquoaide de Monsieur BURKE

Si lrsquoissue est positive elle aura tout de mecircme demandeacute lrsquoapport drsquoune belle bourrasque pour

faire sortir de leur terrier le couple de paysans

Elle semble jaillir de la terre mecircme la langue de Nathalie BECUE sensuelle et poeacutetique

parfois mecircme explosive

La bourrasque eacutetait deacutejagrave dans les cœurs nous suggegravere lrsquoauteure elle transfigure les

interpregravetes qui incarnent de pauvres bougres les pieds sur terre et agrave lrsquoouest dans ce

spectacle mis en scegravene sans artifice par Feacutelix PRADER et pourtant jubilatoire

Paris le 29 Mars 2018

Evelyne Tracircn

Bourrasquehellip Juste ce quil faut deacutetrangeteacute pour que le reacutealisme soit porteacute aux franges du fantastique Bourrasque Theacuteacirctre de la Tempecircte Paris

Dans Bourrasques inspireacutee par lœuvre de John Millington Synge Nathalie Beacutecue emporte le spectateur dans un tourbillon de theacuteacirctre Un theacuteacirctre mucirc par une langue concregravete drue simple manieacutee par des vagabonds des mots des enjocircleurs des charmeurs beaux parleurs qui magnifient cette terre d Irlande herbeuse et moutonneuse et tourbeuse cette terre de lOuest ces icircles dAran les bien nommeacutees

copy Antonia Bozzi

Battues par les vents peupleacutees dhommes taiseux cogneux buveux de femmes entiegraveres et acircpres et dures agrave la tacircche Cette terre dIrlande qui rend recircves et cauchemars et mots et sorts et enchantements Le spectacle de Nathalie Beacutecue sappuie sur une farce tregraves ancienne celle du mari qui feint la mort pour mieux confondre son eacutepouse et son amant La comeacutedie le drame se croisent Du trivial le plus cru au lyrique le plus naturel Feacuteroce et drocircle Assureacutement le rire de Synge est tragique mais il est sain Il est celui des fabliaux Mais ces habitants ne sont pas traiteacutes comme des ploucs mais comme des poegravetes qui savent extraire des petits faits de leurs superstitions de leurs peurs de leurs malheurs des reacutecits beaux comme la laine Des reacutecits qui exaltent tout autant que le Whiskey

copy Antonia Bozzi

Les personnages sont eacutemus par deacutetranges sympathies archaiumlques Leur humeur change au greacute des coups de vents et leur simpliciteacute de caractegravere bascule dans une franche gaiteacute ou une brusque deacutepression Cest que leur isolement des frousses leacutegendaires les font appartenir agrave un monde de recircves et de forces qui les deacutepassent La langue est simple Cest la langue du conteur Juste ce quil faut deacutetrangeteacute pour que le reacutealisme soit porteacute aux franges du fantastique Les dialogues sont croiseacutes la syntaxe subit des torsions les choses sont nommeacutees simplement Le grain de la voix le rythme du souffle leacutelan du jeu humanise les ecirctres amplifie les mots agrave la dimension du recircve et de leacutemerveillement Ce spectacle est une eacutechappeacutee belle Avec laide de ses comeacutediens leur verve et le beau travail sur le texte de Nathalie Beacutecue le spectateur retrouve le secret dune poeacutesie objective agrave base dhumour franc que le theacuteacirctre actuel a trop souvent abandonneacute Bourrasque

copy Antonia Bozzi

Variation sur LOmbre de la valleacutee de John Millington Synge Texte Nathalie Beacutecue Mise en scegravene Feacutelix Prader Avec Nathalie Beacutecue Theacuteo Chedeville Pierre-Alain Chapuis Philippe Smith Sceacutenographie et costumes Ceacutecilia Galli Creacuteation sonore Estelle Lembert Collaboration artistique Aureacutelia Guillet Lumiegraveres Thibault Gaigneux Direction des combats Franccedilois Rostain Dureacutee 1 h 30 Production En Votre Compagnie Du 16 mars au 15 avril 2018 Du mardi au samedi agrave 20 h 30 dimanche agrave 16 h 30 Theacuteacirctre de la Tempecircte Salle Copi La Cartoucherie Paris 12e 01 43 28 36 36

Jean Grapin Lundi 26 Mars 2018

Drame naturaliste de Nathalie Beacutecue dapregraves

une oeuvre de John Millington Synge mise en scegravene de Feacutelix Prader

avec Nathalie Beacutecue Theacuteo Chedeville Pierre-Alain Chapuis et Philippe

Smith

La comeacutedienne Nathalie Beacutecue a deacutejagrave montreacutee son appeacutetence pour la

parole des taiseux du temps jadis avec un monologue dramatique

Lapprentie sage-femme issu du roman dun auteur contemporain ameacutericain

Karen Cushman se deacuteroulant dans lAngleterre meacutedieacutevale

Avec Bourrasque elle propose une adaptation libre quelle qualifie de

variation dune piegravece de John Millington Synge dramaturge irlandais du

19egraveme siegravecle engageacute dans le mouvement du Celtic Reviva l qui ressort agrave la

theacutematique de lacircme simple agrave laquelle ne sont eacutetrangers ni lapproche

poeacutetique du monde ni le questionnement meacutetaphysique

Par une nuit dorage un eacutecrivain meacutemorialiste baroudeur et collecteur

dhistoires (Philippe Smith) qui bat la campagne irlandaise trouve refuge dans

une ferme isoleacutee du comteacute de Wicklow

La dame de la maison (Nathalie Beacutecue) est sous le coup de leacutemotion de

la mort soudaine - et simuleacutee - de son mari (Pierre-Alain Chapuis) car

destineacutee agrave eacutetablir linfideacuteliteacute commise avec un jeune berger (Theacuteo

Cheacutedeville) et ce subterfuge va bouleverser leur destin

Sobrement mis en scegravene par Feacutelix Prader dans une sceacutenographie

intemporelle de Ceacutecilia Galli ce drame naturaliste agrave connotation de reacutealisme

magique agrave lirlandaise entre brume et tourbe composeacute essentiellement de la

juxtaposition quatre reacutecits hybridant soliloque et de biodrame beacuteneacuteficie dune

interpreacutetation remarquable qui navigue du registre du patheacutetique avec pour

chantre Nathalie Beacutecue et celui du burlesque dont Pierre-Alain

Chapuis savegravere en lespegravece le champion qui twiste la partition en eacutevitant

leacutecueil lacrymal

MM

BOURRASQUE Theacuteacirctre de la Tempecircte

Cartoucherie

Route du Champ-de-Manœuvre

75012 Paris

Tel 01 43 28 36 36

Jusqursquoau 15 avril 2018

du mardi au samedi 20h30

Dimanche 16h30

On connaissait de JM Synge laquo Le baladin du monde occidental raquo bien sucircr et laquo

Deirdre des douleurs raquo Voici qursquoon nous exhume une piegravece bien moins connue laquo

Lrsquoombre de la valleacutee raquo Elle fut eacutecrite par Synge apregraves un seacutejour aux icircles drsquoAran Ici

elle sert de base agrave cette variation signeacutee en fait Nathalie Beacutecue

Nous sommes au deacutebut du siegravecle dans un coin reculeacute drsquoIrlande une femme Alice

Burke veille son mari qui vient de mourir et qui deacutetail important lui a bien demandeacute

de ne pas le toucher Il laisse ce soin agrave sa soeur La femme reccediloit alors la visite drsquoun

voyageur preacutenommeacute John (Synge lui-mecircme) Comme elle srsquoeacuteclipse Daniel le mari

reacutevegravele qursquoil nrsquoest pas mort Choc Et ce nrsquoest pas fini

Si Synge avait axeacute sa piegravece sur cette tradition irlandaire (contrefaire le mort) et ses

conseacutequences tragi-comiques on voit bien que ce nrsquoest pas ce qui a inteacuteresseacute

Nathalie Beacutecue Elle a vu lagrave lrsquooccasion de deacutevelopper des personnages inventer

comme elle dit laquo un parler agrave ces taiseux et agrave y glisser toute la tendresse toutes les

violences qui les habitent raquo

Dans deacutecor sobre et agrave lrsquoaide de quelques eacuteleacutements laquo parlants raquo nous avons donc

droit agrave des variations sur le couple la solitude la vie des paysans-eacuteleveurs de

moutons leurs soucis et surtout lrsquoalieacutenation de lrsquoeacutepouse

Le problegraveme est qursquoil y a quelques longueurs agrave cocircteacute de fulgurances et de trouvailles

laquo Comme on vit on meurt mecircme visage raquo ou bien lanceacute par la femme laquo Mariez-

vous vous trimerez raquo la piegravece est statique

Elle est heureusement brillamment joueacutee par Pierre-Alain Chapuis (Daniel Burke)

avec sa rudesse et ses emportements ou Philippe Smith dans le rocircle de John Theacuteo

Chedeville a la fougue de la jeunesse mais on retiendra surtout lrsquoauteur-interpregravete

Nathalie Beacutecue elle est eacutemouvante et forte dans ce rocircle de femme en reacutevolte et qui

nrsquoa au bout du compte que le choix entre trois destins incarneacutes par trois hommes

Geacuterard Noeumll

Bourrasque

de Nathalie Beacutecue

Mise en scegravene Feacutelix Prader

Avec Nathalie Beacutecue Pierre-Alain Chapuis Theacuteo Chedeville Philippe Smith

Sceacutenographie et costumes Ceacutecilia Galli

Son Estelle Lembert

Collaboration artistique Aureacutelia Guillet

Direction des combats Franccedilois Rostain

Nathalie Beacutecue Antonia Bozzi

Bourrasque agrave la Tempecircte Un moment tempeacutetueux et plein drsquoeacutemotion Cest un voyage que nous propose actuellement le theacuteacirctre de La Tempecircte Une immersion absolue dans un foyer irlandais un soir ougrave une terrible bourrasque a deacutecideacute de tout emporter sur son passage En effet Nathalie Beacutecue agrave leacutecriture et Felix Prader agrave la mise en scegravene nous emportent dans leur univers celui de la farce mais aussi celui du reacuteel Un spectacle vibrant entre violence tendresse et reacuteflexion La nuit tombe sur cette chaumiegravere et sur la vie dAlice Burke Daniel Burke est mort Le deacutesarroi la colegravere la deacutetresse transpirent chez cette femme qui entame une premiegravere nuit de deuil Puis vient la bourrasque vient cet eacutetranger qui arpente les routes vient ce berger de la ferme voisine Cette soireacutee est une soireacutee eacutesoteacuterique Tout semble hors du temps Ce soir pour chacun des protagonistes cest un nouveau deacutepart une remise agrave zeacutero des compteurs Une renaissance Un envol Alice Burke na pas peur Sur scegravene ils sont quatre Quatre comeacutediens de talent qui eacutepousent agrave la perfection les personnages quils incarnent Justes profonds et surtout attachants Nathalie Beacutecue Pierre-Alain Chapuis Theacuteo Chedeville et Philippe Smith sont vrais On sourit aux blagues de ce conteur on souffre avec cette femme tortureacutee on aime avec ce berger on est trahi avec Daniel Burke Le texte est fort il ne laisse pas insensible et pose les questions et les remises en question que tout un chacun est ameneacute agrave se poser au cours de son existence La mise en scegravene quant agrave elle ne nous impose rien Chacun est libre dajouter sa part dimagination et dhypothegravese agrave cette chaumiegravere isoleacutee dans les montagnes irlandaises La fin de cette bourrasque dans les airs et dans les cœurs est lapogeacutee de tout un cheminement dune reacuteflexion celle que propose ici Nathalie Beacutecue dapregraves les arguments de leacutecrivain J-M Synge Un spectacle vrai et sans artifice agrave deacutecouvrir

Zoom par Reacutegis DARO Paru le 30032018

-

BOURR

Spectatif

ASQUE au Theacuteacirctre de La Tempecircte 17 Mars 2018

Comment savoir si Daniel Burke est mort ou pas Srsquoil ne srsquoagit que de son fantocircme qui vient surprendre son eacutepouse Alice Burke ou si Daniel Burke feint sa reacutesurrection pour fendre ses secrets et laisser eacutechapper un peu de lui-mecircme dans ses derniers instants juste avant de tenter de fondre ses pas dans ceux de celle qui veut partir fatigueacutee du passeacute et enjoueacutee devant un avenir qursquoelle voudrait se construire meilleur et sien Deacuteroulera-t-elle ses recircves sous ses pas Troublante et mysteacuterieuse aventure que cette soireacutee de bourrasque ougrave une veilleacutee mortuaire devient une veilleacutee de palabres de reacutecits et drsquoespoirs Entre reacuteel et irreacuteel lrsquoimaginaire srsquoempare de nous nous faisant flotter sur le flux des mots dits et plonger par moments parmi les maux dits de ce couple de paysans dont on ne sait srsquoils srsquoaiment ou se haiumlssent si seulement lrsquoamour est entreacute dans leur bacirctisse ou si ce mot nrsquoexiste pas pour eux Ce spectacle baigneacute de poeacutesie reacutealiste crue et deacutepouilleacutee est une magnifique eacutecriture de Nathalie Beacutecue qursquoelle nomme Variation sur LrsquoOmbre de la valleacutee de John Millington Synge On comprend que ce grand dramaturge irlandais de la fin du 19egraveme siegravecle inspira Beckett et subjugua Artaud entre autres Tant ses peintures dramatiques de la paysannerie irlandaise de ses us et coutumes sont autant de sources pour des personnages en marge ou des situations fantastiques Le parcours de Alice Burke est captivant Ce qursquoelle raconte ce qursquoelle dit et ce qursquoelle devient Paysanne infidegravele ou eacutepouse adulteacuterine sublimeacutee dans le mal par son mari cet homme meurtri et malheureux elle deacutecouvre peu agrave peu drsquoautres horizons pour vivre

John le vagabond recueilli ce soir de bourrasque sorte drsquoaegravede qui parcoure les villages et se nourrit des morceaux de vie des autres notant ses observations se payant drsquoaumocircnes apportera agrave Alice les lumiegraveres du deacutesir drsquoailleurs Michaeumll Dara le jeune berger du voisinage venu lui aussi pour se proteacuteger de la bourrasque semble porter avec lui les plaisirs et les espeacuterances attendus inavoueacutes ou peut-ecirctre assouvis par Alice Daniel Burke le mari mort ou vivant fantocircme de lui-mecircme erre vocifegravere eacuteructe ses souffrances cacheacutees derriegravere sa violence qui le blesse autant qursquoil voudrait blesser nous montrant un paysan qui nrsquoa connu que sa famille enfant ou adulte pour tout environnement humain Joue-t-il avec la mort qui revient pour hanter la veilleacutee ou est-il lrsquoecirctre hirsute perdu agrave jamais dans ses illusions et ses souffrances dans ses remords et ses souvenirs qui le rongent tant qursquoil se confond dans la mort comme dans la vie On ne sait pas on ne sait plus Nous sommes trop eacuteblouis pour bien voir qui il est nous sommes trop toucheacutes pour savoir ougrave nous sommes vraiment La mise en scegravene de Feacutelix Prader feutre le reacutecit le meacutelange aux jeux avec adresse et fluiditeacute Les mondes se juxtaposent on nrsquoa rien vu venir La distribution est brillante Theacuteo Chedeville et Philippe Smith sont justes et convaincants Natalie Beacutecue est lumineuse et eacutemouvante Pierre-Alain Chapuis comme drsquohabitude nous surprend Il deacutegage une puissance de jeu qui donne agrave son personnage tout le trouble et la cassure qui conviennent Il est splendide et touchant Un spectacle sublime et tregraves prenant agrave lrsquoeacutecriture eacutetonnante et captivante aux jeux drsquoun brio stupeacutefiant Un tregraves grand moment de theacuteacirctre A voir absolument Drsquoapregraves les œuvres de John Millington Synge Variation sur The shadow of the Glen Eacutecriture de Nathalie Beacutecue Mise en scegravene de Feacutelix Prader Sceacutenographie et costumes de Ceacutecilia Galli Son de Estelle Lembert Lumiegraveres de Thibault Gaigneux Collaboration artistique de Aureacutelia Guillet Direction des combats de Franccedilois Rostain

Avec Nathalie Beacutecue Pierre-Alain Chapuis Theacuteo Chedeville et Philippe Smith

Du mardi au samedi agrave 20h30 et le dimanche agrave 16h30

Cartoucherie route du Champ de Manoeuvre Paris 12egraveme

0143283636 wwwla-tempetefr

- Photo copy Antonia Bozzi -

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Accueil SPECTACLES [Critique] laquo Bourrasque raquo par Feacutelix Prader Une bouffeacutee drsquoIrlande

copy Antonia Bozzi

[Critique] laquo Bourrasque raquo par Feacutelix Prader Une bouffeacutee drsquoIrlande Morgane P 2018-03-28

Le Theacuteacirctre de la Tempecircte preacutesente Bourrasque une piegravece de theacuteacirctre de Nathalie Beacutecue

mise en scegravene par Feacutelix Prader Une incursion meacutelancolique et amegravere en terre irlandaise

Lrsquoavis de Bulles de Culture qui eacutetait agrave la premiegravere de la piegravece

Synopsis

Alice Burke (Nathalie Beacutecue) veille son mari Dan Burke (Pierre-Alain Chapuis) qui vient de

mourir quand survient un vagabond (Philippe Smith) qui demande asile pour la nuit Il faut

preacutevenir Michael Dara (Theacuteo Chedeville) jeune berger des alentours afin qursquoil aille annoncer

la nouvelle en ville Mais voilagrave que le mort se redresse et qursquoil a encore des choses agrave direhellip

Bourrasque Une belle reacuteeacutecriture drsquoapregraves John Millington Synge

copy Antonia Bozzi

Crsquoest la piegravece LrsquoOmbre de la valleacutee du dramaturge irlandais John Millington Synge qui est agrave

lrsquoorigine de Bourrasque De cette petite piegravece en un acte lrsquoauteure et comeacutedienne Nathalie

Beacutecue fait la colonne verteacutebrale du spectacle un drame noueacute autour de quatre

personnages dont lrsquoun mime sa mort pour prendre son eacutepouse en faute Reprenant agrave la

lettre le texte de lrsquoauteur irlandais Nathalie Beacutecue lrsquoeacutetoffe toutefois afin drsquoimaginer le

parcours personnel eacutemotionnel de chacun des quatre personnages Lrsquointeacutegration de son

eacutecriture agrave la piegravece de John Millington Synge est parfaite en ce qursquoelle deacutepeint le quotidien

meacutelancolique et maussade de ces Irlandais isoleacutes agrave lrsquoeacutecart du monde comme prisonniers de

la tourbe qui les entoure

Le phraseacute que Nathalie Beacutecue choisit pour Bourrasque est aussi une retranscription fidegravele du

style du dramaturge une langue agrave la fois racircpeuse et poeacutetique peacutetrie de la reacutealiteacute de ces

paysans Si John Millington Synge choisit lrsquoanglo-irlandais pour ses piegraveces Nathalie Beacutecue

imagine une syntaxe et un vocabulaire reacutealisant le mecircme eacutequilibre entre langue orale aux

tournures populaires et envoleacutees des meacutetaphores pour sonder les cœurs des quatre

laquo taiseux raquo

Un quatuor qui fonctionne agrave merveille

copy Antonia Bozzi

La patte de Nathalie Beacutecue ajoute une vraie personnaliteacute agrave la piegravece de John Millington

Synge agrave tel point que tous les personnages ont un relief propre qui les rend attachants sans

les caricaturer pour autant Elle excelle aussi dans lrsquoincarnation sur scegravene de cette femme

drsquoacircge mucircr eacutetouffeacutee par la solitude et lrsquoattente perpeacutetuelle qui constitue son quotidien Elle

tient ainsi toute la tension de Bourrasque de son deacutebut agrave sa fin et ce dans une diction

parfaite drsquoun bout agrave lrsquoautre malgreacute tout ce que la langue du personnage peut avoir de

bourbeux Quant aux trois hommes qui lrsquoentourent Bourrasque leur offre une personnaliteacute

plus profonde que la piegravece du dramaturge irlandais Exploitant les ellipses du texte original

Nathalie Beacutecue imagine que la meacutelancolie de Dan Burke trouve sa source dans la violence qui

lrsquoa entoureacute degraves son enfance Elle choisit aussi de faire davantage parler le jeune berger

amant de lrsquoheacuteroiumlne un peu naiumlf et pas tregraves malin Sa candeur en vient agrave faire sourire avec

tendresse

Mais lrsquoun des personnages qui prend le plus drsquoampleur dans la piegravece est sans conteste celui

du vagabond que Nathalie Beacutecue imagine comme une sorte de chercheur drsquohistoires voyant

ainsi en lui un vague double de John Millington Synge qui a fait de la tradition et des contes

des icircles drsquoAran lrsquoune de ses quecirctes Ce personnage renoue ainsi avec la tradition orale du

reacutecit il rappelle ces aegravedes de la socieacuteteacute grecque antique qui allaient de palais en palais

chanter les reacutecits de leur connaissance Toute la deacutelicatesse dont fait preuve Philippe

Smith dans ce rocircle est remarquable

Un huis clos haletant

I

copy

Antonia Bozzi

Bourrasque reacuteussit avec brio agrave maintenir une tension forte tout au long de la piegravece Crsquoest

drsquoabord la tension qursquoil y a autour de ce deuil rendu angoissant par la preacutesence du mort sur

scegravene Crsquoest ensuite une fois que le laquo mort raquo a reacuteveacuteleacute sa supercherie au vagabond la tension

que ressent le spectateur qui attend que Dan Burke nrsquointervienne Crsquoest enfin la tension du

conflit conjugal qui explose et renverse la situation initiale La mise en scegravene de Feacutelix

Prader repose sur la simpliciteacute deacutecor rudimentaire pas de grands effets Et cela met

parfaitement en valeur la dimension relationnelle du drame

Cette tension dramatique est encore accentueacutee par la tempecircte inteacuterieure que traversent les

personnages notamment les deux eacutepoux Le monologue drsquoAlice qui ouvre la piegravece et la

longue explication que son mari offre au vagabond montrent les deux faces drsquoun couple en

crise dans lequel chacun-e ne voit plus que sa propre souffrance Ce trouble inteacuterieur et

cette forte tension eacutemotionnelle sont bien sucircr souligneacutes par les circonstances

meacuteteacuteorologiques on traverse avec les personnages une sorte de tempecircte ougrave le vent souffle

avec violence Nrsquoest-ce finalement pas cette terrible bourrasque qui trouble les esprits de

chacun Rien nrsquoest moins sucircr

Reacuteunir les deux eacutepoux et lrsquoamant confondu crsquoest un topos theacuteacirctral Mais la preacutesence de cet

inconnu que Nathalie Beacutecue place comme un observateur particulier puisqursquoon imagine que

le drame auquel il assiste pourra enrichir encore son livret de reacutecits est une belle reacuteussite

Eacutecoutant les deux eacutepoux puis prenant finalement place dans le drame en exerccedilant le recul

dont lui seul dans la piegravece est capable change la porteacutee de la piegravece et enrichit

consideacuterablement le triangle amoureux

Bulles de Culture vous recommande en tout cas vivement cette incursion en terre irlandaise

En savoir plus

bull Bourrasque de Nathalie Beacutecue mise en scegravene par Feacutelix Prader est joueacute au Theacuteacirctre de la

Tempecircte du 16 mars au 15 avril 2018

bull Bourrasque sera joueacute en 2018 au Centre culturel de Vitreacute le 20 avril sur la Scegravene nationale

de Bar-le-Duc le 17 mai et au Theacuteacirctre Montansier de Versailles le 25 mai

bull Dureacutee du spectacle 1h40

Actualiteacute theacuteacirctrale

Jusqursquoau 15 avril au Theacuteacirctre de la Tempecircte

laquo Bourrasque raquo mercredi 21 mars 2018

Par un soir de tempecircte dans une chaumiegravere isoleacutee Alice Burke veille son mari le rude et taiseux Dan Burke qui vient de mourir Il lui a interdit de toucher son corps apregraves sa mort exigeant que ce soit sa sœur qui srsquooccupe de la toilette mortuaire Mais celle-ci habite loin Alice craint la nuit et la tempecircte dans ce lieu isoleacute et ne peut le laisser seul Elle attend Deux hommes vont se preacutesenter agrave sa porte un eacutetranger qui parcourt les rudes collines des alentours pour laquo cueillir raquo les histoires qursquoon veut bien lui confier et un jeune berger peu expeacuterimenteacute qui vit un peu plus loin Avec ces deux hommes deux avenirs pourraient se dessiner le second seraient bien inteacuteresseacute par la femme et surtout les biens dont elle va heacuteriter le premier lui ouvre une sortie de son isolement et de nouveaux espaces La bourrasque qui hurle au dehors gagne aussi lrsquointeacuterieur de la chaumiegravere et bouscule tous les esprits

Nathalie Beacutecue a eacuteteacute seacuteduite par lrsquounivers du poegravete et dramaturge irlandais John Millingtone Synge et en particulier par ce livre Les Icircles Aran ougrave il a raconteacute ses rencontres avec les icircliens et les leacutegendes qursquoils lui ont conteacutees Crsquoest de lrsquoun de ses contes Lrsquoombre de la valleacutee qursquoelle srsquoest inspireacutee pour eacutecrire Bourrasque Apregraves lrsquoavoir vue dans Lrsquoapprentie sage-femme qursquoelle avait joueacutee en 2012 on comprend la continuiteacute de son travail Ce qui lrsquointeacuteresse ce sont ces destins de femmes dans les deux cas des paysannes qui cherchent leur voie et prennent la vie agrave bras le corps Dans son texte Nathalie Beacutecue a su faire entendre la sauvagerie de la nature le vent la pluie et la vie rude de ceux qui y habitent Elle a su aussi traduire les penseacutees tourmenteacutees des quatre personnages attribuant agrave John lrsquohomme qui cueille les histoires la deacutemarche de Synge lui-mecircme dans les Icircles drsquoAran

Dans la mise en scegravene de Feacutelix Prader on reste enfermeacute dans la chaumiegravere avec le mort assis ou couvert drsquoun drap et lrsquoexteacuterieur nrsquoapparaicirct qursquoinquieacutetant avec le bruit amplifieacute du vent ou des coups agrave la porte Seuls les hommes qui arrivent apportent lrsquoimage drsquoun ailleurs possible pour cette femme qui srsquoest laisseacutee enfermer dans la solitude au point drsquoecirctre obligeacutee de parler aux arbres

Nathalie Beacutecue en robe paysanne et petit gilet de laine bleue avec de gros bas de laine incarne Alice qui parle de sa vie avec cet eacutepoux taiseux porteacute sur le whisky Elle caresse la couverture de poils de chegravevre tout en parlant Calme elle dit qursquoaucun vivant ne lui a jamais fait peur crsquoest drsquoautre chose qursquoelle a peur puis soudain la colegravere lrsquoemporte quand elle pense agrave lrsquoennui de sa vie laquo fosse agrave chagrin mareacutecage de tristesse raquo et se dit qursquoelle a peut-ecirctre fait le mauvais choix en se condamnant agrave laquo regarder les saisons passer raquo Philippe Smith est John celui qui ramasse les histoires vagabond ceacuteleste qui amuse Alice avec un tour de magie lui donne les nouvelles de la valleacutee et surtout lui parle drsquoun ailleurs Theacuteo Chedeville est Michaeumll Dara le marin devenu berger Pierre-Alain Chapuis est Dan Burke le mort qui survit Il est puissant violent ravageacute par sa colegravere contre tous sa femme son pegravere mais aussi contre lui-mecircme On le sent deacutevoreacute par lrsquoamertume laquo bouffeacute par la tristesse raquo comme le dit Alice mais peut-ecirctre capable de rebondir loin de sa femme

On se laisse emporter par le reacutecit On est dans ces icircles irlandaises battues par le vent et la pluie et on rejoint John quand il dit laquo Apregraves des veilleacutees solitaires je peux dire que les gens drsquoici ne sont pas insignifiants raquo

Micheline Rousselet

Du mardi au samedi agrave 20h30 le dimanche agrave 16h30

Theacuteacirctre de La Tempecircte

Cartoucherie

Route du Champ-de-Manoeuvre 75012 Paris

Reacuteservations (partenariat Reacuteducrsquosnes tarifs reacuteduits aux syndiqueacutes Snes mais sur reacuteservation impeacuterative) 01 43 28 36 36

T H Eacute Acirc T R E

BOURRASQUE UN MAGNIFIQUE OBJET POEacuteTIQUE

ET INSPIREacute DANS LE MONDE AcircPRE ET SANS

CONCESSION DES TERRES DrsquoIRLANDE 19 MARS 2018

Reacutedigeacute par Sarah Franck

laquo Le cœur casseacute ccedila donne la vie grise raquo Quand la brume et le vent soufflent sur un monde sans avenir confit dans lrsquoeacutecoulement uniforme des jours une porte parfois srsquoentrouvre pour que change le cours des choseshellip

Un homme est mort ce soir assis dans son fauteuil Sa femme une femme de rien ou de si peu de chose heacutesite Il lui a interdit de toucher son cadavre et a jeteacute sur elle une maleacutediction au cas ougrave elle enfreindrait lrsquoordre Seule sa sœur aura le droit de le preacuteparer pour son dernier voyage Mais comment faire quand la nuit a pris des couleurs de noir drsquoencre que les nueacutees srsquoamassent que le tonnerre gronde qursquoelle a une tregraves longue route et qursquoelle est seule Il nrsquoest pas bon drsquoabandonner un mort agrave lui-mecircmehellip Dans ce lieu perdu du bout du monde ougrave ne trouvent guegravere agrave subsister que les moutons ougrave lrsquoacircpreteacute de la vie a jeteacute sur les ecirctres son voile de dureteacute ougrave ne semblent possibles que la violence des comportements et lrsquohostiliteacute ougrave lrsquoalcool est la solution ultime quotidienne pour triompher des aleacuteas un groupe heacuteteacuteroclite va peu agrave peu se rassembler

(c) Antonia Bozzi

Une arche de Noeacute de largueacutes du monde

Parmi les personnages perdus dans ce milieu de nulle part arrive drsquoabord un vagabond un cueilleur de mots un raconteur drsquohistoires qui cherche un havre pour la nuit Il voudrait simplement reposer ses pieds fatigueacutes de cheminot avant de reprendre la route Il y a lrsquoancien marin devenu eacuteleveur que la mort du mari arrange car il en guigne les terres pour faire paicirctre ses troupeaux Il y a elle la femme deacutevoueacutee dont on ne sait de quoi est fait son attachement au deacutefunt ndash amour en deacutepit de lrsquoindiffeacuterence qursquoil lui porte ennui drsquoun mariage accepteacute pour la seacutecuriteacute qursquoil donne reacutesignation devant les vexations subies Et puis il y a ce mort qui srsquoavegraverera bien vivant au moment ougrave srsquoopegravere le partage des deacutepouilles et dont lrsquohistoire a la violence et linceste pour cortegravegehellip

Ce sont lagrave des perdus eacutegareacutes sans lrsquoavoir choisi prenant racine lagrave ougrave on les a planteacutes Massifs taiseux Vivent-ils Peut-ecirctre le cheminot qui erre agrave lrsquoaventure est-il le seul agrave savoir ougrave il va ce saltimbanque ce poegravete qui donne agrave voir un ailleurs agrave respirer lrsquoodeur du vent et les senteurs venues de contreacutees lointaines Peut-ecirctre ne sont-ils pas agrave leur place mais ont-ils une place Le preacutesent est leur futur leur avenir leur eacuteterniteacute Ils portent leur brume en eux cette compagne des sortilegraveges et des superstitions qui leur colle agrave la peau Ils ont cette eacutepaisseur de la matiegravere brute cette preacutesence obstineacutee de ceux qui ne savent qursquoecirctre

(c) Antonia Bozzi

Lrsquoespace de la parole

Dans ce huis clos deacutelimiteacute par une table dans un coin une banquette sur laquelle est assis immobile le mari et une commode il nrsquoy a pas drsquoeacutechappatoire Le lieu est agrave lrsquoimage de leur existence refermeacute sur lui-mecircme Alors il ne leur reste que la parole pour briser lrsquoenfermement Une parole difficile Les mots buttent dans leur gorge ils sortent contraints rentreacutes et de trop de retenue se heurtent et srsquoentrechoquent avec de brusques flambeacutees de violence se deacuteversent tels des crachats agrave la figure de lrsquoautre Crsquoest un trop-plein qui deacuteferle pour trouver le chemin de la conscience et qui les met en face drsquoeux-mecircmes et de leur reacutealiteacute Apregraves il nrsquoy aura plus de retour en arriegravere possible et chacun devra trouver lrsquoissue qui lui convient

Ils ont ce parler fruste mais imageacute des paysans laquo ccedila crsquoest sucircr raquo qui offre une transposition bretonne agrave lrsquoanglo-irlandais du texte original Un mecircme fondement celtique court dans ces deux reacutegions que rassemblent la culture et les paysages et ougrave souffle un vent laquo agrave reacuteveiller les disparus les esprits malins ou les feacutees tordues raquo Les noms de lieux aux consonances eacutetranges chantent une poeacutesie de lrsquoailleurs qursquoaccompagne celle du deacutesespoir de ces eacutecorcheacutes de la vie laquo Crsquoest comme ccedila le bout du chemin de ceux de sa sorte Les deacutevoreacutes drsquoangoisse les rongeacutes de tristesse raquo Les mots disent leur deacutetresse Leur barbe laquo on dirait deacutejagrave du poil de moisissure raquo Lrsquounivers laquo des milliards de milliards de masses solaires qui tournoient en spirale jusqursquoagrave ecirctre happeacutees aspireacutees au centre de lrsquoinconnu du trou noir [hellip] une eacutenorme densiteacute de creacuteation ou une absence de creacuteation Du trop-plein au vide raquo agrave lrsquoimage de leur vie qui laquo se deacuteficelle raquo se deacutecompose se deacutesintegravegrehellip

Entre Synge et Nathalie Beacutecue

De lrsquoOmbre de la valleacutee de John Millington Synge ndash compatriote de Joyce Yeats et Beckett et fervent deacutefenseur du renouveau de la culture irlandaise ndash Nathalie Beacutecue reprend la situation de ce mort laquo ressusciteacute raquo tout en modifiant les enjeux et la porteacutee de lrsquohistoire Elle fait du chemineau une incarnation du poegravete Elle reprend dans lrsquoesprit ce parler si particulier qui inverse lrsquoordre des mots pour placer dans une phrase lrsquoimportant devant On y retrouve le mecircme souci de rendre leurs lettres de noblesse agrave ceux qui sont sans-grade placeacutes agrave lrsquoeacutecart en marge mais portent en eux une veacuteriteacute immeacutemoriale qui les deacutepasse Ces hommes et ces femmes qui ne savent pas parler une laquo belle raquo langue au sens classique sont pleins habiteacutes possesseurs drsquoun treacutesor qursquoil nous est donneacute de reconnaicirctre Dans sa laquo variation raquo Nathalie

Beacutecue insuffle sa propre vision de cette laquo veacuteriteacute raquo populaire peupleacutee de croyances et de leacutegendes et met ses personnages en face de choix qui les font progresser et grandir

(c) Antonia Bozzi

Un magnifique travail drsquoacteur

Ce qui frappe enfin crsquoest lrsquointerpreacutetation laquo millimeacutetreacutee raquo des comeacutediens Car enfin crsquoest sur eux que repose ce spectacle ougrave il ne se passe rien ou presque durant deux heures Pas de quiproquo ni de comique de situation Pas de trageacutedie au-delagrave de lrsquoagressiviteacute et des altercations Ni trop ni trop peu mecircme si lrsquoon alterne chuchotements et cris Ils sont tout en retenues briseacutees quand les digues lacircchent en heacutesitations en mots esquisseacutes en gestes inaboutis ou semi-dissimuleacutes en mimiques fugaces Ils disent comme en srsquoexcusant heacutesitent agrave srsquoimposer reacutevegravelent les failles avec beaucoup de finesse La minutie avec laquelle la gestuelle campe les personnages donne au spectacle une justesse qursquoon voit rarement au theacuteacirctre

On srsquoeacutemeut drsquoentendre eacutevoquer les myriades drsquoeacutetoiles comme autant drsquoesprits des morts flottant autour de nous on partage la fatigue des marches de montagne plongeacutees dans une brume eacutepaisse et hostile la difficulteacute de ces laquo nuits noires agrave en appeler agrave la clarteacute des eacutetoiles raquo Et puis on rit car ils sont des hommes avec leurs petits travers leurs lacirccheteacutes et leurs peurs ces errants agrave la deacuterive qui srsquoeacutegarent avec magnificence et nous ressemblent tant Au-delagrave du texte et de sa beauteacute crsquoest agrave une merveilleuse leccedilon drsquohumaniteacute que nous convie ce spectacle

Bourrasque de Nathalie Beacutecue librement inspireacute de lrsquoOmbre du vent de John Millington Synge (eacuted franccedilaise Actes Sud)

Mise en scegravene Feacutelix Prader

Avec Nathalie Beacutecue Pierre-Alain Chapuis Theacuteo Chedeville Philippe Smith (le poegravete)

Theacuteacirctre de la Tempecircte Cartoucherie de Vincennes Route du Champ de Mars ndash 75012 Paris

Du 16 mars 2018 au 15 avril du mardi au samedi agrave 20h30 le dimanche agrave 17h30

Teacutel 01 43 28 36 36 Site wwwla-tempetefr

Bourrasque au Theacuteacirctre de La Tempecircte

Publieacute par Michel Jakubowicz le 26 mars 2018 Publieacute dans Tendance - Fashion

Theacuteacirctre de la Tempecircte Cartoucherie Rte du Champ-de-Manœuvre 75012 Paris

Repreacutesentations du 16 mars au 15 avril 2018

httpswwwla-tempetefr

BOURRASQUE

Variation sur lrsquoOmbre de la valleacutee de JM Synge

de Nathalie Beacutecue

mise en scegravene Feacutelix Prader

avec

Nathalie Beacutecue (Alice Burke)

Pierre-Alain Chapuis (Daniel Burke)

Theacuteo Chedeville (Michaeumll Dara)

Philippe Smith (John)

Nathalie Beacutecue auteure de Bourrasque avoue srsquoecirctre inspireacutee du poegravete et dramaturge John

Millington Synge Feacutelix Prader agrave partir du texte de Nathalie Beacutecue va srsquoefforcer de recreacuteer

lrsquoambiance eacutetrange chaotique effrayante qui sourd de ce texte Il va en quelque sorte donner

corps agrave une histoire ougrave semble rocircder une ambiance agrave la limite du fantastique et mettre en lumiegravere

les comportements presque forceneacutes brutaux impreacutevisibles des personnages qursquoun hasard

apparemment faceacutetieux (ou malfaisant) a reacuteunis dans une chaumiegravere perdue de la lande irlandaise

battue par la tempecircte Il faut dire que la piegravece se deacuteroule dans un contexte peu banal presque

terrifiant puisqursquoune femme seule soliloque en srsquoadressant agrave un cosmos aveugle et infini bourreacute

de trous noirs insondables et mortels La femme semble prendre agrave teacutemoin un homme immobile

ne bougeant pas drsquoun cil et dont la raideur semble vaguement indiquer qursquoil est peut-ecirctre passeacute

de vie agrave treacutepas ou qursquoil feint deacutelibeacutereacutement lrsquoindiffeacuterence absolue face aux propos tenus par la

femme Les choses pourraient en rester lagrave mais soudainement surgi du cœur de la tempecircte qui se

deacutechaicircne agrave lrsquoexteacuterieur un inconnu reacuteclame avec insistance malgreacute lrsquohostiliteacute de la femme agrave

srsquoabriter dans la chaumiegravere

A partir de lrsquointrusion de cet eacutetranger lrsquoaction va soudainement srsquoacceacuteleacuterer et le reacutecit srsquoorienter

sans deacutelai vers lrsquoabsurde le fantastique lrsquoinattendu Le reacutecit bascule apparemment vers

lrsquoirrationnel mais en terre irlandaise il semble agrave lrsquoeacutevidence que les apparences ne sont pas

forceacutement conformes agrave la reacutealiteacute et la suite du reacutecit de Nathalie Beacutecue srsquoinspirant de John

Millington Synge ne fera que rendre encore plus creacutedible cette impression

La mise en scegravene de Feacutelix Prader reconstitue avec une sorte de preacutecision presque surnaturelle

eacutetonnante cette campagne irlandaise drsquoougrave nrsquoimporte quels fantocircmes peuvent impuneacutement surgir

de la nuit Jusqursquoau bout drsquoune nuit interminable peupleacutee de terreurs sans noms cette assembleacutee

de personnages subira jusqursquoau bout un destin fait drsquoincertitude balanccedilant constamment entre

espoir et deacutesespeacuterance Lrsquointerpreacutetation est remarquable en particulier celle de Nathalie Beacutecue

incarnant avec beaucoup drsquoacircpreteacute de passion le rocircle drsquoAlice Burke Mais les trois autres

protagonistes masculins sont eacutegalement parfaits donnant agrave leurs personnages respectifs toute

lrsquoeacutepaisseur psychologique deacutesireacutee Un spectacle prenant qui reacutevegravele dans toute sa profondeur

lrsquoacircme irlandaise

Michel Jakubowicz

LE BRUITDUOFF TRIBUNE

LES SCENES ACTUELLES SANS TABOU NI TROMPETTES

CRITIQUE laquo Bourrasque raquo variation sur Lrsquoombre de la valleacutee de JM Synge de Nathalie Beacutecue mis en scegravene par Feacutelix Prader avec Nathalie Beacutecue Pierre-Alain Chapuis Theacuteo Chedeville et Philippe Smith Au Theacuteacirctre de la Tempecircte salle Copi jusqursquoau 15 avril du mardi au samedi agrave 20h30 dimanche agrave 16h30

Crsquoest lrsquoun des plus beaux textes de la saison Nathalie Beacutecue a adapteacute les peacutereacutegrinations de Synge avec amour infleacutechissant ses rugositeacutes irlandaises drsquoune ardeur feacutebrile

laquo Bourrasque raquo crsquoest la poeacutesie cosmique descendue sur lrsquoeacutepure drsquoun verbe aussi vieux que les icircles drsquoAran qui lrsquoabritent laquo Bourrasque raquo crsquoest la meacutetaphysique de la bergegravere Srsquoeacutelegraveve une litanie vibrante adresseacutee aux eacutetoiles pour cet laquo ougrave suis-je raquo qui preacutecegravede le laquo qui suis-je raquo pour le trou noir la masse la poussiegravere lrsquoengloutissement la disparition lrsquoinconnu la creacuteation sa densiteacute son absence le trop plein le videhellip Le vertige drsquoAlice Burke un soir de tempecircte est celui drsquoun cœur simple dans le langage du monde Lrsquoespace drsquoun entre-lumiegravere avant lrsquoextinction de la salle Nathalie Beacutecue ample vibrante ancreacutee et tendue vers des ciels invisibles livre une formidable deacutemonstration de sa maicirctrise de lrsquoabandon

Encore aux prises avec ce jaillissement drsquoecirctre brut et pur il nous faut quelques battements de cœur pour lrsquohabituer aux ombres de la scegravene peacuteneacutetrer le deuil terrestre drsquoAlice Burke et investir sa maison de pierre tandis que laquo perdu ailleurs raquo le vent se legraveve Les yeux pleins drsquoorage et la voix blanche elle embarque les acircmes qursquoelle a tendues vers elle laquo Je suis en colegravere tellement je suis triste raquo

Daniel Burke le fermier sans meacutetaphysique le fermier malheureux srsquoest figeacute lagrave dans une mort subite et inviolable et sa veuve saisie de solitude et figeacutee depuis cent ans voit sa laquo vie grise raquo deacutechireacutee par laquo la grande trouille raquo La trouille de quoi Car la mort toute proche incarneacutee dans la deacutepouille de son mari immobile ne lrsquoeffraye pas Crsquoest une femme des montagnes qui croit aux fantocircmes et qui ne les craint pas

Est-ce un fantocircme qui franchit son seuil dans lrsquoorage pour mettre son errance et son immense laquo dehors raquo dans lrsquoespace sans projet ougrave elle vit confineacutee John mucirc par le timbre envoucirctant de Philippe Smith est un porteur drsquohistoires venu reacutecolter quelques miettes au foyer de la derniegravere maison allumeacutee sur les chemins rocheux drsquoAran Quand Alice Burke laisse son hocircte dans cette eacutetrange veilleacutee et que Dan Burke se redresse bien vivant et saoul crsquoest toute une vie de spectateur qui vacille agrave son tour John pourra-t-il refuser drsquoecirctre acteur de cette histoire-lagrave

Pierre-Alain Chapuis est un Dan Burke massif en corps et en ecirctre plein de passeacute de rancœur et de lrsquoeacutepaisse rusticiteacute que les silences ont tanneacutee sur sa peau et sa voix Quatriegraveme entreacutee en scegravene la jeunesse vacillante de Theacuteo Chedeville precircte ses fougues agrave Michaeumll Dara le marin en quecircte de reacuteconciliation avec la terre qui cherche agrave ecirctre au sol et treacutepigne dans la valleacutee encore la tecircte agrave moitieacute immergeacutee des recircves drsquoavant les recircves enterreacutes de large et de houle La paix est-elle plus haut dans la montagne

La mise en scegravene de Feacutelix Prader attentive aux eacuteclats de verbe sublimeacutes par les voix de Beacutecue Chapuis Chedeville et Smith est un effacement une ombre pour que la poeacutesie eacuteclaire Il veut saisir le preacutesent et la preacutesence eacutenorme des protagonistes dans la suspension du temps du theacuteacirctre Sa scegravene se deacutepare du moindre artifice se fait couloir pour lrsquoeacutemotion de cette parole vitale qui balaye le silence effareacute du spectateur srsquooublie dans une pudeur parfaite Jrsquoentends encore la voix pleine et rocailleuse de Beacutecue la Burke souffler la bourrasque laquo Jrsquoai trop la trouille pour pas y aller raquo

Drsquoun eacutelan vital et poeacutetique elle engloutit le motif radical de la mort

Marguerite Dornier

DU 1603 AU 15042018 AU THEacuteAcircTRE DE LA TEMPEcircTE | DUREacuteE 1H40 |

Librement adapteacute de la piegravece en un acte de John M Synge laquo Lrsquoombre dans la Valleacutee raquo Bourrasque fait preuve drsquoune sagaciteacute deacuteroutante dans une ambiance drsquoinsulaires superstitieux Situation macabre regraveglements de comptes conjugaux reacutecits de voyages et art du vagabondagehellip lrsquoIrlande et son hors-champ drsquoimmensiteacute montagneuse et orageuse nous submergent alors que de grandes deacutecisions se prennent dans la petite chaumiegravere drsquoAlice Burke indigneacutee par la mort foudroyante de son mari Dan qursquoelle ne peut toucher sous peine drsquoecirctre maudite

De par la traduction drsquoun gaeacutelique transposeacute dans du franccedilais paysan aux consonances lyriques et lrsquointerpreacutetation de ce tregraves beau et talentueux quatuor de comeacutediens le folklore celte est tout agrave fait plausible voire palpable et propage son caractegravere sacreacute Bourrasque est un deacutelice drsquohumour peut ecirctre un tantinet pessimiste mais surtout pittoresque et poeacutetique

Eloiumlse Dandoy

jeudi 22 mars 2018

Bourrasque de Nathalie Beacutecue

Bourrasque est un de ces spectacles dont on mesure la chance quils existent Parce que Nathalie Beacutecue a fait un travail deacutecriture tregraves reacuteussi librement adapteacute de la piegravece LrsquoOmbre de la valleacutee en reprenant lrsquoargument tout en modifiant les enjeux et la porteacutee Elle place le spectateur au plus pregraves de latmosphegravere poeacutetique qui a impreacutegneacute lIrlande que John Millington Synge (1871-1909) nous a fait deacutecouvrir au XIXdeg siegravecle et qui est encore tregraves vivante gracircce agrave la moderniteacute de la mise en scegravene de Feacutelix Prader La distribution est habile avec Nathalie Beacutecue qui interpregravete Alice Burke et trois autres comeacutediens Pierre-Alain Chapuis (Daniel Burke) Theacuteo Chedeville (Michaeumll Dara) et Philippe Smith (John) tous diffeacuterents qui permettent dapporter des points de vue parfois deacuteroutants maintenant le spectateur quasiment en haleine comme sil eacutetait au coeur dun thriller Le caractegravere primitif de la vie sociale si particuliegravere des icircles drsquoAran en deviendrait presque normal dans un deacutecor rustique simple et familier

Par un soir de violente tempecircte que lon entendra rugir derriegravere la verriegravere Alice Burke veille son mari deacutefunt lrsquoacircpre et ombrageux fermier Dan Burke comme le veut la coutume dans cette contreacutee reculeacutee Silence dans la chaumiegravere isoleacutee quand agrave la porte frappe un inconnu nomade des collines cueilleur drsquohistoires (Synge) qui ravive dans lrsquoacircme dAlice la soif drsquoun ailleurs Un autre homme bouscule les certitudes dAlice Michaeumll Dara le marin devenu berger qui vit agrave quelques lieues et convoite agrave la fois les biens et la femmethinsp Et si soudain srsquoeacuteveillait le deacutefunt chahutant les vivants que ferait Alicethinsp

Le mort est sur scegravene muet cela va sans dire mais bien preacutesent tout de mecircme Sa femme lui rend hommage malgreacute les cahots qui ont chahuteacute sa vie Cest une femme simple qui a les pieds sur terre capable dun brin de fantaisie que lon remarque dans le point de tricot du gilet quelle porte sur une robe bleu marine Sans doute reacutealiseacute avec la laine de ses moutons Les paroles se bousculent au rythme des souvenirs et agrave la mesure des angoisses qui lassaillent comme des ressentiments quelle exprime toute seule La tempecircte qui agite son esprit est semblable agrave celle qui souffle au dehors Elle reconnait quelle ne sait plus ougrave elle en est et sassoit pregraves de celui qui fut son homme Chaque mort serait une eacutetoile qui scintille dans le ciel Au-delagrave de cette jolie image Alice est confronteacutee agrave labsence de deux beaux enfants partis aux Ameacuteriques et aujourdrsquohui un mari qui part et agrave qui elle parle comme sil eacutetait vivant et comme elle ne lui a sans doute jamais parleacute parce que jusque-lagrave elle nosait pas Tout bascule ccedila vrille comment crsquoest possible possible je suis en colegravere

Elle refuse puis accueille la reacutealiteacute et lhomme eacutetranger qui explique sa fonction je cueille des mots Et qui fait davantage en analysant les eacutevegravenements Cest lui qui le premier a un doute Il est mort votre copain On dirait qursquoil fait le mort Si effectivement la mort neacutetait quune ruse pour permettre de deacutebusquer la veacuteriteacute vraie agrave linstar dOrgon cacheacute sous la nappe pour confondre Tartuffe

La langue choisie par Nathalie Beacutecue est preacutecise poeacutetique et feacuteroce Si je deacutesentortille votre charabia Jrsquoai trop la trouille pour pas y aller avant de se deacutecider agrave deacuterouler ses recircves sous ses pas

Faisons-nous aussi le pas pour ne pas louper ce petit bijou qui se joue au theacuteacirctre de la Tempecircte jusquau 15 avril 2018

Bourrasque de Nathalie Beacutecue Mise en scegravene Feacutelix Prader Avec Nathalie Beacutecue (Alice Burke) Pierre-Alain Chapuis (Daniel Burke) Theacuteo Chedeville (Michaeumll Dara) Philippe Smith (John) Sceacutenographie et costumes Ceacutecilia Galli Creacuteation sonore Estelle Lembert Direction des combats Franccedilois Rostain Du 16 mars au 15 avril 2018 Du mardi au samedi 20 h 30 dimanche 16 h 30 Les photos qui ne sont pas logotypeacutees A bride abattue sont de Antonia Bozzi Publieacute par marie-claire agrave 2335 Envoyer par e-mailBlogThisPartager sur TwitterPartager sur FacebookPartager sur Pinterest Libelleacutes coup de coeur spectacle theacuteacirctre

critiquetheatreclaucom

17 Mars 2018

ABOZZI

Bourrasque jusqursquoau 1504 th de La tempecircte

Mouvance de la destineacutee

De Nathalie Beacutecue inspireacute de lrsquoœuvre de John Millington Synge dramaturge irlandais 1871- 1909Mise en scegravene Feacutelix Prader

Au premier instant nous nous sommes happeacutes par un merveilleux poegraveme invoquant le chagrin des ecirctres perdus la solitude la deacutetresse la tristesse les regrets

laquo Pourquoi jrsquoai reccedilu cette vie Au lieu drsquoattraper lrsquoair transparent dans le bleu du cielhelliphellip Rester lagrave agrave attendre la Balayure du soir raquo

Une atmosphegravere de conte de poeacutesie et de mystegravere nous enveloppe

Un jour de grande tempecircte au plus profond de la campagne irlandaise nous peacuteneacutetrons dans une sobre demeure Il va se deacuterouler sous nos yeux pleins drsquoeacutetonnement un conte tragi-comique

Les personnages sont hauts en couleur

Un paysan Daniel Burke rustre et srsquoabreuvant de whisky pour oublier sa peur et la tristesse de la vie simule sa mort pour espionner sa femme

Alice soumise agrave sa condition se questionne sur sa vie passeacutee et agrave venir Tout en veillant son deacutefunt mari

John marcheur solitaire poegravete eacutecrivain et avide de liberteacute eacutecoutant et observant le monde arrive agrave lrsquoimproviste dans cette demeure

Michaeumll ancien marin devenu berger est un eacutetranger dans cette campagne isoleacutee Il va convoiter Alice pour srsquointeacutegrer dans ce monde hostile

Tous ses personnages vont se reacuteveacuteler nous raconter leur histoire parfois tragique parfois cocasse

Que veulent-ils devenir Prendront-ils leur destineacutee en main

Nous deacutecouvrons le sens de la fecircte les rites et coutumes funeacuteraires de la campagne irlandaise Nous ressentons lrsquoisolement de ses contreacutees la vie rude et solitaire de ses habitants ainsi que le climat rigoureux et froid

Crsquoest agrave la fois violent et tendre eacutemouvant et burlesque

Les comeacutediens nous eacutemeuvent et nous transpercent le cœur

Avec Alice Nathalie Beacutecue nous bouleverse

Daniel Pierre-Alain Chapuis bourru et tendre nous attendri

John Philippe Smith eacuteleacutegant et serein nous seacuteduit

Sans oublier Theacuteo Chedeville touchant dans le rocircle du jeune berger Michaeumll

Page 9: BOURRASQUE - Théâtre Montansier · 2018. 5. 7. · composé Bourrasque, que Félix Prader met en scène avec igueu (1). Synge affimait u’au théâtre, « il faut du réel, il

Il lui fallait un texte agrave sa hauteur un texte qui lrsquohabite Nathalie BECUE Elle lrsquoa trouveacute en

infusant lrsquoœuvre du poegravete et dramaturge irlandais John Millington SYNGE (1871-1909) Un

conte a inspireacute sa piegravece raquo Bourrasque raquo laquo In shadow of the glen raquo lrsquoombre de la valleacutee

Elle met en scegravene une espegravece de culs-terreux une femme et son mari un berger qui vivent

dans un trou perdu

Lorsque la piegravece commence la femme vient de deacutecouvrir son eacutepoux mort sur sa chaise Elle

a du mal agrave reacutealiser lrsquoeacuteveacutenement elle continue agrave lui parler et puis rapidement reprend son

esprit La mort en Irlande encore dans les campagnes donne lieu agrave des festiviteacutes qui

deacutebutent par la veilleacutee funegravebre et dure plusieurs jours

Au moment ougrave elle se dit qursquoelle doit preacutevenir le village et surtout la sœur du mort survient

en pleine bourrasque un eacutetranger qui lui demande lrsquoasile pour la nuit Elle accepte puis laisse

lrsquoeacutetranger seul avec le mort Ce dernier se reacuteveillehellip

Lrsquoaspect fantastique de lrsquohistoire est parfaitement inteacuterioriseacute dans la piegravece Il intervient

comme une petite lumiegravere une sorte drsquoeacutelectrochoc des consciences mais il colle tout agrave fait agrave

la reacutealiteacute rude des personnages

Chez laquo Ces gens-lagrave raquo comme dans la chanson de Jacques BREL on ne se parle pas on se cuite

au whisky Crsquoest normal Madame BURKE recircve drsquoune autre vie elle nrsquoa peur de rien mais tout

de mecircmehellip

Il faut la faire deacutecoller du sol cette colegravere inteacuterieure ce deacutesespoir qui habitent les

personnages qui semblent happeacutes par le vide de leur existence

Madame BURKE est ameneacutee agrave brailler pour srsquoentendre et Monsieur BURKE agrave sortir de ses

gonds pour la faire taire Lrsquoeacutetranger poegravete sans ressources finit par offrir sa petite bulle

drsquoair agrave la femme affameacutee de liberteacute Un autre personnage un berger incompeacutetent prend

conscience que sa solitude lui pegravese et accepte lrsquoaide de Monsieur BURKE

Si lrsquoissue est positive elle aura tout de mecircme demandeacute lrsquoapport drsquoune belle bourrasque pour

faire sortir de leur terrier le couple de paysans

Elle semble jaillir de la terre mecircme la langue de Nathalie BECUE sensuelle et poeacutetique

parfois mecircme explosive

La bourrasque eacutetait deacutejagrave dans les cœurs nous suggegravere lrsquoauteure elle transfigure les

interpregravetes qui incarnent de pauvres bougres les pieds sur terre et agrave lrsquoouest dans ce

spectacle mis en scegravene sans artifice par Feacutelix PRADER et pourtant jubilatoire

Paris le 29 Mars 2018

Evelyne Tracircn

Bourrasquehellip Juste ce quil faut deacutetrangeteacute pour que le reacutealisme soit porteacute aux franges du fantastique Bourrasque Theacuteacirctre de la Tempecircte Paris

Dans Bourrasques inspireacutee par lœuvre de John Millington Synge Nathalie Beacutecue emporte le spectateur dans un tourbillon de theacuteacirctre Un theacuteacirctre mucirc par une langue concregravete drue simple manieacutee par des vagabonds des mots des enjocircleurs des charmeurs beaux parleurs qui magnifient cette terre d Irlande herbeuse et moutonneuse et tourbeuse cette terre de lOuest ces icircles dAran les bien nommeacutees

copy Antonia Bozzi

Battues par les vents peupleacutees dhommes taiseux cogneux buveux de femmes entiegraveres et acircpres et dures agrave la tacircche Cette terre dIrlande qui rend recircves et cauchemars et mots et sorts et enchantements Le spectacle de Nathalie Beacutecue sappuie sur une farce tregraves ancienne celle du mari qui feint la mort pour mieux confondre son eacutepouse et son amant La comeacutedie le drame se croisent Du trivial le plus cru au lyrique le plus naturel Feacuteroce et drocircle Assureacutement le rire de Synge est tragique mais il est sain Il est celui des fabliaux Mais ces habitants ne sont pas traiteacutes comme des ploucs mais comme des poegravetes qui savent extraire des petits faits de leurs superstitions de leurs peurs de leurs malheurs des reacutecits beaux comme la laine Des reacutecits qui exaltent tout autant que le Whiskey

copy Antonia Bozzi

Les personnages sont eacutemus par deacutetranges sympathies archaiumlques Leur humeur change au greacute des coups de vents et leur simpliciteacute de caractegravere bascule dans une franche gaiteacute ou une brusque deacutepression Cest que leur isolement des frousses leacutegendaires les font appartenir agrave un monde de recircves et de forces qui les deacutepassent La langue est simple Cest la langue du conteur Juste ce quil faut deacutetrangeteacute pour que le reacutealisme soit porteacute aux franges du fantastique Les dialogues sont croiseacutes la syntaxe subit des torsions les choses sont nommeacutees simplement Le grain de la voix le rythme du souffle leacutelan du jeu humanise les ecirctres amplifie les mots agrave la dimension du recircve et de leacutemerveillement Ce spectacle est une eacutechappeacutee belle Avec laide de ses comeacutediens leur verve et le beau travail sur le texte de Nathalie Beacutecue le spectateur retrouve le secret dune poeacutesie objective agrave base dhumour franc que le theacuteacirctre actuel a trop souvent abandonneacute Bourrasque

copy Antonia Bozzi

Variation sur LOmbre de la valleacutee de John Millington Synge Texte Nathalie Beacutecue Mise en scegravene Feacutelix Prader Avec Nathalie Beacutecue Theacuteo Chedeville Pierre-Alain Chapuis Philippe Smith Sceacutenographie et costumes Ceacutecilia Galli Creacuteation sonore Estelle Lembert Collaboration artistique Aureacutelia Guillet Lumiegraveres Thibault Gaigneux Direction des combats Franccedilois Rostain Dureacutee 1 h 30 Production En Votre Compagnie Du 16 mars au 15 avril 2018 Du mardi au samedi agrave 20 h 30 dimanche agrave 16 h 30 Theacuteacirctre de la Tempecircte Salle Copi La Cartoucherie Paris 12e 01 43 28 36 36

Jean Grapin Lundi 26 Mars 2018

Drame naturaliste de Nathalie Beacutecue dapregraves

une oeuvre de John Millington Synge mise en scegravene de Feacutelix Prader

avec Nathalie Beacutecue Theacuteo Chedeville Pierre-Alain Chapuis et Philippe

Smith

La comeacutedienne Nathalie Beacutecue a deacutejagrave montreacutee son appeacutetence pour la

parole des taiseux du temps jadis avec un monologue dramatique

Lapprentie sage-femme issu du roman dun auteur contemporain ameacutericain

Karen Cushman se deacuteroulant dans lAngleterre meacutedieacutevale

Avec Bourrasque elle propose une adaptation libre quelle qualifie de

variation dune piegravece de John Millington Synge dramaturge irlandais du

19egraveme siegravecle engageacute dans le mouvement du Celtic Reviva l qui ressort agrave la

theacutematique de lacircme simple agrave laquelle ne sont eacutetrangers ni lapproche

poeacutetique du monde ni le questionnement meacutetaphysique

Par une nuit dorage un eacutecrivain meacutemorialiste baroudeur et collecteur

dhistoires (Philippe Smith) qui bat la campagne irlandaise trouve refuge dans

une ferme isoleacutee du comteacute de Wicklow

La dame de la maison (Nathalie Beacutecue) est sous le coup de leacutemotion de

la mort soudaine - et simuleacutee - de son mari (Pierre-Alain Chapuis) car

destineacutee agrave eacutetablir linfideacuteliteacute commise avec un jeune berger (Theacuteo

Cheacutedeville) et ce subterfuge va bouleverser leur destin

Sobrement mis en scegravene par Feacutelix Prader dans une sceacutenographie

intemporelle de Ceacutecilia Galli ce drame naturaliste agrave connotation de reacutealisme

magique agrave lirlandaise entre brume et tourbe composeacute essentiellement de la

juxtaposition quatre reacutecits hybridant soliloque et de biodrame beacuteneacuteficie dune

interpreacutetation remarquable qui navigue du registre du patheacutetique avec pour

chantre Nathalie Beacutecue et celui du burlesque dont Pierre-Alain

Chapuis savegravere en lespegravece le champion qui twiste la partition en eacutevitant

leacutecueil lacrymal

MM

BOURRASQUE Theacuteacirctre de la Tempecircte

Cartoucherie

Route du Champ-de-Manœuvre

75012 Paris

Tel 01 43 28 36 36

Jusqursquoau 15 avril 2018

du mardi au samedi 20h30

Dimanche 16h30

On connaissait de JM Synge laquo Le baladin du monde occidental raquo bien sucircr et laquo

Deirdre des douleurs raquo Voici qursquoon nous exhume une piegravece bien moins connue laquo

Lrsquoombre de la valleacutee raquo Elle fut eacutecrite par Synge apregraves un seacutejour aux icircles drsquoAran Ici

elle sert de base agrave cette variation signeacutee en fait Nathalie Beacutecue

Nous sommes au deacutebut du siegravecle dans un coin reculeacute drsquoIrlande une femme Alice

Burke veille son mari qui vient de mourir et qui deacutetail important lui a bien demandeacute

de ne pas le toucher Il laisse ce soin agrave sa soeur La femme reccediloit alors la visite drsquoun

voyageur preacutenommeacute John (Synge lui-mecircme) Comme elle srsquoeacuteclipse Daniel le mari

reacutevegravele qursquoil nrsquoest pas mort Choc Et ce nrsquoest pas fini

Si Synge avait axeacute sa piegravece sur cette tradition irlandaire (contrefaire le mort) et ses

conseacutequences tragi-comiques on voit bien que ce nrsquoest pas ce qui a inteacuteresseacute

Nathalie Beacutecue Elle a vu lagrave lrsquooccasion de deacutevelopper des personnages inventer

comme elle dit laquo un parler agrave ces taiseux et agrave y glisser toute la tendresse toutes les

violences qui les habitent raquo

Dans deacutecor sobre et agrave lrsquoaide de quelques eacuteleacutements laquo parlants raquo nous avons donc

droit agrave des variations sur le couple la solitude la vie des paysans-eacuteleveurs de

moutons leurs soucis et surtout lrsquoalieacutenation de lrsquoeacutepouse

Le problegraveme est qursquoil y a quelques longueurs agrave cocircteacute de fulgurances et de trouvailles

laquo Comme on vit on meurt mecircme visage raquo ou bien lanceacute par la femme laquo Mariez-

vous vous trimerez raquo la piegravece est statique

Elle est heureusement brillamment joueacutee par Pierre-Alain Chapuis (Daniel Burke)

avec sa rudesse et ses emportements ou Philippe Smith dans le rocircle de John Theacuteo

Chedeville a la fougue de la jeunesse mais on retiendra surtout lrsquoauteur-interpregravete

Nathalie Beacutecue elle est eacutemouvante et forte dans ce rocircle de femme en reacutevolte et qui

nrsquoa au bout du compte que le choix entre trois destins incarneacutes par trois hommes

Geacuterard Noeumll

Bourrasque

de Nathalie Beacutecue

Mise en scegravene Feacutelix Prader

Avec Nathalie Beacutecue Pierre-Alain Chapuis Theacuteo Chedeville Philippe Smith

Sceacutenographie et costumes Ceacutecilia Galli

Son Estelle Lembert

Collaboration artistique Aureacutelia Guillet

Direction des combats Franccedilois Rostain

Nathalie Beacutecue Antonia Bozzi

Bourrasque agrave la Tempecircte Un moment tempeacutetueux et plein drsquoeacutemotion Cest un voyage que nous propose actuellement le theacuteacirctre de La Tempecircte Une immersion absolue dans un foyer irlandais un soir ougrave une terrible bourrasque a deacutecideacute de tout emporter sur son passage En effet Nathalie Beacutecue agrave leacutecriture et Felix Prader agrave la mise en scegravene nous emportent dans leur univers celui de la farce mais aussi celui du reacuteel Un spectacle vibrant entre violence tendresse et reacuteflexion La nuit tombe sur cette chaumiegravere et sur la vie dAlice Burke Daniel Burke est mort Le deacutesarroi la colegravere la deacutetresse transpirent chez cette femme qui entame une premiegravere nuit de deuil Puis vient la bourrasque vient cet eacutetranger qui arpente les routes vient ce berger de la ferme voisine Cette soireacutee est une soireacutee eacutesoteacuterique Tout semble hors du temps Ce soir pour chacun des protagonistes cest un nouveau deacutepart une remise agrave zeacutero des compteurs Une renaissance Un envol Alice Burke na pas peur Sur scegravene ils sont quatre Quatre comeacutediens de talent qui eacutepousent agrave la perfection les personnages quils incarnent Justes profonds et surtout attachants Nathalie Beacutecue Pierre-Alain Chapuis Theacuteo Chedeville et Philippe Smith sont vrais On sourit aux blagues de ce conteur on souffre avec cette femme tortureacutee on aime avec ce berger on est trahi avec Daniel Burke Le texte est fort il ne laisse pas insensible et pose les questions et les remises en question que tout un chacun est ameneacute agrave se poser au cours de son existence La mise en scegravene quant agrave elle ne nous impose rien Chacun est libre dajouter sa part dimagination et dhypothegravese agrave cette chaumiegravere isoleacutee dans les montagnes irlandaises La fin de cette bourrasque dans les airs et dans les cœurs est lapogeacutee de tout un cheminement dune reacuteflexion celle que propose ici Nathalie Beacutecue dapregraves les arguments de leacutecrivain J-M Synge Un spectacle vrai et sans artifice agrave deacutecouvrir

Zoom par Reacutegis DARO Paru le 30032018

-

BOURR

Spectatif

ASQUE au Theacuteacirctre de La Tempecircte 17 Mars 2018

Comment savoir si Daniel Burke est mort ou pas Srsquoil ne srsquoagit que de son fantocircme qui vient surprendre son eacutepouse Alice Burke ou si Daniel Burke feint sa reacutesurrection pour fendre ses secrets et laisser eacutechapper un peu de lui-mecircme dans ses derniers instants juste avant de tenter de fondre ses pas dans ceux de celle qui veut partir fatigueacutee du passeacute et enjoueacutee devant un avenir qursquoelle voudrait se construire meilleur et sien Deacuteroulera-t-elle ses recircves sous ses pas Troublante et mysteacuterieuse aventure que cette soireacutee de bourrasque ougrave une veilleacutee mortuaire devient une veilleacutee de palabres de reacutecits et drsquoespoirs Entre reacuteel et irreacuteel lrsquoimaginaire srsquoempare de nous nous faisant flotter sur le flux des mots dits et plonger par moments parmi les maux dits de ce couple de paysans dont on ne sait srsquoils srsquoaiment ou se haiumlssent si seulement lrsquoamour est entreacute dans leur bacirctisse ou si ce mot nrsquoexiste pas pour eux Ce spectacle baigneacute de poeacutesie reacutealiste crue et deacutepouilleacutee est une magnifique eacutecriture de Nathalie Beacutecue qursquoelle nomme Variation sur LrsquoOmbre de la valleacutee de John Millington Synge On comprend que ce grand dramaturge irlandais de la fin du 19egraveme siegravecle inspira Beckett et subjugua Artaud entre autres Tant ses peintures dramatiques de la paysannerie irlandaise de ses us et coutumes sont autant de sources pour des personnages en marge ou des situations fantastiques Le parcours de Alice Burke est captivant Ce qursquoelle raconte ce qursquoelle dit et ce qursquoelle devient Paysanne infidegravele ou eacutepouse adulteacuterine sublimeacutee dans le mal par son mari cet homme meurtri et malheureux elle deacutecouvre peu agrave peu drsquoautres horizons pour vivre

John le vagabond recueilli ce soir de bourrasque sorte drsquoaegravede qui parcoure les villages et se nourrit des morceaux de vie des autres notant ses observations se payant drsquoaumocircnes apportera agrave Alice les lumiegraveres du deacutesir drsquoailleurs Michaeumll Dara le jeune berger du voisinage venu lui aussi pour se proteacuteger de la bourrasque semble porter avec lui les plaisirs et les espeacuterances attendus inavoueacutes ou peut-ecirctre assouvis par Alice Daniel Burke le mari mort ou vivant fantocircme de lui-mecircme erre vocifegravere eacuteructe ses souffrances cacheacutees derriegravere sa violence qui le blesse autant qursquoil voudrait blesser nous montrant un paysan qui nrsquoa connu que sa famille enfant ou adulte pour tout environnement humain Joue-t-il avec la mort qui revient pour hanter la veilleacutee ou est-il lrsquoecirctre hirsute perdu agrave jamais dans ses illusions et ses souffrances dans ses remords et ses souvenirs qui le rongent tant qursquoil se confond dans la mort comme dans la vie On ne sait pas on ne sait plus Nous sommes trop eacuteblouis pour bien voir qui il est nous sommes trop toucheacutes pour savoir ougrave nous sommes vraiment La mise en scegravene de Feacutelix Prader feutre le reacutecit le meacutelange aux jeux avec adresse et fluiditeacute Les mondes se juxtaposent on nrsquoa rien vu venir La distribution est brillante Theacuteo Chedeville et Philippe Smith sont justes et convaincants Natalie Beacutecue est lumineuse et eacutemouvante Pierre-Alain Chapuis comme drsquohabitude nous surprend Il deacutegage une puissance de jeu qui donne agrave son personnage tout le trouble et la cassure qui conviennent Il est splendide et touchant Un spectacle sublime et tregraves prenant agrave lrsquoeacutecriture eacutetonnante et captivante aux jeux drsquoun brio stupeacutefiant Un tregraves grand moment de theacuteacirctre A voir absolument Drsquoapregraves les œuvres de John Millington Synge Variation sur The shadow of the Glen Eacutecriture de Nathalie Beacutecue Mise en scegravene de Feacutelix Prader Sceacutenographie et costumes de Ceacutecilia Galli Son de Estelle Lembert Lumiegraveres de Thibault Gaigneux Collaboration artistique de Aureacutelia Guillet Direction des combats de Franccedilois Rostain

Avec Nathalie Beacutecue Pierre-Alain Chapuis Theacuteo Chedeville et Philippe Smith

Du mardi au samedi agrave 20h30 et le dimanche agrave 16h30

Cartoucherie route du Champ de Manoeuvre Paris 12egraveme

0143283636 wwwla-tempetefr

- Photo copy Antonia Bozzi -

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Accueil SPECTACLES [Critique] laquo Bourrasque raquo par Feacutelix Prader Une bouffeacutee drsquoIrlande

copy Antonia Bozzi

[Critique] laquo Bourrasque raquo par Feacutelix Prader Une bouffeacutee drsquoIrlande Morgane P 2018-03-28

Le Theacuteacirctre de la Tempecircte preacutesente Bourrasque une piegravece de theacuteacirctre de Nathalie Beacutecue

mise en scegravene par Feacutelix Prader Une incursion meacutelancolique et amegravere en terre irlandaise

Lrsquoavis de Bulles de Culture qui eacutetait agrave la premiegravere de la piegravece

Synopsis

Alice Burke (Nathalie Beacutecue) veille son mari Dan Burke (Pierre-Alain Chapuis) qui vient de

mourir quand survient un vagabond (Philippe Smith) qui demande asile pour la nuit Il faut

preacutevenir Michael Dara (Theacuteo Chedeville) jeune berger des alentours afin qursquoil aille annoncer

la nouvelle en ville Mais voilagrave que le mort se redresse et qursquoil a encore des choses agrave direhellip

Bourrasque Une belle reacuteeacutecriture drsquoapregraves John Millington Synge

copy Antonia Bozzi

Crsquoest la piegravece LrsquoOmbre de la valleacutee du dramaturge irlandais John Millington Synge qui est agrave

lrsquoorigine de Bourrasque De cette petite piegravece en un acte lrsquoauteure et comeacutedienne Nathalie

Beacutecue fait la colonne verteacutebrale du spectacle un drame noueacute autour de quatre

personnages dont lrsquoun mime sa mort pour prendre son eacutepouse en faute Reprenant agrave la

lettre le texte de lrsquoauteur irlandais Nathalie Beacutecue lrsquoeacutetoffe toutefois afin drsquoimaginer le

parcours personnel eacutemotionnel de chacun des quatre personnages Lrsquointeacutegration de son

eacutecriture agrave la piegravece de John Millington Synge est parfaite en ce qursquoelle deacutepeint le quotidien

meacutelancolique et maussade de ces Irlandais isoleacutes agrave lrsquoeacutecart du monde comme prisonniers de

la tourbe qui les entoure

Le phraseacute que Nathalie Beacutecue choisit pour Bourrasque est aussi une retranscription fidegravele du

style du dramaturge une langue agrave la fois racircpeuse et poeacutetique peacutetrie de la reacutealiteacute de ces

paysans Si John Millington Synge choisit lrsquoanglo-irlandais pour ses piegraveces Nathalie Beacutecue

imagine une syntaxe et un vocabulaire reacutealisant le mecircme eacutequilibre entre langue orale aux

tournures populaires et envoleacutees des meacutetaphores pour sonder les cœurs des quatre

laquo taiseux raquo

Un quatuor qui fonctionne agrave merveille

copy Antonia Bozzi

La patte de Nathalie Beacutecue ajoute une vraie personnaliteacute agrave la piegravece de John Millington

Synge agrave tel point que tous les personnages ont un relief propre qui les rend attachants sans

les caricaturer pour autant Elle excelle aussi dans lrsquoincarnation sur scegravene de cette femme

drsquoacircge mucircr eacutetouffeacutee par la solitude et lrsquoattente perpeacutetuelle qui constitue son quotidien Elle

tient ainsi toute la tension de Bourrasque de son deacutebut agrave sa fin et ce dans une diction

parfaite drsquoun bout agrave lrsquoautre malgreacute tout ce que la langue du personnage peut avoir de

bourbeux Quant aux trois hommes qui lrsquoentourent Bourrasque leur offre une personnaliteacute

plus profonde que la piegravece du dramaturge irlandais Exploitant les ellipses du texte original

Nathalie Beacutecue imagine que la meacutelancolie de Dan Burke trouve sa source dans la violence qui

lrsquoa entoureacute degraves son enfance Elle choisit aussi de faire davantage parler le jeune berger

amant de lrsquoheacuteroiumlne un peu naiumlf et pas tregraves malin Sa candeur en vient agrave faire sourire avec

tendresse

Mais lrsquoun des personnages qui prend le plus drsquoampleur dans la piegravece est sans conteste celui

du vagabond que Nathalie Beacutecue imagine comme une sorte de chercheur drsquohistoires voyant

ainsi en lui un vague double de John Millington Synge qui a fait de la tradition et des contes

des icircles drsquoAran lrsquoune de ses quecirctes Ce personnage renoue ainsi avec la tradition orale du

reacutecit il rappelle ces aegravedes de la socieacuteteacute grecque antique qui allaient de palais en palais

chanter les reacutecits de leur connaissance Toute la deacutelicatesse dont fait preuve Philippe

Smith dans ce rocircle est remarquable

Un huis clos haletant

I

copy

Antonia Bozzi

Bourrasque reacuteussit avec brio agrave maintenir une tension forte tout au long de la piegravece Crsquoest

drsquoabord la tension qursquoil y a autour de ce deuil rendu angoissant par la preacutesence du mort sur

scegravene Crsquoest ensuite une fois que le laquo mort raquo a reacuteveacuteleacute sa supercherie au vagabond la tension

que ressent le spectateur qui attend que Dan Burke nrsquointervienne Crsquoest enfin la tension du

conflit conjugal qui explose et renverse la situation initiale La mise en scegravene de Feacutelix

Prader repose sur la simpliciteacute deacutecor rudimentaire pas de grands effets Et cela met

parfaitement en valeur la dimension relationnelle du drame

Cette tension dramatique est encore accentueacutee par la tempecircte inteacuterieure que traversent les

personnages notamment les deux eacutepoux Le monologue drsquoAlice qui ouvre la piegravece et la

longue explication que son mari offre au vagabond montrent les deux faces drsquoun couple en

crise dans lequel chacun-e ne voit plus que sa propre souffrance Ce trouble inteacuterieur et

cette forte tension eacutemotionnelle sont bien sucircr souligneacutes par les circonstances

meacuteteacuteorologiques on traverse avec les personnages une sorte de tempecircte ougrave le vent souffle

avec violence Nrsquoest-ce finalement pas cette terrible bourrasque qui trouble les esprits de

chacun Rien nrsquoest moins sucircr

Reacuteunir les deux eacutepoux et lrsquoamant confondu crsquoest un topos theacuteacirctral Mais la preacutesence de cet

inconnu que Nathalie Beacutecue place comme un observateur particulier puisqursquoon imagine que

le drame auquel il assiste pourra enrichir encore son livret de reacutecits est une belle reacuteussite

Eacutecoutant les deux eacutepoux puis prenant finalement place dans le drame en exerccedilant le recul

dont lui seul dans la piegravece est capable change la porteacutee de la piegravece et enrichit

consideacuterablement le triangle amoureux

Bulles de Culture vous recommande en tout cas vivement cette incursion en terre irlandaise

En savoir plus

bull Bourrasque de Nathalie Beacutecue mise en scegravene par Feacutelix Prader est joueacute au Theacuteacirctre de la

Tempecircte du 16 mars au 15 avril 2018

bull Bourrasque sera joueacute en 2018 au Centre culturel de Vitreacute le 20 avril sur la Scegravene nationale

de Bar-le-Duc le 17 mai et au Theacuteacirctre Montansier de Versailles le 25 mai

bull Dureacutee du spectacle 1h40

Actualiteacute theacuteacirctrale

Jusqursquoau 15 avril au Theacuteacirctre de la Tempecircte

laquo Bourrasque raquo mercredi 21 mars 2018

Par un soir de tempecircte dans une chaumiegravere isoleacutee Alice Burke veille son mari le rude et taiseux Dan Burke qui vient de mourir Il lui a interdit de toucher son corps apregraves sa mort exigeant que ce soit sa sœur qui srsquooccupe de la toilette mortuaire Mais celle-ci habite loin Alice craint la nuit et la tempecircte dans ce lieu isoleacute et ne peut le laisser seul Elle attend Deux hommes vont se preacutesenter agrave sa porte un eacutetranger qui parcourt les rudes collines des alentours pour laquo cueillir raquo les histoires qursquoon veut bien lui confier et un jeune berger peu expeacuterimenteacute qui vit un peu plus loin Avec ces deux hommes deux avenirs pourraient se dessiner le second seraient bien inteacuteresseacute par la femme et surtout les biens dont elle va heacuteriter le premier lui ouvre une sortie de son isolement et de nouveaux espaces La bourrasque qui hurle au dehors gagne aussi lrsquointeacuterieur de la chaumiegravere et bouscule tous les esprits

Nathalie Beacutecue a eacuteteacute seacuteduite par lrsquounivers du poegravete et dramaturge irlandais John Millingtone Synge et en particulier par ce livre Les Icircles Aran ougrave il a raconteacute ses rencontres avec les icircliens et les leacutegendes qursquoils lui ont conteacutees Crsquoest de lrsquoun de ses contes Lrsquoombre de la valleacutee qursquoelle srsquoest inspireacutee pour eacutecrire Bourrasque Apregraves lrsquoavoir vue dans Lrsquoapprentie sage-femme qursquoelle avait joueacutee en 2012 on comprend la continuiteacute de son travail Ce qui lrsquointeacuteresse ce sont ces destins de femmes dans les deux cas des paysannes qui cherchent leur voie et prennent la vie agrave bras le corps Dans son texte Nathalie Beacutecue a su faire entendre la sauvagerie de la nature le vent la pluie et la vie rude de ceux qui y habitent Elle a su aussi traduire les penseacutees tourmenteacutees des quatre personnages attribuant agrave John lrsquohomme qui cueille les histoires la deacutemarche de Synge lui-mecircme dans les Icircles drsquoAran

Dans la mise en scegravene de Feacutelix Prader on reste enfermeacute dans la chaumiegravere avec le mort assis ou couvert drsquoun drap et lrsquoexteacuterieur nrsquoapparaicirct qursquoinquieacutetant avec le bruit amplifieacute du vent ou des coups agrave la porte Seuls les hommes qui arrivent apportent lrsquoimage drsquoun ailleurs possible pour cette femme qui srsquoest laisseacutee enfermer dans la solitude au point drsquoecirctre obligeacutee de parler aux arbres

Nathalie Beacutecue en robe paysanne et petit gilet de laine bleue avec de gros bas de laine incarne Alice qui parle de sa vie avec cet eacutepoux taiseux porteacute sur le whisky Elle caresse la couverture de poils de chegravevre tout en parlant Calme elle dit qursquoaucun vivant ne lui a jamais fait peur crsquoest drsquoautre chose qursquoelle a peur puis soudain la colegravere lrsquoemporte quand elle pense agrave lrsquoennui de sa vie laquo fosse agrave chagrin mareacutecage de tristesse raquo et se dit qursquoelle a peut-ecirctre fait le mauvais choix en se condamnant agrave laquo regarder les saisons passer raquo Philippe Smith est John celui qui ramasse les histoires vagabond ceacuteleste qui amuse Alice avec un tour de magie lui donne les nouvelles de la valleacutee et surtout lui parle drsquoun ailleurs Theacuteo Chedeville est Michaeumll Dara le marin devenu berger Pierre-Alain Chapuis est Dan Burke le mort qui survit Il est puissant violent ravageacute par sa colegravere contre tous sa femme son pegravere mais aussi contre lui-mecircme On le sent deacutevoreacute par lrsquoamertume laquo bouffeacute par la tristesse raquo comme le dit Alice mais peut-ecirctre capable de rebondir loin de sa femme

On se laisse emporter par le reacutecit On est dans ces icircles irlandaises battues par le vent et la pluie et on rejoint John quand il dit laquo Apregraves des veilleacutees solitaires je peux dire que les gens drsquoici ne sont pas insignifiants raquo

Micheline Rousselet

Du mardi au samedi agrave 20h30 le dimanche agrave 16h30

Theacuteacirctre de La Tempecircte

Cartoucherie

Route du Champ-de-Manoeuvre 75012 Paris

Reacuteservations (partenariat Reacuteducrsquosnes tarifs reacuteduits aux syndiqueacutes Snes mais sur reacuteservation impeacuterative) 01 43 28 36 36

T H Eacute Acirc T R E

BOURRASQUE UN MAGNIFIQUE OBJET POEacuteTIQUE

ET INSPIREacute DANS LE MONDE AcircPRE ET SANS

CONCESSION DES TERRES DrsquoIRLANDE 19 MARS 2018

Reacutedigeacute par Sarah Franck

laquo Le cœur casseacute ccedila donne la vie grise raquo Quand la brume et le vent soufflent sur un monde sans avenir confit dans lrsquoeacutecoulement uniforme des jours une porte parfois srsquoentrouvre pour que change le cours des choseshellip

Un homme est mort ce soir assis dans son fauteuil Sa femme une femme de rien ou de si peu de chose heacutesite Il lui a interdit de toucher son cadavre et a jeteacute sur elle une maleacutediction au cas ougrave elle enfreindrait lrsquoordre Seule sa sœur aura le droit de le preacuteparer pour son dernier voyage Mais comment faire quand la nuit a pris des couleurs de noir drsquoencre que les nueacutees srsquoamassent que le tonnerre gronde qursquoelle a une tregraves longue route et qursquoelle est seule Il nrsquoest pas bon drsquoabandonner un mort agrave lui-mecircmehellip Dans ce lieu perdu du bout du monde ougrave ne trouvent guegravere agrave subsister que les moutons ougrave lrsquoacircpreteacute de la vie a jeteacute sur les ecirctres son voile de dureteacute ougrave ne semblent possibles que la violence des comportements et lrsquohostiliteacute ougrave lrsquoalcool est la solution ultime quotidienne pour triompher des aleacuteas un groupe heacuteteacuteroclite va peu agrave peu se rassembler

(c) Antonia Bozzi

Une arche de Noeacute de largueacutes du monde

Parmi les personnages perdus dans ce milieu de nulle part arrive drsquoabord un vagabond un cueilleur de mots un raconteur drsquohistoires qui cherche un havre pour la nuit Il voudrait simplement reposer ses pieds fatigueacutes de cheminot avant de reprendre la route Il y a lrsquoancien marin devenu eacuteleveur que la mort du mari arrange car il en guigne les terres pour faire paicirctre ses troupeaux Il y a elle la femme deacutevoueacutee dont on ne sait de quoi est fait son attachement au deacutefunt ndash amour en deacutepit de lrsquoindiffeacuterence qursquoil lui porte ennui drsquoun mariage accepteacute pour la seacutecuriteacute qursquoil donne reacutesignation devant les vexations subies Et puis il y a ce mort qui srsquoavegraverera bien vivant au moment ougrave srsquoopegravere le partage des deacutepouilles et dont lrsquohistoire a la violence et linceste pour cortegravegehellip

Ce sont lagrave des perdus eacutegareacutes sans lrsquoavoir choisi prenant racine lagrave ougrave on les a planteacutes Massifs taiseux Vivent-ils Peut-ecirctre le cheminot qui erre agrave lrsquoaventure est-il le seul agrave savoir ougrave il va ce saltimbanque ce poegravete qui donne agrave voir un ailleurs agrave respirer lrsquoodeur du vent et les senteurs venues de contreacutees lointaines Peut-ecirctre ne sont-ils pas agrave leur place mais ont-ils une place Le preacutesent est leur futur leur avenir leur eacuteterniteacute Ils portent leur brume en eux cette compagne des sortilegraveges et des superstitions qui leur colle agrave la peau Ils ont cette eacutepaisseur de la matiegravere brute cette preacutesence obstineacutee de ceux qui ne savent qursquoecirctre

(c) Antonia Bozzi

Lrsquoespace de la parole

Dans ce huis clos deacutelimiteacute par une table dans un coin une banquette sur laquelle est assis immobile le mari et une commode il nrsquoy a pas drsquoeacutechappatoire Le lieu est agrave lrsquoimage de leur existence refermeacute sur lui-mecircme Alors il ne leur reste que la parole pour briser lrsquoenfermement Une parole difficile Les mots buttent dans leur gorge ils sortent contraints rentreacutes et de trop de retenue se heurtent et srsquoentrechoquent avec de brusques flambeacutees de violence se deacuteversent tels des crachats agrave la figure de lrsquoautre Crsquoest un trop-plein qui deacuteferle pour trouver le chemin de la conscience et qui les met en face drsquoeux-mecircmes et de leur reacutealiteacute Apregraves il nrsquoy aura plus de retour en arriegravere possible et chacun devra trouver lrsquoissue qui lui convient

Ils ont ce parler fruste mais imageacute des paysans laquo ccedila crsquoest sucircr raquo qui offre une transposition bretonne agrave lrsquoanglo-irlandais du texte original Un mecircme fondement celtique court dans ces deux reacutegions que rassemblent la culture et les paysages et ougrave souffle un vent laquo agrave reacuteveiller les disparus les esprits malins ou les feacutees tordues raquo Les noms de lieux aux consonances eacutetranges chantent une poeacutesie de lrsquoailleurs qursquoaccompagne celle du deacutesespoir de ces eacutecorcheacutes de la vie laquo Crsquoest comme ccedila le bout du chemin de ceux de sa sorte Les deacutevoreacutes drsquoangoisse les rongeacutes de tristesse raquo Les mots disent leur deacutetresse Leur barbe laquo on dirait deacutejagrave du poil de moisissure raquo Lrsquounivers laquo des milliards de milliards de masses solaires qui tournoient en spirale jusqursquoagrave ecirctre happeacutees aspireacutees au centre de lrsquoinconnu du trou noir [hellip] une eacutenorme densiteacute de creacuteation ou une absence de creacuteation Du trop-plein au vide raquo agrave lrsquoimage de leur vie qui laquo se deacuteficelle raquo se deacutecompose se deacutesintegravegrehellip

Entre Synge et Nathalie Beacutecue

De lrsquoOmbre de la valleacutee de John Millington Synge ndash compatriote de Joyce Yeats et Beckett et fervent deacutefenseur du renouveau de la culture irlandaise ndash Nathalie Beacutecue reprend la situation de ce mort laquo ressusciteacute raquo tout en modifiant les enjeux et la porteacutee de lrsquohistoire Elle fait du chemineau une incarnation du poegravete Elle reprend dans lrsquoesprit ce parler si particulier qui inverse lrsquoordre des mots pour placer dans une phrase lrsquoimportant devant On y retrouve le mecircme souci de rendre leurs lettres de noblesse agrave ceux qui sont sans-grade placeacutes agrave lrsquoeacutecart en marge mais portent en eux une veacuteriteacute immeacutemoriale qui les deacutepasse Ces hommes et ces femmes qui ne savent pas parler une laquo belle raquo langue au sens classique sont pleins habiteacutes possesseurs drsquoun treacutesor qursquoil nous est donneacute de reconnaicirctre Dans sa laquo variation raquo Nathalie

Beacutecue insuffle sa propre vision de cette laquo veacuteriteacute raquo populaire peupleacutee de croyances et de leacutegendes et met ses personnages en face de choix qui les font progresser et grandir

(c) Antonia Bozzi

Un magnifique travail drsquoacteur

Ce qui frappe enfin crsquoest lrsquointerpreacutetation laquo millimeacutetreacutee raquo des comeacutediens Car enfin crsquoest sur eux que repose ce spectacle ougrave il ne se passe rien ou presque durant deux heures Pas de quiproquo ni de comique de situation Pas de trageacutedie au-delagrave de lrsquoagressiviteacute et des altercations Ni trop ni trop peu mecircme si lrsquoon alterne chuchotements et cris Ils sont tout en retenues briseacutees quand les digues lacircchent en heacutesitations en mots esquisseacutes en gestes inaboutis ou semi-dissimuleacutes en mimiques fugaces Ils disent comme en srsquoexcusant heacutesitent agrave srsquoimposer reacutevegravelent les failles avec beaucoup de finesse La minutie avec laquelle la gestuelle campe les personnages donne au spectacle une justesse qursquoon voit rarement au theacuteacirctre

On srsquoeacutemeut drsquoentendre eacutevoquer les myriades drsquoeacutetoiles comme autant drsquoesprits des morts flottant autour de nous on partage la fatigue des marches de montagne plongeacutees dans une brume eacutepaisse et hostile la difficulteacute de ces laquo nuits noires agrave en appeler agrave la clarteacute des eacutetoiles raquo Et puis on rit car ils sont des hommes avec leurs petits travers leurs lacirccheteacutes et leurs peurs ces errants agrave la deacuterive qui srsquoeacutegarent avec magnificence et nous ressemblent tant Au-delagrave du texte et de sa beauteacute crsquoest agrave une merveilleuse leccedilon drsquohumaniteacute que nous convie ce spectacle

Bourrasque de Nathalie Beacutecue librement inspireacute de lrsquoOmbre du vent de John Millington Synge (eacuted franccedilaise Actes Sud)

Mise en scegravene Feacutelix Prader

Avec Nathalie Beacutecue Pierre-Alain Chapuis Theacuteo Chedeville Philippe Smith (le poegravete)

Theacuteacirctre de la Tempecircte Cartoucherie de Vincennes Route du Champ de Mars ndash 75012 Paris

Du 16 mars 2018 au 15 avril du mardi au samedi agrave 20h30 le dimanche agrave 17h30

Teacutel 01 43 28 36 36 Site wwwla-tempetefr

Bourrasque au Theacuteacirctre de La Tempecircte

Publieacute par Michel Jakubowicz le 26 mars 2018 Publieacute dans Tendance - Fashion

Theacuteacirctre de la Tempecircte Cartoucherie Rte du Champ-de-Manœuvre 75012 Paris

Repreacutesentations du 16 mars au 15 avril 2018

httpswwwla-tempetefr

BOURRASQUE

Variation sur lrsquoOmbre de la valleacutee de JM Synge

de Nathalie Beacutecue

mise en scegravene Feacutelix Prader

avec

Nathalie Beacutecue (Alice Burke)

Pierre-Alain Chapuis (Daniel Burke)

Theacuteo Chedeville (Michaeumll Dara)

Philippe Smith (John)

Nathalie Beacutecue auteure de Bourrasque avoue srsquoecirctre inspireacutee du poegravete et dramaturge John

Millington Synge Feacutelix Prader agrave partir du texte de Nathalie Beacutecue va srsquoefforcer de recreacuteer

lrsquoambiance eacutetrange chaotique effrayante qui sourd de ce texte Il va en quelque sorte donner

corps agrave une histoire ougrave semble rocircder une ambiance agrave la limite du fantastique et mettre en lumiegravere

les comportements presque forceneacutes brutaux impreacutevisibles des personnages qursquoun hasard

apparemment faceacutetieux (ou malfaisant) a reacuteunis dans une chaumiegravere perdue de la lande irlandaise

battue par la tempecircte Il faut dire que la piegravece se deacuteroule dans un contexte peu banal presque

terrifiant puisqursquoune femme seule soliloque en srsquoadressant agrave un cosmos aveugle et infini bourreacute

de trous noirs insondables et mortels La femme semble prendre agrave teacutemoin un homme immobile

ne bougeant pas drsquoun cil et dont la raideur semble vaguement indiquer qursquoil est peut-ecirctre passeacute

de vie agrave treacutepas ou qursquoil feint deacutelibeacutereacutement lrsquoindiffeacuterence absolue face aux propos tenus par la

femme Les choses pourraient en rester lagrave mais soudainement surgi du cœur de la tempecircte qui se

deacutechaicircne agrave lrsquoexteacuterieur un inconnu reacuteclame avec insistance malgreacute lrsquohostiliteacute de la femme agrave

srsquoabriter dans la chaumiegravere

A partir de lrsquointrusion de cet eacutetranger lrsquoaction va soudainement srsquoacceacuteleacuterer et le reacutecit srsquoorienter

sans deacutelai vers lrsquoabsurde le fantastique lrsquoinattendu Le reacutecit bascule apparemment vers

lrsquoirrationnel mais en terre irlandaise il semble agrave lrsquoeacutevidence que les apparences ne sont pas

forceacutement conformes agrave la reacutealiteacute et la suite du reacutecit de Nathalie Beacutecue srsquoinspirant de John

Millington Synge ne fera que rendre encore plus creacutedible cette impression

La mise en scegravene de Feacutelix Prader reconstitue avec une sorte de preacutecision presque surnaturelle

eacutetonnante cette campagne irlandaise drsquoougrave nrsquoimporte quels fantocircmes peuvent impuneacutement surgir

de la nuit Jusqursquoau bout drsquoune nuit interminable peupleacutee de terreurs sans noms cette assembleacutee

de personnages subira jusqursquoau bout un destin fait drsquoincertitude balanccedilant constamment entre

espoir et deacutesespeacuterance Lrsquointerpreacutetation est remarquable en particulier celle de Nathalie Beacutecue

incarnant avec beaucoup drsquoacircpreteacute de passion le rocircle drsquoAlice Burke Mais les trois autres

protagonistes masculins sont eacutegalement parfaits donnant agrave leurs personnages respectifs toute

lrsquoeacutepaisseur psychologique deacutesireacutee Un spectacle prenant qui reacutevegravele dans toute sa profondeur

lrsquoacircme irlandaise

Michel Jakubowicz

LE BRUITDUOFF TRIBUNE

LES SCENES ACTUELLES SANS TABOU NI TROMPETTES

CRITIQUE laquo Bourrasque raquo variation sur Lrsquoombre de la valleacutee de JM Synge de Nathalie Beacutecue mis en scegravene par Feacutelix Prader avec Nathalie Beacutecue Pierre-Alain Chapuis Theacuteo Chedeville et Philippe Smith Au Theacuteacirctre de la Tempecircte salle Copi jusqursquoau 15 avril du mardi au samedi agrave 20h30 dimanche agrave 16h30

Crsquoest lrsquoun des plus beaux textes de la saison Nathalie Beacutecue a adapteacute les peacutereacutegrinations de Synge avec amour infleacutechissant ses rugositeacutes irlandaises drsquoune ardeur feacutebrile

laquo Bourrasque raquo crsquoest la poeacutesie cosmique descendue sur lrsquoeacutepure drsquoun verbe aussi vieux que les icircles drsquoAran qui lrsquoabritent laquo Bourrasque raquo crsquoest la meacutetaphysique de la bergegravere Srsquoeacutelegraveve une litanie vibrante adresseacutee aux eacutetoiles pour cet laquo ougrave suis-je raquo qui preacutecegravede le laquo qui suis-je raquo pour le trou noir la masse la poussiegravere lrsquoengloutissement la disparition lrsquoinconnu la creacuteation sa densiteacute son absence le trop plein le videhellip Le vertige drsquoAlice Burke un soir de tempecircte est celui drsquoun cœur simple dans le langage du monde Lrsquoespace drsquoun entre-lumiegravere avant lrsquoextinction de la salle Nathalie Beacutecue ample vibrante ancreacutee et tendue vers des ciels invisibles livre une formidable deacutemonstration de sa maicirctrise de lrsquoabandon

Encore aux prises avec ce jaillissement drsquoecirctre brut et pur il nous faut quelques battements de cœur pour lrsquohabituer aux ombres de la scegravene peacuteneacutetrer le deuil terrestre drsquoAlice Burke et investir sa maison de pierre tandis que laquo perdu ailleurs raquo le vent se legraveve Les yeux pleins drsquoorage et la voix blanche elle embarque les acircmes qursquoelle a tendues vers elle laquo Je suis en colegravere tellement je suis triste raquo

Daniel Burke le fermier sans meacutetaphysique le fermier malheureux srsquoest figeacute lagrave dans une mort subite et inviolable et sa veuve saisie de solitude et figeacutee depuis cent ans voit sa laquo vie grise raquo deacutechireacutee par laquo la grande trouille raquo La trouille de quoi Car la mort toute proche incarneacutee dans la deacutepouille de son mari immobile ne lrsquoeffraye pas Crsquoest une femme des montagnes qui croit aux fantocircmes et qui ne les craint pas

Est-ce un fantocircme qui franchit son seuil dans lrsquoorage pour mettre son errance et son immense laquo dehors raquo dans lrsquoespace sans projet ougrave elle vit confineacutee John mucirc par le timbre envoucirctant de Philippe Smith est un porteur drsquohistoires venu reacutecolter quelques miettes au foyer de la derniegravere maison allumeacutee sur les chemins rocheux drsquoAran Quand Alice Burke laisse son hocircte dans cette eacutetrange veilleacutee et que Dan Burke se redresse bien vivant et saoul crsquoest toute une vie de spectateur qui vacille agrave son tour John pourra-t-il refuser drsquoecirctre acteur de cette histoire-lagrave

Pierre-Alain Chapuis est un Dan Burke massif en corps et en ecirctre plein de passeacute de rancœur et de lrsquoeacutepaisse rusticiteacute que les silences ont tanneacutee sur sa peau et sa voix Quatriegraveme entreacutee en scegravene la jeunesse vacillante de Theacuteo Chedeville precircte ses fougues agrave Michaeumll Dara le marin en quecircte de reacuteconciliation avec la terre qui cherche agrave ecirctre au sol et treacutepigne dans la valleacutee encore la tecircte agrave moitieacute immergeacutee des recircves drsquoavant les recircves enterreacutes de large et de houle La paix est-elle plus haut dans la montagne

La mise en scegravene de Feacutelix Prader attentive aux eacuteclats de verbe sublimeacutes par les voix de Beacutecue Chapuis Chedeville et Smith est un effacement une ombre pour que la poeacutesie eacuteclaire Il veut saisir le preacutesent et la preacutesence eacutenorme des protagonistes dans la suspension du temps du theacuteacirctre Sa scegravene se deacutepare du moindre artifice se fait couloir pour lrsquoeacutemotion de cette parole vitale qui balaye le silence effareacute du spectateur srsquooublie dans une pudeur parfaite Jrsquoentends encore la voix pleine et rocailleuse de Beacutecue la Burke souffler la bourrasque laquo Jrsquoai trop la trouille pour pas y aller raquo

Drsquoun eacutelan vital et poeacutetique elle engloutit le motif radical de la mort

Marguerite Dornier

DU 1603 AU 15042018 AU THEacuteAcircTRE DE LA TEMPEcircTE | DUREacuteE 1H40 |

Librement adapteacute de la piegravece en un acte de John M Synge laquo Lrsquoombre dans la Valleacutee raquo Bourrasque fait preuve drsquoune sagaciteacute deacuteroutante dans une ambiance drsquoinsulaires superstitieux Situation macabre regraveglements de comptes conjugaux reacutecits de voyages et art du vagabondagehellip lrsquoIrlande et son hors-champ drsquoimmensiteacute montagneuse et orageuse nous submergent alors que de grandes deacutecisions se prennent dans la petite chaumiegravere drsquoAlice Burke indigneacutee par la mort foudroyante de son mari Dan qursquoelle ne peut toucher sous peine drsquoecirctre maudite

De par la traduction drsquoun gaeacutelique transposeacute dans du franccedilais paysan aux consonances lyriques et lrsquointerpreacutetation de ce tregraves beau et talentueux quatuor de comeacutediens le folklore celte est tout agrave fait plausible voire palpable et propage son caractegravere sacreacute Bourrasque est un deacutelice drsquohumour peut ecirctre un tantinet pessimiste mais surtout pittoresque et poeacutetique

Eloiumlse Dandoy

jeudi 22 mars 2018

Bourrasque de Nathalie Beacutecue

Bourrasque est un de ces spectacles dont on mesure la chance quils existent Parce que Nathalie Beacutecue a fait un travail deacutecriture tregraves reacuteussi librement adapteacute de la piegravece LrsquoOmbre de la valleacutee en reprenant lrsquoargument tout en modifiant les enjeux et la porteacutee Elle place le spectateur au plus pregraves de latmosphegravere poeacutetique qui a impreacutegneacute lIrlande que John Millington Synge (1871-1909) nous a fait deacutecouvrir au XIXdeg siegravecle et qui est encore tregraves vivante gracircce agrave la moderniteacute de la mise en scegravene de Feacutelix Prader La distribution est habile avec Nathalie Beacutecue qui interpregravete Alice Burke et trois autres comeacutediens Pierre-Alain Chapuis (Daniel Burke) Theacuteo Chedeville (Michaeumll Dara) et Philippe Smith (John) tous diffeacuterents qui permettent dapporter des points de vue parfois deacuteroutants maintenant le spectateur quasiment en haleine comme sil eacutetait au coeur dun thriller Le caractegravere primitif de la vie sociale si particuliegravere des icircles drsquoAran en deviendrait presque normal dans un deacutecor rustique simple et familier

Par un soir de violente tempecircte que lon entendra rugir derriegravere la verriegravere Alice Burke veille son mari deacutefunt lrsquoacircpre et ombrageux fermier Dan Burke comme le veut la coutume dans cette contreacutee reculeacutee Silence dans la chaumiegravere isoleacutee quand agrave la porte frappe un inconnu nomade des collines cueilleur drsquohistoires (Synge) qui ravive dans lrsquoacircme dAlice la soif drsquoun ailleurs Un autre homme bouscule les certitudes dAlice Michaeumll Dara le marin devenu berger qui vit agrave quelques lieues et convoite agrave la fois les biens et la femmethinsp Et si soudain srsquoeacuteveillait le deacutefunt chahutant les vivants que ferait Alicethinsp

Le mort est sur scegravene muet cela va sans dire mais bien preacutesent tout de mecircme Sa femme lui rend hommage malgreacute les cahots qui ont chahuteacute sa vie Cest une femme simple qui a les pieds sur terre capable dun brin de fantaisie que lon remarque dans le point de tricot du gilet quelle porte sur une robe bleu marine Sans doute reacutealiseacute avec la laine de ses moutons Les paroles se bousculent au rythme des souvenirs et agrave la mesure des angoisses qui lassaillent comme des ressentiments quelle exprime toute seule La tempecircte qui agite son esprit est semblable agrave celle qui souffle au dehors Elle reconnait quelle ne sait plus ougrave elle en est et sassoit pregraves de celui qui fut son homme Chaque mort serait une eacutetoile qui scintille dans le ciel Au-delagrave de cette jolie image Alice est confronteacutee agrave labsence de deux beaux enfants partis aux Ameacuteriques et aujourdrsquohui un mari qui part et agrave qui elle parle comme sil eacutetait vivant et comme elle ne lui a sans doute jamais parleacute parce que jusque-lagrave elle nosait pas Tout bascule ccedila vrille comment crsquoest possible possible je suis en colegravere

Elle refuse puis accueille la reacutealiteacute et lhomme eacutetranger qui explique sa fonction je cueille des mots Et qui fait davantage en analysant les eacutevegravenements Cest lui qui le premier a un doute Il est mort votre copain On dirait qursquoil fait le mort Si effectivement la mort neacutetait quune ruse pour permettre de deacutebusquer la veacuteriteacute vraie agrave linstar dOrgon cacheacute sous la nappe pour confondre Tartuffe

La langue choisie par Nathalie Beacutecue est preacutecise poeacutetique et feacuteroce Si je deacutesentortille votre charabia Jrsquoai trop la trouille pour pas y aller avant de se deacutecider agrave deacuterouler ses recircves sous ses pas

Faisons-nous aussi le pas pour ne pas louper ce petit bijou qui se joue au theacuteacirctre de la Tempecircte jusquau 15 avril 2018

Bourrasque de Nathalie Beacutecue Mise en scegravene Feacutelix Prader Avec Nathalie Beacutecue (Alice Burke) Pierre-Alain Chapuis (Daniel Burke) Theacuteo Chedeville (Michaeumll Dara) Philippe Smith (John) Sceacutenographie et costumes Ceacutecilia Galli Creacuteation sonore Estelle Lembert Direction des combats Franccedilois Rostain Du 16 mars au 15 avril 2018 Du mardi au samedi 20 h 30 dimanche 16 h 30 Les photos qui ne sont pas logotypeacutees A bride abattue sont de Antonia Bozzi Publieacute par marie-claire agrave 2335 Envoyer par e-mailBlogThisPartager sur TwitterPartager sur FacebookPartager sur Pinterest Libelleacutes coup de coeur spectacle theacuteacirctre

critiquetheatreclaucom

17 Mars 2018

ABOZZI

Bourrasque jusqursquoau 1504 th de La tempecircte

Mouvance de la destineacutee

De Nathalie Beacutecue inspireacute de lrsquoœuvre de John Millington Synge dramaturge irlandais 1871- 1909Mise en scegravene Feacutelix Prader

Au premier instant nous nous sommes happeacutes par un merveilleux poegraveme invoquant le chagrin des ecirctres perdus la solitude la deacutetresse la tristesse les regrets

laquo Pourquoi jrsquoai reccedilu cette vie Au lieu drsquoattraper lrsquoair transparent dans le bleu du cielhelliphellip Rester lagrave agrave attendre la Balayure du soir raquo

Une atmosphegravere de conte de poeacutesie et de mystegravere nous enveloppe

Un jour de grande tempecircte au plus profond de la campagne irlandaise nous peacuteneacutetrons dans une sobre demeure Il va se deacuterouler sous nos yeux pleins drsquoeacutetonnement un conte tragi-comique

Les personnages sont hauts en couleur

Un paysan Daniel Burke rustre et srsquoabreuvant de whisky pour oublier sa peur et la tristesse de la vie simule sa mort pour espionner sa femme

Alice soumise agrave sa condition se questionne sur sa vie passeacutee et agrave venir Tout en veillant son deacutefunt mari

John marcheur solitaire poegravete eacutecrivain et avide de liberteacute eacutecoutant et observant le monde arrive agrave lrsquoimproviste dans cette demeure

Michaeumll ancien marin devenu berger est un eacutetranger dans cette campagne isoleacutee Il va convoiter Alice pour srsquointeacutegrer dans ce monde hostile

Tous ses personnages vont se reacuteveacuteler nous raconter leur histoire parfois tragique parfois cocasse

Que veulent-ils devenir Prendront-ils leur destineacutee en main

Nous deacutecouvrons le sens de la fecircte les rites et coutumes funeacuteraires de la campagne irlandaise Nous ressentons lrsquoisolement de ses contreacutees la vie rude et solitaire de ses habitants ainsi que le climat rigoureux et froid

Crsquoest agrave la fois violent et tendre eacutemouvant et burlesque

Les comeacutediens nous eacutemeuvent et nous transpercent le cœur

Avec Alice Nathalie Beacutecue nous bouleverse

Daniel Pierre-Alain Chapuis bourru et tendre nous attendri

John Philippe Smith eacuteleacutegant et serein nous seacuteduit

Sans oublier Theacuteo Chedeville touchant dans le rocircle du jeune berger Michaeumll

Page 10: BOURRASQUE - Théâtre Montansier · 2018. 5. 7. · composé Bourrasque, que Félix Prader met en scène avec igueu (1). Synge affimait u’au théâtre, « il faut du réel, il

Bourrasquehellip Juste ce quil faut deacutetrangeteacute pour que le reacutealisme soit porteacute aux franges du fantastique Bourrasque Theacuteacirctre de la Tempecircte Paris

Dans Bourrasques inspireacutee par lœuvre de John Millington Synge Nathalie Beacutecue emporte le spectateur dans un tourbillon de theacuteacirctre Un theacuteacirctre mucirc par une langue concregravete drue simple manieacutee par des vagabonds des mots des enjocircleurs des charmeurs beaux parleurs qui magnifient cette terre d Irlande herbeuse et moutonneuse et tourbeuse cette terre de lOuest ces icircles dAran les bien nommeacutees

copy Antonia Bozzi

Battues par les vents peupleacutees dhommes taiseux cogneux buveux de femmes entiegraveres et acircpres et dures agrave la tacircche Cette terre dIrlande qui rend recircves et cauchemars et mots et sorts et enchantements Le spectacle de Nathalie Beacutecue sappuie sur une farce tregraves ancienne celle du mari qui feint la mort pour mieux confondre son eacutepouse et son amant La comeacutedie le drame se croisent Du trivial le plus cru au lyrique le plus naturel Feacuteroce et drocircle Assureacutement le rire de Synge est tragique mais il est sain Il est celui des fabliaux Mais ces habitants ne sont pas traiteacutes comme des ploucs mais comme des poegravetes qui savent extraire des petits faits de leurs superstitions de leurs peurs de leurs malheurs des reacutecits beaux comme la laine Des reacutecits qui exaltent tout autant que le Whiskey

copy Antonia Bozzi

Les personnages sont eacutemus par deacutetranges sympathies archaiumlques Leur humeur change au greacute des coups de vents et leur simpliciteacute de caractegravere bascule dans une franche gaiteacute ou une brusque deacutepression Cest que leur isolement des frousses leacutegendaires les font appartenir agrave un monde de recircves et de forces qui les deacutepassent La langue est simple Cest la langue du conteur Juste ce quil faut deacutetrangeteacute pour que le reacutealisme soit porteacute aux franges du fantastique Les dialogues sont croiseacutes la syntaxe subit des torsions les choses sont nommeacutees simplement Le grain de la voix le rythme du souffle leacutelan du jeu humanise les ecirctres amplifie les mots agrave la dimension du recircve et de leacutemerveillement Ce spectacle est une eacutechappeacutee belle Avec laide de ses comeacutediens leur verve et le beau travail sur le texte de Nathalie Beacutecue le spectateur retrouve le secret dune poeacutesie objective agrave base dhumour franc que le theacuteacirctre actuel a trop souvent abandonneacute Bourrasque

copy Antonia Bozzi

Variation sur LOmbre de la valleacutee de John Millington Synge Texte Nathalie Beacutecue Mise en scegravene Feacutelix Prader Avec Nathalie Beacutecue Theacuteo Chedeville Pierre-Alain Chapuis Philippe Smith Sceacutenographie et costumes Ceacutecilia Galli Creacuteation sonore Estelle Lembert Collaboration artistique Aureacutelia Guillet Lumiegraveres Thibault Gaigneux Direction des combats Franccedilois Rostain Dureacutee 1 h 30 Production En Votre Compagnie Du 16 mars au 15 avril 2018 Du mardi au samedi agrave 20 h 30 dimanche agrave 16 h 30 Theacuteacirctre de la Tempecircte Salle Copi La Cartoucherie Paris 12e 01 43 28 36 36

Jean Grapin Lundi 26 Mars 2018

Drame naturaliste de Nathalie Beacutecue dapregraves

une oeuvre de John Millington Synge mise en scegravene de Feacutelix Prader

avec Nathalie Beacutecue Theacuteo Chedeville Pierre-Alain Chapuis et Philippe

Smith

La comeacutedienne Nathalie Beacutecue a deacutejagrave montreacutee son appeacutetence pour la

parole des taiseux du temps jadis avec un monologue dramatique

Lapprentie sage-femme issu du roman dun auteur contemporain ameacutericain

Karen Cushman se deacuteroulant dans lAngleterre meacutedieacutevale

Avec Bourrasque elle propose une adaptation libre quelle qualifie de

variation dune piegravece de John Millington Synge dramaturge irlandais du

19egraveme siegravecle engageacute dans le mouvement du Celtic Reviva l qui ressort agrave la

theacutematique de lacircme simple agrave laquelle ne sont eacutetrangers ni lapproche

poeacutetique du monde ni le questionnement meacutetaphysique

Par une nuit dorage un eacutecrivain meacutemorialiste baroudeur et collecteur

dhistoires (Philippe Smith) qui bat la campagne irlandaise trouve refuge dans

une ferme isoleacutee du comteacute de Wicklow

La dame de la maison (Nathalie Beacutecue) est sous le coup de leacutemotion de

la mort soudaine - et simuleacutee - de son mari (Pierre-Alain Chapuis) car

destineacutee agrave eacutetablir linfideacuteliteacute commise avec un jeune berger (Theacuteo

Cheacutedeville) et ce subterfuge va bouleverser leur destin

Sobrement mis en scegravene par Feacutelix Prader dans une sceacutenographie

intemporelle de Ceacutecilia Galli ce drame naturaliste agrave connotation de reacutealisme

magique agrave lirlandaise entre brume et tourbe composeacute essentiellement de la

juxtaposition quatre reacutecits hybridant soliloque et de biodrame beacuteneacuteficie dune

interpreacutetation remarquable qui navigue du registre du patheacutetique avec pour

chantre Nathalie Beacutecue et celui du burlesque dont Pierre-Alain

Chapuis savegravere en lespegravece le champion qui twiste la partition en eacutevitant

leacutecueil lacrymal

MM

BOURRASQUE Theacuteacirctre de la Tempecircte

Cartoucherie

Route du Champ-de-Manœuvre

75012 Paris

Tel 01 43 28 36 36

Jusqursquoau 15 avril 2018

du mardi au samedi 20h30

Dimanche 16h30

On connaissait de JM Synge laquo Le baladin du monde occidental raquo bien sucircr et laquo

Deirdre des douleurs raquo Voici qursquoon nous exhume une piegravece bien moins connue laquo

Lrsquoombre de la valleacutee raquo Elle fut eacutecrite par Synge apregraves un seacutejour aux icircles drsquoAran Ici

elle sert de base agrave cette variation signeacutee en fait Nathalie Beacutecue

Nous sommes au deacutebut du siegravecle dans un coin reculeacute drsquoIrlande une femme Alice

Burke veille son mari qui vient de mourir et qui deacutetail important lui a bien demandeacute

de ne pas le toucher Il laisse ce soin agrave sa soeur La femme reccediloit alors la visite drsquoun

voyageur preacutenommeacute John (Synge lui-mecircme) Comme elle srsquoeacuteclipse Daniel le mari

reacutevegravele qursquoil nrsquoest pas mort Choc Et ce nrsquoest pas fini

Si Synge avait axeacute sa piegravece sur cette tradition irlandaire (contrefaire le mort) et ses

conseacutequences tragi-comiques on voit bien que ce nrsquoest pas ce qui a inteacuteresseacute

Nathalie Beacutecue Elle a vu lagrave lrsquooccasion de deacutevelopper des personnages inventer

comme elle dit laquo un parler agrave ces taiseux et agrave y glisser toute la tendresse toutes les

violences qui les habitent raquo

Dans deacutecor sobre et agrave lrsquoaide de quelques eacuteleacutements laquo parlants raquo nous avons donc

droit agrave des variations sur le couple la solitude la vie des paysans-eacuteleveurs de

moutons leurs soucis et surtout lrsquoalieacutenation de lrsquoeacutepouse

Le problegraveme est qursquoil y a quelques longueurs agrave cocircteacute de fulgurances et de trouvailles

laquo Comme on vit on meurt mecircme visage raquo ou bien lanceacute par la femme laquo Mariez-

vous vous trimerez raquo la piegravece est statique

Elle est heureusement brillamment joueacutee par Pierre-Alain Chapuis (Daniel Burke)

avec sa rudesse et ses emportements ou Philippe Smith dans le rocircle de John Theacuteo

Chedeville a la fougue de la jeunesse mais on retiendra surtout lrsquoauteur-interpregravete

Nathalie Beacutecue elle est eacutemouvante et forte dans ce rocircle de femme en reacutevolte et qui

nrsquoa au bout du compte que le choix entre trois destins incarneacutes par trois hommes

Geacuterard Noeumll

Bourrasque

de Nathalie Beacutecue

Mise en scegravene Feacutelix Prader

Avec Nathalie Beacutecue Pierre-Alain Chapuis Theacuteo Chedeville Philippe Smith

Sceacutenographie et costumes Ceacutecilia Galli

Son Estelle Lembert

Collaboration artistique Aureacutelia Guillet

Direction des combats Franccedilois Rostain

Nathalie Beacutecue Antonia Bozzi

Bourrasque agrave la Tempecircte Un moment tempeacutetueux et plein drsquoeacutemotion Cest un voyage que nous propose actuellement le theacuteacirctre de La Tempecircte Une immersion absolue dans un foyer irlandais un soir ougrave une terrible bourrasque a deacutecideacute de tout emporter sur son passage En effet Nathalie Beacutecue agrave leacutecriture et Felix Prader agrave la mise en scegravene nous emportent dans leur univers celui de la farce mais aussi celui du reacuteel Un spectacle vibrant entre violence tendresse et reacuteflexion La nuit tombe sur cette chaumiegravere et sur la vie dAlice Burke Daniel Burke est mort Le deacutesarroi la colegravere la deacutetresse transpirent chez cette femme qui entame une premiegravere nuit de deuil Puis vient la bourrasque vient cet eacutetranger qui arpente les routes vient ce berger de la ferme voisine Cette soireacutee est une soireacutee eacutesoteacuterique Tout semble hors du temps Ce soir pour chacun des protagonistes cest un nouveau deacutepart une remise agrave zeacutero des compteurs Une renaissance Un envol Alice Burke na pas peur Sur scegravene ils sont quatre Quatre comeacutediens de talent qui eacutepousent agrave la perfection les personnages quils incarnent Justes profonds et surtout attachants Nathalie Beacutecue Pierre-Alain Chapuis Theacuteo Chedeville et Philippe Smith sont vrais On sourit aux blagues de ce conteur on souffre avec cette femme tortureacutee on aime avec ce berger on est trahi avec Daniel Burke Le texte est fort il ne laisse pas insensible et pose les questions et les remises en question que tout un chacun est ameneacute agrave se poser au cours de son existence La mise en scegravene quant agrave elle ne nous impose rien Chacun est libre dajouter sa part dimagination et dhypothegravese agrave cette chaumiegravere isoleacutee dans les montagnes irlandaises La fin de cette bourrasque dans les airs et dans les cœurs est lapogeacutee de tout un cheminement dune reacuteflexion celle que propose ici Nathalie Beacutecue dapregraves les arguments de leacutecrivain J-M Synge Un spectacle vrai et sans artifice agrave deacutecouvrir

Zoom par Reacutegis DARO Paru le 30032018

-

BOURR

Spectatif

ASQUE au Theacuteacirctre de La Tempecircte 17 Mars 2018

Comment savoir si Daniel Burke est mort ou pas Srsquoil ne srsquoagit que de son fantocircme qui vient surprendre son eacutepouse Alice Burke ou si Daniel Burke feint sa reacutesurrection pour fendre ses secrets et laisser eacutechapper un peu de lui-mecircme dans ses derniers instants juste avant de tenter de fondre ses pas dans ceux de celle qui veut partir fatigueacutee du passeacute et enjoueacutee devant un avenir qursquoelle voudrait se construire meilleur et sien Deacuteroulera-t-elle ses recircves sous ses pas Troublante et mysteacuterieuse aventure que cette soireacutee de bourrasque ougrave une veilleacutee mortuaire devient une veilleacutee de palabres de reacutecits et drsquoespoirs Entre reacuteel et irreacuteel lrsquoimaginaire srsquoempare de nous nous faisant flotter sur le flux des mots dits et plonger par moments parmi les maux dits de ce couple de paysans dont on ne sait srsquoils srsquoaiment ou se haiumlssent si seulement lrsquoamour est entreacute dans leur bacirctisse ou si ce mot nrsquoexiste pas pour eux Ce spectacle baigneacute de poeacutesie reacutealiste crue et deacutepouilleacutee est une magnifique eacutecriture de Nathalie Beacutecue qursquoelle nomme Variation sur LrsquoOmbre de la valleacutee de John Millington Synge On comprend que ce grand dramaturge irlandais de la fin du 19egraveme siegravecle inspira Beckett et subjugua Artaud entre autres Tant ses peintures dramatiques de la paysannerie irlandaise de ses us et coutumes sont autant de sources pour des personnages en marge ou des situations fantastiques Le parcours de Alice Burke est captivant Ce qursquoelle raconte ce qursquoelle dit et ce qursquoelle devient Paysanne infidegravele ou eacutepouse adulteacuterine sublimeacutee dans le mal par son mari cet homme meurtri et malheureux elle deacutecouvre peu agrave peu drsquoautres horizons pour vivre

John le vagabond recueilli ce soir de bourrasque sorte drsquoaegravede qui parcoure les villages et se nourrit des morceaux de vie des autres notant ses observations se payant drsquoaumocircnes apportera agrave Alice les lumiegraveres du deacutesir drsquoailleurs Michaeumll Dara le jeune berger du voisinage venu lui aussi pour se proteacuteger de la bourrasque semble porter avec lui les plaisirs et les espeacuterances attendus inavoueacutes ou peut-ecirctre assouvis par Alice Daniel Burke le mari mort ou vivant fantocircme de lui-mecircme erre vocifegravere eacuteructe ses souffrances cacheacutees derriegravere sa violence qui le blesse autant qursquoil voudrait blesser nous montrant un paysan qui nrsquoa connu que sa famille enfant ou adulte pour tout environnement humain Joue-t-il avec la mort qui revient pour hanter la veilleacutee ou est-il lrsquoecirctre hirsute perdu agrave jamais dans ses illusions et ses souffrances dans ses remords et ses souvenirs qui le rongent tant qursquoil se confond dans la mort comme dans la vie On ne sait pas on ne sait plus Nous sommes trop eacuteblouis pour bien voir qui il est nous sommes trop toucheacutes pour savoir ougrave nous sommes vraiment La mise en scegravene de Feacutelix Prader feutre le reacutecit le meacutelange aux jeux avec adresse et fluiditeacute Les mondes se juxtaposent on nrsquoa rien vu venir La distribution est brillante Theacuteo Chedeville et Philippe Smith sont justes et convaincants Natalie Beacutecue est lumineuse et eacutemouvante Pierre-Alain Chapuis comme drsquohabitude nous surprend Il deacutegage une puissance de jeu qui donne agrave son personnage tout le trouble et la cassure qui conviennent Il est splendide et touchant Un spectacle sublime et tregraves prenant agrave lrsquoeacutecriture eacutetonnante et captivante aux jeux drsquoun brio stupeacutefiant Un tregraves grand moment de theacuteacirctre A voir absolument Drsquoapregraves les œuvres de John Millington Synge Variation sur The shadow of the Glen Eacutecriture de Nathalie Beacutecue Mise en scegravene de Feacutelix Prader Sceacutenographie et costumes de Ceacutecilia Galli Son de Estelle Lembert Lumiegraveres de Thibault Gaigneux Collaboration artistique de Aureacutelia Guillet Direction des combats de Franccedilois Rostain

Avec Nathalie Beacutecue Pierre-Alain Chapuis Theacuteo Chedeville et Philippe Smith

Du mardi au samedi agrave 20h30 et le dimanche agrave 16h30

Cartoucherie route du Champ de Manoeuvre Paris 12egraveme

0143283636 wwwla-tempetefr

- Photo copy Antonia Bozzi -

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Accueil SPECTACLES [Critique] laquo Bourrasque raquo par Feacutelix Prader Une bouffeacutee drsquoIrlande

copy Antonia Bozzi

[Critique] laquo Bourrasque raquo par Feacutelix Prader Une bouffeacutee drsquoIrlande Morgane P 2018-03-28

Le Theacuteacirctre de la Tempecircte preacutesente Bourrasque une piegravece de theacuteacirctre de Nathalie Beacutecue

mise en scegravene par Feacutelix Prader Une incursion meacutelancolique et amegravere en terre irlandaise

Lrsquoavis de Bulles de Culture qui eacutetait agrave la premiegravere de la piegravece

Synopsis

Alice Burke (Nathalie Beacutecue) veille son mari Dan Burke (Pierre-Alain Chapuis) qui vient de

mourir quand survient un vagabond (Philippe Smith) qui demande asile pour la nuit Il faut

preacutevenir Michael Dara (Theacuteo Chedeville) jeune berger des alentours afin qursquoil aille annoncer

la nouvelle en ville Mais voilagrave que le mort se redresse et qursquoil a encore des choses agrave direhellip

Bourrasque Une belle reacuteeacutecriture drsquoapregraves John Millington Synge

copy Antonia Bozzi

Crsquoest la piegravece LrsquoOmbre de la valleacutee du dramaturge irlandais John Millington Synge qui est agrave

lrsquoorigine de Bourrasque De cette petite piegravece en un acte lrsquoauteure et comeacutedienne Nathalie

Beacutecue fait la colonne verteacutebrale du spectacle un drame noueacute autour de quatre

personnages dont lrsquoun mime sa mort pour prendre son eacutepouse en faute Reprenant agrave la

lettre le texte de lrsquoauteur irlandais Nathalie Beacutecue lrsquoeacutetoffe toutefois afin drsquoimaginer le

parcours personnel eacutemotionnel de chacun des quatre personnages Lrsquointeacutegration de son

eacutecriture agrave la piegravece de John Millington Synge est parfaite en ce qursquoelle deacutepeint le quotidien

meacutelancolique et maussade de ces Irlandais isoleacutes agrave lrsquoeacutecart du monde comme prisonniers de

la tourbe qui les entoure

Le phraseacute que Nathalie Beacutecue choisit pour Bourrasque est aussi une retranscription fidegravele du

style du dramaturge une langue agrave la fois racircpeuse et poeacutetique peacutetrie de la reacutealiteacute de ces

paysans Si John Millington Synge choisit lrsquoanglo-irlandais pour ses piegraveces Nathalie Beacutecue

imagine une syntaxe et un vocabulaire reacutealisant le mecircme eacutequilibre entre langue orale aux

tournures populaires et envoleacutees des meacutetaphores pour sonder les cœurs des quatre

laquo taiseux raquo

Un quatuor qui fonctionne agrave merveille

copy Antonia Bozzi

La patte de Nathalie Beacutecue ajoute une vraie personnaliteacute agrave la piegravece de John Millington

Synge agrave tel point que tous les personnages ont un relief propre qui les rend attachants sans

les caricaturer pour autant Elle excelle aussi dans lrsquoincarnation sur scegravene de cette femme

drsquoacircge mucircr eacutetouffeacutee par la solitude et lrsquoattente perpeacutetuelle qui constitue son quotidien Elle

tient ainsi toute la tension de Bourrasque de son deacutebut agrave sa fin et ce dans une diction

parfaite drsquoun bout agrave lrsquoautre malgreacute tout ce que la langue du personnage peut avoir de

bourbeux Quant aux trois hommes qui lrsquoentourent Bourrasque leur offre une personnaliteacute

plus profonde que la piegravece du dramaturge irlandais Exploitant les ellipses du texte original

Nathalie Beacutecue imagine que la meacutelancolie de Dan Burke trouve sa source dans la violence qui

lrsquoa entoureacute degraves son enfance Elle choisit aussi de faire davantage parler le jeune berger

amant de lrsquoheacuteroiumlne un peu naiumlf et pas tregraves malin Sa candeur en vient agrave faire sourire avec

tendresse

Mais lrsquoun des personnages qui prend le plus drsquoampleur dans la piegravece est sans conteste celui

du vagabond que Nathalie Beacutecue imagine comme une sorte de chercheur drsquohistoires voyant

ainsi en lui un vague double de John Millington Synge qui a fait de la tradition et des contes

des icircles drsquoAran lrsquoune de ses quecirctes Ce personnage renoue ainsi avec la tradition orale du

reacutecit il rappelle ces aegravedes de la socieacuteteacute grecque antique qui allaient de palais en palais

chanter les reacutecits de leur connaissance Toute la deacutelicatesse dont fait preuve Philippe

Smith dans ce rocircle est remarquable

Un huis clos haletant

I

copy

Antonia Bozzi

Bourrasque reacuteussit avec brio agrave maintenir une tension forte tout au long de la piegravece Crsquoest

drsquoabord la tension qursquoil y a autour de ce deuil rendu angoissant par la preacutesence du mort sur

scegravene Crsquoest ensuite une fois que le laquo mort raquo a reacuteveacuteleacute sa supercherie au vagabond la tension

que ressent le spectateur qui attend que Dan Burke nrsquointervienne Crsquoest enfin la tension du

conflit conjugal qui explose et renverse la situation initiale La mise en scegravene de Feacutelix

Prader repose sur la simpliciteacute deacutecor rudimentaire pas de grands effets Et cela met

parfaitement en valeur la dimension relationnelle du drame

Cette tension dramatique est encore accentueacutee par la tempecircte inteacuterieure que traversent les

personnages notamment les deux eacutepoux Le monologue drsquoAlice qui ouvre la piegravece et la

longue explication que son mari offre au vagabond montrent les deux faces drsquoun couple en

crise dans lequel chacun-e ne voit plus que sa propre souffrance Ce trouble inteacuterieur et

cette forte tension eacutemotionnelle sont bien sucircr souligneacutes par les circonstances

meacuteteacuteorologiques on traverse avec les personnages une sorte de tempecircte ougrave le vent souffle

avec violence Nrsquoest-ce finalement pas cette terrible bourrasque qui trouble les esprits de

chacun Rien nrsquoest moins sucircr

Reacuteunir les deux eacutepoux et lrsquoamant confondu crsquoest un topos theacuteacirctral Mais la preacutesence de cet

inconnu que Nathalie Beacutecue place comme un observateur particulier puisqursquoon imagine que

le drame auquel il assiste pourra enrichir encore son livret de reacutecits est une belle reacuteussite

Eacutecoutant les deux eacutepoux puis prenant finalement place dans le drame en exerccedilant le recul

dont lui seul dans la piegravece est capable change la porteacutee de la piegravece et enrichit

consideacuterablement le triangle amoureux

Bulles de Culture vous recommande en tout cas vivement cette incursion en terre irlandaise

En savoir plus

bull Bourrasque de Nathalie Beacutecue mise en scegravene par Feacutelix Prader est joueacute au Theacuteacirctre de la

Tempecircte du 16 mars au 15 avril 2018

bull Bourrasque sera joueacute en 2018 au Centre culturel de Vitreacute le 20 avril sur la Scegravene nationale

de Bar-le-Duc le 17 mai et au Theacuteacirctre Montansier de Versailles le 25 mai

bull Dureacutee du spectacle 1h40

Actualiteacute theacuteacirctrale

Jusqursquoau 15 avril au Theacuteacirctre de la Tempecircte

laquo Bourrasque raquo mercredi 21 mars 2018

Par un soir de tempecircte dans une chaumiegravere isoleacutee Alice Burke veille son mari le rude et taiseux Dan Burke qui vient de mourir Il lui a interdit de toucher son corps apregraves sa mort exigeant que ce soit sa sœur qui srsquooccupe de la toilette mortuaire Mais celle-ci habite loin Alice craint la nuit et la tempecircte dans ce lieu isoleacute et ne peut le laisser seul Elle attend Deux hommes vont se preacutesenter agrave sa porte un eacutetranger qui parcourt les rudes collines des alentours pour laquo cueillir raquo les histoires qursquoon veut bien lui confier et un jeune berger peu expeacuterimenteacute qui vit un peu plus loin Avec ces deux hommes deux avenirs pourraient se dessiner le second seraient bien inteacuteresseacute par la femme et surtout les biens dont elle va heacuteriter le premier lui ouvre une sortie de son isolement et de nouveaux espaces La bourrasque qui hurle au dehors gagne aussi lrsquointeacuterieur de la chaumiegravere et bouscule tous les esprits

Nathalie Beacutecue a eacuteteacute seacuteduite par lrsquounivers du poegravete et dramaturge irlandais John Millingtone Synge et en particulier par ce livre Les Icircles Aran ougrave il a raconteacute ses rencontres avec les icircliens et les leacutegendes qursquoils lui ont conteacutees Crsquoest de lrsquoun de ses contes Lrsquoombre de la valleacutee qursquoelle srsquoest inspireacutee pour eacutecrire Bourrasque Apregraves lrsquoavoir vue dans Lrsquoapprentie sage-femme qursquoelle avait joueacutee en 2012 on comprend la continuiteacute de son travail Ce qui lrsquointeacuteresse ce sont ces destins de femmes dans les deux cas des paysannes qui cherchent leur voie et prennent la vie agrave bras le corps Dans son texte Nathalie Beacutecue a su faire entendre la sauvagerie de la nature le vent la pluie et la vie rude de ceux qui y habitent Elle a su aussi traduire les penseacutees tourmenteacutees des quatre personnages attribuant agrave John lrsquohomme qui cueille les histoires la deacutemarche de Synge lui-mecircme dans les Icircles drsquoAran

Dans la mise en scegravene de Feacutelix Prader on reste enfermeacute dans la chaumiegravere avec le mort assis ou couvert drsquoun drap et lrsquoexteacuterieur nrsquoapparaicirct qursquoinquieacutetant avec le bruit amplifieacute du vent ou des coups agrave la porte Seuls les hommes qui arrivent apportent lrsquoimage drsquoun ailleurs possible pour cette femme qui srsquoest laisseacutee enfermer dans la solitude au point drsquoecirctre obligeacutee de parler aux arbres

Nathalie Beacutecue en robe paysanne et petit gilet de laine bleue avec de gros bas de laine incarne Alice qui parle de sa vie avec cet eacutepoux taiseux porteacute sur le whisky Elle caresse la couverture de poils de chegravevre tout en parlant Calme elle dit qursquoaucun vivant ne lui a jamais fait peur crsquoest drsquoautre chose qursquoelle a peur puis soudain la colegravere lrsquoemporte quand elle pense agrave lrsquoennui de sa vie laquo fosse agrave chagrin mareacutecage de tristesse raquo et se dit qursquoelle a peut-ecirctre fait le mauvais choix en se condamnant agrave laquo regarder les saisons passer raquo Philippe Smith est John celui qui ramasse les histoires vagabond ceacuteleste qui amuse Alice avec un tour de magie lui donne les nouvelles de la valleacutee et surtout lui parle drsquoun ailleurs Theacuteo Chedeville est Michaeumll Dara le marin devenu berger Pierre-Alain Chapuis est Dan Burke le mort qui survit Il est puissant violent ravageacute par sa colegravere contre tous sa femme son pegravere mais aussi contre lui-mecircme On le sent deacutevoreacute par lrsquoamertume laquo bouffeacute par la tristesse raquo comme le dit Alice mais peut-ecirctre capable de rebondir loin de sa femme

On se laisse emporter par le reacutecit On est dans ces icircles irlandaises battues par le vent et la pluie et on rejoint John quand il dit laquo Apregraves des veilleacutees solitaires je peux dire que les gens drsquoici ne sont pas insignifiants raquo

Micheline Rousselet

Du mardi au samedi agrave 20h30 le dimanche agrave 16h30

Theacuteacirctre de La Tempecircte

Cartoucherie

Route du Champ-de-Manoeuvre 75012 Paris

Reacuteservations (partenariat Reacuteducrsquosnes tarifs reacuteduits aux syndiqueacutes Snes mais sur reacuteservation impeacuterative) 01 43 28 36 36

T H Eacute Acirc T R E

BOURRASQUE UN MAGNIFIQUE OBJET POEacuteTIQUE

ET INSPIREacute DANS LE MONDE AcircPRE ET SANS

CONCESSION DES TERRES DrsquoIRLANDE 19 MARS 2018

Reacutedigeacute par Sarah Franck

laquo Le cœur casseacute ccedila donne la vie grise raquo Quand la brume et le vent soufflent sur un monde sans avenir confit dans lrsquoeacutecoulement uniforme des jours une porte parfois srsquoentrouvre pour que change le cours des choseshellip

Un homme est mort ce soir assis dans son fauteuil Sa femme une femme de rien ou de si peu de chose heacutesite Il lui a interdit de toucher son cadavre et a jeteacute sur elle une maleacutediction au cas ougrave elle enfreindrait lrsquoordre Seule sa sœur aura le droit de le preacuteparer pour son dernier voyage Mais comment faire quand la nuit a pris des couleurs de noir drsquoencre que les nueacutees srsquoamassent que le tonnerre gronde qursquoelle a une tregraves longue route et qursquoelle est seule Il nrsquoest pas bon drsquoabandonner un mort agrave lui-mecircmehellip Dans ce lieu perdu du bout du monde ougrave ne trouvent guegravere agrave subsister que les moutons ougrave lrsquoacircpreteacute de la vie a jeteacute sur les ecirctres son voile de dureteacute ougrave ne semblent possibles que la violence des comportements et lrsquohostiliteacute ougrave lrsquoalcool est la solution ultime quotidienne pour triompher des aleacuteas un groupe heacuteteacuteroclite va peu agrave peu se rassembler

(c) Antonia Bozzi

Une arche de Noeacute de largueacutes du monde

Parmi les personnages perdus dans ce milieu de nulle part arrive drsquoabord un vagabond un cueilleur de mots un raconteur drsquohistoires qui cherche un havre pour la nuit Il voudrait simplement reposer ses pieds fatigueacutes de cheminot avant de reprendre la route Il y a lrsquoancien marin devenu eacuteleveur que la mort du mari arrange car il en guigne les terres pour faire paicirctre ses troupeaux Il y a elle la femme deacutevoueacutee dont on ne sait de quoi est fait son attachement au deacutefunt ndash amour en deacutepit de lrsquoindiffeacuterence qursquoil lui porte ennui drsquoun mariage accepteacute pour la seacutecuriteacute qursquoil donne reacutesignation devant les vexations subies Et puis il y a ce mort qui srsquoavegraverera bien vivant au moment ougrave srsquoopegravere le partage des deacutepouilles et dont lrsquohistoire a la violence et linceste pour cortegravegehellip

Ce sont lagrave des perdus eacutegareacutes sans lrsquoavoir choisi prenant racine lagrave ougrave on les a planteacutes Massifs taiseux Vivent-ils Peut-ecirctre le cheminot qui erre agrave lrsquoaventure est-il le seul agrave savoir ougrave il va ce saltimbanque ce poegravete qui donne agrave voir un ailleurs agrave respirer lrsquoodeur du vent et les senteurs venues de contreacutees lointaines Peut-ecirctre ne sont-ils pas agrave leur place mais ont-ils une place Le preacutesent est leur futur leur avenir leur eacuteterniteacute Ils portent leur brume en eux cette compagne des sortilegraveges et des superstitions qui leur colle agrave la peau Ils ont cette eacutepaisseur de la matiegravere brute cette preacutesence obstineacutee de ceux qui ne savent qursquoecirctre

(c) Antonia Bozzi

Lrsquoespace de la parole

Dans ce huis clos deacutelimiteacute par une table dans un coin une banquette sur laquelle est assis immobile le mari et une commode il nrsquoy a pas drsquoeacutechappatoire Le lieu est agrave lrsquoimage de leur existence refermeacute sur lui-mecircme Alors il ne leur reste que la parole pour briser lrsquoenfermement Une parole difficile Les mots buttent dans leur gorge ils sortent contraints rentreacutes et de trop de retenue se heurtent et srsquoentrechoquent avec de brusques flambeacutees de violence se deacuteversent tels des crachats agrave la figure de lrsquoautre Crsquoest un trop-plein qui deacuteferle pour trouver le chemin de la conscience et qui les met en face drsquoeux-mecircmes et de leur reacutealiteacute Apregraves il nrsquoy aura plus de retour en arriegravere possible et chacun devra trouver lrsquoissue qui lui convient

Ils ont ce parler fruste mais imageacute des paysans laquo ccedila crsquoest sucircr raquo qui offre une transposition bretonne agrave lrsquoanglo-irlandais du texte original Un mecircme fondement celtique court dans ces deux reacutegions que rassemblent la culture et les paysages et ougrave souffle un vent laquo agrave reacuteveiller les disparus les esprits malins ou les feacutees tordues raquo Les noms de lieux aux consonances eacutetranges chantent une poeacutesie de lrsquoailleurs qursquoaccompagne celle du deacutesespoir de ces eacutecorcheacutes de la vie laquo Crsquoest comme ccedila le bout du chemin de ceux de sa sorte Les deacutevoreacutes drsquoangoisse les rongeacutes de tristesse raquo Les mots disent leur deacutetresse Leur barbe laquo on dirait deacutejagrave du poil de moisissure raquo Lrsquounivers laquo des milliards de milliards de masses solaires qui tournoient en spirale jusqursquoagrave ecirctre happeacutees aspireacutees au centre de lrsquoinconnu du trou noir [hellip] une eacutenorme densiteacute de creacuteation ou une absence de creacuteation Du trop-plein au vide raquo agrave lrsquoimage de leur vie qui laquo se deacuteficelle raquo se deacutecompose se deacutesintegravegrehellip

Entre Synge et Nathalie Beacutecue

De lrsquoOmbre de la valleacutee de John Millington Synge ndash compatriote de Joyce Yeats et Beckett et fervent deacutefenseur du renouveau de la culture irlandaise ndash Nathalie Beacutecue reprend la situation de ce mort laquo ressusciteacute raquo tout en modifiant les enjeux et la porteacutee de lrsquohistoire Elle fait du chemineau une incarnation du poegravete Elle reprend dans lrsquoesprit ce parler si particulier qui inverse lrsquoordre des mots pour placer dans une phrase lrsquoimportant devant On y retrouve le mecircme souci de rendre leurs lettres de noblesse agrave ceux qui sont sans-grade placeacutes agrave lrsquoeacutecart en marge mais portent en eux une veacuteriteacute immeacutemoriale qui les deacutepasse Ces hommes et ces femmes qui ne savent pas parler une laquo belle raquo langue au sens classique sont pleins habiteacutes possesseurs drsquoun treacutesor qursquoil nous est donneacute de reconnaicirctre Dans sa laquo variation raquo Nathalie

Beacutecue insuffle sa propre vision de cette laquo veacuteriteacute raquo populaire peupleacutee de croyances et de leacutegendes et met ses personnages en face de choix qui les font progresser et grandir

(c) Antonia Bozzi

Un magnifique travail drsquoacteur

Ce qui frappe enfin crsquoest lrsquointerpreacutetation laquo millimeacutetreacutee raquo des comeacutediens Car enfin crsquoest sur eux que repose ce spectacle ougrave il ne se passe rien ou presque durant deux heures Pas de quiproquo ni de comique de situation Pas de trageacutedie au-delagrave de lrsquoagressiviteacute et des altercations Ni trop ni trop peu mecircme si lrsquoon alterne chuchotements et cris Ils sont tout en retenues briseacutees quand les digues lacircchent en heacutesitations en mots esquisseacutes en gestes inaboutis ou semi-dissimuleacutes en mimiques fugaces Ils disent comme en srsquoexcusant heacutesitent agrave srsquoimposer reacutevegravelent les failles avec beaucoup de finesse La minutie avec laquelle la gestuelle campe les personnages donne au spectacle une justesse qursquoon voit rarement au theacuteacirctre

On srsquoeacutemeut drsquoentendre eacutevoquer les myriades drsquoeacutetoiles comme autant drsquoesprits des morts flottant autour de nous on partage la fatigue des marches de montagne plongeacutees dans une brume eacutepaisse et hostile la difficulteacute de ces laquo nuits noires agrave en appeler agrave la clarteacute des eacutetoiles raquo Et puis on rit car ils sont des hommes avec leurs petits travers leurs lacirccheteacutes et leurs peurs ces errants agrave la deacuterive qui srsquoeacutegarent avec magnificence et nous ressemblent tant Au-delagrave du texte et de sa beauteacute crsquoest agrave une merveilleuse leccedilon drsquohumaniteacute que nous convie ce spectacle

Bourrasque de Nathalie Beacutecue librement inspireacute de lrsquoOmbre du vent de John Millington Synge (eacuted franccedilaise Actes Sud)

Mise en scegravene Feacutelix Prader

Avec Nathalie Beacutecue Pierre-Alain Chapuis Theacuteo Chedeville Philippe Smith (le poegravete)

Theacuteacirctre de la Tempecircte Cartoucherie de Vincennes Route du Champ de Mars ndash 75012 Paris

Du 16 mars 2018 au 15 avril du mardi au samedi agrave 20h30 le dimanche agrave 17h30

Teacutel 01 43 28 36 36 Site wwwla-tempetefr

Bourrasque au Theacuteacirctre de La Tempecircte

Publieacute par Michel Jakubowicz le 26 mars 2018 Publieacute dans Tendance - Fashion

Theacuteacirctre de la Tempecircte Cartoucherie Rte du Champ-de-Manœuvre 75012 Paris

Repreacutesentations du 16 mars au 15 avril 2018

httpswwwla-tempetefr

BOURRASQUE

Variation sur lrsquoOmbre de la valleacutee de JM Synge

de Nathalie Beacutecue

mise en scegravene Feacutelix Prader

avec

Nathalie Beacutecue (Alice Burke)

Pierre-Alain Chapuis (Daniel Burke)

Theacuteo Chedeville (Michaeumll Dara)

Philippe Smith (John)

Nathalie Beacutecue auteure de Bourrasque avoue srsquoecirctre inspireacutee du poegravete et dramaturge John

Millington Synge Feacutelix Prader agrave partir du texte de Nathalie Beacutecue va srsquoefforcer de recreacuteer

lrsquoambiance eacutetrange chaotique effrayante qui sourd de ce texte Il va en quelque sorte donner

corps agrave une histoire ougrave semble rocircder une ambiance agrave la limite du fantastique et mettre en lumiegravere

les comportements presque forceneacutes brutaux impreacutevisibles des personnages qursquoun hasard

apparemment faceacutetieux (ou malfaisant) a reacuteunis dans une chaumiegravere perdue de la lande irlandaise

battue par la tempecircte Il faut dire que la piegravece se deacuteroule dans un contexte peu banal presque

terrifiant puisqursquoune femme seule soliloque en srsquoadressant agrave un cosmos aveugle et infini bourreacute

de trous noirs insondables et mortels La femme semble prendre agrave teacutemoin un homme immobile

ne bougeant pas drsquoun cil et dont la raideur semble vaguement indiquer qursquoil est peut-ecirctre passeacute

de vie agrave treacutepas ou qursquoil feint deacutelibeacutereacutement lrsquoindiffeacuterence absolue face aux propos tenus par la

femme Les choses pourraient en rester lagrave mais soudainement surgi du cœur de la tempecircte qui se

deacutechaicircne agrave lrsquoexteacuterieur un inconnu reacuteclame avec insistance malgreacute lrsquohostiliteacute de la femme agrave

srsquoabriter dans la chaumiegravere

A partir de lrsquointrusion de cet eacutetranger lrsquoaction va soudainement srsquoacceacuteleacuterer et le reacutecit srsquoorienter

sans deacutelai vers lrsquoabsurde le fantastique lrsquoinattendu Le reacutecit bascule apparemment vers

lrsquoirrationnel mais en terre irlandaise il semble agrave lrsquoeacutevidence que les apparences ne sont pas

forceacutement conformes agrave la reacutealiteacute et la suite du reacutecit de Nathalie Beacutecue srsquoinspirant de John

Millington Synge ne fera que rendre encore plus creacutedible cette impression

La mise en scegravene de Feacutelix Prader reconstitue avec une sorte de preacutecision presque surnaturelle

eacutetonnante cette campagne irlandaise drsquoougrave nrsquoimporte quels fantocircmes peuvent impuneacutement surgir

de la nuit Jusqursquoau bout drsquoune nuit interminable peupleacutee de terreurs sans noms cette assembleacutee

de personnages subira jusqursquoau bout un destin fait drsquoincertitude balanccedilant constamment entre

espoir et deacutesespeacuterance Lrsquointerpreacutetation est remarquable en particulier celle de Nathalie Beacutecue

incarnant avec beaucoup drsquoacircpreteacute de passion le rocircle drsquoAlice Burke Mais les trois autres

protagonistes masculins sont eacutegalement parfaits donnant agrave leurs personnages respectifs toute

lrsquoeacutepaisseur psychologique deacutesireacutee Un spectacle prenant qui reacutevegravele dans toute sa profondeur

lrsquoacircme irlandaise

Michel Jakubowicz

LE BRUITDUOFF TRIBUNE

LES SCENES ACTUELLES SANS TABOU NI TROMPETTES

CRITIQUE laquo Bourrasque raquo variation sur Lrsquoombre de la valleacutee de JM Synge de Nathalie Beacutecue mis en scegravene par Feacutelix Prader avec Nathalie Beacutecue Pierre-Alain Chapuis Theacuteo Chedeville et Philippe Smith Au Theacuteacirctre de la Tempecircte salle Copi jusqursquoau 15 avril du mardi au samedi agrave 20h30 dimanche agrave 16h30

Crsquoest lrsquoun des plus beaux textes de la saison Nathalie Beacutecue a adapteacute les peacutereacutegrinations de Synge avec amour infleacutechissant ses rugositeacutes irlandaises drsquoune ardeur feacutebrile

laquo Bourrasque raquo crsquoest la poeacutesie cosmique descendue sur lrsquoeacutepure drsquoun verbe aussi vieux que les icircles drsquoAran qui lrsquoabritent laquo Bourrasque raquo crsquoest la meacutetaphysique de la bergegravere Srsquoeacutelegraveve une litanie vibrante adresseacutee aux eacutetoiles pour cet laquo ougrave suis-je raquo qui preacutecegravede le laquo qui suis-je raquo pour le trou noir la masse la poussiegravere lrsquoengloutissement la disparition lrsquoinconnu la creacuteation sa densiteacute son absence le trop plein le videhellip Le vertige drsquoAlice Burke un soir de tempecircte est celui drsquoun cœur simple dans le langage du monde Lrsquoespace drsquoun entre-lumiegravere avant lrsquoextinction de la salle Nathalie Beacutecue ample vibrante ancreacutee et tendue vers des ciels invisibles livre une formidable deacutemonstration de sa maicirctrise de lrsquoabandon

Encore aux prises avec ce jaillissement drsquoecirctre brut et pur il nous faut quelques battements de cœur pour lrsquohabituer aux ombres de la scegravene peacuteneacutetrer le deuil terrestre drsquoAlice Burke et investir sa maison de pierre tandis que laquo perdu ailleurs raquo le vent se legraveve Les yeux pleins drsquoorage et la voix blanche elle embarque les acircmes qursquoelle a tendues vers elle laquo Je suis en colegravere tellement je suis triste raquo

Daniel Burke le fermier sans meacutetaphysique le fermier malheureux srsquoest figeacute lagrave dans une mort subite et inviolable et sa veuve saisie de solitude et figeacutee depuis cent ans voit sa laquo vie grise raquo deacutechireacutee par laquo la grande trouille raquo La trouille de quoi Car la mort toute proche incarneacutee dans la deacutepouille de son mari immobile ne lrsquoeffraye pas Crsquoest une femme des montagnes qui croit aux fantocircmes et qui ne les craint pas

Est-ce un fantocircme qui franchit son seuil dans lrsquoorage pour mettre son errance et son immense laquo dehors raquo dans lrsquoespace sans projet ougrave elle vit confineacutee John mucirc par le timbre envoucirctant de Philippe Smith est un porteur drsquohistoires venu reacutecolter quelques miettes au foyer de la derniegravere maison allumeacutee sur les chemins rocheux drsquoAran Quand Alice Burke laisse son hocircte dans cette eacutetrange veilleacutee et que Dan Burke se redresse bien vivant et saoul crsquoest toute une vie de spectateur qui vacille agrave son tour John pourra-t-il refuser drsquoecirctre acteur de cette histoire-lagrave

Pierre-Alain Chapuis est un Dan Burke massif en corps et en ecirctre plein de passeacute de rancœur et de lrsquoeacutepaisse rusticiteacute que les silences ont tanneacutee sur sa peau et sa voix Quatriegraveme entreacutee en scegravene la jeunesse vacillante de Theacuteo Chedeville precircte ses fougues agrave Michaeumll Dara le marin en quecircte de reacuteconciliation avec la terre qui cherche agrave ecirctre au sol et treacutepigne dans la valleacutee encore la tecircte agrave moitieacute immergeacutee des recircves drsquoavant les recircves enterreacutes de large et de houle La paix est-elle plus haut dans la montagne

La mise en scegravene de Feacutelix Prader attentive aux eacuteclats de verbe sublimeacutes par les voix de Beacutecue Chapuis Chedeville et Smith est un effacement une ombre pour que la poeacutesie eacuteclaire Il veut saisir le preacutesent et la preacutesence eacutenorme des protagonistes dans la suspension du temps du theacuteacirctre Sa scegravene se deacutepare du moindre artifice se fait couloir pour lrsquoeacutemotion de cette parole vitale qui balaye le silence effareacute du spectateur srsquooublie dans une pudeur parfaite Jrsquoentends encore la voix pleine et rocailleuse de Beacutecue la Burke souffler la bourrasque laquo Jrsquoai trop la trouille pour pas y aller raquo

Drsquoun eacutelan vital et poeacutetique elle engloutit le motif radical de la mort

Marguerite Dornier

DU 1603 AU 15042018 AU THEacuteAcircTRE DE LA TEMPEcircTE | DUREacuteE 1H40 |

Librement adapteacute de la piegravece en un acte de John M Synge laquo Lrsquoombre dans la Valleacutee raquo Bourrasque fait preuve drsquoune sagaciteacute deacuteroutante dans une ambiance drsquoinsulaires superstitieux Situation macabre regraveglements de comptes conjugaux reacutecits de voyages et art du vagabondagehellip lrsquoIrlande et son hors-champ drsquoimmensiteacute montagneuse et orageuse nous submergent alors que de grandes deacutecisions se prennent dans la petite chaumiegravere drsquoAlice Burke indigneacutee par la mort foudroyante de son mari Dan qursquoelle ne peut toucher sous peine drsquoecirctre maudite

De par la traduction drsquoun gaeacutelique transposeacute dans du franccedilais paysan aux consonances lyriques et lrsquointerpreacutetation de ce tregraves beau et talentueux quatuor de comeacutediens le folklore celte est tout agrave fait plausible voire palpable et propage son caractegravere sacreacute Bourrasque est un deacutelice drsquohumour peut ecirctre un tantinet pessimiste mais surtout pittoresque et poeacutetique

Eloiumlse Dandoy

jeudi 22 mars 2018

Bourrasque de Nathalie Beacutecue

Bourrasque est un de ces spectacles dont on mesure la chance quils existent Parce que Nathalie Beacutecue a fait un travail deacutecriture tregraves reacuteussi librement adapteacute de la piegravece LrsquoOmbre de la valleacutee en reprenant lrsquoargument tout en modifiant les enjeux et la porteacutee Elle place le spectateur au plus pregraves de latmosphegravere poeacutetique qui a impreacutegneacute lIrlande que John Millington Synge (1871-1909) nous a fait deacutecouvrir au XIXdeg siegravecle et qui est encore tregraves vivante gracircce agrave la moderniteacute de la mise en scegravene de Feacutelix Prader La distribution est habile avec Nathalie Beacutecue qui interpregravete Alice Burke et trois autres comeacutediens Pierre-Alain Chapuis (Daniel Burke) Theacuteo Chedeville (Michaeumll Dara) et Philippe Smith (John) tous diffeacuterents qui permettent dapporter des points de vue parfois deacuteroutants maintenant le spectateur quasiment en haleine comme sil eacutetait au coeur dun thriller Le caractegravere primitif de la vie sociale si particuliegravere des icircles drsquoAran en deviendrait presque normal dans un deacutecor rustique simple et familier

Par un soir de violente tempecircte que lon entendra rugir derriegravere la verriegravere Alice Burke veille son mari deacutefunt lrsquoacircpre et ombrageux fermier Dan Burke comme le veut la coutume dans cette contreacutee reculeacutee Silence dans la chaumiegravere isoleacutee quand agrave la porte frappe un inconnu nomade des collines cueilleur drsquohistoires (Synge) qui ravive dans lrsquoacircme dAlice la soif drsquoun ailleurs Un autre homme bouscule les certitudes dAlice Michaeumll Dara le marin devenu berger qui vit agrave quelques lieues et convoite agrave la fois les biens et la femmethinsp Et si soudain srsquoeacuteveillait le deacutefunt chahutant les vivants que ferait Alicethinsp

Le mort est sur scegravene muet cela va sans dire mais bien preacutesent tout de mecircme Sa femme lui rend hommage malgreacute les cahots qui ont chahuteacute sa vie Cest une femme simple qui a les pieds sur terre capable dun brin de fantaisie que lon remarque dans le point de tricot du gilet quelle porte sur une robe bleu marine Sans doute reacutealiseacute avec la laine de ses moutons Les paroles se bousculent au rythme des souvenirs et agrave la mesure des angoisses qui lassaillent comme des ressentiments quelle exprime toute seule La tempecircte qui agite son esprit est semblable agrave celle qui souffle au dehors Elle reconnait quelle ne sait plus ougrave elle en est et sassoit pregraves de celui qui fut son homme Chaque mort serait une eacutetoile qui scintille dans le ciel Au-delagrave de cette jolie image Alice est confronteacutee agrave labsence de deux beaux enfants partis aux Ameacuteriques et aujourdrsquohui un mari qui part et agrave qui elle parle comme sil eacutetait vivant et comme elle ne lui a sans doute jamais parleacute parce que jusque-lagrave elle nosait pas Tout bascule ccedila vrille comment crsquoest possible possible je suis en colegravere

Elle refuse puis accueille la reacutealiteacute et lhomme eacutetranger qui explique sa fonction je cueille des mots Et qui fait davantage en analysant les eacutevegravenements Cest lui qui le premier a un doute Il est mort votre copain On dirait qursquoil fait le mort Si effectivement la mort neacutetait quune ruse pour permettre de deacutebusquer la veacuteriteacute vraie agrave linstar dOrgon cacheacute sous la nappe pour confondre Tartuffe

La langue choisie par Nathalie Beacutecue est preacutecise poeacutetique et feacuteroce Si je deacutesentortille votre charabia Jrsquoai trop la trouille pour pas y aller avant de se deacutecider agrave deacuterouler ses recircves sous ses pas

Faisons-nous aussi le pas pour ne pas louper ce petit bijou qui se joue au theacuteacirctre de la Tempecircte jusquau 15 avril 2018

Bourrasque de Nathalie Beacutecue Mise en scegravene Feacutelix Prader Avec Nathalie Beacutecue (Alice Burke) Pierre-Alain Chapuis (Daniel Burke) Theacuteo Chedeville (Michaeumll Dara) Philippe Smith (John) Sceacutenographie et costumes Ceacutecilia Galli Creacuteation sonore Estelle Lembert Direction des combats Franccedilois Rostain Du 16 mars au 15 avril 2018 Du mardi au samedi 20 h 30 dimanche 16 h 30 Les photos qui ne sont pas logotypeacutees A bride abattue sont de Antonia Bozzi Publieacute par marie-claire agrave 2335 Envoyer par e-mailBlogThisPartager sur TwitterPartager sur FacebookPartager sur Pinterest Libelleacutes coup de coeur spectacle theacuteacirctre

critiquetheatreclaucom

17 Mars 2018

ABOZZI

Bourrasque jusqursquoau 1504 th de La tempecircte

Mouvance de la destineacutee

De Nathalie Beacutecue inspireacute de lrsquoœuvre de John Millington Synge dramaturge irlandais 1871- 1909Mise en scegravene Feacutelix Prader

Au premier instant nous nous sommes happeacutes par un merveilleux poegraveme invoquant le chagrin des ecirctres perdus la solitude la deacutetresse la tristesse les regrets

laquo Pourquoi jrsquoai reccedilu cette vie Au lieu drsquoattraper lrsquoair transparent dans le bleu du cielhelliphellip Rester lagrave agrave attendre la Balayure du soir raquo

Une atmosphegravere de conte de poeacutesie et de mystegravere nous enveloppe

Un jour de grande tempecircte au plus profond de la campagne irlandaise nous peacuteneacutetrons dans une sobre demeure Il va se deacuterouler sous nos yeux pleins drsquoeacutetonnement un conte tragi-comique

Les personnages sont hauts en couleur

Un paysan Daniel Burke rustre et srsquoabreuvant de whisky pour oublier sa peur et la tristesse de la vie simule sa mort pour espionner sa femme

Alice soumise agrave sa condition se questionne sur sa vie passeacutee et agrave venir Tout en veillant son deacutefunt mari

John marcheur solitaire poegravete eacutecrivain et avide de liberteacute eacutecoutant et observant le monde arrive agrave lrsquoimproviste dans cette demeure

Michaeumll ancien marin devenu berger est un eacutetranger dans cette campagne isoleacutee Il va convoiter Alice pour srsquointeacutegrer dans ce monde hostile

Tous ses personnages vont se reacuteveacuteler nous raconter leur histoire parfois tragique parfois cocasse

Que veulent-ils devenir Prendront-ils leur destineacutee en main

Nous deacutecouvrons le sens de la fecircte les rites et coutumes funeacuteraires de la campagne irlandaise Nous ressentons lrsquoisolement de ses contreacutees la vie rude et solitaire de ses habitants ainsi que le climat rigoureux et froid

Crsquoest agrave la fois violent et tendre eacutemouvant et burlesque

Les comeacutediens nous eacutemeuvent et nous transpercent le cœur

Avec Alice Nathalie Beacutecue nous bouleverse

Daniel Pierre-Alain Chapuis bourru et tendre nous attendri

John Philippe Smith eacuteleacutegant et serein nous seacuteduit

Sans oublier Theacuteo Chedeville touchant dans le rocircle du jeune berger Michaeumll

Page 11: BOURRASQUE - Théâtre Montansier · 2018. 5. 7. · composé Bourrasque, que Félix Prader met en scène avec igueu (1). Synge affimait u’au théâtre, « il faut du réel, il

Les personnages sont eacutemus par deacutetranges sympathies archaiumlques Leur humeur change au greacute des coups de vents et leur simpliciteacute de caractegravere bascule dans une franche gaiteacute ou une brusque deacutepression Cest que leur isolement des frousses leacutegendaires les font appartenir agrave un monde de recircves et de forces qui les deacutepassent La langue est simple Cest la langue du conteur Juste ce quil faut deacutetrangeteacute pour que le reacutealisme soit porteacute aux franges du fantastique Les dialogues sont croiseacutes la syntaxe subit des torsions les choses sont nommeacutees simplement Le grain de la voix le rythme du souffle leacutelan du jeu humanise les ecirctres amplifie les mots agrave la dimension du recircve et de leacutemerveillement Ce spectacle est une eacutechappeacutee belle Avec laide de ses comeacutediens leur verve et le beau travail sur le texte de Nathalie Beacutecue le spectateur retrouve le secret dune poeacutesie objective agrave base dhumour franc que le theacuteacirctre actuel a trop souvent abandonneacute Bourrasque

copy Antonia Bozzi

Variation sur LOmbre de la valleacutee de John Millington Synge Texte Nathalie Beacutecue Mise en scegravene Feacutelix Prader Avec Nathalie Beacutecue Theacuteo Chedeville Pierre-Alain Chapuis Philippe Smith Sceacutenographie et costumes Ceacutecilia Galli Creacuteation sonore Estelle Lembert Collaboration artistique Aureacutelia Guillet Lumiegraveres Thibault Gaigneux Direction des combats Franccedilois Rostain Dureacutee 1 h 30 Production En Votre Compagnie Du 16 mars au 15 avril 2018 Du mardi au samedi agrave 20 h 30 dimanche agrave 16 h 30 Theacuteacirctre de la Tempecircte Salle Copi La Cartoucherie Paris 12e 01 43 28 36 36

Jean Grapin Lundi 26 Mars 2018

Drame naturaliste de Nathalie Beacutecue dapregraves

une oeuvre de John Millington Synge mise en scegravene de Feacutelix Prader

avec Nathalie Beacutecue Theacuteo Chedeville Pierre-Alain Chapuis et Philippe

Smith

La comeacutedienne Nathalie Beacutecue a deacutejagrave montreacutee son appeacutetence pour la

parole des taiseux du temps jadis avec un monologue dramatique

Lapprentie sage-femme issu du roman dun auteur contemporain ameacutericain

Karen Cushman se deacuteroulant dans lAngleterre meacutedieacutevale

Avec Bourrasque elle propose une adaptation libre quelle qualifie de

variation dune piegravece de John Millington Synge dramaturge irlandais du

19egraveme siegravecle engageacute dans le mouvement du Celtic Reviva l qui ressort agrave la

theacutematique de lacircme simple agrave laquelle ne sont eacutetrangers ni lapproche

poeacutetique du monde ni le questionnement meacutetaphysique

Par une nuit dorage un eacutecrivain meacutemorialiste baroudeur et collecteur

dhistoires (Philippe Smith) qui bat la campagne irlandaise trouve refuge dans

une ferme isoleacutee du comteacute de Wicklow

La dame de la maison (Nathalie Beacutecue) est sous le coup de leacutemotion de

la mort soudaine - et simuleacutee - de son mari (Pierre-Alain Chapuis) car

destineacutee agrave eacutetablir linfideacuteliteacute commise avec un jeune berger (Theacuteo

Cheacutedeville) et ce subterfuge va bouleverser leur destin

Sobrement mis en scegravene par Feacutelix Prader dans une sceacutenographie

intemporelle de Ceacutecilia Galli ce drame naturaliste agrave connotation de reacutealisme

magique agrave lirlandaise entre brume et tourbe composeacute essentiellement de la

juxtaposition quatre reacutecits hybridant soliloque et de biodrame beacuteneacuteficie dune

interpreacutetation remarquable qui navigue du registre du patheacutetique avec pour

chantre Nathalie Beacutecue et celui du burlesque dont Pierre-Alain

Chapuis savegravere en lespegravece le champion qui twiste la partition en eacutevitant

leacutecueil lacrymal

MM

BOURRASQUE Theacuteacirctre de la Tempecircte

Cartoucherie

Route du Champ-de-Manœuvre

75012 Paris

Tel 01 43 28 36 36

Jusqursquoau 15 avril 2018

du mardi au samedi 20h30

Dimanche 16h30

On connaissait de JM Synge laquo Le baladin du monde occidental raquo bien sucircr et laquo

Deirdre des douleurs raquo Voici qursquoon nous exhume une piegravece bien moins connue laquo

Lrsquoombre de la valleacutee raquo Elle fut eacutecrite par Synge apregraves un seacutejour aux icircles drsquoAran Ici

elle sert de base agrave cette variation signeacutee en fait Nathalie Beacutecue

Nous sommes au deacutebut du siegravecle dans un coin reculeacute drsquoIrlande une femme Alice

Burke veille son mari qui vient de mourir et qui deacutetail important lui a bien demandeacute

de ne pas le toucher Il laisse ce soin agrave sa soeur La femme reccediloit alors la visite drsquoun

voyageur preacutenommeacute John (Synge lui-mecircme) Comme elle srsquoeacuteclipse Daniel le mari

reacutevegravele qursquoil nrsquoest pas mort Choc Et ce nrsquoest pas fini

Si Synge avait axeacute sa piegravece sur cette tradition irlandaire (contrefaire le mort) et ses

conseacutequences tragi-comiques on voit bien que ce nrsquoest pas ce qui a inteacuteresseacute

Nathalie Beacutecue Elle a vu lagrave lrsquooccasion de deacutevelopper des personnages inventer

comme elle dit laquo un parler agrave ces taiseux et agrave y glisser toute la tendresse toutes les

violences qui les habitent raquo

Dans deacutecor sobre et agrave lrsquoaide de quelques eacuteleacutements laquo parlants raquo nous avons donc

droit agrave des variations sur le couple la solitude la vie des paysans-eacuteleveurs de

moutons leurs soucis et surtout lrsquoalieacutenation de lrsquoeacutepouse

Le problegraveme est qursquoil y a quelques longueurs agrave cocircteacute de fulgurances et de trouvailles

laquo Comme on vit on meurt mecircme visage raquo ou bien lanceacute par la femme laquo Mariez-

vous vous trimerez raquo la piegravece est statique

Elle est heureusement brillamment joueacutee par Pierre-Alain Chapuis (Daniel Burke)

avec sa rudesse et ses emportements ou Philippe Smith dans le rocircle de John Theacuteo

Chedeville a la fougue de la jeunesse mais on retiendra surtout lrsquoauteur-interpregravete

Nathalie Beacutecue elle est eacutemouvante et forte dans ce rocircle de femme en reacutevolte et qui

nrsquoa au bout du compte que le choix entre trois destins incarneacutes par trois hommes

Geacuterard Noeumll

Bourrasque

de Nathalie Beacutecue

Mise en scegravene Feacutelix Prader

Avec Nathalie Beacutecue Pierre-Alain Chapuis Theacuteo Chedeville Philippe Smith

Sceacutenographie et costumes Ceacutecilia Galli

Son Estelle Lembert

Collaboration artistique Aureacutelia Guillet

Direction des combats Franccedilois Rostain

Nathalie Beacutecue Antonia Bozzi

Bourrasque agrave la Tempecircte Un moment tempeacutetueux et plein drsquoeacutemotion Cest un voyage que nous propose actuellement le theacuteacirctre de La Tempecircte Une immersion absolue dans un foyer irlandais un soir ougrave une terrible bourrasque a deacutecideacute de tout emporter sur son passage En effet Nathalie Beacutecue agrave leacutecriture et Felix Prader agrave la mise en scegravene nous emportent dans leur univers celui de la farce mais aussi celui du reacuteel Un spectacle vibrant entre violence tendresse et reacuteflexion La nuit tombe sur cette chaumiegravere et sur la vie dAlice Burke Daniel Burke est mort Le deacutesarroi la colegravere la deacutetresse transpirent chez cette femme qui entame une premiegravere nuit de deuil Puis vient la bourrasque vient cet eacutetranger qui arpente les routes vient ce berger de la ferme voisine Cette soireacutee est une soireacutee eacutesoteacuterique Tout semble hors du temps Ce soir pour chacun des protagonistes cest un nouveau deacutepart une remise agrave zeacutero des compteurs Une renaissance Un envol Alice Burke na pas peur Sur scegravene ils sont quatre Quatre comeacutediens de talent qui eacutepousent agrave la perfection les personnages quils incarnent Justes profonds et surtout attachants Nathalie Beacutecue Pierre-Alain Chapuis Theacuteo Chedeville et Philippe Smith sont vrais On sourit aux blagues de ce conteur on souffre avec cette femme tortureacutee on aime avec ce berger on est trahi avec Daniel Burke Le texte est fort il ne laisse pas insensible et pose les questions et les remises en question que tout un chacun est ameneacute agrave se poser au cours de son existence La mise en scegravene quant agrave elle ne nous impose rien Chacun est libre dajouter sa part dimagination et dhypothegravese agrave cette chaumiegravere isoleacutee dans les montagnes irlandaises La fin de cette bourrasque dans les airs et dans les cœurs est lapogeacutee de tout un cheminement dune reacuteflexion celle que propose ici Nathalie Beacutecue dapregraves les arguments de leacutecrivain J-M Synge Un spectacle vrai et sans artifice agrave deacutecouvrir

Zoom par Reacutegis DARO Paru le 30032018

-

BOURR

Spectatif

ASQUE au Theacuteacirctre de La Tempecircte 17 Mars 2018

Comment savoir si Daniel Burke est mort ou pas Srsquoil ne srsquoagit que de son fantocircme qui vient surprendre son eacutepouse Alice Burke ou si Daniel Burke feint sa reacutesurrection pour fendre ses secrets et laisser eacutechapper un peu de lui-mecircme dans ses derniers instants juste avant de tenter de fondre ses pas dans ceux de celle qui veut partir fatigueacutee du passeacute et enjoueacutee devant un avenir qursquoelle voudrait se construire meilleur et sien Deacuteroulera-t-elle ses recircves sous ses pas Troublante et mysteacuterieuse aventure que cette soireacutee de bourrasque ougrave une veilleacutee mortuaire devient une veilleacutee de palabres de reacutecits et drsquoespoirs Entre reacuteel et irreacuteel lrsquoimaginaire srsquoempare de nous nous faisant flotter sur le flux des mots dits et plonger par moments parmi les maux dits de ce couple de paysans dont on ne sait srsquoils srsquoaiment ou se haiumlssent si seulement lrsquoamour est entreacute dans leur bacirctisse ou si ce mot nrsquoexiste pas pour eux Ce spectacle baigneacute de poeacutesie reacutealiste crue et deacutepouilleacutee est une magnifique eacutecriture de Nathalie Beacutecue qursquoelle nomme Variation sur LrsquoOmbre de la valleacutee de John Millington Synge On comprend que ce grand dramaturge irlandais de la fin du 19egraveme siegravecle inspira Beckett et subjugua Artaud entre autres Tant ses peintures dramatiques de la paysannerie irlandaise de ses us et coutumes sont autant de sources pour des personnages en marge ou des situations fantastiques Le parcours de Alice Burke est captivant Ce qursquoelle raconte ce qursquoelle dit et ce qursquoelle devient Paysanne infidegravele ou eacutepouse adulteacuterine sublimeacutee dans le mal par son mari cet homme meurtri et malheureux elle deacutecouvre peu agrave peu drsquoautres horizons pour vivre

John le vagabond recueilli ce soir de bourrasque sorte drsquoaegravede qui parcoure les villages et se nourrit des morceaux de vie des autres notant ses observations se payant drsquoaumocircnes apportera agrave Alice les lumiegraveres du deacutesir drsquoailleurs Michaeumll Dara le jeune berger du voisinage venu lui aussi pour se proteacuteger de la bourrasque semble porter avec lui les plaisirs et les espeacuterances attendus inavoueacutes ou peut-ecirctre assouvis par Alice Daniel Burke le mari mort ou vivant fantocircme de lui-mecircme erre vocifegravere eacuteructe ses souffrances cacheacutees derriegravere sa violence qui le blesse autant qursquoil voudrait blesser nous montrant un paysan qui nrsquoa connu que sa famille enfant ou adulte pour tout environnement humain Joue-t-il avec la mort qui revient pour hanter la veilleacutee ou est-il lrsquoecirctre hirsute perdu agrave jamais dans ses illusions et ses souffrances dans ses remords et ses souvenirs qui le rongent tant qursquoil se confond dans la mort comme dans la vie On ne sait pas on ne sait plus Nous sommes trop eacuteblouis pour bien voir qui il est nous sommes trop toucheacutes pour savoir ougrave nous sommes vraiment La mise en scegravene de Feacutelix Prader feutre le reacutecit le meacutelange aux jeux avec adresse et fluiditeacute Les mondes se juxtaposent on nrsquoa rien vu venir La distribution est brillante Theacuteo Chedeville et Philippe Smith sont justes et convaincants Natalie Beacutecue est lumineuse et eacutemouvante Pierre-Alain Chapuis comme drsquohabitude nous surprend Il deacutegage une puissance de jeu qui donne agrave son personnage tout le trouble et la cassure qui conviennent Il est splendide et touchant Un spectacle sublime et tregraves prenant agrave lrsquoeacutecriture eacutetonnante et captivante aux jeux drsquoun brio stupeacutefiant Un tregraves grand moment de theacuteacirctre A voir absolument Drsquoapregraves les œuvres de John Millington Synge Variation sur The shadow of the Glen Eacutecriture de Nathalie Beacutecue Mise en scegravene de Feacutelix Prader Sceacutenographie et costumes de Ceacutecilia Galli Son de Estelle Lembert Lumiegraveres de Thibault Gaigneux Collaboration artistique de Aureacutelia Guillet Direction des combats de Franccedilois Rostain

Avec Nathalie Beacutecue Pierre-Alain Chapuis Theacuteo Chedeville et Philippe Smith

Du mardi au samedi agrave 20h30 et le dimanche agrave 16h30

Cartoucherie route du Champ de Manoeuvre Paris 12egraveme

0143283636 wwwla-tempetefr

- Photo copy Antonia Bozzi -

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- Photo copy Antonia Bozzi -

Accueil SPECTACLES [Critique] laquo Bourrasque raquo par Feacutelix Prader Une bouffeacutee drsquoIrlande

copy Antonia Bozzi

[Critique] laquo Bourrasque raquo par Feacutelix Prader Une bouffeacutee drsquoIrlande Morgane P 2018-03-28

Le Theacuteacirctre de la Tempecircte preacutesente Bourrasque une piegravece de theacuteacirctre de Nathalie Beacutecue

mise en scegravene par Feacutelix Prader Une incursion meacutelancolique et amegravere en terre irlandaise

Lrsquoavis de Bulles de Culture qui eacutetait agrave la premiegravere de la piegravece

Synopsis

Alice Burke (Nathalie Beacutecue) veille son mari Dan Burke (Pierre-Alain Chapuis) qui vient de

mourir quand survient un vagabond (Philippe Smith) qui demande asile pour la nuit Il faut

preacutevenir Michael Dara (Theacuteo Chedeville) jeune berger des alentours afin qursquoil aille annoncer

la nouvelle en ville Mais voilagrave que le mort se redresse et qursquoil a encore des choses agrave direhellip

Bourrasque Une belle reacuteeacutecriture drsquoapregraves John Millington Synge

copy Antonia Bozzi

Crsquoest la piegravece LrsquoOmbre de la valleacutee du dramaturge irlandais John Millington Synge qui est agrave

lrsquoorigine de Bourrasque De cette petite piegravece en un acte lrsquoauteure et comeacutedienne Nathalie

Beacutecue fait la colonne verteacutebrale du spectacle un drame noueacute autour de quatre

personnages dont lrsquoun mime sa mort pour prendre son eacutepouse en faute Reprenant agrave la

lettre le texte de lrsquoauteur irlandais Nathalie Beacutecue lrsquoeacutetoffe toutefois afin drsquoimaginer le

parcours personnel eacutemotionnel de chacun des quatre personnages Lrsquointeacutegration de son

eacutecriture agrave la piegravece de John Millington Synge est parfaite en ce qursquoelle deacutepeint le quotidien

meacutelancolique et maussade de ces Irlandais isoleacutes agrave lrsquoeacutecart du monde comme prisonniers de

la tourbe qui les entoure

Le phraseacute que Nathalie Beacutecue choisit pour Bourrasque est aussi une retranscription fidegravele du

style du dramaturge une langue agrave la fois racircpeuse et poeacutetique peacutetrie de la reacutealiteacute de ces

paysans Si John Millington Synge choisit lrsquoanglo-irlandais pour ses piegraveces Nathalie Beacutecue

imagine une syntaxe et un vocabulaire reacutealisant le mecircme eacutequilibre entre langue orale aux

tournures populaires et envoleacutees des meacutetaphores pour sonder les cœurs des quatre

laquo taiseux raquo

Un quatuor qui fonctionne agrave merveille

copy Antonia Bozzi

La patte de Nathalie Beacutecue ajoute une vraie personnaliteacute agrave la piegravece de John Millington

Synge agrave tel point que tous les personnages ont un relief propre qui les rend attachants sans

les caricaturer pour autant Elle excelle aussi dans lrsquoincarnation sur scegravene de cette femme

drsquoacircge mucircr eacutetouffeacutee par la solitude et lrsquoattente perpeacutetuelle qui constitue son quotidien Elle

tient ainsi toute la tension de Bourrasque de son deacutebut agrave sa fin et ce dans une diction

parfaite drsquoun bout agrave lrsquoautre malgreacute tout ce que la langue du personnage peut avoir de

bourbeux Quant aux trois hommes qui lrsquoentourent Bourrasque leur offre une personnaliteacute

plus profonde que la piegravece du dramaturge irlandais Exploitant les ellipses du texte original

Nathalie Beacutecue imagine que la meacutelancolie de Dan Burke trouve sa source dans la violence qui

lrsquoa entoureacute degraves son enfance Elle choisit aussi de faire davantage parler le jeune berger

amant de lrsquoheacuteroiumlne un peu naiumlf et pas tregraves malin Sa candeur en vient agrave faire sourire avec

tendresse

Mais lrsquoun des personnages qui prend le plus drsquoampleur dans la piegravece est sans conteste celui

du vagabond que Nathalie Beacutecue imagine comme une sorte de chercheur drsquohistoires voyant

ainsi en lui un vague double de John Millington Synge qui a fait de la tradition et des contes

des icircles drsquoAran lrsquoune de ses quecirctes Ce personnage renoue ainsi avec la tradition orale du

reacutecit il rappelle ces aegravedes de la socieacuteteacute grecque antique qui allaient de palais en palais

chanter les reacutecits de leur connaissance Toute la deacutelicatesse dont fait preuve Philippe

Smith dans ce rocircle est remarquable

Un huis clos haletant

I

copy

Antonia Bozzi

Bourrasque reacuteussit avec brio agrave maintenir une tension forte tout au long de la piegravece Crsquoest

drsquoabord la tension qursquoil y a autour de ce deuil rendu angoissant par la preacutesence du mort sur

scegravene Crsquoest ensuite une fois que le laquo mort raquo a reacuteveacuteleacute sa supercherie au vagabond la tension

que ressent le spectateur qui attend que Dan Burke nrsquointervienne Crsquoest enfin la tension du

conflit conjugal qui explose et renverse la situation initiale La mise en scegravene de Feacutelix

Prader repose sur la simpliciteacute deacutecor rudimentaire pas de grands effets Et cela met

parfaitement en valeur la dimension relationnelle du drame

Cette tension dramatique est encore accentueacutee par la tempecircte inteacuterieure que traversent les

personnages notamment les deux eacutepoux Le monologue drsquoAlice qui ouvre la piegravece et la

longue explication que son mari offre au vagabond montrent les deux faces drsquoun couple en

crise dans lequel chacun-e ne voit plus que sa propre souffrance Ce trouble inteacuterieur et

cette forte tension eacutemotionnelle sont bien sucircr souligneacutes par les circonstances

meacuteteacuteorologiques on traverse avec les personnages une sorte de tempecircte ougrave le vent souffle

avec violence Nrsquoest-ce finalement pas cette terrible bourrasque qui trouble les esprits de

chacun Rien nrsquoest moins sucircr

Reacuteunir les deux eacutepoux et lrsquoamant confondu crsquoest un topos theacuteacirctral Mais la preacutesence de cet

inconnu que Nathalie Beacutecue place comme un observateur particulier puisqursquoon imagine que

le drame auquel il assiste pourra enrichir encore son livret de reacutecits est une belle reacuteussite

Eacutecoutant les deux eacutepoux puis prenant finalement place dans le drame en exerccedilant le recul

dont lui seul dans la piegravece est capable change la porteacutee de la piegravece et enrichit

consideacuterablement le triangle amoureux

Bulles de Culture vous recommande en tout cas vivement cette incursion en terre irlandaise

En savoir plus

bull Bourrasque de Nathalie Beacutecue mise en scegravene par Feacutelix Prader est joueacute au Theacuteacirctre de la

Tempecircte du 16 mars au 15 avril 2018

bull Bourrasque sera joueacute en 2018 au Centre culturel de Vitreacute le 20 avril sur la Scegravene nationale

de Bar-le-Duc le 17 mai et au Theacuteacirctre Montansier de Versailles le 25 mai

bull Dureacutee du spectacle 1h40

Actualiteacute theacuteacirctrale

Jusqursquoau 15 avril au Theacuteacirctre de la Tempecircte

laquo Bourrasque raquo mercredi 21 mars 2018

Par un soir de tempecircte dans une chaumiegravere isoleacutee Alice Burke veille son mari le rude et taiseux Dan Burke qui vient de mourir Il lui a interdit de toucher son corps apregraves sa mort exigeant que ce soit sa sœur qui srsquooccupe de la toilette mortuaire Mais celle-ci habite loin Alice craint la nuit et la tempecircte dans ce lieu isoleacute et ne peut le laisser seul Elle attend Deux hommes vont se preacutesenter agrave sa porte un eacutetranger qui parcourt les rudes collines des alentours pour laquo cueillir raquo les histoires qursquoon veut bien lui confier et un jeune berger peu expeacuterimenteacute qui vit un peu plus loin Avec ces deux hommes deux avenirs pourraient se dessiner le second seraient bien inteacuteresseacute par la femme et surtout les biens dont elle va heacuteriter le premier lui ouvre une sortie de son isolement et de nouveaux espaces La bourrasque qui hurle au dehors gagne aussi lrsquointeacuterieur de la chaumiegravere et bouscule tous les esprits

Nathalie Beacutecue a eacuteteacute seacuteduite par lrsquounivers du poegravete et dramaturge irlandais John Millingtone Synge et en particulier par ce livre Les Icircles Aran ougrave il a raconteacute ses rencontres avec les icircliens et les leacutegendes qursquoils lui ont conteacutees Crsquoest de lrsquoun de ses contes Lrsquoombre de la valleacutee qursquoelle srsquoest inspireacutee pour eacutecrire Bourrasque Apregraves lrsquoavoir vue dans Lrsquoapprentie sage-femme qursquoelle avait joueacutee en 2012 on comprend la continuiteacute de son travail Ce qui lrsquointeacuteresse ce sont ces destins de femmes dans les deux cas des paysannes qui cherchent leur voie et prennent la vie agrave bras le corps Dans son texte Nathalie Beacutecue a su faire entendre la sauvagerie de la nature le vent la pluie et la vie rude de ceux qui y habitent Elle a su aussi traduire les penseacutees tourmenteacutees des quatre personnages attribuant agrave John lrsquohomme qui cueille les histoires la deacutemarche de Synge lui-mecircme dans les Icircles drsquoAran

Dans la mise en scegravene de Feacutelix Prader on reste enfermeacute dans la chaumiegravere avec le mort assis ou couvert drsquoun drap et lrsquoexteacuterieur nrsquoapparaicirct qursquoinquieacutetant avec le bruit amplifieacute du vent ou des coups agrave la porte Seuls les hommes qui arrivent apportent lrsquoimage drsquoun ailleurs possible pour cette femme qui srsquoest laisseacutee enfermer dans la solitude au point drsquoecirctre obligeacutee de parler aux arbres

Nathalie Beacutecue en robe paysanne et petit gilet de laine bleue avec de gros bas de laine incarne Alice qui parle de sa vie avec cet eacutepoux taiseux porteacute sur le whisky Elle caresse la couverture de poils de chegravevre tout en parlant Calme elle dit qursquoaucun vivant ne lui a jamais fait peur crsquoest drsquoautre chose qursquoelle a peur puis soudain la colegravere lrsquoemporte quand elle pense agrave lrsquoennui de sa vie laquo fosse agrave chagrin mareacutecage de tristesse raquo et se dit qursquoelle a peut-ecirctre fait le mauvais choix en se condamnant agrave laquo regarder les saisons passer raquo Philippe Smith est John celui qui ramasse les histoires vagabond ceacuteleste qui amuse Alice avec un tour de magie lui donne les nouvelles de la valleacutee et surtout lui parle drsquoun ailleurs Theacuteo Chedeville est Michaeumll Dara le marin devenu berger Pierre-Alain Chapuis est Dan Burke le mort qui survit Il est puissant violent ravageacute par sa colegravere contre tous sa femme son pegravere mais aussi contre lui-mecircme On le sent deacutevoreacute par lrsquoamertume laquo bouffeacute par la tristesse raquo comme le dit Alice mais peut-ecirctre capable de rebondir loin de sa femme

On se laisse emporter par le reacutecit On est dans ces icircles irlandaises battues par le vent et la pluie et on rejoint John quand il dit laquo Apregraves des veilleacutees solitaires je peux dire que les gens drsquoici ne sont pas insignifiants raquo

Micheline Rousselet

Du mardi au samedi agrave 20h30 le dimanche agrave 16h30

Theacuteacirctre de La Tempecircte

Cartoucherie

Route du Champ-de-Manoeuvre 75012 Paris

Reacuteservations (partenariat Reacuteducrsquosnes tarifs reacuteduits aux syndiqueacutes Snes mais sur reacuteservation impeacuterative) 01 43 28 36 36

T H Eacute Acirc T R E

BOURRASQUE UN MAGNIFIQUE OBJET POEacuteTIQUE

ET INSPIREacute DANS LE MONDE AcircPRE ET SANS

CONCESSION DES TERRES DrsquoIRLANDE 19 MARS 2018

Reacutedigeacute par Sarah Franck

laquo Le cœur casseacute ccedila donne la vie grise raquo Quand la brume et le vent soufflent sur un monde sans avenir confit dans lrsquoeacutecoulement uniforme des jours une porte parfois srsquoentrouvre pour que change le cours des choseshellip

Un homme est mort ce soir assis dans son fauteuil Sa femme une femme de rien ou de si peu de chose heacutesite Il lui a interdit de toucher son cadavre et a jeteacute sur elle une maleacutediction au cas ougrave elle enfreindrait lrsquoordre Seule sa sœur aura le droit de le preacuteparer pour son dernier voyage Mais comment faire quand la nuit a pris des couleurs de noir drsquoencre que les nueacutees srsquoamassent que le tonnerre gronde qursquoelle a une tregraves longue route et qursquoelle est seule Il nrsquoest pas bon drsquoabandonner un mort agrave lui-mecircmehellip Dans ce lieu perdu du bout du monde ougrave ne trouvent guegravere agrave subsister que les moutons ougrave lrsquoacircpreteacute de la vie a jeteacute sur les ecirctres son voile de dureteacute ougrave ne semblent possibles que la violence des comportements et lrsquohostiliteacute ougrave lrsquoalcool est la solution ultime quotidienne pour triompher des aleacuteas un groupe heacuteteacuteroclite va peu agrave peu se rassembler

(c) Antonia Bozzi

Une arche de Noeacute de largueacutes du monde

Parmi les personnages perdus dans ce milieu de nulle part arrive drsquoabord un vagabond un cueilleur de mots un raconteur drsquohistoires qui cherche un havre pour la nuit Il voudrait simplement reposer ses pieds fatigueacutes de cheminot avant de reprendre la route Il y a lrsquoancien marin devenu eacuteleveur que la mort du mari arrange car il en guigne les terres pour faire paicirctre ses troupeaux Il y a elle la femme deacutevoueacutee dont on ne sait de quoi est fait son attachement au deacutefunt ndash amour en deacutepit de lrsquoindiffeacuterence qursquoil lui porte ennui drsquoun mariage accepteacute pour la seacutecuriteacute qursquoil donne reacutesignation devant les vexations subies Et puis il y a ce mort qui srsquoavegraverera bien vivant au moment ougrave srsquoopegravere le partage des deacutepouilles et dont lrsquohistoire a la violence et linceste pour cortegravegehellip

Ce sont lagrave des perdus eacutegareacutes sans lrsquoavoir choisi prenant racine lagrave ougrave on les a planteacutes Massifs taiseux Vivent-ils Peut-ecirctre le cheminot qui erre agrave lrsquoaventure est-il le seul agrave savoir ougrave il va ce saltimbanque ce poegravete qui donne agrave voir un ailleurs agrave respirer lrsquoodeur du vent et les senteurs venues de contreacutees lointaines Peut-ecirctre ne sont-ils pas agrave leur place mais ont-ils une place Le preacutesent est leur futur leur avenir leur eacuteterniteacute Ils portent leur brume en eux cette compagne des sortilegraveges et des superstitions qui leur colle agrave la peau Ils ont cette eacutepaisseur de la matiegravere brute cette preacutesence obstineacutee de ceux qui ne savent qursquoecirctre

(c) Antonia Bozzi

Lrsquoespace de la parole

Dans ce huis clos deacutelimiteacute par une table dans un coin une banquette sur laquelle est assis immobile le mari et une commode il nrsquoy a pas drsquoeacutechappatoire Le lieu est agrave lrsquoimage de leur existence refermeacute sur lui-mecircme Alors il ne leur reste que la parole pour briser lrsquoenfermement Une parole difficile Les mots buttent dans leur gorge ils sortent contraints rentreacutes et de trop de retenue se heurtent et srsquoentrechoquent avec de brusques flambeacutees de violence se deacuteversent tels des crachats agrave la figure de lrsquoautre Crsquoest un trop-plein qui deacuteferle pour trouver le chemin de la conscience et qui les met en face drsquoeux-mecircmes et de leur reacutealiteacute Apregraves il nrsquoy aura plus de retour en arriegravere possible et chacun devra trouver lrsquoissue qui lui convient

Ils ont ce parler fruste mais imageacute des paysans laquo ccedila crsquoest sucircr raquo qui offre une transposition bretonne agrave lrsquoanglo-irlandais du texte original Un mecircme fondement celtique court dans ces deux reacutegions que rassemblent la culture et les paysages et ougrave souffle un vent laquo agrave reacuteveiller les disparus les esprits malins ou les feacutees tordues raquo Les noms de lieux aux consonances eacutetranges chantent une poeacutesie de lrsquoailleurs qursquoaccompagne celle du deacutesespoir de ces eacutecorcheacutes de la vie laquo Crsquoest comme ccedila le bout du chemin de ceux de sa sorte Les deacutevoreacutes drsquoangoisse les rongeacutes de tristesse raquo Les mots disent leur deacutetresse Leur barbe laquo on dirait deacutejagrave du poil de moisissure raquo Lrsquounivers laquo des milliards de milliards de masses solaires qui tournoient en spirale jusqursquoagrave ecirctre happeacutees aspireacutees au centre de lrsquoinconnu du trou noir [hellip] une eacutenorme densiteacute de creacuteation ou une absence de creacuteation Du trop-plein au vide raquo agrave lrsquoimage de leur vie qui laquo se deacuteficelle raquo se deacutecompose se deacutesintegravegrehellip

Entre Synge et Nathalie Beacutecue

De lrsquoOmbre de la valleacutee de John Millington Synge ndash compatriote de Joyce Yeats et Beckett et fervent deacutefenseur du renouveau de la culture irlandaise ndash Nathalie Beacutecue reprend la situation de ce mort laquo ressusciteacute raquo tout en modifiant les enjeux et la porteacutee de lrsquohistoire Elle fait du chemineau une incarnation du poegravete Elle reprend dans lrsquoesprit ce parler si particulier qui inverse lrsquoordre des mots pour placer dans une phrase lrsquoimportant devant On y retrouve le mecircme souci de rendre leurs lettres de noblesse agrave ceux qui sont sans-grade placeacutes agrave lrsquoeacutecart en marge mais portent en eux une veacuteriteacute immeacutemoriale qui les deacutepasse Ces hommes et ces femmes qui ne savent pas parler une laquo belle raquo langue au sens classique sont pleins habiteacutes possesseurs drsquoun treacutesor qursquoil nous est donneacute de reconnaicirctre Dans sa laquo variation raquo Nathalie

Beacutecue insuffle sa propre vision de cette laquo veacuteriteacute raquo populaire peupleacutee de croyances et de leacutegendes et met ses personnages en face de choix qui les font progresser et grandir

(c) Antonia Bozzi

Un magnifique travail drsquoacteur

Ce qui frappe enfin crsquoest lrsquointerpreacutetation laquo millimeacutetreacutee raquo des comeacutediens Car enfin crsquoest sur eux que repose ce spectacle ougrave il ne se passe rien ou presque durant deux heures Pas de quiproquo ni de comique de situation Pas de trageacutedie au-delagrave de lrsquoagressiviteacute et des altercations Ni trop ni trop peu mecircme si lrsquoon alterne chuchotements et cris Ils sont tout en retenues briseacutees quand les digues lacircchent en heacutesitations en mots esquisseacutes en gestes inaboutis ou semi-dissimuleacutes en mimiques fugaces Ils disent comme en srsquoexcusant heacutesitent agrave srsquoimposer reacutevegravelent les failles avec beaucoup de finesse La minutie avec laquelle la gestuelle campe les personnages donne au spectacle une justesse qursquoon voit rarement au theacuteacirctre

On srsquoeacutemeut drsquoentendre eacutevoquer les myriades drsquoeacutetoiles comme autant drsquoesprits des morts flottant autour de nous on partage la fatigue des marches de montagne plongeacutees dans une brume eacutepaisse et hostile la difficulteacute de ces laquo nuits noires agrave en appeler agrave la clarteacute des eacutetoiles raquo Et puis on rit car ils sont des hommes avec leurs petits travers leurs lacirccheteacutes et leurs peurs ces errants agrave la deacuterive qui srsquoeacutegarent avec magnificence et nous ressemblent tant Au-delagrave du texte et de sa beauteacute crsquoest agrave une merveilleuse leccedilon drsquohumaniteacute que nous convie ce spectacle

Bourrasque de Nathalie Beacutecue librement inspireacute de lrsquoOmbre du vent de John Millington Synge (eacuted franccedilaise Actes Sud)

Mise en scegravene Feacutelix Prader

Avec Nathalie Beacutecue Pierre-Alain Chapuis Theacuteo Chedeville Philippe Smith (le poegravete)

Theacuteacirctre de la Tempecircte Cartoucherie de Vincennes Route du Champ de Mars ndash 75012 Paris

Du 16 mars 2018 au 15 avril du mardi au samedi agrave 20h30 le dimanche agrave 17h30

Teacutel 01 43 28 36 36 Site wwwla-tempetefr

Bourrasque au Theacuteacirctre de La Tempecircte

Publieacute par Michel Jakubowicz le 26 mars 2018 Publieacute dans Tendance - Fashion

Theacuteacirctre de la Tempecircte Cartoucherie Rte du Champ-de-Manœuvre 75012 Paris

Repreacutesentations du 16 mars au 15 avril 2018

httpswwwla-tempetefr

BOURRASQUE

Variation sur lrsquoOmbre de la valleacutee de JM Synge

de Nathalie Beacutecue

mise en scegravene Feacutelix Prader

avec

Nathalie Beacutecue (Alice Burke)

Pierre-Alain Chapuis (Daniel Burke)

Theacuteo Chedeville (Michaeumll Dara)

Philippe Smith (John)

Nathalie Beacutecue auteure de Bourrasque avoue srsquoecirctre inspireacutee du poegravete et dramaturge John

Millington Synge Feacutelix Prader agrave partir du texte de Nathalie Beacutecue va srsquoefforcer de recreacuteer

lrsquoambiance eacutetrange chaotique effrayante qui sourd de ce texte Il va en quelque sorte donner

corps agrave une histoire ougrave semble rocircder une ambiance agrave la limite du fantastique et mettre en lumiegravere

les comportements presque forceneacutes brutaux impreacutevisibles des personnages qursquoun hasard

apparemment faceacutetieux (ou malfaisant) a reacuteunis dans une chaumiegravere perdue de la lande irlandaise

battue par la tempecircte Il faut dire que la piegravece se deacuteroule dans un contexte peu banal presque

terrifiant puisqursquoune femme seule soliloque en srsquoadressant agrave un cosmos aveugle et infini bourreacute

de trous noirs insondables et mortels La femme semble prendre agrave teacutemoin un homme immobile

ne bougeant pas drsquoun cil et dont la raideur semble vaguement indiquer qursquoil est peut-ecirctre passeacute

de vie agrave treacutepas ou qursquoil feint deacutelibeacutereacutement lrsquoindiffeacuterence absolue face aux propos tenus par la

femme Les choses pourraient en rester lagrave mais soudainement surgi du cœur de la tempecircte qui se

deacutechaicircne agrave lrsquoexteacuterieur un inconnu reacuteclame avec insistance malgreacute lrsquohostiliteacute de la femme agrave

srsquoabriter dans la chaumiegravere

A partir de lrsquointrusion de cet eacutetranger lrsquoaction va soudainement srsquoacceacuteleacuterer et le reacutecit srsquoorienter

sans deacutelai vers lrsquoabsurde le fantastique lrsquoinattendu Le reacutecit bascule apparemment vers

lrsquoirrationnel mais en terre irlandaise il semble agrave lrsquoeacutevidence que les apparences ne sont pas

forceacutement conformes agrave la reacutealiteacute et la suite du reacutecit de Nathalie Beacutecue srsquoinspirant de John

Millington Synge ne fera que rendre encore plus creacutedible cette impression

La mise en scegravene de Feacutelix Prader reconstitue avec une sorte de preacutecision presque surnaturelle

eacutetonnante cette campagne irlandaise drsquoougrave nrsquoimporte quels fantocircmes peuvent impuneacutement surgir

de la nuit Jusqursquoau bout drsquoune nuit interminable peupleacutee de terreurs sans noms cette assembleacutee

de personnages subira jusqursquoau bout un destin fait drsquoincertitude balanccedilant constamment entre

espoir et deacutesespeacuterance Lrsquointerpreacutetation est remarquable en particulier celle de Nathalie Beacutecue

incarnant avec beaucoup drsquoacircpreteacute de passion le rocircle drsquoAlice Burke Mais les trois autres

protagonistes masculins sont eacutegalement parfaits donnant agrave leurs personnages respectifs toute

lrsquoeacutepaisseur psychologique deacutesireacutee Un spectacle prenant qui reacutevegravele dans toute sa profondeur

lrsquoacircme irlandaise

Michel Jakubowicz

LE BRUITDUOFF TRIBUNE

LES SCENES ACTUELLES SANS TABOU NI TROMPETTES

CRITIQUE laquo Bourrasque raquo variation sur Lrsquoombre de la valleacutee de JM Synge de Nathalie Beacutecue mis en scegravene par Feacutelix Prader avec Nathalie Beacutecue Pierre-Alain Chapuis Theacuteo Chedeville et Philippe Smith Au Theacuteacirctre de la Tempecircte salle Copi jusqursquoau 15 avril du mardi au samedi agrave 20h30 dimanche agrave 16h30

Crsquoest lrsquoun des plus beaux textes de la saison Nathalie Beacutecue a adapteacute les peacutereacutegrinations de Synge avec amour infleacutechissant ses rugositeacutes irlandaises drsquoune ardeur feacutebrile

laquo Bourrasque raquo crsquoest la poeacutesie cosmique descendue sur lrsquoeacutepure drsquoun verbe aussi vieux que les icircles drsquoAran qui lrsquoabritent laquo Bourrasque raquo crsquoest la meacutetaphysique de la bergegravere Srsquoeacutelegraveve une litanie vibrante adresseacutee aux eacutetoiles pour cet laquo ougrave suis-je raquo qui preacutecegravede le laquo qui suis-je raquo pour le trou noir la masse la poussiegravere lrsquoengloutissement la disparition lrsquoinconnu la creacuteation sa densiteacute son absence le trop plein le videhellip Le vertige drsquoAlice Burke un soir de tempecircte est celui drsquoun cœur simple dans le langage du monde Lrsquoespace drsquoun entre-lumiegravere avant lrsquoextinction de la salle Nathalie Beacutecue ample vibrante ancreacutee et tendue vers des ciels invisibles livre une formidable deacutemonstration de sa maicirctrise de lrsquoabandon

Encore aux prises avec ce jaillissement drsquoecirctre brut et pur il nous faut quelques battements de cœur pour lrsquohabituer aux ombres de la scegravene peacuteneacutetrer le deuil terrestre drsquoAlice Burke et investir sa maison de pierre tandis que laquo perdu ailleurs raquo le vent se legraveve Les yeux pleins drsquoorage et la voix blanche elle embarque les acircmes qursquoelle a tendues vers elle laquo Je suis en colegravere tellement je suis triste raquo

Daniel Burke le fermier sans meacutetaphysique le fermier malheureux srsquoest figeacute lagrave dans une mort subite et inviolable et sa veuve saisie de solitude et figeacutee depuis cent ans voit sa laquo vie grise raquo deacutechireacutee par laquo la grande trouille raquo La trouille de quoi Car la mort toute proche incarneacutee dans la deacutepouille de son mari immobile ne lrsquoeffraye pas Crsquoest une femme des montagnes qui croit aux fantocircmes et qui ne les craint pas

Est-ce un fantocircme qui franchit son seuil dans lrsquoorage pour mettre son errance et son immense laquo dehors raquo dans lrsquoespace sans projet ougrave elle vit confineacutee John mucirc par le timbre envoucirctant de Philippe Smith est un porteur drsquohistoires venu reacutecolter quelques miettes au foyer de la derniegravere maison allumeacutee sur les chemins rocheux drsquoAran Quand Alice Burke laisse son hocircte dans cette eacutetrange veilleacutee et que Dan Burke se redresse bien vivant et saoul crsquoest toute une vie de spectateur qui vacille agrave son tour John pourra-t-il refuser drsquoecirctre acteur de cette histoire-lagrave

Pierre-Alain Chapuis est un Dan Burke massif en corps et en ecirctre plein de passeacute de rancœur et de lrsquoeacutepaisse rusticiteacute que les silences ont tanneacutee sur sa peau et sa voix Quatriegraveme entreacutee en scegravene la jeunesse vacillante de Theacuteo Chedeville precircte ses fougues agrave Michaeumll Dara le marin en quecircte de reacuteconciliation avec la terre qui cherche agrave ecirctre au sol et treacutepigne dans la valleacutee encore la tecircte agrave moitieacute immergeacutee des recircves drsquoavant les recircves enterreacutes de large et de houle La paix est-elle plus haut dans la montagne

La mise en scegravene de Feacutelix Prader attentive aux eacuteclats de verbe sublimeacutes par les voix de Beacutecue Chapuis Chedeville et Smith est un effacement une ombre pour que la poeacutesie eacuteclaire Il veut saisir le preacutesent et la preacutesence eacutenorme des protagonistes dans la suspension du temps du theacuteacirctre Sa scegravene se deacutepare du moindre artifice se fait couloir pour lrsquoeacutemotion de cette parole vitale qui balaye le silence effareacute du spectateur srsquooublie dans une pudeur parfaite Jrsquoentends encore la voix pleine et rocailleuse de Beacutecue la Burke souffler la bourrasque laquo Jrsquoai trop la trouille pour pas y aller raquo

Drsquoun eacutelan vital et poeacutetique elle engloutit le motif radical de la mort

Marguerite Dornier

DU 1603 AU 15042018 AU THEacuteAcircTRE DE LA TEMPEcircTE | DUREacuteE 1H40 |

Librement adapteacute de la piegravece en un acte de John M Synge laquo Lrsquoombre dans la Valleacutee raquo Bourrasque fait preuve drsquoune sagaciteacute deacuteroutante dans une ambiance drsquoinsulaires superstitieux Situation macabre regraveglements de comptes conjugaux reacutecits de voyages et art du vagabondagehellip lrsquoIrlande et son hors-champ drsquoimmensiteacute montagneuse et orageuse nous submergent alors que de grandes deacutecisions se prennent dans la petite chaumiegravere drsquoAlice Burke indigneacutee par la mort foudroyante de son mari Dan qursquoelle ne peut toucher sous peine drsquoecirctre maudite

De par la traduction drsquoun gaeacutelique transposeacute dans du franccedilais paysan aux consonances lyriques et lrsquointerpreacutetation de ce tregraves beau et talentueux quatuor de comeacutediens le folklore celte est tout agrave fait plausible voire palpable et propage son caractegravere sacreacute Bourrasque est un deacutelice drsquohumour peut ecirctre un tantinet pessimiste mais surtout pittoresque et poeacutetique

Eloiumlse Dandoy

jeudi 22 mars 2018

Bourrasque de Nathalie Beacutecue

Bourrasque est un de ces spectacles dont on mesure la chance quils existent Parce que Nathalie Beacutecue a fait un travail deacutecriture tregraves reacuteussi librement adapteacute de la piegravece LrsquoOmbre de la valleacutee en reprenant lrsquoargument tout en modifiant les enjeux et la porteacutee Elle place le spectateur au plus pregraves de latmosphegravere poeacutetique qui a impreacutegneacute lIrlande que John Millington Synge (1871-1909) nous a fait deacutecouvrir au XIXdeg siegravecle et qui est encore tregraves vivante gracircce agrave la moderniteacute de la mise en scegravene de Feacutelix Prader La distribution est habile avec Nathalie Beacutecue qui interpregravete Alice Burke et trois autres comeacutediens Pierre-Alain Chapuis (Daniel Burke) Theacuteo Chedeville (Michaeumll Dara) et Philippe Smith (John) tous diffeacuterents qui permettent dapporter des points de vue parfois deacuteroutants maintenant le spectateur quasiment en haleine comme sil eacutetait au coeur dun thriller Le caractegravere primitif de la vie sociale si particuliegravere des icircles drsquoAran en deviendrait presque normal dans un deacutecor rustique simple et familier

Par un soir de violente tempecircte que lon entendra rugir derriegravere la verriegravere Alice Burke veille son mari deacutefunt lrsquoacircpre et ombrageux fermier Dan Burke comme le veut la coutume dans cette contreacutee reculeacutee Silence dans la chaumiegravere isoleacutee quand agrave la porte frappe un inconnu nomade des collines cueilleur drsquohistoires (Synge) qui ravive dans lrsquoacircme dAlice la soif drsquoun ailleurs Un autre homme bouscule les certitudes dAlice Michaeumll Dara le marin devenu berger qui vit agrave quelques lieues et convoite agrave la fois les biens et la femmethinsp Et si soudain srsquoeacuteveillait le deacutefunt chahutant les vivants que ferait Alicethinsp

Le mort est sur scegravene muet cela va sans dire mais bien preacutesent tout de mecircme Sa femme lui rend hommage malgreacute les cahots qui ont chahuteacute sa vie Cest une femme simple qui a les pieds sur terre capable dun brin de fantaisie que lon remarque dans le point de tricot du gilet quelle porte sur une robe bleu marine Sans doute reacutealiseacute avec la laine de ses moutons Les paroles se bousculent au rythme des souvenirs et agrave la mesure des angoisses qui lassaillent comme des ressentiments quelle exprime toute seule La tempecircte qui agite son esprit est semblable agrave celle qui souffle au dehors Elle reconnait quelle ne sait plus ougrave elle en est et sassoit pregraves de celui qui fut son homme Chaque mort serait une eacutetoile qui scintille dans le ciel Au-delagrave de cette jolie image Alice est confronteacutee agrave labsence de deux beaux enfants partis aux Ameacuteriques et aujourdrsquohui un mari qui part et agrave qui elle parle comme sil eacutetait vivant et comme elle ne lui a sans doute jamais parleacute parce que jusque-lagrave elle nosait pas Tout bascule ccedila vrille comment crsquoest possible possible je suis en colegravere

Elle refuse puis accueille la reacutealiteacute et lhomme eacutetranger qui explique sa fonction je cueille des mots Et qui fait davantage en analysant les eacutevegravenements Cest lui qui le premier a un doute Il est mort votre copain On dirait qursquoil fait le mort Si effectivement la mort neacutetait quune ruse pour permettre de deacutebusquer la veacuteriteacute vraie agrave linstar dOrgon cacheacute sous la nappe pour confondre Tartuffe

La langue choisie par Nathalie Beacutecue est preacutecise poeacutetique et feacuteroce Si je deacutesentortille votre charabia Jrsquoai trop la trouille pour pas y aller avant de se deacutecider agrave deacuterouler ses recircves sous ses pas

Faisons-nous aussi le pas pour ne pas louper ce petit bijou qui se joue au theacuteacirctre de la Tempecircte jusquau 15 avril 2018

Bourrasque de Nathalie Beacutecue Mise en scegravene Feacutelix Prader Avec Nathalie Beacutecue (Alice Burke) Pierre-Alain Chapuis (Daniel Burke) Theacuteo Chedeville (Michaeumll Dara) Philippe Smith (John) Sceacutenographie et costumes Ceacutecilia Galli Creacuteation sonore Estelle Lembert Direction des combats Franccedilois Rostain Du 16 mars au 15 avril 2018 Du mardi au samedi 20 h 30 dimanche 16 h 30 Les photos qui ne sont pas logotypeacutees A bride abattue sont de Antonia Bozzi Publieacute par marie-claire agrave 2335 Envoyer par e-mailBlogThisPartager sur TwitterPartager sur FacebookPartager sur Pinterest Libelleacutes coup de coeur spectacle theacuteacirctre

critiquetheatreclaucom

17 Mars 2018

ABOZZI

Bourrasque jusqursquoau 1504 th de La tempecircte

Mouvance de la destineacutee

De Nathalie Beacutecue inspireacute de lrsquoœuvre de John Millington Synge dramaturge irlandais 1871- 1909Mise en scegravene Feacutelix Prader

Au premier instant nous nous sommes happeacutes par un merveilleux poegraveme invoquant le chagrin des ecirctres perdus la solitude la deacutetresse la tristesse les regrets

laquo Pourquoi jrsquoai reccedilu cette vie Au lieu drsquoattraper lrsquoair transparent dans le bleu du cielhelliphellip Rester lagrave agrave attendre la Balayure du soir raquo

Une atmosphegravere de conte de poeacutesie et de mystegravere nous enveloppe

Un jour de grande tempecircte au plus profond de la campagne irlandaise nous peacuteneacutetrons dans une sobre demeure Il va se deacuterouler sous nos yeux pleins drsquoeacutetonnement un conte tragi-comique

Les personnages sont hauts en couleur

Un paysan Daniel Burke rustre et srsquoabreuvant de whisky pour oublier sa peur et la tristesse de la vie simule sa mort pour espionner sa femme

Alice soumise agrave sa condition se questionne sur sa vie passeacutee et agrave venir Tout en veillant son deacutefunt mari

John marcheur solitaire poegravete eacutecrivain et avide de liberteacute eacutecoutant et observant le monde arrive agrave lrsquoimproviste dans cette demeure

Michaeumll ancien marin devenu berger est un eacutetranger dans cette campagne isoleacutee Il va convoiter Alice pour srsquointeacutegrer dans ce monde hostile

Tous ses personnages vont se reacuteveacuteler nous raconter leur histoire parfois tragique parfois cocasse

Que veulent-ils devenir Prendront-ils leur destineacutee en main

Nous deacutecouvrons le sens de la fecircte les rites et coutumes funeacuteraires de la campagne irlandaise Nous ressentons lrsquoisolement de ses contreacutees la vie rude et solitaire de ses habitants ainsi que le climat rigoureux et froid

Crsquoest agrave la fois violent et tendre eacutemouvant et burlesque

Les comeacutediens nous eacutemeuvent et nous transpercent le cœur

Avec Alice Nathalie Beacutecue nous bouleverse

Daniel Pierre-Alain Chapuis bourru et tendre nous attendri

John Philippe Smith eacuteleacutegant et serein nous seacuteduit

Sans oublier Theacuteo Chedeville touchant dans le rocircle du jeune berger Michaeumll

Page 12: BOURRASQUE - Théâtre Montansier · 2018. 5. 7. · composé Bourrasque, que Félix Prader met en scène avec igueu (1). Synge affimait u’au théâtre, « il faut du réel, il

Drame naturaliste de Nathalie Beacutecue dapregraves

une oeuvre de John Millington Synge mise en scegravene de Feacutelix Prader

avec Nathalie Beacutecue Theacuteo Chedeville Pierre-Alain Chapuis et Philippe

Smith

La comeacutedienne Nathalie Beacutecue a deacutejagrave montreacutee son appeacutetence pour la

parole des taiseux du temps jadis avec un monologue dramatique

Lapprentie sage-femme issu du roman dun auteur contemporain ameacutericain

Karen Cushman se deacuteroulant dans lAngleterre meacutedieacutevale

Avec Bourrasque elle propose une adaptation libre quelle qualifie de

variation dune piegravece de John Millington Synge dramaturge irlandais du

19egraveme siegravecle engageacute dans le mouvement du Celtic Reviva l qui ressort agrave la

theacutematique de lacircme simple agrave laquelle ne sont eacutetrangers ni lapproche

poeacutetique du monde ni le questionnement meacutetaphysique

Par une nuit dorage un eacutecrivain meacutemorialiste baroudeur et collecteur

dhistoires (Philippe Smith) qui bat la campagne irlandaise trouve refuge dans

une ferme isoleacutee du comteacute de Wicklow

La dame de la maison (Nathalie Beacutecue) est sous le coup de leacutemotion de

la mort soudaine - et simuleacutee - de son mari (Pierre-Alain Chapuis) car

destineacutee agrave eacutetablir linfideacuteliteacute commise avec un jeune berger (Theacuteo

Cheacutedeville) et ce subterfuge va bouleverser leur destin

Sobrement mis en scegravene par Feacutelix Prader dans une sceacutenographie

intemporelle de Ceacutecilia Galli ce drame naturaliste agrave connotation de reacutealisme

magique agrave lirlandaise entre brume et tourbe composeacute essentiellement de la

juxtaposition quatre reacutecits hybridant soliloque et de biodrame beacuteneacuteficie dune

interpreacutetation remarquable qui navigue du registre du patheacutetique avec pour

chantre Nathalie Beacutecue et celui du burlesque dont Pierre-Alain

Chapuis savegravere en lespegravece le champion qui twiste la partition en eacutevitant

leacutecueil lacrymal

MM

BOURRASQUE Theacuteacirctre de la Tempecircte

Cartoucherie

Route du Champ-de-Manœuvre

75012 Paris

Tel 01 43 28 36 36

Jusqursquoau 15 avril 2018

du mardi au samedi 20h30

Dimanche 16h30

On connaissait de JM Synge laquo Le baladin du monde occidental raquo bien sucircr et laquo

Deirdre des douleurs raquo Voici qursquoon nous exhume une piegravece bien moins connue laquo

Lrsquoombre de la valleacutee raquo Elle fut eacutecrite par Synge apregraves un seacutejour aux icircles drsquoAran Ici

elle sert de base agrave cette variation signeacutee en fait Nathalie Beacutecue

Nous sommes au deacutebut du siegravecle dans un coin reculeacute drsquoIrlande une femme Alice

Burke veille son mari qui vient de mourir et qui deacutetail important lui a bien demandeacute

de ne pas le toucher Il laisse ce soin agrave sa soeur La femme reccediloit alors la visite drsquoun

voyageur preacutenommeacute John (Synge lui-mecircme) Comme elle srsquoeacuteclipse Daniel le mari

reacutevegravele qursquoil nrsquoest pas mort Choc Et ce nrsquoest pas fini

Si Synge avait axeacute sa piegravece sur cette tradition irlandaire (contrefaire le mort) et ses

conseacutequences tragi-comiques on voit bien que ce nrsquoest pas ce qui a inteacuteresseacute

Nathalie Beacutecue Elle a vu lagrave lrsquooccasion de deacutevelopper des personnages inventer

comme elle dit laquo un parler agrave ces taiseux et agrave y glisser toute la tendresse toutes les

violences qui les habitent raquo

Dans deacutecor sobre et agrave lrsquoaide de quelques eacuteleacutements laquo parlants raquo nous avons donc

droit agrave des variations sur le couple la solitude la vie des paysans-eacuteleveurs de

moutons leurs soucis et surtout lrsquoalieacutenation de lrsquoeacutepouse

Le problegraveme est qursquoil y a quelques longueurs agrave cocircteacute de fulgurances et de trouvailles

laquo Comme on vit on meurt mecircme visage raquo ou bien lanceacute par la femme laquo Mariez-

vous vous trimerez raquo la piegravece est statique

Elle est heureusement brillamment joueacutee par Pierre-Alain Chapuis (Daniel Burke)

avec sa rudesse et ses emportements ou Philippe Smith dans le rocircle de John Theacuteo

Chedeville a la fougue de la jeunesse mais on retiendra surtout lrsquoauteur-interpregravete

Nathalie Beacutecue elle est eacutemouvante et forte dans ce rocircle de femme en reacutevolte et qui

nrsquoa au bout du compte que le choix entre trois destins incarneacutes par trois hommes

Geacuterard Noeumll

Bourrasque

de Nathalie Beacutecue

Mise en scegravene Feacutelix Prader

Avec Nathalie Beacutecue Pierre-Alain Chapuis Theacuteo Chedeville Philippe Smith

Sceacutenographie et costumes Ceacutecilia Galli

Son Estelle Lembert

Collaboration artistique Aureacutelia Guillet

Direction des combats Franccedilois Rostain

Nathalie Beacutecue Antonia Bozzi

Bourrasque agrave la Tempecircte Un moment tempeacutetueux et plein drsquoeacutemotion Cest un voyage que nous propose actuellement le theacuteacirctre de La Tempecircte Une immersion absolue dans un foyer irlandais un soir ougrave une terrible bourrasque a deacutecideacute de tout emporter sur son passage En effet Nathalie Beacutecue agrave leacutecriture et Felix Prader agrave la mise en scegravene nous emportent dans leur univers celui de la farce mais aussi celui du reacuteel Un spectacle vibrant entre violence tendresse et reacuteflexion La nuit tombe sur cette chaumiegravere et sur la vie dAlice Burke Daniel Burke est mort Le deacutesarroi la colegravere la deacutetresse transpirent chez cette femme qui entame une premiegravere nuit de deuil Puis vient la bourrasque vient cet eacutetranger qui arpente les routes vient ce berger de la ferme voisine Cette soireacutee est une soireacutee eacutesoteacuterique Tout semble hors du temps Ce soir pour chacun des protagonistes cest un nouveau deacutepart une remise agrave zeacutero des compteurs Une renaissance Un envol Alice Burke na pas peur Sur scegravene ils sont quatre Quatre comeacutediens de talent qui eacutepousent agrave la perfection les personnages quils incarnent Justes profonds et surtout attachants Nathalie Beacutecue Pierre-Alain Chapuis Theacuteo Chedeville et Philippe Smith sont vrais On sourit aux blagues de ce conteur on souffre avec cette femme tortureacutee on aime avec ce berger on est trahi avec Daniel Burke Le texte est fort il ne laisse pas insensible et pose les questions et les remises en question que tout un chacun est ameneacute agrave se poser au cours de son existence La mise en scegravene quant agrave elle ne nous impose rien Chacun est libre dajouter sa part dimagination et dhypothegravese agrave cette chaumiegravere isoleacutee dans les montagnes irlandaises La fin de cette bourrasque dans les airs et dans les cœurs est lapogeacutee de tout un cheminement dune reacuteflexion celle que propose ici Nathalie Beacutecue dapregraves les arguments de leacutecrivain J-M Synge Un spectacle vrai et sans artifice agrave deacutecouvrir

Zoom par Reacutegis DARO Paru le 30032018

-

BOURR

Spectatif

ASQUE au Theacuteacirctre de La Tempecircte 17 Mars 2018

Comment savoir si Daniel Burke est mort ou pas Srsquoil ne srsquoagit que de son fantocircme qui vient surprendre son eacutepouse Alice Burke ou si Daniel Burke feint sa reacutesurrection pour fendre ses secrets et laisser eacutechapper un peu de lui-mecircme dans ses derniers instants juste avant de tenter de fondre ses pas dans ceux de celle qui veut partir fatigueacutee du passeacute et enjoueacutee devant un avenir qursquoelle voudrait se construire meilleur et sien Deacuteroulera-t-elle ses recircves sous ses pas Troublante et mysteacuterieuse aventure que cette soireacutee de bourrasque ougrave une veilleacutee mortuaire devient une veilleacutee de palabres de reacutecits et drsquoespoirs Entre reacuteel et irreacuteel lrsquoimaginaire srsquoempare de nous nous faisant flotter sur le flux des mots dits et plonger par moments parmi les maux dits de ce couple de paysans dont on ne sait srsquoils srsquoaiment ou se haiumlssent si seulement lrsquoamour est entreacute dans leur bacirctisse ou si ce mot nrsquoexiste pas pour eux Ce spectacle baigneacute de poeacutesie reacutealiste crue et deacutepouilleacutee est une magnifique eacutecriture de Nathalie Beacutecue qursquoelle nomme Variation sur LrsquoOmbre de la valleacutee de John Millington Synge On comprend que ce grand dramaturge irlandais de la fin du 19egraveme siegravecle inspira Beckett et subjugua Artaud entre autres Tant ses peintures dramatiques de la paysannerie irlandaise de ses us et coutumes sont autant de sources pour des personnages en marge ou des situations fantastiques Le parcours de Alice Burke est captivant Ce qursquoelle raconte ce qursquoelle dit et ce qursquoelle devient Paysanne infidegravele ou eacutepouse adulteacuterine sublimeacutee dans le mal par son mari cet homme meurtri et malheureux elle deacutecouvre peu agrave peu drsquoautres horizons pour vivre

John le vagabond recueilli ce soir de bourrasque sorte drsquoaegravede qui parcoure les villages et se nourrit des morceaux de vie des autres notant ses observations se payant drsquoaumocircnes apportera agrave Alice les lumiegraveres du deacutesir drsquoailleurs Michaeumll Dara le jeune berger du voisinage venu lui aussi pour se proteacuteger de la bourrasque semble porter avec lui les plaisirs et les espeacuterances attendus inavoueacutes ou peut-ecirctre assouvis par Alice Daniel Burke le mari mort ou vivant fantocircme de lui-mecircme erre vocifegravere eacuteructe ses souffrances cacheacutees derriegravere sa violence qui le blesse autant qursquoil voudrait blesser nous montrant un paysan qui nrsquoa connu que sa famille enfant ou adulte pour tout environnement humain Joue-t-il avec la mort qui revient pour hanter la veilleacutee ou est-il lrsquoecirctre hirsute perdu agrave jamais dans ses illusions et ses souffrances dans ses remords et ses souvenirs qui le rongent tant qursquoil se confond dans la mort comme dans la vie On ne sait pas on ne sait plus Nous sommes trop eacuteblouis pour bien voir qui il est nous sommes trop toucheacutes pour savoir ougrave nous sommes vraiment La mise en scegravene de Feacutelix Prader feutre le reacutecit le meacutelange aux jeux avec adresse et fluiditeacute Les mondes se juxtaposent on nrsquoa rien vu venir La distribution est brillante Theacuteo Chedeville et Philippe Smith sont justes et convaincants Natalie Beacutecue est lumineuse et eacutemouvante Pierre-Alain Chapuis comme drsquohabitude nous surprend Il deacutegage une puissance de jeu qui donne agrave son personnage tout le trouble et la cassure qui conviennent Il est splendide et touchant Un spectacle sublime et tregraves prenant agrave lrsquoeacutecriture eacutetonnante et captivante aux jeux drsquoun brio stupeacutefiant Un tregraves grand moment de theacuteacirctre A voir absolument Drsquoapregraves les œuvres de John Millington Synge Variation sur The shadow of the Glen Eacutecriture de Nathalie Beacutecue Mise en scegravene de Feacutelix Prader Sceacutenographie et costumes de Ceacutecilia Galli Son de Estelle Lembert Lumiegraveres de Thibault Gaigneux Collaboration artistique de Aureacutelia Guillet Direction des combats de Franccedilois Rostain

Avec Nathalie Beacutecue Pierre-Alain Chapuis Theacuteo Chedeville et Philippe Smith

Du mardi au samedi agrave 20h30 et le dimanche agrave 16h30

Cartoucherie route du Champ de Manoeuvre Paris 12egraveme

0143283636 wwwla-tempetefr

- Photo copy Antonia Bozzi -

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Accueil SPECTACLES [Critique] laquo Bourrasque raquo par Feacutelix Prader Une bouffeacutee drsquoIrlande

copy Antonia Bozzi

[Critique] laquo Bourrasque raquo par Feacutelix Prader Une bouffeacutee drsquoIrlande Morgane P 2018-03-28

Le Theacuteacirctre de la Tempecircte preacutesente Bourrasque une piegravece de theacuteacirctre de Nathalie Beacutecue

mise en scegravene par Feacutelix Prader Une incursion meacutelancolique et amegravere en terre irlandaise

Lrsquoavis de Bulles de Culture qui eacutetait agrave la premiegravere de la piegravece

Synopsis

Alice Burke (Nathalie Beacutecue) veille son mari Dan Burke (Pierre-Alain Chapuis) qui vient de

mourir quand survient un vagabond (Philippe Smith) qui demande asile pour la nuit Il faut

preacutevenir Michael Dara (Theacuteo Chedeville) jeune berger des alentours afin qursquoil aille annoncer

la nouvelle en ville Mais voilagrave que le mort se redresse et qursquoil a encore des choses agrave direhellip

Bourrasque Une belle reacuteeacutecriture drsquoapregraves John Millington Synge

copy Antonia Bozzi

Crsquoest la piegravece LrsquoOmbre de la valleacutee du dramaturge irlandais John Millington Synge qui est agrave

lrsquoorigine de Bourrasque De cette petite piegravece en un acte lrsquoauteure et comeacutedienne Nathalie

Beacutecue fait la colonne verteacutebrale du spectacle un drame noueacute autour de quatre

personnages dont lrsquoun mime sa mort pour prendre son eacutepouse en faute Reprenant agrave la

lettre le texte de lrsquoauteur irlandais Nathalie Beacutecue lrsquoeacutetoffe toutefois afin drsquoimaginer le

parcours personnel eacutemotionnel de chacun des quatre personnages Lrsquointeacutegration de son

eacutecriture agrave la piegravece de John Millington Synge est parfaite en ce qursquoelle deacutepeint le quotidien

meacutelancolique et maussade de ces Irlandais isoleacutes agrave lrsquoeacutecart du monde comme prisonniers de

la tourbe qui les entoure

Le phraseacute que Nathalie Beacutecue choisit pour Bourrasque est aussi une retranscription fidegravele du

style du dramaturge une langue agrave la fois racircpeuse et poeacutetique peacutetrie de la reacutealiteacute de ces

paysans Si John Millington Synge choisit lrsquoanglo-irlandais pour ses piegraveces Nathalie Beacutecue

imagine une syntaxe et un vocabulaire reacutealisant le mecircme eacutequilibre entre langue orale aux

tournures populaires et envoleacutees des meacutetaphores pour sonder les cœurs des quatre

laquo taiseux raquo

Un quatuor qui fonctionne agrave merveille

copy Antonia Bozzi

La patte de Nathalie Beacutecue ajoute une vraie personnaliteacute agrave la piegravece de John Millington

Synge agrave tel point que tous les personnages ont un relief propre qui les rend attachants sans

les caricaturer pour autant Elle excelle aussi dans lrsquoincarnation sur scegravene de cette femme

drsquoacircge mucircr eacutetouffeacutee par la solitude et lrsquoattente perpeacutetuelle qui constitue son quotidien Elle

tient ainsi toute la tension de Bourrasque de son deacutebut agrave sa fin et ce dans une diction

parfaite drsquoun bout agrave lrsquoautre malgreacute tout ce que la langue du personnage peut avoir de

bourbeux Quant aux trois hommes qui lrsquoentourent Bourrasque leur offre une personnaliteacute

plus profonde que la piegravece du dramaturge irlandais Exploitant les ellipses du texte original

Nathalie Beacutecue imagine que la meacutelancolie de Dan Burke trouve sa source dans la violence qui

lrsquoa entoureacute degraves son enfance Elle choisit aussi de faire davantage parler le jeune berger

amant de lrsquoheacuteroiumlne un peu naiumlf et pas tregraves malin Sa candeur en vient agrave faire sourire avec

tendresse

Mais lrsquoun des personnages qui prend le plus drsquoampleur dans la piegravece est sans conteste celui

du vagabond que Nathalie Beacutecue imagine comme une sorte de chercheur drsquohistoires voyant

ainsi en lui un vague double de John Millington Synge qui a fait de la tradition et des contes

des icircles drsquoAran lrsquoune de ses quecirctes Ce personnage renoue ainsi avec la tradition orale du

reacutecit il rappelle ces aegravedes de la socieacuteteacute grecque antique qui allaient de palais en palais

chanter les reacutecits de leur connaissance Toute la deacutelicatesse dont fait preuve Philippe

Smith dans ce rocircle est remarquable

Un huis clos haletant

I

copy

Antonia Bozzi

Bourrasque reacuteussit avec brio agrave maintenir une tension forte tout au long de la piegravece Crsquoest

drsquoabord la tension qursquoil y a autour de ce deuil rendu angoissant par la preacutesence du mort sur

scegravene Crsquoest ensuite une fois que le laquo mort raquo a reacuteveacuteleacute sa supercherie au vagabond la tension

que ressent le spectateur qui attend que Dan Burke nrsquointervienne Crsquoest enfin la tension du

conflit conjugal qui explose et renverse la situation initiale La mise en scegravene de Feacutelix

Prader repose sur la simpliciteacute deacutecor rudimentaire pas de grands effets Et cela met

parfaitement en valeur la dimension relationnelle du drame

Cette tension dramatique est encore accentueacutee par la tempecircte inteacuterieure que traversent les

personnages notamment les deux eacutepoux Le monologue drsquoAlice qui ouvre la piegravece et la

longue explication que son mari offre au vagabond montrent les deux faces drsquoun couple en

crise dans lequel chacun-e ne voit plus que sa propre souffrance Ce trouble inteacuterieur et

cette forte tension eacutemotionnelle sont bien sucircr souligneacutes par les circonstances

meacuteteacuteorologiques on traverse avec les personnages une sorte de tempecircte ougrave le vent souffle

avec violence Nrsquoest-ce finalement pas cette terrible bourrasque qui trouble les esprits de

chacun Rien nrsquoest moins sucircr

Reacuteunir les deux eacutepoux et lrsquoamant confondu crsquoest un topos theacuteacirctral Mais la preacutesence de cet

inconnu que Nathalie Beacutecue place comme un observateur particulier puisqursquoon imagine que

le drame auquel il assiste pourra enrichir encore son livret de reacutecits est une belle reacuteussite

Eacutecoutant les deux eacutepoux puis prenant finalement place dans le drame en exerccedilant le recul

dont lui seul dans la piegravece est capable change la porteacutee de la piegravece et enrichit

consideacuterablement le triangle amoureux

Bulles de Culture vous recommande en tout cas vivement cette incursion en terre irlandaise

En savoir plus

bull Bourrasque de Nathalie Beacutecue mise en scegravene par Feacutelix Prader est joueacute au Theacuteacirctre de la

Tempecircte du 16 mars au 15 avril 2018

bull Bourrasque sera joueacute en 2018 au Centre culturel de Vitreacute le 20 avril sur la Scegravene nationale

de Bar-le-Duc le 17 mai et au Theacuteacirctre Montansier de Versailles le 25 mai

bull Dureacutee du spectacle 1h40

Actualiteacute theacuteacirctrale

Jusqursquoau 15 avril au Theacuteacirctre de la Tempecircte

laquo Bourrasque raquo mercredi 21 mars 2018

Par un soir de tempecircte dans une chaumiegravere isoleacutee Alice Burke veille son mari le rude et taiseux Dan Burke qui vient de mourir Il lui a interdit de toucher son corps apregraves sa mort exigeant que ce soit sa sœur qui srsquooccupe de la toilette mortuaire Mais celle-ci habite loin Alice craint la nuit et la tempecircte dans ce lieu isoleacute et ne peut le laisser seul Elle attend Deux hommes vont se preacutesenter agrave sa porte un eacutetranger qui parcourt les rudes collines des alentours pour laquo cueillir raquo les histoires qursquoon veut bien lui confier et un jeune berger peu expeacuterimenteacute qui vit un peu plus loin Avec ces deux hommes deux avenirs pourraient se dessiner le second seraient bien inteacuteresseacute par la femme et surtout les biens dont elle va heacuteriter le premier lui ouvre une sortie de son isolement et de nouveaux espaces La bourrasque qui hurle au dehors gagne aussi lrsquointeacuterieur de la chaumiegravere et bouscule tous les esprits

Nathalie Beacutecue a eacuteteacute seacuteduite par lrsquounivers du poegravete et dramaturge irlandais John Millingtone Synge et en particulier par ce livre Les Icircles Aran ougrave il a raconteacute ses rencontres avec les icircliens et les leacutegendes qursquoils lui ont conteacutees Crsquoest de lrsquoun de ses contes Lrsquoombre de la valleacutee qursquoelle srsquoest inspireacutee pour eacutecrire Bourrasque Apregraves lrsquoavoir vue dans Lrsquoapprentie sage-femme qursquoelle avait joueacutee en 2012 on comprend la continuiteacute de son travail Ce qui lrsquointeacuteresse ce sont ces destins de femmes dans les deux cas des paysannes qui cherchent leur voie et prennent la vie agrave bras le corps Dans son texte Nathalie Beacutecue a su faire entendre la sauvagerie de la nature le vent la pluie et la vie rude de ceux qui y habitent Elle a su aussi traduire les penseacutees tourmenteacutees des quatre personnages attribuant agrave John lrsquohomme qui cueille les histoires la deacutemarche de Synge lui-mecircme dans les Icircles drsquoAran

Dans la mise en scegravene de Feacutelix Prader on reste enfermeacute dans la chaumiegravere avec le mort assis ou couvert drsquoun drap et lrsquoexteacuterieur nrsquoapparaicirct qursquoinquieacutetant avec le bruit amplifieacute du vent ou des coups agrave la porte Seuls les hommes qui arrivent apportent lrsquoimage drsquoun ailleurs possible pour cette femme qui srsquoest laisseacutee enfermer dans la solitude au point drsquoecirctre obligeacutee de parler aux arbres

Nathalie Beacutecue en robe paysanne et petit gilet de laine bleue avec de gros bas de laine incarne Alice qui parle de sa vie avec cet eacutepoux taiseux porteacute sur le whisky Elle caresse la couverture de poils de chegravevre tout en parlant Calme elle dit qursquoaucun vivant ne lui a jamais fait peur crsquoest drsquoautre chose qursquoelle a peur puis soudain la colegravere lrsquoemporte quand elle pense agrave lrsquoennui de sa vie laquo fosse agrave chagrin mareacutecage de tristesse raquo et se dit qursquoelle a peut-ecirctre fait le mauvais choix en se condamnant agrave laquo regarder les saisons passer raquo Philippe Smith est John celui qui ramasse les histoires vagabond ceacuteleste qui amuse Alice avec un tour de magie lui donne les nouvelles de la valleacutee et surtout lui parle drsquoun ailleurs Theacuteo Chedeville est Michaeumll Dara le marin devenu berger Pierre-Alain Chapuis est Dan Burke le mort qui survit Il est puissant violent ravageacute par sa colegravere contre tous sa femme son pegravere mais aussi contre lui-mecircme On le sent deacutevoreacute par lrsquoamertume laquo bouffeacute par la tristesse raquo comme le dit Alice mais peut-ecirctre capable de rebondir loin de sa femme

On se laisse emporter par le reacutecit On est dans ces icircles irlandaises battues par le vent et la pluie et on rejoint John quand il dit laquo Apregraves des veilleacutees solitaires je peux dire que les gens drsquoici ne sont pas insignifiants raquo

Micheline Rousselet

Du mardi au samedi agrave 20h30 le dimanche agrave 16h30

Theacuteacirctre de La Tempecircte

Cartoucherie

Route du Champ-de-Manoeuvre 75012 Paris

Reacuteservations (partenariat Reacuteducrsquosnes tarifs reacuteduits aux syndiqueacutes Snes mais sur reacuteservation impeacuterative) 01 43 28 36 36

T H Eacute Acirc T R E

BOURRASQUE UN MAGNIFIQUE OBJET POEacuteTIQUE

ET INSPIREacute DANS LE MONDE AcircPRE ET SANS

CONCESSION DES TERRES DrsquoIRLANDE 19 MARS 2018

Reacutedigeacute par Sarah Franck

laquo Le cœur casseacute ccedila donne la vie grise raquo Quand la brume et le vent soufflent sur un monde sans avenir confit dans lrsquoeacutecoulement uniforme des jours une porte parfois srsquoentrouvre pour que change le cours des choseshellip

Un homme est mort ce soir assis dans son fauteuil Sa femme une femme de rien ou de si peu de chose heacutesite Il lui a interdit de toucher son cadavre et a jeteacute sur elle une maleacutediction au cas ougrave elle enfreindrait lrsquoordre Seule sa sœur aura le droit de le preacuteparer pour son dernier voyage Mais comment faire quand la nuit a pris des couleurs de noir drsquoencre que les nueacutees srsquoamassent que le tonnerre gronde qursquoelle a une tregraves longue route et qursquoelle est seule Il nrsquoest pas bon drsquoabandonner un mort agrave lui-mecircmehellip Dans ce lieu perdu du bout du monde ougrave ne trouvent guegravere agrave subsister que les moutons ougrave lrsquoacircpreteacute de la vie a jeteacute sur les ecirctres son voile de dureteacute ougrave ne semblent possibles que la violence des comportements et lrsquohostiliteacute ougrave lrsquoalcool est la solution ultime quotidienne pour triompher des aleacuteas un groupe heacuteteacuteroclite va peu agrave peu se rassembler

(c) Antonia Bozzi

Une arche de Noeacute de largueacutes du monde

Parmi les personnages perdus dans ce milieu de nulle part arrive drsquoabord un vagabond un cueilleur de mots un raconteur drsquohistoires qui cherche un havre pour la nuit Il voudrait simplement reposer ses pieds fatigueacutes de cheminot avant de reprendre la route Il y a lrsquoancien marin devenu eacuteleveur que la mort du mari arrange car il en guigne les terres pour faire paicirctre ses troupeaux Il y a elle la femme deacutevoueacutee dont on ne sait de quoi est fait son attachement au deacutefunt ndash amour en deacutepit de lrsquoindiffeacuterence qursquoil lui porte ennui drsquoun mariage accepteacute pour la seacutecuriteacute qursquoil donne reacutesignation devant les vexations subies Et puis il y a ce mort qui srsquoavegraverera bien vivant au moment ougrave srsquoopegravere le partage des deacutepouilles et dont lrsquohistoire a la violence et linceste pour cortegravegehellip

Ce sont lagrave des perdus eacutegareacutes sans lrsquoavoir choisi prenant racine lagrave ougrave on les a planteacutes Massifs taiseux Vivent-ils Peut-ecirctre le cheminot qui erre agrave lrsquoaventure est-il le seul agrave savoir ougrave il va ce saltimbanque ce poegravete qui donne agrave voir un ailleurs agrave respirer lrsquoodeur du vent et les senteurs venues de contreacutees lointaines Peut-ecirctre ne sont-ils pas agrave leur place mais ont-ils une place Le preacutesent est leur futur leur avenir leur eacuteterniteacute Ils portent leur brume en eux cette compagne des sortilegraveges et des superstitions qui leur colle agrave la peau Ils ont cette eacutepaisseur de la matiegravere brute cette preacutesence obstineacutee de ceux qui ne savent qursquoecirctre

(c) Antonia Bozzi

Lrsquoespace de la parole

Dans ce huis clos deacutelimiteacute par une table dans un coin une banquette sur laquelle est assis immobile le mari et une commode il nrsquoy a pas drsquoeacutechappatoire Le lieu est agrave lrsquoimage de leur existence refermeacute sur lui-mecircme Alors il ne leur reste que la parole pour briser lrsquoenfermement Une parole difficile Les mots buttent dans leur gorge ils sortent contraints rentreacutes et de trop de retenue se heurtent et srsquoentrechoquent avec de brusques flambeacutees de violence se deacuteversent tels des crachats agrave la figure de lrsquoautre Crsquoest un trop-plein qui deacuteferle pour trouver le chemin de la conscience et qui les met en face drsquoeux-mecircmes et de leur reacutealiteacute Apregraves il nrsquoy aura plus de retour en arriegravere possible et chacun devra trouver lrsquoissue qui lui convient

Ils ont ce parler fruste mais imageacute des paysans laquo ccedila crsquoest sucircr raquo qui offre une transposition bretonne agrave lrsquoanglo-irlandais du texte original Un mecircme fondement celtique court dans ces deux reacutegions que rassemblent la culture et les paysages et ougrave souffle un vent laquo agrave reacuteveiller les disparus les esprits malins ou les feacutees tordues raquo Les noms de lieux aux consonances eacutetranges chantent une poeacutesie de lrsquoailleurs qursquoaccompagne celle du deacutesespoir de ces eacutecorcheacutes de la vie laquo Crsquoest comme ccedila le bout du chemin de ceux de sa sorte Les deacutevoreacutes drsquoangoisse les rongeacutes de tristesse raquo Les mots disent leur deacutetresse Leur barbe laquo on dirait deacutejagrave du poil de moisissure raquo Lrsquounivers laquo des milliards de milliards de masses solaires qui tournoient en spirale jusqursquoagrave ecirctre happeacutees aspireacutees au centre de lrsquoinconnu du trou noir [hellip] une eacutenorme densiteacute de creacuteation ou une absence de creacuteation Du trop-plein au vide raquo agrave lrsquoimage de leur vie qui laquo se deacuteficelle raquo se deacutecompose se deacutesintegravegrehellip

Entre Synge et Nathalie Beacutecue

De lrsquoOmbre de la valleacutee de John Millington Synge ndash compatriote de Joyce Yeats et Beckett et fervent deacutefenseur du renouveau de la culture irlandaise ndash Nathalie Beacutecue reprend la situation de ce mort laquo ressusciteacute raquo tout en modifiant les enjeux et la porteacutee de lrsquohistoire Elle fait du chemineau une incarnation du poegravete Elle reprend dans lrsquoesprit ce parler si particulier qui inverse lrsquoordre des mots pour placer dans une phrase lrsquoimportant devant On y retrouve le mecircme souci de rendre leurs lettres de noblesse agrave ceux qui sont sans-grade placeacutes agrave lrsquoeacutecart en marge mais portent en eux une veacuteriteacute immeacutemoriale qui les deacutepasse Ces hommes et ces femmes qui ne savent pas parler une laquo belle raquo langue au sens classique sont pleins habiteacutes possesseurs drsquoun treacutesor qursquoil nous est donneacute de reconnaicirctre Dans sa laquo variation raquo Nathalie

Beacutecue insuffle sa propre vision de cette laquo veacuteriteacute raquo populaire peupleacutee de croyances et de leacutegendes et met ses personnages en face de choix qui les font progresser et grandir

(c) Antonia Bozzi

Un magnifique travail drsquoacteur

Ce qui frappe enfin crsquoest lrsquointerpreacutetation laquo millimeacutetreacutee raquo des comeacutediens Car enfin crsquoest sur eux que repose ce spectacle ougrave il ne se passe rien ou presque durant deux heures Pas de quiproquo ni de comique de situation Pas de trageacutedie au-delagrave de lrsquoagressiviteacute et des altercations Ni trop ni trop peu mecircme si lrsquoon alterne chuchotements et cris Ils sont tout en retenues briseacutees quand les digues lacircchent en heacutesitations en mots esquisseacutes en gestes inaboutis ou semi-dissimuleacutes en mimiques fugaces Ils disent comme en srsquoexcusant heacutesitent agrave srsquoimposer reacutevegravelent les failles avec beaucoup de finesse La minutie avec laquelle la gestuelle campe les personnages donne au spectacle une justesse qursquoon voit rarement au theacuteacirctre

On srsquoeacutemeut drsquoentendre eacutevoquer les myriades drsquoeacutetoiles comme autant drsquoesprits des morts flottant autour de nous on partage la fatigue des marches de montagne plongeacutees dans une brume eacutepaisse et hostile la difficulteacute de ces laquo nuits noires agrave en appeler agrave la clarteacute des eacutetoiles raquo Et puis on rit car ils sont des hommes avec leurs petits travers leurs lacirccheteacutes et leurs peurs ces errants agrave la deacuterive qui srsquoeacutegarent avec magnificence et nous ressemblent tant Au-delagrave du texte et de sa beauteacute crsquoest agrave une merveilleuse leccedilon drsquohumaniteacute que nous convie ce spectacle

Bourrasque de Nathalie Beacutecue librement inspireacute de lrsquoOmbre du vent de John Millington Synge (eacuted franccedilaise Actes Sud)

Mise en scegravene Feacutelix Prader

Avec Nathalie Beacutecue Pierre-Alain Chapuis Theacuteo Chedeville Philippe Smith (le poegravete)

Theacuteacirctre de la Tempecircte Cartoucherie de Vincennes Route du Champ de Mars ndash 75012 Paris

Du 16 mars 2018 au 15 avril du mardi au samedi agrave 20h30 le dimanche agrave 17h30

Teacutel 01 43 28 36 36 Site wwwla-tempetefr

Bourrasque au Theacuteacirctre de La Tempecircte

Publieacute par Michel Jakubowicz le 26 mars 2018 Publieacute dans Tendance - Fashion

Theacuteacirctre de la Tempecircte Cartoucherie Rte du Champ-de-Manœuvre 75012 Paris

Repreacutesentations du 16 mars au 15 avril 2018

httpswwwla-tempetefr

BOURRASQUE

Variation sur lrsquoOmbre de la valleacutee de JM Synge

de Nathalie Beacutecue

mise en scegravene Feacutelix Prader

avec

Nathalie Beacutecue (Alice Burke)

Pierre-Alain Chapuis (Daniel Burke)

Theacuteo Chedeville (Michaeumll Dara)

Philippe Smith (John)

Nathalie Beacutecue auteure de Bourrasque avoue srsquoecirctre inspireacutee du poegravete et dramaturge John

Millington Synge Feacutelix Prader agrave partir du texte de Nathalie Beacutecue va srsquoefforcer de recreacuteer

lrsquoambiance eacutetrange chaotique effrayante qui sourd de ce texte Il va en quelque sorte donner

corps agrave une histoire ougrave semble rocircder une ambiance agrave la limite du fantastique et mettre en lumiegravere

les comportements presque forceneacutes brutaux impreacutevisibles des personnages qursquoun hasard

apparemment faceacutetieux (ou malfaisant) a reacuteunis dans une chaumiegravere perdue de la lande irlandaise

battue par la tempecircte Il faut dire que la piegravece se deacuteroule dans un contexte peu banal presque

terrifiant puisqursquoune femme seule soliloque en srsquoadressant agrave un cosmos aveugle et infini bourreacute

de trous noirs insondables et mortels La femme semble prendre agrave teacutemoin un homme immobile

ne bougeant pas drsquoun cil et dont la raideur semble vaguement indiquer qursquoil est peut-ecirctre passeacute

de vie agrave treacutepas ou qursquoil feint deacutelibeacutereacutement lrsquoindiffeacuterence absolue face aux propos tenus par la

femme Les choses pourraient en rester lagrave mais soudainement surgi du cœur de la tempecircte qui se

deacutechaicircne agrave lrsquoexteacuterieur un inconnu reacuteclame avec insistance malgreacute lrsquohostiliteacute de la femme agrave

srsquoabriter dans la chaumiegravere

A partir de lrsquointrusion de cet eacutetranger lrsquoaction va soudainement srsquoacceacuteleacuterer et le reacutecit srsquoorienter

sans deacutelai vers lrsquoabsurde le fantastique lrsquoinattendu Le reacutecit bascule apparemment vers

lrsquoirrationnel mais en terre irlandaise il semble agrave lrsquoeacutevidence que les apparences ne sont pas

forceacutement conformes agrave la reacutealiteacute et la suite du reacutecit de Nathalie Beacutecue srsquoinspirant de John

Millington Synge ne fera que rendre encore plus creacutedible cette impression

La mise en scegravene de Feacutelix Prader reconstitue avec une sorte de preacutecision presque surnaturelle

eacutetonnante cette campagne irlandaise drsquoougrave nrsquoimporte quels fantocircmes peuvent impuneacutement surgir

de la nuit Jusqursquoau bout drsquoune nuit interminable peupleacutee de terreurs sans noms cette assembleacutee

de personnages subira jusqursquoau bout un destin fait drsquoincertitude balanccedilant constamment entre

espoir et deacutesespeacuterance Lrsquointerpreacutetation est remarquable en particulier celle de Nathalie Beacutecue

incarnant avec beaucoup drsquoacircpreteacute de passion le rocircle drsquoAlice Burke Mais les trois autres

protagonistes masculins sont eacutegalement parfaits donnant agrave leurs personnages respectifs toute

lrsquoeacutepaisseur psychologique deacutesireacutee Un spectacle prenant qui reacutevegravele dans toute sa profondeur

lrsquoacircme irlandaise

Michel Jakubowicz

LE BRUITDUOFF TRIBUNE

LES SCENES ACTUELLES SANS TABOU NI TROMPETTES

CRITIQUE laquo Bourrasque raquo variation sur Lrsquoombre de la valleacutee de JM Synge de Nathalie Beacutecue mis en scegravene par Feacutelix Prader avec Nathalie Beacutecue Pierre-Alain Chapuis Theacuteo Chedeville et Philippe Smith Au Theacuteacirctre de la Tempecircte salle Copi jusqursquoau 15 avril du mardi au samedi agrave 20h30 dimanche agrave 16h30

Crsquoest lrsquoun des plus beaux textes de la saison Nathalie Beacutecue a adapteacute les peacutereacutegrinations de Synge avec amour infleacutechissant ses rugositeacutes irlandaises drsquoune ardeur feacutebrile

laquo Bourrasque raquo crsquoest la poeacutesie cosmique descendue sur lrsquoeacutepure drsquoun verbe aussi vieux que les icircles drsquoAran qui lrsquoabritent laquo Bourrasque raquo crsquoest la meacutetaphysique de la bergegravere Srsquoeacutelegraveve une litanie vibrante adresseacutee aux eacutetoiles pour cet laquo ougrave suis-je raquo qui preacutecegravede le laquo qui suis-je raquo pour le trou noir la masse la poussiegravere lrsquoengloutissement la disparition lrsquoinconnu la creacuteation sa densiteacute son absence le trop plein le videhellip Le vertige drsquoAlice Burke un soir de tempecircte est celui drsquoun cœur simple dans le langage du monde Lrsquoespace drsquoun entre-lumiegravere avant lrsquoextinction de la salle Nathalie Beacutecue ample vibrante ancreacutee et tendue vers des ciels invisibles livre une formidable deacutemonstration de sa maicirctrise de lrsquoabandon

Encore aux prises avec ce jaillissement drsquoecirctre brut et pur il nous faut quelques battements de cœur pour lrsquohabituer aux ombres de la scegravene peacuteneacutetrer le deuil terrestre drsquoAlice Burke et investir sa maison de pierre tandis que laquo perdu ailleurs raquo le vent se legraveve Les yeux pleins drsquoorage et la voix blanche elle embarque les acircmes qursquoelle a tendues vers elle laquo Je suis en colegravere tellement je suis triste raquo

Daniel Burke le fermier sans meacutetaphysique le fermier malheureux srsquoest figeacute lagrave dans une mort subite et inviolable et sa veuve saisie de solitude et figeacutee depuis cent ans voit sa laquo vie grise raquo deacutechireacutee par laquo la grande trouille raquo La trouille de quoi Car la mort toute proche incarneacutee dans la deacutepouille de son mari immobile ne lrsquoeffraye pas Crsquoest une femme des montagnes qui croit aux fantocircmes et qui ne les craint pas

Est-ce un fantocircme qui franchit son seuil dans lrsquoorage pour mettre son errance et son immense laquo dehors raquo dans lrsquoespace sans projet ougrave elle vit confineacutee John mucirc par le timbre envoucirctant de Philippe Smith est un porteur drsquohistoires venu reacutecolter quelques miettes au foyer de la derniegravere maison allumeacutee sur les chemins rocheux drsquoAran Quand Alice Burke laisse son hocircte dans cette eacutetrange veilleacutee et que Dan Burke se redresse bien vivant et saoul crsquoest toute une vie de spectateur qui vacille agrave son tour John pourra-t-il refuser drsquoecirctre acteur de cette histoire-lagrave

Pierre-Alain Chapuis est un Dan Burke massif en corps et en ecirctre plein de passeacute de rancœur et de lrsquoeacutepaisse rusticiteacute que les silences ont tanneacutee sur sa peau et sa voix Quatriegraveme entreacutee en scegravene la jeunesse vacillante de Theacuteo Chedeville precircte ses fougues agrave Michaeumll Dara le marin en quecircte de reacuteconciliation avec la terre qui cherche agrave ecirctre au sol et treacutepigne dans la valleacutee encore la tecircte agrave moitieacute immergeacutee des recircves drsquoavant les recircves enterreacutes de large et de houle La paix est-elle plus haut dans la montagne

La mise en scegravene de Feacutelix Prader attentive aux eacuteclats de verbe sublimeacutes par les voix de Beacutecue Chapuis Chedeville et Smith est un effacement une ombre pour que la poeacutesie eacuteclaire Il veut saisir le preacutesent et la preacutesence eacutenorme des protagonistes dans la suspension du temps du theacuteacirctre Sa scegravene se deacutepare du moindre artifice se fait couloir pour lrsquoeacutemotion de cette parole vitale qui balaye le silence effareacute du spectateur srsquooublie dans une pudeur parfaite Jrsquoentends encore la voix pleine et rocailleuse de Beacutecue la Burke souffler la bourrasque laquo Jrsquoai trop la trouille pour pas y aller raquo

Drsquoun eacutelan vital et poeacutetique elle engloutit le motif radical de la mort

Marguerite Dornier

DU 1603 AU 15042018 AU THEacuteAcircTRE DE LA TEMPEcircTE | DUREacuteE 1H40 |

Librement adapteacute de la piegravece en un acte de John M Synge laquo Lrsquoombre dans la Valleacutee raquo Bourrasque fait preuve drsquoune sagaciteacute deacuteroutante dans une ambiance drsquoinsulaires superstitieux Situation macabre regraveglements de comptes conjugaux reacutecits de voyages et art du vagabondagehellip lrsquoIrlande et son hors-champ drsquoimmensiteacute montagneuse et orageuse nous submergent alors que de grandes deacutecisions se prennent dans la petite chaumiegravere drsquoAlice Burke indigneacutee par la mort foudroyante de son mari Dan qursquoelle ne peut toucher sous peine drsquoecirctre maudite

De par la traduction drsquoun gaeacutelique transposeacute dans du franccedilais paysan aux consonances lyriques et lrsquointerpreacutetation de ce tregraves beau et talentueux quatuor de comeacutediens le folklore celte est tout agrave fait plausible voire palpable et propage son caractegravere sacreacute Bourrasque est un deacutelice drsquohumour peut ecirctre un tantinet pessimiste mais surtout pittoresque et poeacutetique

Eloiumlse Dandoy

jeudi 22 mars 2018

Bourrasque de Nathalie Beacutecue

Bourrasque est un de ces spectacles dont on mesure la chance quils existent Parce que Nathalie Beacutecue a fait un travail deacutecriture tregraves reacuteussi librement adapteacute de la piegravece LrsquoOmbre de la valleacutee en reprenant lrsquoargument tout en modifiant les enjeux et la porteacutee Elle place le spectateur au plus pregraves de latmosphegravere poeacutetique qui a impreacutegneacute lIrlande que John Millington Synge (1871-1909) nous a fait deacutecouvrir au XIXdeg siegravecle et qui est encore tregraves vivante gracircce agrave la moderniteacute de la mise en scegravene de Feacutelix Prader La distribution est habile avec Nathalie Beacutecue qui interpregravete Alice Burke et trois autres comeacutediens Pierre-Alain Chapuis (Daniel Burke) Theacuteo Chedeville (Michaeumll Dara) et Philippe Smith (John) tous diffeacuterents qui permettent dapporter des points de vue parfois deacuteroutants maintenant le spectateur quasiment en haleine comme sil eacutetait au coeur dun thriller Le caractegravere primitif de la vie sociale si particuliegravere des icircles drsquoAran en deviendrait presque normal dans un deacutecor rustique simple et familier

Par un soir de violente tempecircte que lon entendra rugir derriegravere la verriegravere Alice Burke veille son mari deacutefunt lrsquoacircpre et ombrageux fermier Dan Burke comme le veut la coutume dans cette contreacutee reculeacutee Silence dans la chaumiegravere isoleacutee quand agrave la porte frappe un inconnu nomade des collines cueilleur drsquohistoires (Synge) qui ravive dans lrsquoacircme dAlice la soif drsquoun ailleurs Un autre homme bouscule les certitudes dAlice Michaeumll Dara le marin devenu berger qui vit agrave quelques lieues et convoite agrave la fois les biens et la femmethinsp Et si soudain srsquoeacuteveillait le deacutefunt chahutant les vivants que ferait Alicethinsp

Le mort est sur scegravene muet cela va sans dire mais bien preacutesent tout de mecircme Sa femme lui rend hommage malgreacute les cahots qui ont chahuteacute sa vie Cest une femme simple qui a les pieds sur terre capable dun brin de fantaisie que lon remarque dans le point de tricot du gilet quelle porte sur une robe bleu marine Sans doute reacutealiseacute avec la laine de ses moutons Les paroles se bousculent au rythme des souvenirs et agrave la mesure des angoisses qui lassaillent comme des ressentiments quelle exprime toute seule La tempecircte qui agite son esprit est semblable agrave celle qui souffle au dehors Elle reconnait quelle ne sait plus ougrave elle en est et sassoit pregraves de celui qui fut son homme Chaque mort serait une eacutetoile qui scintille dans le ciel Au-delagrave de cette jolie image Alice est confronteacutee agrave labsence de deux beaux enfants partis aux Ameacuteriques et aujourdrsquohui un mari qui part et agrave qui elle parle comme sil eacutetait vivant et comme elle ne lui a sans doute jamais parleacute parce que jusque-lagrave elle nosait pas Tout bascule ccedila vrille comment crsquoest possible possible je suis en colegravere

Elle refuse puis accueille la reacutealiteacute et lhomme eacutetranger qui explique sa fonction je cueille des mots Et qui fait davantage en analysant les eacutevegravenements Cest lui qui le premier a un doute Il est mort votre copain On dirait qursquoil fait le mort Si effectivement la mort neacutetait quune ruse pour permettre de deacutebusquer la veacuteriteacute vraie agrave linstar dOrgon cacheacute sous la nappe pour confondre Tartuffe

La langue choisie par Nathalie Beacutecue est preacutecise poeacutetique et feacuteroce Si je deacutesentortille votre charabia Jrsquoai trop la trouille pour pas y aller avant de se deacutecider agrave deacuterouler ses recircves sous ses pas

Faisons-nous aussi le pas pour ne pas louper ce petit bijou qui se joue au theacuteacirctre de la Tempecircte jusquau 15 avril 2018

Bourrasque de Nathalie Beacutecue Mise en scegravene Feacutelix Prader Avec Nathalie Beacutecue (Alice Burke) Pierre-Alain Chapuis (Daniel Burke) Theacuteo Chedeville (Michaeumll Dara) Philippe Smith (John) Sceacutenographie et costumes Ceacutecilia Galli Creacuteation sonore Estelle Lembert Direction des combats Franccedilois Rostain Du 16 mars au 15 avril 2018 Du mardi au samedi 20 h 30 dimanche 16 h 30 Les photos qui ne sont pas logotypeacutees A bride abattue sont de Antonia Bozzi Publieacute par marie-claire agrave 2335 Envoyer par e-mailBlogThisPartager sur TwitterPartager sur FacebookPartager sur Pinterest Libelleacutes coup de coeur spectacle theacuteacirctre

critiquetheatreclaucom

17 Mars 2018

ABOZZI

Bourrasque jusqursquoau 1504 th de La tempecircte

Mouvance de la destineacutee

De Nathalie Beacutecue inspireacute de lrsquoœuvre de John Millington Synge dramaturge irlandais 1871- 1909Mise en scegravene Feacutelix Prader

Au premier instant nous nous sommes happeacutes par un merveilleux poegraveme invoquant le chagrin des ecirctres perdus la solitude la deacutetresse la tristesse les regrets

laquo Pourquoi jrsquoai reccedilu cette vie Au lieu drsquoattraper lrsquoair transparent dans le bleu du cielhelliphellip Rester lagrave agrave attendre la Balayure du soir raquo

Une atmosphegravere de conte de poeacutesie et de mystegravere nous enveloppe

Un jour de grande tempecircte au plus profond de la campagne irlandaise nous peacuteneacutetrons dans une sobre demeure Il va se deacuterouler sous nos yeux pleins drsquoeacutetonnement un conte tragi-comique

Les personnages sont hauts en couleur

Un paysan Daniel Burke rustre et srsquoabreuvant de whisky pour oublier sa peur et la tristesse de la vie simule sa mort pour espionner sa femme

Alice soumise agrave sa condition se questionne sur sa vie passeacutee et agrave venir Tout en veillant son deacutefunt mari

John marcheur solitaire poegravete eacutecrivain et avide de liberteacute eacutecoutant et observant le monde arrive agrave lrsquoimproviste dans cette demeure

Michaeumll ancien marin devenu berger est un eacutetranger dans cette campagne isoleacutee Il va convoiter Alice pour srsquointeacutegrer dans ce monde hostile

Tous ses personnages vont se reacuteveacuteler nous raconter leur histoire parfois tragique parfois cocasse

Que veulent-ils devenir Prendront-ils leur destineacutee en main

Nous deacutecouvrons le sens de la fecircte les rites et coutumes funeacuteraires de la campagne irlandaise Nous ressentons lrsquoisolement de ses contreacutees la vie rude et solitaire de ses habitants ainsi que le climat rigoureux et froid

Crsquoest agrave la fois violent et tendre eacutemouvant et burlesque

Les comeacutediens nous eacutemeuvent et nous transpercent le cœur

Avec Alice Nathalie Beacutecue nous bouleverse

Daniel Pierre-Alain Chapuis bourru et tendre nous attendri

John Philippe Smith eacuteleacutegant et serein nous seacuteduit

Sans oublier Theacuteo Chedeville touchant dans le rocircle du jeune berger Michaeumll

Page 13: BOURRASQUE - Théâtre Montansier · 2018. 5. 7. · composé Bourrasque, que Félix Prader met en scène avec igueu (1). Synge affimait u’au théâtre, « il faut du réel, il

BOURRASQUE Theacuteacirctre de la Tempecircte

Cartoucherie

Route du Champ-de-Manœuvre

75012 Paris

Tel 01 43 28 36 36

Jusqursquoau 15 avril 2018

du mardi au samedi 20h30

Dimanche 16h30

On connaissait de JM Synge laquo Le baladin du monde occidental raquo bien sucircr et laquo

Deirdre des douleurs raquo Voici qursquoon nous exhume une piegravece bien moins connue laquo

Lrsquoombre de la valleacutee raquo Elle fut eacutecrite par Synge apregraves un seacutejour aux icircles drsquoAran Ici

elle sert de base agrave cette variation signeacutee en fait Nathalie Beacutecue

Nous sommes au deacutebut du siegravecle dans un coin reculeacute drsquoIrlande une femme Alice

Burke veille son mari qui vient de mourir et qui deacutetail important lui a bien demandeacute

de ne pas le toucher Il laisse ce soin agrave sa soeur La femme reccediloit alors la visite drsquoun

voyageur preacutenommeacute John (Synge lui-mecircme) Comme elle srsquoeacuteclipse Daniel le mari

reacutevegravele qursquoil nrsquoest pas mort Choc Et ce nrsquoest pas fini

Si Synge avait axeacute sa piegravece sur cette tradition irlandaire (contrefaire le mort) et ses

conseacutequences tragi-comiques on voit bien que ce nrsquoest pas ce qui a inteacuteresseacute

Nathalie Beacutecue Elle a vu lagrave lrsquooccasion de deacutevelopper des personnages inventer

comme elle dit laquo un parler agrave ces taiseux et agrave y glisser toute la tendresse toutes les

violences qui les habitent raquo

Dans deacutecor sobre et agrave lrsquoaide de quelques eacuteleacutements laquo parlants raquo nous avons donc

droit agrave des variations sur le couple la solitude la vie des paysans-eacuteleveurs de

moutons leurs soucis et surtout lrsquoalieacutenation de lrsquoeacutepouse

Le problegraveme est qursquoil y a quelques longueurs agrave cocircteacute de fulgurances et de trouvailles

laquo Comme on vit on meurt mecircme visage raquo ou bien lanceacute par la femme laquo Mariez-

vous vous trimerez raquo la piegravece est statique

Elle est heureusement brillamment joueacutee par Pierre-Alain Chapuis (Daniel Burke)

avec sa rudesse et ses emportements ou Philippe Smith dans le rocircle de John Theacuteo

Chedeville a la fougue de la jeunesse mais on retiendra surtout lrsquoauteur-interpregravete

Nathalie Beacutecue elle est eacutemouvante et forte dans ce rocircle de femme en reacutevolte et qui

nrsquoa au bout du compte que le choix entre trois destins incarneacutes par trois hommes

Geacuterard Noeumll

Bourrasque

de Nathalie Beacutecue

Mise en scegravene Feacutelix Prader

Avec Nathalie Beacutecue Pierre-Alain Chapuis Theacuteo Chedeville Philippe Smith

Sceacutenographie et costumes Ceacutecilia Galli

Son Estelle Lembert

Collaboration artistique Aureacutelia Guillet

Direction des combats Franccedilois Rostain

Nathalie Beacutecue Antonia Bozzi

Bourrasque agrave la Tempecircte Un moment tempeacutetueux et plein drsquoeacutemotion Cest un voyage que nous propose actuellement le theacuteacirctre de La Tempecircte Une immersion absolue dans un foyer irlandais un soir ougrave une terrible bourrasque a deacutecideacute de tout emporter sur son passage En effet Nathalie Beacutecue agrave leacutecriture et Felix Prader agrave la mise en scegravene nous emportent dans leur univers celui de la farce mais aussi celui du reacuteel Un spectacle vibrant entre violence tendresse et reacuteflexion La nuit tombe sur cette chaumiegravere et sur la vie dAlice Burke Daniel Burke est mort Le deacutesarroi la colegravere la deacutetresse transpirent chez cette femme qui entame une premiegravere nuit de deuil Puis vient la bourrasque vient cet eacutetranger qui arpente les routes vient ce berger de la ferme voisine Cette soireacutee est une soireacutee eacutesoteacuterique Tout semble hors du temps Ce soir pour chacun des protagonistes cest un nouveau deacutepart une remise agrave zeacutero des compteurs Une renaissance Un envol Alice Burke na pas peur Sur scegravene ils sont quatre Quatre comeacutediens de talent qui eacutepousent agrave la perfection les personnages quils incarnent Justes profonds et surtout attachants Nathalie Beacutecue Pierre-Alain Chapuis Theacuteo Chedeville et Philippe Smith sont vrais On sourit aux blagues de ce conteur on souffre avec cette femme tortureacutee on aime avec ce berger on est trahi avec Daniel Burke Le texte est fort il ne laisse pas insensible et pose les questions et les remises en question que tout un chacun est ameneacute agrave se poser au cours de son existence La mise en scegravene quant agrave elle ne nous impose rien Chacun est libre dajouter sa part dimagination et dhypothegravese agrave cette chaumiegravere isoleacutee dans les montagnes irlandaises La fin de cette bourrasque dans les airs et dans les cœurs est lapogeacutee de tout un cheminement dune reacuteflexion celle que propose ici Nathalie Beacutecue dapregraves les arguments de leacutecrivain J-M Synge Un spectacle vrai et sans artifice agrave deacutecouvrir

Zoom par Reacutegis DARO Paru le 30032018

-

BOURR

Spectatif

ASQUE au Theacuteacirctre de La Tempecircte 17 Mars 2018

Comment savoir si Daniel Burke est mort ou pas Srsquoil ne srsquoagit que de son fantocircme qui vient surprendre son eacutepouse Alice Burke ou si Daniel Burke feint sa reacutesurrection pour fendre ses secrets et laisser eacutechapper un peu de lui-mecircme dans ses derniers instants juste avant de tenter de fondre ses pas dans ceux de celle qui veut partir fatigueacutee du passeacute et enjoueacutee devant un avenir qursquoelle voudrait se construire meilleur et sien Deacuteroulera-t-elle ses recircves sous ses pas Troublante et mysteacuterieuse aventure que cette soireacutee de bourrasque ougrave une veilleacutee mortuaire devient une veilleacutee de palabres de reacutecits et drsquoespoirs Entre reacuteel et irreacuteel lrsquoimaginaire srsquoempare de nous nous faisant flotter sur le flux des mots dits et plonger par moments parmi les maux dits de ce couple de paysans dont on ne sait srsquoils srsquoaiment ou se haiumlssent si seulement lrsquoamour est entreacute dans leur bacirctisse ou si ce mot nrsquoexiste pas pour eux Ce spectacle baigneacute de poeacutesie reacutealiste crue et deacutepouilleacutee est une magnifique eacutecriture de Nathalie Beacutecue qursquoelle nomme Variation sur LrsquoOmbre de la valleacutee de John Millington Synge On comprend que ce grand dramaturge irlandais de la fin du 19egraveme siegravecle inspira Beckett et subjugua Artaud entre autres Tant ses peintures dramatiques de la paysannerie irlandaise de ses us et coutumes sont autant de sources pour des personnages en marge ou des situations fantastiques Le parcours de Alice Burke est captivant Ce qursquoelle raconte ce qursquoelle dit et ce qursquoelle devient Paysanne infidegravele ou eacutepouse adulteacuterine sublimeacutee dans le mal par son mari cet homme meurtri et malheureux elle deacutecouvre peu agrave peu drsquoautres horizons pour vivre

John le vagabond recueilli ce soir de bourrasque sorte drsquoaegravede qui parcoure les villages et se nourrit des morceaux de vie des autres notant ses observations se payant drsquoaumocircnes apportera agrave Alice les lumiegraveres du deacutesir drsquoailleurs Michaeumll Dara le jeune berger du voisinage venu lui aussi pour se proteacuteger de la bourrasque semble porter avec lui les plaisirs et les espeacuterances attendus inavoueacutes ou peut-ecirctre assouvis par Alice Daniel Burke le mari mort ou vivant fantocircme de lui-mecircme erre vocifegravere eacuteructe ses souffrances cacheacutees derriegravere sa violence qui le blesse autant qursquoil voudrait blesser nous montrant un paysan qui nrsquoa connu que sa famille enfant ou adulte pour tout environnement humain Joue-t-il avec la mort qui revient pour hanter la veilleacutee ou est-il lrsquoecirctre hirsute perdu agrave jamais dans ses illusions et ses souffrances dans ses remords et ses souvenirs qui le rongent tant qursquoil se confond dans la mort comme dans la vie On ne sait pas on ne sait plus Nous sommes trop eacuteblouis pour bien voir qui il est nous sommes trop toucheacutes pour savoir ougrave nous sommes vraiment La mise en scegravene de Feacutelix Prader feutre le reacutecit le meacutelange aux jeux avec adresse et fluiditeacute Les mondes se juxtaposent on nrsquoa rien vu venir La distribution est brillante Theacuteo Chedeville et Philippe Smith sont justes et convaincants Natalie Beacutecue est lumineuse et eacutemouvante Pierre-Alain Chapuis comme drsquohabitude nous surprend Il deacutegage une puissance de jeu qui donne agrave son personnage tout le trouble et la cassure qui conviennent Il est splendide et touchant Un spectacle sublime et tregraves prenant agrave lrsquoeacutecriture eacutetonnante et captivante aux jeux drsquoun brio stupeacutefiant Un tregraves grand moment de theacuteacirctre A voir absolument Drsquoapregraves les œuvres de John Millington Synge Variation sur The shadow of the Glen Eacutecriture de Nathalie Beacutecue Mise en scegravene de Feacutelix Prader Sceacutenographie et costumes de Ceacutecilia Galli Son de Estelle Lembert Lumiegraveres de Thibault Gaigneux Collaboration artistique de Aureacutelia Guillet Direction des combats de Franccedilois Rostain

Avec Nathalie Beacutecue Pierre-Alain Chapuis Theacuteo Chedeville et Philippe Smith

Du mardi au samedi agrave 20h30 et le dimanche agrave 16h30

Cartoucherie route du Champ de Manoeuvre Paris 12egraveme

0143283636 wwwla-tempetefr

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Accueil SPECTACLES [Critique] laquo Bourrasque raquo par Feacutelix Prader Une bouffeacutee drsquoIrlande

copy Antonia Bozzi

[Critique] laquo Bourrasque raquo par Feacutelix Prader Une bouffeacutee drsquoIrlande Morgane P 2018-03-28

Le Theacuteacirctre de la Tempecircte preacutesente Bourrasque une piegravece de theacuteacirctre de Nathalie Beacutecue

mise en scegravene par Feacutelix Prader Une incursion meacutelancolique et amegravere en terre irlandaise

Lrsquoavis de Bulles de Culture qui eacutetait agrave la premiegravere de la piegravece

Synopsis

Alice Burke (Nathalie Beacutecue) veille son mari Dan Burke (Pierre-Alain Chapuis) qui vient de

mourir quand survient un vagabond (Philippe Smith) qui demande asile pour la nuit Il faut

preacutevenir Michael Dara (Theacuteo Chedeville) jeune berger des alentours afin qursquoil aille annoncer

la nouvelle en ville Mais voilagrave que le mort se redresse et qursquoil a encore des choses agrave direhellip

Bourrasque Une belle reacuteeacutecriture drsquoapregraves John Millington Synge

copy Antonia Bozzi

Crsquoest la piegravece LrsquoOmbre de la valleacutee du dramaturge irlandais John Millington Synge qui est agrave

lrsquoorigine de Bourrasque De cette petite piegravece en un acte lrsquoauteure et comeacutedienne Nathalie

Beacutecue fait la colonne verteacutebrale du spectacle un drame noueacute autour de quatre

personnages dont lrsquoun mime sa mort pour prendre son eacutepouse en faute Reprenant agrave la

lettre le texte de lrsquoauteur irlandais Nathalie Beacutecue lrsquoeacutetoffe toutefois afin drsquoimaginer le

parcours personnel eacutemotionnel de chacun des quatre personnages Lrsquointeacutegration de son

eacutecriture agrave la piegravece de John Millington Synge est parfaite en ce qursquoelle deacutepeint le quotidien

meacutelancolique et maussade de ces Irlandais isoleacutes agrave lrsquoeacutecart du monde comme prisonniers de

la tourbe qui les entoure

Le phraseacute que Nathalie Beacutecue choisit pour Bourrasque est aussi une retranscription fidegravele du

style du dramaturge une langue agrave la fois racircpeuse et poeacutetique peacutetrie de la reacutealiteacute de ces

paysans Si John Millington Synge choisit lrsquoanglo-irlandais pour ses piegraveces Nathalie Beacutecue

imagine une syntaxe et un vocabulaire reacutealisant le mecircme eacutequilibre entre langue orale aux

tournures populaires et envoleacutees des meacutetaphores pour sonder les cœurs des quatre

laquo taiseux raquo

Un quatuor qui fonctionne agrave merveille

copy Antonia Bozzi

La patte de Nathalie Beacutecue ajoute une vraie personnaliteacute agrave la piegravece de John Millington

Synge agrave tel point que tous les personnages ont un relief propre qui les rend attachants sans

les caricaturer pour autant Elle excelle aussi dans lrsquoincarnation sur scegravene de cette femme

drsquoacircge mucircr eacutetouffeacutee par la solitude et lrsquoattente perpeacutetuelle qui constitue son quotidien Elle

tient ainsi toute la tension de Bourrasque de son deacutebut agrave sa fin et ce dans une diction

parfaite drsquoun bout agrave lrsquoautre malgreacute tout ce que la langue du personnage peut avoir de

bourbeux Quant aux trois hommes qui lrsquoentourent Bourrasque leur offre une personnaliteacute

plus profonde que la piegravece du dramaturge irlandais Exploitant les ellipses du texte original

Nathalie Beacutecue imagine que la meacutelancolie de Dan Burke trouve sa source dans la violence qui

lrsquoa entoureacute degraves son enfance Elle choisit aussi de faire davantage parler le jeune berger

amant de lrsquoheacuteroiumlne un peu naiumlf et pas tregraves malin Sa candeur en vient agrave faire sourire avec

tendresse

Mais lrsquoun des personnages qui prend le plus drsquoampleur dans la piegravece est sans conteste celui

du vagabond que Nathalie Beacutecue imagine comme une sorte de chercheur drsquohistoires voyant

ainsi en lui un vague double de John Millington Synge qui a fait de la tradition et des contes

des icircles drsquoAran lrsquoune de ses quecirctes Ce personnage renoue ainsi avec la tradition orale du

reacutecit il rappelle ces aegravedes de la socieacuteteacute grecque antique qui allaient de palais en palais

chanter les reacutecits de leur connaissance Toute la deacutelicatesse dont fait preuve Philippe

Smith dans ce rocircle est remarquable

Un huis clos haletant

I

copy

Antonia Bozzi

Bourrasque reacuteussit avec brio agrave maintenir une tension forte tout au long de la piegravece Crsquoest

drsquoabord la tension qursquoil y a autour de ce deuil rendu angoissant par la preacutesence du mort sur

scegravene Crsquoest ensuite une fois que le laquo mort raquo a reacuteveacuteleacute sa supercherie au vagabond la tension

que ressent le spectateur qui attend que Dan Burke nrsquointervienne Crsquoest enfin la tension du

conflit conjugal qui explose et renverse la situation initiale La mise en scegravene de Feacutelix

Prader repose sur la simpliciteacute deacutecor rudimentaire pas de grands effets Et cela met

parfaitement en valeur la dimension relationnelle du drame

Cette tension dramatique est encore accentueacutee par la tempecircte inteacuterieure que traversent les

personnages notamment les deux eacutepoux Le monologue drsquoAlice qui ouvre la piegravece et la

longue explication que son mari offre au vagabond montrent les deux faces drsquoun couple en

crise dans lequel chacun-e ne voit plus que sa propre souffrance Ce trouble inteacuterieur et

cette forte tension eacutemotionnelle sont bien sucircr souligneacutes par les circonstances

meacuteteacuteorologiques on traverse avec les personnages une sorte de tempecircte ougrave le vent souffle

avec violence Nrsquoest-ce finalement pas cette terrible bourrasque qui trouble les esprits de

chacun Rien nrsquoest moins sucircr

Reacuteunir les deux eacutepoux et lrsquoamant confondu crsquoest un topos theacuteacirctral Mais la preacutesence de cet

inconnu que Nathalie Beacutecue place comme un observateur particulier puisqursquoon imagine que

le drame auquel il assiste pourra enrichir encore son livret de reacutecits est une belle reacuteussite

Eacutecoutant les deux eacutepoux puis prenant finalement place dans le drame en exerccedilant le recul

dont lui seul dans la piegravece est capable change la porteacutee de la piegravece et enrichit

consideacuterablement le triangle amoureux

Bulles de Culture vous recommande en tout cas vivement cette incursion en terre irlandaise

En savoir plus

bull Bourrasque de Nathalie Beacutecue mise en scegravene par Feacutelix Prader est joueacute au Theacuteacirctre de la

Tempecircte du 16 mars au 15 avril 2018

bull Bourrasque sera joueacute en 2018 au Centre culturel de Vitreacute le 20 avril sur la Scegravene nationale

de Bar-le-Duc le 17 mai et au Theacuteacirctre Montansier de Versailles le 25 mai

bull Dureacutee du spectacle 1h40

Actualiteacute theacuteacirctrale

Jusqursquoau 15 avril au Theacuteacirctre de la Tempecircte

laquo Bourrasque raquo mercredi 21 mars 2018

Par un soir de tempecircte dans une chaumiegravere isoleacutee Alice Burke veille son mari le rude et taiseux Dan Burke qui vient de mourir Il lui a interdit de toucher son corps apregraves sa mort exigeant que ce soit sa sœur qui srsquooccupe de la toilette mortuaire Mais celle-ci habite loin Alice craint la nuit et la tempecircte dans ce lieu isoleacute et ne peut le laisser seul Elle attend Deux hommes vont se preacutesenter agrave sa porte un eacutetranger qui parcourt les rudes collines des alentours pour laquo cueillir raquo les histoires qursquoon veut bien lui confier et un jeune berger peu expeacuterimenteacute qui vit un peu plus loin Avec ces deux hommes deux avenirs pourraient se dessiner le second seraient bien inteacuteresseacute par la femme et surtout les biens dont elle va heacuteriter le premier lui ouvre une sortie de son isolement et de nouveaux espaces La bourrasque qui hurle au dehors gagne aussi lrsquointeacuterieur de la chaumiegravere et bouscule tous les esprits

Nathalie Beacutecue a eacuteteacute seacuteduite par lrsquounivers du poegravete et dramaturge irlandais John Millingtone Synge et en particulier par ce livre Les Icircles Aran ougrave il a raconteacute ses rencontres avec les icircliens et les leacutegendes qursquoils lui ont conteacutees Crsquoest de lrsquoun de ses contes Lrsquoombre de la valleacutee qursquoelle srsquoest inspireacutee pour eacutecrire Bourrasque Apregraves lrsquoavoir vue dans Lrsquoapprentie sage-femme qursquoelle avait joueacutee en 2012 on comprend la continuiteacute de son travail Ce qui lrsquointeacuteresse ce sont ces destins de femmes dans les deux cas des paysannes qui cherchent leur voie et prennent la vie agrave bras le corps Dans son texte Nathalie Beacutecue a su faire entendre la sauvagerie de la nature le vent la pluie et la vie rude de ceux qui y habitent Elle a su aussi traduire les penseacutees tourmenteacutees des quatre personnages attribuant agrave John lrsquohomme qui cueille les histoires la deacutemarche de Synge lui-mecircme dans les Icircles drsquoAran

Dans la mise en scegravene de Feacutelix Prader on reste enfermeacute dans la chaumiegravere avec le mort assis ou couvert drsquoun drap et lrsquoexteacuterieur nrsquoapparaicirct qursquoinquieacutetant avec le bruit amplifieacute du vent ou des coups agrave la porte Seuls les hommes qui arrivent apportent lrsquoimage drsquoun ailleurs possible pour cette femme qui srsquoest laisseacutee enfermer dans la solitude au point drsquoecirctre obligeacutee de parler aux arbres

Nathalie Beacutecue en robe paysanne et petit gilet de laine bleue avec de gros bas de laine incarne Alice qui parle de sa vie avec cet eacutepoux taiseux porteacute sur le whisky Elle caresse la couverture de poils de chegravevre tout en parlant Calme elle dit qursquoaucun vivant ne lui a jamais fait peur crsquoest drsquoautre chose qursquoelle a peur puis soudain la colegravere lrsquoemporte quand elle pense agrave lrsquoennui de sa vie laquo fosse agrave chagrin mareacutecage de tristesse raquo et se dit qursquoelle a peut-ecirctre fait le mauvais choix en se condamnant agrave laquo regarder les saisons passer raquo Philippe Smith est John celui qui ramasse les histoires vagabond ceacuteleste qui amuse Alice avec un tour de magie lui donne les nouvelles de la valleacutee et surtout lui parle drsquoun ailleurs Theacuteo Chedeville est Michaeumll Dara le marin devenu berger Pierre-Alain Chapuis est Dan Burke le mort qui survit Il est puissant violent ravageacute par sa colegravere contre tous sa femme son pegravere mais aussi contre lui-mecircme On le sent deacutevoreacute par lrsquoamertume laquo bouffeacute par la tristesse raquo comme le dit Alice mais peut-ecirctre capable de rebondir loin de sa femme

On se laisse emporter par le reacutecit On est dans ces icircles irlandaises battues par le vent et la pluie et on rejoint John quand il dit laquo Apregraves des veilleacutees solitaires je peux dire que les gens drsquoici ne sont pas insignifiants raquo

Micheline Rousselet

Du mardi au samedi agrave 20h30 le dimanche agrave 16h30

Theacuteacirctre de La Tempecircte

Cartoucherie

Route du Champ-de-Manoeuvre 75012 Paris

Reacuteservations (partenariat Reacuteducrsquosnes tarifs reacuteduits aux syndiqueacutes Snes mais sur reacuteservation impeacuterative) 01 43 28 36 36

T H Eacute Acirc T R E

BOURRASQUE UN MAGNIFIQUE OBJET POEacuteTIQUE

ET INSPIREacute DANS LE MONDE AcircPRE ET SANS

CONCESSION DES TERRES DrsquoIRLANDE 19 MARS 2018

Reacutedigeacute par Sarah Franck

laquo Le cœur casseacute ccedila donne la vie grise raquo Quand la brume et le vent soufflent sur un monde sans avenir confit dans lrsquoeacutecoulement uniforme des jours une porte parfois srsquoentrouvre pour que change le cours des choseshellip

Un homme est mort ce soir assis dans son fauteuil Sa femme une femme de rien ou de si peu de chose heacutesite Il lui a interdit de toucher son cadavre et a jeteacute sur elle une maleacutediction au cas ougrave elle enfreindrait lrsquoordre Seule sa sœur aura le droit de le preacuteparer pour son dernier voyage Mais comment faire quand la nuit a pris des couleurs de noir drsquoencre que les nueacutees srsquoamassent que le tonnerre gronde qursquoelle a une tregraves longue route et qursquoelle est seule Il nrsquoest pas bon drsquoabandonner un mort agrave lui-mecircmehellip Dans ce lieu perdu du bout du monde ougrave ne trouvent guegravere agrave subsister que les moutons ougrave lrsquoacircpreteacute de la vie a jeteacute sur les ecirctres son voile de dureteacute ougrave ne semblent possibles que la violence des comportements et lrsquohostiliteacute ougrave lrsquoalcool est la solution ultime quotidienne pour triompher des aleacuteas un groupe heacuteteacuteroclite va peu agrave peu se rassembler

(c) Antonia Bozzi

Une arche de Noeacute de largueacutes du monde

Parmi les personnages perdus dans ce milieu de nulle part arrive drsquoabord un vagabond un cueilleur de mots un raconteur drsquohistoires qui cherche un havre pour la nuit Il voudrait simplement reposer ses pieds fatigueacutes de cheminot avant de reprendre la route Il y a lrsquoancien marin devenu eacuteleveur que la mort du mari arrange car il en guigne les terres pour faire paicirctre ses troupeaux Il y a elle la femme deacutevoueacutee dont on ne sait de quoi est fait son attachement au deacutefunt ndash amour en deacutepit de lrsquoindiffeacuterence qursquoil lui porte ennui drsquoun mariage accepteacute pour la seacutecuriteacute qursquoil donne reacutesignation devant les vexations subies Et puis il y a ce mort qui srsquoavegraverera bien vivant au moment ougrave srsquoopegravere le partage des deacutepouilles et dont lrsquohistoire a la violence et linceste pour cortegravegehellip

Ce sont lagrave des perdus eacutegareacutes sans lrsquoavoir choisi prenant racine lagrave ougrave on les a planteacutes Massifs taiseux Vivent-ils Peut-ecirctre le cheminot qui erre agrave lrsquoaventure est-il le seul agrave savoir ougrave il va ce saltimbanque ce poegravete qui donne agrave voir un ailleurs agrave respirer lrsquoodeur du vent et les senteurs venues de contreacutees lointaines Peut-ecirctre ne sont-ils pas agrave leur place mais ont-ils une place Le preacutesent est leur futur leur avenir leur eacuteterniteacute Ils portent leur brume en eux cette compagne des sortilegraveges et des superstitions qui leur colle agrave la peau Ils ont cette eacutepaisseur de la matiegravere brute cette preacutesence obstineacutee de ceux qui ne savent qursquoecirctre

(c) Antonia Bozzi

Lrsquoespace de la parole

Dans ce huis clos deacutelimiteacute par une table dans un coin une banquette sur laquelle est assis immobile le mari et une commode il nrsquoy a pas drsquoeacutechappatoire Le lieu est agrave lrsquoimage de leur existence refermeacute sur lui-mecircme Alors il ne leur reste que la parole pour briser lrsquoenfermement Une parole difficile Les mots buttent dans leur gorge ils sortent contraints rentreacutes et de trop de retenue se heurtent et srsquoentrechoquent avec de brusques flambeacutees de violence se deacuteversent tels des crachats agrave la figure de lrsquoautre Crsquoest un trop-plein qui deacuteferle pour trouver le chemin de la conscience et qui les met en face drsquoeux-mecircmes et de leur reacutealiteacute Apregraves il nrsquoy aura plus de retour en arriegravere possible et chacun devra trouver lrsquoissue qui lui convient

Ils ont ce parler fruste mais imageacute des paysans laquo ccedila crsquoest sucircr raquo qui offre une transposition bretonne agrave lrsquoanglo-irlandais du texte original Un mecircme fondement celtique court dans ces deux reacutegions que rassemblent la culture et les paysages et ougrave souffle un vent laquo agrave reacuteveiller les disparus les esprits malins ou les feacutees tordues raquo Les noms de lieux aux consonances eacutetranges chantent une poeacutesie de lrsquoailleurs qursquoaccompagne celle du deacutesespoir de ces eacutecorcheacutes de la vie laquo Crsquoest comme ccedila le bout du chemin de ceux de sa sorte Les deacutevoreacutes drsquoangoisse les rongeacutes de tristesse raquo Les mots disent leur deacutetresse Leur barbe laquo on dirait deacutejagrave du poil de moisissure raquo Lrsquounivers laquo des milliards de milliards de masses solaires qui tournoient en spirale jusqursquoagrave ecirctre happeacutees aspireacutees au centre de lrsquoinconnu du trou noir [hellip] une eacutenorme densiteacute de creacuteation ou une absence de creacuteation Du trop-plein au vide raquo agrave lrsquoimage de leur vie qui laquo se deacuteficelle raquo se deacutecompose se deacutesintegravegrehellip

Entre Synge et Nathalie Beacutecue

De lrsquoOmbre de la valleacutee de John Millington Synge ndash compatriote de Joyce Yeats et Beckett et fervent deacutefenseur du renouveau de la culture irlandaise ndash Nathalie Beacutecue reprend la situation de ce mort laquo ressusciteacute raquo tout en modifiant les enjeux et la porteacutee de lrsquohistoire Elle fait du chemineau une incarnation du poegravete Elle reprend dans lrsquoesprit ce parler si particulier qui inverse lrsquoordre des mots pour placer dans une phrase lrsquoimportant devant On y retrouve le mecircme souci de rendre leurs lettres de noblesse agrave ceux qui sont sans-grade placeacutes agrave lrsquoeacutecart en marge mais portent en eux une veacuteriteacute immeacutemoriale qui les deacutepasse Ces hommes et ces femmes qui ne savent pas parler une laquo belle raquo langue au sens classique sont pleins habiteacutes possesseurs drsquoun treacutesor qursquoil nous est donneacute de reconnaicirctre Dans sa laquo variation raquo Nathalie

Beacutecue insuffle sa propre vision de cette laquo veacuteriteacute raquo populaire peupleacutee de croyances et de leacutegendes et met ses personnages en face de choix qui les font progresser et grandir

(c) Antonia Bozzi

Un magnifique travail drsquoacteur

Ce qui frappe enfin crsquoest lrsquointerpreacutetation laquo millimeacutetreacutee raquo des comeacutediens Car enfin crsquoest sur eux que repose ce spectacle ougrave il ne se passe rien ou presque durant deux heures Pas de quiproquo ni de comique de situation Pas de trageacutedie au-delagrave de lrsquoagressiviteacute et des altercations Ni trop ni trop peu mecircme si lrsquoon alterne chuchotements et cris Ils sont tout en retenues briseacutees quand les digues lacircchent en heacutesitations en mots esquisseacutes en gestes inaboutis ou semi-dissimuleacutes en mimiques fugaces Ils disent comme en srsquoexcusant heacutesitent agrave srsquoimposer reacutevegravelent les failles avec beaucoup de finesse La minutie avec laquelle la gestuelle campe les personnages donne au spectacle une justesse qursquoon voit rarement au theacuteacirctre

On srsquoeacutemeut drsquoentendre eacutevoquer les myriades drsquoeacutetoiles comme autant drsquoesprits des morts flottant autour de nous on partage la fatigue des marches de montagne plongeacutees dans une brume eacutepaisse et hostile la difficulteacute de ces laquo nuits noires agrave en appeler agrave la clarteacute des eacutetoiles raquo Et puis on rit car ils sont des hommes avec leurs petits travers leurs lacirccheteacutes et leurs peurs ces errants agrave la deacuterive qui srsquoeacutegarent avec magnificence et nous ressemblent tant Au-delagrave du texte et de sa beauteacute crsquoest agrave une merveilleuse leccedilon drsquohumaniteacute que nous convie ce spectacle

Bourrasque de Nathalie Beacutecue librement inspireacute de lrsquoOmbre du vent de John Millington Synge (eacuted franccedilaise Actes Sud)

Mise en scegravene Feacutelix Prader

Avec Nathalie Beacutecue Pierre-Alain Chapuis Theacuteo Chedeville Philippe Smith (le poegravete)

Theacuteacirctre de la Tempecircte Cartoucherie de Vincennes Route du Champ de Mars ndash 75012 Paris

Du 16 mars 2018 au 15 avril du mardi au samedi agrave 20h30 le dimanche agrave 17h30

Teacutel 01 43 28 36 36 Site wwwla-tempetefr

Bourrasque au Theacuteacirctre de La Tempecircte

Publieacute par Michel Jakubowicz le 26 mars 2018 Publieacute dans Tendance - Fashion

Theacuteacirctre de la Tempecircte Cartoucherie Rte du Champ-de-Manœuvre 75012 Paris

Repreacutesentations du 16 mars au 15 avril 2018

httpswwwla-tempetefr

BOURRASQUE

Variation sur lrsquoOmbre de la valleacutee de JM Synge

de Nathalie Beacutecue

mise en scegravene Feacutelix Prader

avec

Nathalie Beacutecue (Alice Burke)

Pierre-Alain Chapuis (Daniel Burke)

Theacuteo Chedeville (Michaeumll Dara)

Philippe Smith (John)

Nathalie Beacutecue auteure de Bourrasque avoue srsquoecirctre inspireacutee du poegravete et dramaturge John

Millington Synge Feacutelix Prader agrave partir du texte de Nathalie Beacutecue va srsquoefforcer de recreacuteer

lrsquoambiance eacutetrange chaotique effrayante qui sourd de ce texte Il va en quelque sorte donner

corps agrave une histoire ougrave semble rocircder une ambiance agrave la limite du fantastique et mettre en lumiegravere

les comportements presque forceneacutes brutaux impreacutevisibles des personnages qursquoun hasard

apparemment faceacutetieux (ou malfaisant) a reacuteunis dans une chaumiegravere perdue de la lande irlandaise

battue par la tempecircte Il faut dire que la piegravece se deacuteroule dans un contexte peu banal presque

terrifiant puisqursquoune femme seule soliloque en srsquoadressant agrave un cosmos aveugle et infini bourreacute

de trous noirs insondables et mortels La femme semble prendre agrave teacutemoin un homme immobile

ne bougeant pas drsquoun cil et dont la raideur semble vaguement indiquer qursquoil est peut-ecirctre passeacute

de vie agrave treacutepas ou qursquoil feint deacutelibeacutereacutement lrsquoindiffeacuterence absolue face aux propos tenus par la

femme Les choses pourraient en rester lagrave mais soudainement surgi du cœur de la tempecircte qui se

deacutechaicircne agrave lrsquoexteacuterieur un inconnu reacuteclame avec insistance malgreacute lrsquohostiliteacute de la femme agrave

srsquoabriter dans la chaumiegravere

A partir de lrsquointrusion de cet eacutetranger lrsquoaction va soudainement srsquoacceacuteleacuterer et le reacutecit srsquoorienter

sans deacutelai vers lrsquoabsurde le fantastique lrsquoinattendu Le reacutecit bascule apparemment vers

lrsquoirrationnel mais en terre irlandaise il semble agrave lrsquoeacutevidence que les apparences ne sont pas

forceacutement conformes agrave la reacutealiteacute et la suite du reacutecit de Nathalie Beacutecue srsquoinspirant de John

Millington Synge ne fera que rendre encore plus creacutedible cette impression

La mise en scegravene de Feacutelix Prader reconstitue avec une sorte de preacutecision presque surnaturelle

eacutetonnante cette campagne irlandaise drsquoougrave nrsquoimporte quels fantocircmes peuvent impuneacutement surgir

de la nuit Jusqursquoau bout drsquoune nuit interminable peupleacutee de terreurs sans noms cette assembleacutee

de personnages subira jusqursquoau bout un destin fait drsquoincertitude balanccedilant constamment entre

espoir et deacutesespeacuterance Lrsquointerpreacutetation est remarquable en particulier celle de Nathalie Beacutecue

incarnant avec beaucoup drsquoacircpreteacute de passion le rocircle drsquoAlice Burke Mais les trois autres

protagonistes masculins sont eacutegalement parfaits donnant agrave leurs personnages respectifs toute

lrsquoeacutepaisseur psychologique deacutesireacutee Un spectacle prenant qui reacutevegravele dans toute sa profondeur

lrsquoacircme irlandaise

Michel Jakubowicz

LE BRUITDUOFF TRIBUNE

LES SCENES ACTUELLES SANS TABOU NI TROMPETTES

CRITIQUE laquo Bourrasque raquo variation sur Lrsquoombre de la valleacutee de JM Synge de Nathalie Beacutecue mis en scegravene par Feacutelix Prader avec Nathalie Beacutecue Pierre-Alain Chapuis Theacuteo Chedeville et Philippe Smith Au Theacuteacirctre de la Tempecircte salle Copi jusqursquoau 15 avril du mardi au samedi agrave 20h30 dimanche agrave 16h30

Crsquoest lrsquoun des plus beaux textes de la saison Nathalie Beacutecue a adapteacute les peacutereacutegrinations de Synge avec amour infleacutechissant ses rugositeacutes irlandaises drsquoune ardeur feacutebrile

laquo Bourrasque raquo crsquoest la poeacutesie cosmique descendue sur lrsquoeacutepure drsquoun verbe aussi vieux que les icircles drsquoAran qui lrsquoabritent laquo Bourrasque raquo crsquoest la meacutetaphysique de la bergegravere Srsquoeacutelegraveve une litanie vibrante adresseacutee aux eacutetoiles pour cet laquo ougrave suis-je raquo qui preacutecegravede le laquo qui suis-je raquo pour le trou noir la masse la poussiegravere lrsquoengloutissement la disparition lrsquoinconnu la creacuteation sa densiteacute son absence le trop plein le videhellip Le vertige drsquoAlice Burke un soir de tempecircte est celui drsquoun cœur simple dans le langage du monde Lrsquoespace drsquoun entre-lumiegravere avant lrsquoextinction de la salle Nathalie Beacutecue ample vibrante ancreacutee et tendue vers des ciels invisibles livre une formidable deacutemonstration de sa maicirctrise de lrsquoabandon

Encore aux prises avec ce jaillissement drsquoecirctre brut et pur il nous faut quelques battements de cœur pour lrsquohabituer aux ombres de la scegravene peacuteneacutetrer le deuil terrestre drsquoAlice Burke et investir sa maison de pierre tandis que laquo perdu ailleurs raquo le vent se legraveve Les yeux pleins drsquoorage et la voix blanche elle embarque les acircmes qursquoelle a tendues vers elle laquo Je suis en colegravere tellement je suis triste raquo

Daniel Burke le fermier sans meacutetaphysique le fermier malheureux srsquoest figeacute lagrave dans une mort subite et inviolable et sa veuve saisie de solitude et figeacutee depuis cent ans voit sa laquo vie grise raquo deacutechireacutee par laquo la grande trouille raquo La trouille de quoi Car la mort toute proche incarneacutee dans la deacutepouille de son mari immobile ne lrsquoeffraye pas Crsquoest une femme des montagnes qui croit aux fantocircmes et qui ne les craint pas

Est-ce un fantocircme qui franchit son seuil dans lrsquoorage pour mettre son errance et son immense laquo dehors raquo dans lrsquoespace sans projet ougrave elle vit confineacutee John mucirc par le timbre envoucirctant de Philippe Smith est un porteur drsquohistoires venu reacutecolter quelques miettes au foyer de la derniegravere maison allumeacutee sur les chemins rocheux drsquoAran Quand Alice Burke laisse son hocircte dans cette eacutetrange veilleacutee et que Dan Burke se redresse bien vivant et saoul crsquoest toute une vie de spectateur qui vacille agrave son tour John pourra-t-il refuser drsquoecirctre acteur de cette histoire-lagrave

Pierre-Alain Chapuis est un Dan Burke massif en corps et en ecirctre plein de passeacute de rancœur et de lrsquoeacutepaisse rusticiteacute que les silences ont tanneacutee sur sa peau et sa voix Quatriegraveme entreacutee en scegravene la jeunesse vacillante de Theacuteo Chedeville precircte ses fougues agrave Michaeumll Dara le marin en quecircte de reacuteconciliation avec la terre qui cherche agrave ecirctre au sol et treacutepigne dans la valleacutee encore la tecircte agrave moitieacute immergeacutee des recircves drsquoavant les recircves enterreacutes de large et de houle La paix est-elle plus haut dans la montagne

La mise en scegravene de Feacutelix Prader attentive aux eacuteclats de verbe sublimeacutes par les voix de Beacutecue Chapuis Chedeville et Smith est un effacement une ombre pour que la poeacutesie eacuteclaire Il veut saisir le preacutesent et la preacutesence eacutenorme des protagonistes dans la suspension du temps du theacuteacirctre Sa scegravene se deacutepare du moindre artifice se fait couloir pour lrsquoeacutemotion de cette parole vitale qui balaye le silence effareacute du spectateur srsquooublie dans une pudeur parfaite Jrsquoentends encore la voix pleine et rocailleuse de Beacutecue la Burke souffler la bourrasque laquo Jrsquoai trop la trouille pour pas y aller raquo

Drsquoun eacutelan vital et poeacutetique elle engloutit le motif radical de la mort

Marguerite Dornier

DU 1603 AU 15042018 AU THEacuteAcircTRE DE LA TEMPEcircTE | DUREacuteE 1H40 |

Librement adapteacute de la piegravece en un acte de John M Synge laquo Lrsquoombre dans la Valleacutee raquo Bourrasque fait preuve drsquoune sagaciteacute deacuteroutante dans une ambiance drsquoinsulaires superstitieux Situation macabre regraveglements de comptes conjugaux reacutecits de voyages et art du vagabondagehellip lrsquoIrlande et son hors-champ drsquoimmensiteacute montagneuse et orageuse nous submergent alors que de grandes deacutecisions se prennent dans la petite chaumiegravere drsquoAlice Burke indigneacutee par la mort foudroyante de son mari Dan qursquoelle ne peut toucher sous peine drsquoecirctre maudite

De par la traduction drsquoun gaeacutelique transposeacute dans du franccedilais paysan aux consonances lyriques et lrsquointerpreacutetation de ce tregraves beau et talentueux quatuor de comeacutediens le folklore celte est tout agrave fait plausible voire palpable et propage son caractegravere sacreacute Bourrasque est un deacutelice drsquohumour peut ecirctre un tantinet pessimiste mais surtout pittoresque et poeacutetique

Eloiumlse Dandoy

jeudi 22 mars 2018

Bourrasque de Nathalie Beacutecue

Bourrasque est un de ces spectacles dont on mesure la chance quils existent Parce que Nathalie Beacutecue a fait un travail deacutecriture tregraves reacuteussi librement adapteacute de la piegravece LrsquoOmbre de la valleacutee en reprenant lrsquoargument tout en modifiant les enjeux et la porteacutee Elle place le spectateur au plus pregraves de latmosphegravere poeacutetique qui a impreacutegneacute lIrlande que John Millington Synge (1871-1909) nous a fait deacutecouvrir au XIXdeg siegravecle et qui est encore tregraves vivante gracircce agrave la moderniteacute de la mise en scegravene de Feacutelix Prader La distribution est habile avec Nathalie Beacutecue qui interpregravete Alice Burke et trois autres comeacutediens Pierre-Alain Chapuis (Daniel Burke) Theacuteo Chedeville (Michaeumll Dara) et Philippe Smith (John) tous diffeacuterents qui permettent dapporter des points de vue parfois deacuteroutants maintenant le spectateur quasiment en haleine comme sil eacutetait au coeur dun thriller Le caractegravere primitif de la vie sociale si particuliegravere des icircles drsquoAran en deviendrait presque normal dans un deacutecor rustique simple et familier

Par un soir de violente tempecircte que lon entendra rugir derriegravere la verriegravere Alice Burke veille son mari deacutefunt lrsquoacircpre et ombrageux fermier Dan Burke comme le veut la coutume dans cette contreacutee reculeacutee Silence dans la chaumiegravere isoleacutee quand agrave la porte frappe un inconnu nomade des collines cueilleur drsquohistoires (Synge) qui ravive dans lrsquoacircme dAlice la soif drsquoun ailleurs Un autre homme bouscule les certitudes dAlice Michaeumll Dara le marin devenu berger qui vit agrave quelques lieues et convoite agrave la fois les biens et la femmethinsp Et si soudain srsquoeacuteveillait le deacutefunt chahutant les vivants que ferait Alicethinsp

Le mort est sur scegravene muet cela va sans dire mais bien preacutesent tout de mecircme Sa femme lui rend hommage malgreacute les cahots qui ont chahuteacute sa vie Cest une femme simple qui a les pieds sur terre capable dun brin de fantaisie que lon remarque dans le point de tricot du gilet quelle porte sur une robe bleu marine Sans doute reacutealiseacute avec la laine de ses moutons Les paroles se bousculent au rythme des souvenirs et agrave la mesure des angoisses qui lassaillent comme des ressentiments quelle exprime toute seule La tempecircte qui agite son esprit est semblable agrave celle qui souffle au dehors Elle reconnait quelle ne sait plus ougrave elle en est et sassoit pregraves de celui qui fut son homme Chaque mort serait une eacutetoile qui scintille dans le ciel Au-delagrave de cette jolie image Alice est confronteacutee agrave labsence de deux beaux enfants partis aux Ameacuteriques et aujourdrsquohui un mari qui part et agrave qui elle parle comme sil eacutetait vivant et comme elle ne lui a sans doute jamais parleacute parce que jusque-lagrave elle nosait pas Tout bascule ccedila vrille comment crsquoest possible possible je suis en colegravere

Elle refuse puis accueille la reacutealiteacute et lhomme eacutetranger qui explique sa fonction je cueille des mots Et qui fait davantage en analysant les eacutevegravenements Cest lui qui le premier a un doute Il est mort votre copain On dirait qursquoil fait le mort Si effectivement la mort neacutetait quune ruse pour permettre de deacutebusquer la veacuteriteacute vraie agrave linstar dOrgon cacheacute sous la nappe pour confondre Tartuffe

La langue choisie par Nathalie Beacutecue est preacutecise poeacutetique et feacuteroce Si je deacutesentortille votre charabia Jrsquoai trop la trouille pour pas y aller avant de se deacutecider agrave deacuterouler ses recircves sous ses pas

Faisons-nous aussi le pas pour ne pas louper ce petit bijou qui se joue au theacuteacirctre de la Tempecircte jusquau 15 avril 2018

Bourrasque de Nathalie Beacutecue Mise en scegravene Feacutelix Prader Avec Nathalie Beacutecue (Alice Burke) Pierre-Alain Chapuis (Daniel Burke) Theacuteo Chedeville (Michaeumll Dara) Philippe Smith (John) Sceacutenographie et costumes Ceacutecilia Galli Creacuteation sonore Estelle Lembert Direction des combats Franccedilois Rostain Du 16 mars au 15 avril 2018 Du mardi au samedi 20 h 30 dimanche 16 h 30 Les photos qui ne sont pas logotypeacutees A bride abattue sont de Antonia Bozzi Publieacute par marie-claire agrave 2335 Envoyer par e-mailBlogThisPartager sur TwitterPartager sur FacebookPartager sur Pinterest Libelleacutes coup de coeur spectacle theacuteacirctre

critiquetheatreclaucom

17 Mars 2018

ABOZZI

Bourrasque jusqursquoau 1504 th de La tempecircte

Mouvance de la destineacutee

De Nathalie Beacutecue inspireacute de lrsquoœuvre de John Millington Synge dramaturge irlandais 1871- 1909Mise en scegravene Feacutelix Prader

Au premier instant nous nous sommes happeacutes par un merveilleux poegraveme invoquant le chagrin des ecirctres perdus la solitude la deacutetresse la tristesse les regrets

laquo Pourquoi jrsquoai reccedilu cette vie Au lieu drsquoattraper lrsquoair transparent dans le bleu du cielhelliphellip Rester lagrave agrave attendre la Balayure du soir raquo

Une atmosphegravere de conte de poeacutesie et de mystegravere nous enveloppe

Un jour de grande tempecircte au plus profond de la campagne irlandaise nous peacuteneacutetrons dans une sobre demeure Il va se deacuterouler sous nos yeux pleins drsquoeacutetonnement un conte tragi-comique

Les personnages sont hauts en couleur

Un paysan Daniel Burke rustre et srsquoabreuvant de whisky pour oublier sa peur et la tristesse de la vie simule sa mort pour espionner sa femme

Alice soumise agrave sa condition se questionne sur sa vie passeacutee et agrave venir Tout en veillant son deacutefunt mari

John marcheur solitaire poegravete eacutecrivain et avide de liberteacute eacutecoutant et observant le monde arrive agrave lrsquoimproviste dans cette demeure

Michaeumll ancien marin devenu berger est un eacutetranger dans cette campagne isoleacutee Il va convoiter Alice pour srsquointeacutegrer dans ce monde hostile

Tous ses personnages vont se reacuteveacuteler nous raconter leur histoire parfois tragique parfois cocasse

Que veulent-ils devenir Prendront-ils leur destineacutee en main

Nous deacutecouvrons le sens de la fecircte les rites et coutumes funeacuteraires de la campagne irlandaise Nous ressentons lrsquoisolement de ses contreacutees la vie rude et solitaire de ses habitants ainsi que le climat rigoureux et froid

Crsquoest agrave la fois violent et tendre eacutemouvant et burlesque

Les comeacutediens nous eacutemeuvent et nous transpercent le cœur

Avec Alice Nathalie Beacutecue nous bouleverse

Daniel Pierre-Alain Chapuis bourru et tendre nous attendri

John Philippe Smith eacuteleacutegant et serein nous seacuteduit

Sans oublier Theacuteo Chedeville touchant dans le rocircle du jeune berger Michaeumll

Page 14: BOURRASQUE - Théâtre Montansier · 2018. 5. 7. · composé Bourrasque, que Félix Prader met en scène avec igueu (1). Synge affimait u’au théâtre, « il faut du réel, il

Dans deacutecor sobre et agrave lrsquoaide de quelques eacuteleacutements laquo parlants raquo nous avons donc

droit agrave des variations sur le couple la solitude la vie des paysans-eacuteleveurs de

moutons leurs soucis et surtout lrsquoalieacutenation de lrsquoeacutepouse

Le problegraveme est qursquoil y a quelques longueurs agrave cocircteacute de fulgurances et de trouvailles

laquo Comme on vit on meurt mecircme visage raquo ou bien lanceacute par la femme laquo Mariez-

vous vous trimerez raquo la piegravece est statique

Elle est heureusement brillamment joueacutee par Pierre-Alain Chapuis (Daniel Burke)

avec sa rudesse et ses emportements ou Philippe Smith dans le rocircle de John Theacuteo

Chedeville a la fougue de la jeunesse mais on retiendra surtout lrsquoauteur-interpregravete

Nathalie Beacutecue elle est eacutemouvante et forte dans ce rocircle de femme en reacutevolte et qui

nrsquoa au bout du compte que le choix entre trois destins incarneacutes par trois hommes

Geacuterard Noeumll

Bourrasque

de Nathalie Beacutecue

Mise en scegravene Feacutelix Prader

Avec Nathalie Beacutecue Pierre-Alain Chapuis Theacuteo Chedeville Philippe Smith

Sceacutenographie et costumes Ceacutecilia Galli

Son Estelle Lembert

Collaboration artistique Aureacutelia Guillet

Direction des combats Franccedilois Rostain

Nathalie Beacutecue Antonia Bozzi

Bourrasque agrave la Tempecircte Un moment tempeacutetueux et plein drsquoeacutemotion Cest un voyage que nous propose actuellement le theacuteacirctre de La Tempecircte Une immersion absolue dans un foyer irlandais un soir ougrave une terrible bourrasque a deacutecideacute de tout emporter sur son passage En effet Nathalie Beacutecue agrave leacutecriture et Felix Prader agrave la mise en scegravene nous emportent dans leur univers celui de la farce mais aussi celui du reacuteel Un spectacle vibrant entre violence tendresse et reacuteflexion La nuit tombe sur cette chaumiegravere et sur la vie dAlice Burke Daniel Burke est mort Le deacutesarroi la colegravere la deacutetresse transpirent chez cette femme qui entame une premiegravere nuit de deuil Puis vient la bourrasque vient cet eacutetranger qui arpente les routes vient ce berger de la ferme voisine Cette soireacutee est une soireacutee eacutesoteacuterique Tout semble hors du temps Ce soir pour chacun des protagonistes cest un nouveau deacutepart une remise agrave zeacutero des compteurs Une renaissance Un envol Alice Burke na pas peur Sur scegravene ils sont quatre Quatre comeacutediens de talent qui eacutepousent agrave la perfection les personnages quils incarnent Justes profonds et surtout attachants Nathalie Beacutecue Pierre-Alain Chapuis Theacuteo Chedeville et Philippe Smith sont vrais On sourit aux blagues de ce conteur on souffre avec cette femme tortureacutee on aime avec ce berger on est trahi avec Daniel Burke Le texte est fort il ne laisse pas insensible et pose les questions et les remises en question que tout un chacun est ameneacute agrave se poser au cours de son existence La mise en scegravene quant agrave elle ne nous impose rien Chacun est libre dajouter sa part dimagination et dhypothegravese agrave cette chaumiegravere isoleacutee dans les montagnes irlandaises La fin de cette bourrasque dans les airs et dans les cœurs est lapogeacutee de tout un cheminement dune reacuteflexion celle que propose ici Nathalie Beacutecue dapregraves les arguments de leacutecrivain J-M Synge Un spectacle vrai et sans artifice agrave deacutecouvrir

Zoom par Reacutegis DARO Paru le 30032018

-

BOURR

Spectatif

ASQUE au Theacuteacirctre de La Tempecircte 17 Mars 2018

Comment savoir si Daniel Burke est mort ou pas Srsquoil ne srsquoagit que de son fantocircme qui vient surprendre son eacutepouse Alice Burke ou si Daniel Burke feint sa reacutesurrection pour fendre ses secrets et laisser eacutechapper un peu de lui-mecircme dans ses derniers instants juste avant de tenter de fondre ses pas dans ceux de celle qui veut partir fatigueacutee du passeacute et enjoueacutee devant un avenir qursquoelle voudrait se construire meilleur et sien Deacuteroulera-t-elle ses recircves sous ses pas Troublante et mysteacuterieuse aventure que cette soireacutee de bourrasque ougrave une veilleacutee mortuaire devient une veilleacutee de palabres de reacutecits et drsquoespoirs Entre reacuteel et irreacuteel lrsquoimaginaire srsquoempare de nous nous faisant flotter sur le flux des mots dits et plonger par moments parmi les maux dits de ce couple de paysans dont on ne sait srsquoils srsquoaiment ou se haiumlssent si seulement lrsquoamour est entreacute dans leur bacirctisse ou si ce mot nrsquoexiste pas pour eux Ce spectacle baigneacute de poeacutesie reacutealiste crue et deacutepouilleacutee est une magnifique eacutecriture de Nathalie Beacutecue qursquoelle nomme Variation sur LrsquoOmbre de la valleacutee de John Millington Synge On comprend que ce grand dramaturge irlandais de la fin du 19egraveme siegravecle inspira Beckett et subjugua Artaud entre autres Tant ses peintures dramatiques de la paysannerie irlandaise de ses us et coutumes sont autant de sources pour des personnages en marge ou des situations fantastiques Le parcours de Alice Burke est captivant Ce qursquoelle raconte ce qursquoelle dit et ce qursquoelle devient Paysanne infidegravele ou eacutepouse adulteacuterine sublimeacutee dans le mal par son mari cet homme meurtri et malheureux elle deacutecouvre peu agrave peu drsquoautres horizons pour vivre

John le vagabond recueilli ce soir de bourrasque sorte drsquoaegravede qui parcoure les villages et se nourrit des morceaux de vie des autres notant ses observations se payant drsquoaumocircnes apportera agrave Alice les lumiegraveres du deacutesir drsquoailleurs Michaeumll Dara le jeune berger du voisinage venu lui aussi pour se proteacuteger de la bourrasque semble porter avec lui les plaisirs et les espeacuterances attendus inavoueacutes ou peut-ecirctre assouvis par Alice Daniel Burke le mari mort ou vivant fantocircme de lui-mecircme erre vocifegravere eacuteructe ses souffrances cacheacutees derriegravere sa violence qui le blesse autant qursquoil voudrait blesser nous montrant un paysan qui nrsquoa connu que sa famille enfant ou adulte pour tout environnement humain Joue-t-il avec la mort qui revient pour hanter la veilleacutee ou est-il lrsquoecirctre hirsute perdu agrave jamais dans ses illusions et ses souffrances dans ses remords et ses souvenirs qui le rongent tant qursquoil se confond dans la mort comme dans la vie On ne sait pas on ne sait plus Nous sommes trop eacuteblouis pour bien voir qui il est nous sommes trop toucheacutes pour savoir ougrave nous sommes vraiment La mise en scegravene de Feacutelix Prader feutre le reacutecit le meacutelange aux jeux avec adresse et fluiditeacute Les mondes se juxtaposent on nrsquoa rien vu venir La distribution est brillante Theacuteo Chedeville et Philippe Smith sont justes et convaincants Natalie Beacutecue est lumineuse et eacutemouvante Pierre-Alain Chapuis comme drsquohabitude nous surprend Il deacutegage une puissance de jeu qui donne agrave son personnage tout le trouble et la cassure qui conviennent Il est splendide et touchant Un spectacle sublime et tregraves prenant agrave lrsquoeacutecriture eacutetonnante et captivante aux jeux drsquoun brio stupeacutefiant Un tregraves grand moment de theacuteacirctre A voir absolument Drsquoapregraves les œuvres de John Millington Synge Variation sur The shadow of the Glen Eacutecriture de Nathalie Beacutecue Mise en scegravene de Feacutelix Prader Sceacutenographie et costumes de Ceacutecilia Galli Son de Estelle Lembert Lumiegraveres de Thibault Gaigneux Collaboration artistique de Aureacutelia Guillet Direction des combats de Franccedilois Rostain

Avec Nathalie Beacutecue Pierre-Alain Chapuis Theacuteo Chedeville et Philippe Smith

Du mardi au samedi agrave 20h30 et le dimanche agrave 16h30

Cartoucherie route du Champ de Manoeuvre Paris 12egraveme

0143283636 wwwla-tempetefr

- Photo copy Antonia Bozzi -

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Accueil SPECTACLES [Critique] laquo Bourrasque raquo par Feacutelix Prader Une bouffeacutee drsquoIrlande

copy Antonia Bozzi

[Critique] laquo Bourrasque raquo par Feacutelix Prader Une bouffeacutee drsquoIrlande Morgane P 2018-03-28

Le Theacuteacirctre de la Tempecircte preacutesente Bourrasque une piegravece de theacuteacirctre de Nathalie Beacutecue

mise en scegravene par Feacutelix Prader Une incursion meacutelancolique et amegravere en terre irlandaise

Lrsquoavis de Bulles de Culture qui eacutetait agrave la premiegravere de la piegravece

Synopsis

Alice Burke (Nathalie Beacutecue) veille son mari Dan Burke (Pierre-Alain Chapuis) qui vient de

mourir quand survient un vagabond (Philippe Smith) qui demande asile pour la nuit Il faut

preacutevenir Michael Dara (Theacuteo Chedeville) jeune berger des alentours afin qursquoil aille annoncer

la nouvelle en ville Mais voilagrave que le mort se redresse et qursquoil a encore des choses agrave direhellip

Bourrasque Une belle reacuteeacutecriture drsquoapregraves John Millington Synge

copy Antonia Bozzi

Crsquoest la piegravece LrsquoOmbre de la valleacutee du dramaturge irlandais John Millington Synge qui est agrave

lrsquoorigine de Bourrasque De cette petite piegravece en un acte lrsquoauteure et comeacutedienne Nathalie

Beacutecue fait la colonne verteacutebrale du spectacle un drame noueacute autour de quatre

personnages dont lrsquoun mime sa mort pour prendre son eacutepouse en faute Reprenant agrave la

lettre le texte de lrsquoauteur irlandais Nathalie Beacutecue lrsquoeacutetoffe toutefois afin drsquoimaginer le

parcours personnel eacutemotionnel de chacun des quatre personnages Lrsquointeacutegration de son

eacutecriture agrave la piegravece de John Millington Synge est parfaite en ce qursquoelle deacutepeint le quotidien

meacutelancolique et maussade de ces Irlandais isoleacutes agrave lrsquoeacutecart du monde comme prisonniers de

la tourbe qui les entoure

Le phraseacute que Nathalie Beacutecue choisit pour Bourrasque est aussi une retranscription fidegravele du

style du dramaturge une langue agrave la fois racircpeuse et poeacutetique peacutetrie de la reacutealiteacute de ces

paysans Si John Millington Synge choisit lrsquoanglo-irlandais pour ses piegraveces Nathalie Beacutecue

imagine une syntaxe et un vocabulaire reacutealisant le mecircme eacutequilibre entre langue orale aux

tournures populaires et envoleacutees des meacutetaphores pour sonder les cœurs des quatre

laquo taiseux raquo

Un quatuor qui fonctionne agrave merveille

copy Antonia Bozzi

La patte de Nathalie Beacutecue ajoute une vraie personnaliteacute agrave la piegravece de John Millington

Synge agrave tel point que tous les personnages ont un relief propre qui les rend attachants sans

les caricaturer pour autant Elle excelle aussi dans lrsquoincarnation sur scegravene de cette femme

drsquoacircge mucircr eacutetouffeacutee par la solitude et lrsquoattente perpeacutetuelle qui constitue son quotidien Elle

tient ainsi toute la tension de Bourrasque de son deacutebut agrave sa fin et ce dans une diction

parfaite drsquoun bout agrave lrsquoautre malgreacute tout ce que la langue du personnage peut avoir de

bourbeux Quant aux trois hommes qui lrsquoentourent Bourrasque leur offre une personnaliteacute

plus profonde que la piegravece du dramaturge irlandais Exploitant les ellipses du texte original

Nathalie Beacutecue imagine que la meacutelancolie de Dan Burke trouve sa source dans la violence qui

lrsquoa entoureacute degraves son enfance Elle choisit aussi de faire davantage parler le jeune berger

amant de lrsquoheacuteroiumlne un peu naiumlf et pas tregraves malin Sa candeur en vient agrave faire sourire avec

tendresse

Mais lrsquoun des personnages qui prend le plus drsquoampleur dans la piegravece est sans conteste celui

du vagabond que Nathalie Beacutecue imagine comme une sorte de chercheur drsquohistoires voyant

ainsi en lui un vague double de John Millington Synge qui a fait de la tradition et des contes

des icircles drsquoAran lrsquoune de ses quecirctes Ce personnage renoue ainsi avec la tradition orale du

reacutecit il rappelle ces aegravedes de la socieacuteteacute grecque antique qui allaient de palais en palais

chanter les reacutecits de leur connaissance Toute la deacutelicatesse dont fait preuve Philippe

Smith dans ce rocircle est remarquable

Un huis clos haletant

I

copy

Antonia Bozzi

Bourrasque reacuteussit avec brio agrave maintenir une tension forte tout au long de la piegravece Crsquoest

drsquoabord la tension qursquoil y a autour de ce deuil rendu angoissant par la preacutesence du mort sur

scegravene Crsquoest ensuite une fois que le laquo mort raquo a reacuteveacuteleacute sa supercherie au vagabond la tension

que ressent le spectateur qui attend que Dan Burke nrsquointervienne Crsquoest enfin la tension du

conflit conjugal qui explose et renverse la situation initiale La mise en scegravene de Feacutelix

Prader repose sur la simpliciteacute deacutecor rudimentaire pas de grands effets Et cela met

parfaitement en valeur la dimension relationnelle du drame

Cette tension dramatique est encore accentueacutee par la tempecircte inteacuterieure que traversent les

personnages notamment les deux eacutepoux Le monologue drsquoAlice qui ouvre la piegravece et la

longue explication que son mari offre au vagabond montrent les deux faces drsquoun couple en

crise dans lequel chacun-e ne voit plus que sa propre souffrance Ce trouble inteacuterieur et

cette forte tension eacutemotionnelle sont bien sucircr souligneacutes par les circonstances

meacuteteacuteorologiques on traverse avec les personnages une sorte de tempecircte ougrave le vent souffle

avec violence Nrsquoest-ce finalement pas cette terrible bourrasque qui trouble les esprits de

chacun Rien nrsquoest moins sucircr

Reacuteunir les deux eacutepoux et lrsquoamant confondu crsquoest un topos theacuteacirctral Mais la preacutesence de cet

inconnu que Nathalie Beacutecue place comme un observateur particulier puisqursquoon imagine que

le drame auquel il assiste pourra enrichir encore son livret de reacutecits est une belle reacuteussite

Eacutecoutant les deux eacutepoux puis prenant finalement place dans le drame en exerccedilant le recul

dont lui seul dans la piegravece est capable change la porteacutee de la piegravece et enrichit

consideacuterablement le triangle amoureux

Bulles de Culture vous recommande en tout cas vivement cette incursion en terre irlandaise

En savoir plus

bull Bourrasque de Nathalie Beacutecue mise en scegravene par Feacutelix Prader est joueacute au Theacuteacirctre de la

Tempecircte du 16 mars au 15 avril 2018

bull Bourrasque sera joueacute en 2018 au Centre culturel de Vitreacute le 20 avril sur la Scegravene nationale

de Bar-le-Duc le 17 mai et au Theacuteacirctre Montansier de Versailles le 25 mai

bull Dureacutee du spectacle 1h40

Actualiteacute theacuteacirctrale

Jusqursquoau 15 avril au Theacuteacirctre de la Tempecircte

laquo Bourrasque raquo mercredi 21 mars 2018

Par un soir de tempecircte dans une chaumiegravere isoleacutee Alice Burke veille son mari le rude et taiseux Dan Burke qui vient de mourir Il lui a interdit de toucher son corps apregraves sa mort exigeant que ce soit sa sœur qui srsquooccupe de la toilette mortuaire Mais celle-ci habite loin Alice craint la nuit et la tempecircte dans ce lieu isoleacute et ne peut le laisser seul Elle attend Deux hommes vont se preacutesenter agrave sa porte un eacutetranger qui parcourt les rudes collines des alentours pour laquo cueillir raquo les histoires qursquoon veut bien lui confier et un jeune berger peu expeacuterimenteacute qui vit un peu plus loin Avec ces deux hommes deux avenirs pourraient se dessiner le second seraient bien inteacuteresseacute par la femme et surtout les biens dont elle va heacuteriter le premier lui ouvre une sortie de son isolement et de nouveaux espaces La bourrasque qui hurle au dehors gagne aussi lrsquointeacuterieur de la chaumiegravere et bouscule tous les esprits

Nathalie Beacutecue a eacuteteacute seacuteduite par lrsquounivers du poegravete et dramaturge irlandais John Millingtone Synge et en particulier par ce livre Les Icircles Aran ougrave il a raconteacute ses rencontres avec les icircliens et les leacutegendes qursquoils lui ont conteacutees Crsquoest de lrsquoun de ses contes Lrsquoombre de la valleacutee qursquoelle srsquoest inspireacutee pour eacutecrire Bourrasque Apregraves lrsquoavoir vue dans Lrsquoapprentie sage-femme qursquoelle avait joueacutee en 2012 on comprend la continuiteacute de son travail Ce qui lrsquointeacuteresse ce sont ces destins de femmes dans les deux cas des paysannes qui cherchent leur voie et prennent la vie agrave bras le corps Dans son texte Nathalie Beacutecue a su faire entendre la sauvagerie de la nature le vent la pluie et la vie rude de ceux qui y habitent Elle a su aussi traduire les penseacutees tourmenteacutees des quatre personnages attribuant agrave John lrsquohomme qui cueille les histoires la deacutemarche de Synge lui-mecircme dans les Icircles drsquoAran

Dans la mise en scegravene de Feacutelix Prader on reste enfermeacute dans la chaumiegravere avec le mort assis ou couvert drsquoun drap et lrsquoexteacuterieur nrsquoapparaicirct qursquoinquieacutetant avec le bruit amplifieacute du vent ou des coups agrave la porte Seuls les hommes qui arrivent apportent lrsquoimage drsquoun ailleurs possible pour cette femme qui srsquoest laisseacutee enfermer dans la solitude au point drsquoecirctre obligeacutee de parler aux arbres

Nathalie Beacutecue en robe paysanne et petit gilet de laine bleue avec de gros bas de laine incarne Alice qui parle de sa vie avec cet eacutepoux taiseux porteacute sur le whisky Elle caresse la couverture de poils de chegravevre tout en parlant Calme elle dit qursquoaucun vivant ne lui a jamais fait peur crsquoest drsquoautre chose qursquoelle a peur puis soudain la colegravere lrsquoemporte quand elle pense agrave lrsquoennui de sa vie laquo fosse agrave chagrin mareacutecage de tristesse raquo et se dit qursquoelle a peut-ecirctre fait le mauvais choix en se condamnant agrave laquo regarder les saisons passer raquo Philippe Smith est John celui qui ramasse les histoires vagabond ceacuteleste qui amuse Alice avec un tour de magie lui donne les nouvelles de la valleacutee et surtout lui parle drsquoun ailleurs Theacuteo Chedeville est Michaeumll Dara le marin devenu berger Pierre-Alain Chapuis est Dan Burke le mort qui survit Il est puissant violent ravageacute par sa colegravere contre tous sa femme son pegravere mais aussi contre lui-mecircme On le sent deacutevoreacute par lrsquoamertume laquo bouffeacute par la tristesse raquo comme le dit Alice mais peut-ecirctre capable de rebondir loin de sa femme

On se laisse emporter par le reacutecit On est dans ces icircles irlandaises battues par le vent et la pluie et on rejoint John quand il dit laquo Apregraves des veilleacutees solitaires je peux dire que les gens drsquoici ne sont pas insignifiants raquo

Micheline Rousselet

Du mardi au samedi agrave 20h30 le dimanche agrave 16h30

Theacuteacirctre de La Tempecircte

Cartoucherie

Route du Champ-de-Manoeuvre 75012 Paris

Reacuteservations (partenariat Reacuteducrsquosnes tarifs reacuteduits aux syndiqueacutes Snes mais sur reacuteservation impeacuterative) 01 43 28 36 36

T H Eacute Acirc T R E

BOURRASQUE UN MAGNIFIQUE OBJET POEacuteTIQUE

ET INSPIREacute DANS LE MONDE AcircPRE ET SANS

CONCESSION DES TERRES DrsquoIRLANDE 19 MARS 2018

Reacutedigeacute par Sarah Franck

laquo Le cœur casseacute ccedila donne la vie grise raquo Quand la brume et le vent soufflent sur un monde sans avenir confit dans lrsquoeacutecoulement uniforme des jours une porte parfois srsquoentrouvre pour que change le cours des choseshellip

Un homme est mort ce soir assis dans son fauteuil Sa femme une femme de rien ou de si peu de chose heacutesite Il lui a interdit de toucher son cadavre et a jeteacute sur elle une maleacutediction au cas ougrave elle enfreindrait lrsquoordre Seule sa sœur aura le droit de le preacuteparer pour son dernier voyage Mais comment faire quand la nuit a pris des couleurs de noir drsquoencre que les nueacutees srsquoamassent que le tonnerre gronde qursquoelle a une tregraves longue route et qursquoelle est seule Il nrsquoest pas bon drsquoabandonner un mort agrave lui-mecircmehellip Dans ce lieu perdu du bout du monde ougrave ne trouvent guegravere agrave subsister que les moutons ougrave lrsquoacircpreteacute de la vie a jeteacute sur les ecirctres son voile de dureteacute ougrave ne semblent possibles que la violence des comportements et lrsquohostiliteacute ougrave lrsquoalcool est la solution ultime quotidienne pour triompher des aleacuteas un groupe heacuteteacuteroclite va peu agrave peu se rassembler

(c) Antonia Bozzi

Une arche de Noeacute de largueacutes du monde

Parmi les personnages perdus dans ce milieu de nulle part arrive drsquoabord un vagabond un cueilleur de mots un raconteur drsquohistoires qui cherche un havre pour la nuit Il voudrait simplement reposer ses pieds fatigueacutes de cheminot avant de reprendre la route Il y a lrsquoancien marin devenu eacuteleveur que la mort du mari arrange car il en guigne les terres pour faire paicirctre ses troupeaux Il y a elle la femme deacutevoueacutee dont on ne sait de quoi est fait son attachement au deacutefunt ndash amour en deacutepit de lrsquoindiffeacuterence qursquoil lui porte ennui drsquoun mariage accepteacute pour la seacutecuriteacute qursquoil donne reacutesignation devant les vexations subies Et puis il y a ce mort qui srsquoavegraverera bien vivant au moment ougrave srsquoopegravere le partage des deacutepouilles et dont lrsquohistoire a la violence et linceste pour cortegravegehellip

Ce sont lagrave des perdus eacutegareacutes sans lrsquoavoir choisi prenant racine lagrave ougrave on les a planteacutes Massifs taiseux Vivent-ils Peut-ecirctre le cheminot qui erre agrave lrsquoaventure est-il le seul agrave savoir ougrave il va ce saltimbanque ce poegravete qui donne agrave voir un ailleurs agrave respirer lrsquoodeur du vent et les senteurs venues de contreacutees lointaines Peut-ecirctre ne sont-ils pas agrave leur place mais ont-ils une place Le preacutesent est leur futur leur avenir leur eacuteterniteacute Ils portent leur brume en eux cette compagne des sortilegraveges et des superstitions qui leur colle agrave la peau Ils ont cette eacutepaisseur de la matiegravere brute cette preacutesence obstineacutee de ceux qui ne savent qursquoecirctre

(c) Antonia Bozzi

Lrsquoespace de la parole

Dans ce huis clos deacutelimiteacute par une table dans un coin une banquette sur laquelle est assis immobile le mari et une commode il nrsquoy a pas drsquoeacutechappatoire Le lieu est agrave lrsquoimage de leur existence refermeacute sur lui-mecircme Alors il ne leur reste que la parole pour briser lrsquoenfermement Une parole difficile Les mots buttent dans leur gorge ils sortent contraints rentreacutes et de trop de retenue se heurtent et srsquoentrechoquent avec de brusques flambeacutees de violence se deacuteversent tels des crachats agrave la figure de lrsquoautre Crsquoest un trop-plein qui deacuteferle pour trouver le chemin de la conscience et qui les met en face drsquoeux-mecircmes et de leur reacutealiteacute Apregraves il nrsquoy aura plus de retour en arriegravere possible et chacun devra trouver lrsquoissue qui lui convient

Ils ont ce parler fruste mais imageacute des paysans laquo ccedila crsquoest sucircr raquo qui offre une transposition bretonne agrave lrsquoanglo-irlandais du texte original Un mecircme fondement celtique court dans ces deux reacutegions que rassemblent la culture et les paysages et ougrave souffle un vent laquo agrave reacuteveiller les disparus les esprits malins ou les feacutees tordues raquo Les noms de lieux aux consonances eacutetranges chantent une poeacutesie de lrsquoailleurs qursquoaccompagne celle du deacutesespoir de ces eacutecorcheacutes de la vie laquo Crsquoest comme ccedila le bout du chemin de ceux de sa sorte Les deacutevoreacutes drsquoangoisse les rongeacutes de tristesse raquo Les mots disent leur deacutetresse Leur barbe laquo on dirait deacutejagrave du poil de moisissure raquo Lrsquounivers laquo des milliards de milliards de masses solaires qui tournoient en spirale jusqursquoagrave ecirctre happeacutees aspireacutees au centre de lrsquoinconnu du trou noir [hellip] une eacutenorme densiteacute de creacuteation ou une absence de creacuteation Du trop-plein au vide raquo agrave lrsquoimage de leur vie qui laquo se deacuteficelle raquo se deacutecompose se deacutesintegravegrehellip

Entre Synge et Nathalie Beacutecue

De lrsquoOmbre de la valleacutee de John Millington Synge ndash compatriote de Joyce Yeats et Beckett et fervent deacutefenseur du renouveau de la culture irlandaise ndash Nathalie Beacutecue reprend la situation de ce mort laquo ressusciteacute raquo tout en modifiant les enjeux et la porteacutee de lrsquohistoire Elle fait du chemineau une incarnation du poegravete Elle reprend dans lrsquoesprit ce parler si particulier qui inverse lrsquoordre des mots pour placer dans une phrase lrsquoimportant devant On y retrouve le mecircme souci de rendre leurs lettres de noblesse agrave ceux qui sont sans-grade placeacutes agrave lrsquoeacutecart en marge mais portent en eux une veacuteriteacute immeacutemoriale qui les deacutepasse Ces hommes et ces femmes qui ne savent pas parler une laquo belle raquo langue au sens classique sont pleins habiteacutes possesseurs drsquoun treacutesor qursquoil nous est donneacute de reconnaicirctre Dans sa laquo variation raquo Nathalie

Beacutecue insuffle sa propre vision de cette laquo veacuteriteacute raquo populaire peupleacutee de croyances et de leacutegendes et met ses personnages en face de choix qui les font progresser et grandir

(c) Antonia Bozzi

Un magnifique travail drsquoacteur

Ce qui frappe enfin crsquoest lrsquointerpreacutetation laquo millimeacutetreacutee raquo des comeacutediens Car enfin crsquoest sur eux que repose ce spectacle ougrave il ne se passe rien ou presque durant deux heures Pas de quiproquo ni de comique de situation Pas de trageacutedie au-delagrave de lrsquoagressiviteacute et des altercations Ni trop ni trop peu mecircme si lrsquoon alterne chuchotements et cris Ils sont tout en retenues briseacutees quand les digues lacircchent en heacutesitations en mots esquisseacutes en gestes inaboutis ou semi-dissimuleacutes en mimiques fugaces Ils disent comme en srsquoexcusant heacutesitent agrave srsquoimposer reacutevegravelent les failles avec beaucoup de finesse La minutie avec laquelle la gestuelle campe les personnages donne au spectacle une justesse qursquoon voit rarement au theacuteacirctre

On srsquoeacutemeut drsquoentendre eacutevoquer les myriades drsquoeacutetoiles comme autant drsquoesprits des morts flottant autour de nous on partage la fatigue des marches de montagne plongeacutees dans une brume eacutepaisse et hostile la difficulteacute de ces laquo nuits noires agrave en appeler agrave la clarteacute des eacutetoiles raquo Et puis on rit car ils sont des hommes avec leurs petits travers leurs lacirccheteacutes et leurs peurs ces errants agrave la deacuterive qui srsquoeacutegarent avec magnificence et nous ressemblent tant Au-delagrave du texte et de sa beauteacute crsquoest agrave une merveilleuse leccedilon drsquohumaniteacute que nous convie ce spectacle

Bourrasque de Nathalie Beacutecue librement inspireacute de lrsquoOmbre du vent de John Millington Synge (eacuted franccedilaise Actes Sud)

Mise en scegravene Feacutelix Prader

Avec Nathalie Beacutecue Pierre-Alain Chapuis Theacuteo Chedeville Philippe Smith (le poegravete)

Theacuteacirctre de la Tempecircte Cartoucherie de Vincennes Route du Champ de Mars ndash 75012 Paris

Du 16 mars 2018 au 15 avril du mardi au samedi agrave 20h30 le dimanche agrave 17h30

Teacutel 01 43 28 36 36 Site wwwla-tempetefr

Bourrasque au Theacuteacirctre de La Tempecircte

Publieacute par Michel Jakubowicz le 26 mars 2018 Publieacute dans Tendance - Fashion

Theacuteacirctre de la Tempecircte Cartoucherie Rte du Champ-de-Manœuvre 75012 Paris

Repreacutesentations du 16 mars au 15 avril 2018

httpswwwla-tempetefr

BOURRASQUE

Variation sur lrsquoOmbre de la valleacutee de JM Synge

de Nathalie Beacutecue

mise en scegravene Feacutelix Prader

avec

Nathalie Beacutecue (Alice Burke)

Pierre-Alain Chapuis (Daniel Burke)

Theacuteo Chedeville (Michaeumll Dara)

Philippe Smith (John)

Nathalie Beacutecue auteure de Bourrasque avoue srsquoecirctre inspireacutee du poegravete et dramaturge John

Millington Synge Feacutelix Prader agrave partir du texte de Nathalie Beacutecue va srsquoefforcer de recreacuteer

lrsquoambiance eacutetrange chaotique effrayante qui sourd de ce texte Il va en quelque sorte donner

corps agrave une histoire ougrave semble rocircder une ambiance agrave la limite du fantastique et mettre en lumiegravere

les comportements presque forceneacutes brutaux impreacutevisibles des personnages qursquoun hasard

apparemment faceacutetieux (ou malfaisant) a reacuteunis dans une chaumiegravere perdue de la lande irlandaise

battue par la tempecircte Il faut dire que la piegravece se deacuteroule dans un contexte peu banal presque

terrifiant puisqursquoune femme seule soliloque en srsquoadressant agrave un cosmos aveugle et infini bourreacute

de trous noirs insondables et mortels La femme semble prendre agrave teacutemoin un homme immobile

ne bougeant pas drsquoun cil et dont la raideur semble vaguement indiquer qursquoil est peut-ecirctre passeacute

de vie agrave treacutepas ou qursquoil feint deacutelibeacutereacutement lrsquoindiffeacuterence absolue face aux propos tenus par la

femme Les choses pourraient en rester lagrave mais soudainement surgi du cœur de la tempecircte qui se

deacutechaicircne agrave lrsquoexteacuterieur un inconnu reacuteclame avec insistance malgreacute lrsquohostiliteacute de la femme agrave

srsquoabriter dans la chaumiegravere

A partir de lrsquointrusion de cet eacutetranger lrsquoaction va soudainement srsquoacceacuteleacuterer et le reacutecit srsquoorienter

sans deacutelai vers lrsquoabsurde le fantastique lrsquoinattendu Le reacutecit bascule apparemment vers

lrsquoirrationnel mais en terre irlandaise il semble agrave lrsquoeacutevidence que les apparences ne sont pas

forceacutement conformes agrave la reacutealiteacute et la suite du reacutecit de Nathalie Beacutecue srsquoinspirant de John

Millington Synge ne fera que rendre encore plus creacutedible cette impression

La mise en scegravene de Feacutelix Prader reconstitue avec une sorte de preacutecision presque surnaturelle

eacutetonnante cette campagne irlandaise drsquoougrave nrsquoimporte quels fantocircmes peuvent impuneacutement surgir

de la nuit Jusqursquoau bout drsquoune nuit interminable peupleacutee de terreurs sans noms cette assembleacutee

de personnages subira jusqursquoau bout un destin fait drsquoincertitude balanccedilant constamment entre

espoir et deacutesespeacuterance Lrsquointerpreacutetation est remarquable en particulier celle de Nathalie Beacutecue

incarnant avec beaucoup drsquoacircpreteacute de passion le rocircle drsquoAlice Burke Mais les trois autres

protagonistes masculins sont eacutegalement parfaits donnant agrave leurs personnages respectifs toute

lrsquoeacutepaisseur psychologique deacutesireacutee Un spectacle prenant qui reacutevegravele dans toute sa profondeur

lrsquoacircme irlandaise

Michel Jakubowicz

LE BRUITDUOFF TRIBUNE

LES SCENES ACTUELLES SANS TABOU NI TROMPETTES

CRITIQUE laquo Bourrasque raquo variation sur Lrsquoombre de la valleacutee de JM Synge de Nathalie Beacutecue mis en scegravene par Feacutelix Prader avec Nathalie Beacutecue Pierre-Alain Chapuis Theacuteo Chedeville et Philippe Smith Au Theacuteacirctre de la Tempecircte salle Copi jusqursquoau 15 avril du mardi au samedi agrave 20h30 dimanche agrave 16h30

Crsquoest lrsquoun des plus beaux textes de la saison Nathalie Beacutecue a adapteacute les peacutereacutegrinations de Synge avec amour infleacutechissant ses rugositeacutes irlandaises drsquoune ardeur feacutebrile

laquo Bourrasque raquo crsquoest la poeacutesie cosmique descendue sur lrsquoeacutepure drsquoun verbe aussi vieux que les icircles drsquoAran qui lrsquoabritent laquo Bourrasque raquo crsquoest la meacutetaphysique de la bergegravere Srsquoeacutelegraveve une litanie vibrante adresseacutee aux eacutetoiles pour cet laquo ougrave suis-je raquo qui preacutecegravede le laquo qui suis-je raquo pour le trou noir la masse la poussiegravere lrsquoengloutissement la disparition lrsquoinconnu la creacuteation sa densiteacute son absence le trop plein le videhellip Le vertige drsquoAlice Burke un soir de tempecircte est celui drsquoun cœur simple dans le langage du monde Lrsquoespace drsquoun entre-lumiegravere avant lrsquoextinction de la salle Nathalie Beacutecue ample vibrante ancreacutee et tendue vers des ciels invisibles livre une formidable deacutemonstration de sa maicirctrise de lrsquoabandon

Encore aux prises avec ce jaillissement drsquoecirctre brut et pur il nous faut quelques battements de cœur pour lrsquohabituer aux ombres de la scegravene peacuteneacutetrer le deuil terrestre drsquoAlice Burke et investir sa maison de pierre tandis que laquo perdu ailleurs raquo le vent se legraveve Les yeux pleins drsquoorage et la voix blanche elle embarque les acircmes qursquoelle a tendues vers elle laquo Je suis en colegravere tellement je suis triste raquo

Daniel Burke le fermier sans meacutetaphysique le fermier malheureux srsquoest figeacute lagrave dans une mort subite et inviolable et sa veuve saisie de solitude et figeacutee depuis cent ans voit sa laquo vie grise raquo deacutechireacutee par laquo la grande trouille raquo La trouille de quoi Car la mort toute proche incarneacutee dans la deacutepouille de son mari immobile ne lrsquoeffraye pas Crsquoest une femme des montagnes qui croit aux fantocircmes et qui ne les craint pas

Est-ce un fantocircme qui franchit son seuil dans lrsquoorage pour mettre son errance et son immense laquo dehors raquo dans lrsquoespace sans projet ougrave elle vit confineacutee John mucirc par le timbre envoucirctant de Philippe Smith est un porteur drsquohistoires venu reacutecolter quelques miettes au foyer de la derniegravere maison allumeacutee sur les chemins rocheux drsquoAran Quand Alice Burke laisse son hocircte dans cette eacutetrange veilleacutee et que Dan Burke se redresse bien vivant et saoul crsquoest toute une vie de spectateur qui vacille agrave son tour John pourra-t-il refuser drsquoecirctre acteur de cette histoire-lagrave

Pierre-Alain Chapuis est un Dan Burke massif en corps et en ecirctre plein de passeacute de rancœur et de lrsquoeacutepaisse rusticiteacute que les silences ont tanneacutee sur sa peau et sa voix Quatriegraveme entreacutee en scegravene la jeunesse vacillante de Theacuteo Chedeville precircte ses fougues agrave Michaeumll Dara le marin en quecircte de reacuteconciliation avec la terre qui cherche agrave ecirctre au sol et treacutepigne dans la valleacutee encore la tecircte agrave moitieacute immergeacutee des recircves drsquoavant les recircves enterreacutes de large et de houle La paix est-elle plus haut dans la montagne

La mise en scegravene de Feacutelix Prader attentive aux eacuteclats de verbe sublimeacutes par les voix de Beacutecue Chapuis Chedeville et Smith est un effacement une ombre pour que la poeacutesie eacuteclaire Il veut saisir le preacutesent et la preacutesence eacutenorme des protagonistes dans la suspension du temps du theacuteacirctre Sa scegravene se deacutepare du moindre artifice se fait couloir pour lrsquoeacutemotion de cette parole vitale qui balaye le silence effareacute du spectateur srsquooublie dans une pudeur parfaite Jrsquoentends encore la voix pleine et rocailleuse de Beacutecue la Burke souffler la bourrasque laquo Jrsquoai trop la trouille pour pas y aller raquo

Drsquoun eacutelan vital et poeacutetique elle engloutit le motif radical de la mort

Marguerite Dornier

DU 1603 AU 15042018 AU THEacuteAcircTRE DE LA TEMPEcircTE | DUREacuteE 1H40 |

Librement adapteacute de la piegravece en un acte de John M Synge laquo Lrsquoombre dans la Valleacutee raquo Bourrasque fait preuve drsquoune sagaciteacute deacuteroutante dans une ambiance drsquoinsulaires superstitieux Situation macabre regraveglements de comptes conjugaux reacutecits de voyages et art du vagabondagehellip lrsquoIrlande et son hors-champ drsquoimmensiteacute montagneuse et orageuse nous submergent alors que de grandes deacutecisions se prennent dans la petite chaumiegravere drsquoAlice Burke indigneacutee par la mort foudroyante de son mari Dan qursquoelle ne peut toucher sous peine drsquoecirctre maudite

De par la traduction drsquoun gaeacutelique transposeacute dans du franccedilais paysan aux consonances lyriques et lrsquointerpreacutetation de ce tregraves beau et talentueux quatuor de comeacutediens le folklore celte est tout agrave fait plausible voire palpable et propage son caractegravere sacreacute Bourrasque est un deacutelice drsquohumour peut ecirctre un tantinet pessimiste mais surtout pittoresque et poeacutetique

Eloiumlse Dandoy

jeudi 22 mars 2018

Bourrasque de Nathalie Beacutecue

Bourrasque est un de ces spectacles dont on mesure la chance quils existent Parce que Nathalie Beacutecue a fait un travail deacutecriture tregraves reacuteussi librement adapteacute de la piegravece LrsquoOmbre de la valleacutee en reprenant lrsquoargument tout en modifiant les enjeux et la porteacutee Elle place le spectateur au plus pregraves de latmosphegravere poeacutetique qui a impreacutegneacute lIrlande que John Millington Synge (1871-1909) nous a fait deacutecouvrir au XIXdeg siegravecle et qui est encore tregraves vivante gracircce agrave la moderniteacute de la mise en scegravene de Feacutelix Prader La distribution est habile avec Nathalie Beacutecue qui interpregravete Alice Burke et trois autres comeacutediens Pierre-Alain Chapuis (Daniel Burke) Theacuteo Chedeville (Michaeumll Dara) et Philippe Smith (John) tous diffeacuterents qui permettent dapporter des points de vue parfois deacuteroutants maintenant le spectateur quasiment en haleine comme sil eacutetait au coeur dun thriller Le caractegravere primitif de la vie sociale si particuliegravere des icircles drsquoAran en deviendrait presque normal dans un deacutecor rustique simple et familier

Par un soir de violente tempecircte que lon entendra rugir derriegravere la verriegravere Alice Burke veille son mari deacutefunt lrsquoacircpre et ombrageux fermier Dan Burke comme le veut la coutume dans cette contreacutee reculeacutee Silence dans la chaumiegravere isoleacutee quand agrave la porte frappe un inconnu nomade des collines cueilleur drsquohistoires (Synge) qui ravive dans lrsquoacircme dAlice la soif drsquoun ailleurs Un autre homme bouscule les certitudes dAlice Michaeumll Dara le marin devenu berger qui vit agrave quelques lieues et convoite agrave la fois les biens et la femmethinsp Et si soudain srsquoeacuteveillait le deacutefunt chahutant les vivants que ferait Alicethinsp

Le mort est sur scegravene muet cela va sans dire mais bien preacutesent tout de mecircme Sa femme lui rend hommage malgreacute les cahots qui ont chahuteacute sa vie Cest une femme simple qui a les pieds sur terre capable dun brin de fantaisie que lon remarque dans le point de tricot du gilet quelle porte sur une robe bleu marine Sans doute reacutealiseacute avec la laine de ses moutons Les paroles se bousculent au rythme des souvenirs et agrave la mesure des angoisses qui lassaillent comme des ressentiments quelle exprime toute seule La tempecircte qui agite son esprit est semblable agrave celle qui souffle au dehors Elle reconnait quelle ne sait plus ougrave elle en est et sassoit pregraves de celui qui fut son homme Chaque mort serait une eacutetoile qui scintille dans le ciel Au-delagrave de cette jolie image Alice est confronteacutee agrave labsence de deux beaux enfants partis aux Ameacuteriques et aujourdrsquohui un mari qui part et agrave qui elle parle comme sil eacutetait vivant et comme elle ne lui a sans doute jamais parleacute parce que jusque-lagrave elle nosait pas Tout bascule ccedila vrille comment crsquoest possible possible je suis en colegravere

Elle refuse puis accueille la reacutealiteacute et lhomme eacutetranger qui explique sa fonction je cueille des mots Et qui fait davantage en analysant les eacutevegravenements Cest lui qui le premier a un doute Il est mort votre copain On dirait qursquoil fait le mort Si effectivement la mort neacutetait quune ruse pour permettre de deacutebusquer la veacuteriteacute vraie agrave linstar dOrgon cacheacute sous la nappe pour confondre Tartuffe

La langue choisie par Nathalie Beacutecue est preacutecise poeacutetique et feacuteroce Si je deacutesentortille votre charabia Jrsquoai trop la trouille pour pas y aller avant de se deacutecider agrave deacuterouler ses recircves sous ses pas

Faisons-nous aussi le pas pour ne pas louper ce petit bijou qui se joue au theacuteacirctre de la Tempecircte jusquau 15 avril 2018

Bourrasque de Nathalie Beacutecue Mise en scegravene Feacutelix Prader Avec Nathalie Beacutecue (Alice Burke) Pierre-Alain Chapuis (Daniel Burke) Theacuteo Chedeville (Michaeumll Dara) Philippe Smith (John) Sceacutenographie et costumes Ceacutecilia Galli Creacuteation sonore Estelle Lembert Direction des combats Franccedilois Rostain Du 16 mars au 15 avril 2018 Du mardi au samedi 20 h 30 dimanche 16 h 30 Les photos qui ne sont pas logotypeacutees A bride abattue sont de Antonia Bozzi Publieacute par marie-claire agrave 2335 Envoyer par e-mailBlogThisPartager sur TwitterPartager sur FacebookPartager sur Pinterest Libelleacutes coup de coeur spectacle theacuteacirctre

critiquetheatreclaucom

17 Mars 2018

ABOZZI

Bourrasque jusqursquoau 1504 th de La tempecircte

Mouvance de la destineacutee

De Nathalie Beacutecue inspireacute de lrsquoœuvre de John Millington Synge dramaturge irlandais 1871- 1909Mise en scegravene Feacutelix Prader

Au premier instant nous nous sommes happeacutes par un merveilleux poegraveme invoquant le chagrin des ecirctres perdus la solitude la deacutetresse la tristesse les regrets

laquo Pourquoi jrsquoai reccedilu cette vie Au lieu drsquoattraper lrsquoair transparent dans le bleu du cielhelliphellip Rester lagrave agrave attendre la Balayure du soir raquo

Une atmosphegravere de conte de poeacutesie et de mystegravere nous enveloppe

Un jour de grande tempecircte au plus profond de la campagne irlandaise nous peacuteneacutetrons dans une sobre demeure Il va se deacuterouler sous nos yeux pleins drsquoeacutetonnement un conte tragi-comique

Les personnages sont hauts en couleur

Un paysan Daniel Burke rustre et srsquoabreuvant de whisky pour oublier sa peur et la tristesse de la vie simule sa mort pour espionner sa femme

Alice soumise agrave sa condition se questionne sur sa vie passeacutee et agrave venir Tout en veillant son deacutefunt mari

John marcheur solitaire poegravete eacutecrivain et avide de liberteacute eacutecoutant et observant le monde arrive agrave lrsquoimproviste dans cette demeure

Michaeumll ancien marin devenu berger est un eacutetranger dans cette campagne isoleacutee Il va convoiter Alice pour srsquointeacutegrer dans ce monde hostile

Tous ses personnages vont se reacuteveacuteler nous raconter leur histoire parfois tragique parfois cocasse

Que veulent-ils devenir Prendront-ils leur destineacutee en main

Nous deacutecouvrons le sens de la fecircte les rites et coutumes funeacuteraires de la campagne irlandaise Nous ressentons lrsquoisolement de ses contreacutees la vie rude et solitaire de ses habitants ainsi que le climat rigoureux et froid

Crsquoest agrave la fois violent et tendre eacutemouvant et burlesque

Les comeacutediens nous eacutemeuvent et nous transpercent le cœur

Avec Alice Nathalie Beacutecue nous bouleverse

Daniel Pierre-Alain Chapuis bourru et tendre nous attendri

John Philippe Smith eacuteleacutegant et serein nous seacuteduit

Sans oublier Theacuteo Chedeville touchant dans le rocircle du jeune berger Michaeumll

Page 15: BOURRASQUE - Théâtre Montansier · 2018. 5. 7. · composé Bourrasque, que Félix Prader met en scène avec igueu (1). Synge affimait u’au théâtre, « il faut du réel, il

Nathalie Beacutecue Antonia Bozzi

Bourrasque agrave la Tempecircte Un moment tempeacutetueux et plein drsquoeacutemotion Cest un voyage que nous propose actuellement le theacuteacirctre de La Tempecircte Une immersion absolue dans un foyer irlandais un soir ougrave une terrible bourrasque a deacutecideacute de tout emporter sur son passage En effet Nathalie Beacutecue agrave leacutecriture et Felix Prader agrave la mise en scegravene nous emportent dans leur univers celui de la farce mais aussi celui du reacuteel Un spectacle vibrant entre violence tendresse et reacuteflexion La nuit tombe sur cette chaumiegravere et sur la vie dAlice Burke Daniel Burke est mort Le deacutesarroi la colegravere la deacutetresse transpirent chez cette femme qui entame une premiegravere nuit de deuil Puis vient la bourrasque vient cet eacutetranger qui arpente les routes vient ce berger de la ferme voisine Cette soireacutee est une soireacutee eacutesoteacuterique Tout semble hors du temps Ce soir pour chacun des protagonistes cest un nouveau deacutepart une remise agrave zeacutero des compteurs Une renaissance Un envol Alice Burke na pas peur Sur scegravene ils sont quatre Quatre comeacutediens de talent qui eacutepousent agrave la perfection les personnages quils incarnent Justes profonds et surtout attachants Nathalie Beacutecue Pierre-Alain Chapuis Theacuteo Chedeville et Philippe Smith sont vrais On sourit aux blagues de ce conteur on souffre avec cette femme tortureacutee on aime avec ce berger on est trahi avec Daniel Burke Le texte est fort il ne laisse pas insensible et pose les questions et les remises en question que tout un chacun est ameneacute agrave se poser au cours de son existence La mise en scegravene quant agrave elle ne nous impose rien Chacun est libre dajouter sa part dimagination et dhypothegravese agrave cette chaumiegravere isoleacutee dans les montagnes irlandaises La fin de cette bourrasque dans les airs et dans les cœurs est lapogeacutee de tout un cheminement dune reacuteflexion celle que propose ici Nathalie Beacutecue dapregraves les arguments de leacutecrivain J-M Synge Un spectacle vrai et sans artifice agrave deacutecouvrir

Zoom par Reacutegis DARO Paru le 30032018

-

BOURR

Spectatif

ASQUE au Theacuteacirctre de La Tempecircte 17 Mars 2018

Comment savoir si Daniel Burke est mort ou pas Srsquoil ne srsquoagit que de son fantocircme qui vient surprendre son eacutepouse Alice Burke ou si Daniel Burke feint sa reacutesurrection pour fendre ses secrets et laisser eacutechapper un peu de lui-mecircme dans ses derniers instants juste avant de tenter de fondre ses pas dans ceux de celle qui veut partir fatigueacutee du passeacute et enjoueacutee devant un avenir qursquoelle voudrait se construire meilleur et sien Deacuteroulera-t-elle ses recircves sous ses pas Troublante et mysteacuterieuse aventure que cette soireacutee de bourrasque ougrave une veilleacutee mortuaire devient une veilleacutee de palabres de reacutecits et drsquoespoirs Entre reacuteel et irreacuteel lrsquoimaginaire srsquoempare de nous nous faisant flotter sur le flux des mots dits et plonger par moments parmi les maux dits de ce couple de paysans dont on ne sait srsquoils srsquoaiment ou se haiumlssent si seulement lrsquoamour est entreacute dans leur bacirctisse ou si ce mot nrsquoexiste pas pour eux Ce spectacle baigneacute de poeacutesie reacutealiste crue et deacutepouilleacutee est une magnifique eacutecriture de Nathalie Beacutecue qursquoelle nomme Variation sur LrsquoOmbre de la valleacutee de John Millington Synge On comprend que ce grand dramaturge irlandais de la fin du 19egraveme siegravecle inspira Beckett et subjugua Artaud entre autres Tant ses peintures dramatiques de la paysannerie irlandaise de ses us et coutumes sont autant de sources pour des personnages en marge ou des situations fantastiques Le parcours de Alice Burke est captivant Ce qursquoelle raconte ce qursquoelle dit et ce qursquoelle devient Paysanne infidegravele ou eacutepouse adulteacuterine sublimeacutee dans le mal par son mari cet homme meurtri et malheureux elle deacutecouvre peu agrave peu drsquoautres horizons pour vivre

John le vagabond recueilli ce soir de bourrasque sorte drsquoaegravede qui parcoure les villages et se nourrit des morceaux de vie des autres notant ses observations se payant drsquoaumocircnes apportera agrave Alice les lumiegraveres du deacutesir drsquoailleurs Michaeumll Dara le jeune berger du voisinage venu lui aussi pour se proteacuteger de la bourrasque semble porter avec lui les plaisirs et les espeacuterances attendus inavoueacutes ou peut-ecirctre assouvis par Alice Daniel Burke le mari mort ou vivant fantocircme de lui-mecircme erre vocifegravere eacuteructe ses souffrances cacheacutees derriegravere sa violence qui le blesse autant qursquoil voudrait blesser nous montrant un paysan qui nrsquoa connu que sa famille enfant ou adulte pour tout environnement humain Joue-t-il avec la mort qui revient pour hanter la veilleacutee ou est-il lrsquoecirctre hirsute perdu agrave jamais dans ses illusions et ses souffrances dans ses remords et ses souvenirs qui le rongent tant qursquoil se confond dans la mort comme dans la vie On ne sait pas on ne sait plus Nous sommes trop eacuteblouis pour bien voir qui il est nous sommes trop toucheacutes pour savoir ougrave nous sommes vraiment La mise en scegravene de Feacutelix Prader feutre le reacutecit le meacutelange aux jeux avec adresse et fluiditeacute Les mondes se juxtaposent on nrsquoa rien vu venir La distribution est brillante Theacuteo Chedeville et Philippe Smith sont justes et convaincants Natalie Beacutecue est lumineuse et eacutemouvante Pierre-Alain Chapuis comme drsquohabitude nous surprend Il deacutegage une puissance de jeu qui donne agrave son personnage tout le trouble et la cassure qui conviennent Il est splendide et touchant Un spectacle sublime et tregraves prenant agrave lrsquoeacutecriture eacutetonnante et captivante aux jeux drsquoun brio stupeacutefiant Un tregraves grand moment de theacuteacirctre A voir absolument Drsquoapregraves les œuvres de John Millington Synge Variation sur The shadow of the Glen Eacutecriture de Nathalie Beacutecue Mise en scegravene de Feacutelix Prader Sceacutenographie et costumes de Ceacutecilia Galli Son de Estelle Lembert Lumiegraveres de Thibault Gaigneux Collaboration artistique de Aureacutelia Guillet Direction des combats de Franccedilois Rostain

Avec Nathalie Beacutecue Pierre-Alain Chapuis Theacuteo Chedeville et Philippe Smith

Du mardi au samedi agrave 20h30 et le dimanche agrave 16h30

Cartoucherie route du Champ de Manoeuvre Paris 12egraveme

0143283636 wwwla-tempetefr

- Photo copy Antonia Bozzi -

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Accueil SPECTACLES [Critique] laquo Bourrasque raquo par Feacutelix Prader Une bouffeacutee drsquoIrlande

copy Antonia Bozzi

[Critique] laquo Bourrasque raquo par Feacutelix Prader Une bouffeacutee drsquoIrlande Morgane P 2018-03-28

Le Theacuteacirctre de la Tempecircte preacutesente Bourrasque une piegravece de theacuteacirctre de Nathalie Beacutecue

mise en scegravene par Feacutelix Prader Une incursion meacutelancolique et amegravere en terre irlandaise

Lrsquoavis de Bulles de Culture qui eacutetait agrave la premiegravere de la piegravece

Synopsis

Alice Burke (Nathalie Beacutecue) veille son mari Dan Burke (Pierre-Alain Chapuis) qui vient de

mourir quand survient un vagabond (Philippe Smith) qui demande asile pour la nuit Il faut

preacutevenir Michael Dara (Theacuteo Chedeville) jeune berger des alentours afin qursquoil aille annoncer

la nouvelle en ville Mais voilagrave que le mort se redresse et qursquoil a encore des choses agrave direhellip

Bourrasque Une belle reacuteeacutecriture drsquoapregraves John Millington Synge

copy Antonia Bozzi

Crsquoest la piegravece LrsquoOmbre de la valleacutee du dramaturge irlandais John Millington Synge qui est agrave

lrsquoorigine de Bourrasque De cette petite piegravece en un acte lrsquoauteure et comeacutedienne Nathalie

Beacutecue fait la colonne verteacutebrale du spectacle un drame noueacute autour de quatre

personnages dont lrsquoun mime sa mort pour prendre son eacutepouse en faute Reprenant agrave la

lettre le texte de lrsquoauteur irlandais Nathalie Beacutecue lrsquoeacutetoffe toutefois afin drsquoimaginer le

parcours personnel eacutemotionnel de chacun des quatre personnages Lrsquointeacutegration de son

eacutecriture agrave la piegravece de John Millington Synge est parfaite en ce qursquoelle deacutepeint le quotidien

meacutelancolique et maussade de ces Irlandais isoleacutes agrave lrsquoeacutecart du monde comme prisonniers de

la tourbe qui les entoure

Le phraseacute que Nathalie Beacutecue choisit pour Bourrasque est aussi une retranscription fidegravele du

style du dramaturge une langue agrave la fois racircpeuse et poeacutetique peacutetrie de la reacutealiteacute de ces

paysans Si John Millington Synge choisit lrsquoanglo-irlandais pour ses piegraveces Nathalie Beacutecue

imagine une syntaxe et un vocabulaire reacutealisant le mecircme eacutequilibre entre langue orale aux

tournures populaires et envoleacutees des meacutetaphores pour sonder les cœurs des quatre

laquo taiseux raquo

Un quatuor qui fonctionne agrave merveille

copy Antonia Bozzi

La patte de Nathalie Beacutecue ajoute une vraie personnaliteacute agrave la piegravece de John Millington

Synge agrave tel point que tous les personnages ont un relief propre qui les rend attachants sans

les caricaturer pour autant Elle excelle aussi dans lrsquoincarnation sur scegravene de cette femme

drsquoacircge mucircr eacutetouffeacutee par la solitude et lrsquoattente perpeacutetuelle qui constitue son quotidien Elle

tient ainsi toute la tension de Bourrasque de son deacutebut agrave sa fin et ce dans une diction

parfaite drsquoun bout agrave lrsquoautre malgreacute tout ce que la langue du personnage peut avoir de

bourbeux Quant aux trois hommes qui lrsquoentourent Bourrasque leur offre une personnaliteacute

plus profonde que la piegravece du dramaturge irlandais Exploitant les ellipses du texte original

Nathalie Beacutecue imagine que la meacutelancolie de Dan Burke trouve sa source dans la violence qui

lrsquoa entoureacute degraves son enfance Elle choisit aussi de faire davantage parler le jeune berger

amant de lrsquoheacuteroiumlne un peu naiumlf et pas tregraves malin Sa candeur en vient agrave faire sourire avec

tendresse

Mais lrsquoun des personnages qui prend le plus drsquoampleur dans la piegravece est sans conteste celui

du vagabond que Nathalie Beacutecue imagine comme une sorte de chercheur drsquohistoires voyant

ainsi en lui un vague double de John Millington Synge qui a fait de la tradition et des contes

des icircles drsquoAran lrsquoune de ses quecirctes Ce personnage renoue ainsi avec la tradition orale du

reacutecit il rappelle ces aegravedes de la socieacuteteacute grecque antique qui allaient de palais en palais

chanter les reacutecits de leur connaissance Toute la deacutelicatesse dont fait preuve Philippe

Smith dans ce rocircle est remarquable

Un huis clos haletant

I

copy

Antonia Bozzi

Bourrasque reacuteussit avec brio agrave maintenir une tension forte tout au long de la piegravece Crsquoest

drsquoabord la tension qursquoil y a autour de ce deuil rendu angoissant par la preacutesence du mort sur

scegravene Crsquoest ensuite une fois que le laquo mort raquo a reacuteveacuteleacute sa supercherie au vagabond la tension

que ressent le spectateur qui attend que Dan Burke nrsquointervienne Crsquoest enfin la tension du

conflit conjugal qui explose et renverse la situation initiale La mise en scegravene de Feacutelix

Prader repose sur la simpliciteacute deacutecor rudimentaire pas de grands effets Et cela met

parfaitement en valeur la dimension relationnelle du drame

Cette tension dramatique est encore accentueacutee par la tempecircte inteacuterieure que traversent les

personnages notamment les deux eacutepoux Le monologue drsquoAlice qui ouvre la piegravece et la

longue explication que son mari offre au vagabond montrent les deux faces drsquoun couple en

crise dans lequel chacun-e ne voit plus que sa propre souffrance Ce trouble inteacuterieur et

cette forte tension eacutemotionnelle sont bien sucircr souligneacutes par les circonstances

meacuteteacuteorologiques on traverse avec les personnages une sorte de tempecircte ougrave le vent souffle

avec violence Nrsquoest-ce finalement pas cette terrible bourrasque qui trouble les esprits de

chacun Rien nrsquoest moins sucircr

Reacuteunir les deux eacutepoux et lrsquoamant confondu crsquoest un topos theacuteacirctral Mais la preacutesence de cet

inconnu que Nathalie Beacutecue place comme un observateur particulier puisqursquoon imagine que

le drame auquel il assiste pourra enrichir encore son livret de reacutecits est une belle reacuteussite

Eacutecoutant les deux eacutepoux puis prenant finalement place dans le drame en exerccedilant le recul

dont lui seul dans la piegravece est capable change la porteacutee de la piegravece et enrichit

consideacuterablement le triangle amoureux

Bulles de Culture vous recommande en tout cas vivement cette incursion en terre irlandaise

En savoir plus

bull Bourrasque de Nathalie Beacutecue mise en scegravene par Feacutelix Prader est joueacute au Theacuteacirctre de la

Tempecircte du 16 mars au 15 avril 2018

bull Bourrasque sera joueacute en 2018 au Centre culturel de Vitreacute le 20 avril sur la Scegravene nationale

de Bar-le-Duc le 17 mai et au Theacuteacirctre Montansier de Versailles le 25 mai

bull Dureacutee du spectacle 1h40

Actualiteacute theacuteacirctrale

Jusqursquoau 15 avril au Theacuteacirctre de la Tempecircte

laquo Bourrasque raquo mercredi 21 mars 2018

Par un soir de tempecircte dans une chaumiegravere isoleacutee Alice Burke veille son mari le rude et taiseux Dan Burke qui vient de mourir Il lui a interdit de toucher son corps apregraves sa mort exigeant que ce soit sa sœur qui srsquooccupe de la toilette mortuaire Mais celle-ci habite loin Alice craint la nuit et la tempecircte dans ce lieu isoleacute et ne peut le laisser seul Elle attend Deux hommes vont se preacutesenter agrave sa porte un eacutetranger qui parcourt les rudes collines des alentours pour laquo cueillir raquo les histoires qursquoon veut bien lui confier et un jeune berger peu expeacuterimenteacute qui vit un peu plus loin Avec ces deux hommes deux avenirs pourraient se dessiner le second seraient bien inteacuteresseacute par la femme et surtout les biens dont elle va heacuteriter le premier lui ouvre une sortie de son isolement et de nouveaux espaces La bourrasque qui hurle au dehors gagne aussi lrsquointeacuterieur de la chaumiegravere et bouscule tous les esprits

Nathalie Beacutecue a eacuteteacute seacuteduite par lrsquounivers du poegravete et dramaturge irlandais John Millingtone Synge et en particulier par ce livre Les Icircles Aran ougrave il a raconteacute ses rencontres avec les icircliens et les leacutegendes qursquoils lui ont conteacutees Crsquoest de lrsquoun de ses contes Lrsquoombre de la valleacutee qursquoelle srsquoest inspireacutee pour eacutecrire Bourrasque Apregraves lrsquoavoir vue dans Lrsquoapprentie sage-femme qursquoelle avait joueacutee en 2012 on comprend la continuiteacute de son travail Ce qui lrsquointeacuteresse ce sont ces destins de femmes dans les deux cas des paysannes qui cherchent leur voie et prennent la vie agrave bras le corps Dans son texte Nathalie Beacutecue a su faire entendre la sauvagerie de la nature le vent la pluie et la vie rude de ceux qui y habitent Elle a su aussi traduire les penseacutees tourmenteacutees des quatre personnages attribuant agrave John lrsquohomme qui cueille les histoires la deacutemarche de Synge lui-mecircme dans les Icircles drsquoAran

Dans la mise en scegravene de Feacutelix Prader on reste enfermeacute dans la chaumiegravere avec le mort assis ou couvert drsquoun drap et lrsquoexteacuterieur nrsquoapparaicirct qursquoinquieacutetant avec le bruit amplifieacute du vent ou des coups agrave la porte Seuls les hommes qui arrivent apportent lrsquoimage drsquoun ailleurs possible pour cette femme qui srsquoest laisseacutee enfermer dans la solitude au point drsquoecirctre obligeacutee de parler aux arbres

Nathalie Beacutecue en robe paysanne et petit gilet de laine bleue avec de gros bas de laine incarne Alice qui parle de sa vie avec cet eacutepoux taiseux porteacute sur le whisky Elle caresse la couverture de poils de chegravevre tout en parlant Calme elle dit qursquoaucun vivant ne lui a jamais fait peur crsquoest drsquoautre chose qursquoelle a peur puis soudain la colegravere lrsquoemporte quand elle pense agrave lrsquoennui de sa vie laquo fosse agrave chagrin mareacutecage de tristesse raquo et se dit qursquoelle a peut-ecirctre fait le mauvais choix en se condamnant agrave laquo regarder les saisons passer raquo Philippe Smith est John celui qui ramasse les histoires vagabond ceacuteleste qui amuse Alice avec un tour de magie lui donne les nouvelles de la valleacutee et surtout lui parle drsquoun ailleurs Theacuteo Chedeville est Michaeumll Dara le marin devenu berger Pierre-Alain Chapuis est Dan Burke le mort qui survit Il est puissant violent ravageacute par sa colegravere contre tous sa femme son pegravere mais aussi contre lui-mecircme On le sent deacutevoreacute par lrsquoamertume laquo bouffeacute par la tristesse raquo comme le dit Alice mais peut-ecirctre capable de rebondir loin de sa femme

On se laisse emporter par le reacutecit On est dans ces icircles irlandaises battues par le vent et la pluie et on rejoint John quand il dit laquo Apregraves des veilleacutees solitaires je peux dire que les gens drsquoici ne sont pas insignifiants raquo

Micheline Rousselet

Du mardi au samedi agrave 20h30 le dimanche agrave 16h30

Theacuteacirctre de La Tempecircte

Cartoucherie

Route du Champ-de-Manoeuvre 75012 Paris

Reacuteservations (partenariat Reacuteducrsquosnes tarifs reacuteduits aux syndiqueacutes Snes mais sur reacuteservation impeacuterative) 01 43 28 36 36

T H Eacute Acirc T R E

BOURRASQUE UN MAGNIFIQUE OBJET POEacuteTIQUE

ET INSPIREacute DANS LE MONDE AcircPRE ET SANS

CONCESSION DES TERRES DrsquoIRLANDE 19 MARS 2018

Reacutedigeacute par Sarah Franck

laquo Le cœur casseacute ccedila donne la vie grise raquo Quand la brume et le vent soufflent sur un monde sans avenir confit dans lrsquoeacutecoulement uniforme des jours une porte parfois srsquoentrouvre pour que change le cours des choseshellip

Un homme est mort ce soir assis dans son fauteuil Sa femme une femme de rien ou de si peu de chose heacutesite Il lui a interdit de toucher son cadavre et a jeteacute sur elle une maleacutediction au cas ougrave elle enfreindrait lrsquoordre Seule sa sœur aura le droit de le preacuteparer pour son dernier voyage Mais comment faire quand la nuit a pris des couleurs de noir drsquoencre que les nueacutees srsquoamassent que le tonnerre gronde qursquoelle a une tregraves longue route et qursquoelle est seule Il nrsquoest pas bon drsquoabandonner un mort agrave lui-mecircmehellip Dans ce lieu perdu du bout du monde ougrave ne trouvent guegravere agrave subsister que les moutons ougrave lrsquoacircpreteacute de la vie a jeteacute sur les ecirctres son voile de dureteacute ougrave ne semblent possibles que la violence des comportements et lrsquohostiliteacute ougrave lrsquoalcool est la solution ultime quotidienne pour triompher des aleacuteas un groupe heacuteteacuteroclite va peu agrave peu se rassembler

(c) Antonia Bozzi

Une arche de Noeacute de largueacutes du monde

Parmi les personnages perdus dans ce milieu de nulle part arrive drsquoabord un vagabond un cueilleur de mots un raconteur drsquohistoires qui cherche un havre pour la nuit Il voudrait simplement reposer ses pieds fatigueacutes de cheminot avant de reprendre la route Il y a lrsquoancien marin devenu eacuteleveur que la mort du mari arrange car il en guigne les terres pour faire paicirctre ses troupeaux Il y a elle la femme deacutevoueacutee dont on ne sait de quoi est fait son attachement au deacutefunt ndash amour en deacutepit de lrsquoindiffeacuterence qursquoil lui porte ennui drsquoun mariage accepteacute pour la seacutecuriteacute qursquoil donne reacutesignation devant les vexations subies Et puis il y a ce mort qui srsquoavegraverera bien vivant au moment ougrave srsquoopegravere le partage des deacutepouilles et dont lrsquohistoire a la violence et linceste pour cortegravegehellip

Ce sont lagrave des perdus eacutegareacutes sans lrsquoavoir choisi prenant racine lagrave ougrave on les a planteacutes Massifs taiseux Vivent-ils Peut-ecirctre le cheminot qui erre agrave lrsquoaventure est-il le seul agrave savoir ougrave il va ce saltimbanque ce poegravete qui donne agrave voir un ailleurs agrave respirer lrsquoodeur du vent et les senteurs venues de contreacutees lointaines Peut-ecirctre ne sont-ils pas agrave leur place mais ont-ils une place Le preacutesent est leur futur leur avenir leur eacuteterniteacute Ils portent leur brume en eux cette compagne des sortilegraveges et des superstitions qui leur colle agrave la peau Ils ont cette eacutepaisseur de la matiegravere brute cette preacutesence obstineacutee de ceux qui ne savent qursquoecirctre

(c) Antonia Bozzi

Lrsquoespace de la parole

Dans ce huis clos deacutelimiteacute par une table dans un coin une banquette sur laquelle est assis immobile le mari et une commode il nrsquoy a pas drsquoeacutechappatoire Le lieu est agrave lrsquoimage de leur existence refermeacute sur lui-mecircme Alors il ne leur reste que la parole pour briser lrsquoenfermement Une parole difficile Les mots buttent dans leur gorge ils sortent contraints rentreacutes et de trop de retenue se heurtent et srsquoentrechoquent avec de brusques flambeacutees de violence se deacuteversent tels des crachats agrave la figure de lrsquoautre Crsquoest un trop-plein qui deacuteferle pour trouver le chemin de la conscience et qui les met en face drsquoeux-mecircmes et de leur reacutealiteacute Apregraves il nrsquoy aura plus de retour en arriegravere possible et chacun devra trouver lrsquoissue qui lui convient

Ils ont ce parler fruste mais imageacute des paysans laquo ccedila crsquoest sucircr raquo qui offre une transposition bretonne agrave lrsquoanglo-irlandais du texte original Un mecircme fondement celtique court dans ces deux reacutegions que rassemblent la culture et les paysages et ougrave souffle un vent laquo agrave reacuteveiller les disparus les esprits malins ou les feacutees tordues raquo Les noms de lieux aux consonances eacutetranges chantent une poeacutesie de lrsquoailleurs qursquoaccompagne celle du deacutesespoir de ces eacutecorcheacutes de la vie laquo Crsquoest comme ccedila le bout du chemin de ceux de sa sorte Les deacutevoreacutes drsquoangoisse les rongeacutes de tristesse raquo Les mots disent leur deacutetresse Leur barbe laquo on dirait deacutejagrave du poil de moisissure raquo Lrsquounivers laquo des milliards de milliards de masses solaires qui tournoient en spirale jusqursquoagrave ecirctre happeacutees aspireacutees au centre de lrsquoinconnu du trou noir [hellip] une eacutenorme densiteacute de creacuteation ou une absence de creacuteation Du trop-plein au vide raquo agrave lrsquoimage de leur vie qui laquo se deacuteficelle raquo se deacutecompose se deacutesintegravegrehellip

Entre Synge et Nathalie Beacutecue

De lrsquoOmbre de la valleacutee de John Millington Synge ndash compatriote de Joyce Yeats et Beckett et fervent deacutefenseur du renouveau de la culture irlandaise ndash Nathalie Beacutecue reprend la situation de ce mort laquo ressusciteacute raquo tout en modifiant les enjeux et la porteacutee de lrsquohistoire Elle fait du chemineau une incarnation du poegravete Elle reprend dans lrsquoesprit ce parler si particulier qui inverse lrsquoordre des mots pour placer dans une phrase lrsquoimportant devant On y retrouve le mecircme souci de rendre leurs lettres de noblesse agrave ceux qui sont sans-grade placeacutes agrave lrsquoeacutecart en marge mais portent en eux une veacuteriteacute immeacutemoriale qui les deacutepasse Ces hommes et ces femmes qui ne savent pas parler une laquo belle raquo langue au sens classique sont pleins habiteacutes possesseurs drsquoun treacutesor qursquoil nous est donneacute de reconnaicirctre Dans sa laquo variation raquo Nathalie

Beacutecue insuffle sa propre vision de cette laquo veacuteriteacute raquo populaire peupleacutee de croyances et de leacutegendes et met ses personnages en face de choix qui les font progresser et grandir

(c) Antonia Bozzi

Un magnifique travail drsquoacteur

Ce qui frappe enfin crsquoest lrsquointerpreacutetation laquo millimeacutetreacutee raquo des comeacutediens Car enfin crsquoest sur eux que repose ce spectacle ougrave il ne se passe rien ou presque durant deux heures Pas de quiproquo ni de comique de situation Pas de trageacutedie au-delagrave de lrsquoagressiviteacute et des altercations Ni trop ni trop peu mecircme si lrsquoon alterne chuchotements et cris Ils sont tout en retenues briseacutees quand les digues lacircchent en heacutesitations en mots esquisseacutes en gestes inaboutis ou semi-dissimuleacutes en mimiques fugaces Ils disent comme en srsquoexcusant heacutesitent agrave srsquoimposer reacutevegravelent les failles avec beaucoup de finesse La minutie avec laquelle la gestuelle campe les personnages donne au spectacle une justesse qursquoon voit rarement au theacuteacirctre

On srsquoeacutemeut drsquoentendre eacutevoquer les myriades drsquoeacutetoiles comme autant drsquoesprits des morts flottant autour de nous on partage la fatigue des marches de montagne plongeacutees dans une brume eacutepaisse et hostile la difficulteacute de ces laquo nuits noires agrave en appeler agrave la clarteacute des eacutetoiles raquo Et puis on rit car ils sont des hommes avec leurs petits travers leurs lacirccheteacutes et leurs peurs ces errants agrave la deacuterive qui srsquoeacutegarent avec magnificence et nous ressemblent tant Au-delagrave du texte et de sa beauteacute crsquoest agrave une merveilleuse leccedilon drsquohumaniteacute que nous convie ce spectacle

Bourrasque de Nathalie Beacutecue librement inspireacute de lrsquoOmbre du vent de John Millington Synge (eacuted franccedilaise Actes Sud)

Mise en scegravene Feacutelix Prader

Avec Nathalie Beacutecue Pierre-Alain Chapuis Theacuteo Chedeville Philippe Smith (le poegravete)

Theacuteacirctre de la Tempecircte Cartoucherie de Vincennes Route du Champ de Mars ndash 75012 Paris

Du 16 mars 2018 au 15 avril du mardi au samedi agrave 20h30 le dimanche agrave 17h30

Teacutel 01 43 28 36 36 Site wwwla-tempetefr

Bourrasque au Theacuteacirctre de La Tempecircte

Publieacute par Michel Jakubowicz le 26 mars 2018 Publieacute dans Tendance - Fashion

Theacuteacirctre de la Tempecircte Cartoucherie Rte du Champ-de-Manœuvre 75012 Paris

Repreacutesentations du 16 mars au 15 avril 2018

httpswwwla-tempetefr

BOURRASQUE

Variation sur lrsquoOmbre de la valleacutee de JM Synge

de Nathalie Beacutecue

mise en scegravene Feacutelix Prader

avec

Nathalie Beacutecue (Alice Burke)

Pierre-Alain Chapuis (Daniel Burke)

Theacuteo Chedeville (Michaeumll Dara)

Philippe Smith (John)

Nathalie Beacutecue auteure de Bourrasque avoue srsquoecirctre inspireacutee du poegravete et dramaturge John

Millington Synge Feacutelix Prader agrave partir du texte de Nathalie Beacutecue va srsquoefforcer de recreacuteer

lrsquoambiance eacutetrange chaotique effrayante qui sourd de ce texte Il va en quelque sorte donner

corps agrave une histoire ougrave semble rocircder une ambiance agrave la limite du fantastique et mettre en lumiegravere

les comportements presque forceneacutes brutaux impreacutevisibles des personnages qursquoun hasard

apparemment faceacutetieux (ou malfaisant) a reacuteunis dans une chaumiegravere perdue de la lande irlandaise

battue par la tempecircte Il faut dire que la piegravece se deacuteroule dans un contexte peu banal presque

terrifiant puisqursquoune femme seule soliloque en srsquoadressant agrave un cosmos aveugle et infini bourreacute

de trous noirs insondables et mortels La femme semble prendre agrave teacutemoin un homme immobile

ne bougeant pas drsquoun cil et dont la raideur semble vaguement indiquer qursquoil est peut-ecirctre passeacute

de vie agrave treacutepas ou qursquoil feint deacutelibeacutereacutement lrsquoindiffeacuterence absolue face aux propos tenus par la

femme Les choses pourraient en rester lagrave mais soudainement surgi du cœur de la tempecircte qui se

deacutechaicircne agrave lrsquoexteacuterieur un inconnu reacuteclame avec insistance malgreacute lrsquohostiliteacute de la femme agrave

srsquoabriter dans la chaumiegravere

A partir de lrsquointrusion de cet eacutetranger lrsquoaction va soudainement srsquoacceacuteleacuterer et le reacutecit srsquoorienter

sans deacutelai vers lrsquoabsurde le fantastique lrsquoinattendu Le reacutecit bascule apparemment vers

lrsquoirrationnel mais en terre irlandaise il semble agrave lrsquoeacutevidence que les apparences ne sont pas

forceacutement conformes agrave la reacutealiteacute et la suite du reacutecit de Nathalie Beacutecue srsquoinspirant de John

Millington Synge ne fera que rendre encore plus creacutedible cette impression

La mise en scegravene de Feacutelix Prader reconstitue avec une sorte de preacutecision presque surnaturelle

eacutetonnante cette campagne irlandaise drsquoougrave nrsquoimporte quels fantocircmes peuvent impuneacutement surgir

de la nuit Jusqursquoau bout drsquoune nuit interminable peupleacutee de terreurs sans noms cette assembleacutee

de personnages subira jusqursquoau bout un destin fait drsquoincertitude balanccedilant constamment entre

espoir et deacutesespeacuterance Lrsquointerpreacutetation est remarquable en particulier celle de Nathalie Beacutecue

incarnant avec beaucoup drsquoacircpreteacute de passion le rocircle drsquoAlice Burke Mais les trois autres

protagonistes masculins sont eacutegalement parfaits donnant agrave leurs personnages respectifs toute

lrsquoeacutepaisseur psychologique deacutesireacutee Un spectacle prenant qui reacutevegravele dans toute sa profondeur

lrsquoacircme irlandaise

Michel Jakubowicz

LE BRUITDUOFF TRIBUNE

LES SCENES ACTUELLES SANS TABOU NI TROMPETTES

CRITIQUE laquo Bourrasque raquo variation sur Lrsquoombre de la valleacutee de JM Synge de Nathalie Beacutecue mis en scegravene par Feacutelix Prader avec Nathalie Beacutecue Pierre-Alain Chapuis Theacuteo Chedeville et Philippe Smith Au Theacuteacirctre de la Tempecircte salle Copi jusqursquoau 15 avril du mardi au samedi agrave 20h30 dimanche agrave 16h30

Crsquoest lrsquoun des plus beaux textes de la saison Nathalie Beacutecue a adapteacute les peacutereacutegrinations de Synge avec amour infleacutechissant ses rugositeacutes irlandaises drsquoune ardeur feacutebrile

laquo Bourrasque raquo crsquoest la poeacutesie cosmique descendue sur lrsquoeacutepure drsquoun verbe aussi vieux que les icircles drsquoAran qui lrsquoabritent laquo Bourrasque raquo crsquoest la meacutetaphysique de la bergegravere Srsquoeacutelegraveve une litanie vibrante adresseacutee aux eacutetoiles pour cet laquo ougrave suis-je raquo qui preacutecegravede le laquo qui suis-je raquo pour le trou noir la masse la poussiegravere lrsquoengloutissement la disparition lrsquoinconnu la creacuteation sa densiteacute son absence le trop plein le videhellip Le vertige drsquoAlice Burke un soir de tempecircte est celui drsquoun cœur simple dans le langage du monde Lrsquoespace drsquoun entre-lumiegravere avant lrsquoextinction de la salle Nathalie Beacutecue ample vibrante ancreacutee et tendue vers des ciels invisibles livre une formidable deacutemonstration de sa maicirctrise de lrsquoabandon

Encore aux prises avec ce jaillissement drsquoecirctre brut et pur il nous faut quelques battements de cœur pour lrsquohabituer aux ombres de la scegravene peacuteneacutetrer le deuil terrestre drsquoAlice Burke et investir sa maison de pierre tandis que laquo perdu ailleurs raquo le vent se legraveve Les yeux pleins drsquoorage et la voix blanche elle embarque les acircmes qursquoelle a tendues vers elle laquo Je suis en colegravere tellement je suis triste raquo

Daniel Burke le fermier sans meacutetaphysique le fermier malheureux srsquoest figeacute lagrave dans une mort subite et inviolable et sa veuve saisie de solitude et figeacutee depuis cent ans voit sa laquo vie grise raquo deacutechireacutee par laquo la grande trouille raquo La trouille de quoi Car la mort toute proche incarneacutee dans la deacutepouille de son mari immobile ne lrsquoeffraye pas Crsquoest une femme des montagnes qui croit aux fantocircmes et qui ne les craint pas

Est-ce un fantocircme qui franchit son seuil dans lrsquoorage pour mettre son errance et son immense laquo dehors raquo dans lrsquoespace sans projet ougrave elle vit confineacutee John mucirc par le timbre envoucirctant de Philippe Smith est un porteur drsquohistoires venu reacutecolter quelques miettes au foyer de la derniegravere maison allumeacutee sur les chemins rocheux drsquoAran Quand Alice Burke laisse son hocircte dans cette eacutetrange veilleacutee et que Dan Burke se redresse bien vivant et saoul crsquoest toute une vie de spectateur qui vacille agrave son tour John pourra-t-il refuser drsquoecirctre acteur de cette histoire-lagrave

Pierre-Alain Chapuis est un Dan Burke massif en corps et en ecirctre plein de passeacute de rancœur et de lrsquoeacutepaisse rusticiteacute que les silences ont tanneacutee sur sa peau et sa voix Quatriegraveme entreacutee en scegravene la jeunesse vacillante de Theacuteo Chedeville precircte ses fougues agrave Michaeumll Dara le marin en quecircte de reacuteconciliation avec la terre qui cherche agrave ecirctre au sol et treacutepigne dans la valleacutee encore la tecircte agrave moitieacute immergeacutee des recircves drsquoavant les recircves enterreacutes de large et de houle La paix est-elle plus haut dans la montagne

La mise en scegravene de Feacutelix Prader attentive aux eacuteclats de verbe sublimeacutes par les voix de Beacutecue Chapuis Chedeville et Smith est un effacement une ombre pour que la poeacutesie eacuteclaire Il veut saisir le preacutesent et la preacutesence eacutenorme des protagonistes dans la suspension du temps du theacuteacirctre Sa scegravene se deacutepare du moindre artifice se fait couloir pour lrsquoeacutemotion de cette parole vitale qui balaye le silence effareacute du spectateur srsquooublie dans une pudeur parfaite Jrsquoentends encore la voix pleine et rocailleuse de Beacutecue la Burke souffler la bourrasque laquo Jrsquoai trop la trouille pour pas y aller raquo

Drsquoun eacutelan vital et poeacutetique elle engloutit le motif radical de la mort

Marguerite Dornier

DU 1603 AU 15042018 AU THEacuteAcircTRE DE LA TEMPEcircTE | DUREacuteE 1H40 |

Librement adapteacute de la piegravece en un acte de John M Synge laquo Lrsquoombre dans la Valleacutee raquo Bourrasque fait preuve drsquoune sagaciteacute deacuteroutante dans une ambiance drsquoinsulaires superstitieux Situation macabre regraveglements de comptes conjugaux reacutecits de voyages et art du vagabondagehellip lrsquoIrlande et son hors-champ drsquoimmensiteacute montagneuse et orageuse nous submergent alors que de grandes deacutecisions se prennent dans la petite chaumiegravere drsquoAlice Burke indigneacutee par la mort foudroyante de son mari Dan qursquoelle ne peut toucher sous peine drsquoecirctre maudite

De par la traduction drsquoun gaeacutelique transposeacute dans du franccedilais paysan aux consonances lyriques et lrsquointerpreacutetation de ce tregraves beau et talentueux quatuor de comeacutediens le folklore celte est tout agrave fait plausible voire palpable et propage son caractegravere sacreacute Bourrasque est un deacutelice drsquohumour peut ecirctre un tantinet pessimiste mais surtout pittoresque et poeacutetique

Eloiumlse Dandoy

jeudi 22 mars 2018

Bourrasque de Nathalie Beacutecue

Bourrasque est un de ces spectacles dont on mesure la chance quils existent Parce que Nathalie Beacutecue a fait un travail deacutecriture tregraves reacuteussi librement adapteacute de la piegravece LrsquoOmbre de la valleacutee en reprenant lrsquoargument tout en modifiant les enjeux et la porteacutee Elle place le spectateur au plus pregraves de latmosphegravere poeacutetique qui a impreacutegneacute lIrlande que John Millington Synge (1871-1909) nous a fait deacutecouvrir au XIXdeg siegravecle et qui est encore tregraves vivante gracircce agrave la moderniteacute de la mise en scegravene de Feacutelix Prader La distribution est habile avec Nathalie Beacutecue qui interpregravete Alice Burke et trois autres comeacutediens Pierre-Alain Chapuis (Daniel Burke) Theacuteo Chedeville (Michaeumll Dara) et Philippe Smith (John) tous diffeacuterents qui permettent dapporter des points de vue parfois deacuteroutants maintenant le spectateur quasiment en haleine comme sil eacutetait au coeur dun thriller Le caractegravere primitif de la vie sociale si particuliegravere des icircles drsquoAran en deviendrait presque normal dans un deacutecor rustique simple et familier

Par un soir de violente tempecircte que lon entendra rugir derriegravere la verriegravere Alice Burke veille son mari deacutefunt lrsquoacircpre et ombrageux fermier Dan Burke comme le veut la coutume dans cette contreacutee reculeacutee Silence dans la chaumiegravere isoleacutee quand agrave la porte frappe un inconnu nomade des collines cueilleur drsquohistoires (Synge) qui ravive dans lrsquoacircme dAlice la soif drsquoun ailleurs Un autre homme bouscule les certitudes dAlice Michaeumll Dara le marin devenu berger qui vit agrave quelques lieues et convoite agrave la fois les biens et la femmethinsp Et si soudain srsquoeacuteveillait le deacutefunt chahutant les vivants que ferait Alicethinsp

Le mort est sur scegravene muet cela va sans dire mais bien preacutesent tout de mecircme Sa femme lui rend hommage malgreacute les cahots qui ont chahuteacute sa vie Cest une femme simple qui a les pieds sur terre capable dun brin de fantaisie que lon remarque dans le point de tricot du gilet quelle porte sur une robe bleu marine Sans doute reacutealiseacute avec la laine de ses moutons Les paroles se bousculent au rythme des souvenirs et agrave la mesure des angoisses qui lassaillent comme des ressentiments quelle exprime toute seule La tempecircte qui agite son esprit est semblable agrave celle qui souffle au dehors Elle reconnait quelle ne sait plus ougrave elle en est et sassoit pregraves de celui qui fut son homme Chaque mort serait une eacutetoile qui scintille dans le ciel Au-delagrave de cette jolie image Alice est confronteacutee agrave labsence de deux beaux enfants partis aux Ameacuteriques et aujourdrsquohui un mari qui part et agrave qui elle parle comme sil eacutetait vivant et comme elle ne lui a sans doute jamais parleacute parce que jusque-lagrave elle nosait pas Tout bascule ccedila vrille comment crsquoest possible possible je suis en colegravere

Elle refuse puis accueille la reacutealiteacute et lhomme eacutetranger qui explique sa fonction je cueille des mots Et qui fait davantage en analysant les eacutevegravenements Cest lui qui le premier a un doute Il est mort votre copain On dirait qursquoil fait le mort Si effectivement la mort neacutetait quune ruse pour permettre de deacutebusquer la veacuteriteacute vraie agrave linstar dOrgon cacheacute sous la nappe pour confondre Tartuffe

La langue choisie par Nathalie Beacutecue est preacutecise poeacutetique et feacuteroce Si je deacutesentortille votre charabia Jrsquoai trop la trouille pour pas y aller avant de se deacutecider agrave deacuterouler ses recircves sous ses pas

Faisons-nous aussi le pas pour ne pas louper ce petit bijou qui se joue au theacuteacirctre de la Tempecircte jusquau 15 avril 2018

Bourrasque de Nathalie Beacutecue Mise en scegravene Feacutelix Prader Avec Nathalie Beacutecue (Alice Burke) Pierre-Alain Chapuis (Daniel Burke) Theacuteo Chedeville (Michaeumll Dara) Philippe Smith (John) Sceacutenographie et costumes Ceacutecilia Galli Creacuteation sonore Estelle Lembert Direction des combats Franccedilois Rostain Du 16 mars au 15 avril 2018 Du mardi au samedi 20 h 30 dimanche 16 h 30 Les photos qui ne sont pas logotypeacutees A bride abattue sont de Antonia Bozzi Publieacute par marie-claire agrave 2335 Envoyer par e-mailBlogThisPartager sur TwitterPartager sur FacebookPartager sur Pinterest Libelleacutes coup de coeur spectacle theacuteacirctre

critiquetheatreclaucom

17 Mars 2018

ABOZZI

Bourrasque jusqursquoau 1504 th de La tempecircte

Mouvance de la destineacutee

De Nathalie Beacutecue inspireacute de lrsquoœuvre de John Millington Synge dramaturge irlandais 1871- 1909Mise en scegravene Feacutelix Prader

Au premier instant nous nous sommes happeacutes par un merveilleux poegraveme invoquant le chagrin des ecirctres perdus la solitude la deacutetresse la tristesse les regrets

laquo Pourquoi jrsquoai reccedilu cette vie Au lieu drsquoattraper lrsquoair transparent dans le bleu du cielhelliphellip Rester lagrave agrave attendre la Balayure du soir raquo

Une atmosphegravere de conte de poeacutesie et de mystegravere nous enveloppe

Un jour de grande tempecircte au plus profond de la campagne irlandaise nous peacuteneacutetrons dans une sobre demeure Il va se deacuterouler sous nos yeux pleins drsquoeacutetonnement un conte tragi-comique

Les personnages sont hauts en couleur

Un paysan Daniel Burke rustre et srsquoabreuvant de whisky pour oublier sa peur et la tristesse de la vie simule sa mort pour espionner sa femme

Alice soumise agrave sa condition se questionne sur sa vie passeacutee et agrave venir Tout en veillant son deacutefunt mari

John marcheur solitaire poegravete eacutecrivain et avide de liberteacute eacutecoutant et observant le monde arrive agrave lrsquoimproviste dans cette demeure

Michaeumll ancien marin devenu berger est un eacutetranger dans cette campagne isoleacutee Il va convoiter Alice pour srsquointeacutegrer dans ce monde hostile

Tous ses personnages vont se reacuteveacuteler nous raconter leur histoire parfois tragique parfois cocasse

Que veulent-ils devenir Prendront-ils leur destineacutee en main

Nous deacutecouvrons le sens de la fecircte les rites et coutumes funeacuteraires de la campagne irlandaise Nous ressentons lrsquoisolement de ses contreacutees la vie rude et solitaire de ses habitants ainsi que le climat rigoureux et froid

Crsquoest agrave la fois violent et tendre eacutemouvant et burlesque

Les comeacutediens nous eacutemeuvent et nous transpercent le cœur

Avec Alice Nathalie Beacutecue nous bouleverse

Daniel Pierre-Alain Chapuis bourru et tendre nous attendri

John Philippe Smith eacuteleacutegant et serein nous seacuteduit

Sans oublier Theacuteo Chedeville touchant dans le rocircle du jeune berger Michaeumll

Page 16: BOURRASQUE - Théâtre Montansier · 2018. 5. 7. · composé Bourrasque, que Félix Prader met en scène avec igueu (1). Synge affimait u’au théâtre, « il faut du réel, il

BOURR

Spectatif

ASQUE au Theacuteacirctre de La Tempecircte 17 Mars 2018

Comment savoir si Daniel Burke est mort ou pas Srsquoil ne srsquoagit que de son fantocircme qui vient surprendre son eacutepouse Alice Burke ou si Daniel Burke feint sa reacutesurrection pour fendre ses secrets et laisser eacutechapper un peu de lui-mecircme dans ses derniers instants juste avant de tenter de fondre ses pas dans ceux de celle qui veut partir fatigueacutee du passeacute et enjoueacutee devant un avenir qursquoelle voudrait se construire meilleur et sien Deacuteroulera-t-elle ses recircves sous ses pas Troublante et mysteacuterieuse aventure que cette soireacutee de bourrasque ougrave une veilleacutee mortuaire devient une veilleacutee de palabres de reacutecits et drsquoespoirs Entre reacuteel et irreacuteel lrsquoimaginaire srsquoempare de nous nous faisant flotter sur le flux des mots dits et plonger par moments parmi les maux dits de ce couple de paysans dont on ne sait srsquoils srsquoaiment ou se haiumlssent si seulement lrsquoamour est entreacute dans leur bacirctisse ou si ce mot nrsquoexiste pas pour eux Ce spectacle baigneacute de poeacutesie reacutealiste crue et deacutepouilleacutee est une magnifique eacutecriture de Nathalie Beacutecue qursquoelle nomme Variation sur LrsquoOmbre de la valleacutee de John Millington Synge On comprend que ce grand dramaturge irlandais de la fin du 19egraveme siegravecle inspira Beckett et subjugua Artaud entre autres Tant ses peintures dramatiques de la paysannerie irlandaise de ses us et coutumes sont autant de sources pour des personnages en marge ou des situations fantastiques Le parcours de Alice Burke est captivant Ce qursquoelle raconte ce qursquoelle dit et ce qursquoelle devient Paysanne infidegravele ou eacutepouse adulteacuterine sublimeacutee dans le mal par son mari cet homme meurtri et malheureux elle deacutecouvre peu agrave peu drsquoautres horizons pour vivre

John le vagabond recueilli ce soir de bourrasque sorte drsquoaegravede qui parcoure les villages et se nourrit des morceaux de vie des autres notant ses observations se payant drsquoaumocircnes apportera agrave Alice les lumiegraveres du deacutesir drsquoailleurs Michaeumll Dara le jeune berger du voisinage venu lui aussi pour se proteacuteger de la bourrasque semble porter avec lui les plaisirs et les espeacuterances attendus inavoueacutes ou peut-ecirctre assouvis par Alice Daniel Burke le mari mort ou vivant fantocircme de lui-mecircme erre vocifegravere eacuteructe ses souffrances cacheacutees derriegravere sa violence qui le blesse autant qursquoil voudrait blesser nous montrant un paysan qui nrsquoa connu que sa famille enfant ou adulte pour tout environnement humain Joue-t-il avec la mort qui revient pour hanter la veilleacutee ou est-il lrsquoecirctre hirsute perdu agrave jamais dans ses illusions et ses souffrances dans ses remords et ses souvenirs qui le rongent tant qursquoil se confond dans la mort comme dans la vie On ne sait pas on ne sait plus Nous sommes trop eacuteblouis pour bien voir qui il est nous sommes trop toucheacutes pour savoir ougrave nous sommes vraiment La mise en scegravene de Feacutelix Prader feutre le reacutecit le meacutelange aux jeux avec adresse et fluiditeacute Les mondes se juxtaposent on nrsquoa rien vu venir La distribution est brillante Theacuteo Chedeville et Philippe Smith sont justes et convaincants Natalie Beacutecue est lumineuse et eacutemouvante Pierre-Alain Chapuis comme drsquohabitude nous surprend Il deacutegage une puissance de jeu qui donne agrave son personnage tout le trouble et la cassure qui conviennent Il est splendide et touchant Un spectacle sublime et tregraves prenant agrave lrsquoeacutecriture eacutetonnante et captivante aux jeux drsquoun brio stupeacutefiant Un tregraves grand moment de theacuteacirctre A voir absolument Drsquoapregraves les œuvres de John Millington Synge Variation sur The shadow of the Glen Eacutecriture de Nathalie Beacutecue Mise en scegravene de Feacutelix Prader Sceacutenographie et costumes de Ceacutecilia Galli Son de Estelle Lembert Lumiegraveres de Thibault Gaigneux Collaboration artistique de Aureacutelia Guillet Direction des combats de Franccedilois Rostain

Avec Nathalie Beacutecue Pierre-Alain Chapuis Theacuteo Chedeville et Philippe Smith

Du mardi au samedi agrave 20h30 et le dimanche agrave 16h30

Cartoucherie route du Champ de Manoeuvre Paris 12egraveme

0143283636 wwwla-tempetefr

- Photo copy Antonia Bozzi -

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Accueil SPECTACLES [Critique] laquo Bourrasque raquo par Feacutelix Prader Une bouffeacutee drsquoIrlande

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[Critique] laquo Bourrasque raquo par Feacutelix Prader Une bouffeacutee drsquoIrlande Morgane P 2018-03-28

Le Theacuteacirctre de la Tempecircte preacutesente Bourrasque une piegravece de theacuteacirctre de Nathalie Beacutecue

mise en scegravene par Feacutelix Prader Une incursion meacutelancolique et amegravere en terre irlandaise

Lrsquoavis de Bulles de Culture qui eacutetait agrave la premiegravere de la piegravece

Synopsis

Alice Burke (Nathalie Beacutecue) veille son mari Dan Burke (Pierre-Alain Chapuis) qui vient de

mourir quand survient un vagabond (Philippe Smith) qui demande asile pour la nuit Il faut

preacutevenir Michael Dara (Theacuteo Chedeville) jeune berger des alentours afin qursquoil aille annoncer

la nouvelle en ville Mais voilagrave que le mort se redresse et qursquoil a encore des choses agrave direhellip

Bourrasque Une belle reacuteeacutecriture drsquoapregraves John Millington Synge

copy Antonia Bozzi

Crsquoest la piegravece LrsquoOmbre de la valleacutee du dramaturge irlandais John Millington Synge qui est agrave

lrsquoorigine de Bourrasque De cette petite piegravece en un acte lrsquoauteure et comeacutedienne Nathalie

Beacutecue fait la colonne verteacutebrale du spectacle un drame noueacute autour de quatre

personnages dont lrsquoun mime sa mort pour prendre son eacutepouse en faute Reprenant agrave la

lettre le texte de lrsquoauteur irlandais Nathalie Beacutecue lrsquoeacutetoffe toutefois afin drsquoimaginer le

parcours personnel eacutemotionnel de chacun des quatre personnages Lrsquointeacutegration de son

eacutecriture agrave la piegravece de John Millington Synge est parfaite en ce qursquoelle deacutepeint le quotidien

meacutelancolique et maussade de ces Irlandais isoleacutes agrave lrsquoeacutecart du monde comme prisonniers de

la tourbe qui les entoure

Le phraseacute que Nathalie Beacutecue choisit pour Bourrasque est aussi une retranscription fidegravele du

style du dramaturge une langue agrave la fois racircpeuse et poeacutetique peacutetrie de la reacutealiteacute de ces

paysans Si John Millington Synge choisit lrsquoanglo-irlandais pour ses piegraveces Nathalie Beacutecue

imagine une syntaxe et un vocabulaire reacutealisant le mecircme eacutequilibre entre langue orale aux

tournures populaires et envoleacutees des meacutetaphores pour sonder les cœurs des quatre

laquo taiseux raquo

Un quatuor qui fonctionne agrave merveille

copy Antonia Bozzi

La patte de Nathalie Beacutecue ajoute une vraie personnaliteacute agrave la piegravece de John Millington

Synge agrave tel point que tous les personnages ont un relief propre qui les rend attachants sans

les caricaturer pour autant Elle excelle aussi dans lrsquoincarnation sur scegravene de cette femme

drsquoacircge mucircr eacutetouffeacutee par la solitude et lrsquoattente perpeacutetuelle qui constitue son quotidien Elle

tient ainsi toute la tension de Bourrasque de son deacutebut agrave sa fin et ce dans une diction

parfaite drsquoun bout agrave lrsquoautre malgreacute tout ce que la langue du personnage peut avoir de

bourbeux Quant aux trois hommes qui lrsquoentourent Bourrasque leur offre une personnaliteacute

plus profonde que la piegravece du dramaturge irlandais Exploitant les ellipses du texte original

Nathalie Beacutecue imagine que la meacutelancolie de Dan Burke trouve sa source dans la violence qui

lrsquoa entoureacute degraves son enfance Elle choisit aussi de faire davantage parler le jeune berger

amant de lrsquoheacuteroiumlne un peu naiumlf et pas tregraves malin Sa candeur en vient agrave faire sourire avec

tendresse

Mais lrsquoun des personnages qui prend le plus drsquoampleur dans la piegravece est sans conteste celui

du vagabond que Nathalie Beacutecue imagine comme une sorte de chercheur drsquohistoires voyant

ainsi en lui un vague double de John Millington Synge qui a fait de la tradition et des contes

des icircles drsquoAran lrsquoune de ses quecirctes Ce personnage renoue ainsi avec la tradition orale du

reacutecit il rappelle ces aegravedes de la socieacuteteacute grecque antique qui allaient de palais en palais

chanter les reacutecits de leur connaissance Toute la deacutelicatesse dont fait preuve Philippe

Smith dans ce rocircle est remarquable

Un huis clos haletant

I

copy

Antonia Bozzi

Bourrasque reacuteussit avec brio agrave maintenir une tension forte tout au long de la piegravece Crsquoest

drsquoabord la tension qursquoil y a autour de ce deuil rendu angoissant par la preacutesence du mort sur

scegravene Crsquoest ensuite une fois que le laquo mort raquo a reacuteveacuteleacute sa supercherie au vagabond la tension

que ressent le spectateur qui attend que Dan Burke nrsquointervienne Crsquoest enfin la tension du

conflit conjugal qui explose et renverse la situation initiale La mise en scegravene de Feacutelix

Prader repose sur la simpliciteacute deacutecor rudimentaire pas de grands effets Et cela met

parfaitement en valeur la dimension relationnelle du drame

Cette tension dramatique est encore accentueacutee par la tempecircte inteacuterieure que traversent les

personnages notamment les deux eacutepoux Le monologue drsquoAlice qui ouvre la piegravece et la

longue explication que son mari offre au vagabond montrent les deux faces drsquoun couple en

crise dans lequel chacun-e ne voit plus que sa propre souffrance Ce trouble inteacuterieur et

cette forte tension eacutemotionnelle sont bien sucircr souligneacutes par les circonstances

meacuteteacuteorologiques on traverse avec les personnages une sorte de tempecircte ougrave le vent souffle

avec violence Nrsquoest-ce finalement pas cette terrible bourrasque qui trouble les esprits de

chacun Rien nrsquoest moins sucircr

Reacuteunir les deux eacutepoux et lrsquoamant confondu crsquoest un topos theacuteacirctral Mais la preacutesence de cet

inconnu que Nathalie Beacutecue place comme un observateur particulier puisqursquoon imagine que

le drame auquel il assiste pourra enrichir encore son livret de reacutecits est une belle reacuteussite

Eacutecoutant les deux eacutepoux puis prenant finalement place dans le drame en exerccedilant le recul

dont lui seul dans la piegravece est capable change la porteacutee de la piegravece et enrichit

consideacuterablement le triangle amoureux

Bulles de Culture vous recommande en tout cas vivement cette incursion en terre irlandaise

En savoir plus

bull Bourrasque de Nathalie Beacutecue mise en scegravene par Feacutelix Prader est joueacute au Theacuteacirctre de la

Tempecircte du 16 mars au 15 avril 2018

bull Bourrasque sera joueacute en 2018 au Centre culturel de Vitreacute le 20 avril sur la Scegravene nationale

de Bar-le-Duc le 17 mai et au Theacuteacirctre Montansier de Versailles le 25 mai

bull Dureacutee du spectacle 1h40

Actualiteacute theacuteacirctrale

Jusqursquoau 15 avril au Theacuteacirctre de la Tempecircte

laquo Bourrasque raquo mercredi 21 mars 2018

Par un soir de tempecircte dans une chaumiegravere isoleacutee Alice Burke veille son mari le rude et taiseux Dan Burke qui vient de mourir Il lui a interdit de toucher son corps apregraves sa mort exigeant que ce soit sa sœur qui srsquooccupe de la toilette mortuaire Mais celle-ci habite loin Alice craint la nuit et la tempecircte dans ce lieu isoleacute et ne peut le laisser seul Elle attend Deux hommes vont se preacutesenter agrave sa porte un eacutetranger qui parcourt les rudes collines des alentours pour laquo cueillir raquo les histoires qursquoon veut bien lui confier et un jeune berger peu expeacuterimenteacute qui vit un peu plus loin Avec ces deux hommes deux avenirs pourraient se dessiner le second seraient bien inteacuteresseacute par la femme et surtout les biens dont elle va heacuteriter le premier lui ouvre une sortie de son isolement et de nouveaux espaces La bourrasque qui hurle au dehors gagne aussi lrsquointeacuterieur de la chaumiegravere et bouscule tous les esprits

Nathalie Beacutecue a eacuteteacute seacuteduite par lrsquounivers du poegravete et dramaturge irlandais John Millingtone Synge et en particulier par ce livre Les Icircles Aran ougrave il a raconteacute ses rencontres avec les icircliens et les leacutegendes qursquoils lui ont conteacutees Crsquoest de lrsquoun de ses contes Lrsquoombre de la valleacutee qursquoelle srsquoest inspireacutee pour eacutecrire Bourrasque Apregraves lrsquoavoir vue dans Lrsquoapprentie sage-femme qursquoelle avait joueacutee en 2012 on comprend la continuiteacute de son travail Ce qui lrsquointeacuteresse ce sont ces destins de femmes dans les deux cas des paysannes qui cherchent leur voie et prennent la vie agrave bras le corps Dans son texte Nathalie Beacutecue a su faire entendre la sauvagerie de la nature le vent la pluie et la vie rude de ceux qui y habitent Elle a su aussi traduire les penseacutees tourmenteacutees des quatre personnages attribuant agrave John lrsquohomme qui cueille les histoires la deacutemarche de Synge lui-mecircme dans les Icircles drsquoAran

Dans la mise en scegravene de Feacutelix Prader on reste enfermeacute dans la chaumiegravere avec le mort assis ou couvert drsquoun drap et lrsquoexteacuterieur nrsquoapparaicirct qursquoinquieacutetant avec le bruit amplifieacute du vent ou des coups agrave la porte Seuls les hommes qui arrivent apportent lrsquoimage drsquoun ailleurs possible pour cette femme qui srsquoest laisseacutee enfermer dans la solitude au point drsquoecirctre obligeacutee de parler aux arbres

Nathalie Beacutecue en robe paysanne et petit gilet de laine bleue avec de gros bas de laine incarne Alice qui parle de sa vie avec cet eacutepoux taiseux porteacute sur le whisky Elle caresse la couverture de poils de chegravevre tout en parlant Calme elle dit qursquoaucun vivant ne lui a jamais fait peur crsquoest drsquoautre chose qursquoelle a peur puis soudain la colegravere lrsquoemporte quand elle pense agrave lrsquoennui de sa vie laquo fosse agrave chagrin mareacutecage de tristesse raquo et se dit qursquoelle a peut-ecirctre fait le mauvais choix en se condamnant agrave laquo regarder les saisons passer raquo Philippe Smith est John celui qui ramasse les histoires vagabond ceacuteleste qui amuse Alice avec un tour de magie lui donne les nouvelles de la valleacutee et surtout lui parle drsquoun ailleurs Theacuteo Chedeville est Michaeumll Dara le marin devenu berger Pierre-Alain Chapuis est Dan Burke le mort qui survit Il est puissant violent ravageacute par sa colegravere contre tous sa femme son pegravere mais aussi contre lui-mecircme On le sent deacutevoreacute par lrsquoamertume laquo bouffeacute par la tristesse raquo comme le dit Alice mais peut-ecirctre capable de rebondir loin de sa femme

On se laisse emporter par le reacutecit On est dans ces icircles irlandaises battues par le vent et la pluie et on rejoint John quand il dit laquo Apregraves des veilleacutees solitaires je peux dire que les gens drsquoici ne sont pas insignifiants raquo

Micheline Rousselet

Du mardi au samedi agrave 20h30 le dimanche agrave 16h30

Theacuteacirctre de La Tempecircte

Cartoucherie

Route du Champ-de-Manoeuvre 75012 Paris

Reacuteservations (partenariat Reacuteducrsquosnes tarifs reacuteduits aux syndiqueacutes Snes mais sur reacuteservation impeacuterative) 01 43 28 36 36

T H Eacute Acirc T R E

BOURRASQUE UN MAGNIFIQUE OBJET POEacuteTIQUE

ET INSPIREacute DANS LE MONDE AcircPRE ET SANS

CONCESSION DES TERRES DrsquoIRLANDE 19 MARS 2018

Reacutedigeacute par Sarah Franck

laquo Le cœur casseacute ccedila donne la vie grise raquo Quand la brume et le vent soufflent sur un monde sans avenir confit dans lrsquoeacutecoulement uniforme des jours une porte parfois srsquoentrouvre pour que change le cours des choseshellip

Un homme est mort ce soir assis dans son fauteuil Sa femme une femme de rien ou de si peu de chose heacutesite Il lui a interdit de toucher son cadavre et a jeteacute sur elle une maleacutediction au cas ougrave elle enfreindrait lrsquoordre Seule sa sœur aura le droit de le preacuteparer pour son dernier voyage Mais comment faire quand la nuit a pris des couleurs de noir drsquoencre que les nueacutees srsquoamassent que le tonnerre gronde qursquoelle a une tregraves longue route et qursquoelle est seule Il nrsquoest pas bon drsquoabandonner un mort agrave lui-mecircmehellip Dans ce lieu perdu du bout du monde ougrave ne trouvent guegravere agrave subsister que les moutons ougrave lrsquoacircpreteacute de la vie a jeteacute sur les ecirctres son voile de dureteacute ougrave ne semblent possibles que la violence des comportements et lrsquohostiliteacute ougrave lrsquoalcool est la solution ultime quotidienne pour triompher des aleacuteas un groupe heacuteteacuteroclite va peu agrave peu se rassembler

(c) Antonia Bozzi

Une arche de Noeacute de largueacutes du monde

Parmi les personnages perdus dans ce milieu de nulle part arrive drsquoabord un vagabond un cueilleur de mots un raconteur drsquohistoires qui cherche un havre pour la nuit Il voudrait simplement reposer ses pieds fatigueacutes de cheminot avant de reprendre la route Il y a lrsquoancien marin devenu eacuteleveur que la mort du mari arrange car il en guigne les terres pour faire paicirctre ses troupeaux Il y a elle la femme deacutevoueacutee dont on ne sait de quoi est fait son attachement au deacutefunt ndash amour en deacutepit de lrsquoindiffeacuterence qursquoil lui porte ennui drsquoun mariage accepteacute pour la seacutecuriteacute qursquoil donne reacutesignation devant les vexations subies Et puis il y a ce mort qui srsquoavegraverera bien vivant au moment ougrave srsquoopegravere le partage des deacutepouilles et dont lrsquohistoire a la violence et linceste pour cortegravegehellip

Ce sont lagrave des perdus eacutegareacutes sans lrsquoavoir choisi prenant racine lagrave ougrave on les a planteacutes Massifs taiseux Vivent-ils Peut-ecirctre le cheminot qui erre agrave lrsquoaventure est-il le seul agrave savoir ougrave il va ce saltimbanque ce poegravete qui donne agrave voir un ailleurs agrave respirer lrsquoodeur du vent et les senteurs venues de contreacutees lointaines Peut-ecirctre ne sont-ils pas agrave leur place mais ont-ils une place Le preacutesent est leur futur leur avenir leur eacuteterniteacute Ils portent leur brume en eux cette compagne des sortilegraveges et des superstitions qui leur colle agrave la peau Ils ont cette eacutepaisseur de la matiegravere brute cette preacutesence obstineacutee de ceux qui ne savent qursquoecirctre

(c) Antonia Bozzi

Lrsquoespace de la parole

Dans ce huis clos deacutelimiteacute par une table dans un coin une banquette sur laquelle est assis immobile le mari et une commode il nrsquoy a pas drsquoeacutechappatoire Le lieu est agrave lrsquoimage de leur existence refermeacute sur lui-mecircme Alors il ne leur reste que la parole pour briser lrsquoenfermement Une parole difficile Les mots buttent dans leur gorge ils sortent contraints rentreacutes et de trop de retenue se heurtent et srsquoentrechoquent avec de brusques flambeacutees de violence se deacuteversent tels des crachats agrave la figure de lrsquoautre Crsquoest un trop-plein qui deacuteferle pour trouver le chemin de la conscience et qui les met en face drsquoeux-mecircmes et de leur reacutealiteacute Apregraves il nrsquoy aura plus de retour en arriegravere possible et chacun devra trouver lrsquoissue qui lui convient

Ils ont ce parler fruste mais imageacute des paysans laquo ccedila crsquoest sucircr raquo qui offre une transposition bretonne agrave lrsquoanglo-irlandais du texte original Un mecircme fondement celtique court dans ces deux reacutegions que rassemblent la culture et les paysages et ougrave souffle un vent laquo agrave reacuteveiller les disparus les esprits malins ou les feacutees tordues raquo Les noms de lieux aux consonances eacutetranges chantent une poeacutesie de lrsquoailleurs qursquoaccompagne celle du deacutesespoir de ces eacutecorcheacutes de la vie laquo Crsquoest comme ccedila le bout du chemin de ceux de sa sorte Les deacutevoreacutes drsquoangoisse les rongeacutes de tristesse raquo Les mots disent leur deacutetresse Leur barbe laquo on dirait deacutejagrave du poil de moisissure raquo Lrsquounivers laquo des milliards de milliards de masses solaires qui tournoient en spirale jusqursquoagrave ecirctre happeacutees aspireacutees au centre de lrsquoinconnu du trou noir [hellip] une eacutenorme densiteacute de creacuteation ou une absence de creacuteation Du trop-plein au vide raquo agrave lrsquoimage de leur vie qui laquo se deacuteficelle raquo se deacutecompose se deacutesintegravegrehellip

Entre Synge et Nathalie Beacutecue

De lrsquoOmbre de la valleacutee de John Millington Synge ndash compatriote de Joyce Yeats et Beckett et fervent deacutefenseur du renouveau de la culture irlandaise ndash Nathalie Beacutecue reprend la situation de ce mort laquo ressusciteacute raquo tout en modifiant les enjeux et la porteacutee de lrsquohistoire Elle fait du chemineau une incarnation du poegravete Elle reprend dans lrsquoesprit ce parler si particulier qui inverse lrsquoordre des mots pour placer dans une phrase lrsquoimportant devant On y retrouve le mecircme souci de rendre leurs lettres de noblesse agrave ceux qui sont sans-grade placeacutes agrave lrsquoeacutecart en marge mais portent en eux une veacuteriteacute immeacutemoriale qui les deacutepasse Ces hommes et ces femmes qui ne savent pas parler une laquo belle raquo langue au sens classique sont pleins habiteacutes possesseurs drsquoun treacutesor qursquoil nous est donneacute de reconnaicirctre Dans sa laquo variation raquo Nathalie

Beacutecue insuffle sa propre vision de cette laquo veacuteriteacute raquo populaire peupleacutee de croyances et de leacutegendes et met ses personnages en face de choix qui les font progresser et grandir

(c) Antonia Bozzi

Un magnifique travail drsquoacteur

Ce qui frappe enfin crsquoest lrsquointerpreacutetation laquo millimeacutetreacutee raquo des comeacutediens Car enfin crsquoest sur eux que repose ce spectacle ougrave il ne se passe rien ou presque durant deux heures Pas de quiproquo ni de comique de situation Pas de trageacutedie au-delagrave de lrsquoagressiviteacute et des altercations Ni trop ni trop peu mecircme si lrsquoon alterne chuchotements et cris Ils sont tout en retenues briseacutees quand les digues lacircchent en heacutesitations en mots esquisseacutes en gestes inaboutis ou semi-dissimuleacutes en mimiques fugaces Ils disent comme en srsquoexcusant heacutesitent agrave srsquoimposer reacutevegravelent les failles avec beaucoup de finesse La minutie avec laquelle la gestuelle campe les personnages donne au spectacle une justesse qursquoon voit rarement au theacuteacirctre

On srsquoeacutemeut drsquoentendre eacutevoquer les myriades drsquoeacutetoiles comme autant drsquoesprits des morts flottant autour de nous on partage la fatigue des marches de montagne plongeacutees dans une brume eacutepaisse et hostile la difficulteacute de ces laquo nuits noires agrave en appeler agrave la clarteacute des eacutetoiles raquo Et puis on rit car ils sont des hommes avec leurs petits travers leurs lacirccheteacutes et leurs peurs ces errants agrave la deacuterive qui srsquoeacutegarent avec magnificence et nous ressemblent tant Au-delagrave du texte et de sa beauteacute crsquoest agrave une merveilleuse leccedilon drsquohumaniteacute que nous convie ce spectacle

Bourrasque de Nathalie Beacutecue librement inspireacute de lrsquoOmbre du vent de John Millington Synge (eacuted franccedilaise Actes Sud)

Mise en scegravene Feacutelix Prader

Avec Nathalie Beacutecue Pierre-Alain Chapuis Theacuteo Chedeville Philippe Smith (le poegravete)

Theacuteacirctre de la Tempecircte Cartoucherie de Vincennes Route du Champ de Mars ndash 75012 Paris

Du 16 mars 2018 au 15 avril du mardi au samedi agrave 20h30 le dimanche agrave 17h30

Teacutel 01 43 28 36 36 Site wwwla-tempetefr

Bourrasque au Theacuteacirctre de La Tempecircte

Publieacute par Michel Jakubowicz le 26 mars 2018 Publieacute dans Tendance - Fashion

Theacuteacirctre de la Tempecircte Cartoucherie Rte du Champ-de-Manœuvre 75012 Paris

Repreacutesentations du 16 mars au 15 avril 2018

httpswwwla-tempetefr

BOURRASQUE

Variation sur lrsquoOmbre de la valleacutee de JM Synge

de Nathalie Beacutecue

mise en scegravene Feacutelix Prader

avec

Nathalie Beacutecue (Alice Burke)

Pierre-Alain Chapuis (Daniel Burke)

Theacuteo Chedeville (Michaeumll Dara)

Philippe Smith (John)

Nathalie Beacutecue auteure de Bourrasque avoue srsquoecirctre inspireacutee du poegravete et dramaturge John

Millington Synge Feacutelix Prader agrave partir du texte de Nathalie Beacutecue va srsquoefforcer de recreacuteer

lrsquoambiance eacutetrange chaotique effrayante qui sourd de ce texte Il va en quelque sorte donner

corps agrave une histoire ougrave semble rocircder une ambiance agrave la limite du fantastique et mettre en lumiegravere

les comportements presque forceneacutes brutaux impreacutevisibles des personnages qursquoun hasard

apparemment faceacutetieux (ou malfaisant) a reacuteunis dans une chaumiegravere perdue de la lande irlandaise

battue par la tempecircte Il faut dire que la piegravece se deacuteroule dans un contexte peu banal presque

terrifiant puisqursquoune femme seule soliloque en srsquoadressant agrave un cosmos aveugle et infini bourreacute

de trous noirs insondables et mortels La femme semble prendre agrave teacutemoin un homme immobile

ne bougeant pas drsquoun cil et dont la raideur semble vaguement indiquer qursquoil est peut-ecirctre passeacute

de vie agrave treacutepas ou qursquoil feint deacutelibeacutereacutement lrsquoindiffeacuterence absolue face aux propos tenus par la

femme Les choses pourraient en rester lagrave mais soudainement surgi du cœur de la tempecircte qui se

deacutechaicircne agrave lrsquoexteacuterieur un inconnu reacuteclame avec insistance malgreacute lrsquohostiliteacute de la femme agrave

srsquoabriter dans la chaumiegravere

A partir de lrsquointrusion de cet eacutetranger lrsquoaction va soudainement srsquoacceacuteleacuterer et le reacutecit srsquoorienter

sans deacutelai vers lrsquoabsurde le fantastique lrsquoinattendu Le reacutecit bascule apparemment vers

lrsquoirrationnel mais en terre irlandaise il semble agrave lrsquoeacutevidence que les apparences ne sont pas

forceacutement conformes agrave la reacutealiteacute et la suite du reacutecit de Nathalie Beacutecue srsquoinspirant de John

Millington Synge ne fera que rendre encore plus creacutedible cette impression

La mise en scegravene de Feacutelix Prader reconstitue avec une sorte de preacutecision presque surnaturelle

eacutetonnante cette campagne irlandaise drsquoougrave nrsquoimporte quels fantocircmes peuvent impuneacutement surgir

de la nuit Jusqursquoau bout drsquoune nuit interminable peupleacutee de terreurs sans noms cette assembleacutee

de personnages subira jusqursquoau bout un destin fait drsquoincertitude balanccedilant constamment entre

espoir et deacutesespeacuterance Lrsquointerpreacutetation est remarquable en particulier celle de Nathalie Beacutecue

incarnant avec beaucoup drsquoacircpreteacute de passion le rocircle drsquoAlice Burke Mais les trois autres

protagonistes masculins sont eacutegalement parfaits donnant agrave leurs personnages respectifs toute

lrsquoeacutepaisseur psychologique deacutesireacutee Un spectacle prenant qui reacutevegravele dans toute sa profondeur

lrsquoacircme irlandaise

Michel Jakubowicz

LE BRUITDUOFF TRIBUNE

LES SCENES ACTUELLES SANS TABOU NI TROMPETTES

CRITIQUE laquo Bourrasque raquo variation sur Lrsquoombre de la valleacutee de JM Synge de Nathalie Beacutecue mis en scegravene par Feacutelix Prader avec Nathalie Beacutecue Pierre-Alain Chapuis Theacuteo Chedeville et Philippe Smith Au Theacuteacirctre de la Tempecircte salle Copi jusqursquoau 15 avril du mardi au samedi agrave 20h30 dimanche agrave 16h30

Crsquoest lrsquoun des plus beaux textes de la saison Nathalie Beacutecue a adapteacute les peacutereacutegrinations de Synge avec amour infleacutechissant ses rugositeacutes irlandaises drsquoune ardeur feacutebrile

laquo Bourrasque raquo crsquoest la poeacutesie cosmique descendue sur lrsquoeacutepure drsquoun verbe aussi vieux que les icircles drsquoAran qui lrsquoabritent laquo Bourrasque raquo crsquoest la meacutetaphysique de la bergegravere Srsquoeacutelegraveve une litanie vibrante adresseacutee aux eacutetoiles pour cet laquo ougrave suis-je raquo qui preacutecegravede le laquo qui suis-je raquo pour le trou noir la masse la poussiegravere lrsquoengloutissement la disparition lrsquoinconnu la creacuteation sa densiteacute son absence le trop plein le videhellip Le vertige drsquoAlice Burke un soir de tempecircte est celui drsquoun cœur simple dans le langage du monde Lrsquoespace drsquoun entre-lumiegravere avant lrsquoextinction de la salle Nathalie Beacutecue ample vibrante ancreacutee et tendue vers des ciels invisibles livre une formidable deacutemonstration de sa maicirctrise de lrsquoabandon

Encore aux prises avec ce jaillissement drsquoecirctre brut et pur il nous faut quelques battements de cœur pour lrsquohabituer aux ombres de la scegravene peacuteneacutetrer le deuil terrestre drsquoAlice Burke et investir sa maison de pierre tandis que laquo perdu ailleurs raquo le vent se legraveve Les yeux pleins drsquoorage et la voix blanche elle embarque les acircmes qursquoelle a tendues vers elle laquo Je suis en colegravere tellement je suis triste raquo

Daniel Burke le fermier sans meacutetaphysique le fermier malheureux srsquoest figeacute lagrave dans une mort subite et inviolable et sa veuve saisie de solitude et figeacutee depuis cent ans voit sa laquo vie grise raquo deacutechireacutee par laquo la grande trouille raquo La trouille de quoi Car la mort toute proche incarneacutee dans la deacutepouille de son mari immobile ne lrsquoeffraye pas Crsquoest une femme des montagnes qui croit aux fantocircmes et qui ne les craint pas

Est-ce un fantocircme qui franchit son seuil dans lrsquoorage pour mettre son errance et son immense laquo dehors raquo dans lrsquoespace sans projet ougrave elle vit confineacutee John mucirc par le timbre envoucirctant de Philippe Smith est un porteur drsquohistoires venu reacutecolter quelques miettes au foyer de la derniegravere maison allumeacutee sur les chemins rocheux drsquoAran Quand Alice Burke laisse son hocircte dans cette eacutetrange veilleacutee et que Dan Burke se redresse bien vivant et saoul crsquoest toute une vie de spectateur qui vacille agrave son tour John pourra-t-il refuser drsquoecirctre acteur de cette histoire-lagrave

Pierre-Alain Chapuis est un Dan Burke massif en corps et en ecirctre plein de passeacute de rancœur et de lrsquoeacutepaisse rusticiteacute que les silences ont tanneacutee sur sa peau et sa voix Quatriegraveme entreacutee en scegravene la jeunesse vacillante de Theacuteo Chedeville precircte ses fougues agrave Michaeumll Dara le marin en quecircte de reacuteconciliation avec la terre qui cherche agrave ecirctre au sol et treacutepigne dans la valleacutee encore la tecircte agrave moitieacute immergeacutee des recircves drsquoavant les recircves enterreacutes de large et de houle La paix est-elle plus haut dans la montagne

La mise en scegravene de Feacutelix Prader attentive aux eacuteclats de verbe sublimeacutes par les voix de Beacutecue Chapuis Chedeville et Smith est un effacement une ombre pour que la poeacutesie eacuteclaire Il veut saisir le preacutesent et la preacutesence eacutenorme des protagonistes dans la suspension du temps du theacuteacirctre Sa scegravene se deacutepare du moindre artifice se fait couloir pour lrsquoeacutemotion de cette parole vitale qui balaye le silence effareacute du spectateur srsquooublie dans une pudeur parfaite Jrsquoentends encore la voix pleine et rocailleuse de Beacutecue la Burke souffler la bourrasque laquo Jrsquoai trop la trouille pour pas y aller raquo

Drsquoun eacutelan vital et poeacutetique elle engloutit le motif radical de la mort

Marguerite Dornier

DU 1603 AU 15042018 AU THEacuteAcircTRE DE LA TEMPEcircTE | DUREacuteE 1H40 |

Librement adapteacute de la piegravece en un acte de John M Synge laquo Lrsquoombre dans la Valleacutee raquo Bourrasque fait preuve drsquoune sagaciteacute deacuteroutante dans une ambiance drsquoinsulaires superstitieux Situation macabre regraveglements de comptes conjugaux reacutecits de voyages et art du vagabondagehellip lrsquoIrlande et son hors-champ drsquoimmensiteacute montagneuse et orageuse nous submergent alors que de grandes deacutecisions se prennent dans la petite chaumiegravere drsquoAlice Burke indigneacutee par la mort foudroyante de son mari Dan qursquoelle ne peut toucher sous peine drsquoecirctre maudite

De par la traduction drsquoun gaeacutelique transposeacute dans du franccedilais paysan aux consonances lyriques et lrsquointerpreacutetation de ce tregraves beau et talentueux quatuor de comeacutediens le folklore celte est tout agrave fait plausible voire palpable et propage son caractegravere sacreacute Bourrasque est un deacutelice drsquohumour peut ecirctre un tantinet pessimiste mais surtout pittoresque et poeacutetique

Eloiumlse Dandoy

jeudi 22 mars 2018

Bourrasque de Nathalie Beacutecue

Bourrasque est un de ces spectacles dont on mesure la chance quils existent Parce que Nathalie Beacutecue a fait un travail deacutecriture tregraves reacuteussi librement adapteacute de la piegravece LrsquoOmbre de la valleacutee en reprenant lrsquoargument tout en modifiant les enjeux et la porteacutee Elle place le spectateur au plus pregraves de latmosphegravere poeacutetique qui a impreacutegneacute lIrlande que John Millington Synge (1871-1909) nous a fait deacutecouvrir au XIXdeg siegravecle et qui est encore tregraves vivante gracircce agrave la moderniteacute de la mise en scegravene de Feacutelix Prader La distribution est habile avec Nathalie Beacutecue qui interpregravete Alice Burke et trois autres comeacutediens Pierre-Alain Chapuis (Daniel Burke) Theacuteo Chedeville (Michaeumll Dara) et Philippe Smith (John) tous diffeacuterents qui permettent dapporter des points de vue parfois deacuteroutants maintenant le spectateur quasiment en haleine comme sil eacutetait au coeur dun thriller Le caractegravere primitif de la vie sociale si particuliegravere des icircles drsquoAran en deviendrait presque normal dans un deacutecor rustique simple et familier

Par un soir de violente tempecircte que lon entendra rugir derriegravere la verriegravere Alice Burke veille son mari deacutefunt lrsquoacircpre et ombrageux fermier Dan Burke comme le veut la coutume dans cette contreacutee reculeacutee Silence dans la chaumiegravere isoleacutee quand agrave la porte frappe un inconnu nomade des collines cueilleur drsquohistoires (Synge) qui ravive dans lrsquoacircme dAlice la soif drsquoun ailleurs Un autre homme bouscule les certitudes dAlice Michaeumll Dara le marin devenu berger qui vit agrave quelques lieues et convoite agrave la fois les biens et la femmethinsp Et si soudain srsquoeacuteveillait le deacutefunt chahutant les vivants que ferait Alicethinsp

Le mort est sur scegravene muet cela va sans dire mais bien preacutesent tout de mecircme Sa femme lui rend hommage malgreacute les cahots qui ont chahuteacute sa vie Cest une femme simple qui a les pieds sur terre capable dun brin de fantaisie que lon remarque dans le point de tricot du gilet quelle porte sur une robe bleu marine Sans doute reacutealiseacute avec la laine de ses moutons Les paroles se bousculent au rythme des souvenirs et agrave la mesure des angoisses qui lassaillent comme des ressentiments quelle exprime toute seule La tempecircte qui agite son esprit est semblable agrave celle qui souffle au dehors Elle reconnait quelle ne sait plus ougrave elle en est et sassoit pregraves de celui qui fut son homme Chaque mort serait une eacutetoile qui scintille dans le ciel Au-delagrave de cette jolie image Alice est confronteacutee agrave labsence de deux beaux enfants partis aux Ameacuteriques et aujourdrsquohui un mari qui part et agrave qui elle parle comme sil eacutetait vivant et comme elle ne lui a sans doute jamais parleacute parce que jusque-lagrave elle nosait pas Tout bascule ccedila vrille comment crsquoest possible possible je suis en colegravere

Elle refuse puis accueille la reacutealiteacute et lhomme eacutetranger qui explique sa fonction je cueille des mots Et qui fait davantage en analysant les eacutevegravenements Cest lui qui le premier a un doute Il est mort votre copain On dirait qursquoil fait le mort Si effectivement la mort neacutetait quune ruse pour permettre de deacutebusquer la veacuteriteacute vraie agrave linstar dOrgon cacheacute sous la nappe pour confondre Tartuffe

La langue choisie par Nathalie Beacutecue est preacutecise poeacutetique et feacuteroce Si je deacutesentortille votre charabia Jrsquoai trop la trouille pour pas y aller avant de se deacutecider agrave deacuterouler ses recircves sous ses pas

Faisons-nous aussi le pas pour ne pas louper ce petit bijou qui se joue au theacuteacirctre de la Tempecircte jusquau 15 avril 2018

Bourrasque de Nathalie Beacutecue Mise en scegravene Feacutelix Prader Avec Nathalie Beacutecue (Alice Burke) Pierre-Alain Chapuis (Daniel Burke) Theacuteo Chedeville (Michaeumll Dara) Philippe Smith (John) Sceacutenographie et costumes Ceacutecilia Galli Creacuteation sonore Estelle Lembert Direction des combats Franccedilois Rostain Du 16 mars au 15 avril 2018 Du mardi au samedi 20 h 30 dimanche 16 h 30 Les photos qui ne sont pas logotypeacutees A bride abattue sont de Antonia Bozzi Publieacute par marie-claire agrave 2335 Envoyer par e-mailBlogThisPartager sur TwitterPartager sur FacebookPartager sur Pinterest Libelleacutes coup de coeur spectacle theacuteacirctre

critiquetheatreclaucom

17 Mars 2018

ABOZZI

Bourrasque jusqursquoau 1504 th de La tempecircte

Mouvance de la destineacutee

De Nathalie Beacutecue inspireacute de lrsquoœuvre de John Millington Synge dramaturge irlandais 1871- 1909Mise en scegravene Feacutelix Prader

Au premier instant nous nous sommes happeacutes par un merveilleux poegraveme invoquant le chagrin des ecirctres perdus la solitude la deacutetresse la tristesse les regrets

laquo Pourquoi jrsquoai reccedilu cette vie Au lieu drsquoattraper lrsquoair transparent dans le bleu du cielhelliphellip Rester lagrave agrave attendre la Balayure du soir raquo

Une atmosphegravere de conte de poeacutesie et de mystegravere nous enveloppe

Un jour de grande tempecircte au plus profond de la campagne irlandaise nous peacuteneacutetrons dans une sobre demeure Il va se deacuterouler sous nos yeux pleins drsquoeacutetonnement un conte tragi-comique

Les personnages sont hauts en couleur

Un paysan Daniel Burke rustre et srsquoabreuvant de whisky pour oublier sa peur et la tristesse de la vie simule sa mort pour espionner sa femme

Alice soumise agrave sa condition se questionne sur sa vie passeacutee et agrave venir Tout en veillant son deacutefunt mari

John marcheur solitaire poegravete eacutecrivain et avide de liberteacute eacutecoutant et observant le monde arrive agrave lrsquoimproviste dans cette demeure

Michaeumll ancien marin devenu berger est un eacutetranger dans cette campagne isoleacutee Il va convoiter Alice pour srsquointeacutegrer dans ce monde hostile

Tous ses personnages vont se reacuteveacuteler nous raconter leur histoire parfois tragique parfois cocasse

Que veulent-ils devenir Prendront-ils leur destineacutee en main

Nous deacutecouvrons le sens de la fecircte les rites et coutumes funeacuteraires de la campagne irlandaise Nous ressentons lrsquoisolement de ses contreacutees la vie rude et solitaire de ses habitants ainsi que le climat rigoureux et froid

Crsquoest agrave la fois violent et tendre eacutemouvant et burlesque

Les comeacutediens nous eacutemeuvent et nous transpercent le cœur

Avec Alice Nathalie Beacutecue nous bouleverse

Daniel Pierre-Alain Chapuis bourru et tendre nous attendri

John Philippe Smith eacuteleacutegant et serein nous seacuteduit

Sans oublier Theacuteo Chedeville touchant dans le rocircle du jeune berger Michaeumll

Page 17: BOURRASQUE - Théâtre Montansier · 2018. 5. 7. · composé Bourrasque, que Félix Prader met en scène avec igueu (1). Synge affimait u’au théâtre, « il faut du réel, il

John le vagabond recueilli ce soir de bourrasque sorte drsquoaegravede qui parcoure les villages et se nourrit des morceaux de vie des autres notant ses observations se payant drsquoaumocircnes apportera agrave Alice les lumiegraveres du deacutesir drsquoailleurs Michaeumll Dara le jeune berger du voisinage venu lui aussi pour se proteacuteger de la bourrasque semble porter avec lui les plaisirs et les espeacuterances attendus inavoueacutes ou peut-ecirctre assouvis par Alice Daniel Burke le mari mort ou vivant fantocircme de lui-mecircme erre vocifegravere eacuteructe ses souffrances cacheacutees derriegravere sa violence qui le blesse autant qursquoil voudrait blesser nous montrant un paysan qui nrsquoa connu que sa famille enfant ou adulte pour tout environnement humain Joue-t-il avec la mort qui revient pour hanter la veilleacutee ou est-il lrsquoecirctre hirsute perdu agrave jamais dans ses illusions et ses souffrances dans ses remords et ses souvenirs qui le rongent tant qursquoil se confond dans la mort comme dans la vie On ne sait pas on ne sait plus Nous sommes trop eacuteblouis pour bien voir qui il est nous sommes trop toucheacutes pour savoir ougrave nous sommes vraiment La mise en scegravene de Feacutelix Prader feutre le reacutecit le meacutelange aux jeux avec adresse et fluiditeacute Les mondes se juxtaposent on nrsquoa rien vu venir La distribution est brillante Theacuteo Chedeville et Philippe Smith sont justes et convaincants Natalie Beacutecue est lumineuse et eacutemouvante Pierre-Alain Chapuis comme drsquohabitude nous surprend Il deacutegage une puissance de jeu qui donne agrave son personnage tout le trouble et la cassure qui conviennent Il est splendide et touchant Un spectacle sublime et tregraves prenant agrave lrsquoeacutecriture eacutetonnante et captivante aux jeux drsquoun brio stupeacutefiant Un tregraves grand moment de theacuteacirctre A voir absolument Drsquoapregraves les œuvres de John Millington Synge Variation sur The shadow of the Glen Eacutecriture de Nathalie Beacutecue Mise en scegravene de Feacutelix Prader Sceacutenographie et costumes de Ceacutecilia Galli Son de Estelle Lembert Lumiegraveres de Thibault Gaigneux Collaboration artistique de Aureacutelia Guillet Direction des combats de Franccedilois Rostain

Avec Nathalie Beacutecue Pierre-Alain Chapuis Theacuteo Chedeville et Philippe Smith

Du mardi au samedi agrave 20h30 et le dimanche agrave 16h30

Cartoucherie route du Champ de Manoeuvre Paris 12egraveme

0143283636 wwwla-tempetefr

- Photo copy Antonia Bozzi -

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Accueil SPECTACLES [Critique] laquo Bourrasque raquo par Feacutelix Prader Une bouffeacutee drsquoIrlande

copy Antonia Bozzi

[Critique] laquo Bourrasque raquo par Feacutelix Prader Une bouffeacutee drsquoIrlande Morgane P 2018-03-28

Le Theacuteacirctre de la Tempecircte preacutesente Bourrasque une piegravece de theacuteacirctre de Nathalie Beacutecue

mise en scegravene par Feacutelix Prader Une incursion meacutelancolique et amegravere en terre irlandaise

Lrsquoavis de Bulles de Culture qui eacutetait agrave la premiegravere de la piegravece

Synopsis

Alice Burke (Nathalie Beacutecue) veille son mari Dan Burke (Pierre-Alain Chapuis) qui vient de

mourir quand survient un vagabond (Philippe Smith) qui demande asile pour la nuit Il faut

preacutevenir Michael Dara (Theacuteo Chedeville) jeune berger des alentours afin qursquoil aille annoncer

la nouvelle en ville Mais voilagrave que le mort se redresse et qursquoil a encore des choses agrave direhellip

Bourrasque Une belle reacuteeacutecriture drsquoapregraves John Millington Synge

copy Antonia Bozzi

Crsquoest la piegravece LrsquoOmbre de la valleacutee du dramaturge irlandais John Millington Synge qui est agrave

lrsquoorigine de Bourrasque De cette petite piegravece en un acte lrsquoauteure et comeacutedienne Nathalie

Beacutecue fait la colonne verteacutebrale du spectacle un drame noueacute autour de quatre

personnages dont lrsquoun mime sa mort pour prendre son eacutepouse en faute Reprenant agrave la

lettre le texte de lrsquoauteur irlandais Nathalie Beacutecue lrsquoeacutetoffe toutefois afin drsquoimaginer le

parcours personnel eacutemotionnel de chacun des quatre personnages Lrsquointeacutegration de son

eacutecriture agrave la piegravece de John Millington Synge est parfaite en ce qursquoelle deacutepeint le quotidien

meacutelancolique et maussade de ces Irlandais isoleacutes agrave lrsquoeacutecart du monde comme prisonniers de

la tourbe qui les entoure

Le phraseacute que Nathalie Beacutecue choisit pour Bourrasque est aussi une retranscription fidegravele du

style du dramaturge une langue agrave la fois racircpeuse et poeacutetique peacutetrie de la reacutealiteacute de ces

paysans Si John Millington Synge choisit lrsquoanglo-irlandais pour ses piegraveces Nathalie Beacutecue

imagine une syntaxe et un vocabulaire reacutealisant le mecircme eacutequilibre entre langue orale aux

tournures populaires et envoleacutees des meacutetaphores pour sonder les cœurs des quatre

laquo taiseux raquo

Un quatuor qui fonctionne agrave merveille

copy Antonia Bozzi

La patte de Nathalie Beacutecue ajoute une vraie personnaliteacute agrave la piegravece de John Millington

Synge agrave tel point que tous les personnages ont un relief propre qui les rend attachants sans

les caricaturer pour autant Elle excelle aussi dans lrsquoincarnation sur scegravene de cette femme

drsquoacircge mucircr eacutetouffeacutee par la solitude et lrsquoattente perpeacutetuelle qui constitue son quotidien Elle

tient ainsi toute la tension de Bourrasque de son deacutebut agrave sa fin et ce dans une diction

parfaite drsquoun bout agrave lrsquoautre malgreacute tout ce que la langue du personnage peut avoir de

bourbeux Quant aux trois hommes qui lrsquoentourent Bourrasque leur offre une personnaliteacute

plus profonde que la piegravece du dramaturge irlandais Exploitant les ellipses du texte original

Nathalie Beacutecue imagine que la meacutelancolie de Dan Burke trouve sa source dans la violence qui

lrsquoa entoureacute degraves son enfance Elle choisit aussi de faire davantage parler le jeune berger

amant de lrsquoheacuteroiumlne un peu naiumlf et pas tregraves malin Sa candeur en vient agrave faire sourire avec

tendresse

Mais lrsquoun des personnages qui prend le plus drsquoampleur dans la piegravece est sans conteste celui

du vagabond que Nathalie Beacutecue imagine comme une sorte de chercheur drsquohistoires voyant

ainsi en lui un vague double de John Millington Synge qui a fait de la tradition et des contes

des icircles drsquoAran lrsquoune de ses quecirctes Ce personnage renoue ainsi avec la tradition orale du

reacutecit il rappelle ces aegravedes de la socieacuteteacute grecque antique qui allaient de palais en palais

chanter les reacutecits de leur connaissance Toute la deacutelicatesse dont fait preuve Philippe

Smith dans ce rocircle est remarquable

Un huis clos haletant

I

copy

Antonia Bozzi

Bourrasque reacuteussit avec brio agrave maintenir une tension forte tout au long de la piegravece Crsquoest

drsquoabord la tension qursquoil y a autour de ce deuil rendu angoissant par la preacutesence du mort sur

scegravene Crsquoest ensuite une fois que le laquo mort raquo a reacuteveacuteleacute sa supercherie au vagabond la tension

que ressent le spectateur qui attend que Dan Burke nrsquointervienne Crsquoest enfin la tension du

conflit conjugal qui explose et renverse la situation initiale La mise en scegravene de Feacutelix

Prader repose sur la simpliciteacute deacutecor rudimentaire pas de grands effets Et cela met

parfaitement en valeur la dimension relationnelle du drame

Cette tension dramatique est encore accentueacutee par la tempecircte inteacuterieure que traversent les

personnages notamment les deux eacutepoux Le monologue drsquoAlice qui ouvre la piegravece et la

longue explication que son mari offre au vagabond montrent les deux faces drsquoun couple en

crise dans lequel chacun-e ne voit plus que sa propre souffrance Ce trouble inteacuterieur et

cette forte tension eacutemotionnelle sont bien sucircr souligneacutes par les circonstances

meacuteteacuteorologiques on traverse avec les personnages une sorte de tempecircte ougrave le vent souffle

avec violence Nrsquoest-ce finalement pas cette terrible bourrasque qui trouble les esprits de

chacun Rien nrsquoest moins sucircr

Reacuteunir les deux eacutepoux et lrsquoamant confondu crsquoest un topos theacuteacirctral Mais la preacutesence de cet

inconnu que Nathalie Beacutecue place comme un observateur particulier puisqursquoon imagine que

le drame auquel il assiste pourra enrichir encore son livret de reacutecits est une belle reacuteussite

Eacutecoutant les deux eacutepoux puis prenant finalement place dans le drame en exerccedilant le recul

dont lui seul dans la piegravece est capable change la porteacutee de la piegravece et enrichit

consideacuterablement le triangle amoureux

Bulles de Culture vous recommande en tout cas vivement cette incursion en terre irlandaise

En savoir plus

bull Bourrasque de Nathalie Beacutecue mise en scegravene par Feacutelix Prader est joueacute au Theacuteacirctre de la

Tempecircte du 16 mars au 15 avril 2018

bull Bourrasque sera joueacute en 2018 au Centre culturel de Vitreacute le 20 avril sur la Scegravene nationale

de Bar-le-Duc le 17 mai et au Theacuteacirctre Montansier de Versailles le 25 mai

bull Dureacutee du spectacle 1h40

Actualiteacute theacuteacirctrale

Jusqursquoau 15 avril au Theacuteacirctre de la Tempecircte

laquo Bourrasque raquo mercredi 21 mars 2018

Par un soir de tempecircte dans une chaumiegravere isoleacutee Alice Burke veille son mari le rude et taiseux Dan Burke qui vient de mourir Il lui a interdit de toucher son corps apregraves sa mort exigeant que ce soit sa sœur qui srsquooccupe de la toilette mortuaire Mais celle-ci habite loin Alice craint la nuit et la tempecircte dans ce lieu isoleacute et ne peut le laisser seul Elle attend Deux hommes vont se preacutesenter agrave sa porte un eacutetranger qui parcourt les rudes collines des alentours pour laquo cueillir raquo les histoires qursquoon veut bien lui confier et un jeune berger peu expeacuterimenteacute qui vit un peu plus loin Avec ces deux hommes deux avenirs pourraient se dessiner le second seraient bien inteacuteresseacute par la femme et surtout les biens dont elle va heacuteriter le premier lui ouvre une sortie de son isolement et de nouveaux espaces La bourrasque qui hurle au dehors gagne aussi lrsquointeacuterieur de la chaumiegravere et bouscule tous les esprits

Nathalie Beacutecue a eacuteteacute seacuteduite par lrsquounivers du poegravete et dramaturge irlandais John Millingtone Synge et en particulier par ce livre Les Icircles Aran ougrave il a raconteacute ses rencontres avec les icircliens et les leacutegendes qursquoils lui ont conteacutees Crsquoest de lrsquoun de ses contes Lrsquoombre de la valleacutee qursquoelle srsquoest inspireacutee pour eacutecrire Bourrasque Apregraves lrsquoavoir vue dans Lrsquoapprentie sage-femme qursquoelle avait joueacutee en 2012 on comprend la continuiteacute de son travail Ce qui lrsquointeacuteresse ce sont ces destins de femmes dans les deux cas des paysannes qui cherchent leur voie et prennent la vie agrave bras le corps Dans son texte Nathalie Beacutecue a su faire entendre la sauvagerie de la nature le vent la pluie et la vie rude de ceux qui y habitent Elle a su aussi traduire les penseacutees tourmenteacutees des quatre personnages attribuant agrave John lrsquohomme qui cueille les histoires la deacutemarche de Synge lui-mecircme dans les Icircles drsquoAran

Dans la mise en scegravene de Feacutelix Prader on reste enfermeacute dans la chaumiegravere avec le mort assis ou couvert drsquoun drap et lrsquoexteacuterieur nrsquoapparaicirct qursquoinquieacutetant avec le bruit amplifieacute du vent ou des coups agrave la porte Seuls les hommes qui arrivent apportent lrsquoimage drsquoun ailleurs possible pour cette femme qui srsquoest laisseacutee enfermer dans la solitude au point drsquoecirctre obligeacutee de parler aux arbres

Nathalie Beacutecue en robe paysanne et petit gilet de laine bleue avec de gros bas de laine incarne Alice qui parle de sa vie avec cet eacutepoux taiseux porteacute sur le whisky Elle caresse la couverture de poils de chegravevre tout en parlant Calme elle dit qursquoaucun vivant ne lui a jamais fait peur crsquoest drsquoautre chose qursquoelle a peur puis soudain la colegravere lrsquoemporte quand elle pense agrave lrsquoennui de sa vie laquo fosse agrave chagrin mareacutecage de tristesse raquo et se dit qursquoelle a peut-ecirctre fait le mauvais choix en se condamnant agrave laquo regarder les saisons passer raquo Philippe Smith est John celui qui ramasse les histoires vagabond ceacuteleste qui amuse Alice avec un tour de magie lui donne les nouvelles de la valleacutee et surtout lui parle drsquoun ailleurs Theacuteo Chedeville est Michaeumll Dara le marin devenu berger Pierre-Alain Chapuis est Dan Burke le mort qui survit Il est puissant violent ravageacute par sa colegravere contre tous sa femme son pegravere mais aussi contre lui-mecircme On le sent deacutevoreacute par lrsquoamertume laquo bouffeacute par la tristesse raquo comme le dit Alice mais peut-ecirctre capable de rebondir loin de sa femme

On se laisse emporter par le reacutecit On est dans ces icircles irlandaises battues par le vent et la pluie et on rejoint John quand il dit laquo Apregraves des veilleacutees solitaires je peux dire que les gens drsquoici ne sont pas insignifiants raquo

Micheline Rousselet

Du mardi au samedi agrave 20h30 le dimanche agrave 16h30

Theacuteacirctre de La Tempecircte

Cartoucherie

Route du Champ-de-Manoeuvre 75012 Paris

Reacuteservations (partenariat Reacuteducrsquosnes tarifs reacuteduits aux syndiqueacutes Snes mais sur reacuteservation impeacuterative) 01 43 28 36 36

T H Eacute Acirc T R E

BOURRASQUE UN MAGNIFIQUE OBJET POEacuteTIQUE

ET INSPIREacute DANS LE MONDE AcircPRE ET SANS

CONCESSION DES TERRES DrsquoIRLANDE 19 MARS 2018

Reacutedigeacute par Sarah Franck

laquo Le cœur casseacute ccedila donne la vie grise raquo Quand la brume et le vent soufflent sur un monde sans avenir confit dans lrsquoeacutecoulement uniforme des jours une porte parfois srsquoentrouvre pour que change le cours des choseshellip

Un homme est mort ce soir assis dans son fauteuil Sa femme une femme de rien ou de si peu de chose heacutesite Il lui a interdit de toucher son cadavre et a jeteacute sur elle une maleacutediction au cas ougrave elle enfreindrait lrsquoordre Seule sa sœur aura le droit de le preacuteparer pour son dernier voyage Mais comment faire quand la nuit a pris des couleurs de noir drsquoencre que les nueacutees srsquoamassent que le tonnerre gronde qursquoelle a une tregraves longue route et qursquoelle est seule Il nrsquoest pas bon drsquoabandonner un mort agrave lui-mecircmehellip Dans ce lieu perdu du bout du monde ougrave ne trouvent guegravere agrave subsister que les moutons ougrave lrsquoacircpreteacute de la vie a jeteacute sur les ecirctres son voile de dureteacute ougrave ne semblent possibles que la violence des comportements et lrsquohostiliteacute ougrave lrsquoalcool est la solution ultime quotidienne pour triompher des aleacuteas un groupe heacuteteacuteroclite va peu agrave peu se rassembler

(c) Antonia Bozzi

Une arche de Noeacute de largueacutes du monde

Parmi les personnages perdus dans ce milieu de nulle part arrive drsquoabord un vagabond un cueilleur de mots un raconteur drsquohistoires qui cherche un havre pour la nuit Il voudrait simplement reposer ses pieds fatigueacutes de cheminot avant de reprendre la route Il y a lrsquoancien marin devenu eacuteleveur que la mort du mari arrange car il en guigne les terres pour faire paicirctre ses troupeaux Il y a elle la femme deacutevoueacutee dont on ne sait de quoi est fait son attachement au deacutefunt ndash amour en deacutepit de lrsquoindiffeacuterence qursquoil lui porte ennui drsquoun mariage accepteacute pour la seacutecuriteacute qursquoil donne reacutesignation devant les vexations subies Et puis il y a ce mort qui srsquoavegraverera bien vivant au moment ougrave srsquoopegravere le partage des deacutepouilles et dont lrsquohistoire a la violence et linceste pour cortegravegehellip

Ce sont lagrave des perdus eacutegareacutes sans lrsquoavoir choisi prenant racine lagrave ougrave on les a planteacutes Massifs taiseux Vivent-ils Peut-ecirctre le cheminot qui erre agrave lrsquoaventure est-il le seul agrave savoir ougrave il va ce saltimbanque ce poegravete qui donne agrave voir un ailleurs agrave respirer lrsquoodeur du vent et les senteurs venues de contreacutees lointaines Peut-ecirctre ne sont-ils pas agrave leur place mais ont-ils une place Le preacutesent est leur futur leur avenir leur eacuteterniteacute Ils portent leur brume en eux cette compagne des sortilegraveges et des superstitions qui leur colle agrave la peau Ils ont cette eacutepaisseur de la matiegravere brute cette preacutesence obstineacutee de ceux qui ne savent qursquoecirctre

(c) Antonia Bozzi

Lrsquoespace de la parole

Dans ce huis clos deacutelimiteacute par une table dans un coin une banquette sur laquelle est assis immobile le mari et une commode il nrsquoy a pas drsquoeacutechappatoire Le lieu est agrave lrsquoimage de leur existence refermeacute sur lui-mecircme Alors il ne leur reste que la parole pour briser lrsquoenfermement Une parole difficile Les mots buttent dans leur gorge ils sortent contraints rentreacutes et de trop de retenue se heurtent et srsquoentrechoquent avec de brusques flambeacutees de violence se deacuteversent tels des crachats agrave la figure de lrsquoautre Crsquoest un trop-plein qui deacuteferle pour trouver le chemin de la conscience et qui les met en face drsquoeux-mecircmes et de leur reacutealiteacute Apregraves il nrsquoy aura plus de retour en arriegravere possible et chacun devra trouver lrsquoissue qui lui convient

Ils ont ce parler fruste mais imageacute des paysans laquo ccedila crsquoest sucircr raquo qui offre une transposition bretonne agrave lrsquoanglo-irlandais du texte original Un mecircme fondement celtique court dans ces deux reacutegions que rassemblent la culture et les paysages et ougrave souffle un vent laquo agrave reacuteveiller les disparus les esprits malins ou les feacutees tordues raquo Les noms de lieux aux consonances eacutetranges chantent une poeacutesie de lrsquoailleurs qursquoaccompagne celle du deacutesespoir de ces eacutecorcheacutes de la vie laquo Crsquoest comme ccedila le bout du chemin de ceux de sa sorte Les deacutevoreacutes drsquoangoisse les rongeacutes de tristesse raquo Les mots disent leur deacutetresse Leur barbe laquo on dirait deacutejagrave du poil de moisissure raquo Lrsquounivers laquo des milliards de milliards de masses solaires qui tournoient en spirale jusqursquoagrave ecirctre happeacutees aspireacutees au centre de lrsquoinconnu du trou noir [hellip] une eacutenorme densiteacute de creacuteation ou une absence de creacuteation Du trop-plein au vide raquo agrave lrsquoimage de leur vie qui laquo se deacuteficelle raquo se deacutecompose se deacutesintegravegrehellip

Entre Synge et Nathalie Beacutecue

De lrsquoOmbre de la valleacutee de John Millington Synge ndash compatriote de Joyce Yeats et Beckett et fervent deacutefenseur du renouveau de la culture irlandaise ndash Nathalie Beacutecue reprend la situation de ce mort laquo ressusciteacute raquo tout en modifiant les enjeux et la porteacutee de lrsquohistoire Elle fait du chemineau une incarnation du poegravete Elle reprend dans lrsquoesprit ce parler si particulier qui inverse lrsquoordre des mots pour placer dans une phrase lrsquoimportant devant On y retrouve le mecircme souci de rendre leurs lettres de noblesse agrave ceux qui sont sans-grade placeacutes agrave lrsquoeacutecart en marge mais portent en eux une veacuteriteacute immeacutemoriale qui les deacutepasse Ces hommes et ces femmes qui ne savent pas parler une laquo belle raquo langue au sens classique sont pleins habiteacutes possesseurs drsquoun treacutesor qursquoil nous est donneacute de reconnaicirctre Dans sa laquo variation raquo Nathalie

Beacutecue insuffle sa propre vision de cette laquo veacuteriteacute raquo populaire peupleacutee de croyances et de leacutegendes et met ses personnages en face de choix qui les font progresser et grandir

(c) Antonia Bozzi

Un magnifique travail drsquoacteur

Ce qui frappe enfin crsquoest lrsquointerpreacutetation laquo millimeacutetreacutee raquo des comeacutediens Car enfin crsquoest sur eux que repose ce spectacle ougrave il ne se passe rien ou presque durant deux heures Pas de quiproquo ni de comique de situation Pas de trageacutedie au-delagrave de lrsquoagressiviteacute et des altercations Ni trop ni trop peu mecircme si lrsquoon alterne chuchotements et cris Ils sont tout en retenues briseacutees quand les digues lacircchent en heacutesitations en mots esquisseacutes en gestes inaboutis ou semi-dissimuleacutes en mimiques fugaces Ils disent comme en srsquoexcusant heacutesitent agrave srsquoimposer reacutevegravelent les failles avec beaucoup de finesse La minutie avec laquelle la gestuelle campe les personnages donne au spectacle une justesse qursquoon voit rarement au theacuteacirctre

On srsquoeacutemeut drsquoentendre eacutevoquer les myriades drsquoeacutetoiles comme autant drsquoesprits des morts flottant autour de nous on partage la fatigue des marches de montagne plongeacutees dans une brume eacutepaisse et hostile la difficulteacute de ces laquo nuits noires agrave en appeler agrave la clarteacute des eacutetoiles raquo Et puis on rit car ils sont des hommes avec leurs petits travers leurs lacirccheteacutes et leurs peurs ces errants agrave la deacuterive qui srsquoeacutegarent avec magnificence et nous ressemblent tant Au-delagrave du texte et de sa beauteacute crsquoest agrave une merveilleuse leccedilon drsquohumaniteacute que nous convie ce spectacle

Bourrasque de Nathalie Beacutecue librement inspireacute de lrsquoOmbre du vent de John Millington Synge (eacuted franccedilaise Actes Sud)

Mise en scegravene Feacutelix Prader

Avec Nathalie Beacutecue Pierre-Alain Chapuis Theacuteo Chedeville Philippe Smith (le poegravete)

Theacuteacirctre de la Tempecircte Cartoucherie de Vincennes Route du Champ de Mars ndash 75012 Paris

Du 16 mars 2018 au 15 avril du mardi au samedi agrave 20h30 le dimanche agrave 17h30

Teacutel 01 43 28 36 36 Site wwwla-tempetefr

Bourrasque au Theacuteacirctre de La Tempecircte

Publieacute par Michel Jakubowicz le 26 mars 2018 Publieacute dans Tendance - Fashion

Theacuteacirctre de la Tempecircte Cartoucherie Rte du Champ-de-Manœuvre 75012 Paris

Repreacutesentations du 16 mars au 15 avril 2018

httpswwwla-tempetefr

BOURRASQUE

Variation sur lrsquoOmbre de la valleacutee de JM Synge

de Nathalie Beacutecue

mise en scegravene Feacutelix Prader

avec

Nathalie Beacutecue (Alice Burke)

Pierre-Alain Chapuis (Daniel Burke)

Theacuteo Chedeville (Michaeumll Dara)

Philippe Smith (John)

Nathalie Beacutecue auteure de Bourrasque avoue srsquoecirctre inspireacutee du poegravete et dramaturge John

Millington Synge Feacutelix Prader agrave partir du texte de Nathalie Beacutecue va srsquoefforcer de recreacuteer

lrsquoambiance eacutetrange chaotique effrayante qui sourd de ce texte Il va en quelque sorte donner

corps agrave une histoire ougrave semble rocircder une ambiance agrave la limite du fantastique et mettre en lumiegravere

les comportements presque forceneacutes brutaux impreacutevisibles des personnages qursquoun hasard

apparemment faceacutetieux (ou malfaisant) a reacuteunis dans une chaumiegravere perdue de la lande irlandaise

battue par la tempecircte Il faut dire que la piegravece se deacuteroule dans un contexte peu banal presque

terrifiant puisqursquoune femme seule soliloque en srsquoadressant agrave un cosmos aveugle et infini bourreacute

de trous noirs insondables et mortels La femme semble prendre agrave teacutemoin un homme immobile

ne bougeant pas drsquoun cil et dont la raideur semble vaguement indiquer qursquoil est peut-ecirctre passeacute

de vie agrave treacutepas ou qursquoil feint deacutelibeacutereacutement lrsquoindiffeacuterence absolue face aux propos tenus par la

femme Les choses pourraient en rester lagrave mais soudainement surgi du cœur de la tempecircte qui se

deacutechaicircne agrave lrsquoexteacuterieur un inconnu reacuteclame avec insistance malgreacute lrsquohostiliteacute de la femme agrave

srsquoabriter dans la chaumiegravere

A partir de lrsquointrusion de cet eacutetranger lrsquoaction va soudainement srsquoacceacuteleacuterer et le reacutecit srsquoorienter

sans deacutelai vers lrsquoabsurde le fantastique lrsquoinattendu Le reacutecit bascule apparemment vers

lrsquoirrationnel mais en terre irlandaise il semble agrave lrsquoeacutevidence que les apparences ne sont pas

forceacutement conformes agrave la reacutealiteacute et la suite du reacutecit de Nathalie Beacutecue srsquoinspirant de John

Millington Synge ne fera que rendre encore plus creacutedible cette impression

La mise en scegravene de Feacutelix Prader reconstitue avec une sorte de preacutecision presque surnaturelle

eacutetonnante cette campagne irlandaise drsquoougrave nrsquoimporte quels fantocircmes peuvent impuneacutement surgir

de la nuit Jusqursquoau bout drsquoune nuit interminable peupleacutee de terreurs sans noms cette assembleacutee

de personnages subira jusqursquoau bout un destin fait drsquoincertitude balanccedilant constamment entre

espoir et deacutesespeacuterance Lrsquointerpreacutetation est remarquable en particulier celle de Nathalie Beacutecue

incarnant avec beaucoup drsquoacircpreteacute de passion le rocircle drsquoAlice Burke Mais les trois autres

protagonistes masculins sont eacutegalement parfaits donnant agrave leurs personnages respectifs toute

lrsquoeacutepaisseur psychologique deacutesireacutee Un spectacle prenant qui reacutevegravele dans toute sa profondeur

lrsquoacircme irlandaise

Michel Jakubowicz

LE BRUITDUOFF TRIBUNE

LES SCENES ACTUELLES SANS TABOU NI TROMPETTES

CRITIQUE laquo Bourrasque raquo variation sur Lrsquoombre de la valleacutee de JM Synge de Nathalie Beacutecue mis en scegravene par Feacutelix Prader avec Nathalie Beacutecue Pierre-Alain Chapuis Theacuteo Chedeville et Philippe Smith Au Theacuteacirctre de la Tempecircte salle Copi jusqursquoau 15 avril du mardi au samedi agrave 20h30 dimanche agrave 16h30

Crsquoest lrsquoun des plus beaux textes de la saison Nathalie Beacutecue a adapteacute les peacutereacutegrinations de Synge avec amour infleacutechissant ses rugositeacutes irlandaises drsquoune ardeur feacutebrile

laquo Bourrasque raquo crsquoest la poeacutesie cosmique descendue sur lrsquoeacutepure drsquoun verbe aussi vieux que les icircles drsquoAran qui lrsquoabritent laquo Bourrasque raquo crsquoest la meacutetaphysique de la bergegravere Srsquoeacutelegraveve une litanie vibrante adresseacutee aux eacutetoiles pour cet laquo ougrave suis-je raquo qui preacutecegravede le laquo qui suis-je raquo pour le trou noir la masse la poussiegravere lrsquoengloutissement la disparition lrsquoinconnu la creacuteation sa densiteacute son absence le trop plein le videhellip Le vertige drsquoAlice Burke un soir de tempecircte est celui drsquoun cœur simple dans le langage du monde Lrsquoespace drsquoun entre-lumiegravere avant lrsquoextinction de la salle Nathalie Beacutecue ample vibrante ancreacutee et tendue vers des ciels invisibles livre une formidable deacutemonstration de sa maicirctrise de lrsquoabandon

Encore aux prises avec ce jaillissement drsquoecirctre brut et pur il nous faut quelques battements de cœur pour lrsquohabituer aux ombres de la scegravene peacuteneacutetrer le deuil terrestre drsquoAlice Burke et investir sa maison de pierre tandis que laquo perdu ailleurs raquo le vent se legraveve Les yeux pleins drsquoorage et la voix blanche elle embarque les acircmes qursquoelle a tendues vers elle laquo Je suis en colegravere tellement je suis triste raquo

Daniel Burke le fermier sans meacutetaphysique le fermier malheureux srsquoest figeacute lagrave dans une mort subite et inviolable et sa veuve saisie de solitude et figeacutee depuis cent ans voit sa laquo vie grise raquo deacutechireacutee par laquo la grande trouille raquo La trouille de quoi Car la mort toute proche incarneacutee dans la deacutepouille de son mari immobile ne lrsquoeffraye pas Crsquoest une femme des montagnes qui croit aux fantocircmes et qui ne les craint pas

Est-ce un fantocircme qui franchit son seuil dans lrsquoorage pour mettre son errance et son immense laquo dehors raquo dans lrsquoespace sans projet ougrave elle vit confineacutee John mucirc par le timbre envoucirctant de Philippe Smith est un porteur drsquohistoires venu reacutecolter quelques miettes au foyer de la derniegravere maison allumeacutee sur les chemins rocheux drsquoAran Quand Alice Burke laisse son hocircte dans cette eacutetrange veilleacutee et que Dan Burke se redresse bien vivant et saoul crsquoest toute une vie de spectateur qui vacille agrave son tour John pourra-t-il refuser drsquoecirctre acteur de cette histoire-lagrave

Pierre-Alain Chapuis est un Dan Burke massif en corps et en ecirctre plein de passeacute de rancœur et de lrsquoeacutepaisse rusticiteacute que les silences ont tanneacutee sur sa peau et sa voix Quatriegraveme entreacutee en scegravene la jeunesse vacillante de Theacuteo Chedeville precircte ses fougues agrave Michaeumll Dara le marin en quecircte de reacuteconciliation avec la terre qui cherche agrave ecirctre au sol et treacutepigne dans la valleacutee encore la tecircte agrave moitieacute immergeacutee des recircves drsquoavant les recircves enterreacutes de large et de houle La paix est-elle plus haut dans la montagne

La mise en scegravene de Feacutelix Prader attentive aux eacuteclats de verbe sublimeacutes par les voix de Beacutecue Chapuis Chedeville et Smith est un effacement une ombre pour que la poeacutesie eacuteclaire Il veut saisir le preacutesent et la preacutesence eacutenorme des protagonistes dans la suspension du temps du theacuteacirctre Sa scegravene se deacutepare du moindre artifice se fait couloir pour lrsquoeacutemotion de cette parole vitale qui balaye le silence effareacute du spectateur srsquooublie dans une pudeur parfaite Jrsquoentends encore la voix pleine et rocailleuse de Beacutecue la Burke souffler la bourrasque laquo Jrsquoai trop la trouille pour pas y aller raquo

Drsquoun eacutelan vital et poeacutetique elle engloutit le motif radical de la mort

Marguerite Dornier

DU 1603 AU 15042018 AU THEacuteAcircTRE DE LA TEMPEcircTE | DUREacuteE 1H40 |

Librement adapteacute de la piegravece en un acte de John M Synge laquo Lrsquoombre dans la Valleacutee raquo Bourrasque fait preuve drsquoune sagaciteacute deacuteroutante dans une ambiance drsquoinsulaires superstitieux Situation macabre regraveglements de comptes conjugaux reacutecits de voyages et art du vagabondagehellip lrsquoIrlande et son hors-champ drsquoimmensiteacute montagneuse et orageuse nous submergent alors que de grandes deacutecisions se prennent dans la petite chaumiegravere drsquoAlice Burke indigneacutee par la mort foudroyante de son mari Dan qursquoelle ne peut toucher sous peine drsquoecirctre maudite

De par la traduction drsquoun gaeacutelique transposeacute dans du franccedilais paysan aux consonances lyriques et lrsquointerpreacutetation de ce tregraves beau et talentueux quatuor de comeacutediens le folklore celte est tout agrave fait plausible voire palpable et propage son caractegravere sacreacute Bourrasque est un deacutelice drsquohumour peut ecirctre un tantinet pessimiste mais surtout pittoresque et poeacutetique

Eloiumlse Dandoy

jeudi 22 mars 2018

Bourrasque de Nathalie Beacutecue

Bourrasque est un de ces spectacles dont on mesure la chance quils existent Parce que Nathalie Beacutecue a fait un travail deacutecriture tregraves reacuteussi librement adapteacute de la piegravece LrsquoOmbre de la valleacutee en reprenant lrsquoargument tout en modifiant les enjeux et la porteacutee Elle place le spectateur au plus pregraves de latmosphegravere poeacutetique qui a impreacutegneacute lIrlande que John Millington Synge (1871-1909) nous a fait deacutecouvrir au XIXdeg siegravecle et qui est encore tregraves vivante gracircce agrave la moderniteacute de la mise en scegravene de Feacutelix Prader La distribution est habile avec Nathalie Beacutecue qui interpregravete Alice Burke et trois autres comeacutediens Pierre-Alain Chapuis (Daniel Burke) Theacuteo Chedeville (Michaeumll Dara) et Philippe Smith (John) tous diffeacuterents qui permettent dapporter des points de vue parfois deacuteroutants maintenant le spectateur quasiment en haleine comme sil eacutetait au coeur dun thriller Le caractegravere primitif de la vie sociale si particuliegravere des icircles drsquoAran en deviendrait presque normal dans un deacutecor rustique simple et familier

Par un soir de violente tempecircte que lon entendra rugir derriegravere la verriegravere Alice Burke veille son mari deacutefunt lrsquoacircpre et ombrageux fermier Dan Burke comme le veut la coutume dans cette contreacutee reculeacutee Silence dans la chaumiegravere isoleacutee quand agrave la porte frappe un inconnu nomade des collines cueilleur drsquohistoires (Synge) qui ravive dans lrsquoacircme dAlice la soif drsquoun ailleurs Un autre homme bouscule les certitudes dAlice Michaeumll Dara le marin devenu berger qui vit agrave quelques lieues et convoite agrave la fois les biens et la femmethinsp Et si soudain srsquoeacuteveillait le deacutefunt chahutant les vivants que ferait Alicethinsp

Le mort est sur scegravene muet cela va sans dire mais bien preacutesent tout de mecircme Sa femme lui rend hommage malgreacute les cahots qui ont chahuteacute sa vie Cest une femme simple qui a les pieds sur terre capable dun brin de fantaisie que lon remarque dans le point de tricot du gilet quelle porte sur une robe bleu marine Sans doute reacutealiseacute avec la laine de ses moutons Les paroles se bousculent au rythme des souvenirs et agrave la mesure des angoisses qui lassaillent comme des ressentiments quelle exprime toute seule La tempecircte qui agite son esprit est semblable agrave celle qui souffle au dehors Elle reconnait quelle ne sait plus ougrave elle en est et sassoit pregraves de celui qui fut son homme Chaque mort serait une eacutetoile qui scintille dans le ciel Au-delagrave de cette jolie image Alice est confronteacutee agrave labsence de deux beaux enfants partis aux Ameacuteriques et aujourdrsquohui un mari qui part et agrave qui elle parle comme sil eacutetait vivant et comme elle ne lui a sans doute jamais parleacute parce que jusque-lagrave elle nosait pas Tout bascule ccedila vrille comment crsquoest possible possible je suis en colegravere

Elle refuse puis accueille la reacutealiteacute et lhomme eacutetranger qui explique sa fonction je cueille des mots Et qui fait davantage en analysant les eacutevegravenements Cest lui qui le premier a un doute Il est mort votre copain On dirait qursquoil fait le mort Si effectivement la mort neacutetait quune ruse pour permettre de deacutebusquer la veacuteriteacute vraie agrave linstar dOrgon cacheacute sous la nappe pour confondre Tartuffe

La langue choisie par Nathalie Beacutecue est preacutecise poeacutetique et feacuteroce Si je deacutesentortille votre charabia Jrsquoai trop la trouille pour pas y aller avant de se deacutecider agrave deacuterouler ses recircves sous ses pas

Faisons-nous aussi le pas pour ne pas louper ce petit bijou qui se joue au theacuteacirctre de la Tempecircte jusquau 15 avril 2018

Bourrasque de Nathalie Beacutecue Mise en scegravene Feacutelix Prader Avec Nathalie Beacutecue (Alice Burke) Pierre-Alain Chapuis (Daniel Burke) Theacuteo Chedeville (Michaeumll Dara) Philippe Smith (John) Sceacutenographie et costumes Ceacutecilia Galli Creacuteation sonore Estelle Lembert Direction des combats Franccedilois Rostain Du 16 mars au 15 avril 2018 Du mardi au samedi 20 h 30 dimanche 16 h 30 Les photos qui ne sont pas logotypeacutees A bride abattue sont de Antonia Bozzi Publieacute par marie-claire agrave 2335 Envoyer par e-mailBlogThisPartager sur TwitterPartager sur FacebookPartager sur Pinterest Libelleacutes coup de coeur spectacle theacuteacirctre

critiquetheatreclaucom

17 Mars 2018

ABOZZI

Bourrasque jusqursquoau 1504 th de La tempecircte

Mouvance de la destineacutee

De Nathalie Beacutecue inspireacute de lrsquoœuvre de John Millington Synge dramaturge irlandais 1871- 1909Mise en scegravene Feacutelix Prader

Au premier instant nous nous sommes happeacutes par un merveilleux poegraveme invoquant le chagrin des ecirctres perdus la solitude la deacutetresse la tristesse les regrets

laquo Pourquoi jrsquoai reccedilu cette vie Au lieu drsquoattraper lrsquoair transparent dans le bleu du cielhelliphellip Rester lagrave agrave attendre la Balayure du soir raquo

Une atmosphegravere de conte de poeacutesie et de mystegravere nous enveloppe

Un jour de grande tempecircte au plus profond de la campagne irlandaise nous peacuteneacutetrons dans une sobre demeure Il va se deacuterouler sous nos yeux pleins drsquoeacutetonnement un conte tragi-comique

Les personnages sont hauts en couleur

Un paysan Daniel Burke rustre et srsquoabreuvant de whisky pour oublier sa peur et la tristesse de la vie simule sa mort pour espionner sa femme

Alice soumise agrave sa condition se questionne sur sa vie passeacutee et agrave venir Tout en veillant son deacutefunt mari

John marcheur solitaire poegravete eacutecrivain et avide de liberteacute eacutecoutant et observant le monde arrive agrave lrsquoimproviste dans cette demeure

Michaeumll ancien marin devenu berger est un eacutetranger dans cette campagne isoleacutee Il va convoiter Alice pour srsquointeacutegrer dans ce monde hostile

Tous ses personnages vont se reacuteveacuteler nous raconter leur histoire parfois tragique parfois cocasse

Que veulent-ils devenir Prendront-ils leur destineacutee en main

Nous deacutecouvrons le sens de la fecircte les rites et coutumes funeacuteraires de la campagne irlandaise Nous ressentons lrsquoisolement de ses contreacutees la vie rude et solitaire de ses habitants ainsi que le climat rigoureux et froid

Crsquoest agrave la fois violent et tendre eacutemouvant et burlesque

Les comeacutediens nous eacutemeuvent et nous transpercent le cœur

Avec Alice Nathalie Beacutecue nous bouleverse

Daniel Pierre-Alain Chapuis bourru et tendre nous attendri

John Philippe Smith eacuteleacutegant et serein nous seacuteduit

Sans oublier Theacuteo Chedeville touchant dans le rocircle du jeune berger Michaeumll

Page 18: BOURRASQUE - Théâtre Montansier · 2018. 5. 7. · composé Bourrasque, que Félix Prader met en scène avec igueu (1). Synge affimait u’au théâtre, « il faut du réel, il

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Accueil SPECTACLES [Critique] laquo Bourrasque raquo par Feacutelix Prader Une bouffeacutee drsquoIrlande

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[Critique] laquo Bourrasque raquo par Feacutelix Prader Une bouffeacutee drsquoIrlande Morgane P 2018-03-28

Le Theacuteacirctre de la Tempecircte preacutesente Bourrasque une piegravece de theacuteacirctre de Nathalie Beacutecue

mise en scegravene par Feacutelix Prader Une incursion meacutelancolique et amegravere en terre irlandaise

Lrsquoavis de Bulles de Culture qui eacutetait agrave la premiegravere de la piegravece

Synopsis

Alice Burke (Nathalie Beacutecue) veille son mari Dan Burke (Pierre-Alain Chapuis) qui vient de

mourir quand survient un vagabond (Philippe Smith) qui demande asile pour la nuit Il faut

preacutevenir Michael Dara (Theacuteo Chedeville) jeune berger des alentours afin qursquoil aille annoncer

la nouvelle en ville Mais voilagrave que le mort se redresse et qursquoil a encore des choses agrave direhellip

Bourrasque Une belle reacuteeacutecriture drsquoapregraves John Millington Synge

copy Antonia Bozzi

Crsquoest la piegravece LrsquoOmbre de la valleacutee du dramaturge irlandais John Millington Synge qui est agrave

lrsquoorigine de Bourrasque De cette petite piegravece en un acte lrsquoauteure et comeacutedienne Nathalie

Beacutecue fait la colonne verteacutebrale du spectacle un drame noueacute autour de quatre

personnages dont lrsquoun mime sa mort pour prendre son eacutepouse en faute Reprenant agrave la

lettre le texte de lrsquoauteur irlandais Nathalie Beacutecue lrsquoeacutetoffe toutefois afin drsquoimaginer le

parcours personnel eacutemotionnel de chacun des quatre personnages Lrsquointeacutegration de son

eacutecriture agrave la piegravece de John Millington Synge est parfaite en ce qursquoelle deacutepeint le quotidien

meacutelancolique et maussade de ces Irlandais isoleacutes agrave lrsquoeacutecart du monde comme prisonniers de

la tourbe qui les entoure

Le phraseacute que Nathalie Beacutecue choisit pour Bourrasque est aussi une retranscription fidegravele du

style du dramaturge une langue agrave la fois racircpeuse et poeacutetique peacutetrie de la reacutealiteacute de ces

paysans Si John Millington Synge choisit lrsquoanglo-irlandais pour ses piegraveces Nathalie Beacutecue

imagine une syntaxe et un vocabulaire reacutealisant le mecircme eacutequilibre entre langue orale aux

tournures populaires et envoleacutees des meacutetaphores pour sonder les cœurs des quatre

laquo taiseux raquo

Un quatuor qui fonctionne agrave merveille

copy Antonia Bozzi

La patte de Nathalie Beacutecue ajoute une vraie personnaliteacute agrave la piegravece de John Millington

Synge agrave tel point que tous les personnages ont un relief propre qui les rend attachants sans

les caricaturer pour autant Elle excelle aussi dans lrsquoincarnation sur scegravene de cette femme

drsquoacircge mucircr eacutetouffeacutee par la solitude et lrsquoattente perpeacutetuelle qui constitue son quotidien Elle

tient ainsi toute la tension de Bourrasque de son deacutebut agrave sa fin et ce dans une diction

parfaite drsquoun bout agrave lrsquoautre malgreacute tout ce que la langue du personnage peut avoir de

bourbeux Quant aux trois hommes qui lrsquoentourent Bourrasque leur offre une personnaliteacute

plus profonde que la piegravece du dramaturge irlandais Exploitant les ellipses du texte original

Nathalie Beacutecue imagine que la meacutelancolie de Dan Burke trouve sa source dans la violence qui

lrsquoa entoureacute degraves son enfance Elle choisit aussi de faire davantage parler le jeune berger

amant de lrsquoheacuteroiumlne un peu naiumlf et pas tregraves malin Sa candeur en vient agrave faire sourire avec

tendresse

Mais lrsquoun des personnages qui prend le plus drsquoampleur dans la piegravece est sans conteste celui

du vagabond que Nathalie Beacutecue imagine comme une sorte de chercheur drsquohistoires voyant

ainsi en lui un vague double de John Millington Synge qui a fait de la tradition et des contes

des icircles drsquoAran lrsquoune de ses quecirctes Ce personnage renoue ainsi avec la tradition orale du

reacutecit il rappelle ces aegravedes de la socieacuteteacute grecque antique qui allaient de palais en palais

chanter les reacutecits de leur connaissance Toute la deacutelicatesse dont fait preuve Philippe

Smith dans ce rocircle est remarquable

Un huis clos haletant

I

copy

Antonia Bozzi

Bourrasque reacuteussit avec brio agrave maintenir une tension forte tout au long de la piegravece Crsquoest

drsquoabord la tension qursquoil y a autour de ce deuil rendu angoissant par la preacutesence du mort sur

scegravene Crsquoest ensuite une fois que le laquo mort raquo a reacuteveacuteleacute sa supercherie au vagabond la tension

que ressent le spectateur qui attend que Dan Burke nrsquointervienne Crsquoest enfin la tension du

conflit conjugal qui explose et renverse la situation initiale La mise en scegravene de Feacutelix

Prader repose sur la simpliciteacute deacutecor rudimentaire pas de grands effets Et cela met

parfaitement en valeur la dimension relationnelle du drame

Cette tension dramatique est encore accentueacutee par la tempecircte inteacuterieure que traversent les

personnages notamment les deux eacutepoux Le monologue drsquoAlice qui ouvre la piegravece et la

longue explication que son mari offre au vagabond montrent les deux faces drsquoun couple en

crise dans lequel chacun-e ne voit plus que sa propre souffrance Ce trouble inteacuterieur et

cette forte tension eacutemotionnelle sont bien sucircr souligneacutes par les circonstances

meacuteteacuteorologiques on traverse avec les personnages une sorte de tempecircte ougrave le vent souffle

avec violence Nrsquoest-ce finalement pas cette terrible bourrasque qui trouble les esprits de

chacun Rien nrsquoest moins sucircr

Reacuteunir les deux eacutepoux et lrsquoamant confondu crsquoest un topos theacuteacirctral Mais la preacutesence de cet

inconnu que Nathalie Beacutecue place comme un observateur particulier puisqursquoon imagine que

le drame auquel il assiste pourra enrichir encore son livret de reacutecits est une belle reacuteussite

Eacutecoutant les deux eacutepoux puis prenant finalement place dans le drame en exerccedilant le recul

dont lui seul dans la piegravece est capable change la porteacutee de la piegravece et enrichit

consideacuterablement le triangle amoureux

Bulles de Culture vous recommande en tout cas vivement cette incursion en terre irlandaise

En savoir plus

bull Bourrasque de Nathalie Beacutecue mise en scegravene par Feacutelix Prader est joueacute au Theacuteacirctre de la

Tempecircte du 16 mars au 15 avril 2018

bull Bourrasque sera joueacute en 2018 au Centre culturel de Vitreacute le 20 avril sur la Scegravene nationale

de Bar-le-Duc le 17 mai et au Theacuteacirctre Montansier de Versailles le 25 mai

bull Dureacutee du spectacle 1h40

Actualiteacute theacuteacirctrale

Jusqursquoau 15 avril au Theacuteacirctre de la Tempecircte

laquo Bourrasque raquo mercredi 21 mars 2018

Par un soir de tempecircte dans une chaumiegravere isoleacutee Alice Burke veille son mari le rude et taiseux Dan Burke qui vient de mourir Il lui a interdit de toucher son corps apregraves sa mort exigeant que ce soit sa sœur qui srsquooccupe de la toilette mortuaire Mais celle-ci habite loin Alice craint la nuit et la tempecircte dans ce lieu isoleacute et ne peut le laisser seul Elle attend Deux hommes vont se preacutesenter agrave sa porte un eacutetranger qui parcourt les rudes collines des alentours pour laquo cueillir raquo les histoires qursquoon veut bien lui confier et un jeune berger peu expeacuterimenteacute qui vit un peu plus loin Avec ces deux hommes deux avenirs pourraient se dessiner le second seraient bien inteacuteresseacute par la femme et surtout les biens dont elle va heacuteriter le premier lui ouvre une sortie de son isolement et de nouveaux espaces La bourrasque qui hurle au dehors gagne aussi lrsquointeacuterieur de la chaumiegravere et bouscule tous les esprits

Nathalie Beacutecue a eacuteteacute seacuteduite par lrsquounivers du poegravete et dramaturge irlandais John Millingtone Synge et en particulier par ce livre Les Icircles Aran ougrave il a raconteacute ses rencontres avec les icircliens et les leacutegendes qursquoils lui ont conteacutees Crsquoest de lrsquoun de ses contes Lrsquoombre de la valleacutee qursquoelle srsquoest inspireacutee pour eacutecrire Bourrasque Apregraves lrsquoavoir vue dans Lrsquoapprentie sage-femme qursquoelle avait joueacutee en 2012 on comprend la continuiteacute de son travail Ce qui lrsquointeacuteresse ce sont ces destins de femmes dans les deux cas des paysannes qui cherchent leur voie et prennent la vie agrave bras le corps Dans son texte Nathalie Beacutecue a su faire entendre la sauvagerie de la nature le vent la pluie et la vie rude de ceux qui y habitent Elle a su aussi traduire les penseacutees tourmenteacutees des quatre personnages attribuant agrave John lrsquohomme qui cueille les histoires la deacutemarche de Synge lui-mecircme dans les Icircles drsquoAran

Dans la mise en scegravene de Feacutelix Prader on reste enfermeacute dans la chaumiegravere avec le mort assis ou couvert drsquoun drap et lrsquoexteacuterieur nrsquoapparaicirct qursquoinquieacutetant avec le bruit amplifieacute du vent ou des coups agrave la porte Seuls les hommes qui arrivent apportent lrsquoimage drsquoun ailleurs possible pour cette femme qui srsquoest laisseacutee enfermer dans la solitude au point drsquoecirctre obligeacutee de parler aux arbres

Nathalie Beacutecue en robe paysanne et petit gilet de laine bleue avec de gros bas de laine incarne Alice qui parle de sa vie avec cet eacutepoux taiseux porteacute sur le whisky Elle caresse la couverture de poils de chegravevre tout en parlant Calme elle dit qursquoaucun vivant ne lui a jamais fait peur crsquoest drsquoautre chose qursquoelle a peur puis soudain la colegravere lrsquoemporte quand elle pense agrave lrsquoennui de sa vie laquo fosse agrave chagrin mareacutecage de tristesse raquo et se dit qursquoelle a peut-ecirctre fait le mauvais choix en se condamnant agrave laquo regarder les saisons passer raquo Philippe Smith est John celui qui ramasse les histoires vagabond ceacuteleste qui amuse Alice avec un tour de magie lui donne les nouvelles de la valleacutee et surtout lui parle drsquoun ailleurs Theacuteo Chedeville est Michaeumll Dara le marin devenu berger Pierre-Alain Chapuis est Dan Burke le mort qui survit Il est puissant violent ravageacute par sa colegravere contre tous sa femme son pegravere mais aussi contre lui-mecircme On le sent deacutevoreacute par lrsquoamertume laquo bouffeacute par la tristesse raquo comme le dit Alice mais peut-ecirctre capable de rebondir loin de sa femme

On se laisse emporter par le reacutecit On est dans ces icircles irlandaises battues par le vent et la pluie et on rejoint John quand il dit laquo Apregraves des veilleacutees solitaires je peux dire que les gens drsquoici ne sont pas insignifiants raquo

Micheline Rousselet

Du mardi au samedi agrave 20h30 le dimanche agrave 16h30

Theacuteacirctre de La Tempecircte

Cartoucherie

Route du Champ-de-Manoeuvre 75012 Paris

Reacuteservations (partenariat Reacuteducrsquosnes tarifs reacuteduits aux syndiqueacutes Snes mais sur reacuteservation impeacuterative) 01 43 28 36 36

T H Eacute Acirc T R E

BOURRASQUE UN MAGNIFIQUE OBJET POEacuteTIQUE

ET INSPIREacute DANS LE MONDE AcircPRE ET SANS

CONCESSION DES TERRES DrsquoIRLANDE 19 MARS 2018

Reacutedigeacute par Sarah Franck

laquo Le cœur casseacute ccedila donne la vie grise raquo Quand la brume et le vent soufflent sur un monde sans avenir confit dans lrsquoeacutecoulement uniforme des jours une porte parfois srsquoentrouvre pour que change le cours des choseshellip

Un homme est mort ce soir assis dans son fauteuil Sa femme une femme de rien ou de si peu de chose heacutesite Il lui a interdit de toucher son cadavre et a jeteacute sur elle une maleacutediction au cas ougrave elle enfreindrait lrsquoordre Seule sa sœur aura le droit de le preacuteparer pour son dernier voyage Mais comment faire quand la nuit a pris des couleurs de noir drsquoencre que les nueacutees srsquoamassent que le tonnerre gronde qursquoelle a une tregraves longue route et qursquoelle est seule Il nrsquoest pas bon drsquoabandonner un mort agrave lui-mecircmehellip Dans ce lieu perdu du bout du monde ougrave ne trouvent guegravere agrave subsister que les moutons ougrave lrsquoacircpreteacute de la vie a jeteacute sur les ecirctres son voile de dureteacute ougrave ne semblent possibles que la violence des comportements et lrsquohostiliteacute ougrave lrsquoalcool est la solution ultime quotidienne pour triompher des aleacuteas un groupe heacuteteacuteroclite va peu agrave peu se rassembler

(c) Antonia Bozzi

Une arche de Noeacute de largueacutes du monde

Parmi les personnages perdus dans ce milieu de nulle part arrive drsquoabord un vagabond un cueilleur de mots un raconteur drsquohistoires qui cherche un havre pour la nuit Il voudrait simplement reposer ses pieds fatigueacutes de cheminot avant de reprendre la route Il y a lrsquoancien marin devenu eacuteleveur que la mort du mari arrange car il en guigne les terres pour faire paicirctre ses troupeaux Il y a elle la femme deacutevoueacutee dont on ne sait de quoi est fait son attachement au deacutefunt ndash amour en deacutepit de lrsquoindiffeacuterence qursquoil lui porte ennui drsquoun mariage accepteacute pour la seacutecuriteacute qursquoil donne reacutesignation devant les vexations subies Et puis il y a ce mort qui srsquoavegraverera bien vivant au moment ougrave srsquoopegravere le partage des deacutepouilles et dont lrsquohistoire a la violence et linceste pour cortegravegehellip

Ce sont lagrave des perdus eacutegareacutes sans lrsquoavoir choisi prenant racine lagrave ougrave on les a planteacutes Massifs taiseux Vivent-ils Peut-ecirctre le cheminot qui erre agrave lrsquoaventure est-il le seul agrave savoir ougrave il va ce saltimbanque ce poegravete qui donne agrave voir un ailleurs agrave respirer lrsquoodeur du vent et les senteurs venues de contreacutees lointaines Peut-ecirctre ne sont-ils pas agrave leur place mais ont-ils une place Le preacutesent est leur futur leur avenir leur eacuteterniteacute Ils portent leur brume en eux cette compagne des sortilegraveges et des superstitions qui leur colle agrave la peau Ils ont cette eacutepaisseur de la matiegravere brute cette preacutesence obstineacutee de ceux qui ne savent qursquoecirctre

(c) Antonia Bozzi

Lrsquoespace de la parole

Dans ce huis clos deacutelimiteacute par une table dans un coin une banquette sur laquelle est assis immobile le mari et une commode il nrsquoy a pas drsquoeacutechappatoire Le lieu est agrave lrsquoimage de leur existence refermeacute sur lui-mecircme Alors il ne leur reste que la parole pour briser lrsquoenfermement Une parole difficile Les mots buttent dans leur gorge ils sortent contraints rentreacutes et de trop de retenue se heurtent et srsquoentrechoquent avec de brusques flambeacutees de violence se deacuteversent tels des crachats agrave la figure de lrsquoautre Crsquoest un trop-plein qui deacuteferle pour trouver le chemin de la conscience et qui les met en face drsquoeux-mecircmes et de leur reacutealiteacute Apregraves il nrsquoy aura plus de retour en arriegravere possible et chacun devra trouver lrsquoissue qui lui convient

Ils ont ce parler fruste mais imageacute des paysans laquo ccedila crsquoest sucircr raquo qui offre une transposition bretonne agrave lrsquoanglo-irlandais du texte original Un mecircme fondement celtique court dans ces deux reacutegions que rassemblent la culture et les paysages et ougrave souffle un vent laquo agrave reacuteveiller les disparus les esprits malins ou les feacutees tordues raquo Les noms de lieux aux consonances eacutetranges chantent une poeacutesie de lrsquoailleurs qursquoaccompagne celle du deacutesespoir de ces eacutecorcheacutes de la vie laquo Crsquoest comme ccedila le bout du chemin de ceux de sa sorte Les deacutevoreacutes drsquoangoisse les rongeacutes de tristesse raquo Les mots disent leur deacutetresse Leur barbe laquo on dirait deacutejagrave du poil de moisissure raquo Lrsquounivers laquo des milliards de milliards de masses solaires qui tournoient en spirale jusqursquoagrave ecirctre happeacutees aspireacutees au centre de lrsquoinconnu du trou noir [hellip] une eacutenorme densiteacute de creacuteation ou une absence de creacuteation Du trop-plein au vide raquo agrave lrsquoimage de leur vie qui laquo se deacuteficelle raquo se deacutecompose se deacutesintegravegrehellip

Entre Synge et Nathalie Beacutecue

De lrsquoOmbre de la valleacutee de John Millington Synge ndash compatriote de Joyce Yeats et Beckett et fervent deacutefenseur du renouveau de la culture irlandaise ndash Nathalie Beacutecue reprend la situation de ce mort laquo ressusciteacute raquo tout en modifiant les enjeux et la porteacutee de lrsquohistoire Elle fait du chemineau une incarnation du poegravete Elle reprend dans lrsquoesprit ce parler si particulier qui inverse lrsquoordre des mots pour placer dans une phrase lrsquoimportant devant On y retrouve le mecircme souci de rendre leurs lettres de noblesse agrave ceux qui sont sans-grade placeacutes agrave lrsquoeacutecart en marge mais portent en eux une veacuteriteacute immeacutemoriale qui les deacutepasse Ces hommes et ces femmes qui ne savent pas parler une laquo belle raquo langue au sens classique sont pleins habiteacutes possesseurs drsquoun treacutesor qursquoil nous est donneacute de reconnaicirctre Dans sa laquo variation raquo Nathalie

Beacutecue insuffle sa propre vision de cette laquo veacuteriteacute raquo populaire peupleacutee de croyances et de leacutegendes et met ses personnages en face de choix qui les font progresser et grandir

(c) Antonia Bozzi

Un magnifique travail drsquoacteur

Ce qui frappe enfin crsquoest lrsquointerpreacutetation laquo millimeacutetreacutee raquo des comeacutediens Car enfin crsquoest sur eux que repose ce spectacle ougrave il ne se passe rien ou presque durant deux heures Pas de quiproquo ni de comique de situation Pas de trageacutedie au-delagrave de lrsquoagressiviteacute et des altercations Ni trop ni trop peu mecircme si lrsquoon alterne chuchotements et cris Ils sont tout en retenues briseacutees quand les digues lacircchent en heacutesitations en mots esquisseacutes en gestes inaboutis ou semi-dissimuleacutes en mimiques fugaces Ils disent comme en srsquoexcusant heacutesitent agrave srsquoimposer reacutevegravelent les failles avec beaucoup de finesse La minutie avec laquelle la gestuelle campe les personnages donne au spectacle une justesse qursquoon voit rarement au theacuteacirctre

On srsquoeacutemeut drsquoentendre eacutevoquer les myriades drsquoeacutetoiles comme autant drsquoesprits des morts flottant autour de nous on partage la fatigue des marches de montagne plongeacutees dans une brume eacutepaisse et hostile la difficulteacute de ces laquo nuits noires agrave en appeler agrave la clarteacute des eacutetoiles raquo Et puis on rit car ils sont des hommes avec leurs petits travers leurs lacirccheteacutes et leurs peurs ces errants agrave la deacuterive qui srsquoeacutegarent avec magnificence et nous ressemblent tant Au-delagrave du texte et de sa beauteacute crsquoest agrave une merveilleuse leccedilon drsquohumaniteacute que nous convie ce spectacle

Bourrasque de Nathalie Beacutecue librement inspireacute de lrsquoOmbre du vent de John Millington Synge (eacuted franccedilaise Actes Sud)

Mise en scegravene Feacutelix Prader

Avec Nathalie Beacutecue Pierre-Alain Chapuis Theacuteo Chedeville Philippe Smith (le poegravete)

Theacuteacirctre de la Tempecircte Cartoucherie de Vincennes Route du Champ de Mars ndash 75012 Paris

Du 16 mars 2018 au 15 avril du mardi au samedi agrave 20h30 le dimanche agrave 17h30

Teacutel 01 43 28 36 36 Site wwwla-tempetefr

Bourrasque au Theacuteacirctre de La Tempecircte

Publieacute par Michel Jakubowicz le 26 mars 2018 Publieacute dans Tendance - Fashion

Theacuteacirctre de la Tempecircte Cartoucherie Rte du Champ-de-Manœuvre 75012 Paris

Repreacutesentations du 16 mars au 15 avril 2018

httpswwwla-tempetefr

BOURRASQUE

Variation sur lrsquoOmbre de la valleacutee de JM Synge

de Nathalie Beacutecue

mise en scegravene Feacutelix Prader

avec

Nathalie Beacutecue (Alice Burke)

Pierre-Alain Chapuis (Daniel Burke)

Theacuteo Chedeville (Michaeumll Dara)

Philippe Smith (John)

Nathalie Beacutecue auteure de Bourrasque avoue srsquoecirctre inspireacutee du poegravete et dramaturge John

Millington Synge Feacutelix Prader agrave partir du texte de Nathalie Beacutecue va srsquoefforcer de recreacuteer

lrsquoambiance eacutetrange chaotique effrayante qui sourd de ce texte Il va en quelque sorte donner

corps agrave une histoire ougrave semble rocircder une ambiance agrave la limite du fantastique et mettre en lumiegravere

les comportements presque forceneacutes brutaux impreacutevisibles des personnages qursquoun hasard

apparemment faceacutetieux (ou malfaisant) a reacuteunis dans une chaumiegravere perdue de la lande irlandaise

battue par la tempecircte Il faut dire que la piegravece se deacuteroule dans un contexte peu banal presque

terrifiant puisqursquoune femme seule soliloque en srsquoadressant agrave un cosmos aveugle et infini bourreacute

de trous noirs insondables et mortels La femme semble prendre agrave teacutemoin un homme immobile

ne bougeant pas drsquoun cil et dont la raideur semble vaguement indiquer qursquoil est peut-ecirctre passeacute

de vie agrave treacutepas ou qursquoil feint deacutelibeacutereacutement lrsquoindiffeacuterence absolue face aux propos tenus par la

femme Les choses pourraient en rester lagrave mais soudainement surgi du cœur de la tempecircte qui se

deacutechaicircne agrave lrsquoexteacuterieur un inconnu reacuteclame avec insistance malgreacute lrsquohostiliteacute de la femme agrave

srsquoabriter dans la chaumiegravere

A partir de lrsquointrusion de cet eacutetranger lrsquoaction va soudainement srsquoacceacuteleacuterer et le reacutecit srsquoorienter

sans deacutelai vers lrsquoabsurde le fantastique lrsquoinattendu Le reacutecit bascule apparemment vers

lrsquoirrationnel mais en terre irlandaise il semble agrave lrsquoeacutevidence que les apparences ne sont pas

forceacutement conformes agrave la reacutealiteacute et la suite du reacutecit de Nathalie Beacutecue srsquoinspirant de John

Millington Synge ne fera que rendre encore plus creacutedible cette impression

La mise en scegravene de Feacutelix Prader reconstitue avec une sorte de preacutecision presque surnaturelle

eacutetonnante cette campagne irlandaise drsquoougrave nrsquoimporte quels fantocircmes peuvent impuneacutement surgir

de la nuit Jusqursquoau bout drsquoune nuit interminable peupleacutee de terreurs sans noms cette assembleacutee

de personnages subira jusqursquoau bout un destin fait drsquoincertitude balanccedilant constamment entre

espoir et deacutesespeacuterance Lrsquointerpreacutetation est remarquable en particulier celle de Nathalie Beacutecue

incarnant avec beaucoup drsquoacircpreteacute de passion le rocircle drsquoAlice Burke Mais les trois autres

protagonistes masculins sont eacutegalement parfaits donnant agrave leurs personnages respectifs toute

lrsquoeacutepaisseur psychologique deacutesireacutee Un spectacle prenant qui reacutevegravele dans toute sa profondeur

lrsquoacircme irlandaise

Michel Jakubowicz

LE BRUITDUOFF TRIBUNE

LES SCENES ACTUELLES SANS TABOU NI TROMPETTES

CRITIQUE laquo Bourrasque raquo variation sur Lrsquoombre de la valleacutee de JM Synge de Nathalie Beacutecue mis en scegravene par Feacutelix Prader avec Nathalie Beacutecue Pierre-Alain Chapuis Theacuteo Chedeville et Philippe Smith Au Theacuteacirctre de la Tempecircte salle Copi jusqursquoau 15 avril du mardi au samedi agrave 20h30 dimanche agrave 16h30

Crsquoest lrsquoun des plus beaux textes de la saison Nathalie Beacutecue a adapteacute les peacutereacutegrinations de Synge avec amour infleacutechissant ses rugositeacutes irlandaises drsquoune ardeur feacutebrile

laquo Bourrasque raquo crsquoest la poeacutesie cosmique descendue sur lrsquoeacutepure drsquoun verbe aussi vieux que les icircles drsquoAran qui lrsquoabritent laquo Bourrasque raquo crsquoest la meacutetaphysique de la bergegravere Srsquoeacutelegraveve une litanie vibrante adresseacutee aux eacutetoiles pour cet laquo ougrave suis-je raquo qui preacutecegravede le laquo qui suis-je raquo pour le trou noir la masse la poussiegravere lrsquoengloutissement la disparition lrsquoinconnu la creacuteation sa densiteacute son absence le trop plein le videhellip Le vertige drsquoAlice Burke un soir de tempecircte est celui drsquoun cœur simple dans le langage du monde Lrsquoespace drsquoun entre-lumiegravere avant lrsquoextinction de la salle Nathalie Beacutecue ample vibrante ancreacutee et tendue vers des ciels invisibles livre une formidable deacutemonstration de sa maicirctrise de lrsquoabandon

Encore aux prises avec ce jaillissement drsquoecirctre brut et pur il nous faut quelques battements de cœur pour lrsquohabituer aux ombres de la scegravene peacuteneacutetrer le deuil terrestre drsquoAlice Burke et investir sa maison de pierre tandis que laquo perdu ailleurs raquo le vent se legraveve Les yeux pleins drsquoorage et la voix blanche elle embarque les acircmes qursquoelle a tendues vers elle laquo Je suis en colegravere tellement je suis triste raquo

Daniel Burke le fermier sans meacutetaphysique le fermier malheureux srsquoest figeacute lagrave dans une mort subite et inviolable et sa veuve saisie de solitude et figeacutee depuis cent ans voit sa laquo vie grise raquo deacutechireacutee par laquo la grande trouille raquo La trouille de quoi Car la mort toute proche incarneacutee dans la deacutepouille de son mari immobile ne lrsquoeffraye pas Crsquoest une femme des montagnes qui croit aux fantocircmes et qui ne les craint pas

Est-ce un fantocircme qui franchit son seuil dans lrsquoorage pour mettre son errance et son immense laquo dehors raquo dans lrsquoespace sans projet ougrave elle vit confineacutee John mucirc par le timbre envoucirctant de Philippe Smith est un porteur drsquohistoires venu reacutecolter quelques miettes au foyer de la derniegravere maison allumeacutee sur les chemins rocheux drsquoAran Quand Alice Burke laisse son hocircte dans cette eacutetrange veilleacutee et que Dan Burke se redresse bien vivant et saoul crsquoest toute une vie de spectateur qui vacille agrave son tour John pourra-t-il refuser drsquoecirctre acteur de cette histoire-lagrave

Pierre-Alain Chapuis est un Dan Burke massif en corps et en ecirctre plein de passeacute de rancœur et de lrsquoeacutepaisse rusticiteacute que les silences ont tanneacutee sur sa peau et sa voix Quatriegraveme entreacutee en scegravene la jeunesse vacillante de Theacuteo Chedeville precircte ses fougues agrave Michaeumll Dara le marin en quecircte de reacuteconciliation avec la terre qui cherche agrave ecirctre au sol et treacutepigne dans la valleacutee encore la tecircte agrave moitieacute immergeacutee des recircves drsquoavant les recircves enterreacutes de large et de houle La paix est-elle plus haut dans la montagne

La mise en scegravene de Feacutelix Prader attentive aux eacuteclats de verbe sublimeacutes par les voix de Beacutecue Chapuis Chedeville et Smith est un effacement une ombre pour que la poeacutesie eacuteclaire Il veut saisir le preacutesent et la preacutesence eacutenorme des protagonistes dans la suspension du temps du theacuteacirctre Sa scegravene se deacutepare du moindre artifice se fait couloir pour lrsquoeacutemotion de cette parole vitale qui balaye le silence effareacute du spectateur srsquooublie dans une pudeur parfaite Jrsquoentends encore la voix pleine et rocailleuse de Beacutecue la Burke souffler la bourrasque laquo Jrsquoai trop la trouille pour pas y aller raquo

Drsquoun eacutelan vital et poeacutetique elle engloutit le motif radical de la mort

Marguerite Dornier

DU 1603 AU 15042018 AU THEacuteAcircTRE DE LA TEMPEcircTE | DUREacuteE 1H40 |

Librement adapteacute de la piegravece en un acte de John M Synge laquo Lrsquoombre dans la Valleacutee raquo Bourrasque fait preuve drsquoune sagaciteacute deacuteroutante dans une ambiance drsquoinsulaires superstitieux Situation macabre regraveglements de comptes conjugaux reacutecits de voyages et art du vagabondagehellip lrsquoIrlande et son hors-champ drsquoimmensiteacute montagneuse et orageuse nous submergent alors que de grandes deacutecisions se prennent dans la petite chaumiegravere drsquoAlice Burke indigneacutee par la mort foudroyante de son mari Dan qursquoelle ne peut toucher sous peine drsquoecirctre maudite

De par la traduction drsquoun gaeacutelique transposeacute dans du franccedilais paysan aux consonances lyriques et lrsquointerpreacutetation de ce tregraves beau et talentueux quatuor de comeacutediens le folklore celte est tout agrave fait plausible voire palpable et propage son caractegravere sacreacute Bourrasque est un deacutelice drsquohumour peut ecirctre un tantinet pessimiste mais surtout pittoresque et poeacutetique

Eloiumlse Dandoy

jeudi 22 mars 2018

Bourrasque de Nathalie Beacutecue

Bourrasque est un de ces spectacles dont on mesure la chance quils existent Parce que Nathalie Beacutecue a fait un travail deacutecriture tregraves reacuteussi librement adapteacute de la piegravece LrsquoOmbre de la valleacutee en reprenant lrsquoargument tout en modifiant les enjeux et la porteacutee Elle place le spectateur au plus pregraves de latmosphegravere poeacutetique qui a impreacutegneacute lIrlande que John Millington Synge (1871-1909) nous a fait deacutecouvrir au XIXdeg siegravecle et qui est encore tregraves vivante gracircce agrave la moderniteacute de la mise en scegravene de Feacutelix Prader La distribution est habile avec Nathalie Beacutecue qui interpregravete Alice Burke et trois autres comeacutediens Pierre-Alain Chapuis (Daniel Burke) Theacuteo Chedeville (Michaeumll Dara) et Philippe Smith (John) tous diffeacuterents qui permettent dapporter des points de vue parfois deacuteroutants maintenant le spectateur quasiment en haleine comme sil eacutetait au coeur dun thriller Le caractegravere primitif de la vie sociale si particuliegravere des icircles drsquoAran en deviendrait presque normal dans un deacutecor rustique simple et familier

Par un soir de violente tempecircte que lon entendra rugir derriegravere la verriegravere Alice Burke veille son mari deacutefunt lrsquoacircpre et ombrageux fermier Dan Burke comme le veut la coutume dans cette contreacutee reculeacutee Silence dans la chaumiegravere isoleacutee quand agrave la porte frappe un inconnu nomade des collines cueilleur drsquohistoires (Synge) qui ravive dans lrsquoacircme dAlice la soif drsquoun ailleurs Un autre homme bouscule les certitudes dAlice Michaeumll Dara le marin devenu berger qui vit agrave quelques lieues et convoite agrave la fois les biens et la femmethinsp Et si soudain srsquoeacuteveillait le deacutefunt chahutant les vivants que ferait Alicethinsp

Le mort est sur scegravene muet cela va sans dire mais bien preacutesent tout de mecircme Sa femme lui rend hommage malgreacute les cahots qui ont chahuteacute sa vie Cest une femme simple qui a les pieds sur terre capable dun brin de fantaisie que lon remarque dans le point de tricot du gilet quelle porte sur une robe bleu marine Sans doute reacutealiseacute avec la laine de ses moutons Les paroles se bousculent au rythme des souvenirs et agrave la mesure des angoisses qui lassaillent comme des ressentiments quelle exprime toute seule La tempecircte qui agite son esprit est semblable agrave celle qui souffle au dehors Elle reconnait quelle ne sait plus ougrave elle en est et sassoit pregraves de celui qui fut son homme Chaque mort serait une eacutetoile qui scintille dans le ciel Au-delagrave de cette jolie image Alice est confronteacutee agrave labsence de deux beaux enfants partis aux Ameacuteriques et aujourdrsquohui un mari qui part et agrave qui elle parle comme sil eacutetait vivant et comme elle ne lui a sans doute jamais parleacute parce que jusque-lagrave elle nosait pas Tout bascule ccedila vrille comment crsquoest possible possible je suis en colegravere

Elle refuse puis accueille la reacutealiteacute et lhomme eacutetranger qui explique sa fonction je cueille des mots Et qui fait davantage en analysant les eacutevegravenements Cest lui qui le premier a un doute Il est mort votre copain On dirait qursquoil fait le mort Si effectivement la mort neacutetait quune ruse pour permettre de deacutebusquer la veacuteriteacute vraie agrave linstar dOrgon cacheacute sous la nappe pour confondre Tartuffe

La langue choisie par Nathalie Beacutecue est preacutecise poeacutetique et feacuteroce Si je deacutesentortille votre charabia Jrsquoai trop la trouille pour pas y aller avant de se deacutecider agrave deacuterouler ses recircves sous ses pas

Faisons-nous aussi le pas pour ne pas louper ce petit bijou qui se joue au theacuteacirctre de la Tempecircte jusquau 15 avril 2018

Bourrasque de Nathalie Beacutecue Mise en scegravene Feacutelix Prader Avec Nathalie Beacutecue (Alice Burke) Pierre-Alain Chapuis (Daniel Burke) Theacuteo Chedeville (Michaeumll Dara) Philippe Smith (John) Sceacutenographie et costumes Ceacutecilia Galli Creacuteation sonore Estelle Lembert Direction des combats Franccedilois Rostain Du 16 mars au 15 avril 2018 Du mardi au samedi 20 h 30 dimanche 16 h 30 Les photos qui ne sont pas logotypeacutees A bride abattue sont de Antonia Bozzi Publieacute par marie-claire agrave 2335 Envoyer par e-mailBlogThisPartager sur TwitterPartager sur FacebookPartager sur Pinterest Libelleacutes coup de coeur spectacle theacuteacirctre

critiquetheatreclaucom

17 Mars 2018

ABOZZI

Bourrasque jusqursquoau 1504 th de La tempecircte

Mouvance de la destineacutee

De Nathalie Beacutecue inspireacute de lrsquoœuvre de John Millington Synge dramaturge irlandais 1871- 1909Mise en scegravene Feacutelix Prader

Au premier instant nous nous sommes happeacutes par un merveilleux poegraveme invoquant le chagrin des ecirctres perdus la solitude la deacutetresse la tristesse les regrets

laquo Pourquoi jrsquoai reccedilu cette vie Au lieu drsquoattraper lrsquoair transparent dans le bleu du cielhelliphellip Rester lagrave agrave attendre la Balayure du soir raquo

Une atmosphegravere de conte de poeacutesie et de mystegravere nous enveloppe

Un jour de grande tempecircte au plus profond de la campagne irlandaise nous peacuteneacutetrons dans une sobre demeure Il va se deacuterouler sous nos yeux pleins drsquoeacutetonnement un conte tragi-comique

Les personnages sont hauts en couleur

Un paysan Daniel Burke rustre et srsquoabreuvant de whisky pour oublier sa peur et la tristesse de la vie simule sa mort pour espionner sa femme

Alice soumise agrave sa condition se questionne sur sa vie passeacutee et agrave venir Tout en veillant son deacutefunt mari

John marcheur solitaire poegravete eacutecrivain et avide de liberteacute eacutecoutant et observant le monde arrive agrave lrsquoimproviste dans cette demeure

Michaeumll ancien marin devenu berger est un eacutetranger dans cette campagne isoleacutee Il va convoiter Alice pour srsquointeacutegrer dans ce monde hostile

Tous ses personnages vont se reacuteveacuteler nous raconter leur histoire parfois tragique parfois cocasse

Que veulent-ils devenir Prendront-ils leur destineacutee en main

Nous deacutecouvrons le sens de la fecircte les rites et coutumes funeacuteraires de la campagne irlandaise Nous ressentons lrsquoisolement de ses contreacutees la vie rude et solitaire de ses habitants ainsi que le climat rigoureux et froid

Crsquoest agrave la fois violent et tendre eacutemouvant et burlesque

Les comeacutediens nous eacutemeuvent et nous transpercent le cœur

Avec Alice Nathalie Beacutecue nous bouleverse

Daniel Pierre-Alain Chapuis bourru et tendre nous attendri

John Philippe Smith eacuteleacutegant et serein nous seacuteduit

Sans oublier Theacuteo Chedeville touchant dans le rocircle du jeune berger Michaeumll

Page 19: BOURRASQUE - Théâtre Montansier · 2018. 5. 7. · composé Bourrasque, que Félix Prader met en scène avec igueu (1). Synge affimait u’au théâtre, « il faut du réel, il

Accueil SPECTACLES [Critique] laquo Bourrasque raquo par Feacutelix Prader Une bouffeacutee drsquoIrlande

copy Antonia Bozzi

[Critique] laquo Bourrasque raquo par Feacutelix Prader Une bouffeacutee drsquoIrlande Morgane P 2018-03-28

Le Theacuteacirctre de la Tempecircte preacutesente Bourrasque une piegravece de theacuteacirctre de Nathalie Beacutecue

mise en scegravene par Feacutelix Prader Une incursion meacutelancolique et amegravere en terre irlandaise

Lrsquoavis de Bulles de Culture qui eacutetait agrave la premiegravere de la piegravece

Synopsis

Alice Burke (Nathalie Beacutecue) veille son mari Dan Burke (Pierre-Alain Chapuis) qui vient de

mourir quand survient un vagabond (Philippe Smith) qui demande asile pour la nuit Il faut

preacutevenir Michael Dara (Theacuteo Chedeville) jeune berger des alentours afin qursquoil aille annoncer

la nouvelle en ville Mais voilagrave que le mort se redresse et qursquoil a encore des choses agrave direhellip

Bourrasque Une belle reacuteeacutecriture drsquoapregraves John Millington Synge

copy Antonia Bozzi

Crsquoest la piegravece LrsquoOmbre de la valleacutee du dramaturge irlandais John Millington Synge qui est agrave

lrsquoorigine de Bourrasque De cette petite piegravece en un acte lrsquoauteure et comeacutedienne Nathalie

Beacutecue fait la colonne verteacutebrale du spectacle un drame noueacute autour de quatre

personnages dont lrsquoun mime sa mort pour prendre son eacutepouse en faute Reprenant agrave la

lettre le texte de lrsquoauteur irlandais Nathalie Beacutecue lrsquoeacutetoffe toutefois afin drsquoimaginer le

parcours personnel eacutemotionnel de chacun des quatre personnages Lrsquointeacutegration de son

eacutecriture agrave la piegravece de John Millington Synge est parfaite en ce qursquoelle deacutepeint le quotidien

meacutelancolique et maussade de ces Irlandais isoleacutes agrave lrsquoeacutecart du monde comme prisonniers de

la tourbe qui les entoure

Le phraseacute que Nathalie Beacutecue choisit pour Bourrasque est aussi une retranscription fidegravele du

style du dramaturge une langue agrave la fois racircpeuse et poeacutetique peacutetrie de la reacutealiteacute de ces

paysans Si John Millington Synge choisit lrsquoanglo-irlandais pour ses piegraveces Nathalie Beacutecue

imagine une syntaxe et un vocabulaire reacutealisant le mecircme eacutequilibre entre langue orale aux

tournures populaires et envoleacutees des meacutetaphores pour sonder les cœurs des quatre

laquo taiseux raquo

Un quatuor qui fonctionne agrave merveille

copy Antonia Bozzi

La patte de Nathalie Beacutecue ajoute une vraie personnaliteacute agrave la piegravece de John Millington

Synge agrave tel point que tous les personnages ont un relief propre qui les rend attachants sans

les caricaturer pour autant Elle excelle aussi dans lrsquoincarnation sur scegravene de cette femme

drsquoacircge mucircr eacutetouffeacutee par la solitude et lrsquoattente perpeacutetuelle qui constitue son quotidien Elle

tient ainsi toute la tension de Bourrasque de son deacutebut agrave sa fin et ce dans une diction

parfaite drsquoun bout agrave lrsquoautre malgreacute tout ce que la langue du personnage peut avoir de

bourbeux Quant aux trois hommes qui lrsquoentourent Bourrasque leur offre une personnaliteacute

plus profonde que la piegravece du dramaturge irlandais Exploitant les ellipses du texte original

Nathalie Beacutecue imagine que la meacutelancolie de Dan Burke trouve sa source dans la violence qui

lrsquoa entoureacute degraves son enfance Elle choisit aussi de faire davantage parler le jeune berger

amant de lrsquoheacuteroiumlne un peu naiumlf et pas tregraves malin Sa candeur en vient agrave faire sourire avec

tendresse

Mais lrsquoun des personnages qui prend le plus drsquoampleur dans la piegravece est sans conteste celui

du vagabond que Nathalie Beacutecue imagine comme une sorte de chercheur drsquohistoires voyant

ainsi en lui un vague double de John Millington Synge qui a fait de la tradition et des contes

des icircles drsquoAran lrsquoune de ses quecirctes Ce personnage renoue ainsi avec la tradition orale du

reacutecit il rappelle ces aegravedes de la socieacuteteacute grecque antique qui allaient de palais en palais

chanter les reacutecits de leur connaissance Toute la deacutelicatesse dont fait preuve Philippe

Smith dans ce rocircle est remarquable

Un huis clos haletant

I

copy

Antonia Bozzi

Bourrasque reacuteussit avec brio agrave maintenir une tension forte tout au long de la piegravece Crsquoest

drsquoabord la tension qursquoil y a autour de ce deuil rendu angoissant par la preacutesence du mort sur

scegravene Crsquoest ensuite une fois que le laquo mort raquo a reacuteveacuteleacute sa supercherie au vagabond la tension

que ressent le spectateur qui attend que Dan Burke nrsquointervienne Crsquoest enfin la tension du

conflit conjugal qui explose et renverse la situation initiale La mise en scegravene de Feacutelix

Prader repose sur la simpliciteacute deacutecor rudimentaire pas de grands effets Et cela met

parfaitement en valeur la dimension relationnelle du drame

Cette tension dramatique est encore accentueacutee par la tempecircte inteacuterieure que traversent les

personnages notamment les deux eacutepoux Le monologue drsquoAlice qui ouvre la piegravece et la

longue explication que son mari offre au vagabond montrent les deux faces drsquoun couple en

crise dans lequel chacun-e ne voit plus que sa propre souffrance Ce trouble inteacuterieur et

cette forte tension eacutemotionnelle sont bien sucircr souligneacutes par les circonstances

meacuteteacuteorologiques on traverse avec les personnages une sorte de tempecircte ougrave le vent souffle

avec violence Nrsquoest-ce finalement pas cette terrible bourrasque qui trouble les esprits de

chacun Rien nrsquoest moins sucircr

Reacuteunir les deux eacutepoux et lrsquoamant confondu crsquoest un topos theacuteacirctral Mais la preacutesence de cet

inconnu que Nathalie Beacutecue place comme un observateur particulier puisqursquoon imagine que

le drame auquel il assiste pourra enrichir encore son livret de reacutecits est une belle reacuteussite

Eacutecoutant les deux eacutepoux puis prenant finalement place dans le drame en exerccedilant le recul

dont lui seul dans la piegravece est capable change la porteacutee de la piegravece et enrichit

consideacuterablement le triangle amoureux

Bulles de Culture vous recommande en tout cas vivement cette incursion en terre irlandaise

En savoir plus

bull Bourrasque de Nathalie Beacutecue mise en scegravene par Feacutelix Prader est joueacute au Theacuteacirctre de la

Tempecircte du 16 mars au 15 avril 2018

bull Bourrasque sera joueacute en 2018 au Centre culturel de Vitreacute le 20 avril sur la Scegravene nationale

de Bar-le-Duc le 17 mai et au Theacuteacirctre Montansier de Versailles le 25 mai

bull Dureacutee du spectacle 1h40

Actualiteacute theacuteacirctrale

Jusqursquoau 15 avril au Theacuteacirctre de la Tempecircte

laquo Bourrasque raquo mercredi 21 mars 2018

Par un soir de tempecircte dans une chaumiegravere isoleacutee Alice Burke veille son mari le rude et taiseux Dan Burke qui vient de mourir Il lui a interdit de toucher son corps apregraves sa mort exigeant que ce soit sa sœur qui srsquooccupe de la toilette mortuaire Mais celle-ci habite loin Alice craint la nuit et la tempecircte dans ce lieu isoleacute et ne peut le laisser seul Elle attend Deux hommes vont se preacutesenter agrave sa porte un eacutetranger qui parcourt les rudes collines des alentours pour laquo cueillir raquo les histoires qursquoon veut bien lui confier et un jeune berger peu expeacuterimenteacute qui vit un peu plus loin Avec ces deux hommes deux avenirs pourraient se dessiner le second seraient bien inteacuteresseacute par la femme et surtout les biens dont elle va heacuteriter le premier lui ouvre une sortie de son isolement et de nouveaux espaces La bourrasque qui hurle au dehors gagne aussi lrsquointeacuterieur de la chaumiegravere et bouscule tous les esprits

Nathalie Beacutecue a eacuteteacute seacuteduite par lrsquounivers du poegravete et dramaturge irlandais John Millingtone Synge et en particulier par ce livre Les Icircles Aran ougrave il a raconteacute ses rencontres avec les icircliens et les leacutegendes qursquoils lui ont conteacutees Crsquoest de lrsquoun de ses contes Lrsquoombre de la valleacutee qursquoelle srsquoest inspireacutee pour eacutecrire Bourrasque Apregraves lrsquoavoir vue dans Lrsquoapprentie sage-femme qursquoelle avait joueacutee en 2012 on comprend la continuiteacute de son travail Ce qui lrsquointeacuteresse ce sont ces destins de femmes dans les deux cas des paysannes qui cherchent leur voie et prennent la vie agrave bras le corps Dans son texte Nathalie Beacutecue a su faire entendre la sauvagerie de la nature le vent la pluie et la vie rude de ceux qui y habitent Elle a su aussi traduire les penseacutees tourmenteacutees des quatre personnages attribuant agrave John lrsquohomme qui cueille les histoires la deacutemarche de Synge lui-mecircme dans les Icircles drsquoAran

Dans la mise en scegravene de Feacutelix Prader on reste enfermeacute dans la chaumiegravere avec le mort assis ou couvert drsquoun drap et lrsquoexteacuterieur nrsquoapparaicirct qursquoinquieacutetant avec le bruit amplifieacute du vent ou des coups agrave la porte Seuls les hommes qui arrivent apportent lrsquoimage drsquoun ailleurs possible pour cette femme qui srsquoest laisseacutee enfermer dans la solitude au point drsquoecirctre obligeacutee de parler aux arbres

Nathalie Beacutecue en robe paysanne et petit gilet de laine bleue avec de gros bas de laine incarne Alice qui parle de sa vie avec cet eacutepoux taiseux porteacute sur le whisky Elle caresse la couverture de poils de chegravevre tout en parlant Calme elle dit qursquoaucun vivant ne lui a jamais fait peur crsquoest drsquoautre chose qursquoelle a peur puis soudain la colegravere lrsquoemporte quand elle pense agrave lrsquoennui de sa vie laquo fosse agrave chagrin mareacutecage de tristesse raquo et se dit qursquoelle a peut-ecirctre fait le mauvais choix en se condamnant agrave laquo regarder les saisons passer raquo Philippe Smith est John celui qui ramasse les histoires vagabond ceacuteleste qui amuse Alice avec un tour de magie lui donne les nouvelles de la valleacutee et surtout lui parle drsquoun ailleurs Theacuteo Chedeville est Michaeumll Dara le marin devenu berger Pierre-Alain Chapuis est Dan Burke le mort qui survit Il est puissant violent ravageacute par sa colegravere contre tous sa femme son pegravere mais aussi contre lui-mecircme On le sent deacutevoreacute par lrsquoamertume laquo bouffeacute par la tristesse raquo comme le dit Alice mais peut-ecirctre capable de rebondir loin de sa femme

On se laisse emporter par le reacutecit On est dans ces icircles irlandaises battues par le vent et la pluie et on rejoint John quand il dit laquo Apregraves des veilleacutees solitaires je peux dire que les gens drsquoici ne sont pas insignifiants raquo

Micheline Rousselet

Du mardi au samedi agrave 20h30 le dimanche agrave 16h30

Theacuteacirctre de La Tempecircte

Cartoucherie

Route du Champ-de-Manoeuvre 75012 Paris

Reacuteservations (partenariat Reacuteducrsquosnes tarifs reacuteduits aux syndiqueacutes Snes mais sur reacuteservation impeacuterative) 01 43 28 36 36

T H Eacute Acirc T R E

BOURRASQUE UN MAGNIFIQUE OBJET POEacuteTIQUE

ET INSPIREacute DANS LE MONDE AcircPRE ET SANS

CONCESSION DES TERRES DrsquoIRLANDE 19 MARS 2018

Reacutedigeacute par Sarah Franck

laquo Le cœur casseacute ccedila donne la vie grise raquo Quand la brume et le vent soufflent sur un monde sans avenir confit dans lrsquoeacutecoulement uniforme des jours une porte parfois srsquoentrouvre pour que change le cours des choseshellip

Un homme est mort ce soir assis dans son fauteuil Sa femme une femme de rien ou de si peu de chose heacutesite Il lui a interdit de toucher son cadavre et a jeteacute sur elle une maleacutediction au cas ougrave elle enfreindrait lrsquoordre Seule sa sœur aura le droit de le preacuteparer pour son dernier voyage Mais comment faire quand la nuit a pris des couleurs de noir drsquoencre que les nueacutees srsquoamassent que le tonnerre gronde qursquoelle a une tregraves longue route et qursquoelle est seule Il nrsquoest pas bon drsquoabandonner un mort agrave lui-mecircmehellip Dans ce lieu perdu du bout du monde ougrave ne trouvent guegravere agrave subsister que les moutons ougrave lrsquoacircpreteacute de la vie a jeteacute sur les ecirctres son voile de dureteacute ougrave ne semblent possibles que la violence des comportements et lrsquohostiliteacute ougrave lrsquoalcool est la solution ultime quotidienne pour triompher des aleacuteas un groupe heacuteteacuteroclite va peu agrave peu se rassembler

(c) Antonia Bozzi

Une arche de Noeacute de largueacutes du monde

Parmi les personnages perdus dans ce milieu de nulle part arrive drsquoabord un vagabond un cueilleur de mots un raconteur drsquohistoires qui cherche un havre pour la nuit Il voudrait simplement reposer ses pieds fatigueacutes de cheminot avant de reprendre la route Il y a lrsquoancien marin devenu eacuteleveur que la mort du mari arrange car il en guigne les terres pour faire paicirctre ses troupeaux Il y a elle la femme deacutevoueacutee dont on ne sait de quoi est fait son attachement au deacutefunt ndash amour en deacutepit de lrsquoindiffeacuterence qursquoil lui porte ennui drsquoun mariage accepteacute pour la seacutecuriteacute qursquoil donne reacutesignation devant les vexations subies Et puis il y a ce mort qui srsquoavegraverera bien vivant au moment ougrave srsquoopegravere le partage des deacutepouilles et dont lrsquohistoire a la violence et linceste pour cortegravegehellip

Ce sont lagrave des perdus eacutegareacutes sans lrsquoavoir choisi prenant racine lagrave ougrave on les a planteacutes Massifs taiseux Vivent-ils Peut-ecirctre le cheminot qui erre agrave lrsquoaventure est-il le seul agrave savoir ougrave il va ce saltimbanque ce poegravete qui donne agrave voir un ailleurs agrave respirer lrsquoodeur du vent et les senteurs venues de contreacutees lointaines Peut-ecirctre ne sont-ils pas agrave leur place mais ont-ils une place Le preacutesent est leur futur leur avenir leur eacuteterniteacute Ils portent leur brume en eux cette compagne des sortilegraveges et des superstitions qui leur colle agrave la peau Ils ont cette eacutepaisseur de la matiegravere brute cette preacutesence obstineacutee de ceux qui ne savent qursquoecirctre

(c) Antonia Bozzi

Lrsquoespace de la parole

Dans ce huis clos deacutelimiteacute par une table dans un coin une banquette sur laquelle est assis immobile le mari et une commode il nrsquoy a pas drsquoeacutechappatoire Le lieu est agrave lrsquoimage de leur existence refermeacute sur lui-mecircme Alors il ne leur reste que la parole pour briser lrsquoenfermement Une parole difficile Les mots buttent dans leur gorge ils sortent contraints rentreacutes et de trop de retenue se heurtent et srsquoentrechoquent avec de brusques flambeacutees de violence se deacuteversent tels des crachats agrave la figure de lrsquoautre Crsquoest un trop-plein qui deacuteferle pour trouver le chemin de la conscience et qui les met en face drsquoeux-mecircmes et de leur reacutealiteacute Apregraves il nrsquoy aura plus de retour en arriegravere possible et chacun devra trouver lrsquoissue qui lui convient

Ils ont ce parler fruste mais imageacute des paysans laquo ccedila crsquoest sucircr raquo qui offre une transposition bretonne agrave lrsquoanglo-irlandais du texte original Un mecircme fondement celtique court dans ces deux reacutegions que rassemblent la culture et les paysages et ougrave souffle un vent laquo agrave reacuteveiller les disparus les esprits malins ou les feacutees tordues raquo Les noms de lieux aux consonances eacutetranges chantent une poeacutesie de lrsquoailleurs qursquoaccompagne celle du deacutesespoir de ces eacutecorcheacutes de la vie laquo Crsquoest comme ccedila le bout du chemin de ceux de sa sorte Les deacutevoreacutes drsquoangoisse les rongeacutes de tristesse raquo Les mots disent leur deacutetresse Leur barbe laquo on dirait deacutejagrave du poil de moisissure raquo Lrsquounivers laquo des milliards de milliards de masses solaires qui tournoient en spirale jusqursquoagrave ecirctre happeacutees aspireacutees au centre de lrsquoinconnu du trou noir [hellip] une eacutenorme densiteacute de creacuteation ou une absence de creacuteation Du trop-plein au vide raquo agrave lrsquoimage de leur vie qui laquo se deacuteficelle raquo se deacutecompose se deacutesintegravegrehellip

Entre Synge et Nathalie Beacutecue

De lrsquoOmbre de la valleacutee de John Millington Synge ndash compatriote de Joyce Yeats et Beckett et fervent deacutefenseur du renouveau de la culture irlandaise ndash Nathalie Beacutecue reprend la situation de ce mort laquo ressusciteacute raquo tout en modifiant les enjeux et la porteacutee de lrsquohistoire Elle fait du chemineau une incarnation du poegravete Elle reprend dans lrsquoesprit ce parler si particulier qui inverse lrsquoordre des mots pour placer dans une phrase lrsquoimportant devant On y retrouve le mecircme souci de rendre leurs lettres de noblesse agrave ceux qui sont sans-grade placeacutes agrave lrsquoeacutecart en marge mais portent en eux une veacuteriteacute immeacutemoriale qui les deacutepasse Ces hommes et ces femmes qui ne savent pas parler une laquo belle raquo langue au sens classique sont pleins habiteacutes possesseurs drsquoun treacutesor qursquoil nous est donneacute de reconnaicirctre Dans sa laquo variation raquo Nathalie

Beacutecue insuffle sa propre vision de cette laquo veacuteriteacute raquo populaire peupleacutee de croyances et de leacutegendes et met ses personnages en face de choix qui les font progresser et grandir

(c) Antonia Bozzi

Un magnifique travail drsquoacteur

Ce qui frappe enfin crsquoest lrsquointerpreacutetation laquo millimeacutetreacutee raquo des comeacutediens Car enfin crsquoest sur eux que repose ce spectacle ougrave il ne se passe rien ou presque durant deux heures Pas de quiproquo ni de comique de situation Pas de trageacutedie au-delagrave de lrsquoagressiviteacute et des altercations Ni trop ni trop peu mecircme si lrsquoon alterne chuchotements et cris Ils sont tout en retenues briseacutees quand les digues lacircchent en heacutesitations en mots esquisseacutes en gestes inaboutis ou semi-dissimuleacutes en mimiques fugaces Ils disent comme en srsquoexcusant heacutesitent agrave srsquoimposer reacutevegravelent les failles avec beaucoup de finesse La minutie avec laquelle la gestuelle campe les personnages donne au spectacle une justesse qursquoon voit rarement au theacuteacirctre

On srsquoeacutemeut drsquoentendre eacutevoquer les myriades drsquoeacutetoiles comme autant drsquoesprits des morts flottant autour de nous on partage la fatigue des marches de montagne plongeacutees dans une brume eacutepaisse et hostile la difficulteacute de ces laquo nuits noires agrave en appeler agrave la clarteacute des eacutetoiles raquo Et puis on rit car ils sont des hommes avec leurs petits travers leurs lacirccheteacutes et leurs peurs ces errants agrave la deacuterive qui srsquoeacutegarent avec magnificence et nous ressemblent tant Au-delagrave du texte et de sa beauteacute crsquoest agrave une merveilleuse leccedilon drsquohumaniteacute que nous convie ce spectacle

Bourrasque de Nathalie Beacutecue librement inspireacute de lrsquoOmbre du vent de John Millington Synge (eacuted franccedilaise Actes Sud)

Mise en scegravene Feacutelix Prader

Avec Nathalie Beacutecue Pierre-Alain Chapuis Theacuteo Chedeville Philippe Smith (le poegravete)

Theacuteacirctre de la Tempecircte Cartoucherie de Vincennes Route du Champ de Mars ndash 75012 Paris

Du 16 mars 2018 au 15 avril du mardi au samedi agrave 20h30 le dimanche agrave 17h30

Teacutel 01 43 28 36 36 Site wwwla-tempetefr

Bourrasque au Theacuteacirctre de La Tempecircte

Publieacute par Michel Jakubowicz le 26 mars 2018 Publieacute dans Tendance - Fashion

Theacuteacirctre de la Tempecircte Cartoucherie Rte du Champ-de-Manœuvre 75012 Paris

Repreacutesentations du 16 mars au 15 avril 2018

httpswwwla-tempetefr

BOURRASQUE

Variation sur lrsquoOmbre de la valleacutee de JM Synge

de Nathalie Beacutecue

mise en scegravene Feacutelix Prader

avec

Nathalie Beacutecue (Alice Burke)

Pierre-Alain Chapuis (Daniel Burke)

Theacuteo Chedeville (Michaeumll Dara)

Philippe Smith (John)

Nathalie Beacutecue auteure de Bourrasque avoue srsquoecirctre inspireacutee du poegravete et dramaturge John

Millington Synge Feacutelix Prader agrave partir du texte de Nathalie Beacutecue va srsquoefforcer de recreacuteer

lrsquoambiance eacutetrange chaotique effrayante qui sourd de ce texte Il va en quelque sorte donner

corps agrave une histoire ougrave semble rocircder une ambiance agrave la limite du fantastique et mettre en lumiegravere

les comportements presque forceneacutes brutaux impreacutevisibles des personnages qursquoun hasard

apparemment faceacutetieux (ou malfaisant) a reacuteunis dans une chaumiegravere perdue de la lande irlandaise

battue par la tempecircte Il faut dire que la piegravece se deacuteroule dans un contexte peu banal presque

terrifiant puisqursquoune femme seule soliloque en srsquoadressant agrave un cosmos aveugle et infini bourreacute

de trous noirs insondables et mortels La femme semble prendre agrave teacutemoin un homme immobile

ne bougeant pas drsquoun cil et dont la raideur semble vaguement indiquer qursquoil est peut-ecirctre passeacute

de vie agrave treacutepas ou qursquoil feint deacutelibeacutereacutement lrsquoindiffeacuterence absolue face aux propos tenus par la

femme Les choses pourraient en rester lagrave mais soudainement surgi du cœur de la tempecircte qui se

deacutechaicircne agrave lrsquoexteacuterieur un inconnu reacuteclame avec insistance malgreacute lrsquohostiliteacute de la femme agrave

srsquoabriter dans la chaumiegravere

A partir de lrsquointrusion de cet eacutetranger lrsquoaction va soudainement srsquoacceacuteleacuterer et le reacutecit srsquoorienter

sans deacutelai vers lrsquoabsurde le fantastique lrsquoinattendu Le reacutecit bascule apparemment vers

lrsquoirrationnel mais en terre irlandaise il semble agrave lrsquoeacutevidence que les apparences ne sont pas

forceacutement conformes agrave la reacutealiteacute et la suite du reacutecit de Nathalie Beacutecue srsquoinspirant de John

Millington Synge ne fera que rendre encore plus creacutedible cette impression

La mise en scegravene de Feacutelix Prader reconstitue avec une sorte de preacutecision presque surnaturelle

eacutetonnante cette campagne irlandaise drsquoougrave nrsquoimporte quels fantocircmes peuvent impuneacutement surgir

de la nuit Jusqursquoau bout drsquoune nuit interminable peupleacutee de terreurs sans noms cette assembleacutee

de personnages subira jusqursquoau bout un destin fait drsquoincertitude balanccedilant constamment entre

espoir et deacutesespeacuterance Lrsquointerpreacutetation est remarquable en particulier celle de Nathalie Beacutecue

incarnant avec beaucoup drsquoacircpreteacute de passion le rocircle drsquoAlice Burke Mais les trois autres

protagonistes masculins sont eacutegalement parfaits donnant agrave leurs personnages respectifs toute

lrsquoeacutepaisseur psychologique deacutesireacutee Un spectacle prenant qui reacutevegravele dans toute sa profondeur

lrsquoacircme irlandaise

Michel Jakubowicz

LE BRUITDUOFF TRIBUNE

LES SCENES ACTUELLES SANS TABOU NI TROMPETTES

CRITIQUE laquo Bourrasque raquo variation sur Lrsquoombre de la valleacutee de JM Synge de Nathalie Beacutecue mis en scegravene par Feacutelix Prader avec Nathalie Beacutecue Pierre-Alain Chapuis Theacuteo Chedeville et Philippe Smith Au Theacuteacirctre de la Tempecircte salle Copi jusqursquoau 15 avril du mardi au samedi agrave 20h30 dimanche agrave 16h30

Crsquoest lrsquoun des plus beaux textes de la saison Nathalie Beacutecue a adapteacute les peacutereacutegrinations de Synge avec amour infleacutechissant ses rugositeacutes irlandaises drsquoune ardeur feacutebrile

laquo Bourrasque raquo crsquoest la poeacutesie cosmique descendue sur lrsquoeacutepure drsquoun verbe aussi vieux que les icircles drsquoAran qui lrsquoabritent laquo Bourrasque raquo crsquoest la meacutetaphysique de la bergegravere Srsquoeacutelegraveve une litanie vibrante adresseacutee aux eacutetoiles pour cet laquo ougrave suis-je raquo qui preacutecegravede le laquo qui suis-je raquo pour le trou noir la masse la poussiegravere lrsquoengloutissement la disparition lrsquoinconnu la creacuteation sa densiteacute son absence le trop plein le videhellip Le vertige drsquoAlice Burke un soir de tempecircte est celui drsquoun cœur simple dans le langage du monde Lrsquoespace drsquoun entre-lumiegravere avant lrsquoextinction de la salle Nathalie Beacutecue ample vibrante ancreacutee et tendue vers des ciels invisibles livre une formidable deacutemonstration de sa maicirctrise de lrsquoabandon

Encore aux prises avec ce jaillissement drsquoecirctre brut et pur il nous faut quelques battements de cœur pour lrsquohabituer aux ombres de la scegravene peacuteneacutetrer le deuil terrestre drsquoAlice Burke et investir sa maison de pierre tandis que laquo perdu ailleurs raquo le vent se legraveve Les yeux pleins drsquoorage et la voix blanche elle embarque les acircmes qursquoelle a tendues vers elle laquo Je suis en colegravere tellement je suis triste raquo

Daniel Burke le fermier sans meacutetaphysique le fermier malheureux srsquoest figeacute lagrave dans une mort subite et inviolable et sa veuve saisie de solitude et figeacutee depuis cent ans voit sa laquo vie grise raquo deacutechireacutee par laquo la grande trouille raquo La trouille de quoi Car la mort toute proche incarneacutee dans la deacutepouille de son mari immobile ne lrsquoeffraye pas Crsquoest une femme des montagnes qui croit aux fantocircmes et qui ne les craint pas

Est-ce un fantocircme qui franchit son seuil dans lrsquoorage pour mettre son errance et son immense laquo dehors raquo dans lrsquoespace sans projet ougrave elle vit confineacutee John mucirc par le timbre envoucirctant de Philippe Smith est un porteur drsquohistoires venu reacutecolter quelques miettes au foyer de la derniegravere maison allumeacutee sur les chemins rocheux drsquoAran Quand Alice Burke laisse son hocircte dans cette eacutetrange veilleacutee et que Dan Burke se redresse bien vivant et saoul crsquoest toute une vie de spectateur qui vacille agrave son tour John pourra-t-il refuser drsquoecirctre acteur de cette histoire-lagrave

Pierre-Alain Chapuis est un Dan Burke massif en corps et en ecirctre plein de passeacute de rancœur et de lrsquoeacutepaisse rusticiteacute que les silences ont tanneacutee sur sa peau et sa voix Quatriegraveme entreacutee en scegravene la jeunesse vacillante de Theacuteo Chedeville precircte ses fougues agrave Michaeumll Dara le marin en quecircte de reacuteconciliation avec la terre qui cherche agrave ecirctre au sol et treacutepigne dans la valleacutee encore la tecircte agrave moitieacute immergeacutee des recircves drsquoavant les recircves enterreacutes de large et de houle La paix est-elle plus haut dans la montagne

La mise en scegravene de Feacutelix Prader attentive aux eacuteclats de verbe sublimeacutes par les voix de Beacutecue Chapuis Chedeville et Smith est un effacement une ombre pour que la poeacutesie eacuteclaire Il veut saisir le preacutesent et la preacutesence eacutenorme des protagonistes dans la suspension du temps du theacuteacirctre Sa scegravene se deacutepare du moindre artifice se fait couloir pour lrsquoeacutemotion de cette parole vitale qui balaye le silence effareacute du spectateur srsquooublie dans une pudeur parfaite Jrsquoentends encore la voix pleine et rocailleuse de Beacutecue la Burke souffler la bourrasque laquo Jrsquoai trop la trouille pour pas y aller raquo

Drsquoun eacutelan vital et poeacutetique elle engloutit le motif radical de la mort

Marguerite Dornier

DU 1603 AU 15042018 AU THEacuteAcircTRE DE LA TEMPEcircTE | DUREacuteE 1H40 |

Librement adapteacute de la piegravece en un acte de John M Synge laquo Lrsquoombre dans la Valleacutee raquo Bourrasque fait preuve drsquoune sagaciteacute deacuteroutante dans une ambiance drsquoinsulaires superstitieux Situation macabre regraveglements de comptes conjugaux reacutecits de voyages et art du vagabondagehellip lrsquoIrlande et son hors-champ drsquoimmensiteacute montagneuse et orageuse nous submergent alors que de grandes deacutecisions se prennent dans la petite chaumiegravere drsquoAlice Burke indigneacutee par la mort foudroyante de son mari Dan qursquoelle ne peut toucher sous peine drsquoecirctre maudite

De par la traduction drsquoun gaeacutelique transposeacute dans du franccedilais paysan aux consonances lyriques et lrsquointerpreacutetation de ce tregraves beau et talentueux quatuor de comeacutediens le folklore celte est tout agrave fait plausible voire palpable et propage son caractegravere sacreacute Bourrasque est un deacutelice drsquohumour peut ecirctre un tantinet pessimiste mais surtout pittoresque et poeacutetique

Eloiumlse Dandoy

jeudi 22 mars 2018

Bourrasque de Nathalie Beacutecue

Bourrasque est un de ces spectacles dont on mesure la chance quils existent Parce que Nathalie Beacutecue a fait un travail deacutecriture tregraves reacuteussi librement adapteacute de la piegravece LrsquoOmbre de la valleacutee en reprenant lrsquoargument tout en modifiant les enjeux et la porteacutee Elle place le spectateur au plus pregraves de latmosphegravere poeacutetique qui a impreacutegneacute lIrlande que John Millington Synge (1871-1909) nous a fait deacutecouvrir au XIXdeg siegravecle et qui est encore tregraves vivante gracircce agrave la moderniteacute de la mise en scegravene de Feacutelix Prader La distribution est habile avec Nathalie Beacutecue qui interpregravete Alice Burke et trois autres comeacutediens Pierre-Alain Chapuis (Daniel Burke) Theacuteo Chedeville (Michaeumll Dara) et Philippe Smith (John) tous diffeacuterents qui permettent dapporter des points de vue parfois deacuteroutants maintenant le spectateur quasiment en haleine comme sil eacutetait au coeur dun thriller Le caractegravere primitif de la vie sociale si particuliegravere des icircles drsquoAran en deviendrait presque normal dans un deacutecor rustique simple et familier

Par un soir de violente tempecircte que lon entendra rugir derriegravere la verriegravere Alice Burke veille son mari deacutefunt lrsquoacircpre et ombrageux fermier Dan Burke comme le veut la coutume dans cette contreacutee reculeacutee Silence dans la chaumiegravere isoleacutee quand agrave la porte frappe un inconnu nomade des collines cueilleur drsquohistoires (Synge) qui ravive dans lrsquoacircme dAlice la soif drsquoun ailleurs Un autre homme bouscule les certitudes dAlice Michaeumll Dara le marin devenu berger qui vit agrave quelques lieues et convoite agrave la fois les biens et la femmethinsp Et si soudain srsquoeacuteveillait le deacutefunt chahutant les vivants que ferait Alicethinsp

Le mort est sur scegravene muet cela va sans dire mais bien preacutesent tout de mecircme Sa femme lui rend hommage malgreacute les cahots qui ont chahuteacute sa vie Cest une femme simple qui a les pieds sur terre capable dun brin de fantaisie que lon remarque dans le point de tricot du gilet quelle porte sur une robe bleu marine Sans doute reacutealiseacute avec la laine de ses moutons Les paroles se bousculent au rythme des souvenirs et agrave la mesure des angoisses qui lassaillent comme des ressentiments quelle exprime toute seule La tempecircte qui agite son esprit est semblable agrave celle qui souffle au dehors Elle reconnait quelle ne sait plus ougrave elle en est et sassoit pregraves de celui qui fut son homme Chaque mort serait une eacutetoile qui scintille dans le ciel Au-delagrave de cette jolie image Alice est confronteacutee agrave labsence de deux beaux enfants partis aux Ameacuteriques et aujourdrsquohui un mari qui part et agrave qui elle parle comme sil eacutetait vivant et comme elle ne lui a sans doute jamais parleacute parce que jusque-lagrave elle nosait pas Tout bascule ccedila vrille comment crsquoest possible possible je suis en colegravere

Elle refuse puis accueille la reacutealiteacute et lhomme eacutetranger qui explique sa fonction je cueille des mots Et qui fait davantage en analysant les eacutevegravenements Cest lui qui le premier a un doute Il est mort votre copain On dirait qursquoil fait le mort Si effectivement la mort neacutetait quune ruse pour permettre de deacutebusquer la veacuteriteacute vraie agrave linstar dOrgon cacheacute sous la nappe pour confondre Tartuffe

La langue choisie par Nathalie Beacutecue est preacutecise poeacutetique et feacuteroce Si je deacutesentortille votre charabia Jrsquoai trop la trouille pour pas y aller avant de se deacutecider agrave deacuterouler ses recircves sous ses pas

Faisons-nous aussi le pas pour ne pas louper ce petit bijou qui se joue au theacuteacirctre de la Tempecircte jusquau 15 avril 2018

Bourrasque de Nathalie Beacutecue Mise en scegravene Feacutelix Prader Avec Nathalie Beacutecue (Alice Burke) Pierre-Alain Chapuis (Daniel Burke) Theacuteo Chedeville (Michaeumll Dara) Philippe Smith (John) Sceacutenographie et costumes Ceacutecilia Galli Creacuteation sonore Estelle Lembert Direction des combats Franccedilois Rostain Du 16 mars au 15 avril 2018 Du mardi au samedi 20 h 30 dimanche 16 h 30 Les photos qui ne sont pas logotypeacutees A bride abattue sont de Antonia Bozzi Publieacute par marie-claire agrave 2335 Envoyer par e-mailBlogThisPartager sur TwitterPartager sur FacebookPartager sur Pinterest Libelleacutes coup de coeur spectacle theacuteacirctre

critiquetheatreclaucom

17 Mars 2018

ABOZZI

Bourrasque jusqursquoau 1504 th de La tempecircte

Mouvance de la destineacutee

De Nathalie Beacutecue inspireacute de lrsquoœuvre de John Millington Synge dramaturge irlandais 1871- 1909Mise en scegravene Feacutelix Prader

Au premier instant nous nous sommes happeacutes par un merveilleux poegraveme invoquant le chagrin des ecirctres perdus la solitude la deacutetresse la tristesse les regrets

laquo Pourquoi jrsquoai reccedilu cette vie Au lieu drsquoattraper lrsquoair transparent dans le bleu du cielhelliphellip Rester lagrave agrave attendre la Balayure du soir raquo

Une atmosphegravere de conte de poeacutesie et de mystegravere nous enveloppe

Un jour de grande tempecircte au plus profond de la campagne irlandaise nous peacuteneacutetrons dans une sobre demeure Il va se deacuterouler sous nos yeux pleins drsquoeacutetonnement un conte tragi-comique

Les personnages sont hauts en couleur

Un paysan Daniel Burke rustre et srsquoabreuvant de whisky pour oublier sa peur et la tristesse de la vie simule sa mort pour espionner sa femme

Alice soumise agrave sa condition se questionne sur sa vie passeacutee et agrave venir Tout en veillant son deacutefunt mari

John marcheur solitaire poegravete eacutecrivain et avide de liberteacute eacutecoutant et observant le monde arrive agrave lrsquoimproviste dans cette demeure

Michaeumll ancien marin devenu berger est un eacutetranger dans cette campagne isoleacutee Il va convoiter Alice pour srsquointeacutegrer dans ce monde hostile

Tous ses personnages vont se reacuteveacuteler nous raconter leur histoire parfois tragique parfois cocasse

Que veulent-ils devenir Prendront-ils leur destineacutee en main

Nous deacutecouvrons le sens de la fecircte les rites et coutumes funeacuteraires de la campagne irlandaise Nous ressentons lrsquoisolement de ses contreacutees la vie rude et solitaire de ses habitants ainsi que le climat rigoureux et froid

Crsquoest agrave la fois violent et tendre eacutemouvant et burlesque

Les comeacutediens nous eacutemeuvent et nous transpercent le cœur

Avec Alice Nathalie Beacutecue nous bouleverse

Daniel Pierre-Alain Chapuis bourru et tendre nous attendri

John Philippe Smith eacuteleacutegant et serein nous seacuteduit

Sans oublier Theacuteo Chedeville touchant dans le rocircle du jeune berger Michaeumll

Page 20: BOURRASQUE - Théâtre Montansier · 2018. 5. 7. · composé Bourrasque, que Félix Prader met en scène avec igueu (1). Synge affimait u’au théâtre, « il faut du réel, il

Crsquoest la piegravece LrsquoOmbre de la valleacutee du dramaturge irlandais John Millington Synge qui est agrave

lrsquoorigine de Bourrasque De cette petite piegravece en un acte lrsquoauteure et comeacutedienne Nathalie

Beacutecue fait la colonne verteacutebrale du spectacle un drame noueacute autour de quatre

personnages dont lrsquoun mime sa mort pour prendre son eacutepouse en faute Reprenant agrave la

lettre le texte de lrsquoauteur irlandais Nathalie Beacutecue lrsquoeacutetoffe toutefois afin drsquoimaginer le

parcours personnel eacutemotionnel de chacun des quatre personnages Lrsquointeacutegration de son

eacutecriture agrave la piegravece de John Millington Synge est parfaite en ce qursquoelle deacutepeint le quotidien

meacutelancolique et maussade de ces Irlandais isoleacutes agrave lrsquoeacutecart du monde comme prisonniers de

la tourbe qui les entoure

Le phraseacute que Nathalie Beacutecue choisit pour Bourrasque est aussi une retranscription fidegravele du

style du dramaturge une langue agrave la fois racircpeuse et poeacutetique peacutetrie de la reacutealiteacute de ces

paysans Si John Millington Synge choisit lrsquoanglo-irlandais pour ses piegraveces Nathalie Beacutecue

imagine une syntaxe et un vocabulaire reacutealisant le mecircme eacutequilibre entre langue orale aux

tournures populaires et envoleacutees des meacutetaphores pour sonder les cœurs des quatre

laquo taiseux raquo

Un quatuor qui fonctionne agrave merveille

copy Antonia Bozzi

La patte de Nathalie Beacutecue ajoute une vraie personnaliteacute agrave la piegravece de John Millington

Synge agrave tel point que tous les personnages ont un relief propre qui les rend attachants sans

les caricaturer pour autant Elle excelle aussi dans lrsquoincarnation sur scegravene de cette femme

drsquoacircge mucircr eacutetouffeacutee par la solitude et lrsquoattente perpeacutetuelle qui constitue son quotidien Elle

tient ainsi toute la tension de Bourrasque de son deacutebut agrave sa fin et ce dans une diction

parfaite drsquoun bout agrave lrsquoautre malgreacute tout ce que la langue du personnage peut avoir de

bourbeux Quant aux trois hommes qui lrsquoentourent Bourrasque leur offre une personnaliteacute

plus profonde que la piegravece du dramaturge irlandais Exploitant les ellipses du texte original

Nathalie Beacutecue imagine que la meacutelancolie de Dan Burke trouve sa source dans la violence qui

lrsquoa entoureacute degraves son enfance Elle choisit aussi de faire davantage parler le jeune berger

amant de lrsquoheacuteroiumlne un peu naiumlf et pas tregraves malin Sa candeur en vient agrave faire sourire avec

tendresse

Mais lrsquoun des personnages qui prend le plus drsquoampleur dans la piegravece est sans conteste celui

du vagabond que Nathalie Beacutecue imagine comme une sorte de chercheur drsquohistoires voyant

ainsi en lui un vague double de John Millington Synge qui a fait de la tradition et des contes

des icircles drsquoAran lrsquoune de ses quecirctes Ce personnage renoue ainsi avec la tradition orale du

reacutecit il rappelle ces aegravedes de la socieacuteteacute grecque antique qui allaient de palais en palais

chanter les reacutecits de leur connaissance Toute la deacutelicatesse dont fait preuve Philippe

Smith dans ce rocircle est remarquable

Un huis clos haletant

I

copy

Antonia Bozzi

Bourrasque reacuteussit avec brio agrave maintenir une tension forte tout au long de la piegravece Crsquoest

drsquoabord la tension qursquoil y a autour de ce deuil rendu angoissant par la preacutesence du mort sur

scegravene Crsquoest ensuite une fois que le laquo mort raquo a reacuteveacuteleacute sa supercherie au vagabond la tension

que ressent le spectateur qui attend que Dan Burke nrsquointervienne Crsquoest enfin la tension du

conflit conjugal qui explose et renverse la situation initiale La mise en scegravene de Feacutelix

Prader repose sur la simpliciteacute deacutecor rudimentaire pas de grands effets Et cela met

parfaitement en valeur la dimension relationnelle du drame

Cette tension dramatique est encore accentueacutee par la tempecircte inteacuterieure que traversent les

personnages notamment les deux eacutepoux Le monologue drsquoAlice qui ouvre la piegravece et la

longue explication que son mari offre au vagabond montrent les deux faces drsquoun couple en

crise dans lequel chacun-e ne voit plus que sa propre souffrance Ce trouble inteacuterieur et

cette forte tension eacutemotionnelle sont bien sucircr souligneacutes par les circonstances

meacuteteacuteorologiques on traverse avec les personnages une sorte de tempecircte ougrave le vent souffle

avec violence Nrsquoest-ce finalement pas cette terrible bourrasque qui trouble les esprits de

chacun Rien nrsquoest moins sucircr

Reacuteunir les deux eacutepoux et lrsquoamant confondu crsquoest un topos theacuteacirctral Mais la preacutesence de cet

inconnu que Nathalie Beacutecue place comme un observateur particulier puisqursquoon imagine que

le drame auquel il assiste pourra enrichir encore son livret de reacutecits est une belle reacuteussite

Eacutecoutant les deux eacutepoux puis prenant finalement place dans le drame en exerccedilant le recul

dont lui seul dans la piegravece est capable change la porteacutee de la piegravece et enrichit

consideacuterablement le triangle amoureux

Bulles de Culture vous recommande en tout cas vivement cette incursion en terre irlandaise

En savoir plus

bull Bourrasque de Nathalie Beacutecue mise en scegravene par Feacutelix Prader est joueacute au Theacuteacirctre de la

Tempecircte du 16 mars au 15 avril 2018

bull Bourrasque sera joueacute en 2018 au Centre culturel de Vitreacute le 20 avril sur la Scegravene nationale

de Bar-le-Duc le 17 mai et au Theacuteacirctre Montansier de Versailles le 25 mai

bull Dureacutee du spectacle 1h40

Actualiteacute theacuteacirctrale

Jusqursquoau 15 avril au Theacuteacirctre de la Tempecircte

laquo Bourrasque raquo mercredi 21 mars 2018

Par un soir de tempecircte dans une chaumiegravere isoleacutee Alice Burke veille son mari le rude et taiseux Dan Burke qui vient de mourir Il lui a interdit de toucher son corps apregraves sa mort exigeant que ce soit sa sœur qui srsquooccupe de la toilette mortuaire Mais celle-ci habite loin Alice craint la nuit et la tempecircte dans ce lieu isoleacute et ne peut le laisser seul Elle attend Deux hommes vont se preacutesenter agrave sa porte un eacutetranger qui parcourt les rudes collines des alentours pour laquo cueillir raquo les histoires qursquoon veut bien lui confier et un jeune berger peu expeacuterimenteacute qui vit un peu plus loin Avec ces deux hommes deux avenirs pourraient se dessiner le second seraient bien inteacuteresseacute par la femme et surtout les biens dont elle va heacuteriter le premier lui ouvre une sortie de son isolement et de nouveaux espaces La bourrasque qui hurle au dehors gagne aussi lrsquointeacuterieur de la chaumiegravere et bouscule tous les esprits

Nathalie Beacutecue a eacuteteacute seacuteduite par lrsquounivers du poegravete et dramaturge irlandais John Millingtone Synge et en particulier par ce livre Les Icircles Aran ougrave il a raconteacute ses rencontres avec les icircliens et les leacutegendes qursquoils lui ont conteacutees Crsquoest de lrsquoun de ses contes Lrsquoombre de la valleacutee qursquoelle srsquoest inspireacutee pour eacutecrire Bourrasque Apregraves lrsquoavoir vue dans Lrsquoapprentie sage-femme qursquoelle avait joueacutee en 2012 on comprend la continuiteacute de son travail Ce qui lrsquointeacuteresse ce sont ces destins de femmes dans les deux cas des paysannes qui cherchent leur voie et prennent la vie agrave bras le corps Dans son texte Nathalie Beacutecue a su faire entendre la sauvagerie de la nature le vent la pluie et la vie rude de ceux qui y habitent Elle a su aussi traduire les penseacutees tourmenteacutees des quatre personnages attribuant agrave John lrsquohomme qui cueille les histoires la deacutemarche de Synge lui-mecircme dans les Icircles drsquoAran

Dans la mise en scegravene de Feacutelix Prader on reste enfermeacute dans la chaumiegravere avec le mort assis ou couvert drsquoun drap et lrsquoexteacuterieur nrsquoapparaicirct qursquoinquieacutetant avec le bruit amplifieacute du vent ou des coups agrave la porte Seuls les hommes qui arrivent apportent lrsquoimage drsquoun ailleurs possible pour cette femme qui srsquoest laisseacutee enfermer dans la solitude au point drsquoecirctre obligeacutee de parler aux arbres

Nathalie Beacutecue en robe paysanne et petit gilet de laine bleue avec de gros bas de laine incarne Alice qui parle de sa vie avec cet eacutepoux taiseux porteacute sur le whisky Elle caresse la couverture de poils de chegravevre tout en parlant Calme elle dit qursquoaucun vivant ne lui a jamais fait peur crsquoest drsquoautre chose qursquoelle a peur puis soudain la colegravere lrsquoemporte quand elle pense agrave lrsquoennui de sa vie laquo fosse agrave chagrin mareacutecage de tristesse raquo et se dit qursquoelle a peut-ecirctre fait le mauvais choix en se condamnant agrave laquo regarder les saisons passer raquo Philippe Smith est John celui qui ramasse les histoires vagabond ceacuteleste qui amuse Alice avec un tour de magie lui donne les nouvelles de la valleacutee et surtout lui parle drsquoun ailleurs Theacuteo Chedeville est Michaeumll Dara le marin devenu berger Pierre-Alain Chapuis est Dan Burke le mort qui survit Il est puissant violent ravageacute par sa colegravere contre tous sa femme son pegravere mais aussi contre lui-mecircme On le sent deacutevoreacute par lrsquoamertume laquo bouffeacute par la tristesse raquo comme le dit Alice mais peut-ecirctre capable de rebondir loin de sa femme

On se laisse emporter par le reacutecit On est dans ces icircles irlandaises battues par le vent et la pluie et on rejoint John quand il dit laquo Apregraves des veilleacutees solitaires je peux dire que les gens drsquoici ne sont pas insignifiants raquo

Micheline Rousselet

Du mardi au samedi agrave 20h30 le dimanche agrave 16h30

Theacuteacirctre de La Tempecircte

Cartoucherie

Route du Champ-de-Manoeuvre 75012 Paris

Reacuteservations (partenariat Reacuteducrsquosnes tarifs reacuteduits aux syndiqueacutes Snes mais sur reacuteservation impeacuterative) 01 43 28 36 36

T H Eacute Acirc T R E

BOURRASQUE UN MAGNIFIQUE OBJET POEacuteTIQUE

ET INSPIREacute DANS LE MONDE AcircPRE ET SANS

CONCESSION DES TERRES DrsquoIRLANDE 19 MARS 2018

Reacutedigeacute par Sarah Franck

laquo Le cœur casseacute ccedila donne la vie grise raquo Quand la brume et le vent soufflent sur un monde sans avenir confit dans lrsquoeacutecoulement uniforme des jours une porte parfois srsquoentrouvre pour que change le cours des choseshellip

Un homme est mort ce soir assis dans son fauteuil Sa femme une femme de rien ou de si peu de chose heacutesite Il lui a interdit de toucher son cadavre et a jeteacute sur elle une maleacutediction au cas ougrave elle enfreindrait lrsquoordre Seule sa sœur aura le droit de le preacuteparer pour son dernier voyage Mais comment faire quand la nuit a pris des couleurs de noir drsquoencre que les nueacutees srsquoamassent que le tonnerre gronde qursquoelle a une tregraves longue route et qursquoelle est seule Il nrsquoest pas bon drsquoabandonner un mort agrave lui-mecircmehellip Dans ce lieu perdu du bout du monde ougrave ne trouvent guegravere agrave subsister que les moutons ougrave lrsquoacircpreteacute de la vie a jeteacute sur les ecirctres son voile de dureteacute ougrave ne semblent possibles que la violence des comportements et lrsquohostiliteacute ougrave lrsquoalcool est la solution ultime quotidienne pour triompher des aleacuteas un groupe heacuteteacuteroclite va peu agrave peu se rassembler

(c) Antonia Bozzi

Une arche de Noeacute de largueacutes du monde

Parmi les personnages perdus dans ce milieu de nulle part arrive drsquoabord un vagabond un cueilleur de mots un raconteur drsquohistoires qui cherche un havre pour la nuit Il voudrait simplement reposer ses pieds fatigueacutes de cheminot avant de reprendre la route Il y a lrsquoancien marin devenu eacuteleveur que la mort du mari arrange car il en guigne les terres pour faire paicirctre ses troupeaux Il y a elle la femme deacutevoueacutee dont on ne sait de quoi est fait son attachement au deacutefunt ndash amour en deacutepit de lrsquoindiffeacuterence qursquoil lui porte ennui drsquoun mariage accepteacute pour la seacutecuriteacute qursquoil donne reacutesignation devant les vexations subies Et puis il y a ce mort qui srsquoavegraverera bien vivant au moment ougrave srsquoopegravere le partage des deacutepouilles et dont lrsquohistoire a la violence et linceste pour cortegravegehellip

Ce sont lagrave des perdus eacutegareacutes sans lrsquoavoir choisi prenant racine lagrave ougrave on les a planteacutes Massifs taiseux Vivent-ils Peut-ecirctre le cheminot qui erre agrave lrsquoaventure est-il le seul agrave savoir ougrave il va ce saltimbanque ce poegravete qui donne agrave voir un ailleurs agrave respirer lrsquoodeur du vent et les senteurs venues de contreacutees lointaines Peut-ecirctre ne sont-ils pas agrave leur place mais ont-ils une place Le preacutesent est leur futur leur avenir leur eacuteterniteacute Ils portent leur brume en eux cette compagne des sortilegraveges et des superstitions qui leur colle agrave la peau Ils ont cette eacutepaisseur de la matiegravere brute cette preacutesence obstineacutee de ceux qui ne savent qursquoecirctre

(c) Antonia Bozzi

Lrsquoespace de la parole

Dans ce huis clos deacutelimiteacute par une table dans un coin une banquette sur laquelle est assis immobile le mari et une commode il nrsquoy a pas drsquoeacutechappatoire Le lieu est agrave lrsquoimage de leur existence refermeacute sur lui-mecircme Alors il ne leur reste que la parole pour briser lrsquoenfermement Une parole difficile Les mots buttent dans leur gorge ils sortent contraints rentreacutes et de trop de retenue se heurtent et srsquoentrechoquent avec de brusques flambeacutees de violence se deacuteversent tels des crachats agrave la figure de lrsquoautre Crsquoest un trop-plein qui deacuteferle pour trouver le chemin de la conscience et qui les met en face drsquoeux-mecircmes et de leur reacutealiteacute Apregraves il nrsquoy aura plus de retour en arriegravere possible et chacun devra trouver lrsquoissue qui lui convient

Ils ont ce parler fruste mais imageacute des paysans laquo ccedila crsquoest sucircr raquo qui offre une transposition bretonne agrave lrsquoanglo-irlandais du texte original Un mecircme fondement celtique court dans ces deux reacutegions que rassemblent la culture et les paysages et ougrave souffle un vent laquo agrave reacuteveiller les disparus les esprits malins ou les feacutees tordues raquo Les noms de lieux aux consonances eacutetranges chantent une poeacutesie de lrsquoailleurs qursquoaccompagne celle du deacutesespoir de ces eacutecorcheacutes de la vie laquo Crsquoest comme ccedila le bout du chemin de ceux de sa sorte Les deacutevoreacutes drsquoangoisse les rongeacutes de tristesse raquo Les mots disent leur deacutetresse Leur barbe laquo on dirait deacutejagrave du poil de moisissure raquo Lrsquounivers laquo des milliards de milliards de masses solaires qui tournoient en spirale jusqursquoagrave ecirctre happeacutees aspireacutees au centre de lrsquoinconnu du trou noir [hellip] une eacutenorme densiteacute de creacuteation ou une absence de creacuteation Du trop-plein au vide raquo agrave lrsquoimage de leur vie qui laquo se deacuteficelle raquo se deacutecompose se deacutesintegravegrehellip

Entre Synge et Nathalie Beacutecue

De lrsquoOmbre de la valleacutee de John Millington Synge ndash compatriote de Joyce Yeats et Beckett et fervent deacutefenseur du renouveau de la culture irlandaise ndash Nathalie Beacutecue reprend la situation de ce mort laquo ressusciteacute raquo tout en modifiant les enjeux et la porteacutee de lrsquohistoire Elle fait du chemineau une incarnation du poegravete Elle reprend dans lrsquoesprit ce parler si particulier qui inverse lrsquoordre des mots pour placer dans une phrase lrsquoimportant devant On y retrouve le mecircme souci de rendre leurs lettres de noblesse agrave ceux qui sont sans-grade placeacutes agrave lrsquoeacutecart en marge mais portent en eux une veacuteriteacute immeacutemoriale qui les deacutepasse Ces hommes et ces femmes qui ne savent pas parler une laquo belle raquo langue au sens classique sont pleins habiteacutes possesseurs drsquoun treacutesor qursquoil nous est donneacute de reconnaicirctre Dans sa laquo variation raquo Nathalie

Beacutecue insuffle sa propre vision de cette laquo veacuteriteacute raquo populaire peupleacutee de croyances et de leacutegendes et met ses personnages en face de choix qui les font progresser et grandir

(c) Antonia Bozzi

Un magnifique travail drsquoacteur

Ce qui frappe enfin crsquoest lrsquointerpreacutetation laquo millimeacutetreacutee raquo des comeacutediens Car enfin crsquoest sur eux que repose ce spectacle ougrave il ne se passe rien ou presque durant deux heures Pas de quiproquo ni de comique de situation Pas de trageacutedie au-delagrave de lrsquoagressiviteacute et des altercations Ni trop ni trop peu mecircme si lrsquoon alterne chuchotements et cris Ils sont tout en retenues briseacutees quand les digues lacircchent en heacutesitations en mots esquisseacutes en gestes inaboutis ou semi-dissimuleacutes en mimiques fugaces Ils disent comme en srsquoexcusant heacutesitent agrave srsquoimposer reacutevegravelent les failles avec beaucoup de finesse La minutie avec laquelle la gestuelle campe les personnages donne au spectacle une justesse qursquoon voit rarement au theacuteacirctre

On srsquoeacutemeut drsquoentendre eacutevoquer les myriades drsquoeacutetoiles comme autant drsquoesprits des morts flottant autour de nous on partage la fatigue des marches de montagne plongeacutees dans une brume eacutepaisse et hostile la difficulteacute de ces laquo nuits noires agrave en appeler agrave la clarteacute des eacutetoiles raquo Et puis on rit car ils sont des hommes avec leurs petits travers leurs lacirccheteacutes et leurs peurs ces errants agrave la deacuterive qui srsquoeacutegarent avec magnificence et nous ressemblent tant Au-delagrave du texte et de sa beauteacute crsquoest agrave une merveilleuse leccedilon drsquohumaniteacute que nous convie ce spectacle

Bourrasque de Nathalie Beacutecue librement inspireacute de lrsquoOmbre du vent de John Millington Synge (eacuted franccedilaise Actes Sud)

Mise en scegravene Feacutelix Prader

Avec Nathalie Beacutecue Pierre-Alain Chapuis Theacuteo Chedeville Philippe Smith (le poegravete)

Theacuteacirctre de la Tempecircte Cartoucherie de Vincennes Route du Champ de Mars ndash 75012 Paris

Du 16 mars 2018 au 15 avril du mardi au samedi agrave 20h30 le dimanche agrave 17h30

Teacutel 01 43 28 36 36 Site wwwla-tempetefr

Bourrasque au Theacuteacirctre de La Tempecircte

Publieacute par Michel Jakubowicz le 26 mars 2018 Publieacute dans Tendance - Fashion

Theacuteacirctre de la Tempecircte Cartoucherie Rte du Champ-de-Manœuvre 75012 Paris

Repreacutesentations du 16 mars au 15 avril 2018

httpswwwla-tempetefr

BOURRASQUE

Variation sur lrsquoOmbre de la valleacutee de JM Synge

de Nathalie Beacutecue

mise en scegravene Feacutelix Prader

avec

Nathalie Beacutecue (Alice Burke)

Pierre-Alain Chapuis (Daniel Burke)

Theacuteo Chedeville (Michaeumll Dara)

Philippe Smith (John)

Nathalie Beacutecue auteure de Bourrasque avoue srsquoecirctre inspireacutee du poegravete et dramaturge John

Millington Synge Feacutelix Prader agrave partir du texte de Nathalie Beacutecue va srsquoefforcer de recreacuteer

lrsquoambiance eacutetrange chaotique effrayante qui sourd de ce texte Il va en quelque sorte donner

corps agrave une histoire ougrave semble rocircder une ambiance agrave la limite du fantastique et mettre en lumiegravere

les comportements presque forceneacutes brutaux impreacutevisibles des personnages qursquoun hasard

apparemment faceacutetieux (ou malfaisant) a reacuteunis dans une chaumiegravere perdue de la lande irlandaise

battue par la tempecircte Il faut dire que la piegravece se deacuteroule dans un contexte peu banal presque

terrifiant puisqursquoune femme seule soliloque en srsquoadressant agrave un cosmos aveugle et infini bourreacute

de trous noirs insondables et mortels La femme semble prendre agrave teacutemoin un homme immobile

ne bougeant pas drsquoun cil et dont la raideur semble vaguement indiquer qursquoil est peut-ecirctre passeacute

de vie agrave treacutepas ou qursquoil feint deacutelibeacutereacutement lrsquoindiffeacuterence absolue face aux propos tenus par la

femme Les choses pourraient en rester lagrave mais soudainement surgi du cœur de la tempecircte qui se

deacutechaicircne agrave lrsquoexteacuterieur un inconnu reacuteclame avec insistance malgreacute lrsquohostiliteacute de la femme agrave

srsquoabriter dans la chaumiegravere

A partir de lrsquointrusion de cet eacutetranger lrsquoaction va soudainement srsquoacceacuteleacuterer et le reacutecit srsquoorienter

sans deacutelai vers lrsquoabsurde le fantastique lrsquoinattendu Le reacutecit bascule apparemment vers

lrsquoirrationnel mais en terre irlandaise il semble agrave lrsquoeacutevidence que les apparences ne sont pas

forceacutement conformes agrave la reacutealiteacute et la suite du reacutecit de Nathalie Beacutecue srsquoinspirant de John

Millington Synge ne fera que rendre encore plus creacutedible cette impression

La mise en scegravene de Feacutelix Prader reconstitue avec une sorte de preacutecision presque surnaturelle

eacutetonnante cette campagne irlandaise drsquoougrave nrsquoimporte quels fantocircmes peuvent impuneacutement surgir

de la nuit Jusqursquoau bout drsquoune nuit interminable peupleacutee de terreurs sans noms cette assembleacutee

de personnages subira jusqursquoau bout un destin fait drsquoincertitude balanccedilant constamment entre

espoir et deacutesespeacuterance Lrsquointerpreacutetation est remarquable en particulier celle de Nathalie Beacutecue

incarnant avec beaucoup drsquoacircpreteacute de passion le rocircle drsquoAlice Burke Mais les trois autres

protagonistes masculins sont eacutegalement parfaits donnant agrave leurs personnages respectifs toute

lrsquoeacutepaisseur psychologique deacutesireacutee Un spectacle prenant qui reacutevegravele dans toute sa profondeur

lrsquoacircme irlandaise

Michel Jakubowicz

LE BRUITDUOFF TRIBUNE

LES SCENES ACTUELLES SANS TABOU NI TROMPETTES

CRITIQUE laquo Bourrasque raquo variation sur Lrsquoombre de la valleacutee de JM Synge de Nathalie Beacutecue mis en scegravene par Feacutelix Prader avec Nathalie Beacutecue Pierre-Alain Chapuis Theacuteo Chedeville et Philippe Smith Au Theacuteacirctre de la Tempecircte salle Copi jusqursquoau 15 avril du mardi au samedi agrave 20h30 dimanche agrave 16h30

Crsquoest lrsquoun des plus beaux textes de la saison Nathalie Beacutecue a adapteacute les peacutereacutegrinations de Synge avec amour infleacutechissant ses rugositeacutes irlandaises drsquoune ardeur feacutebrile

laquo Bourrasque raquo crsquoest la poeacutesie cosmique descendue sur lrsquoeacutepure drsquoun verbe aussi vieux que les icircles drsquoAran qui lrsquoabritent laquo Bourrasque raquo crsquoest la meacutetaphysique de la bergegravere Srsquoeacutelegraveve une litanie vibrante adresseacutee aux eacutetoiles pour cet laquo ougrave suis-je raquo qui preacutecegravede le laquo qui suis-je raquo pour le trou noir la masse la poussiegravere lrsquoengloutissement la disparition lrsquoinconnu la creacuteation sa densiteacute son absence le trop plein le videhellip Le vertige drsquoAlice Burke un soir de tempecircte est celui drsquoun cœur simple dans le langage du monde Lrsquoespace drsquoun entre-lumiegravere avant lrsquoextinction de la salle Nathalie Beacutecue ample vibrante ancreacutee et tendue vers des ciels invisibles livre une formidable deacutemonstration de sa maicirctrise de lrsquoabandon

Encore aux prises avec ce jaillissement drsquoecirctre brut et pur il nous faut quelques battements de cœur pour lrsquohabituer aux ombres de la scegravene peacuteneacutetrer le deuil terrestre drsquoAlice Burke et investir sa maison de pierre tandis que laquo perdu ailleurs raquo le vent se legraveve Les yeux pleins drsquoorage et la voix blanche elle embarque les acircmes qursquoelle a tendues vers elle laquo Je suis en colegravere tellement je suis triste raquo

Daniel Burke le fermier sans meacutetaphysique le fermier malheureux srsquoest figeacute lagrave dans une mort subite et inviolable et sa veuve saisie de solitude et figeacutee depuis cent ans voit sa laquo vie grise raquo deacutechireacutee par laquo la grande trouille raquo La trouille de quoi Car la mort toute proche incarneacutee dans la deacutepouille de son mari immobile ne lrsquoeffraye pas Crsquoest une femme des montagnes qui croit aux fantocircmes et qui ne les craint pas

Est-ce un fantocircme qui franchit son seuil dans lrsquoorage pour mettre son errance et son immense laquo dehors raquo dans lrsquoespace sans projet ougrave elle vit confineacutee John mucirc par le timbre envoucirctant de Philippe Smith est un porteur drsquohistoires venu reacutecolter quelques miettes au foyer de la derniegravere maison allumeacutee sur les chemins rocheux drsquoAran Quand Alice Burke laisse son hocircte dans cette eacutetrange veilleacutee et que Dan Burke se redresse bien vivant et saoul crsquoest toute une vie de spectateur qui vacille agrave son tour John pourra-t-il refuser drsquoecirctre acteur de cette histoire-lagrave

Pierre-Alain Chapuis est un Dan Burke massif en corps et en ecirctre plein de passeacute de rancœur et de lrsquoeacutepaisse rusticiteacute que les silences ont tanneacutee sur sa peau et sa voix Quatriegraveme entreacutee en scegravene la jeunesse vacillante de Theacuteo Chedeville precircte ses fougues agrave Michaeumll Dara le marin en quecircte de reacuteconciliation avec la terre qui cherche agrave ecirctre au sol et treacutepigne dans la valleacutee encore la tecircte agrave moitieacute immergeacutee des recircves drsquoavant les recircves enterreacutes de large et de houle La paix est-elle plus haut dans la montagne

La mise en scegravene de Feacutelix Prader attentive aux eacuteclats de verbe sublimeacutes par les voix de Beacutecue Chapuis Chedeville et Smith est un effacement une ombre pour que la poeacutesie eacuteclaire Il veut saisir le preacutesent et la preacutesence eacutenorme des protagonistes dans la suspension du temps du theacuteacirctre Sa scegravene se deacutepare du moindre artifice se fait couloir pour lrsquoeacutemotion de cette parole vitale qui balaye le silence effareacute du spectateur srsquooublie dans une pudeur parfaite Jrsquoentends encore la voix pleine et rocailleuse de Beacutecue la Burke souffler la bourrasque laquo Jrsquoai trop la trouille pour pas y aller raquo

Drsquoun eacutelan vital et poeacutetique elle engloutit le motif radical de la mort

Marguerite Dornier

DU 1603 AU 15042018 AU THEacuteAcircTRE DE LA TEMPEcircTE | DUREacuteE 1H40 |

Librement adapteacute de la piegravece en un acte de John M Synge laquo Lrsquoombre dans la Valleacutee raquo Bourrasque fait preuve drsquoune sagaciteacute deacuteroutante dans une ambiance drsquoinsulaires superstitieux Situation macabre regraveglements de comptes conjugaux reacutecits de voyages et art du vagabondagehellip lrsquoIrlande et son hors-champ drsquoimmensiteacute montagneuse et orageuse nous submergent alors que de grandes deacutecisions se prennent dans la petite chaumiegravere drsquoAlice Burke indigneacutee par la mort foudroyante de son mari Dan qursquoelle ne peut toucher sous peine drsquoecirctre maudite

De par la traduction drsquoun gaeacutelique transposeacute dans du franccedilais paysan aux consonances lyriques et lrsquointerpreacutetation de ce tregraves beau et talentueux quatuor de comeacutediens le folklore celte est tout agrave fait plausible voire palpable et propage son caractegravere sacreacute Bourrasque est un deacutelice drsquohumour peut ecirctre un tantinet pessimiste mais surtout pittoresque et poeacutetique

Eloiumlse Dandoy

jeudi 22 mars 2018

Bourrasque de Nathalie Beacutecue

Bourrasque est un de ces spectacles dont on mesure la chance quils existent Parce que Nathalie Beacutecue a fait un travail deacutecriture tregraves reacuteussi librement adapteacute de la piegravece LrsquoOmbre de la valleacutee en reprenant lrsquoargument tout en modifiant les enjeux et la porteacutee Elle place le spectateur au plus pregraves de latmosphegravere poeacutetique qui a impreacutegneacute lIrlande que John Millington Synge (1871-1909) nous a fait deacutecouvrir au XIXdeg siegravecle et qui est encore tregraves vivante gracircce agrave la moderniteacute de la mise en scegravene de Feacutelix Prader La distribution est habile avec Nathalie Beacutecue qui interpregravete Alice Burke et trois autres comeacutediens Pierre-Alain Chapuis (Daniel Burke) Theacuteo Chedeville (Michaeumll Dara) et Philippe Smith (John) tous diffeacuterents qui permettent dapporter des points de vue parfois deacuteroutants maintenant le spectateur quasiment en haleine comme sil eacutetait au coeur dun thriller Le caractegravere primitif de la vie sociale si particuliegravere des icircles drsquoAran en deviendrait presque normal dans un deacutecor rustique simple et familier

Par un soir de violente tempecircte que lon entendra rugir derriegravere la verriegravere Alice Burke veille son mari deacutefunt lrsquoacircpre et ombrageux fermier Dan Burke comme le veut la coutume dans cette contreacutee reculeacutee Silence dans la chaumiegravere isoleacutee quand agrave la porte frappe un inconnu nomade des collines cueilleur drsquohistoires (Synge) qui ravive dans lrsquoacircme dAlice la soif drsquoun ailleurs Un autre homme bouscule les certitudes dAlice Michaeumll Dara le marin devenu berger qui vit agrave quelques lieues et convoite agrave la fois les biens et la femmethinsp Et si soudain srsquoeacuteveillait le deacutefunt chahutant les vivants que ferait Alicethinsp

Le mort est sur scegravene muet cela va sans dire mais bien preacutesent tout de mecircme Sa femme lui rend hommage malgreacute les cahots qui ont chahuteacute sa vie Cest une femme simple qui a les pieds sur terre capable dun brin de fantaisie que lon remarque dans le point de tricot du gilet quelle porte sur une robe bleu marine Sans doute reacutealiseacute avec la laine de ses moutons Les paroles se bousculent au rythme des souvenirs et agrave la mesure des angoisses qui lassaillent comme des ressentiments quelle exprime toute seule La tempecircte qui agite son esprit est semblable agrave celle qui souffle au dehors Elle reconnait quelle ne sait plus ougrave elle en est et sassoit pregraves de celui qui fut son homme Chaque mort serait une eacutetoile qui scintille dans le ciel Au-delagrave de cette jolie image Alice est confronteacutee agrave labsence de deux beaux enfants partis aux Ameacuteriques et aujourdrsquohui un mari qui part et agrave qui elle parle comme sil eacutetait vivant et comme elle ne lui a sans doute jamais parleacute parce que jusque-lagrave elle nosait pas Tout bascule ccedila vrille comment crsquoest possible possible je suis en colegravere

Elle refuse puis accueille la reacutealiteacute et lhomme eacutetranger qui explique sa fonction je cueille des mots Et qui fait davantage en analysant les eacutevegravenements Cest lui qui le premier a un doute Il est mort votre copain On dirait qursquoil fait le mort Si effectivement la mort neacutetait quune ruse pour permettre de deacutebusquer la veacuteriteacute vraie agrave linstar dOrgon cacheacute sous la nappe pour confondre Tartuffe

La langue choisie par Nathalie Beacutecue est preacutecise poeacutetique et feacuteroce Si je deacutesentortille votre charabia Jrsquoai trop la trouille pour pas y aller avant de se deacutecider agrave deacuterouler ses recircves sous ses pas

Faisons-nous aussi le pas pour ne pas louper ce petit bijou qui se joue au theacuteacirctre de la Tempecircte jusquau 15 avril 2018

Bourrasque de Nathalie Beacutecue Mise en scegravene Feacutelix Prader Avec Nathalie Beacutecue (Alice Burke) Pierre-Alain Chapuis (Daniel Burke) Theacuteo Chedeville (Michaeumll Dara) Philippe Smith (John) Sceacutenographie et costumes Ceacutecilia Galli Creacuteation sonore Estelle Lembert Direction des combats Franccedilois Rostain Du 16 mars au 15 avril 2018 Du mardi au samedi 20 h 30 dimanche 16 h 30 Les photos qui ne sont pas logotypeacutees A bride abattue sont de Antonia Bozzi Publieacute par marie-claire agrave 2335 Envoyer par e-mailBlogThisPartager sur TwitterPartager sur FacebookPartager sur Pinterest Libelleacutes coup de coeur spectacle theacuteacirctre

critiquetheatreclaucom

17 Mars 2018

ABOZZI

Bourrasque jusqursquoau 1504 th de La tempecircte

Mouvance de la destineacutee

De Nathalie Beacutecue inspireacute de lrsquoœuvre de John Millington Synge dramaturge irlandais 1871- 1909Mise en scegravene Feacutelix Prader

Au premier instant nous nous sommes happeacutes par un merveilleux poegraveme invoquant le chagrin des ecirctres perdus la solitude la deacutetresse la tristesse les regrets

laquo Pourquoi jrsquoai reccedilu cette vie Au lieu drsquoattraper lrsquoair transparent dans le bleu du cielhelliphellip Rester lagrave agrave attendre la Balayure du soir raquo

Une atmosphegravere de conte de poeacutesie et de mystegravere nous enveloppe

Un jour de grande tempecircte au plus profond de la campagne irlandaise nous peacuteneacutetrons dans une sobre demeure Il va se deacuterouler sous nos yeux pleins drsquoeacutetonnement un conte tragi-comique

Les personnages sont hauts en couleur

Un paysan Daniel Burke rustre et srsquoabreuvant de whisky pour oublier sa peur et la tristesse de la vie simule sa mort pour espionner sa femme

Alice soumise agrave sa condition se questionne sur sa vie passeacutee et agrave venir Tout en veillant son deacutefunt mari

John marcheur solitaire poegravete eacutecrivain et avide de liberteacute eacutecoutant et observant le monde arrive agrave lrsquoimproviste dans cette demeure

Michaeumll ancien marin devenu berger est un eacutetranger dans cette campagne isoleacutee Il va convoiter Alice pour srsquointeacutegrer dans ce monde hostile

Tous ses personnages vont se reacuteveacuteler nous raconter leur histoire parfois tragique parfois cocasse

Que veulent-ils devenir Prendront-ils leur destineacutee en main

Nous deacutecouvrons le sens de la fecircte les rites et coutumes funeacuteraires de la campagne irlandaise Nous ressentons lrsquoisolement de ses contreacutees la vie rude et solitaire de ses habitants ainsi que le climat rigoureux et froid

Crsquoest agrave la fois violent et tendre eacutemouvant et burlesque

Les comeacutediens nous eacutemeuvent et nous transpercent le cœur

Avec Alice Nathalie Beacutecue nous bouleverse

Daniel Pierre-Alain Chapuis bourru et tendre nous attendri

John Philippe Smith eacuteleacutegant et serein nous seacuteduit

Sans oublier Theacuteo Chedeville touchant dans le rocircle du jeune berger Michaeumll

Page 21: BOURRASQUE - Théâtre Montansier · 2018. 5. 7. · composé Bourrasque, que Félix Prader met en scène avec igueu (1). Synge affimait u’au théâtre, « il faut du réel, il

Nathalie Beacutecue imagine que la meacutelancolie de Dan Burke trouve sa source dans la violence qui

lrsquoa entoureacute degraves son enfance Elle choisit aussi de faire davantage parler le jeune berger

amant de lrsquoheacuteroiumlne un peu naiumlf et pas tregraves malin Sa candeur en vient agrave faire sourire avec

tendresse

Mais lrsquoun des personnages qui prend le plus drsquoampleur dans la piegravece est sans conteste celui

du vagabond que Nathalie Beacutecue imagine comme une sorte de chercheur drsquohistoires voyant

ainsi en lui un vague double de John Millington Synge qui a fait de la tradition et des contes

des icircles drsquoAran lrsquoune de ses quecirctes Ce personnage renoue ainsi avec la tradition orale du

reacutecit il rappelle ces aegravedes de la socieacuteteacute grecque antique qui allaient de palais en palais

chanter les reacutecits de leur connaissance Toute la deacutelicatesse dont fait preuve Philippe

Smith dans ce rocircle est remarquable

Un huis clos haletant

I

copy

Antonia Bozzi

Bourrasque reacuteussit avec brio agrave maintenir une tension forte tout au long de la piegravece Crsquoest

drsquoabord la tension qursquoil y a autour de ce deuil rendu angoissant par la preacutesence du mort sur

scegravene Crsquoest ensuite une fois que le laquo mort raquo a reacuteveacuteleacute sa supercherie au vagabond la tension

que ressent le spectateur qui attend que Dan Burke nrsquointervienne Crsquoest enfin la tension du

conflit conjugal qui explose et renverse la situation initiale La mise en scegravene de Feacutelix

Prader repose sur la simpliciteacute deacutecor rudimentaire pas de grands effets Et cela met

parfaitement en valeur la dimension relationnelle du drame

Cette tension dramatique est encore accentueacutee par la tempecircte inteacuterieure que traversent les

personnages notamment les deux eacutepoux Le monologue drsquoAlice qui ouvre la piegravece et la

longue explication que son mari offre au vagabond montrent les deux faces drsquoun couple en

crise dans lequel chacun-e ne voit plus que sa propre souffrance Ce trouble inteacuterieur et

cette forte tension eacutemotionnelle sont bien sucircr souligneacutes par les circonstances

meacuteteacuteorologiques on traverse avec les personnages une sorte de tempecircte ougrave le vent souffle

avec violence Nrsquoest-ce finalement pas cette terrible bourrasque qui trouble les esprits de

chacun Rien nrsquoest moins sucircr

Reacuteunir les deux eacutepoux et lrsquoamant confondu crsquoest un topos theacuteacirctral Mais la preacutesence de cet

inconnu que Nathalie Beacutecue place comme un observateur particulier puisqursquoon imagine que

le drame auquel il assiste pourra enrichir encore son livret de reacutecits est une belle reacuteussite

Eacutecoutant les deux eacutepoux puis prenant finalement place dans le drame en exerccedilant le recul

dont lui seul dans la piegravece est capable change la porteacutee de la piegravece et enrichit

consideacuterablement le triangle amoureux

Bulles de Culture vous recommande en tout cas vivement cette incursion en terre irlandaise

En savoir plus

bull Bourrasque de Nathalie Beacutecue mise en scegravene par Feacutelix Prader est joueacute au Theacuteacirctre de la

Tempecircte du 16 mars au 15 avril 2018

bull Bourrasque sera joueacute en 2018 au Centre culturel de Vitreacute le 20 avril sur la Scegravene nationale

de Bar-le-Duc le 17 mai et au Theacuteacirctre Montansier de Versailles le 25 mai

bull Dureacutee du spectacle 1h40

Actualiteacute theacuteacirctrale

Jusqursquoau 15 avril au Theacuteacirctre de la Tempecircte

laquo Bourrasque raquo mercredi 21 mars 2018

Par un soir de tempecircte dans une chaumiegravere isoleacutee Alice Burke veille son mari le rude et taiseux Dan Burke qui vient de mourir Il lui a interdit de toucher son corps apregraves sa mort exigeant que ce soit sa sœur qui srsquooccupe de la toilette mortuaire Mais celle-ci habite loin Alice craint la nuit et la tempecircte dans ce lieu isoleacute et ne peut le laisser seul Elle attend Deux hommes vont se preacutesenter agrave sa porte un eacutetranger qui parcourt les rudes collines des alentours pour laquo cueillir raquo les histoires qursquoon veut bien lui confier et un jeune berger peu expeacuterimenteacute qui vit un peu plus loin Avec ces deux hommes deux avenirs pourraient se dessiner le second seraient bien inteacuteresseacute par la femme et surtout les biens dont elle va heacuteriter le premier lui ouvre une sortie de son isolement et de nouveaux espaces La bourrasque qui hurle au dehors gagne aussi lrsquointeacuterieur de la chaumiegravere et bouscule tous les esprits

Nathalie Beacutecue a eacuteteacute seacuteduite par lrsquounivers du poegravete et dramaturge irlandais John Millingtone Synge et en particulier par ce livre Les Icircles Aran ougrave il a raconteacute ses rencontres avec les icircliens et les leacutegendes qursquoils lui ont conteacutees Crsquoest de lrsquoun de ses contes Lrsquoombre de la valleacutee qursquoelle srsquoest inspireacutee pour eacutecrire Bourrasque Apregraves lrsquoavoir vue dans Lrsquoapprentie sage-femme qursquoelle avait joueacutee en 2012 on comprend la continuiteacute de son travail Ce qui lrsquointeacuteresse ce sont ces destins de femmes dans les deux cas des paysannes qui cherchent leur voie et prennent la vie agrave bras le corps Dans son texte Nathalie Beacutecue a su faire entendre la sauvagerie de la nature le vent la pluie et la vie rude de ceux qui y habitent Elle a su aussi traduire les penseacutees tourmenteacutees des quatre personnages attribuant agrave John lrsquohomme qui cueille les histoires la deacutemarche de Synge lui-mecircme dans les Icircles drsquoAran

Dans la mise en scegravene de Feacutelix Prader on reste enfermeacute dans la chaumiegravere avec le mort assis ou couvert drsquoun drap et lrsquoexteacuterieur nrsquoapparaicirct qursquoinquieacutetant avec le bruit amplifieacute du vent ou des coups agrave la porte Seuls les hommes qui arrivent apportent lrsquoimage drsquoun ailleurs possible pour cette femme qui srsquoest laisseacutee enfermer dans la solitude au point drsquoecirctre obligeacutee de parler aux arbres

Nathalie Beacutecue en robe paysanne et petit gilet de laine bleue avec de gros bas de laine incarne Alice qui parle de sa vie avec cet eacutepoux taiseux porteacute sur le whisky Elle caresse la couverture de poils de chegravevre tout en parlant Calme elle dit qursquoaucun vivant ne lui a jamais fait peur crsquoest drsquoautre chose qursquoelle a peur puis soudain la colegravere lrsquoemporte quand elle pense agrave lrsquoennui de sa vie laquo fosse agrave chagrin mareacutecage de tristesse raquo et se dit qursquoelle a peut-ecirctre fait le mauvais choix en se condamnant agrave laquo regarder les saisons passer raquo Philippe Smith est John celui qui ramasse les histoires vagabond ceacuteleste qui amuse Alice avec un tour de magie lui donne les nouvelles de la valleacutee et surtout lui parle drsquoun ailleurs Theacuteo Chedeville est Michaeumll Dara le marin devenu berger Pierre-Alain Chapuis est Dan Burke le mort qui survit Il est puissant violent ravageacute par sa colegravere contre tous sa femme son pegravere mais aussi contre lui-mecircme On le sent deacutevoreacute par lrsquoamertume laquo bouffeacute par la tristesse raquo comme le dit Alice mais peut-ecirctre capable de rebondir loin de sa femme

On se laisse emporter par le reacutecit On est dans ces icircles irlandaises battues par le vent et la pluie et on rejoint John quand il dit laquo Apregraves des veilleacutees solitaires je peux dire que les gens drsquoici ne sont pas insignifiants raquo

Micheline Rousselet

Du mardi au samedi agrave 20h30 le dimanche agrave 16h30

Theacuteacirctre de La Tempecircte

Cartoucherie

Route du Champ-de-Manoeuvre 75012 Paris

Reacuteservations (partenariat Reacuteducrsquosnes tarifs reacuteduits aux syndiqueacutes Snes mais sur reacuteservation impeacuterative) 01 43 28 36 36

T H Eacute Acirc T R E

BOURRASQUE UN MAGNIFIQUE OBJET POEacuteTIQUE

ET INSPIREacute DANS LE MONDE AcircPRE ET SANS

CONCESSION DES TERRES DrsquoIRLANDE 19 MARS 2018

Reacutedigeacute par Sarah Franck

laquo Le cœur casseacute ccedila donne la vie grise raquo Quand la brume et le vent soufflent sur un monde sans avenir confit dans lrsquoeacutecoulement uniforme des jours une porte parfois srsquoentrouvre pour que change le cours des choseshellip

Un homme est mort ce soir assis dans son fauteuil Sa femme une femme de rien ou de si peu de chose heacutesite Il lui a interdit de toucher son cadavre et a jeteacute sur elle une maleacutediction au cas ougrave elle enfreindrait lrsquoordre Seule sa sœur aura le droit de le preacuteparer pour son dernier voyage Mais comment faire quand la nuit a pris des couleurs de noir drsquoencre que les nueacutees srsquoamassent que le tonnerre gronde qursquoelle a une tregraves longue route et qursquoelle est seule Il nrsquoest pas bon drsquoabandonner un mort agrave lui-mecircmehellip Dans ce lieu perdu du bout du monde ougrave ne trouvent guegravere agrave subsister que les moutons ougrave lrsquoacircpreteacute de la vie a jeteacute sur les ecirctres son voile de dureteacute ougrave ne semblent possibles que la violence des comportements et lrsquohostiliteacute ougrave lrsquoalcool est la solution ultime quotidienne pour triompher des aleacuteas un groupe heacuteteacuteroclite va peu agrave peu se rassembler

(c) Antonia Bozzi

Une arche de Noeacute de largueacutes du monde

Parmi les personnages perdus dans ce milieu de nulle part arrive drsquoabord un vagabond un cueilleur de mots un raconteur drsquohistoires qui cherche un havre pour la nuit Il voudrait simplement reposer ses pieds fatigueacutes de cheminot avant de reprendre la route Il y a lrsquoancien marin devenu eacuteleveur que la mort du mari arrange car il en guigne les terres pour faire paicirctre ses troupeaux Il y a elle la femme deacutevoueacutee dont on ne sait de quoi est fait son attachement au deacutefunt ndash amour en deacutepit de lrsquoindiffeacuterence qursquoil lui porte ennui drsquoun mariage accepteacute pour la seacutecuriteacute qursquoil donne reacutesignation devant les vexations subies Et puis il y a ce mort qui srsquoavegraverera bien vivant au moment ougrave srsquoopegravere le partage des deacutepouilles et dont lrsquohistoire a la violence et linceste pour cortegravegehellip

Ce sont lagrave des perdus eacutegareacutes sans lrsquoavoir choisi prenant racine lagrave ougrave on les a planteacutes Massifs taiseux Vivent-ils Peut-ecirctre le cheminot qui erre agrave lrsquoaventure est-il le seul agrave savoir ougrave il va ce saltimbanque ce poegravete qui donne agrave voir un ailleurs agrave respirer lrsquoodeur du vent et les senteurs venues de contreacutees lointaines Peut-ecirctre ne sont-ils pas agrave leur place mais ont-ils une place Le preacutesent est leur futur leur avenir leur eacuteterniteacute Ils portent leur brume en eux cette compagne des sortilegraveges et des superstitions qui leur colle agrave la peau Ils ont cette eacutepaisseur de la matiegravere brute cette preacutesence obstineacutee de ceux qui ne savent qursquoecirctre

(c) Antonia Bozzi

Lrsquoespace de la parole

Dans ce huis clos deacutelimiteacute par une table dans un coin une banquette sur laquelle est assis immobile le mari et une commode il nrsquoy a pas drsquoeacutechappatoire Le lieu est agrave lrsquoimage de leur existence refermeacute sur lui-mecircme Alors il ne leur reste que la parole pour briser lrsquoenfermement Une parole difficile Les mots buttent dans leur gorge ils sortent contraints rentreacutes et de trop de retenue se heurtent et srsquoentrechoquent avec de brusques flambeacutees de violence se deacuteversent tels des crachats agrave la figure de lrsquoautre Crsquoest un trop-plein qui deacuteferle pour trouver le chemin de la conscience et qui les met en face drsquoeux-mecircmes et de leur reacutealiteacute Apregraves il nrsquoy aura plus de retour en arriegravere possible et chacun devra trouver lrsquoissue qui lui convient

Ils ont ce parler fruste mais imageacute des paysans laquo ccedila crsquoest sucircr raquo qui offre une transposition bretonne agrave lrsquoanglo-irlandais du texte original Un mecircme fondement celtique court dans ces deux reacutegions que rassemblent la culture et les paysages et ougrave souffle un vent laquo agrave reacuteveiller les disparus les esprits malins ou les feacutees tordues raquo Les noms de lieux aux consonances eacutetranges chantent une poeacutesie de lrsquoailleurs qursquoaccompagne celle du deacutesespoir de ces eacutecorcheacutes de la vie laquo Crsquoest comme ccedila le bout du chemin de ceux de sa sorte Les deacutevoreacutes drsquoangoisse les rongeacutes de tristesse raquo Les mots disent leur deacutetresse Leur barbe laquo on dirait deacutejagrave du poil de moisissure raquo Lrsquounivers laquo des milliards de milliards de masses solaires qui tournoient en spirale jusqursquoagrave ecirctre happeacutees aspireacutees au centre de lrsquoinconnu du trou noir [hellip] une eacutenorme densiteacute de creacuteation ou une absence de creacuteation Du trop-plein au vide raquo agrave lrsquoimage de leur vie qui laquo se deacuteficelle raquo se deacutecompose se deacutesintegravegrehellip

Entre Synge et Nathalie Beacutecue

De lrsquoOmbre de la valleacutee de John Millington Synge ndash compatriote de Joyce Yeats et Beckett et fervent deacutefenseur du renouveau de la culture irlandaise ndash Nathalie Beacutecue reprend la situation de ce mort laquo ressusciteacute raquo tout en modifiant les enjeux et la porteacutee de lrsquohistoire Elle fait du chemineau une incarnation du poegravete Elle reprend dans lrsquoesprit ce parler si particulier qui inverse lrsquoordre des mots pour placer dans une phrase lrsquoimportant devant On y retrouve le mecircme souci de rendre leurs lettres de noblesse agrave ceux qui sont sans-grade placeacutes agrave lrsquoeacutecart en marge mais portent en eux une veacuteriteacute immeacutemoriale qui les deacutepasse Ces hommes et ces femmes qui ne savent pas parler une laquo belle raquo langue au sens classique sont pleins habiteacutes possesseurs drsquoun treacutesor qursquoil nous est donneacute de reconnaicirctre Dans sa laquo variation raquo Nathalie

Beacutecue insuffle sa propre vision de cette laquo veacuteriteacute raquo populaire peupleacutee de croyances et de leacutegendes et met ses personnages en face de choix qui les font progresser et grandir

(c) Antonia Bozzi

Un magnifique travail drsquoacteur

Ce qui frappe enfin crsquoest lrsquointerpreacutetation laquo millimeacutetreacutee raquo des comeacutediens Car enfin crsquoest sur eux que repose ce spectacle ougrave il ne se passe rien ou presque durant deux heures Pas de quiproquo ni de comique de situation Pas de trageacutedie au-delagrave de lrsquoagressiviteacute et des altercations Ni trop ni trop peu mecircme si lrsquoon alterne chuchotements et cris Ils sont tout en retenues briseacutees quand les digues lacircchent en heacutesitations en mots esquisseacutes en gestes inaboutis ou semi-dissimuleacutes en mimiques fugaces Ils disent comme en srsquoexcusant heacutesitent agrave srsquoimposer reacutevegravelent les failles avec beaucoup de finesse La minutie avec laquelle la gestuelle campe les personnages donne au spectacle une justesse qursquoon voit rarement au theacuteacirctre

On srsquoeacutemeut drsquoentendre eacutevoquer les myriades drsquoeacutetoiles comme autant drsquoesprits des morts flottant autour de nous on partage la fatigue des marches de montagne plongeacutees dans une brume eacutepaisse et hostile la difficulteacute de ces laquo nuits noires agrave en appeler agrave la clarteacute des eacutetoiles raquo Et puis on rit car ils sont des hommes avec leurs petits travers leurs lacirccheteacutes et leurs peurs ces errants agrave la deacuterive qui srsquoeacutegarent avec magnificence et nous ressemblent tant Au-delagrave du texte et de sa beauteacute crsquoest agrave une merveilleuse leccedilon drsquohumaniteacute que nous convie ce spectacle

Bourrasque de Nathalie Beacutecue librement inspireacute de lrsquoOmbre du vent de John Millington Synge (eacuted franccedilaise Actes Sud)

Mise en scegravene Feacutelix Prader

Avec Nathalie Beacutecue Pierre-Alain Chapuis Theacuteo Chedeville Philippe Smith (le poegravete)

Theacuteacirctre de la Tempecircte Cartoucherie de Vincennes Route du Champ de Mars ndash 75012 Paris

Du 16 mars 2018 au 15 avril du mardi au samedi agrave 20h30 le dimanche agrave 17h30

Teacutel 01 43 28 36 36 Site wwwla-tempetefr

Bourrasque au Theacuteacirctre de La Tempecircte

Publieacute par Michel Jakubowicz le 26 mars 2018 Publieacute dans Tendance - Fashion

Theacuteacirctre de la Tempecircte Cartoucherie Rte du Champ-de-Manœuvre 75012 Paris

Repreacutesentations du 16 mars au 15 avril 2018

httpswwwla-tempetefr

BOURRASQUE

Variation sur lrsquoOmbre de la valleacutee de JM Synge

de Nathalie Beacutecue

mise en scegravene Feacutelix Prader

avec

Nathalie Beacutecue (Alice Burke)

Pierre-Alain Chapuis (Daniel Burke)

Theacuteo Chedeville (Michaeumll Dara)

Philippe Smith (John)

Nathalie Beacutecue auteure de Bourrasque avoue srsquoecirctre inspireacutee du poegravete et dramaturge John

Millington Synge Feacutelix Prader agrave partir du texte de Nathalie Beacutecue va srsquoefforcer de recreacuteer

lrsquoambiance eacutetrange chaotique effrayante qui sourd de ce texte Il va en quelque sorte donner

corps agrave une histoire ougrave semble rocircder une ambiance agrave la limite du fantastique et mettre en lumiegravere

les comportements presque forceneacutes brutaux impreacutevisibles des personnages qursquoun hasard

apparemment faceacutetieux (ou malfaisant) a reacuteunis dans une chaumiegravere perdue de la lande irlandaise

battue par la tempecircte Il faut dire que la piegravece se deacuteroule dans un contexte peu banal presque

terrifiant puisqursquoune femme seule soliloque en srsquoadressant agrave un cosmos aveugle et infini bourreacute

de trous noirs insondables et mortels La femme semble prendre agrave teacutemoin un homme immobile

ne bougeant pas drsquoun cil et dont la raideur semble vaguement indiquer qursquoil est peut-ecirctre passeacute

de vie agrave treacutepas ou qursquoil feint deacutelibeacutereacutement lrsquoindiffeacuterence absolue face aux propos tenus par la

femme Les choses pourraient en rester lagrave mais soudainement surgi du cœur de la tempecircte qui se

deacutechaicircne agrave lrsquoexteacuterieur un inconnu reacuteclame avec insistance malgreacute lrsquohostiliteacute de la femme agrave

srsquoabriter dans la chaumiegravere

A partir de lrsquointrusion de cet eacutetranger lrsquoaction va soudainement srsquoacceacuteleacuterer et le reacutecit srsquoorienter

sans deacutelai vers lrsquoabsurde le fantastique lrsquoinattendu Le reacutecit bascule apparemment vers

lrsquoirrationnel mais en terre irlandaise il semble agrave lrsquoeacutevidence que les apparences ne sont pas

forceacutement conformes agrave la reacutealiteacute et la suite du reacutecit de Nathalie Beacutecue srsquoinspirant de John

Millington Synge ne fera que rendre encore plus creacutedible cette impression

La mise en scegravene de Feacutelix Prader reconstitue avec une sorte de preacutecision presque surnaturelle

eacutetonnante cette campagne irlandaise drsquoougrave nrsquoimporte quels fantocircmes peuvent impuneacutement surgir

de la nuit Jusqursquoau bout drsquoune nuit interminable peupleacutee de terreurs sans noms cette assembleacutee

de personnages subira jusqursquoau bout un destin fait drsquoincertitude balanccedilant constamment entre

espoir et deacutesespeacuterance Lrsquointerpreacutetation est remarquable en particulier celle de Nathalie Beacutecue

incarnant avec beaucoup drsquoacircpreteacute de passion le rocircle drsquoAlice Burke Mais les trois autres

protagonistes masculins sont eacutegalement parfaits donnant agrave leurs personnages respectifs toute

lrsquoeacutepaisseur psychologique deacutesireacutee Un spectacle prenant qui reacutevegravele dans toute sa profondeur

lrsquoacircme irlandaise

Michel Jakubowicz

LE BRUITDUOFF TRIBUNE

LES SCENES ACTUELLES SANS TABOU NI TROMPETTES

CRITIQUE laquo Bourrasque raquo variation sur Lrsquoombre de la valleacutee de JM Synge de Nathalie Beacutecue mis en scegravene par Feacutelix Prader avec Nathalie Beacutecue Pierre-Alain Chapuis Theacuteo Chedeville et Philippe Smith Au Theacuteacirctre de la Tempecircte salle Copi jusqursquoau 15 avril du mardi au samedi agrave 20h30 dimanche agrave 16h30

Crsquoest lrsquoun des plus beaux textes de la saison Nathalie Beacutecue a adapteacute les peacutereacutegrinations de Synge avec amour infleacutechissant ses rugositeacutes irlandaises drsquoune ardeur feacutebrile

laquo Bourrasque raquo crsquoest la poeacutesie cosmique descendue sur lrsquoeacutepure drsquoun verbe aussi vieux que les icircles drsquoAran qui lrsquoabritent laquo Bourrasque raquo crsquoest la meacutetaphysique de la bergegravere Srsquoeacutelegraveve une litanie vibrante adresseacutee aux eacutetoiles pour cet laquo ougrave suis-je raquo qui preacutecegravede le laquo qui suis-je raquo pour le trou noir la masse la poussiegravere lrsquoengloutissement la disparition lrsquoinconnu la creacuteation sa densiteacute son absence le trop plein le videhellip Le vertige drsquoAlice Burke un soir de tempecircte est celui drsquoun cœur simple dans le langage du monde Lrsquoespace drsquoun entre-lumiegravere avant lrsquoextinction de la salle Nathalie Beacutecue ample vibrante ancreacutee et tendue vers des ciels invisibles livre une formidable deacutemonstration de sa maicirctrise de lrsquoabandon

Encore aux prises avec ce jaillissement drsquoecirctre brut et pur il nous faut quelques battements de cœur pour lrsquohabituer aux ombres de la scegravene peacuteneacutetrer le deuil terrestre drsquoAlice Burke et investir sa maison de pierre tandis que laquo perdu ailleurs raquo le vent se legraveve Les yeux pleins drsquoorage et la voix blanche elle embarque les acircmes qursquoelle a tendues vers elle laquo Je suis en colegravere tellement je suis triste raquo

Daniel Burke le fermier sans meacutetaphysique le fermier malheureux srsquoest figeacute lagrave dans une mort subite et inviolable et sa veuve saisie de solitude et figeacutee depuis cent ans voit sa laquo vie grise raquo deacutechireacutee par laquo la grande trouille raquo La trouille de quoi Car la mort toute proche incarneacutee dans la deacutepouille de son mari immobile ne lrsquoeffraye pas Crsquoest une femme des montagnes qui croit aux fantocircmes et qui ne les craint pas

Est-ce un fantocircme qui franchit son seuil dans lrsquoorage pour mettre son errance et son immense laquo dehors raquo dans lrsquoespace sans projet ougrave elle vit confineacutee John mucirc par le timbre envoucirctant de Philippe Smith est un porteur drsquohistoires venu reacutecolter quelques miettes au foyer de la derniegravere maison allumeacutee sur les chemins rocheux drsquoAran Quand Alice Burke laisse son hocircte dans cette eacutetrange veilleacutee et que Dan Burke se redresse bien vivant et saoul crsquoest toute une vie de spectateur qui vacille agrave son tour John pourra-t-il refuser drsquoecirctre acteur de cette histoire-lagrave

Pierre-Alain Chapuis est un Dan Burke massif en corps et en ecirctre plein de passeacute de rancœur et de lrsquoeacutepaisse rusticiteacute que les silences ont tanneacutee sur sa peau et sa voix Quatriegraveme entreacutee en scegravene la jeunesse vacillante de Theacuteo Chedeville precircte ses fougues agrave Michaeumll Dara le marin en quecircte de reacuteconciliation avec la terre qui cherche agrave ecirctre au sol et treacutepigne dans la valleacutee encore la tecircte agrave moitieacute immergeacutee des recircves drsquoavant les recircves enterreacutes de large et de houle La paix est-elle plus haut dans la montagne

La mise en scegravene de Feacutelix Prader attentive aux eacuteclats de verbe sublimeacutes par les voix de Beacutecue Chapuis Chedeville et Smith est un effacement une ombre pour que la poeacutesie eacuteclaire Il veut saisir le preacutesent et la preacutesence eacutenorme des protagonistes dans la suspension du temps du theacuteacirctre Sa scegravene se deacutepare du moindre artifice se fait couloir pour lrsquoeacutemotion de cette parole vitale qui balaye le silence effareacute du spectateur srsquooublie dans une pudeur parfaite Jrsquoentends encore la voix pleine et rocailleuse de Beacutecue la Burke souffler la bourrasque laquo Jrsquoai trop la trouille pour pas y aller raquo

Drsquoun eacutelan vital et poeacutetique elle engloutit le motif radical de la mort

Marguerite Dornier

DU 1603 AU 15042018 AU THEacuteAcircTRE DE LA TEMPEcircTE | DUREacuteE 1H40 |

Librement adapteacute de la piegravece en un acte de John M Synge laquo Lrsquoombre dans la Valleacutee raquo Bourrasque fait preuve drsquoune sagaciteacute deacuteroutante dans une ambiance drsquoinsulaires superstitieux Situation macabre regraveglements de comptes conjugaux reacutecits de voyages et art du vagabondagehellip lrsquoIrlande et son hors-champ drsquoimmensiteacute montagneuse et orageuse nous submergent alors que de grandes deacutecisions se prennent dans la petite chaumiegravere drsquoAlice Burke indigneacutee par la mort foudroyante de son mari Dan qursquoelle ne peut toucher sous peine drsquoecirctre maudite

De par la traduction drsquoun gaeacutelique transposeacute dans du franccedilais paysan aux consonances lyriques et lrsquointerpreacutetation de ce tregraves beau et talentueux quatuor de comeacutediens le folklore celte est tout agrave fait plausible voire palpable et propage son caractegravere sacreacute Bourrasque est un deacutelice drsquohumour peut ecirctre un tantinet pessimiste mais surtout pittoresque et poeacutetique

Eloiumlse Dandoy

jeudi 22 mars 2018

Bourrasque de Nathalie Beacutecue

Bourrasque est un de ces spectacles dont on mesure la chance quils existent Parce que Nathalie Beacutecue a fait un travail deacutecriture tregraves reacuteussi librement adapteacute de la piegravece LrsquoOmbre de la valleacutee en reprenant lrsquoargument tout en modifiant les enjeux et la porteacutee Elle place le spectateur au plus pregraves de latmosphegravere poeacutetique qui a impreacutegneacute lIrlande que John Millington Synge (1871-1909) nous a fait deacutecouvrir au XIXdeg siegravecle et qui est encore tregraves vivante gracircce agrave la moderniteacute de la mise en scegravene de Feacutelix Prader La distribution est habile avec Nathalie Beacutecue qui interpregravete Alice Burke et trois autres comeacutediens Pierre-Alain Chapuis (Daniel Burke) Theacuteo Chedeville (Michaeumll Dara) et Philippe Smith (John) tous diffeacuterents qui permettent dapporter des points de vue parfois deacuteroutants maintenant le spectateur quasiment en haleine comme sil eacutetait au coeur dun thriller Le caractegravere primitif de la vie sociale si particuliegravere des icircles drsquoAran en deviendrait presque normal dans un deacutecor rustique simple et familier

Par un soir de violente tempecircte que lon entendra rugir derriegravere la verriegravere Alice Burke veille son mari deacutefunt lrsquoacircpre et ombrageux fermier Dan Burke comme le veut la coutume dans cette contreacutee reculeacutee Silence dans la chaumiegravere isoleacutee quand agrave la porte frappe un inconnu nomade des collines cueilleur drsquohistoires (Synge) qui ravive dans lrsquoacircme dAlice la soif drsquoun ailleurs Un autre homme bouscule les certitudes dAlice Michaeumll Dara le marin devenu berger qui vit agrave quelques lieues et convoite agrave la fois les biens et la femmethinsp Et si soudain srsquoeacuteveillait le deacutefunt chahutant les vivants que ferait Alicethinsp

Le mort est sur scegravene muet cela va sans dire mais bien preacutesent tout de mecircme Sa femme lui rend hommage malgreacute les cahots qui ont chahuteacute sa vie Cest une femme simple qui a les pieds sur terre capable dun brin de fantaisie que lon remarque dans le point de tricot du gilet quelle porte sur une robe bleu marine Sans doute reacutealiseacute avec la laine de ses moutons Les paroles se bousculent au rythme des souvenirs et agrave la mesure des angoisses qui lassaillent comme des ressentiments quelle exprime toute seule La tempecircte qui agite son esprit est semblable agrave celle qui souffle au dehors Elle reconnait quelle ne sait plus ougrave elle en est et sassoit pregraves de celui qui fut son homme Chaque mort serait une eacutetoile qui scintille dans le ciel Au-delagrave de cette jolie image Alice est confronteacutee agrave labsence de deux beaux enfants partis aux Ameacuteriques et aujourdrsquohui un mari qui part et agrave qui elle parle comme sil eacutetait vivant et comme elle ne lui a sans doute jamais parleacute parce que jusque-lagrave elle nosait pas Tout bascule ccedila vrille comment crsquoest possible possible je suis en colegravere

Elle refuse puis accueille la reacutealiteacute et lhomme eacutetranger qui explique sa fonction je cueille des mots Et qui fait davantage en analysant les eacutevegravenements Cest lui qui le premier a un doute Il est mort votre copain On dirait qursquoil fait le mort Si effectivement la mort neacutetait quune ruse pour permettre de deacutebusquer la veacuteriteacute vraie agrave linstar dOrgon cacheacute sous la nappe pour confondre Tartuffe

La langue choisie par Nathalie Beacutecue est preacutecise poeacutetique et feacuteroce Si je deacutesentortille votre charabia Jrsquoai trop la trouille pour pas y aller avant de se deacutecider agrave deacuterouler ses recircves sous ses pas

Faisons-nous aussi le pas pour ne pas louper ce petit bijou qui se joue au theacuteacirctre de la Tempecircte jusquau 15 avril 2018

Bourrasque de Nathalie Beacutecue Mise en scegravene Feacutelix Prader Avec Nathalie Beacutecue (Alice Burke) Pierre-Alain Chapuis (Daniel Burke) Theacuteo Chedeville (Michaeumll Dara) Philippe Smith (John) Sceacutenographie et costumes Ceacutecilia Galli Creacuteation sonore Estelle Lembert Direction des combats Franccedilois Rostain Du 16 mars au 15 avril 2018 Du mardi au samedi 20 h 30 dimanche 16 h 30 Les photos qui ne sont pas logotypeacutees A bride abattue sont de Antonia Bozzi Publieacute par marie-claire agrave 2335 Envoyer par e-mailBlogThisPartager sur TwitterPartager sur FacebookPartager sur Pinterest Libelleacutes coup de coeur spectacle theacuteacirctre

critiquetheatreclaucom

17 Mars 2018

ABOZZI

Bourrasque jusqursquoau 1504 th de La tempecircte

Mouvance de la destineacutee

De Nathalie Beacutecue inspireacute de lrsquoœuvre de John Millington Synge dramaturge irlandais 1871- 1909Mise en scegravene Feacutelix Prader

Au premier instant nous nous sommes happeacutes par un merveilleux poegraveme invoquant le chagrin des ecirctres perdus la solitude la deacutetresse la tristesse les regrets

laquo Pourquoi jrsquoai reccedilu cette vie Au lieu drsquoattraper lrsquoair transparent dans le bleu du cielhelliphellip Rester lagrave agrave attendre la Balayure du soir raquo

Une atmosphegravere de conte de poeacutesie et de mystegravere nous enveloppe

Un jour de grande tempecircte au plus profond de la campagne irlandaise nous peacuteneacutetrons dans une sobre demeure Il va se deacuterouler sous nos yeux pleins drsquoeacutetonnement un conte tragi-comique

Les personnages sont hauts en couleur

Un paysan Daniel Burke rustre et srsquoabreuvant de whisky pour oublier sa peur et la tristesse de la vie simule sa mort pour espionner sa femme

Alice soumise agrave sa condition se questionne sur sa vie passeacutee et agrave venir Tout en veillant son deacutefunt mari

John marcheur solitaire poegravete eacutecrivain et avide de liberteacute eacutecoutant et observant le monde arrive agrave lrsquoimproviste dans cette demeure

Michaeumll ancien marin devenu berger est un eacutetranger dans cette campagne isoleacutee Il va convoiter Alice pour srsquointeacutegrer dans ce monde hostile

Tous ses personnages vont se reacuteveacuteler nous raconter leur histoire parfois tragique parfois cocasse

Que veulent-ils devenir Prendront-ils leur destineacutee en main

Nous deacutecouvrons le sens de la fecircte les rites et coutumes funeacuteraires de la campagne irlandaise Nous ressentons lrsquoisolement de ses contreacutees la vie rude et solitaire de ses habitants ainsi que le climat rigoureux et froid

Crsquoest agrave la fois violent et tendre eacutemouvant et burlesque

Les comeacutediens nous eacutemeuvent et nous transpercent le cœur

Avec Alice Nathalie Beacutecue nous bouleverse

Daniel Pierre-Alain Chapuis bourru et tendre nous attendri

John Philippe Smith eacuteleacutegant et serein nous seacuteduit

Sans oublier Theacuteo Chedeville touchant dans le rocircle du jeune berger Michaeumll

Page 22: BOURRASQUE - Théâtre Montansier · 2018. 5. 7. · composé Bourrasque, que Félix Prader met en scène avec igueu (1). Synge affimait u’au théâtre, « il faut du réel, il

Reacuteunir les deux eacutepoux et lrsquoamant confondu crsquoest un topos theacuteacirctral Mais la preacutesence de cet

inconnu que Nathalie Beacutecue place comme un observateur particulier puisqursquoon imagine que

le drame auquel il assiste pourra enrichir encore son livret de reacutecits est une belle reacuteussite

Eacutecoutant les deux eacutepoux puis prenant finalement place dans le drame en exerccedilant le recul

dont lui seul dans la piegravece est capable change la porteacutee de la piegravece et enrichit

consideacuterablement le triangle amoureux

Bulles de Culture vous recommande en tout cas vivement cette incursion en terre irlandaise

En savoir plus

bull Bourrasque de Nathalie Beacutecue mise en scegravene par Feacutelix Prader est joueacute au Theacuteacirctre de la

Tempecircte du 16 mars au 15 avril 2018

bull Bourrasque sera joueacute en 2018 au Centre culturel de Vitreacute le 20 avril sur la Scegravene nationale

de Bar-le-Duc le 17 mai et au Theacuteacirctre Montansier de Versailles le 25 mai

bull Dureacutee du spectacle 1h40

Actualiteacute theacuteacirctrale

Jusqursquoau 15 avril au Theacuteacirctre de la Tempecircte

laquo Bourrasque raquo mercredi 21 mars 2018

Par un soir de tempecircte dans une chaumiegravere isoleacutee Alice Burke veille son mari le rude et taiseux Dan Burke qui vient de mourir Il lui a interdit de toucher son corps apregraves sa mort exigeant que ce soit sa sœur qui srsquooccupe de la toilette mortuaire Mais celle-ci habite loin Alice craint la nuit et la tempecircte dans ce lieu isoleacute et ne peut le laisser seul Elle attend Deux hommes vont se preacutesenter agrave sa porte un eacutetranger qui parcourt les rudes collines des alentours pour laquo cueillir raquo les histoires qursquoon veut bien lui confier et un jeune berger peu expeacuterimenteacute qui vit un peu plus loin Avec ces deux hommes deux avenirs pourraient se dessiner le second seraient bien inteacuteresseacute par la femme et surtout les biens dont elle va heacuteriter le premier lui ouvre une sortie de son isolement et de nouveaux espaces La bourrasque qui hurle au dehors gagne aussi lrsquointeacuterieur de la chaumiegravere et bouscule tous les esprits

Nathalie Beacutecue a eacuteteacute seacuteduite par lrsquounivers du poegravete et dramaturge irlandais John Millingtone Synge et en particulier par ce livre Les Icircles Aran ougrave il a raconteacute ses rencontres avec les icircliens et les leacutegendes qursquoils lui ont conteacutees Crsquoest de lrsquoun de ses contes Lrsquoombre de la valleacutee qursquoelle srsquoest inspireacutee pour eacutecrire Bourrasque Apregraves lrsquoavoir vue dans Lrsquoapprentie sage-femme qursquoelle avait joueacutee en 2012 on comprend la continuiteacute de son travail Ce qui lrsquointeacuteresse ce sont ces destins de femmes dans les deux cas des paysannes qui cherchent leur voie et prennent la vie agrave bras le corps Dans son texte Nathalie Beacutecue a su faire entendre la sauvagerie de la nature le vent la pluie et la vie rude de ceux qui y habitent Elle a su aussi traduire les penseacutees tourmenteacutees des quatre personnages attribuant agrave John lrsquohomme qui cueille les histoires la deacutemarche de Synge lui-mecircme dans les Icircles drsquoAran

Dans la mise en scegravene de Feacutelix Prader on reste enfermeacute dans la chaumiegravere avec le mort assis ou couvert drsquoun drap et lrsquoexteacuterieur nrsquoapparaicirct qursquoinquieacutetant avec le bruit amplifieacute du vent ou des coups agrave la porte Seuls les hommes qui arrivent apportent lrsquoimage drsquoun ailleurs possible pour cette femme qui srsquoest laisseacutee enfermer dans la solitude au point drsquoecirctre obligeacutee de parler aux arbres

Nathalie Beacutecue en robe paysanne et petit gilet de laine bleue avec de gros bas de laine incarne Alice qui parle de sa vie avec cet eacutepoux taiseux porteacute sur le whisky Elle caresse la couverture de poils de chegravevre tout en parlant Calme elle dit qursquoaucun vivant ne lui a jamais fait peur crsquoest drsquoautre chose qursquoelle a peur puis soudain la colegravere lrsquoemporte quand elle pense agrave lrsquoennui de sa vie laquo fosse agrave chagrin mareacutecage de tristesse raquo et se dit qursquoelle a peut-ecirctre fait le mauvais choix en se condamnant agrave laquo regarder les saisons passer raquo Philippe Smith est John celui qui ramasse les histoires vagabond ceacuteleste qui amuse Alice avec un tour de magie lui donne les nouvelles de la valleacutee et surtout lui parle drsquoun ailleurs Theacuteo Chedeville est Michaeumll Dara le marin devenu berger Pierre-Alain Chapuis est Dan Burke le mort qui survit Il est puissant violent ravageacute par sa colegravere contre tous sa femme son pegravere mais aussi contre lui-mecircme On le sent deacutevoreacute par lrsquoamertume laquo bouffeacute par la tristesse raquo comme le dit Alice mais peut-ecirctre capable de rebondir loin de sa femme

On se laisse emporter par le reacutecit On est dans ces icircles irlandaises battues par le vent et la pluie et on rejoint John quand il dit laquo Apregraves des veilleacutees solitaires je peux dire que les gens drsquoici ne sont pas insignifiants raquo

Micheline Rousselet

Du mardi au samedi agrave 20h30 le dimanche agrave 16h30

Theacuteacirctre de La Tempecircte

Cartoucherie

Route du Champ-de-Manoeuvre 75012 Paris

Reacuteservations (partenariat Reacuteducrsquosnes tarifs reacuteduits aux syndiqueacutes Snes mais sur reacuteservation impeacuterative) 01 43 28 36 36

T H Eacute Acirc T R E

BOURRASQUE UN MAGNIFIQUE OBJET POEacuteTIQUE

ET INSPIREacute DANS LE MONDE AcircPRE ET SANS

CONCESSION DES TERRES DrsquoIRLANDE 19 MARS 2018

Reacutedigeacute par Sarah Franck

laquo Le cœur casseacute ccedila donne la vie grise raquo Quand la brume et le vent soufflent sur un monde sans avenir confit dans lrsquoeacutecoulement uniforme des jours une porte parfois srsquoentrouvre pour que change le cours des choseshellip

Un homme est mort ce soir assis dans son fauteuil Sa femme une femme de rien ou de si peu de chose heacutesite Il lui a interdit de toucher son cadavre et a jeteacute sur elle une maleacutediction au cas ougrave elle enfreindrait lrsquoordre Seule sa sœur aura le droit de le preacuteparer pour son dernier voyage Mais comment faire quand la nuit a pris des couleurs de noir drsquoencre que les nueacutees srsquoamassent que le tonnerre gronde qursquoelle a une tregraves longue route et qursquoelle est seule Il nrsquoest pas bon drsquoabandonner un mort agrave lui-mecircmehellip Dans ce lieu perdu du bout du monde ougrave ne trouvent guegravere agrave subsister que les moutons ougrave lrsquoacircpreteacute de la vie a jeteacute sur les ecirctres son voile de dureteacute ougrave ne semblent possibles que la violence des comportements et lrsquohostiliteacute ougrave lrsquoalcool est la solution ultime quotidienne pour triompher des aleacuteas un groupe heacuteteacuteroclite va peu agrave peu se rassembler

(c) Antonia Bozzi

Une arche de Noeacute de largueacutes du monde

Parmi les personnages perdus dans ce milieu de nulle part arrive drsquoabord un vagabond un cueilleur de mots un raconteur drsquohistoires qui cherche un havre pour la nuit Il voudrait simplement reposer ses pieds fatigueacutes de cheminot avant de reprendre la route Il y a lrsquoancien marin devenu eacuteleveur que la mort du mari arrange car il en guigne les terres pour faire paicirctre ses troupeaux Il y a elle la femme deacutevoueacutee dont on ne sait de quoi est fait son attachement au deacutefunt ndash amour en deacutepit de lrsquoindiffeacuterence qursquoil lui porte ennui drsquoun mariage accepteacute pour la seacutecuriteacute qursquoil donne reacutesignation devant les vexations subies Et puis il y a ce mort qui srsquoavegraverera bien vivant au moment ougrave srsquoopegravere le partage des deacutepouilles et dont lrsquohistoire a la violence et linceste pour cortegravegehellip

Ce sont lagrave des perdus eacutegareacutes sans lrsquoavoir choisi prenant racine lagrave ougrave on les a planteacutes Massifs taiseux Vivent-ils Peut-ecirctre le cheminot qui erre agrave lrsquoaventure est-il le seul agrave savoir ougrave il va ce saltimbanque ce poegravete qui donne agrave voir un ailleurs agrave respirer lrsquoodeur du vent et les senteurs venues de contreacutees lointaines Peut-ecirctre ne sont-ils pas agrave leur place mais ont-ils une place Le preacutesent est leur futur leur avenir leur eacuteterniteacute Ils portent leur brume en eux cette compagne des sortilegraveges et des superstitions qui leur colle agrave la peau Ils ont cette eacutepaisseur de la matiegravere brute cette preacutesence obstineacutee de ceux qui ne savent qursquoecirctre

(c) Antonia Bozzi

Lrsquoespace de la parole

Dans ce huis clos deacutelimiteacute par une table dans un coin une banquette sur laquelle est assis immobile le mari et une commode il nrsquoy a pas drsquoeacutechappatoire Le lieu est agrave lrsquoimage de leur existence refermeacute sur lui-mecircme Alors il ne leur reste que la parole pour briser lrsquoenfermement Une parole difficile Les mots buttent dans leur gorge ils sortent contraints rentreacutes et de trop de retenue se heurtent et srsquoentrechoquent avec de brusques flambeacutees de violence se deacuteversent tels des crachats agrave la figure de lrsquoautre Crsquoest un trop-plein qui deacuteferle pour trouver le chemin de la conscience et qui les met en face drsquoeux-mecircmes et de leur reacutealiteacute Apregraves il nrsquoy aura plus de retour en arriegravere possible et chacun devra trouver lrsquoissue qui lui convient

Ils ont ce parler fruste mais imageacute des paysans laquo ccedila crsquoest sucircr raquo qui offre une transposition bretonne agrave lrsquoanglo-irlandais du texte original Un mecircme fondement celtique court dans ces deux reacutegions que rassemblent la culture et les paysages et ougrave souffle un vent laquo agrave reacuteveiller les disparus les esprits malins ou les feacutees tordues raquo Les noms de lieux aux consonances eacutetranges chantent une poeacutesie de lrsquoailleurs qursquoaccompagne celle du deacutesespoir de ces eacutecorcheacutes de la vie laquo Crsquoest comme ccedila le bout du chemin de ceux de sa sorte Les deacutevoreacutes drsquoangoisse les rongeacutes de tristesse raquo Les mots disent leur deacutetresse Leur barbe laquo on dirait deacutejagrave du poil de moisissure raquo Lrsquounivers laquo des milliards de milliards de masses solaires qui tournoient en spirale jusqursquoagrave ecirctre happeacutees aspireacutees au centre de lrsquoinconnu du trou noir [hellip] une eacutenorme densiteacute de creacuteation ou une absence de creacuteation Du trop-plein au vide raquo agrave lrsquoimage de leur vie qui laquo se deacuteficelle raquo se deacutecompose se deacutesintegravegrehellip

Entre Synge et Nathalie Beacutecue

De lrsquoOmbre de la valleacutee de John Millington Synge ndash compatriote de Joyce Yeats et Beckett et fervent deacutefenseur du renouveau de la culture irlandaise ndash Nathalie Beacutecue reprend la situation de ce mort laquo ressusciteacute raquo tout en modifiant les enjeux et la porteacutee de lrsquohistoire Elle fait du chemineau une incarnation du poegravete Elle reprend dans lrsquoesprit ce parler si particulier qui inverse lrsquoordre des mots pour placer dans une phrase lrsquoimportant devant On y retrouve le mecircme souci de rendre leurs lettres de noblesse agrave ceux qui sont sans-grade placeacutes agrave lrsquoeacutecart en marge mais portent en eux une veacuteriteacute immeacutemoriale qui les deacutepasse Ces hommes et ces femmes qui ne savent pas parler une laquo belle raquo langue au sens classique sont pleins habiteacutes possesseurs drsquoun treacutesor qursquoil nous est donneacute de reconnaicirctre Dans sa laquo variation raquo Nathalie

Beacutecue insuffle sa propre vision de cette laquo veacuteriteacute raquo populaire peupleacutee de croyances et de leacutegendes et met ses personnages en face de choix qui les font progresser et grandir

(c) Antonia Bozzi

Un magnifique travail drsquoacteur

Ce qui frappe enfin crsquoest lrsquointerpreacutetation laquo millimeacutetreacutee raquo des comeacutediens Car enfin crsquoest sur eux que repose ce spectacle ougrave il ne se passe rien ou presque durant deux heures Pas de quiproquo ni de comique de situation Pas de trageacutedie au-delagrave de lrsquoagressiviteacute et des altercations Ni trop ni trop peu mecircme si lrsquoon alterne chuchotements et cris Ils sont tout en retenues briseacutees quand les digues lacircchent en heacutesitations en mots esquisseacutes en gestes inaboutis ou semi-dissimuleacutes en mimiques fugaces Ils disent comme en srsquoexcusant heacutesitent agrave srsquoimposer reacutevegravelent les failles avec beaucoup de finesse La minutie avec laquelle la gestuelle campe les personnages donne au spectacle une justesse qursquoon voit rarement au theacuteacirctre

On srsquoeacutemeut drsquoentendre eacutevoquer les myriades drsquoeacutetoiles comme autant drsquoesprits des morts flottant autour de nous on partage la fatigue des marches de montagne plongeacutees dans une brume eacutepaisse et hostile la difficulteacute de ces laquo nuits noires agrave en appeler agrave la clarteacute des eacutetoiles raquo Et puis on rit car ils sont des hommes avec leurs petits travers leurs lacirccheteacutes et leurs peurs ces errants agrave la deacuterive qui srsquoeacutegarent avec magnificence et nous ressemblent tant Au-delagrave du texte et de sa beauteacute crsquoest agrave une merveilleuse leccedilon drsquohumaniteacute que nous convie ce spectacle

Bourrasque de Nathalie Beacutecue librement inspireacute de lrsquoOmbre du vent de John Millington Synge (eacuted franccedilaise Actes Sud)

Mise en scegravene Feacutelix Prader

Avec Nathalie Beacutecue Pierre-Alain Chapuis Theacuteo Chedeville Philippe Smith (le poegravete)

Theacuteacirctre de la Tempecircte Cartoucherie de Vincennes Route du Champ de Mars ndash 75012 Paris

Du 16 mars 2018 au 15 avril du mardi au samedi agrave 20h30 le dimanche agrave 17h30

Teacutel 01 43 28 36 36 Site wwwla-tempetefr

Bourrasque au Theacuteacirctre de La Tempecircte

Publieacute par Michel Jakubowicz le 26 mars 2018 Publieacute dans Tendance - Fashion

Theacuteacirctre de la Tempecircte Cartoucherie Rte du Champ-de-Manœuvre 75012 Paris

Repreacutesentations du 16 mars au 15 avril 2018

httpswwwla-tempetefr

BOURRASQUE

Variation sur lrsquoOmbre de la valleacutee de JM Synge

de Nathalie Beacutecue

mise en scegravene Feacutelix Prader

avec

Nathalie Beacutecue (Alice Burke)

Pierre-Alain Chapuis (Daniel Burke)

Theacuteo Chedeville (Michaeumll Dara)

Philippe Smith (John)

Nathalie Beacutecue auteure de Bourrasque avoue srsquoecirctre inspireacutee du poegravete et dramaturge John

Millington Synge Feacutelix Prader agrave partir du texte de Nathalie Beacutecue va srsquoefforcer de recreacuteer

lrsquoambiance eacutetrange chaotique effrayante qui sourd de ce texte Il va en quelque sorte donner

corps agrave une histoire ougrave semble rocircder une ambiance agrave la limite du fantastique et mettre en lumiegravere

les comportements presque forceneacutes brutaux impreacutevisibles des personnages qursquoun hasard

apparemment faceacutetieux (ou malfaisant) a reacuteunis dans une chaumiegravere perdue de la lande irlandaise

battue par la tempecircte Il faut dire que la piegravece se deacuteroule dans un contexte peu banal presque

terrifiant puisqursquoune femme seule soliloque en srsquoadressant agrave un cosmos aveugle et infini bourreacute

de trous noirs insondables et mortels La femme semble prendre agrave teacutemoin un homme immobile

ne bougeant pas drsquoun cil et dont la raideur semble vaguement indiquer qursquoil est peut-ecirctre passeacute

de vie agrave treacutepas ou qursquoil feint deacutelibeacutereacutement lrsquoindiffeacuterence absolue face aux propos tenus par la

femme Les choses pourraient en rester lagrave mais soudainement surgi du cœur de la tempecircte qui se

deacutechaicircne agrave lrsquoexteacuterieur un inconnu reacuteclame avec insistance malgreacute lrsquohostiliteacute de la femme agrave

srsquoabriter dans la chaumiegravere

A partir de lrsquointrusion de cet eacutetranger lrsquoaction va soudainement srsquoacceacuteleacuterer et le reacutecit srsquoorienter

sans deacutelai vers lrsquoabsurde le fantastique lrsquoinattendu Le reacutecit bascule apparemment vers

lrsquoirrationnel mais en terre irlandaise il semble agrave lrsquoeacutevidence que les apparences ne sont pas

forceacutement conformes agrave la reacutealiteacute et la suite du reacutecit de Nathalie Beacutecue srsquoinspirant de John

Millington Synge ne fera que rendre encore plus creacutedible cette impression

La mise en scegravene de Feacutelix Prader reconstitue avec une sorte de preacutecision presque surnaturelle

eacutetonnante cette campagne irlandaise drsquoougrave nrsquoimporte quels fantocircmes peuvent impuneacutement surgir

de la nuit Jusqursquoau bout drsquoune nuit interminable peupleacutee de terreurs sans noms cette assembleacutee

de personnages subira jusqursquoau bout un destin fait drsquoincertitude balanccedilant constamment entre

espoir et deacutesespeacuterance Lrsquointerpreacutetation est remarquable en particulier celle de Nathalie Beacutecue

incarnant avec beaucoup drsquoacircpreteacute de passion le rocircle drsquoAlice Burke Mais les trois autres

protagonistes masculins sont eacutegalement parfaits donnant agrave leurs personnages respectifs toute

lrsquoeacutepaisseur psychologique deacutesireacutee Un spectacle prenant qui reacutevegravele dans toute sa profondeur

lrsquoacircme irlandaise

Michel Jakubowicz

LE BRUITDUOFF TRIBUNE

LES SCENES ACTUELLES SANS TABOU NI TROMPETTES

CRITIQUE laquo Bourrasque raquo variation sur Lrsquoombre de la valleacutee de JM Synge de Nathalie Beacutecue mis en scegravene par Feacutelix Prader avec Nathalie Beacutecue Pierre-Alain Chapuis Theacuteo Chedeville et Philippe Smith Au Theacuteacirctre de la Tempecircte salle Copi jusqursquoau 15 avril du mardi au samedi agrave 20h30 dimanche agrave 16h30

Crsquoest lrsquoun des plus beaux textes de la saison Nathalie Beacutecue a adapteacute les peacutereacutegrinations de Synge avec amour infleacutechissant ses rugositeacutes irlandaises drsquoune ardeur feacutebrile

laquo Bourrasque raquo crsquoest la poeacutesie cosmique descendue sur lrsquoeacutepure drsquoun verbe aussi vieux que les icircles drsquoAran qui lrsquoabritent laquo Bourrasque raquo crsquoest la meacutetaphysique de la bergegravere Srsquoeacutelegraveve une litanie vibrante adresseacutee aux eacutetoiles pour cet laquo ougrave suis-je raquo qui preacutecegravede le laquo qui suis-je raquo pour le trou noir la masse la poussiegravere lrsquoengloutissement la disparition lrsquoinconnu la creacuteation sa densiteacute son absence le trop plein le videhellip Le vertige drsquoAlice Burke un soir de tempecircte est celui drsquoun cœur simple dans le langage du monde Lrsquoespace drsquoun entre-lumiegravere avant lrsquoextinction de la salle Nathalie Beacutecue ample vibrante ancreacutee et tendue vers des ciels invisibles livre une formidable deacutemonstration de sa maicirctrise de lrsquoabandon

Encore aux prises avec ce jaillissement drsquoecirctre brut et pur il nous faut quelques battements de cœur pour lrsquohabituer aux ombres de la scegravene peacuteneacutetrer le deuil terrestre drsquoAlice Burke et investir sa maison de pierre tandis que laquo perdu ailleurs raquo le vent se legraveve Les yeux pleins drsquoorage et la voix blanche elle embarque les acircmes qursquoelle a tendues vers elle laquo Je suis en colegravere tellement je suis triste raquo

Daniel Burke le fermier sans meacutetaphysique le fermier malheureux srsquoest figeacute lagrave dans une mort subite et inviolable et sa veuve saisie de solitude et figeacutee depuis cent ans voit sa laquo vie grise raquo deacutechireacutee par laquo la grande trouille raquo La trouille de quoi Car la mort toute proche incarneacutee dans la deacutepouille de son mari immobile ne lrsquoeffraye pas Crsquoest une femme des montagnes qui croit aux fantocircmes et qui ne les craint pas

Est-ce un fantocircme qui franchit son seuil dans lrsquoorage pour mettre son errance et son immense laquo dehors raquo dans lrsquoespace sans projet ougrave elle vit confineacutee John mucirc par le timbre envoucirctant de Philippe Smith est un porteur drsquohistoires venu reacutecolter quelques miettes au foyer de la derniegravere maison allumeacutee sur les chemins rocheux drsquoAran Quand Alice Burke laisse son hocircte dans cette eacutetrange veilleacutee et que Dan Burke se redresse bien vivant et saoul crsquoest toute une vie de spectateur qui vacille agrave son tour John pourra-t-il refuser drsquoecirctre acteur de cette histoire-lagrave

Pierre-Alain Chapuis est un Dan Burke massif en corps et en ecirctre plein de passeacute de rancœur et de lrsquoeacutepaisse rusticiteacute que les silences ont tanneacutee sur sa peau et sa voix Quatriegraveme entreacutee en scegravene la jeunesse vacillante de Theacuteo Chedeville precircte ses fougues agrave Michaeumll Dara le marin en quecircte de reacuteconciliation avec la terre qui cherche agrave ecirctre au sol et treacutepigne dans la valleacutee encore la tecircte agrave moitieacute immergeacutee des recircves drsquoavant les recircves enterreacutes de large et de houle La paix est-elle plus haut dans la montagne

La mise en scegravene de Feacutelix Prader attentive aux eacuteclats de verbe sublimeacutes par les voix de Beacutecue Chapuis Chedeville et Smith est un effacement une ombre pour que la poeacutesie eacuteclaire Il veut saisir le preacutesent et la preacutesence eacutenorme des protagonistes dans la suspension du temps du theacuteacirctre Sa scegravene se deacutepare du moindre artifice se fait couloir pour lrsquoeacutemotion de cette parole vitale qui balaye le silence effareacute du spectateur srsquooublie dans une pudeur parfaite Jrsquoentends encore la voix pleine et rocailleuse de Beacutecue la Burke souffler la bourrasque laquo Jrsquoai trop la trouille pour pas y aller raquo

Drsquoun eacutelan vital et poeacutetique elle engloutit le motif radical de la mort

Marguerite Dornier

DU 1603 AU 15042018 AU THEacuteAcircTRE DE LA TEMPEcircTE | DUREacuteE 1H40 |

Librement adapteacute de la piegravece en un acte de John M Synge laquo Lrsquoombre dans la Valleacutee raquo Bourrasque fait preuve drsquoune sagaciteacute deacuteroutante dans une ambiance drsquoinsulaires superstitieux Situation macabre regraveglements de comptes conjugaux reacutecits de voyages et art du vagabondagehellip lrsquoIrlande et son hors-champ drsquoimmensiteacute montagneuse et orageuse nous submergent alors que de grandes deacutecisions se prennent dans la petite chaumiegravere drsquoAlice Burke indigneacutee par la mort foudroyante de son mari Dan qursquoelle ne peut toucher sous peine drsquoecirctre maudite

De par la traduction drsquoun gaeacutelique transposeacute dans du franccedilais paysan aux consonances lyriques et lrsquointerpreacutetation de ce tregraves beau et talentueux quatuor de comeacutediens le folklore celte est tout agrave fait plausible voire palpable et propage son caractegravere sacreacute Bourrasque est un deacutelice drsquohumour peut ecirctre un tantinet pessimiste mais surtout pittoresque et poeacutetique

Eloiumlse Dandoy

jeudi 22 mars 2018

Bourrasque de Nathalie Beacutecue

Bourrasque est un de ces spectacles dont on mesure la chance quils existent Parce que Nathalie Beacutecue a fait un travail deacutecriture tregraves reacuteussi librement adapteacute de la piegravece LrsquoOmbre de la valleacutee en reprenant lrsquoargument tout en modifiant les enjeux et la porteacutee Elle place le spectateur au plus pregraves de latmosphegravere poeacutetique qui a impreacutegneacute lIrlande que John Millington Synge (1871-1909) nous a fait deacutecouvrir au XIXdeg siegravecle et qui est encore tregraves vivante gracircce agrave la moderniteacute de la mise en scegravene de Feacutelix Prader La distribution est habile avec Nathalie Beacutecue qui interpregravete Alice Burke et trois autres comeacutediens Pierre-Alain Chapuis (Daniel Burke) Theacuteo Chedeville (Michaeumll Dara) et Philippe Smith (John) tous diffeacuterents qui permettent dapporter des points de vue parfois deacuteroutants maintenant le spectateur quasiment en haleine comme sil eacutetait au coeur dun thriller Le caractegravere primitif de la vie sociale si particuliegravere des icircles drsquoAran en deviendrait presque normal dans un deacutecor rustique simple et familier

Par un soir de violente tempecircte que lon entendra rugir derriegravere la verriegravere Alice Burke veille son mari deacutefunt lrsquoacircpre et ombrageux fermier Dan Burke comme le veut la coutume dans cette contreacutee reculeacutee Silence dans la chaumiegravere isoleacutee quand agrave la porte frappe un inconnu nomade des collines cueilleur drsquohistoires (Synge) qui ravive dans lrsquoacircme dAlice la soif drsquoun ailleurs Un autre homme bouscule les certitudes dAlice Michaeumll Dara le marin devenu berger qui vit agrave quelques lieues et convoite agrave la fois les biens et la femmethinsp Et si soudain srsquoeacuteveillait le deacutefunt chahutant les vivants que ferait Alicethinsp

Le mort est sur scegravene muet cela va sans dire mais bien preacutesent tout de mecircme Sa femme lui rend hommage malgreacute les cahots qui ont chahuteacute sa vie Cest une femme simple qui a les pieds sur terre capable dun brin de fantaisie que lon remarque dans le point de tricot du gilet quelle porte sur une robe bleu marine Sans doute reacutealiseacute avec la laine de ses moutons Les paroles se bousculent au rythme des souvenirs et agrave la mesure des angoisses qui lassaillent comme des ressentiments quelle exprime toute seule La tempecircte qui agite son esprit est semblable agrave celle qui souffle au dehors Elle reconnait quelle ne sait plus ougrave elle en est et sassoit pregraves de celui qui fut son homme Chaque mort serait une eacutetoile qui scintille dans le ciel Au-delagrave de cette jolie image Alice est confronteacutee agrave labsence de deux beaux enfants partis aux Ameacuteriques et aujourdrsquohui un mari qui part et agrave qui elle parle comme sil eacutetait vivant et comme elle ne lui a sans doute jamais parleacute parce que jusque-lagrave elle nosait pas Tout bascule ccedila vrille comment crsquoest possible possible je suis en colegravere

Elle refuse puis accueille la reacutealiteacute et lhomme eacutetranger qui explique sa fonction je cueille des mots Et qui fait davantage en analysant les eacutevegravenements Cest lui qui le premier a un doute Il est mort votre copain On dirait qursquoil fait le mort Si effectivement la mort neacutetait quune ruse pour permettre de deacutebusquer la veacuteriteacute vraie agrave linstar dOrgon cacheacute sous la nappe pour confondre Tartuffe

La langue choisie par Nathalie Beacutecue est preacutecise poeacutetique et feacuteroce Si je deacutesentortille votre charabia Jrsquoai trop la trouille pour pas y aller avant de se deacutecider agrave deacuterouler ses recircves sous ses pas

Faisons-nous aussi le pas pour ne pas louper ce petit bijou qui se joue au theacuteacirctre de la Tempecircte jusquau 15 avril 2018

Bourrasque de Nathalie Beacutecue Mise en scegravene Feacutelix Prader Avec Nathalie Beacutecue (Alice Burke) Pierre-Alain Chapuis (Daniel Burke) Theacuteo Chedeville (Michaeumll Dara) Philippe Smith (John) Sceacutenographie et costumes Ceacutecilia Galli Creacuteation sonore Estelle Lembert Direction des combats Franccedilois Rostain Du 16 mars au 15 avril 2018 Du mardi au samedi 20 h 30 dimanche 16 h 30 Les photos qui ne sont pas logotypeacutees A bride abattue sont de Antonia Bozzi Publieacute par marie-claire agrave 2335 Envoyer par e-mailBlogThisPartager sur TwitterPartager sur FacebookPartager sur Pinterest Libelleacutes coup de coeur spectacle theacuteacirctre

critiquetheatreclaucom

17 Mars 2018

ABOZZI

Bourrasque jusqursquoau 1504 th de La tempecircte

Mouvance de la destineacutee

De Nathalie Beacutecue inspireacute de lrsquoœuvre de John Millington Synge dramaturge irlandais 1871- 1909Mise en scegravene Feacutelix Prader

Au premier instant nous nous sommes happeacutes par un merveilleux poegraveme invoquant le chagrin des ecirctres perdus la solitude la deacutetresse la tristesse les regrets

laquo Pourquoi jrsquoai reccedilu cette vie Au lieu drsquoattraper lrsquoair transparent dans le bleu du cielhelliphellip Rester lagrave agrave attendre la Balayure du soir raquo

Une atmosphegravere de conte de poeacutesie et de mystegravere nous enveloppe

Un jour de grande tempecircte au plus profond de la campagne irlandaise nous peacuteneacutetrons dans une sobre demeure Il va se deacuterouler sous nos yeux pleins drsquoeacutetonnement un conte tragi-comique

Les personnages sont hauts en couleur

Un paysan Daniel Burke rustre et srsquoabreuvant de whisky pour oublier sa peur et la tristesse de la vie simule sa mort pour espionner sa femme

Alice soumise agrave sa condition se questionne sur sa vie passeacutee et agrave venir Tout en veillant son deacutefunt mari

John marcheur solitaire poegravete eacutecrivain et avide de liberteacute eacutecoutant et observant le monde arrive agrave lrsquoimproviste dans cette demeure

Michaeumll ancien marin devenu berger est un eacutetranger dans cette campagne isoleacutee Il va convoiter Alice pour srsquointeacutegrer dans ce monde hostile

Tous ses personnages vont se reacuteveacuteler nous raconter leur histoire parfois tragique parfois cocasse

Que veulent-ils devenir Prendront-ils leur destineacutee en main

Nous deacutecouvrons le sens de la fecircte les rites et coutumes funeacuteraires de la campagne irlandaise Nous ressentons lrsquoisolement de ses contreacutees la vie rude et solitaire de ses habitants ainsi que le climat rigoureux et froid

Crsquoest agrave la fois violent et tendre eacutemouvant et burlesque

Les comeacutediens nous eacutemeuvent et nous transpercent le cœur

Avec Alice Nathalie Beacutecue nous bouleverse

Daniel Pierre-Alain Chapuis bourru et tendre nous attendri

John Philippe Smith eacuteleacutegant et serein nous seacuteduit

Sans oublier Theacuteo Chedeville touchant dans le rocircle du jeune berger Michaeumll

Page 23: BOURRASQUE - Théâtre Montansier · 2018. 5. 7. · composé Bourrasque, que Félix Prader met en scène avec igueu (1). Synge affimait u’au théâtre, « il faut du réel, il

Actualiteacute theacuteacirctrale

Jusqursquoau 15 avril au Theacuteacirctre de la Tempecircte

laquo Bourrasque raquo mercredi 21 mars 2018

Par un soir de tempecircte dans une chaumiegravere isoleacutee Alice Burke veille son mari le rude et taiseux Dan Burke qui vient de mourir Il lui a interdit de toucher son corps apregraves sa mort exigeant que ce soit sa sœur qui srsquooccupe de la toilette mortuaire Mais celle-ci habite loin Alice craint la nuit et la tempecircte dans ce lieu isoleacute et ne peut le laisser seul Elle attend Deux hommes vont se preacutesenter agrave sa porte un eacutetranger qui parcourt les rudes collines des alentours pour laquo cueillir raquo les histoires qursquoon veut bien lui confier et un jeune berger peu expeacuterimenteacute qui vit un peu plus loin Avec ces deux hommes deux avenirs pourraient se dessiner le second seraient bien inteacuteresseacute par la femme et surtout les biens dont elle va heacuteriter le premier lui ouvre une sortie de son isolement et de nouveaux espaces La bourrasque qui hurle au dehors gagne aussi lrsquointeacuterieur de la chaumiegravere et bouscule tous les esprits

Nathalie Beacutecue a eacuteteacute seacuteduite par lrsquounivers du poegravete et dramaturge irlandais John Millingtone Synge et en particulier par ce livre Les Icircles Aran ougrave il a raconteacute ses rencontres avec les icircliens et les leacutegendes qursquoils lui ont conteacutees Crsquoest de lrsquoun de ses contes Lrsquoombre de la valleacutee qursquoelle srsquoest inspireacutee pour eacutecrire Bourrasque Apregraves lrsquoavoir vue dans Lrsquoapprentie sage-femme qursquoelle avait joueacutee en 2012 on comprend la continuiteacute de son travail Ce qui lrsquointeacuteresse ce sont ces destins de femmes dans les deux cas des paysannes qui cherchent leur voie et prennent la vie agrave bras le corps Dans son texte Nathalie Beacutecue a su faire entendre la sauvagerie de la nature le vent la pluie et la vie rude de ceux qui y habitent Elle a su aussi traduire les penseacutees tourmenteacutees des quatre personnages attribuant agrave John lrsquohomme qui cueille les histoires la deacutemarche de Synge lui-mecircme dans les Icircles drsquoAran

Dans la mise en scegravene de Feacutelix Prader on reste enfermeacute dans la chaumiegravere avec le mort assis ou couvert drsquoun drap et lrsquoexteacuterieur nrsquoapparaicirct qursquoinquieacutetant avec le bruit amplifieacute du vent ou des coups agrave la porte Seuls les hommes qui arrivent apportent lrsquoimage drsquoun ailleurs possible pour cette femme qui srsquoest laisseacutee enfermer dans la solitude au point drsquoecirctre obligeacutee de parler aux arbres

Nathalie Beacutecue en robe paysanne et petit gilet de laine bleue avec de gros bas de laine incarne Alice qui parle de sa vie avec cet eacutepoux taiseux porteacute sur le whisky Elle caresse la couverture de poils de chegravevre tout en parlant Calme elle dit qursquoaucun vivant ne lui a jamais fait peur crsquoest drsquoautre chose qursquoelle a peur puis soudain la colegravere lrsquoemporte quand elle pense agrave lrsquoennui de sa vie laquo fosse agrave chagrin mareacutecage de tristesse raquo et se dit qursquoelle a peut-ecirctre fait le mauvais choix en se condamnant agrave laquo regarder les saisons passer raquo Philippe Smith est John celui qui ramasse les histoires vagabond ceacuteleste qui amuse Alice avec un tour de magie lui donne les nouvelles de la valleacutee et surtout lui parle drsquoun ailleurs Theacuteo Chedeville est Michaeumll Dara le marin devenu berger Pierre-Alain Chapuis est Dan Burke le mort qui survit Il est puissant violent ravageacute par sa colegravere contre tous sa femme son pegravere mais aussi contre lui-mecircme On le sent deacutevoreacute par lrsquoamertume laquo bouffeacute par la tristesse raquo comme le dit Alice mais peut-ecirctre capable de rebondir loin de sa femme

On se laisse emporter par le reacutecit On est dans ces icircles irlandaises battues par le vent et la pluie et on rejoint John quand il dit laquo Apregraves des veilleacutees solitaires je peux dire que les gens drsquoici ne sont pas insignifiants raquo

Micheline Rousselet

Du mardi au samedi agrave 20h30 le dimanche agrave 16h30

Theacuteacirctre de La Tempecircte

Cartoucherie

Route du Champ-de-Manoeuvre 75012 Paris

Reacuteservations (partenariat Reacuteducrsquosnes tarifs reacuteduits aux syndiqueacutes Snes mais sur reacuteservation impeacuterative) 01 43 28 36 36

T H Eacute Acirc T R E

BOURRASQUE UN MAGNIFIQUE OBJET POEacuteTIQUE

ET INSPIREacute DANS LE MONDE AcircPRE ET SANS

CONCESSION DES TERRES DrsquoIRLANDE 19 MARS 2018

Reacutedigeacute par Sarah Franck

laquo Le cœur casseacute ccedila donne la vie grise raquo Quand la brume et le vent soufflent sur un monde sans avenir confit dans lrsquoeacutecoulement uniforme des jours une porte parfois srsquoentrouvre pour que change le cours des choseshellip

Un homme est mort ce soir assis dans son fauteuil Sa femme une femme de rien ou de si peu de chose heacutesite Il lui a interdit de toucher son cadavre et a jeteacute sur elle une maleacutediction au cas ougrave elle enfreindrait lrsquoordre Seule sa sœur aura le droit de le preacuteparer pour son dernier voyage Mais comment faire quand la nuit a pris des couleurs de noir drsquoencre que les nueacutees srsquoamassent que le tonnerre gronde qursquoelle a une tregraves longue route et qursquoelle est seule Il nrsquoest pas bon drsquoabandonner un mort agrave lui-mecircmehellip Dans ce lieu perdu du bout du monde ougrave ne trouvent guegravere agrave subsister que les moutons ougrave lrsquoacircpreteacute de la vie a jeteacute sur les ecirctres son voile de dureteacute ougrave ne semblent possibles que la violence des comportements et lrsquohostiliteacute ougrave lrsquoalcool est la solution ultime quotidienne pour triompher des aleacuteas un groupe heacuteteacuteroclite va peu agrave peu se rassembler

(c) Antonia Bozzi

Une arche de Noeacute de largueacutes du monde

Parmi les personnages perdus dans ce milieu de nulle part arrive drsquoabord un vagabond un cueilleur de mots un raconteur drsquohistoires qui cherche un havre pour la nuit Il voudrait simplement reposer ses pieds fatigueacutes de cheminot avant de reprendre la route Il y a lrsquoancien marin devenu eacuteleveur que la mort du mari arrange car il en guigne les terres pour faire paicirctre ses troupeaux Il y a elle la femme deacutevoueacutee dont on ne sait de quoi est fait son attachement au deacutefunt ndash amour en deacutepit de lrsquoindiffeacuterence qursquoil lui porte ennui drsquoun mariage accepteacute pour la seacutecuriteacute qursquoil donne reacutesignation devant les vexations subies Et puis il y a ce mort qui srsquoavegraverera bien vivant au moment ougrave srsquoopegravere le partage des deacutepouilles et dont lrsquohistoire a la violence et linceste pour cortegravegehellip

Ce sont lagrave des perdus eacutegareacutes sans lrsquoavoir choisi prenant racine lagrave ougrave on les a planteacutes Massifs taiseux Vivent-ils Peut-ecirctre le cheminot qui erre agrave lrsquoaventure est-il le seul agrave savoir ougrave il va ce saltimbanque ce poegravete qui donne agrave voir un ailleurs agrave respirer lrsquoodeur du vent et les senteurs venues de contreacutees lointaines Peut-ecirctre ne sont-ils pas agrave leur place mais ont-ils une place Le preacutesent est leur futur leur avenir leur eacuteterniteacute Ils portent leur brume en eux cette compagne des sortilegraveges et des superstitions qui leur colle agrave la peau Ils ont cette eacutepaisseur de la matiegravere brute cette preacutesence obstineacutee de ceux qui ne savent qursquoecirctre

(c) Antonia Bozzi

Lrsquoespace de la parole

Dans ce huis clos deacutelimiteacute par une table dans un coin une banquette sur laquelle est assis immobile le mari et une commode il nrsquoy a pas drsquoeacutechappatoire Le lieu est agrave lrsquoimage de leur existence refermeacute sur lui-mecircme Alors il ne leur reste que la parole pour briser lrsquoenfermement Une parole difficile Les mots buttent dans leur gorge ils sortent contraints rentreacutes et de trop de retenue se heurtent et srsquoentrechoquent avec de brusques flambeacutees de violence se deacuteversent tels des crachats agrave la figure de lrsquoautre Crsquoest un trop-plein qui deacuteferle pour trouver le chemin de la conscience et qui les met en face drsquoeux-mecircmes et de leur reacutealiteacute Apregraves il nrsquoy aura plus de retour en arriegravere possible et chacun devra trouver lrsquoissue qui lui convient

Ils ont ce parler fruste mais imageacute des paysans laquo ccedila crsquoest sucircr raquo qui offre une transposition bretonne agrave lrsquoanglo-irlandais du texte original Un mecircme fondement celtique court dans ces deux reacutegions que rassemblent la culture et les paysages et ougrave souffle un vent laquo agrave reacuteveiller les disparus les esprits malins ou les feacutees tordues raquo Les noms de lieux aux consonances eacutetranges chantent une poeacutesie de lrsquoailleurs qursquoaccompagne celle du deacutesespoir de ces eacutecorcheacutes de la vie laquo Crsquoest comme ccedila le bout du chemin de ceux de sa sorte Les deacutevoreacutes drsquoangoisse les rongeacutes de tristesse raquo Les mots disent leur deacutetresse Leur barbe laquo on dirait deacutejagrave du poil de moisissure raquo Lrsquounivers laquo des milliards de milliards de masses solaires qui tournoient en spirale jusqursquoagrave ecirctre happeacutees aspireacutees au centre de lrsquoinconnu du trou noir [hellip] une eacutenorme densiteacute de creacuteation ou une absence de creacuteation Du trop-plein au vide raquo agrave lrsquoimage de leur vie qui laquo se deacuteficelle raquo se deacutecompose se deacutesintegravegrehellip

Entre Synge et Nathalie Beacutecue

De lrsquoOmbre de la valleacutee de John Millington Synge ndash compatriote de Joyce Yeats et Beckett et fervent deacutefenseur du renouveau de la culture irlandaise ndash Nathalie Beacutecue reprend la situation de ce mort laquo ressusciteacute raquo tout en modifiant les enjeux et la porteacutee de lrsquohistoire Elle fait du chemineau une incarnation du poegravete Elle reprend dans lrsquoesprit ce parler si particulier qui inverse lrsquoordre des mots pour placer dans une phrase lrsquoimportant devant On y retrouve le mecircme souci de rendre leurs lettres de noblesse agrave ceux qui sont sans-grade placeacutes agrave lrsquoeacutecart en marge mais portent en eux une veacuteriteacute immeacutemoriale qui les deacutepasse Ces hommes et ces femmes qui ne savent pas parler une laquo belle raquo langue au sens classique sont pleins habiteacutes possesseurs drsquoun treacutesor qursquoil nous est donneacute de reconnaicirctre Dans sa laquo variation raquo Nathalie

Beacutecue insuffle sa propre vision de cette laquo veacuteriteacute raquo populaire peupleacutee de croyances et de leacutegendes et met ses personnages en face de choix qui les font progresser et grandir

(c) Antonia Bozzi

Un magnifique travail drsquoacteur

Ce qui frappe enfin crsquoest lrsquointerpreacutetation laquo millimeacutetreacutee raquo des comeacutediens Car enfin crsquoest sur eux que repose ce spectacle ougrave il ne se passe rien ou presque durant deux heures Pas de quiproquo ni de comique de situation Pas de trageacutedie au-delagrave de lrsquoagressiviteacute et des altercations Ni trop ni trop peu mecircme si lrsquoon alterne chuchotements et cris Ils sont tout en retenues briseacutees quand les digues lacircchent en heacutesitations en mots esquisseacutes en gestes inaboutis ou semi-dissimuleacutes en mimiques fugaces Ils disent comme en srsquoexcusant heacutesitent agrave srsquoimposer reacutevegravelent les failles avec beaucoup de finesse La minutie avec laquelle la gestuelle campe les personnages donne au spectacle une justesse qursquoon voit rarement au theacuteacirctre

On srsquoeacutemeut drsquoentendre eacutevoquer les myriades drsquoeacutetoiles comme autant drsquoesprits des morts flottant autour de nous on partage la fatigue des marches de montagne plongeacutees dans une brume eacutepaisse et hostile la difficulteacute de ces laquo nuits noires agrave en appeler agrave la clarteacute des eacutetoiles raquo Et puis on rit car ils sont des hommes avec leurs petits travers leurs lacirccheteacutes et leurs peurs ces errants agrave la deacuterive qui srsquoeacutegarent avec magnificence et nous ressemblent tant Au-delagrave du texte et de sa beauteacute crsquoest agrave une merveilleuse leccedilon drsquohumaniteacute que nous convie ce spectacle

Bourrasque de Nathalie Beacutecue librement inspireacute de lrsquoOmbre du vent de John Millington Synge (eacuted franccedilaise Actes Sud)

Mise en scegravene Feacutelix Prader

Avec Nathalie Beacutecue Pierre-Alain Chapuis Theacuteo Chedeville Philippe Smith (le poegravete)

Theacuteacirctre de la Tempecircte Cartoucherie de Vincennes Route du Champ de Mars ndash 75012 Paris

Du 16 mars 2018 au 15 avril du mardi au samedi agrave 20h30 le dimanche agrave 17h30

Teacutel 01 43 28 36 36 Site wwwla-tempetefr

Bourrasque au Theacuteacirctre de La Tempecircte

Publieacute par Michel Jakubowicz le 26 mars 2018 Publieacute dans Tendance - Fashion

Theacuteacirctre de la Tempecircte Cartoucherie Rte du Champ-de-Manœuvre 75012 Paris

Repreacutesentations du 16 mars au 15 avril 2018

httpswwwla-tempetefr

BOURRASQUE

Variation sur lrsquoOmbre de la valleacutee de JM Synge

de Nathalie Beacutecue

mise en scegravene Feacutelix Prader

avec

Nathalie Beacutecue (Alice Burke)

Pierre-Alain Chapuis (Daniel Burke)

Theacuteo Chedeville (Michaeumll Dara)

Philippe Smith (John)

Nathalie Beacutecue auteure de Bourrasque avoue srsquoecirctre inspireacutee du poegravete et dramaturge John

Millington Synge Feacutelix Prader agrave partir du texte de Nathalie Beacutecue va srsquoefforcer de recreacuteer

lrsquoambiance eacutetrange chaotique effrayante qui sourd de ce texte Il va en quelque sorte donner

corps agrave une histoire ougrave semble rocircder une ambiance agrave la limite du fantastique et mettre en lumiegravere

les comportements presque forceneacutes brutaux impreacutevisibles des personnages qursquoun hasard

apparemment faceacutetieux (ou malfaisant) a reacuteunis dans une chaumiegravere perdue de la lande irlandaise

battue par la tempecircte Il faut dire que la piegravece se deacuteroule dans un contexte peu banal presque

terrifiant puisqursquoune femme seule soliloque en srsquoadressant agrave un cosmos aveugle et infini bourreacute

de trous noirs insondables et mortels La femme semble prendre agrave teacutemoin un homme immobile

ne bougeant pas drsquoun cil et dont la raideur semble vaguement indiquer qursquoil est peut-ecirctre passeacute

de vie agrave treacutepas ou qursquoil feint deacutelibeacutereacutement lrsquoindiffeacuterence absolue face aux propos tenus par la

femme Les choses pourraient en rester lagrave mais soudainement surgi du cœur de la tempecircte qui se

deacutechaicircne agrave lrsquoexteacuterieur un inconnu reacuteclame avec insistance malgreacute lrsquohostiliteacute de la femme agrave

srsquoabriter dans la chaumiegravere

A partir de lrsquointrusion de cet eacutetranger lrsquoaction va soudainement srsquoacceacuteleacuterer et le reacutecit srsquoorienter

sans deacutelai vers lrsquoabsurde le fantastique lrsquoinattendu Le reacutecit bascule apparemment vers

lrsquoirrationnel mais en terre irlandaise il semble agrave lrsquoeacutevidence que les apparences ne sont pas

forceacutement conformes agrave la reacutealiteacute et la suite du reacutecit de Nathalie Beacutecue srsquoinspirant de John

Millington Synge ne fera que rendre encore plus creacutedible cette impression

La mise en scegravene de Feacutelix Prader reconstitue avec une sorte de preacutecision presque surnaturelle

eacutetonnante cette campagne irlandaise drsquoougrave nrsquoimporte quels fantocircmes peuvent impuneacutement surgir

de la nuit Jusqursquoau bout drsquoune nuit interminable peupleacutee de terreurs sans noms cette assembleacutee

de personnages subira jusqursquoau bout un destin fait drsquoincertitude balanccedilant constamment entre

espoir et deacutesespeacuterance Lrsquointerpreacutetation est remarquable en particulier celle de Nathalie Beacutecue

incarnant avec beaucoup drsquoacircpreteacute de passion le rocircle drsquoAlice Burke Mais les trois autres

protagonistes masculins sont eacutegalement parfaits donnant agrave leurs personnages respectifs toute

lrsquoeacutepaisseur psychologique deacutesireacutee Un spectacle prenant qui reacutevegravele dans toute sa profondeur

lrsquoacircme irlandaise

Michel Jakubowicz

LE BRUITDUOFF TRIBUNE

LES SCENES ACTUELLES SANS TABOU NI TROMPETTES

CRITIQUE laquo Bourrasque raquo variation sur Lrsquoombre de la valleacutee de JM Synge de Nathalie Beacutecue mis en scegravene par Feacutelix Prader avec Nathalie Beacutecue Pierre-Alain Chapuis Theacuteo Chedeville et Philippe Smith Au Theacuteacirctre de la Tempecircte salle Copi jusqursquoau 15 avril du mardi au samedi agrave 20h30 dimanche agrave 16h30

Crsquoest lrsquoun des plus beaux textes de la saison Nathalie Beacutecue a adapteacute les peacutereacutegrinations de Synge avec amour infleacutechissant ses rugositeacutes irlandaises drsquoune ardeur feacutebrile

laquo Bourrasque raquo crsquoest la poeacutesie cosmique descendue sur lrsquoeacutepure drsquoun verbe aussi vieux que les icircles drsquoAran qui lrsquoabritent laquo Bourrasque raquo crsquoest la meacutetaphysique de la bergegravere Srsquoeacutelegraveve une litanie vibrante adresseacutee aux eacutetoiles pour cet laquo ougrave suis-je raquo qui preacutecegravede le laquo qui suis-je raquo pour le trou noir la masse la poussiegravere lrsquoengloutissement la disparition lrsquoinconnu la creacuteation sa densiteacute son absence le trop plein le videhellip Le vertige drsquoAlice Burke un soir de tempecircte est celui drsquoun cœur simple dans le langage du monde Lrsquoespace drsquoun entre-lumiegravere avant lrsquoextinction de la salle Nathalie Beacutecue ample vibrante ancreacutee et tendue vers des ciels invisibles livre une formidable deacutemonstration de sa maicirctrise de lrsquoabandon

Encore aux prises avec ce jaillissement drsquoecirctre brut et pur il nous faut quelques battements de cœur pour lrsquohabituer aux ombres de la scegravene peacuteneacutetrer le deuil terrestre drsquoAlice Burke et investir sa maison de pierre tandis que laquo perdu ailleurs raquo le vent se legraveve Les yeux pleins drsquoorage et la voix blanche elle embarque les acircmes qursquoelle a tendues vers elle laquo Je suis en colegravere tellement je suis triste raquo

Daniel Burke le fermier sans meacutetaphysique le fermier malheureux srsquoest figeacute lagrave dans une mort subite et inviolable et sa veuve saisie de solitude et figeacutee depuis cent ans voit sa laquo vie grise raquo deacutechireacutee par laquo la grande trouille raquo La trouille de quoi Car la mort toute proche incarneacutee dans la deacutepouille de son mari immobile ne lrsquoeffraye pas Crsquoest une femme des montagnes qui croit aux fantocircmes et qui ne les craint pas

Est-ce un fantocircme qui franchit son seuil dans lrsquoorage pour mettre son errance et son immense laquo dehors raquo dans lrsquoespace sans projet ougrave elle vit confineacutee John mucirc par le timbre envoucirctant de Philippe Smith est un porteur drsquohistoires venu reacutecolter quelques miettes au foyer de la derniegravere maison allumeacutee sur les chemins rocheux drsquoAran Quand Alice Burke laisse son hocircte dans cette eacutetrange veilleacutee et que Dan Burke se redresse bien vivant et saoul crsquoest toute une vie de spectateur qui vacille agrave son tour John pourra-t-il refuser drsquoecirctre acteur de cette histoire-lagrave

Pierre-Alain Chapuis est un Dan Burke massif en corps et en ecirctre plein de passeacute de rancœur et de lrsquoeacutepaisse rusticiteacute que les silences ont tanneacutee sur sa peau et sa voix Quatriegraveme entreacutee en scegravene la jeunesse vacillante de Theacuteo Chedeville precircte ses fougues agrave Michaeumll Dara le marin en quecircte de reacuteconciliation avec la terre qui cherche agrave ecirctre au sol et treacutepigne dans la valleacutee encore la tecircte agrave moitieacute immergeacutee des recircves drsquoavant les recircves enterreacutes de large et de houle La paix est-elle plus haut dans la montagne

La mise en scegravene de Feacutelix Prader attentive aux eacuteclats de verbe sublimeacutes par les voix de Beacutecue Chapuis Chedeville et Smith est un effacement une ombre pour que la poeacutesie eacuteclaire Il veut saisir le preacutesent et la preacutesence eacutenorme des protagonistes dans la suspension du temps du theacuteacirctre Sa scegravene se deacutepare du moindre artifice se fait couloir pour lrsquoeacutemotion de cette parole vitale qui balaye le silence effareacute du spectateur srsquooublie dans une pudeur parfaite Jrsquoentends encore la voix pleine et rocailleuse de Beacutecue la Burke souffler la bourrasque laquo Jrsquoai trop la trouille pour pas y aller raquo

Drsquoun eacutelan vital et poeacutetique elle engloutit le motif radical de la mort

Marguerite Dornier

DU 1603 AU 15042018 AU THEacuteAcircTRE DE LA TEMPEcircTE | DUREacuteE 1H40 |

Librement adapteacute de la piegravece en un acte de John M Synge laquo Lrsquoombre dans la Valleacutee raquo Bourrasque fait preuve drsquoune sagaciteacute deacuteroutante dans une ambiance drsquoinsulaires superstitieux Situation macabre regraveglements de comptes conjugaux reacutecits de voyages et art du vagabondagehellip lrsquoIrlande et son hors-champ drsquoimmensiteacute montagneuse et orageuse nous submergent alors que de grandes deacutecisions se prennent dans la petite chaumiegravere drsquoAlice Burke indigneacutee par la mort foudroyante de son mari Dan qursquoelle ne peut toucher sous peine drsquoecirctre maudite

De par la traduction drsquoun gaeacutelique transposeacute dans du franccedilais paysan aux consonances lyriques et lrsquointerpreacutetation de ce tregraves beau et talentueux quatuor de comeacutediens le folklore celte est tout agrave fait plausible voire palpable et propage son caractegravere sacreacute Bourrasque est un deacutelice drsquohumour peut ecirctre un tantinet pessimiste mais surtout pittoresque et poeacutetique

Eloiumlse Dandoy

jeudi 22 mars 2018

Bourrasque de Nathalie Beacutecue

Bourrasque est un de ces spectacles dont on mesure la chance quils existent Parce que Nathalie Beacutecue a fait un travail deacutecriture tregraves reacuteussi librement adapteacute de la piegravece LrsquoOmbre de la valleacutee en reprenant lrsquoargument tout en modifiant les enjeux et la porteacutee Elle place le spectateur au plus pregraves de latmosphegravere poeacutetique qui a impreacutegneacute lIrlande que John Millington Synge (1871-1909) nous a fait deacutecouvrir au XIXdeg siegravecle et qui est encore tregraves vivante gracircce agrave la moderniteacute de la mise en scegravene de Feacutelix Prader La distribution est habile avec Nathalie Beacutecue qui interpregravete Alice Burke et trois autres comeacutediens Pierre-Alain Chapuis (Daniel Burke) Theacuteo Chedeville (Michaeumll Dara) et Philippe Smith (John) tous diffeacuterents qui permettent dapporter des points de vue parfois deacuteroutants maintenant le spectateur quasiment en haleine comme sil eacutetait au coeur dun thriller Le caractegravere primitif de la vie sociale si particuliegravere des icircles drsquoAran en deviendrait presque normal dans un deacutecor rustique simple et familier

Par un soir de violente tempecircte que lon entendra rugir derriegravere la verriegravere Alice Burke veille son mari deacutefunt lrsquoacircpre et ombrageux fermier Dan Burke comme le veut la coutume dans cette contreacutee reculeacutee Silence dans la chaumiegravere isoleacutee quand agrave la porte frappe un inconnu nomade des collines cueilleur drsquohistoires (Synge) qui ravive dans lrsquoacircme dAlice la soif drsquoun ailleurs Un autre homme bouscule les certitudes dAlice Michaeumll Dara le marin devenu berger qui vit agrave quelques lieues et convoite agrave la fois les biens et la femmethinsp Et si soudain srsquoeacuteveillait le deacutefunt chahutant les vivants que ferait Alicethinsp

Le mort est sur scegravene muet cela va sans dire mais bien preacutesent tout de mecircme Sa femme lui rend hommage malgreacute les cahots qui ont chahuteacute sa vie Cest une femme simple qui a les pieds sur terre capable dun brin de fantaisie que lon remarque dans le point de tricot du gilet quelle porte sur une robe bleu marine Sans doute reacutealiseacute avec la laine de ses moutons Les paroles se bousculent au rythme des souvenirs et agrave la mesure des angoisses qui lassaillent comme des ressentiments quelle exprime toute seule La tempecircte qui agite son esprit est semblable agrave celle qui souffle au dehors Elle reconnait quelle ne sait plus ougrave elle en est et sassoit pregraves de celui qui fut son homme Chaque mort serait une eacutetoile qui scintille dans le ciel Au-delagrave de cette jolie image Alice est confronteacutee agrave labsence de deux beaux enfants partis aux Ameacuteriques et aujourdrsquohui un mari qui part et agrave qui elle parle comme sil eacutetait vivant et comme elle ne lui a sans doute jamais parleacute parce que jusque-lagrave elle nosait pas Tout bascule ccedila vrille comment crsquoest possible possible je suis en colegravere

Elle refuse puis accueille la reacutealiteacute et lhomme eacutetranger qui explique sa fonction je cueille des mots Et qui fait davantage en analysant les eacutevegravenements Cest lui qui le premier a un doute Il est mort votre copain On dirait qursquoil fait le mort Si effectivement la mort neacutetait quune ruse pour permettre de deacutebusquer la veacuteriteacute vraie agrave linstar dOrgon cacheacute sous la nappe pour confondre Tartuffe

La langue choisie par Nathalie Beacutecue est preacutecise poeacutetique et feacuteroce Si je deacutesentortille votre charabia Jrsquoai trop la trouille pour pas y aller avant de se deacutecider agrave deacuterouler ses recircves sous ses pas

Faisons-nous aussi le pas pour ne pas louper ce petit bijou qui se joue au theacuteacirctre de la Tempecircte jusquau 15 avril 2018

Bourrasque de Nathalie Beacutecue Mise en scegravene Feacutelix Prader Avec Nathalie Beacutecue (Alice Burke) Pierre-Alain Chapuis (Daniel Burke) Theacuteo Chedeville (Michaeumll Dara) Philippe Smith (John) Sceacutenographie et costumes Ceacutecilia Galli Creacuteation sonore Estelle Lembert Direction des combats Franccedilois Rostain Du 16 mars au 15 avril 2018 Du mardi au samedi 20 h 30 dimanche 16 h 30 Les photos qui ne sont pas logotypeacutees A bride abattue sont de Antonia Bozzi Publieacute par marie-claire agrave 2335 Envoyer par e-mailBlogThisPartager sur TwitterPartager sur FacebookPartager sur Pinterest Libelleacutes coup de coeur spectacle theacuteacirctre

critiquetheatreclaucom

17 Mars 2018

ABOZZI

Bourrasque jusqursquoau 1504 th de La tempecircte

Mouvance de la destineacutee

De Nathalie Beacutecue inspireacute de lrsquoœuvre de John Millington Synge dramaturge irlandais 1871- 1909Mise en scegravene Feacutelix Prader

Au premier instant nous nous sommes happeacutes par un merveilleux poegraveme invoquant le chagrin des ecirctres perdus la solitude la deacutetresse la tristesse les regrets

laquo Pourquoi jrsquoai reccedilu cette vie Au lieu drsquoattraper lrsquoair transparent dans le bleu du cielhelliphellip Rester lagrave agrave attendre la Balayure du soir raquo

Une atmosphegravere de conte de poeacutesie et de mystegravere nous enveloppe

Un jour de grande tempecircte au plus profond de la campagne irlandaise nous peacuteneacutetrons dans une sobre demeure Il va se deacuterouler sous nos yeux pleins drsquoeacutetonnement un conte tragi-comique

Les personnages sont hauts en couleur

Un paysan Daniel Burke rustre et srsquoabreuvant de whisky pour oublier sa peur et la tristesse de la vie simule sa mort pour espionner sa femme

Alice soumise agrave sa condition se questionne sur sa vie passeacutee et agrave venir Tout en veillant son deacutefunt mari

John marcheur solitaire poegravete eacutecrivain et avide de liberteacute eacutecoutant et observant le monde arrive agrave lrsquoimproviste dans cette demeure

Michaeumll ancien marin devenu berger est un eacutetranger dans cette campagne isoleacutee Il va convoiter Alice pour srsquointeacutegrer dans ce monde hostile

Tous ses personnages vont se reacuteveacuteler nous raconter leur histoire parfois tragique parfois cocasse

Que veulent-ils devenir Prendront-ils leur destineacutee en main

Nous deacutecouvrons le sens de la fecircte les rites et coutumes funeacuteraires de la campagne irlandaise Nous ressentons lrsquoisolement de ses contreacutees la vie rude et solitaire de ses habitants ainsi que le climat rigoureux et froid

Crsquoest agrave la fois violent et tendre eacutemouvant et burlesque

Les comeacutediens nous eacutemeuvent et nous transpercent le cœur

Avec Alice Nathalie Beacutecue nous bouleverse

Daniel Pierre-Alain Chapuis bourru et tendre nous attendri

John Philippe Smith eacuteleacutegant et serein nous seacuteduit

Sans oublier Theacuteo Chedeville touchant dans le rocircle du jeune berger Michaeumll

Page 24: BOURRASQUE - Théâtre Montansier · 2018. 5. 7. · composé Bourrasque, que Félix Prader met en scène avec igueu (1). Synge affimait u’au théâtre, « il faut du réel, il

Dans la mise en scegravene de Feacutelix Prader on reste enfermeacute dans la chaumiegravere avec le mort assis ou couvert drsquoun drap et lrsquoexteacuterieur nrsquoapparaicirct qursquoinquieacutetant avec le bruit amplifieacute du vent ou des coups agrave la porte Seuls les hommes qui arrivent apportent lrsquoimage drsquoun ailleurs possible pour cette femme qui srsquoest laisseacutee enfermer dans la solitude au point drsquoecirctre obligeacutee de parler aux arbres

Nathalie Beacutecue en robe paysanne et petit gilet de laine bleue avec de gros bas de laine incarne Alice qui parle de sa vie avec cet eacutepoux taiseux porteacute sur le whisky Elle caresse la couverture de poils de chegravevre tout en parlant Calme elle dit qursquoaucun vivant ne lui a jamais fait peur crsquoest drsquoautre chose qursquoelle a peur puis soudain la colegravere lrsquoemporte quand elle pense agrave lrsquoennui de sa vie laquo fosse agrave chagrin mareacutecage de tristesse raquo et se dit qursquoelle a peut-ecirctre fait le mauvais choix en se condamnant agrave laquo regarder les saisons passer raquo Philippe Smith est John celui qui ramasse les histoires vagabond ceacuteleste qui amuse Alice avec un tour de magie lui donne les nouvelles de la valleacutee et surtout lui parle drsquoun ailleurs Theacuteo Chedeville est Michaeumll Dara le marin devenu berger Pierre-Alain Chapuis est Dan Burke le mort qui survit Il est puissant violent ravageacute par sa colegravere contre tous sa femme son pegravere mais aussi contre lui-mecircme On le sent deacutevoreacute par lrsquoamertume laquo bouffeacute par la tristesse raquo comme le dit Alice mais peut-ecirctre capable de rebondir loin de sa femme

On se laisse emporter par le reacutecit On est dans ces icircles irlandaises battues par le vent et la pluie et on rejoint John quand il dit laquo Apregraves des veilleacutees solitaires je peux dire que les gens drsquoici ne sont pas insignifiants raquo

Micheline Rousselet

Du mardi au samedi agrave 20h30 le dimanche agrave 16h30

Theacuteacirctre de La Tempecircte

Cartoucherie

Route du Champ-de-Manoeuvre 75012 Paris

Reacuteservations (partenariat Reacuteducrsquosnes tarifs reacuteduits aux syndiqueacutes Snes mais sur reacuteservation impeacuterative) 01 43 28 36 36

T H Eacute Acirc T R E

BOURRASQUE UN MAGNIFIQUE OBJET POEacuteTIQUE

ET INSPIREacute DANS LE MONDE AcircPRE ET SANS

CONCESSION DES TERRES DrsquoIRLANDE 19 MARS 2018

Reacutedigeacute par Sarah Franck

laquo Le cœur casseacute ccedila donne la vie grise raquo Quand la brume et le vent soufflent sur un monde sans avenir confit dans lrsquoeacutecoulement uniforme des jours une porte parfois srsquoentrouvre pour que change le cours des choseshellip

Un homme est mort ce soir assis dans son fauteuil Sa femme une femme de rien ou de si peu de chose heacutesite Il lui a interdit de toucher son cadavre et a jeteacute sur elle une maleacutediction au cas ougrave elle enfreindrait lrsquoordre Seule sa sœur aura le droit de le preacuteparer pour son dernier voyage Mais comment faire quand la nuit a pris des couleurs de noir drsquoencre que les nueacutees srsquoamassent que le tonnerre gronde qursquoelle a une tregraves longue route et qursquoelle est seule Il nrsquoest pas bon drsquoabandonner un mort agrave lui-mecircmehellip Dans ce lieu perdu du bout du monde ougrave ne trouvent guegravere agrave subsister que les moutons ougrave lrsquoacircpreteacute de la vie a jeteacute sur les ecirctres son voile de dureteacute ougrave ne semblent possibles que la violence des comportements et lrsquohostiliteacute ougrave lrsquoalcool est la solution ultime quotidienne pour triompher des aleacuteas un groupe heacuteteacuteroclite va peu agrave peu se rassembler

(c) Antonia Bozzi

Une arche de Noeacute de largueacutes du monde

Parmi les personnages perdus dans ce milieu de nulle part arrive drsquoabord un vagabond un cueilleur de mots un raconteur drsquohistoires qui cherche un havre pour la nuit Il voudrait simplement reposer ses pieds fatigueacutes de cheminot avant de reprendre la route Il y a lrsquoancien marin devenu eacuteleveur que la mort du mari arrange car il en guigne les terres pour faire paicirctre ses troupeaux Il y a elle la femme deacutevoueacutee dont on ne sait de quoi est fait son attachement au deacutefunt ndash amour en deacutepit de lrsquoindiffeacuterence qursquoil lui porte ennui drsquoun mariage accepteacute pour la seacutecuriteacute qursquoil donne reacutesignation devant les vexations subies Et puis il y a ce mort qui srsquoavegraverera bien vivant au moment ougrave srsquoopegravere le partage des deacutepouilles et dont lrsquohistoire a la violence et linceste pour cortegravegehellip

Ce sont lagrave des perdus eacutegareacutes sans lrsquoavoir choisi prenant racine lagrave ougrave on les a planteacutes Massifs taiseux Vivent-ils Peut-ecirctre le cheminot qui erre agrave lrsquoaventure est-il le seul agrave savoir ougrave il va ce saltimbanque ce poegravete qui donne agrave voir un ailleurs agrave respirer lrsquoodeur du vent et les senteurs venues de contreacutees lointaines Peut-ecirctre ne sont-ils pas agrave leur place mais ont-ils une place Le preacutesent est leur futur leur avenir leur eacuteterniteacute Ils portent leur brume en eux cette compagne des sortilegraveges et des superstitions qui leur colle agrave la peau Ils ont cette eacutepaisseur de la matiegravere brute cette preacutesence obstineacutee de ceux qui ne savent qursquoecirctre

(c) Antonia Bozzi

Lrsquoespace de la parole

Dans ce huis clos deacutelimiteacute par une table dans un coin une banquette sur laquelle est assis immobile le mari et une commode il nrsquoy a pas drsquoeacutechappatoire Le lieu est agrave lrsquoimage de leur existence refermeacute sur lui-mecircme Alors il ne leur reste que la parole pour briser lrsquoenfermement Une parole difficile Les mots buttent dans leur gorge ils sortent contraints rentreacutes et de trop de retenue se heurtent et srsquoentrechoquent avec de brusques flambeacutees de violence se deacuteversent tels des crachats agrave la figure de lrsquoautre Crsquoest un trop-plein qui deacuteferle pour trouver le chemin de la conscience et qui les met en face drsquoeux-mecircmes et de leur reacutealiteacute Apregraves il nrsquoy aura plus de retour en arriegravere possible et chacun devra trouver lrsquoissue qui lui convient

Ils ont ce parler fruste mais imageacute des paysans laquo ccedila crsquoest sucircr raquo qui offre une transposition bretonne agrave lrsquoanglo-irlandais du texte original Un mecircme fondement celtique court dans ces deux reacutegions que rassemblent la culture et les paysages et ougrave souffle un vent laquo agrave reacuteveiller les disparus les esprits malins ou les feacutees tordues raquo Les noms de lieux aux consonances eacutetranges chantent une poeacutesie de lrsquoailleurs qursquoaccompagne celle du deacutesespoir de ces eacutecorcheacutes de la vie laquo Crsquoest comme ccedila le bout du chemin de ceux de sa sorte Les deacutevoreacutes drsquoangoisse les rongeacutes de tristesse raquo Les mots disent leur deacutetresse Leur barbe laquo on dirait deacutejagrave du poil de moisissure raquo Lrsquounivers laquo des milliards de milliards de masses solaires qui tournoient en spirale jusqursquoagrave ecirctre happeacutees aspireacutees au centre de lrsquoinconnu du trou noir [hellip] une eacutenorme densiteacute de creacuteation ou une absence de creacuteation Du trop-plein au vide raquo agrave lrsquoimage de leur vie qui laquo se deacuteficelle raquo se deacutecompose se deacutesintegravegrehellip

Entre Synge et Nathalie Beacutecue

De lrsquoOmbre de la valleacutee de John Millington Synge ndash compatriote de Joyce Yeats et Beckett et fervent deacutefenseur du renouveau de la culture irlandaise ndash Nathalie Beacutecue reprend la situation de ce mort laquo ressusciteacute raquo tout en modifiant les enjeux et la porteacutee de lrsquohistoire Elle fait du chemineau une incarnation du poegravete Elle reprend dans lrsquoesprit ce parler si particulier qui inverse lrsquoordre des mots pour placer dans une phrase lrsquoimportant devant On y retrouve le mecircme souci de rendre leurs lettres de noblesse agrave ceux qui sont sans-grade placeacutes agrave lrsquoeacutecart en marge mais portent en eux une veacuteriteacute immeacutemoriale qui les deacutepasse Ces hommes et ces femmes qui ne savent pas parler une laquo belle raquo langue au sens classique sont pleins habiteacutes possesseurs drsquoun treacutesor qursquoil nous est donneacute de reconnaicirctre Dans sa laquo variation raquo Nathalie

Beacutecue insuffle sa propre vision de cette laquo veacuteriteacute raquo populaire peupleacutee de croyances et de leacutegendes et met ses personnages en face de choix qui les font progresser et grandir

(c) Antonia Bozzi

Un magnifique travail drsquoacteur

Ce qui frappe enfin crsquoest lrsquointerpreacutetation laquo millimeacutetreacutee raquo des comeacutediens Car enfin crsquoest sur eux que repose ce spectacle ougrave il ne se passe rien ou presque durant deux heures Pas de quiproquo ni de comique de situation Pas de trageacutedie au-delagrave de lrsquoagressiviteacute et des altercations Ni trop ni trop peu mecircme si lrsquoon alterne chuchotements et cris Ils sont tout en retenues briseacutees quand les digues lacircchent en heacutesitations en mots esquisseacutes en gestes inaboutis ou semi-dissimuleacutes en mimiques fugaces Ils disent comme en srsquoexcusant heacutesitent agrave srsquoimposer reacutevegravelent les failles avec beaucoup de finesse La minutie avec laquelle la gestuelle campe les personnages donne au spectacle une justesse qursquoon voit rarement au theacuteacirctre

On srsquoeacutemeut drsquoentendre eacutevoquer les myriades drsquoeacutetoiles comme autant drsquoesprits des morts flottant autour de nous on partage la fatigue des marches de montagne plongeacutees dans une brume eacutepaisse et hostile la difficulteacute de ces laquo nuits noires agrave en appeler agrave la clarteacute des eacutetoiles raquo Et puis on rit car ils sont des hommes avec leurs petits travers leurs lacirccheteacutes et leurs peurs ces errants agrave la deacuterive qui srsquoeacutegarent avec magnificence et nous ressemblent tant Au-delagrave du texte et de sa beauteacute crsquoest agrave une merveilleuse leccedilon drsquohumaniteacute que nous convie ce spectacle

Bourrasque de Nathalie Beacutecue librement inspireacute de lrsquoOmbre du vent de John Millington Synge (eacuted franccedilaise Actes Sud)

Mise en scegravene Feacutelix Prader

Avec Nathalie Beacutecue Pierre-Alain Chapuis Theacuteo Chedeville Philippe Smith (le poegravete)

Theacuteacirctre de la Tempecircte Cartoucherie de Vincennes Route du Champ de Mars ndash 75012 Paris

Du 16 mars 2018 au 15 avril du mardi au samedi agrave 20h30 le dimanche agrave 17h30

Teacutel 01 43 28 36 36 Site wwwla-tempetefr

Bourrasque au Theacuteacirctre de La Tempecircte

Publieacute par Michel Jakubowicz le 26 mars 2018 Publieacute dans Tendance - Fashion

Theacuteacirctre de la Tempecircte Cartoucherie Rte du Champ-de-Manœuvre 75012 Paris

Repreacutesentations du 16 mars au 15 avril 2018

httpswwwla-tempetefr

BOURRASQUE

Variation sur lrsquoOmbre de la valleacutee de JM Synge

de Nathalie Beacutecue

mise en scegravene Feacutelix Prader

avec

Nathalie Beacutecue (Alice Burke)

Pierre-Alain Chapuis (Daniel Burke)

Theacuteo Chedeville (Michaeumll Dara)

Philippe Smith (John)

Nathalie Beacutecue auteure de Bourrasque avoue srsquoecirctre inspireacutee du poegravete et dramaturge John

Millington Synge Feacutelix Prader agrave partir du texte de Nathalie Beacutecue va srsquoefforcer de recreacuteer

lrsquoambiance eacutetrange chaotique effrayante qui sourd de ce texte Il va en quelque sorte donner

corps agrave une histoire ougrave semble rocircder une ambiance agrave la limite du fantastique et mettre en lumiegravere

les comportements presque forceneacutes brutaux impreacutevisibles des personnages qursquoun hasard

apparemment faceacutetieux (ou malfaisant) a reacuteunis dans une chaumiegravere perdue de la lande irlandaise

battue par la tempecircte Il faut dire que la piegravece se deacuteroule dans un contexte peu banal presque

terrifiant puisqursquoune femme seule soliloque en srsquoadressant agrave un cosmos aveugle et infini bourreacute

de trous noirs insondables et mortels La femme semble prendre agrave teacutemoin un homme immobile

ne bougeant pas drsquoun cil et dont la raideur semble vaguement indiquer qursquoil est peut-ecirctre passeacute

de vie agrave treacutepas ou qursquoil feint deacutelibeacutereacutement lrsquoindiffeacuterence absolue face aux propos tenus par la

femme Les choses pourraient en rester lagrave mais soudainement surgi du cœur de la tempecircte qui se

deacutechaicircne agrave lrsquoexteacuterieur un inconnu reacuteclame avec insistance malgreacute lrsquohostiliteacute de la femme agrave

srsquoabriter dans la chaumiegravere

A partir de lrsquointrusion de cet eacutetranger lrsquoaction va soudainement srsquoacceacuteleacuterer et le reacutecit srsquoorienter

sans deacutelai vers lrsquoabsurde le fantastique lrsquoinattendu Le reacutecit bascule apparemment vers

lrsquoirrationnel mais en terre irlandaise il semble agrave lrsquoeacutevidence que les apparences ne sont pas

forceacutement conformes agrave la reacutealiteacute et la suite du reacutecit de Nathalie Beacutecue srsquoinspirant de John

Millington Synge ne fera que rendre encore plus creacutedible cette impression

La mise en scegravene de Feacutelix Prader reconstitue avec une sorte de preacutecision presque surnaturelle

eacutetonnante cette campagne irlandaise drsquoougrave nrsquoimporte quels fantocircmes peuvent impuneacutement surgir

de la nuit Jusqursquoau bout drsquoune nuit interminable peupleacutee de terreurs sans noms cette assembleacutee

de personnages subira jusqursquoau bout un destin fait drsquoincertitude balanccedilant constamment entre

espoir et deacutesespeacuterance Lrsquointerpreacutetation est remarquable en particulier celle de Nathalie Beacutecue

incarnant avec beaucoup drsquoacircpreteacute de passion le rocircle drsquoAlice Burke Mais les trois autres

protagonistes masculins sont eacutegalement parfaits donnant agrave leurs personnages respectifs toute

lrsquoeacutepaisseur psychologique deacutesireacutee Un spectacle prenant qui reacutevegravele dans toute sa profondeur

lrsquoacircme irlandaise

Michel Jakubowicz

LE BRUITDUOFF TRIBUNE

LES SCENES ACTUELLES SANS TABOU NI TROMPETTES

CRITIQUE laquo Bourrasque raquo variation sur Lrsquoombre de la valleacutee de JM Synge de Nathalie Beacutecue mis en scegravene par Feacutelix Prader avec Nathalie Beacutecue Pierre-Alain Chapuis Theacuteo Chedeville et Philippe Smith Au Theacuteacirctre de la Tempecircte salle Copi jusqursquoau 15 avril du mardi au samedi agrave 20h30 dimanche agrave 16h30

Crsquoest lrsquoun des plus beaux textes de la saison Nathalie Beacutecue a adapteacute les peacutereacutegrinations de Synge avec amour infleacutechissant ses rugositeacutes irlandaises drsquoune ardeur feacutebrile

laquo Bourrasque raquo crsquoest la poeacutesie cosmique descendue sur lrsquoeacutepure drsquoun verbe aussi vieux que les icircles drsquoAran qui lrsquoabritent laquo Bourrasque raquo crsquoest la meacutetaphysique de la bergegravere Srsquoeacutelegraveve une litanie vibrante adresseacutee aux eacutetoiles pour cet laquo ougrave suis-je raquo qui preacutecegravede le laquo qui suis-je raquo pour le trou noir la masse la poussiegravere lrsquoengloutissement la disparition lrsquoinconnu la creacuteation sa densiteacute son absence le trop plein le videhellip Le vertige drsquoAlice Burke un soir de tempecircte est celui drsquoun cœur simple dans le langage du monde Lrsquoespace drsquoun entre-lumiegravere avant lrsquoextinction de la salle Nathalie Beacutecue ample vibrante ancreacutee et tendue vers des ciels invisibles livre une formidable deacutemonstration de sa maicirctrise de lrsquoabandon

Encore aux prises avec ce jaillissement drsquoecirctre brut et pur il nous faut quelques battements de cœur pour lrsquohabituer aux ombres de la scegravene peacuteneacutetrer le deuil terrestre drsquoAlice Burke et investir sa maison de pierre tandis que laquo perdu ailleurs raquo le vent se legraveve Les yeux pleins drsquoorage et la voix blanche elle embarque les acircmes qursquoelle a tendues vers elle laquo Je suis en colegravere tellement je suis triste raquo

Daniel Burke le fermier sans meacutetaphysique le fermier malheureux srsquoest figeacute lagrave dans une mort subite et inviolable et sa veuve saisie de solitude et figeacutee depuis cent ans voit sa laquo vie grise raquo deacutechireacutee par laquo la grande trouille raquo La trouille de quoi Car la mort toute proche incarneacutee dans la deacutepouille de son mari immobile ne lrsquoeffraye pas Crsquoest une femme des montagnes qui croit aux fantocircmes et qui ne les craint pas

Est-ce un fantocircme qui franchit son seuil dans lrsquoorage pour mettre son errance et son immense laquo dehors raquo dans lrsquoespace sans projet ougrave elle vit confineacutee John mucirc par le timbre envoucirctant de Philippe Smith est un porteur drsquohistoires venu reacutecolter quelques miettes au foyer de la derniegravere maison allumeacutee sur les chemins rocheux drsquoAran Quand Alice Burke laisse son hocircte dans cette eacutetrange veilleacutee et que Dan Burke se redresse bien vivant et saoul crsquoest toute une vie de spectateur qui vacille agrave son tour John pourra-t-il refuser drsquoecirctre acteur de cette histoire-lagrave

Pierre-Alain Chapuis est un Dan Burke massif en corps et en ecirctre plein de passeacute de rancœur et de lrsquoeacutepaisse rusticiteacute que les silences ont tanneacutee sur sa peau et sa voix Quatriegraveme entreacutee en scegravene la jeunesse vacillante de Theacuteo Chedeville precircte ses fougues agrave Michaeumll Dara le marin en quecircte de reacuteconciliation avec la terre qui cherche agrave ecirctre au sol et treacutepigne dans la valleacutee encore la tecircte agrave moitieacute immergeacutee des recircves drsquoavant les recircves enterreacutes de large et de houle La paix est-elle plus haut dans la montagne

La mise en scegravene de Feacutelix Prader attentive aux eacuteclats de verbe sublimeacutes par les voix de Beacutecue Chapuis Chedeville et Smith est un effacement une ombre pour que la poeacutesie eacuteclaire Il veut saisir le preacutesent et la preacutesence eacutenorme des protagonistes dans la suspension du temps du theacuteacirctre Sa scegravene se deacutepare du moindre artifice se fait couloir pour lrsquoeacutemotion de cette parole vitale qui balaye le silence effareacute du spectateur srsquooublie dans une pudeur parfaite Jrsquoentends encore la voix pleine et rocailleuse de Beacutecue la Burke souffler la bourrasque laquo Jrsquoai trop la trouille pour pas y aller raquo

Drsquoun eacutelan vital et poeacutetique elle engloutit le motif radical de la mort

Marguerite Dornier

DU 1603 AU 15042018 AU THEacuteAcircTRE DE LA TEMPEcircTE | DUREacuteE 1H40 |

Librement adapteacute de la piegravece en un acte de John M Synge laquo Lrsquoombre dans la Valleacutee raquo Bourrasque fait preuve drsquoune sagaciteacute deacuteroutante dans une ambiance drsquoinsulaires superstitieux Situation macabre regraveglements de comptes conjugaux reacutecits de voyages et art du vagabondagehellip lrsquoIrlande et son hors-champ drsquoimmensiteacute montagneuse et orageuse nous submergent alors que de grandes deacutecisions se prennent dans la petite chaumiegravere drsquoAlice Burke indigneacutee par la mort foudroyante de son mari Dan qursquoelle ne peut toucher sous peine drsquoecirctre maudite

De par la traduction drsquoun gaeacutelique transposeacute dans du franccedilais paysan aux consonances lyriques et lrsquointerpreacutetation de ce tregraves beau et talentueux quatuor de comeacutediens le folklore celte est tout agrave fait plausible voire palpable et propage son caractegravere sacreacute Bourrasque est un deacutelice drsquohumour peut ecirctre un tantinet pessimiste mais surtout pittoresque et poeacutetique

Eloiumlse Dandoy

jeudi 22 mars 2018

Bourrasque de Nathalie Beacutecue

Bourrasque est un de ces spectacles dont on mesure la chance quils existent Parce que Nathalie Beacutecue a fait un travail deacutecriture tregraves reacuteussi librement adapteacute de la piegravece LrsquoOmbre de la valleacutee en reprenant lrsquoargument tout en modifiant les enjeux et la porteacutee Elle place le spectateur au plus pregraves de latmosphegravere poeacutetique qui a impreacutegneacute lIrlande que John Millington Synge (1871-1909) nous a fait deacutecouvrir au XIXdeg siegravecle et qui est encore tregraves vivante gracircce agrave la moderniteacute de la mise en scegravene de Feacutelix Prader La distribution est habile avec Nathalie Beacutecue qui interpregravete Alice Burke et trois autres comeacutediens Pierre-Alain Chapuis (Daniel Burke) Theacuteo Chedeville (Michaeumll Dara) et Philippe Smith (John) tous diffeacuterents qui permettent dapporter des points de vue parfois deacuteroutants maintenant le spectateur quasiment en haleine comme sil eacutetait au coeur dun thriller Le caractegravere primitif de la vie sociale si particuliegravere des icircles drsquoAran en deviendrait presque normal dans un deacutecor rustique simple et familier

Par un soir de violente tempecircte que lon entendra rugir derriegravere la verriegravere Alice Burke veille son mari deacutefunt lrsquoacircpre et ombrageux fermier Dan Burke comme le veut la coutume dans cette contreacutee reculeacutee Silence dans la chaumiegravere isoleacutee quand agrave la porte frappe un inconnu nomade des collines cueilleur drsquohistoires (Synge) qui ravive dans lrsquoacircme dAlice la soif drsquoun ailleurs Un autre homme bouscule les certitudes dAlice Michaeumll Dara le marin devenu berger qui vit agrave quelques lieues et convoite agrave la fois les biens et la femmethinsp Et si soudain srsquoeacuteveillait le deacutefunt chahutant les vivants que ferait Alicethinsp

Le mort est sur scegravene muet cela va sans dire mais bien preacutesent tout de mecircme Sa femme lui rend hommage malgreacute les cahots qui ont chahuteacute sa vie Cest une femme simple qui a les pieds sur terre capable dun brin de fantaisie que lon remarque dans le point de tricot du gilet quelle porte sur une robe bleu marine Sans doute reacutealiseacute avec la laine de ses moutons Les paroles se bousculent au rythme des souvenirs et agrave la mesure des angoisses qui lassaillent comme des ressentiments quelle exprime toute seule La tempecircte qui agite son esprit est semblable agrave celle qui souffle au dehors Elle reconnait quelle ne sait plus ougrave elle en est et sassoit pregraves de celui qui fut son homme Chaque mort serait une eacutetoile qui scintille dans le ciel Au-delagrave de cette jolie image Alice est confronteacutee agrave labsence de deux beaux enfants partis aux Ameacuteriques et aujourdrsquohui un mari qui part et agrave qui elle parle comme sil eacutetait vivant et comme elle ne lui a sans doute jamais parleacute parce que jusque-lagrave elle nosait pas Tout bascule ccedila vrille comment crsquoest possible possible je suis en colegravere

Elle refuse puis accueille la reacutealiteacute et lhomme eacutetranger qui explique sa fonction je cueille des mots Et qui fait davantage en analysant les eacutevegravenements Cest lui qui le premier a un doute Il est mort votre copain On dirait qursquoil fait le mort Si effectivement la mort neacutetait quune ruse pour permettre de deacutebusquer la veacuteriteacute vraie agrave linstar dOrgon cacheacute sous la nappe pour confondre Tartuffe

La langue choisie par Nathalie Beacutecue est preacutecise poeacutetique et feacuteroce Si je deacutesentortille votre charabia Jrsquoai trop la trouille pour pas y aller avant de se deacutecider agrave deacuterouler ses recircves sous ses pas

Faisons-nous aussi le pas pour ne pas louper ce petit bijou qui se joue au theacuteacirctre de la Tempecircte jusquau 15 avril 2018

Bourrasque de Nathalie Beacutecue Mise en scegravene Feacutelix Prader Avec Nathalie Beacutecue (Alice Burke) Pierre-Alain Chapuis (Daniel Burke) Theacuteo Chedeville (Michaeumll Dara) Philippe Smith (John) Sceacutenographie et costumes Ceacutecilia Galli Creacuteation sonore Estelle Lembert Direction des combats Franccedilois Rostain Du 16 mars au 15 avril 2018 Du mardi au samedi 20 h 30 dimanche 16 h 30 Les photos qui ne sont pas logotypeacutees A bride abattue sont de Antonia Bozzi Publieacute par marie-claire agrave 2335 Envoyer par e-mailBlogThisPartager sur TwitterPartager sur FacebookPartager sur Pinterest Libelleacutes coup de coeur spectacle theacuteacirctre

critiquetheatreclaucom

17 Mars 2018

ABOZZI

Bourrasque jusqursquoau 1504 th de La tempecircte

Mouvance de la destineacutee

De Nathalie Beacutecue inspireacute de lrsquoœuvre de John Millington Synge dramaturge irlandais 1871- 1909Mise en scegravene Feacutelix Prader

Au premier instant nous nous sommes happeacutes par un merveilleux poegraveme invoquant le chagrin des ecirctres perdus la solitude la deacutetresse la tristesse les regrets

laquo Pourquoi jrsquoai reccedilu cette vie Au lieu drsquoattraper lrsquoair transparent dans le bleu du cielhelliphellip Rester lagrave agrave attendre la Balayure du soir raquo

Une atmosphegravere de conte de poeacutesie et de mystegravere nous enveloppe

Un jour de grande tempecircte au plus profond de la campagne irlandaise nous peacuteneacutetrons dans une sobre demeure Il va se deacuterouler sous nos yeux pleins drsquoeacutetonnement un conte tragi-comique

Les personnages sont hauts en couleur

Un paysan Daniel Burke rustre et srsquoabreuvant de whisky pour oublier sa peur et la tristesse de la vie simule sa mort pour espionner sa femme

Alice soumise agrave sa condition se questionne sur sa vie passeacutee et agrave venir Tout en veillant son deacutefunt mari

John marcheur solitaire poegravete eacutecrivain et avide de liberteacute eacutecoutant et observant le monde arrive agrave lrsquoimproviste dans cette demeure

Michaeumll ancien marin devenu berger est un eacutetranger dans cette campagne isoleacutee Il va convoiter Alice pour srsquointeacutegrer dans ce monde hostile

Tous ses personnages vont se reacuteveacuteler nous raconter leur histoire parfois tragique parfois cocasse

Que veulent-ils devenir Prendront-ils leur destineacutee en main

Nous deacutecouvrons le sens de la fecircte les rites et coutumes funeacuteraires de la campagne irlandaise Nous ressentons lrsquoisolement de ses contreacutees la vie rude et solitaire de ses habitants ainsi que le climat rigoureux et froid

Crsquoest agrave la fois violent et tendre eacutemouvant et burlesque

Les comeacutediens nous eacutemeuvent et nous transpercent le cœur

Avec Alice Nathalie Beacutecue nous bouleverse

Daniel Pierre-Alain Chapuis bourru et tendre nous attendri

John Philippe Smith eacuteleacutegant et serein nous seacuteduit

Sans oublier Theacuteo Chedeville touchant dans le rocircle du jeune berger Michaeumll

Page 25: BOURRASQUE - Théâtre Montansier · 2018. 5. 7. · composé Bourrasque, que Félix Prader met en scène avec igueu (1). Synge affimait u’au théâtre, « il faut du réel, il

T H Eacute Acirc T R E

BOURRASQUE UN MAGNIFIQUE OBJET POEacuteTIQUE

ET INSPIREacute DANS LE MONDE AcircPRE ET SANS

CONCESSION DES TERRES DrsquoIRLANDE 19 MARS 2018

Reacutedigeacute par Sarah Franck

laquo Le cœur casseacute ccedila donne la vie grise raquo Quand la brume et le vent soufflent sur un monde sans avenir confit dans lrsquoeacutecoulement uniforme des jours une porte parfois srsquoentrouvre pour que change le cours des choseshellip

Un homme est mort ce soir assis dans son fauteuil Sa femme une femme de rien ou de si peu de chose heacutesite Il lui a interdit de toucher son cadavre et a jeteacute sur elle une maleacutediction au cas ougrave elle enfreindrait lrsquoordre Seule sa sœur aura le droit de le preacuteparer pour son dernier voyage Mais comment faire quand la nuit a pris des couleurs de noir drsquoencre que les nueacutees srsquoamassent que le tonnerre gronde qursquoelle a une tregraves longue route et qursquoelle est seule Il nrsquoest pas bon drsquoabandonner un mort agrave lui-mecircmehellip Dans ce lieu perdu du bout du monde ougrave ne trouvent guegravere agrave subsister que les moutons ougrave lrsquoacircpreteacute de la vie a jeteacute sur les ecirctres son voile de dureteacute ougrave ne semblent possibles que la violence des comportements et lrsquohostiliteacute ougrave lrsquoalcool est la solution ultime quotidienne pour triompher des aleacuteas un groupe heacuteteacuteroclite va peu agrave peu se rassembler

(c) Antonia Bozzi

Une arche de Noeacute de largueacutes du monde

Parmi les personnages perdus dans ce milieu de nulle part arrive drsquoabord un vagabond un cueilleur de mots un raconteur drsquohistoires qui cherche un havre pour la nuit Il voudrait simplement reposer ses pieds fatigueacutes de cheminot avant de reprendre la route Il y a lrsquoancien marin devenu eacuteleveur que la mort du mari arrange car il en guigne les terres pour faire paicirctre ses troupeaux Il y a elle la femme deacutevoueacutee dont on ne sait de quoi est fait son attachement au deacutefunt ndash amour en deacutepit de lrsquoindiffeacuterence qursquoil lui porte ennui drsquoun mariage accepteacute pour la seacutecuriteacute qursquoil donne reacutesignation devant les vexations subies Et puis il y a ce mort qui srsquoavegraverera bien vivant au moment ougrave srsquoopegravere le partage des deacutepouilles et dont lrsquohistoire a la violence et linceste pour cortegravegehellip

Ce sont lagrave des perdus eacutegareacutes sans lrsquoavoir choisi prenant racine lagrave ougrave on les a planteacutes Massifs taiseux Vivent-ils Peut-ecirctre le cheminot qui erre agrave lrsquoaventure est-il le seul agrave savoir ougrave il va ce saltimbanque ce poegravete qui donne agrave voir un ailleurs agrave respirer lrsquoodeur du vent et les senteurs venues de contreacutees lointaines Peut-ecirctre ne sont-ils pas agrave leur place mais ont-ils une place Le preacutesent est leur futur leur avenir leur eacuteterniteacute Ils portent leur brume en eux cette compagne des sortilegraveges et des superstitions qui leur colle agrave la peau Ils ont cette eacutepaisseur de la matiegravere brute cette preacutesence obstineacutee de ceux qui ne savent qursquoecirctre

(c) Antonia Bozzi

Lrsquoespace de la parole

Dans ce huis clos deacutelimiteacute par une table dans un coin une banquette sur laquelle est assis immobile le mari et une commode il nrsquoy a pas drsquoeacutechappatoire Le lieu est agrave lrsquoimage de leur existence refermeacute sur lui-mecircme Alors il ne leur reste que la parole pour briser lrsquoenfermement Une parole difficile Les mots buttent dans leur gorge ils sortent contraints rentreacutes et de trop de retenue se heurtent et srsquoentrechoquent avec de brusques flambeacutees de violence se deacuteversent tels des crachats agrave la figure de lrsquoautre Crsquoest un trop-plein qui deacuteferle pour trouver le chemin de la conscience et qui les met en face drsquoeux-mecircmes et de leur reacutealiteacute Apregraves il nrsquoy aura plus de retour en arriegravere possible et chacun devra trouver lrsquoissue qui lui convient

Ils ont ce parler fruste mais imageacute des paysans laquo ccedila crsquoest sucircr raquo qui offre une transposition bretonne agrave lrsquoanglo-irlandais du texte original Un mecircme fondement celtique court dans ces deux reacutegions que rassemblent la culture et les paysages et ougrave souffle un vent laquo agrave reacuteveiller les disparus les esprits malins ou les feacutees tordues raquo Les noms de lieux aux consonances eacutetranges chantent une poeacutesie de lrsquoailleurs qursquoaccompagne celle du deacutesespoir de ces eacutecorcheacutes de la vie laquo Crsquoest comme ccedila le bout du chemin de ceux de sa sorte Les deacutevoreacutes drsquoangoisse les rongeacutes de tristesse raquo Les mots disent leur deacutetresse Leur barbe laquo on dirait deacutejagrave du poil de moisissure raquo Lrsquounivers laquo des milliards de milliards de masses solaires qui tournoient en spirale jusqursquoagrave ecirctre happeacutees aspireacutees au centre de lrsquoinconnu du trou noir [hellip] une eacutenorme densiteacute de creacuteation ou une absence de creacuteation Du trop-plein au vide raquo agrave lrsquoimage de leur vie qui laquo se deacuteficelle raquo se deacutecompose se deacutesintegravegrehellip

Entre Synge et Nathalie Beacutecue

De lrsquoOmbre de la valleacutee de John Millington Synge ndash compatriote de Joyce Yeats et Beckett et fervent deacutefenseur du renouveau de la culture irlandaise ndash Nathalie Beacutecue reprend la situation de ce mort laquo ressusciteacute raquo tout en modifiant les enjeux et la porteacutee de lrsquohistoire Elle fait du chemineau une incarnation du poegravete Elle reprend dans lrsquoesprit ce parler si particulier qui inverse lrsquoordre des mots pour placer dans une phrase lrsquoimportant devant On y retrouve le mecircme souci de rendre leurs lettres de noblesse agrave ceux qui sont sans-grade placeacutes agrave lrsquoeacutecart en marge mais portent en eux une veacuteriteacute immeacutemoriale qui les deacutepasse Ces hommes et ces femmes qui ne savent pas parler une laquo belle raquo langue au sens classique sont pleins habiteacutes possesseurs drsquoun treacutesor qursquoil nous est donneacute de reconnaicirctre Dans sa laquo variation raquo Nathalie

Beacutecue insuffle sa propre vision de cette laquo veacuteriteacute raquo populaire peupleacutee de croyances et de leacutegendes et met ses personnages en face de choix qui les font progresser et grandir

(c) Antonia Bozzi

Un magnifique travail drsquoacteur

Ce qui frappe enfin crsquoest lrsquointerpreacutetation laquo millimeacutetreacutee raquo des comeacutediens Car enfin crsquoest sur eux que repose ce spectacle ougrave il ne se passe rien ou presque durant deux heures Pas de quiproquo ni de comique de situation Pas de trageacutedie au-delagrave de lrsquoagressiviteacute et des altercations Ni trop ni trop peu mecircme si lrsquoon alterne chuchotements et cris Ils sont tout en retenues briseacutees quand les digues lacircchent en heacutesitations en mots esquisseacutes en gestes inaboutis ou semi-dissimuleacutes en mimiques fugaces Ils disent comme en srsquoexcusant heacutesitent agrave srsquoimposer reacutevegravelent les failles avec beaucoup de finesse La minutie avec laquelle la gestuelle campe les personnages donne au spectacle une justesse qursquoon voit rarement au theacuteacirctre

On srsquoeacutemeut drsquoentendre eacutevoquer les myriades drsquoeacutetoiles comme autant drsquoesprits des morts flottant autour de nous on partage la fatigue des marches de montagne plongeacutees dans une brume eacutepaisse et hostile la difficulteacute de ces laquo nuits noires agrave en appeler agrave la clarteacute des eacutetoiles raquo Et puis on rit car ils sont des hommes avec leurs petits travers leurs lacirccheteacutes et leurs peurs ces errants agrave la deacuterive qui srsquoeacutegarent avec magnificence et nous ressemblent tant Au-delagrave du texte et de sa beauteacute crsquoest agrave une merveilleuse leccedilon drsquohumaniteacute que nous convie ce spectacle

Bourrasque de Nathalie Beacutecue librement inspireacute de lrsquoOmbre du vent de John Millington Synge (eacuted franccedilaise Actes Sud)

Mise en scegravene Feacutelix Prader

Avec Nathalie Beacutecue Pierre-Alain Chapuis Theacuteo Chedeville Philippe Smith (le poegravete)

Theacuteacirctre de la Tempecircte Cartoucherie de Vincennes Route du Champ de Mars ndash 75012 Paris

Du 16 mars 2018 au 15 avril du mardi au samedi agrave 20h30 le dimanche agrave 17h30

Teacutel 01 43 28 36 36 Site wwwla-tempetefr

Bourrasque au Theacuteacirctre de La Tempecircte

Publieacute par Michel Jakubowicz le 26 mars 2018 Publieacute dans Tendance - Fashion

Theacuteacirctre de la Tempecircte Cartoucherie Rte du Champ-de-Manœuvre 75012 Paris

Repreacutesentations du 16 mars au 15 avril 2018

httpswwwla-tempetefr

BOURRASQUE

Variation sur lrsquoOmbre de la valleacutee de JM Synge

de Nathalie Beacutecue

mise en scegravene Feacutelix Prader

avec

Nathalie Beacutecue (Alice Burke)

Pierre-Alain Chapuis (Daniel Burke)

Theacuteo Chedeville (Michaeumll Dara)

Philippe Smith (John)

Nathalie Beacutecue auteure de Bourrasque avoue srsquoecirctre inspireacutee du poegravete et dramaturge John

Millington Synge Feacutelix Prader agrave partir du texte de Nathalie Beacutecue va srsquoefforcer de recreacuteer

lrsquoambiance eacutetrange chaotique effrayante qui sourd de ce texte Il va en quelque sorte donner

corps agrave une histoire ougrave semble rocircder une ambiance agrave la limite du fantastique et mettre en lumiegravere

les comportements presque forceneacutes brutaux impreacutevisibles des personnages qursquoun hasard

apparemment faceacutetieux (ou malfaisant) a reacuteunis dans une chaumiegravere perdue de la lande irlandaise

battue par la tempecircte Il faut dire que la piegravece se deacuteroule dans un contexte peu banal presque

terrifiant puisqursquoune femme seule soliloque en srsquoadressant agrave un cosmos aveugle et infini bourreacute

de trous noirs insondables et mortels La femme semble prendre agrave teacutemoin un homme immobile

ne bougeant pas drsquoun cil et dont la raideur semble vaguement indiquer qursquoil est peut-ecirctre passeacute

de vie agrave treacutepas ou qursquoil feint deacutelibeacutereacutement lrsquoindiffeacuterence absolue face aux propos tenus par la

femme Les choses pourraient en rester lagrave mais soudainement surgi du cœur de la tempecircte qui se

deacutechaicircne agrave lrsquoexteacuterieur un inconnu reacuteclame avec insistance malgreacute lrsquohostiliteacute de la femme agrave

srsquoabriter dans la chaumiegravere

A partir de lrsquointrusion de cet eacutetranger lrsquoaction va soudainement srsquoacceacuteleacuterer et le reacutecit srsquoorienter

sans deacutelai vers lrsquoabsurde le fantastique lrsquoinattendu Le reacutecit bascule apparemment vers

lrsquoirrationnel mais en terre irlandaise il semble agrave lrsquoeacutevidence que les apparences ne sont pas

forceacutement conformes agrave la reacutealiteacute et la suite du reacutecit de Nathalie Beacutecue srsquoinspirant de John

Millington Synge ne fera que rendre encore plus creacutedible cette impression

La mise en scegravene de Feacutelix Prader reconstitue avec une sorte de preacutecision presque surnaturelle

eacutetonnante cette campagne irlandaise drsquoougrave nrsquoimporte quels fantocircmes peuvent impuneacutement surgir

de la nuit Jusqursquoau bout drsquoune nuit interminable peupleacutee de terreurs sans noms cette assembleacutee

de personnages subira jusqursquoau bout un destin fait drsquoincertitude balanccedilant constamment entre

espoir et deacutesespeacuterance Lrsquointerpreacutetation est remarquable en particulier celle de Nathalie Beacutecue

incarnant avec beaucoup drsquoacircpreteacute de passion le rocircle drsquoAlice Burke Mais les trois autres

protagonistes masculins sont eacutegalement parfaits donnant agrave leurs personnages respectifs toute

lrsquoeacutepaisseur psychologique deacutesireacutee Un spectacle prenant qui reacutevegravele dans toute sa profondeur

lrsquoacircme irlandaise

Michel Jakubowicz

LE BRUITDUOFF TRIBUNE

LES SCENES ACTUELLES SANS TABOU NI TROMPETTES

CRITIQUE laquo Bourrasque raquo variation sur Lrsquoombre de la valleacutee de JM Synge de Nathalie Beacutecue mis en scegravene par Feacutelix Prader avec Nathalie Beacutecue Pierre-Alain Chapuis Theacuteo Chedeville et Philippe Smith Au Theacuteacirctre de la Tempecircte salle Copi jusqursquoau 15 avril du mardi au samedi agrave 20h30 dimanche agrave 16h30

Crsquoest lrsquoun des plus beaux textes de la saison Nathalie Beacutecue a adapteacute les peacutereacutegrinations de Synge avec amour infleacutechissant ses rugositeacutes irlandaises drsquoune ardeur feacutebrile

laquo Bourrasque raquo crsquoest la poeacutesie cosmique descendue sur lrsquoeacutepure drsquoun verbe aussi vieux que les icircles drsquoAran qui lrsquoabritent laquo Bourrasque raquo crsquoest la meacutetaphysique de la bergegravere Srsquoeacutelegraveve une litanie vibrante adresseacutee aux eacutetoiles pour cet laquo ougrave suis-je raquo qui preacutecegravede le laquo qui suis-je raquo pour le trou noir la masse la poussiegravere lrsquoengloutissement la disparition lrsquoinconnu la creacuteation sa densiteacute son absence le trop plein le videhellip Le vertige drsquoAlice Burke un soir de tempecircte est celui drsquoun cœur simple dans le langage du monde Lrsquoespace drsquoun entre-lumiegravere avant lrsquoextinction de la salle Nathalie Beacutecue ample vibrante ancreacutee et tendue vers des ciels invisibles livre une formidable deacutemonstration de sa maicirctrise de lrsquoabandon

Encore aux prises avec ce jaillissement drsquoecirctre brut et pur il nous faut quelques battements de cœur pour lrsquohabituer aux ombres de la scegravene peacuteneacutetrer le deuil terrestre drsquoAlice Burke et investir sa maison de pierre tandis que laquo perdu ailleurs raquo le vent se legraveve Les yeux pleins drsquoorage et la voix blanche elle embarque les acircmes qursquoelle a tendues vers elle laquo Je suis en colegravere tellement je suis triste raquo

Daniel Burke le fermier sans meacutetaphysique le fermier malheureux srsquoest figeacute lagrave dans une mort subite et inviolable et sa veuve saisie de solitude et figeacutee depuis cent ans voit sa laquo vie grise raquo deacutechireacutee par laquo la grande trouille raquo La trouille de quoi Car la mort toute proche incarneacutee dans la deacutepouille de son mari immobile ne lrsquoeffraye pas Crsquoest une femme des montagnes qui croit aux fantocircmes et qui ne les craint pas

Est-ce un fantocircme qui franchit son seuil dans lrsquoorage pour mettre son errance et son immense laquo dehors raquo dans lrsquoespace sans projet ougrave elle vit confineacutee John mucirc par le timbre envoucirctant de Philippe Smith est un porteur drsquohistoires venu reacutecolter quelques miettes au foyer de la derniegravere maison allumeacutee sur les chemins rocheux drsquoAran Quand Alice Burke laisse son hocircte dans cette eacutetrange veilleacutee et que Dan Burke se redresse bien vivant et saoul crsquoest toute une vie de spectateur qui vacille agrave son tour John pourra-t-il refuser drsquoecirctre acteur de cette histoire-lagrave

Pierre-Alain Chapuis est un Dan Burke massif en corps et en ecirctre plein de passeacute de rancœur et de lrsquoeacutepaisse rusticiteacute que les silences ont tanneacutee sur sa peau et sa voix Quatriegraveme entreacutee en scegravene la jeunesse vacillante de Theacuteo Chedeville precircte ses fougues agrave Michaeumll Dara le marin en quecircte de reacuteconciliation avec la terre qui cherche agrave ecirctre au sol et treacutepigne dans la valleacutee encore la tecircte agrave moitieacute immergeacutee des recircves drsquoavant les recircves enterreacutes de large et de houle La paix est-elle plus haut dans la montagne

La mise en scegravene de Feacutelix Prader attentive aux eacuteclats de verbe sublimeacutes par les voix de Beacutecue Chapuis Chedeville et Smith est un effacement une ombre pour que la poeacutesie eacuteclaire Il veut saisir le preacutesent et la preacutesence eacutenorme des protagonistes dans la suspension du temps du theacuteacirctre Sa scegravene se deacutepare du moindre artifice se fait couloir pour lrsquoeacutemotion de cette parole vitale qui balaye le silence effareacute du spectateur srsquooublie dans une pudeur parfaite Jrsquoentends encore la voix pleine et rocailleuse de Beacutecue la Burke souffler la bourrasque laquo Jrsquoai trop la trouille pour pas y aller raquo

Drsquoun eacutelan vital et poeacutetique elle engloutit le motif radical de la mort

Marguerite Dornier

DU 1603 AU 15042018 AU THEacuteAcircTRE DE LA TEMPEcircTE | DUREacuteE 1H40 |

Librement adapteacute de la piegravece en un acte de John M Synge laquo Lrsquoombre dans la Valleacutee raquo Bourrasque fait preuve drsquoune sagaciteacute deacuteroutante dans une ambiance drsquoinsulaires superstitieux Situation macabre regraveglements de comptes conjugaux reacutecits de voyages et art du vagabondagehellip lrsquoIrlande et son hors-champ drsquoimmensiteacute montagneuse et orageuse nous submergent alors que de grandes deacutecisions se prennent dans la petite chaumiegravere drsquoAlice Burke indigneacutee par la mort foudroyante de son mari Dan qursquoelle ne peut toucher sous peine drsquoecirctre maudite

De par la traduction drsquoun gaeacutelique transposeacute dans du franccedilais paysan aux consonances lyriques et lrsquointerpreacutetation de ce tregraves beau et talentueux quatuor de comeacutediens le folklore celte est tout agrave fait plausible voire palpable et propage son caractegravere sacreacute Bourrasque est un deacutelice drsquohumour peut ecirctre un tantinet pessimiste mais surtout pittoresque et poeacutetique

Eloiumlse Dandoy

jeudi 22 mars 2018

Bourrasque de Nathalie Beacutecue

Bourrasque est un de ces spectacles dont on mesure la chance quils existent Parce que Nathalie Beacutecue a fait un travail deacutecriture tregraves reacuteussi librement adapteacute de la piegravece LrsquoOmbre de la valleacutee en reprenant lrsquoargument tout en modifiant les enjeux et la porteacutee Elle place le spectateur au plus pregraves de latmosphegravere poeacutetique qui a impreacutegneacute lIrlande que John Millington Synge (1871-1909) nous a fait deacutecouvrir au XIXdeg siegravecle et qui est encore tregraves vivante gracircce agrave la moderniteacute de la mise en scegravene de Feacutelix Prader La distribution est habile avec Nathalie Beacutecue qui interpregravete Alice Burke et trois autres comeacutediens Pierre-Alain Chapuis (Daniel Burke) Theacuteo Chedeville (Michaeumll Dara) et Philippe Smith (John) tous diffeacuterents qui permettent dapporter des points de vue parfois deacuteroutants maintenant le spectateur quasiment en haleine comme sil eacutetait au coeur dun thriller Le caractegravere primitif de la vie sociale si particuliegravere des icircles drsquoAran en deviendrait presque normal dans un deacutecor rustique simple et familier

Par un soir de violente tempecircte que lon entendra rugir derriegravere la verriegravere Alice Burke veille son mari deacutefunt lrsquoacircpre et ombrageux fermier Dan Burke comme le veut la coutume dans cette contreacutee reculeacutee Silence dans la chaumiegravere isoleacutee quand agrave la porte frappe un inconnu nomade des collines cueilleur drsquohistoires (Synge) qui ravive dans lrsquoacircme dAlice la soif drsquoun ailleurs Un autre homme bouscule les certitudes dAlice Michaeumll Dara le marin devenu berger qui vit agrave quelques lieues et convoite agrave la fois les biens et la femmethinsp Et si soudain srsquoeacuteveillait le deacutefunt chahutant les vivants que ferait Alicethinsp

Le mort est sur scegravene muet cela va sans dire mais bien preacutesent tout de mecircme Sa femme lui rend hommage malgreacute les cahots qui ont chahuteacute sa vie Cest une femme simple qui a les pieds sur terre capable dun brin de fantaisie que lon remarque dans le point de tricot du gilet quelle porte sur une robe bleu marine Sans doute reacutealiseacute avec la laine de ses moutons Les paroles se bousculent au rythme des souvenirs et agrave la mesure des angoisses qui lassaillent comme des ressentiments quelle exprime toute seule La tempecircte qui agite son esprit est semblable agrave celle qui souffle au dehors Elle reconnait quelle ne sait plus ougrave elle en est et sassoit pregraves de celui qui fut son homme Chaque mort serait une eacutetoile qui scintille dans le ciel Au-delagrave de cette jolie image Alice est confronteacutee agrave labsence de deux beaux enfants partis aux Ameacuteriques et aujourdrsquohui un mari qui part et agrave qui elle parle comme sil eacutetait vivant et comme elle ne lui a sans doute jamais parleacute parce que jusque-lagrave elle nosait pas Tout bascule ccedila vrille comment crsquoest possible possible je suis en colegravere

Elle refuse puis accueille la reacutealiteacute et lhomme eacutetranger qui explique sa fonction je cueille des mots Et qui fait davantage en analysant les eacutevegravenements Cest lui qui le premier a un doute Il est mort votre copain On dirait qursquoil fait le mort Si effectivement la mort neacutetait quune ruse pour permettre de deacutebusquer la veacuteriteacute vraie agrave linstar dOrgon cacheacute sous la nappe pour confondre Tartuffe

La langue choisie par Nathalie Beacutecue est preacutecise poeacutetique et feacuteroce Si je deacutesentortille votre charabia Jrsquoai trop la trouille pour pas y aller avant de se deacutecider agrave deacuterouler ses recircves sous ses pas

Faisons-nous aussi le pas pour ne pas louper ce petit bijou qui se joue au theacuteacirctre de la Tempecircte jusquau 15 avril 2018

Bourrasque de Nathalie Beacutecue Mise en scegravene Feacutelix Prader Avec Nathalie Beacutecue (Alice Burke) Pierre-Alain Chapuis (Daniel Burke) Theacuteo Chedeville (Michaeumll Dara) Philippe Smith (John) Sceacutenographie et costumes Ceacutecilia Galli Creacuteation sonore Estelle Lembert Direction des combats Franccedilois Rostain Du 16 mars au 15 avril 2018 Du mardi au samedi 20 h 30 dimanche 16 h 30 Les photos qui ne sont pas logotypeacutees A bride abattue sont de Antonia Bozzi Publieacute par marie-claire agrave 2335 Envoyer par e-mailBlogThisPartager sur TwitterPartager sur FacebookPartager sur Pinterest Libelleacutes coup de coeur spectacle theacuteacirctre

critiquetheatreclaucom

17 Mars 2018

ABOZZI

Bourrasque jusqursquoau 1504 th de La tempecircte

Mouvance de la destineacutee

De Nathalie Beacutecue inspireacute de lrsquoœuvre de John Millington Synge dramaturge irlandais 1871- 1909Mise en scegravene Feacutelix Prader

Au premier instant nous nous sommes happeacutes par un merveilleux poegraveme invoquant le chagrin des ecirctres perdus la solitude la deacutetresse la tristesse les regrets

laquo Pourquoi jrsquoai reccedilu cette vie Au lieu drsquoattraper lrsquoair transparent dans le bleu du cielhelliphellip Rester lagrave agrave attendre la Balayure du soir raquo

Une atmosphegravere de conte de poeacutesie et de mystegravere nous enveloppe

Un jour de grande tempecircte au plus profond de la campagne irlandaise nous peacuteneacutetrons dans une sobre demeure Il va se deacuterouler sous nos yeux pleins drsquoeacutetonnement un conte tragi-comique

Les personnages sont hauts en couleur

Un paysan Daniel Burke rustre et srsquoabreuvant de whisky pour oublier sa peur et la tristesse de la vie simule sa mort pour espionner sa femme

Alice soumise agrave sa condition se questionne sur sa vie passeacutee et agrave venir Tout en veillant son deacutefunt mari

John marcheur solitaire poegravete eacutecrivain et avide de liberteacute eacutecoutant et observant le monde arrive agrave lrsquoimproviste dans cette demeure

Michaeumll ancien marin devenu berger est un eacutetranger dans cette campagne isoleacutee Il va convoiter Alice pour srsquointeacutegrer dans ce monde hostile

Tous ses personnages vont se reacuteveacuteler nous raconter leur histoire parfois tragique parfois cocasse

Que veulent-ils devenir Prendront-ils leur destineacutee en main

Nous deacutecouvrons le sens de la fecircte les rites et coutumes funeacuteraires de la campagne irlandaise Nous ressentons lrsquoisolement de ses contreacutees la vie rude et solitaire de ses habitants ainsi que le climat rigoureux et froid

Crsquoest agrave la fois violent et tendre eacutemouvant et burlesque

Les comeacutediens nous eacutemeuvent et nous transpercent le cœur

Avec Alice Nathalie Beacutecue nous bouleverse

Daniel Pierre-Alain Chapuis bourru et tendre nous attendri

John Philippe Smith eacuteleacutegant et serein nous seacuteduit

Sans oublier Theacuteo Chedeville touchant dans le rocircle du jeune berger Michaeumll

Page 26: BOURRASQUE - Théâtre Montansier · 2018. 5. 7. · composé Bourrasque, que Félix Prader met en scène avec igueu (1). Synge affimait u’au théâtre, « il faut du réel, il

(c) Antonia Bozzi

Une arche de Noeacute de largueacutes du monde

Parmi les personnages perdus dans ce milieu de nulle part arrive drsquoabord un vagabond un cueilleur de mots un raconteur drsquohistoires qui cherche un havre pour la nuit Il voudrait simplement reposer ses pieds fatigueacutes de cheminot avant de reprendre la route Il y a lrsquoancien marin devenu eacuteleveur que la mort du mari arrange car il en guigne les terres pour faire paicirctre ses troupeaux Il y a elle la femme deacutevoueacutee dont on ne sait de quoi est fait son attachement au deacutefunt ndash amour en deacutepit de lrsquoindiffeacuterence qursquoil lui porte ennui drsquoun mariage accepteacute pour la seacutecuriteacute qursquoil donne reacutesignation devant les vexations subies Et puis il y a ce mort qui srsquoavegraverera bien vivant au moment ougrave srsquoopegravere le partage des deacutepouilles et dont lrsquohistoire a la violence et linceste pour cortegravegehellip

Ce sont lagrave des perdus eacutegareacutes sans lrsquoavoir choisi prenant racine lagrave ougrave on les a planteacutes Massifs taiseux Vivent-ils Peut-ecirctre le cheminot qui erre agrave lrsquoaventure est-il le seul agrave savoir ougrave il va ce saltimbanque ce poegravete qui donne agrave voir un ailleurs agrave respirer lrsquoodeur du vent et les senteurs venues de contreacutees lointaines Peut-ecirctre ne sont-ils pas agrave leur place mais ont-ils une place Le preacutesent est leur futur leur avenir leur eacuteterniteacute Ils portent leur brume en eux cette compagne des sortilegraveges et des superstitions qui leur colle agrave la peau Ils ont cette eacutepaisseur de la matiegravere brute cette preacutesence obstineacutee de ceux qui ne savent qursquoecirctre

(c) Antonia Bozzi

Lrsquoespace de la parole

Dans ce huis clos deacutelimiteacute par une table dans un coin une banquette sur laquelle est assis immobile le mari et une commode il nrsquoy a pas drsquoeacutechappatoire Le lieu est agrave lrsquoimage de leur existence refermeacute sur lui-mecircme Alors il ne leur reste que la parole pour briser lrsquoenfermement Une parole difficile Les mots buttent dans leur gorge ils sortent contraints rentreacutes et de trop de retenue se heurtent et srsquoentrechoquent avec de brusques flambeacutees de violence se deacuteversent tels des crachats agrave la figure de lrsquoautre Crsquoest un trop-plein qui deacuteferle pour trouver le chemin de la conscience et qui les met en face drsquoeux-mecircmes et de leur reacutealiteacute Apregraves il nrsquoy aura plus de retour en arriegravere possible et chacun devra trouver lrsquoissue qui lui convient

Ils ont ce parler fruste mais imageacute des paysans laquo ccedila crsquoest sucircr raquo qui offre une transposition bretonne agrave lrsquoanglo-irlandais du texte original Un mecircme fondement celtique court dans ces deux reacutegions que rassemblent la culture et les paysages et ougrave souffle un vent laquo agrave reacuteveiller les disparus les esprits malins ou les feacutees tordues raquo Les noms de lieux aux consonances eacutetranges chantent une poeacutesie de lrsquoailleurs qursquoaccompagne celle du deacutesespoir de ces eacutecorcheacutes de la vie laquo Crsquoest comme ccedila le bout du chemin de ceux de sa sorte Les deacutevoreacutes drsquoangoisse les rongeacutes de tristesse raquo Les mots disent leur deacutetresse Leur barbe laquo on dirait deacutejagrave du poil de moisissure raquo Lrsquounivers laquo des milliards de milliards de masses solaires qui tournoient en spirale jusqursquoagrave ecirctre happeacutees aspireacutees au centre de lrsquoinconnu du trou noir [hellip] une eacutenorme densiteacute de creacuteation ou une absence de creacuteation Du trop-plein au vide raquo agrave lrsquoimage de leur vie qui laquo se deacuteficelle raquo se deacutecompose se deacutesintegravegrehellip

Entre Synge et Nathalie Beacutecue

De lrsquoOmbre de la valleacutee de John Millington Synge ndash compatriote de Joyce Yeats et Beckett et fervent deacutefenseur du renouveau de la culture irlandaise ndash Nathalie Beacutecue reprend la situation de ce mort laquo ressusciteacute raquo tout en modifiant les enjeux et la porteacutee de lrsquohistoire Elle fait du chemineau une incarnation du poegravete Elle reprend dans lrsquoesprit ce parler si particulier qui inverse lrsquoordre des mots pour placer dans une phrase lrsquoimportant devant On y retrouve le mecircme souci de rendre leurs lettres de noblesse agrave ceux qui sont sans-grade placeacutes agrave lrsquoeacutecart en marge mais portent en eux une veacuteriteacute immeacutemoriale qui les deacutepasse Ces hommes et ces femmes qui ne savent pas parler une laquo belle raquo langue au sens classique sont pleins habiteacutes possesseurs drsquoun treacutesor qursquoil nous est donneacute de reconnaicirctre Dans sa laquo variation raquo Nathalie

Beacutecue insuffle sa propre vision de cette laquo veacuteriteacute raquo populaire peupleacutee de croyances et de leacutegendes et met ses personnages en face de choix qui les font progresser et grandir

(c) Antonia Bozzi

Un magnifique travail drsquoacteur

Ce qui frappe enfin crsquoest lrsquointerpreacutetation laquo millimeacutetreacutee raquo des comeacutediens Car enfin crsquoest sur eux que repose ce spectacle ougrave il ne se passe rien ou presque durant deux heures Pas de quiproquo ni de comique de situation Pas de trageacutedie au-delagrave de lrsquoagressiviteacute et des altercations Ni trop ni trop peu mecircme si lrsquoon alterne chuchotements et cris Ils sont tout en retenues briseacutees quand les digues lacircchent en heacutesitations en mots esquisseacutes en gestes inaboutis ou semi-dissimuleacutes en mimiques fugaces Ils disent comme en srsquoexcusant heacutesitent agrave srsquoimposer reacutevegravelent les failles avec beaucoup de finesse La minutie avec laquelle la gestuelle campe les personnages donne au spectacle une justesse qursquoon voit rarement au theacuteacirctre

On srsquoeacutemeut drsquoentendre eacutevoquer les myriades drsquoeacutetoiles comme autant drsquoesprits des morts flottant autour de nous on partage la fatigue des marches de montagne plongeacutees dans une brume eacutepaisse et hostile la difficulteacute de ces laquo nuits noires agrave en appeler agrave la clarteacute des eacutetoiles raquo Et puis on rit car ils sont des hommes avec leurs petits travers leurs lacirccheteacutes et leurs peurs ces errants agrave la deacuterive qui srsquoeacutegarent avec magnificence et nous ressemblent tant Au-delagrave du texte et de sa beauteacute crsquoest agrave une merveilleuse leccedilon drsquohumaniteacute que nous convie ce spectacle

Bourrasque de Nathalie Beacutecue librement inspireacute de lrsquoOmbre du vent de John Millington Synge (eacuted franccedilaise Actes Sud)

Mise en scegravene Feacutelix Prader

Avec Nathalie Beacutecue Pierre-Alain Chapuis Theacuteo Chedeville Philippe Smith (le poegravete)

Theacuteacirctre de la Tempecircte Cartoucherie de Vincennes Route du Champ de Mars ndash 75012 Paris

Du 16 mars 2018 au 15 avril du mardi au samedi agrave 20h30 le dimanche agrave 17h30

Teacutel 01 43 28 36 36 Site wwwla-tempetefr

Bourrasque au Theacuteacirctre de La Tempecircte

Publieacute par Michel Jakubowicz le 26 mars 2018 Publieacute dans Tendance - Fashion

Theacuteacirctre de la Tempecircte Cartoucherie Rte du Champ-de-Manœuvre 75012 Paris

Repreacutesentations du 16 mars au 15 avril 2018

httpswwwla-tempetefr

BOURRASQUE

Variation sur lrsquoOmbre de la valleacutee de JM Synge

de Nathalie Beacutecue

mise en scegravene Feacutelix Prader

avec

Nathalie Beacutecue (Alice Burke)

Pierre-Alain Chapuis (Daniel Burke)

Theacuteo Chedeville (Michaeumll Dara)

Philippe Smith (John)

Nathalie Beacutecue auteure de Bourrasque avoue srsquoecirctre inspireacutee du poegravete et dramaturge John

Millington Synge Feacutelix Prader agrave partir du texte de Nathalie Beacutecue va srsquoefforcer de recreacuteer

lrsquoambiance eacutetrange chaotique effrayante qui sourd de ce texte Il va en quelque sorte donner

corps agrave une histoire ougrave semble rocircder une ambiance agrave la limite du fantastique et mettre en lumiegravere

les comportements presque forceneacutes brutaux impreacutevisibles des personnages qursquoun hasard

apparemment faceacutetieux (ou malfaisant) a reacuteunis dans une chaumiegravere perdue de la lande irlandaise

battue par la tempecircte Il faut dire que la piegravece se deacuteroule dans un contexte peu banal presque

terrifiant puisqursquoune femme seule soliloque en srsquoadressant agrave un cosmos aveugle et infini bourreacute

de trous noirs insondables et mortels La femme semble prendre agrave teacutemoin un homme immobile

ne bougeant pas drsquoun cil et dont la raideur semble vaguement indiquer qursquoil est peut-ecirctre passeacute

de vie agrave treacutepas ou qursquoil feint deacutelibeacutereacutement lrsquoindiffeacuterence absolue face aux propos tenus par la

femme Les choses pourraient en rester lagrave mais soudainement surgi du cœur de la tempecircte qui se

deacutechaicircne agrave lrsquoexteacuterieur un inconnu reacuteclame avec insistance malgreacute lrsquohostiliteacute de la femme agrave

srsquoabriter dans la chaumiegravere

A partir de lrsquointrusion de cet eacutetranger lrsquoaction va soudainement srsquoacceacuteleacuterer et le reacutecit srsquoorienter

sans deacutelai vers lrsquoabsurde le fantastique lrsquoinattendu Le reacutecit bascule apparemment vers

lrsquoirrationnel mais en terre irlandaise il semble agrave lrsquoeacutevidence que les apparences ne sont pas

forceacutement conformes agrave la reacutealiteacute et la suite du reacutecit de Nathalie Beacutecue srsquoinspirant de John

Millington Synge ne fera que rendre encore plus creacutedible cette impression

La mise en scegravene de Feacutelix Prader reconstitue avec une sorte de preacutecision presque surnaturelle

eacutetonnante cette campagne irlandaise drsquoougrave nrsquoimporte quels fantocircmes peuvent impuneacutement surgir

de la nuit Jusqursquoau bout drsquoune nuit interminable peupleacutee de terreurs sans noms cette assembleacutee

de personnages subira jusqursquoau bout un destin fait drsquoincertitude balanccedilant constamment entre

espoir et deacutesespeacuterance Lrsquointerpreacutetation est remarquable en particulier celle de Nathalie Beacutecue

incarnant avec beaucoup drsquoacircpreteacute de passion le rocircle drsquoAlice Burke Mais les trois autres

protagonistes masculins sont eacutegalement parfaits donnant agrave leurs personnages respectifs toute

lrsquoeacutepaisseur psychologique deacutesireacutee Un spectacle prenant qui reacutevegravele dans toute sa profondeur

lrsquoacircme irlandaise

Michel Jakubowicz

LE BRUITDUOFF TRIBUNE

LES SCENES ACTUELLES SANS TABOU NI TROMPETTES

CRITIQUE laquo Bourrasque raquo variation sur Lrsquoombre de la valleacutee de JM Synge de Nathalie Beacutecue mis en scegravene par Feacutelix Prader avec Nathalie Beacutecue Pierre-Alain Chapuis Theacuteo Chedeville et Philippe Smith Au Theacuteacirctre de la Tempecircte salle Copi jusqursquoau 15 avril du mardi au samedi agrave 20h30 dimanche agrave 16h30

Crsquoest lrsquoun des plus beaux textes de la saison Nathalie Beacutecue a adapteacute les peacutereacutegrinations de Synge avec amour infleacutechissant ses rugositeacutes irlandaises drsquoune ardeur feacutebrile

laquo Bourrasque raquo crsquoest la poeacutesie cosmique descendue sur lrsquoeacutepure drsquoun verbe aussi vieux que les icircles drsquoAran qui lrsquoabritent laquo Bourrasque raquo crsquoest la meacutetaphysique de la bergegravere Srsquoeacutelegraveve une litanie vibrante adresseacutee aux eacutetoiles pour cet laquo ougrave suis-je raquo qui preacutecegravede le laquo qui suis-je raquo pour le trou noir la masse la poussiegravere lrsquoengloutissement la disparition lrsquoinconnu la creacuteation sa densiteacute son absence le trop plein le videhellip Le vertige drsquoAlice Burke un soir de tempecircte est celui drsquoun cœur simple dans le langage du monde Lrsquoespace drsquoun entre-lumiegravere avant lrsquoextinction de la salle Nathalie Beacutecue ample vibrante ancreacutee et tendue vers des ciels invisibles livre une formidable deacutemonstration de sa maicirctrise de lrsquoabandon

Encore aux prises avec ce jaillissement drsquoecirctre brut et pur il nous faut quelques battements de cœur pour lrsquohabituer aux ombres de la scegravene peacuteneacutetrer le deuil terrestre drsquoAlice Burke et investir sa maison de pierre tandis que laquo perdu ailleurs raquo le vent se legraveve Les yeux pleins drsquoorage et la voix blanche elle embarque les acircmes qursquoelle a tendues vers elle laquo Je suis en colegravere tellement je suis triste raquo

Daniel Burke le fermier sans meacutetaphysique le fermier malheureux srsquoest figeacute lagrave dans une mort subite et inviolable et sa veuve saisie de solitude et figeacutee depuis cent ans voit sa laquo vie grise raquo deacutechireacutee par laquo la grande trouille raquo La trouille de quoi Car la mort toute proche incarneacutee dans la deacutepouille de son mari immobile ne lrsquoeffraye pas Crsquoest une femme des montagnes qui croit aux fantocircmes et qui ne les craint pas

Est-ce un fantocircme qui franchit son seuil dans lrsquoorage pour mettre son errance et son immense laquo dehors raquo dans lrsquoespace sans projet ougrave elle vit confineacutee John mucirc par le timbre envoucirctant de Philippe Smith est un porteur drsquohistoires venu reacutecolter quelques miettes au foyer de la derniegravere maison allumeacutee sur les chemins rocheux drsquoAran Quand Alice Burke laisse son hocircte dans cette eacutetrange veilleacutee et que Dan Burke se redresse bien vivant et saoul crsquoest toute une vie de spectateur qui vacille agrave son tour John pourra-t-il refuser drsquoecirctre acteur de cette histoire-lagrave

Pierre-Alain Chapuis est un Dan Burke massif en corps et en ecirctre plein de passeacute de rancœur et de lrsquoeacutepaisse rusticiteacute que les silences ont tanneacutee sur sa peau et sa voix Quatriegraveme entreacutee en scegravene la jeunesse vacillante de Theacuteo Chedeville precircte ses fougues agrave Michaeumll Dara le marin en quecircte de reacuteconciliation avec la terre qui cherche agrave ecirctre au sol et treacutepigne dans la valleacutee encore la tecircte agrave moitieacute immergeacutee des recircves drsquoavant les recircves enterreacutes de large et de houle La paix est-elle plus haut dans la montagne

La mise en scegravene de Feacutelix Prader attentive aux eacuteclats de verbe sublimeacutes par les voix de Beacutecue Chapuis Chedeville et Smith est un effacement une ombre pour que la poeacutesie eacuteclaire Il veut saisir le preacutesent et la preacutesence eacutenorme des protagonistes dans la suspension du temps du theacuteacirctre Sa scegravene se deacutepare du moindre artifice se fait couloir pour lrsquoeacutemotion de cette parole vitale qui balaye le silence effareacute du spectateur srsquooublie dans une pudeur parfaite Jrsquoentends encore la voix pleine et rocailleuse de Beacutecue la Burke souffler la bourrasque laquo Jrsquoai trop la trouille pour pas y aller raquo

Drsquoun eacutelan vital et poeacutetique elle engloutit le motif radical de la mort

Marguerite Dornier

DU 1603 AU 15042018 AU THEacuteAcircTRE DE LA TEMPEcircTE | DUREacuteE 1H40 |

Librement adapteacute de la piegravece en un acte de John M Synge laquo Lrsquoombre dans la Valleacutee raquo Bourrasque fait preuve drsquoune sagaciteacute deacuteroutante dans une ambiance drsquoinsulaires superstitieux Situation macabre regraveglements de comptes conjugaux reacutecits de voyages et art du vagabondagehellip lrsquoIrlande et son hors-champ drsquoimmensiteacute montagneuse et orageuse nous submergent alors que de grandes deacutecisions se prennent dans la petite chaumiegravere drsquoAlice Burke indigneacutee par la mort foudroyante de son mari Dan qursquoelle ne peut toucher sous peine drsquoecirctre maudite

De par la traduction drsquoun gaeacutelique transposeacute dans du franccedilais paysan aux consonances lyriques et lrsquointerpreacutetation de ce tregraves beau et talentueux quatuor de comeacutediens le folklore celte est tout agrave fait plausible voire palpable et propage son caractegravere sacreacute Bourrasque est un deacutelice drsquohumour peut ecirctre un tantinet pessimiste mais surtout pittoresque et poeacutetique

Eloiumlse Dandoy

jeudi 22 mars 2018

Bourrasque de Nathalie Beacutecue

Bourrasque est un de ces spectacles dont on mesure la chance quils existent Parce que Nathalie Beacutecue a fait un travail deacutecriture tregraves reacuteussi librement adapteacute de la piegravece LrsquoOmbre de la valleacutee en reprenant lrsquoargument tout en modifiant les enjeux et la porteacutee Elle place le spectateur au plus pregraves de latmosphegravere poeacutetique qui a impreacutegneacute lIrlande que John Millington Synge (1871-1909) nous a fait deacutecouvrir au XIXdeg siegravecle et qui est encore tregraves vivante gracircce agrave la moderniteacute de la mise en scegravene de Feacutelix Prader La distribution est habile avec Nathalie Beacutecue qui interpregravete Alice Burke et trois autres comeacutediens Pierre-Alain Chapuis (Daniel Burke) Theacuteo Chedeville (Michaeumll Dara) et Philippe Smith (John) tous diffeacuterents qui permettent dapporter des points de vue parfois deacuteroutants maintenant le spectateur quasiment en haleine comme sil eacutetait au coeur dun thriller Le caractegravere primitif de la vie sociale si particuliegravere des icircles drsquoAran en deviendrait presque normal dans un deacutecor rustique simple et familier

Par un soir de violente tempecircte que lon entendra rugir derriegravere la verriegravere Alice Burke veille son mari deacutefunt lrsquoacircpre et ombrageux fermier Dan Burke comme le veut la coutume dans cette contreacutee reculeacutee Silence dans la chaumiegravere isoleacutee quand agrave la porte frappe un inconnu nomade des collines cueilleur drsquohistoires (Synge) qui ravive dans lrsquoacircme dAlice la soif drsquoun ailleurs Un autre homme bouscule les certitudes dAlice Michaeumll Dara le marin devenu berger qui vit agrave quelques lieues et convoite agrave la fois les biens et la femmethinsp Et si soudain srsquoeacuteveillait le deacutefunt chahutant les vivants que ferait Alicethinsp

Le mort est sur scegravene muet cela va sans dire mais bien preacutesent tout de mecircme Sa femme lui rend hommage malgreacute les cahots qui ont chahuteacute sa vie Cest une femme simple qui a les pieds sur terre capable dun brin de fantaisie que lon remarque dans le point de tricot du gilet quelle porte sur une robe bleu marine Sans doute reacutealiseacute avec la laine de ses moutons Les paroles se bousculent au rythme des souvenirs et agrave la mesure des angoisses qui lassaillent comme des ressentiments quelle exprime toute seule La tempecircte qui agite son esprit est semblable agrave celle qui souffle au dehors Elle reconnait quelle ne sait plus ougrave elle en est et sassoit pregraves de celui qui fut son homme Chaque mort serait une eacutetoile qui scintille dans le ciel Au-delagrave de cette jolie image Alice est confronteacutee agrave labsence de deux beaux enfants partis aux Ameacuteriques et aujourdrsquohui un mari qui part et agrave qui elle parle comme sil eacutetait vivant et comme elle ne lui a sans doute jamais parleacute parce que jusque-lagrave elle nosait pas Tout bascule ccedila vrille comment crsquoest possible possible je suis en colegravere

Elle refuse puis accueille la reacutealiteacute et lhomme eacutetranger qui explique sa fonction je cueille des mots Et qui fait davantage en analysant les eacutevegravenements Cest lui qui le premier a un doute Il est mort votre copain On dirait qursquoil fait le mort Si effectivement la mort neacutetait quune ruse pour permettre de deacutebusquer la veacuteriteacute vraie agrave linstar dOrgon cacheacute sous la nappe pour confondre Tartuffe

La langue choisie par Nathalie Beacutecue est preacutecise poeacutetique et feacuteroce Si je deacutesentortille votre charabia Jrsquoai trop la trouille pour pas y aller avant de se deacutecider agrave deacuterouler ses recircves sous ses pas

Faisons-nous aussi le pas pour ne pas louper ce petit bijou qui se joue au theacuteacirctre de la Tempecircte jusquau 15 avril 2018

Bourrasque de Nathalie Beacutecue Mise en scegravene Feacutelix Prader Avec Nathalie Beacutecue (Alice Burke) Pierre-Alain Chapuis (Daniel Burke) Theacuteo Chedeville (Michaeumll Dara) Philippe Smith (John) Sceacutenographie et costumes Ceacutecilia Galli Creacuteation sonore Estelle Lembert Direction des combats Franccedilois Rostain Du 16 mars au 15 avril 2018 Du mardi au samedi 20 h 30 dimanche 16 h 30 Les photos qui ne sont pas logotypeacutees A bride abattue sont de Antonia Bozzi Publieacute par marie-claire agrave 2335 Envoyer par e-mailBlogThisPartager sur TwitterPartager sur FacebookPartager sur Pinterest Libelleacutes coup de coeur spectacle theacuteacirctre

critiquetheatreclaucom

17 Mars 2018

ABOZZI

Bourrasque jusqursquoau 1504 th de La tempecircte

Mouvance de la destineacutee

De Nathalie Beacutecue inspireacute de lrsquoœuvre de John Millington Synge dramaturge irlandais 1871- 1909Mise en scegravene Feacutelix Prader

Au premier instant nous nous sommes happeacutes par un merveilleux poegraveme invoquant le chagrin des ecirctres perdus la solitude la deacutetresse la tristesse les regrets

laquo Pourquoi jrsquoai reccedilu cette vie Au lieu drsquoattraper lrsquoair transparent dans le bleu du cielhelliphellip Rester lagrave agrave attendre la Balayure du soir raquo

Une atmosphegravere de conte de poeacutesie et de mystegravere nous enveloppe

Un jour de grande tempecircte au plus profond de la campagne irlandaise nous peacuteneacutetrons dans une sobre demeure Il va se deacuterouler sous nos yeux pleins drsquoeacutetonnement un conte tragi-comique

Les personnages sont hauts en couleur

Un paysan Daniel Burke rustre et srsquoabreuvant de whisky pour oublier sa peur et la tristesse de la vie simule sa mort pour espionner sa femme

Alice soumise agrave sa condition se questionne sur sa vie passeacutee et agrave venir Tout en veillant son deacutefunt mari

John marcheur solitaire poegravete eacutecrivain et avide de liberteacute eacutecoutant et observant le monde arrive agrave lrsquoimproviste dans cette demeure

Michaeumll ancien marin devenu berger est un eacutetranger dans cette campagne isoleacutee Il va convoiter Alice pour srsquointeacutegrer dans ce monde hostile

Tous ses personnages vont se reacuteveacuteler nous raconter leur histoire parfois tragique parfois cocasse

Que veulent-ils devenir Prendront-ils leur destineacutee en main

Nous deacutecouvrons le sens de la fecircte les rites et coutumes funeacuteraires de la campagne irlandaise Nous ressentons lrsquoisolement de ses contreacutees la vie rude et solitaire de ses habitants ainsi que le climat rigoureux et froid

Crsquoest agrave la fois violent et tendre eacutemouvant et burlesque

Les comeacutediens nous eacutemeuvent et nous transpercent le cœur

Avec Alice Nathalie Beacutecue nous bouleverse

Daniel Pierre-Alain Chapuis bourru et tendre nous attendri

John Philippe Smith eacuteleacutegant et serein nous seacuteduit

Sans oublier Theacuteo Chedeville touchant dans le rocircle du jeune berger Michaeumll

Page 27: BOURRASQUE - Théâtre Montansier · 2018. 5. 7. · composé Bourrasque, que Félix Prader met en scène avec igueu (1). Synge affimait u’au théâtre, « il faut du réel, il

(c) Antonia Bozzi

Lrsquoespace de la parole

Dans ce huis clos deacutelimiteacute par une table dans un coin une banquette sur laquelle est assis immobile le mari et une commode il nrsquoy a pas drsquoeacutechappatoire Le lieu est agrave lrsquoimage de leur existence refermeacute sur lui-mecircme Alors il ne leur reste que la parole pour briser lrsquoenfermement Une parole difficile Les mots buttent dans leur gorge ils sortent contraints rentreacutes et de trop de retenue se heurtent et srsquoentrechoquent avec de brusques flambeacutees de violence se deacuteversent tels des crachats agrave la figure de lrsquoautre Crsquoest un trop-plein qui deacuteferle pour trouver le chemin de la conscience et qui les met en face drsquoeux-mecircmes et de leur reacutealiteacute Apregraves il nrsquoy aura plus de retour en arriegravere possible et chacun devra trouver lrsquoissue qui lui convient

Ils ont ce parler fruste mais imageacute des paysans laquo ccedila crsquoest sucircr raquo qui offre une transposition bretonne agrave lrsquoanglo-irlandais du texte original Un mecircme fondement celtique court dans ces deux reacutegions que rassemblent la culture et les paysages et ougrave souffle un vent laquo agrave reacuteveiller les disparus les esprits malins ou les feacutees tordues raquo Les noms de lieux aux consonances eacutetranges chantent une poeacutesie de lrsquoailleurs qursquoaccompagne celle du deacutesespoir de ces eacutecorcheacutes de la vie laquo Crsquoest comme ccedila le bout du chemin de ceux de sa sorte Les deacutevoreacutes drsquoangoisse les rongeacutes de tristesse raquo Les mots disent leur deacutetresse Leur barbe laquo on dirait deacutejagrave du poil de moisissure raquo Lrsquounivers laquo des milliards de milliards de masses solaires qui tournoient en spirale jusqursquoagrave ecirctre happeacutees aspireacutees au centre de lrsquoinconnu du trou noir [hellip] une eacutenorme densiteacute de creacuteation ou une absence de creacuteation Du trop-plein au vide raquo agrave lrsquoimage de leur vie qui laquo se deacuteficelle raquo se deacutecompose se deacutesintegravegrehellip

Entre Synge et Nathalie Beacutecue

De lrsquoOmbre de la valleacutee de John Millington Synge ndash compatriote de Joyce Yeats et Beckett et fervent deacutefenseur du renouveau de la culture irlandaise ndash Nathalie Beacutecue reprend la situation de ce mort laquo ressusciteacute raquo tout en modifiant les enjeux et la porteacutee de lrsquohistoire Elle fait du chemineau une incarnation du poegravete Elle reprend dans lrsquoesprit ce parler si particulier qui inverse lrsquoordre des mots pour placer dans une phrase lrsquoimportant devant On y retrouve le mecircme souci de rendre leurs lettres de noblesse agrave ceux qui sont sans-grade placeacutes agrave lrsquoeacutecart en marge mais portent en eux une veacuteriteacute immeacutemoriale qui les deacutepasse Ces hommes et ces femmes qui ne savent pas parler une laquo belle raquo langue au sens classique sont pleins habiteacutes possesseurs drsquoun treacutesor qursquoil nous est donneacute de reconnaicirctre Dans sa laquo variation raquo Nathalie

Beacutecue insuffle sa propre vision de cette laquo veacuteriteacute raquo populaire peupleacutee de croyances et de leacutegendes et met ses personnages en face de choix qui les font progresser et grandir

(c) Antonia Bozzi

Un magnifique travail drsquoacteur

Ce qui frappe enfin crsquoest lrsquointerpreacutetation laquo millimeacutetreacutee raquo des comeacutediens Car enfin crsquoest sur eux que repose ce spectacle ougrave il ne se passe rien ou presque durant deux heures Pas de quiproquo ni de comique de situation Pas de trageacutedie au-delagrave de lrsquoagressiviteacute et des altercations Ni trop ni trop peu mecircme si lrsquoon alterne chuchotements et cris Ils sont tout en retenues briseacutees quand les digues lacircchent en heacutesitations en mots esquisseacutes en gestes inaboutis ou semi-dissimuleacutes en mimiques fugaces Ils disent comme en srsquoexcusant heacutesitent agrave srsquoimposer reacutevegravelent les failles avec beaucoup de finesse La minutie avec laquelle la gestuelle campe les personnages donne au spectacle une justesse qursquoon voit rarement au theacuteacirctre

On srsquoeacutemeut drsquoentendre eacutevoquer les myriades drsquoeacutetoiles comme autant drsquoesprits des morts flottant autour de nous on partage la fatigue des marches de montagne plongeacutees dans une brume eacutepaisse et hostile la difficulteacute de ces laquo nuits noires agrave en appeler agrave la clarteacute des eacutetoiles raquo Et puis on rit car ils sont des hommes avec leurs petits travers leurs lacirccheteacutes et leurs peurs ces errants agrave la deacuterive qui srsquoeacutegarent avec magnificence et nous ressemblent tant Au-delagrave du texte et de sa beauteacute crsquoest agrave une merveilleuse leccedilon drsquohumaniteacute que nous convie ce spectacle

Bourrasque de Nathalie Beacutecue librement inspireacute de lrsquoOmbre du vent de John Millington Synge (eacuted franccedilaise Actes Sud)

Mise en scegravene Feacutelix Prader

Avec Nathalie Beacutecue Pierre-Alain Chapuis Theacuteo Chedeville Philippe Smith (le poegravete)

Theacuteacirctre de la Tempecircte Cartoucherie de Vincennes Route du Champ de Mars ndash 75012 Paris

Du 16 mars 2018 au 15 avril du mardi au samedi agrave 20h30 le dimanche agrave 17h30

Teacutel 01 43 28 36 36 Site wwwla-tempetefr

Bourrasque au Theacuteacirctre de La Tempecircte

Publieacute par Michel Jakubowicz le 26 mars 2018 Publieacute dans Tendance - Fashion

Theacuteacirctre de la Tempecircte Cartoucherie Rte du Champ-de-Manœuvre 75012 Paris

Repreacutesentations du 16 mars au 15 avril 2018

httpswwwla-tempetefr

BOURRASQUE

Variation sur lrsquoOmbre de la valleacutee de JM Synge

de Nathalie Beacutecue

mise en scegravene Feacutelix Prader

avec

Nathalie Beacutecue (Alice Burke)

Pierre-Alain Chapuis (Daniel Burke)

Theacuteo Chedeville (Michaeumll Dara)

Philippe Smith (John)

Nathalie Beacutecue auteure de Bourrasque avoue srsquoecirctre inspireacutee du poegravete et dramaturge John

Millington Synge Feacutelix Prader agrave partir du texte de Nathalie Beacutecue va srsquoefforcer de recreacuteer

lrsquoambiance eacutetrange chaotique effrayante qui sourd de ce texte Il va en quelque sorte donner

corps agrave une histoire ougrave semble rocircder une ambiance agrave la limite du fantastique et mettre en lumiegravere

les comportements presque forceneacutes brutaux impreacutevisibles des personnages qursquoun hasard

apparemment faceacutetieux (ou malfaisant) a reacuteunis dans une chaumiegravere perdue de la lande irlandaise

battue par la tempecircte Il faut dire que la piegravece se deacuteroule dans un contexte peu banal presque

terrifiant puisqursquoune femme seule soliloque en srsquoadressant agrave un cosmos aveugle et infini bourreacute

de trous noirs insondables et mortels La femme semble prendre agrave teacutemoin un homme immobile

ne bougeant pas drsquoun cil et dont la raideur semble vaguement indiquer qursquoil est peut-ecirctre passeacute

de vie agrave treacutepas ou qursquoil feint deacutelibeacutereacutement lrsquoindiffeacuterence absolue face aux propos tenus par la

femme Les choses pourraient en rester lagrave mais soudainement surgi du cœur de la tempecircte qui se

deacutechaicircne agrave lrsquoexteacuterieur un inconnu reacuteclame avec insistance malgreacute lrsquohostiliteacute de la femme agrave

srsquoabriter dans la chaumiegravere

A partir de lrsquointrusion de cet eacutetranger lrsquoaction va soudainement srsquoacceacuteleacuterer et le reacutecit srsquoorienter

sans deacutelai vers lrsquoabsurde le fantastique lrsquoinattendu Le reacutecit bascule apparemment vers

lrsquoirrationnel mais en terre irlandaise il semble agrave lrsquoeacutevidence que les apparences ne sont pas

forceacutement conformes agrave la reacutealiteacute et la suite du reacutecit de Nathalie Beacutecue srsquoinspirant de John

Millington Synge ne fera que rendre encore plus creacutedible cette impression

La mise en scegravene de Feacutelix Prader reconstitue avec une sorte de preacutecision presque surnaturelle

eacutetonnante cette campagne irlandaise drsquoougrave nrsquoimporte quels fantocircmes peuvent impuneacutement surgir

de la nuit Jusqursquoau bout drsquoune nuit interminable peupleacutee de terreurs sans noms cette assembleacutee

de personnages subira jusqursquoau bout un destin fait drsquoincertitude balanccedilant constamment entre

espoir et deacutesespeacuterance Lrsquointerpreacutetation est remarquable en particulier celle de Nathalie Beacutecue

incarnant avec beaucoup drsquoacircpreteacute de passion le rocircle drsquoAlice Burke Mais les trois autres

protagonistes masculins sont eacutegalement parfaits donnant agrave leurs personnages respectifs toute

lrsquoeacutepaisseur psychologique deacutesireacutee Un spectacle prenant qui reacutevegravele dans toute sa profondeur

lrsquoacircme irlandaise

Michel Jakubowicz

LE BRUITDUOFF TRIBUNE

LES SCENES ACTUELLES SANS TABOU NI TROMPETTES

CRITIQUE laquo Bourrasque raquo variation sur Lrsquoombre de la valleacutee de JM Synge de Nathalie Beacutecue mis en scegravene par Feacutelix Prader avec Nathalie Beacutecue Pierre-Alain Chapuis Theacuteo Chedeville et Philippe Smith Au Theacuteacirctre de la Tempecircte salle Copi jusqursquoau 15 avril du mardi au samedi agrave 20h30 dimanche agrave 16h30

Crsquoest lrsquoun des plus beaux textes de la saison Nathalie Beacutecue a adapteacute les peacutereacutegrinations de Synge avec amour infleacutechissant ses rugositeacutes irlandaises drsquoune ardeur feacutebrile

laquo Bourrasque raquo crsquoest la poeacutesie cosmique descendue sur lrsquoeacutepure drsquoun verbe aussi vieux que les icircles drsquoAran qui lrsquoabritent laquo Bourrasque raquo crsquoest la meacutetaphysique de la bergegravere Srsquoeacutelegraveve une litanie vibrante adresseacutee aux eacutetoiles pour cet laquo ougrave suis-je raquo qui preacutecegravede le laquo qui suis-je raquo pour le trou noir la masse la poussiegravere lrsquoengloutissement la disparition lrsquoinconnu la creacuteation sa densiteacute son absence le trop plein le videhellip Le vertige drsquoAlice Burke un soir de tempecircte est celui drsquoun cœur simple dans le langage du monde Lrsquoespace drsquoun entre-lumiegravere avant lrsquoextinction de la salle Nathalie Beacutecue ample vibrante ancreacutee et tendue vers des ciels invisibles livre une formidable deacutemonstration de sa maicirctrise de lrsquoabandon

Encore aux prises avec ce jaillissement drsquoecirctre brut et pur il nous faut quelques battements de cœur pour lrsquohabituer aux ombres de la scegravene peacuteneacutetrer le deuil terrestre drsquoAlice Burke et investir sa maison de pierre tandis que laquo perdu ailleurs raquo le vent se legraveve Les yeux pleins drsquoorage et la voix blanche elle embarque les acircmes qursquoelle a tendues vers elle laquo Je suis en colegravere tellement je suis triste raquo

Daniel Burke le fermier sans meacutetaphysique le fermier malheureux srsquoest figeacute lagrave dans une mort subite et inviolable et sa veuve saisie de solitude et figeacutee depuis cent ans voit sa laquo vie grise raquo deacutechireacutee par laquo la grande trouille raquo La trouille de quoi Car la mort toute proche incarneacutee dans la deacutepouille de son mari immobile ne lrsquoeffraye pas Crsquoest une femme des montagnes qui croit aux fantocircmes et qui ne les craint pas

Est-ce un fantocircme qui franchit son seuil dans lrsquoorage pour mettre son errance et son immense laquo dehors raquo dans lrsquoespace sans projet ougrave elle vit confineacutee John mucirc par le timbre envoucirctant de Philippe Smith est un porteur drsquohistoires venu reacutecolter quelques miettes au foyer de la derniegravere maison allumeacutee sur les chemins rocheux drsquoAran Quand Alice Burke laisse son hocircte dans cette eacutetrange veilleacutee et que Dan Burke se redresse bien vivant et saoul crsquoest toute une vie de spectateur qui vacille agrave son tour John pourra-t-il refuser drsquoecirctre acteur de cette histoire-lagrave

Pierre-Alain Chapuis est un Dan Burke massif en corps et en ecirctre plein de passeacute de rancœur et de lrsquoeacutepaisse rusticiteacute que les silences ont tanneacutee sur sa peau et sa voix Quatriegraveme entreacutee en scegravene la jeunesse vacillante de Theacuteo Chedeville precircte ses fougues agrave Michaeumll Dara le marin en quecircte de reacuteconciliation avec la terre qui cherche agrave ecirctre au sol et treacutepigne dans la valleacutee encore la tecircte agrave moitieacute immergeacutee des recircves drsquoavant les recircves enterreacutes de large et de houle La paix est-elle plus haut dans la montagne

La mise en scegravene de Feacutelix Prader attentive aux eacuteclats de verbe sublimeacutes par les voix de Beacutecue Chapuis Chedeville et Smith est un effacement une ombre pour que la poeacutesie eacuteclaire Il veut saisir le preacutesent et la preacutesence eacutenorme des protagonistes dans la suspension du temps du theacuteacirctre Sa scegravene se deacutepare du moindre artifice se fait couloir pour lrsquoeacutemotion de cette parole vitale qui balaye le silence effareacute du spectateur srsquooublie dans une pudeur parfaite Jrsquoentends encore la voix pleine et rocailleuse de Beacutecue la Burke souffler la bourrasque laquo Jrsquoai trop la trouille pour pas y aller raquo

Drsquoun eacutelan vital et poeacutetique elle engloutit le motif radical de la mort

Marguerite Dornier

DU 1603 AU 15042018 AU THEacuteAcircTRE DE LA TEMPEcircTE | DUREacuteE 1H40 |

Librement adapteacute de la piegravece en un acte de John M Synge laquo Lrsquoombre dans la Valleacutee raquo Bourrasque fait preuve drsquoune sagaciteacute deacuteroutante dans une ambiance drsquoinsulaires superstitieux Situation macabre regraveglements de comptes conjugaux reacutecits de voyages et art du vagabondagehellip lrsquoIrlande et son hors-champ drsquoimmensiteacute montagneuse et orageuse nous submergent alors que de grandes deacutecisions se prennent dans la petite chaumiegravere drsquoAlice Burke indigneacutee par la mort foudroyante de son mari Dan qursquoelle ne peut toucher sous peine drsquoecirctre maudite

De par la traduction drsquoun gaeacutelique transposeacute dans du franccedilais paysan aux consonances lyriques et lrsquointerpreacutetation de ce tregraves beau et talentueux quatuor de comeacutediens le folklore celte est tout agrave fait plausible voire palpable et propage son caractegravere sacreacute Bourrasque est un deacutelice drsquohumour peut ecirctre un tantinet pessimiste mais surtout pittoresque et poeacutetique

Eloiumlse Dandoy

jeudi 22 mars 2018

Bourrasque de Nathalie Beacutecue

Bourrasque est un de ces spectacles dont on mesure la chance quils existent Parce que Nathalie Beacutecue a fait un travail deacutecriture tregraves reacuteussi librement adapteacute de la piegravece LrsquoOmbre de la valleacutee en reprenant lrsquoargument tout en modifiant les enjeux et la porteacutee Elle place le spectateur au plus pregraves de latmosphegravere poeacutetique qui a impreacutegneacute lIrlande que John Millington Synge (1871-1909) nous a fait deacutecouvrir au XIXdeg siegravecle et qui est encore tregraves vivante gracircce agrave la moderniteacute de la mise en scegravene de Feacutelix Prader La distribution est habile avec Nathalie Beacutecue qui interpregravete Alice Burke et trois autres comeacutediens Pierre-Alain Chapuis (Daniel Burke) Theacuteo Chedeville (Michaeumll Dara) et Philippe Smith (John) tous diffeacuterents qui permettent dapporter des points de vue parfois deacuteroutants maintenant le spectateur quasiment en haleine comme sil eacutetait au coeur dun thriller Le caractegravere primitif de la vie sociale si particuliegravere des icircles drsquoAran en deviendrait presque normal dans un deacutecor rustique simple et familier

Par un soir de violente tempecircte que lon entendra rugir derriegravere la verriegravere Alice Burke veille son mari deacutefunt lrsquoacircpre et ombrageux fermier Dan Burke comme le veut la coutume dans cette contreacutee reculeacutee Silence dans la chaumiegravere isoleacutee quand agrave la porte frappe un inconnu nomade des collines cueilleur drsquohistoires (Synge) qui ravive dans lrsquoacircme dAlice la soif drsquoun ailleurs Un autre homme bouscule les certitudes dAlice Michaeumll Dara le marin devenu berger qui vit agrave quelques lieues et convoite agrave la fois les biens et la femmethinsp Et si soudain srsquoeacuteveillait le deacutefunt chahutant les vivants que ferait Alicethinsp

Le mort est sur scegravene muet cela va sans dire mais bien preacutesent tout de mecircme Sa femme lui rend hommage malgreacute les cahots qui ont chahuteacute sa vie Cest une femme simple qui a les pieds sur terre capable dun brin de fantaisie que lon remarque dans le point de tricot du gilet quelle porte sur une robe bleu marine Sans doute reacutealiseacute avec la laine de ses moutons Les paroles se bousculent au rythme des souvenirs et agrave la mesure des angoisses qui lassaillent comme des ressentiments quelle exprime toute seule La tempecircte qui agite son esprit est semblable agrave celle qui souffle au dehors Elle reconnait quelle ne sait plus ougrave elle en est et sassoit pregraves de celui qui fut son homme Chaque mort serait une eacutetoile qui scintille dans le ciel Au-delagrave de cette jolie image Alice est confronteacutee agrave labsence de deux beaux enfants partis aux Ameacuteriques et aujourdrsquohui un mari qui part et agrave qui elle parle comme sil eacutetait vivant et comme elle ne lui a sans doute jamais parleacute parce que jusque-lagrave elle nosait pas Tout bascule ccedila vrille comment crsquoest possible possible je suis en colegravere

Elle refuse puis accueille la reacutealiteacute et lhomme eacutetranger qui explique sa fonction je cueille des mots Et qui fait davantage en analysant les eacutevegravenements Cest lui qui le premier a un doute Il est mort votre copain On dirait qursquoil fait le mort Si effectivement la mort neacutetait quune ruse pour permettre de deacutebusquer la veacuteriteacute vraie agrave linstar dOrgon cacheacute sous la nappe pour confondre Tartuffe

La langue choisie par Nathalie Beacutecue est preacutecise poeacutetique et feacuteroce Si je deacutesentortille votre charabia Jrsquoai trop la trouille pour pas y aller avant de se deacutecider agrave deacuterouler ses recircves sous ses pas

Faisons-nous aussi le pas pour ne pas louper ce petit bijou qui se joue au theacuteacirctre de la Tempecircte jusquau 15 avril 2018

Bourrasque de Nathalie Beacutecue Mise en scegravene Feacutelix Prader Avec Nathalie Beacutecue (Alice Burke) Pierre-Alain Chapuis (Daniel Burke) Theacuteo Chedeville (Michaeumll Dara) Philippe Smith (John) Sceacutenographie et costumes Ceacutecilia Galli Creacuteation sonore Estelle Lembert Direction des combats Franccedilois Rostain Du 16 mars au 15 avril 2018 Du mardi au samedi 20 h 30 dimanche 16 h 30 Les photos qui ne sont pas logotypeacutees A bride abattue sont de Antonia Bozzi Publieacute par marie-claire agrave 2335 Envoyer par e-mailBlogThisPartager sur TwitterPartager sur FacebookPartager sur Pinterest Libelleacutes coup de coeur spectacle theacuteacirctre

critiquetheatreclaucom

17 Mars 2018

ABOZZI

Bourrasque jusqursquoau 1504 th de La tempecircte

Mouvance de la destineacutee

De Nathalie Beacutecue inspireacute de lrsquoœuvre de John Millington Synge dramaturge irlandais 1871- 1909Mise en scegravene Feacutelix Prader

Au premier instant nous nous sommes happeacutes par un merveilleux poegraveme invoquant le chagrin des ecirctres perdus la solitude la deacutetresse la tristesse les regrets

laquo Pourquoi jrsquoai reccedilu cette vie Au lieu drsquoattraper lrsquoair transparent dans le bleu du cielhelliphellip Rester lagrave agrave attendre la Balayure du soir raquo

Une atmosphegravere de conte de poeacutesie et de mystegravere nous enveloppe

Un jour de grande tempecircte au plus profond de la campagne irlandaise nous peacuteneacutetrons dans une sobre demeure Il va se deacuterouler sous nos yeux pleins drsquoeacutetonnement un conte tragi-comique

Les personnages sont hauts en couleur

Un paysan Daniel Burke rustre et srsquoabreuvant de whisky pour oublier sa peur et la tristesse de la vie simule sa mort pour espionner sa femme

Alice soumise agrave sa condition se questionne sur sa vie passeacutee et agrave venir Tout en veillant son deacutefunt mari

John marcheur solitaire poegravete eacutecrivain et avide de liberteacute eacutecoutant et observant le monde arrive agrave lrsquoimproviste dans cette demeure

Michaeumll ancien marin devenu berger est un eacutetranger dans cette campagne isoleacutee Il va convoiter Alice pour srsquointeacutegrer dans ce monde hostile

Tous ses personnages vont se reacuteveacuteler nous raconter leur histoire parfois tragique parfois cocasse

Que veulent-ils devenir Prendront-ils leur destineacutee en main

Nous deacutecouvrons le sens de la fecircte les rites et coutumes funeacuteraires de la campagne irlandaise Nous ressentons lrsquoisolement de ses contreacutees la vie rude et solitaire de ses habitants ainsi que le climat rigoureux et froid

Crsquoest agrave la fois violent et tendre eacutemouvant et burlesque

Les comeacutediens nous eacutemeuvent et nous transpercent le cœur

Avec Alice Nathalie Beacutecue nous bouleverse

Daniel Pierre-Alain Chapuis bourru et tendre nous attendri

John Philippe Smith eacuteleacutegant et serein nous seacuteduit

Sans oublier Theacuteo Chedeville touchant dans le rocircle du jeune berger Michaeumll

Page 28: BOURRASQUE - Théâtre Montansier · 2018. 5. 7. · composé Bourrasque, que Félix Prader met en scène avec igueu (1). Synge affimait u’au théâtre, « il faut du réel, il

Beacutecue insuffle sa propre vision de cette laquo veacuteriteacute raquo populaire peupleacutee de croyances et de leacutegendes et met ses personnages en face de choix qui les font progresser et grandir

(c) Antonia Bozzi

Un magnifique travail drsquoacteur

Ce qui frappe enfin crsquoest lrsquointerpreacutetation laquo millimeacutetreacutee raquo des comeacutediens Car enfin crsquoest sur eux que repose ce spectacle ougrave il ne se passe rien ou presque durant deux heures Pas de quiproquo ni de comique de situation Pas de trageacutedie au-delagrave de lrsquoagressiviteacute et des altercations Ni trop ni trop peu mecircme si lrsquoon alterne chuchotements et cris Ils sont tout en retenues briseacutees quand les digues lacircchent en heacutesitations en mots esquisseacutes en gestes inaboutis ou semi-dissimuleacutes en mimiques fugaces Ils disent comme en srsquoexcusant heacutesitent agrave srsquoimposer reacutevegravelent les failles avec beaucoup de finesse La minutie avec laquelle la gestuelle campe les personnages donne au spectacle une justesse qursquoon voit rarement au theacuteacirctre

On srsquoeacutemeut drsquoentendre eacutevoquer les myriades drsquoeacutetoiles comme autant drsquoesprits des morts flottant autour de nous on partage la fatigue des marches de montagne plongeacutees dans une brume eacutepaisse et hostile la difficulteacute de ces laquo nuits noires agrave en appeler agrave la clarteacute des eacutetoiles raquo Et puis on rit car ils sont des hommes avec leurs petits travers leurs lacirccheteacutes et leurs peurs ces errants agrave la deacuterive qui srsquoeacutegarent avec magnificence et nous ressemblent tant Au-delagrave du texte et de sa beauteacute crsquoest agrave une merveilleuse leccedilon drsquohumaniteacute que nous convie ce spectacle

Bourrasque de Nathalie Beacutecue librement inspireacute de lrsquoOmbre du vent de John Millington Synge (eacuted franccedilaise Actes Sud)

Mise en scegravene Feacutelix Prader

Avec Nathalie Beacutecue Pierre-Alain Chapuis Theacuteo Chedeville Philippe Smith (le poegravete)

Theacuteacirctre de la Tempecircte Cartoucherie de Vincennes Route du Champ de Mars ndash 75012 Paris

Du 16 mars 2018 au 15 avril du mardi au samedi agrave 20h30 le dimanche agrave 17h30

Teacutel 01 43 28 36 36 Site wwwla-tempetefr

Bourrasque au Theacuteacirctre de La Tempecircte

Publieacute par Michel Jakubowicz le 26 mars 2018 Publieacute dans Tendance - Fashion

Theacuteacirctre de la Tempecircte Cartoucherie Rte du Champ-de-Manœuvre 75012 Paris

Repreacutesentations du 16 mars au 15 avril 2018

httpswwwla-tempetefr

BOURRASQUE

Variation sur lrsquoOmbre de la valleacutee de JM Synge

de Nathalie Beacutecue

mise en scegravene Feacutelix Prader

avec

Nathalie Beacutecue (Alice Burke)

Pierre-Alain Chapuis (Daniel Burke)

Theacuteo Chedeville (Michaeumll Dara)

Philippe Smith (John)

Nathalie Beacutecue auteure de Bourrasque avoue srsquoecirctre inspireacutee du poegravete et dramaturge John

Millington Synge Feacutelix Prader agrave partir du texte de Nathalie Beacutecue va srsquoefforcer de recreacuteer

lrsquoambiance eacutetrange chaotique effrayante qui sourd de ce texte Il va en quelque sorte donner

corps agrave une histoire ougrave semble rocircder une ambiance agrave la limite du fantastique et mettre en lumiegravere

les comportements presque forceneacutes brutaux impreacutevisibles des personnages qursquoun hasard

apparemment faceacutetieux (ou malfaisant) a reacuteunis dans une chaumiegravere perdue de la lande irlandaise

battue par la tempecircte Il faut dire que la piegravece se deacuteroule dans un contexte peu banal presque

terrifiant puisqursquoune femme seule soliloque en srsquoadressant agrave un cosmos aveugle et infini bourreacute

de trous noirs insondables et mortels La femme semble prendre agrave teacutemoin un homme immobile

ne bougeant pas drsquoun cil et dont la raideur semble vaguement indiquer qursquoil est peut-ecirctre passeacute

de vie agrave treacutepas ou qursquoil feint deacutelibeacutereacutement lrsquoindiffeacuterence absolue face aux propos tenus par la

femme Les choses pourraient en rester lagrave mais soudainement surgi du cœur de la tempecircte qui se

deacutechaicircne agrave lrsquoexteacuterieur un inconnu reacuteclame avec insistance malgreacute lrsquohostiliteacute de la femme agrave

srsquoabriter dans la chaumiegravere

A partir de lrsquointrusion de cet eacutetranger lrsquoaction va soudainement srsquoacceacuteleacuterer et le reacutecit srsquoorienter

sans deacutelai vers lrsquoabsurde le fantastique lrsquoinattendu Le reacutecit bascule apparemment vers

lrsquoirrationnel mais en terre irlandaise il semble agrave lrsquoeacutevidence que les apparences ne sont pas

forceacutement conformes agrave la reacutealiteacute et la suite du reacutecit de Nathalie Beacutecue srsquoinspirant de John

Millington Synge ne fera que rendre encore plus creacutedible cette impression

La mise en scegravene de Feacutelix Prader reconstitue avec une sorte de preacutecision presque surnaturelle

eacutetonnante cette campagne irlandaise drsquoougrave nrsquoimporte quels fantocircmes peuvent impuneacutement surgir

de la nuit Jusqursquoau bout drsquoune nuit interminable peupleacutee de terreurs sans noms cette assembleacutee

de personnages subira jusqursquoau bout un destin fait drsquoincertitude balanccedilant constamment entre

espoir et deacutesespeacuterance Lrsquointerpreacutetation est remarquable en particulier celle de Nathalie Beacutecue

incarnant avec beaucoup drsquoacircpreteacute de passion le rocircle drsquoAlice Burke Mais les trois autres

protagonistes masculins sont eacutegalement parfaits donnant agrave leurs personnages respectifs toute

lrsquoeacutepaisseur psychologique deacutesireacutee Un spectacle prenant qui reacutevegravele dans toute sa profondeur

lrsquoacircme irlandaise

Michel Jakubowicz

LE BRUITDUOFF TRIBUNE

LES SCENES ACTUELLES SANS TABOU NI TROMPETTES

CRITIQUE laquo Bourrasque raquo variation sur Lrsquoombre de la valleacutee de JM Synge de Nathalie Beacutecue mis en scegravene par Feacutelix Prader avec Nathalie Beacutecue Pierre-Alain Chapuis Theacuteo Chedeville et Philippe Smith Au Theacuteacirctre de la Tempecircte salle Copi jusqursquoau 15 avril du mardi au samedi agrave 20h30 dimanche agrave 16h30

Crsquoest lrsquoun des plus beaux textes de la saison Nathalie Beacutecue a adapteacute les peacutereacutegrinations de Synge avec amour infleacutechissant ses rugositeacutes irlandaises drsquoune ardeur feacutebrile

laquo Bourrasque raquo crsquoest la poeacutesie cosmique descendue sur lrsquoeacutepure drsquoun verbe aussi vieux que les icircles drsquoAran qui lrsquoabritent laquo Bourrasque raquo crsquoest la meacutetaphysique de la bergegravere Srsquoeacutelegraveve une litanie vibrante adresseacutee aux eacutetoiles pour cet laquo ougrave suis-je raquo qui preacutecegravede le laquo qui suis-je raquo pour le trou noir la masse la poussiegravere lrsquoengloutissement la disparition lrsquoinconnu la creacuteation sa densiteacute son absence le trop plein le videhellip Le vertige drsquoAlice Burke un soir de tempecircte est celui drsquoun cœur simple dans le langage du monde Lrsquoespace drsquoun entre-lumiegravere avant lrsquoextinction de la salle Nathalie Beacutecue ample vibrante ancreacutee et tendue vers des ciels invisibles livre une formidable deacutemonstration de sa maicirctrise de lrsquoabandon

Encore aux prises avec ce jaillissement drsquoecirctre brut et pur il nous faut quelques battements de cœur pour lrsquohabituer aux ombres de la scegravene peacuteneacutetrer le deuil terrestre drsquoAlice Burke et investir sa maison de pierre tandis que laquo perdu ailleurs raquo le vent se legraveve Les yeux pleins drsquoorage et la voix blanche elle embarque les acircmes qursquoelle a tendues vers elle laquo Je suis en colegravere tellement je suis triste raquo

Daniel Burke le fermier sans meacutetaphysique le fermier malheureux srsquoest figeacute lagrave dans une mort subite et inviolable et sa veuve saisie de solitude et figeacutee depuis cent ans voit sa laquo vie grise raquo deacutechireacutee par laquo la grande trouille raquo La trouille de quoi Car la mort toute proche incarneacutee dans la deacutepouille de son mari immobile ne lrsquoeffraye pas Crsquoest une femme des montagnes qui croit aux fantocircmes et qui ne les craint pas

Est-ce un fantocircme qui franchit son seuil dans lrsquoorage pour mettre son errance et son immense laquo dehors raquo dans lrsquoespace sans projet ougrave elle vit confineacutee John mucirc par le timbre envoucirctant de Philippe Smith est un porteur drsquohistoires venu reacutecolter quelques miettes au foyer de la derniegravere maison allumeacutee sur les chemins rocheux drsquoAran Quand Alice Burke laisse son hocircte dans cette eacutetrange veilleacutee et que Dan Burke se redresse bien vivant et saoul crsquoest toute une vie de spectateur qui vacille agrave son tour John pourra-t-il refuser drsquoecirctre acteur de cette histoire-lagrave

Pierre-Alain Chapuis est un Dan Burke massif en corps et en ecirctre plein de passeacute de rancœur et de lrsquoeacutepaisse rusticiteacute que les silences ont tanneacutee sur sa peau et sa voix Quatriegraveme entreacutee en scegravene la jeunesse vacillante de Theacuteo Chedeville precircte ses fougues agrave Michaeumll Dara le marin en quecircte de reacuteconciliation avec la terre qui cherche agrave ecirctre au sol et treacutepigne dans la valleacutee encore la tecircte agrave moitieacute immergeacutee des recircves drsquoavant les recircves enterreacutes de large et de houle La paix est-elle plus haut dans la montagne

La mise en scegravene de Feacutelix Prader attentive aux eacuteclats de verbe sublimeacutes par les voix de Beacutecue Chapuis Chedeville et Smith est un effacement une ombre pour que la poeacutesie eacuteclaire Il veut saisir le preacutesent et la preacutesence eacutenorme des protagonistes dans la suspension du temps du theacuteacirctre Sa scegravene se deacutepare du moindre artifice se fait couloir pour lrsquoeacutemotion de cette parole vitale qui balaye le silence effareacute du spectateur srsquooublie dans une pudeur parfaite Jrsquoentends encore la voix pleine et rocailleuse de Beacutecue la Burke souffler la bourrasque laquo Jrsquoai trop la trouille pour pas y aller raquo

Drsquoun eacutelan vital et poeacutetique elle engloutit le motif radical de la mort

Marguerite Dornier

DU 1603 AU 15042018 AU THEacuteAcircTRE DE LA TEMPEcircTE | DUREacuteE 1H40 |

Librement adapteacute de la piegravece en un acte de John M Synge laquo Lrsquoombre dans la Valleacutee raquo Bourrasque fait preuve drsquoune sagaciteacute deacuteroutante dans une ambiance drsquoinsulaires superstitieux Situation macabre regraveglements de comptes conjugaux reacutecits de voyages et art du vagabondagehellip lrsquoIrlande et son hors-champ drsquoimmensiteacute montagneuse et orageuse nous submergent alors que de grandes deacutecisions se prennent dans la petite chaumiegravere drsquoAlice Burke indigneacutee par la mort foudroyante de son mari Dan qursquoelle ne peut toucher sous peine drsquoecirctre maudite

De par la traduction drsquoun gaeacutelique transposeacute dans du franccedilais paysan aux consonances lyriques et lrsquointerpreacutetation de ce tregraves beau et talentueux quatuor de comeacutediens le folklore celte est tout agrave fait plausible voire palpable et propage son caractegravere sacreacute Bourrasque est un deacutelice drsquohumour peut ecirctre un tantinet pessimiste mais surtout pittoresque et poeacutetique

Eloiumlse Dandoy

jeudi 22 mars 2018

Bourrasque de Nathalie Beacutecue

Bourrasque est un de ces spectacles dont on mesure la chance quils existent Parce que Nathalie Beacutecue a fait un travail deacutecriture tregraves reacuteussi librement adapteacute de la piegravece LrsquoOmbre de la valleacutee en reprenant lrsquoargument tout en modifiant les enjeux et la porteacutee Elle place le spectateur au plus pregraves de latmosphegravere poeacutetique qui a impreacutegneacute lIrlande que John Millington Synge (1871-1909) nous a fait deacutecouvrir au XIXdeg siegravecle et qui est encore tregraves vivante gracircce agrave la moderniteacute de la mise en scegravene de Feacutelix Prader La distribution est habile avec Nathalie Beacutecue qui interpregravete Alice Burke et trois autres comeacutediens Pierre-Alain Chapuis (Daniel Burke) Theacuteo Chedeville (Michaeumll Dara) et Philippe Smith (John) tous diffeacuterents qui permettent dapporter des points de vue parfois deacuteroutants maintenant le spectateur quasiment en haleine comme sil eacutetait au coeur dun thriller Le caractegravere primitif de la vie sociale si particuliegravere des icircles drsquoAran en deviendrait presque normal dans un deacutecor rustique simple et familier

Par un soir de violente tempecircte que lon entendra rugir derriegravere la verriegravere Alice Burke veille son mari deacutefunt lrsquoacircpre et ombrageux fermier Dan Burke comme le veut la coutume dans cette contreacutee reculeacutee Silence dans la chaumiegravere isoleacutee quand agrave la porte frappe un inconnu nomade des collines cueilleur drsquohistoires (Synge) qui ravive dans lrsquoacircme dAlice la soif drsquoun ailleurs Un autre homme bouscule les certitudes dAlice Michaeumll Dara le marin devenu berger qui vit agrave quelques lieues et convoite agrave la fois les biens et la femmethinsp Et si soudain srsquoeacuteveillait le deacutefunt chahutant les vivants que ferait Alicethinsp

Le mort est sur scegravene muet cela va sans dire mais bien preacutesent tout de mecircme Sa femme lui rend hommage malgreacute les cahots qui ont chahuteacute sa vie Cest une femme simple qui a les pieds sur terre capable dun brin de fantaisie que lon remarque dans le point de tricot du gilet quelle porte sur une robe bleu marine Sans doute reacutealiseacute avec la laine de ses moutons Les paroles se bousculent au rythme des souvenirs et agrave la mesure des angoisses qui lassaillent comme des ressentiments quelle exprime toute seule La tempecircte qui agite son esprit est semblable agrave celle qui souffle au dehors Elle reconnait quelle ne sait plus ougrave elle en est et sassoit pregraves de celui qui fut son homme Chaque mort serait une eacutetoile qui scintille dans le ciel Au-delagrave de cette jolie image Alice est confronteacutee agrave labsence de deux beaux enfants partis aux Ameacuteriques et aujourdrsquohui un mari qui part et agrave qui elle parle comme sil eacutetait vivant et comme elle ne lui a sans doute jamais parleacute parce que jusque-lagrave elle nosait pas Tout bascule ccedila vrille comment crsquoest possible possible je suis en colegravere

Elle refuse puis accueille la reacutealiteacute et lhomme eacutetranger qui explique sa fonction je cueille des mots Et qui fait davantage en analysant les eacutevegravenements Cest lui qui le premier a un doute Il est mort votre copain On dirait qursquoil fait le mort Si effectivement la mort neacutetait quune ruse pour permettre de deacutebusquer la veacuteriteacute vraie agrave linstar dOrgon cacheacute sous la nappe pour confondre Tartuffe

La langue choisie par Nathalie Beacutecue est preacutecise poeacutetique et feacuteroce Si je deacutesentortille votre charabia Jrsquoai trop la trouille pour pas y aller avant de se deacutecider agrave deacuterouler ses recircves sous ses pas

Faisons-nous aussi le pas pour ne pas louper ce petit bijou qui se joue au theacuteacirctre de la Tempecircte jusquau 15 avril 2018

Bourrasque de Nathalie Beacutecue Mise en scegravene Feacutelix Prader Avec Nathalie Beacutecue (Alice Burke) Pierre-Alain Chapuis (Daniel Burke) Theacuteo Chedeville (Michaeumll Dara) Philippe Smith (John) Sceacutenographie et costumes Ceacutecilia Galli Creacuteation sonore Estelle Lembert Direction des combats Franccedilois Rostain Du 16 mars au 15 avril 2018 Du mardi au samedi 20 h 30 dimanche 16 h 30 Les photos qui ne sont pas logotypeacutees A bride abattue sont de Antonia Bozzi Publieacute par marie-claire agrave 2335 Envoyer par e-mailBlogThisPartager sur TwitterPartager sur FacebookPartager sur Pinterest Libelleacutes coup de coeur spectacle theacuteacirctre

critiquetheatreclaucom

17 Mars 2018

ABOZZI

Bourrasque jusqursquoau 1504 th de La tempecircte

Mouvance de la destineacutee

De Nathalie Beacutecue inspireacute de lrsquoœuvre de John Millington Synge dramaturge irlandais 1871- 1909Mise en scegravene Feacutelix Prader

Au premier instant nous nous sommes happeacutes par un merveilleux poegraveme invoquant le chagrin des ecirctres perdus la solitude la deacutetresse la tristesse les regrets

laquo Pourquoi jrsquoai reccedilu cette vie Au lieu drsquoattraper lrsquoair transparent dans le bleu du cielhelliphellip Rester lagrave agrave attendre la Balayure du soir raquo

Une atmosphegravere de conte de poeacutesie et de mystegravere nous enveloppe

Un jour de grande tempecircte au plus profond de la campagne irlandaise nous peacuteneacutetrons dans une sobre demeure Il va se deacuterouler sous nos yeux pleins drsquoeacutetonnement un conte tragi-comique

Les personnages sont hauts en couleur

Un paysan Daniel Burke rustre et srsquoabreuvant de whisky pour oublier sa peur et la tristesse de la vie simule sa mort pour espionner sa femme

Alice soumise agrave sa condition se questionne sur sa vie passeacutee et agrave venir Tout en veillant son deacutefunt mari

John marcheur solitaire poegravete eacutecrivain et avide de liberteacute eacutecoutant et observant le monde arrive agrave lrsquoimproviste dans cette demeure

Michaeumll ancien marin devenu berger est un eacutetranger dans cette campagne isoleacutee Il va convoiter Alice pour srsquointeacutegrer dans ce monde hostile

Tous ses personnages vont se reacuteveacuteler nous raconter leur histoire parfois tragique parfois cocasse

Que veulent-ils devenir Prendront-ils leur destineacutee en main

Nous deacutecouvrons le sens de la fecircte les rites et coutumes funeacuteraires de la campagne irlandaise Nous ressentons lrsquoisolement de ses contreacutees la vie rude et solitaire de ses habitants ainsi que le climat rigoureux et froid

Crsquoest agrave la fois violent et tendre eacutemouvant et burlesque

Les comeacutediens nous eacutemeuvent et nous transpercent le cœur

Avec Alice Nathalie Beacutecue nous bouleverse

Daniel Pierre-Alain Chapuis bourru et tendre nous attendri

John Philippe Smith eacuteleacutegant et serein nous seacuteduit

Sans oublier Theacuteo Chedeville touchant dans le rocircle du jeune berger Michaeumll

Page 29: BOURRASQUE - Théâtre Montansier · 2018. 5. 7. · composé Bourrasque, que Félix Prader met en scène avec igueu (1). Synge affimait u’au théâtre, « il faut du réel, il

Bourrasque au Theacuteacirctre de La Tempecircte

Publieacute par Michel Jakubowicz le 26 mars 2018 Publieacute dans Tendance - Fashion

Theacuteacirctre de la Tempecircte Cartoucherie Rte du Champ-de-Manœuvre 75012 Paris

Repreacutesentations du 16 mars au 15 avril 2018

httpswwwla-tempetefr

BOURRASQUE

Variation sur lrsquoOmbre de la valleacutee de JM Synge

de Nathalie Beacutecue

mise en scegravene Feacutelix Prader

avec

Nathalie Beacutecue (Alice Burke)

Pierre-Alain Chapuis (Daniel Burke)

Theacuteo Chedeville (Michaeumll Dara)

Philippe Smith (John)

Nathalie Beacutecue auteure de Bourrasque avoue srsquoecirctre inspireacutee du poegravete et dramaturge John

Millington Synge Feacutelix Prader agrave partir du texte de Nathalie Beacutecue va srsquoefforcer de recreacuteer

lrsquoambiance eacutetrange chaotique effrayante qui sourd de ce texte Il va en quelque sorte donner

corps agrave une histoire ougrave semble rocircder une ambiance agrave la limite du fantastique et mettre en lumiegravere

les comportements presque forceneacutes brutaux impreacutevisibles des personnages qursquoun hasard

apparemment faceacutetieux (ou malfaisant) a reacuteunis dans une chaumiegravere perdue de la lande irlandaise

battue par la tempecircte Il faut dire que la piegravece se deacuteroule dans un contexte peu banal presque

terrifiant puisqursquoune femme seule soliloque en srsquoadressant agrave un cosmos aveugle et infini bourreacute

de trous noirs insondables et mortels La femme semble prendre agrave teacutemoin un homme immobile

ne bougeant pas drsquoun cil et dont la raideur semble vaguement indiquer qursquoil est peut-ecirctre passeacute

de vie agrave treacutepas ou qursquoil feint deacutelibeacutereacutement lrsquoindiffeacuterence absolue face aux propos tenus par la

femme Les choses pourraient en rester lagrave mais soudainement surgi du cœur de la tempecircte qui se

deacutechaicircne agrave lrsquoexteacuterieur un inconnu reacuteclame avec insistance malgreacute lrsquohostiliteacute de la femme agrave

srsquoabriter dans la chaumiegravere

A partir de lrsquointrusion de cet eacutetranger lrsquoaction va soudainement srsquoacceacuteleacuterer et le reacutecit srsquoorienter

sans deacutelai vers lrsquoabsurde le fantastique lrsquoinattendu Le reacutecit bascule apparemment vers

lrsquoirrationnel mais en terre irlandaise il semble agrave lrsquoeacutevidence que les apparences ne sont pas

forceacutement conformes agrave la reacutealiteacute et la suite du reacutecit de Nathalie Beacutecue srsquoinspirant de John

Millington Synge ne fera que rendre encore plus creacutedible cette impression

La mise en scegravene de Feacutelix Prader reconstitue avec une sorte de preacutecision presque surnaturelle

eacutetonnante cette campagne irlandaise drsquoougrave nrsquoimporte quels fantocircmes peuvent impuneacutement surgir

de la nuit Jusqursquoau bout drsquoune nuit interminable peupleacutee de terreurs sans noms cette assembleacutee

de personnages subira jusqursquoau bout un destin fait drsquoincertitude balanccedilant constamment entre

espoir et deacutesespeacuterance Lrsquointerpreacutetation est remarquable en particulier celle de Nathalie Beacutecue

incarnant avec beaucoup drsquoacircpreteacute de passion le rocircle drsquoAlice Burke Mais les trois autres

protagonistes masculins sont eacutegalement parfaits donnant agrave leurs personnages respectifs toute

lrsquoeacutepaisseur psychologique deacutesireacutee Un spectacle prenant qui reacutevegravele dans toute sa profondeur

lrsquoacircme irlandaise

Michel Jakubowicz

LE BRUITDUOFF TRIBUNE

LES SCENES ACTUELLES SANS TABOU NI TROMPETTES

CRITIQUE laquo Bourrasque raquo variation sur Lrsquoombre de la valleacutee de JM Synge de Nathalie Beacutecue mis en scegravene par Feacutelix Prader avec Nathalie Beacutecue Pierre-Alain Chapuis Theacuteo Chedeville et Philippe Smith Au Theacuteacirctre de la Tempecircte salle Copi jusqursquoau 15 avril du mardi au samedi agrave 20h30 dimanche agrave 16h30

Crsquoest lrsquoun des plus beaux textes de la saison Nathalie Beacutecue a adapteacute les peacutereacutegrinations de Synge avec amour infleacutechissant ses rugositeacutes irlandaises drsquoune ardeur feacutebrile

laquo Bourrasque raquo crsquoest la poeacutesie cosmique descendue sur lrsquoeacutepure drsquoun verbe aussi vieux que les icircles drsquoAran qui lrsquoabritent laquo Bourrasque raquo crsquoest la meacutetaphysique de la bergegravere Srsquoeacutelegraveve une litanie vibrante adresseacutee aux eacutetoiles pour cet laquo ougrave suis-je raquo qui preacutecegravede le laquo qui suis-je raquo pour le trou noir la masse la poussiegravere lrsquoengloutissement la disparition lrsquoinconnu la creacuteation sa densiteacute son absence le trop plein le videhellip Le vertige drsquoAlice Burke un soir de tempecircte est celui drsquoun cœur simple dans le langage du monde Lrsquoespace drsquoun entre-lumiegravere avant lrsquoextinction de la salle Nathalie Beacutecue ample vibrante ancreacutee et tendue vers des ciels invisibles livre une formidable deacutemonstration de sa maicirctrise de lrsquoabandon

Encore aux prises avec ce jaillissement drsquoecirctre brut et pur il nous faut quelques battements de cœur pour lrsquohabituer aux ombres de la scegravene peacuteneacutetrer le deuil terrestre drsquoAlice Burke et investir sa maison de pierre tandis que laquo perdu ailleurs raquo le vent se legraveve Les yeux pleins drsquoorage et la voix blanche elle embarque les acircmes qursquoelle a tendues vers elle laquo Je suis en colegravere tellement je suis triste raquo

Daniel Burke le fermier sans meacutetaphysique le fermier malheureux srsquoest figeacute lagrave dans une mort subite et inviolable et sa veuve saisie de solitude et figeacutee depuis cent ans voit sa laquo vie grise raquo deacutechireacutee par laquo la grande trouille raquo La trouille de quoi Car la mort toute proche incarneacutee dans la deacutepouille de son mari immobile ne lrsquoeffraye pas Crsquoest une femme des montagnes qui croit aux fantocircmes et qui ne les craint pas

Est-ce un fantocircme qui franchit son seuil dans lrsquoorage pour mettre son errance et son immense laquo dehors raquo dans lrsquoespace sans projet ougrave elle vit confineacutee John mucirc par le timbre envoucirctant de Philippe Smith est un porteur drsquohistoires venu reacutecolter quelques miettes au foyer de la derniegravere maison allumeacutee sur les chemins rocheux drsquoAran Quand Alice Burke laisse son hocircte dans cette eacutetrange veilleacutee et que Dan Burke se redresse bien vivant et saoul crsquoest toute une vie de spectateur qui vacille agrave son tour John pourra-t-il refuser drsquoecirctre acteur de cette histoire-lagrave

Pierre-Alain Chapuis est un Dan Burke massif en corps et en ecirctre plein de passeacute de rancœur et de lrsquoeacutepaisse rusticiteacute que les silences ont tanneacutee sur sa peau et sa voix Quatriegraveme entreacutee en scegravene la jeunesse vacillante de Theacuteo Chedeville precircte ses fougues agrave Michaeumll Dara le marin en quecircte de reacuteconciliation avec la terre qui cherche agrave ecirctre au sol et treacutepigne dans la valleacutee encore la tecircte agrave moitieacute immergeacutee des recircves drsquoavant les recircves enterreacutes de large et de houle La paix est-elle plus haut dans la montagne

La mise en scegravene de Feacutelix Prader attentive aux eacuteclats de verbe sublimeacutes par les voix de Beacutecue Chapuis Chedeville et Smith est un effacement une ombre pour que la poeacutesie eacuteclaire Il veut saisir le preacutesent et la preacutesence eacutenorme des protagonistes dans la suspension du temps du theacuteacirctre Sa scegravene se deacutepare du moindre artifice se fait couloir pour lrsquoeacutemotion de cette parole vitale qui balaye le silence effareacute du spectateur srsquooublie dans une pudeur parfaite Jrsquoentends encore la voix pleine et rocailleuse de Beacutecue la Burke souffler la bourrasque laquo Jrsquoai trop la trouille pour pas y aller raquo

Drsquoun eacutelan vital et poeacutetique elle engloutit le motif radical de la mort

Marguerite Dornier

DU 1603 AU 15042018 AU THEacuteAcircTRE DE LA TEMPEcircTE | DUREacuteE 1H40 |

Librement adapteacute de la piegravece en un acte de John M Synge laquo Lrsquoombre dans la Valleacutee raquo Bourrasque fait preuve drsquoune sagaciteacute deacuteroutante dans une ambiance drsquoinsulaires superstitieux Situation macabre regraveglements de comptes conjugaux reacutecits de voyages et art du vagabondagehellip lrsquoIrlande et son hors-champ drsquoimmensiteacute montagneuse et orageuse nous submergent alors que de grandes deacutecisions se prennent dans la petite chaumiegravere drsquoAlice Burke indigneacutee par la mort foudroyante de son mari Dan qursquoelle ne peut toucher sous peine drsquoecirctre maudite

De par la traduction drsquoun gaeacutelique transposeacute dans du franccedilais paysan aux consonances lyriques et lrsquointerpreacutetation de ce tregraves beau et talentueux quatuor de comeacutediens le folklore celte est tout agrave fait plausible voire palpable et propage son caractegravere sacreacute Bourrasque est un deacutelice drsquohumour peut ecirctre un tantinet pessimiste mais surtout pittoresque et poeacutetique

Eloiumlse Dandoy

jeudi 22 mars 2018

Bourrasque de Nathalie Beacutecue

Bourrasque est un de ces spectacles dont on mesure la chance quils existent Parce que Nathalie Beacutecue a fait un travail deacutecriture tregraves reacuteussi librement adapteacute de la piegravece LrsquoOmbre de la valleacutee en reprenant lrsquoargument tout en modifiant les enjeux et la porteacutee Elle place le spectateur au plus pregraves de latmosphegravere poeacutetique qui a impreacutegneacute lIrlande que John Millington Synge (1871-1909) nous a fait deacutecouvrir au XIXdeg siegravecle et qui est encore tregraves vivante gracircce agrave la moderniteacute de la mise en scegravene de Feacutelix Prader La distribution est habile avec Nathalie Beacutecue qui interpregravete Alice Burke et trois autres comeacutediens Pierre-Alain Chapuis (Daniel Burke) Theacuteo Chedeville (Michaeumll Dara) et Philippe Smith (John) tous diffeacuterents qui permettent dapporter des points de vue parfois deacuteroutants maintenant le spectateur quasiment en haleine comme sil eacutetait au coeur dun thriller Le caractegravere primitif de la vie sociale si particuliegravere des icircles drsquoAran en deviendrait presque normal dans un deacutecor rustique simple et familier

Par un soir de violente tempecircte que lon entendra rugir derriegravere la verriegravere Alice Burke veille son mari deacutefunt lrsquoacircpre et ombrageux fermier Dan Burke comme le veut la coutume dans cette contreacutee reculeacutee Silence dans la chaumiegravere isoleacutee quand agrave la porte frappe un inconnu nomade des collines cueilleur drsquohistoires (Synge) qui ravive dans lrsquoacircme dAlice la soif drsquoun ailleurs Un autre homme bouscule les certitudes dAlice Michaeumll Dara le marin devenu berger qui vit agrave quelques lieues et convoite agrave la fois les biens et la femmethinsp Et si soudain srsquoeacuteveillait le deacutefunt chahutant les vivants que ferait Alicethinsp

Le mort est sur scegravene muet cela va sans dire mais bien preacutesent tout de mecircme Sa femme lui rend hommage malgreacute les cahots qui ont chahuteacute sa vie Cest une femme simple qui a les pieds sur terre capable dun brin de fantaisie que lon remarque dans le point de tricot du gilet quelle porte sur une robe bleu marine Sans doute reacutealiseacute avec la laine de ses moutons Les paroles se bousculent au rythme des souvenirs et agrave la mesure des angoisses qui lassaillent comme des ressentiments quelle exprime toute seule La tempecircte qui agite son esprit est semblable agrave celle qui souffle au dehors Elle reconnait quelle ne sait plus ougrave elle en est et sassoit pregraves de celui qui fut son homme Chaque mort serait une eacutetoile qui scintille dans le ciel Au-delagrave de cette jolie image Alice est confronteacutee agrave labsence de deux beaux enfants partis aux Ameacuteriques et aujourdrsquohui un mari qui part et agrave qui elle parle comme sil eacutetait vivant et comme elle ne lui a sans doute jamais parleacute parce que jusque-lagrave elle nosait pas Tout bascule ccedila vrille comment crsquoest possible possible je suis en colegravere

Elle refuse puis accueille la reacutealiteacute et lhomme eacutetranger qui explique sa fonction je cueille des mots Et qui fait davantage en analysant les eacutevegravenements Cest lui qui le premier a un doute Il est mort votre copain On dirait qursquoil fait le mort Si effectivement la mort neacutetait quune ruse pour permettre de deacutebusquer la veacuteriteacute vraie agrave linstar dOrgon cacheacute sous la nappe pour confondre Tartuffe

La langue choisie par Nathalie Beacutecue est preacutecise poeacutetique et feacuteroce Si je deacutesentortille votre charabia Jrsquoai trop la trouille pour pas y aller avant de se deacutecider agrave deacuterouler ses recircves sous ses pas

Faisons-nous aussi le pas pour ne pas louper ce petit bijou qui se joue au theacuteacirctre de la Tempecircte jusquau 15 avril 2018

Bourrasque de Nathalie Beacutecue Mise en scegravene Feacutelix Prader Avec Nathalie Beacutecue (Alice Burke) Pierre-Alain Chapuis (Daniel Burke) Theacuteo Chedeville (Michaeumll Dara) Philippe Smith (John) Sceacutenographie et costumes Ceacutecilia Galli Creacuteation sonore Estelle Lembert Direction des combats Franccedilois Rostain Du 16 mars au 15 avril 2018 Du mardi au samedi 20 h 30 dimanche 16 h 30 Les photos qui ne sont pas logotypeacutees A bride abattue sont de Antonia Bozzi Publieacute par marie-claire agrave 2335 Envoyer par e-mailBlogThisPartager sur TwitterPartager sur FacebookPartager sur Pinterest Libelleacutes coup de coeur spectacle theacuteacirctre

critiquetheatreclaucom

17 Mars 2018

ABOZZI

Bourrasque jusqursquoau 1504 th de La tempecircte

Mouvance de la destineacutee

De Nathalie Beacutecue inspireacute de lrsquoœuvre de John Millington Synge dramaturge irlandais 1871- 1909Mise en scegravene Feacutelix Prader

Au premier instant nous nous sommes happeacutes par un merveilleux poegraveme invoquant le chagrin des ecirctres perdus la solitude la deacutetresse la tristesse les regrets

laquo Pourquoi jrsquoai reccedilu cette vie Au lieu drsquoattraper lrsquoair transparent dans le bleu du cielhelliphellip Rester lagrave agrave attendre la Balayure du soir raquo

Une atmosphegravere de conte de poeacutesie et de mystegravere nous enveloppe

Un jour de grande tempecircte au plus profond de la campagne irlandaise nous peacuteneacutetrons dans une sobre demeure Il va se deacuterouler sous nos yeux pleins drsquoeacutetonnement un conte tragi-comique

Les personnages sont hauts en couleur

Un paysan Daniel Burke rustre et srsquoabreuvant de whisky pour oublier sa peur et la tristesse de la vie simule sa mort pour espionner sa femme

Alice soumise agrave sa condition se questionne sur sa vie passeacutee et agrave venir Tout en veillant son deacutefunt mari

John marcheur solitaire poegravete eacutecrivain et avide de liberteacute eacutecoutant et observant le monde arrive agrave lrsquoimproviste dans cette demeure

Michaeumll ancien marin devenu berger est un eacutetranger dans cette campagne isoleacutee Il va convoiter Alice pour srsquointeacutegrer dans ce monde hostile

Tous ses personnages vont se reacuteveacuteler nous raconter leur histoire parfois tragique parfois cocasse

Que veulent-ils devenir Prendront-ils leur destineacutee en main

Nous deacutecouvrons le sens de la fecircte les rites et coutumes funeacuteraires de la campagne irlandaise Nous ressentons lrsquoisolement de ses contreacutees la vie rude et solitaire de ses habitants ainsi que le climat rigoureux et froid

Crsquoest agrave la fois violent et tendre eacutemouvant et burlesque

Les comeacutediens nous eacutemeuvent et nous transpercent le cœur

Avec Alice Nathalie Beacutecue nous bouleverse

Daniel Pierre-Alain Chapuis bourru et tendre nous attendri

John Philippe Smith eacuteleacutegant et serein nous seacuteduit

Sans oublier Theacuteo Chedeville touchant dans le rocircle du jeune berger Michaeumll

Page 30: BOURRASQUE - Théâtre Montansier · 2018. 5. 7. · composé Bourrasque, que Félix Prader met en scène avec igueu (1). Synge affimait u’au théâtre, « il faut du réel, il

A partir de lrsquointrusion de cet eacutetranger lrsquoaction va soudainement srsquoacceacuteleacuterer et le reacutecit srsquoorienter

sans deacutelai vers lrsquoabsurde le fantastique lrsquoinattendu Le reacutecit bascule apparemment vers

lrsquoirrationnel mais en terre irlandaise il semble agrave lrsquoeacutevidence que les apparences ne sont pas

forceacutement conformes agrave la reacutealiteacute et la suite du reacutecit de Nathalie Beacutecue srsquoinspirant de John

Millington Synge ne fera que rendre encore plus creacutedible cette impression

La mise en scegravene de Feacutelix Prader reconstitue avec une sorte de preacutecision presque surnaturelle

eacutetonnante cette campagne irlandaise drsquoougrave nrsquoimporte quels fantocircmes peuvent impuneacutement surgir

de la nuit Jusqursquoau bout drsquoune nuit interminable peupleacutee de terreurs sans noms cette assembleacutee

de personnages subira jusqursquoau bout un destin fait drsquoincertitude balanccedilant constamment entre

espoir et deacutesespeacuterance Lrsquointerpreacutetation est remarquable en particulier celle de Nathalie Beacutecue

incarnant avec beaucoup drsquoacircpreteacute de passion le rocircle drsquoAlice Burke Mais les trois autres

protagonistes masculins sont eacutegalement parfaits donnant agrave leurs personnages respectifs toute

lrsquoeacutepaisseur psychologique deacutesireacutee Un spectacle prenant qui reacutevegravele dans toute sa profondeur

lrsquoacircme irlandaise

Michel Jakubowicz

LE BRUITDUOFF TRIBUNE

LES SCENES ACTUELLES SANS TABOU NI TROMPETTES

CRITIQUE laquo Bourrasque raquo variation sur Lrsquoombre de la valleacutee de JM Synge de Nathalie Beacutecue mis en scegravene par Feacutelix Prader avec Nathalie Beacutecue Pierre-Alain Chapuis Theacuteo Chedeville et Philippe Smith Au Theacuteacirctre de la Tempecircte salle Copi jusqursquoau 15 avril du mardi au samedi agrave 20h30 dimanche agrave 16h30

Crsquoest lrsquoun des plus beaux textes de la saison Nathalie Beacutecue a adapteacute les peacutereacutegrinations de Synge avec amour infleacutechissant ses rugositeacutes irlandaises drsquoune ardeur feacutebrile

laquo Bourrasque raquo crsquoest la poeacutesie cosmique descendue sur lrsquoeacutepure drsquoun verbe aussi vieux que les icircles drsquoAran qui lrsquoabritent laquo Bourrasque raquo crsquoest la meacutetaphysique de la bergegravere Srsquoeacutelegraveve une litanie vibrante adresseacutee aux eacutetoiles pour cet laquo ougrave suis-je raquo qui preacutecegravede le laquo qui suis-je raquo pour le trou noir la masse la poussiegravere lrsquoengloutissement la disparition lrsquoinconnu la creacuteation sa densiteacute son absence le trop plein le videhellip Le vertige drsquoAlice Burke un soir de tempecircte est celui drsquoun cœur simple dans le langage du monde Lrsquoespace drsquoun entre-lumiegravere avant lrsquoextinction de la salle Nathalie Beacutecue ample vibrante ancreacutee et tendue vers des ciels invisibles livre une formidable deacutemonstration de sa maicirctrise de lrsquoabandon

Encore aux prises avec ce jaillissement drsquoecirctre brut et pur il nous faut quelques battements de cœur pour lrsquohabituer aux ombres de la scegravene peacuteneacutetrer le deuil terrestre drsquoAlice Burke et investir sa maison de pierre tandis que laquo perdu ailleurs raquo le vent se legraveve Les yeux pleins drsquoorage et la voix blanche elle embarque les acircmes qursquoelle a tendues vers elle laquo Je suis en colegravere tellement je suis triste raquo

Daniel Burke le fermier sans meacutetaphysique le fermier malheureux srsquoest figeacute lagrave dans une mort subite et inviolable et sa veuve saisie de solitude et figeacutee depuis cent ans voit sa laquo vie grise raquo deacutechireacutee par laquo la grande trouille raquo La trouille de quoi Car la mort toute proche incarneacutee dans la deacutepouille de son mari immobile ne lrsquoeffraye pas Crsquoest une femme des montagnes qui croit aux fantocircmes et qui ne les craint pas

Est-ce un fantocircme qui franchit son seuil dans lrsquoorage pour mettre son errance et son immense laquo dehors raquo dans lrsquoespace sans projet ougrave elle vit confineacutee John mucirc par le timbre envoucirctant de Philippe Smith est un porteur drsquohistoires venu reacutecolter quelques miettes au foyer de la derniegravere maison allumeacutee sur les chemins rocheux drsquoAran Quand Alice Burke laisse son hocircte dans cette eacutetrange veilleacutee et que Dan Burke se redresse bien vivant et saoul crsquoest toute une vie de spectateur qui vacille agrave son tour John pourra-t-il refuser drsquoecirctre acteur de cette histoire-lagrave

Pierre-Alain Chapuis est un Dan Burke massif en corps et en ecirctre plein de passeacute de rancœur et de lrsquoeacutepaisse rusticiteacute que les silences ont tanneacutee sur sa peau et sa voix Quatriegraveme entreacutee en scegravene la jeunesse vacillante de Theacuteo Chedeville precircte ses fougues agrave Michaeumll Dara le marin en quecircte de reacuteconciliation avec la terre qui cherche agrave ecirctre au sol et treacutepigne dans la valleacutee encore la tecircte agrave moitieacute immergeacutee des recircves drsquoavant les recircves enterreacutes de large et de houle La paix est-elle plus haut dans la montagne

La mise en scegravene de Feacutelix Prader attentive aux eacuteclats de verbe sublimeacutes par les voix de Beacutecue Chapuis Chedeville et Smith est un effacement une ombre pour que la poeacutesie eacuteclaire Il veut saisir le preacutesent et la preacutesence eacutenorme des protagonistes dans la suspension du temps du theacuteacirctre Sa scegravene se deacutepare du moindre artifice se fait couloir pour lrsquoeacutemotion de cette parole vitale qui balaye le silence effareacute du spectateur srsquooublie dans une pudeur parfaite Jrsquoentends encore la voix pleine et rocailleuse de Beacutecue la Burke souffler la bourrasque laquo Jrsquoai trop la trouille pour pas y aller raquo

Drsquoun eacutelan vital et poeacutetique elle engloutit le motif radical de la mort

Marguerite Dornier

DU 1603 AU 15042018 AU THEacuteAcircTRE DE LA TEMPEcircTE | DUREacuteE 1H40 |

Librement adapteacute de la piegravece en un acte de John M Synge laquo Lrsquoombre dans la Valleacutee raquo Bourrasque fait preuve drsquoune sagaciteacute deacuteroutante dans une ambiance drsquoinsulaires superstitieux Situation macabre regraveglements de comptes conjugaux reacutecits de voyages et art du vagabondagehellip lrsquoIrlande et son hors-champ drsquoimmensiteacute montagneuse et orageuse nous submergent alors que de grandes deacutecisions se prennent dans la petite chaumiegravere drsquoAlice Burke indigneacutee par la mort foudroyante de son mari Dan qursquoelle ne peut toucher sous peine drsquoecirctre maudite

De par la traduction drsquoun gaeacutelique transposeacute dans du franccedilais paysan aux consonances lyriques et lrsquointerpreacutetation de ce tregraves beau et talentueux quatuor de comeacutediens le folklore celte est tout agrave fait plausible voire palpable et propage son caractegravere sacreacute Bourrasque est un deacutelice drsquohumour peut ecirctre un tantinet pessimiste mais surtout pittoresque et poeacutetique

Eloiumlse Dandoy

jeudi 22 mars 2018

Bourrasque de Nathalie Beacutecue

Bourrasque est un de ces spectacles dont on mesure la chance quils existent Parce que Nathalie Beacutecue a fait un travail deacutecriture tregraves reacuteussi librement adapteacute de la piegravece LrsquoOmbre de la valleacutee en reprenant lrsquoargument tout en modifiant les enjeux et la porteacutee Elle place le spectateur au plus pregraves de latmosphegravere poeacutetique qui a impreacutegneacute lIrlande que John Millington Synge (1871-1909) nous a fait deacutecouvrir au XIXdeg siegravecle et qui est encore tregraves vivante gracircce agrave la moderniteacute de la mise en scegravene de Feacutelix Prader La distribution est habile avec Nathalie Beacutecue qui interpregravete Alice Burke et trois autres comeacutediens Pierre-Alain Chapuis (Daniel Burke) Theacuteo Chedeville (Michaeumll Dara) et Philippe Smith (John) tous diffeacuterents qui permettent dapporter des points de vue parfois deacuteroutants maintenant le spectateur quasiment en haleine comme sil eacutetait au coeur dun thriller Le caractegravere primitif de la vie sociale si particuliegravere des icircles drsquoAran en deviendrait presque normal dans un deacutecor rustique simple et familier

Par un soir de violente tempecircte que lon entendra rugir derriegravere la verriegravere Alice Burke veille son mari deacutefunt lrsquoacircpre et ombrageux fermier Dan Burke comme le veut la coutume dans cette contreacutee reculeacutee Silence dans la chaumiegravere isoleacutee quand agrave la porte frappe un inconnu nomade des collines cueilleur drsquohistoires (Synge) qui ravive dans lrsquoacircme dAlice la soif drsquoun ailleurs Un autre homme bouscule les certitudes dAlice Michaeumll Dara le marin devenu berger qui vit agrave quelques lieues et convoite agrave la fois les biens et la femmethinsp Et si soudain srsquoeacuteveillait le deacutefunt chahutant les vivants que ferait Alicethinsp

Le mort est sur scegravene muet cela va sans dire mais bien preacutesent tout de mecircme Sa femme lui rend hommage malgreacute les cahots qui ont chahuteacute sa vie Cest une femme simple qui a les pieds sur terre capable dun brin de fantaisie que lon remarque dans le point de tricot du gilet quelle porte sur une robe bleu marine Sans doute reacutealiseacute avec la laine de ses moutons Les paroles se bousculent au rythme des souvenirs et agrave la mesure des angoisses qui lassaillent comme des ressentiments quelle exprime toute seule La tempecircte qui agite son esprit est semblable agrave celle qui souffle au dehors Elle reconnait quelle ne sait plus ougrave elle en est et sassoit pregraves de celui qui fut son homme Chaque mort serait une eacutetoile qui scintille dans le ciel Au-delagrave de cette jolie image Alice est confronteacutee agrave labsence de deux beaux enfants partis aux Ameacuteriques et aujourdrsquohui un mari qui part et agrave qui elle parle comme sil eacutetait vivant et comme elle ne lui a sans doute jamais parleacute parce que jusque-lagrave elle nosait pas Tout bascule ccedila vrille comment crsquoest possible possible je suis en colegravere

Elle refuse puis accueille la reacutealiteacute et lhomme eacutetranger qui explique sa fonction je cueille des mots Et qui fait davantage en analysant les eacutevegravenements Cest lui qui le premier a un doute Il est mort votre copain On dirait qursquoil fait le mort Si effectivement la mort neacutetait quune ruse pour permettre de deacutebusquer la veacuteriteacute vraie agrave linstar dOrgon cacheacute sous la nappe pour confondre Tartuffe

La langue choisie par Nathalie Beacutecue est preacutecise poeacutetique et feacuteroce Si je deacutesentortille votre charabia Jrsquoai trop la trouille pour pas y aller avant de se deacutecider agrave deacuterouler ses recircves sous ses pas

Faisons-nous aussi le pas pour ne pas louper ce petit bijou qui se joue au theacuteacirctre de la Tempecircte jusquau 15 avril 2018

Bourrasque de Nathalie Beacutecue Mise en scegravene Feacutelix Prader Avec Nathalie Beacutecue (Alice Burke) Pierre-Alain Chapuis (Daniel Burke) Theacuteo Chedeville (Michaeumll Dara) Philippe Smith (John) Sceacutenographie et costumes Ceacutecilia Galli Creacuteation sonore Estelle Lembert Direction des combats Franccedilois Rostain Du 16 mars au 15 avril 2018 Du mardi au samedi 20 h 30 dimanche 16 h 30 Les photos qui ne sont pas logotypeacutees A bride abattue sont de Antonia Bozzi Publieacute par marie-claire agrave 2335 Envoyer par e-mailBlogThisPartager sur TwitterPartager sur FacebookPartager sur Pinterest Libelleacutes coup de coeur spectacle theacuteacirctre

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17 Mars 2018

ABOZZI

Bourrasque jusqursquoau 1504 th de La tempecircte

Mouvance de la destineacutee

De Nathalie Beacutecue inspireacute de lrsquoœuvre de John Millington Synge dramaturge irlandais 1871- 1909Mise en scegravene Feacutelix Prader

Au premier instant nous nous sommes happeacutes par un merveilleux poegraveme invoquant le chagrin des ecirctres perdus la solitude la deacutetresse la tristesse les regrets

laquo Pourquoi jrsquoai reccedilu cette vie Au lieu drsquoattraper lrsquoair transparent dans le bleu du cielhelliphellip Rester lagrave agrave attendre la Balayure du soir raquo

Une atmosphegravere de conte de poeacutesie et de mystegravere nous enveloppe

Un jour de grande tempecircte au plus profond de la campagne irlandaise nous peacuteneacutetrons dans une sobre demeure Il va se deacuterouler sous nos yeux pleins drsquoeacutetonnement un conte tragi-comique

Les personnages sont hauts en couleur

Un paysan Daniel Burke rustre et srsquoabreuvant de whisky pour oublier sa peur et la tristesse de la vie simule sa mort pour espionner sa femme

Alice soumise agrave sa condition se questionne sur sa vie passeacutee et agrave venir Tout en veillant son deacutefunt mari

John marcheur solitaire poegravete eacutecrivain et avide de liberteacute eacutecoutant et observant le monde arrive agrave lrsquoimproviste dans cette demeure

Michaeumll ancien marin devenu berger est un eacutetranger dans cette campagne isoleacutee Il va convoiter Alice pour srsquointeacutegrer dans ce monde hostile

Tous ses personnages vont se reacuteveacuteler nous raconter leur histoire parfois tragique parfois cocasse

Que veulent-ils devenir Prendront-ils leur destineacutee en main

Nous deacutecouvrons le sens de la fecircte les rites et coutumes funeacuteraires de la campagne irlandaise Nous ressentons lrsquoisolement de ses contreacutees la vie rude et solitaire de ses habitants ainsi que le climat rigoureux et froid

Crsquoest agrave la fois violent et tendre eacutemouvant et burlesque

Les comeacutediens nous eacutemeuvent et nous transpercent le cœur

Avec Alice Nathalie Beacutecue nous bouleverse

Daniel Pierre-Alain Chapuis bourru et tendre nous attendri

John Philippe Smith eacuteleacutegant et serein nous seacuteduit

Sans oublier Theacuteo Chedeville touchant dans le rocircle du jeune berger Michaeumll

Page 31: BOURRASQUE - Théâtre Montansier · 2018. 5. 7. · composé Bourrasque, que Félix Prader met en scène avec igueu (1). Synge affimait u’au théâtre, « il faut du réel, il

LE BRUITDUOFF TRIBUNE

LES SCENES ACTUELLES SANS TABOU NI TROMPETTES

CRITIQUE laquo Bourrasque raquo variation sur Lrsquoombre de la valleacutee de JM Synge de Nathalie Beacutecue mis en scegravene par Feacutelix Prader avec Nathalie Beacutecue Pierre-Alain Chapuis Theacuteo Chedeville et Philippe Smith Au Theacuteacirctre de la Tempecircte salle Copi jusqursquoau 15 avril du mardi au samedi agrave 20h30 dimanche agrave 16h30

Crsquoest lrsquoun des plus beaux textes de la saison Nathalie Beacutecue a adapteacute les peacutereacutegrinations de Synge avec amour infleacutechissant ses rugositeacutes irlandaises drsquoune ardeur feacutebrile

laquo Bourrasque raquo crsquoest la poeacutesie cosmique descendue sur lrsquoeacutepure drsquoun verbe aussi vieux que les icircles drsquoAran qui lrsquoabritent laquo Bourrasque raquo crsquoest la meacutetaphysique de la bergegravere Srsquoeacutelegraveve une litanie vibrante adresseacutee aux eacutetoiles pour cet laquo ougrave suis-je raquo qui preacutecegravede le laquo qui suis-je raquo pour le trou noir la masse la poussiegravere lrsquoengloutissement la disparition lrsquoinconnu la creacuteation sa densiteacute son absence le trop plein le videhellip Le vertige drsquoAlice Burke un soir de tempecircte est celui drsquoun cœur simple dans le langage du monde Lrsquoespace drsquoun entre-lumiegravere avant lrsquoextinction de la salle Nathalie Beacutecue ample vibrante ancreacutee et tendue vers des ciels invisibles livre une formidable deacutemonstration de sa maicirctrise de lrsquoabandon

Encore aux prises avec ce jaillissement drsquoecirctre brut et pur il nous faut quelques battements de cœur pour lrsquohabituer aux ombres de la scegravene peacuteneacutetrer le deuil terrestre drsquoAlice Burke et investir sa maison de pierre tandis que laquo perdu ailleurs raquo le vent se legraveve Les yeux pleins drsquoorage et la voix blanche elle embarque les acircmes qursquoelle a tendues vers elle laquo Je suis en colegravere tellement je suis triste raquo

Daniel Burke le fermier sans meacutetaphysique le fermier malheureux srsquoest figeacute lagrave dans une mort subite et inviolable et sa veuve saisie de solitude et figeacutee depuis cent ans voit sa laquo vie grise raquo deacutechireacutee par laquo la grande trouille raquo La trouille de quoi Car la mort toute proche incarneacutee dans la deacutepouille de son mari immobile ne lrsquoeffraye pas Crsquoest une femme des montagnes qui croit aux fantocircmes et qui ne les craint pas

Est-ce un fantocircme qui franchit son seuil dans lrsquoorage pour mettre son errance et son immense laquo dehors raquo dans lrsquoespace sans projet ougrave elle vit confineacutee John mucirc par le timbre envoucirctant de Philippe Smith est un porteur drsquohistoires venu reacutecolter quelques miettes au foyer de la derniegravere maison allumeacutee sur les chemins rocheux drsquoAran Quand Alice Burke laisse son hocircte dans cette eacutetrange veilleacutee et que Dan Burke se redresse bien vivant et saoul crsquoest toute une vie de spectateur qui vacille agrave son tour John pourra-t-il refuser drsquoecirctre acteur de cette histoire-lagrave

Pierre-Alain Chapuis est un Dan Burke massif en corps et en ecirctre plein de passeacute de rancœur et de lrsquoeacutepaisse rusticiteacute que les silences ont tanneacutee sur sa peau et sa voix Quatriegraveme entreacutee en scegravene la jeunesse vacillante de Theacuteo Chedeville precircte ses fougues agrave Michaeumll Dara le marin en quecircte de reacuteconciliation avec la terre qui cherche agrave ecirctre au sol et treacutepigne dans la valleacutee encore la tecircte agrave moitieacute immergeacutee des recircves drsquoavant les recircves enterreacutes de large et de houle La paix est-elle plus haut dans la montagne

La mise en scegravene de Feacutelix Prader attentive aux eacuteclats de verbe sublimeacutes par les voix de Beacutecue Chapuis Chedeville et Smith est un effacement une ombre pour que la poeacutesie eacuteclaire Il veut saisir le preacutesent et la preacutesence eacutenorme des protagonistes dans la suspension du temps du theacuteacirctre Sa scegravene se deacutepare du moindre artifice se fait couloir pour lrsquoeacutemotion de cette parole vitale qui balaye le silence effareacute du spectateur srsquooublie dans une pudeur parfaite Jrsquoentends encore la voix pleine et rocailleuse de Beacutecue la Burke souffler la bourrasque laquo Jrsquoai trop la trouille pour pas y aller raquo

Drsquoun eacutelan vital et poeacutetique elle engloutit le motif radical de la mort

Marguerite Dornier

DU 1603 AU 15042018 AU THEacuteAcircTRE DE LA TEMPEcircTE | DUREacuteE 1H40 |

Librement adapteacute de la piegravece en un acte de John M Synge laquo Lrsquoombre dans la Valleacutee raquo Bourrasque fait preuve drsquoune sagaciteacute deacuteroutante dans une ambiance drsquoinsulaires superstitieux Situation macabre regraveglements de comptes conjugaux reacutecits de voyages et art du vagabondagehellip lrsquoIrlande et son hors-champ drsquoimmensiteacute montagneuse et orageuse nous submergent alors que de grandes deacutecisions se prennent dans la petite chaumiegravere drsquoAlice Burke indigneacutee par la mort foudroyante de son mari Dan qursquoelle ne peut toucher sous peine drsquoecirctre maudite

De par la traduction drsquoun gaeacutelique transposeacute dans du franccedilais paysan aux consonances lyriques et lrsquointerpreacutetation de ce tregraves beau et talentueux quatuor de comeacutediens le folklore celte est tout agrave fait plausible voire palpable et propage son caractegravere sacreacute Bourrasque est un deacutelice drsquohumour peut ecirctre un tantinet pessimiste mais surtout pittoresque et poeacutetique

Eloiumlse Dandoy

jeudi 22 mars 2018

Bourrasque de Nathalie Beacutecue

Bourrasque est un de ces spectacles dont on mesure la chance quils existent Parce que Nathalie Beacutecue a fait un travail deacutecriture tregraves reacuteussi librement adapteacute de la piegravece LrsquoOmbre de la valleacutee en reprenant lrsquoargument tout en modifiant les enjeux et la porteacutee Elle place le spectateur au plus pregraves de latmosphegravere poeacutetique qui a impreacutegneacute lIrlande que John Millington Synge (1871-1909) nous a fait deacutecouvrir au XIXdeg siegravecle et qui est encore tregraves vivante gracircce agrave la moderniteacute de la mise en scegravene de Feacutelix Prader La distribution est habile avec Nathalie Beacutecue qui interpregravete Alice Burke et trois autres comeacutediens Pierre-Alain Chapuis (Daniel Burke) Theacuteo Chedeville (Michaeumll Dara) et Philippe Smith (John) tous diffeacuterents qui permettent dapporter des points de vue parfois deacuteroutants maintenant le spectateur quasiment en haleine comme sil eacutetait au coeur dun thriller Le caractegravere primitif de la vie sociale si particuliegravere des icircles drsquoAran en deviendrait presque normal dans un deacutecor rustique simple et familier

Par un soir de violente tempecircte que lon entendra rugir derriegravere la verriegravere Alice Burke veille son mari deacutefunt lrsquoacircpre et ombrageux fermier Dan Burke comme le veut la coutume dans cette contreacutee reculeacutee Silence dans la chaumiegravere isoleacutee quand agrave la porte frappe un inconnu nomade des collines cueilleur drsquohistoires (Synge) qui ravive dans lrsquoacircme dAlice la soif drsquoun ailleurs Un autre homme bouscule les certitudes dAlice Michaeumll Dara le marin devenu berger qui vit agrave quelques lieues et convoite agrave la fois les biens et la femmethinsp Et si soudain srsquoeacuteveillait le deacutefunt chahutant les vivants que ferait Alicethinsp

Le mort est sur scegravene muet cela va sans dire mais bien preacutesent tout de mecircme Sa femme lui rend hommage malgreacute les cahots qui ont chahuteacute sa vie Cest une femme simple qui a les pieds sur terre capable dun brin de fantaisie que lon remarque dans le point de tricot du gilet quelle porte sur une robe bleu marine Sans doute reacutealiseacute avec la laine de ses moutons Les paroles se bousculent au rythme des souvenirs et agrave la mesure des angoisses qui lassaillent comme des ressentiments quelle exprime toute seule La tempecircte qui agite son esprit est semblable agrave celle qui souffle au dehors Elle reconnait quelle ne sait plus ougrave elle en est et sassoit pregraves de celui qui fut son homme Chaque mort serait une eacutetoile qui scintille dans le ciel Au-delagrave de cette jolie image Alice est confronteacutee agrave labsence de deux beaux enfants partis aux Ameacuteriques et aujourdrsquohui un mari qui part et agrave qui elle parle comme sil eacutetait vivant et comme elle ne lui a sans doute jamais parleacute parce que jusque-lagrave elle nosait pas Tout bascule ccedila vrille comment crsquoest possible possible je suis en colegravere

Elle refuse puis accueille la reacutealiteacute et lhomme eacutetranger qui explique sa fonction je cueille des mots Et qui fait davantage en analysant les eacutevegravenements Cest lui qui le premier a un doute Il est mort votre copain On dirait qursquoil fait le mort Si effectivement la mort neacutetait quune ruse pour permettre de deacutebusquer la veacuteriteacute vraie agrave linstar dOrgon cacheacute sous la nappe pour confondre Tartuffe

La langue choisie par Nathalie Beacutecue est preacutecise poeacutetique et feacuteroce Si je deacutesentortille votre charabia Jrsquoai trop la trouille pour pas y aller avant de se deacutecider agrave deacuterouler ses recircves sous ses pas

Faisons-nous aussi le pas pour ne pas louper ce petit bijou qui se joue au theacuteacirctre de la Tempecircte jusquau 15 avril 2018

Bourrasque de Nathalie Beacutecue Mise en scegravene Feacutelix Prader Avec Nathalie Beacutecue (Alice Burke) Pierre-Alain Chapuis (Daniel Burke) Theacuteo Chedeville (Michaeumll Dara) Philippe Smith (John) Sceacutenographie et costumes Ceacutecilia Galli Creacuteation sonore Estelle Lembert Direction des combats Franccedilois Rostain Du 16 mars au 15 avril 2018 Du mardi au samedi 20 h 30 dimanche 16 h 30 Les photos qui ne sont pas logotypeacutees A bride abattue sont de Antonia Bozzi Publieacute par marie-claire agrave 2335 Envoyer par e-mailBlogThisPartager sur TwitterPartager sur FacebookPartager sur Pinterest Libelleacutes coup de coeur spectacle theacuteacirctre

critiquetheatreclaucom

17 Mars 2018

ABOZZI

Bourrasque jusqursquoau 1504 th de La tempecircte

Mouvance de la destineacutee

De Nathalie Beacutecue inspireacute de lrsquoœuvre de John Millington Synge dramaturge irlandais 1871- 1909Mise en scegravene Feacutelix Prader

Au premier instant nous nous sommes happeacutes par un merveilleux poegraveme invoquant le chagrin des ecirctres perdus la solitude la deacutetresse la tristesse les regrets

laquo Pourquoi jrsquoai reccedilu cette vie Au lieu drsquoattraper lrsquoair transparent dans le bleu du cielhelliphellip Rester lagrave agrave attendre la Balayure du soir raquo

Une atmosphegravere de conte de poeacutesie et de mystegravere nous enveloppe

Un jour de grande tempecircte au plus profond de la campagne irlandaise nous peacuteneacutetrons dans une sobre demeure Il va se deacuterouler sous nos yeux pleins drsquoeacutetonnement un conte tragi-comique

Les personnages sont hauts en couleur

Un paysan Daniel Burke rustre et srsquoabreuvant de whisky pour oublier sa peur et la tristesse de la vie simule sa mort pour espionner sa femme

Alice soumise agrave sa condition se questionne sur sa vie passeacutee et agrave venir Tout en veillant son deacutefunt mari

John marcheur solitaire poegravete eacutecrivain et avide de liberteacute eacutecoutant et observant le monde arrive agrave lrsquoimproviste dans cette demeure

Michaeumll ancien marin devenu berger est un eacutetranger dans cette campagne isoleacutee Il va convoiter Alice pour srsquointeacutegrer dans ce monde hostile

Tous ses personnages vont se reacuteveacuteler nous raconter leur histoire parfois tragique parfois cocasse

Que veulent-ils devenir Prendront-ils leur destineacutee en main

Nous deacutecouvrons le sens de la fecircte les rites et coutumes funeacuteraires de la campagne irlandaise Nous ressentons lrsquoisolement de ses contreacutees la vie rude et solitaire de ses habitants ainsi que le climat rigoureux et froid

Crsquoest agrave la fois violent et tendre eacutemouvant et burlesque

Les comeacutediens nous eacutemeuvent et nous transpercent le cœur

Avec Alice Nathalie Beacutecue nous bouleverse

Daniel Pierre-Alain Chapuis bourru et tendre nous attendri

John Philippe Smith eacuteleacutegant et serein nous seacuteduit

Sans oublier Theacuteo Chedeville touchant dans le rocircle du jeune berger Michaeumll

Page 32: BOURRASQUE - Théâtre Montansier · 2018. 5. 7. · composé Bourrasque, que Félix Prader met en scène avec igueu (1). Synge affimait u’au théâtre, « il faut du réel, il

Encore aux prises avec ce jaillissement drsquoecirctre brut et pur il nous faut quelques battements de cœur pour lrsquohabituer aux ombres de la scegravene peacuteneacutetrer le deuil terrestre drsquoAlice Burke et investir sa maison de pierre tandis que laquo perdu ailleurs raquo le vent se legraveve Les yeux pleins drsquoorage et la voix blanche elle embarque les acircmes qursquoelle a tendues vers elle laquo Je suis en colegravere tellement je suis triste raquo

Daniel Burke le fermier sans meacutetaphysique le fermier malheureux srsquoest figeacute lagrave dans une mort subite et inviolable et sa veuve saisie de solitude et figeacutee depuis cent ans voit sa laquo vie grise raquo deacutechireacutee par laquo la grande trouille raquo La trouille de quoi Car la mort toute proche incarneacutee dans la deacutepouille de son mari immobile ne lrsquoeffraye pas Crsquoest une femme des montagnes qui croit aux fantocircmes et qui ne les craint pas

Est-ce un fantocircme qui franchit son seuil dans lrsquoorage pour mettre son errance et son immense laquo dehors raquo dans lrsquoespace sans projet ougrave elle vit confineacutee John mucirc par le timbre envoucirctant de Philippe Smith est un porteur drsquohistoires venu reacutecolter quelques miettes au foyer de la derniegravere maison allumeacutee sur les chemins rocheux drsquoAran Quand Alice Burke laisse son hocircte dans cette eacutetrange veilleacutee et que Dan Burke se redresse bien vivant et saoul crsquoest toute une vie de spectateur qui vacille agrave son tour John pourra-t-il refuser drsquoecirctre acteur de cette histoire-lagrave

Pierre-Alain Chapuis est un Dan Burke massif en corps et en ecirctre plein de passeacute de rancœur et de lrsquoeacutepaisse rusticiteacute que les silences ont tanneacutee sur sa peau et sa voix Quatriegraveme entreacutee en scegravene la jeunesse vacillante de Theacuteo Chedeville precircte ses fougues agrave Michaeumll Dara le marin en quecircte de reacuteconciliation avec la terre qui cherche agrave ecirctre au sol et treacutepigne dans la valleacutee encore la tecircte agrave moitieacute immergeacutee des recircves drsquoavant les recircves enterreacutes de large et de houle La paix est-elle plus haut dans la montagne

La mise en scegravene de Feacutelix Prader attentive aux eacuteclats de verbe sublimeacutes par les voix de Beacutecue Chapuis Chedeville et Smith est un effacement une ombre pour que la poeacutesie eacuteclaire Il veut saisir le preacutesent et la preacutesence eacutenorme des protagonistes dans la suspension du temps du theacuteacirctre Sa scegravene se deacutepare du moindre artifice se fait couloir pour lrsquoeacutemotion de cette parole vitale qui balaye le silence effareacute du spectateur srsquooublie dans une pudeur parfaite Jrsquoentends encore la voix pleine et rocailleuse de Beacutecue la Burke souffler la bourrasque laquo Jrsquoai trop la trouille pour pas y aller raquo

Drsquoun eacutelan vital et poeacutetique elle engloutit le motif radical de la mort

Marguerite Dornier

DU 1603 AU 15042018 AU THEacuteAcircTRE DE LA TEMPEcircTE | DUREacuteE 1H40 |

Librement adapteacute de la piegravece en un acte de John M Synge laquo Lrsquoombre dans la Valleacutee raquo Bourrasque fait preuve drsquoune sagaciteacute deacuteroutante dans une ambiance drsquoinsulaires superstitieux Situation macabre regraveglements de comptes conjugaux reacutecits de voyages et art du vagabondagehellip lrsquoIrlande et son hors-champ drsquoimmensiteacute montagneuse et orageuse nous submergent alors que de grandes deacutecisions se prennent dans la petite chaumiegravere drsquoAlice Burke indigneacutee par la mort foudroyante de son mari Dan qursquoelle ne peut toucher sous peine drsquoecirctre maudite

De par la traduction drsquoun gaeacutelique transposeacute dans du franccedilais paysan aux consonances lyriques et lrsquointerpreacutetation de ce tregraves beau et talentueux quatuor de comeacutediens le folklore celte est tout agrave fait plausible voire palpable et propage son caractegravere sacreacute Bourrasque est un deacutelice drsquohumour peut ecirctre un tantinet pessimiste mais surtout pittoresque et poeacutetique

Eloiumlse Dandoy

jeudi 22 mars 2018

Bourrasque de Nathalie Beacutecue

Bourrasque est un de ces spectacles dont on mesure la chance quils existent Parce que Nathalie Beacutecue a fait un travail deacutecriture tregraves reacuteussi librement adapteacute de la piegravece LrsquoOmbre de la valleacutee en reprenant lrsquoargument tout en modifiant les enjeux et la porteacutee Elle place le spectateur au plus pregraves de latmosphegravere poeacutetique qui a impreacutegneacute lIrlande que John Millington Synge (1871-1909) nous a fait deacutecouvrir au XIXdeg siegravecle et qui est encore tregraves vivante gracircce agrave la moderniteacute de la mise en scegravene de Feacutelix Prader La distribution est habile avec Nathalie Beacutecue qui interpregravete Alice Burke et trois autres comeacutediens Pierre-Alain Chapuis (Daniel Burke) Theacuteo Chedeville (Michaeumll Dara) et Philippe Smith (John) tous diffeacuterents qui permettent dapporter des points de vue parfois deacuteroutants maintenant le spectateur quasiment en haleine comme sil eacutetait au coeur dun thriller Le caractegravere primitif de la vie sociale si particuliegravere des icircles drsquoAran en deviendrait presque normal dans un deacutecor rustique simple et familier

Par un soir de violente tempecircte que lon entendra rugir derriegravere la verriegravere Alice Burke veille son mari deacutefunt lrsquoacircpre et ombrageux fermier Dan Burke comme le veut la coutume dans cette contreacutee reculeacutee Silence dans la chaumiegravere isoleacutee quand agrave la porte frappe un inconnu nomade des collines cueilleur drsquohistoires (Synge) qui ravive dans lrsquoacircme dAlice la soif drsquoun ailleurs Un autre homme bouscule les certitudes dAlice Michaeumll Dara le marin devenu berger qui vit agrave quelques lieues et convoite agrave la fois les biens et la femmethinsp Et si soudain srsquoeacuteveillait le deacutefunt chahutant les vivants que ferait Alicethinsp

Le mort est sur scegravene muet cela va sans dire mais bien preacutesent tout de mecircme Sa femme lui rend hommage malgreacute les cahots qui ont chahuteacute sa vie Cest une femme simple qui a les pieds sur terre capable dun brin de fantaisie que lon remarque dans le point de tricot du gilet quelle porte sur une robe bleu marine Sans doute reacutealiseacute avec la laine de ses moutons Les paroles se bousculent au rythme des souvenirs et agrave la mesure des angoisses qui lassaillent comme des ressentiments quelle exprime toute seule La tempecircte qui agite son esprit est semblable agrave celle qui souffle au dehors Elle reconnait quelle ne sait plus ougrave elle en est et sassoit pregraves de celui qui fut son homme Chaque mort serait une eacutetoile qui scintille dans le ciel Au-delagrave de cette jolie image Alice est confronteacutee agrave labsence de deux beaux enfants partis aux Ameacuteriques et aujourdrsquohui un mari qui part et agrave qui elle parle comme sil eacutetait vivant et comme elle ne lui a sans doute jamais parleacute parce que jusque-lagrave elle nosait pas Tout bascule ccedila vrille comment crsquoest possible possible je suis en colegravere

Elle refuse puis accueille la reacutealiteacute et lhomme eacutetranger qui explique sa fonction je cueille des mots Et qui fait davantage en analysant les eacutevegravenements Cest lui qui le premier a un doute Il est mort votre copain On dirait qursquoil fait le mort Si effectivement la mort neacutetait quune ruse pour permettre de deacutebusquer la veacuteriteacute vraie agrave linstar dOrgon cacheacute sous la nappe pour confondre Tartuffe

La langue choisie par Nathalie Beacutecue est preacutecise poeacutetique et feacuteroce Si je deacutesentortille votre charabia Jrsquoai trop la trouille pour pas y aller avant de se deacutecider agrave deacuterouler ses recircves sous ses pas

Faisons-nous aussi le pas pour ne pas louper ce petit bijou qui se joue au theacuteacirctre de la Tempecircte jusquau 15 avril 2018

Bourrasque de Nathalie Beacutecue Mise en scegravene Feacutelix Prader Avec Nathalie Beacutecue (Alice Burke) Pierre-Alain Chapuis (Daniel Burke) Theacuteo Chedeville (Michaeumll Dara) Philippe Smith (John) Sceacutenographie et costumes Ceacutecilia Galli Creacuteation sonore Estelle Lembert Direction des combats Franccedilois Rostain Du 16 mars au 15 avril 2018 Du mardi au samedi 20 h 30 dimanche 16 h 30 Les photos qui ne sont pas logotypeacutees A bride abattue sont de Antonia Bozzi Publieacute par marie-claire agrave 2335 Envoyer par e-mailBlogThisPartager sur TwitterPartager sur FacebookPartager sur Pinterest Libelleacutes coup de coeur spectacle theacuteacirctre

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17 Mars 2018

ABOZZI

Bourrasque jusqursquoau 1504 th de La tempecircte

Mouvance de la destineacutee

De Nathalie Beacutecue inspireacute de lrsquoœuvre de John Millington Synge dramaturge irlandais 1871- 1909Mise en scegravene Feacutelix Prader

Au premier instant nous nous sommes happeacutes par un merveilleux poegraveme invoquant le chagrin des ecirctres perdus la solitude la deacutetresse la tristesse les regrets

laquo Pourquoi jrsquoai reccedilu cette vie Au lieu drsquoattraper lrsquoair transparent dans le bleu du cielhelliphellip Rester lagrave agrave attendre la Balayure du soir raquo

Une atmosphegravere de conte de poeacutesie et de mystegravere nous enveloppe

Un jour de grande tempecircte au plus profond de la campagne irlandaise nous peacuteneacutetrons dans une sobre demeure Il va se deacuterouler sous nos yeux pleins drsquoeacutetonnement un conte tragi-comique

Les personnages sont hauts en couleur

Un paysan Daniel Burke rustre et srsquoabreuvant de whisky pour oublier sa peur et la tristesse de la vie simule sa mort pour espionner sa femme

Alice soumise agrave sa condition se questionne sur sa vie passeacutee et agrave venir Tout en veillant son deacutefunt mari

John marcheur solitaire poegravete eacutecrivain et avide de liberteacute eacutecoutant et observant le monde arrive agrave lrsquoimproviste dans cette demeure

Michaeumll ancien marin devenu berger est un eacutetranger dans cette campagne isoleacutee Il va convoiter Alice pour srsquointeacutegrer dans ce monde hostile

Tous ses personnages vont se reacuteveacuteler nous raconter leur histoire parfois tragique parfois cocasse

Que veulent-ils devenir Prendront-ils leur destineacutee en main

Nous deacutecouvrons le sens de la fecircte les rites et coutumes funeacuteraires de la campagne irlandaise Nous ressentons lrsquoisolement de ses contreacutees la vie rude et solitaire de ses habitants ainsi que le climat rigoureux et froid

Crsquoest agrave la fois violent et tendre eacutemouvant et burlesque

Les comeacutediens nous eacutemeuvent et nous transpercent le cœur

Avec Alice Nathalie Beacutecue nous bouleverse

Daniel Pierre-Alain Chapuis bourru et tendre nous attendri

John Philippe Smith eacuteleacutegant et serein nous seacuteduit

Sans oublier Theacuteo Chedeville touchant dans le rocircle du jeune berger Michaeumll

Page 33: BOURRASQUE - Théâtre Montansier · 2018. 5. 7. · composé Bourrasque, que Félix Prader met en scène avec igueu (1). Synge affimait u’au théâtre, « il faut du réel, il

DU 1603 AU 15042018 AU THEacuteAcircTRE DE LA TEMPEcircTE | DUREacuteE 1H40 |

Librement adapteacute de la piegravece en un acte de John M Synge laquo Lrsquoombre dans la Valleacutee raquo Bourrasque fait preuve drsquoune sagaciteacute deacuteroutante dans une ambiance drsquoinsulaires superstitieux Situation macabre regraveglements de comptes conjugaux reacutecits de voyages et art du vagabondagehellip lrsquoIrlande et son hors-champ drsquoimmensiteacute montagneuse et orageuse nous submergent alors que de grandes deacutecisions se prennent dans la petite chaumiegravere drsquoAlice Burke indigneacutee par la mort foudroyante de son mari Dan qursquoelle ne peut toucher sous peine drsquoecirctre maudite

De par la traduction drsquoun gaeacutelique transposeacute dans du franccedilais paysan aux consonances lyriques et lrsquointerpreacutetation de ce tregraves beau et talentueux quatuor de comeacutediens le folklore celte est tout agrave fait plausible voire palpable et propage son caractegravere sacreacute Bourrasque est un deacutelice drsquohumour peut ecirctre un tantinet pessimiste mais surtout pittoresque et poeacutetique

Eloiumlse Dandoy

jeudi 22 mars 2018

Bourrasque de Nathalie Beacutecue

Bourrasque est un de ces spectacles dont on mesure la chance quils existent Parce que Nathalie Beacutecue a fait un travail deacutecriture tregraves reacuteussi librement adapteacute de la piegravece LrsquoOmbre de la valleacutee en reprenant lrsquoargument tout en modifiant les enjeux et la porteacutee Elle place le spectateur au plus pregraves de latmosphegravere poeacutetique qui a impreacutegneacute lIrlande que John Millington Synge (1871-1909) nous a fait deacutecouvrir au XIXdeg siegravecle et qui est encore tregraves vivante gracircce agrave la moderniteacute de la mise en scegravene de Feacutelix Prader La distribution est habile avec Nathalie Beacutecue qui interpregravete Alice Burke et trois autres comeacutediens Pierre-Alain Chapuis (Daniel Burke) Theacuteo Chedeville (Michaeumll Dara) et Philippe Smith (John) tous diffeacuterents qui permettent dapporter des points de vue parfois deacuteroutants maintenant le spectateur quasiment en haleine comme sil eacutetait au coeur dun thriller Le caractegravere primitif de la vie sociale si particuliegravere des icircles drsquoAran en deviendrait presque normal dans un deacutecor rustique simple et familier

Par un soir de violente tempecircte que lon entendra rugir derriegravere la verriegravere Alice Burke veille son mari deacutefunt lrsquoacircpre et ombrageux fermier Dan Burke comme le veut la coutume dans cette contreacutee reculeacutee Silence dans la chaumiegravere isoleacutee quand agrave la porte frappe un inconnu nomade des collines cueilleur drsquohistoires (Synge) qui ravive dans lrsquoacircme dAlice la soif drsquoun ailleurs Un autre homme bouscule les certitudes dAlice Michaeumll Dara le marin devenu berger qui vit agrave quelques lieues et convoite agrave la fois les biens et la femmethinsp Et si soudain srsquoeacuteveillait le deacutefunt chahutant les vivants que ferait Alicethinsp

Le mort est sur scegravene muet cela va sans dire mais bien preacutesent tout de mecircme Sa femme lui rend hommage malgreacute les cahots qui ont chahuteacute sa vie Cest une femme simple qui a les pieds sur terre capable dun brin de fantaisie que lon remarque dans le point de tricot du gilet quelle porte sur une robe bleu marine Sans doute reacutealiseacute avec la laine de ses moutons Les paroles se bousculent au rythme des souvenirs et agrave la mesure des angoisses qui lassaillent comme des ressentiments quelle exprime toute seule La tempecircte qui agite son esprit est semblable agrave celle qui souffle au dehors Elle reconnait quelle ne sait plus ougrave elle en est et sassoit pregraves de celui qui fut son homme Chaque mort serait une eacutetoile qui scintille dans le ciel Au-delagrave de cette jolie image Alice est confronteacutee agrave labsence de deux beaux enfants partis aux Ameacuteriques et aujourdrsquohui un mari qui part et agrave qui elle parle comme sil eacutetait vivant et comme elle ne lui a sans doute jamais parleacute parce que jusque-lagrave elle nosait pas Tout bascule ccedila vrille comment crsquoest possible possible je suis en colegravere

Elle refuse puis accueille la reacutealiteacute et lhomme eacutetranger qui explique sa fonction je cueille des mots Et qui fait davantage en analysant les eacutevegravenements Cest lui qui le premier a un doute Il est mort votre copain On dirait qursquoil fait le mort Si effectivement la mort neacutetait quune ruse pour permettre de deacutebusquer la veacuteriteacute vraie agrave linstar dOrgon cacheacute sous la nappe pour confondre Tartuffe

La langue choisie par Nathalie Beacutecue est preacutecise poeacutetique et feacuteroce Si je deacutesentortille votre charabia Jrsquoai trop la trouille pour pas y aller avant de se deacutecider agrave deacuterouler ses recircves sous ses pas

Faisons-nous aussi le pas pour ne pas louper ce petit bijou qui se joue au theacuteacirctre de la Tempecircte jusquau 15 avril 2018

Bourrasque de Nathalie Beacutecue Mise en scegravene Feacutelix Prader Avec Nathalie Beacutecue (Alice Burke) Pierre-Alain Chapuis (Daniel Burke) Theacuteo Chedeville (Michaeumll Dara) Philippe Smith (John) Sceacutenographie et costumes Ceacutecilia Galli Creacuteation sonore Estelle Lembert Direction des combats Franccedilois Rostain Du 16 mars au 15 avril 2018 Du mardi au samedi 20 h 30 dimanche 16 h 30 Les photos qui ne sont pas logotypeacutees A bride abattue sont de Antonia Bozzi Publieacute par marie-claire agrave 2335 Envoyer par e-mailBlogThisPartager sur TwitterPartager sur FacebookPartager sur Pinterest Libelleacutes coup de coeur spectacle theacuteacirctre

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17 Mars 2018

ABOZZI

Bourrasque jusqursquoau 1504 th de La tempecircte

Mouvance de la destineacutee

De Nathalie Beacutecue inspireacute de lrsquoœuvre de John Millington Synge dramaturge irlandais 1871- 1909Mise en scegravene Feacutelix Prader

Au premier instant nous nous sommes happeacutes par un merveilleux poegraveme invoquant le chagrin des ecirctres perdus la solitude la deacutetresse la tristesse les regrets

laquo Pourquoi jrsquoai reccedilu cette vie Au lieu drsquoattraper lrsquoair transparent dans le bleu du cielhelliphellip Rester lagrave agrave attendre la Balayure du soir raquo

Une atmosphegravere de conte de poeacutesie et de mystegravere nous enveloppe

Un jour de grande tempecircte au plus profond de la campagne irlandaise nous peacuteneacutetrons dans une sobre demeure Il va se deacuterouler sous nos yeux pleins drsquoeacutetonnement un conte tragi-comique

Les personnages sont hauts en couleur

Un paysan Daniel Burke rustre et srsquoabreuvant de whisky pour oublier sa peur et la tristesse de la vie simule sa mort pour espionner sa femme

Alice soumise agrave sa condition se questionne sur sa vie passeacutee et agrave venir Tout en veillant son deacutefunt mari

John marcheur solitaire poegravete eacutecrivain et avide de liberteacute eacutecoutant et observant le monde arrive agrave lrsquoimproviste dans cette demeure

Michaeumll ancien marin devenu berger est un eacutetranger dans cette campagne isoleacutee Il va convoiter Alice pour srsquointeacutegrer dans ce monde hostile

Tous ses personnages vont se reacuteveacuteler nous raconter leur histoire parfois tragique parfois cocasse

Que veulent-ils devenir Prendront-ils leur destineacutee en main

Nous deacutecouvrons le sens de la fecircte les rites et coutumes funeacuteraires de la campagne irlandaise Nous ressentons lrsquoisolement de ses contreacutees la vie rude et solitaire de ses habitants ainsi que le climat rigoureux et froid

Crsquoest agrave la fois violent et tendre eacutemouvant et burlesque

Les comeacutediens nous eacutemeuvent et nous transpercent le cœur

Avec Alice Nathalie Beacutecue nous bouleverse

Daniel Pierre-Alain Chapuis bourru et tendre nous attendri

John Philippe Smith eacuteleacutegant et serein nous seacuteduit

Sans oublier Theacuteo Chedeville touchant dans le rocircle du jeune berger Michaeumll

Page 34: BOURRASQUE - Théâtre Montansier · 2018. 5. 7. · composé Bourrasque, que Félix Prader met en scène avec igueu (1). Synge affimait u’au théâtre, « il faut du réel, il

jeudi 22 mars 2018

Bourrasque de Nathalie Beacutecue

Bourrasque est un de ces spectacles dont on mesure la chance quils existent Parce que Nathalie Beacutecue a fait un travail deacutecriture tregraves reacuteussi librement adapteacute de la piegravece LrsquoOmbre de la valleacutee en reprenant lrsquoargument tout en modifiant les enjeux et la porteacutee Elle place le spectateur au plus pregraves de latmosphegravere poeacutetique qui a impreacutegneacute lIrlande que John Millington Synge (1871-1909) nous a fait deacutecouvrir au XIXdeg siegravecle et qui est encore tregraves vivante gracircce agrave la moderniteacute de la mise en scegravene de Feacutelix Prader La distribution est habile avec Nathalie Beacutecue qui interpregravete Alice Burke et trois autres comeacutediens Pierre-Alain Chapuis (Daniel Burke) Theacuteo Chedeville (Michaeumll Dara) et Philippe Smith (John) tous diffeacuterents qui permettent dapporter des points de vue parfois deacuteroutants maintenant le spectateur quasiment en haleine comme sil eacutetait au coeur dun thriller Le caractegravere primitif de la vie sociale si particuliegravere des icircles drsquoAran en deviendrait presque normal dans un deacutecor rustique simple et familier

Par un soir de violente tempecircte que lon entendra rugir derriegravere la verriegravere Alice Burke veille son mari deacutefunt lrsquoacircpre et ombrageux fermier Dan Burke comme le veut la coutume dans cette contreacutee reculeacutee Silence dans la chaumiegravere isoleacutee quand agrave la porte frappe un inconnu nomade des collines cueilleur drsquohistoires (Synge) qui ravive dans lrsquoacircme dAlice la soif drsquoun ailleurs Un autre homme bouscule les certitudes dAlice Michaeumll Dara le marin devenu berger qui vit agrave quelques lieues et convoite agrave la fois les biens et la femmethinsp Et si soudain srsquoeacuteveillait le deacutefunt chahutant les vivants que ferait Alicethinsp

Le mort est sur scegravene muet cela va sans dire mais bien preacutesent tout de mecircme Sa femme lui rend hommage malgreacute les cahots qui ont chahuteacute sa vie Cest une femme simple qui a les pieds sur terre capable dun brin de fantaisie que lon remarque dans le point de tricot du gilet quelle porte sur une robe bleu marine Sans doute reacutealiseacute avec la laine de ses moutons Les paroles se bousculent au rythme des souvenirs et agrave la mesure des angoisses qui lassaillent comme des ressentiments quelle exprime toute seule La tempecircte qui agite son esprit est semblable agrave celle qui souffle au dehors Elle reconnait quelle ne sait plus ougrave elle en est et sassoit pregraves de celui qui fut son homme Chaque mort serait une eacutetoile qui scintille dans le ciel Au-delagrave de cette jolie image Alice est confronteacutee agrave labsence de deux beaux enfants partis aux Ameacuteriques et aujourdrsquohui un mari qui part et agrave qui elle parle comme sil eacutetait vivant et comme elle ne lui a sans doute jamais parleacute parce que jusque-lagrave elle nosait pas Tout bascule ccedila vrille comment crsquoest possible possible je suis en colegravere

Elle refuse puis accueille la reacutealiteacute et lhomme eacutetranger qui explique sa fonction je cueille des mots Et qui fait davantage en analysant les eacutevegravenements Cest lui qui le premier a un doute Il est mort votre copain On dirait qursquoil fait le mort Si effectivement la mort neacutetait quune ruse pour permettre de deacutebusquer la veacuteriteacute vraie agrave linstar dOrgon cacheacute sous la nappe pour confondre Tartuffe

La langue choisie par Nathalie Beacutecue est preacutecise poeacutetique et feacuteroce Si je deacutesentortille votre charabia Jrsquoai trop la trouille pour pas y aller avant de se deacutecider agrave deacuterouler ses recircves sous ses pas

Faisons-nous aussi le pas pour ne pas louper ce petit bijou qui se joue au theacuteacirctre de la Tempecircte jusquau 15 avril 2018

Bourrasque de Nathalie Beacutecue Mise en scegravene Feacutelix Prader Avec Nathalie Beacutecue (Alice Burke) Pierre-Alain Chapuis (Daniel Burke) Theacuteo Chedeville (Michaeumll Dara) Philippe Smith (John) Sceacutenographie et costumes Ceacutecilia Galli Creacuteation sonore Estelle Lembert Direction des combats Franccedilois Rostain Du 16 mars au 15 avril 2018 Du mardi au samedi 20 h 30 dimanche 16 h 30 Les photos qui ne sont pas logotypeacutees A bride abattue sont de Antonia Bozzi Publieacute par marie-claire agrave 2335 Envoyer par e-mailBlogThisPartager sur TwitterPartager sur FacebookPartager sur Pinterest Libelleacutes coup de coeur spectacle theacuteacirctre

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17 Mars 2018

ABOZZI

Bourrasque jusqursquoau 1504 th de La tempecircte

Mouvance de la destineacutee

De Nathalie Beacutecue inspireacute de lrsquoœuvre de John Millington Synge dramaturge irlandais 1871- 1909Mise en scegravene Feacutelix Prader

Au premier instant nous nous sommes happeacutes par un merveilleux poegraveme invoquant le chagrin des ecirctres perdus la solitude la deacutetresse la tristesse les regrets

laquo Pourquoi jrsquoai reccedilu cette vie Au lieu drsquoattraper lrsquoair transparent dans le bleu du cielhelliphellip Rester lagrave agrave attendre la Balayure du soir raquo

Une atmosphegravere de conte de poeacutesie et de mystegravere nous enveloppe

Un jour de grande tempecircte au plus profond de la campagne irlandaise nous peacuteneacutetrons dans une sobre demeure Il va se deacuterouler sous nos yeux pleins drsquoeacutetonnement un conte tragi-comique

Les personnages sont hauts en couleur

Un paysan Daniel Burke rustre et srsquoabreuvant de whisky pour oublier sa peur et la tristesse de la vie simule sa mort pour espionner sa femme

Alice soumise agrave sa condition se questionne sur sa vie passeacutee et agrave venir Tout en veillant son deacutefunt mari

John marcheur solitaire poegravete eacutecrivain et avide de liberteacute eacutecoutant et observant le monde arrive agrave lrsquoimproviste dans cette demeure

Michaeumll ancien marin devenu berger est un eacutetranger dans cette campagne isoleacutee Il va convoiter Alice pour srsquointeacutegrer dans ce monde hostile

Tous ses personnages vont se reacuteveacuteler nous raconter leur histoire parfois tragique parfois cocasse

Que veulent-ils devenir Prendront-ils leur destineacutee en main

Nous deacutecouvrons le sens de la fecircte les rites et coutumes funeacuteraires de la campagne irlandaise Nous ressentons lrsquoisolement de ses contreacutees la vie rude et solitaire de ses habitants ainsi que le climat rigoureux et froid

Crsquoest agrave la fois violent et tendre eacutemouvant et burlesque

Les comeacutediens nous eacutemeuvent et nous transpercent le cœur

Avec Alice Nathalie Beacutecue nous bouleverse

Daniel Pierre-Alain Chapuis bourru et tendre nous attendri

John Philippe Smith eacuteleacutegant et serein nous seacuteduit

Sans oublier Theacuteo Chedeville touchant dans le rocircle du jeune berger Michaeumll

Page 35: BOURRASQUE - Théâtre Montansier · 2018. 5. 7. · composé Bourrasque, que Félix Prader met en scène avec igueu (1). Synge affimait u’au théâtre, « il faut du réel, il

Par un soir de violente tempecircte que lon entendra rugir derriegravere la verriegravere Alice Burke veille son mari deacutefunt lrsquoacircpre et ombrageux fermier Dan Burke comme le veut la coutume dans cette contreacutee reculeacutee Silence dans la chaumiegravere isoleacutee quand agrave la porte frappe un inconnu nomade des collines cueilleur drsquohistoires (Synge) qui ravive dans lrsquoacircme dAlice la soif drsquoun ailleurs Un autre homme bouscule les certitudes dAlice Michaeumll Dara le marin devenu berger qui vit agrave quelques lieues et convoite agrave la fois les biens et la femmethinsp Et si soudain srsquoeacuteveillait le deacutefunt chahutant les vivants que ferait Alicethinsp

Le mort est sur scegravene muet cela va sans dire mais bien preacutesent tout de mecircme Sa femme lui rend hommage malgreacute les cahots qui ont chahuteacute sa vie Cest une femme simple qui a les pieds sur terre capable dun brin de fantaisie que lon remarque dans le point de tricot du gilet quelle porte sur une robe bleu marine Sans doute reacutealiseacute avec la laine de ses moutons Les paroles se bousculent au rythme des souvenirs et agrave la mesure des angoisses qui lassaillent comme des ressentiments quelle exprime toute seule La tempecircte qui agite son esprit est semblable agrave celle qui souffle au dehors Elle reconnait quelle ne sait plus ougrave elle en est et sassoit pregraves de celui qui fut son homme Chaque mort serait une eacutetoile qui scintille dans le ciel Au-delagrave de cette jolie image Alice est confronteacutee agrave labsence de deux beaux enfants partis aux Ameacuteriques et aujourdrsquohui un mari qui part et agrave qui elle parle comme sil eacutetait vivant et comme elle ne lui a sans doute jamais parleacute parce que jusque-lagrave elle nosait pas Tout bascule ccedila vrille comment crsquoest possible possible je suis en colegravere

Elle refuse puis accueille la reacutealiteacute et lhomme eacutetranger qui explique sa fonction je cueille des mots Et qui fait davantage en analysant les eacutevegravenements Cest lui qui le premier a un doute Il est mort votre copain On dirait qursquoil fait le mort Si effectivement la mort neacutetait quune ruse pour permettre de deacutebusquer la veacuteriteacute vraie agrave linstar dOrgon cacheacute sous la nappe pour confondre Tartuffe

La langue choisie par Nathalie Beacutecue est preacutecise poeacutetique et feacuteroce Si je deacutesentortille votre charabia Jrsquoai trop la trouille pour pas y aller avant de se deacutecider agrave deacuterouler ses recircves sous ses pas

Faisons-nous aussi le pas pour ne pas louper ce petit bijou qui se joue au theacuteacirctre de la Tempecircte jusquau 15 avril 2018

Bourrasque de Nathalie Beacutecue Mise en scegravene Feacutelix Prader Avec Nathalie Beacutecue (Alice Burke) Pierre-Alain Chapuis (Daniel Burke) Theacuteo Chedeville (Michaeumll Dara) Philippe Smith (John) Sceacutenographie et costumes Ceacutecilia Galli Creacuteation sonore Estelle Lembert Direction des combats Franccedilois Rostain Du 16 mars au 15 avril 2018 Du mardi au samedi 20 h 30 dimanche 16 h 30 Les photos qui ne sont pas logotypeacutees A bride abattue sont de Antonia Bozzi Publieacute par marie-claire agrave 2335 Envoyer par e-mailBlogThisPartager sur TwitterPartager sur FacebookPartager sur Pinterest Libelleacutes coup de coeur spectacle theacuteacirctre

critiquetheatreclaucom

17 Mars 2018

ABOZZI

Bourrasque jusqursquoau 1504 th de La tempecircte

Mouvance de la destineacutee

De Nathalie Beacutecue inspireacute de lrsquoœuvre de John Millington Synge dramaturge irlandais 1871- 1909Mise en scegravene Feacutelix Prader

Au premier instant nous nous sommes happeacutes par un merveilleux poegraveme invoquant le chagrin des ecirctres perdus la solitude la deacutetresse la tristesse les regrets

laquo Pourquoi jrsquoai reccedilu cette vie Au lieu drsquoattraper lrsquoair transparent dans le bleu du cielhelliphellip Rester lagrave agrave attendre la Balayure du soir raquo

Une atmosphegravere de conte de poeacutesie et de mystegravere nous enveloppe

Un jour de grande tempecircte au plus profond de la campagne irlandaise nous peacuteneacutetrons dans une sobre demeure Il va se deacuterouler sous nos yeux pleins drsquoeacutetonnement un conte tragi-comique

Les personnages sont hauts en couleur

Un paysan Daniel Burke rustre et srsquoabreuvant de whisky pour oublier sa peur et la tristesse de la vie simule sa mort pour espionner sa femme

Alice soumise agrave sa condition se questionne sur sa vie passeacutee et agrave venir Tout en veillant son deacutefunt mari

John marcheur solitaire poegravete eacutecrivain et avide de liberteacute eacutecoutant et observant le monde arrive agrave lrsquoimproviste dans cette demeure

Michaeumll ancien marin devenu berger est un eacutetranger dans cette campagne isoleacutee Il va convoiter Alice pour srsquointeacutegrer dans ce monde hostile

Tous ses personnages vont se reacuteveacuteler nous raconter leur histoire parfois tragique parfois cocasse

Que veulent-ils devenir Prendront-ils leur destineacutee en main

Nous deacutecouvrons le sens de la fecircte les rites et coutumes funeacuteraires de la campagne irlandaise Nous ressentons lrsquoisolement de ses contreacutees la vie rude et solitaire de ses habitants ainsi que le climat rigoureux et froid

Crsquoest agrave la fois violent et tendre eacutemouvant et burlesque

Les comeacutediens nous eacutemeuvent et nous transpercent le cœur

Avec Alice Nathalie Beacutecue nous bouleverse

Daniel Pierre-Alain Chapuis bourru et tendre nous attendri

John Philippe Smith eacuteleacutegant et serein nous seacuteduit

Sans oublier Theacuteo Chedeville touchant dans le rocircle du jeune berger Michaeumll

Page 36: BOURRASQUE - Théâtre Montansier · 2018. 5. 7. · composé Bourrasque, que Félix Prader met en scène avec igueu (1). Synge affimait u’au théâtre, « il faut du réel, il

La langue choisie par Nathalie Beacutecue est preacutecise poeacutetique et feacuteroce Si je deacutesentortille votre charabia Jrsquoai trop la trouille pour pas y aller avant de se deacutecider agrave deacuterouler ses recircves sous ses pas

Faisons-nous aussi le pas pour ne pas louper ce petit bijou qui se joue au theacuteacirctre de la Tempecircte jusquau 15 avril 2018

Bourrasque de Nathalie Beacutecue Mise en scegravene Feacutelix Prader Avec Nathalie Beacutecue (Alice Burke) Pierre-Alain Chapuis (Daniel Burke) Theacuteo Chedeville (Michaeumll Dara) Philippe Smith (John) Sceacutenographie et costumes Ceacutecilia Galli Creacuteation sonore Estelle Lembert Direction des combats Franccedilois Rostain Du 16 mars au 15 avril 2018 Du mardi au samedi 20 h 30 dimanche 16 h 30 Les photos qui ne sont pas logotypeacutees A bride abattue sont de Antonia Bozzi Publieacute par marie-claire agrave 2335 Envoyer par e-mailBlogThisPartager sur TwitterPartager sur FacebookPartager sur Pinterest Libelleacutes coup de coeur spectacle theacuteacirctre

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17 Mars 2018

ABOZZI

Bourrasque jusqursquoau 1504 th de La tempecircte

Mouvance de la destineacutee

De Nathalie Beacutecue inspireacute de lrsquoœuvre de John Millington Synge dramaturge irlandais 1871- 1909Mise en scegravene Feacutelix Prader

Au premier instant nous nous sommes happeacutes par un merveilleux poegraveme invoquant le chagrin des ecirctres perdus la solitude la deacutetresse la tristesse les regrets

laquo Pourquoi jrsquoai reccedilu cette vie Au lieu drsquoattraper lrsquoair transparent dans le bleu du cielhelliphellip Rester lagrave agrave attendre la Balayure du soir raquo

Une atmosphegravere de conte de poeacutesie et de mystegravere nous enveloppe

Un jour de grande tempecircte au plus profond de la campagne irlandaise nous peacuteneacutetrons dans une sobre demeure Il va se deacuterouler sous nos yeux pleins drsquoeacutetonnement un conte tragi-comique

Les personnages sont hauts en couleur

Un paysan Daniel Burke rustre et srsquoabreuvant de whisky pour oublier sa peur et la tristesse de la vie simule sa mort pour espionner sa femme

Alice soumise agrave sa condition se questionne sur sa vie passeacutee et agrave venir Tout en veillant son deacutefunt mari

John marcheur solitaire poegravete eacutecrivain et avide de liberteacute eacutecoutant et observant le monde arrive agrave lrsquoimproviste dans cette demeure

Michaeumll ancien marin devenu berger est un eacutetranger dans cette campagne isoleacutee Il va convoiter Alice pour srsquointeacutegrer dans ce monde hostile

Tous ses personnages vont se reacuteveacuteler nous raconter leur histoire parfois tragique parfois cocasse

Que veulent-ils devenir Prendront-ils leur destineacutee en main

Nous deacutecouvrons le sens de la fecircte les rites et coutumes funeacuteraires de la campagne irlandaise Nous ressentons lrsquoisolement de ses contreacutees la vie rude et solitaire de ses habitants ainsi que le climat rigoureux et froid

Crsquoest agrave la fois violent et tendre eacutemouvant et burlesque

Les comeacutediens nous eacutemeuvent et nous transpercent le cœur

Avec Alice Nathalie Beacutecue nous bouleverse

Daniel Pierre-Alain Chapuis bourru et tendre nous attendri

John Philippe Smith eacuteleacutegant et serein nous seacuteduit

Sans oublier Theacuteo Chedeville touchant dans le rocircle du jeune berger Michaeumll

Page 37: BOURRASQUE - Théâtre Montansier · 2018. 5. 7. · composé Bourrasque, que Félix Prader met en scène avec igueu (1). Synge affimait u’au théâtre, « il faut du réel, il

critiquetheatreclaucom

17 Mars 2018

ABOZZI

Bourrasque jusqursquoau 1504 th de La tempecircte

Mouvance de la destineacutee

De Nathalie Beacutecue inspireacute de lrsquoœuvre de John Millington Synge dramaturge irlandais 1871- 1909Mise en scegravene Feacutelix Prader

Au premier instant nous nous sommes happeacutes par un merveilleux poegraveme invoquant le chagrin des ecirctres perdus la solitude la deacutetresse la tristesse les regrets

laquo Pourquoi jrsquoai reccedilu cette vie Au lieu drsquoattraper lrsquoair transparent dans le bleu du cielhelliphellip Rester lagrave agrave attendre la Balayure du soir raquo

Une atmosphegravere de conte de poeacutesie et de mystegravere nous enveloppe

Un jour de grande tempecircte au plus profond de la campagne irlandaise nous peacuteneacutetrons dans une sobre demeure Il va se deacuterouler sous nos yeux pleins drsquoeacutetonnement un conte tragi-comique

Les personnages sont hauts en couleur

Un paysan Daniel Burke rustre et srsquoabreuvant de whisky pour oublier sa peur et la tristesse de la vie simule sa mort pour espionner sa femme

Alice soumise agrave sa condition se questionne sur sa vie passeacutee et agrave venir Tout en veillant son deacutefunt mari

John marcheur solitaire poegravete eacutecrivain et avide de liberteacute eacutecoutant et observant le monde arrive agrave lrsquoimproviste dans cette demeure

Michaeumll ancien marin devenu berger est un eacutetranger dans cette campagne isoleacutee Il va convoiter Alice pour srsquointeacutegrer dans ce monde hostile

Tous ses personnages vont se reacuteveacuteler nous raconter leur histoire parfois tragique parfois cocasse

Que veulent-ils devenir Prendront-ils leur destineacutee en main

Nous deacutecouvrons le sens de la fecircte les rites et coutumes funeacuteraires de la campagne irlandaise Nous ressentons lrsquoisolement de ses contreacutees la vie rude et solitaire de ses habitants ainsi que le climat rigoureux et froid

Crsquoest agrave la fois violent et tendre eacutemouvant et burlesque

Les comeacutediens nous eacutemeuvent et nous transpercent le cœur

Avec Alice Nathalie Beacutecue nous bouleverse

Daniel Pierre-Alain Chapuis bourru et tendre nous attendri

John Philippe Smith eacuteleacutegant et serein nous seacuteduit

Sans oublier Theacuteo Chedeville touchant dans le rocircle du jeune berger Michaeumll

Page 38: BOURRASQUE - Théâtre Montansier · 2018. 5. 7. · composé Bourrasque, que Félix Prader met en scène avec igueu (1). Synge affimait u’au théâtre, « il faut du réel, il

Les personnages sont hauts en couleur

Un paysan Daniel Burke rustre et srsquoabreuvant de whisky pour oublier sa peur et la tristesse de la vie simule sa mort pour espionner sa femme

Alice soumise agrave sa condition se questionne sur sa vie passeacutee et agrave venir Tout en veillant son deacutefunt mari

John marcheur solitaire poegravete eacutecrivain et avide de liberteacute eacutecoutant et observant le monde arrive agrave lrsquoimproviste dans cette demeure

Michaeumll ancien marin devenu berger est un eacutetranger dans cette campagne isoleacutee Il va convoiter Alice pour srsquointeacutegrer dans ce monde hostile

Tous ses personnages vont se reacuteveacuteler nous raconter leur histoire parfois tragique parfois cocasse

Que veulent-ils devenir Prendront-ils leur destineacutee en main

Nous deacutecouvrons le sens de la fecircte les rites et coutumes funeacuteraires de la campagne irlandaise Nous ressentons lrsquoisolement de ses contreacutees la vie rude et solitaire de ses habitants ainsi que le climat rigoureux et froid

Crsquoest agrave la fois violent et tendre eacutemouvant et burlesque

Les comeacutediens nous eacutemeuvent et nous transpercent le cœur

Avec Alice Nathalie Beacutecue nous bouleverse

Daniel Pierre-Alain Chapuis bourru et tendre nous attendri

John Philippe Smith eacuteleacutegant et serein nous seacuteduit

Sans oublier Theacuteo Chedeville touchant dans le rocircle du jeune berger Michaeumll