Beautiful Disaster T2,5 - Beautiful...
Transcript of Beautiful Disaster T2,5 - Beautiful...
McGUIREJAMIE
BeautifulWeddingMaisond’édition:J’ailu
Traduitdel’anglais(États-Unis)parAgnèsGirard
©JamieMcGuire,2013Pourlatraductionfrançaise:©ÉditionsJ’ailu,2015Dépôtlégal:Dépôtlégalmars2015
ISBNnumérique:9782290107942ISBNdupdfweb:9782290107966
Lelivreaétéimprimésouslesréférences:ISBN:9782290105177
CedocumentnumériqueaétéréaliséparNordCompo.
Présentationdel’éditeur:Pourquoi Abby a-t-elle souhaité épouser Travis après l’accident du bâtiment Keaton ?Quels secrets ont-ils partagé avant la cérémonie ?Où leurs noces se sont-ellesdéroulées?Quelqu’unavait-ilconnaissancedeleurprojet?Cequis’estpasséàVegas…neresteplusàVegas!AbbyetTravisdissipentenfinleszonesd’ombreplanantautourdecejour(etdecettenuit)exceptionnel,etnousendisentmêmeunpeuplus…Larécompensed’unelongueattentequienvalaitlapeine.Êtes-vousprêtesàfugueravecTravisMaddox?
©Fotolia©GettyImage
Biographiedel’auteur:Diplôméeenradiographie,JamieMcGuirevitdansl’Oklahomaavecsonmarietsestroisenfants.D’abordautoédité,sonprécédentromanBeautifulDisasterestrapidementdevenuunbest-sellermondial, lauréatduprixBookExpoAmerica2012danslacatégorieMeilleureromance.
Titreoriginal:ABEAUTIFULWEDDING
Éditeuroriginal:Atria,adivisionofSimonandSchuster,Inc.
©JamieMcGuire,2013
Pourlatraductionfrançaise:©ÉditionsJ’ailu,2015
DumêmeauteurauxÉditionsJ’ailu
BEAUTIFULDISASTER
WALKINGDISASTER
Numérique
MMEMADDOX
PourDanaetSelena
IfIwasdrowningyouwouldpartthesea
Andriskyourownlifetorescueme1…
JonBONJOVI,«Thankyouforlovingme».
1.TuouvriraislesmerssijemenoyaisPourmeportersecourstavieturisquerais…(N.d.T.)
Sommaire
Couverture
IdentitéCopyright
Biographiedel’auteur
DumêmeauteurauxÉditionsJ’ailu
Sommaire
1-AlibiAbby
Travis
2-MarchearrièreAbby
Travis
3-BonneétoileAbby
Travis
4-TroisheuresTravis
Abby
5-PrisTravis
Abby
6-MortouvifTravis
Abby
7-CashTravis
Abby
8-EnfinTravis
Abby
9-AvantAbby
10-EncréeAbby
11-RetourTravis
Abby
12-AnniversaireAbby
Travis
1314-JeunefilleAbby
Travis
15-Ilsfurentheureuxeteurentbeaucoupd’enfantsTravis
Abby
1
Alibi
Abby
Jelesentaisvenir:unmalaisecroissant,persistant,quisefrayaituncheminsousmapeau.Plusjecherchaisà l’ignorer,plusceladevenait insupportable :unedémangeaisonquiexigeaitqu’on lasoulage,uncriquiremontaitàlasurface.Monpèredisaittoujoursquelebesoinurgentdefuirquandleschosesétaientsurlepointdemaltournerétaitcommeunréflexe,unmécanismededéfenseinnéchez lesAbernathy.Cebesoin, je l’avais ressenti juste avant l’incendie, et je l’éprouvais là, en cetinstant.
Assise dans la chambre de Travis, quelques heures à peine après l’incendie, j’avais le cœurbattant,jemesentaisfébrile.Mestripesmehurlaientdefuir,d’allern’importeoùmaisdepartir.Maispour la première fois de mon existence, je n’avais pas envie de partir seule. Je peinais à meconcentrersurlavoixquej’aimaistantetquim’expliquaitsapeurdemeperdre,etlafaçondont,aumomentdesortirdelafournaise,lebesoindefairedemi-tourpourmerejoindreavaitétéplusfortquetout.Lesvictimesétaientnombreuses.Desinconnuspourlaplupart,maisj’avaiscroisécertainsd’entreeuxàlacafétéria,encours,oulorsd’autrescombats.
Nousnousenétionssortis,sanstropsavoircomment,et,réunischezlui,noustentionsdefairele point. La peur nous étreignait encore, nous nous sentions coupables – d’être vivants alors qued’autres étaient morts. Mes poumons irrités me brûlaient et l’odeur âcre de chair carbonisée mepoursuivait. J’avais pris une douche,mais elle était encore là, puissante, insurmontable, mêlée auparfumdementheetdelavandedusavonaveclequelj’avaisrécurémapeau.Lesbruitsnonplusnem’avaient pas quittée. Les sirènes, les gémissements, les conciliabules inquiets et paniqués, et leshurlementsdeceuxqui,venusvoirdequoiilretournait,découvraientqu’undeleursamissetrouvaitencoreàl’intérieur.Lesrescapésseressemblaienttous:leursvisagesnoircisparlafuméeoffraientlamêmeexpressiondestupéfactionetdedésespoir.Uncauchemar.
J’avaisdumalàmeconcentrer,maisj’entendisTravisdirececi:«Laseulechosequimefaitpeur,c’estlaviesanstoi,Poulette.»
Nousavionseubeaucoupdechance.MêmedansuneruellesombreetmalfaméedeLasVegas,attaqués par les sbires deBenny, nous avions réussi à nous en sortir. Travis était invincible.MaisappartenirauCercle,etparticiperàl’organisation–dansdesconditionsdesécuritéapproximatives–d’uncombatdontl’issueavaitétélamortdeplusieursdizainesd’étudiants…cettebataille-là,mêmeTravisMaddoxnepouvaitlaremporter.Etilnelesavaitpeut-êtrepasencore,maisc’étaitl’obstaclequipourraitnousséparer.Leseulobstaclesurlequeliln’avaitaucuncontrôle.
—Alorstun’asplusrienàcraindre,répondis-je.Nousdeux,c’estpourtoujours.Ilsoupira,posaleslèvressurmescheveux.Jamaisjen’auraiscrupossibledeteniràcepointà
quelqu’un.Ilm’avaitprotégée.Maintenant,c’étaitmontour.—C’estça.C’estexactementça,dit-il.—Quoi?—Quandjet’airencontrée,j’aitoutdesuitesuqu’ilyavaitquelquechoseentoidontj’avais
besoin.Enfait,cen’étaitpasquelquechose.C’étaittoi.Justetoi.Jemesentisfondre.Jel’aimais.Jel’aimais,etjedevaisfairetoutcequiétaitenmonpouvoir
pour le protéger. Quel qu’en soit le prix. Même si c’était de la folie. Restait à le convaincred’accepter.
Jemeserraicontrelui,appuyailajouecontresontorse.— C’est nous, Travis. Rien n’a de sens quand nous ne sommes pas tous les deux. Tu as
remarqué?—Remarqué?Je te le répètedepuis ledébut !Etc’estofficiel : lesblondes, lescombats, les
ruptures,Parker,Vegas…etmêmelesincendies.Notrecouplerésisteàtout!—Vegas?demandai-je.Aumême instant, leplus foudesprojets sedessinadansmonesprit, et il nemeparutplus si
insensélorsquejeplongeaidanssonregardchaleureux.Cesyeuxnoisettedonnaientunsensàtout.Son visage et son cou, encore couverts de suiemêlée de sueur,me rappelèrent à quel point nousavionsétésurlepointdetoutperdre.
Monespritsemitenmodeturbo.Nousn’avionsbesoinquedequelquesaffairesetpouvionsêtredehorsenmoinsdecinqminutes.Nouspourrionsacheterd’autresvêtementssurplace.Plustôtnouspartirions,mieuxceserait.Personnenecroiraitquedeuxpersonnesaientsongéàprendreunavionjusteaprèsunetelletragédie.Celan’avaitpasdesens,etc’étaitjustementpourcetteraisonqu’ilétaitnécessairedelefaire.
Je devais entraîner Travis loin de tout ça, mais il me fallait un prétexte. Quelque chose decrédible,mêmesic’étaitfou.Heureusement,luicommemoiavionsunecertainepropensionàfairedes folies, et il était possible que les enquêteursmettent en doute le témoignage de tous ceux quiavaientvuTravissebattredanslesous-soldubâtimentKeatoncesoir-là,s’ilsavaientlapreuvequ’àpeinequelquesheuresplustardnousnousmariionsàVegas.C’étaitcomplètementdélirant,maisjenevoyaispasquoifaired’autre.Jen’avaispasletempsd’échafauderunnouveauplan.Nousaurionsdûêtredéjàpartis.
Travisme fixaitd’un regard interrogateur,prêt à accepter sanscondition tout cequipourraitsortirdemabouche.Merde,jenepouvaispasleperdremaintenant,pasaprèstoutcequenousavionstraversépourarriveràcetinstant.Auxyeuxdetous,nousétionstropjeunespournousmarier,tropimprévisibles.Combiendefoisnousétions-nousfaitdumall’unàl’autre,noushurlantdeshorreurspourfinalementnousretrouverdanslemêmelit?Nousvenionsdevoiràquelpointlavienetenaitqu’àunfil.Lamortpouvaitàtoutmomentbalayerl’und’entrenous.Jelefixaiàmontour,décidée.Nousétionsfaitsl’unpourl’autre.Jen’étaispassûredegrand-chose,maisdeça,si.
Ilfronçalessourcils.—Oui?—Est-cequetuasdéjàenvisagéd’yretourner?—Heu…jenecroispasquecesoitunebonneidée,encequimeconcerne.Quelques semaines plus tôt, je lui avais brisé le cœur. J’avais encore fraîchement présente à
l’esprit l’image deTravis courant après la voiture d’America aumoment où il avait compris quec’étaitfini.IldevaitcombattrepourBennyàLasVegas,etj’avaisrefuséd’yaller.Mêmepourlui.Ilavaiteudesmomentstrèsdifficilespendantnotreséparation.Ilm’avaitsuppliéeàgenouxderevenir,maisj’étaisdécidéeànejamaisretrouverlaviequej’avaisconnueauNevada,etj’avaisrefusé.Luidemandermaintenant dem’y accompagner faisait demoi une authentique salope, et jem’attendaispresqueàcequ’ilmedised’allermefairevoir.Maisc’étaitlaseulesolutionquej’avais,etletempspressait.
—Etsionnefaitquel’aller-retour?Unenuitsurplace,pasplus.Unenuitmesuffisaitlargement.Ilfallaitjustequenouslapassionsailleurs.Il regarda autourde lui, scrutant la pénombre, cherchantquoi répondre, sedemandant ceque
j’avais vraiment envie d’entendre. Jouer ce rôleme déplaisait profondément, celui de la fille pasfrancheducollierquiprovoqueunénormemalentendu.Mais jenepouvaispas révéler lavérité àTravissurlapropositionquejevenaisdeluifaire.Jamaisiln’accepteraitdevenir.
—Unenuit?!?Ilétaitvisiblementinterloqué,nesavaitquerépondre.Sansdouteprenait-ilcelapourunemiseà
l’épreuve,maislaseulechosequejedésirais,moi,c’étaitqu’ildiseoui.—Épouse-moi,lâchai-jesoudain.Ilrestabouchebée.Ilmesemblaqu’uneéternités’écoulait,puisunlargesouriresedessinasur
seslèvres,etilm’embrassa.Sonbaisermehurlaitdesdizainesdesentimentsdifférents.Moi,j’étaisenproieàunaffrontementviolententresoulagementetpanique.Çaallaitmarcher.Nousallionsnousmarier,Travisauraitunalibiettoutrentreraitdansl’ordre.
Ohputain.NomdeDieu.Bordel.Merde.J’allaismemarier.
Travis
AbbyAbernathyétait connuepourunechose : elle savait cacher son jeu.Elleétait capabledecommettreuncrimeetdesourirecommesiderienn’était,dementirsanslemoindretroubledansleregard.Unseulêtreaumondepouvaitespérerarriveràlireenelle,etlàildevaitdéciderdetenterlecoupounonavecelle.
Cetêtre,c’étaitmoi.Abby avait perdu son enfance,moi, j’avais perdumamère, onboxait pour ainsi dire dans la
mêmecatégorie.Celamedonnaitunlégeravantageet,aprèsavoirtentépendantplusieursmoisdelapercerà jour, j’étaisarrivéàuneconclusion :siAbbycachaitsibienson jeu,c’étaitparcequ’ellen’en avait pas. Cela peut paraître absurde, mais pour moi tout c’était on ne peut plus clair. Enl’occurrence,c’étaitsonabsencededuplicitéquil’avaittrahie.L’expressionpaisibledesonregard,ladouceurde son sourire, sonapparente sérénitém’avaient fait comprendrequequelquechosenetournaitpasrond.
Si jene l’avaispasconnueàcepoint, jemeseraispeut-êtreditquec’était là lehappyend denotre histoire, mais je voyais bien qu’elle avait une idée derrière la tête. Assis en salled’embarquement, attendant l’avion pour Vegas, Abby pelotonnée contre moi, je savais que faire«commesi»étaitl’optionlaplusfacile.Ellelevaitsansarrêtsamainpourregarderlabaguequejeluiavaisofferte,etsoupirait.Enfacedenous,unefemmed’unequarantained’annéesregardaitmafiancée et souriait, repensant probablement à l’époque où elle-même avait la vie devant elle. Elleignoraitcequesignifiaientcessoupirs,maismoi,j’enavaisuneidéeassezprécise.
Après ce qui s’était passé, il était difficile de bondir de joie à l’idée de ce que nous nousapprêtionsà faire.Lenuagede toutes lesvictimesde l’incendiepesait trop lourdau-dessusdenostêtes.Carilétaitréellementsuspenduau-dessusdenostêtes.Dansuncoindelasalle,unetélédiffusaitlejournallocal.Desimagesetlesdernièresinfossurl’incendiedéfilaientàl’écran.JoshFarneyétaitinterviewé.Ilétaitcouvertdesuie,avaitunetêteàfairepeur,maisj’étaissoulagéqu’ils’ensoitsorti.Quandjel’avaiscroisé,justeavantlecombat,ilétaitdéjàcarrémentbourré.Laplupartdeceuxqui
venaient au Cercle arrivaient ivres, ou se murgeaient en attendant le début du combat. Quand lesflammes avaient commencé à se répandre dans la salle, l’adrénaline avait dégrisé même les plusalcoolisés.
Siseulementtouts’étaitpassécommed’habitude.Ilyavaiteubeaucoupdevictimes,etcen’étaitpasprécisémentlegenred’événementdontonrêvaitjusteavantsonmariage.Jesavais,pourl’avoirdéjàvécu,quelesouvenird’unetragédiepouvaitperdreenvivacitéavecletemps.Associercettedateà un événement que nous fêterions chaque année pour le restant de nos jours, en revanche, nousempêcheraitàjamaisd’oublier.Putain,ilssortaientencoredescadavresdesdécombresetmoi,jemecomportais comme si toute cette histoire m’agaçait. Des parents ignoraient encore qu’ils nereverraientjamaisleurmôme.
Jem’en voulus d’être aussi égoïste, et ce sentiment de culpabilité me poussa à réfléchir. Lesimple fait que nous soyons sur le point de nous marier était déjà un miracle. Je ne voulais pasqu’Abbym’imagineautrementquecarrémententhousiasméparcetteperspective.Laconnaissant,elleseferaituntasd’idéesfaussesetchangeraitd’avis.Alorsjemeconcentraisurelle,etsurcequenousétionssurlepointdefaire.Jevoulaisêtreunfuturmariénormal,surexcitéaupointd’avoirenviedegerber,etelleneméritaitpasmoins.Ceneseraitpaslapremièrefoisquejeferaissemblantd’êtrecomplètementdétachéd’unepenséequinemequittaitpas.Lapreuvevivantedecedétachementfeintétaitblottietoutcontremoi.
Àlatélévision,lajournalistesetrouvaitjustedevantlebâtimentKeaton.Elletenaitsonmicroàdeuxmainsetaffichaitunfroncementdesourcilsdecirconstance.«…laquestionquelesfamillesdesvictimesnemanquerontpasdeseposer:àquilafaute?Endirectducampus,àvouslesstudios».
Soudain j’eus réellement la nausée.Avec autant de victimes, bien sûr qu’ils chercheraient unresponsable.Était-celafauted’Adam?Irait-ilenprison?Etmoi?JeserraiAbbydansmesbrasetl’embrassaisurlescheveux.Derrièreuncomptoir,uneemployéeenuniformeempoignalemicroetse mit à parler, et mes genoux commencèrent à bouger de façon incontrôlable. Il fallait qu’onembarque,etvite,sinonjerisquaisbiendeprendreAbbydansmesbrasetdepiquerunsprintjusqu’àVegas. Si çame permettait d’y être avant l’avion…L’employée récita les instructions relatives àl’embarquement,modulantsavoixenfonctiond’uneannoncequ’elleavaitdûrépéterdesmillionsdefois.Onauraitditl’institutricedansSnoopy:lasse,ennuyeuse,etimpossibleàcomprendre.
La seule chose qui avait du sens, c’était la pensée qui tournait et retournait dansmon esprit :j’allaisépouserlasecondefemmequej’avaisjamaisaimée.
Ilétaitpresquetemps.Merde.NomdeDieu.Bordel,oui!J’allaismemarier!
2
Marchearrière
Abby
Jeregardailecaillouquiétincelaitàmondoigtetsoupiraiunenouvellefois.Cesoupirn’avaitriendecomparableaveccelui,léger,insouciant,d’unejeunefillefraîchementfiancéequicontemplesondiamantdefortbelle taille.C’étaitunsoupirpesant.Unsoupir lourddesentiments,depenséesdifficilesquiéveillaientenmoid’autresidéesplusdifficilesencore.Nousn’arrivionspasàvivrel’unsans l’autre.Cequenousnousapprêtionsà faireétait inévitable,etTravisMaddoxm’aimaitd’unefaçonquienauraitfaitrêverplusd’une.Cesoupirétaitchargéd’inquiétudeetd’espoir.Ilfallaitquemonplanidiotfonctionne.MondésirdevoirTraviss’ensortirétaitsifortqu’ilendevenaitpresquetangible.
—Arrête,Poulette,ditTravis.Tum’énervesàfairetoutletempsça.—C’estjustequ’ilest…tropgros.—Iltevatrèsbien,dit-ilensecarrantsursonfauteuil.Nous étions coincés entre un homme d’affaires qui parlait bas au téléphone et un couple de
retraités.Uneemployéedelacompagnieaériennesetenaitderrièrelecomptoiretparlaitdanscequiressemblait à unmicro de cibi. Pourquoi ne se servaient-ils pas d’unmicro normal ?Elle énonçaquelquesnoms,puisaccrochasonappareilsouslecomptoir.
—Levoldoitêtrecomplet,ditTravis.Sonbrasgaucheétaitposésurledossierdemonfauteuil,etsonpoucecaressaitdoucementmon
épaule.Ilessayaitd’avoirl’airdétendu,maissongenoutressautantletrahissait.—Lediamantesttropgros.J’ail’impressionquejevaismefaireattaqueràtoutinstant.Traviséclataderire.—D’abord,personnenetetouchera,ensuite,cettebagueétaitfaitepourêtreglisséeàtondoigt.
Jel’aitoutdesuitevu…— Votre attention, s’il vous plaît. Parmi les passagers du vol American numéro 2477 à
destinationdeLasVegas,nouscherchonstroisvolontairespourprendrelevolsuivant.Ilsrecevrontendédommagementunbilletidentiqueauleur,valableunan.
Travismeregarda.—Non.—T’espressée?demanda-t-ilavecunsourireencoin.Jemepenchaipourl’embrasser.—Enfait…oui.D’un doigt, j’essuyai sur sa lèvre supérieure une dernière trace de suie, que la douche avait
épargnée.—Merci,bébé,dit-ilenmeserrantcontrelui.Ilregardaautourdenous,lementonbiendroit,lesyeuxbrillants.Jenel’avaispasrevud’aussi
bonnehumeurdepuis le soiroù il avaitgagnénotrepari.Celame fit sourire.Raisonnableoupas,celafaisaitdubiend’êtreaiméeàcepoint,etjedécidaidanslafouléedeneplusm’enexcuser.Ilyavait pire dans la vie quede trouver son âme sœurunpeu trop tôt.Et puis d’abord, que signifiait«troptôt»?
—J’ai parlé de toi avecmamère, une fois, ditTravis en regardant sur notre gauchepar leslargesbaiesvitrées.
Ilfaisaitencorenuit.Cequ’ilvoyaitnesetrouvaitpasdehors.—Demoi?Maisc’est…impossible,non?—Pasvraiment.C’étaitlejourdesamort.Unepousséed’adrénalinecourutdansmesveines.Travisnem’avait jamaisparléde samère.
J’avais souvent euenviede l’interrogerà ce sujet,mais jeneconnaissaisque trop le sentimentdenauséequimesubmergeaitquandquelqu’unmeposaitdesquestionssurmamère,alorsjenel’avaisjamaisfait.
— Elle m’a dit qu’il fallait que je trouve une fille qui mérite qu’on se batte pour elle. Lecontraired’unefillefacile,quoi.
J’étais gênée.Cela voulait-il dire que j’étais vraiment une emmerdeuse de première ?À direvrai,j’enétaisune,maislàn’étaitpaslaquestion.
—Ellem’aditdenejamaiscesserdemebattre,etc’estcequej’aifait.Elleavaitraison.Ilinspiraprofondément,commes’illaissaitcettepenséefairesoncheminenlui.Que Travis pense que j’étais la femme à laquelle sa mère faisait allusion, et qu’elle aurait
approuvésonchoix,éveillaunmoiunsentimentdelégitimitéquejen’avaisjamaiséprouvéjusque-là.J’avaisl’impressiond’avoirétéplusaiméeparDiane,quiavaitquittécemondepresquedix-septansplustôt,queparmapropremère.
—J’adoretamère,soufflai-jeenposantlatêtecontreletorsedeTravis.Ilme regarda,puism’embrassa sur les cheveux. Jenevoyaispas sonvisage,mais j’entendis
danssavoixàquelpointcelaletouchait.—Ellet’auraitadoréeaussi.J’ensuiscertain.Derrièrelecomptoir,l’employéerepritsonmicro.
—Votreattention,s’ilvousplaît,passagersduvolAmericannuméro2477àdestinationdeLasVegas, nous allonsprocéder à l’embarquement.Nous commenceronspar les personnes àmobilitéréduite,ainsiquelespersonnesaccompagnéesdejeunesenfants.Suivrontlespremièresclassesetlesclassesaffaires.
— Je suis complètement déchiré,moi, dit Travis en se levant. J’ai besoin d’unRedBull.Onauraitpeut-êtredûgardernosbilletspourdemain,commeonavaitprévuaudépart.
Jehaussaiunsourcil.—ÇateposeunproblèmequejesoispresséededevenirMmeTravisMaddox?Ilsecoualatêteetm’aidaàmelever.—Tu rigoles ?Bien sûr que non.Mais je suis encore sous le choc, si tu veux savoir. Je ne
voudraispasquetuteprécipiteslà-dedansjusteparcequetuaspeurdechangerd’avis.—Peut-êtrequej’aipeurquetuchangesd’avis.Travisserembrunitetm’enlaça.—Tunepensespascequetudis,là.Tudoisbiensavoirqu’iln’yarienquejedésireleplusau
monde.Surlapointedespieds,jedéposaiunrapidebaisersurseslèvres.—Jepensequ’onvaembarquerpourLasVegasetnousmarier,voilàcequejepense.Travismeserracontrelui,puism’embrassasurlajoue,avantdedescendrelelongd’uneligne
quilemenajusqu’àmonépaule.Ilmefitrigolerenmechatouillantlanuque,puisrireunpeuplusfortenmesoulevantdeterre.Ilm’embrassaunedernièrefoisavantdemereposer,deprendremonsacetdem’entraînerverslafiledespassagers.
Après avoir montré nos cartes d’embarquement, nous descendîmes le long de la passerelle,maindans lamain,provoquant le sourireentendudupersonneldebord.Travis reculapourque jepuisseaccéderàmaplace,puisrangeanosdeuxsacsdanslescoffresprévusàceteffetetselaissatombersurlesiègeàcôtédemoi.
—Ilfaudraitqu’onessaiededormirpendantlevol,maisjenesuispassûrd’yarriver.Jesuissurvolté.
—Tuviensdedirequ’iltefallaitunRedBull.Safossettesecreusaquandilsourit.—Arrêtedecroiretoutcequejedis.Danslessixmoisàvenir,jerisquedenepasdiregrand-
chosedecohérent,letempsdedigérerlefaitquetoutcequejedésirais,jel’aiobtenu.Jeleregardaidanslesyeux.—Aucasoùtutedemanderaispourquoijesuistellementpresséedet’épouser…cequetuviens
dedirefaitpartiedesnombreusesraisons.—C’estvrai?—C’estvrai.Ilglissasursonsiègeetposala têtesurmonépaule,m’embrassantdanslecouplusieursfois
avantdesedétendre.Jeposaileslèvressursonfront,puisregardaiparlehublot,attendantqueles
autrespassagerss’installent,priantpourque lepilotenousemmène loind’ici leplusvitepossible.Jamais je n’avais été aussi reconnaissante à la nature dem’avoir dotée d’une impassibilité à touteépreuve.J’auraisvoulubondir,hurleràtoutlemondedesemagnerlesfessesetaupilotededécollerrapido,maisjem’interdislemoindremouvementetordonnaiàmesmusclesdeserelâcher.
LesdoigtsdeTravisseglissèrententrelesmiens,nosmainss’unirent.Jesentaislachaleurdesonsoufflesurmonépaule,quiserépandaitdanstoutmoncorps.Parmoments,j’avaisenviedemefondreenlui.Quesepasserait-ilsimonplannefonctionnaitpas?SiTravisétaitarrêté,jugéet,danslepiredes scénarios, envoyéenprison? Je savaisqu’être séparéede luipendantplusieurs annéesétait une possibilité, et face à une telle éventualité promettre de rester pour toujours à ses côtéssemblait presque insuffisant.Mes yeux s’embuèrent de larmes, l’une d’elles roula surma joue. Jel’essuyaid’ungesterapide.Fichuefatigue,quimerendaittoujourstrèsémotive.
Lesautrespassagersrangeaient leurssacsetbouclaient leurceinture,sanssedouteruneseulesecondequenosviesétaientsurlepointdechangerpourtoujours.
Jeregardaiparlehublot.J’auraisfaitn’importequoipourcalmermonimpatience.—Dépêchez-vous,murmurai-je.
Travis
Latêteposéesurl’épauled’Abby,jeréussisenfinàmedétendre.Sescheveuxsentaientencoreun peu la fumée, ses mains étaient meurtries d’avoir tenté de forcer la fenêtre du sous-sol. Jem’efforçaid’effacercetteimagedemonesprit:lestracesdesuiesursonvisage,sonregardeffrayé,sesyeuxrougisetirritésparlafumée,soulignésparlescouluresdemascara.Sijen’étaispasresté,ellenes’enseraitpeut-êtrepassortie.EtlaviesansAbby,cen’étaitpluslavie.Jenevoulaismêmepasimaginercequelaperdrepourraitsignifier.Passerd’uncauchemaràunrêveétaitpourlemoinsdéstabilisant,maisassisprèsd’Abby, tandisque les réacteursbourdonnaientetque lepersonneldebordannonçaitlesconsignesdesécurité,jeglissaisunpeuplusendouceurdel’unàl’autre.
Jeprislamaind’Abby,passaimesdoigtsentrelessiens.Jesentissajoueappuyersurmatêtesidélicatementquesij’avaisétéattentifauxinstructionsmedictantquelleficelletirerpourgonflermongiletdesauvetage,jen’auraispeut-êtrepasremarquécettetrèsdiscrètemarqued’affection.
Enquelquesmoisàpeine,lepetitboutdefemmeassisàcôtédemoiétaitdevenumaraisondevivre.Jel’imaginaiunmomentenrobedemariée,puisemménageantdansmonappartement,pourenfaire un endroit bien à elle. Je nous vis acheter notre première voiture et nous livrer à ces tâchesquotidiennes aux allures de corvées – courses, vaisselle – que les couplesmariés accomplissaientensemble.Jelavisavancersurscènepourlaremisedesondiplôme.Unefoisquenousaurionstouslesdeuxunboulot,lemomentviendraitdefonderunefamille.Danstrois,quatreansàpeine.Nousvenionstouslesdeuxdefamillesbrisées,maisjesavaisqu’Abbyferaitunemamand’enfer.Jepensaiàmaréactionlejouroùellem’annonceraitqu’elleétaitenceinte,etdéjàsentisl’émotionmesaisir.
Toutneseraitpasrose,maislesmomentsdifficilesquenoustraverserionsnouspermettraientdenoussurpasser.Danscedomaine,nousavionsdéjàunpeud’expérience.Bercéparl’imaged’Abbyleventrearrondiparnotrepremierenfant,jeglissaidansunedoucetorpeuretfinisparm’endormircontreletissurêchedemonsiège.
Qu’est-cequejefaislà?L’odeurdefuméemebrûlelenez,lescris,leshurlementsmeglacent,mêmesijedégoulinedesueur.JesuisderetourdanslesentraillesdubâtimentKeaton.
Jehurle.—Poulette?Poulette!Jetousseetjeplisselesyeux,commepourmieuxvoirdansl’obscurité.J’aidéjàeucesentiment.
Lapanique,l’adrénalinepurequefaitmonterlavraiepeurdemourir.Lamortestlà,cen’estqu’unequestiondetemps,maisjenemedemandepascequecelafaitdes’asphyxier,oudebrûlervif.Non,jenepensequ’àAbby.Oùest-elle?Va-t-elles’ensortir?Commentpuis-jelatirerdelà?
Une porte apparaît, encadrée par les flammes. Je tourne la poignée et j’entre dans la petitepièce.Quatremursdebéton.Unefenêtre.Unpetitgroupedefillesetdeuxgarçonsplaquéscontrelemurdufond,tentantd’atteindrelaseuleissue.
Derek,undesmembresdemonclub,soutientunedesfilles,quitendlamainverslafenêtre.—Tuyarrives,Lindsey?lance-t-ild’unevoixrauque,lesoufflecourt.—Non,j’yarrivepas!hurle-t-elleengrattantlemurau-dessusd’elle.Elleporteuntee-shirtroseduclubSigmaKappa,trempédesueur.Derekfaitunsigneàsonpote.Jenesaispascomment ils’appelle,mais jesaisqu’ilestdans
moncoursdescienceshumaines.—SoulèveEmily,Todd!Elleestplusgrande!Toddsepenche,présentesesmainsentrelacées.MaisEmilyapeur,ellerestedosaumuretne
bougepas.—Emily,viens!Elleauneexpressionbutée.Ondiraitunepetitefille.—Jeveuxvoirmamère,gémit-elle.—Viensici,bordel!ordonneTodd.Prenantsoncourageàdeuxmains,Emilys’éloigneenfindumuretprendappuisurTodd.Illa
pousseverslehaut,maisellenonplusn’arrivepasàatteindrelafenêtre.Laineyregarde les tentativesdesesamis,se tournevers les flammesquiapprochent,serre les
poingssifortqu’ellesemetàtrembler.—Essaieencore,Emily!—Onvachercheruneautreissue!C’estmoiquiaiparlé,maisilsnem’entendentpas.Peut-êtreont-ilsdéjàfaitletouretn’ontvu
quecettefenêtre.Jereparsencourantdanslecouloiretregardeautourdemoi.Noussommesdansuncul-de-sac.Iln’yapasd’autreissuequecettefenêtre.
Jeretournedanslapetitepièce,essayantdetrouverunmoyendenoussortirdelà.Desbâchespoussiéreusesrecouvrentlesmeublespousséslelongdesmurs,elless’enflammentaufuretàmesureetpropagentl’incendie.Lesflammesatteignentlapetitepièce.
Jereculedequelquespas,puismeretournepourfairefaceauxétudiantsderrièremoi.Ilsontlesyeuxécarquillés,sontdosaumur.Laineytentedegrimperaumur,mueparlaseuleterreur.
—VousavezvuAbbyAbernathy?Ilsnem’entendentpas.
—Hé!Cettefois,j’aihurlémaisaucund’entreeuxnesemblepercevoirmaprésence.Jem’approchede
Dereketjecrie:—Hé!C’estcommes’ilnemevoyaitpasetnepouvaitdécollersesyeuxdesflammes,derrièremoi.Son
regardtrahitl’horreur.Lesautresnesemblentpasnonplusmeremarquer.Déboussolé, jemarche vers lemur et saute en direction de la fenêtre.D’un seul coup, jeme
retrouvedehors,àgenoux,etregardeàtraverslecarreau.Derek,Todd,Lainey,LindseyetEmilysonttoujoursdanslapetitepièce.J’essaiedefairebougerlavitre,maisc’estimpossible.J’essaieencore,ellevabienfinirparcéder,etjepourrailessortirdelà.
—Tenezbon!jehurle.Àl’aide!J’espèrequequelqu’unvam’entendre.Lesfillesseserrentlesunescontrelesautres,etEmilysemetàgeindre.—Cen’estqu’unmauvaisrêve.Cen’estqu’unmauvaisrêve.Réveille-toi!Réveille-toi!répète-
t-elleencoreetencore.—Vachercherunedesbâches,Lainey!ditDerek.Roule-laaupieddelaporte!Avecl’aidedeLindsey,Laineyprendunebâchequ’elleglissecommeellepeutdansl’interstice.
Puisilsreculent,sansquitterlaportedesyeux.—Onestcoincés,ditToddàDerek.Dereksetassesurlui-même.Laineys’approchedeluietprendsonvisageentresesmains.Ilsse
regardentdanslesyeux.Uneépaissefuméenoiresefaufiledanslapièce.Emilysauteendirectiondelafenêtre.—Soulève-moi,Todd!Jeveuxsortir!Jeveuxsortir!Toddlaregardesedémener,abattu.—Maman!hurleEmily.Maman,aide-moi!Ellefixelafenêtremaisnemevoitpas.Lindseytentedelaprendredanssesbras,maisellerefusequ’onlatouche.—Chhhhuuut…calme-toi,murmure-t-ellepourlaréconforter.Elleporteunemainàsaboucheetsemetàtousser.RegardeTodd.Leslarmesroulentsurses
joues.—Onvamourir.—Jeneveuxpasmourir!hurleEmilysanscesserdesauter.Tandis que la fumée envahit la pièce, jeme déchaîne contre la vitre. Je ne sensmême pas la
douleurdansmespoings,jefrappeavectoutelaforcedontjesuiscapable.L’adrénalinedoitpulserdansmesveinescommejamais.
—Àl’aide!Àl’aide!Jehurle,maispersonnenevient.
La fumée se cogne contre la vitre, les volutes s’enroulent sur elles-mêmes.Dans la pièce, onn’entendplusnitouxnicris.
J’ouvris brusquement les yeux et regardai autour de moi. J’étais dans l’avion avec Abby,agrippéauxaccoudoirsdemonsiège,etchaquemuscledemoncorpsétaitsoustension.
—Travis?Tuestrempédesueur,meditAbbyencaressantmajoue.—Jereviens.Jedéfismaceinture,meruaiversl’arrièredel’avion,ouvrisd’uncouplaportedestoiletteset
m’enfermaià l’intérieur.Aprèsm’êtreaspergé levisaged’eau, jemeregardai longuementdans lemiroir,laissantlesgouttelettesglissersurmapeau.
C’étaitàcausedemoiqu’ilsétaientvenus.JesavaisquelebâtimentKeatonn’étaitpasunlieusûr,qu’il y avait beaucoup tropdemondedans ce sous-sol, et j’avais laissé faire. J’étais enpartieresponsabledelamortdedizainesdepersonnes,etpourtant,jemetrouvaisdansunavionpourLasVegas.Maisqu’est-cequin’allaitpaschezmoi?
Jeregagnaimonsiègeetremismaceinture.Abbymeregarda,vittoutdesuitequequelquechosenetournaitpasrond.—Qu’est-cequ’ilya?—C’estmafaute.Ellesecoualatête—Non,dit-elleàmi-voix.Non,nedispasça.—J’auraisdûrefuser.J’auraisdûinsisterpourqueçasedérouledansunendroitmoinsrisqué.Elleregardaautourdenous,s’assurantquepersonnen’écoutaitnotreconversation.—Tunepouvaispasdevinercequiallaitarriver.C’estterrible.C’estunetragédie.Maisnous
n’aurionspaspul’empêcher.Etnousnepouvonsrienychanger.—Ets’ilsm’arrêtent,Abby?Sijevaisenprison?—Chuuuut…,souffla-t-elle,commeLindseyquandelleavaitessayéderéconforterEmilydans
monrêve.Celan’arriverapas.—Peut-êtrequeceseraitmieux,pourtant.
3
Bonneétoile
Abby
Quand les roues de l’avion touchèrent la piste d’atterrissage de l’aéroport internationalMcCarran,Travis,appuyécontremonépaule,s’étaitenfindétendu.LeslumièresdeLasVegasétaientvisiblesdepuisdéjàdixminutes,annonçant, telunphare, l’approchede toutceque jedétestais–ettoutcequejedésirais.
Travisseredressalentement,jetantunrapidecoupd’œilàtraverslehublotavantd’embrasserl’arrondidemonépaule.
—Onyest?—Onyest.Jepensaisquetudormiraisunpeuplus.Lajournéevaêtrelongue.— Après un cauchemar pareil, dit-il en s’étirant, je ne vois pas comment j’aurais pu me
rendormir.D’ailleurs,jenesuispassûrdevouloirdormirencoreunjour.Je serrai sesdoigtsentre lesmiens. Jen’aimaispas levoir aussi ébranlé. Iln’avaitpasvoulu
parlerde soncauchemar,mais iln’étaitpas trèscompliquédedevinercequi s’ypassait, et àquelendroit.Ceuxquiavaientréussiàsortirdubrasierparviendraient-ilsunjouràfermerlesyeuxsansvoirlafuméeetlesvisagestordusparlapanique?L’appareilsegaracontrelapasserelle,lesvoyants«ceinturedesécurité»s’éteignirentdansundiscretding,leslumièresserallumèrentdanslacabine,indiquant aux passagers qu’ils pouvaient se lever et récupérer leurs affaires. Tout le monde étaitpressé,mêmesipersonnenepouvaitencoresortir.
Je restaiassise, feignant lapatience, regardantTravisse leverpourprendrenosbagages.Sontee-shirtremontalorsqu’illevalesbras,révélantsesabdominauxenmouvement.
—Tuasunerobe?Jesecouailatête.—Jemesuisditquej’endénicheraisunesurplace.—C’estvraiqu’ildoityavoirduchoix,là-bas.Etplusdanslestyle«MariageàLasVegas»
quecequ’onauraittrouvéàlamaison.—C’estexactementcequejemesuisdit.
Travismetenditlamainetm’aidaàgagnerl’alléecentrale.—Mêmesidetoutefaçon,quoiquetuportes,tuserasravissante.Jel’embrassaisurlajoueetprismonsac,justeaumomentoùlafiledespassagersdevantmoi
s’ébranlait.Lentement,nousgagnâmeslapasserelle,puisleterminal.—J’aiunsentimentdedéjà-vu,murmuraTravis.Je ressentais la même chose. Les machines à sous lançaient leur chant des sirènes, toutes
lumièresclignotantes,promettantchanceetgroslot.Ladernièrefoisquenousétionsvenus,ilavaitété facile pour Travis etmoi de repérer les couples qui venaient semarier, et jeme demandai siaujourd’huinosintentionsétaientaussiévidentes.
Travis me prit par la main et nous suivîmes la direction de la station de taxis. Les portesautomatiques s’ouvrirent, nous sortîmes dans la nuit.La chaleur désertique était encore étouffante,sèche.J’inspirailonguement,saturaimonorganismedeLasVegas.
Épouser Travis, ici, maintenant, c’était jouer la partie de poker la plus difficile de monexistence.Pourquetoutsedérouleselonmesplans,j’allaisdevoirréveillercertainsdemesinstinctsquiavaientétéfaçonnésdanslesrecoinslesplussombresdecetteville.SiTravissedoutaitunseulinstant que je l’épousais pourune autre raisonque la simple enviedem’engager, jamais il nemelaisseraitallerjusqu’auboutdemonprojet,etTravisn’étaitpasàproprementparlercrédule.Pire,ilmeconnaissaitmieuxquequiconque,etsavaitdequoij’étaiscapable.Sijeparvenaisàl’épouseretàluifaireéviterlaprisonsansqu’ilsedoutedequoiquecesoit,j’auraisréussilaplusbellepartiedebluffdemacarrière.
Nous avions doublé la foule qui attendait encore ses bagages, malgré tout la queue étaitinterminable aux taxis. Je soupirai. Nous aurions déjà dû être mariés. Il faisait encore nuit, maisl’incendieremontaitàplusdecinqheures.Nousn’avionspaslesmoyensd’attendre.
—Poulette?fitTravisenmeserrantlamain.Çava?Jesourisenhochantlatête.—Oui,oui.Pourquoi?—T’asl’air…tendue.Je passai mon propre corps en revue. La façon dont je me tenais, mon expression, tous les
détails susceptibles de luimettre la puce à l’oreille.Mes épaules étaient si raides qu’elles devaientremonterversmesoreilles.Jefisuneffortpourmedétendre.
—Jesuisprête,c’esttout.—Àenfinir?Sijenel’avaispasaussibienconnu,jen’auraispasperçuletrèslégerfroncementdesourcils
quiaccompagnasaquestion.Jepassaiunbrasautourdesataille.—Trav…Jeterappellequec’estmoiquiaieul’idée.—Ladernièrefoisqu’onestvenusàLasVegas,c’étaittonidéeaussi.Tutesouviensdelafaçon
dontleschosesonttourné?
J’éclatai de rire, puis jeme sentis trèsmal.La ligneverticale, entre ses deuxyeux, se creusanettement.Toutceciétaitsi importantpourlui.Sonamourpourmoiétait toujoursunpeuécrasant,maiscesoir,c’étaitdifférent.
—Oui,jesuispressée.Pastoi?—Moiaussi,maisjesensqu’ilyaautrechose.—Tuesunpeunerveux,c’esttout.Arrêtedet’inquiéter.Sonexpressionsedétendit,ilmeserradanssesbras.—D’accord.Situmedisquetoutvabien,alorsjetecrois.Unlongquartd’heureplustard,notretourarrivaenfin.Travisouvritlaportièredutaxietjeme
glissai jusqu’à l’extrémité de la banquette pour lui laisser de la place. Le chauffeur regarda par-dessussonépaule.
—Voyageéclair?Travisposanosmaigresbagagesdevantlui.—Onvoyagetoujoursléger.—AuBellagio,s’ilvousplaît,ajoutai-jecalmement,masquantdemonmieuxmonimpatience.Une mélodie enjouée aux paroles indistinctes et qui m’évoqua le cirque nous accompagna
jusqu’auStrip,dontleslumièresétaientvisiblesplusieurskilomètresavantd’arriveràl’hôtel.SurleStrip,lestrottoirsétaientbondés.Devéritablesflotshumainsallaientetvenaientmalgré
l’heuretardive:groupesdecélibatairesenchasse,parentspoussantdesenfantsendormisdansleurpoussette, comédiens posant déguisés en échange de quelques billets, et hommes d’affairesvisiblementvenusdécompresserunpeu.
Travis passa un bras autour de mes épaules. Je me laissai aller contre lui, me retenant deregardermamontrepourladixièmefois.
Le taxi s’engagea dans l’allée en demi-cercle du Bellagio, Travis se pencha pour régler lacourse,puisdescenditetm’aidaàenfairedemême.Desdizainesdepersonnesattendaientletaxiquilesmèneraitdansunautrecasino,d’autresrentraientàl’hôtel,riant,parlantfortaprèsunelonguenuitd’alcooletdejeu.
Travisserramamaindanslasienne.—Onyestvraiment,cettefois.—Ouaip!dis-jeenl’attirantàl’intérieur.Ladécorationduplafondétait tellementextravaganteque tout lemonde,dans lehalld’entrée,
avaitlenezenl’air.—Qu’est-cequetu…JemeretournaiversTravis.Ilselaissatirerparlebras,tropoccupéàexaminerleplafond.—Regarde, Poulette ! C’est…waouh… c’est dingue ! lâcha-t-il, impressionné par les fleurs
multicoloresquiembrassaientleplafond.—Ouais,c’estdingue,dis-jeenl’entraînantverslaréception.
—Nousavonsréservéunechambre,annonçai-je.Etonvoudraitprogrammerunmariagedansunechapelle.
—Laquelle?medemandaleréceptionniste.—N’importelaquelle.Unejolie.Quifonctionneenpermanence.—Pasdeproblème.Jem’occupedevotreréservation,puisleconciergevousaideraàtrouver
unechapelle,unspectacle,toutcequevousvoudrez.—Super,dis-jeenmetournantversTravisavecunsouriretriomphant.Ilétaittoujoursperdudanslacontemplationduplafond.—Travis!dis-jeenluitirantlebras.Ilfitvolte-face,semblantsortird’unétathypnotique.—Hein?—Tupeuxalleràlaconciergerieett’occuperdumariage?—Hein?Heu,jeveuxdire…ouais.Jepeux.Tuveuxquellechapelle?—Laplusproche.Ouvertetoutelanuit.Debongoût.—OK!Ilm’embrassasurlajoueetsedirigeaverslaconciergerie.—La réservation est au nomdeMaddox, dis-je en sortant une feuille de papier.Voici notre
numérodeconfirmation.—Ahoui.J’aiunesuiteLunedeMieldisponible,sivousvoulezmonterenstanding.—Non,çava,merci,répondis-jeensecouantlatête.Del’autrecôtéduhall,Travisparlaitavecunhommederrièreuncomptoir.Ilsconsultaientune
brochure.L’hommeluiprésentaitdifférenteschapelles,etTravisavaitunsourirejusqu’auxoreilles.—Jevousenprie,faitesqueçamarche,murmurai-je.—Jevousdemandepardon?—Oh,rien,rien.Leréceptionnisteretournaàsonclavier.
Travis
Abby se pencha vers moi avec un sourire au moment où je l’embrassai sur la joue, puispoursuivit les formalités d’enregistrement pendant que je me dirigeais vers la conciergerie pourtrouverunechapelle.Delà,jemeretournaipourregardermafutureépouseetadmirailacourbedeseslonguesetbellesjambessoulignéepardestalonscompensésquilesrendaientplusjoliesencore.Sontee-shirtunpeulargeétaitjusteasseztransparentpourquejesoisdéçudevoirqu’elleportaitundébardeurendessous.SeslunettesdesoleilfétichesétaientperchéessursonchapeauFedorafavori,dont ne dépassaient que quelques longues boucles caramel, ondulées d’avoir séché naturellementaprèsladouche.Seigneur,cettefilleétaitsexyendiable.Ellen’avaitrienàfairedeparticulier,etjen’avaisenviequed’unechose:luifairesonaffaire.Maintenantquenousétionsfiancés,penserunechosepareillenemesemblaitplusaussigrossierqu’avant.
—Monsieur?demandaleconcierge.—Oh.Oui.Alors,demandai-jeaprèsundernierregardendirectiond’Abby.J’aibesoind’une
chapelle.Ouvertetoutelanuit.Untrucdebongoût.Ilsourit.— Bien sûr, monsieur. Il en existe plusieurs, ici, au Bellagio. Elles sont toutes absolument
magnifiques,et…—Vousn’auriezpasElvisdansunedeceschapelles,parhasard?Parcequejemedisais,tant
qu’àsemarieràLasVegas,autantquecesoitparElvis,ouaumoinsqu’ilsoittémoin,vousvoyez?—Non,monsieur,jesuisdésolé,maisleschapellesduBellagion’offrentpascetypedeservice.
Jepeuxnéanmoinsvousproposerplusieursnumérosquevouspourriezappelerafindecommanderune prestation Elvis. Si vous préférez, bien sûr, il y a aussi la célèbre chapelle Graceland. Cetétablissementproposedesformulestoutcompris,avecunElvis.
—Elleestdebongoût?—Jesuissûrqu’ellevousplaira.—OK.Jeprendsça.Lecréneauleplustôtpossible.
Leconciergesourit.—Pressé,ondirait?Jevoulus sourire,maisen fait, je souriaisdéjà,etceprobablementdepuismonarrivéeà son
comptoir.Jedevaisavoirunetêtedebenêt.—Vousvoyezlafille,là-bas?Ilsuivitmonregard.Rapidement.Respectueusement.Cetypemeplaisait.—Eneffet,monsieur.Vousavezbeaucoupdechance.— Ça, on peut le dire. Bon, alors, disons, pour dans deux, non, plutôt trois heures, c’est
possible?Ellevaavoirbesoindefairequelquesemplettes,etdesepréparer.—C’esttrèsattentionnédevotrepart,monsieur.Iltapotasursonclavier,posaunemainsurlasouris,ladéplaça,cliquaplusieursfois.Toutàsa
tâche, il ne souriait plus,mais sonvisage s’illumina à nouveau lorsqu’il releva la tête, samissionaccomplie.L’imprimantesemitenmarche,etilmetenditunefeuille.
—Voilà,monsieur.Toutesmesfélicitations.Puisiltenditsonpoingserré,contrelequeljecognaidoucementlemien,aveclesentimentqu’il
venaitdemetendreunbilletdeloteriegagnant.
4
Troisheures
Travis
Abbymetenaitparlamainetmetiraitderrièreelle.Noustraversâmeslecasinoendirectiondesascenseurs. Je traînais lespieds,voulantprofiterduspectacleautourdenousavantdemonterdansnotrechambre.Quelquesmoisàpeines’étaientécoulésdepuisnotredernièrevisiteàLasVegas,maiscette foisc’étaitbeaucoupmoinsstressant.Unebienmeilleure raisonnousavaitconduits jusqu’ici.Malgrécela,Abbymenait leschosestambourbattant,refusantdes’arrêtersuffisammentlongtempspourquejepuisseapprocherunetabledejeu.ElledétestaitLasVegas,etavecraison,maisducoup,jemedemandaisvraimentpourquoielleavaitchoisid’yrevenir.Cependant,danslamesureoùelles’étaitfixépourmissiondedevenirmafemme,jen’allaispasposerdequestion.
—Trav,dit-elle,unpeuessoufflée.Lesascenseurssont…là!Etellememenaverssadestinationfinale.—Hé,onestenvacances,Poulette.Tupeuxéteindreleturbo.—Non.Onvasemarier,etilnousrestemoinsdevingt-quatreheurespourqueçasefasse.Aprèsavoirappuyésurleboutond’appel,jememisunpeuàl’écartdelafoule,endehorsdu
passage. Qu’autant de monde regagne sa chambre à une heure aussi tardive n’aurait pas dû mesurprendreàcepoint,maiscetendroitimpressionnaitmêmeundurcommemoi.
—J’arrivetoujourspasàycroire,soufflai-jeenportantsamainàmeslèvrespourl’embrasser.Abby regardait au-dessus des portes des ascenseurs. Les chiffres descendaient régulièrement.
Ellesetournaversmoi,avecundemi-sourire.—Tul’asdéjàdit.Maistupeuxycroire,bébé.Onyest.J’inspirai longuement. Du plus loin qu’il m’en souvienne, jamais je ne m’étais senti aussi
détendu. J’avais l’esprit enpaix.C’était étranged’éprouver tousces sentiments, étantdonnécequenousavionslaisséderrièrenoussurlecampus.Enmêmetemps,jemesentaisvraimentresponsable.Adulte. C’était troublant, et déstabilisant, de se sentir tout à coup heureux et comme un criminell’instantd’après.
Lesportess’entrouvrirent,puiss’ouvrirentengrandpourdéverserunflotdepassagersdanslehall.Nousentrâmes,munisdenotrepetitsac.Àcôtédenous,unefemmetransportaitunsacàmainénorme, un sac de voyage qui faisait deux fois le nôtre, et une valise à roulettes dans laquelle onauraitpumettredeuxenfants.
—VousdéménagezàVegas?demandai-je.Super.Abbym’enfonçasoncoudedanslescôtes.La femme me jeta un regard appuyé, puis se tourna vers Abby et répondit avec un accent
français:—Non.Etellesedétourna,visiblementmécontentequejeluiaieadressélaparole.D’unregard,Abbysemblas’exclamer:«Waouh,bonjourlapétasse.»Jefailliséclaterderire.
Merde,j’adoraiscettefille,et j’adoraislefaitdesavoircequ’ellepensaitsansqu’elleaitàdireunmot.
— Appuyez sur le trente-cinq, s’il vous plaît, demanda la Française avec un mouvement dumenton.
Presquelasuiteavecterrasse.Évidemment.Lesportess’ouvrirentenfinauvingt-cinquièmeétage.Unpeuperdus,commetouslesgensqui
cherchent leur chambre dans un couloir d’hôtel,Abby etmoi avançâmes lentement. Enfin, tout aubout,Abbyglissasacartedanslaporte,laretira.Lalumièreverteclignota,nouspouvionsentrer.
Abbyallumalalumière,jetasonsacsurlelit–unking-size.—Pasmal!dit-elleensouriant.Jelâchainotresacetlaprisdansmesbras.—Çayest.Onyest.Quandondormiradanscelit,toutàl’heure,onseramarietfemme.Abbymefixad’unregardprofond,intense,etposaunemainsurmajoue.—Marietfemme.Maispresqueaussitôt, l’intensité sedissipa. Jenepuspasmême imaginerquelques instants le
genredepenséesquerecelaientcesmagnifiquesyeuxgris.Ellesehissasurlapointedespiedsetdéposaunlégerbaisersurmeslèvres.—Àquelleheureestlacérémonie?
Abby
—Troisheures?J’affichaisuneexpressiondétendue,maisj’auraisvouluhurler.Trois heures, c’était beaucoup trop long, et je n’avais aucun moyen d’expliquer à Travis
pourquoinousdevionsenfinirauplusvite.Enfinir?Était-cevraimentlafaçondontj’envisageaisleschoses?Peut-êtremamotivationn’était-ellepasseulementdedonnerunalibiplausibleàTravis.Peut-êtreavais-jepeurdepaniqueretdechangerd’avissijedisposaisdetropdetempspourréfléchiràcequenousnousapprêtionsàfaire.
—Benoui,meréponditTravis.Jemesuisditquet’auraisbesoindetempspourtetrouverunerobe,tecoiffer,fairecequefontlesfilles,quoi.C’étaitpas…unebonneidée?
—Si,si,c’estbien.Moi,jenousvoyaisarriveretyallerdirectement,maistuasraison.Unpeudetemps,c’estbien.
—C’estpascommesionallaitboireunpotauRed,Poulette.Onvasemarier.Jesaisquec’estpasàl’église,ettout,maisjemesuisditqu’on…
Jesecouailatête,puisleregardai.—Oui,oui,trèsbien.Tuasraison.Jesuisdésolée.Jevaisdescendre,trouverquelquechosede
blanc,etpuisjeremonteraimepréparer.Etsijenedénicherienici,j’iraiauCrystals.Ilyaplusdeboutiques,là-bas.
Travis s’approcha demoi, tout près, etme regarda longuement, jusqu’àme faire plisser lesyeux.
—Dis-moi,dit-ildoucement.J’avais beau faire de mon mieux pour répondre avec assurance et toute l’impassibilité dont
j’étaiscapable,ilmeconnaissaitsuffisammentpoursavoirquejeluicachaisquelquechose.—Jesuisépuisée.Çavafairevingt-quatreheuresquejen’aipasdormi.Ilsoupira,m’embrassasurlefrontetsedirigeaversleminifrigo.Ill’ouvrit,sepencha,puisse
retourna,deuxpetitescanettesdeRedBullàlamain.
—Unproblème.Unesolution.—Monfiancéestungénie.Ilm’entenditune,puismepritdanssesbras.—J’aimebiença.—Quejepensequetuesungénie?—Êtretonfiancé.—Ahbon?Ilvautmieuxquetune t’yhabituespas,çanevapasdurer.Danstroisheures, je
t’appelleraiautrement.—Monnouveaunommeplairaencoreplus.Jesouris.Ilsedirigeaverslasalledebains.—Pendant que tu cherches une robe, je vais prendre une douche,me raser, et puis j’iraime
trouverquelquechoseàmettre,moiaussi.Tuseraslàquandjerentrerai?—Tupréfères?C’estàlachapelleGraceland,non?Jemedisaisqu’onserejoindraitlà-bas.—Se retrouver justeavant,habillésetprêtsàavancer jusqu’à l’autel ?Oui, c’estplutôt cool.
MaistuvastepromenertroisheurestouteseuledansVegas?—J’aigrandiici,jeterappelle.Travisréfléchituninstant.—Jessetravailletoujoursici?Jehaussaiunsourcil.—Jel’ignore.Jen’aipasdenouvellesdelui.Maismêmesij’enavais,leseulcasinoquej’ai
l’intentiond’approcherestceluiduBellagio,etuniquementpour le traverserendirectiondenotrechambre.
MaréponsesemblasatisfaireTravis.—OK,dit-ilavecunhochementdetête.Onseretrouvelà-bas,alors.Ilmefitunclind’œiletfermalaportedelasalledebainsderrièrelui.Jeprismonsacsurlelit,
laclédelachambreet,aprèsunderniercoupd’œilendirectiondelasalledebains,letéléphonedeTravis,surlatabledenuit.
Dans ses contacts, je trouvai le nom qu’il me fallait, en envoyai les détails à mon propretéléphone,puissupprimailemessageàlasecondeoùilpartit.JevenaisdereposerleportablesurlatabledenuitquandTravisréapparut,uneservietteautourdelataille.
—Etpourlecertificatdemariage?demanda-t-il.—Lachapelles’enchargeracontreunpetitsupplément.Ilhochalatête,apparemmentsoulagé,etdisparutdenouveaudanslasalledebains.Jequittai lachambreetmedirigeaivers lesascenseursencopiant lenuméroque jevenaisde
m’envoyer,pourl’appelerimmédiatement.—Jet’enprie,décroche,murmurai-je.Dansl’ascenseursetrouvaitungroupedefillesàpeineplusvieillesquemoi.Ellesgloussaient,
parlaientenavalantleursmots,évoquantpourcertainesleurnuittandisqued’autreshésitaiententre
allersecoucheretresterdeboutpournepasraterleuravionderetour.—Décroche,bonsang!lâchai-jeaprèslapremièresonnerie.Troissonneriesplustard,lerépondeursedéclencha.IciTrent.Voussavezquoifaire.—Pfff,soupirai-jeenraccrochant.Lesportess’ouvrirentetjeprisd’unpasdécidéladirectiondesboutiquesduBellagio.Trophabillée,troptrash,tropdedentelles,tropdeperles,trop…detout.Trouvercequ’ilme
fallaitnefutpasfacile,maisjefinispardécouvrirlarobedanslaquellejedeviendraisMmeMaddox.Elleétaitblanche,évidemment,augenou.Assezsimple,enfait,maisavecunlargecolbateauetunrubandesatinautourdelataille.Devantlemiroir,j’enétudiaitouslesdétails.Elleétaitmagnifique,etjemesentaisbellededans.Dansquelquesheuresàpeine,jemetiendraisàcôtédeTravisMaddoxetjesuivraissonregardsurchaquecourbedemoncorpsépouséeparl’étoffe.
Jepassaiensuiteenrevuelesnombreuxvoiles,exposéslelongdumur.Auquatrièmeessai,jereplaçailevoilesursonmannequin,troublée.Unvoile,c’étaittropconvenable.Tropinnocent.Uneautre table attira mon attention, je m’y dirigeai, pour laisser ma main glisser sur les perles, lespierreries et les ornementsmétalliques des divers peignes à cheveux. Ils étaientmoins… raffinés,plus…moi. Il y en avait desdizaines sur la table,mais je revenais toujours aumême.Surunpetitpeigneargentéétaientmontésdesstrassde toutes les taillesqui formaientunpapillon.Sanssavoirpourquoi,jelepris,certainequ’ilétaitparfait.
Leschaussuresétaientaufonddumagasin.Iln’yavaitpasbeaucoupdechoix,maisjen’étaispastrès difficile et optai pour la première paire d’escarpins argentés à bride que je vis. Deux bridesdescendaientsurlepied,etdeuxautresceignaientlacheville,laboucledisparaissantsousunmontagedeperles.Coupdechance, ilsavaientmatailleenstock.Ilnerestaalorsplusqu’unechosesurmaliste:lesbijoux.
Jeprisunepairedebouclesd’oreillessimplesmaisélégantes.Uneperlesurmontéed’unpetitcubeenzirconium,justeassezhabilléepouruneoccasionspéciale.Ilyavaitlecollierassorti,c’étaitparfait.Dansmavie, jen’avaisjamaiseupourobjectifdemefaireremarquer.Apparemment,monmariagen’étaitpaspartipourchangercela.
Je repensai àma rencontreavecTravis. Il était ennage, torsenu,haletant, j’étais couvertedusangdeMarekYoung.C’étaitilyasixmoisàpeine,etaujourd’huinousallionsnousmarier.J’avaisdix-neufans.Seulementdix-neufans.
Maisqu’est-cequimeprend?Àlacaisse,j’attendisl’impressionduticketpourlarobe,leschaussures,lepeigneetlesbijoux,
essayantdecontrôlermarespiration.Lapetiteroussequitenaitlacaissedétachaleticketetmeletenditavecunsourire.—C’estunerobemagnifique.Excellentchoix.—Merci.
Jen’auraispassudiresijesouriaisounon.Jesortisdumagasindansuneespècedebrouillard,serrantmesemplettescontremapoitrine.
AprèsunrapidepassagedansunebijouteriepouruneallianceentitanenoirdestinéeàTravis,jejetaiuncoupd’œilsurmonportableavantdeleremettredansmonsac.Bien.J’étaisdanslestemps.
Aumomentoù je rentraisdans lecasino,monsacsemitàvibrer.Lesacentre lescuisses, jefouillai désespérément, à la recherche demon téléphone.Au bout de deux sonneries, paniquée, jelâchaitoutpourletrouveràtemps.
—Allô?Trent?—Abby?Toutvabien?—Oui,oui,soufflai-jeenm’asseyantparterre,ledoscontrelamachineàsouslaplusproche.
Onvabien.Ettoi?— Je suis avec Cami. L’incendie l’a pas mal chamboulée. Elle a perdu des clients qu’elle
connaissaitbien.Magorgeseserra.—Seigneur…Jesuisdésolée.J’arrivepasàycroire,Trent. J’arrivepasà réaliser. Ilyavait
tellementdegens.Touslesparentsn’ontsansdoutepasencoreétéprévenus,enplus.Trentsoupira,ilsemblaitfatigué.—Oui…C’estunvraichampdebataille,ici.Maisc’estquoi,cebruit?T’esdansunesallede
jeuxvidéo?Ilavaitditcelaavecuncertaindégoût,commes’ilconnaissaitdéjàlaréponseetnepouvaitpas
croirequ’onsoitaussiinsensible.—Quoi?Heu…non,non.Ona…prisl’avionpourLasVegas.—Quoi?!?Cettefois,ilétaitfurieux.Oualorssimplementperdu,jen’auraispassudire.C’étaitunsanguin.
Ladésapprobationdanssavoixmefitgrimacer,jesavaisquecen’étaitqueledébut.Maisj’avaisunobjectifetjedevaislaissermessentimentsdecôtétantquejenel’auraispasatteint.
—Jetedemandejustedem’écouter.Jen’aipasbeaucoupdetempsetj’aibesoindetonaide.—Vas-y.Pourquoidemonaide?—Écoute-moi,d’accord.—Abby,arrêtedejouer,là.Dis-moicequetuasàmedire,putain.—Ilyavaitbeaucoupdegensaucombat,hiersoir.Etbeaucoupdegenssontmorts.Quelqu’un
iraenprisonpourcela.—EttupensesqueceseraTravis?—AvecAdam,oui.EtJohnSavage,peut-être,et tousceuxdontonpourraprouverqu’ilsont
participéàl’organisationdececombat.HeureusementqueShepleyn’étaitpaslà.—Etonfaitquoi?—J’aidemandéàTravisdem’épouser.—Heu…d’accord.Enquoiçaval’aider?
—OnestàVegas.Peut-êtrequesionarriveàprouverqu’onavaitprévudesemariercesoir-là,mêmesiquelquesdizainesd’étudiantsivrestémoignentqu’ilétaitaucombat,çacréerauneconfusionsuffisantepourgénérerledouteennotrefaveur.
Ilsoupira.—Abby.Jeretinsunsanglot.—Nedisrien.Situpensesqueçanemarcherapas,nemeledispas,d’accord?C’esttoutceque
j’aitrouvé,ets’ildécouvremesmotivations,ilrefusera.—Biensûrqu’ilrefusera.Abby,jesaisquetuaspeur,maisc’estcomplètementdingue.Tune
peuxpasl’épouserpourluiéviterdesennuis.Etdetoutefaçonçanemarcherapas,vousêtespartisaprèslecombat.
—Jet’avaisdemandédenepasdireça.— Excuse-moi. De toute façon, il ne voudrait pas que tu fasses une chose pareille. Si tu
l’épouses,cedoitêtreparceque tuenasenvievraiment.S’ildécouvre lavéritéun jour, ilaura lecœurbrisé.
—Net’inquiètepas,Trent.Çavamarcher.Etcommeça,aumoins,ilauraunechancedes’ensortir.Parcequec’estunechance,non?Sinon,qu’est-cequ’illuireste?
—Situledis…Demamain libre, jeme couvris la bouche. Les larmes troublaientma vue, donnant un effet
kaléidoscopiqueàlamoquetteducasino.Unechance,c’étaitmieuxquerien.—Toutesmesfélicitations,ditTrent.—Félicitations!lançaCamiderrièrelui.Savoixétaitlasse,rauque,maisj’étaissûredesasincérité.—Merci.Tiens-moiaucourant.Dis-moisilapolicevienttraînerautourdelamaison,ousitu
entendsquoiquecesoitàproposd’uneenquête.—D’accord…maisputain,çafaittoutdrôlequecesoitmonpetitfrèrequisemarieenpremier.Jenepusm’empêcherderire.—Remets-toi.—Vatefairevoir.Ah,etpuis…jet’embrasse,Abby.—Moiaussi,Trent.Je gardai le téléphone entremesmains. Les gens passaient enme fixant d’un drôle d’air, se
demandantsansdouteceque jefaisaisassisepar terre,sansoserpourautantmeposer laquestion.Enfin,jemelevai,rassemblaimesaffairesetinspiraiungrandcoup.
—Allez,vivelamariée,murmurai-jeenm’éloignant.
5
Pris
Travis
Aprèsm’êtreséché,jemebrossailesdents,enfilaiuntee-shirtetunshort,puismesNike.Prêt.Purée, qu’est-ce que c’était bien d’être unmec. Devoir me sécher les cheveux pendant une demi-heure,puis lesbrûleravec jenesaisquel trucenmétalchaudavantdepasserentrequinzeetvingtminutesàmemaquillerpourenfinpouvoirm’habiller,jen’auraisjamaissupporté.Clé,portefeuille,téléphone.Etenroute!D’aprèsAbby,ilyavaitdesboutiquesenbas,maiselleavaitlourdementsous-entenduqu’ilnefallaitpasqu’onsevoieavantlemariage,aussioptai-jepouruntoursurleStrip.
Même s’il est pressé, quand les fontaines duBellagio s’animent au rythmede lamusique, unAméricain ne peut pas faire autrement que de s’arrêter et de se laisser captiver par le spectacle.Appuyé contre la largebalustradequi bordait le plan d’eau, j’allumai une clope.Regarder les jetsd’eaujailliretsemettreàdansermerappelamondernierpassagedanscetteville.J’avaisadmirélespectacleencompagniedeShepley,tandisqu’Abbylessivaitquatreoucinqvétéransdupoker.
Shepley.Putain,j’étaistellementsoulagéqu’ilnesoitpasalléàcecombat.S’ilyétaitresté,ous’ilavaitperduAmerica,sansdouteAbbyetmoin’aurions-nouspasétéici.Unetelletragédieauraitbouleversélesliensquinousunissaienttouslesquatre.SansAmerica,Shepleyn’auraitplussupporténotreprésence,àAbbyetàmoi,etAmerican’auraitpaspucontinuerànousvoirsansShepley.Abbyauraitétéséparéed’America.S’ilsn’avaientpasdécidéd’allerpasserlesvacancesdeprintempschezlesparentsdeShepley,à l’heurequ’ilétait j’auraispleurémoncousin,etcertainementpaspréparémonmariage.Jem’imaginaidevantappelermononcleJacketmatanteDeanapourleurannoncerledécèsdeleurfilsuniqueetfrissonnai.
Jechassaicettepenséeenmerappelantlemomentoù,postédevantlebâtimentKeaton,parlesfenêtres duquel s’échappaient des tourbillons de fumée noire, je m’apprêtais à appeler mon père.Plusieurspompiers tenaientun tuyauquidéversaitdes litresd’eauà l’intérieur, tandisqued’autressortaientlesrescapés.Jemesouvenaisdemessentimentsàcetinstant-là:j’allaisdevoirluiannoncerqueTrentn’avaitpasétéretrouvé,qu’ilétaitsansdoutemort.Quedanslaconfusion,ils’étaitdirigédumauvaiscôté,etqu’Abbyetmoiétionssortisdelafournaise,maissanslui.Rienquedepenseraux
conséquencesqu’auraiteuescettedisparitionsurmonpère,sur toutenotre famille, j’eus lanausée.Papaétaitletypelepluscostaudquejeconnaissais,maisperdreundessiensencore,iln’auraitpassupporté.
Quand ils étaient ados, Jack et lui tenaient la ville. La première génération de durs à cuireMaddox,c’étaiteux,lesdeuxfrères.Danslesvillesuniversitaires,soitlesétudiantsducoinétaientdeceux qui lancent les bagarres, soit ils devaient subir les brimades du reste du campus. Jim et JackMaddoxnes’étaient jamais faitembêter.Et ilsavaient rencontréetépousé lesdeuxseules fillesdeleurfacquipouvaient lesdompter:DeanaetDianeHempfling.Oui,deuxsœursquiavaientfaitdeShepleyetdemoidescousinsàdoubletitre.Sansdoutevalait-ilmieuxqueJacketDeanas’arrêtentaprèsleurpremierenfant,vuqueMamanavaiteucinqfilspasfacilesàtenir.Statistiquement,notrefamilleauraitdûcomporterunefille,maisjenesuispassûrquelaplanèteauraitsusedébrouilleravec une Maddox. Toutes ces bagarres, plus la rage, et les œstrogènes par-dessus le marché ?Personnen’auraitsurvécu.
À la naissance de Shepley, mon oncle Jack s’était calmé. Shepley était un Maddox, mais ilpossédaitletempéramentdesamère.Thomas,Tyler,Taylor,Trentonetmoiétionstoujoursauborddupétagedeplombs,commenotrepère,maisShepley,lui,étaituncalme.Onavaittoujoursétélesmeilleursamisdumonde,touslesdeux.Ilétaitcommeunfrèrequihabitaitdansuneautremaison.Cheznous,c’étaitThomasquiluiressemblaitleplus.MaisonpartageaittouslemêmeADN.
Les jeuxd’eau s’arrêtèrent et je reprismoncheminendirectionde l’enseigneduCrystals.Sij’arrivais à réglermon affaire rapidement, peut-être qu’Abby serait encore dans les boutiques duBellagioàmonretour.Çaéviteraitqu’onsecroise.
Jehâtailepas,évitantlestouristesfatiguésetceuxquititubaient.Unpetitpassageparl’escalierroulantetunepasserelleplustard,j’entraidanslecentrecommercial.L’alléecentraleétaitjalonnéedeboîtes enverre transparentdedifférentes tailles,dans lesquelles remontaientdes tornadesd’eaucolorée. Il n’y avait quedesboutiquesde luxe, et le public était bigarré.On croisait de tout, de lafamilleenvacancesàlastripteaseuse.Vegas,quoi.
Jefisquelquesboutiques,sanssuccès,jusqu’àcequejetombesurunmagasinTomFord.Endixminutes,j’avaistrouvéetessayélecostumegrisidéal,maisjecalaissurlacravate.
—Etpuismerde,dis-jeenmedirigeantverslacaisseaveclecostumeetunechemiseblanche.Quiavaitditquelemariédevaitêtrecravaté?Ensortantducentrecommercial,j’avisaiunepairedeConversenoiresdansunevitrine.J’entrai
pourdemandermapointure.—Jelesprends,dis-jeaprèslesavoiressayées.Lavendeusemesouritavecunregardquim’auraitexcitécommeunmalademoinsdesixmois
plustôt.Unefemmequimeregardaitcommeça,engénéral,çavoulaitdirequetoutetentativedemapartpourluiretirersapetiteculotteseraitaisémentcouronnéedesuccès.Unregardpareil,çavoulaitdire«Onvacheztoi?».
—Trèsbonchoix,dit-elled’unevoixlangoureusecarrémentsexy.
Elleavaitdescheveuxnoirstrèslongsettrèsépais,quiluitombaientjusqu’auxreins.C’étaitunebeautéasiatiquetrèssophistiquée,mouléedanssarobeetperchéesurdestalonsdefolie.Elleavaitdans les yeux quelque chose de cassant, de calculateur. Exactement le type de défi que le Travisd’avantauraitallègrementrelevé.
—VousêtesàVegaspourlongtemps?—Justequelquesjours.—C’estvotrepremierséjour?—Lesecond.—Oh.J’allaisvousproposerdevousfairevisiter.—Jememariedansceschaussuresd’icideuxheures.Ma réponse effaça immédiatement tout désir de son regard. Elle continua à sourire, mais
visiblementjenel’intéressaisplus.—Félicitations.—Merci,dis-jeenprenantleticketetlesacquicontenaitleschaussures.Ensortant,j’étaiscentfoisplusfierdemoiquejenel’auraisétésij’avaisremontéleStripavec
cette fille au bras en direction de ma chambre d’hôtel. Je savais ce qu’était l’amour, désormais.Rentrerà lamaison tous lessoirs,yretrouverAbbyetêtreaccueilliparsonregardaimantétait lemeilleur truc du monde. Mon seul objectif était maintenant de faire en sorte qu’elle tombeperpétuellementamoureusedemoi,encoreetencore.Jevivaispourça,c’étaitmonseulkif.
Moinsd’uneheureaprèsavoirquittéleBellagio,j’avaistrouvéuncostume,deschaussures,uneallianceenorpourAbby,etj’étaisderetouràlacasedépart:notrechambred’hôtel.Assisauboutdulit,jeprislatélécommandeetallumailatéléavantdemebaisserpourdéfairemesbaskets.Unescènefamilièreapparutàl’écran.C’était lebâtimentKeaton,dontl’accèsétaitbarréparuncordonjaune.Delafuméesortaitencorepar lesfenêtres.Lafaçadeenbriqueétaitmaculéedesuieet lesol, toutautour,étaitsaturéd’eau.
Le journaliste interviewait une fille en larmes qui expliquait que sa colocataire n’était pasrentréecesoiretqu’elleattendaitencoredesavoirsiellefiguraitparmilesvictimes.J’aicraqué.Levisagedanslesmains,lescoudessurlesgenoux,jemesuismisàtremblerenpensantàmesamisetàtous les gens que je ne connaissais pas et qui avaient perdu la vie, et jeme suis excusé, encore etencore, parce que j’étais la raison de leur présence dans ce bâtiment, et jeme suis dit que j’étaisvraimentuntropgrossalaudquipréféraitresteravecsacopineaulieud’allersedénoncer.
Quandjen’aipluspupleurer,jesuisalléprendreunedoucheetj’ailaissécoulerl’eausurmoiunlongmoment.Ilfallaitquejeretrouvel’étatd’espritdanslequelAbbyavaitbesoinquejesois.
Ellenevoulaitpasmevoiravantlacérémonie,alorsj’aifaitunpeudeménagedansmatête,jemesuishabillé,j’aimisunetouched’après-rasage,lacémesnouvellesbasketsetjesuissorti.Justeavantquelaportenesereferme,jemesuisretournépourregarderlachambre.Laprochainefoisqueje franchirais ce seuil, je serais l’époux d’Abby. C’était la seule chose qui rendait la culpabilitésupportable.Moncœursemitàbattre.J’étaisàquelquesheuresdurestedemavie.
Lesportesdel’ascenseurs’ouvrirent,jelongeailamoquetteauxmotifscriardsendirectionducasino.Encostume, jemesentaiscommeunprince,et lesgensmeregardaient,sedemandantsansdouteoùallaitcepetitconsursontrenteetunavecdesConverseauxpieds.Àmi-chemin,j’aperçusunefemmeassiseparterrecontrelemur,aumilieudesacsdecourses,quipleuraitautéléphone.Jepilainet.C’étaitAbby.
Instinctivement,jefisunpassurlecôtépourmecacherderrièreunerangéedemachinesàsous.Aveclamusique,lebruitdesmachines,lesconversationsautourdemoi,jen’entendaispascequ’elledisait,maismonsangnefitqu’untour.Pourquoipleurait-elle?Dansl’oreilledequi?Ellenevoulaitplusm’épouser?Devais-jeallerluiparler?Ouattendreetespérerqu’ellen’annulepastout?
Auboutdequelquesminutes,Abbysereleva,ramassaavecdifficultétoussespaquets.Jen’avaisqu’uneidée,couriràsonsecours,maisj’avaispeur.J’étaisterrifié,putain.Terrifiéqu’enmevoyantellemediselavéritéquej’avaispeurd’entendre.Lesalaudd’égoïsteenmoiprit ledessus,etjelalaissaipartir.
Après son départ, je restai assis sur un tabouret, devant une machine à sous, et allumai unecigarette.Sonextrémitégrésilla,avantderougeoyeràlapremièrebouffée.Qu’allais-jefairesiAbbychangeait d’avis ? Pourrions-nous nous remettre d’un truc pareil ? Quelle que soit sa décision,j’allaisdevoirpréparerlasuite.Mêmesiellerenonçaitaumariage,jenevoulaispaslaperdre.
Je restai assis là un longmoment à fumer, à glisser des billets de un dollar dans lamachinependantqu’uneserveusem’apportaitdescocktails.Auboutduquatrième, je lui fis signed’arrêter.Mesoûlerlagueuleavantlemariagen’arrangeraitriendutout.Peut-êtreétait-cepourcelaqu’Abbyhésitait.L’aimernesuffisaitpas.Ilfallaitquejegrandisse,bordel.Quejetrouveunvraiboulot,quej’arrêtedeboire,demebattre,etquej’apprenneàcontrôlermaputaindecolère.Seuldanscecasino,jejuraiensilencedechangeretdecommencerlà,toutdesuite.
Montéléphoneémitunepetitesonnerie.Ilnerestaitqu’uneheureavantlemariage.J’envoyaiuntextoàAbby,redoutantsaréponse.
Tumemanques.
Abby
Je souris en voyant que lemessage venait de Travis, et tapai une réponse, consciente du faitqu’aucunmotnepourraittraduirecequejeressentais.
Tumemanquesaussi.
Plusqu’1h.T’esprête?Pasencore.Ettoi?
Jeveux,ouais.Carrémentcanot,lemec.
Tumevois,tuveuxm’épouseràtslescoups.
Canot?!?
Canon.Bordeldecorrecteurauto.Gdroità1photo?
Non!Çaportemalheur!
T’es13dechance.Lachanceçateconnaît.Tum’épouses.Doncclairmentt’enaspas.
Etm’appellepascomça.
Jt’mbb.
Jt’maussi.A+
Nerveuse?
Biensûr!Pastoi?
Justepeurqtuchangesd’avis.
Aucunrisque.
T’imaginepasàquelpointjsuisheureux.
J’essaiefort.
<3
Je posai mon téléphone sur le bord de la baignoire et me penchai vers le miroir pour meremettreunetouchedegloss.Aprèsavoirramenéunedernièremècheenarrière,jeretournaiverslelit, sur lequel j’avais étaléma robe. Ce n’était pas exactement ce que la petite fille enmoi auraitchoisi,maiselleétaitmagnifique,etcequenousnousapprêtionsàfaireétaitmagnifique.Ilyavaitdesraisonsbienmoinsnoblesquelanôtrepoursemarier.Etenplus,nousnousaimions.Semarieraussijeunesétait-ilterrible?Autrefois,c’étaitcequetoutlemondefaisait.
Je secouai la tête pour me débarrasser des dizaines de pensées contradictoires qui sebousculaientdansmonesprit.Pourquoialleretvenirsanscesse?Nousnousaimionsetnousallionsnousmarier.C’étaitfou?Oui.Uneerreur?Non.
Jepassailarobe,remontailafermeture.—Beaucoupmieux,dis-jedevantlemiroir.Danslaboutique,larobeétaitbelle,maissanslacoiffureetlemaquillageilmanquaitquelque
chose.Avecmeslèvresrubisetmescilscharbonneux,lelookétaitparfait.Jeplaçailabarrettepapillonàlabasedemonchignonetglissaimespiedsdansmesnouveaux
escarpins à bride. Sac. Téléphone. Alliance de Travis. La chapelle fournirait tout le reste. Le taxiattendait.
DesmilliersdefemmessemariaientchaqueannéeàLasVegas,maiscelan’empêchapastoutlemondedeseretournersurmonpassagelorsquejetraversailecasino.Certainssouriaient,d’autressecontentaientderegarder,maistousmemirentmalàl’aise.Quandmonpèreavaitperdusadernièrepartiedeprosaprèsavoirétébattuquatrefoisdesuite,ilavaitpubliquementdéclaréquec’étaitmafaute,etsuffisammentdegenss’étaientretournéssurmonpassagepourquecelamesuffisedeuxviesdurant. À cause de quelques mots lâchés sous le coup de la frustration, il avait créé « Treize de
Chance»etdéposésurmesépaulesunpoidsincroyablementlourdàporter.Mêmequandmamèreavait fini, trois ansplus tard,parquitterMicket s’installer àWichita, ilm’avait été impossibledeprendreunnouveaudépart. Jen’avais eudroitqu’àdeux semainesd’anonymatavantqu’ungratte-papierdelapresselocalenecomprennequij’étaisetnem’interpellejustedevantmonlycée.Àpartirdelà,unefilleodieuseetuneheuresurGoogleavaientsuffipourquetoutlemondesachepourquoilapresses’intéressaitàmoiaupointdesortirenune«Oùa-t-elledisparu?».Ladeuxièmemoitiédemesannéesdelycéeavaitétéunenfer.Mêmeavecunemeilleureamiegrandegueuleetbagarreuse.
QuandAmericaetmoiétionspartiespourlafac,jen’avaisqu’uneidée:êtreinvisible.Jusqu’àcequejerencontreTravis,monnouvelanonymatm’allaitàmerveille.
JebaissailesyeuxpournepascroiserlescentainesderegardsquimefixaientintensémentetmedemandaisivivreavecTravisseraittoujoursaussi…voyant.
6
Mortouvif
Travis
Laportedelalimousineclaquafortderrièremoi.—Ohmerde.Désolé.Jesuisunpeunerveux.Lechauffeurmefitsignedenepasm’inquiéter.—Pasdeproblème.Vingt-deuxdollars,s’ilvousplaît.Jereviendraiaveclalimousine.Elleétaitflambantneuve.Blanche.Abbyallaitaimer.Jeluitendistrentedollars.—Doncvousserezici,dansuneheureetdemie,c’estça?—Oui,monsieur.Jenesuisjamaisenretard!Lalimousines’éloigna,etjemeretournai.Lachapelleétaitilluminée,brillaitdemillefeuxdans
le ciel de cepetitmatin. Il restait environunedemi-heure avant le leverdu soleil. Je souris.Abbyallaitadorer.
Laportes’ouvrit,uncoupleapparut.Laquarantaineenviron,ilportaitunsmoking,etelleunerobedemariéefaçonmeringue.Unefemmeassezpetiteentailleurrosepâleleurfitaurevoirdelamain,puisremarquamaprésence.
—Travis?—Oui,dis-jeenboutonnantmaveste.—Vousêtesàcroquer!J’espèrequevotrefutureépouseapprécieracelookd’enfer!—Elleestplusbellequemoi.Lerirequisuivits’apparentaitàuncaquètementdepoule.—Moi,c’estChantilly.Engros,jem’occupedetoutici.Elle planta ses poings sur ce qui aurait dû être ses hanches.Cette femme était plus large que
haute,etsesyeuxdisparaissaientsousd’épaisfauxcils.—Allez,entrez,beaubrun!Venez,venez!dit-elleenmepoussantàl’intérieur.Laréceptionnistem’accueillitavecunsourire,etuntasdepapiersàremplir.Oui,nousvoulions
unDVD.Oui,nousvoulionsdesfleurs.Oui,nousvoulionsElvis.Jecochaitouteslescases,inscrivisnosnomsetlesinformationsqu’onnousdemandait,avantdeluirendreletout.
—Merci,monsieurMaddox,ditlaréceptionniste.J’avaislesmainsmoites.Jen’arrivaispasàcroirequej’étaisici.Chantillymetapotalebras.Enfin,lepoignet,plutôt,parcequ’elleétaitvraimenttrèspetite.—Venez, joli cœur.Vous pouvez vous rafraîchir un peu et attendre lamariée ici.Comment
s’appelle-t-elle?—Heu…Abby,dis-jeenfranchissantlaportequeChantillyvenaitd’ouvrir.Il y avait dans la pièce un canapé et un miroir encadré de milliers d’énormes ampoules
électriques. Le papier peint était chargé, mais joli, et tout semblait propre, classieux, exactementcommelevoulaitAbby.
— Je vous préviens dès qu’elle arrive, dit Chantilly en me faisant un clin d’œil. Vous avezbesoindequelquechose?Del’eau?
—Oui,del’eau,jeveuxbien,dis-jeenm’asseyant.—Jerevienstoutdesuite.Ellesortitdelapièceenfredonnantetmarchantencadence,etfermalaportederrièreelle.Je
l’entendischantonnerdansl’entrée.Installé sur le canapé, je me demandai si Chantilly carburait aux vitamines ou si elle était
naturellementdebonnehumeur.J’étaisassis,maismoncœurbattaità tout rompre.Voilàpourquoilesgensprenaientdestémoins:pourqu’ilslesaidentàgarderleurcalmeavantlemariage.Pourlapremière foisdepuisquenousavionsatterri, je regrettaiqueShepleyetmes frèresnesoientpasàmescôtés.Ilsm’auraientcharriéàmort,etçam’auraitempêchédepenseràmonestomacquifaisaitlegrandhuit.
Laportes’ouvrit.—Tenez!Autrechose?Vousm’avezl’airunpeunerveux.Vousavezmangé?—Non.Jen’aipaseuletemps.—Houlà!Unmariéquis’évanouitdevantl’autel,cen’estpaspossible, jevouspréviens!Je
vousapportedufromageetdescrackers.Etquelquesfruits,peut-être?—Heu…oui,merci.Décidément,l’enthousiasmedeChantillymedéconcertait.Ellerepartitetjemeretrouvaiseulànouveau.Latêteposéesurledossierducanapé,j’examinai
lesdifférentsdessinsdupapierpeint.Toutcequim’empêchaitderegardermamontresansarrêtétaitbienvenu.Allait-ellevenir?Jefermailesyeux,refusantdem’aventurersurcechemin-là.
Ellem’aimait.J’avaisconfianceenelle.Elleviendrait.Merde,j’auraisvraimentaiméquemesfrèressoientlà.J’étaisentraindedevenirdingue.
Abby
—Ehben,envoilàunebellemariée,ditlaconductricealorsquejemeglissaissurlabanquettearrièredesontaxi.
—Merci,dis-je,soulagéed’avoirquittélecasino.ÀlachapelleGraceland,s’ilvousplaît.Ellemesouritdanslerétroviseur.—Vousvouliezcommencerlajournéeenvousmariant,c’estça?Elleavaitlescheveuxgris,courts,etoccupaitplusquelargementsonsiège.—Onvoulaitsurtoutfaireçaleplusvitepossible.—Vousêtesterriblementjeunepourêtreaussipressée.—Jesais,dis-jeenregardantLasVegasdéfilerderrièremavitre.—Vousm’avez l’airplutôtnerveuse,dit-elleavecunclaquementde langue.Sivousavezdes
hésitations,n’hésitezpas,hein.Jepeuxfairedemi-tour.C’estpasunproblème.—Cen’estpasdememarierquimerendnerveuse.—Ahbon?—Non.Nousnousaimons.Cen’estpasçaquim’inquiète.Jemefaisdusoucipourlui.—Vouspensezqu’ilhésite?—Non,dis-jeenriant,avantdecroisersonregarddanslerétroviseur.Vousêtesmariée?—Jel’aiété.Uneoudeuxfois,répondit-elleavecunclind’œil.Lapremièrefois,c’étaitdansla
mêmechapellequevous,d’ailleurs.MaisBonJovis’estmariélàaussi,fautdire.—C’estvrai?—VousconnaissezBonJovi?«Tommyusedtoworkonthedocks!»semit-elleàchanter,à
magrandesurprise.—Oui,oui.J’enaientenduparler.Jetrouvaiscelaamusant.Etcettedistractionétaitlabienvenue.—Moi,jel’adore!Tenez,j’aimêmeleCD,ici.
Elle le glissa dans la fente, et le reste du trajet se fit au son des plus grands succès de Jon.«Wanteddeadoralive»,«Always»,«BedsofRoses»…«I’llbethereforyou»touchaitàsafinquandellesegaradevantlachapelle.
Jeluitendisunbilletdecinquante.—Gardezlamonnaie.BonJovim’abienaidée.Ellemelarenditquandmême.—Pasdepourboire,machérie.Vousm’avezlaisséechanter!Jerefermailaportièreetluifisunpetitsignedelamain.Travisétait-ildéjàarrivé?J’ouvrislaportedelachapelle.Unefemmepermanentéeauxlèvres
enduitesdeglossm’accueillit.—Abby?—Oui,répondis-jeenrajustantmarobe.—Vousêteséblouissante. Jem’appelleChantillyet je serai l’undevos témoins.Laissez-moi
vousdébarrasser.Jevaismettretoutcelaenlieusûrenattendantlafindelacérémonie.—Merci.Je la regardai s’emparerdemon sac àmain.Quelque chose froufroutait quandellebougeait,
maisjen’auraispassudirequoi.—Oh,attendez…J’aioubliél’alliance!Jesuisdésolée,dis-jetandisqu’ellefaisaitdemi-tour
pourmerapportermonsac.Ses yeux formaient deux fentes lorsqu’elle souriait, ce qui rendait ses faux cils encore plus
évidents.—Toutvabien,machérie.Respirez…—J’aioubliécommentfaire,répondis-jeenpassantl’anneauàmonpouce.—Donnez-les-moi, dit-elle en tendant lamain.Vos alliances. Je vous les rendrai lemoment
venu.Elvisnevapastarderàarriverpourvousamenerjusqu’àl’autel.Jelaregardaisanscomprendre.—Elvis.—Elvis,leKing.—Oui,jesaisquiestElvis,mais…Incapabledeterminermaphrase, jeretiraimabagueet laposaidanslapaumedeChantilly,à
côtédel’alliancedeTravis.Ellesourit.—Vouspouvez aller vous rafraîchir unpeudans cette salle.Travis patientedéjà, doncElvis
seralàd’uneminuteàl’autre.Onseretrouveàl’autel!Ellemeregardaavantdefermerlaportederrièreelle.Jemeretournaietfussurpriseparmon
refletdansl’immensemiroir.Ilétaitéclairépardegrossesampoulesrondes,commedansleslogesdesactricesàBroadway.Jem’assisdevantlacoiffeuseetscrutaimonvisage.Était-cecequej’étaisdevenue?Uneactrice?
Il était là. Travis était devant l’autel et attendait que je le rejoigne pour que nous nouspromettionsdepasserlerestedenotrevieensemble.
Etsimonplanéchouait?S’ilallaitenprisonetquejefaisaistoutcelapourrien?Sil’enquêtemenaittoutdroitàTravisetquecemariageserévélaitinutile?Jen’auraisplusl’excusedem’êtremariée avant d’avoir atteint ma majorité juste pour le sauver. Avais-je besoin d’une excuse si jel’aimais?Pourquoilesgenssemariaient-ils?Paramour?Ça,onenavaitàrevendre.J’étaissûredetellementdechoses,autrefois.Aujourd’hui,jenel’étaisplustoutàfait.Derien.
J’imaginailaréactiondeTraviss’ildécouvraitlavérité,puiscequiseproduiraitsij’annulaiscemariage.Jenevoulaispasqu’ilsouffre,etj’avaisbesoindelui,commes’ilfaisaitpartiedemoi.Decela,j’étaissûre.
Deux petits coups à la porte provoquèrent en moi une crise de panique. Je me retournai,agrippantledossierdelachaise.C’étaitunechaiseenmétalblanc,façonchaisedejardin,donclesentrelacsformaientuncœuraucentredudossier.
—Mademoiselle?fitElvisd’unevoixgraveàl’accentduSud.C’estl’heure.—Oh,dis-jesibasqu’ilnem’entenditpas.—Abby?Votreplay-boybrûlantd’amourvousattend.Jelevailesyeuxauciel.—Je…uneminute.Ilyeutunsilence,puis:—Abby?Toutvabien?—Oui.Justeuneminute,s’ilvousplaît.Nouveausilence,puisonfrappadenouveau.—Abby?Cettefois,c’étaitChantilly.—Jepeuxentrer,machérie?—Non. Je vous prie dem’excuser,mais non.Ça va aller. J’ai juste besoin d’un peu plus de
temps,etçaira.Cinqminutespassèrent,troisautrescoupsfirentperlerlasueuràmonfront.Cescoups-là,jeles
connaissais.Plusfermes.Plusassurés.—Poulette?
7
Cash
Travis
Laportes’ouvrit,Chantillyentraentrombe.—Elleestarrivée!Jel’aiinstalléedanslevestiairepourqu’elleserafraîchisseunpeu.Vous
êtesprêt?—Oui!dis-jeenmelevantd’unbond.J’essuyaimesmainsmoitessurmonpantalonetsuivisChantillydanslecouloir,jusqu’auhall
d’entrée.Etlà,jem’arrêtai.—Par ici,mon chou, ditChantilly enm’encourageant à avancer jusqu’à la double porte qui
ouvraitsurlachapelle.—Oùest-elle?Chantillyindiquauneautreporte.—Danscettepièce.Dèsqu’elleseraprête,nouspourronscommencer.Maisvous,vousdevez
vousplacerdevantl’autel.Sonsourireétaitdouxetpatient.Sansdouteavait-ellel’habitudedefairefaceàtoutessortesde
situations, des états d’ivresse aux crises de panique. Je regardai encore une fois la porte derrièrelaquellesetrouvaitAbby,puissuivisChantillydanslachapelle.Prèsdel’autel,ellem’expliquaoùjedevaisme tenir. Tandis qu’elle parlait, un grand costaud en costume d’Elvis poussa la porte d’ungestethéâtralenfredonnant«BlueHawaii».Ilsourit.
—Qu’est-cequej’aimeLasVegas,moi!VousaimezVegas?demanda-t-il,dansuneparfaiteimitationd’Elvis.
Jesourisàmontour.—Aujourd’hui,oui!— Réponse parfaite ! Notre chère Chantilly vous a expliqué tout ce qu’il y a à savoir pour
devenirunmonsieurcematin?—Oui.Enfin,jecrois.Ilmedonnaunebonnetapedansledos.
—Vousinquiétezpas,toutvabiensepasser.Jevaischerchervotredame.Jereviensdansuneseconde.
Chantillygloussa.—CetElvis,quandmême…Quelquesminutess’écoulèrent,puisChantillyregardasamontreetquittalachapelle.—C’esttrèsfréquent,m’assural’officiant.Cinqminutess’écoulèrentencore,puisChantillypassalatêtedansl’entrebâillementdelaporte.—Travis?Jecroisqu’elleestunpeu…angoissée.Vousvoulezbienessayerdeluiparler?Etmerde.—Oui.L’alléecentraledelachapellem’avaitparucourteàl’aller,maislà,ellen’enfinissaitplus.Je
poussailadoubleporte,traversail’entréeetlevailepoing.Justedevantlaporte,j’inspiraiungrandcoupetfrappai.
—Poulette?Deuxéternitésaumoinss’écoulèrentavantqu’Abbynerépondeenfin.—Jesuislà.Elle se trouvait de l’autre côté de la porte, mais sa voix était lointaine, comme le matin où
j’avaisramenédeuxfillesdubaràl’appartement.Rienquedepenseràcettesoirée,monestomacsenoua.J’avaisl’impressiond’êtreunautrehomme.
—Çava,bébé?—Oui.Je…Toutestallétrèsvite,j’aijustebesoinderespirerunpeu.J’entendaisbienquenon,çan’allaitpas.Maisj’étaisdécidéàgardermonsang-froid,àétouffer
lapaniquequim’avaitsisouventpousséàfairedesbêtises.Jedevaisêtrel’hommequ’Abbyméritait.—Tuessûre?Elleneréponditpas.Chantilly se racla la gorge en se tordant les mains, essayant visiblement de trouver quelque
chosed’encourageantàdire.Ilfallaitquejefranchissecetteporte.—Poulette…J’hésitai.Cequej’allaisdirepouvaittoutchanger,maisétantdonnémonégoïsmelégendaire,il
n’étaitpasdansmanatured’arrondirlesangles.— Je sais que tu sais que je t’aime. Ce que tu ignores peut-être, c’est que rien n’est plus
importantpourmoiquededevenirtonmari.Maissitun’espasprête, jet’attendrai,Poulette.Jenebougerai pas.Enfin, je veuxdire…J’en ai vraiment envie,mais seulement si tu partages ce désir.C’estjusteque…jeveuxquetusachesquetueslibred’ouvrircetteporte,etquenouspouvonssoitallerjusqu’àl’autel,soitprendreuntaxietrentrer.Danslesdeuxcas,jet’aime.
Aprèsunlongsilence,jedécidaiquelemomentétaitvenu.Delapocheintérieuredemaveste,jesortis une vieille enveloppe cornée et la tins à deux mains. L’encre avait pâli mais je suivis les
circonvolutionsdel’écritureduboutdel’index.Mamèreavaitécritsurl’enveloppeÀl’attentiondela future épouse de Travis Maddox. Mon père m’avait donné cette lettre quand il avait comprisqu’entre Abby et moi cela devenait sérieux. Depuis, je ne l’avais sortie qu’une seule fois, en medemandantcequ’ellepouvaitcontenir,maissansjamaisl’ouvrir.Cesmotsnem’étaientpasdestinés.
Mesmainstremblaient.J’ignorais toutdecequeMamanavaitécrit,maisencet instant j’avaisvraimentbesoind’elleetj’espéraisquecettefois,oùqu’ellesoit,ellesemanifesteraitetm’aiderait.Jemebaissaietglissail’enveloppesouslaporte.
Abby
Poulette.Cesurnomm’avaitlongtempsfaitleverlesyeuxauciel.J’ignoraispourquoiilm’avaitappelée ainsi, et jem’en fichais.Aujourd’hui, ce drôle de petit nomprononcéde sa voix grave etchaudemefaisaitunbienimmense.Jemelevaietmedirigeaiverslaporte,posantunemainsurlechambranle.
—Jesuislà.J’entendais mon propre souffle, lent, régulier, comme si je dormais. J’étais complètement
détendue.Sesmotsm’enveloppaient,telleunecouverturedouillette.Peuimportaitcequiarriveraitànotreretour,dumomentquej’étaismariéeàTravis.Quejefassecelapourl’aideroupas,j’étaisicipourépouserl’hommequim’aimaitplusqu’aucunhommeaitjamaisaiméunefemme.Etjel’aimaisen retour – suffisamment pour trois existences. Dans cette robe, la chapelle Graceland étaitexactementl’endroitoùjesouhaitaismetrouver.Encetinstant,ilnepouvaityavoirmieuxquedemetenirdevantl’autel,àsescôtés.
C’estalorsqu’unepetiteenveloppeblancheapparutàmespieds.—Qu’est-cequec’est?demandai-jeenmebaissantpourlaramasser.Lepapierétaitvieux,jauni.L’enveloppeétaitadresséeàlafutureMmeTravisMaddox.—C’estdelapartdemamère,ditTravis.Je retinsmon souffle. J’hésitais presque à l’ouvrir, elle avait de toute évidence été fermée et
gardéeenlieusûrpendanttrèslongtemps.—Ouvre-la,ditTravis,commes’illisaitdansmespensées.Doucement, je glissai un doigt dans l’enveloppe, essayant – sans succès – de l’ouvrir sans
l’abîmer.J’ensortisunefeuillepliéeentrois,etlemondeentiers’arrêta.
Nousnenousconnaissonspas,maisjesaisquevouscomptezbeaucoup.Jenepeuxpasêtreicietvoirmonbébévouspromettresonamour,maissij’avaispuêtreprésente,voici
lesquelquesmotsquej’auraissansdoutesouhaitépouvoirvousdire.Toutd’abord,mercid’aimermonfils.Detousmesgarçons,Travisestleplustendre.
C’estaussileplusfort.Ilvousaimeradetoutsonêtresivouslelaissezfaire.Danslavie,certainsdramesnousaffectent,maiscertaineschosesnechangentpas.
Ungarçonquin’aplusdemèreestunecréaturetrèscurieuse.SiTravisressembleuntantsoitpeuàsonpère,etjesaisquec’estlecas,c’estunocéandefragilitéprotégéparuneépaissemuraillede juronsetd’indifférence feinte.UnMaddoxvousen fera toujoursvoirmais,sivousl’accompagnez,ilvoussuivrajusqu’auboutdumonde.
Plusquetout,j’auraisvouluêtreiciaujourd’hui.J’auraisaimévoirsonvisagequandils’engageraàvoscôtés,me tenir làavecmonmarietvivrecegrandjouravecvous.Jecroisquec’estl’unedeschosesquimemanquerontleplus.Maisassezparlédemoi.Sivouslisez cette lettre, c’est quemon fils vous aime. Et quand unMaddox tombe amoureux, ilaimepourtoujours.
S’ilvousplaît,embrassezmongarçonpourmoi.Sivousdevezvousdisputerunjour,jesouhaitequecesoitpoursavoirlequeldevousdeuxestleplusindulgent.
Avectoutmonamour,Diane
—Poulette?La lettre plaquée sur ma poitrine, j’ouvris la porte. Le visage de Travis était tendu par
l’inquiétude,maisàlasecondeoùnosyeuxsetrouvèrentcelle-cis’évanouit.Ilsemblaitstupéfaitdemevoir.—Tues…Jenecroispasqu’ilexisteunmotpourdireàquelpointtuesbelle.Son regard noisette si doux, ombré d’épais cils, m’apaisa aussitôt. Ses tatouages étaient
dissimulés sous son costume gris impeccable et sa chemise blanche. Seigneur, ce type était laperfectionincarnée.TravisMaddoxétaitsexy,courageux,tendre,etilétaitàmoi.Toutcequej’avaisàfaire,c’étaitmarcherjusqu’àl’autel.
—Jesuisprête.—Qu’est-cequ’elledisait?demanda-t-il.Magorgeseserraetjeréprimaiunsanglot.Jel’embrassaisurlajoue.—Ça,c’estdesapart.—Ahoui?s’étonna-t-iltandisqu’unsouriretrèsdouxilluminaitsonvisage.—Etellesavaitàpeuprèstoutcequ’ilyad’exceptionnelcheztoi,mêmesiellenet’apasvu
grandir.Elleestmerveilleuse,Travis.J’auraisvraimentaimélaconnaître.—J’auraisvraimentaiméqu’elleteconnaisse.Ilsetutuninstant,puismetenditlesmains.Lamanchedesachemiseremontasursonpoignet,révélantsontatouagePOULETTE.
—Onpeut attendredemain.Onn’est pas obligés de se décider tout de suite.Onva rentrer àl’hôtel,réfléchiràtoutça,et…
Ilsoupira,sesépauless’affaissèrentunpeu.—…jesais.C’estcomplètementdingue.J’enavaistellementenvie,Abby.Maisdingue,c’estma
façond’être.Onpeut…Jenesupportaispasdelevoirbredouillerets’embrouillerpluslongtemps.—Arrête,dis-jeenposanttroisdoigtssursabouche.Arrête.Ilmeregarda.Attendit.—Queleschosessoientbienclairesentrenous:jenesortiraipasd’icitantquetuneseraspas
monmari.Ilcommençaparfroncerlessourcils,dubitatif,puism’offritunsourirehésitant.—Tuessûre?—Etmonbouquet,ilestoù?—Oh!lâchaChantilly,quiétaitabsorbéeparnotrediscussion.Tenez,machérie.Ellemetenditunbouquetparfaitementrondcomposéexclusivementderosesrouges.Elvism’offritsonbras.—Onseretrouvedevantl’autel,Travis,dit-il.Travispritmamain,embrassamesdoigtsetrepartitàpetitesfouléesd’oùilétaitvenu,suivipar
uneChantillyhilare.Cesimplecontactnemesuffisaitpas.Soudain,jen’eusplusqu’uneidéeentête,lerattraper,etje
m’élançai d’unpas décidé vers la chapelle. «Thing for you», lemorceau sur lequel nous avionsdansépourmonanniversaire,remplaçaitlatraditionnellemarchenuptiale.Surleseuil,jem’arrêtai,regardaiTravis,prenantenfinletempsdevoirsoncostumegrisetsesConversenoires.Ilsourit.Jefis un pas dans l’allée centrale, puis un autre. L’officiant me fit signe de ralentir, mais j’en étaisincapable.Plusque jamais,monêtre toutentieréprouvait lebesoindese trouverprèsdeTravis. Ildevaitressentirlamêmechose.Elvisn’avaitpasfaitlamoitiéducheminqueTravisdécidadeneplusattendreetremontal’alléeànotrerencontre.Jeluiprislebras.
—Heu…j’étaiscenséallerjusqu’àl’autelpourvouslaconfier.Traviseutunsourireencoin.—Elleétaitdéjààmoi.Je lui serrai lebrasetnous franchîmesensemble le restede l’allée.Levolumede lamusique
baissa,l’officiantnoussaluad’unmouvementdetête.—Travis…Abby.Chantillypritmonbouquetetseplaçaànoscôtés.Nosmainstremblantess’étreignaient.Nousétionstouslesdeuxsinerveuxetheureuxàlafois
queresterimmobilesétaitpresqueimpossible.JevoulaisépouserTravis,vraiment,maisjetremblaismalgrétout.J’entendisàpeinelesparoles
del’officiant.Sonvisage,satenues’effacèrentdemamémoire.Jemesouvinsjustedesavoixgrave
unpeunasale,desonaccentduNord-Ouest,etdelamaindeTravisquiserraitlamienne.—Regarde-moi,Poulette,mesoufflaTravis.Jelevailesyeuxverslevisagedemonfuturmarietmeperdisdanslasincéritéetl’amourqui
irradiaientde son regard.Personne,pasmêmeAmerica,nem’avait jamais contempléeavecautantd’amour.Unsouriresedessinasurseslèvres,j’endéduisisquejedevaisavoirlamêmeexpression.
Tandis que l’officiant récitait son laïus, les yeux de Travis parcoururent mon visage, mescheveux,marobe–etjusqu’àmeschaussures.Puisilsepenchajusqu’àcequeseslèvreseffleurentmoncouetinspiraprofondément.
L’officiants’interrompit.—Jeveuxmesouvenirdetout,ditTravis.L’hommesourit,hochalatêteetreprit.Un flash illumina la chapelle, nous faisant sursauter. Travis regarda derrière lui, nota la
présenceduphotographe,etrevintàmoi.Nousaffichionstouslesdeuxunsourireunpeubêta.Sansdoute étions-nous ridicules,mais jem’en fichais. J’avais l’impression que nous nous apprêtions àplonger de très, très haut dans la plus profonde des rivières, qui à son tour formait la plusvertigineusedescascades,sortedegrandhuitfantastiqueàl’échelledel’Univers.Àlapuissancedix.
— Le mariage commence bien avant le jour de la cérémonie, dit l’officiant. Et les effortsnécessairesà saconstruction sepoursuiventbien longtempsaprès.Unepetite secondeet le contactd’unstyloavecunregistresuffisentàcréerlelienjuridiquedumariage,maisilfautunevied’amour,de dévouement, d’indulgence et de compromis pour en faire un lien durable et éternel. Travis etAbby,vousvenezdenousmontrerdequoil’amourestcapabledansunmomentunpeutendu.Vosviesrespectivesjusqu’àcejoursontlecheminquivousaconduitsàcettechapelle,etvotrevoyageversunavenircommunsedessineaujourd’huiplusclairement.
Travisposasajouecontrematempe.Qu’ilaitbesoindececontactphysiqueencetinstant,etàtout autre moment, m’était précieux. Si j’avais pu le serrer dans mes bras sans interrompre lacérémonie,jel’auraisfait.Dansmonesprit,lesmotsdel’officiantsemêlèrent.Plusieursfois,Travispritlaparole,etjefisdemême.Puisjeglissail’anneaunoiràsondoigt,etsonsouriresefitradieux.
Vintmontourderépéterlesparolesdel’officiant.—Aveccetanneau,jeteprendspourépoux.—Trèsbonchoix,ditTravisenadmirantsonalliance.Lorsquecefutàlui,ilsemblas’emmêlerunpeu,puispassadeuxbaguesàmondoigt,mabague
defiançaillesetuneallianceenor,toutesimple.J’aurais voulu apprécier pleinement le choix qu’il avait fait d’une vraie alliance, le lui dire
même, mais j’étais en pleine expérience de désincarnation. Plus j’essayais d’être dans le momentprésent,plusleschosessemblaientsedéroulerenaccéléré.
Sansdoutem’aurait-il falluécouterattentivement la listede toutceque jepromettais,mais laseulevoixquiavaitdusenspourmoiétaitcelledeTravis.
—Oui,oui,etre-oui,jeleveux,dit-ilavecunsourire.Etjeprometsdeneplusjamaismebattre,nideboiredémesurément,dejoueràdesjeuxd’argentoudelaissermacolèreconduiremespoings.Etjamais,jamaisplusjeneteferaipleurer.
Lorsquecefutmontour,jevoulusmettredeuxtroispetiteschosesauclair.—Jeveuxjustequetusaches,avantquejeteprometteamouretfidélité,quejesuissupertêtue.
Tusaisdéjàquevivreavecmoin’estpasunesinécure,ettuasdéjàeuunebonnedizained’occasionsde me dire que je te rendais fou. De toute façon, ces derniers mois, je suis certaine que monindécision etmes incertitudesont rendudingues tous ceuxquim’ont côtoyée.Mais je veuxque tusachesquequoi qu’il en soit, tout ça, c’est forcément de l’amour.Nous avons commencépar êtreamis,puisnousavonsessayédenepastomberamoureuxl’undel’autre,etçan’apasmarché.Situn’espasavecmoi,c’estquejenesuispasaubonendroit.Jem’engagedanscemariage.Jem’engageavec toi. Nous retrouver ici à peine six mois après notre rencontre, à notre âge, est peut-êtrecomplètement fouet impulsif.Toutecettehistoire tournerapeut-êtreàunecatastrophemagnifique,maissic’estavectoi,c’estcequejeveux.
—CommeJohnnyetJune,ditTravis,lesyeuxbrillants.Laroutenefaitquecommencer,maisjesaisquejevaisenapprécierchaqueinstant.
—Voulez-vousprend…commençal’officiant.—Oui,jeleveux,répondis-jesanslelaisserfinir.Ileutunpetitrire.—Trèsbien.Maisjedoisledire.—Jel’aientenduunefois,cen’estpaslapeinedemelerépéter,dis-jeensouriant,sansquitter
lesyeuxdeTravis.Ilserramamain.Ilyeutd’autrespromessesàformuler,puisl’officiantsetut.—C’esttout?s’étonnaTravis.Ilsourit.—C’esttout.Vousêtesmariés.—Vraiment?Travisouvritdegrandsyeux.OnauraitditunenfantlematindeNoël.—Vouspouvezembrasserlamar…Il m’enveloppa dans ses bras, me serra contre lui et m’embrassa. Avec fougue et passion,
d’abord,puispluslentement,plustendrement.Chantillyapplauditdesespetitesmainsboudinées.—C’étaitmerveilleux!Lemeilleurmariagedelasemaine!J’adorequandtoutnesedéroule
pascommeprévu.—MademoiselleChantilly,monsieurKing, jevousprésenteM.etMmeMaddox,ditceluiqui
venaitdenousmarier.Elvis applaudit à son tour, et Travisme souleva dans ses bras. Je pris son visage entremes
mainsetmebaissaipourl’embrasser.
—J’essaiedemecontenir,là,expliquaTravis.Maismaintenant,jecomprendsl’enviedesauterpartoutetdetaperdespieds.Jenesaispascommentexprimercequejeressens!
Jenepus retenirunéclatde rire. Il avaitun sourire jusqu’auxoreilles, et j’étais sûred’avoirl’airaussiinsupportablementheureuse.Travismereposaàterreetregardalerestedel’assemblée.Ilsemblaitunpeusonné.
—Waouh!hurla-t-ilsoudainenagitantlespoingsdevantlui.Çayest!Onl’afait!Puis il éclata de rire et m’embrassa une nouvelle fois. Effectivement, il avait du mal à se
contenir.J’éclataiderireàmontour.Ilmepritdanssesbras,sesyeuxbrillaientdeplusenplus.— Elle m’a épousé ! dit-il à Elvis. Putain, je t’aime, bébé ! hurla-t-il en m’étreignant et en
m’embrassant.Jenesavaispasvraimentàquoim’attendre,maisàcela,certainementpas.Chantilly,l’officiant
etmêmeElvisétaienthilares,àlafoisamusésetimpressionnés.Leflashduphotographecrépitait,onseseraitcruscernésparlespaparazzis.
—Plusquequelquespapiersàsigner,deuxtroisphotos,etvouspourrezêtreheureuxetavoirbeaucoupd’enfants,ditChantilly.
Elleseretourna,pritunefeuille,unstyloetnouslestenditavecungrandsourire.—Ah,j’allaisoubliervotrebouquet!Ilvouslefaut,pourlesphotos!Ellemele tendit,etnouspassâmesàlaséancephotos.Debout,ensemble.Montrantnosmains.
Côteàcôte.Faceàface.Sautantdanslesairs.Danslesbrasl’undel’autre.Nousembrassant.Ilyeneutmêmeuneoùilmeportaitdanssesbras.PuisTravissignalecertificatdemariage,mepritparlamainetm’entraînajusqu’àlalimousinequinousattendaitdehors.
—Jenerêvepas?C’estvraimentarrivé?demandai-jeenmontant.—Unpeumonneveuquec’estarrivé!—Ilm’asemblévoirdesyeuxtrèsbrillants,danscettechapelle.—Poulette,tuesdésormaisMmeTravisMaddox,etjen’aijamaisétéaussiheureuxdemavie!J’éclataiderireetsecouai la tête.Jamais jen’avaisrencontrédedingueaussiattachant.Jeme
penchaiversluietprisseslèvres.Depuisqu’ilavaitglissésalanguedansmabouchedanslachapelle,jen’avaisqu’uneidée,l’yretrouver.
Travispassalesmainsderrièrematêtetandisquejemontaiàcalifourchonsurlui,lesgenouxconfortablement nichés dans le cuir de la banquette. Jem’attaquai à sa ceinture, il se pencha pouractionnerleboutonquifermaitlavitredecommunication.Unpeud’intimité,enfin.
Défairelesboutonsdesachemisemeprituntempsfou,puismesmainsimpatientess’arrêtèrentsursabraguette.LabouchedeTravisétaitpartout.Ilposaleslèvresjustederrièremonoreille,làoùlapeauestsidouce,puislaissaglissersalanguelelongdemoncou,pourfinirsurmonépaule,qu’ilmordilla.D’unmouvementsouple, ilmemitsur ledos,etsamainremontaaussitôt le longdemacuissepourallerseglissersousl’élastiquedemaculotte.Quelquesinstantsplustard,celle-cipendait
àunedemeschevilles.LamaindeTravisremontasurl’intérieurdemajambeets’arrêtaentremescuisses.
—Bébé,murmurai-jeavantqu’ilnemefassetaireenposantsabouchesurlamienne.Sonsouffleétaitpuissant,ilmeserraitcontreluicommesic’étaitlapremièreetladernièrefois.Ilsemitàgenoux,exposantsesabdosparfaitsetsestatouages.Instinctivement,mescuissesse
tendirent,mais il pritma jambedroite entre sesmainset l’écartadoucement.Sousmon regard, sabouche affamée se promena sur mon pied, avant de remonter le long de mon mollet pour allercaressermongenoupuisavancerversl’intérieurdemacuisse.Jebasculailebassinafindeveniràsarencontre,maisils’attardaàcetendroit,bienpluspatientquemoi.
Lorsquesalangueeffleuraleszoneslesplussensiblesdemonanatomie,ilglissaunemainentrema robe et la banquette, attrapa mes fesses et les fit doucement glisser vers lui. J’étais à la foisliquéfiéeettenduecommelacorded’unarc.Travisavaitdéjàpratiquécettepositionmais,detouteévidence, il n’avait pas exploité toutes les possibilités qu’elle offrait, gardant le meilleur de sonsavoir-fairepournotrenuitdenoces.Mesgenouxseplièrent,frémirent,etjeprissatêteentremesmains.
Il ne s’arrêta qu’une seule fois, pourmurmurermon nom contrema peaumoite, et un longfrissonme parcourut. Je fermai les yeux, avec la sensation qu’ils chaviraient dans un pur instantd’extase.Mesgémissements rendirentsesbaiserspluspressantsencore,et jesentisqu’ilse tendait,soulevantmoncorpspourl’ameneràseslèvres.
L’intensité du moment montait à chaque seconde, véritable mur de brique entre le désird’abandon total et le besoin de prolonger cet instant. Jusqu’à ce que, finalement, mon impatiencel’emporte.JeplaquailevisagedeTravissurmoi.Lesentantsourire,jepoussaiuncri,submergéeparlapuissanceélectriquedessoubresautsquiagitaientmoncorpstoutentier.
Avec toutes ces distractions, je ne me rendis pas compte que nous étions au Bellagio avantd’entendrelavoixduchauffeurdansl’interphone.
—Jevouspriedem’excuser,monsieuretmadameMaddox,maisnoussommesarrivésàvotrehôtel.Souhaitez-vousquejerefasseuntoursurleStrip?
8
Enfin
Travis
—Non,non,çavaaller.Laissez-nousjusteuneminute,répondis-je.Abbyétaitmi-allongée,mi-assisesurlabanquetteencuirnoirdelalimousine.Sesjouesétaient
rouges,elleavaitlesoufflecourt.Jedéposaiunbaisersursacheville,puisrécupéraisaculotteàlapointedesonescarpinetlaluitendis.
Merde, qu’est-ce qu’elle était belle. Je boutonnai ma chemise sans parvenir à détacher monregard de son visage. Elle me renvoya un sourire radieux, tout en remontant sa culotte sur seshanches. Le chauffeur toqua à la vitre. Abby me fit signe que c’était bon, et je déverrouillai laportière,qu’ilouvritpournous.Jeluitendisungrosbillet,puisprismafemmedansmesbras.Ilnenousfallutquequelquesminutespourtraverserlehalld’entréeetlecasino.Disonsquej’étaismotivépar l’idée de regagner notre chambre. Heureusement Abby, blottie contre moi, dissimulait monérection.
Elleignoralesdizainesdegensquinousfixèrentcommenousattendionsl’ascenseur,etcollasabouchesurlamienne.Lenumérodel’étagefutàpeineaudiblequandj’essayaideleprononcer,maisducoindel’œiljepusconstaterquel’onavaitappuyésurlebonbouton.
Danslecouloirquimenaitànotrechambre,j’avaislecœurbattant.Devantnotreporte,j’eusdumalàsortirlaclétoutengardantAbbydansmesbras.
—Laisse-moifaire,monamour,dit-elleavantdelatirerdemapochetoutenm’embrassantetenouvrantlaporte.
—Merci,madameMaddox.Ellesouritsansquittermeslèvres.—Avecplaisir.Jelaportaijusqu’aulitetladéposaidebout.Abbymefixaunmoment,puisenvoyabaladerses
escarpins.—Jesuggèrequel’onretireçaprécautionneusement,madameMaddox.C’estleseulvêtement
quejenevoudraispast’arracher.Ilnefautpasl’abîmer.
Doucement, je la fispivoter,puisdéfis lentement la fermeture,déposantunbaiser sur chaqueparcelle de peau ainsi révélée.Le corps d’Abby était déjà gravé dansmon esprit,mais caresser etgoûter lapeaudecellequiétaitdésormaisma femmeétaitune toutenouvelleexpérience. Jesentismonterenmoiundésirjamaisressentijusque-là.
Larobetombaàsespieds.Jelaramassaipourlaposersurledossierd’unechaise.Abbydéfitsonsoutien-gorge,lelaissatomberàsontour,etjeglissailespoucesdansladentelledesaculotte.Unsouriremevintlorsquejeréalisaiquec’étaitlasecondefoisentrèspeudetemps.
— Je t’aime tant, soufflai-je en l’embrassant derrière l’oreille, faisant doucement glisser ladentellelelongdesescuisses.
Laculottetombasurseschevilles,ellel’envoyapromenerd’uncoupdepied.Jerefermaimesbrassurelle,inspiraiprofondément,plaquantsondosnucontremontorse.J’avaisbesoind’êtreenelle,maqueuen’enpouvaitplusd’attendre,mais il était importantquenousprenionsnotre temps.Unenuitdenoces,çaneserecommençaitpas,etjevoulaisquelanôtresoitparfaite.
Abby
J’avais la chair de poule. Quatremois plus tôt, Travism’avait pris ce que je n’avais jamaisdonné à aucun homme. J’étais tellement empressée à l’époque que je n’avais pas eu le tempsd’appréhender ce moment. Aujourd’hui, pour notre nuit de noces, je savais à quoi m’attendre, jesavaiscombienilm’aimait,maisj’étaisplusnerveusequepourcettepremièrefois.
—Jesuggèrequel’onretireçaprécautionneusement,madameMaddox.C’estleseulvêtementquejenevoudraispast’arracher.Ilnefautpasl’abîmer,dit-il.
J’eusunpetitrireenrepensantaucardiganroseboutonnéjusqu’enhautetéclaboussédesang.PuisjerevisTravislejouroùjel’avaiscroisépourlapremièrefoisàlacafétéria.
—J’abîmebeaucoupdecardigans,avait-ilditavecsonsourireàfossettequi lesfaisait toutescraquer.
Le sourire que j’aurais aimé détester.Les lèvres qui descendaient doucement le long demonépinedorsaleencetinstant.
Travis me fit avancer jusqu’au lit. Je me glissai à plat ventre sur les draps et me retournai,espérantqu’ilmerejoigne.Ilmeregardait,toutenôtantsachemise,seschaussuresetsonpantalon.Secouantlatête,ilmefitpivotersurledosetsecouchasurmoi.
—Non?demandai-je.—Jepréfèreregardermafemmedanslesyeuxplutôtquedela jouercréatif.Pourcesoirau
moins.Ilécartaunemèchedecheveuxdemonvisage,m’embrassasurlenez.C’étaitassezamusantde
voirTravisprendresontemps,réfléchiràcequ’ilavaitenviedemefaire,etcomment.Lorsque,nus,nousnousglissâmesentrelesdraps,ilinspiraprofondément.
—MadameMaddox?Jesouris.—Oui?—Rien.Jevoulaisjustet’appelercommeça.
—Parfait.J’aimebien.Sesyeuxscrutèrentmonvisage.—Vraiment?—C’estréellementunequestion?Parcequejenevoispascequejepeuxfairedepluspourtele
prouverquedetejurerfidélitépourl’éternité.Ilsetut,sonvisages’assombrit.—Jet’aivue,murmura-t-il.Danslecasino.Jepassaiaussitôtenmoderewind,déjàsûrequ’ilavaitcroiséJesse,etpeut-êtremêmecellequi
l’accompagnaitetmeressemblait.Lajalousiejouedemauvaistoursauxgens.Aumomentoùj’allaisluiexpliquerquejen’avaispasrevumonex,Travisreprit:
—Assiseparterre.Jet’aivue,Poulette.Monventre senoua. Ilm’avaitvuepleurer.Commentallais-jepouvoir expliquercela? Jene
pouvaispas.Maseuleoption,c’étaitdefairediversion.Latêtebienenfoncéedansl’oreiller,jeregardaiTravisdroitdanslesyeux.—Pourquoitum’appellesPoulette?Jeveuxdire…vraiment.Ma question le prit au dépourvu. J’attendis, espérant qu’il en oublierait le début de notre
conversation.Jenevoulaispasluimentir,niavouercequej’avaisfait.Pascesoir.Jamais.Jevisdans son regardqu’il acceptait délibérémentque je changede sujet. Il n’était pasdupe,
maisilallaitmelaisserfaire.—C’estàcausedelapetitepoulerousse.Tusais,l’histoirepourenfants?Jehochailatête.—Elleestfutée.Elleestgénéreuseaussi,etfidèleàsesamis,maisfautpasnonpluslaprendre
pouruneidiote.Lapremièrefoisqueje t’aivue,aubordduCercle,c’est l’imagequim’estvenue.Derrière le cardigan boutonné et plein de sang, j’ai tout de suite vu une fille pas facile àimpressionner.J’aisuquej’allaisdevoirvraimenttemériter.Quetunemeferaispasconfiancesansbonneraison.Jel’aivudanstonregard,etjen’aipasarrêtéd’ypenser,jusqu’àcequejetecroiseàla cafétéria. J’avais essayé de faire comme si de rien n’était, mais au fond je savais que c’étaitimpossible. Toutesmes conneries,mes errances étaient desmiettes de pain sur le chemin quimemenaitjusqu’àtoi.Quinousmenaitàcetinstant.
—Jet’aimetellement,soufflai-je.Ilétaitallongéentremesjambes,et jelesentaiscontremescuisses,àquelquescentimètresde
l’endroitoùjevoulaisqu’ilsoit.—Tuesmafemme.Comme il prononçait cesmots, la paixgagna son regard.Celame rappela le soir où il avait
gagnésonpari,etoùj’avaisdûresterchezlui.—Oui.Tun’arriverasplusàtedébarrasserdemoi,maintenant.Ilm’embrassa.—Enfin.
Ilpritsontempspourentrerenmoi,nefermantlesyeuxquel’espaced’uneseconde,pourlesrouvriraussitôtetlesplongerdanslesmiens.Lentement,ilentamaunva-et-vientrythmé,embrassantmeslèvresparintermittence.Ilavaittoujoursétédélicatavecmoi,mêmesinotrepremièrefoisavaitétéunpeudifficile.Ildevaitsavoirquepourmoic’étaittrèsnouveau,mêmesijeneluiavaisriendit.Tout le campus était au courant des conquêtes deTravis,mais je n’avais pas eu affaire à l’étalonsauvagedonttoutlemondeparlait.Moi, j’avaiseudroitàladouceuret latendresse.Àlapatience,aussi.Etcesoirnefaisaitpasexceptionàlarègle.Aucontraire.
Lorsqueenfinjemedétendisetbougeaicontrelui,Travisglissaunemainderrièremongenouetleremontadoucementjusqu’àsahanche.Puisilglissaenmoidenouveau,plusloin.Jepoussaiunsoupiretbasculailebassin.IlyavaitpiredanslaviequelapromessedesentirlecorpsnudeTravisMaddoxcontrelemien,enmoi,pourlerestantdemesjours.Bien,bienpire.
Ilm’embrassa,megoûta, fredonnacontremes lèvres.Sans cesserd’aller et venir enmoi, dem’embrasser,demedévorer,ilrepliamonautregenouetpressamescuissescontremontorsepours’enfoncer plus profondément en moi. Un gémissement jaillit de ma gorge, un mouvementondulatoire s’empara demon bassin, incapable de rester immobile tandis qu’ilme pénétrait selondifférents angles, bougeant les hanches jusqu’à ce quemes onglesmordent la peaude sondos. Jesentaissesmusclesrouler,glissersousmesdoigts.
LescuissesdeTravisfrottaient,cognaientcontremesfesses.D’aborddressésuruncoude,ilseredressacomplètementetplaçameschevillessursesépaules.Sescoupsdereinssefirentplussecs,plusdurs,etmêmesic’étaitunpeudouloureux,c’étaitunedouleurquienvoyaitdansmesveinesdespousséesd’adrénalined’unepuissancesansnom.L’intensitédemonplaisirs’entrouvaredoublée.
—Oh…Travis…Oui!J’avais besoin de dire quelque chose, de prononcer son nom, pour contrôler la montée du
plaisir.Enm’entendant,ilseraiditunpeu,accéléralerythmedesesva-et-vientjusqu’àcequenoscorps
soientcouvertsdesueur.Laissantmesjambesretombersurlelit,ilseplaçaau-dessusdemoiunenouvellefois.—C’estsibon…gémit-il.J’aimeraiscontinuercommeçatoutelanuit,maisje…J’approchaimeslèvresdesonoreille.—Jeveuxquetujouisses,soufflai-jeavantdeluioffrirunpetitbaiserléger.Ouvrantcomplètementlescuisses,jeplaquailesmainssurlesfessesdeTravisetl’attirailoinen
moi.Ilseretirapourreveniraussitôt,encoreetencore,chaquefoisplusfort.Alorsj’agrippaimesgenouxetlestiraiversmapoitrine.C’étaitsibon,j’auraisvouluquecelanes’arrêtejamais.Jesentismonterlavaguedemonpropreplaisirjusqu’àcequetoutmoncorpssetendeetquelessoubresautsdel’orgasme,courts,puissants,mesecouent.Jecriai,sansmepréoccuperdequipouvaitm’entendre.
Travispoussaungrognementenguisede réponse.Enfin, sescoupsde reins ralentirent,maissansperdredeleurpuissance,jusqu’àcequ’ilhurle:
—Ah!Aaaaah!
Àsontour,soncorpsfutagitédesoubresauts.Ilavaitposélefrontcontremajoue,s’yappuyaitdetoutessesforces.
Tous deux à bout de souffle, nous restâmes silencieux, joue contre joue. Après un derniersursaut,ilenfouitsonvisagedansl’oreiller.
Jel’embrassaidanslecou,goûtaileselsursapeau.—Tuavaisraison,dis-je.Ilseredressasuruncoude.—Tuétaismondernierpremierbaiser.Il sourit,m’embrassaunpeubrusquement,puisblottit sonvisagecontremoncou.Haletant, il
réussittoutdemêmeàmurmurer:—Putain,qu’est-cequejet’aime,Poulette.
9
Avant
Abby
Unbourdonnementmetirad’unsommeilprofond.Lesrideauxnelaissaientpasserquedefinsraisdelumière,surlescôtés.Lacouvertureet ledrapétaientàmoitiétombésdulit.Marobeavaitglissésurlesol,lecostumedeTravisétaitéparpillédanslachambreetjen’apercevaisqu’unseuldemesescarpins.
Mon corps nu était enlacé par celui deTravis.Nous avions consomménotre union trois foisavantdesombrer,épuisés.
Le bourdonnement, encore. C’étaitmon téléphone, sur la table de nuit. Je passai un bras au-dessusdeTravisetl’ouvrisenvoyants’afficherlenomdeTrent.
Adammisenexamen.JohnSavagesurlalistedesvictimes.
Etc’étaittout.Jesupprimailemessage,lecœurbattant,craignantqueTrentn’endisepasplusparcequelapoliceétaitdéjàchezJimpourluiannoncerqueTravisétaitimpliquédanscedrame.Jejetaiuncoupd’œilàl’horlogedutéléphone.Ilétaitdixheures.
JohnSavageétaituntémoindemoinsauprèsdequienquêter.Etunevictimedeplusquipèseraitsur la conscience de Travis. Je ne me rappelais pas avoir vu John après le déclenchement del’incendie. Il était K-O dans le Cercle. Peut-être ne s’était-il jamais réveillé. Je repensai aux fillescomplètement paniquées que Trent etmoi avions croisées dans le dédale du sous-sol. Je pensai àHilaryShort,quiétaitdansmoncoursd’algèbreetquej’avaisvue,souriante,auprèsdesonnouveaupetitamidel’autrecôtéduCercle,justeavantl’incendie.Lalongueurdelaliste,etlesnomsqu’ellecomportait,j’essayaisdenepasysonger.
Peut-être méritions-nous tous d’être punis. Car la vérité, c’était que nous étions tousresponsables,tantnousavionsétéirresponsables.Silespompierssupervisaientcegenrederéunions
etprenaientdesmesuresdesécurité,c’étaitpouruneraison.Nousavionschoisid’ignorertoutcela.Allumerlaradiooulatélésanstombersurdesinfosoudesimagesdel’incendieétaitimpossible,etTravis etmoi les avions évités aumaximum.Mais l’attention accrue desmédias signifiait que lesenquêteursseraientd’autantplusdéterminésàretrouverlesresponsablesdecedrame.Leurenquêtes’arrêterait-elle à Adam, ou chercheraient-ils plus loin ? Si j’avais fait partie des proches desvictimes,jesavaisquej’auraisaiméqu’ilsn’abandonnentpas.
JenevoulaispasqueTravisailleenprisonetpaiepourlecomportementirresponsabledetouslesautres.Celaneramèneraitpersonneàlavie.J’avaisfaittoutcequejepouvaispourluiéviterdesennuis,etj’étaisprêteàniersaprésenceàKeatoncettenuit-làjusqu’àmonderniersouffle.
D’autresavaientfaitbienpirepourceuxqu’ilsaimaient.—Travis,dis-jeenlesecouantdoucement.Ilétaitsurleventre,latêtesousunoreiller.—Gggmhggmh…grogna-t-il.Tuveuxquejepréparelepetit-déj?Jetefaisdesœufs?—Ilestdixheurespassées.—Bonben,lebrunch,alors.Commejenerépondaispas,ilproposa:—Justeunpetitsandwich?Jeleregardaiensouriant.—Monamour?—Moui?—OnestàLasVegas.Il sortit la tête de sous l’oreiller, alluma la lampe de chevet. Quand les événements de ces
dernières vingt-quatre heures lui revinrent enfin, samain jaillit et il glissa son bras autour demataille en m’attirant sous lui. Il s’installa entre mes cuisses et baissa la tête pour m’embrasserdélicatement,tendrement,laissantseslèvressurlesmiennesjusqu’àcequ’ellesmechatouillent.
—Jepeuxquandmêmetetrouverdesœufs.Tuveuxquej’appelleleserviced’étage?—Enfait,onaunavionàprendre.Ilsedécomposa.—Ohmerde.Fautyêtreàquelleheure?—Levolestàseizeheures.Maisilfautlibérerlachambreàonzeheures.Travisfronçalessourcilsetregardaverslafenêtre.— J’aurais dû réserver pour deux nuits. Un jour pareil, on le passe au lit ou au bord de la
piscine.Jel’embrassaisurlajoue.—Onacours,demain.Onmettradessousdecôtépouruneautreescapade.Detoutefaçon,je
n’aipastellementenviedefairemonvoyagedenocesàLasVegas.Ilgrimaça.—Jetepréviens,moi,jen’aiaucuneenviequecesoitdansl’Illinois.
D’unhochementdetête,jereconnusquec’étaituneidéeassezmoyenne.L’Illinoisn’étaitpaslepremierendroitquimevenaitàl’espritlorsquejepensaisvoyagedenoces.
—SaintThomasestunendroitmagnifique.Etonn’amêmepasbesoindepasseport.—C’estparfait.Jerefusedemebattre,ilnenousresteplusqu’àfairedeséconomies.Jesouris.—C’estvrai?—Je te l’aidit,Poulette. Jen’aipasbesoinde toutça, je t’ai, toi.Tuas toutchangé.Tues le
futur.Tuesl’apocalypse.Jefislagrimace.—Hou.Jenesuispassûred’aimerbeaucoupcemot.Ilsouritetroulasurlelit.Puis,allongésurleventre,ilglissalesmainssousluietmeregarda.—Tuasditquelquechose,pendantlacérémonie…qu’onétaitcommeJohnnyetJune.Jen’ai
pasvraimentcomprisàquoitufaisaisréférence.Ileutunriremoqueur.—Tuconnaispasl’histoiredeJohnnyCashetJuneCarter?—Unpeu,si,mais…—Elles’estbattuebecetonglespourlui.Ilssedisputaienttoutletemps,etilafaitbeaucoupde
conneries.Maisilsontsurmontéçaetontpassélerestantdeleursjoursensemble.—Ahbon?Maisellen’avaitpasMickcommepère,elle.—Ilneteferaplusjamaissouffrir,Poulette.—Tunepeuxpasmelepromettre.Chaquefoisquejecommenceàconstruirequelquechose,il
déboule.—Ehben,onauradesboulotsnormaux,onserafauchés,commetouslesétudiants,etiln’aura
plus aucune raison d’essayer de nous taper.On va avoir besoin dumoindre dollar.Heureusementqu’ilmeresteencoreunpeudecashdecôtépourqu’onpuissevoirvenir.
—Tuasuneidéed’oùtupourraispostuler?Moi,jemesuisditquejepourraispeut-êtredonnerdescoursdesoutien.Enmaths.
Travissourit.—Çat’iraitbien.Peut-êtrequejepourraisfairelamêmechoseensciences.—Tuestrèsbonlà-dedans.Jepourraisterédigerunelettrederecommandation.—Jenesaispassilesrecommandationssontvalablesquandellesviennentduconjoint.Jebattisdespaupières.—Mince.Çamefaitvraimenttoutdrôle.Traviséclataderire.—Tutrouvesaussi,hein?Moi,j’adore.Jevaisbienm’occuperdetoi,Poulette.Jenepeuxpas
tegarantirqueMickneviendraplustepourrirlavie,c’estvrai,maisjeteprometsquejeferaitoutpouréviterqueçaneseproduise.Etsiçaarrive,monamourtesoutiendra.
Jesourisetluicaressailajoue.
—Jet’aime.—Jet’aimemoiaussi.Est-cequec’étaitunbonpère…avanttoutça?—Jenesaispas.Jelepensaissansdoute.Maiscommentunenfantpeut-iljugerdecela?J’aide
bonssouvenirsdelui.Ilatoujoursbu,etjoué,çac’estsûr,maisquandilavaitdelachance,ilétaitgentil.Généreux.Parmisesamis,beaucoupavaientunefamille…Ilstravaillaientpourlamafia,maisilsavaientdesenfants.Ilsétaientgentils,nedisaientrienquandMickdéboulaitavecmoi.J’aipassébeaucoup de temps dans les coulisses. J’ai vu énormément de choses qu’un enfant ne voit jamais,parcequ’ilm’emmenaitpartoutaveclui.Oui,jecroisquec’étaitunbonpère,àsafaçon.Jel’aimais.Pourmoi,c’étaitunhommeparfait.
Unelarmeroulasurmajoue.Travisl’essuyadélicatement.—Nepleurepas,Poulette.Jesecouailatête.—Tuvois?Ilarriveencoreàmefairesouffrir,mêmequandiln’estpaslà.Ilmepritlamain.— Je suis là, moi. Tu as bouleversé mon existence, et grâce à toi j’ai droit à un nouveau
départ…commeuneapocalypse.Jefronçailessourcils.—Çanemeplaîttoujourspas.Ilseleva,nouantledrapautourdesesreins.—Toutdépenddelafaçondonttuvoisleschoses.—Non,pasvraiment,dis-jeenleregardantsedirigerverslasalledebains.—J’enaipourcinqminutes.Jem’étirai, profitant d’avoir tout le lit pourmoi, puis jem’assis, passai lesmains dansmes
cheveuxpourtenterdemerecoiffer.Travistiralachasseetouvritunrobinet.Iln’avaitpasditcelaenl’air.Danscinqminutes,ilseraitprêt,etmoi,j’étaisencorenueetaulit.
Faire tenirma robeet soncostumedansnotrepetit sacne futpasuneminceaffaire,mais j’yparvins.Travissortitdelasalledebainset,enpassant,laissaglissersesdoigtssurlesmiens.
Dentsbrossées,cheveuxcoiffés,jem’habillai.Àonzeheures,nousquittâmeslachambre.Travispritdesphotosduhalldel’hôtelavecsontéléphoneet,aprèsundernierregardautourde
nous,nousnousdirigeâmesverslaqueuepourlestaxis.Mêmeàl’ombre,ilfaisaitchaud,monjeancollaitàmapeau.
Dansmonsac,montéléphonevibra.J’yjetaiuncoupd’œilaussitôt.
Lesflicsviennentdepartir.PapaestchezTimmaisjleuraiditquevsétiezàVegasprvsmarier.Jcroisqu’ilsontgobé.
Sérieusement?
Jt’assure.Jemérite1Oscaravecvosconneries.Jedisça,jedisrien.
Jepoussaiunlongsoupirdesoulagement.—C’étaitqui?demandaTravis.—America,répondis-jeenlaissanttombermontéléphonedansmonsac.Elleestfurax.Ilsourit.—Tum’étonnes.Bon,onvaoù?demanda-t-ilenmetendantlamain.Àl’aéroportdirect?Jeprissamainetlatournaidemanièreàvoir,sursonpoignet,letatouagedemonsurnom.—Non.Onvad’abordfaireunarrêtausalon.Ilhaussaunsourcil.—Oùça?!?—Tuverras.
10
Encrée
Abby
Travisblêmit.—Qu’est-cequetuveuxdire?Onn’estpasicipourmoi?Letatoueurnousregardait,unpeuétonnéparlaréactiondeTravis.Pendanttoutletrajet,Travisavaitsupposéquej’avaisdécidédeluioffrirunnouveautatouage
enguisedecadeaudemariage.Quandj’avaisindiquél’adresseauchauffeur,pasuninstantiln’avaitimaginéqueceseraitmoiquiallaispassersousledermographe.IlavaitévoquélapossibilitédesefairetatouerABBYquelquepart,maiscommeilavaitdéjàPOULETTEaupoignet,jetrouvaiscelaunpeusuperflu.
—C’estmontour,dis-jeenm’adressantautatoueur.Vousvousappelezcomment?—Griffin,répondit-ild’unevoixmonocorde.— Je voudrais «MmeMADDOX », ici, expliquai-je en indiquant la partie inférieure dema
hanchedroite.Assezbaspourquecelanesevoiepas,mêmeenmaillotdebain.JevoulaisqueTravissoit leseulàpouvoirenprofiter,quecesoitunejoliesurprisepourlui
chaquefoisqu’ilmedéshabillerait.Travissourit.—MmeMaddox?— Oui. Dans cette police de caractère, dis-je en montrant sur le mur un poster plastifié
présentantdifférentsmodèlesdetatouages.—C’estexactementtoi.Élégant,maispasprétentieux.—Exactement.C’estenvisageable?demandai-jeàGriffin.— Tout à fait. D’ici une heure, parce qu’il y a des gens qui attendent. Et ce sera deux cent
cinquantedollars.— Deux cent cinquante ? s’exclama Travis. Pour quelques lettres ? C’est quoi l’embrouille,
mec?
—Non,moi,c’estGriffin.—Oui,bon.Mais…—C’estpasgrave,dis-je.Detoutefaçon,toutesttoujourspluscheràVegas.—Çapeutattendrequ’onrentre,Poulette,tucroispas?—Poulette?fitGriffin.Travislefusilladuregard.—Laferme,luilança-t-ilavantdesetournerversmoi.Àlamaison,ceseraitdeuxcentsdollars
demoins.—Sij’attends,jeneleferaipas.Griffinhaussalesépaules.—Alorspeut-êtrequevousdevriezattendre.Jelesfixaitouslesdeuxd’unregardnoir.—Jen’attendraipas.Jeveuxlefaire,etmaintenant,dis-jeensortantmonportefeuillepouren
tirertroisbilletsetlestendreàGriffin.Vousprenezmonargent,ettoi,Travis,tutetais.C’estmonargent,moncorps,etc’estcequejeveux.
Travissemblahésiter.—Mais…çavafairemal.Jesouris.—Àqui?Àmoiouàtoi?—Àtouslesdeux.Griffinpritmonargentetdisparut.Travissemitàfairelescentpas,àlamanièred’unpèredans
uncouloirde lamaternité.C’étaitaussiattendrissantqu’exaspérant. Ilmesuppliaderenoncer,puissemblaimpressionnéetémuparmadétermination.
Griffinreparutenfin.—Baissezvotrejean,dit-ilenpréparantsonmatériel.Traviseutunregardféroceà l’intentiondecethommepetitetmusclé,maiscelui-ciétait trop
occupépourleremarquer.Jem’installaidanslefauteuil,queGriffinmanœuvrapourlemettreenpositionallongée.Travis
s’assitsuruntabouret,surlecôté.Maisilnetenaitpasenplace.—Trav,dis-jedoucement.Calme-toi.Je lui tendis lamain. Il embrassames doigts etme répondit d’un sourire tendre,mais teinté
d’angoisse.J’étais sur lepointdemedirequ’iln’allaitpas tenir lechocquandmon téléphonevibradans
monsac.Merde.EncoreunSMSdeTrent?Déjà,Travisfouillaitdansmonsac,ravidecettediversion.—Laisse,Trav.Ilregardal’écranetfronçalessourcils.Jeretinsmonsouffle.Puisilmetenditl’appareil.—C’estMare.
J’aurais été soulagée si je n’avais pas senti un coton froid nettoyer ma hanche. Je pris letéléphone.
—Allô?—Abby?ditAmerica.Oùvousêtes?Onarrivejuste,avecShepley,etlavoituren’estpaslà.—Oh.Je n’avais pas prévu de tout lui dire immédiatement. Je ne savais pas vraiment comment lui
annoncerlanouvelle,maisj’étaiscertainequ’ellem’envoudraitàmort.Pourquelquetempsentoutcas.
—Onest…àLasVegas.Elleéclataderire.—Arrête!—Non,vraiment.Silence.Puisletonmontabrusquement.—QU’EST-CEQUEVOUSFAITESÀVEGAS?C’estpascommesivotredernierséjourlà-
basavaitétéunepartiedeplaisir!—Travisetmoionadécidéde…Enfait,ons’estmariés,Mare.—Quoi?!?C’estpasdrôle,Abby!T’asintérêtàplaisanter,là!Griffinposa le transfert surmapeauet appuya.Travis le regarda commes’il voulait le tuer,
parcequ’ilmetouchait.—Arrête,dis-je.Maisquandledermographesemitàvibrer,toutmoncorpssetendit.—C’estquoi,cebruit?demandaAmerica,quifulminait.—Onestchezletatoueur.—Travissefaittatouertonvraiprénom,cettefois?—Pasexactement…LasueurperlaitaufrontdeTravis.—Chérie…dit-il,soucieux.—Jepeuxlefaire.Jemeconcentraisurlestachesquimaculaientleplafond.QuandGriffintouchamapeau,jene
pusretenirunsursautmaisfisdemonmieuxpourresterdétendue.—Poulette…—Arrête,dis-jeensecouantlatête.Jesuisprête.J’éloignailetéléphonedemonoreille,grimaçant,tantàcausedeladouleurquedusermon.—AbbyAbernathy,jevaistetuer!hurlaAmerica.Vraiment!—Techniquement,c’estAbbyMaddox,maintenant,corrigeai-jeensouriantàTravis.—C’estpas juste,gémit-elle. Jedevaisêtre tademoiselled’honneuret ton témoin ! Jedevais
allerfairelesboutiquesavectoipourtetrouverunerobe,organiserunenterrementdeviedejeunefilleetattrapertonbouquetàlafin!
—Jesais.LesouriredeTravisdisparutquandjegrimaçaiànouveau.—T’espasobligéedelefaire,tusais,murmura-t-il.Jeserraisamain.—Jesais.—Tul’asdéjàdit,rétorquasèchementAmerica.—Cen’estpasàtoiquejeparlais.—Maissi,c’estàmoiquetuparles.Si,si,si!Etjetepréviens,tun’aspasfinid’entendreparler
decettehistoire!Jenetelepardonneraijamais!—Maisbiensûrquesi.— Tu es… ! Tu es une… ! Tu es méchante, voilà ce que tu es, Abby ! Tu es la pire des
meilleuresamies!Jeris,etGriffins’interrompit.Ilsoupira.—Excusez-moi.—Quic’était?coupaAmerica.—C’étaitGriffin,répondis-jesimplement.—Elleabientôtfini?demandacedernieràTravis.Ilhochalatête.—Allez-y,continuez.Griffinsourit.Jemetendisdenouveau.—Etquic’est,ceGriffin?Attends,laisse-moideviner,tuasinvitéuninconnuàtonmariageet
pastameilleureamie?Savoix,déjàaiguëaudépart,necessaitdemonter.Etl’aiguillemefaisaitmal.—Non,dis-jeengrimaçant.Iln’estpasvenuaumariage.Travis soupira, sedandina sur son tabouret, nerveux, et étreignit unpeuplusmamain. Je lui
sourismalgréladouleur.—C’estmoiquisuiscenséeserrerplusfort,non?—Excuse-moi,dit-il,lavoixérailléeparlapeur.Jecroisquejenevaispaslesupporter.Vous
enavezencorepourlongtemps?demanda-t-ilàGriffin.Cederniersecoualatête.—Z’enêtescouvert,maisunpetitmotderiendutoutsurvotrecopineetvoustournezdel’œil?
Tsss…J’enaiencorepouruneminute.Travisserembrunit.—D’abord,c’estpasmacopine,c’estmafemme.Àl’autreboutdufil,Americas’étrangla.—Tuesentraindetefairetatouer?Maisqu’est-cequiteprend,Abby?C’étaientdesfumées
toxiquesdansl’incendie,ouquoi?
Je baissai les yeux sur la tache noire, surma peau.Griffin appuya son aiguille, je serrai lesdents.
—Travisamonnomsursonpoignet.Maintenantqu’onestmariés,jevoulaisuntatouage,moiaussi.
—T’étaispasobligée,ditTravisensecouantlatête.—Nerecommencepas,onenadéjàdiscuté.Unsouriresedessinasurseslèvres,etilmeregardaaveclaplusgrandetendresse.Americaeutunpetitrire.—Tuesdevenuecomplètementfolle.Dèsquejerentre,jetefaisenfermer.Ellepouvaitparler.—Jenesuispasfolle.Ons’aime.Onvitpratiquementensembledepuisunan.Alorspourquoi
pas?Bon,d’accord,pasuneannéeentière…maispeuimportait.Jen’allaispasmejustifieretdonner
desmunitionsàAmerica.—Parce que tu as dix-neuf ans, idiote ! Parce que tu as fait ça en cachette sans en parler à
personne,etparcequejenesuispaslà!L’espaced’un instant, lamauvaise conscienceet les remordspointèrent leurnez.Pendantune
seconde,l’idéed’avoirfaituneénormeerreurmeplongeadansuneindiciblepanique.MaisjelevailesyeuxversTravis,visl’immensitédesonamourdanssonregard,etlapaniques’évanouit.
—Excuse-moi,Mare,ilvafalloirquejeraccroche,là.Onsevoitdemain,d’accord?—Jenesuispassûred’avoirenviedetevoirdemain,moi!Et jesuispresquecertainedene
plusjamaisvouloirrevoirTravis!—Àdemain,Mare.Jesaisquetuveuxvoirmabague.—Ettontatouage,ajouta-t-elleavecunriredanslavoix.JeraccrochaiettendisletéléphoneàTravis.Lebourdonnementreprit.J’éprouvaiunesensation
de brûlure, suivie d’une seconde de soulagement lorsque Griffin essuya l’excès d’encre. Travisfourramonportabledanssapoche,repritmamaindanslessiennesetsepenchapourposersonfrontcontrelemien.
Griffinpoursuivitsontravailencorequelquesminutes,puisseredressa.—C’estbon!—Ouf!lâchai-jeenmelaissantallercontreledossierdufauteuil.—Pastroptôt,soupiraTravis.Jebaissailesyeuxsurleslettresnoiresparfaites,élégantesmalgrémapeauencorerouge.
MmeMADDOX
—Waouh,dis-jeenmeredressantsuruncoude.
Traviseutunsouriretriomphant.—C’estmagnifique!Griffinsecoualatête.—Si j’avaiseuundollarpourchaque jeunemariéayantamenésa femme iciet souffertà sa
place…jepourraisfermerlaboutiqueetmeretirerausoleil.LesouriredeTravisdisparut.—Dites-moijustecombienjevousdois,petitmalin.— Voyez ça à la caisse. On vous donnera un papier, et de la crème aux vitamines A et D,
réponditGriffin,amusé.Jebaissaiànouveau lesyeuxsur l’éléganteécriture, surmapeau.Nousétionsmariés. J’étais
uneMaddox,comme tousceshommesmerveilleuxque j’avaisapprisàaimer. J’avaisune famille.Composéed’hommesgrognons,dinguesetadorables,certes,maisunefamille.
Travismetenditlamainetregardasonalliance.—Çayest,chérie.Onl’afait.J’arrivetoujourspasàcroirequet’esmafemme.—C’estpourtantlecas.Jetendislamainàmontourendirectiondesapoche,puisouvrislapaume.Ilmerenditmon
téléphone, et je pris une photo de mon tatouage. Puis il m’aida à me relever, en restant à bonnedistancedemoncôtédroit.Chaquemouvementprovoquaitlefrottementdemonjeancontremapeauàvifetravivaitladouleur.
Nous passâmes à la caisse, et Travis m’ouvrit la porte. Un taxi nous attendait dehors. Montéléphonesonnadenouveau.C’étaitencoreAmerica.
—Ellet’enveutàmort,c’estça?s’inquiétaTravisenmeregardantrefermermontéléphone.Jen’étaispasd’humeuràmefairesermonnerencoreunefois.—Disonsqu’ellevabouderpendantvingt-quatreheures,etqu’ensuiteelles’enremettra.—Tuessûredeça,madameMaddox?J’eusunpetitrire.—Arrêtedem’appelercommeça.Çafaitaumoinscentfoisque tu lerépètesdepuisqu’ona
quittélachapelle.Ilsecoualatêteetm’ouvritlaportière.—Quandjemerendraienfincomptequec’estvrai,j’arrêterai,promis.—Maisc’estvrai!J’aidessouvenirsdemanuitdenocespourleprouver!Jemeglissaisurlabanquetteetleregardais’installeràcôtédemoi.Laportièrerefermée,ilse
pencha,fitcourirleboutdesonnezlelongdemoncou,jusqu’àmonoreille.—Ça,pourenavoir,onena.
11
Retour
Travis
AbbyregardaitdéfilerLasVegasparlavitre.Lesimplefaitdelavoirmedonnaitenviedelatoucher,etmaintenantqu’elleétaitmafemme,cetteenvieétaitdécuplée.Maisjefaisaisdemonmieuxpour qu’elle ne regrette pas sa décision. Me la jouer cool avait autrefois été un de mes superpouvoirs.Aujourd’hui,j’approchaisdangereusementdumodèleShepley.
Incapabledemeretenir,jeglissaiunemainverselleeteffleuraisonpetitdoigt.—J’aivudesphotosdumariagedemesparents.JepensaisqueMamanétaitlamariéelaplus
belledumonde.Etpuisjet’aivuedanslachapelle,etj’aichangéd’avis.Elle baissa les yeux sur nos doigts qui se touchaient, glissa les siens entre les miens et me
regarda.—Quandtudisdeschosescommeça,Travis,jeretombeamoureusedetoiaussisec.Elleseblottitcontremoi,m’embrassasurlajoue.—J’auraisaimélaconnaître.—Moiaussi.Jemetusuninstant,hésitantàformulerlapenséequivenaitdemetraverserl’esprit.—Etlatienne,demère?Abbysecoualatête.—Ellen’allaitpastrèsbienmêmeavantqu’ondéménageàWichita.Etaprès,sadépressiona
empiré.Elles’estdéconnectéedurestedumonde.Si jen’avaispas rencontréAmerica, j’auraisétécomplètementseule.
Elleétaitdéjàdansmesbras,maisj’auraisaimépouvoirserrercontremoimafemmeàseizeans, et ma femme petite fille, aussi. Tant de choses lui étaient arrivées dont je n’avais pas pu laprotéger.
—Je…jesaisquecen’estpasvrai,maisMickm’atellementrépétéquej’avaisbousillésavie.EtcelledeMaman.Aujourd’hui, j’aipeurdetefaire lamêmechose,mêmesi jesaisquec’estunepeurtotalementirrationnelle.
—Poulette,fis-jesurletondureproche,avantdeluiembrasserlescheveux.—C’estbizarre,quandmême,non?Dèsquejemesuismiseàjouer,ilacommencéàperdre.Il
disaitque je luiavaisvolésachance.Commesi j’avaiscepouvoir.Moi, j’étaisadoet jenesavaisplusdutoutoùj’enétais.
Lapeinedanssonregardallumaenmoiunfeuquejeneconnaissaisquetrop,maisj’enétouffairapidementlesflammeseninspirantprofondément.J’ignoraissivoirAbbysouffrirmerendraitunjourmoins fou,mais ellen’avait pasbesoind’unpartenaire surexcité.Elle avait besoind’unmaricompréhensif.
—S’ilavaitréfléchideuxminutes,ilauraitfaitdetoisonporte-bonheur,passonennemie.C’estluiquiatoutfoiré,Poulette.Tueslafemmelaplusmerveilleusequejeconnaisse.
—Ilnevoulaitpasquejeluiportechance.—Moi,jevoudraisbien.D’ailleurs,jemesenscarrémentveinard,encemoment.Ellemedonnaunpetitcoupdecoude.—Onvacontinuercommeça,alors.—Jenedoutepasuneseulesecondequec’estcequ’onvafaire.Tunelesaispasencore,mais
tuviensdemesauverlavie.Quelquechosebrilladansleregardd’Abby,etelleappuyasajouecontremoi.—J’espèrebien.
Abby
Travismeserracontrelui,laissantjusteassezdeplaceentrenouspourqu’onpuissemarcher.Devantlecomptoird’enregistrement,nousn’étionspasleseulcoupleamoureusementenlacé.C’étaitlafindesvacancesdeprintemps,etl’aéroportétaitbondé.
Une fois nos cartes d’embarquement en poche, il fallut faire la queue pour les contrôles desécurité.Quandcefutsontour,Travisfitsonnerplusieursfoisleportique,etl’officierdeserviceluidemandaderetirersonalliance.
Ilobtempéraenbougonnant,maisalorsquenousremettionsnoschaussures,jel’entendislâcherunchapeletdejuronstrèsimagés.Celasemblaledétendre.
—Toutvabien,chéri.Elleestdenouveauàtondoigt,dis-jeenriantdevantsaréactionunpeudémesurée.
Ilneréponditpas,secontentantdem’embrassersurlefrontavantdem’entraînerendirectiondenotre porte d’embarquement. Les autres vacanciers, eux aussi, semblaient épuisés et heureux. Jeremarquaidescouplesquivenaientdedébarquer,maindanslamain,etsemblaientaussiimpatientsetnerveuxqueTravisetmoil’étionsenatterrissantàLasVegas.
Jeluicaressailamain.Ilsoupira.Cette réactionme prit de court. Son soupir était lourd, tendu. Plus on approchait de la porte
d’embarquement, plus il ralentissait le pas. Je m’inquiétais de l’accueil qui nous serait fait à lamaison, mais aussi, et surtout, des suites de l’enquête. Peut-être pensait-il à la même chose, sansvouloirm’enparler.
À laporteonze,Travis s’assit àcôtédemoi sans lâchermamain.Songenou tressautait sansarrêt,etilportaitsamainlibreàseslèvrestouteslestrentesecondes.Sabarbedetroisjoursplissaitchaque fois qu’il serrait lamâchoire. Soit il pétait de trouille intérieurement, soit il avait bu troislitresdecafésansquejem’enaperçoive.
—Poulette?fit-ilenfin.
Dieumerci.Ilallaitenfinm’expliquercequiletracassait.—Oui?Ilsemblaréfléchiràcequ’ilvoulaitdire,puissoupira.—Non,rien.Quelquesoitleproblème,ilfallaitquejelerésolve.MaissiTravisnepensaitpasàl’enquêteou
aux conséquences de l’incendie, je ne tenais pas à aborder le sujet inutilement. Quelques minutesaprès notre arrivée en salle d’embarquement, les passagers de première classe furent invités àembarquer.Travisetmoiattendîmesdanslafiledelaclasseéco.
Il se dandinait d’une jambe sur l’autre, se passait unemain sur la nuque, tout en agrippant lamienne.Ilétaittellementévidentqu’ilvoulaitmedirequelquechose.Celalerongeait,etjenesavaispasquoifairehormisserrersamaindanslamienne.
Quandnotregroupesemitàavancer,Travishésita,puisselança.—J’aiunedrôled’impression,dit-il.—Commentça?Unmauvaispressentiment,tuveuxdire?Jemesentisnerveuse,toutàcoup.Commentsavoirs’ilvoulaitparlerdel’avion,deVegas,ou
denotreretour?Toutcequipouvaitsurvenirentrelemomentprésentetnotreretoursurlecampusmetraversal’espritenunéclair.
— J’ai l’impression que, quand on va rentrer et se retrouver à l’appart, je vaisme réveiller.Commesitoutçan’étaitqu’unrêve.
Ilsemblaitréellementtroublé,soucieux.Detoutesleschosesquiauraientpul’inquiéter,laseulequilepréoccupaitvraimentétaitqu’ilpouvaitmeperdre.Toutcommejeredoutaisdeleperdre, lui.Jecomprisalorsquenousavionsfaitcequ’ilfallaitfaire.Quecertes,nousétionsjeunes,etoui,nousétionsfous,maisquenousnousaimionsvraiment.NousétionsplusvieuxqueRoméoetJuliette.Plusvieux que mes grands-parents quand ils s’étaient mariés. Notre enfance n’était peut-être pas silointaine,maisilarrivaitquecertainespersonnes,plusâgées,plusexpérimentées,manquentmalgrétout de maturité. Nous en manquions certainement, mais nous étions deux, et cela valait toute lamaturitédumonde.
Ànotre retour, il était probable que tout lemonde guetterait la rupture, la détérioration d’uncouplemariétropvite,troptôt.Rienqued’imaginertouteslesrumeursquicourraientsurnous,j’euslachairdepoule.Peut-êtrenousfaudrait-ilunevieentièrepourprouveraurestedumondequecelapouvait marcher. Nous avions déjà commis pas mal d’erreurs, et nous en ferions d’autres,assurément, mais les chances étaient de notre côté. Nous avions déjà prouvé aux autres qu’ils setrompaient.
Longuement, Travis m’exposa alors ses inquiétudes, et sans fléchir je contrai chacun de sesarguments, le rassurai demonmieux. Finalement, pourmettre un terme à un véritable ping-pongverbal,jepassailesbrasautourducoudemonmari,effleuraiseslèvresetmurmurai:
—Jeseraisprêteàpariermonpremierenfant.Voilààquelpointjesuissûrequeçavamarcher,nousdeux.
—Sûreàcepoint,c’estpaspossible,ditTravis.Jeluifisunclind’œil,sourireencoin.—Tuveuxparier?Travis retrouvaalorsunairplus tranquille. Ilpritmacarted’embarquement, la tenditavec la
sienneàl’hôtesse.—Merci,dit-elleenlesscannantavantdenouslesrendre.Et nous nous engageâmes dans la passerelle, main dans la main, exactement comme nous
l’avionsfaitvingt-quatreheuresplustôt.MaisTraviss’arrêtasoudain.—Attends…Est-cequetuessaiesdemedirequelquechose,enpariantça?Tun’espas…C’est
pourçaquetuvoulaisqu’onsemarie?J’éclataiderireetl’entraînaiversl’avion.—Houlà,non.Jecroisquepourlesdécisionsimportantes,onvas’arrêterlàunmoment.Ilhochalatête,serramamain.—Sivousledites,madameMaddox.Cettefois,levoyageduretourpouvaitcommencer.
12
Anniversaire
Abby
Sur ma peau, des gouttes d’eau se mêlaient à la lotion solaire, petites loupes grossissant latexturedemonépidermehâlé.Lesoleildardaitsesrayonssurnousetsurlesautresvacanciers.Desvagues de chaleur dansaient au-dessus du sable, entre les taches de couleur des serviettes de bainparsemantlaplage.
—S’ilvousplaît,fitleserveurensepenchantpournoustendredeuxverres.Lasueurperlaitàsonfront,maisilsouriait.Jemetsçasurvotrenote?
—Oui,merci,répondis-jeensaisissantmamargarita-fraiseavantdesignerl’addition.Americapritsonverreetremualaglacepiléeaveclapetitepaille.—Mmmh…Leparadis.Nousavionstousméritéunpeudeparadis,passécetteannéeéprouvante.Aprèsavoirassistéà
desdizainesd’enterrements et aidéTravis àgérer le sentimentde culpabilitéqui le rongeait, nousavionsdûànouveaurépondreauxquestionsdesenquêteurs.Parmilesétudiantsprésentsaucombat,aucunn’avaitmentionné le nomdeTravis,mais les rumeurs allaient bon train, et il avait fallu dutempsavantquel’arrestationd’Adamn’apaiseunpeulesfamillesdesvictimes.
IlenavaitaussifallubeaucouppourconvaincreTravisdenepasserendreàlapolice.L’uniquechosequiavaitsembléleretenirétaitl’idéedemelaisseraffronterlasuiteseule,etlefaitqueTrentserait alors accusé de faux témoignage.Les six premiersmois de notremariage n’avaient pas étéfaciles, loin de là.Nous avions passé de longues nuits à discuter de lameilleure option. Peut-êtreétait-cemaldemapartdevouloiréviterlaprisonàTravis,maispeum’importait.Pourmoi,iln’étaitpasplusfautifquequiconqueayantchoisidesetrouverdanscesous-solcettenuit-là.Jeneregrettaispasma décision, pas plus que je ne regretterais d’avoir regardé droit dans les yeux l’officier depolicequim’avaitinterrogée,etdeluiavoirmenti.
—Oui,dis-je,lesyeuxrivéssurl’eauquimontaitsurlesable,puisseretirait.C’estTravisqu’ilfautremercier.Parcequec’estpasaveccequemerapportentmescoursdesoutienquej’auraispunouspayerça.
Il travaillaità lasalledegym,oùilcoachait leplusdeclientspossible,desixheuresàvingt-deuxheures,sixjoursparsemaine.
—Leremercier?Quandilm’apromisunvraimariage,jenepensaispasqu’ilvoulaitdiredansunan!
—America…soufflai-jesurletondureproche.Tujoueslespetitesfillesgâtées,là.Onestsurlaplage,àSaintThomas,etonsirotedesmargaritas.
—Bon,jereconnaisqueducoupj’aieutoutletempsnécessairepourpréparertonenterrementdeviedejeunefilleetlerenouvellementdevosvœux,dit-elleenbuvantunegorgée.
Jesouris.—Merci.Vraiment.Etc’estlepluschouetteenterrementdeviedejeunefilledetoutel’histoire.Harmonyvints’installersurlachaiselongueàcôtédelamienne.Sescheveuxchâtainscoupésà
lagarçonnebrillaientsouslesoleil.Ellesecoualatêtepourlessécher.—L’eauesttellementchaude!dit-elleenmettantseslunettesdesoleil.Etyauntype,là-bas,qui
apprendlewindsurfauxgamins…pfiou…carrémentsexy.—Peut-êtrequetupourraisleconvaincredevenirnousfaireunstriptease,plustard?suggéra
Americaleplussérieusementdumonde.Karaluifitlesgrosyeux.— Non, America. Non. Travis en ferait une jaunisse. Je te rappelle qu’Abby n’est plus à
proprementparlerunejeunefille.Americahaussalesépaulesetfermalesyeux.Karaetmoiétionsdevenuestrèsamiesdepuisque
j’avaisquittélarésidenced’étudiantes,maisAmericaetellen’étaientpasdanslesmeilleurstermes.Sansdouteparcequetoutesdeuxdisaienttoujourstrèsprécisémentcequ’ellespensaient.
—On dira que c’était une idée d’Harmony, dit America. Travis ne pourra pas se mettre encolère contre elle.Depuisqu’elle l’a laissé entrer dans la résidenceMorgan, le soir oùvousvousétiezdisputés,illuiestéternellementreconnaissant.
—Cequineveutpasdirequej’aienvied’essuyerunecolèrefaçonMaddox,intervintHarmony.J’eusunpetitrire.—Çafaitunmomentqu’iln’apasexplosé,tusais.Ilmaîtrisesacolère,maintenant.Harmonyetmoiavionseudeuxcoursencommuncesemestre,etchaquefoisqu’elleétaitvenue
àl’appartementpourquel’ontravailleensemble,Travisl’avaitreconnuecomme«lafillequil’avaitlaissé entrer dans la résidence ». Par ailleurs, Harmony avait un frère qui, comme Travis, étaitmembre de la fraternité Sigma Tau, par conséquent, elle faisait partie des rares jolies filles ducampusaveclesquellesiln’avaitpascouché.
—TravisetShepleyarriventdemainaprès-midi,déclaraAmerica.Doncil fautqu’onfasse lafêtecesoir.Travisn’estsûrementpasrestétoutseulàl’appartànerienfaire.Alorsonvasortiretonvas’éclatercommedesbêtes,c’estmoiquivousledis!
—OK,OK,çameva,dis-je.Maispasdestripteaseur.Ilyauradumondeàcemariage,etjeneveuxpasavoirlagueuledebois.
Harmony leva lepetitdrapeauposéàcôtéde sachaise longue, etpresqueaussitôt apparutunserveur.
—Quepuis-jepourvous,mademoiselle?—Unepiñacolada,s’ilvousplaît.—Toutdesuite,dit-ilavantdetournerlestalons.—Cetendroitesttropcool,ditAmerica.—Ettutedemandespourquoiilafalluqu’onéconomisependantunanpourpouvoirvenir…—Tuasraison.Jen’auraisriendûdire.Travvoulaitcequ’ilyademieux.Jecomprends.Et
c’étaitsympadelapartdesparentsdemepayerleséjour.Parcequesinon,jen’auraispaspuvenir,ça,c’estsûr.Tum’avaispromisquejeseraisdemoiselled’honneuretqu’onrattraperaittoutcequetum’asfaitraterl’andernier.Deleurpart,c’estunefaçondecombineruncadeaudemariagepourtoietuncadeaud’anniversairepourmoi.Jelevoiscommeça.Etsituveuxmonavis,ilss’ensontbientirés.
—Çarestetrop,malgrétout.—Abby,ilst’aimentcommeleurfille.Papaestsuperexcitéàl’idéedet’amenerjusqu’àl’autel.
Laisse-lesfairesanscasserl’ambiance,ditAmerica.Jesouris.MarketPammetraitaientcommesi j’étaisdelafamille.L’annéeprécédente,quand
mon père m’avait mise dans une situation dangereuse,Mark avait décidé que j’avais besoin d’unnouveaupèreets’étaitauto-attribuécettefonction.Sij’avaisbesoind’uncoupdepoucepourpayermes frais de scolarité,mes bouquins de cours ou un nouvel aspirateur,Mark et Pam répondaientprésents.M’aiderleurdonnaitaussiuneexcusepourvenirvoirAmerica,etilétaitévidentque,plusquetoutlereste,celaleurfaisaitunplaisirfou.
Ainsi,enplusduclanMaddox,jepouvaisdésormaiscomptersurMarketPam.Aprèsn’avoireupersonnependantlongtemps,jefaisaisdésormaispartiededeuxfamillesformidablesquicomptaienténormémentpourmoi.J’avaisd’abordvécucelacommeunesourced’angoisse.Jamaisjen’avaiseuautantàperdre.Maisavec le temps, j’avaiscomprisquecettenouvelle famillenem’abandonneraitpas,etquedumalheurpouvaientnaîtred’excellenteschoses.
—Pardonne-moi.J’essaieraid’acceptertoutcelagracieusement.—Merci.—Merci!lançaHarmonyenprenantsoncocktailsurleplateau.Ellesignalanoteetbutunegorgée.—Jesuistellementcontented’alleràcemariage!—Moiaussi,renchéritAmericaavecunregardnoiràmonintention.Ellem’avaittoutjustepardonnédem’êtremariéesanselle.Etàdirevrai,j’espéraisqu’ellene
meferaitpaslemêmecoup.Maispourelle,lemariagen’étaitpasencoreàl’ordredujour.Shepley et elle avaient d’abord prévu d’emménager tous les deux, mais étaient finalement
tombésd’accordsurlefaitquemêmes’ilsétaienttoutletempsensemble,mieuxvalaitqu’AmericaprenneunechambreàlarésidenceMorgan,etShepleyàHelms,unerésidencepourétudiants.Cette
solution avait soulagé Mark et Pam. Ils adoraient Shepley, mais avoir un appartement signifiaitprendreunpetitboulotpourpayerlesfacturesetleloyer,etilscraignaientquecelaneleséloigneunpeudeleursétudes.
—J’espèrejustequeçaira.Touscesgensquivontnousregarder,çamestresse.—T’inquiète,gloussaAmerica.Elvisn’apasétéinvité,maisjesuissûrequeceserabienquand
même.—J’arrivepasàcroirequetuaseuElvisàtonmariage,soupiraHarmony.—Onparlepasdeceluiquiestmort,ditKara.—Onnel’apasréinvité,dis-jeenobservantlesenfantss’élancerenfinsurleurswindsurfs.—C’étaitcomment?DesemarieràLasVegas?demandaHarmony.Jerepensaiauxconditionsdanslesquellesnousétionspartis,unanplustôt.—C’était…stressant,etterrifiant.J’avaispeur.J’aipleuré.C’étaitparfait,quoi.Surlevisaged’Harmonysemêlèrentétonnementetdégoût.—J’avoue.
Travis
—Vatefairefoutre!rétorquai-je,netrouvantpasceladrôle.—Alleeez!rigolaShepley.Avant,tudisaisquec’étaitmoiqu’onmenaitparleboutdunez.—Vatefairefoutre,jetedis.Shepleymitlecontact.Ilavaitgarésavoitureàl’autreboutduparkingduCherryPapa,laboîte
destripteaselaplusglauquedelaville.—C’estpascommesituallaisenrameneruneàlamaison.—J’aipromisàAbby.Pasdestripteaseuse.—Etmoi,jet’aipromisunenterrementdeviedegarçonenbonneetdueforme.—Arrêtetesconneries,mec.Onrentre.Jesuisrepu,fatigué,etj’aiunavionàattraperdemain
matin.Shepleyserembrunit.—Lesfillesontpassé la journéeà laplage,etmaintenantellessontprobablementen trainde
fairelafêteenboîte.Jesecouailatête.—Onsortpasdanscesendroitsl’unsansl’autre.Elleneferaitpasça.—ElleleferasiAmerical’aprévu.—Non,putain,elle leferapas.Etmoi, j’entrepasdanscebouge.Soit tutrouvesautrechose,
soitonrentre.Shepleysoupira,plissantlesyeux.—Etlà?Jesuivissonregardjusqu’aupâtédemaisonssuivant.—Unhôtel?Écoute,Shep,jet’aimebeaucoup,maisc’estpasvraimentunenterrementdeviede
garçon.Jesuismarié.Etmêmesijel’étaispas,jen’auraispasenviedecoucheravectoi.Ilsecoualatête.—Non,yaunbaràl’intérieur.C’estpasuneboîte.C’estpermis,ça,danstonrèglement?
—Jenefaisquerespectermafemme.Etoui,abruti,onpeutyaller.Ilsefrottalesmains.—Génial.Noustraversâmeslarue,etShepleyouvritlaporte.Àl’intérieur,ilfaisaitcomplètementnoir.—Heu…Soudain, les lumières s’allumèrent.Les jumeaux,TayloretTyler,me jetèrentunepoignéede
confettisenpleinefigure,lamusiquejaillitàfonddesenceintes,etjevisalorslapirechosedemavie:Trentonenstring,lecorpsenduitd’aumoinscinqkilosdegelàpaillettes.Ilportaitaussiuneperruquejaunebonmarché,etCamil’encourageait,torduederire.
Shepleymepoussaenavant.Monpèresetenaitunpeuàl’écart,avecThomas.Ilssecouaientlatête.Mon oncle Jack était là lui aussi, et le reste de la salle était occupé par tous lesmembres deSigmaTauetl’équipedefoot.
—J’avaisditpasdestriptease,lâchai-je,ébahi,enregardantTrentonsedandinersurduBritneySpears.
Shepleyéclataderire.—Jesais.Maislà,ondiraitqu’iladéjàeulieu.C’étaituncarnage.JenepusretenirunegrimacededégoûtenvoyantTrentonfaireletourdela
salleenmimantdesmouvementslascifs.Touslesautresl’encourageaientenhurlant.Desfauxseinsencartonpendaientauplafond,ilyavaitmêmeungâteauenformedeseinssurunetable,àcôtédemonpère.J’avaisassistéàplusieurssoiréesdecegenre,maislà,ontouchaitlefond.
—Salut!melançaTrenton,essouffléetennage.Ilécartaunemèchejaunedesonvisage.—Tuasperduunpari?—Enfait,oui.Taylor et Tyler, de l’autre côté de la salle, se tapaient les cuisses et riaient tellement qu’ils
avaientdumalàrespirer.JedonnaiunetapesurlesfessesdeTrenton.—T’essuperchaud,frérot.—Merci.Lamusique reprit, ilmedonnauncoupdehanche. Je le repoussai, et il s’éloignaendansant,
pourallerdistraired’autresinvités.JemetournaiversShepley.—J’aihâtedetevoirexpliquerçaàAbby.Ilsourit.—C’esttafemme.Tuluiexpliquerastoi-même.Pendant les quatre heures qui suivirent, je bus et discutai tandis que Trenton continuait à se
ridiculiser. Comme prévu, mon père s’éclipsa assez vite. Lui aussi avait un avion à prendre lelendemain.NouspartionstousensemblepourSaintThomas,oùjedevaisréépouserAbby.
Depuisunan,Abbydonnaitdescoursdesoutien,etjefaisaisducoachingpersonnelàlasalledegymlocale.Unefoislesfraisdescolarité,leloyeretlesmensualitésdelavoiturepayés,ilnousétaitrestédequoipasserquelques jours àSaintThomasdansunhôtel sympa.C’était pas commesionn’avait pas d’autres besoins,maisAmerica n’arrêtait pas d’en parler et n’avait pas lâché l’affaire.Ensuite,quandsesparentsavaientproposédenouspayerlevoyageenguisedecadeaudemariageetd’anniversairepourAmerica,onavaitessayéderefuser,maiscettedernièreavaitinsisté.
—Bon,lesmecs,jepourraiplusbouger,demainmatin,sijem’arrêtepaspourcesoir.Toutlemondeprotesta,onmetraitadelavetteetdepetitenature,maisenvéritéilsavaienttous
l’habitude du nouveau Travis. Je n’avais pasmismon poing dans la gueule de quiconque depuispresqueunan.
Jebâillai,etShepleymedonnauncoupdansl’épaule.—Allez,onrentre.Le trajet se fit en silence. J’ignorais ce que Shepley avait en tête, mais moi, j’avais hâte de
retrouvermafemme.Elleétaitpartie laveille,etdepuisnotremariagec’était lapremière foisquenousétionsséparés.
Shepleys’arrêtadevantl’appartementetéteignitlemoteur.—Etvoilà.Devanttaporte,petitjoueur.—Reconnaisqueçatemanque.—L’appart?Oui,unpeu.Maiscequimemanquesurtout,c’esttescombatsettoutlepognon
qu’onsefaisait.—Moiaussi,çamemanqueparfois.Allez,àdemain.—Jepasseteprendreàsixheuresetdemie.—Çamarche.La voiture s’éloigna tandis que jemontais lentement lesmarchesmenant à l’appartement. Je
détestaisrentreràlamaisonquandAbbyn’étaitpaslà.C’étaitcommeçadepuisqu’onseconnaissait,çan’avaitpaschangé.C’étaitpeut-êtremêmepire,parcequedésormaisShepleyetAmerican’étaientpluslàpourmecharrier.
Jeglissailaclédanslaserrure,ouvrislaporte,verrouillaiderrièremoietjetaimonportefeuillesurlebar.J’avaisdéjàemmenéTotoaurefugepouranimauxdecompagnie,enprévisiondenotrevoyage.Toutétaittropsilencieux.Jesoupirai.L’appartementavaitbeaucoupchangédepuisunan.Lesposters et les affiches publicitaires avaient disparu, des tableaux et des photos de nous les avaientremplacés.Cen’étaitplusunetanièredecélibataire,maisj’yavaisgagné.
Dans lachambre, jemedéshabillai etmeglissai sous lacouetteà fleursbleuesetvertes–çaaussi,c’étaitnouveau.Jeprisl’oreillerd’Abbyetleglissaisousmatêtepoursentirsonodeur.
Leréveilaffichaitdeuxheuresdumatin.Plusquedouzeheuresetjeseraisavecelle.
1314
Jeunefille
Abby
Lesconvives installées en terrasse semirent à crier, renversantpratiquement tables et enfantspourcourirsemettreà l’abri. Ilyeutdesbruitsdeverrecassé,decouverts tombantsur lesol.Unphotophoreenformed’ananasfutrenversé,roulasurlatableettomba,volantenéclats.Americalevalesyeuxauciel.
—Houlà,onsecalme!C’estjusteunpeudepluie!Lesserveurss’affairèrentàdéroulerdesabrisdetoilecôtéplage.—Ettoiquiteplaignaisqu’onn’aitpasvuesurlamer,lataquinaHarmony.—Ouais.Ellesfontmoinslesmalignes,lesblondassessnobs,maintenant,hein?ditAmericaen
regardantpasseravecungrandsourirelessixfillesquigrelottaient,trempées.—Arrête,Mare,soupirai-je.Tuasunpeutropbu,jecrois.—Jesuisenvacances,etc’estunenterrementdeviedejeunefille.Jesuiscenséeêtreivre.Jeluitapotailamain.—Çaneposeraitpasdeproblèmesitun’avaispasl’alcoolméchant.—Tagueule,pétasse.J’aipasl’alcoolméchant.Jelafusillaiduregard.Ellemefitunclind’œiletsourit.—J’rigoooole!Harmonyreposasafourchette.—Pfff,j’aitropmangé.Onfaitquoi,maintenant?Americatiradesonsacunpetitclasseur,avecunairmalicieux.Sur lacouverture,onpouvait
lireTRAVIS&ABBY,enlettresdemousse,suivideladatedenotremariage.—Maintenant,onjoueàunjeu.—Quelgenredejeu?demandai-je,méfiante.Elleouvritleclasseur.— Comme Cami ne pouvait arriver que demain, elle t’a préparé ça, dit-elle en montrant le
classeuravantdel’ouvriràlapremièrepageetdelire:«Quediraittonmari?»Ahoui,j’aidéjà
entenduparlerdecejeu.C’estsuperdrôle.Mêmesienprincipe,çaconcernetonfuturmari.Alors…CamiaposécesquestionsàTravislasemainedernièreetm’aconfiésesréponses.
Ellesedandinaitsursonsiège,surexcitée.—Quoi?m’écriai-je.Quelgenredequestions?—Tuvasbientôtlesavoir,répondit-elleenfaisantunsigneauserveur,quiapportaunplateau
dejelloshots,minicocktailsdegeléesalcoolisées,detouteslescouleurs.—Ohnon…—Chaque fois que tu te trompes, tu engobesun.Si tu réponds juste, c’est nousqui gobons.
Prête?—Prête.Americaseraclalagorge,classeurtendudevantelle.—QuandTravisa-t-ilcomprisquetuétaiscellequ’illuifallait?Jeréfléchisuninstant.—Lesoiroùj’aijouéaupokerchezsonpèrepourlapremièrefois.—Pouuuuet!fitAmerica.Quandilacomprisqu’iln’étaitpasassezbienpourtoi,c’est-à-dire
lesoiroùilt’avuepourlapremièrefois.Videtonverre!—Waouh,ditHarmonyenportantunemainàsapoitrine.Jeprisunpetitverreetenvidailecontenugélifiédansmabouche.Miam.Perdren’allaitpasêtre
sidifficilequecela.—Questionsuivante!continuaAmerica.Quepréfère-t-ilcheztoi?—Macuisine.—Pouuuuet!Videtonverre!—T’esnulleàcejeu,semoquaKara.—Peut-êtrequejelefaisexprès?C’estbon,cetruc!répondis-jeenvidantunsecondverre.—TuveuxsavoirlaréponsedeTravis?Tonrire.—Waouh,lâchai-je,étonnée.C’estattendrissant.—Quelleestlapartiedetoncorpsqu’ilpréfère?—Mesyeux.—Ding!Exact!HarmonyetKaraapplaudirent,jesaluai.—Merci,merci.Maintenant,àvousdeboire.Elleséclatèrentderireets’exécutèrent.Americatournalapageetlutlaquestionsuivante.—QuandTravisveut-ilavoirdesenfants?—Houlà…Heu…Danssept,huitans?—Unanaprèslafindevosétudes.LabouchedeKaraetcelled’Harmonys’arrondirentenunOdesurprise.—OK,OK,jebois.Maisilfaudraqu’onrediscutedeça,luietmoi.
Americasecoualatête.—C’estunjeuprénuptial,Abby.Tudevraisavoirdemeilleursrésultats.—Laferme.Continue.—Techniquement,ellenepeutpaslafermeretcontinuer,soulignaKara.—Laferme,lançai-jeàl’unissonavecAmerica.—Questionsuivante:àtonavis,quelestlemomentpréférédevotrerelation,pourTravis?—Lesoiroùilagagnésonparietquej’aidûemménagerchezlui.—Exact!—Oh,c’esttellementattendrissant…jevaispleurer,soupiraHarmony.—Buvez!Questionsuivante,fis-jeàAmericaensouriant.—QuelleestlachosequetuluiasditequeTravisn’oublierajamais?—Aucuneidée.—Essaiededeviner,suggéraKara.—Lapremièrefoisquejeluiaidit«jet’aime»?Americafronçalessourcilsetréfléchit.—Techniquement,c’estfaux.Ilaréponduquec’étaitlafoisoùtuavaisconfiéàParkerquetu
aimaisTravis!Elleéclataderire,etlesautresavecelle.—Allez,bois!Nouvellepage.—Quelestl’objetdontTravisnepeutpassepasser?—Samoto.—Exact!Oùaeulieuvotrepremierrendez-vous?—Àlapizzeria.—Exact!—Pose-luidesquestionsplusdifficiles,sinononvafinirbourrées,suggéraKaraenvidantun
autreverre.Americatournalespagesduclasseur.—Mmmh…Ah,celle-ci!Selonlui,quelleestlachosequetupréfèreschezlui?—C’estquoi,cettequestion?Elleslafixaient,impatientes.—Heu…ceque jepréfèrechez lui,c’estqu’ila toujoursbesoindeme toucherquandonest
assisàcôtél’undel’autre.Maisjesuissûrequ’iladitquecequejepréférais,c’étaitsestatouages.—Merde!Elleatoutjuste!Ellesgobèrentunpetitverredegeléeetsetapèrentdanslesmainspourfêtermaréussite.—Unedernière,ditAmerica.Parmilescadeauxqu’ilt’afaits,lequelpréfères-tu,d’aprèslui?Jeréfléchisquelquesinstants.—C’estfacile,ça.Lescrapbookqu’ilm’aoffertpourlaSaint-Valentin.Allez,àlavôtre!
Toutlemondeéclataderireet,mêmesic’étaitleurtour,jepartageailedernierverreavecelles.Harmonys’essuyales lèvresavecsaserviette,puism’aidaàempiler lesverresvidespourles
remettresurleplateau.—Etmaintenant,qu’est-cequ’onfait,Mare?Americasedandina,visiblementexcitéeparcequ’elleallaitnousdire.—Onvaenboîte,voilàcequ’onfait.Jesecouailatête.—Pasquestion.Onenadéjàparlé,jecrois.Ellefitminedebouder.—Arrête.Jesuisicipourrenouvelermesvœuxdemariage,paspourengageruneprocédurede
divorce.Trouveautrechose.—Pourquoiest-cequ’ilnetefaitpasconfiance?demandaAmerica,d’unevoixquiapprochait
dugémissement.—Sij’avaisvraimentenvied’yaller,j’irais.Maisjerespectemonmari,etjepréféreraisdeloin
faireautrechosequedem’asseoirdansuneboîteenfuméeavecdesspotsquimedonnerontmalàlatête.Etpuisilseposerapleindequestions,voudrasavoircequ’onafait,etjen’aivraimentpasenviedem’aventurersurceterrain.Jusqu’àprésent,çaaplutôtbienmarché.
—JerespecteShepley.Maisjevaisquandmêmeenboîtesanslui.—Cen’estpasvrai.—C’estjusteparcequeçanem’ajamaistentée,jusqu’àprésent.Cesoir,j’enaienvie.—Ehbien,pasmoi.Americaserenfrogna.—OK.PlanB.Poker?—Trèsdrôle.Levisaged’Harmonys’éclaira.—J’aivuunepubpourunesoiréecinéenpleinairsurlaplage!Ilsinstallentl’écransurl’eau.Americafitlagrimace.—Rasoir.—Non,moi,jetrouveçasympa.Àquelleheureçacommence?Harmonyregardasamontreetsedécomposa.—Dansunquartd’heure.—C’estfaisable!dis-jeenattrapantmonsac.L’addition,s’ilvousplaît!
Travis
—Hé,calme-toi,mec,ditShepley.Il regardait mes doigts qui tapotaient nerveusement l’accoudoir. Nous avions atterri sans
encombre, et l’avion était arrêté à sa porte, mais pour une raison inconnue l’autorisation dedébarquern’avaitpasencoreétédonnée.Touslespassagersattendaienttranquillementquerésonnecelégerdingquisignifiaitliberté.Ledingduvoyant«Attachezvosceintures»,quiprovoquaitlalevéeentrombeetlaruéesurlescoffresàbagages.Maislà,moi,j’avaisunevraieraisond’êtreimpatient,alorscetteattentememettaitdansunétatd’énervementpaspossible.
—Putain,maispourquoic’estsilong?demandai-je,peut-êtreunpeufort.Devantnous,unefemmeaccompagnéed’unenfantdehuitneufansseretournalentementpour
mefairelesgrosyeux.—Désolé,dis-je.Jeregardaimamontre.—Onvaêtreenretard.—Non, on ne sera pas en retard, répondit Shepley, toujours aussi calme et tranquille. On a
encorepleindetemps.Je me penchai pour regarder dans l’allée, comme si j’allais y trouver la solution à mon
problème.—Leshôtessesn’ontpasbougé.Attends…yenaunequiestautéléphone.—C’estbonsigne.Jemeredressaiensoupirant.—Onvaêtreenretard.—Jetedisquenon.Elletemanque,c’esttout.—Ça,c’estvrai.Jesavaisquej’étaispitoyableetj’avaisrenoncéàlecacher.C’étaitlapremièrefoisqu’Abbyet
moipassionsunenuitloinl’undel’autredepuisnotremariage,etc’étaitl’horreur.Mêmeaprèsun
an,j’étaisimpatientdelavoirouvrirlesyeuxàcôtédemoilematin.Ellememanquaitmêmequandjedormais.
Shepleysecoualatête.—Jesaispassitutesouvienscommetumecharriaisparcequejedisaislamêmechose.—Tunelesaimaispasautantquejel’aime.Ilsourit.—T’esvraimentheureux,alors,hein?—Je l’aimaisdéjà commeundingue audépart,mais là, je l’aimeencoreplus.CommePapa
quandilparlaitdeMaman.Shepleyouvritlabouchepourrépondre,maisledingtantattendurésonna,ettouslespassagers
selevèrent.Devantnous,lafemmesourit.— Félicitations, dit-elle. À vous entendre, je me dis que vous avez compris comment ça
fonctionne,contrairementàbeaucoupdegens.Dansl’allée,lespassagerscommencèrentàavancer.—Onaeudesmomentstrèsdursaudébut.—Vousavezbeaucoupdechance,dit-elleenguidantsonfilsdansl’allée.J’eusunpetitrireenrepensantàtouslesclashs,touteslesdéceptions,maiselleavaitraison.Si
jedevaistoutrecommencer,jepréféreraisrevivreladouleurdesdébutsplutôtquedevivreuncontedeféesquiexploseraitenvolauboutdecinqans.
Aprèsavoirrécupérénosbagagesaupasdecourse,Shepleyetmoisortîmesàlarecherched’untaxi.JefussurprisdetombersurunhommeencostumenoirquibrandissaituneardoiseblanchesurlaquelleétaitécritengrosseslettresrougesFAMILLEMADDOX.
—Heu,bonjour,dis-je.Unlargesouriremerépondit.—MonsieurMaddox?—C’estmoi.—JesuisM.Gumbs.Sivousvoulezbienmesuivre.Ilpritmonplusgrossacetnousconduisitjusqu’àunSUVCadillacEscaladenoir.—VousdescendezauRitz-Carlton,c’estbiença?—Oui,ditShepley.Unefoisnosbagagesdanslecoffre,nousnousinstallâmessurlabanquettedumilieu.—Troptop,ditShepleyenregardantautourdelui.Le chauffeur démarra, fila à toute vitesse sur une route vallonnée et sinueuse, et tout ça du
mauvaiscôtédelachaussée.C’étaitdéstabilisant,parcequelevolant,lui,étaitdumêmecôtéquecheznous.
—Heureusementqu’onn’apaslouédevoiture,dis-je.—Oui.Lamajoritédesaccidentssontprovoquéspardestouristes,ici.
—Çam’étonnepas,ditShepley.—Cen’estpascompliqué,pourtant,dit lechauffeur. Il faut juste faireattentionànepas trop
s’approcherduravin.Ilnousfitfaireunrapidetourdel’île,indiquantaupassagedifférentslieux.Lespalmiersétaient
déjàtrèsdépaysantspourmoi,alorslesvoituresgaréessurlagauchedelachaussée,j’avaisvraimentdumal.
—Ça,c’estHavensightMall,oùs’amarrentlesgrosbateauxdecroisière,vousvoyez?Jevislesénormesnavires,maisc’estl’eauquimefascina.Jamaisjen’avaiscontempléunbleu
aussipur.Sansdouteétait-cepourcelaqu’onparlaitdebleudesmersduSud.C’étaitincroyable.—Onestbientôtarrivés?—Quasiment,réponditM.Gumbsavecunsourirejoyeux.Et pour confirmer ses dires, la Cadillac ralentit et s’engagea dans une longue allée. Il fallut
ralentirencorepourfranchirleportail,oùunagentdesécuriténousfitsignedepasserpuis,auboutd’uneautrealléequin’enfinissaitpas,l’hôtelapparutenfin.
—Merci!Shepleydonnaunpourboireauchauffeuretsortitsontéléphone,quiémettaitunbruitdebaiser–
cedevaitêtreAmerica.Illutlemessageethochalatête.—Bon,apparemment,toietmoi,onvadanslachambredeMare,etlesfillessepréparentdans
celled’Abby.Jefislamoue.—Benpourquoi…?—Jepensequ’ellesneveulentpasquetuvoiesAbbytoutdesuite.Jesecouailatêteensouriant.—Ahoui…ellem’adéjàfaitlecoupladernièrefois.Unemployéde l’hôtelnousguida jusqu’àunepetitevoituredegolfetnousconduisit jusqu’à
notrebâtiment.Ladécodenotrechambreétaittrès…exotique.TrèsRitz-Carltonsouslestropiques.—Çadevraitlefaire!s’exclamaShepley,hilare.Jemerenfrognai.—Lacérémonieestdansdeuxheures.Ilfautquej’attendedeuxheures?Shepleylevaundoigt,tapotasursontéléphoneetmeregarda.—Non.Tupourras lavoirdèsqu’elle seraprête.C’estAbbyqui ledit.Apparemment, tu lui
manquesaussi.Jenepusm’empêcherdesourirecommeungamin.Abbyproduisaitceteffetsurmoi.Depuisle
début.Etleproduiraitàjamais.Jesortismontéléphone.
Jet’M,bébé.
Çayest?Teslà?Moiaussijet’M
Àtrèsvite.
Unpeumonneveu!
J’éclatai de rire. J’avais déjà dit qu’Abby était tout pour moi. Et depuis 365 jours, elle meprouvaitquec’étaitvrai.
Onfrappaàlaportedelachambre,j’allaiouvrir.LevisagedeTrentapparut,radieux.—Salut,p’titcon!Jesecouailatêteenriantetfissigneàmesfrèresd’entrer.—Allez,grouillez-vous,lesmécréants.J’aiunefemmequim’attend,etunsmokingavecmon
nomdessus.
15
Ilsfurentheureuxeteurentbeaucoupd’enfants
Travis
Unanjourpourjouraprèsm’êtretenudevantl’autelàLasVegas,j’attendaisdenouveauAbby,cettefoissousunetonnelle,au-dessusdesmagnifiqueseauxbleuesdeSaintThomas.Jerajustaimonnœudpapillon,neregrettantpasd’avoirzappécedétailvestimentairelapremièrefois.Maisbiensûr,àl’époque,jen’avaispaseuàmeconformeràl’idéequ’Americasefaisaitd’unecérémonieréussie.
Chaisesblanchesdécoréesderubansorangeetvioletsd’uncôté,océandel’autre.Untapisblancavaitétédéroulé le longde l’alléecentralequeremonteraitAbby,et ilyavaitdes fleursorangeetviolettesàpeuprèspartoutoùseposaitleregard.Ellesavaientfaitdubeauboulot.Jepréféraisquandmêmemonpremiermariage,maiscelui-ci ressemblaitplusàcedont rêvaientprobablement touteslesjeunesfilles.
Etpuis,auboutdel’allée,sortitdederrièreunehaiedebuiscelledonttouslesjeunesgarçonsrêvaient probablement. Abby se tenait, seule, sous un long voile qui couronnait ses cheveuxsavammentcoiffés/décoiffésetquegonflaitladoucebrisecaribéenne.Sarobeétaitunfourreaufaitd’untissubrillant,sansdoutedusatin.Jen’enétaispassûr,etjem’enfichais.Detoutefaçon,jenevoyaisqu’elle.
Jesautailesquatremarchesdelatonnelleetcourusverselle.—Seigneur!Tum’astellementmanqué!dis-jeenlaprenantdansmesbras.Lamaind’Abbyseposasurmondos.Jen’avaisriensentid’aussibondepuistroisjours,depuis
quejeluiavaisditaurevoir.Elleneditrien,secontentaderirenerveusement,maisjesavaisqu’elleaussiétaitheureusede
me voir. L’année qui venait de s’écouler avait été tellement différente de nos six premiers moisensemble.Elles’étaitentièrementvouéeànotrerelation,etjem’étaisentièrementconsacréàdevenirl’hommequ’elleméritait.C’étaitmieux,etlavieétaitbelle.Lessixpremiersmois,jelesavaispassésàredouterquequelquechosedeterriblenemel’arrache,maisensuitenousnousétionsinstallésdansnotrenouvellevie.
—Tuesmagnifique,dis-jeenreculantd’unpaspourmieuxlavoir.
Abbycaressalereversdemaveste.—Tun’espasmalnonplus,monsieurMaddox.Le temps de nous embrasser, de nous raconter nos soirées respectives (l’une comme l’autre
assez calmes, finalement, le striptease de Trentonmis à part), et déjà les invités commencèrent àarriver.
—Bon,jepensequ’ilesttempsqu’onsemetteenplace,ditAbby.Je ne pus cacherma déception. Je ne voulais plus la quitter une seconde.Elle se hissa sur la
pointedespiedsetm’embrassasurlajoue.—Àtrèsvite!Etelledisparutderrièrelahaiedebuis.Jeregagnailatonnelle,etbientôttoutesleschaisesfurentoccupées.Nousavionsunvraipublic,
cettefois.Pamétaitassiseaupremierrang,ducôtédelamariée,avecsasœuretsonbeau-frère.Unepoignéedemespotes deSigmaTauoccupait le rangdu fond, à côté de l’ancien associé dePapa,accompagné de sa femme et de ses enfants. Il y avait aussimon patron Chuck et sa copine de lasemaine,lesquatregrands-parentsd’America,mononcleJacketmatanteDeana.Monpèreétaitassisau premier rang, du côté dumarié, et tenait compagnie aux copines demes frères. Shepley,montémoin, se tenait à côtédemoi, etmesgarçonsd’honneur,Thomas,Taylor,Tyler etTrent étaientdeboutprèsdelui.
Nous avions tous vu passer cette année, nous avions tous traversé tant d’épreuves et, pourcertains,perdubeaucoup.Pourtant,nousétionsréunisiciafindecélébrerunévénementpositifpourtoutelafamilleMaddox.Jesourisauxhommesquisetenaientauprèsdemoi.Ilsformaientencorelaforteresseimpénétrabledontj’avaislesouvenirdepuismonenfance.
Monregardsefixaensuitesurcettehaied’oùdevaitarrivermafemme.D’uninstantàl’autre,elleallaitapparaître,toutlemondeverraitcequej’avaisvuunanplustôt.Ettoutlemonderesteraitmuetd’admiration,commejel’avaisété.
Abby
Aprèsm’avoirlonguementserréedanssesbras,Markmesourit.—Tuesmagnifique.Jesuistellementfierdetoi,machérie.—Mercidemeprêtertonbrasjusqu’àl’autel,soufflai-je,unpeugênée.RepenseràtoutcequePametluiavaientfaitpourmoimefitmonterleslarmesauxyeux.Jeles
repoussaid’unbattementdecilsavantqu’ellesneroulentsurmesjoues.Markdéposaunpetitbaisersurmonfront.—Onabeaucoupdechancedet’avoir,fillette.Lamusiquecommença,etilm’offritsonbras.J’yglissailemienetavançaiavecluisurunpetit
cheminmalcommodebordéd’arbustesfleuris.Americaavaiteupeurqu’ilpleuve,maislecielétaitquasimentdégagé,etlesoleilbrillait.
Aucoindel’alléenousattendaientKara,Harmony,CamietAmerica.Lestroispremièresétaientvêtues de robes bustier de satin violet, très courtes, etmameilleure amie était en orange. Toutesétaientravissantes.
—Ilsembleraitqu’unemagnifiquecatastrophesesoittransforméeenmagnifiquemariage,meditKaraavecunpetitsourire.
—Lesmiracles existent, répondis-je enme remémorant la conversationquenous avions euetouteslesdeux,àuneautreépoque,pourtantpassilointaine.
Karaeutunpetitrireetserrasonbouquetdanssesmains.Puisellefutlapremièreàs’engagerdansl’allée,del’autrecôtédelahaiedebuis.Derrièreelles’avancèrentHarmony,puisCami.
Americaseretourna,passaunbrasautourdemoncouetmeserracontreelle.—Jet’aimefort!Markreplaçasonbras,jefisdemêmeavecmonbouquet.—Cettefois,ilfautyaller,mabelle.Nousavançâmes,etlepasteurfitsigneàl’assembléedeselever.Jevislesvisagesdemesamis
etdemanouvellefamille,maisc’estendécouvrantceluideJimMaddoxbaignédelarmes,quejedus
retenirunsanglot.Jefisdemonmieuxpourmaîtrisermonémotion.Aupieddelatonnelle,Travismepritlamain.Markposalessiennessurlesnôtres.L’espacede
quelques instants, je me sentis absolument bien, à l’abri, protégée par deux des hommes les plusfantastiquesquejeconnaissais.
—Quiamènecettejeunefemmeàl’autel?demandalepasteur.—Samèreetmoi-même.Jemefigeai.Toutelasemaine,Marks’étaitentraînéàdirePamelaetmoi-même.Maisentendre
cesmots…cettefois,rienneputretenirmeslarmes.Markm’embrassasurlajoueets’éloigna.Jerestaiàcôtédemonmari.C’étaitlapremièrefois
quejelevoyaisensmoking.Ilétaitrasédefrais,s’étaitfaitcouperlescheveux.TravisMaddoxétaitlegenredebeaumecdontrêvaienttouteslesfilles,etilétaitmaréalité.
D’ungestetendre,ilessuyameslarmespuis,ensemble,nousgravîmeslesmarchesmenantàlatonnelle.
— Nous sommes réunis ici aujourd’hui pour célébrer le renouvellement des vœux dumariage…commençalepasteur.
Savoixsefonditdansletumultedel’océanclaquantcontrelesrochers.Travissepencha,serrantmamaindanslasienne.—Joyeuxanniversaire,Poulette.Jelevailatêteverssesyeuxpleinsd’amouretd’espoir,exactementcommeunanauparavant.—Uneannéedepassée,restel’éternité,murmurai-jeenretour.