Ballard - Histoire Et Didactique de La Traduction

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    Histoire et didactique de la traduction Michel BallardTTR : traduction, terminologie, rdaction, vol. 8, n 1, 1995, p. 229-246.

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    Histoire et didactique

    de la traduction

    Michel Ballard

    Introduction

    Dans un article rcemment paru dans cette revue, Jean Delisle

    (1992) dplorait l absence d homognit de nombreux manuels de

    traduction (p. 23); ce phnomne tant, selon lui, li au fait qu ils

    ne sont pas toujours conus pour un public prcis, avec des objectifs

    bien spcifiques: Plusieurs manuels s adressent un public trs

    large et souvent mal dfini (p. 22). Ce dfaut, notre sens, est tout

    autant d aux m ots d ordre des diteurs (ou des directeurs de

    collection) qui, pour des raisons commerciales videntes, visent

    toucher le public le plus large possible, qu l absence de statut

    officiel de la didactique de la traduction dans l institution

    pdagogique. Il y a eu une prise de conscience de cet tat de fait

    chez certains universitaires. Par exemple dans l avant-propos de leur

    manuel de Versions Anglaises, A. Castagna et al. (1971, p. iii)

    dclarent:

    La version anglaise a eu pendant longtemps un statut incertain.

    Tantt servante de la littrature (explication de texte

    du

    type oral

    d agrgation), tantt son gale (certificat L), elles est trouve

    aussi associe la civilisation (certificat d tudes pratiques).Elle

    devrait tre

    aujourd hui

    une

    discipline autonome

    tous les

    niveaux.(Nous soulignons.)

    229

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    Or il est bien vident que si la traduction (et pas simplement

    la version) veut devenir une discipline autonome dans le cadre

    universitaire, elle ne pourra le faire qu en fondant son identit sur

    la didactique et la traductologie. Tant que la traductologie n aura pas

    de statut autonom e dans le cadre de l Institution universitaire, les

    TD de traduction demeureront ce qu ils sont souvent: des sances

    aux objectifs assez flous, pour lesquelles tout le monde se sent plus

    ou m oins qualifi. Trs curieusement, ce sont les professionnels qui,

    malgr leur matrise du mtier et malgr les finalits pratiques de

    leur enseignement, ont souvent t parmi les premiers prendre

    conscience de la ncessit de structurer leur enseignement l aide

    d une forme de thorisation. Nous renvoyons sur ce point au

    tmoignage de Christine Durieux (1988) propos de ses dbuts

    comme enseignante l ES IT; il a une valeur trs gnrale et

    s applique aisment au domaine de la traduction pdagogique:

    Le jeune professeur d histoire ou de gographie qui se prsente

    pour

    la

    premire fois devant

    ses

    lves

    dispose

    dj d un cadre de

    travail qui dans un premier temps va le scuriser, c est le

    programme; il doit suivre le programme. C'est le cas pour tous

    ceux qui sont chargs de transmettre un savoir. Dans le cas de la

    traduction, il n'existe rien de tel [...]. (p. 8)

    Cette constatation pose le problme de la formation des enseignants

    et du contenu de la didactique de la traduction. Celui-ci ne saurait

    se limiter (s il veut tre raliste), des leons de linguistique

    contrastive, mme si cette composante peut se rvler fort utile et

    productive dans le cadre gnral de la traductologie. La composante

    que nous nous proposons d explorer dans cet article est la dimension

    historique dans son rapport une didactique

    de latraduction:

    comme

    antriorit d une existence, comme fondement de certaines

    dmarches, enfin comme objet d tude et comme ouverture.

    1. Des prcurseurs

    En 1960, Georges M ounin (1976) saluait la

    Stylistique compare

    de

    Vinay et Darbelnet en ces termes:

    23

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    Il ne manque pas d'ouvrages sur la traduction. La bibliographie

    fondamentale, qui n'existe pas encore, en serait fort longue. Mais

    cet ouvrage est sans doute le premier trait de traduction, (p. 227)

    Il s'agit d'un livre neuf, qui donne de bonnes descriptions des

    oprations de traduction, puis un classement - dont le dtail est

    parfois peu clair, estomp par une poussire d'observations; mais

    c'est le premier (pp. 228-229)

    Il est vrai qu' l'poque l'ouvrage apparaissait comme neuf, et

    mme rvolutionnaire, surtout aux yeux d'tudiants (dont nous

    tions) qui pour la premire fois se trouvaient confronts avec une

    prsentation ordonne de problmes jusque-l rencontrs dans le

    dsordre, au hasard de la traduction de texte s, et sans m me toujours

    tre identifis. Car il faut dcrire et nommer pour identifier; une

    prise de conscience intuitive est toujours trs lente, et l'on ne peut

    demander chaque individu du XX

    e

    sicle de refaire tout seul le

    chem in intellectuel que des gnrations ont parcouru avant lui; c'est

    l sans doute l'erreur des adversaires de la thorisation; ils freinent

    l'accs la rflexion, une perception plus rapide des problmes.

    Mais y regarder de plus prs, l'impression que dcrit

    Mounin n'est-elle pas inquitante? Il a fallu attendre une tape bien

    avance de l'Homo erectus (entre 400 000 et 300 000) pour que se

    mettent en place les organes permettant le langage articul

    1

    .

    L'criture n'apparat qu'au quatrime millnaire av. J.-C. et les

    traces les plus anciennes que l'on possde concernant les langues

    attestent leur diversit

    2

    et donc la ncessit de leur apprentissage et

    de la traduction. On a des traces attestant une activit de traduction

    ds le troisime millnaire avant notre re

    3

    . Au IV

    e

    sicle av. J.-C.

    1. Voir, entre autres, Hagge (

    1985),

    chapitre I, Unicit

    de

    l'espce,

    pluralit des langues, p. 14 sqq.

    2.

    Ibid.et Vendryes (1979), Introduction: l'origine du langage, p.

    17 sqq.

    3. Cf. Ballard (1992a), pp. 21-22 pour l'Egypte, p. 24 pour Sumer.

    231

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    les Grecs entament une forme de rflexion sur le langage, qui sera

    reprise par les Romains et servira de base aux tudes pendant tout

    le Moyen ge, et mme au-del. ct de cela, la traduction fait

    figure de parent pauvre: activit secondaire (ou considre, tort,

    comme allant de soi), elle n a pas donn lieu des traits comme les

    genres littraires nobles. Car c est de cela qu ils agit en fait dans

    la citation ci-dessus; M ounin tout en reconnaissant l existence

    d crits sur la traduction dplore l absence de trait, c est--dire

    d tude systmatique axe sur le sujet. Or, mme l, on peut se

    demander, avec tout le respect d son uvre magistrale, sa

    perspicacit et son sens de la mesure, si Georges Mounin n est pas

    sous l influence des prjugs de son poque: on connat alors mal

    l histoire de la traduction, encore moins celle de la didactique de la

    traduction; et il est vrai, il faut le rpter, que l ouvrage de Vinay

    et Darbelnet donnait le sentiment d tre une nouveaut dote d une

    paisseur et d une densit que n avaient pas les rares vade-mecum

    existant alors sur la question. Nous pensons des ouvrages tels que

    ceux de Veslot et Banchet (1928) et de Veslot (1928) encore

    largement diffuss et utiliss dans les annes soixante; il n y a bien

    entendu aucun mpris dans cette comparaison, simplement le souci

    de parcourir et de baliser un domaine. Ces ouvrages ont (fort bien)

    rempli leur fonction en leur temps. Mais n y avait-il vraiment rien

    d autre avant? Il nous semble que cette interrogation mrite d tre

    pose d un point de vue gnral d abord, celui de la simple curiosit

    intellectuelle; du point de vue de l histoire de la didactique des

    langues ensuite, parce qu il nous semble normal en ce domaine,

    comme dans d autres, de se demander s il n y a pas eu des

    prcurseurs et o se situe le commencement. Dans le cadre de cet

    article nous ne pouvons qu voquer un jalon et inviter poursuivre

    des recherches dans ce domaine.

    En

    1811,

    Ferri de Saint-Constant (dont des extraits ont paru

    dans D hulst, 1990) dplore:

    [...] il est surprenant que les Latins, qui ont tout emprunt des

    Grecs,

    et qui les ont si souvent imits et copis, n aient rien crit

    sur cettematire [l art detraduire]. ous neconnaissonsquedeux

    passages de Cicron et d Horace o il est question de traduire.

    232

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    Quintilien, dont l'ouvrage est si tendu et complet, ne met pas la

    traduction des grands modles au nombre des moyens propres

    former un orateur

    4

    .

    S'il est faux de dire que Quintilien ne met pas la traduction des

    grands modles au nombre des moyens propres former un

    orateur

    5

    , il est vrai par contre que l'on a l'impression d'une

    certaine absence de thorisation dans l'antiquit grco-latine

    6

    .

    Pourquoi? Nous voquions ci-dessus deux pistes possibles: le fait

    que la traduction est une activit secondaire et celui qu'elle semble

    naturelle, aller de soi; il nous semble qu'il convient d'y ajouter

    une autre raison, qui est de taille et qui, d'ailleurs, de faon logique

    est trs troitement lie au dveloppement

    que

    connaissent les tudes

    traductologiques aujourd'hui, savoir la domination d'une langue

    et d'une culture.

    L'Antiquit a connu deux formes successives d'hgmonie

    linguistico-culturelle: celle s du grec et du latin. On peut presque dire

    que la civilisation grecque ignorait superbement ses voisines qu'elle

    considrait com m e barbares et la consqu ence a t une absence de

    traductions et donc une absence de rflexion sur une activit qui

    tait nie. La traduction est une forme de ngociation entre les

    langues et les cultures; les problmes d'identit (et pas seulement

    celle du texte) et d'hgmonie sont essentiels aux formes qu'elle

    prend: depuis le gommage de l'altrit jusqu' son intgration. la

    traduction se trouvent lies la curiosit et l'ouverture l'tranger; ce

    n'est pas un hasard sans doute si les Grecs du Ploponse n'ont pas

    4.

    De Saint-Constant (1811), p. 187, cit par D'hulst (1993), p. 105.

    5. Quintilien dit: c'est [la traduction] le moyen le plus sr pour

    acqurir l'abondance et la facilit d'locution. Nos anciens

    orateurs ne connaissaient

    rien

    de mieux pour cela, que

    de

    traduire

    du grec au latin,DeInstitutione Oratria, inHorguelin (1981),

    p.21.

    6. Cette absence doit tre nuance; nous renvoyons sur ce point au

    chapitre I de notre ouvrage (1992a).

    233

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    traduit du V

    e

    au III

    e

    sicle, alors que la dynastie des Ptolmes

    installe en Egypte et issue d'un des gnraux d'Alexandre

    commande des traductions, s'intresse des civilisations autres que

    celle de ses origines. Le priple du Grand Macdonien les avait, par

    son cosmopolitisme, ouverts d'autres horizons que ceux du

    Bosphore.

    Le phnomne est lgrement diffrent pour la civilisation

    latine dans la mesure o la traduction a t le canal par lequel la

    littrature grecque a t assimile et transforme en littrature latine.

    Il semble que deux attitudes prvalaient: celle de l'assimilation qui

    tend gommer les diffrences et donc les possibilits de

    comparaison; celle de l'imitation qui permettait de se faire un style

    partir de textes prestigieux. C'est de l que l'on peut dater une

    forme d'utilisation didactique consciente de la traduction. On en

    trouve le principe gnral chez Cicron

    7

    , et il est repris chez

    Quintilien et Pline le Jeune, mais sans tude gnrale du problme.

    Tout au cours du Moyen ge et mme au-del, en Occident,

    l'existence du latin comme langue de culture rduit les besoins en

    traduction. L'affirmation des langues vulgaires la Renaissance

    accrot le volume des traductions et dclenche une conscience plus

    aigu du phnomne qui donne naissance aux premiers traits.

    l'inverse du monde antique, caractris par une

    hgmonie linguistico-culturelle, l'Europe contemporaine se

    caractrise par la reconnaissance officielle de l'altrit et de

    l'incohrence dans les cultures (Lambert, 1992, p. 17), et c'est ce

    respect de la diversit linguistique et culturelle

    8

    qui fait que la

    7. Rappelons le passage clbre: [...] imiter Dmosthne, c'est, on

    le comprend, possder

    la fois l'loquence attique et l'loquence

    parfaite, Cicron (1921), p. 111.

    8. Depuis que le Conseilatabli l'galit des langues officielles des

    tats membres de la Communaut europenne en 1958, le

    multilinguisme constitue un principe fondamental du

    fonctionnement communautaire, Eduard Brackeniers (1992), p.

    17.

    234

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    traduction y est un phnomne fondamental et l'objet d'importantes

    tudes tant sur le plan fondamental qu' des fins didactiques

    9

    .C est

    la mme logique qui a prsid la naissance

    d une

    traductologie de

    tendance linguistique au Canada

    10

    .

    l'poque o parat la Stylistique compare (1958) de

    Vinay et Darbelnet, la France n'a offrir que

    Sous Vinvocation de

    saint Jrme de Valry Larbaud (1946), les Belles infidles de

    Georges Mounin (1955),

    la Traduction dans le monde moderne

    d'Edmond Cary (1956). On s'tonnera peut-tre de l'utilisation

    d une

    locution restrictive pour parler de trois ouvrages relativement

    prestigieux, mais il convient de prendre consciencequeleur prsen ce

    dessine un manque que prcisment celui de Vinay et Darbelnet

    viendra combler. L'ouvrage de Larbaud est peine un livre,

    c est

    un

    collage htroclite, une srie d'essais, parfois techniques, parfois

    lyriques, parfois mme sans rapport avec la traduction; mais

    l'ensemble n est pas construit, on est encore dans la tradition de

    l'essayisme littraire, aimable mais a-thorique. L'ouvrage de Cary

    reprsente un remarquable effort d'un traducteur pour donner,

    comme l'indique le titre, un panorama de sa profession dans le

    monde moderne; il y a aussi des aperus historiques intressants et

    9. Voir

    par

    exemple Seleskovitch

    et Lederer

    ( 1984 et 1989), Durieux

    (1988) et d'autres travaux venus d'Angleterre comme ceux de

    Newmark.

    10. En contrepoint, on notera le dveloppement relativement faible de

    ce genre d'tudesauxtats-Unis.Danscet esprit,EdwinGentzier,

    apropos

    de The merican

    Translation

    Workshop,

    note: Today,

    while many universities offer advanced degrees in creative

    writing, comparatively few offer academic credit for literary

    translation. One reason is surely the m onolinguistic nature of the

    culture [...]. The activity of translation represents a process

    antithetical to certain reigning literary beliefs, hence its relegation

    to marginal status within educational and economic institutions,

    and its position in this society as part of a counter-cultural

    movement (Gentzler, 1993,

    p.

    8). Nous renvoyons

    sur

    ce dernier

    point l'ouvrage de Brisset (1990).

    235

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    des rflexions trs perspicaces mais un refus trs net d'envisager

    l'opration de traduction dans le cadre d'une systmatique.

    L'ouvrage de G eorges M ounin a sans doute eu la malchance d'avoir

    t baptis d 'un titre sduisant mais trompeur par un diteur qui tait

    plus soucieux de rechercher un titre accrocheur que d'annoncer le

    vritable contenu de l'uvre; on y trouve en fait l'esquisse d'une

    thorisation qui s'panouira dans

    les Problm es thoriques ,

    la

    caractristique et la diffrence des

    Belles infidles

    tant qu'elles ne

    sont pas encore coupes des racines historiques de la thorisation et

    que la thorisation qu'on y trouve se proccupe davantage des

    manires de traduire que

    les Problmes thoriques. Les Belles

    infidles

    apparaissentalorscom m e les prolgomn es une dissection

    de la traduction, qui nous est venue du Canada. L'option didactique

    de Vinay et Darbelnet les amenait redonner la thorie son

    vritable sens: tre une observation qui permette de conceptualiser

    les dmarches d'une opration et donc facilite la gestion (et la

    transm ission) de sa pratique. Il faut pour cela passer l'observation

    de la traduction comme produit de deux langues-cultures.

    Or, cet effort de thorisation avait t ralis auparavant, et

    qui plus est en liaison avec la didactique des langues. Les Rgles de

    la traduction de Gaspard de Tende

    11

    sont du Vinay et Darbelnet

    avant la lettre. La qualit de l'ouvrage est encore atteste au milieu

    du XVIII

    e

    sicle par l'abb Goujet dans son examen des traits sur

    la manire de traduire (1751, p. 207): son trait de la traduction,

    est le meilleur ouvrage et le plus complet que nous ayons en

    Franois sur cette matire. L'ouvrage de Gaspard de Tende a

    inspir d'autres didacticiens du XVII

    e

    sicle:

    Le trait de M. de Tende est presque l'unique fonds o ont puis

    Jean Gaillard, qui donna en 1673 une Mthode facile et curieuse

    pour la traduction; et Denys Gaullyer, depuis professeur au

    Collge du Plessis Paris, qui publia en 1719, un petit livre de

    11.

    Pour une tude dtaille de ce manuel, nous renvoyons notre

    ouvrage (1992a), pp. 186-195, ainsi qu' M. Ballard, in M.

    Ballard et L. D'hulst (dir.), paratre.

    236

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    Rgles pour traduire le Latin en Franois. (C P. Goujet,

    1751,

    p.

    209)

    Le XVIII

    e

    s. a connu un indniable essor en matire de rflexion sur

    la traduction et une poursuite fort active de l uvre didactique

    inaugure par un de Tende.

    Or, pourquoi au milieu du XX

    e

    sicle a-t-on eu l impression

    non pas d un tarissement de la didactique mais d une absence

    (atteste, nous l avons dit plus haut, par la manire dont l ouvrage

    de Vinay et Darbelnet a t salu)? Ce silence mriterait une tude

    et justifie la mise en place d une recherche sur l histoire de la

    didactique de la traduction: un futur enseignant se doit de rflchir

    la matire qu il va enseigner et cette rflexion doit prendre en

    compte le pass de cette discipline.

    2.

    Du commentaire de traduction

    Dans le prolongement de cette prise en compte du pass afin d y

    rechercher les origines de dmarches contemporaines ou les phases

    de rupture, nous examinerons maintenant un aspect essentiel de la

    traduction qui est sous-exploit en didactique malgr, une fois

    encore, des tentatives antrieures dignes d intrt.

    Une thorie comme celle de Seleskovitch et Lederer met

    l accent sur l exgse; elle s inscrit en cela dans la tradition

    inaugure par les traducteurs bibliques, dont saint Jrme. Jrme

    fait prcder son travail de traduction, ou dans certains cas

    l accompagne, d une uvre de commentateur. Pour les ptres de

    Paul, sa mthode est la suivante: quelques lignes du texte latin, puis

    le corps du commentaire o non seulement il interprte le sens mais

    retourne l original hbreu; il va jusqu fournir deux

    interprtations ou plus, en laissant le lecteur libre de choisir celle qui

    lui convient (Kelly, 1975 , pp. 144-147). Il est capital que son travail

    de retraduction de VAncien Testament se soit appuy sur la lecture

    de YHexaples d Origne, qui repose sur le principe de la

    comparaison des textes et du commentaire de traduction.

    UHexaples,

    que Jrme pouvait consulter la bibliothque de

    237

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    Csare, offrait sur six colonnes parallles: le texte hbreu, une

    translittration en grec, la version d'Aquila, celle de Symmaque, la

    Septante et enfin la version rvise de Todotion; cho se remarquable

    la cinquime colonne constituait elle seule une dition critique

    dans la mesure o elle signalait les diffrences avec le texte hbreu.

    Le travail de Jrme qui a abouti la Vulgate repose donc sur

    l'exgse et le commentaire de traduction.

    Les principes de la comparaison de traductions et du

    commentaire de traduction sont la base de la mthode de Gaspard

    de Tende, ce sont eux qui lui donnent son caractre scientifique.

    Voici en quels termes l'auteur dcrit la gense de son uvre:

    Ce qui me donna la premire pense de recueillir ces Rgles, fut

    l'accord merveilleux et la convenance admirable qui se rencontre

    dans tous les bons Traducteurs.Carj'ay remarqu que ceux qui

    ont bien traduit les mmes mots et les mmes phrases, ont tous

    pris un mme tour, et se sont tous servis d'une mme faon de

    traduire (G. de Tende, 1660,II)

    12

    .

    Nous dirions aujourd'hui que le travail de de Tende repose sur

    l'observation des rcurrences. Mais ce n'est pas le seul usage qu'il

    fait de la comparaison; il l'utilise galement des fins d'expos

    didactique en proposant d'autres solutions (parfois parce qu'elles

    sont moins bonnes) au jugement de ses lecteurs.

    Da ns l'exem ple suivant, on a une illustration de ce procd

    de prsentation et de formation du bon got par rapport une norme

    (celle de l'embellissement et de l'autorit de Vaugelas):

    AtReginagravijamdudum saucia cura Vulnusa lit venis, et caero

    carpitur ignl

    12. La prface de l'original n'est pas pagine; c'est nous qui

    introduisons la traditionnelle pagination des prfaces en chiffres

    romains par opposition la pagination du corps de l'ouvrage.

    238

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    Mais Didon qui estoitdjtrouble par des cuisantes inquitudes,

    cache une blessure secrte dans le secret de son cur, et se sent

    dvorer d'un feu qu'elle ne connot point encore. Virg.

    Autre traduction de ces deux vers:

    La Reine agite depuis long-temps d'une violente inquitude

    nourrissaitsaplaye dans ses veines, et sentoit son me prise d'un

    feu secret.

    Cela fait bien voir qu il faut souven t

    traduire

    le

    nom ppellatif

    par le nom propre; afin de garder quelque grace dan s la

    traduction: ce qui est tellement ncessa ire que monsieur de

    Vaugelas en a ainsi usdansson Q.Curce (G. de Tende, 1660,

    p.

    16).

    Au sicle suivant, dans son Trait des tudes (1838) Rollin

    propose le commentaire de traduction comme exercice faire

    raliser par les tudiants. Il ne s'agit plus d'une dmarche de travail

    scientifique et d'exposition comme chez de Tende mais d'un

    vritable exercice pdagogique visant affiner l'esprit critique. Le

    caractre pdagogique de la dmarche de Rollin est de plus attest

    dans la progression qu'il instaure. Il commence par proposer un

    commentaire simple qui fonctionne comme une sorte de travail

    d'auto-correction o l'lve est invit trouver ses erreurs et ses

    insuffisances par rapport un modle prestigieux et les

    commenter:

    Il n'est pas inutile, quand on aura ces auteurs traduits par une

    main savante, de comparer cette traduction avec celles des

    coliers, pour leur donner du courage, et leur proposer de bons

    modles. Il ne rougiront point d'tre vaincus par de tels matres;

    ils tiendront honneur de les suivre, quoique de loin; etc. (Ch.

    Rollin [1726-1730] 1838, pp. 119-120).

    et il ajoute aprs avoir donn un exemple de commentaire:

    Il me semble que cette sorte de critique peut tre utileauxjeunes

    gens, et que c'est un bon moyen pour leur former le jugement,

    que de leur proposer des difficults comme j'ai fait ici, et de

    239

  • 7/23/2019 Ballard - Histoire Et Didactique de La Traduction

    13/19

    tcher de leur en faire trouver eux-mmes la solution, si cela est

    possible

    ibid.,

    p. 126).

    Voici enfin ce qu'il dit du commentaire compar:

    Il me semble quec est

    un

    exercice fort utile, que de faire ainsi de

    temps en temps comparer

    aux jeunes

    gens deux traductions d'un

    mme endroit, et de leur faire remarquer eux-mmes les

    diffrences en bien et en mal, surtout aprs qu'ils l'ont aussi

    traduit de leur ct. Par l, ils en peuvent mieux sentir et les

    beauts et les dfauts; et ils apprennent ce qu'il faut suivre et

    viter pour russir dans la traduction ibid., p. 143).

    Dans le mme esprit, ds 1986 (p. 35 sqq.), nous avons

    prconis l'utilisation du com mentaire de traduction com m e exerc ice

    pdag ogique comp lmentaire ceu x du thme et de la version. No us

    avons prcis les modalits de sa forme simple dans un article

    spcifique (1988), pour enfin consacrer un manuel entier la

    didactique du commentaire (1992b).

    Dans ce dernier ouvrage nous partons du principe que

    l'observation de la traduction est une dmarche pdagogique et

    scientifique, une voie d'accs la pratique et la rflexion. Elle

    suppose la mise en place de concepts etd une terminologie prcise

    permettant d'analyser des p roblm es, des processus. La technique du

    commentaire y est envisage deux niveaux:

    celui du commentaire simple, qui peut lui-mme connatre des

    degrs: depuis le simple exercice d'initiation ou de contrle

    (permettant de vrifier l'acquisition de certaines notions) jusq u' un

    exercice plus co m plex e qui se rapproche des comm entaires que l'on

    trouve dans les manuels de traduction reposant sur des bases

    thoriques solides

    13

    ,

    13. Voir par exemple Chuquet (1990) et Demanuelli (1991), qui

    offrent des exemples trs labors de commentaires, clairant la

    dynamique de traduction.

    24

  • 7/23/2019 Ballard - Histoire Et Didactique de La Traduction

    14/19

    et le niveau du comm entaire compar, o l on propose deux

    traductions, ou plus, d un mme texte. Cet exercice est enrichissant

    sur le plan de l observation des techniques de traduction et des

    tendances propres chaque langue.C est une propdeutique la

    recherche, une phase de collecte de matriaux pralable

    l laborationdesynthses surdesthmestrsdivers (Ballard, 1992b,

    pp. 107-110).

    Conclusion

    Le dveloppement de la didactique de la traduction peut paratre un

    phnomne rcent. Ce sentiment vient sans doute du dveloppement

    gnral des tudes traductologiques et du dsir plus ou moins

    connexe de nombreux enseignants de renouveler l enseignement de

    traduction en le dotantd une mthodologie propre.

    Le dveloppement des tudes traductologiques en direction

    de l histoire amne prendre conscience du fait que ce sentiment de

    nouveaut est aussi en grande partie cr par l ignorance du pass

    de la traductologie et en particulierdela didactique de la traduction.

    Des rflexions ont exist antrieurement,desmthodes aussi. On est

    en droit de s interroger sur les causes

    de

    l oubli (ou de l occu ltation)

    qui les a marques. Il y a l une piste de recherche importante et

    ncessaire.

    L histo ire de la traduction et de sa didactique rvle

    l importance du comm entaire la fois comme dmarche

    pdagogique et thorico-pratique. Le commentaire prcde et

    accompagne la traduction. On peut en faire un moyen d observation

    et d tude partir de textes dj traduits.

    Le dveloppement que connat l heure actuelle la

    didactique de la traduction n es t pas une nouveaut m ais une

    renaissance qui vise faire de la traduction un acte pdagogique et

    intellectuel

    plus

    com plet. Les pdagogues se doivent de renouer avec

    cette tradition qui est la source de leur identit.

    241

  • 7/23/2019 Ballard - Histoire Et Didactique de La Traduction

    15/19

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    RSUM: Histoire et didactique de la traduction

    Selon

    l auteur, la traduction ne peut devenir une discipline autonome dans

    le cadre universitaire que si elle fonde son identit sur la

    traductologie et la didactique. Le problme qui se pose ds lors est

    celui de la formation des enseignants et du contenu didactique de la

    traduction. Cet article explore la didactique de la traduction sous

    l ang le historique en passant en revue un certain nombre de

    prcurseurs: notamment Gaspard de Tende (1660), Ferri de Saint-

    Constant (1811) renvoyant aux auteurs de l Antiquit, Charles Rollin

    (1838)... Et l auteu r se demande comm ent il se fait que les

    didacticiens du XX

    e

    sicle aient eu l impression que tout

    commenait avec eux, quand en ralit c est une renaissance que

    l on assiste depuis les annes 1950

    {la Stylistique compare du

    franais et de l anglais

    publie en 1958 constituant l vnem ent

    symbolique de cette renaissance) beaucoup plus qu une vritable

    naissance.

    245

  • 7/23/2019 Ballard - Histoire Et Didactique de La Traduction

    19/19

    ABSTRAC T: Translation H istory and Didactics According to

    the author, translation can only attain the status of an autonomous

    discipline within the university if its identity is based on both

    Translation Studies and Translation Teaching. Hence, the ensuing

    problem becomes that of teacher training and the didactic content of

    translation. This article explores translation teaching from an

    historical perspective, reviewing a few precursors such as Gaspard

    de Tende (1660), Ferri de Saint-Constant (1811) who refers to

    authors of Antiquity, and C harles Rollin (1838). The author wonders

    why twentieth century teaching specialists seem to think that they

    began it all when in fact since the 1950 s we are witnessing a

    rebirth

    (la

    Stylistique compare dufranais

    et

    de Vanglais published

    in 1958 was a symbolic landmark of this rebirth) rather than the

    birth of a trend. (Trans, by Paul Bandia)

    246