Bail commercial conclu en fraude des droits du créancier

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Date : 28 JUIL 16 Périodicité : Hebdomadaire OJD : 1780 Page de l'article : p.51-54 Journaliste : Sébastien Legrix de la Salle / Anne-Laure Pastre-Boyer Page 1/4 DS3 4650868400502 Tous droits réservés à l'éditeur NOTE BIENS BAIL COMMERCIAL Bail commercial conclu en fraude des droits du créancier La caducité qui frappe un commandement de payer valant saisie immobilière le prive rétroac- tivement de tous ses effets et atteint tous les actes de la procédure de saisie qu'il engage ; la caducité du commandement ayant été constatée par un juge de l'exécution, le bail commercial consenti postérieurement à la publication du commandement ne peut être annulé. SEBASTIEN LEGRIX DE LA SALLE avocat a la Cour associe DS Avocats ANNE LAURE PASTRE-BOYER avocat a la Cour Courcel DS Avocats Cass 3 e civ, 31 mars 2016 ri" 14 25 604, P+B Ste Caisse d epargne et de prevoyance de Picardie e/ Ste du Beffroi JunsDatan" 2016 005772 L es faits ayant donne lieu a I arret de la troisieme chambre civile de la ( eur de cassation (Cass 3' av 31 mars 2016 n" 14 25 604 pret ) étaient les suivants Suivant acte authentique en date du 24 sep tembre 1991 la SCI du Beffroi avait régula lise avec la Caisse d epargne un pret garanti par une hypothèque conventionnelle por tant sur un immeuble appartemnt a la SCI La banque avait fait délivrer a cette derniere le 29 janvier 2005 un commandement aux fins de saisie immobiliere publie a la conservation des hypothèques d Abbeville le 22 fevrier 2005 Le 30 aout 2006 la SCI du Beffroi conseil tait sur I immeuble obiet de la voie d execu lion susvisee un bail commercial a la societe Emma fleurs Par la suite les effets de I inscription du commandement aux fins de saisie immobi hère devaient être prorogés jusqu au 5 fevrier 2008 et la banque engageait une procedure de folle enchere a la suite d une premiere adjudication n ayant pu aboutir faute de ver sèment du prix de vente C est dans le cadre de cette nouvelle adjudi cation prévue pour le 28 septembre 2010 que le bail litigieux du 30 aout 2006 était finale ment annexe au cahier des charges le 14 sep tembre 2010 Suivant jugement en date du 21 janvier 2011 le juge de I execution constatait la caducité du commandement et la ( aisse d epargne assignait en conséquence la SCI du Betfroi en annulation du bail commercial Dans son arret en date du 31 mars 2016 la Cour de cassation a considéré que si un bail commercial consenti postérieurement a un acte aux fins de saisie immobiliere devenu caduc par la suite est valide (I) il neil de meure pas moins inopposable au créancier tituhire d une hypothèque conventionnelle sur le fondement de I article 1167 du Code civil (2) 1. La validité du bail com- mercial conclu après un commandement aux fins de saisie immobilière devenu caduc II s agissait du grief soulevé dans le pre mier moyen par la banque a I encontre de larret dappel (CA Aiment î juill 2014 RG n° 12/03710 JunsData n° 2014 019402) La cour d appel avait en effet retenu la vah dite du bail commercial consenti par la SCI en violation de I article 684 de I ancien Code de procedure civile alors que le jugement de premiere instance (TG/ \miens 10 juill 2012) avait annule le bail litigieux considère la société preneuse Emma Fleurs comme occupante sans droit ni titre et prononce son expulsion La Cour de cassation confirme la solution d appel considérant que ce moyen n est pas fonde rejetant ainsi I annulation du bail sur le fondement des dispositions de I article 684 susv isc et consacrant sa validité en conside ration de la caducité de la procédure de saisie immobiliere Une compréhension de cet arret suppose de revenir sur les textes et jurisprudences en vigueur a la date des faits Ces derniers en effet étaient soumis aux dis positions de I article 684 de I ancien Code de procedure en ile aux termes duquel dans le cadre d une procedure de saisie immobiliere les baux qui n ont pas acquis date certaine av ant le commandement peux eni etre annu les et ceux postérieurs au commandement doivent I etre si dans I un ou I autre cas les créanciers ou I adjudicataire le demandent Ainsi le critere de distinction entre d une part une nullité facultative soumise a I ap preciation des magistrats (justifiée par le fait que le bail était préjudiciable aux intérêts de I adjudicataire ou du créancier) et d autre part une nullité de plein droit s imposant à ces derniers résidait dans I antériorité ou pas, par rapport i la date de public» non au legistre de la publicite fonciere (et non pas du commandement en lui même) de la conclusion du bail ayant acquis date certaine a savoir un bail authentique ou un bail sous seing prive avant ete soumis a enregistrement Dans un elan protecteur des intérêts du locataire pour lequel il n était pas toujours évident de reporter la preuve de la date certaine de son bail la jurisprudence établie en matiere de vente d un bien occupe basée sur les dispositions de I article 1743 du Code civil n exigeait plus que le bail ait eu date certaine des lors que le nouveau propriétaire en av ait eu connaissance av ant la date de son acquisition (Cass 3 civ 12 mars 1969 Bull civ 1969 III n" 217 -Cass 3 av 20juill 1989 Bull av 1989 III n° 169 JunsDala

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Date : 28 JUIL 16

Périodicité : HebdomadaireOJD : 1780

Page de l'article : p.51-54Journaliste : Sébastien Legrixde la Salle / Anne-LaurePastre-Boyer

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NOTE BIENS

BAIL COMMERCIAL

Bail commercial conclu en fraude des droitsdu créancier

La caducité qui frappe un commandement de payer valant saisie immobilière le prive rétroac-tivement de tous ses effets et atteint tous les actes de la procédure de saisie qu'il engage ; lacaducité du commandement ayant été constatée par un juge de l'exécution, le bail commercialconsenti postérieurement à la publication du commandement ne peut être annulé.

SEBASTIEN LEGRIX DE LA SALLE avocat a la Cour associeDS Avocats

ANNE LAURE PASTRE-BOYER avocat a la Cour CourcelDS Avocats

Cass 3e civ, 31 mars 2016 ri" 1425 604, P+B Ste Caisse d epargne etde prevoyance de Picardie e/ Ste duBeffroi JunsDatan" 2016 005772

L es faits ayant donne lieu a I arret de latroisieme chambre civile de la ( eur decassation (Cass 3' av 31 mars 2016

n" 14 25 604 pret ) étaient les suivantsSuivant acte authentique en date du 24 septembre 1991 la SCI du Beffroi avait régulalise avec la Caisse d epargne un pret garantipar une hypothèque conventionnelle portant sur un immeuble appartemnt a la SCILa banque avait fait délivrer a cette dernierele 29 janvier 2005 un commandementaux fins de saisie immobiliere publie a laconservation des hypothèques d Abbevillele 22 fevrier 2005Le 30 aout 2006 la SCI du Beffroi conseiltait sur I immeuble obiet de la voie d execulion susvisee un bail commercial a la societeEmma fleursPar la suite les effets de I inscription ducommandement aux fins de saisie immobihère devaient être prorogés jusqu au 5 fevrier2008 et la banque engageait une procedurede folle enchere a la suite d une premiereadjudication n ayant pu aboutir faute de versèment du prix de venteC est dans le cadre de cette nouvelle adjudication prévue pour le 28 septembre 2010 quele bail litigieux du 30 aout 2006 était finalement annexe au cahier des charges le 14 septembre 2010Suivant jugement en date du 21 janvier 2011le juge de I execution constatait la caducité

du commandement et la ( aisse d epargneassignait en conséquence la SCI du Betfroien annulation du bail commercialDans son arret en date du 31 mars 2016 laCour de cassation a considéré que si un bailcommercial consenti postérieurement a unacte aux fins de saisie immobiliere devenucaduc par la suite est valide (I) il neil demeure pas moins inopposable au créanciertituhire d une hypothèque conventionnellesur le fondement de I article 1167 du Codecivil (2)

1. La validité du bail com-mercial conclu après uncommandement aux finsde saisie immobilièredevenu caducII s agissait du grief soulevé dans le premier moyen par la banque a I encontre delarret dappel (CA Aiment î juill 2014RG n° 12/03710 JunsData n° 2014 019402)La cour d appel avait en effet retenu la vahdite du bail commercial consenti par la SCIen violation de I article 684 de I ancien Codede procedure civile alors que le jugementde premiere instance (TG/ \miens 10 juill2012) avait annule le bail litigieux considèrela société preneuse Emma Fleurs commeoccupante sans droit ni titre et prononce sonexpulsionLa Cour de cassation confirme la solutiond appel considérant que ce moyen n est pasfonde rejetant ainsi I annulation du bail sur

le fondement des dispositions de I article 684susv isc et consacrant sa validité en consideration de la caducité de la procédure de saisieimmobiliereUne compréhension de cet arret supposede revenir sur les textes et jurisprudences envigueur a la date des faitsCes derniers en effet étaient soumis aux dispositions de I article 684 de I ancien Code deprocedure en ile aux termes duquel dans lecadre d une procedure de saisie immobiliere

les baux qui n ont pas acquis date certaineav ant le commandement peux eni etre annules et ceux postérieurs au commandementdoivent I etre si dans I un ou I autre cas lescréanciers ou I adjudicataire le demandentAinsi le critere de distinction entre d unepart une nullité facultative soumise a I appreciation des magistrats (justifiée par le faitque le bail était préjudiciable aux intérêts deI adjudicataire ou du créancier) et d autrepart une nullité de plein droit s imposantà ces derniers résidait dans I antérioritéou pas, par rapport i la date de public»non au legistre de la publicite fonciere (etnon pas du commandement en lui même)de la conclusion du bail ayant acquis datecertaine a savoir un bail authentique ouun bail sous seing prive avant ete soumis aenregistrementDans un elan protecteur des intérêts dulocataire pour lequel il n était pas toujoursévident de reporter la preuve de la datecertaine de son bail la jurisprudence établieen matiere de vente d un bien occupe baséesur les dispositions de I article 1743 du Codecivil n exigeait plus que le bail ait eu datecertaine des lors que le nouveau propriétaireen av ait eu connaissance av ant la date de sonacquisition (Cass 3 civ 12 mars 1969 Bullciv 1969 III n" 217 -Cass 3 av 20juill1989 Bull av 1989 III n° 169 JunsDala

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Date : 28 JUIL 16

Périodicité : HebdomadaireOJD : 1780

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n° 1989-702763 - Cass. 3e av., W déc 1997:Administrer mai 1998, p. 39, abs. V. Canu).C'est ainsi que la nullité de l'article 684 del'ancien Code de procédure civile avait étéégalement atténuée par la reconnaissance del'opposabilité du bail dès lors que l'adjudica-taire ou le créancier avait eu connaissance del'existence de ce dernier à la date de l'adjudi-cation ou de la naissance de sa créance. Unejurisprudence réitérée à plusieurs reprisesde la troisième chambre civile de la Courde cassation est venue ainsi considérer, audouble visa des articles 1743 du Code civil et684 du Code de procédure civile, que le baildont l'adjudicataire a eu connaissance avantl'adjudication lui est opposable (Cass 3e av.,29 sept. 1999, n° 97-22.129 : Bull. av. 1999,III, n° 188 ; JunsData n° 1999-003385 dansla même affaire, Cass. 3' av., ll févr. 2004,n° 02-12.762, FS-P+B, Blumental cl SARLBataille Scalbert Investissement . JunsData

n° 2004-022268 ; Bull. av. 2004, III, n° 24.- Cass. 3' av., 23 mars 2011, n° 10-10.804,FS-P+B, Sté L'Étoile II e/ Sté César : JunsDatan° 2011-004257 ; Bull. av. 2011, III n° 43 ;Loyers et copr 2011, comm. 183). Ainsi quele soulignait justement François Collard-Dutilleul dans son commentaire de l'arrêtdu 29 septembre 1999 précité, « La Cour decassation fait une application combinée desdeux articles en interprétant le second à lalumière du premier ou, plus précisément, àla lumière de l'application jurisprudentielledu premier » (F. Collard-Dutilleul, Problèmede l'opposabilité du bail à l'acquéreur en cas devente de la chose louée : RDI 2000, p. 95).Une telle atténuation de la lettre du texte del'article 684 ne faisait néanmoins pas l'unani-mité et une discordance nette était née entrela troisième et la deuxième chambre civilede la Cour de cassation qui avait une lecturestricte de l'article 684 et de son application,

ne prenant pas en considération le critère dela connaissance dc l'existence du bail par lecréancier ou l'adjudicataire pour reconnaîtrel'opposabilité du bail (Cass. 2e av., 16 mai2012, n° 11-16.306 : AJDI2012, p. 505). Nuldoute en effet que la troisième chambre civilede la Cour de cassation est venue ajouter uncritère à la grille de lecture de l'article 684qui n'est pas prévu par ce texte. Néanmoins,en opportunité, ainsi que Nicolas Damas lesoulignait justement en 2011 dans son com-mentaire de l'arrêt du 23 mars 2011 précité :« si elle n'est pas respectueuse de la lettre dutexte, cette interprétation se justifie si l'ongarde à l'esprit que l'objectif de cette dis-position est en effet d'éviter toute collusionfrauduleuse entre le cédant et le preneur, quiconsisterait à imposer au cessionnaire, parsurprise, un locataire ou comme en l'espèceun avenant au bail initial. Or, ce risque estécarté si le cessionnaire (de gré à gré ou par

LA COUR (...):Donne acte a la société Caisse d'épargne et de prévoyance de Picardiedu désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre le bâton-nier de l'ordre des avocats d'Amiens, venant aux droits du bâtonnierde l'ordre des avocats dabbeville, pris en sa qualite de mandataire adhoc de la SCI du Beffroi, et contre M X , es qualites de mandataire adhoc de la SCI du Beffroi ,

• Attendu, selon l'arrêt attaque ( Amiens, du 3 juillet 2014 ), que laCaisse d'épargne et de prévoyance de Picardie (la Caisse d'épargne),titulaire d'une inscription d'hypothèque conventionnelle sur un im-meuble appartenant à la SCI du Beffroi, lui a délivre, le 19janvier 2005,un commandement aux fins de saisie immobiliere qui a été publie ala conservation des hypothèques le 22 février 2005, puis proroge le5 février 2008 , qu'a la suite d'une adjudication qui n'a pas été suiviedu versement du prix, la Caisse d'épargne a engagé une procédurede folle enchère , qu'une nouvelle adjudication a été prévue le 28 sep-tembre 2010 , que, le 14 septembre 2010, un bail commercial conclule 30 août 2006, entre la SCI du Beffroi et la sociéte Emma fleurs, a eteannexé au cahier des charges , que, par jugement du 21 janvier 2011,lejuge de l'exécution a constate la caducité du commandement, quela Caisse d'épargne a assigne la SCI et la sociéte Emma fleurs en annu-lation du bail,

Sur le premier moyen :

Attendu que la Caisse d'épargne fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande d'annulation, alors, selon le moyen, que c'est à la date deformation du contrat que le juge doit se placer pour en apprécier lavalidité , qu'en conséquence, doit être annule le bail consenti sur unimmeuble ayant déjà fait l'objet d'un commandement de saisie immo-bilière, quand bien même celui-ci deviendrait par la suite caduc, qu'enl'espèce, à la date de la conclusion du contrat de bail commercial entrela SCI du Beffroi et la société Emma fleurs le 30 août 2006, un com-mandement aux fins de saisie immobilière avait été délivré a la SCIdu Beffroi le 29 janvier 2005 et publié le 22 février 2005 , que la courd'appel, qui était saisie par le créancier d'une demande en nullité d'un

bail conclu postérieurement à un commandement aux fins de saisieimmobiliere alors en cours de validité, ne pouvait que constater la nul-lité dudrt bail à la date de sa conclusion , qu'en considérant qu'il n'yavait lieu a prononcer la nullité du bail compte tenu de la caducité ducommandement constatée par jugement du 21 janvier 2011, la courd'appel a viole l'article 684 de l'ancien code de procedure civile appli-cable en la cause, ensemble les articles 1108 et 1126 du code civil ;

• Maîs attendu qu'ayant retenu à bon droit que la caducité qui frappeun commandement de payer valant saisie immobiliere le prive rétroac-tivement de tous ses effets et atteint tous les actes de la procedurede saisie qu'il engage, la cour d'appel, qui a relevé que le jugementdu 21 janvier 2011 avait constate la caducité du commandement, en aexactement déduit que le bail consenti postérieurement à la publica-tion du commandement ne pouvait être annule,

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ,

Mais sur le second moyen :

Vu l'article 1167 du code civil ;

• Attendu que, pour rejeter la demande de la Caisse d'épargne ten-dant à ce que le bail consenti le 30 août 2006 lui soit déclare inoppo-sable, l'arrêt retient que, postérieurement à sa conclusion, la sociétéEC immobilier s'est portée adjudicataire et que la preuve n'est pasrapportée de ce que l'adjudication de l'immeuble n'a pas eu lieu duseul fait de la conclusion du bail ni que le bail aurait éte consenti enfraude manifeste de ses droits, imputable a la SCI du Beffroi ou a lasocieté Emma fleurs,

Qu'en statuant ainsi, sans rechercher, comme elle y était invitée, si lestermes et conditions du bail ne constituaient pas, de la part du débi-teur, un acte d'appauvrissement de nature à priver d'efficacité l'ins-cnption hypothécaire conventionnelle de la banque sur l'immeuble, lacour d'appel a privé sa décision de base légale,

Par ces motifs : casse et annule (...).

M Chauvin, pres , M™ Andrich, rapp , M™ Guilguet-Pauthe, av géné-ral, SCP Thoum-Palat et Boucard, av

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adjudication) est informe, avant I achat, deI existence du bail ou de l'avenant, mêmedépourvu de date certaine » (N Damas, Adjudication de l'immeuble et opposabiltte d'unavenant AJDI2011,p 785)Afin de reconnaître l'opposabilite du bailen matiere d'adjudication suite a une saisieimmobiliere, point n'était forcement besoind'aller chercher le recours a l'application dela jurisprudence de l'article 1743 du Codecivil Peut-être pouvait on, tout simplementconsidérer que la nullité visée a I article 684de l'ancien Code de procedure civile est unenullité relative dans la mesure ou elie estdestinée a proteger les créanciers ou l'adju-dicataire contre les actes accomplis par lesaisi a une epoque ou le bien est devenu indisponible et que, des lors, étant une nullitérelative, elle est susceptible de confirmationAinsi, elle ne pourrait plus etre invoquée parun adjudicataire dont on considérerait qu'il aimplicitement accepte le bail en portant sonenchere en connaissance de cause, confirmant ainsi la nullité dont il aurait pu etreatteint et le rendant opposable Le resultat estau demeurant identique et la recherche dufondement juridique apparaît plutôt acadeinique pour que nous ne nous y attardionspas plus avantII n'en demeure pas moins que compte tenudes faits de l'espèce ayant donne lieu a l'arrêtcommente, le bail litigieux, si la procedurede saisie immobiliere avait ete valide, auraitdû etre annule sur le fondement des dispositions de l'article 684 et c'est d'ailleurs cequi avait ete retenu par les premiers juges Eneffet, on rappellera que le bail commerciallitigieux avait ete conclu

apres la publication du commandement,et en l'absence de connaissance du bailconcède a Emma Fleurs a la date de la premiere adjudication dans la mesure ou cetacte n'avait ete annexe au cahier des chargesde la deuxieme vente a folle enchere que le14 septembre 2010

Maîs un tel raisonnement des premiers jugesoccultait justement le fait que le commandement aux fins de saisie immobiliere avait etejuge caducEt contrairement a ce qui était soulevé par laCaisse d'épargne soutenant que le bail devaitnéanmoins etre annule car conclu postérieu-rement au commandement a une epoque ouce dernier était valide, la Cour de cassationa considère que le commandement aux fins

de saisie immobiliere dont la caducité a eteconstatée est rétroactivement prive d'effet etatteint tous les actes de la procedure de saisiequ'il engage et que, des lors, le bail consentine pouvait être annuleAutrement dit pour la Haute juridiction lacaducité du commandement annulait retroactivement tous les effets de la saisie dontl'indisponibilité du bien Cette mdisponibihte signifiant que le débiteur ne peut pluspostérieurement au commandement effectuer des aliénations ou grever I immeuble dedroits réels par des actes de dispositions quiauraient pour conséquence de diminuer lavaleur du bien Des lors le bail litigieux nepouvait quatre considère comme, par Fcffet de la rétroactivité attachée a la caducitérégulièrement conclu par le bailleur sur unbien dont il avait rétroactivement recouvrela disponibilité et dont il était impossibled obtenir I annulation ou l'mopposabilite dubail sur le fondement de l'article 684 ou de sajurisprudence extensiveQuia si les faits avaient etc soumis aux dispositions actuelles de l'article L 321 4 du Codedes procedures civiles d'exécution (ancienarticle 2199 du Code civil) qui ne distingueplus selon le type de bail ou la duree et dis-pose désormais que « Les baux consentis parle débiteur apres l'acte de saisie sont quelleque Mil leur duree, inopposables au créancierpoursuivant comme a l'acquéreur La preuvede l'anlerwnte du bail peut etre faite par loutmoyen », substituant ainsi la sanction del'inopposabilite a celle de la nullitéSuivant le même raisonnement, la caducité du commandement n'aurait pas permisd'atteindre rétroactivement la validité dubail litigieux qui aurait ete considère commeopposable au créancierII ne restait donc plus a la banque que la voiede la fraude, patente en I espèce, pour espérervoir le bail déclare inopposable

2. Lin bail commercialnéanmoins inopposableC'est en effet le fondement de l'actionpaulienne qui était invoque par la Caissed'épargne pour faire echec aux effets du bailcommercial a son endroitL article 1167 du Code civil dispose en effetque les créanciers « peuvent aussi [apres Taction oblique évoquée a l'article précèdent],en leur nom personnel, attaquer les actes faits

par leur débiteur en fraude de leurs droits »11 s'agit donc de démontrer l'existence d'unacte suspect d'un dommage et d'une volontéde fraude des participants a l'acte suspectI a Haute juridiction avait déjà eu l'occasionde juger inopposable au créancier hypothecaire sur le fondement de I article 1167 duCode civil, la conclusion d'un bail a ferme(Cass I" civ, 15 oct 1980, n° 79 12 489, F-P,SCI de la Blesse e/ Ste Banque canadienne natwnale Europe Juns Data n° 1980 705093 ,Bull civ 1980, I, n° 257 , RTD com 1981,p 310, note E Alfandan et M Jeantm) consi-dérant que « au cas ou le créancier est investide droits particuliers sur certains biens deson débiteur a raison notamment de laconstitution d'une hypothèque le préjudicepeut exister en dehors même de I insolva-bilité du débiteur des lors que, par I actefrauduleux contre lequel I action revocatoireest dirigée, le débiteur reduit la valeur deces biens de façon a diminuer l'efficacité del'exercice des droits dont le créancier s'étaitassure l'avantage »La même solution, énoncée dans les mêmestermes, avait ete rendue par la troisiemechambre civile de la Cour de cassation apropos de la constitution par les débiteursd'un droit viager d'usage et d habitation aleur profit (Cass V av, 12 oct 2005, n° 0312 396 JurtsData n° 2005 030194 , /CPG 2005, IV 3382 , D 2005, p 2871 absX Delpech)En l'espèce, les magistrats de la cour d'appelavaient écarte la fraude aux motifs que labanque ne rapportait pas, a l'examen despieces produites, la preuve de ce que l'adjudi-cation de l'immeuble n'a pas eu lieu du seulfait de la conclusion du bail et que, d'ailleurs,postérieurement a la conclusion du bail entrela SCI du Beffroi et la SARL Emma Fleurs,la banque avait trouve un adjudicataire pourl'immeuble, a savoir la SARL EC ImmobilierAu soutien de son pourvoi, la banque soute-nait que la cour d'appel avait prive sa deci-sion de base légale au regard de l'article 1167du Code civil et encore viole cet article maîsaussi I article 455 du Code de procedure civile dans la mesure ou elle ne pouvait écarterla fraude paulienne sans s'expliquer sur lestermes et conditions du bail et rechercher s'ilne constituait pas, de la part du débiteur, unacte objectif d'appauvrissement de nature apriver d'efficacité l'inscription hypothécaire

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conventionnelle de la banque sur l'immeublealors que :- le bail avait été conclu pour une durée de

9 années, au vil prix de 150 euros TTC paran et au bénéfice de la SARL Emma Fleursdont la représentante n'était autre que lafille des associés de la SCI,

- la SARL EC Immobilier, qui s'était portéeadjudicataire de l'immeuble, était égale-ment représentée par la fille des associés dela SCI et avait été spécialement créée pourse porter acquéreur de l'immeuble dans le

cadre de la première adjudication puis miseen sommeil et dissoute sans avoir réglé leprix de l'adjudication

Dans ces conditions, la sanction de la Coursuprême paraissait inévitable et la décisiond'appel faisait l'objet d'une décision de cas-sation, au visa de l'article 1167 du Codecivil, pour n'avoir pas recherche « commeelle y était invitée, si les termes et conditionsdu bail ne constituaient pas, de la part dudébiteur, un acte d'appauvrissement de na-ture à priver d'efficacité l'inscription hypo-

thécaire conventionnelle de la banque surl'immeuble ».Une autre solution eut été incompréhen-sible eu égard aux faits de l'espèce, dont ilressortait clairement un acte manifestementfrauduleux, un dommage certain et une vo-lonté de fraude non seulement de la part dudébiteur mais encore du tiers ayant bénéficiéde l'acte frauduleux. Il reste à espérer que lacour de renvoi suivra.