Avocat 2 avril 2012

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Supplément gratuit à La Libre Belgique réalisé par la Régie Générale de Publicité - 28 avril 2012 Supplément juridique Volet I - Droit des Sociétés RESTRUCTURATION & FAILLITE D’ENTREPRISES

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Avocat 2 paru le 28 avirl 2012

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Supplément gratuit à La Libre Belgique réalisé par la Régie Générale de Publicité - 28 avril 2012

Supplément juridique

Volet I - Droit des Sociétés

RESTRUCTURATION &FAILLITE D’ENTREPRISES

FailliteFaillite

Transfert sous autorité de justice

Transfert sous autorité de justice

Transfert sous autorité de justice

Responsabilité des administrateurs

Responsabilité des administrateurs

Responsabilité des administrateurs

Responsabilité des administrateurs

Responsabilité des administrateurs

Transfert sous autorité de justice

Responsabilité des administrateurs

Responsabilité des administrateurs

Créanciers privilégiés

Créanciers privilégiés

Créanciers privilégiés

Créanciers privilégiés

Négociation amiable

Négociation amiable

Négociation amiable

Négociation amiableFailliteFailliteLoi sur la continuité des entreprises

Loi sur la continuité des entreprises

Loi sur la continuité des entreprises

Loi sur la continuité des entreprises

Créanciers privilégiés

Créanciers privilégiés

SursisSursisSursisSursisSursisTransfert sous autorité de justice

PRJPRJPRJPRJPRJPRJPRJPRJPRJTransfert sous autorité de justice

Transfert sous autorité de justiceNégociation amiable

Négociation amiable

Réorganisation judiciaire

Réorganisation judiciaire

Réorganisation judiciaire

Réorganisation judiciaire

Réorganisation judiciaire

Réorganisation judiciaire

Réorganisation judiciaire

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Page 3: Avocat 2 avril 2012

3Dossier RGP

Restructuration et Faillite d’Entreprises

Droit des sociétés

Sommaire

Avant-propos

SUPPLÉMENT GRATUIT À LA LIBRE BELGIQUE RÉALISÉ PAR LA RÉGIE GÉNÉRALE DE PUBLICITÉ - 28 AVRIL 2012Rue des Francs,79 - 1040 BruxellesTèl:02.211.28.49 - Fax:02.211.28.70

EDITEURS RESPONSABLES:Emmanuel DENIS, Henry VISART

COORDINATION ET PUBLICITÉ:Luc DUMOULIN (02/211 29 54) [email protected]

RÉDACTEURS:Cédric ALTER, Steven BAUWENS, Bénédicte DEBOECK, Vanessa de FRANCQUEN, Audrey DESPONTIN,Laurence DURODEZ, Jean-Luc HAGON, Grégoire JACKHIAN, Sophie JACMAIN, Philippe LAMBRECHT, Tibault le HARDŸ, Hugues SIMON, Pierre Van FRAEYENHOVEN.

COORDINATION: Laurence DURODEZ

MISE EN PAGE: Azurgraphic sprl

PHOTOS: www.Photos.com,© Bénédicte Maindiaux

INTERNET: www.lalibre.be

Le 28 avril 2012, la loi sur la continuité des entreprises (ci-après LCE) a fêté ses trois ans d’entrée en vigueur. A cette occasion, la Fédération des Entreprises de Belgique (ci-après FEB), en collaboration avec le Réseau CAP et CAP Netwerk Vlaanderen, a fait une première évalua-tion de la loi et de son fonctionnement.

La FEB a toujours souligné l’importance de la LCE pour le monde des entreprises. A l’instar de la plupart des pays dans le monde, la Belgique devait se doter d’une législation offrant aux entreprises qui éprouvent des diffi cultés les moyens de se redresser. Les besoins d’une telle loi sont essentiels pour éviter des pertes d’emploi, limiter les pertes fi nancières des créanciers, éviter les conséquences néfastes d’une faillite. Cependant, le redressement d’une entreprise en dif-fi culté est un défi car il met en balance des intérêts nombreux et souvent très divergents.

Une étude statistique réalisée par Graydon atteste du succès grandis-sant de la nouvelle procédure de réorganisation judiciaire introduite par la LCE: près de 3500 jugements ouvrant une procédure ont été prononcés les trois premières années suivant l’entrée en vigueur de la LCE. Cela veut dire qu’en trois ans, les entreprises ont eu 2,5 fois re-cours à cette nouvelle procédure qu’en dix années de concordat. Cela étant, le succès statistique ne doit certainement pas dissimuler les problèmes qui se posent dans le cadre de la mise en œuvre de la LCE.

Le rapport d’évaluation met en exergue le fait que si la LCE offre les outils nécessaires aux entreprises en diffi culté pour tenter de se redresser, ceux-ci sont encore mal connus et souvent utilisés trop tard. On constate en effet un manque cruel de prévention effi cace. Les

initiatives régionales visant à encadrer les entreprises en diffi culté qui ont vu le jour ces trois dernières années doivent être encouragées. Les entreprises doivent être informées des outils que la LCE leur offre et ne pas hésiter à les utiliser comme la solution extrême. Un change-ment des mentalités est donc encore nécessaire.

Des mesures permettant de mieux informer les créanciers souvent passifs dans le cadre de la LCE ainsi que les entreprises qui peuvent en bénéfi cier doivent être mises en place. A cet égard, le rapport fait une série de propositions pratiques telles que la communication du plan de réorganisation par voie électronique et l’envoi de courriers standardisés aux créanciers reprenant les informations utiles sur la procédure permettraient aux créanciers d’intervenir utilement dans la procédure pour défendre leurs droits. Le renforcement du rôle des juges délégués et des mandataires de justice qui jouent un rôle essen-tiel dans la procédure de réorganisation est proposé également. En remettant le rapport d’évaluation à la Ministre de la Justice, la FEB lui a demandé de veiller à ce que la LCE puisse encore mieux répondre aux besoins des entreprises. La loi doit également encore évoluer au travers la jurisprudence. Elle doit être promue par les professionnels du droit et les professionnels du chiffre.

La LCE est un formidable outil qui peut encore mieux être utilisé!

Philippe LambrechtSecrétaire Général

Fédération des Entreprises de Belgique

■ Page 3Avant-Propos

■ Page 4 à 11Compte rendu table ronde – Sauver les entreprises : notre arsenal juridique répond-t-il aux besoins ?

■ Page 12 Les réorganisations judiciaires, instruments de sauvetage des entreprises ?

■ Page 14L’accord des créanciers : une étape indispensable !

■ Page 16Moi, Christian X., dirigeant d’une entreprise à la trésorerie exsangue

■ Page 18La faillite : un scénario inéluctable voire préférable dans certains cas

■ Page 20La Loi sur la continuité des entre-prises ? Un outil anti-faillite multi options !

■ Page 22La défense des intérêts des créanciers et cocontractants du débiteur insolvable

La loi sur la continuité des entreprises : un bon outil qui peut être mieux utilisé!

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Sauver les entreprises : notre arsenal juridique répond-t-il

aux besoins ?Trois ans après son entrée en vigueur, et dans le contexte économique diffi cile que connaissent actuellement les entreprises, il nous est apparu important de faire le point sur les outils et les solutions offerts par la Loi sur la Continuité des Entreprises pour préserver notre tissu économique.

Nous avons réuni autour de Monsieur Philippe Lambrecht, Secrétaire Général de la Fédération des Entreprises de Belgique, un panel d’éminents spécialistes pour répondre à cette question cruciale pour les entreprises.

Les intervenants de la table ronde organisée le 30 mars dernier

de gauche à droite : Laurence Durodez (LexGo.be), Tibault le Hardÿ (van Cutsem Wittamer Marnef & Partners), Grégoire Jakhian (Loyens & Loeff), Philippe Lambrecht (FEB), Sophie Jacmain (NautaDutilh), Vanessa de Francquen (Dal & Veldekens), Cédric Alter (Janson Baugniet), Hugues Simon (Simon & Partners), Luc Dumoulin (RGP)

Philippe Lambrecht u Pourquoi une loi sur la continuité des entreprises ?

Cédric Alter u Le législateur s’est rendu compte que la loi sur le concordat était un échec. Au lieu d’essayer de la re-toucher, il a pris l’option (et je pense que c’était la bonne) de revoir totalement le texte, à commencer par son intitulé « Loi sur la Continuité des Entreprises ». C’est un titre évocateur en tant que tel. Avec un groupe d’experts, le législateur est arrivé à un texte cohérent offrant plus de possibilités, de souplesse et de solutions pratiques que le régime du concordat qui ne fonctionnait pas. Peu de gens l’utilisaient et pour ceux qui l’uti-lisaient, un pourcentage énorme débouchait sur une faillite.

Sophie Jacmain u Rappelons que la loi est sortie dans un contexte de crise. Le législateur a un peu accéléré le processus pour doter la Belgique d’un instrument juridique permettant aux entreprises de disposer d’un outil leur offrant la possibilité de se restructurer. Par rapport à d’autres pays, mieux armés pour restructurer leurs entreprises, c’était une bonne initiative de compléter l’arsenal juridique avec cette nouvelle loi.

Philippe Lambrecht u Cette loi est un relatif succès. Pour fi xer les idées, en 3 ans, il y a eu 2,5 fois plus de cas d’ap-plication que sur les 10 années de concordat ! Le plus impor-tant reste de savoir à quel moment l’entreprise doit se poser la question de l’éventuelle application de la loi sur la continuité ?

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Table ronde

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Droit des sociétés

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Sauver les entreprises

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Philippe LAMBRECHT

FEB

Cédric ALTER

Janson Baugniet

Sophie JACMAIN

NautaDutilh

Grégoire JAKHIAN

Loyens & Loeff

Tibault le HARDŸvan Cutsem Wittamer Marnef & Partners

Vanessa de FRANCQUEN

Dal & Veldekens

Hugues SIMON

Simon & Partners

Laurence DURODEZ

LexGo.be

Quels sont les signes avant-coureurs de diffi cultés à venir ? La question ne concerne pas seulement l’entreprise mais également ses cocontractants, les pouvoirs publics, ses clients, ses fournis-seurs, qui tous peuvent souffrir des diffi cultés d’une entreprise.

Grégoire Jakhian u La question est tout à fait pertinente. En réalité, elle contient dans sa formulation l’expression d’une certaine forme d’échec. En effet, statistiquement les entre-prises qui sollicitent l’application de la loi, le font trop tardive-ment, soit par défaut de ressources humaines ou techniques internes, soit -et cela me paraît ne pas devoir être négligé - par manque d’information à propos de l’existence de la loi et de ses effets. Le problème est également culturel. Souvent dans les pays latins, on craint de faire appel à ce type de dispositions légales ! Il suffi t de voir comment les pays anglo-saxons, dont les dispositions sont relativement semblables, voient la loi ap-pliquée de manière beaucoup plus rapide, plus pragmatique et plus effi cace et, surtout plus tôt ! Dans ces pays, il est cultu-rellement admis que lorsqu’on est confronté à des diffi cultés fi nancières, on en parle et surtout on agit ! Dans les pays latins, il y a une culture du glissement sous le tapis et d’une forme d’occultation, soit consciente, soit inconsciente, du problème.

Bref, pour répondre à la question, la loi est souvent appliquée trop tardivement.

LA LOI SUR LA CONTINUITE : TIRE-T-ON TROP TARD LE SIGNAL D’ALARME ?

Philippe Lambrecht u Il faut bien constater que nombre d’entreprises en diffi cultés font appel trop tard à la loi ! Qu’est-ce qui les empêche de le faire, outre les aspects culturels ? Que mettre en place pour améliorer la prévention ?

Tibault le Hardÿ u C’est essentiellement un problème d’information. Il est heureux que le nom ait changé. Le concor-dat judiciaire était un peu diabolisé : le mécanisme ne fonc-tionnait pas et seules les grandes entreprises y avaient accès. En outre, l’issue était généralement une faillite. La loi sur la continuité offre plus de possibilités pour les petites entre-prises qui, statistiquement, en profi tent le plus : plus ou moins la moitié. Cela étant, une campagne d’information sur le re-cours à cette procédure devrait être menée, à tous niveaux. Le comptable de petites entreprises, par exemple, devrait systé-matiquement connaître la loi sur la continuité. La procédure est d’ailleurs très facile puisque le juge, dès qu’il constate la menace à bref délai et le dépôt des documents nécessaires - des conditions faciles à remplir - ouvre la procédure. On doit pouvoir conscientiser les dirgeants de petites entreprises aux avantages de la procédure de redressement judiciaire (« PRJ »).

Vanessa de Francquen u Il faut surtout un change-ment de mentalité dans le chef de débiteurs confrontés à des diffi cultés ! Dès qu’une baisse du carnet de commandes ou une diminution de la trésorerie est constatée, il faut que très rapidement ces débiteurs en diffi culté fassent appel aux pro-fessionnels du chiffre, aux professionnels du droit, pour savoir quelles sont les mesures qui peuvent être mises en place en temps utile.

Une deuxième chose : si c’est vrai que par rapport au nombre de requêtes, la PRJ d’une manière générale peut être consi-dérée comme un succès, on se rend compte au regard des statistiques publiées par Graydon, que beaucoup se terminent en faillite ! Or, l’objectif et la réussite effective sont bien que l’entreprise puisse effectivement être assainie. Et, ceci n’est possible que si le débiteur prend en mains sa situation fi nan-cière au moment où c’est encore utile. Il doit le faire avec l’aide des professionnels du chiffre tout d’abord, parce qu’il faut évi-demment pouvoir faire le point de la situation fi nancière du débiteur en diffi culté, et puis avec les professionnels du droit puisque la loi sur la continuité des entreprises offre un éventail relativement large de possibilités sur le choix à opérer par rap-port aux diffi cultés précises rencontrées par l’entreprise.

Hugues Simon u Concernant la tardiveté de l’interven-tion, le signal d’alarme donné par les chambres d’enquêtes arrive aussi malheureusement trop tard ! Il arrive quand il y a une assignation pour non-paiement de cotisations sociales ou des défauts de paiement TVA, ou des retards importants en matière de précompte professionnel … Ces chambres d’en-quêtes commerciales reçoivent l’information, mais c’est déjà fort tard. En outre, du temps a été perdu dans le traitement de l’information, d’abord par l’administration et par les créanciers concernés, ensuite par la chambre commerciale. Il n’est dès lors pas rare que le débiteur en diffi cultés qui se retrouve pour la première fois devant le juge chargé de l’entendre et de voir quelles solutions pourraient être mises en place, doive 9 fois sur 10, recourir immédiatement au sursis de la loi sur la conti-nuité des entreprises. On constate donc que le signal d’alarme prévu par le législateur retentit trop tard. La première fois où l’entrepreneur reçoit l’information, c’est souvent au moment où il reçoit la première convocation. Tous les témoins sont déjà au rouge !

Philippe Lambrecht u La question des témoins est importante. Pour bien gérer une entreprise, il faut avoir un tableau de bord, regarder comment évoluent les commandes, …toute une série de points auxquels un chef d’entreprises doit être attentif pour savoir vers quoi il se dirige. Il y a évidemment des situations inattendues. La crise de 2008 a frappé beau-coup d’entreprises qui se sont retrouvées avec 50 % de car-net de commandes en moins en quelques mois ! Pensez-vous qu’aujourd’hui les entreprises sont suffi samment bien organi-sées pour avoir ces clignotants bien en vue avant le service des enquêtes commerciales ?

Cédric Alter u Il me semble essentiel de bien saisir dans quel cas une procédure comme celle de la réorganisation judi-ciaire peut s’avérer utile. Il est important de bien comprendre que la « situation idéale » par rapport à cette loi, est celle du débiteur qui arrive toujours à payer ses charges courantes mais qui n’arrive plus à payer à la fois ses charges courantes et des dettes du passé qui se sont accumulées. C’est dans ce type de situation que la loi offre un intérêt pour alléger ces dettes du passé ; mais si le débiteur n’est même plus en état de payer ses charges et dettes courantes, il est déjà trop tard.

Table ronde

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Droit des sociétés

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Sauver les entreprises

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Philippe LAMBRECHT

FEB

Cédric ALTER

Janson Baugniet

Sophie JACMAIN

NautaDutilh

Grégoire JAKHIAN

Loyens & Loeff

Tibault le HARDŸvan Cutsem Wittamer Marnef & Partners

Vanessa de FRANCQUEN

Dal & Veldekens

Hugues SIMON

Simon & Partners

Laurence DURODEZ

LexGo.be

Hugues Simon u Il est exact que lorsqu’on se retrouve dans une situation où on n’arrive même plus à payer les charges courantes, c’est une situation évidemment extrême-ment périlleuse pour l’entreprise. Il n’en reste pas moins que la PRJ permet de restructurer aussi. Si l’entreprise connaît un problème structurel, rien n’empêche de faire appel à la loi sur la continuité des entreprises pour curer ces problèmes struc-turels et faire un sort, par la même occasion, à l’accumulation des problèmes du passé.

Philippe Lambrecht u Les entreprises entrent en diffi -culté à partir du moment où elles ont des problèmes de fi nan-cement. Certaines sont sous-capitalisées. Beaucoup ont éga-lement des crédits bancaires ou des retards de paiement par rapport aux pouvoirs publics. Avez-vous des observations sur une surveillance possible de l’entreprise en diffi culté, sur l’évo-lution des crédits par exemple ? Quelle est votre expérience en la matière ?

QUELS RÔLES PEUVENT JOUER LES BANQUES ?

Cédric Alter u La plupart des banques ont un département spécialisé souvent appelé « intensive care » pour les clients qui donnent des signes de diffi culté et elles les suivent de près.

Grégoire Jakhian u Effectivement, certaines banques ont une « unité dite de soins intensifs ». Mais, ce n’est pas à la banque de faire le travail du conseil d’administration ! Ces « unités de soins intensifs » ont pour vertu de veiller aux inté-rêts de la banque en tant que telle. Mais les banquiers - à raison et de manière très légitime - prennent soin et continuent de prendre soin, surtout à l’époque actuelle, de ne pas apparaître, même de loin, comme étant un dirigeant de fait ou comme étant celui ou celle qui infl échit ou qui imprime la direction à prendre ou les solutions à adopter par la société en diffi culté. Il faut éviter la déresponsabilisation du management !

Hugues Simon u Il va de soi que la première personne responsable, c’est le management : le directeur d’entreprise dans la PME. Cela étant, en cas de diffi cultés, il est souvent aux abois. Il doit pouvoir faire appel à des tiers pour l’aider. De ce point de vue, il manque sans doute d’instruments suffi sants de prévention. Pour revenir aux banques, il y a autant de banques qu’il y a de méthodes. Certaines ne sont pas allergiques à la perspective de la PRJ et épaulent leurs clients et le suivent. D’autres mettent directement un terme à la relation quitte à trouver tous les prétextes possibles et imaginables pour justi-fi er la rupture des relations et la dénonciation de crédit.

Tibault le Hardÿ u Sur la question du rôle de la banque, il y a une distinction à faire entre les grandes entreprises et les très petites entreprises. Dans les grandes entreprises, c’est au management de prendre la décision, de ne pas ignorer le clignotant qui s’allume. Pour de plus petites entreprises, la banque a effectivement un rôle déterminant. Imaginons une petite entreprise ou une société unipersonnelle gérée par une personne qui n’a pas toutes les compétences en matière fi nan-cière. Dans de tels cas, c’est souvent la banque qui accule et pousse le gérant dans ses derniers retranchements. Près du gouffre, il fait appel à la PRJ.

Vanessa de Francquen u Le banquier a un devoir de non ingérence dans les affaires de son client. Evidemment, le banquier peut intervenir pour épauler, donner éventuellement des conseils à son client, mais au niveau de la prise de décision c’est clairement le débiteur qui doit la prendre.

COMMENT AIDER LES ENTREPRISES A PRENDRE LES DEVANTS ?

Philippe Lambrecht u Les pouvoirs publics ont mis en place différentes mesures. Ce sont les Régions qui sont com-pétentes en matière de prévention et d’accompagnement. On a créé à Bruxelles le Centre des entreprises en diffi culté, en Flandre le Comité preventief bedrijfsbeleid et en Wallonie le Centre interprofessionnel de prévention des risques des entre-prises. Est-ce que ces centres fonctionnent ? Quelle plus-value apportent-ils ? Faut-il envisager d’autres mesures ?

Sophie Jacmain u Dans la pratique, les grandes entre-prises ne font pas appel à ces centres. Il y a un travail d’infor-mation à faire à ce niveau. Par contre, c’est une véritable aide pour des entreprises de petite et de moyenne tailles. Malheu-reusement, dans les petites entreprises les dirigeants sont in-formés trop tard par leur comptable des diffi cultés fi nancières. Ils n’ont pas une vue claire et rapide de leur situation fi nan-cière. A l’inverse, les dirigeants des sociétés plus importantes connaissent très bien les chiffres et les résultats de leur socié-té. Ils devraient pouvoir prendre à temps les diffi cultés fi nan-cières. Ces centres doivent aider pour identifi er les diffi cultés à temps et prendre les bonnes mesures.

Philippe Lambrecht u Comment se fait-il qu’à l’ère de l’informatique, on ne parvienne pas à réunir toutes les factures de manière à sortir une situation comptable régulière ? Des logiciels comptables existent. Au 21ème siècle, se dire qu’on doit attendre trois mois pour avoir une situation comptable me paraît illogique !

Sophie Jacmain u Beaucoup de PME n’ont pas de comp-table interne, car c’est coûteux. Elles ont des comptables ex-ternes qui sortent des situations tous les trois ou six mois, mais de manière régulière. C’est un des aspects. Il y a aussi diffé-rents niveaux de formation des comptables. Même si l’Institut organise des cours et des formations, il faudrait encore plus améliorer la formation des comptables en matière de réorga-nisation judiciaire.

Vanessa de Francquen u Les entreprises ont très sou-vent un défi cit dans la gestion administrative. Elles cherchent les commandes etc., et elles laissent de côté tout l’aspect admi-nistratif et comptable.

Philippe Lambrecht u Quelles sont les possibilités de médiation, de règlement amiable (articles 15, 27 et 43 de la loi) ? Cet outil, éventuellement antérieur à la demande de sur-sis, vous paraît-il intéressant ?

Table ronde

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Droit des sociétés

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uuuAVOIR RECOURS A LA MEDIATION :

UNE SOLUTION POUR LES ENTREPRISES ?

Sophie Jacmain u La médiation apporte véritablement une plus-value dans la restructuration.

La loi sur la continuité des entreprises permet la désignation par le président du tribunal de commerce d’un médiateur pour essayer de concilier les points de vue entre le débiteur et ses créanciers afi n d’assurer la continuité et la réorganisation de l’entreprise. C’est une nouveauté. Cette médiation dans la continuité de l’entreprise, on ne la rencontre pas fréquem-ment. Ceci dit c’est une procédure confi dentielle ce qui est utile. Le médiateur est une aide parce qu’il ne tranche pas. Il essaie d’écouter et d’identifi er les besoins et les points de vue de chacun. Il permet de restaurer un certain dialogue quand les positions de chacun se sont crispées à une époque de tur-bulences fi nancières. C’est une bonne solution qui au fi l du temps, de la pratique et de la jurisprudence permettra d’aider encore plus le débiteur.

Cédric Alter u La question qui se pose aussi par rapport au médiateur, se pose également pour les mandataires de justice : qui nomme-t-on comme médiateur ou mandataire de justice ? Quel profi l désigne-t-on ? Est-ce que ce doit être un curateur, comme on le constate souvent en pratique pour les manda-taires de justice - ce que la loi n’impose pas - ou un avocat, un réviseur dans certains cas ?

Sophie Jacmain u Vous avez des médiateurs reconnus comme tels. Il faut plusieurs compétences et qualités. Avoir suivi la formation de médiateur est certainement un plus. Pour les mandataires de justice, avoir une expérience de curateur peut certainement être un atout, mais il faut aussi combiner, à mon sens, les professionnels du chiffre et les professionnels du droit. La loi est assez complexe et les problèmes qui se posent sont à la fois juridiques et « de chiffre ».

Grégoire Jakhian u Dans les sociétés à surface fi nancière importante où le volume d’activités est extrêmement impor-tant, je n’ai jamais rencontré de médiation probablement parce que la pluralité des créanciers, et leur diversité, tant en ce qui concerne l’importance que l’origine de leurs créances, rend la médiation pratiquement impossible. Je me demande s’il n’y a pas une contrainte pragmatique, à savoir que la médiation s’im-pose ou pourrait être disponible dans des situations où il existe une typologie claire de créanciers facilement identifi ables. Par contre, lorsque la pluralité de créanciers est constatée, la mé-diation est plus compliquée à mettre en place.

Vanessa de Francquen u On peut utiliser la médiation avec certains gros créanciers. Quand il y a vraiment deux blocs face à face, la médiation fonctionne.

Philippe Lambrecht u Dans ces cas de médiation, les entreprises ont la faculté de couler leurs points d’entente dans un accord amiable ce qui présente un avantage. Pouvez-vous expliquer cela concrètement pour les lecteurs ?

Cédric Alter u L’accord amiable a l’avantage d’être protégé en cas de faillite ultérieure du débiteur. En effet, les créanciers hésitent à conclure certains accords avec un débiteur en diffi -culté parce qu’ils savent que si ce débiteur tombe ultérieure-ment en faillite, l’accord pourra être remis en question. Or, la loi sur la continuité des entreprises permet partiellement d’éviter cet écueil en prévoyant notamment que ce n’est pas parce que le créancier savait que son débiteur était en cessation de paie-ment que l’accord doit nécessairement être remis en question. Toutes les dispositions de la loi sur la faillite ne sont pas écartées pour autant - c’est un peu technique -. Donc, l’accord amiable a l’avantage de conférer une certaine protection juridique. Il

Table ronde

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Sauver les entreprises

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Philippe LAMBRECHT

FEB

Cédric ALTER

Janson Baugniet

Sophie JACMAIN

NautaDutilh

Grégoire JAKHIAN

Loyens & Loeff

Tibault le HARDŸvan Cutsem Wittamer Marnef & Partners

Vanessa de FRANCQUEN

Dal & Veldekens

Hugues SIMON

Simon & Partners

Laurence DURODEZ

LexGo.be

a l’avantage également d’être confi dentiel. Une fois qu’il est conclu, il suffi t de le déposer au greffe du tribunal pour offi cia-liser en quelque sorte son contenu même s’il reste confi dentiel.

Philippe Lambrecht u Outre l’accord amiable qu’ouvre la loi sur la continuité des entreprises, il existe deux autres pos-sibilités : le plan de réorganisation et le transfert sous autorité de justice. Mais il y a une première chose à faire pour pouvoir véritablement entrer dans le champ d’application de la loi, c’est demander le sursis. Est-ce qu’il faut convaincre le tribunal que sa situation permet la continuité de l’entreprise ? Donnez-nous une explication concrète ? J’accompagne mon client au tribunal pour demander le sursis, comment cela se passe-t-il ?

Vanessa de Francquen u En fait, ce que l’on constate c’est qu’il y a une divergence dans la jurisprudence. Les juridic-tions néerlandophones ont davantage tendance à s’accorder un pouvoir d’appréciation à l’entame de la procédure en véri-fi ant dès cet instant que la continuité de l’entreprise est mena-cée et en refusant de déclarer ouverte la procédure si tel n’est pas le cas. Tandis que les juridictions francophones sont géné-ralement plus enclines à n’effectuer ce contrôle qu’en cours de procédure en ordonnant, le cas échéant, la clôture anticipée. Je pense qu’il faut se rallier à la jurisprudence néerlandophone qui me paraît beaucoup plus effi cace et qui permet d’éviter les abus de procédure constatés dans la pratique. Il faut pouvoir agir contre certaines sociétés qui se trouvent dans un état tout à fait désespéré et pour lesquelles la réorganisation judiciaire n’est pas une solution pour le tissu économique, ou à l’inverse contre des entreprises qui en réalité ne sont pas confrontées à des diffi cultés relatives à leur continuité et qui profi tent du bénéfi ce du sursis pour diminuer leurs prix face à leurs concur-rents. Dans ce dernier cas, se pose évidemment une question au regard du droit de la concurrence.

Tibault le Hardÿ u Sans faire de distinction au niveau de la jurisprudence, la procédure doit être ouverte à partir du moment où les conditions sont réunies : une menace à bref délai. Au sud du pays, les juges pour tempérer une ouverture trop facile, jouent avec la durée du sursis octroyé. Dans l’esprit du juge, s’il y a un abus, ou si le dossier est complet mais que des pièces doivent faire l’objet d’un examen plus approfondi, il n’hésite pas à donner un sursis court, voire même très court. J’ai déjà vu un sursis d’une semaine donné uniquement pour avoir une explication complémentaire sur une pièce ou l’autre. Les juges font leur travail, sont imaginatifs, même s’ils doivent accorder le sursis lors de l’ouverture de la procédure sur la simple constatation de la menace de discontinuité.

Hugues Simon u Le sursis se prépare malheureusement souvent dans l’urgence. On en revient à ce qu’on disait pré-cédemment : le manque d’informations fait que quand on se met en route, l’entreprise est généralement déjà aux abois. Il ne s’agit pas d’emmener tout et n’importe quoi devant le juge pour obtenir une PRJ. C’est notre rôle d’avocat. La première appréciation est de voir si oui ou non, il y a toujours une acti-vité. S‘il n’y a plus d’activité, par défi nition la loi n’a aucune raison de s’appliquer. Pour parler simplement : est-ce que le tiroir caisse fonctionne toujours ? Est-ce qu’on peut restaurer une marge et une structure qui permette d’être bénéfi ciaire ?

Philippe Lambrecht u Encore faut-il pouvoir s’en rendre compte rapidement !

Hugues Simon u Il y a deux éléments. Tout d’abord, le législateur a voulu écarter du pouvoir d’appréciation du tribu-nal, la viabilité économique d’une entreprise. C’est important. Sous le règne de l’ancien plan de concordat, le tribunal avait plus de latitude. Mais, iI est assez sain que ce soient les acteurs de la vie économique et – principalement les créanciers - qui aient l’occasion de se prononcer sur la suite ou non de la vie de l’entreprise. Et puis, il existe un acteur majeur prévu par la loi : le juge délégué. Il est l’œil du tribunal sur ce qui se passe et sur ce qu’il y a moyen de faire. Il ne va jamais rendre un avis. Il va simplement décrire ce qu’il constate, se prononcer éven-tuellement sur les chiffres qui lui sont soumis. Il a un rôle de suivi au quotidien - c’est très théorique parce qu’il y a aussi un manque de moyens criants - ! Certains juges délégués ont 50 dossiers à suivre. Ils ne sont pas payés ou quasiment pas. Il n’y a pas de miracles. Ce sont des juges consulaires. Ils ne peuvent pas consacrer jour et nuit à ces activités. Pourtant, ce sont des acteurs fondamentaux pour l’information du tribunal quant à l’état de la société.

LES CREANCIERS, LES CONCURRENTS : QUELLE EST LEUR PLACE DANS LA PROCEDURE ?

Philippe Lambrecht u S’agissant d’abus éventuels d’une entreprise qui, par exemple, se mettrait sous la protection du sursis pour pouvoir ensuite pratiquer des prix bradés et avoir de cette manière un avantage concurrentiel, est-ce que ce juge délégué qui se rendrait compte d’une telle manœuvre - il doit pouvoir s’en rendre compte puisqu’il est au courant de ce qui se passe dans l’entreprise - a la faculté d’en informer le tribunal ? Que peut faire le tribunal dans cette situation ?

Cédric Alter u Il arrive effectivement que des débiteurs dans une situation désespérée recourent à la loi sur la conti-nuité pour gagner un peu de temps alors qu’il n’y a pas de réelle perspective de redressement. Il y a le cas inverse de la société qui utiliserait la PRJ pour se créer un avantage concur-rentiel…

Philippe Lambrecht u …. Justement, je pense à un cas bien particulier dans un secteur où la concurrence est rude. Il peut être tentant de se mettre à l’abri de ses créanciers pen-dant un certain temps : le temps de tuer quelques uns de ses concurrents ! Certaines entreprises formulent ce reproche à l’encontre de la loi sur la continuité. Qu’en pensez-vous ? Y-a-t-il des moyens juridiques pour se défendre ? Sommes-nous en présence d’un abus de droit, d’une pratique déloyale ?

Cédric Alter u Il faudrait voir la réaction des créanciers qui vont voter sur le plan. Ce sont les premiers juges. C’est ainsi que la loi l’a voulu. Les créanciers qui subodoreraient ou constateraient un scénario pareil, auraient tout intérêt à voter contre le plan étant donné que par hypothèse la vie de la socié-té n’est pas réellement en péril.

Philippe Lambrecht u Le sursis continue à courir, le pro-blème est là !

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Laurence DURODEZ

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Hugues Simon u N’oublions pas qu’à la première au-dience lors de laquelle on statue sur la demande de sursis, un autre acteur est là : le Parquet. Il peut lui aussi demander la désignation d’un administrateur judiciaire ayant mission de gérer, de vérifi er ce qu’il en est.

Philippe Lambrecht u Peut-on imaginer la révocation du sursis parce qu’on constate qu’il n’y a pas de danger de discontinuité ?

Vanessa de Francquen u Les concurrents peuvent agir. Ils peuvent saisir le tribunal pour demander la fi n du sursis mais, pour vous rejoindre, on pourrait imaginer que le juge délégué fasse rapport au Procureur du Roi de l’abus auquel il est confronté.

Philippe Lambrecht u A ce propos, la question se pose souvent de la présence des créanciers, de leur information, de leur volonté ou non de s’investir dans la procédure. Est-il envi-sageable que les créanciers attirent l’attention du tribunal sur ce qui ne va pas ? Et celui-ci peut-il à ce moment-là révoquer le sursis ? Je prends un exemple concret : une entreprise obtient le sursis dans le cadre de la PRJ. On constate ensuite qu’elle a substantiellement diminué ses prix depuis qu’elle est entrée en PRJ et que grâce à cela elle est en train de se constituer, en termes de concurrence, une situation favorable. Est-ce que ce n’est pas un point que le tribunal examinera de près ? La question est de savoir si on est bien dans une PRJ utilisée pour la continuité de l’entreprise ou si elle n’est pas utilisée à une autre fi n ? Rappelons que l’objectif est d’assurer la continuité de l’entreprise, pas de tuer vos concurrents !

Vanessa de Francquen u Le créancier peut toujours faire désigner un administrateur provisoire puisqu’il pourrait dire qu’il y a une mauvaise foi manifeste de la part du débiteur qui ne veut pas assurer la continuité de son entreprise mais faire de la concurrence déloyale à ses concurrents. Avec l’in-tervention d’un administrateur provisoire qui serait désigné, il pourrait étayer un dossier tendant à postuler la fi n anticipée du sursis.

Grégoire Jakhian u Ne perdons pas de vue que la loi pré-voit que les dispositions de droit commun restent applicables. Le juge des cessations pourrait avoir son mot à dire face à un acte illicite contraire aux usages honnêtes en matière commer-ciale. On pourrait même songer à faire intervenir le Conseil de la concurrence. Le cas s’est déjà produit, non pas en matière de continuité des entreprises, mais dans l’hypothèse d’une li-quidation volontaire qui à l’époque avait été lancée pour assu-rer un concours de créanciers. Il s’est avéré que la liquidation avait été décidée à des seules fi ns concurrentielles pour neu-traliser un créancier. Le juge des cessations était parfaitement compétent pour intervenir et, de mémoire, le Conseil de la concurrence était également intervenu.

Hugues Simon u Imaginons qu’un plan soit élaboré sur cette base ou en tout cas avec cette composante, on est alors quasiment face à des pratiques de dumping. C’est probable-

ment un des rares cas où le Tribunal peut s’opposer à l’homo-logation du plan, à savoir quand il est contraire à l’ordre public.

Philippe Lambrecht u Donc, si je vous entends bien, la loi peut permettre de répondre à de telles pratiques effective-ment abusives.

Cédric Alter u Il y a des solutions dans la loi. Toutefois, même dans une réorganisation qui se passe de manière parfaite-ment normale et légitime, -et la question a déjà été posée par les tribunaux -, il y a toujours une petite distorsion de concurrence dans la mesure où une société pourra ne pas payer une partie de ses dettes tandis que son concurrent devra toutes les payer …

Philippe Lambrecht u Abordons la question des plans de réorganisation, notamment pour identifi er les principales diffi cultés. Comment peut-on obtenir la majorité dans ce type de plan ? Quelles informations doivent recevoir les créanciers ? Sont-ils tous sur un pied d’égalité ?

Tibault le Hardÿ u Concrètement, le plan de réorganisa-tion contient deux parties : une descriptive, une prescriptive. La descriptive reprend le rétroacte de la procédure, notam-ment un résumé des confl its ou des contestations qu’il y a pu avoir sur les créances durant la période de sursis. L’autre volet est prescriptif. Il contient notamment un plan de rembour-sement des créanciers ainsi qu’une explication des mesures prises pour assurer la continuité dans le futur.

Le plan de remboursement des créanciers, c’est le nerf de la guerre et la spécifi cité de la procédure. En effet, le débiteur avec les limites de l’ordre public, pourra se permettre de rem-bourser certains créanciers dans leur totalité et d’en léser une série d’autres. Les juges jouent un rôle important notamment par rapport aux catégories de créanciers à rembourser : ces catégories de créanciers sont de plus en plus claires, de plus en plus justes. Il y a eu une évolution. Un arrêt récent de la Cour d’arbitrage a remis un peu d’ordre et a mis fi n à des dispropor-tions importantes entre catégories de créanciers. Désormais, il n’est plus possible de rembourser entièrement la créance d’une certaine catégorie de créanciers et rien du tout pour une autre.

Philippe Lambrecht u Pour quelle raison remboursait-on 100 % de la créance de certains créanciers et rien pour d’autres ?

Tibault le Hardÿ u Tout simplement parce que pour faire passer le plan, la double majorité est nécessaire. On ne tient compte que des créanciers présents ou représentés à l’audience. Le plan est adopté lorsqu’il est voté par la majorité des créanciers présents ou représentés et pour autant qu’ils représentent la moitié de toutes les sommes dues en principal.

Grégoire Jakhian u Ce n’est pas uniquement « électo-raliste ». La sélection, même inégale, poursuit l’objectif de la continuité, d’une part, et d’autre part il faut que cette discri-mination ou cette inégalité soit proportionnelle. En d’autres termes, les effets dommageables de cette inégalité doivent être proportionnels aux avantages recherchés par cette inégalité dans le contexte de l’objectif du maintien de la continuité.

Table ronde

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Loyens & Loeff

Tibault le HARDŸvan Cutsem Wittamer Marnef & Partners

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Hugues SIMON

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Laurence DURODEZ

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Cédric Alter u A la base, la loi permet de traiter différem-ment diverses catégories de créanciers. On peut faire des caté-gories selon la nature et le montant des créances. Très vite, on a commencé à imaginer certaines catégories de créanciers, certains stratégiques, d’autres moins. A ces différentes catégo-ries on a dit : telle catégorie recevra 100 % de sa créance, les autres 30 %, 40% ou 50 % de leur créance. Il y a des cas où c’était objectif, démontrable et justifi able. Mais, il y a eu aussi des abus soit pour s’assurer le vote de l’un plutôt que le vote de l’autre : pour ceux dont la collaboration n’était plus néces-saire, on exagérait un peu les pourcentages. La jurisprudence au départ s’était montrée relativement permissive notamment parce que cette différenciation était prévue par la loi. Mais, cette question des catégories de créanciers soulevait de plus en plus de diffi cultés d’application.

Dans un récent arrêt, la Cour constitutionnelle a considéré que les principes généraux d’égalité et de non discrimination des Belges devant la loi devaient être respectés en la matière. Ce n’est pas sans poser des diffi cultés en termes de sécurité juri-dique notamment sur le point de savoir ce qui est raisonnable. Qu’est-ce qui est justifi é ? Un juge va considérer qu’un abat-tement de 30 % se justifi e dans certaines circonstances, alors qu’un autre le considérera excessif !

Hugues Simon u Dans les plans de PRJ, beaucoup de créances sont « institutionnelles ». Dans un cas sur deux, le passif le plus important est vis-à-vis de l’ONSS et/ou de la TVA. La tentation a été grande de se dire : pour sauvegarder mon tissu économique, je vais privilégier mes fournisseurs straté-giques, ceux avec lesquels je peux continuer à travailler. La TVA je n’ai pas le choix, je dois « travailler » avec eux. Donc, je fais tout passer à la trappe !

La Cour constitutionnelle a remis un peu d’ordre là-dedans. Si le législateur a voulu que l’administration fi scale et l’ONSS principalement soient sur un pied d’égalité avec les autres créanciers, elle a aussi voulu que ce ne soit pas systématique-ment eux qui paient !

Philippe Lambrecht u Avant l’entrée en vigueur de la loi, il y avait un privilège. L’ONSS et la TVA étaient préférés aux autres créanciers. Ce n’est plus le cas. Est-ce justifi é ?

Hugues Simon u Ça a été une des problématiques ma-jeures de la loi sur le concordat ! Il y avait une différence de traitement entre l’administration fi scale, qui était créancier pri-vilégié et l’ONSS qui ne l’était pas. Evidemment, sous l’empire de la loi sur le concordat, le privilège ne permettait pas d’abat-tement. L’ONSS a fait des pieds et des mains pour mettre fi n à cette procédure. Aujourd’hui l’administration fi scale et l’ONSS sont sur un pied d’égalité, au même titre que le fournisseur X ou Y. L’entreprise peut demander un abattement de ses dettes par rapport à ces institutions. A présent, le débat est clos.

Philippe Lambrecht u Cette loi ne fonctionne pas si mal fi nalement ?

Hugues Simon u C’est une loi qui a été fort décriée. Elle est perfectible évidemment. Mais dans son ensemble elle cor-respond beaucoup mieux au modèle économique actuel. Elle est nettement plus proche, à mon avis, du terrain.

AMERICANISONS NOS MENTALITES FACE A LA LOI !

Sophie Jacmain u On a parlé de changer la mentalité du débiteur dans le sens où il doit demander l’application de la loi plus tôt. Mais, plus généralement il faut aussi un changement de mentalité de toutes les parties cocontractantes. Qu’est-ce qu’on voit en pratique ? Quand un débiteur est en réorganisa-tion judiciaire, il y a une méfi ance de tous les cocontractants, de tous les fournisseurs, de tous les clients. Ce qui fait que la société en diffi culté se retrouve encore en plus grande diffi -culté parce que les clients sont réticents à conclure, à conti-nuer leurs commandes, et que les fournisseurs demandent le paiement au comptant … En Belgique, la loi n’est pas encore entrée dans nos mentalités. Si on prend l’exemple des Etats-Unis - puisque il y a une certaine similitude avec le Chapter 11-, c’est tout à fait normal. Combien d’américains ont volé avec des compagnies aériennes sous Chapter 11, tandis que quand Sabena a été en concordat judiciaire tout le monde a fui ! Il doit y avoir un changement de mentalité. Il n’y a pas tellement d’abus. Il y a des entreprises qui doivent être restructurées et qui le méritent !

Grégoire Jakhian u C’est culturel à double titre. Il y a un cercle vertueux. Puisque le débiteur américain sollicite tout de suite l’application de la loi, celle-ci, une fois appliquée, ne génère aucun effet pervers et ne lèse personne de manière évidente. C’est un facteur qui renforce la confi ance des parte-naires contractuels et du monde économique. Il y a une auto-émulation dont l’inspiration repose au départ sur la maturité du débiteur américain.

Philippe Lambrecht u Absolument ! Comme souvent, c’est l’œuf ou la poule ! Il faudra bien qu’à un moment donné on se décide à prévenir plutôt qu’à regretter la casse.

Cédric Alter u Le changement de mentalité a commen-cé même s’il y a encore du chemin. Au début de la loi, c’était plutôt les petites sociétés qui y avaient recours. Mais depuis un certain temps, on a vu des sociétés cotées en bourse faire appel à la loi. C’était assez neuf et va dans le sens d’une appli-cation « à l’américaine » de la loi !

LE TRANSFERT SOUS AUTORITE DE JUSTICE

Philippe Lambrecht u Le transfert d’entreprise. C’est une très grande nouveauté par rapport au passé. On dit à l’entrepreneur : « Cher Monsieur, ça ne va plus du tout, nous allons retirer tout ou partie de l’entreprise de votre patrimoine et le transférer à quelqu’un d’autre ». Que pensez-vous de ce mécanisme ?

Tibault le Hardÿ u Très brièvement, elle permet le trans-fert d’actifs sans passer par le fracas d’une faillite. Elle permet ce transfert d’actifs dans la rapidité et l’effi cacité, ce que typi-quement la faillite empêche.

Grégoire Jakhian u Récemment, j’ai rencontré un cas où un débiteur remplissant toutes les conditions pour obtenir la protection sursitaire, s’est refusé à la demander. Il a préféré le drame de la faillite. Un de ses gros créanciers était un de ses concurrents. Il a refusé de prendre le risque psychologique

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que l’application de la loi permette à son concurrent de rafl er la mise par le biais d’un transfert forcé. Pour lui, psychologi-quement, c’était quelque chose d’insupportable. Alors que la loi, j’en suis convaincu, aurait pu lui permettre de sauver son entreprise, il a fait le choix de déposer son bilan par crainte que son principal concurrent fasse une proposition attractive en termes de reprise de son entreprise.

Philippe Lambrecht u Dans cette hypothèse n’y avait-il rien à faire ?

Vanessa de Francquen u Sur la question de savoir si le concurrent ne pouvait pas introduire une offre, la loi pré-voit précisément que le concurrent ou créancier peut, dans l’hypothèse où la société se trouve dans un état de faillite et qu’elle n’a pas introduit de procédure de réorganisation judi-ciaire, citer cette entreprise pour obtenir le transfert forcé. Le concurrent aurait donc pu réagir.

Cédric Alter u La loi prévoit d’offi ce une mise en concur-rence des offres. C’est important à savoir pour ceux qui voudraient se céder à eux-mêmes ou à une société amie. Ils n’auront jamais aucune garantie sur ce point. C’est compré-hensible. Il y a d’offi ce un mandataire judiciaire désigné dans un scénario de transfert qui va comparer les différentes offres transmises.

REORGANISATION JUDICIAIRE VS FAILLITE : LA SITUATION DES CREANCIERS HYPOTHECAIRES OU GAGISTES

Sophie Jacmain u Des questions se posent également s’agissant du critère retenu par le Tribunal pour autoriser le transfert. Quel intérêt doit-il sauvegarder en premier ? Est-ce l’emploi, l’intérêt des créanciers ? La loi prévoit de prendre en compte l’intérêt des créanciers. Or, dans un important dossier de restructuration qui a permis le sauvetage de nombreux em-plois en Flandre, les intérêts des créanciers ont été sacrifi és. Les banquiers hypothécaires et gagistes sur fond de commerce n’ont pas été satisfaits du prix reçu, inférieur à la valeur de li-quidation des actifs ! Là, encore il y a des équilibres à trouver !

Philippe Lambrecht u L’objectif lié par la loi à la procé-dure qui est de préserver, sous contrôle du juge, la continuité de tout ou partie des activités de l’entreprise en diffi culté. Ne suffi t-il pas à donner au juge un critère clair lui permettant d’appré-cier si oui ou non il doit homologuer ?

Sophie Jacmain u Le problème est que la loi donne plu-sieurs critères. Elle dit que le tribunal autorise et qu’en cas d’offres comparables, il donne la prépondérance à l’offre qui permet d’assurer le plus d’emplois. Evidemment, les intérêts de tout le monde s’entrechoquent. Il y a les créanciers, les tra-vailleurs, les cessionnaires, les débiteurs, et c’est un diffi cile équilibre.

Grégoire Jakhian u Pour embrayer sur la remarque tout à fait judicieuse liée au poids de l’intérêt des travailleurs, cette prépondérance pratique factuelle de la prévalence de l’inté-

rêt du personnel met sous tension la notion même d’intérêt social. Dans une logique de continuité de l’entreprise, l’intérêt du personnel risque dans les faits, consciemment ou incon-sciemment, d’orienter le choix du tribunal. En agissant de la sorte, on bouleverse complètement l’approche traditionnelle de la doctrine et de la jurisprudence de l’intérêt social, puisque l’intérêt social reste prioritairement l’intérêt de la société et surtout de ses créanciers dans leur globalité sans que la distinc-tion entre créanciers n’apparaisse très clairement.

Sophie Jacmain u D’un point de vue économique, ce qui m’interpelle, dans une réorganisation judiciaire, c’est que les créanciers hypothécaires et gagistes sur fonds de commerce, peuvent recevoir moins en cas de procédure en continuité que dans le cas d’une faillite ! A l’heure où le crédit est de plus en plus diffi cile, cette situation crée un système d’insécurité juri-dique pour les créanciers hypothécaires et gagistes, privilégiés spéciaux, qui voient l’assiette de leur sûreté complètement dif-férente dans les deux scénarios.

Est-ce qu’il ne faudrait pas au moins imposer un minimum ? Ne peut-on suggérer aux tribunaux de ne pas aller en dessous de la valeur de liquidation dans la mesure où on peut l’éva-luer ? Pourtant on voit dans la jurisprudence qu’au nom de la préservation de l’emploi, les tribunaux sacrifi ent la valeur de liquidation. C’est choquant !

Grégoire Jakhian u C’est doublement choquant. Bien souvent c’est un leurre puisque soit le débiteur soit le repre-neur reverra à la baisse sous la contrainte pratique ces objectifs ou ces engagements d’ordre social !

Philippe Lambrecht u Rien n’empêcherait la jurispru-dence d’estimer qu’il est cohérent de ne pas accepter le trans-fert à une valeur inférieure au minimum que l’on aurait en cas de faillite. Il est intéressant de mesurer toute la tension entre l’intérêt social et l’intérêt des travailleurs, autour de cette loi surtout dans la période actuelle de diffi cultés économiques. Cette question fondamentale en matière de restructuration et de faillite d’entreprises fera l’objet du prochain supplément juri-dique à paraître le 19 mai prochain.

Propos recueillis par Laurence Durodez ([email protected])

Retrouvez l’intégralité des débats de la table ronde sur

www.lexgo.be

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Un outil de restructuration plus performantDans un lourd contexte de crise et de ré-formes des procédures collectives au niveau international, notre législateur adoptait il y a trois ans déjà la loi sur la continuité des en-treprises. Tout le monde s’accordait en effet à dire que l’application de notre ancienne loi sur le concordat judiciaire était un échec, notamment en raison des conditions strictes que cette loi imposait aux entreprises en dif-fi culté afi n de pouvoir accéder à la protection prévue par cette procédure. Il fallait donc s’inspirer de nos pays voisins et repenser totalement notre législation destinée à per-mettre le redressement de nos entreprises en diffi culté. Si un des objectifs du législateur a été d’assainir le marché d’entreprises qui se maintiennent sans payer leurs dettes au détri-ment de celles qui s’acquittent correctement des leurs, le législateur a aussi recherché à sauvegarder tout ou partie des entreprises ou de leurs activités susceptibles d’encore apporter quelque chose à l’économie. Les dif-fi cultés que peuvent traverser les entreprises, dont les PME qui caractérisent notre tissu économique, sont multiples et diverses et il était donc primordial de se doter d’un outil de restructuration performant.

Une procédure plus soupleLes conditions d’entrée dans la procédure de réorganisation judiciaire ont été considé-rablement assouplies pour les entreprises en diffi culté. Les coûts de la procédure ont été allégés, notamment en supprimant la fi gure du commissaire au sursis et en laissant les dirigeants à la tête de leurs affaires. La procé-dure vise désormais tout type d’insolvabilité (problème de liquidité, problème de solvabi-lité, problème structurel grave, état de faillite, etc). La loi offre en outre plus de fl exibilité à l’entreprise en diffi culté: en lui accordant un sursis, l’entreprise bénéfi cie d’un véri-table ballon d’oxygène qui doit lui permettre - après un diagnostic correct de sa situation - d’adopter les mesures adéquates pour se restructurer. Ainsi, elle tendra soit à conclure un accord amiable avec deux ou plusieurs de ses créanciers, soit à soumettre au scrutin de ses créanciers un plan de réorganisation comprenant abattement de créances, délais de paiement, plan social et autres mesures.

Lorsque l’entité juridique en tant que telle ne peut être sauvée, la loi offre la possibilité de réaliser un transfert de ses activités en going concern sous la houlette d’un mandataire de justice désigné par le tribunal. Dans tous les cas de fi gure, l’objectif recherché est le main-tien d’une activité assainie et de l’emploi. Les intérêts des travailleurs, des créanciers et des partenaires de l’entreprise doivent pouvoir être sauvegardés, tout en permettant selon le cas aux actionnaires d’éventuellement préser-ver tout ou partie de leur investissement. Eu égard aux lourdes responsabilités qui leur in-combent, les dirigeants d’entreprises trouvent eux aussi désormais dans l’arsenal juridique mis à leur disposition un outil qui leur offre la possibilité de sauver effectivement leur en-treprise - pourvu que la décision de se placer sous la protection de la loi sur la continuité des entreprises soit prise à temps. En effet, il faut bien constater que les dirigeants d’entre-prises tardent malheureusement à solliciter le bénéfi ce de la loi. A ce niveau, ce sont toutes les mentalités qui doivent encore évoluer, non seulement celles des décideurs qui voient encore dans la loi sur la continuité des entre-prises l’antichambre de la faillite, mais aussi celles des partenaires de l’entreprise qui très souvent font preuve d’une grande méfi ance et ne font que précipiter l’entreprise en diffi -culté dans le gouffre. Pourquoi aux Etats-Unis la procédure du chapter 11 similaire à la nôtre ne subit pas l’opprobre?

Un succès grandissantMalgré cette résistance, les chiffres dispo-nibles sur le succès de la réorganisation judi-ciaire sont encourageants. De nombreuses entreprises ont pu se redresser de manière totale ou partielle grâce à la loi et la presse s’est fait l’écho à plusieurs reprises de la réus-site de transferts d’entreprises permettant le maintien d’une certaine activité, ainsi que d’un certain niveau d’emploi. Nous avons encore en tête les exemples plus ou moins récents des entreprises Santens ou des labo-ratoires Thyssen pour ne citer que ces deux exemples médiatisés.

De nombreuses initiativesPar ailleurs, nombreuses sont les démarches destinées à faire connaître les avantages de

la loi et tenter de faire évoluer les mentali-

tés. A cet égard, nous ne pouvons que nous

réjouir des initiatives prises sur le plan poli-

tique comme la mise sur pied du Centre pour

Entreprises en Diffi culté, en abrégé CED,

ou encore récemment le lancement par la

SRIB d’un fonds pour aider fi nancièrement

les sociétés bruxelloises ayant introduit une

demande de procédure en réorganisation

judiciaire.

Certes, comme toute nouvelle loi, la loi sur la

continuité des entreprises fait ses «maladies

de jeunesse». Certains ont dénoncé les abus

auxquels son application avait pu mener ou

encore l’effet boule de neige qu’elle a parfois

généré. Par rapport à ces critiques, la FEB a

fait un travail remarquable d’évaluation de la

loi et a proposé des solutions concrètes. Les

magistrats du pays se sont également mobi-

lisés pour se joindre aux efforts de la FEB et

déjà de nombreux projets germent au sein de

nos cours et tribunaux pour veiller non seu-

lement à une application meilleure et plus

uniforme de la loi, mais aussi afi n de mettre

un frein à certaines dérives constatées dans le

but de donner à cette loi tout le succès qu’elle

mérite.

Enfi n une loi pour répondre aux diffi cultés des entreprisesDans un contexte économique de plus en

plus diffi cile, la Belgique ne peut se permettre

de sacrifi er des entreprises potentiellement

viables alors que les autres pays européens se

sont dotés de textes législatifs permettant le

redressement de leurs sociétés en diffi culté.

Notre loi sur la continuité des entreprises, de

par sa fl exibilité et l’équilibre qu’elle tend à

préserver par rapport aux différents intérêts

en présence qui sont souvent contradictoires,

n’a rien à envier aux différentes législations

des autres pays européens. Après une pé-

riode de démarrage un peu mouvementée et

diffi cile, notre loi sur la continuité des entre-

prises s’avère être un excellent outil de sauve-

tage de nos entreprises et, pour peu que cer-

taines mentalités évoluent, elle devrait encore

connaître un grand succès.

Les réorganisations judiciaires,instruments de sauvetage des entreprises?

Sophie JACMAIN

NautaDutilh

Associate Partner

Assistante ULB en matière de procédures collectives et sûretésprocédures collectives

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Droit des sociétés

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Il s’agit d’une déduction élémentaire, mon cher Watson : si un débiteur se trouve dans l’obligation de solliciter l’ouverture d’une

procédure en réorganisation judiciaire, c’est que, bien souvent, il n’est plus à même d’ho-norer ses créanciers. Le sauvetage de l’entre-prise passera dès lors inexorablement par une phase de négociation avec ceux-ci, dont l’accord fi nal s’avèrera crucial pour le sort de l’entreprise.

Le sursis Afi n de permettre au débiteur d’entamer sereinement ces négociations dans le cadre d’une réorganisation judiciaire, la loi du 31 janvier 2009 relative à la continuité des en-treprises a prévu l’octroi d’une période de sursis, qu’elle défi nit comme un moratoire accordé par le tribunal au débiteur en vue de réaliser l’un des objectifs qu’elle vise, c’est-à-dire aboutir à un accord amiable, à un plan de réorganisation ou à un transfert sous autorité de justice.

L’analogie peut ainsi être faite avec les conven-tions dites de « standstill», conclues entre un prêteur et un emprunteur, et aux termes des-quelles le prêteur accepte, pendant une pé-riode déterminée au cours de laquelle la rené-gociation du contrat de crédit est en cours, de ne pas dénoncer le crédit et de suspendre les demandes de paiement.

Le sursis a toutefois des effets plus larges puisqu’il suspend, notamment, les voies d’exécution des créances sursitaires1, la trans-formation des saisies pratiquées avant le sursis, la possibilité de déclarer le débiteur en faillite et le droit de pratiquer des saisies conservatoires du chef de créances sursi-taires. En revanche, il n’affecte pas la possi-bilité pour le débiteur de faire des paiements volontaires.

L’accord des créanciersLe législateur a, par deux fois, privilégié la conclusion d’accords amiables entre le débi-teur et ses créanciers. Il est ainsi prévu qu’un tel accord peut être conclu avant l’ouverture de toute procédure en réorganisation judi-ciaire ou dans le cadre d’une telle procédure. S’il s’avère indispensable d’entamer ladite procédure, elle pourra revêtir trois formes : soit l’accord amiable, sous supervision judi-ciaire donc, soit l’accord collectif, soit le transfert sous autorité de justice. Nous nous limiterons, dans le cadre du présent article, à l’examen des deux premières possibilités.

L’accord amiable en dehors de la procédure judiciaire est prévu par l’article 15 de la loi, qui permet au débiteur de proposer un ou plusieurs accords à ses créanciers, pour au-tant que chaque accord soit conclu avec au moins deux d’entre eux.

Ce procédé présente des avantages non négli-geables. La négociation d’abord, les créanciers appréciant la possibilité de participer à une solution équitable plutôt que de se retrou-ver mis devant le fait accompli. La souplesse ensuite, l’accord étant soumis à leur entière liberté contractuelle, sans toutefois pouvoir obliger les tiers2. L’effi cacité également, tant l’accord que les actes accomplis en exécution de celui-ci étant (sauf certaines exceptions dont la fraude) opposables aux tiers, même en cas de faillite postérieure de l’entreprise3, à condition toutefois d’être déposé au greffe du tribunal compétent. La discrétion enfi n, car l’accord déposé au greffe sera conservé dans un registre auquel les tiers n’auront accès qu’avec l’assentiment exprès du débi-teur. L’entreprise en diffi cultés n’aura donc, a priori, pas de raison de craindre que la conclu-sion d’un tel accord effraie ses créanciers.

Pas question cependant de conclure un ac-cord pour privilégier ou préserver un créan-cier des conséquences d’une faillite inéluc-table : l’accord doit être conclu dans le but d’assainir la situation fi nancière de l’entre-prise en diffi cultés et/ou, de la réorganiser et cette condition doit être formellement énon-cée par l’accord lui-même.

S’il est conclu dans le cadre d’une procédure judiciaire prévue à l’article 43 de la loi, l’accord amiable reprendra, mutatis mutandis, les principes défi nis supra, à l’exception de la dis-crétion. Il sera conclu sous la surveillance du juge délégué et, éventuellement, avec l’aide d’un mandataire de justice. Quant au tribunal, il lui appartiendra, sur requête du débiteur et dans l’hypothèse où les créanciers se montre-raient récalcitrants à ses propositions, d’appré-cier l’opportunité de lui accorder des termes et délais. Une fois l’accord intervenu, celui-ci est acté par le tribunal qui, par son jugement (publié au Moniteur belge), clôt la procédure.

Si la tentative d’un accord amiable n’a pas été privilégiée par le débiteur ou si, au cours du sursis, celui-ne parait pas réalisable, il se peut qu’il espère obtenir l’accord de l’ensemble de ses créanciers sur un plan de réorganisation. C’est alors la procédure en réorganisation ju-diciaire par accord collectif, prévue à l’article 44 de la loi qui se mettra en place.

Le plan, d’une durée maximale de cinq an-nées à dater de son homologation, doit com-porter une partie descriptive, c’est-à-dire une analyse de l’état de l’entreprise, des diffi cultés qu’elle rencontre et des moyens à mettre en œuvre pour y remédier (article 47 de la loi). Il doit également prévoir une partie prescrip-tive, déployant les différentes mesures qui seront prises afi n de permettre à l’entreprise de se redresser.

En outre, le plan doit reprendre la description des droits dévolus à l’ensemble des créanciers sursitaires et des créanciers à naître du fait du vote ou de l’homologation du plan, quelle que soit leur qualité (article 48 de la loi) et énoncer les contestations de créances, afi n d’informer les intéressés sur leur ampleur et leur fondement.

A l’exception des mesures affectant les créan-ciers sursitaires extraordinaires, le débiteur peut prévoir des délais de paiement et des abattements de créances sursitaires en capi-tal et en intérêts. Une renonciation à ceux-ci peut même être prévue, de même qu’une conversion des créances en actions dans l’en-treprise en diffi culté.

Soulignons enfi n que le débiteur peut prévoir le paiement différencié de certaines catégo-ries de créances, notamment en fonction de leur ampleur ou de leur nature. Ce principe a été admis, à plusieurs reprises, par les cours et tribunaux, malgré les contestations de cer-tains créanciers qui, insatisfaits des proposi-tions qui leur étaient formulées, ont vu dans le traitement différencié des créanciers, une violation du principe général de droit d’éga-lité et de non-discrimination. Bien que cette argumentation ait été suivie par quelques juri-dictions, la Cour constitutionnelle a, pour sa part, estimé qu’il appartenait au tribunal de commerce d’examiner s’il existait une justifi -cation raisonnable à ce règlement différencié, et ce au regard de l’intérêt général mais éga-lement des intérêts (parfois contradictoires) des différents intervenants dans la procédure.

Si le débiteur bénéfi cie d’une importante liberté dans la conception du plan, il lui appar-tiendra de convaincre la majorité de ses créan-ciers, représentant par leurs créances non contestées ou provisoirement admises, la moi-tié de toutes les sommes dues en principal.

ConclusionNégociations équilibrées, liberté contrac-tuelle et effi cacité de mesures adaptées à l’en-treprise en diffi cultés sont donc les maîtres mots d’une procédure qui a déjà rencontré un certain succès et ne demande qu’à faire ses preuves…

L’accord des créanciers : une étape indispensable !

Steven BAUWENSAvocat

Vanessa de FRANCQUENAvocat associé

Audrey DESPONTINAvocatDal & Veldekens

1. Soit les créances nées avant le jugement d’ouverture de la procédure de réorganisation judiciaire ou nées du dépôt de la requête ou des décisions prises dans le cadre de la procédure.2. Le débiteur est donc libre de proposer les mesures qu’il souhaite aux créanciers qu’il choisit.3. L’accord amiable n’est en effet pas soumis aux articles 17, 2° et 18 de la loi du 8 août 1997 sur les faillites.

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Récemment, j’ai été consulté par une société qui venait d’être assignée par l’ONSS pour défaut de paiement de

cotisations sociales. Elle souhaitait que je né-gocie des délais de paiement, la dette étant incontestée. Par ailleurs, elle me remit une convocation qui lui avait été adressée par le tribunal de commerce l’invitant à se présen-ter devant un juge-enquêteur désigné par la chambre d’enquête commerciale.

Cette société employait 32 travailleurs et était sur le marché depuis près de 10 ans. Il résul-tait des bilans publiés que le chiffre d’affaires avait pratiquement doublé durant les deux dernières années. L’administrateur délégué me précisa que ce volume d’affaires conti-nuait de croître, mais que malgré ce succès commercial, la société rencontrait de graves problèmes de trésorerie. Elle affi chait au de-meurant, pour les deux derniers exercices, des pertes sévères qui avaient réduit son actif net à moins de la moitié du capital social.

Lorsque je demandai à ma cliente comment, et à quelle hauteur, elle allait être à même de restaurer le cash fl ow non seulement néces-saire au respect d’un quelconque plan d’apu-rement, mais aussi pour faire face à l’aug-mentation constante du besoin en fond de roulement, la réponse fut évasive.

Persistant néanmoins à obtenir plus d’infor-mations, je demandai à l’administrateur dé-légué, à tout le moins, de me transmettre le plan de trésorerie des mois à venir. Sincère, il m’expliqua qu’il n’en avait pas et que pour ce qui concernait les termes cash fl ow ou de be-soin en fonds de roulement, s’il les entendait régulièrement prononcés par le comptable et le banquier, il ne les cernait pas précisément. Il ne comprenait par ailleurs pas ce qui avait amené sa société, a priori performante en termes de ventes, à la situation diffi cile qu’elle rencontrait actuellement. Il pointait toutefois le coût du travail, les diffi cultés de paiement des clients, le gonfl ement des stocks, les réti-cences des fournisseurs à octroyer du crédit à son entreprise et l’impossibilité d’obtenir plus de facilités bancaires que celles dont la société bénéfi ciait déjà.

Tentant de rechercher les causes de cette dé-gradation de la santé fi nancière, j’appris que, près deux ans plus tôt, un concurrent s’était installé sur le marché de ma cliente et qu’une guerre des prix s’en était suivie.

Le dirigeant, talentueux vendeur et meneur d’équipe, avait concentré toute son énergie durant cette période sur, d’une part, le rabo-tage des prix d’achat de fournitures - qui pas-sait par une augmentation des approvisionne-ments - afi n de pouvoir répondre aux offres agressives de son concurrent et, d’autre part,

sur la conquête de nouveaux marchés - afi n d’écouler l’augmentation des approvisionne-ments - qui impliquait une réduction des prix de vente. Si la stratégie fut payante puisque le concurrent avait dû déposer le bilan, cela ressemblait néanmoins à une victoire à la Pyr-rhus. Les marges bénéfi ciaires avaient en effet été durement affectées durant près de deux années alors que, par ailleurs, les charges (et notamment les frais fi nanciers et les frais de personnel) avaient plus que doublé, tout comme le stock et l’encours clients. Présenté autrement, le besoin en fonds de roulement avait augmenté de plus de 100% alors que, par ailleurs, la capacité d’autofi nancement était négative et les fonds propres amputés de plus de 50%. La crise qui sévissait n’arrangeait évi-demment rien. La situation empirait au quoti-dien, les retards de paiement générant, outre des diffi cultés d’approvisionnement (et donc la perte des réductions qu’il était possible d’obtenir pour l’achat de quantités impor-tantes), des charges complémentaires parfois très lourdes (majorations, intérêts de retard, frais de procédure, saisies en cours,...).

Le mal était donc déjà profond et, à défaut de pouvoir apporter les importants fonds propres et de disposer du temps qui auraient été nécessaires pour endiguer la mécanique en place, la cessation de paiement persistante était imminente. Les banques avec lesquelles la société travaillait avaient, d’ailleurs, déjà transféré le dossier vers leur département pudiquement nommé intensive care.

Tous les «clignotants» étaient donc au rouge. Le pli judiciaire que la société avait reçu du tribunal de commerce n’en était, pour autant que de besoin, que la confi rmation.

Le tribunal de Commerce initie en effet une enquête commerciale lorsqu’il résulte des informations récoltées par cette juridiction (comme un retard de paiement envers l’ONSS ou envers l’administration fi scale ou encore en cas de condamnation par défaut pour des créances non contestées, etc..) qu’une entre-prise semble rencontrer des diffi cultés fi nan-cières. Dans cette hypothèse, un dossier est alors ouvert par la Chambre d’enquête com-merciale qui peut désigner un juge-enquêteur. Celui-ci convoque le dirigeant d’entreprise pour obtenir toutes les informations utiles à l’appréciation de la situation réelle de sa socié-té. C’était ce qu’il se passait en l’occurrence.

Poursuivant l’explication, je précisai qu’une fois l’enquête du juge-enquêteur achevée, le dossier serait transmis à la Chambre d’en-quête proprement dite qui pourrait, notam-ment, prendre la décision (i) soit de reporter le dossier pour examiner son suivi (ii) soit de classer le dossier (iii) soit de transmettre le

dossier au Procureur du Roi pour une éven-tuelle citation en faillite.

Le mot était lâché.

Il résonna longtemps dans le silence qui ve-nait de s’abattre sur la salle de réunion.

Le temps de reprendre ses esprits, la per-sonne que j’avais en face de moi me demanda s’il existait des solutions. Elle ne connaissait pas la procédure de réorganisation judiciaire par accord collectif1, pas plus que le comp-table de la société, semblait-il.

Cette procédure permet pourtant à tout com-merçant personne physique ou société2 orga-nisée par le Code des sociétés dont la situa-tion fi nancière est compromise de procéder à un assainissement de sa structure bilantaire principalement par la réduction, parfois très signifi cative, de ses dettes.

L’administrateur délégué blêmit alors.

Il me dit qu’il lui était inconcevable de de-voir faire appel à une procédure au terme de laquelle sa société ne paierait pas tout ce qu’elle devait à des fournisseurs historiques, qui pour certains étaient devenus des amis. Il ne pouvait pas non plus supporter l’idée de l’opprobre dans laquelle, pensait-il, devrait ensuite vivre sa société et qui ruinerait le tissu commercial qu’elle avait constitué en dix ans. Enfi n, il ne pouvait imaginer être dessaisi de sa gestion au quotidien.

La réaction était classique.

Elle était l’expression d’une « culture » qui voulait que l’entreprise en diffi culté « soit li-vrée à la honte » et que le dirigeant soit privé de ses prérogatives. Ce qui n’aurait plus dû être que réminiscences d’un temps passé reste donc encore très prégnant aujourd’hui dans l’esprit des entrepreneurs.

À tort.

Nous en avons donc discuté et, après avoir souligné que la procédure, sauf cas exception-nel, ne dessaisissait pas le dirigeant qui reste seul maître à bord, il fut pointé, entre autres, que les clients et fournisseurs de l’entreprise avaient à l’évidence d’ores et déjà perçu la gravité de la situation de l’entreprise (peut-être d’ailleurs avant son dirigeant lui-même).

Ceci aboutirait nécessairement, à défaut de signal clair, à la rupture complète, tôt ou tard, du lien de confi ance minimal nécessaire à la réalisation de toute affaire. Ne pas agir n’était donc certainement pas une option.

Cela l’était d’autant moins que les premières citations en faillite n’allaient pas tarder puisque les retards s’accumulaient auprès de tous les créanciers et que des procédures de recouvrement forcé étaient en cours.

Moi, Christian X., dirigeant d’une entreprise à la trésorerie exsangue

Hugues SIMON

Simon & Partners Avocat

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Je rappelai donc à cet égard l’obligation qui pèse sur le conseil d’administration de faire aveu de faillite dans le mois du constat de l’état de faillite. Je rappelai aussi les présomptions permettant, en matière de TVA3 ou d’impôts directs4, de déclarer les dirigeants, sans devoir démontrer de faute de gestion, codébiteurs des dettes que leur société aurait envers l’administration. Je soulignai enfi n les risques relatifs aux infractions pénales liées à l’état de faillite et aux conséquences qui s’y attachaient.

Était-il donc raisonnable, au nom de la crainte d’une chimère, de tout mettre en péril à commencer par la sérénité de 32 familles plus la sienne ? Était-il raisonnable de prendre le risque d’engager sa responsa-bilité civile, mais aussi pénale et de mettre en risque son propre patrimoine et éven-tuellement celui de son épouse ?

La réponse allait de soi.

• Mais qu’est-ce que la procédure que je lui suggérais de mettre en œuvre changerait à tout cela ?

À peu près tout.

Elle offrait d’abord une dernière chance que son entreprise n’aurait manifestement pas autrement.

Ensuite, le dépôt de cette demande au greffe du tribunal compétent aurait des ef-fets immédiats non négligeables puisqu’elle (i) empêcherait toute déclaration en faillite (ii) empêcherait la poursuite des saisies et (iii) suspendrait l’obligation de faire aveu de faillite. En outre, l’ouverture de la pro-cédure libèrerait les dirigeants de la pré-somption permettant, en matière de TVA ou d’impôts directs, de les déclarer, sans devoir démontrer de faute de gestion, co-débiteurs des dettes que leur société aurait envers l’administration fi scale.

Pendant toute la durée du sursis, l’entreprise ne pourrait être, en aucun cas, contrainte de payer des dettes nées avant le jugement d’ouverture de la procédure de réorganisa-tion judiciaire (créances sursitaires), ce pas-sif étant « gelé ». En conséquence, l’entre-prise pourrait reconstituer rapidement de

la trésorerie par l’encaissement des encours clients et des nouvelles ventes, recettes qui, plutôt que de devoir être affectées au paiement des créances sursitaires, seraient destinées à la mise en œuvre de la restruc-turation de l’entreprise nécessaire au réta-blissement de sa rentabilité.

La société pourrait, en revanche, toujours procéder à des paiements volontaires de dettes sursitaires, notamment pour main-tenir un fl ux d’affaires avec un fournisseur capital pour l’activité.

• Qu’est-ce que cela changerait d’autre ?

Le dépôt de la requête entraînerait la dési-gnation d’un juge délégué avec pour mis-sion de faire rapport sur la recevabilité et le fondement de la demande5 et de veiller, durant le sursis, au respect de la loi. Il ren-contrerait donc le débiteur avant l’audience durant laquelle il sera débattu de l’obten-tion d’un sursis, ainsi que, ensuite, en cours de sursis. Jamais toutefois il n’entravera la conduite des affaires de l’entreprise qui reste intégralement aux mains de son ou de ses dirigeants seuls.

• De quel délai bénéfi ciera ma société pour restructurer l’entreprise, la ramener à la rentabilité et élaborer un plan ?

Le sursis peut être obtenu pour une durée maximale de six mois à compter du juge-ment6 l’octroyant. C’est le tribunal qui en fi xe la durée qui peut être plus courte. Cette première période de sursis peut être prorogée une fois pour six mois maxi-mum7. Dans des circonstances exception-nelles, une ultime prorogation qui ne peut être supérieure à six mois peut encore être obtenue. Le sursis peut donc, au maximum, s’étendre sur une période de dix-huit mois.

• « Et ensuite ?» me demanda mon interlocuteur qui semblait avoir retrouvé un peu de force.

Durant la période de sursis, vous élabore-rez un plan de réorganisation qui décrira la situation de l’entreprise et les mesures à mettre (ou mises) en œuvre pour remédier à celle-ci, d’une part.

D’autre part, ce plan déterminera les délais de paiement et les abattements de créances sursitaires, en capital et intérêts, que la société proposera aux créanciers (avec les-quels vous aurez préalablement négocié).

Le délai d’exécution du plan (et donc le délai dans lequel les créances subsistantes - après abattement - devront être apurées) ne pourra excéder cinq ans.

À la date fi xée par le tribunal, le plan sera soumis au vote des créanciers. Il devra recueillir, pour pouvoir ensuite être homo-logué, une majorité en nombre de votes positifs au sein des créanciers participant au vote et que les créances cumulées de ces créanciers votant positivement repré-sentent ensemble plus de 50% des créances de tous les créanciers participant au vote.

• « Et si ça ne marche pas ? »Dernière solution offerte par la loi : le transfert sous autorité de justice. Il peut être ordonné à n’importe quel stade de la procédure soit du consentement du débi-teur, soit, dans certaines circonstances pré-vues par la loi sur citation du Procureur du Roi, d’un créancier ou de toute personne ayant intérêt à acquérir tout ou partie de l’entreprise.

Le tribunal désigne alors un mandataire de justice ayant pour mission d’organiser et de réaliser le transfert de tout ou partie de l’entreprise du débiteur sous le contrôle du tribunal en mettant en concurrence diffé-rents candidats acquéreurs.

• Et là je perds tout !Pas nécessairement, la loi prévoit en effet expressément la possibilité de «l’autoces-sion». Vous pourrez donc vous porter ac-quéreur de l’activité de votre entreprise en faisant offre, comme les autres candidats, à l’administrateur judiciaire. La décision défi -nitive reviendra à l’ordre judiciaire.

Au moment de nous quitter, mon interlocu-teur qui semblait avoir digéré une bonne par-tie des informations dont il venait de prendre connaissance me dit : «Moi, c’est Christian ».

1. Loi du 31 janvier 2009 relative à la continuité des entreprises (LCE), M.B., 9 février 2009, entrée en en vigueur le 1er avril 2009, articles 44 et s.2. Sauf les sociétés dépourvues de personnalité morale et les sociétés civiles à forme commerciale par le biais desquelles est exercée une profession libérale (Art. 4 LCE)3. Art. 93undeciesC du Code de la TVA4. Art. 442quater du Code des Impôts sur les Revenus 92.5. Art. 18 LCE.6. Art. 24 LCE.7. Art. 38, §1 LCE.

«Where there’s a will, there’s a way»

Chaussée de la HULPE 177/8 • 1170 BRUXELLES (Watermael - Boitsfort) •Tél.: +32(0)2.347.40.37 • Fax: +32(0)2.347.40.62 • Courriel: [email protected] • www.simonandpartners.be

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Le nombre de faillites n’a jamais été aussi élevé en Belgique. En 2011, on compte 15.528 faillites1.

Par ailleurs, 70 % des entreprises qui ont eu recours à la loi relative à la continuité des entreprises déposent leur bilan dans les deux ans de l’ouverture de la procédure. La conti-nuité des entreprises ne serait-elle, dès lors, qu’un succès statistique ?

En tout état de cause, ces chiffres parlent d’eux-mêmes: la faillite est une procédure qui reste pleinement d’actualité.

Face à ce constat, surgissent de nombreuses questions pratiques. Nous en épinglons six.

La faillite en six questions • Qu’entend-on par faillite ?

La faillite suppose la réunion de deux condi-tions.

D’une part, la cessation de paiements de manière persistante, c’est-à-dire que le com-merçant n’est plus à même de rétribuer ses (principaux) créanciers (dans des délais éven-tuellement négociés au cas par cas), et ce, de manière durable. Des problèmes de trésore-rie passagers ne suffi sent donc pas.

D’autre part, un ébranlement de crédit: le commerçant a perdu la confi ance de ses créanciers. Il ne peut plus obtenir de crédit auprès des banques et ses fournisseurs qui refusent d’octroyer des (nouveaux) délais de paiements.

• Qui constate la faillite ?

Le conseil d’administration, le gérant ou le commerçant personne physique qui n’exerce pas son activité par le biais d’une société, constate la réunion des deux conditions de la faillite et procède à l’aveu de faillite dans le mois de la cessation des paiements au greffe du tribunal de commerce du siège social de la société ou du principal établissement du commerçant personne physique.

Une procédure de faillite peut également être provoquée par un ou plusieurs créanciers ou par le Procureur du Roi.

• Comment se déroule l’aveu de faillite concrètement ?

Le commerçant se présente au greffe du tri-bunal de commerce. Il sera muni d’une série de documents: il s’agira essentiellement du bilan, des livres comptables, du registre du personnel, des données sociales (secréta-riat social, identité des membres du CPPT, identité des membres de la délégation syn-dicale,…), d’une liste reprenant le nom et l’adresse des clients et fournisseurs ainsi que la liste des personnes qui se sont constituées caution de l’entreprise à titre gratuit.

Par ailleurs, le commerçant ou la personne spécialement mandatée pour procéder à l’aveu devra également se munir de docu-ments permettant d’établir qu’il peut valable-ment représenter l’entreprise (carte d’iden-tité, numéro d’entreprise, derniers statuts coordonnés de la société, publications du Moniteur Belge ou procès-verbaux établissant sa qualité (administrateur, gérant, mandataire spécial,…), acte constitutif de la société).

Enfi n, le commerçant ou son mandataire devra également connaître la consistance de son ac-tif et de son passif au jour de l’aveu de faillite.

• Que se passe-t-il après l’aveu de faillite ?

Suite à l’aveu de faillite, le tribunal de com-merce tiendra une audience en présence du Procureur du Roi et décidera:

(i) de déclarer le commer-çant en faillite et de dési-gner un curateur; ou

(ii) de suspendre sa déci-sion pendant un délai de quinze jours au cours duquel lui ou le Procu-reur du Roi pourra in-troduire une demande en réorganisation judi-ciaire, et ce, même si le commerçant est en état virtuel de faillite.

• Quelles sont les principales consé-quences du jugement déclaratif de faillite ?

La conséquence principale est le dessaisisse-ment: le commerçant ne peut plus gérer ses biens. Le curateur prend le relais dans la ges-tion. Le commerçant devra collaborer avec le curateur afi n de réaliser au mieux les actifs.

Du point de vue des créanciers, la consé-quence principale est la suspension de leurs voies d’exécution sur le patrimoine du com-merçant.

• Comment et quand la procédure se clôture-t-elle ?

Après la liquidation des actifs du commer-çant, et lorsque tous les créanciers qui pou-vaient être remboursés, l’ont été, la procé-dure se clôture: la société sera dissoute et le failli personne physique pourra être déclaré excusable, ce qui lui permettra de redémar-rer une nouvelle activité commerciale sans craindre des poursuites des créanciers pour des dettes qui n’ont pas été apurées au cours de la procédure.

En ce qui concerne la durée de la procédure, celle-ci n’a pas de limite dans le temps. Cer-taines faillites durent plus de dix ans (par exemple celle de la Sabena ouverte le 7 no-vembre 2001 et toujours en cours).

La faillite: un scénario inéluctable voire préférable dans certains cas

Bénédicte DEBOECKAvocat

Jean-Luc HAGONAvocat

Loyens & Loeff

Certains observent que les entreprises re-courent à cette loi trop tard (syndrome dit de la « salle de réanimation » par opposition à la « bouée de sauvetage »). Ceci est exact mais est-ce une explication suffi sante ? Nous en doutons.

Pourquoi permettre à une société qui est en état virtuel de faillite d’obtenir la protection de la loi relative à la continuité alors qu’elle suspend les voies d’exécution et entraîne, dans les faits, une suspension de quasi tous les paiements ?

L’état virtuel de faillite n’est pas une simple menace sur la continuité des entreprises, la discontinuité est avérée. Permettre l’ouver-ture d’une réorganisation judiciaire et éviter une faillite à tout prix n’est pas toujours une bonne stratégie: ces entreprises moribondes qui fi niront dans la plupart des cas par faire aveu de faillite auront, dans l’intervalle, pro-voqué une réaction en chaîne en mettant d’autres entreprises jusqu’alors saines en dif-fi culté (effet « boule de neige »). La distorsion de concurrence pointe son nez.

ConclusionDans certains cas, la faillite s’impose. Mais ce constat semble diffi cile à poser et à mettre en œuvre actuellement. Cette réticence tient peut-être à une mentalité qui doit changer. La faillite doit être perçue autrement que comme un échec et un tabou.

La faillite: un scénario parfois préférable La loi relative à la continuité des entreprises du 31 janvier 2009 a suscité beaucoup d’en-thousiasme lors de son entrée en vigueur. L’objectif principal de cette loi est d’assurer la continuité de l’entreprise et donc d’éviter la faillite.

Cette loi est manifestement un grand suc-cès: 3.283 réorganisations judiciaires fi n 2011 contre 1.397 concordats judiciaires en 10 ans !

L’optimisme dont certains ont fait preuve au lendemain de l’entrée en vigueur de la loi doit faire place à la réalité des chiffres: 70 % des entreprises qui ont obtenu la protection de la loi sur la continuité des entreprises tombent en faillite deux ans plus tard.

En effet, le passage de la réorganisation judi-ciaire vers la faillite et vice versa est possible.

Réorganisation judiciaire

(menace sur la continuité de

l’entreprise, état virtuel de faillite

inclus)

Faillite(cessation de

paiements et ébranlement

de crédit)

A la demande du commerçant ou du Procureur du Roi si le tribunal suspend sa décision2

Lorsque le commerçant n’est plus en mesure d’assurer la continuité de son entreprise3

1. Les chiffres et statistiques auxquels il est fait référence dans le présent article sont repris de l’étude de Graydon Belgium du 30 décembre 2011.2. Article 7 de la loi sur les faillites.3. Article 41 de la loi sur la continuité des entreprises.

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2020

Votre entreprise connaît des arrié-rés O.N.S.S. et T.V.A. inquiétants ? Les banques menacent de dénoncer les

crédits ? La trésorerie de votre entreprise n’est pas suffi sante pour faire face aux besoins ? Vos fournisseurs ne vous font plus confi ance ? Vos créanciers menacent de pratiquer des saisies ? Le secteur de votre entreprise est en crise ?

Si l’un (ou plusieurs) de ces clignotants s’ac-tionne, la continuité de votre entreprise peut être menacée. Que la menace soit imminente ou plus éloignée, il s’agira de réagir immé-diatement afi n d’éviter la faillite, dont les conséquences peuvent être lourdes : action en responsabilité contre les fondateurs et les administrateurs, action à l’encontre des éven-tuelles cautions, déconfi tures en cascade des créanciers lésés, éventuelle poursuite du cura-teur en comblement de passif, image ternie…

Un « outil anti-faillite » à utiliser à tempsC’est précisément en vue d’éviter un tel scé-nario catastrophe que le législateur a doté l’arsenal juridique belge d’un nouvel « outil anti-faillite » à l’attention des ‘entreprises’ (cette notion étant entendue au sens large et visant tout aussi bien la société uniperson-nelle, la PME ou la grande entreprise).

La loi sur la continuité des entreprises offre la possibilité aux entreprises de se réorgani-ser pendant un délai de « sursis » (véritable « temps mort » qui met l’entreprise à l’abri de ses créanciers) durant lequel l’organe de ges-tion garde la maîtrise de son entreprise.

Concrètement, il suffi t pour l’entreprise en diffi culté de déposer un dossier au greffe du Tribunal de Commerce (comprenant notam-ment les deux derniers comptes annuels et une situation comptable récente, une liste des créanciers, etc.) et de démontrer l’exis-tence d’une menace (à bref délai ou à terme) pour sa continuité.

L’approche « portail » de la loi : trois options, mais laquelle choisir ?Selon les propres mots du législateur, un « portail » s’ouvre à l’entreprise en diffi culté, qui devra choisir entre trois options afi n de se réorganiser durant le délai de sursis octroyé. Il s’avèrera crucial –que le délai de sursis soit d’un ou de six mois– de prendre immédiatement les mesures de réorganisation qui s’imposent et de les présenter de manière constructive aux créanciers. En effet, il conviendra de ras-surer et de convaincre ses créanciers quant à la réelle volonté de continuité.

• La conclusion d’un accord amiable avec deux ou plusieurs créanciers.

La première option prévue par le législa-teur consiste pour l’entreprise en diffi culté à conclure un accord amiable avec au moins deux créanciers.

Ces accords pourront par exemple prévoir le rééchelonnement de paiement d’une dette, la révision des taux d’intérêts contractuellement prévus, une mise en hypothèque au profi t du créancier, la subordination d’une créance, la révision des conditions d’un contrat… bref, l’entreprise en diffi culté et son cocontractant pourront s’entendre sur la révision de moda-lités contractuelles et les formaliser dans un accord.

La conclusion de tels accords amiables est facilitée par au moins deux mécanismes. Premièrement, la société en diffi culté pour-ra mettre à profi t le sursis afi n de négocier sereinement à l’abri de ses créanciers qui ne pourront pas pratiquer de saisies ni mettre en œuvre des menaces d’exécution. Deuxième-ment, le cocontractant (créancier) sera plus enclin à conclure un tel accord dans le cadre d’une procédure en réorganisation judiciaire, puisqu’en cas de faillite subséquente, cet ac-cord ne pourra pas être remis en question par le curateur.

Cette première option sera par exemple adé-quate dans le cas d’une entreprise ayant peu de créanciers avec lesquels un accord se doit absolument d’être trouvé, notamment les créanciers indispensables à la poursuite de l’activité, ou bien dans le cas d’une entreprise qui pourra faire face à la plupart de ses créan-ciers dès la fi n du sursis.

• La conclusion d’un accord collectif avec l’ensemble des ses créanciers

La seconde option retenue par le législateur s’apparente à un Chapter 11 à la belge. Cette procédure, consiste principalement pour l’entreprise en diffi culté à soumettre un plan de réorganisation judiciaire au vote de l’en-semble de ses créanciers.

Ce plan devra contenir, d’une part, une des-cription des moyens à mettre en œuvre pour remédier aux diffi cultés (fi nancières ou encore structurelles) de l’entreprise, et, d’autre part, les mesures à prendre pour désintéresser les créanciers. A cette fi n, l’entreprise en diffi culté pourra notamment prévoir d’imposer d’im-portants abandons de créance à ses créanciers ainsi qu’un rééchelonnement des paiements jusqu’à cinq ans au maximum. Le plan est soumis à peu de formalisme et « passera » si la majorité des créanciers vote en sa faveur.

Cette option s’appliquera donc principale-ment à l’entreprise qui se trouve face à un nombre important de créanciers ou bien avec lesquels aucun accord amiable n’a pu être trouvé.

• Le transfert total ou partiel, sous autorité de justice, de l’entreprise ou de ses activités

La troisième option est celle du transfert d’en-treprise sous supervision judiciaire. L’objectif est ainsi de maintenir l’activité (partielle) et le taux d’emploi le plus élevé possible. Ce trans-fert pourra être sollicité par l’entreprise en diffi culté elle-même mais également par les tiers (un créancier par exemple). Cette faculté offerte aux tiers est assez méconnue, ce qui est regrettable.

Cette option pourra être choisie si l’entre-prise (ou une partie de celle-ci) est encore viable ou dispose d’actifs valorisables. Elle peut être envisagée dès le départ ou bien s’imposer ensuite en cas d’échec d’une ou des options précédentes.

Passerelles et combinaisons possibles entre les trois optionsS’il est possible de passer d’une option à l’autre, théoriquement de l’option 1 à 2 et ensuite à l’option 3, il est également possible de les combiner.

Par exemple, il est possible de transférer une partie de l’entreprise sous autorité de justice et de réaliser un accord collectif en parallèle ou encore de réaliser un accord amiable avec au moins deux créanciers et un accord collec-tif avec les autres.

ConclusionLe législateur offre un outil effi cace aux entre-prises en diffi culté, et ce, dans le contexte d’une crise sans précédent. Il mérite sa place dans le paysage économique et gagne à être connu. L’essentiel sera toutefois d’y recourir suffi samment tôt, sans honte, afi n que davan-tage d’entreprises puissent s’inscrire dans une continuité tant juridique qu’économique. L’utilisation effi cace et à bon escient de la pro-cédure en réorganisation judiciaire devrait contribuer, à terme (la loi devant être mieux connue), à éloigner le spectre de la fatalité de la faillite.

La loi sur la continuité des entreprises ? Un outil anti-faillite multi options !

Tibault le HARDŸ

Pierre VAN FRAEYENHOVENVAN FRAEYENHOVEN

AvocatAvocat associévan Cutsem Wittamer Marnef & Partners

Dossier RGPRestructuration et Faillite d’Entreprises

Droit des sociétés

Page 21: Avocat 2 avril 2012

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Domaines de Compétence

Depuis 35 ans, notre équipe d’une quarantaine d’avocats accompagne les entreprises,

de la PME à la multinationale, dans la réalisation de leurs projets.

Roeland MOEYERSONS

Pierre BEYENS

Damien DE KEYSER

Bertrand WITTAMER

René-François PIRET

AlainVANDERSTRAETEN

Bernard DAUTRICOURT

Eric LOUIS

Katrien SERRIEN

Jean-Pierre van CUTSEM

Pierre VAN FRAEYENHOVEN

Jan CUYPERS

Laurent TAINMONT

Olivier d’URSEL

Patrick MARNEF

Page 22: Avocat 2 avril 2012

2222

En cas d’insolvabilité d’une entreprise, les cocontractants et créanciers de celle-ci devront le plus souvent subir

de plein fouet les répercussions négatives au sein de leur propre patrimoine.

Ceux-ci ne sont toutefois pas totalement dé-sarmés face à une telle situation.

En effet, bien informés, ils trouveront des moyens juridiques à leur disposition qui leur permettront de veiller à ce que dans toute la mesure du possible leurs droits soient sauve-gardés, de remettre en cause les actes éven-tuellement irréguliers posés par le débiteur ou de faire valoir une position privilégiée par rapport aux autres créanciers.

Il convient de distinguer entre l’hypothèse d’une faillite et celle d’une réorganisation ju-diciaire du débiteur, l’impact pour les créan-ciers et cocontractants étant signifi cativement différent dans les deux hypothèses.

La faillite du débiteurEn cas de faillite, le débiteur sera immédiate-ment dessaisi de la gestion de son entreprise qui sera confi ée à un curateur.

Le curateur devra traiter tous les créanciers sur un pied d’égalité, sous réserve des privi-lèges et sûretés dont pourraient bénéfi cier certains d’entre eux.

Des opérations effectuées dès avant l’ouver-ture de la faillite pourraient même être re-mises en cause par le curateur si elles inter-viennent dans des conditions anormales ou en fraude des droits des créanciers.

Quant aux contrats en cours, les cocontrac-tants pourront, si nécessaire, mettre le cura-teur en demeure de décider s’il entend ou non les poursuivre. En tout état de cause, les cocontractants pourront de leur côté invo-quer l’exception d’inexécution, le droit de rétention ou, dans certains cas, la compen-sation, en réaction au défaut d’exécution du débiteur.

Bien entendu, les créanciers devront veiller à identifi er et à faire valoir en temps utile toutes les sûretés (par exemple, un gage), privilèges (par exemple, le privilège du bailleur) et autres garanties contractuelles dont ils pour-raient faire usage et qui leur permettraient de bénéfi cier d’un traitement préférentiel.

S’ils s’aperçoivent que des fautes graves de gestion ont amené à la faillite de l’entreprise, ils pourront insister auprès du curateur pour que celui-ci intente une action en responsa-bilité à l’encontre des dirigeants voire dans certains cas, intenter cette action eux-mêmes.

Enfi n, dans les cas exceptionnels où le cura-teur n’exercerait pas correctement sa mission dans l’intérêt de la masse des créanciers, ces derniers auront la possibilité de solliciter son remplacement ou de mettre en cause sa res-ponsabilité devant le tribunal de commerce.

La réorganisation judiciaireUne des différences principales en cas de réorganisation judiciaire, est que le débiteur demeure en principe à la tête de ses affaires.

Néanmoins, en cas d’incompétence ou de fraude du débiteur, les créanciers pourront solliciter du tribunal qu’il soit assisté par un mandataire de justice ou remplacé par un administrateur provisoire.

Une autre différence importante par rapport à la faillite, est que le débiteur peut continuer à payer ses créanciers lorsqu’il est en réorga-nisation judiciaire et n’est pas tenu de respec-ter un quelconque principe d’égalité entre les créanciers.

Là encore, les créanciers auront un certain droit de regard dans la mesure où ces paie-ments ne peuvent en principe être totale-ment arbitraires et doivent, dans une certaine mesure, être justifi és par l’intérêt de la réor-ganisation.

Un trait signifi catif de la réorganisation judi-ciaire est, par ailleurs, que le débiteur sera seulement protégé concernant les dettes antérieures à la date d’ouverture de la procé-dure.

Cela signifi e que pour toutes les créances nées postérieurement, les créanciers bénéfi -cieront de l’intégralité de leurs droits envers le débiteur et pourront pratiquer des saisies ou autres mesures d’exécution forcées. En cas de contrats à prestations successives, tel un bail, par exemple, les échéances postérieures au jugement échapperont elles aussi au sur-sis. Les loyers dus après le jugement d’ouver-ture de la procédure devront donc être inté-gralement payés par le débiteur.

Dans le cas d’une réorganisation judiciaire par accord collectif, hypothèse la plus fréquente, le débiteur disposera d’une grande marge de manœuvre pour désintéresser différemment ses créanciers en fonction de la nature ou du montant de leur créance. Il pourra ainsi établir des catégories entre créanciers straté-giques et non stratégiques pour l’entreprise, et rembourser dans une très large mesure les premiers, et dans une plus faible mesure les seconds.

La jurisprudence a toutefois encore rappelé récemment que, ce faisant, le débiteur ne peut pas agir de manière totalement arbitraire et discriminatoire.

En outre, les créanciers qui peuvent se préva-loir d’une sûreté réelle ou d’un privilège spé-cial auront la qualité de créancier sursitaire « extraordinaire » et seront davantage proté-gés par la loi puisque, notamment, le débiteur ne pourra pas leur imposer une diminution du montant en principal de leur créance.

Les créanciers devront donc vérifi er que leur créance a bien été reprise dans la liste des créances, pour le juste montant et, le cas échéant, en tenant compte de leur qualité de créancier sursitaire extraordinaire.

Ils devront par ailleurs exercer un contrôle sur le déroulement de la procédure, qui s’exercera principalement sur le caractère non discriminatoire du plan et sur le respect des différentes formalités prévues par la loi.

En cas de désaccord, les créanciers pourront voter contre le plan et faire entendre leur point de vue à l’audience, dans la mesure où, pour être approuvé, le plan doit en effet réunir un vote favorable d’une majorité des créanciers présents à l’audience et représen-tant ensemble plus de la moitié du passif du débiteur.

S’ils souhaitent prendre une part plus active dans la procédure, les créanciers ne néglige-ront pas de faire intervention volontaire, en vue d’être une partie à part entière de celle-ci. Ils pourront ainsi, notamment, interjeter appel d’une décision qui porterait atteinte à leurs droits de manière injustifi ée.

Une fois le plan voté par les créanciers et homologué par le tribunal, les créanciers dis-poseront encore de moyens d’action dans le cas où ce plan ne serait pas respecté par le débiteur ou s’ils peuvent démontrer qu’il ne pourra pas en être autrement et qu’ils en subiront un préjudice.

La loi sur la continuité des entreprises, bien qu’ayant souvent été présentée comme étant très favorable aux entreprises en diffi cultés, ne sacrifi e donc pas pour autant les intérêts des créanciers, qui trouveront au sein même de cette loi des dispositions leur permet-tant de défendre leur position, et ce en vue d’aboutir à une solution globale qui soit la plus équilibrée possible.

La défense des intérêts des créanciers et cocontractants du débiteur insolvable

Cédric ALTER

Avocat associéAssistant à l’Université Libre de Bruxelles

Janson Baugniet

Dossier RGPRestructuration et Faillite d’Entreprises

Droit des sociétés

Page 23: Avocat 2 avril 2012

Janson Baugniet, fondée en 1950, est une association d’avocats en droit des affaires au sens large, pluridisciplinaire et multilingue, qui compte aujourd’hui 26 associés et près de 50 col-laborateurs, dont la plupart ont complété leur cursus universitaire par des études spéciali-sées et/ou des expériences professionnelles en Belgique et à l’étranger.

Tout au long de son développement, Janson Baugniet est restée indépendante d’autres asso-ciations au niveau national et international. L’association entretient des contacts structurés avec d’autres cabinets indépendants à l’étranger.

Plusieurs associés et collaborateurs seniors occupent des fonctions universitaires ou sont membres du comité de rédaction d’une ou plusieurs revues juridiques.

L’association a étendu son offre de services à l’ensemble des domaines juridiques qui inté-ressent l’activité économique. Ses clients relèvent des différents secteurs économiques, notamment : l’énergie, l’immobilier, la communication, la finance, l’automobile, l’environne-ment, la santé, …

Elle assiste des clients belges et étrangers, sociétés commerciales ou particuliers, ainsi que des institutions publiques, des fondations et des organisations (internationales) sans but lucratif.

Son objectif est d’apporter aux clients des solutions proactives, créatives et pratiques dans un délai et un budget convenus, en maintenant, en toute circonstance, l’exigence de fournir un service de qualité.

A cette fin, elle adapte ses méthodes de travail aux besoins de ses clients. L’associé consulté fait appel, suivant les besoins du dossier, à d’autres associés et/ou collaborateurs spécialisés.

Dans tous les cas, la relation nouée avec le client est basée sur la loyauté réciproque et le respect scrupuleux de la déontologie professionnelle.

Page 24: Avocat 2 avril 2012

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