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Cahier du « Monde » N o 21982 daté Samedi 19 septembre 2015 - Ne peut être vendu séparément Entraînement sur la pelouse de la Rugby School, le 10 septembre. PHILIPP EBELING POUR « LE MONDE » ET AUSSI… EURO DE BASKET : LES BLEUS DE PARKER PRIVÉS DE FINALE PAGE 3 ENTRETIEN DUSAUTOIR, CAPITAINE TRANQUILLE DU XV DE FRANCE PAGE 6 ON A RETROUVÉ… PASCAL ONDARTS, LA TERREUR DE LA MÊLÉE PAGE 8 Aux origines du rugby La Coupe du monde s’ouvre en Angleterre vendredi 18 septembre. L’occasion d’une plongée à Rugby, petite ville du Warwickshire où tout a commencé il y a près de deux siècles. PAGES 4-5

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Cahier du « Monde » No 21982 daté Samedi 19 septembre 2015 - Ne peut être vendu séparément

Entraînement sur la pelouse de la Rugby School,

le 10 septembre. PHILIPP EBELING POUR « LE MONDE »

ET AUSSI…

EURO DE BASKET : LES BLEUSDE PARKER PRIVÉS DE FINALE

→PAGE 3

ENTRETIEN

DUSAUTOIR, CAPITAINETRANQUILLE DU XV DE FRANCE

→PAGE 6

ON A RETROUVÉ…

PASCAL ONDARTS,LA TERREUR DE LA MÊLÉE

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Aux originesdu rugby

La Coupe du monde s’ouvre en Angleterre vendredi 18 septembre.

L’occasion d’une plongée à Rugby, petite ville du Warwickshire où tout a commencé il y a près de deux siècles.

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2 | 0123Samedi 19 septembre 2015 | SPORT & FORME | À V O S M A R Q U E S

Agenda

Sans transition

Sous la chaleur de juillet, malgré les cou-leurs vives ou les points rouges de sesmaillots, nous assistons à un bien tristeTour de France. Sous la chaleur du mois

d’août, ivres de leur jeunesse, fuyant l’ennui et la tristesse de leur été, quatorze jeunes Bretons s’entassent à l’intérieur d’un Berlingo, celui de la maman du chauffeur, et roule ma poule pour une funeste randonnée morbihannaise.

Un Berlingo, ce n’est pas un vélo ! C’est unevoiture ! C’est un bonbon ! Une récompense

à l’enfant sage ! C’est aussi un mot pour dire le sexe de la femme. « Je me fais reluire le ber-lingot », chantait Colette Renard.

Les quatorze Bretons en avaient-ils cons-cience en se tordant dans cette voiture ? Non ! Je ne le pense pas. Ils voulaient fuir tout simplement, désobéir naturellement, échapper à l’ennui comme toujours.

La Bretagne est un peuple de paysans, de marins, de militaires qui essaie de fournir à laFrance des porcs, des langoustines, des pou-lets, des CRS et des champions cyclistes.

S’échapper, l’essence du cyclismeL’éducation des enfants y est encore basée

sur la répression, les enfants y sont toujours dressés à l’ancienne à coups de volées, de trempes, de dérouillées. Les jeunes Bretons deviennent ainsi têtus, cabochards, têtes de pioche, et passent ensuite le reste de leur vie à se mettre à distance, à fuir, en s’embarquant, en s’enrôlant, en pédalant à en devenir cham-pion cycliste. L’essence même du coureur cy-cliste étant de mettre de la distance entre lui et ses adversaires, bref de s’échapper.

De cette essence du cyclisme, le Tour ce France a cruellement manqué en cet été 2015. D’échappée, il n’y en eut qu’une, celle de celui qui fut, au final, vainqueur à Paris. Les miet-tes pour les autres.

Après cette échappée controversée dans les Pyrénées, rien d’essentiel jusqu’à la capitale, rien de vrai, que du trompe-l’œil, du pour-de-

mine, du semblant, de la tromperie, des faus-ses échappées puisque toutes consenties, de mauvaise grâce peut-être, mais consenties tout de même, par le vainqueur. « Pour sauver le spectacle », devait-on le supplier en coulisse.

Les chroniqueurs sportifs, avec une cons-cience adaptable, enflammaient malgré tout leurs commentaires, se cramponnant sur un exploit français un jour, une victoire alle-mande un autre, et le possible retour d’un Colombien avant Paris.

Les téléspectateurs, résignés depuis tant d’années, acceptaient de faire semblant de se laisser prendre au jeu, histoire de tromper la trompeuse tromperie de l’ennui, un peu comme nous applaudissons le salut des artis-tes au théâtre, heureux que nous sommes qu’il se passe enfin quelque chose sur la scène.

Le Maillot jaune sentait la pisse mais con-trôlait l’épreuve allant, preuve en est, jusqu’à s’accaparer à l’égoïste sur les derniers contre-forts alpins un maillot de rechange à pois.

Cet été, un champion cycliste triomphait sur les Champs-Elysées et des enfants floués victimes de leur ennui mouraient à l’inté-rieur d’un Berlingo dans un fossé breton. Quelle tristesse.

Un de plus et ils auraient été quinze, ser-vant ainsi sur un plateau aux présentateurs de JT un enchaînement parfait pour le sujet suivant, la Coupe du monde de rugby qui dé-marre, et éviter le classique et si cruel « sans transition, sports ». p

Le rugby expliqué à ma grand-mère

« Le rugby, c’est d’abord des valeurs : l’amitié virile, la troisième mi-temps, le collectif et… » Une série à suivre pendant la Coupe du monde sur Lemonde.fr. Réalisée par Yvan Le Bolloc’h, écrite et interprétée par Jean-Jacques Vanier, « Le rugby expliqué à ma grand-mère » est la première fiction de l’histoire

des sports au Monde. Elle met en scène un coach face à quatre mamies pas vraiment au fait des règles du ballon ovale mais plus diffi-ciles à maîtriser qu’un pack d’avants anglais. Le coup d’envoi des six épisodes est donné en même temps que celui du Mondial, vendredi 18 septembre. p

rémi dupré

Zurich, envoyé spécial

Le Français Jérôme Valcke avait survécuau coup de filet anticorruption de la jus-tice américaine mené à Zurich fin mai,

deux jours avant l’élection du président de la Fédération internationale de football (FIFA). Jeudi 17 septembre, en fin de journée, la FIFA a annoncé que son secrétaire général était « re-levé de ses fonctions avec effet immédiat » et qu’elle allait saisir sa commission d’éthique, jamais à cours de travail, pour mener une « enquête officielle ».

Le bras droit de Joseph Blatter, président démissionnaire de la FIFA, n’a pu éviter, cette fois, le coup porté quelques heures plus tôt parun ancien footballeur israélien, Benny Alon. Reconverti comme « consultant » depuis le Mondial 1990, ce sexagénaire avait convié une quinzaine de journalistes américains et euro-péens à Zurich, où siègent les maîtres du foot-ball mondial. Flanqué de son avocat, Benny Alon bombarde sur un écran une sélection d’e-mails et autres contrats confidentiels com-promettants pour Jérôme Valcke.

Alon dénonce le monopole exercé, depuis laCoupe du monde 2002, par son ancien colla-

borateur Jaime Byrom, cadre de la compagnie International Sport Entertainment (ISE), sur le marché des billets avec hébergements. Tableau à l’appui, il montre que 8 400 places confiées à Byrom pour le Mondial 2006 en Allemagne ont disparu « sur le marché noir ». « La FIFA n’a rien fait pour les retrouver ou stop-per cela. » Rebaptisée Match Service, la compa-gnie de Byrom obtient, à partir du Mondial 2010, l’exclusivité sur le « business des billets, hébergement et transports ».

Marché noirAlors qu’il travaille désormais pour la société

suisse JB Sports Marketing (JBS), Alon alerte par e-mail, en mars 2010, Jérôme Valcke sur le dossier des places disparues en 2006. Un ren-dez-vous a lieu entre les deux hommes. Il débouche sur un contrat signé, en avril, entre JBS et la FIFA, autorisant la compagnie à ache-ter puis revendre des billets pour les Mon-diaux 2010, 2014 (8 750 tickets) et 2018. Pour le Mondial 2022, une clause stipule que JBS pourra vendre des places « seulement si les Etats-Unis sont désignés comme pays hôte ». « Le Mondial appartient déjà au Qatar », aurait alors soufflé, en juin 2010, Valcke à Alon, alors que le vote d’attribution n’est prévu que le

2 décembre. Il aurait réitéré ces propos en septembre, soit trois mois avant le scrutin qui débouchera sur la victoire de l’émirat.

L’ex-joueur israélien accuse également le numéro 2 de la FIFA d’avoir modifié, en 2013, ledit contrat. Cet accord lie désormais JBS à Byrom et concerne 11 032 places, lors du Mon-dial 2014 au Brésil, qu’Alon et sa compagnie « n’ont jamais reçues ». « Où sont-elles pas-sées ? », s’interroge-t-il. L’Anglais Ray Whelan, un collaborateur de Byrom, a été arrêté à Rio, durant le tournoi, dans le cadre du démantèle-ment d’un réseau de revente de billets au noir.

Proche de Michel Platini, candidat à la suc-cession de Blatter en février 2016, Alon accuse Valcke de lui avoir réclamé la moitié des pro-fits à venir (environ 2 millions de dollars, soit 1,75 million d’euros) sur les 2 400 places al-louées à JBS par la FIFA, qui concernent les « douze meilleurs matchs du tournoi » sélec-tionnés par la Fédération internationale.

Parmi les documents dévoilés par Alon figure un e-mail de Valcke envoyé en décem-bre 2013, dans lequel il admet : « Nous risquons tous des poursuites criminelles. » Jeudi, les avo-cats du Français, qui rêvait depuis huit ans de succéder à Blatter, ont dénoncé des accusa-tions « fabriquées et scandaleuses ». p

4C’est le nombre de villes qui, comme Paris, se sont portées candidates à l’organisation des Jeux olympiques 2024. Budapest, Hambourg, Rome et Los Angeles figurentdans la liste officielle dévoilée, mercredi 16 septembre, par le président du Comité international olympique Thomas Bach. Après ses échecs pour 1992, 2008 et 2012, la capitale française espère l’emporter cette fois. Le nom de l’heureux vainqueur sera dévoilé en septembre 2017 à Lima.

Samedi 19 septembreFootball (1) On chausse les crampons et on file tout de suite en Grande-Bretagne pour le choc que tout le monde entier attend. Quoi ? Du rugby ? Non, c’est de football qu’ils’agit. Dix-septièmes de Premier League, les Blues de Chel-sea auront à cœur de se refaire une petite santé face au grosmorceau Arsenal. Un clasico des plus classiques pour bien commencer le week-end. (13 h 35, Canal+ Sport.)Moto Ici, pas de risque de placage. Mais gare aux somno-lences. La Bol d’or, course mythique d’endurance, retrouve ses quartiers sur le circuit varois du Castellet. Top départ à 15 heures pour un finish vingt-quatre heures plus tard. Les thermos de café ne seront pas de trop pour les meilleurs pi-lotes du monde. (14 h 45, Eurosport.)Football (2) On ne peut pas vraiment dire que l’Espagne soit une terre d’Ovalie. La preuve, elle ne dispute pas la Coupe du monde. Mais elle se rattrape largement avec ses teams de football parmi lesquelles le Real Madrid. A Santiago-Bernabeu, Karim Benzema et James Robriguez vont tout faire pour étriller Grenade en Liga. Festival de buts annoncé. (15 h 55, BeIN Sports 1.)

Football (3) Là, c’estbien une terre d’Ovalie.Mais c’est dans le ma-niement du ballonrond qu’excelle le PSG.Le club parisien, leadersans partage de Ligue 1,devrait logiquementécraser les Rémois. Sien plus Blaise Matuidi(photo) parvient à effec-tuer une reprise de vo-lée magistrale, on estpreneurs. (17 h 30,Canal+.) (PHOTO : AFP)

Rugby La Coupe dumonde ? Quelle Coupedu monde ? Ah oui, onallait oublier. Pendantun mois et demi, laTerre ne sera plusronde mais ovale. Et

l’épicentre du séisme se situera en Grande-Bretagne. Pour son premier match dans le groupe D, la France affronte l’Italie dans le temple du rugby, à Twickenham. Sur le pa-pier, la Squadra Azzurra ne peut rivaliser avec nos Bleus. Mais attention aux excès de confiance. Avec les Tricolores,la désillusion n’est jamais loin. Et il serait fort regrettable d’essuyer une cravate d’entrée. (20 h 50, TF1.)

Dimanche 20Formule 1 Quel que soit le résultat de nos Français la veille en Angleterre, il faudra nous remettre de nos émo-tions. Pourquoi ne pas aller faire un tour du côté de Singapour, où se dispute la 13e manche du championnat dumonde ? (14 heures, Canal+.)Canoë-kayak Les courses de voitures, ça vous ennuie ? Laissez-vous bercer par les kayakistes, qui dévaleront le LeeValley White Water Centre de Londres pour décrocher un ti-tre de champion du monde de slalom. Les foules british étant accaparées par le rugby, vous ferez une bonne actionen soutenant les audiences des céistes qui s’annoncent en chute libre. (14 h 30, Eurosport.)Handball Il n’y a pas que le rugby dans la vie. Et il n’y a pas non plus que le foot. La Ligue des champions de hand-ball reprend ses droits ce week-end avec, dans le groupe B, un formidable Montpellier-Vardar Skopje. Les Français parviendront-ils à tenir leur rang face aux Macédoniens ? (16 h 55, BeIN Sports 2.)Basket Il n’y a pas que le rugby, le foot et le handball dansla vie, il y a aussi le basket. Terrassés par les Espagnols, les Bleus de Tony Parker regarderont leurs bourreaux disputersans eux la finale de l’Euro organisé en France. (19 heures, Canal+ Sport.)Football (1) Décidément, vous ne voulez entendre parlerque de foot ! Un petit coup de zappette sur BeIN devrait combler votre manque. Le FC Barcelone et sa pléiade d’ar-tistes tels que Messi, Suarez ou Neymar affrontent l’équipede Levante en Liga. Le club de Valence risque bien de sortirles joues rouges de cette confrontation à sens unique. (20 h 30, BeIN Sports 1.)Football (2) On termine par un clasico plus indécis. Qui de l’OM ou de l’OL sortira la tête basse ? Dans le ventre moudu classement de Ligue 1, les deux équipes devraient profi-ter de ce choc pour retrouver les sommets. Ça sent l’expli-cation. Autant que dans une mêlée. (Canal+, 21 heures.)

l ’ h i s t o i r e

Carton rouge pour le no 2 de la FIFA

F. BOUTEILLER

c h r o n i q u e

Jean-Jacques VanierComédien

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R É C I T | SPORT & FORME | Samedi 19 septembre 20150123 | 3

Et Parker s’est éteintb a s k e t | Deux ans après avoir conduit l’équipe de France au sommet, le meilleur joueur français de l’histoire

a traversé « son » Euro comme une ombre. La demi-finale contre l’Espagne a tourné au cauchemar

Tony Parker, jeudi 17 septembre, à Villeneuve-d’Ascq (Nord)

lors de la demi-finale de l’Euro face à l’Espagne.

EMMANUEL DUNAND/AFP

clément guillou

Villeneuve-d’Ascq (Nord), envoyé spécial

Le spot publicitaire a envahi lesécrans français depuis le débutde l’Euro. Thierry Henry, regard parla fenêtre, est au téléphone. Il de-mande à Tony Parker : « Alors, dis-moi, qu’est-ce qu’il te reste dans le

ventre ? Combien de temps tu peux encore continuer comme ça ? » Parker souffre, souffle,soumet son corps à trop d’efforts. Etirements, entraînement, bain de glace. Un journalisteaméricain l’interroge : « Tony, vous êtes fati-gué, blessé, ne devriez-vous pas vous reposer ? »Parker répond enfin à Henry, avant de remet-tre son casque audio : « Je ne le fais pas pourmoi. Je le fais pour la France. »

Ce ne pouvait être qu’une fiction. Qui pou-vait douter de Tony Parker, l’homme aux qua-tre titres NBA, meilleur joueur de l’Euro de basket en 2013, talisman de l’équipe de France depuis dix ans ? Qui pouvait penser qu’aprèsune saison ratée en NBA, la pire statistique-ment depuis sa saison de débutant, il ne re-viendrait pas comme la France l’avait presque toujours connu, en homme providentiel, ga-rant de la « culture de la gagne » ?

Las. Le spot publicitaire était prophétique etla question de la forme de Tony Parker a plané tout au long de cet Euro de basket organisé en France, dont les Bleus ont été éliminés jeudi 17 septembre, en demi-finales, par l’Espagne après prolongation (80-75). Ce n’était plus Thierry Henry qui s’enquérait de ce qui lui« restait dans le ventre », mais le grand public. La presse ne s’interrogeait qu’à voix basse. On émettait les premiers doutes comme onaurait susurré, par souci d’éviter le crime de lè-se-majesté : « Il paraît que le roi est mort…mais chut ! »

Pendant deux semaines, tout a pu s’expli-quer. Il inquiète au premier tour ? C’est nor-mal, Tony Parker est fait pour les matchs cou-perets. Il n’accélère plus ? C’est un diesel et lasemaine sans match avant le début de la com-pétition lui a coupé les jambes. Il est de mau-vaise humeur en zone mixte ? Rien à voir aveclui, c’est la prestation collective qui le fâche. Cinq points marqués en deux matches contre Israël et la Turquie ? Il focalise l’attention des

défenses, cela lui permet de décaler d’autres joueurs démarqués.

Mais il fallait se boucher les oreilles pour nepas entendre l’écho lointain des mots de Tony Parker en février, en pleine saison NBA : « Je nesuis plus le même depuis ma blessure [au mus-cle ischio-jambier, en décembre 2014]. J’ai tra-versé beaucoup de défis difficiles dans ma car-rière mais aujourd’hui, c’est le plus grand. »Pendant les play-offs avec les San AntonioSpurs (éliminés au premier tour de la confé-rence Ouest), Parker s’était à nouveau blessé, cette fois à un tendon d’Achille.

Avant l’Euro toutefois, nul message de pru-dence, nul soupçon de blessure. Tony Parker,

officiellement, était dans sa forme habituelle. Forcément, au moment opportun, il redevien-drait le guide du jeu français, le sauveur de la patrie. Comme toujours.

Lors de sa conférence de presse après la vic-toire contre la Turquie, dimanche 13 septem-bre, en huitièmes de finale, alors que sa pres-tation avait déçu, Tony Parker avait tenu à ras-surer la nation : « Il n’y a pas à s’inquiéter, tout va bien pour moi ! Je prends beaucoup de plai-sir, je n’essaye pas de mettre 30 points parmatch, je veux juste gagner l’Euro. » Son heure de briller viendrait : « Tout le monde aura son moment. Une compétition, c’est long. »

Ce moment n’est jamais arrivé. Il y eut biencette série de neuf points en une minute et de-mie à la fin de la première mi-temps contre la Lettonie, mardi 15 septembre. Un moment de folie, un éclair d’adresse dont les retombéesen décibels et articles furent à la hauteur du

soulagement. Elles éclipsaient pourtant unpremier quart-temps médiocre et une réus-site aux tirs indigne (29,4 %).

La demi-finale tant attendue contre l’Espa-gne, battue au même stade de la compétition il y a deux ans et terrassée en 2014 en quart definale de son Mondial à Madrid, aurait pu leressusciter. Le stade Pierre-Mauroy de Ville-neuve-d’Ascq, rempli jusqu’aux cintres de fansde « TP », n’attendait que ça, comme en té-moignaient les explosions de joie sur un ba-nal panier du numéro 9, et même un lancerfranc. Des « Tony ! Tony ! » dégringolaient des gradins après chaque glissade, chaque ballon qui s’échappe, chaque tir ouvert raté. La scène commençait à faire peine. Le quadruple cham-pion NBA était traité comme un joueur ama-teur qui mériterait tous les égards pour avoiraccepté de se frotter à des professionnels.

En défense, Tony Parker était mis au supplicepar Sergio Rodriguez, le barbu du Real Madrid,dernier d’une trop longue liste de meneurs aux jeunes guiboles ayant martyrisé ses can-nes de 33 ans. En attaque, il souffrait des mê-mes maux que durant sa saison américaine :manque de réussite au tir – un terrible 4/17 contre l’Espagne, 35,4 % sur l’ensemble du tournoi, lui qui s’est toujours donné pour ob-jectif de marquer un tir sur deux – et incapa-cité à attaquer le cercle grâce à son démarrage de dragster, l’arme principale de son jeu.

La prolongation de ce dernier match élimi-natoire de Tony Parker sur le sol français ?Un calvaire : deux lancers francs ratés, un tircontré. Hagard, yeux humides, Parker fait facemalgré tout aux micros incrédules, moment choisi par Felipe Reyes, l’expérimenté pivot espagnol qui avait juré de « faire fermer leursgueules » aux Français, pour hurler sa joie en traversant la zone mixte. On jurerait qu’il a crié d’autant plus fort qu’il a vu Parker en détresse.

C’est la guerre derrière la barrière, et lebrouillard dans le crâne du meneur français.Des réponses courtes, mécaniques, presqueincohérentes. Ce qu’on en a entendu : « C’est dur à avaler, là. Je ne sais pas ce qui nousa manqué, on va regarder la vidéo. » Et ce message : « On gagne ensemble et on perd en-semble ». Anticipe-t-il alors le feu nourri des critiques ?

Interrogé sur la prestation de son leader,l’entraîneur Vincent Collet patauge. Il faut mé-nager le leader de l’équipe, l’homme que l’on consulte sur le choix du groupe, le nom dusponsor ou l’emplacement de l’hôtel – on exa-gère à peine. « Je ne peux pas vous répondre… Ily a plein de facteurs, la défense des Espagnols, peut-être la fatigue en fin de match, la pression également. Il faut mesurer ce que représentaitcet Euro pour nous tous. Pour eux, c’était le point d’orgue de leur carrière, pour moi aussi. »

Tony Parker était revenu « pour la France ».Animé par un authentique amour du maillot bleu, il répète inlassablement qu’il a préféré devenir une star en France plutôt que dansson pays d’adoption. C’est là qu’il investit etc’est là aussi que sont ses nombreux partenai-res. Il cultive cette proximité avec les Français en acceptant de très nombreuses interviews pour la presse magazine, nationale, régionale, une disponibilité a priori incompatible avecson statut de star mondiale du sport. On l’a vu,à la sortie du luxueux hôtel de l’équipe deFrance à Lille, satisfaire à une interminable séance de selfies et d’autographes pendant que le chauffeur du bus attendait de fermer ses portes.

Son histoire avec l’équipe de France ne s’estpas terminée jeudi soir à Villeneuve-d’Ascq. Dimanche 20 septembre, avec le match pour la troisième place, elle peut s’enrichir d’une quatrième médaille européenne (après le bronze de 2005, l’argent de 2011 et l’or de 2013). Elle doit surtout s’achever, comme il l’a prévu, aux Jeux olympiques de Rio en 2016,si les Français s’extirpent d’un tournoi de qua-lification, en juillet, qui s’annonce difficile.

Tony Parker n’est évidemment pas fini. Il sesent prêt, il l’a dit au Monde le 3 septembre, à jouer encore six ans à San Antonio. Qu’iljouisse d’une saison sans blessure, et peut-être reviendra-t-il alors en Bleu avec son bas-ket de 2013 ou de 2011, celui qui a fait de lui le meilleur marqueur et passeur de l’histoire deschampionnats d’Europe. Quoi qu’il en soit, son Euro n’aura pas été inutile : par sa discré-tion, il a fait émerger Nando de Colo, 28 ans, entant que futur leader offensif de l’équipe deFrance ; par sa seule présence, il aura encorefait bondir le nombre de licenciés à la Fédéra-tion française de basket. p

Des « Tony ! Tony ! » dégringolaient des

gradins après chaque glissade, chaque ballon

qui s’échappe, chaque tir ouvert raté

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Au commencement était Rugbya u x o r i g i n e s d u r u g b y 1 | 7 | Un jour d’automne 1823, William Webb Ellis, lycéen rebelle

de la prestigieuse Rugby School, dans la petite ville anglaise de Rugby, prit le ballon de football dans ses bras et se mit à courir. Près de deux siècles plus tard, la légende reste implacable

bruno lesprit

Rugby (Royaume-Uni), envoyé spécial

Dans son musée durugby empli de tro-phées, ballons, mail-lots et autres reli-ques d’une valeurinestimable, PhilBlundell s’agace :« C’est toujours pa-

reil. Quand on apprend que je viens deRugby, on me demande : “Tiens donc, lesport a donné son nom à une ville ?” Jedois invariablement répéter que c’estl’inverse. » On ignore qui sont ces igna-res mais la correction devrait être su-perflue pendant les six semaines de la huitième édition de la Coupe dumonde, que l’Angleterre (et Cardiff, auPays de Galles) accueille à partir de ven-dredi 18 septembre.

Les futurs visiteurs néo-zélandais, aus-traliens, sud-africains, français ou nip-pons savent ce qu’il en est : Rugby, loca-lité de 70 000 âmes nichée dans le comtédu Warwickshire, est le berceau de leur passion. Le Sinaï où ont été gravées lesTables de la loi. L’œuf de l’Ovalie. Vingt-cinq mille fans ont déjà réservé leur vi-site, qui ne sera pas toujours une pre-mière. Phil Blundell jure que « des Sud-Américains sont venus pour embrasser la pelouse de l’école », où ce sport est né.

Une vingtaine de villes dans le mondese nomment Rugby. Mais aucune autre n’est lieu de pèlerinage. Se rendre ici, pourun mordu de rugby, équivaut à aller àClarksdale, Mississippi, pour un amou-reux du blues. Avec, dans les deux cas, un conte à dormir debout. Le mythe du

guitariste faustien Robert Johnson, qui aurait pactisé avec le diable à un carrefour,et William Webb Ellis, le lycéen rebelle qui aurait inventé un jeu un jour de l’automne 1823 sur le terrain de la presti-gieuse Rugby School. Une plaque y com-mémore l’« exploit de William Webb Ellis qui, avec un beau mépris pour les règles du football pratiquées à son époque, fut le pre-mier à prendre le ballon dans ses bras et à courir avec, en étant ainsi à l’origine des ca-ractéristiques distinctes du jeu de rugby ».

Rugby a l’avantage d’être idéalementsituée dans les Midlands, au centre d’un triangle formé par trois villes-hôtes, Bir-mingham, Leicester et Milton Keynes, dis-tantes de 60 km au maximum. Alors qu’elle ne reçoit aucune rencontre, la cité

a obtenu le royal privilège d’installer sur sa place du vieux marché une « fan-zone »festive, avec écran géant et concerts, qui devrait être furieusement houblonnée et maltée le 18 septembre, au coup d’envoi du match d’ouverture, Angleterre-Fidji, à Twickenham. Sur place, sous les bande-roles de bienvenue, règne encore le calme qui précède la tempête.

Directeur du Webb Ellis Rugby FootballMuseum, Phil Blundell n’hésite pas à af-firmer que « Rugby est le lieu immanqua-ble pour tout vrai fan de rugby, plus en-core que Twickenham », le temple londo-nien, pourtant flanqué du siège de la Rugby Football Union (la fédération an-glaise) et d’un World Rugby Museum. Il n’a pas forcément tort. L’ancienneté deTwickenham, inauguré en 1909, est déri-soire en comparaison de ce qu’offre Rugby. Ici, l’Histoire pèse plus lourd quetous les packs du royaume assemblés. Dela vitre du musée, on aperçoit les bâti-ments georgiens de la prestigieuse et an-tédiluvienne (1567) Rugby School.

Le Webb Ellis Rugby Football Museumest lui-même installé dans l’ancienneéchoppe du cordonnier de Mathews Street, un certain William Gilbert, per-vers inventeur, autour de 1835, du ballon ovale. Dans un premier temps, l’artisan se contentait d’approvisionner les élèves du college d’en face, de plus en plus nom-breux à pratiquer ce sport d’automne-hi-ver qui allait se répandre dans l’Empirebritannique. A sa mort en 1877, l’entre-prise produisait 2 800 sphères par an,gonflées par le fils, James, aux impres-sionnantes capacités pulmonaires.Gilbert est aujourd’hui leader du marché et fournisseur officiel de la Coupe du monde 2015.

Un des joyaux de la collection du mu-sée est le révolutionnaire ballon de 1851,présenté au Crystal Palace de Londres lors de l’Exposition universelle de 1851. Les traditionnelles vessies de porcavaient été remplacées par une chambre en caoutchouc, gonflée par une pompe. La géniale trouvaille était l’œuvre du voi-

sin de Gilbert, un maroquinier en haut-de-forme du nom de Richard Lindon, dont l’ancienne boutique est tenue dé-sormais par un coiffeur. Une telle con-centration de génies dans un si minus-cule périmètre laisse pantois.

Sans oublier, évidemment, celui qui adonné son nom au trophée qui sera remisà l’issue de la finale, samedi 18 octobre. William Webb Ellis, dont la statue avec chemise, gilet, jabot et ballon trône en face du musée. Le responsable du grand schisme d’avec le navrant football lors-qu’il s’empara du ballon avec les mains (ce qui était licite) mais pour s’échapperavec (ce qui était strictement prohibé). « C’est une histoire à la Robin des bois !,s’amuse le curateur Paul Jackson. Je pense qu’il s’est enfui tout simplement parce qu’ilpétait de trouille ! Webb Ellis était un joueur de cricket, déjà soupçonné de coupstordus, et il n’était pas à l’aise avec le foot-ball. Mais c’est une jolie légende. Comme avec le monstre du loch Ness, tout le monde a envie que ce soit vrai. »

Seule Rugby semble toujours accorderdu crédit à ce qui n’est que faribole pour les rationalistes du musée de Twicken-ham. Dès 1895, une enquête avait établi qu’il n’existait aucune preuve de la véra-cité de l’incident. La seule source provientd’un antiquaire local qui affirmait tenir l’histoire d’une tierce personne, évidem-ment anonyme. L’homme qui a vu l’homme qui a vu l’ours. L’affaire fut rap-portée en 1876 dans The Meteor, le journalde l’école, soit plus d’un demi-siècle après les faits supposés et quatre ans après lamort d’Ellis, qui n’a, de son côté, jamais rien revendiqué. Mais c’est la légende qui a été imprimée. Le mythe a été revivifié

« L’histoire des débuts du rugby

dans notre école, c’est un peu comme

l’Ancien Testament : cela contient

une parcelle de vérité »peter green

directeur de la Rugby School

Entraînement des élèves de la Rugby School,

le 10 septembre.PHOTOS : PHILIPP EBELING POUR « LE MONDE »

4 | 0123Samedi 19 septembre 2015 | SPORT & FORME | R E P O R T A G E

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par la première Coupe du monde en 1987 avec la création de la Coupe Webb-Ellis. Ladeuxième, en 1991, fut inaugurée par une édifiante reconstitution de la scène origi-nelle à la Rugby School.

A chacun son Will. A une trentaine dekilomètres, la deuxième ville duWarwickshire, Stratford-Upon-Avon, adonné au monde Shakespeare et le théâ-tre élisabéthain. Rugby, où coule aussil’Avon, Webb Ellis et le rugby. Que ce soit le sport, le ballon ou la Coupe du monde. D’une vitrine, Paul Jackson extrait la pre-mière Webb-Ellis Cup. Une curiosité, puisqu’elle récompensait au début des années 1970 le vainqueur du match an-nuel entre les British Lions (équipe com-posée des meilleurs joueurs des îles Bri-tanniques) et Menton. Menton ? C’est dans la commune des Alpes-Maritimes,au cimetière du Vieux-Château, qu’estenterré Webb Ellis, devenu par la suite unvicaire anglican. Sa tombe n’a été redé-couverte qu’en 1958, ce qui est tout de même bien tardif – et étrange – pour quelqu’un qui a changé à jamais les sports collectifs.

« L’histoire des débuts du rugby dansnotre école, c’est un peu comme l’Ancien Testament : cela contient une parcelle de vérité », sourit Peter Green, le directeur dela Rugby School. De fait, tout le monde, y compris les révisionnistes, s’accorde sur un point : le rugby est bien né dans cet établissement. Ce sont des « Rugbeians » qui ont pour la première fois rédigé les rè-gles en 1845, sans se préoccuper de la limitation des joueurs. « En 1839, raconte Rusty Maclean, le bibliothécaire et archi-viste de l’école, la reine Adelaïde [épouse de Guillaume IV] est venue visiter l’école eta assisté à un match. La partie, qui a duré de cinq à sept jours, a opposé une équipe de 75 joueurs à une autre de 225 ! » Ce qu’a vu la pauvre Saxonne devait davantage s’apparenter à de la soule primitive qu’à ce que propose l’actuel Premiership, lechampionnat de l’élite anglaise.

Ce sont encore d’anciens élèves qui ontfondé la RFU en 1871 et décidé que la sé-lection d’Angleterre porterait une tenue blanche sur le modèle de celle de Rugby. L’école a surtout rapidement fourni des missionnaires. « Le rugby football a com-mencé à se répandre dans le reste de l’An-gleterre dès les années 1830, puis dans lereste du monde dans les années 1840,grâce aux élèves et professeurs de Rugby School, explique Peter Green. Beaucoup d’entre eux sont allés dans d’autres éta-blissements et ils ont apporté avec eux les règles. L’évêque George Cotton en est unbon exemple. Il est passé par la Rugby School, puis a apporté le rugby au Marlbo-rough College [entre Londres et Bristol],dont il était le directeur. Ensuite, il est de-venu évêque de Calcutta, et a été le pre-mier à faire venir le rugby en Inde. » Avec le succès que l’on sait.

On relèvera que les gens de Rugby di-sent rarement « rugby ». « A l’école, nous continuons d’appeler ce sport football ou rugby football », précise Peter Green. L’autre, celui qui consiste à vulgairementutiliser ses pieds pour marquer un but,est désigné comme « association foot-ball » plutôt que comme « soccer », le vo-cable américain. Cette distinction a aussi l’avantage de ne pas confondre le sportavec la ville, et surtout l’école.

La Rugby School dispose, elle aussi, deson musée. On peut y admirer les pre-mières caps (casquettes en velours), offertes aux joueurs retenus dans l’équipe et dont le mot francisé (« cape »)est devenu synonyme de sélection. Ou la sinistre Death Cart noire, cette « charrettede la mort » qui permettait d’évacuer les blessés vers l’hôpital de l’école. Pendant laCoupe du monde, la Lewis Gallery pré-sente une exposition temporaire, « Pour-quoi appelle-t-on essai un essai ? », visant à démontrer que tout, à commencer par le lexique, a été inventé ici : mi-temps, li-gne des 22 mètres, hors-jeu, mêlée…

Pour les fans de rugby, Rugby seraitdonc un coin de paradis. Pour ceux d’Harry Potter aussi, et pas seulement parce que l’acteur Robert Hardy, qui in-terprète le ministre de la magie CorneliusFudge dans la saga cinématographique, est un ancien élève. Une fois franchi leportail surmonté de la devise « Orando laborando » (« par la prière et le travail »), ils pourraient avoir l’impression depénétrer à Poudlard. Après avoir longé la verte pelouse et ses poteaux de rugby (enguise de quidditch), croisé des élèves en uniforme, on tombe sur la façade néo-gothique de la chapelle avec ses gar-gouilles, en lieu de griffons. Il faut, à l’in-térieur, examiner les détails de l’orgue. Deux ballons cohabitent sur les hau-teurs, à côté des tuyaux. En contrebas,une statue en bois figure un joueur de rugby anonyme.

L’intérieur est dominé par un gisant,celui de Thomas Arnold, directeur plus vénéré que Dumbledore. En fonctions àpartir de 1828, il devint trente ans plustard héros de Tom Brown’s School Days, livre de Thomas Hughes situé à la Rugby School, considéré comme l’ancêtre du « roman de college », dont la lignées’étend jusqu’au sorcier de J. K. Rowling.Un de ses lecteurs fut Pierre de Couber-tin. Grand admirateur d’Arnold, le baron visita Rugby à plusieurs reprises dans les années 1880 et s’inspira des principeséducatifs pour le mouvement olympi-que. C’est pourquoi la flamme s’est arrê-tée à l’école en juillet 2012 lors des Jeux deLondres.

Au rayon des anciens élèves, l’école sedistingue. Elle compte un archevêque de Cantorbéry (Frederick Temple), un pre-mier ministre (Neville Chamberlain) et un trio de choc d’écrivains. C’est parmi eux qu’on trouvera le vrai insoumis de l’institution, plutôt que Webb Ellis.« Lewis Carroll détestait le sport, sansdoute la seule matière où il n’excellaitpas », informe Rusty Maclean. Et ne res-pectait aucunement le canon en vigueur du « Corpus sanus, spiritus sanus ». Lui succédèrent le poète des War Sonnets,Rupert Brooke, qui consacra quelques vers douloureux à la discipline (« Quand j’ai joué pour la première fois, j’ai failli mourir/Le Souvenir Amer me reste en tra-vers de la gorge/Ils ont formé une mêléeavec moi/Certains tapaient dans la balle,d’autres dans mes chevilles »), puis Salman Rushdie.

Parmi les sportifs, il faut relever ChrisBrasher, médaille d’or aux Jeux olympi-ques de 1956 au 3 000 mètres steeple, et surtout, avant lui, la première star du XV anglais, le capitaine et trois-quarts Ro-nald Poulton-Palmer, quatre fois vain-queur du Tournoi des cinq nations avant de tomber au champ d’honneur en Belgi-

que, en 1915. Lors du premier match in-ternational de l’histoire du rugby, unEcosse-Angleterre à Edimbourg en 1871, la moitié des 20 joueurs anglais prove-naient de la Rugby School. La dernière sé-lection nationale d’un diplômé remonte désormais à 2010 avec l’Ecossais Alex Grove, centre des Worcester Warriors.

C’est l’heure de l’entraînement sur TheClose. Là même où Webb Ellis aurait réa-lisé sa folle chevauchée fondatrice. « A son époque, précise Rusty Maclean, il yavait encore des moutons qui paissaientsur les pelouses. » Aujourd’hui, elles sont entretenues avec un soin maniaque parles jardiniers, qui passent la tondeusedeux fois par jour. Leurs prédécesseursn’ont malheureusement pas pu sauver le« chêne du roi », planté par Edouard VII en 1909. L’original a péri, victime des cœurs et graffitis taillés dans l’écorce.

Ce qui frappe d’emblée est l’absence defilles. Quarante ans après avoir été admi-ses, elles représentent 45 % des 800 étu-diants. Mais aucune ne pratique le rugby et rien ne semble fait pour y remédier. Lerugby à Rugby est resté un sport de gar-çons, fiers de l’héritage, mais pas au point d’être intimidés. « Ce sont plutôt leséquipes adverses qui sont à la fois impres-sionnées et motivées quand elles viennentjouer ici », observe le directeur des sports Simon Brown, poigne broyeuse et oreilles abîmées par les rucks.

Les joueurs préparent leur déplacementà la St Edward’s School d’Oxford, avant de recevoir le Clifton College de Bristol. Avec un nouveau capitaine de 17 ans, le Londo-nien Harry Sutherland. « Mon prédéces-

seur, Jack Gibbs, a rejoint l’académie des Bedford Blues [une équipe de deuxième division du centre de l’Angleterre] », expli-que-t-il. Le brillant élément ne cherche pourtant pas à suivre cet exemple. « Nousne décourageons pas les vocations, mais l’ambition ici n’est pas de devenir rugby-man professionnel, avise Peter Green. Ar-nold refusait une éducation unidimen-sionnelle : 80 % du temps est passé en classe, et non sur le terrain de rugby. »

Old Rugbeian, le centre Sam Pointonambitionne néanmoins la carrière. Il mise à la fois sur le rugby à XV, qu’il prati-que au sein de son université de Loughbo-rough, près de Leicester, et celui à VII avecles Oxfam Crusaders, une unité de l’élite basée dans le Norfolk. En tant que « sep-tiste », Pointon a participé aux champion-nats du monde universitaires. « Mon père était rugbyman et je joue depuis que j’ai 6 ans, témoigne-t-il. Je m’entraîne prati-quement tous les jours pour devenir pro. » Son rêve serait de porter le maillot des « quinzistes » de sa ville d’origine, les Nor-thampton Saints, vainqueurs de la Coupe d’Europe en 2010 et champions d’Angle-terre en 2014. Sans ignorer que depuis l’introduction du professionnalisme en 1995, seule une poignée d’anciens élè-ves ont pu vivre de l’Ovalie.

« Il y a beaucoup d’agitation en ce mo-ment autour de l’école, et les élèves atten-dent impatiemment la Coupe du monde »,constate Peter Green, sans s’en inquiéter. Les visites seront encadrées pendant l’événement. Il ne faudrait pas que lesvisiteurs perturbent une scolarité qui coûte tout de même 34 000 livres ster-ling (46 000 euros) par an, après une im-pitoyable procédure d’admission. « Le coût est élevé, convient Peter Green, mais 40 % des élèves bénéficient de bourses et 10 % sont exempts de droits d’inscrip-tion. » Peut-être auront-ils la chance,comme leurs devanciers, de voir débar-quer les All Blacks ?

Le professeur de géographie formulelui aussi un vœu pour la Rugby School,qui s’apprête à redevenir le centre del’Ovalie. « Il existait une tradition de dondes poteaux de Twickenham à Rugby à la fin de la saison », rappelle-t-il, comme un potlatch avec cette école qui a tant, sinontout, apporté. Et de communiquer cetterequête : « Ce serait magnifique que cesoit le cas après la finale. » p

Statue en bois d’un joueur

anonyme dans la chapelle de l’école.

Le Webb Ellis Rugby

Football Museum,

installé dans l’ancienne

échoppe du cordonnier

William Gilbert, qui inventa le

ballon ovale vers 1835.

A la Rugby School, les filles

représentent 45 % des

800 étudiants. Mais aucune ne

pratique le rugby.

Lors du premier match international

de l’histoire du rugby, un Ecosse-Angleterre à Edimbourg en 1871,

la moitié des vingt

joueurs anglais

provenaient

de la Rugby School

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propos recueillis par

adrien pécout

Demi-finaliste en 2007,finaliste en 2011 (et dési-gné cette année-làmeilleur joueur dumonde), Thierry Dusau-toir s’apprête à disputer

en Angleterre sa troisième Coupe du monde. Le troisième-ligne toulousain de 33 ans et son casque de protection ouvrent l’édition 2015 à Londres, samedi19 septembre, face à l’Italie. Dans legroupe, seuls trois autres internationaux français partagent une telle longévité : le talonneur Dimitri Szarzewski, le pilier Ni-colas Mas et l’ouvreur Frédéric Michalak.

Ce sera votre troisième – et vraisem-blablement dernière – participation en Coupe du monde. Quels objectifs l’équipe de France s’est-elle fixés pour cette compétition ?

Quand on s’engage à jouer la Coupedu monde, l’ambition, c’est de la ga-gner. Au vu de nos dernières perfor-mances, il faut le reconnaître, c’est unobjectif ambitieux. On a quand mêmeun bagage assez lourd au niveau de nosdéfaites [à peine 17 victoires en 40matchs depuis que Philippe Saint-André entraîne le XV de France]… Mais je nepense pas qu’on puisse entrer dans unecompétition comme celle-là avec unobjectif inférieur.

Entre 2007, 2011 et 2015, laquelle de ces trois éditions aura été pour vous la plus stressante à préparer ?

Celle de 2011. J’avais une nouvelle res-ponsabilité sur mes épaules, j’étais de-venu entre-temps capitaine de l’équipe[il a déjà porté le brassard à 52 reprises en 76 sélections]. Alors qu’en 2007, j’ai vécuma première Coupe du monde avec plus d’insouciance, j’avais été appelé à la fin, juste avant le rassemblement. Et, concer-nant celle de 2015, je dirais qu’aujour-d’hui j’ai plus de recul, j’ai une certaine expérience, je suis là pour rassurer mes coéquipiers plutôt que pour trop mestresser moi-même.

Quelle différence voyez-vous entre ces compétitions ?

Le rugby a évolué. Après la Coupe dumonde 2007 qu’on a jouée en France, il a pris une autre ampleur. J’ai senti que le public s’intéressait davantage au rugby, qu’il y avait plus de gens dans les tribu-nes. Avant, il n’y avait qu’un match parsemaine à la télé ; maintenant, on peuttous les voir. Beaucoup de jeunes joueursde l’équipe de France ont regardé ces matchs à la télévision. Ils ont été « nour-ris » aux matchs du Top 14 contrairementaux joueurs de ma génération. Il n’y a pas de conflit de générations, mais c’est vrai que les plus jeunes joueurs démar-rent dans un contexte différent.

En 2005, tout en gagnant le cham-pionnat de France avec Biarritz, vous obteniez un diplôme d’ingénieur au sein de l’Ecole nationale supérieure de physique et de chimie de Bor-deaux. Serait-ce encore imaginable ?

Oui, je pense. Mais, quand je me rap-pelle à quel point c’était dur pour moi, je me dis que ce doit l’être encore plus aujourd’hui et que ça supposerait énor-mément de volonté. Le rugby est vrai-ment un métier à part entière. Le rythmed’entraînement est beaucoup plus im-portant qu’à mes débuts, et les exigencesaussi. L’espace s’est réduit pour faire des études ou autre chose. Moi, j’ai encore eula possibilité de continuer des études. Peu de jeunes joueurs ont encore cettechance. C’est le revers de la médaille quant à l’évolution du rugby, et je trouve ça un peu regrettable : à certainsmoments, avoir exclusivement son esprit tourné vers le rugby, ça peut deve-nir contre-productif.

Vous préféreriez que les joueurs de rugby professionnels aient également un autre métier à côté ou poursuivent des études ?

Je ne dirais pas qu’il faudrait êtrepluriactif tous les jours de la semaine,mais, oui, il faudrait un espace pours’ouvrir l’esprit sur une autre activité. C’est un effort qui mérite d’être fait, carcette pluriactivité, cette ouverture surle monde faisaient autrefois la culturede notre sport.

Maintenant, on est un peu dans un co-con. Beaucoup de choses sont faitespour qu’on soit performants sur le ter-rain, on est aidés administrativement,on a des facilités. Pourtant, on ne serapas joueur de rugby toute la vie. Ongagne plutôt bien notre vie pendantnotre carrière, mais ce qu’on gagne nenous permettra pas d’éviter de tra-vailler après notre carrière. Tandisqu’un footballeur avec une carrièreéquivalente, s’il a envie de passer sontemps à la plage, il le fera. C’est la grandedifférence.

Il vous reste encore deux ans de contrat avec le Stade toulousain. Pensez-vous déjà à votre retraite sportive ?

Bien sûr ! Dans deux ans, si j’ai encorela gnaque, peut-être que je continuerai àjouer un peu à Toulouse ou que j’essaie-rai d’aller jouer à l’étranger – j’ai un temps pensé à aller au Japon. Mais entout cas, j’ai toujours été obnubilé par ceque je ferai après le rugby, le sport n’a ja-mais été une fin en soi. Je suis assez an-xieux à ce propos, c’est un truc quim’anime depuis très longtemps. Depuis2009, je suis l’associé d’une société à Nice, MS Innovations [développementd’applications et de sites pour téléphonesportables]. J’essaie d’utiliser mon carnetd’adresses pour trouver des clients. J’aiplus un rôle de commercial.

Sinon, début 2015, j’ai créé une sociétéde trois employés qui travaille dansl’import-export de fruits. Elle a son siègeà Toulouse, mais je travaille avec des Argentins. Pour moi, c’est un moyen de garder un pied sur chaque continent :

mon épouse vient d’Argentine, alors, j’y vais déjà deux fois par an en famille. Je ne sais pas encore dans quel pays je vi-vrai après ma carrière avec elle et mafille, mais je serais curieux de voir com-ment ça se passe là-bas au quotidien. Je trouve déjà les Argentins que j’ai croiséstrès chaleureux, hauts en couleur, ils cassent assez rapidement la distance duvouvoiement.

Rien de prévu en Côte d’Ivoire, le pays où vous êtes né et d’où votre mère est originaire ?

Mon grand-père avait créé une planta-tion de café et de cacao dans la ville deDivo. Ce sont des associés de la famillequi la gèrent aujourd’hui, mais avec ma sœur on a un œil dessus. La Côte d’Ivoireest aussi mon pays. J’y ai vécu jusqu’à l’âge de 10 ans, et je l’ai toujours considé-rée comme telle. Je suis moitié français,moitié ivoirien, je le porte sur moi. Maispour véritablement développer des pro-jets viables dans un pays, il faut s’y ren-dre régulièrement, il faut comprendrecomment le monde de l’entrepreneuriatmarche là-bas. Il y a plein de choses quej’aurais besoin d’apprendre avant de melancer.

Pourquoi cette attirance pour l’entrepreneuriat ?

Peut-être qu’un jour je serai dirigeantou entraîneur de rugby, je n’en sais rien, mais je pense que l’entrepreneuriat est une voie que j’aimerais beaucoup suivre. J’aimerais me prouver à moi-même queje suis capable de faire quelque chosed’autre que le rugby. C’est quelque chose qui me stimule.

Finalement, à quoi vous aura servi ce diplôme d’ingénieur depuis dix ans ?

Il m’a surtout aidé à structurer les cho-ses dans ma façon d’aborder les problè-mes. Malheureusement, je me souvienstrès peu des formules de thermodynami-que. Depuis le temps, je n’ai pas exercé, jene me suis pas entretenu. Je ne sais pas siça m’intéresserait de revenir là-dedans. Quand j’avais choisi de faire maths sup, je me disais : « Tu aimes le sport, tu es plutôt scientifique, ce serait sympa d’en-trer chez un équipementier pour faire des chaussures avec des nouveaux maté-riaux ou même des skis. »

Avez-vous également déjà songé à travailler pour un éditeur de bandes dessinées, l’une de vos grandes passions ?

J’aime lire mes bandes dessinées, maistout le travail derrière, toute la fabrica-tion, toute la promotion dans les salons,est-ce que je saurais le faire ? Je ne saispas, car là aussi, c’est un vrai métier. Enrugby, quand un spectateur vient voir un match, il ne va pas forcément s’ima-giner tout le travail et tout l’investisse-ment qu’il y peut y avoir derrière unmatch de quatre-vingts minutes. Ehbien je me dis que pour la BD, c’est peut-être pareil, on ne mesure pas le travailque ça demande réellement. p

Dates

1981 Naissance à Abidjan, enCôte d’Ivoire, le 18 novembre.

2005 Remporte avec Biarritz le premier de ses cinq titres de champion de France.

2006 Signe au Stade toulou-sain et honore sa première sélection avec les Bleus.

2009 Premier brassard de capitaine des Bleus.

2011 Battu par la Nouvelle-Zélande malgré son essai en finale de la Coupe du monde, il est désigné meilleur joueur de l’année.

2015 Dispute sa troisième Coupe du monde.

« Aujourd’hui,j’ai plus de recul,j’ai une certaine

expérience, je suis là

pour rassurer

mes coéquipiers

plutôt que pour trop

me stresser moi-même »

Thierry Dusautoir, lors du test-match contre l’Ecosse, le 5 septembre, au Stade de France.NOLWENN LE GOUIC/ICON SPORT

« Gagner la Coupe du monde est un objectif ambitieux »

Le capitaine du XV de France se confie au « Monde » avant le premier match des Bleus, face à l’Italie, samedi 19 septembre

Thierry Dusautoir

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Samedi 3 octobre à 21 h 00Fidji – Uruguay

Mardi 6 octobre à 21 h 00

Angleterre – UruguaySamedi 10 octobre à 21 h 00

Australie – Pays de Galles

Samedi 10 octobre à 17 h 45

Afrique du Sud – Japon

Samedi 19 septembre à 17 h 45

Samoa – Etats-Unis

Dimanche 20 septembre à 13 h 00

Ecosse – Japon

Mercredi 23 septembre à 15 h 30

Afrique du Sud – Samoa

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Vendredi 25 septembre à 17 h 45

Argentine – Géorgie

Jeudi 24 septembre à 21 h 00

Nouvelle-Zélande – Namibie

Dimanche 20 septembre à 17 h 45

Nouvelle-Zélande – Argentine

Samedi 19 septembre à 13 h 00

Tonga – Géorgie

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Italie – RoumanieMardi 6 octobre à 17 h 45

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TWICKENHAM

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Deuxième de la poule A

SAMEDI 17 OCTOBRE, 17 H 00

Premier de la poule C

Deuxième de la poule D

SAMEDI 17 OCTOBRE, 21 H 00

Premier de la poule D

Deuxième de la poule C

DIMANCHE 18 OCTOBRE, 14 H 00

Premier de la poule A

Deuxième de la poule B

DIMANCHE 18 OCTOBRE, 17 H 00

SAMEDI 24 OCTOBRE, 17 H 00

VENDREDI 30 OCTOBRE, 21 H 00

DIMANCHE 25 OCTOBRE, 17 H 00

PREMIÈRE DEMI-FINALE

FINALE

MATCH POUR LA 3E PLACE

SECONDE DEMI-FINALE

QUARTS DE FINALE DEMI-FINALES FINALE

31OCTOBRE

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17 H 00

AUSTRALIE

ANGLETERRE

PAYS DE GALLES

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LICENCIÉS6 069LA PLUS PETITE NATION

DE CETTE COUPE

DU MONDE

AFRIQUE DU SUD

SAMOA

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WILL SKELTON (148 KG)

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DE L’ÉQUIPE DE FRANCE,

2E JOUEUR LE PLUS LOURD

DE LA COMPÉTITION*

Six semaines de compétition

Vingt nations, treize stades, quarante-huit matchsLES HORAIRES INDIQUÉS CORRESPONDENT AUX RETRANSMISSIONS DES MATCHS EN FRANCE

PHASES DE POULESDU 18 SEPTEMBRE AU 31 OCTOBRE : HUIT QUALIFIÉS (LES DEUX PREMIERS DE CHAQUE POULE)

SOURCE : WWW.RUGBYWORLDCUP.COMINFOGRAPHIE : LE MONDE

OLYMPIC STADIUM

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adrien pécout

Bayonne (Pyrénées-Atlantiques), envoyé spécial

Al’heure du déjeuner, malgré un appé-tissant tartare de saumon, l’ancien pi-lier du XV de France Pascal Ondartssemble moins féroce que prévu. Aumilieu des années 2000, pour l’en-semble de son œuvre avec les Bleus

(1986-1991), les Britanniques du Sunday Times l’avaient classé parmi « les dix Français les plus ef-frayants » de l’histoire du rugby. Dans un sens, l’épi-thète aurait de quoi le flatter pour ce qu’elle suggère de crainte et de respect. L’intéressé hausse les épau-les. Sur le mode : il fallait bien plus qu’un simple goûtdu bourre-pif, en 1987, pour aller jusqu’en finale de la première édition de la Coupe du monde.

Au Loreak, l’hôtel-restaurant qu’il a repris àBayonne, l’ex-bagarreur du Biarritz olympique (BO) a accroché au mur des maillots d’adversaires. Devant son assiette, il se souvient en particulier de l’und’eux : « Je n’en ai jamais autant bavé de ma vie que pour mon premier match de Coupe du monde, à Christchurch [Nouvelle-Zélande]. En face de moi, j’avais l’Ecossais Iain Milne. Il avait cousu sa poche et avait foutu de la vaseline dessus. Impossible de s’y ac-crocher. Je glissais ! » Preuve irréfutable, selon le mal-heureux, que l’art de la mêlée relève aussi bien de la « technique » que du physique : « Oui, il faut être intel-ligent pour jouer pilier. »

La France conclura son tout premier match deCoupe du monde, le 23 mai 1987, sur un score de pa-rité (20-20). Un mois plus tard, Ondarts et ses coéqui-piers échoueront en finale face à des Néo-Zélandais qui avaient l’avantage de jouer à domicile (29-9). « On avait pris des congés pour partir plus d’un mois, on ne gagnait pas un rond [hormis un maigre défraiement chaque jour], se souvient-il aujourd’hui entre deux allées et venues vers le buffet de son trois-étoiles. Et pendant ce temps-là, en France, nos femmes tra-vaillaient et emmenaient nos gosses à l’école. Les miens avaient 5 et 9 ans. »

De cette époque lointaine où le rugby se concevaitencore comme un sport amateur, le « pilar » garde plus de bons souvenirs que de regrets. Et à l’en croire,il n’est pas le seul : « Plus de vingt ans après, en Nou-velle-Zélande, les gens se rappellent encore de nous.

Ça, ça vaut davantage que n’importe quelle prime de match qu’on aurait touchée ! Avec Jean-Pierre Garuet, on a remis les pieds là-bas en 2011 pour la dernière Coupe du monde, et tous les passants nous reconnais-saient. Je ne sais pas si un jour l’équipe de France d’aujourd’hui pourra en dire autant… »

Ces effluves du bon vieux temps poussent mêmecertains visiteurs jusqu’au comptoir du Loreak, à2 kilomètres du centre-ville de Bayonne, en sou-venir de troisièmes mi-temps parisiennes :« Aujourd’hui, des clients viennent spécialement pourme donner les amitiés d’une connaissance, ou bien ilsme disent : “Tu te rappelles, tu m’avais fait entrer auDuplex, au Crazy Horse, au Moulin-Rouge…” Moi, jene m’en souviens plus, mais ce mec, il ne l’a pas oublié ! » L’ancien première-ligne travaille avec sa fille et son fils. « Je n’ai pas de journée type, mais ce matin, par exemple, j’étais debout à 7 heures pour tondre la pelouse devant l’hôtel. Nous sommesouverts 24 heures sur 24. Ici, on est sur l’axe Bruxelles-Paris-Bayonne-Madrid-Portugal-Maroc, les gens s’ar-rêtent ici pour la soirée et repartent en général trèstôt dès le lendemain. »

« On a bossé comme des abrutis »Pascal Ondarts, lui, n’a jamais quitté son Pays

basque, ni son accent. Une région où, il y a encore deux décennies, le rugby n’était pas aussi largement répandu qu’on pourrait le penser. Prenons le cas de Méharin, son village natal : « Avant la Coupe dumonde 1991, Thierry Gilardi [journaliste sportif de Canal + mort en 2008] avait fait un sujet télé sur moi sans que je sache qu’il avait été à Méharin pour y in-terroger les gens de mon village. Certains ne savaient même pas que je jouais au rugby. Et encore moins que j’allais faire ma deuxième Coupe du monde et quej’avais quarante et quelques sélections. Chez nous, à la campagne, personne ne jouait au rugby. Dans les vil-lages, on jouait tous à la pelote à main nue. Même aujourd’hui, ça reste d’ailleurs mon sport préféré. Entre un bon match de rugby et une partie de pelote, jepréfère la partie de pelote. »

Adolescent, le jeune pelotari s’essaie aussi aux épreu-ves de force basque. « J’ai déjà soulevé plus de 270 kilos, mon record. Ou, sinon, porté une charrette en faisant quatre fois le tour du parcours. » Le reste du temps, le jeune hercule donne un coup de main dans l’exploita-tion familiale. « Nous, notre génération, on a bossé comme des abrutis. On travaillait tout le temps à la ferme, on bossait tous les jours. Il a fallu que je me mariepour savoir que le week-end on ne travaillait pas. » Et donc pour découvrir ce curieux sport qu’est le rugby.

A 20 ans, Pascal Ondarts travaille à Bayonnecomme forgeron. Faute de place, il prendra finale-ment sa licence chez le rival : le Basque demeurera fi-dèle aux couleurs rouge et blanc du Biarritz olympi-que pendant toute sa « carrière » de joueur de rugby

amateur. En 1992, le pilier droit perd encore une fois une finale. Cette fois, celle du championnat de France, face à Toulon (19-14) : au Parc des Princes, la soirée marque les adieux au rugby de Serge Blanco, son brillant coéquipier en club comme en sélection. Ondarts suivra un an plus tard.

A bientôt 60 ans, le Biarrot d’adoption continue defréquenter le parc des sports d’Aguiléra, le stade du BO. « On a pris un abonnement à une loge avec trois copains. Mais au coup de sifflet final, je suis déjà à la voiture, je suis déjà parti. » Façon taciturne de protes-ter contre l’invasion de l’argent dans le rugby : « Ce nesont plus des supporteurs qui partent au match, ce sont des clients. L’ambiance rugby est terminée dansles stades. Les gens viennent pour le business, ils n’y connaissent rien. » La professionnalisation du rugby,observable depuis 1995, a déjà déclenché un tsunami sur les rivages basques. Place forte du rugby français, le Pays basque a disparu de l’élite depuis les rétrogra-dations de Biarritz (2014) et de Bayonne (2015).

Pour autant, pas question de boycotter cette annéeles matchs de la huitième édition de la Coupe du monde, en Angleterre. Pascal Ondarts les regardera chez lui, à Anglet. Dans sa maison que ses amis ontfini de construire pour lui pendant qu’il disputait la première Coupe du monde de l’histoire : « Aujourd’hui encore, j’ai les poils qui se hérissent. Avant mon départ, je l’avais déjà construite aux trois quarts. Je suis rentré de Nouvelle-Zélande, j’avais les mecs devant la maison, et la maison qui était finie. Il n’y avait que le mur de clô-ture à finir. Ils ont payé de leur poche le matériel. »

L’ancien pilier suivra le Mondial 2015 avec d’autantplus de plaisir qu’il estime avoir récemment « sauvé[son] honneur ». Le 10 septembre, à une semaine duMondial, Ondarts a obtenu 16 000 euros de répara-tion pour diffamation. Tout comme son ancien coé-quipier Jean-Pierre Garuet (alias « Garuche », uneautre terreur des mêlées), il avait fait citer L’Equipe autribunal de Bayonne.

En février, le site Internet et l’édition papier dujournal s’étaient servi d’une photo d’eux pour illus-trer un article sur le livre Rugby à charges, une en-quête du journaliste Pierre Ballester sur le dopagedans le monde de l’Ovalie. Le cliché datait de la fa-meuse « bataille de Nantes » : en 1986, la Nouvelle-Zélande s’inclina lors de ce test-match contre desFrançais survoltés. Face à la hargne de Jean-Pierre Ondarts et de ses coéquipiers, le capitaine néo-zélandais quitta même la pelouse avec le scrotum dé-chiré. « C’est une histoire qui date de plus de vingt-huitans. Imagine-toi, on était amateurs, je suis parti avec ma voiture à Nantes, on ne m’a même pas payé desfrais de déplacement, et tu crois une seule seconde quej’aurais pris des cachets ? Non ! Je suis grand-père, jeveux que mes petits-enfants aient un bon souvenir de moi. Leur grand-père ne prenait pas de cachets pourcourir plus vite et pour pousser plus fort. » p

Pascal Ondarts a été vice-champion du monde en 1987 avec le XV de France.

L’ancien pilier tient désormais un hôtel-restaurant à Bayonne

« Avec Garuet, en 2011, en Nouvelle-

Zélande, tous les passants nous

reconnaissaient. Je ne sais pas

si l’équipe de France

d’aujourd’hui pourra en dire

autant… »

Pascal Ondarts dans son hôtel-restaurant, à Bayonne, en juillet. OLIVIER GACHEN POUR « LE MONDE »

La force basque

Dates

1956 Naissance à Méharin (Pyré-nées-Atlantiques), le 1er avril.

1976 Signe au Biarritz olympique.

1986 Honore sa première sélection chez les Bleus contre la Nouvelle-Zélande, à Nantes, le 15 novembre.

1987 Finaliste de la Coupe du mondeen Nouvelle-Zélande. Le XV de France est battu parles All Blacks (29-9).Réussit le Grand Chelem et remportele premier de ses trois Tournois des cinq nations.

1993 Arrête sa carrière.

2015 Obtient 16 000 euros de réparation pour diffamation de la part de L’Equipe.