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AU TEMPS

DU BOULANGISME

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D U M Ê M E A U T E U R

APERÇU HISTORIQUE SUR LE PARTI OUVRIER FRANÇAIS ( é p u i s é ) .

LE SOCIALISME EN FRANCE DEPUIS 1 8 7 1 ( E u g è n e F a s q u e l l e ) .

L E SYNDICALISME CONTEMPORAIN ( A l b i n M i c h e l ) .

D E LA SEMAINE SANGLANTE AU CONGRÈS DE MARSEILLE ( M a r -

c e l R i v i è r e ) .

LES GUESDISTES ( M a r c e l R i v i è r e ) .

L E SOCIALISME EN 1 9 1 2 ( M a r c e l R i v i è r e ) .

L E PARTI SOCIALISTE DE 1 9 0 4 A 1 9 2 3 ( M a r c e l R i v i è r e ) .

AUGUSTE BLANQUI ( M a r c e l R i v i è r e ) .

LA LÉGISLATION DES MINES EN ANGLETERRE ( G i a r d e t B r i è r e ) .

L'INDUSTRIE MINIÈRE DANS LE GRAND-DUCHÉ DU LUXEMBOURG

( é p u i s é ) .

LES MINES ET LA NATION ( é p u i s é ) .

HISTOIRE DE LA TROISIÈME RÉPUBLIQUE ( É d i t i o n s A n q u e t i l ) .

OMBRES ET SILHOUETTES ( É d i t i o n s A n q u e t i l ) .

L 'AFFAIRE PIERRE BONAPARTE ( L i b r a i r i e H a c h e t t e ) .

L A CHUTE DE LOUIS-PHILIPPE ( L i b r a i r i e H a c h e t t e ) .

P IERRE VAUX, INSTITUTEUR ET FORÇAT ( N o u v e l l e R e v u e c r i -

t i q u e ) .

LES PROCÈS LITTÉRAIRES AU X I X SIÈCLE ( P e r r i n ) .

E N P R É P A R A T I O N ;

L E SOCIALISME DE 1 8 4 8 .

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S O U S

LA TROISIÈME Collection publiée sous

la direction d 'ÉMILE BURÉ

ALEXANDRE ZÉVAÈS

AU T E M P S DU

B O U L A N G I S M E

LIBRAIRIE GALLIMARD

P A R I S

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Il a été tiré de cette édition CENT CINQ exemplaires vélin pur fil La fuma-Navarre dont soixante-quinze exemplaires numérotés de 1 à 75, et trente exemplaires hors commerce numérotés de I à xxx; et deux cent cin-

quante exemplaires sur papier alfa.

140

Tous droits de reproduction, de traduction et d 'adap- tation réservés pour tous les pays y compris la Russie.

Copyright by librairie Gallimard, 1930 .

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CHAPITRE PREMIER

LA FRANCE POLITIQUE ET SOCIALE EN 1885-1886

En 1886, un jeune général de quarante-huit ans devient ministre de la Guerre. Il a la tour- nure élégante et martiale, porte une belle barbe châtain clair, caracole sur un brillant cheval noir, passe à Longchamp la revue des troupes, défie Bismarck et l'Allemagne. En six mois, il devient populaire.

De 1887 à 1889, une agitation se développe à la manière d 'une bourrasque, entraînant une grande partie de la France, inquiétant terrible- ment les détenteurs du pouvoir, paraissant ap- pelée à pratiquer dans les écuries d'Augias un coup de balai formidable, puis finissant lamen- tablement dans l 'impuissance et la niaiserie.

Comment le général Boulanger a-t-il pu, en un temps si rapide, conquérir une popularité si étendue?

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Comment le mouvement boulangiste a-t-il pu se dérouler, deux ans durant, à travers la France entière ?

C'est ce que l 'on ne saurait s'expliquer si l 'on ne se rémémore la situation politique et sociale de la France et l'état des parti's en 1885-1886.

Quels étaient ces partis ? A droite, voici les partis de tradition et de

réaction : monarchistes des deux branches (la légitimiste et l'orléaniste) et bonapartistes. Ils ont marché d'accord au Seize-Mai contre la Ré- publique qui, quoique encore bien fragile, a triomphé de leur opposition. Ils ont été littéra- lement écrasés aux élections générales de 1881, où ils ont à peine conservé 90 sièges, tandis que les républicains en obtenaient 457. Mais les pié- tinements de l 'opportunisme qui n 'a su réaliser aucune réforme sociale essentielle ; l'instabilité gouvernementale qui s'est traduite, depuis six ans, par des crises ministérielles répétées et des cascades de cabinets (cabinets Freycinet en 1880, Jul es Ferry en 1881, Gambetta en 1881, Freyci- net en 1882, Duclerc en 1883, Fallières en 1883, Jules Ferry en 1884-1885, Henri Brisson en 1885) et a énervé l 'opinion ; le mécontentement engen- dré par l'expédition onéreuse et sanglante du Tonkin : tout cela favorise, le 4 octobre 1885, un hardi retour offensif des partis de droite : dès le premier tour de scrutin, 177 conserva- teurs sont élus, et seulement 129 républicains ; le total des suffrages réactionnaires, tombé à 1.780.000 quatre ans plus tôt, atteint 3.500.000.

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Au second tour, la gauche se ressaisit ; mais dans la nouvelle Chambre la droite compte 200 députés contre 372 républicains des diverses nuances. Les chefs de la droite se nomment : Paul de Cassagnac, Albert de Mun, Chesnelong, de Lamarzelle, de Lareinty, de Mackau.

Entre les légitimistes, orléanistes et bonapar- tistes, l'Église sert de lien, de trait d 'union. Contre la démocratie, le clergé n'est pas moins excité ni moins violent qu 'au Seize-Mai. Loin de savoir gré à la République de la modération relative et des ménagements de toutes sortes dont elle a fait preuve envers lui depuis les victoires républicaines incontestées de 1877 et de 1881, il ne songe qu'à lui reprocher, avec une aigreur toujours accrue, les quelques mesures qu'elle a cru devoir prendre contre son intolérance et ses empiétements. Il crie à la persécution et appelle ouvertement de ses vœux le régime, quel qu'il soit, qui, en attendant de lui rendre tous ses privilèges de jadis, fera d'abord table rase des « lois scélérates ». C'est de cette épithète — qui, depuis 1894, sert à qualifier avec plus d'exacti- tude les lois restrictives de la liberté de la presse — que ses orateurs et ses écrivains stigmatisent journellement les lois scolaires du 18 mars 1880 et du 21 mars 1882, si équitables et si bénigne- ment appliquées, la loi du 27 juillet 1884 réin- tégrant le divorce dans notre Droit civil et les mesures fiscales, si peu efficaces d'ailleurs, dont les Congrégations ont été l'objet en 1880 et 1884. Il pousse les hauts cris comme s'il n'existait

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plus en France ni une nonne ni un frère igno- rantin. Chaque jour aussi il lance l 'anathème au projet de loi sur le service militaire qui tend à astreindre à l ' impôt du sang les séminaristes au même titre que tous les Français. Que si, dans les rangs de l'Eglise, il se trouve de très rares prélats comme l'archevêque de Bordeaux, Guil- bert, qui ose se rallier au principe de la démo- cratie, ou comme l'archevêque de Tours, Mei- gnan, qui, dans son diocèse, refuse de s'inféoder aveuglément aux injonctions des congrégations, ils sont aussitôt traités par leurs collègues de l'épiscopat et par l ' immense majorité du clergé comme des brebis galeuses, comme des rené- gats.

A gauche, deux grandes fractions divisent le parti républicain : opportunistes, d 'un côté (Jules Ferry, Constans, Waldeck-Rousseau, Rouvier, Méline); radicaux, de l 'autre (Henri Brisson, Flo- quet, Clemenceau, Camille Pelletan, Tony Ré- villon). Leur conflit remonte au début même de la République, et l'élection de Barodet contre Rémusat en fut l 'un des épisodes les plus carac- téristiques. Il s'apaisa en 1876-1877 en raison des nécessités de la lutte et pour former un front unique contre l 'ennemi commun. Mais depuis 1881 où Sigismond Lacroix et Tony Révillon se dressèrent à Belleville et à Charonne contre Gambetta, il est devenu particulièrement aigu.

Les radicaux reprochent à l 'opportunisme ses procédés de despotisme gouvernemental et admi- nistratif : les ministres et parlementaires oppor-

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tunistes ont, sans vergogne, casé leurs parents, leurs amis et créatures dans tous les emplois, dans les sinécures les plus grassement rétribuées. De là, l ' importance que prennent à cette époque des questions, au fond secondaires, comme celle de la suppression des sous-préfets qui, tant au Sénat qu'à la Chambre, donne lieu à des débats répétés.

Les radicaux poursuivent encore la revision de la Constitution de 1875. Ils veulent la démo- cratiser, la mettre en harmonie complète avec la conception de la souveraineté du suffrage uni- versel : et il est bien certain que les républicains de l'Assemblée nationale de Versailles n'accep- tèrent la Constitution qu'avec regret, que con- traints et forcés par les circonstances, qu'en ma- nière de transaction et qu'ils prirent le ferme engagement de 'la modifier dès qu'ils seraient maîtres du pouvoir. Or, les opportunistes qui, jadis, avec Gambetta, acceptaient une revision limitée, ne veulent plus d'aucune revision.

Les radicaux réclament encore la séparation de l'Église et de l'État, destinée à assurer la liberté de conscience et le caractère laïque de la société moderne. Ils y insistent particulièrement au cours de la campagne électorale de 1885. Or, à la même heure, sur cette même question, que

d é c l a r e n t les opportunistes? Que déclare leur chef, Jules Ferry ? « Nous croyons — écrit ce dernier dans son programme électoral — que la réparation des Églises et de l'État, entendue dans le sens de la suppression du budget des Cultes

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et de l'abolition du Concordat, n'est point sou- haitée par le suffrage universel et qu'elle jette- rait le pays dans un trouble profond. »

Sur la politique coloniale à laquelle s'attache Ferry, sur l'expédition du Tonkin, opposition non moins formelle, non moins totale, des deux thèses. « Il ne faut pas oublier, déclare Ferry, que la France est la seconde puissance du monde ; la République doit veiller avec un soin jaloux à la conservation des moindres parcelles de sa puissance coloniale ; elle doit préparer des terrains nouveaux à l'activité, au travail des gé- nérations futures. » Et Clemenceau et les radi- caux de répondre que la politique coloniale n'est qu'une diversion aux réformes fiscales et sociales réclamées par la démocratie, qu'elle dis- perse, alors qu'on en pourrait avoir besoin en Europe, les ressources d'argent et les forces mi- litaires de la France : « Nous ne sommes pas une île comme l'Angleterre, dit Clemenceau, nous ne pouvons pas nous lancer au delà des mers, certains que nous serons défendus, quoi qu'il arrive, par notre ceinture argentée, comme on dit là-bas. Nous ne sommes pas entourés par des montagnes et la mer, comme l'Espagne. Nous sommes placés au milieu de l'Europe ci- vilisée ; nous ne serons forts que si nous conser- vons tous les moyens dont nous pouvons dis- poser. »

Et à cette argumentation théorique, les radi- caux ne manquent pas, dans leurs polémiques de presse, d'ajouter un rapprochement entre les

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concessions minières du Tonkin accordées à un Bavier-Chauffour et le cousinage de celui-ci avec Jules Ferry.

A la gauche des radicaux, à la gauche des radicaux-socialistes dont Clemenceau est le lea- der et des intransigeants dont Rochefort est l'or- gane, se placent les socialistes qui, depuis ci'nq ou six ans, se constituent en parti de classe dis- tinct. Ils ont un théoricien et un organisateur incomparable avec Jules Guesde, deux journa- listes de race avec Jules Vallès et Lissagaray, des militants et des propagandistes résolus avec Paul Lafargue et Gabriel Deville, Vaillant et Eudes, Joffrin et Allemane, Benoît Malon et Auguste Chirac. Les élections de 1885 en ont fait entrer au Palais-Bourbon une dizaine parmi lesquels Antide Boyer, Clovis Hugues, Planteau, Numa Gilly, le communiste Camélinat, ancien direc- teur de la Monnaie sous la Commune, et Basly, le mineur révolutionnaire d'Anzin.

Mais ils sont une minorité trop infime pour jouer un rôle parlementaire efficace et, au len- demain des élections de 1885, toute la lutte se déroule entre opportunistes et radicaux, arrivés à la Chambre en nombre à peu près égal, mais séparés par un large fossé de jalousies et de haines personnelles et se paralysant mutuelle- ment. La droite, qui compte un groupe compact de 200 députés, profite tout naturellement de cette division et devient la maîtresse des scru- tins : suivant que ses bulletins se portent d 'un côté ou de l'autre, elle assure le succès momen-

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tané soit du groupe opportuniste, soit du groupe

radical, et empêche toute réforme, toute action suivie.

C'est l'impuissance, dans le chaos des querelles personnelles, des ambitions rivales, des divisions stériles. Que ce soient les Jules Ferry et les Cons- tans qui détiennent le pouvoir, que ce soient les Brisson et les Goblet, c'est le même piétinement sur place.

Et voici que, dans la nation, grandit de jour en jour le discrédit des assemblées qui bavardent beaucoup et qui besognent peu.

Voici que, progressivement, la crise parlemen- taire se mue en crise antiparlementaire.

Telle est la situation politique. Quelle est la situation sociale ? La classe ouvrière est mécontente. La Répu-

blique, dont elle a été la première dans le pays à embrasser la cause, était pour elle synonyme de progrès social, d'affranchissement. Or, quelles réformes sont venues ? La législation protec- trice du travail est tellement embryonnaire qu'on peut, dans la pratique, la considérer comme inexistante. La moyenne de la journée de tra- vail est de onze à douze heures dans des ateliers et des usines où aucune prescription d'hygiène et de sécurité n'est en vigueur. La moyenne des salaires est : pour les ouvriers, de 5 à 6 francs à Paris, de 3 fr. 50 en province ; pour les ouvrières, de 2 à 3 francs à Paris, de 1 fr. 64 à 2 fr. 14 en province. L'ouvrier mi- neur, pour une journée de dix heures, a, d'après

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la statistique officielle de l ' industrie minérale, un salaire moyen de 3 fr. 79. De sauvegarde contre les accidents, il n 'en est pas question.

Ah ! il y a bien, depuis le 21 mai 1884, la loi sur les syndicats. Mais elle impose aux syndiqués de telles formalités et de telles déclarations, elle les place si bien sous le contrôle administratif, que les congrès ouvriers et socialistes de Rennes (1884) et de Lyon (1886) la dénoncent comme une loi de police et que Guesde la qualifie de « nouvelle loi Chapelier ».

Et là où, surmontant leurs défiances, les ou- vriers tentent de se grouper conformément à la loi, ils voient leurs syndicats brisés par les pa- trons, ils se voient eux-mêmes menacés de ren- voi et congédiés s'ils persistent dans leur essai d'organisation.

Au cours de l'enquête parlementaire de 1884 sur la grève d'Anzin, M. Guary, directeur des Mines, déclare : « Jamais je n'ai vu la nécessité des Chambres syndicales. »

A la suite de la grève, sur 31 sections locales que compte le syndicat des mineurs du Nord, 23 sont détruites par la Compagnie; 114 ouvriers, membres des bureaux des sections syndicales, sont congédiés. A Aniche, les ingénieurs passent dans les galeries, avertissant les ouvriers qu'il faut opter : abandonner le syndicat ou quitter la mine.

Cette persécution est telle que, quand la délé- gation parlementaire se rend dans les centres houillers du Nord, les ouvriers n'osent pas

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venir déposer. A Anzin, certains mineurs s'ap- prochent de la mairie ; puis ils ont peur de se présenter et se retirent. A Denain, la délégation visite les corons : elle est invitée à ne pas cher- cher à pénétrer dans les maisons des ouvriers et, pour ne pas nuire à ceux-ci, elle doit déférer à cette invitation. A Anzin, M. Guary demande à la délégation de s'abstenir d'interroger les mi- neurs en dehors de la présence des ingénieurs.

S'étonnera-t-on que les ouvriers soient dans l'impossibilité de briguer les fonctions munici- pales ? M. Guary ayant, au cours de sa déposi- tion, parlé d ' un ancien ouvrier nommé Marcy et ayant ajouté « qu'il avait été élu conseiller municipal sur la liste opposée à celle de la Com- pagnie », Clemenceau, président de la déléga- tion, lui demande « si la Compagnie a une liste qu'elle combat et une liste qu'elle soutient », et M. Guary de répondre : « La question se pose ainsil dans les élections. »

Dans une interview publiée à l'époque par le journal Le Matin, M. le duc d'Audiffred-Pas- quier, président du Conseil d'administration de la Compagnie d'Anzin, ne conteste point la pres- sion politique exercée par elle : « La raison du renvoi de 140 ouvriers, répond-il, est des plus sérieuses. En moins d 'un an, nos ouvriers ont été convoqués à 19 meetings. Nous ne pouvons plus longtemps tolérer ces meetings, réunions exclusivement politiques, où, sous le prétexte que la Compagnie est administrée par des hommes qui! ne cachent pas leurs opinions mo-

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narchistes, on encourage les ouvriers à la ré- volte. »

Ces préoccupations politiques des Compagnies se doublent de préoccupations religieuses. A Anzin, à Thiers, à Saint-Vaast, à la Sentinelle, à Courrières, elles font construire des églises, entretiennent des écoles congréganistes, fondent des ouvroirs placés sous la direction des sœurs de Saint-Vincent-de-Paul. Nul ne peut être ad- mis au travail des mines s'il ne prouve qu'il a fait sa première communion.

De la région du Nord, passons en Saône-et- Loire ; c'est à M. Chagot, gérant de la Compa- gnie des Mines de Blanzy, que nous donnons la parole. Voici un fragment caractéristique de sa déposition en Cour d'assises, lors du procès qui suivit les troubles de Montceau-les-Mines :

« M. CHAGOT. — J 'ai toujours voulu empêcher des démonstrations politiques contre la religion parce que je les considère comme une sorte de manifestation contre mes convictions person- nelles. Si les ouvriers ou employés veulent faire des manifestations, ils n 'ont qu 'à me quitter. Je ne vois pas que ce soit une tyrannie.

« D. — Au Bois-Duverne, n 'y a-t-il pas eu, récemment, des manifestations ?

« R. — A la suite d 'un enterrement on a été inconvenant pour le desservant. Une douzaine d'ouvriers ont été renvoyés. Mais sur les instan- ces mêmes du desservant, la plupart ont été re- pris. Il n 'y a eu que quatre renvois définitifs. Mais ma conduite s'explique très bien : je le ré-

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pète, tant que je serai là, je ne tolérerai: ni une manifestation antireligieuse, ni une manifesta- tion antisociale. J 'ai des sentiments religieux. »

Dans le Gard, à Bessèges, aux élections de 1885, Fournière et ses amis socialistes obtiennent la majorité des suffrages. Immédiatement, la Compagnie des Mines frappe d'interdit tous les petits commerçants qu'elle soupçonne de n'avoir pas voté pour ses candidats. Suite matérielle : la ruine totale pour les logeurs et fournisseurs républicains et socialistes.

En présence de tels faits, comment s'étonner de la multiplicité des grèves ? Nous rappelons les plus retentissantes : Commentry (1881), Bessèges et la Grand'Combe (1882), Roanne (1882), Anzin (1884), Dourges (1885), Drocourt (1886).

Comment s'étonner aussi si la propagande so- cialiste commence à porter ses fruits ? Dans le Nord, dans la Seine, dans l'Allier, dans la Loire, dans le Rhône, les premières fédérations du Parti ouvrier sont en voie d'organisation.

Dans les campagnes sévit une crise agricole qui durera quelque dix ans. La petite propriété est bien moins qu'on ne le croit la règle générale. « A la noblesse territoriale — écrivent R. Meyer et G. Ardant, les auteurs catholiques de La Question agraire — a succédé la bourgeoi- sie foncière. La première n'était investie que du dominium directum, la seconde jouit aussi du dominium utile. D'ailleurs, aux biens des nobles celle-ci a ajouté une grande partie des terres de mainmorte, et depuis un siècle elle a encore ar-

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rondi sa possession de nombreux champs ache- tés aux paysans. En l'absence de statistique, on peut constater ce dernier fait par de nombreuses observations particulières. Ainsi la grande pro- priété occupe aujourd'hui une surface plus grande qu'il y a cent ans, et le droit de ceux qui la détiennent a un caractère plus absolu et plus tranché qu'il ne l 'a eu depuis l 'époque ro- m a i n e »

Toubeau, dans son Impôt métrique, et Fer- nand Maurice, dans son journal La Terre aux Paysans, nous donnent le tableau suivant des terres n'appartenant pas à ceux quil les mettent en valeur :

Bois, forêts, landes, marais, terrains en friche, pacages, pâ- turages 16 mil l ions d 'hec tares

Terres cultivées par des mé- tayers 4 — —

Terres cultivées par des fer- miers locataires 12 — —

49.000 propriétés de plus de 100 hectares cultivées par des salariés 12 —

Maisons et bât iments , ver- gers, pépinières, jardins . . . . . . 1 — —

Soit un total de 45 millions d'hectares à dé- falquer de 49 millions. Restent donc pour les petits propriétaires 4 millions d'hectares. La

1. R. MEYER et G. ARDANT, La Question agraire, Etude sur l'Histoire politique de la petite Propriété (Rétaux-Bray, édit., Paris, 1887). p. 9.

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p a r t d e s p e t i t s p r o p r i é t a i r e s c u l t i v a n t e u x - m ê m e s es t d o n c d e m o i n s d ' u n d o u z i è m e .

E n o u t r e , n o m b r e d e c u l t i v a t e u r s o n t é té , de-

p u i s q u e l q u e s a n n é e s , v i c t i m e s d e s m a l v e r s a - t i o n s f i n a n c i è r e s . I ls s o n t r é d u i t s à v e n d r e . C e t t e

v e n t e p r é c i p i t é e d e l e u r s d o m a i n e s d é t e r m i n e

u n e b r u s q u e d i m i n u t i o n d e s p r i x de l a t e r r e e t

d e s p r o d u i t s d e l a t e r r e e t c e t t e d é p r é c i a t i o n es t

e n c o r e a g g r a v é e p a r l a c o n c u r r e n c e é t r a n g è r e ,

p a r l a p é n é t r a t i o n s u r le m a r c h é e u r o p é e n d e s

p a y s n e u f s p r o d u i s a n t à m e i l l e u r c o m p t e q u e n o u s .

L a d é p o p u l a t i o n des c a m p a g n e s q u i a c o m -

m e n c é d e p u i s u n d e m i - s i è c l e , se c o n t i n u e a v e c

u n r y t h m e b r u s q u e m e n t a c c é l é r é .

D a n s les v i l l e s , l e p e t i t c o m m e r c e s o u f f r e de

l a c o n c u r r e n c e d e s g r a n d s m a g a s i n s q u i , d e p u i s

q u e l q u e s a n n é e s , v o n t se d é v e l o p p a n t . N o m b r e

de m a g a s i n s m o y e n s , d o n t c e r t a i n s p o r t a i e n t d e s n o m s c o n n u s — Le C o i n d e R u e , Le P a u v r e

D i a b l e , Les D e u x M a g o t s , La V i l l e d e P a r i s , Les Vi l l e s d e F r a n c e , Le G r a n d C o n d é , Le P r o p h è t e ,

La D a m e B l a n c h e , La T e n t a t i o n , Le G r a n d S a i n t -

L o u i s , e tc . — d i s p a r a i s s e n t à c e t t e é p o q u e . E t d a n s s o n B o n h e u r des D a m e s , p a r u e n 1883 ,

Z o l a p e u t d é p e i n d r e les s o u r c e s d u f l e u v e d ' o r

q u e r o u l e n t les g r a n d s m a g a s i n s e t m o n t r e r l a

p e t i t e b o u t i q u e d u t e m p s j a d i s m i n é e j u s q u ' à s a u t e r p a r c e t t e c o n c u r r e n c e i n é v i t a b l e , q u i é c r a s e s o u s ses r u i n e s des f a m i l l e s e n t i è r e s p a r m i l l i e r s . . .

A i n s i , b a l l o t t é p a r d e s p h é n o m è n e s é c o n o m i -

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q u e s d o n t il es t l e j o u e t e t d o n t l e c a r a c t è r e t r a -

g i q u e e t i m p é r i e u x l u i é c h a p p e , l e p e t i t c o m -

m e r ç a n t n e s a i t à q u e l s a i n t se v o u e r , h é s i t e e n t r e l a r é a c t i o n e t l e r a d i c a l i s m e , t a n t ô t se

r a l l i e a u x p a r t i s d e c o n s e r v a t i o n s o c i a l e q u i le

p r o t è g e r o n t c o n t r e u n e i n s é c u r i t é q u ' i l a t t r i b u e

à l a f o r m e r é p u b l i c a i n e , t a n t ô t se j o i n t à l a c l a s s e

o u v r i è r e q u i e s c o m p t e les r é f o r m e s p r o m i s e s p a r

l a p h r a s é o l o g i e r a d i c a l e . E n f i n , d a n s s o n e n s e m b l e , l a c l a s s e m o y e n n e

s u b i t l e c o n t r e - c o u p d e s v a s t e s f l i b u s t e r i e s f i n a n -

c i è r e s , d e s g r a n d e s o p é r a t i o n s d ' a g i o t a g e e t d e

s p é c u l a t i o n q u i e x e r c e n t s u r t o u t l e m a r c h é l e u r

a c t i o n d é v a s t a t r i c e e t q u i , d ' a i l l e u r s , n ' e n s o n t

q u ' à l e u r d é b u t : k r a c h d e l ' U n i o n g é n é r a l e , p r é - c u r s e u r d e c e l u i d u P a n a m a . A g i o t a g e s u r les

cafés et s u r les b l é s , d e v e n u s d e s v a l e u r s d e j e u .

A c c a p a r e m e n t d u n i c k e l . A c c a p a r e m e n t d e s

c u i v r e s , q u e , d ' u n e p l u m e a l e r t e , l e d o c t e p r o -

f e s s e u r d ' é c o n o m i e p o l i t i q u e a u C o l l è g e de

F r a n c e , P a u l L e r o y - B e a u l i e u , q u a l i f i e , d a n s Le

J o u r n a l d e s D é b a t s , « d ' h e u r e u s e r a z z i a . . . q u i

s e r a c o m p e n s é e p a r l a r u i n e d ' u n t r è s g r a n d

n o m b r e de n i g a u d s . » E n r é s u m é :

U n e c l a s s e o u v r i è r e m é c o n t e n t e p a r c e q u e s a

s i t u a t i o n es t p r é c a i r e , p a r c e q u ' a u c u n e d e s r é - f o r m e s d é m o c r a t i q u e s , é c o n o m i q u e s e t s o c i a l e s ,

a n n o n c é e s d e p u i s l a f o n d a t i o n d e l a R é p u b l i q u e ,

n ' e s t e n c o r e r é a l i s é e e t q u e c h a q u e a f f i r m a t i o n

r é p u b l i c a i n e se t r a d u i t , p o u r e l le , p a r u n e n o u - v e l l e d é s i l l u s i o n ;

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U n e p a y s a n n e r i e i r r i t é e p a r l a c r i s e q u i s é v i t s u r l a p r o p r i é t é e t l es p r o d u i t s a g r i c o l e s ;

U n e c l a s s e m o y e n n e , u n e p e t i t e b o u r g e o i s i e , v i c t i m e à l a fo is d e l a c e n t r a l i s a t i o n f i n a n c i è r e

q u i t e n d à d e v e n i r l a l o i d u p r o c e s s u s s o c i a l e t

des e s c r o q u e r i e s d e la H a u t e - B a n q u e ;

U n m a l a i s e p o l i t i q u e e t é c o n o m i q u e d e p l u s e n p l u s é t e n d u :

T e l l e est , e n d é p i t d e l ' o p t i m i s m e h a b i t u e l d e s

h a r a n g u e s g o u v e r n e m e n t a l e s , l a s i t u a t i o n g é n é - r a l e d e l a F r a n c e e n 1 8 8 5 - 1 8 8 6 .

La r é a c t i o n e t l e c l e r g é q u i n ' o n t p a s d é s a r m é

e t q u i o n t c o n n u , a u 4 o c t o b r e 1885, u n r e g a i n

d ' e s p é r a n c e , a t t e n d e n t so i t l e c o u p d ' É t a t d ' u n n o u v e a u C é s a r , s o i t u n e r e s t a u r a t i o n m o n a r - c h i s t e .

Les r a d i c a u x — e t a v e c e u x l ' i m m e n s e m a j o -

r i t é d u p r o l é t a r i a t — e s c o m p t e n t l ' a v è n e m e n t de C l e m e n c e a u .

U n e p o i g n é e d ' o u v r i e r s i n d u s t r i e l s q u i , à l a l u e u r d e l a d o c t r i n e , c o m b a t t e n t t o u t e n s e m b l e

l a r é p u b l i q u e o p p o r t u n i s t e e t l a s o c i é t é c a p i t a - l i s t e , a f f i r m e n t l e u r i d é a l s o c i a l i s t e r é v o l u t i o n - n a i r e .

S e u l s , g r o s p a t r o n s , b o u r g e o i s n a n t i s , p a r l e - m e n t a i r e s g a v é s , f i n a n c i e r s o p u l e n t s , f o n c t i o n -

n a i r e s d o c i l e s , q u i c o n s t i t u e n t l e p e r s o n n e l d e

l ' o p p o r t u n i s m e , p r o c l a m e n t l e u r s a t i s f a c t i o n e t

s ' é p a n o u i s s e n t i n s o l e m m e n t s o u s u n r é g i m e q u i l e u r a s s u r e des d i v i d e n d e s , des s i n é c u r e s , d e s

p l a c e s et des d é c o r a t i o n s . P o u r e u x , t o u t es t p o u r

le m i e u x d a n s le m e i l l e u r d e s m o n d e s e t d a n s l a

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p l u s f e r r y s t e d e s r é p u b l i q u e s . E t i l s r é p è t e n t vo-

l o n t i e r s a v e c J u l e s F e r r y q u e « le p é r i l e s t à

g a u c h e » Q u i v i e n d r a d e m a i n ?

Q u ' a d v i e n d r a - t - i l ?

1. Cette phrase prononcée, au Havre, par Ferry dans son dis- cours du 14 octobre 1883, a été démen t i e quelquefois par ses amis et elle ne figure pas dans le texte officiel du discours. Mais elle a été relevée par tous les j o u r n a u x de l 'époque qui avaient envoyé des rédacteurs au banquet . Freycinet, d ' au t re part, « s 'en r appor t an t à certains audi teurs », déclare qu 'e l le a bien été prononcée (Souvenirs, Tome II, p. 264). Enfin, elle ne fait que condenser vis iblement la pensée expr imée par cette phrase, qui, elle, n 'est pas contestée : « Quelle condui te faut-il ten i r en présence de ces tendances (d 'extrême-gauche) qui const i tuent assurément pour la Républ ique un péril, et, j 'ose dire, le plus grand, le seul péril du momen t , car le péril monarch ique n 'existe plus? » A quoi Henri Brisson ré- pliquait, en sep tembre 1886, au banque t des vendanges de Bourgogne : « Non, il n 'y a pas de péril à gauche, parce que nul de ce côté ne compte su r une au t re vertu, s u r une autre force que la force de la propagande et de la libre discussion.. . »

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C H A P I T R E I I

LE GÉNÉRAL BOULANGER MINISTRE DE LA G U E R R E

4 - 1 8 o c t o b r e 1 8 8 5 : é l e c t i o n s l é g i s l a t i v e s g é -

n é r a l e s ;

2 8 d é c e m b r e 1 8 8 5 : r é é l e c t i o n d e J u l e s G r é v y

p r é s i d e n t d e l a R é p u b l i q u e ; 2 9 d é c e m b r e 1 8 8 5 : d é m i s s i o n d u m i n i s t è r e

H e n r i B r i s s o n ;

7 j a n v i e r 1 8 8 6 : f o r m a t i o n d u m i n i s t è r e F r e y - c i n e t .

C e m i n i s t è r e c o m p r e n d :

CHARLES DE FREYCINET, p r é s i d e n t d u Conse i l e t Af fa i r e s é t r a n g è r e s ;

DEMÔLE, J u s t i c e ; SARRIEN, I n t é r i e u r ; RENÉ GOBLET, I n s t r u c t i o n p u b l i q u e et C u l t e s ; SADI-CARNOT, F i n a n c e s ; BAIHAUT, T r a v a u x p u b l i c s ; EDOUARD LOCKROY, C o m m e r c e et I n d u s t r i e ;

DEVELLE, A g r i c u l t u r e ; GRANET, P o s t e s e t T é l é g r a p h e s ; GÉNÉRAL BOULANGER, G u e r r e ;

A m i r a l AUBE, M a r i n e .

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A u p o i n t d e v u e d e l a c o m p o s i t i o n p o l i t i q u e ,

l e s m o d é r é s s o n t r e p r é s e n t é s d a n s l e c a b i n e t p a r

B a ï h a u t , D e m ô l e , D e v e l l e e t S a d i - C a r n o t . L e

p a r t i r a d i c a l y c o m p t e q u a t r e d e s s i e n s : G o b l e t ,

G r a n e t , L o c k r o y e t S a r r i e n , e t C a m i l l e P e l l e t a n

p e u t é c r i r e d a n s L a J u s t i c e : « L ' i n t r o d u c t i o n d e s

r a d i c a u x d a n s u n g o u v e r n e m e n t d e c o n c i l i a t i o n

e s t u n é v é n e m e n t r e m a r q u a b l e . P o u r l a p r e m i è r e

f o i s , l ' e x t r ê m e - g a u c h e e n t r e d a n s u n c a b i n e t . »

Q u a n t à F r e y c i n e t , i l d é f i n i t a i n s i s a c o n c e p -

t i o n p e r s o n n e l l e d e l a p o l i t i q u e r é p u b l i c a i n e : « L e r a d i c a l i s m e c o n s i s t e à a l l e r a u f o n d d e s

c h o s e s , à l a r a c i n e d e s p r o b l è m e s , p o u r l e s r é -

s o u d r e i n t é g r a l e m e n t e t n e l a i s s e r s u b s i s t e r a u -

c u n g e r m e d e d i f f i c u l t é u l t é r i e u r e . M a i s l ' h o m m e

p o l i t i q u e , c e l u i q u i v e u t v r a i m e n t a b o u t i r , p r o -

p o r t i o n n e s o n a c t i o n à l ' é t a t d u m i l i e u . I l a v a n c e

t o u j o u r s , n e p e r d j a m a i s d e v u e s o n b u t , m o d é -

r a n t s a m a r c h e d ' a p r è s l e s c i r c o n s t a n c e s e t s a -

c h a n t a u b e s o i n a t t e n d r e l ' h e u r e p r o p i c e p o u r

r é a l i s e r u n n o u v e a u p r o g r è s » A u t r e m e n t d i t ,

p o u r t r a d u i r e e n l a n g a g e r é a l i s t e c e t t e p h r a s é o -

l o g i e , F r e y c i n e t s e s i t u e à é g a l e d i s t a n c e d e s o p -

p o r t u n i s t e s e t d e s r a d i c a u x : e t d u r a n t t o u t e s a

l o n g u e c a r r i è r e , i l s ' e f f o r c e r a d e c o m b i n e r , s o u s l e

n o m d e c o n c e n t r a t i o n r é p u b l i c a i n e , d e s a v a n t e s

m i x t u r e s d ' o p p o r t u n i s m e e t d e r a d i c a l i s m e .

L e p o r t e f e u i l l e d e l a G u e r r e , o n l ' a v u , e s t

c o n f i é a u g é n é r a l B o u l a n g e r . Q u e l l e s s o n t s e s

o r i g i n e s ?

1. C. DE FREYCINET, Souvenirs, t ome I p. 287.

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B o u l a n g e r ( G e o r g e s - E r n e s t - J e a n - M a r i e ) e s t n é

l e 2 0 a v r i l 1 8 3 7 à R e n n e s , o ù s o n p è r e é t a i t a v o u é

e t f u t , s o u s l ' E m p i r e , p e r s é c u t é e n r a i s o n d e s e s

o p i n i o n s r é p u b l i c a i l n e s . A p r è s a v o i r f a i t s e s

é t u d e s a u l y c é e d e N a n t e s , o ù i l e s t l e c a m a r a d e

d e G e o r g e s C l e m e n c e a u , i l e n t r e , e n 1 8 5 5 , à

l ' E c o l e m i l i t a i r e d e S a i n t - C y r . A s a s o r t i e , i l e s t

n o m m é s o u s - l i e u t e n a n t a u 1 r é g i m e n t d e t i r a i l -

l e u r s a l g é r i e n s , p a r t i c i p e à l a c a m p a g n e d e K a -

b y l i e , p u i s à l a g u e r r e d ' I t a l i e a u c o u r s d e l a -

q u e l l e i l e s t b l e s s é g r i è v e m e n t e t r e ç o i t l a L é g i o n

d ' h o n n e u r . P r o m u l i e u t e n a n t e n 1 8 6 0 , i l e s t e n -

v o y é e n C h i n e , n o m m é c a p i t a i n e e n 1 8 6 2 , e t e s t

i n s t r u c t e u r à S a i n t - C y r l o r s q u e é c l a t e l a g u e r r e

f r a n c o - a l l e m a n d e . I l p r e n d p a r t à s e s d i v e r s e s

o p é r a t i o n s , d e v i e n t l i e u t e n a n t - c o l o n e l e t o f f i c i e r

d e l a L é g i o n d ' h o n n e u r . I l e s t d e c e u x q u i c o l l a -

b o r e n t à l a r é p r e s s i o n d e l a C o m m u n e e t r e ç o i t l a c r a v a t e d e c o m m a n d e u r L e v o i c i s u c c e s s i v e -

m e n t c o l o n e l e n 1 8 7 4 s o u s l e s o r d r e s d u d u c

d ' A u m a l e , g é n é r a l d e b r i g a d e e n 1 8 8 0 , d i r e c t e u r

d e l ' i n f a n t e r i e a u m i n i s t è r e d e l a G u e r r e e n 1 8 8 2 ,

g é n é r a l d e d i v i s i o n e n 1 8 8 4 , c o m m a n d a n t d e s

t r o u p e s d ' o c c u p a t i o n e n T u n i s i e , o ù i l s e s i g n a l e

p a r u n r e t e n t i s s a n t c o n f l i t a v e c l e r é s i d e n t g é n é - r a l C a m b o n .

D a n s s e s S o u v e n i r s , F r e y c i n e t r a c o n t e c o m -

1. « Madame Boulanger a reçu u n e lettre de son mari (tu te rappelles le gentil officier de turcos) qui lui donne de bonnes nouvelles de l ' a rmée de Versailles. » (Une famille pendant la guerre et la Commune, lettres publiées par André Delaroche- Vernet ; Plon. édit. ; 1912 ; p. 231.)

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ACHEVÉ D'IMPRIMER

LE 17 SEPTEMBRE 1930

PAR EMMANUEL GREVIN

A LAGNY - SUR - MARNE

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