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Le concours poetiques de la universite D'Athenes.Doctorat d'etat a l'Universite de Paris IV

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LES CONCOURS POÉTIQUES DE L'UNIVERSITÉ D'ATHÈNES

1 8 5 1 - 1 8 7 7

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COMITÉ DES ARCHIVES HISTORIQUES DE LA JEUNESSE GRECQUE

S p y r o s A s d r a c h a s , P h i l i p p e I l i o u

T r i a n t a f y l l o s S c l a v e n i t i s , Yanni s Y i a n n o u l o p o u l o s

© S E C R É T A R I A T G É N É R A L À L A J E U N E S S E 417 rue Acharnon, Athènes 113 43

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PANAYOTIS MOULLAS

LES CONCOURS POETIQUES DE L'UNIVERSITÉ D'ATHENES

1 8 5 1 - 1 8 7 7

ARCHIVES HISTORIQUES DE LA JEUNESSE GRECQUE SECRÉTARIAT GÉNÉRAL À LA JEUNESSE

22 ATHÈNES 1989

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A Miranda, souvenir de neiges d'antan

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PRÉFACE

Ce livre a plus de douze ans. Fruit de longues recherches, effectuées pour la plupart en France pendant la dictature des colonels, il fut présenté le 24 avril 1976, comme doctorat d'État à V Université de Paris IV - Sor-bonne (mention «très honorable» à l'unanimité). Je cite les membres du jury: P. Bompaire (président), C. Th. Dimaras (rapporteur), N. Svoronos, R. Jouanny et L. Coutelle.

Pourquoi cette publication si tardive? Il est vrai que l'occasion d'une édition en français ne s'était pas présentée jusqu'à ce jour. Or, ayant écrit ce livre en français je tenais, avant tout, à ce qu'il fût publié dans sa forme originale. Une publication en grec (toujours envisageable, par ailleurs) ne supposerait-elle pas, en réalité, une version nouvelle refaite de fond en comble dans des conditions entièrement différentes?

C'est pourquoi je me félicite de pouvoir aujourdΗui, grâce au Comi-té des Archives Historiques de la Jeunesse Grecque, présenter mon doctorat tel qu'il fut soutenu en 1976. Je n'en corrige pas le texte ni n'apporte d'ad-ditions. Comme je prépare actuellement une édition des 25 Jugements (Κρίσεις) publiés par les jurys universitaires athéniens pendant la période 1851-1877, j'aurai l'occasion bientôt, j'espère, de revenir sur les concours poétiques pour une mise à jour essentielle. Entre-temps, je suis convaincu que ce livre remplira sa fonction : celle d'être à la fois un inventaire et un commentaire, en d'autres termes un instrument de travail sur les milieux littéraires grecs durant une partie décisive du XIXe siècle.

Thessalonique, le 12 janvier 1989 P. M.

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I

En 1851, au moment où commencent les concours poétiques univer-sitaires, Athènes, capitale du Royaume de Grèce depuis 16 ans, n'est qu'un bourg d'environ 25.000 habitants; la population du Pirée, selon le recensement de la même année, dépasse à peine les 5.000 habitants, celle de l'Etat entier n'atteint pas le million. L'industrie est presque inexistante; depuis vingt ans le nouveau Royaume semble vivoter de l'agriculture et du commerce, accablé de dettes, dans la stagnation et le sous-développement.

Il n'en suscite pas moins un intérêt particulier. Les voyageurs étrangers, quand ils daignent jeter un coup d'œil attentif sur la réalité grecque contemporaine (ce qui n'est pas toujours le cas), ne cachent ni leur déception ni, très souvent, leur condescendance. Gustave Flau-bert, comme jadis Chateaubriand, obsédé par la «recherche des images» et les minutieuses descriptions de la nature, trouve à peine le temps de regarder la reine Amélie à cheval ou de rendre visite («Vrai bourgeois ! visite triste!») à Canaris1. Son ami et compagnon de route, Maxime Du Camp, a le regard plus aigu: «La gloire de la Grèce est ailleurs que dans l'imitation d'un passé qui fut splendide, mais qui n'a plus sa raison d'être. C'est en regardant en avant et non pas en arrière, que les Grecs trouveront la voie glorieuse qui doit les conduire à des grandeurs égales, mais non pas semblables, à celles de leur histoire»2. Vers la même époque, Edmond About est méprisant: «Les Grecs sont convaincus que si l'on monte au sommet du Taygète le 1er juillet, on aperçoit Constantinople à l'horizon. Ces pauvres gens voient partout Constanti-nople»3. Ou bien: «Depuis qu'on les a délivrés ils se figurent qu'ils se sont délivrés eux-mêmes»4. Ou encore: «La littérature originale se compose

1. G. Flaubert, Voyage en Orient, dans Oeuvres Complètes , t. II, Le Seuil 1964, p. 667.

2. Maxime Du Camp, Les Grecs modernes, Paris 1856, p. 31. 3. Edmond About, La Grèce contemporaine, Paris 1854, p. 31. 4. Ibid., p. 79.

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de quelques tragédies enflées, de quelques odes emphatiques et de quelques histoires de la guerre de l'indépendance. Je ne parle pas des livres de théologie... Les seuls chants originaux étaient les chants clephtiques, et la source en est tarie. La Grèce, telle qu'on la voit au-jourdΗui, est un pays de prose»1.

Certes, critiquer est plus facile que comprendre. Mais quel est le sens d'une critique sans compréhension? Le voyageur étranger peut être optimiste ou pessimiste, selon ses sentiments et ses humeurs. La Grèce, pour lui, n'est qu'un objet d'observation, plus ou moins intéressant, sur lequel il formulera, de l'extérieur et en spectateur, un certain nombre dΗypothèses ou de présages; ni les mécanismes internes, ni les causes profondes ne lui sont facilement accessibles. Du Camp, par exemple, voit une «imitation du passé» là où le Grec con-temporain, sujet de lΗistoire, voyait une «reconstitution», voire une «renaissance». About parle de «pays de prose», au moment précis où, par une ironie du sort, la Grèce devenait en quelque sorte le pays de poésie par excellence; l'initiative de Rallis (1850) transformait le discours poétique, naguère libre échange de communications confuses, en institution officielle, centralisée. Or, tout le problème est là: si, plutôt qu'un fait esthétique, cette poésie, institutionnalisée par les concours universitaires, remplit pendant 25 ans un rôle social de premier ordre, il faut non seulement définir sa nature, mais aussi fixer ses liens avec la structure globale qui la rendit possible et pertinente. En d'autres mots, si l'imaginaire est conditionné par le réel, on ne peut ni aborder le premier sans le second, ni se borner à la simple étude d'une production littéraire qui, pauvre sur le plan esthétique, n'a d'intérêt que dans la mesure où elle contribue à la connaisance d'une certaine réalité his-torique et sociale.

I I

Par poésie, le plus souvent, on n'entend que le résultat d'un acte individuel. Une telle conception est aisément compréhensible: on tra-vaille avec les concepts de son temps, on ne peut facilement faire ab-straction d'une poésie individualiste qui est, en même temps, une poé-sie individuelle. Par ailleurs, dΗomère à nos jours, les grands poètes, s'appropriant l'attention générale, finirent par imposer une opinion peu contestée: la poésie apparaît comme une fonction sacro-sainte et

1. Ibid., pp. 262 - 263.

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magique, un domaine interdit au profane et réservé à des individus doués de façon quasi exceptionnelle.

Il est certain que de tels préjugés, valorisant le plus souvent une qualité absolue et a-historique, mènent à une impasse. Car, comment définir la poésie par ses résultats «esthétiques» sans tourner le dos à lΗistoire et à ses choix fondamentaux? Si la production en vers de la période 1851 - 1877 en Grèce n'est, dans sa plus grande partie, qu'un verbiage plus ou moins prosaïque, elle n'en reste pas moins histori-quement déterminée par un ensemble de facteurs qui la conditionnent de façon décisive; la qualité n'existant pas en soi, c'est son insertion dans la quantité qui lui donne forme.

Aussi le poétique ne peut-il être identifié à l'individuel ou au col-lectif, les chemins de lΗistoire étant beaucoup plus tortueux que l'on n'imagine. Car, si la poésie est, tout d'abord, une forme de discours, n'oublions pas que celui-ci peut avoir un ou plusieurs sens; qu'il y a des époques (et nous pensons à la chanson populaire) où ce discours peut très bien être impersonnel ou trans-individuel sans rien perdre de son essence «poétique», comme il y en a d'autres (et c'est le cas des concours universitaires) où la production en vers, effectuée par de larges couches d'amateurs revêt, malgré son individualisation, un carac-tère singulièrement collectif dans le cadre d'une expression socialisée.

Le problème essentiel est donc celui-ci: pour quelle raison, à un moment donné, une société choisit-elle cette forme de discours plutôt qu'une autre? Ce qui, au fond, signifie: quel est le rôle du poète dans l'ensemble des déterminations sociales de son époque?

A vrai dire, le poète romantique, pour qui voudrait en tracer le portrait, ne manque pas de traits particuliers. Rhéteur, politicien, patriote et barde national, il insère son discours dans le langage idéo-logique de son pays et de son temps. Entre la vie et l'œuvre c'est une espèce d'équilibre qui est établie. Nous avons toujours affaire, malgré les différences secondaires, à un modèle fondamental; Byron compense son œuvre par son sacrifice à Missolonghi; Béranger ou Barthélémy con-çoivent la poésie comme une forme d'activité politique; Lamartine ou Hugo passent facilement du poétique au politique, de l'imaginaire au réel, de l'écriture à l'action. «Ecrire» est toujours synonyme de l'«écrire pour», voire de l'«écrire au nom de». On peut se révolter, se plaindre, même pleurnicher, à volonté; on ne se détache pas pour autant de la collectivité, on vit sa solitude en commun. En Grèce, aussi, le poète romantique remplit une fonction sociale de premier ordre; honoré par son public, il en façonne les aspirations tout en les exprimant; édito-

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éditorialiste d'occasion, il ne manque pas de commenter l'actualité la plus brûlante; son rôle n'exclut ni la décharge psychologique ni la mani-pulation politique.

Mais si la politique, par définition, contient une praxis et si le décalage entre la parole et l'action est plus ou moins certain, comment expliquer cette identification du dire et du faire? Comment se fait-il que le rôle politique soit assumé (sinon exclusivement, tout au moins en grande partie) par le poète, le manipulateur des mots, l'évadé de la réalité par excellence? Y a-t-il un rapport entre le discours poético-idéologique et le besoin collectif d'évasion? Accomplit-on dans l'imagi-naire ce qu'on ne peut accomplir dans le réel?

Nous touchons le fond du problème. Pendant le premier demi-siècle de sa vie libre (1830-1880 environ), la société grecque, dans son ensemble, ne semble pas se soustraire à une contradiction fondamentale: obligée de marcher à toute allure pour rattraper son retard, elle doit faire face à des obstacles insurmontables. Dès sa naissance, le nouvel Etat est tronqué, la plus grande partie de la nation grecque se trouvant hors de ses frontières. Ajoutons à cela le rôle néfaste des Grandes Puis-sances, les forces productives peu développées, les structures économiques retardataires, la fluidité des classes sociales et, notamment, l'absence de classe dirigeante locale aux objectifs bien définis 1. Ainsi, entre les besoins et leur satisfaction, le fossé se creuse-t-il profondément; les vrais conflits, ne trouvant pas encore leur dimension sociale, sont rem-placés par de faux conflits; la combativité sans objet se transforme en agressivité. Dans ces conditions, il n'est pas difficile d'expliquer, en grande partie, cette hypertrophie idéologique par l'impossibilité d'une praxis réelle: le verbe vient s'identifier à l'acte au moment précisément où ce dernier, dénué de sens, ne présente pas de portée historique. Il en résulte le divorce entre le mots et les choses. Car, ni le romantisme enflé ni la langue puriste — deux formes de ce divorce — n'auraient connu un tel développement, si les conditions sociales, éliminant tous les véritables contacts avec la réalité, n'avaient pas érigé en système l'abstraction. C'est ainsi que le poète romantique grec a une véritable fonction à remplir dans une société qui, entravée par des obstacles

1. Il est significatif que, en 1859, J. Pitzipios, pessimiste sur l'avenir, attribuait le «recul» grec au fait que les gros commerçants, les notables (προύχοντες) du pays, se trouvaient à l'étranger: Υπόμνημα περί της ενεστώσης καταστάσεως και του μέλλον-τος της ελληνικής φυλής ω προσετέθη και η Βουλή του Θεού, Paris 1859, p. 25.

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bien déterminés, n'en éprouve pas moins un besoin d'auto-affirmation et d'auto-définition:

Ο αγών δεν επεράνθη μη δεχθήτε ήθη ξένα,

écrit Zalocostas. On agit dans le cadre de la parole. On s'asphyxie. On a besoin de remèdes ou, à défaut, de drogues.

III

Remède ou drogue, la Grande Idée constitue une sorte de structure plus large, capable d'encadrer, sinon d'expliquer, une série de phéno-mènes culturels. Sa phase dynamique pourrait être cernée par deux dates caractéristiques: 1844-18971. Naturellement, beaucoup de questions restent encore à éclaircir2. Un jour nous apprendrons, peut-être, les circonstances précises dans lesquelles le chef du parti «français» lança sa «Grande Idée», ou dans quelle mesure un tel mot d'ordre serait dû, ainsi que Philimon le prétendit, «non à Colettis mais à la France»3. Ce qui importe, c'est de ne pas perdre de vue, surtout au moment de son apparition, l'importance d'un élément si dynamique, sur lequel re-posera, d'une façon ou d'une autre, presque tout l'édifice idéologique du XIXe siècle.

Lancée par Colettis au cours du débat parlementaire sur les «auto-chtones» et les «hétérochtones» (j anvier 1844), la Grande Idée se dé-

1. Les rebondissements ou les développements de la Grande Idée au vingtième siècle correspondent à une situation différente. Une idéologie, système de représenta-tions collectives, peut très bien survivre à la nécessité qui l 'a créée, ou revêtir le caractère d'une nécessité nouvelle. L'essentiel est de cerner chaque fois son domaine, sa portée historique.

2. D.A. Zakynthinos, Η πολιτική Ιστορία της Νεωτέρας Ελλάδος, Athènes 1965s, p. 48; voir surtout p. 47 sq, où la bibliographie principale. Nous ajoutons, comme contributions certaines, les récentes études de C. Th. Dimaras: Κωνσταντίνος Παπαρ-ρηγόπουλος, Ιστορία του Ελληνικού Έθνους [Η πρώτη μορφή: 1853], Athènes 1970, Introduction, p. 10 sq; «Της μεγάλης ταύτης ιδέας» (Σχεδίασμα φιλολογικό), Athènes 1970 [Extrait de la revue Ιατρολογοτεχνική Στέγη, Printemps 1970, pp. 35-41] et «L'élan vers l'unité nationale dans le romantisme grec», [Extrait de Serta Slavica in memoriam Aloisii Schmaus, Munich 1971, pp. 120-126],

3. Journal Αιών, 10 août 1847, cité par C. Th. Dimaras, «Της μεγάλης ταύτης ιδέας», p. 19.

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finit, tout d'abord, dans l'espace: refuser de faire le choix entre Grecs libres et Grecs asservis, c'est déjà poser le problème de l'irrédentisme, en d'autres mots élaborer une politique d'unité nationale. Il en résulte la définition dans le temps: à cette unité nationale revendiquée doit s'associer celle, homologue, de lΗellénisme à travers les siècles. Certes, il ne faut pas sous-estimer la convergence de causes multiples. La doc-trine de Fallmerayer (1830), lΗypersensibilité du Nouvel Etat, l'élan nationaliste et la poussée romantique, d'autres causes encore, ne sont pas pour rien dans la recherche de l'«unité». Mais cette recherche ne devient systématique qu'à partir du moment où la Grande Idée offre aussi bien sa haute caution qu'un cadre idéologique approprié. C. Papar-rigopoulos, contempteur de Byzance en 1843, insiste sur l'unité à la fin de 1844, alors que le discours de Colettis (14 janvier 1844) avait déjà tracé la ligne à suivre1; de même, en 1852 Sp. Zambélios réhabilite Byzance et se sert du terme «helléno-chrétien»2; l'année suivante St. Coumanoudis, bien que peu suspect de sympathies byzantines, n'en parle pas moins, lui aussi, en termes d'unité. Ainsi ne faudrait-il pas considérer la démarche de P. Soutsos (Νέα Σχολή, 1853) comme une re-chute dans l'archaïsme traditionnel, alors qu'elle n'est pas moins «uni-taire», et qu'elle ne puise pas moins son sens — et pourquoi pas sa volonté d'innovation aussi? — dans le nouveau contexte. Une étude approfondie montrerait de façon convaincante qu'à partir du milieu du XI Xe siècle la pensée néo-hellénique ne fut dominée que par le con-cept de l'unité, toutes les séries d'oppositions (romantisme — néo-clas-sicisme, conflits linguistiques, etc.) se faisant sentir à l'intérieur d'un seul et même système. Il serait faux, bien sûr, de prétendre expliquer les concours poétiques universitaires uniquement par la Grande Idée; mais il serait tout aussi faux de sous-estimer son étendue et la pro-fondeur du sillage qu'elle a laissé.

Aborder l'ensemble des problèmes posés par un phénomène aussi complexe que la Grande Idée, c'est sûrement dépasser les limites de cette Introduction. Aussi nous bornerons-nous à une remarque sur sa genèse. Un connaisseur des coulisses politiques grecques, Nicolas Dragoumis, avance dans ses Mémoires une explication: «Le mécontente-ment envers le pouvoir, attisé aussi ouvertement par les étrangers, étant général, et le gouvernement craignant la manifestation de troubles

1. C. Th. Dimaras, Παπαρρηγόπουλος, op.cit., p. 10 sq. 2. C. Th. Dimaras, La Grèce au temps des Lumières, Genève 1969, p. 16; cf.

id., Histoire de la littérature néo-hellénique, Athènes 1965, pp. 288-289.

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plus étendus, la Grande Idée fut alors suscitée, afin que le peuple, électrisé et diverti, détournât son attention des problèmes intérieurs et la portât vers la grandeur extérieure de la patrie»1. C'est la théorie de la diversion: la Grande Idée se présente comme une initiative gou-vernementale, comme une décision prise d'en haut. Evidemment, du point de vue descriptif, rien de plus juste. Mais ce dont cette théorie ne rend pas compte, ce sont des raisons de l'accueil fait par la base à cette diversion, c'est-à-dire du mécanisme qui en a permis non seule-ment le déclenchement, mais aussi l'équilibration, voire la réussite. Il n'est pas difficile de traiter certaines idéologies de mystificatrices; mais ce qu'il faut expliquer c'est à quel besoin de mystification elles corres-pondent. Or, si la Grande Idée, même en tant que soupape de sécurité prit les dimensions qu'on lui connaît, et si elle devint la clef de voûte et le fondement du système idéologique dominant, il faut chercher son succès, donc sa portée historique, dans l'ensemble et dans la diver-sité de toutes les pressions ou impasses convergentes d'une société qui, frustrée, opprimée, ou déçue, avait besoin de donner libre cours à son agressivité et à ses espoirs en s'accrochant à la doctrine officielle, in-strument unique d'équilibre et de manipulation.

N'est-il pas significatif que cet équilibre semble parfois compromis, à des moments où précisément il se trouve confronté à la réalité? Par deux fois pendant la période qui nous intéresse, une brusque secousse, la guerre, avec la perspective d'un succès éventuel produit des phéno-mènes révélateurs: incapable d'assurer sa maîtrise rationnelle et dé-passé par les forces qu'il dominait, le discours idéologique se voit trans-formé en délire. La première fois, cela survient au début des années 50, au moment où commencent les concours poétiques, dans le nouveau climat créé par l'influence grandissante de la Russie. Papoulacos tra-verse le Péloponnèse en prêchant contre la royauté; on saisit des dra-peaux portant les inscriptions «vive l'orthodoxie», «vive l'empereur Nicolas», «vive la mort». Le Magne se révolte2. C'est dans une telle atmosphère qu'il faut situer ce que C. Th. Dimaras a appelé «œdème national» (εθνικό οίδημα), citant des textes de Αι. Soutsos, de Jean Papadopoulos Sériphios et de Iakovakis Rizos Néroulos3. Exaltation, verve prophétique et belliqueuse. Les «prédictions de P. Soutsos» (ex-

1. Nicolas Dragoumis, Ι στορικοί αναμνήσεις, t. II, Athènes 1879a, pp. 162-163. 2. Ibid., p. 227. 3. C. Th. Dimaras, Ποιηταί του ΙΘ' αιώνος, ΒΒ 12, Athènes 1954, pp. κε'-

κς'.

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expression de Néroulos) vont s'accentuant, la Guerre de Crimée marque le point culminant d'une fièvre délirante1.

Cet aspect occulte se manifeste, pour la deuxième fois, au cours de la révolution crétoise (1866-1869). La doctrine officielle étant entre-temps constituée, le côté politique se présente, il est vrai, plus claire-ment: on définit déjà la Grande Idée comme «reconstitution de l'Etat Grec par l'unification de notre nation tout entière», on envisage même un «Etat chrétien de l'Orient» qui présidera la «Fédération d'États Orientaux»8. Mais l'alchimie des chiffres n'est pas moins présente, même dans les discours officiels: lorsque, en août 1868, a lieu la célébration du baptême du prince héritier Constantin, on ne manque pas d'annoncer, avec une exaltation prophétique, que «le futur roi de la nation grecque tout entière» est destiné à réaliser la Grande Idée en dressant «la glo-rieuse bannière de Constantin le Grand sur le dôme de Sainte So-phie d'ici 18 ans»3. A mesure qu'une idéologie s'éloigne de ses objectifs réels, elle se voit obligée, pour rétablir sa crédibilité compromise, de recourir à des garanties de plus en plus concrètes; on lâche du lest en obtenant un sursis de 18 ans; l'optimisme, élément structurel de toute idéologie, se transforme en volontarisme irrationnel, les longs termes sont remplacés par les courts termes. L'important est toujours de sauvegarder la foi en dissipant le doute. Défi et pari à la fois, ce triom-phalisme pourtant cache à peine son agonie: dans le délire d'une forte fièvre, les signes de la fin, imminente ou prochaine, sont déjà perceptibles.

IV

Le chercheur soucieux d'éclaircir le tournant des années 1850 ne saurait éviter deux questions impérieuses: si, au milieu du siècle, s'élabore en Grèce une doctrine officielle entraînant des changements

1. Dans un article intitulé «Le 29 mai», P. Soutsos, excité plus que jamais, nΗé-site pas à recourir à l'alchimie des chiffres: après quatre siècles d'esclavage (29 mai 1453 - 29 mai 1853) les Russes descendent du Danube en libérateurs, «ratifiant les Ecritures et les Prophéties»: Αιών, 29 mai 1853.

2. N. Th. Coressios, «Η Μεγάλη ιδέα», journal Η Ελπίς , 14 février 1868. La présence de l'Orient, à la fin de la sixième décennie du siècle, a déjà été signalée par C. Th. Dimaras, «Της μεγάλης ταύτης ιδέας», p. 29.

3. Η Ελπίς, 27 août 1868. Le numéro 18, incorporé depuis dans la symboli-que de la Grande Idée, ne finit pas d'alimenter, des années durant, un langage de plus en plus irrationnel; voir, à cet égard, l'article «Le numéro 18 et le roi Georges» dans Εστία 5 (1878) 191.

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plus ou moins profonds au niveau des superstructures, quel est son rapport avec la base économique, et dans quelle mesure cette doctrine correspond-elle à un mouvement beaucoup plus général, ayant lieu à l'échelle européenne, sous la poussée romantique et l'apparition d'un nouveau système de pensée? Il s'agirait, au fond, dans les deux cas, d'établir les liens existants entre les causes internes et externes. Si les faits historiques et culturels sont déterminés, en fin de compte, par une action, cette dernière, peu arbitraire, est liée à toute une série de facteurs complexes.

En effet, le royaume hellénique, soumis dès sa naissance à un con-ditionnement multiple, n'est libre de tracer son chemin que dans la marge étroite que lui laissent les obstacles intérieurs et extérieurs. Les dix ans de la Révolution avaient déjà eu des conséquences désa-streuses; les premières décennies qui suivirent la libération ne furent pas marquées par des progrès foudroyants. Pendant longtemps, la structure sociale reste essentiellement terrienne: grosse propriété fon-cière et petite propriété paysanne. «Le parti gouvernemental, parti «français» de Colettis, était celui des masses populaires, alors que le parti «anglais» de Mavrocordatos, constitutionnel, était celui des vieilles familles oligarchiques, des Grecs venus de l'étranger, de l'élite intel-lectuelle, sans base populaire; le parti «russe» de Métaxas était celui des petits propriétaires. C'est donc sur une structure sociale interne définie que s'appuient ces influences extérieures, dont la vie politique de la Grèce est alors le reflet» 1. Malgré son caractère extrêmement sché-matique, cette constatation ne manque pas de pertinence. Seulement, n'oublions pas ici le danger majeur que courrait toute analyse socio-économique limitée à l'intérieur de l'État: engendrée à l'étranger et con t inuan t en g rande par t ie à y vivre, la bourgeoisie grecque a t o u j o u r s son mot à dire. En réalité, les forces productives de lΗellénisme sont loin d'être enfermées dans les frontières étroites de 1832; aussi bien les Grecs irrédimés, soumis aux Turcs (trois millions dΗabitants), que ceux de l'Occident, venus en Grèce ou demeurant à l'étranger, contri-buent efficacement au développement démographique et économique du pays.

Conditionnement congénital multiple: le sort du royaume hellé-nique est strictement lié aux péripéries du capitalisme européen, à la conjoncture internationale, au jeu des influences étrangères. Imposée

1. André Mirambel, «La littérature néohellénique il y a un siècle», Les Lan-gues Modernes, No 6, Novembre 1951, p. 393.

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par les «Grandes Puissances Protectrices», la Royauté, fruit de com-promis et facteur d'équilibre, assoit tant bien que mal son autorité pendant presque dix ans à l'aide des baïonnettes bavaroises. L'insur-rection du 3 septembre 1843 exige en vain un changement qualitatif. Certes, le régime parlementaire est proclamé et l'Assemblée nationale élabore une Constitution — très conservatrice, en vérité, et fort éloignée d'être «théoriquement, la plus libérale de toute l'Europe d'alors»1. Mais le cabinet de Colettis (1844-1847) hésite peu à bafouer la légalité constitutionnelle, tandis que le roi Othon, rancunier, hésite encore moins à récupérer ses prérogatives compromises. Au moment où les gouvernements les plus réactionnaires de l'époque (France, Bavière, Autriche, Prusse) soutiennent ouvertement ce régime singulier, la réac-tion de la Grande-Bretagne ne se fait pas attendre: c'est ainsi que les soulèvements d'Eubée, d'Achaïe et de Messénie (1846-1847) bénéficient plus ou moins de l'encouragement anglais2. Bientôt, un événement extérieur de grande envergure vient jouer un rôle décisif : le boulever-sement révolutionnaire de 1848. S'il n'a pu affecter la Grèce directe-ment, pour des raisons évidentes, la répercussion qu'il eut sur elle n'en fut pas moins significative. Privé de ses protecteurs (notamment de son père, renversé en Bavière) et inquiet de l'enthousiasme avec lequel la Révolution de 1848 est accueillie en Grèce, le roi Othon se voit obligé de se rapprocher de la solide monarchie russe, tandis que Palmerston réagit de façon aussi énergique que brutale: l'affaire Pacifico lui sert de prétexte pour le blocus de la Grèce (1850).

Ainsi, pour le royaume hellénique, la sixième décennie du siècle commence sous des auspices plus ou moins nouveaux. L'influence grandissante de la Russie «orthodoxe», n'est pas pour rien dans l'effer-vescence religieuse et nationaliste: aussi bien la réhabilitation de By-zance que la théorie de l'unité à trois étapes sont élaborées dans un climat politique propice. Le 29 janvier 1850, l'indépendance admini-s t ra t ive de l 'Egl ise de Grèce est reconnue par le P a t r i a r c a t de Con-stantinople; on règle les problèmes religieux, on exalte la lutte contre les Turcs comme une Guerre Sainte. Point culminant de cette effer-vescence, la Guerre de Crimée marque l'apogée non seulement de l'in-fluence russe, mais aussi de la popularité d'Othon. Quant à la France et à l'Angleterre, leur prestige auprès des Grecs ne fut jamais aussi bas que pendant cette décennie: obligés d'intervenir militairement pour

1. Ibid., p. 392. 2. Ibid., p. 393.

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obtenir la neutralité de la Grèce après les soulèvements de l'Épire, de la Thessalie et de la Macédoine (1854), les deux alliés occidentaux n'avaient pas à espérer, évidemment, un accueil chaleureux; ni la longue occupation du Pirée, ni la propagation du choléra par leurs troupes ne leur attiraient la sympathie hellénique.

Se fier aux apparences, cependant, conduirait à mal apprécier les forces souterraines qui régissent, parfois de façon décisive, un processus. La Russie pouvait affirmer provisoirement son influence politique ou renforcer sa propre popularité et celle d'Othon auprès des couches populaires grecques, surtout paysannes; elle n'avait pas un grand rôle à jouer dans l'avenir. Car, ce n'était pas en liaison avec un pays féodal, à structures retardataires ou périmées, que les forces productives de la Grèce allaient se développer, mais plutôt à la remorque d'un capita-lisme occidental en plein essor qui, ayant déterminé la naissance de la bourgeoisie hellénique, en assurait la survie et l'expension selon les règles de son jeu. Saint-Marc Girardin avait décidément raison: «Les capitaux anglais et les capitaux français sont partout, en France, en Allemagne, en Italie, en Espagne. L'Europe ne fait plus qu'une grande compagnie commerciale et industrielle. Les Grecs y sollicitent l'emploi de courtiers. Pourquoi ne pas le leur donner, s'ils le remplissent bien et à bon marché?»1. En Egypte, Mohamed-Aly avait déjà avantagé le commerce hellénique; la plupart des bateaux, sur le Danube, bat-taient pavillon grec; une très grande partie du commerce de la mer Noire était assurée par les Grecs de la Russie. Aussi, dans l'Empire Ottoman, l'expansion grecque était-elle facilitée par une série de fac-teurs: tentatives des Anglais et des Français pour réorganiser la Turquie, Tranzimat (1839), traité commercial entre la Porte et la Grèce (1855), Hatti-houmayoun (1856)2.

Contre toute apparence, la fin de la Guerre de Crimée ne fut pas défavorable à la Grèce. A peine effleuré par la crise commerciale de 1856, le commerce hellénique suivit sa marche en avant. Les circon-stances s'y prêtaient; la navigation à vapeur (1856), l'augmentation du tonnage général, la construction des ports, des communications télé-graphiques (1859), des services postaux (1862) etc., constituent quel-ques signes de progrès tangibles. On ne voit pas sans raison, au lende-

1. Journal des Débats, 3 décembre 1856; cité par M. Duvray (Marinos Vrétos), «Les Grecs modernes» (Extrait de la Semaine Universelle), Bruxelles 1862, pp. 2-3.

.2. Nicolas Svoronos, Histoire de la Grèce moderne, («Que sais-je?», No 578), Paris 1964s, p. 59.

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lendemain de la guerre de Crimée, «un mouvement économique sans précé-dent» et, dans la période 1856-1875, une «transformation de la société néo-grecque»1. Les changements démographiques sont aussi significa-tifs. Athènes se transforme vite, attirant, pendant cette décennie, plus de 16.000 nouveaux habitants2.

Porteuse de sens multiples (politiques, économiques, culturels), la décennie 1850-1860, par ses mutations plus ou moins profondes, est pour la Grèce un tournant. Au moment où l'Europe, après avoir re-poussé la vague révolutionnaire de 1848, s'oriente politiquement vers un conservatisme autoritaire, le règne d'Othon connaît son apogée et son déclin: la décennie se termine dans une crise sociale, annonciatrice du 10 octobre 1862. Sur le plan idéologique et culturel les phénomènes s'accumulent rapidement. La doctrine officielle peut déjà trouver son élaboration définitive: Paparrigopoulos s'apprête à s'atteler à sa grande tâche. A partir de 1850 les recueils de chansons populaires se multi-plient, l'intérêt pour les textes médiévaux commence à s'éveiller; vingt ans plus tard naîtra la science du folklore. Centre d'activité intellectuel-le, instrument de contrôle intérieur et de rayonnement extérieur, l'Uni-versité d'Athènes remplit son rôle efficacement: le concours de Rallis se déroule sous son égide, la plus grande revue de l'époque, Πανδώρα, est imprégnée de son esprit, la critique et la prose athéniennes naissent dans son sein. En 1853, le manifeste puriste de P. Soutsos et la réponse d'As-sopios trouvent leur place dans un contexte approprié; tout se passe comme si cette décennie, ouvrant les outres d'Eole, déclenchait le mécanisme d'un conflit généralisé. Duels linguistiques ou littéraires (P. Soutsos-Assopios, Zalocostas-Orphanidis, Polylas-Zambélios); inter-ventions hargneuses (Stathopoulos, Vernardakis, Chryssoverghis, Scar-latos Vyzantios), attaques générales contre les jurys du concours etc., constituent le climat intellectuel et psychologique de l'époque. En poésie, la première génération des romantiques croise la seconde. Pour-rait-on placer sous un dénominateur commun autant de phénomènes épars et, en apparence tout au moins, hétéroclites?

Sans doute le romantisme n'explique-t-il pas tout. Mais qui oserait sérieusement contester son influence et son rôle décisif en Grèce comme

1. Ibid., p. 59 sq. 2. Sa population de 24.754 (1851) passe à 30.590 (1853), à 30.969 (1856) et à

41.298 (1861). La poussée de la période 1856-1861 est d'autant plus caractéristique qu'en 1870 le nombre des Athéniens ne dépasse pas les 44.510. Mais, brusquement, les décennies suivantes apporteront une augmentation prodigieuse: la population d'Athènes est de 65.499 en 1879 et de 110.262 en 1889!

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ailleurs? Perdre de vue la dynamique d'un mouvement qui laissa des traces ineffaçables sur tout le siècle dernier; enfermer ce mouvement dans des frontières nationales sans voir ses interdépendances et ses liens multiples; sous-sestimer, enfin, la variété et la pluralité de ses manifestations, c'est sûrement rendre un mauvais service à lΗistoire d'un pays. Le romantisme, vivant encore depuis plus d'un siècle, peut être mille choses: état d'âme au sensibilité nouvelle, façon de sentir, de penser ou d'agir, retour au passé, orientation vers l'avenir, etc. Il n'en fut pas moins un système hiérarchisé, dans lequel l'«unité», possible ou impossible1, constitua un des concepts fondamentaux. Encore une fois, nous retrouvons ici la convergence de causes internes et externes: si la Grèce moderne, par sa sensibilité et par son histoire, avait toutes les raisons pour développer spontanément son propre romantisme, la conscience ne lui en vint que de l'extérieur. Deux savants étrangers, qui lièrent en partie leur sort aux chansons populaires grecques, Fauriel et Tommaseo, ont parfois l'air. de représentants d'une sorte d'Interna-tionale romantique. Le premier, étudiant les survivances de la Grèce antique dans la Grèce moderne, conclut que «le rapport entre le passé et le présent est plus intime et plus réel que l'on ne serait d'abord tenté de le présumer»2. Le second, dans ses Scintille (Venise 1841), résume l'essentiel de la pensée historique du romantisme: «Le cose nuove con-vien collegare alle antiche, e che tutti i secoli ci dieno insegnamenti di generoso e religioso sentire. Non sia il mondo cosi vecchio indarno, la scienza scendendo Αι popolo, portà più alta salire»3. Pour la Grèce, lΗeure de Vico et celle dΗerder avait déjà sonné4. La Grande Idée, élaborée dans un tel climat d'effervescence «unitaire», que signifie-t-elle d'autre, au fond, sinon l'adhésion officielle du pays à un système de pensée international?

Cependant, cette unité théorique fut loin de construire en réalité un édifice sans fissures. Tout au contraire, une fois établie, elle fit éclater de nouvelles contradictions, comme si le contact des éléments oppositionnels, au lieu d'aboutir à une coexistence, précipitait les antagonismes et les heurts. On ne concilie pas impunément, sous une formule «helléno-chrétienne», deux mouvements aussi opposés que le

1. Cf. «Le Romantisme», revue de la Société des Études Romantiques, No 2, 1972.

2. C. Fauriel, Chants populaires de la Grèce moderne, t. I, Paris 1824, p. lxxxvj. 3. Voir G. Th. Zoras, Επτανησιακά Μελετήματα Β', Athènes 1959, p. 316. 4. C. Th. Dimaras, La Grèce au temps des Lumières, op.cit., p. 133 sq.

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romantisme et le classicisme. Plus encore: on ne valorise pas sans con-séquences la chanson et le génie du peuple, au moment où l'on en pro-scrit officiellement la langue.

Dans ce nouveau climat, néanmoins, P. Soutsos pouvait faire un pas en avant (ou en arrière). C'est le passage de 1' u n i t é à l ' i d e n -t i t é : «La langue des Grecs anciens et celle des modernes n'en feront qu'une. Leur Grammaire et la nôtre n'en feront qu'une»1. A partir du milieu du siècle, la lutte s'intensifiera, les tendances et les coteries prendront plus de relief: derniers représentants des Lumières, conserva-teurs, partisans de l'unité à deux ou à trois étapes, classiques, romanti-ques, vulgaristes, «νεογλωσσίτες». La confusion n'est pas toujours facile à démêler; l'évolution des personnes est souvent inattendue, l'argumen-tation des tendances contradictoire. Hétérogènes et hétéroclites, les jurys des concours, s'ils consentent à condamner en bloc le romantisme comme «poésie étrangère, non hellénique», sont loin d'apercevoir que leur néo-classicisme lui-même n'est pas indépendant de la poussée «unitaire», et que leurs catégories de pensée ne se situent pas en dehors d'un cadre «romantique» et «étranger». La bataille, livrée la plupart du temps sur le terrain linguistique, ne permettait pas une vue d'ensemble claire. Le plus souvent, la critique universitaire n'était qu'une série de leçons de grammaire, voire un enseignement ennuyeux de lieux communs. Avant que l'obstacle d'une langue artificielle ne fût surmonté, il n'y avait de place ni pour la création ni pour la pensée véritables. Et ce moment n'était pas encore arrivé.

V

Tout se passe, néanmoins, comme si la conscience nationale cher-chait en même temps son être et son devenir. Si le système idéologique établi, fondé sur la Grande Idée, possédait un côté dynamique visant l'avenir, il n'était pas pour autant privé d'éléments statiques qui, orientés vers le passé, lui garantissaient une sorte d'équilibre inactif. Nous avons affaire à toute une série de couples d'oppositions: immobilis-me — mouvement, Antiquité — Europe, classicisme — romantisme, popu-laire — savant, autochtone — hétérochtone, langue ancienne — langue nouvelle. D'autres oppositions plus particulières viendront s'ajouter. Dans une société dont les forces motrices à la base n'étaient pas encore mises en branle, il n'est pas étonnant que l'inertie l'emportât plus ou

1. P. Soutsos, Νέα Σχολή του γραφομένου λόγου, Athènes 1853, p. 5.

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moins. Le chemin choisi vers l'avenir traversait le passé: l'unité, conçue très souvent comme identité, aboutissait à une abstraction historique; et l'«imitation du passé» (Du Camp), en dernière analyse, ne faisait que partie intégrante de tout un ensemble de reconstitutions, dont les concours universitaires témoignent.

En effet, on ne peut pas ne pas remarquer, en lisant les rapports des jurys, l'abandance des comparaisons entre les concours présents et ceux de l'antiquité. Rallis lui-même justifie son initiative par son désir profond de contribuer au «rapatriement des Muses». Par leur organisation, d'ailleurs, ainsi que par leur rituel, les concours universi-taires ne manqueront pas de mettre en valeur une série de symboles pouvant les relier au passé: prix de 1.000 drachmes, couronne de laurier au vainqueur, triomphe. En 1871 encore, Philippe Ioannou, faisant le bilan des progrès culturels du nouvel État, n'en parle pas moins en termes de reconstitution: beaucoup d'institutions anciennes (Aréopage, Académie, Jeux Olympique, etc.) étaient déjà rétablies1. Pourquoi pas les concours poétiques?

Certes, on peut toujours décider, surtout lorsqu'on dispose d'un appareil approprié et efficace, de rétablir une institution ancienne. Mais sa mise en marche, son fonctionnement et, à plus forte raison, son suc-cès, ne dépendront que de besoins nouveaux. Or, si les concours univer-sitaires réussirent à mobiliser un certain public grec pendant plus de 20 ans, ce ne fut pas, à coup sûr, au nom des concours de l'antiquité. Aussi serait-il faux de croire que les jeunes Athéniens, qui portaient les poètes-vainqueurs en triomphe, imitaient les fils de Diagore. Quel était donc ce public? A en juger par ses emportements — quelquefois nous en savons plus sur la psychologie d'un groupe social que sur sa composition—, l'ascension d'une petite bourgeoisie ayant accès à l'Uni-versité et prenant ainsi conscience de ses possibilités nouvelles paraît une hypothèse absolument plausible. Ainsi voyons-nous facilement un tel public, en mars 1852, au cours d'une représentation du «Bélisaire» à l'Opéra, interrompre le ténor, qui prononçait le vers «Trema Byzan-tio», pour applaudir le couple royal en criant «Vive l'empereur, vive l'impératrice!»2. Et nous n'avons pas de mal à identifier «ces pauvres

1. Philippe Ioannou, Λόγος ακαδημαϊκός περί της πνευματικής προόδου του Ελ-ληνικού έθνους απ' αρχής του υπέρ πολιτικής αυτού ανεξαρτησίας αγώνος έως της σήμερον, Athènes 1871, p. 3.

2. Hermile Raynaud, «Les Grecs modernes», Revue Contemporaine, vol. 29, No 113, 15 décembre 1856, pp. 62-63.

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gens qui voyaient partout Constantinople» (About) à un public mystifié opprimé, ambitieux, frustré et nourri de rêves, avide de liberté et de gloire, bagarreur et agressif, et qui franchissait soudain le vide existant entre l'écritutre et la lecture pour s'exprimer lui-même, parce qu'il avait besoin de parler.

A un moment critique, Ambroise Rallis, gros commerçant de Trieste, prenait l'initiative, grâce à sa fortune, de fonder un concours poétique; il était libre non seulement de charger l'Université de son fonctionnement, mais aussi de lui imposer son règlement; l'absence de classe dirigeante locale aux objectifs bien définis facilitait énormément sa tâche. Rallis croyait contribuer au rapatriement des Muses. Mais nous doutons qu'il ait pu apercevoir la portée de son geste: les con-cours poétiques universitaires devaient s'inscrire dans la longue chroni-que d'une agressivité collective.

Car cette société du milieu du siècle, hypersensible, explosive, d'une susceptibilité extrême et d'un patriotisme farouche, s'avère pres-que intraitable. Pourrait-on ajouter à sa psychologie un certain com-plexe d'encerclement? Les répercussions disproportionnées de la doc-trine de Fallmerayer le laissent penser. Des décennies durant, on res-tera mobilisé pour faire face au «calomniateur» étranger. Et les con-cours ne manqueront pas à leur devoir: juges et poètes participants, à l'unanimité, accableront d'injures le nom de lΗistorien allemand, auquel, plus tard, viendront s'ajouter eaux d'Edmond About ou de La-martine. On pense avec les catégories santé-maladie. «J'appelle clas-sique ce qui est sain, romantique ce qui est malade», disait déjà Goethe attaquant Kleist. De même Vernardakis, dans son rapport de 1863, accusant Byron dΗypocondrie, n'oublie pas de citer, parmi d'autres «hypocondriaques», Fallmerayer1. Mais, dix ans plus tard, Aphentoulis surenchérira: l'existence même des concours n'est-elle pas un argument contre ceux qui refusent aux Grecs modernes d'être les descendants des Grecs anciens2?

Ces concours, cependant, n'ont pas encore pris dans lΗistoire littéraire néo-hellénique la place qu'ils méritent. Considérés d'ordinaire, en raison de leurs piètres résultats, comme des faits marginaux, ils sont loin d'être conçus dans leurs vraies dimensions historiques. On se borne, le plus souvent, à rejeter leur apport littéraire, voire à sou-ligner leurs aspects négatifs; on escamote ainsi, par le biais des con-

1. Πανδώρα 14 (1863-1864) 119. 2. Jugement de 1872, p. 3.

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damnations hâtives, les problèmes posés. Mais ces problèmes sont toujours à résoudre. Si le tournant opéré en Grèce antour de 1850 coïncide avec l'apparition d'une institution qui marquera profondément la vie intellectuelle du pays pendant un quart de siècle, et si cette in-stitution, encadrant le romantisme hellénique dans sa phase décisive, délimite en même temps l'éveil et le développement de la critique athénienne par les deux querelles retentissantes (Soutsos-Assopios, Roïdis-Vlachos) auxquelles elle a donné naissance, on peut comprendre pourquoi les concours ne sont pas à négliger.

En 1929, un vieux poète couronné, D. Gr. Cambouroglou, estimait que sans l'étude des rapports des jurys universitaires «une véritable histoire des lettres grecques ne peut pas être écrite»1. Peut-être le vieux poète exagérait-il, désireux de voir, en quelque sorte, sa jeunesse réhabilitée. Ce n'est pas notre objectif. Loin de condamner, de justifier ou d'exalter une époque, le travail qui suit est une tentative pour mieux la connaître, la comprendre et l'expliquer, à travers une lecture attentive de ses produits littéraires.

1. D. Gr. Cambouroglou, «Φιλολογικά απομνημονεύματα», Νέα Εστία 6(1929) 802.

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ABRÉVIATIONS UTILISÉES

Jugement de 1851... 1877: Rapports annuels des jurys universitaires (voir: Biblio-graphie)

R.R. de 1851... 1878: Rapports rectoraux annuels de l'Université d'Athènes (voir: Bibliographie)

Rapt. Parn.: R[aptarchis], Παρνασσός, ή απάνθισμα των εκλεκτότερων τεμαχίων της νέας ελληνικής ποιήσεως. Εσταχυολογήθη υπό - Athènes 1868.

Pap. ΝΡ. : [Jean Papadiamantopoulos], Νέος Παρνασσός. Διάφορα λυρικά τεμά-χια εκ της συγχρόνου ελληνικής ποιήσεως, Athènes 1873.

Mat. Parn. : P. Matarangas, Παρνασσός ήτοι απάνθισμα των εκλεκτοτέρων ποιημάτων της Νεωτέρας Ελλάδος υπό - Athènes 1880.

Pant. Chr. : Jean Pantazidis, Χρονικόν της πρώτης πεντηκονταετίας του Ελληνικού Πανεπιστημίου κατ' εντολήν της Ακαδημαϊκής Συγκλήτου και δαπάνη του

Εθνικού Πανεπιστημίου υπό - Athènes 1889. Camb.A. : D. Gr. Cambouroglou, «Φιλολογικά απομνημονεύματα», Νέα Εστία

6(1929) 644-5, 696-9, 748-9, 802-4, 887-9, 7(1930) 6-7, 130-2, 286-8, 398-401, 510-3 et 8(1930) 685-8, 796-800.

Pal.A. : C. Palamas, Άπαντα, t. I-XVI, Edition de la Fondation Palamas, Athènes s.d.

GM D. Ghinis - V. Mexas, Ελληνική Βιβλιογραφία 1800-1863, t. I-III, Athè-nes 1939-1957.

MEE : Μεγάλη Ελληνική Εγκυκλοπαίδεια NE : Νέα Εστία

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CHAPITRE PRÉLIMINAIRE

INSTITUTION ET

FONCTIONNEMENT DES CONCOURS

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CHAPITRE PRÉLIMINAIRE

INSTITUTION ET

FONCTIONNEMENT DES CONCOURS

1. Ambroise Rallis et son règlement

Non seulement l'institution des concours poétiques, mais aussi les conditions de leur fonctionnement sont strictement liées à l'initiative d'Ambroise Rallis (1798-1886). Nous avons affaire en sa personne à l'exemple typique d'un bourgeois Grec du milieu du XIXe siècle. Tout un système de valeurs et d'actions apparaît clairement et montre sa force, à travers ce personnage «moyen»: l'esprit d'entreprise qui va de pair avec des ambitions multiples, la soif de l'argent qui n'exclut pas celle de la gloire, le cosmopolitisme ou l'insertion dans les méca-nismes économiques internationaux qui stimule le patriotisme et la volonté de bienfaisance comme une sorte de responsabilité.

Du même âge que Solomos ou Macriyannis, Ambroise Rallis ne fera que se plier aux options de sa famille et de sa classe. Cette famille n'est pas moins typique. Originaires de l'île de Chio, comme beaucoup d'autres marchands Grecs, les Rallis devaient jouer, dans lΗistoire du commerce hellénique, dès le début du siècle précédent, un des rôles les plus importants. Leur activité ne connaîtra pas de limites, depuis l'Inde jusqu'à Londres; Smyrne, Constantinople ou Trieste seront quelques étapes de leur implantation. Représentative de la bourgeoisie marchande grecque, la famille Rallis en illustre à merveille la montée et l'expansion1.

1. Voir la bibliographie principale sur la famille Rallis dans MEE 21 (1933) 41. A ajouter, notamment: G.I. Zolotas, Ιστορία της Χίου, t. A'II, Athènes 1923, pp. 448-472; A. Stavritsis, «Ο οίκος των αδελφών Ράλλη και η Σμύρνη», Μικρασιατικά Χρονικά 8 (1959) 267-274; St. Macrymichalos, «Η έκδοση της εφημερίδος "Ημέρα"

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Etienne (1763-1829), le père d'Ambroise, avant de passer à Con-stantinople et de lier son sort à celui de son cousin Antoine (« τα Ραλ-λάκια»), avait déjà fait fortune, comme marchand et banquier, à Smyrne, où il était devenu ami intime de Caraosmanoglou. Détail caractéristi-que: en 1813, c'était à lui que Constantin Iconomos (1780-1857) dédiait sa «Rhétorique», «αρετής ένεκα και της περί το φιλολογικόν της Σμύρνης Γυμνάσιον λαμπράς φιλοτιμίας»1. Ainsi, Ambroise héritera de son père non seulement le goût du gain— destin commun, par ailleurs, à tous les membres de la famille Rallis — mais aussi les attaches intellectuelles, le conservatisme et, ce qui nous intéresse davantage, un certain pen-chant pour le mécénat.

Né à Chio et installé tout jeune à Trieste, il y poursuivra, pendant 65 ans, une carrière de marchand, de banquier et de propriétaire. Αι. Vyzantios, écrivant sa nécrologie en février 1886, ne manque pas d'in-sister sur ses qualités: éducation noble, culture peu commune, intelli-gence, honnêteté, vitalité ignorant la fatigue et, surtout, esprit de disci-pline, de persévérance et de sobriété2. Lieux communs d'un éloge de circonstances? C'est possible. Le même biographe, cependant, ne veut-il pas se rattraper en quelque sorte, un peu plus loin, lorsqu'il qualifie Ambroise d'«homme d'affaires calculateur»3?

Ce qui importe, c'est de juger sur pièces. A l'âge de 52 ans, au moment où il prend l'initiative de fonder son concours poétique à Athènes, Rallis est en pleine puissance. Chef incontestable du parti conservateur à Trieste, même avant 1848, il ne semble pas par la suite vouloir limiter ses ambitions. Son autorité au sein de la communauté grecque, dont il fut président une dizaine de fois, va en augmentant. Des compagnies commerciales très importantes lui offrent le poste de directeur, la ville de Trieste l'élit conseiller municipal. En 1874, il recevra de l'empereur autrichien le titre héréditaire de baron. Peu avant sa mort, il devint encore député honoraire à vie.

Comblé dΗonneurs, il les a certainement mérités. Les autorités autrichiennes ne pouvaient être moins satisfaites de ses services que

στην Τεργέστη στα 1855», Ό Ερανιστής 8 (1970) 14-15, où l'on trouve quelques indi-cations biographiques et bibliographiques sur Ambroise Rallis.

1. Τέχνης Ρητορικής Βιβλία Γ', συνταχθέντα υπό Κωνσταντίνου οικονόμου και Πρεσβυτέρου του κατά το Φιλολογικόν της Σμύρνης Γυμνάσιον διδασκάλου, Vienne 1813, page première.

2. Αι. Vyzantios, «Αμβρόσιος Σ. Ράλλης», dans: Έργα Αλεξάνδρου Σ. Βυζαντίου, Εκδίδονται υπό Σ. Βυζαντίου, Athènes 1902, p. 93.

3. Ibid., p. 95.

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les autorités grecques; on comprend fort bien pourquoi l'empereur lui portait un tel respect, traversant les foules, qui l'entouraient, pour aller le saluer1. Mais Rallis entretint avec son pays des relations beau-coup plus intimes. Installé à Trieste, il effectua en Grèce plusieurs voyages, envisageant, semble-t-il, des séjours plus ou moins longs à Athènes: une des maisons qu'y construisit l'architecte Cléanthis en 1845 (et qui devint, plus tard, le siège de la Légation d'Angleterre) lui appartenait2. Par ailleurs, son empressement à se mettre, par tous les moyens, au service de la cause grecque, ne fait aucun doute; jusqu'à la fin de ses jours, son nom et son argent demeurent liés à tout effort, culturel ou autre, concernant la Grèce et son rayonnement. Quelques exemples: en 1852, Rallis figure parmi les Grecs de Trieste qui financè-rent l'imprimerie vénitienne de Saint-Georges3; en 1855, quand I. Sky-litsis demande aux autorités autrichiennes la permission d'éditer son journal Ημέρα, c'est Rallis qui se porte garant4; l'année suivante, c'est encore lui qui, nommé par décret royal délégué du gouvernement grec, sera chargé du legs de Platyghénis5; en 1871, quand le «Σύλλογος προς διάδοσιν των ελληνικών γραμμάτων» décide de créer des comités-annexes dans toutes les communautés grecques de l'étranger, le nom de Rallis est en tête du comité triestin6. Signalons encore une coïncidence ca-ractéristique: en 1864, lorsque une commission chargée de la collecte pour un monument du patriarche Grégoire voudra se faire représenter à l'étranger, elle nommera non seulement Rallis à Trieste, mais aussi Voutsinas à Odessa. C'est la première fois, à notre connaissance, que les noms de deux fondateurs des concours poétiques se rencontrent sous la même «Annonce»7.

Toujours prêt à faire preuve de son zèle patriotique, Rallis n'ou-bliera pour autant ni son île natale ni sa ville adoptive: à Chio il laissera un legs, à Trieste il fera construire deux établissements hospi-

1. Ibid., p. 94. 2. Pavlos Vakas, «Ο αρχιτέκτων του σχεδίου των Αθηνών Σταμάτιος Κλεάνθης

(1802-1862)», Ημερολόγιον της Μεγάλης Ελλάδος, Athènes 1931, p. 87. 3. G. S. Ploumidis, «Το βενετικό τυπογραφείο του Αγίου Γεωργίου (1850-1882),»,

Ό Ερανιστής 8 (1970) 171. 4. St. Macrymichalos, op. cit., p. 14. 5. Ibid., p. 15. 6. La circulaire (Trieste, 2 novembre 1871) est publiée dans le journal Παλιγ-

γενεσία, 18 novembre 1871. 7. Cette annonce (Athènes, 23 juin 1864) est publiée dans le journal Ευνομία,

7 août 1864.

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hospitaliers, «Νυμφών» et «Άσυλον»1. Une autre partie de ses florins sera dépensée à des œuvres analogues. C'est presque normal: pour un mar-chand riche, la philanthropie et l'aide financière à la Grèce faisaient partie d'un système de valeurs morales, elles entraient automatiquement, pourrait-on dire, dans les règles du jeu commercial, et Rallis ne con-stitue pas, de ce point de vue, une exception.

Beaucoup plus caractéristique sont, cependant, ses prétentions littéraires ou, tout au moins, l'idée qu'il se faisait de la littérature. Poète amateur, il participa à son propre concours (1860) avec un mélo-drame patriotique, publié en 18662. Le rapporteur Rangabé nΗésita pas à le classer parmi les 4 poèmes «entièrement insignifiants» 3. Pour nous, aujourdΗui, il est toutefois significatif que l'auteur d'une telle œuvre soit en même temps le fondateur des concours: car non seulement il exprima à plusieurs reprises ses conceptions poétiques mais aussi, par l'élaboration des statuts du concours, il engagea de façon décisive la poésie néo-hellénique dans une voie précise.

Prendre l'initiative de fonder un concours poétique, ne pouvait en aucune manière, pour Ambroise Rallis, signifier une simple offre d'argent, insérée dans un cadre de bienfaisance charitable. Les ambi-tions du mécène sont, dΗabitude, assez éloignées de celles du philan-thrope. Par ailleurs, le choix de la poésie n'était pas dû au hasard, mais correspondait aux intérêts intellectuels du marchand triestin. C'est ainsi que, dans sa lettre (Trieste, 10/22 août 1850) adressée au Mini-stère grec de l'éducation nationale, tout en annonçant sa décision de fonder un concours poétique, Rallis en précisait formellement les clauses:

«1) Un prix de 1.000 drachmes sera décerné chaque année à l'auteur d'un ou de plusieurs poèmes considérables, traitant d'un sujet moral, c'est-à-dire de tout sujet se rapportant à la religion et, d'une façon plus générale, à la morale.

2) La langue du poème doit être conforme au sujet, mais toujours décente et diserte.

3) Le poème ou l'ensemble de poèmes ne doit pas avoir moins de 500 vers; l'excédent reste libre et indéfini.

4) Les poèmes, présentés en temps réglementaire, doivent être

1. G. I. Zolotas, op. cit., t. III, Athènes 1926, p. 656; Αι. Vyzantios, op. cit., p. 94.

2. Oι Κλέπται. Μελόδραμα εις δύω πράξεις διηρημένον (Εκδίδοται δαπάναις Α. Σ. Ράλλη), Trieste 1866.

3. Jugement de 1860, Πανδώρα 11 (1860-1861) 26.

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jugés chaque fois par le recteur de l'Université, par le professeur de lettres et, surtout, par celui de poétique.

Si par hasard un de ces professeurs est recteur, il choisit le troisième juge à son gré, soit parmi les universitaires, soit parmi les savants extra-universitaires. Le délai nécessaire à l'examen des poèmes doit être établi de telle façon, que le couronnement du lauréat ait lieu le 25 mars, jour anniversaire de l'insurrection grecque.

5) Les poèmes doivent être envoyés au jury anonymement, selon l'usage, mais accompagnés d'une enveloppe fermée, elle aussi anonyme, dans laquelle se trouvera le nom de l'auteur qui ne sera annoncé qu'après l'examen du poème.

6) Le prix sera décerné au meilleur ou aux meilleurs de ces poèmes. Si aucun d'eux n'est jugé satisfaisant, l'argent doit être donné, au gré du même jury, à un des étudiants pauvres de l'Université, le plus sé-rieux et studieux.

7) Ont le droit de participer à ce concours tous les Grecs et tous les hellénistes étrangers».

Rallis s'empresse de préciser qu'il fournira les 1.000 drachmes chaque année, tant que les circonstances le lui permettront, dans le but de pousser d'autres mécènes à la fondation de concours pareils; et, en post-scriptum, il ajoute sa dernière (8ème) clause:

«Au concours sont également admis des extraits de poèmes, à condition de remplir le nombre de 500 vers mentionné ci-dessus»1.

Ces statuts devaient demeurer plus ou moins définitifs. Le jury universitaire, la presse, ainsi que les poètes participants auront tou-jours, dans l'avenir, des amendements à proposer; on n'épargnera au fondateur ni des critiques sévères, ni même des insultes; personne n'osera défier sa volonté. En offrant son argent, Rallis n'imposait-il pas en même temps sa loi? Une fois cet argent accepté, on devait obéir inconditionnellement et exécuter les ordres reçus.

C'est ce que fit l'Université. En janvier 1851, les journaux athé-

1. Voir le texte entier de cette lettre-règlement dans Η Ελπίς, 6 novembre 1850. Peu avant, le journal Εφημερίς του Λaoύ, 25 octobre 1850, en avait donné un résumé, en commentant: «L'initiative de Rallis est bonne et louable mais, au lieu de la poésie, une science exacte ne serait-elle pas préférable, plus nécessaire et plus utile?» Ce genre de critique du concours, formulé ici pour la première fois, sera par la suite fréquent. Signalons encore que l'on peut trouver le texte de la lettre de Rallis dans: Διαθήκαι και δωρεαί υπέρ του Εθνικού Πανεπιστημίου μετά διαφόρων σχετικών εγ-γραφων από της ιδρύσεως αυτού μέχρι τέλους του 1899. Μέρος πρώτον. Πρυτανεία Αλ-κιβιάδου Χ. Κρασσά, Athènes 1900, pp. 64-66.

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athéniens publiaient, sous le titre «Programme de concours», un communi-qué universitaire, daté du 9 janvier et signé du vice-recteur G. A. Mavro-cordatos, où le premier concours — fixé, exceptionnellement pour 1851, au 20 mai, au lieu du 25 mars — était annoncé. Les 8 clauses des statuts de Rallis y figuraient textuellement reproduites. Le communiqué de-mandait aux candidats d'envoyer leurs poèmes un mois avant le 20 mai et, de plus, il précisait les formalités garantissant l'anonymat: un symbole quelconque, par exemple un vers, devait être écrit sur l'enveloppe aussi bien que sur le poème, de façon que l'identité du poète, après le jugement, fût facilement établie1.

Il est évident que des statuts comme ceux de Rallis, conçus et élaborés sans aucune expérience préalable, ne pouvaient ni manquer d'ambiguïtés ni prévoir tous les cas possibles. Conscient de cette lacune, le fondateur, dans sa lettre du 10/22 août 1850, laissait déjà une porte ouverte: au cas où ses clauses paraîtraient équivoques, il se déclarait prêt à fournir des éclaircissements2. Législateur suprême, il se mon-trait disposé à veiller aussi sur l'interprétation correcte et sur l'applica-tion de ses lois; le pouvoir de décision, en fin de compte, lui appartenait.

Mais les ambiguïtés et les insuffisances des statuts ne devaient être relevées que dans la pratique et par la pratique. Si, en 1851, le concours se déroula sans problèmes — «tout s'est passé conformément à la volonté du noble fondateur», écrit le recteur Missaïl Apostolidis3 — ce ne fut pas le cas la deuxième année. Le 25 mars 1852, aucun prix ne fut décerné, aucun poète couronné. Une vague de protestations s'en-suivit: la décision du jury fut contestée par la presse et par les poètes déçus, comme arbitraire et contraire à la volonté du fondateur; on fit appel à l'arbitrage de ce dernier, on le mit même en cause. Poussé par les événements, Rallis fut contraint d'intervenir. Dans sa lettre du 5/17 juin 1852 adressée au recteur Sp. Pilicas, tout en se solidarisant avec le jury et en cautionnant sa décision, il trouva l'occasion non seulement de porter quelques éclaircissements sur ses statuts, mais

1. Αιών, 20 janvier 1851; Εφημερίς του Λαού, 24 janvier 1851; Η Ελπίς, 27 janvier 1851. Des communiqués universitaires analogues, contenant les conditions de Rallis, sont par la suite régulièrement publiés. Cependant, l'annonce du concours de 1854 (Athènes, 4 juin 1853), signée du recteur P. Arghyropoulos, est formulée de façon définitive: «la présente annonce est valable également pour les années suivantes, sauf si le concours s'arrête, auquel cas le public sera informé à temps par les journaux»: Η Ελπίς, 1 juin 1853; Αιών, 27 juin 1853.

2. Η Ελπίς, 6 novembre 1850. 3. R. R. de 1851, p. 21.

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aussi d'exposer plus largement les objectifs de son initiative1. L'impor-tance de cette lettre nous oblige à faire quelques remarques.

Jusqu'en juin 1852, Rallis avait défini ses objectifs d'une manière plus ou moins vague. Dans sa lettre-règlement, il prétendait déjà créer le concours «pour la culture de la poésie morale et élégante, ainsi que de la langue néo-hellénique correspondante». Qu'entendait-il, au juste, par «langue néo-hellénique»? La deuxième clause des statuts ne le pré-cise pas plus clairement: «conforme au sujet» (κατάλληλος προς τήν

υπόθεσιν), «décente» (κοσμία) et «diserte» (ευφραδής). Mais les consé-quences de cette imprécision risquaient d'être fâcheuses: les deux pre-miers concours avaient déjà montré, par la présentation de poèmes écrits en langue plus ou moins vulgaire (Στράτις Καλοπίχειρος, Ευφρο-σύνη), que le danger d'un malentendu était bien réel. Or, il fallait pren-dre des mesures. Et, par sa lettre du 5/17 juin 1852, Rallis ne faisait qu'aller dans ce sens. Tandis que la prose a fait des progrès, il constate que les poètes «se servent des mots et des phrases les plus vulgaires»; son intention est donc de pousser ceux qui sont doués pour la poésie «à bien étudier la langue de nos ancêtres», afin qu'ils puissent s'expri-mer «en langue régulière et harmonieuse»2.

Enfin, les choses devenaient claires. La d é f e n s e d'u n e l a n g u e a r c h a ï s a n t e en p o é s i e , l o i n d'ê t r e con-s i d é r é e p a r l e f o n d a t e u r c o m m e u n e a f f a i r e se-c o n d a i r e , c o n s t i t u a i t un d e s p r i n c i p a u x o b j e c -t i f s de s o n c o n c o u r s .

Le fait que la lettre du 5/7 juin 1852 soit adressée à Sp. Pilicas (1805-1861) n'est pas moins significatif. Homme lié à la tradition de Solomos aussi bien qu'à celle de Coray, le recteur de l'année 1851-1852 aurait dû se douter qu'il recevait de Trieste une sorte d'avertissement. Il releva le défi. Dans son Rapport rectoral, trois mois plus tard, don-nant lecture de la lettre de Rallis, il nΗésita pas à la critiquer aussi bien implicitement, par l'éloge de la démarche linguistique de Coray, qu'explicitement: «un vêtement de mots et de phrases archaïques sur une poésie moderne paraît quelque chose de contradictoire»3. Quant aux réactions du public, Pilicas, optimiste, les trouvait «de bon augure»; il ne se désolidarisait pas de ceux qui s'en prenaient au jury et à Rallis.

1. Voir le texte de la lettre de Rallis dans le R.R. de 1852, pp. 11-13, ainsi que dans Pant. Chr., pp. 130-132.

2. R.R. de 1862, p. 14. 3. Ibid.

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Au fond, cet épisode reste en quelque sorte isolé. Critiquant les conceptions linguistiques du fondateur, Pilicas agissait à titre per-sonnel: il serait difficile de voir dans sa réponse l'expression d'une attitude commune, partagée par l'ensemble du jury. Or, les rapports entre ce dernier et Rallis étaient encore, en 1852, sans faille visible, et même consolidés par le fait que, face aux attaques de la presse, le fondateur s'était rallié aux universitaires. Il faudra cinq ans pour que cette alliance se transforme en polémique. Entre-temps, malgré les critiques répétées de journalistes et de poètes, le jury semble s'acquitter chaque année de sa tâche avec abnégation et sang-froid, en harmonie complète avec le fondateur. Les rapporteurs, avant de passer à l'exa-men des poèmes, n'oublient presque jamais l'éloge de Rallis: les rec-teurs font de même. Si P. Arghyropoulos ne cache pas sa préférence pour des «œuvres plus positives», tout en craignant les «ambitions intempestives» que le concours poétique aurait pu éveiller, il n'en loue pas moins l'initiative du marchand triestin1. Malgré les apparences, cependant, les rancunes ne cessaient de s'accumuler.

La crise éclata brusquement en 1857. Le concours de cette année-là fut mouvementé plus que jamais. Refusant de décerner un prix, pour la deuxième fois depuis 1852, le jury ouvrit de nouveau les outres d'Eole: nouvelles protestations dans la presse, nouvelles attaques contre les universitaires, le fondateur Rallis et le rapporteur St. Coumanoudis. Ce dernier avait déjà annoncé, lors de la cérémonie du 25 mars, une décision apparemment anodine: le jury devait proposer à Rallis que le concours eût lieu, dans l'avenir, tous les deux ans. «Ainsi les poètes écriront-ils avec plus de précision, et les juges accompliront-ils à l'aise leur devoir»2.

Quelques mois plus tard, le 29 septembre 1857, le recteur C. As-sopios se livrera publiquement à une violente attaque contre Rallis: Toutes les propositions du jury avaient été rejetées. Le fondateur non seulement préféra laisser les choses comme elles étaient, mais, de sur-croît, dans sa réponse «il jugea bon de donner aux professeurs des le-çons de dignité», ce qui est inadmissible, étant donné que les profes-seurs de l'Université d'Athènes «attendaient de Trieste toute autre chose que des leçons de dignité». Enfin, aux poètes opposés aux déci-sions du jury, Assopios conseille la modestie, tout en lançant une me-

1. R.R. de 1853, p. 35. 2. Jugement de 1857, Πανδώρα 8 (1857-1858) 27.

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menace: si le concours se termine prématurément, la responsabilité en incombera aux contestataires1.

Ce n'était pas un recteur étranger à la poésie qui exprimait ainsi son impatience au nom des «œuvres plus positives». L'épirote Con-stantin Assopios (1785-1872), professeur de lettres classiques depuis 1843, s'était acquis une autorité littéraire incontestable. Lié à la tradi-tion de Solomos et de Coray à la fois, comme Pilicas, il avait déjà fait preuve de ses dons critiques, de son érudition, de sa volonté de ré-tablir une plus juste hiérarchie dans la poésie néo-hellénique (Τα Σού-τσεια, 1853). C'était lui, dans la Faculté de Philosophie2, le chef d'un groupe dynamique dont les membres, tous d'origine paysanne, devaient constituer les derniers représentants des Lumières en Grèce: St. Cou-manoudis (1818-1899), E. Castorchis (1815-1889), un peu plus tard G. Mistriotis (1840-1916). C'était lui, selon D. Vernardakis, «depuis quelques années déjà, le plus éminent représentant» de la critique grecque3. En 1857, il ne permettait ni au fondateur triestin ni aux con-currents de bafouer les décisions du jury.

Rallis prit connaissance du Rapport rectoral de 1857 assez tard, par sa publication dans Πανδώρα du 15 février 1858. Il décida d'y ré-pondre avec sagesse: l'autorité et l'âge d'Assopios ne permettaient pas de réactions imprudentes. Ainsi, au lieu de se livrer à une polémique infructueuse, le fondateur préféra envoyer, le 10/22 mars 1858, au journal de Trieste Ημέρα les lettres qu'il avait échangées avec le vieux recteur, tout en exprimant sa stupéfaction devant l'attaque inat-tendue de celui-ci4. Bien que partiellement publiée, cette correspon-dance jette une pleine lumière sur les divergences entre le jury et Rallis.

Datée du 25 mars 1857, la lettre d'Assopios, après avoir exposé les difficultés auxquelles se heurte, de plus en plus, le jury (refus de professeurs d'en faire partie, augmentation du nombre des poèmes, protestations des concurrents, etc.), formule trois propositions: a) que le concours ait lieu tous les deux ans, b) que les poèmes soient envoyés 4 mois avant le 25 mars, ceux qui arrivent après l'échéance devant être exclus, et c) que les professeurs de l'Université, ainsi que ceux

1. R.R. de 1857, p. 26 [= Πανδώρα 8 (1857-1858) 509]. 2. Depuis la fondation de l'Université d'Athènes (1837), la Faculté de Philo-

sophie (Φιλοσοφική Σχολή) comprenait non seulement la Faculté des Lettres mais aussi la Faculté des Sciences.

3. D. Vernardakis, Μαρία Δοξαπατρή, Munich 1858, p.o'; cf. C. Th. Dimaras, Histoire, op. cit., p. 366.

4. Ημέρα, 14/26 mars 1858.

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des lycées, n'aient pas le droit de participation, le concours étant des-tiné aux jeunes gens. Et la lettre d'Assopios poursuit:

«Imitant votre exemple, M. Vernardakis, notre compatriote à Saint Pétersbourg, fonda une sorte de concours différent: il dépense chaque année une certaine somme d'argent à l'édition d'auteurs Grecs anciens. Cependant, après avoir accepté les propositions qui lui avaient été soumises par le Rectorat et par le Conseil Universitaire, il nΗésita pas à ajouter, en plus, une somme d'argent supplémentaire, comme rémunération des éditeurs laborieux, dont la plupart ne vivent que des piètres bénéfices de leur plume.

«Par conséquent, si vous aussi décidiez que, de 2,000 dr. qui doivent être fournies pour un concours ayant lieu tous les deux ans, 1.000 dr. soient destinées à titre de récompense aux juges universitaires, votre œuvre, je crois, serait impeccable et engendrerait de meilleurs résul-tats ,..»1.

Rallis répond le 16/28 avril 1857: Premièrement il ne voit pas d'obstacle à ce que le concours ait lieu chaque année. Deuxièmement, pour ce qui est de l'envoi des poèmes 4 mois avant le 25 mars, cela concerne le jury qui est libre d'agir comme il veut. Troisièmement, l'exclusion des professeurs ne convient ni à l'esprit ni à la volonté du fondateur; il n'a pas fondé son concours pour détacher les élèves et les jeunes de leurs écoles. Quant à M. Vernardakis, il est certaine-ment digne de louange, mais son œuvre n'a rien à voir avec celle de Rallis. Enfin: «On blesserait gravement, je crois, les juges universi-taires dans leur dignité et dans leur majesté, si l'on récompensait par de l'argent les services qu'ils rendent au concours poétique. Tout le monde cultivé s'en étonnerait, un acte pareil étant humiliant»2.

On comprend maintenant les raisons de la colère d'Assopios, porte-parole des universitaires, et à quoi il faisait allusion en disant que les professeurs «attendaient de Trieste toute autre chose que des leçons de dignité». Mais la crise déclenchée en 1857 fut décisive: les rapports entre le jury et le fondateur apparaissaient désormais com-promis et définitivement envenimés. Si, devant la fermeté de Rallis, les universitaires furent obligés de faire marche arrière et, tout en dissimulant publiquement leur rancune, de continuer leur travail au concours comme auparavant, ils ne renoncèrent pas pour autant à leurs revendications. Trois ans plus tard, la rupture fut consommée.

1. Ibid. 2. Ibid.

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Dans les Rapports rectoraux de ces années, la tension et la montée de température sont perceptibles. En 1858, le recteur Philippe Ioannou s'en prend violemment aux contestataires, menaçant de nouveau, comme Assopios l'année précédente, d'une interruption du concours1. En 1859, D.S. Stroumbos fait état de l'acharnement des concurrents, ainsi que du sang-froid gardé par le jury2. Mais, en 1860, V. Icono-midis est plus éloquent: Le concours de Rallis n'est plus le seul; il y a aussi ceux de C. Tsokanos et de G. Mélas; un quatrième, celui de Th.P. Rodocanakis, vint s'ajouter pendant l'année universitaire 1859-1860. Or, selon le recteur, tous ces concours seraient plus convenables, s'ils devenaient la possession de l'Université, ce qui mettrait les fondateurs à l'abri «d'un certain...reproche de vanité». Par ailleurs, les concours deviennent de plus en plus pénibles, la Faculté de Philosophie en ayant principalement la charge. Chose significative: Iconomidis ne manque pas de louer Rodocanakis pour son initiative d'offrir aux membres du jury, comme récompense, 200 drachmes8.

Les choses s'éclaircissent: les griefs des professeurs contre Rallis étaient principalement dûs à des exigences pécuniaires. En refusant obstinément d'y donner satisfaction, le fondateur de Trieste ne pous-sait son concours que vers l'impasse. Aucune rémunération des juges n'était prévue par ses statuts. Or, l'enthousiasme des premières années passé, les universitaires, ayant la charge.de poèmes de plus en plus nombreux et, en même temps, exaspérés par les attaques de la presse et des concurrents, décidèrent enfin, en 1857, de régler, entre autres, la question de leur récompense. Le refus formel du fondateur ne fit que détériorer la situation. Beaucoup plus tard, les professeurs Asso-pios, Ioannou et Castorchis, se plaignant encore des minces rétribu-tions des jurys, semblent garder leur rancune: ils citent comme exemple d'ingratitude «M. Ambroise Rallis de Trieste qui blâma violemment les juges, car, après avoir jugé gratuitement pendant 8 ou 10 ans les poèmes envoyés au concours, ils prirent enfin la résolution de mettre un terme à leur si grande abnégation»4.

En 1861, malgré l'envoi de 7 poèmes, le concours n'a pas eu lieu. A en croire le recteur G. Rallis, le jury n'a pas été formé en raison des

1. R.R. de 1858, pp. 16-18. 2. R.R. de 1859, p. 31. 3. R.R. de 1860, pp. 10-11. 4. C. Assopios, Ph. Ioannou, E. Castorchis, «Αναγκαία εξήγησις περί των εν

Αθήναις φιλολογικών διαγωνισμάτων», Αθήναιον 1 (1873) 90.

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occupations ainsi que de l'état de santé de quelques professeurs 1. Un journaliste, annonçant l'ajournement pour le 20 mai, feint ironique-ment de s'en étonner: «Quelles sont les raisons de ce report?... S'il s'agissait des efforts à fournir, nous sommes persuadés que les profes-seurs libéraux de l'Université, notamment ceux qui sont spécialisés dans le jugement de la poésie, ne ménageraient en aucune façon les leurs!»2. Mais l'ajournement n'était qu'un prétexte pour renvoyer le concours aux calendes grecques. N'espérant plus obtenir satisfaction, les universitaires s'abstenaient du jury opiniâtrement.

Mis au courant de l'ajournement par le Rectorat - dans l'espoir, toutefois, que le jury serait plus tard complété - Rallis fut en même temps appelé à répondre de quelle façon il disposait des 1.000 drachmes du concours de 1861. Il en fit cadeau à la fille pauvre d'un combattant, et «chargea désormais du jugement des poèmes un jury devant être désigné chaque fois par le Ministère de l'Education Nationale»8. Or, il ne semble pas avoir eu l'intention de renoncer à son concours4. En butte à des divergences sérieuses avec l'Université, il voulut simple-ment remplacer le jury existant par un autre, probablement extra-universitaire. Mais il était trop tard.

Jean Voutsinas (1834-1902), qui vivait à Odessa, ayant appris par des rumeurs que Rallis avait renoncé à son concours, chargea Joseph Pittakos, intendant de l'armée grecque, d'agir. Ce dernier, après avoir obtenu du Rectorat une confirmation officielle de la démission du marchand triestin, se présenta au roi pour lui annoncer que Voutsinas était disposé non seulement à fournir chaque année les 1.000 drachmes du concours, mais, en plus, 500 drachmes comme récompense du jury. Othon accepta et remercia le nouveau fondateur 5. Ainsi, la crise eut

1. R.R. de 1861, pp. 23-24. 2. D.A. Mavrommatis, dans Πρωινός Κήρυξ, 24 mars 1861. 3. R.R. de 1861, p. 24. 4. En 1866, dans la préface de son mélodrame Οι Κλέπται, Rallis se plaint:

«Ce poème a été soumis au jugement du jury, avant que le droit du fondateur me fût refusé, en dépit du fait que c'est moi qui introduisis ce concours ancien en Grèce et contribuai, dans la mesure de mes moyens, au rapatriement des Muses».

5. Η Ελπίς, 25 juillet 1861. Le même journal, tout en félicitant le nouveau fondateur, ajoute: «Nous avons l'impression que notre honorable ami M. Voutsinas en offrant une récompense d'argent aux membres du jury a été influencé par l'idée que d'aucuns ont exprimée, selon laquelle les juges s'abstiennent faute de paiement. Il est possible qu'une aussi vile idée ait été partagée jusqu'à présent par certains membres du jury, mais elle est rejetée par tous ceux qui respectent leur fonction. Or, nous croyons que M. Voutsinas aurait mieux fait d'offrir les 500 drachmes au

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un dénouement heureux. Les revendications des universitaires satis-faites, les concours pouvaient continuer.

2. Jean Voutsinas — Réorganisation et déclin des concours

LΗomme qui prenait la rélève en 1861 et sauvait le concours pré-sentait les mêmes garanties sociales que son prédécesseur et, d'un certain point de vue, une vie presque parallèle. Marchand et banquier riche, comme Rallis, il n'était ni un patriote moins zélé, ni un mécène moins ambitieux. Sa famille, originaire de l'île de Céphalonie, devait faire également partie, au XIXe siècle, d'une bourgeoisie marchande en plein essor; quoique moins illustre que la famille Rallis, elle n'était pas privée non plus de titres de noblesse1.

Mais Voutsinas était lΗomme d'une autre génération. Né en 18342

à Odessa, il avait l'âge des jeunes poètes qui se présentèrent au con-cours depuis 1855. La maison de commerce familiale en Russie lui assurait un avenir aisé: il en assuma la direction, après ses études à Syros, Athènes et Paris. Nous lui connaissons des activités journalisti-ques pendant sa jeunesse, pas d'activités littéraires. Jusqu'à sa mort (1902), il demeura à Odessa; mais ses liens avec son pays ne semblent jamais s'être relâchés.

Lorsqu'il remplaça Rallis, Voutsinas avait 27 ans. On peut s'ima-giner facilement ce jeune riche, ambitieux et plein de fougue, saisis-sant avec plaisir l'occasion de devenir mécène. Quelques années plus tard, son enthousiasme patriotique s'exprime par une série d'articles défendant la révolution crétoise: en 1866 les Anglais le surnomment «l'acharné Grec de la Russie Méridionale»3. Grâce à lui les journaux

second des poèmes». Au contraire, Πρωινός Κήρυξ, 20 juillet 1861, est toujours ironi-que: «Jusqu'à maintenant les juges se plaignaient de n'être récompensés que par des injures et des outrages. Voilà enfin qu'ils reçoivent une récompense d'argent supérieure à toutes les insultes et à tous les coups de pied!».

1. El. A. Tsitsélis, Κεφαλληνιακά Σύμμικτα, t. I, Athènes 1904, pp. 67-68. Sur Jean Voutsinas voir aussi: M.P. Vrétos, Εθνικόν Ημερολόγιον 1866, pp. 341-342, Sko-kos, Ημερολόγιον 10 (1895) 257-259, et MEE 7 (1929) 728.

2. «Vers 1827», selon M.P. Vrétos, op. cit., p. 341. A. Iliadis (Ειρηνική, 11 mai 1872) conteste cette date citée par le journal Αυγή (9 mai 1872) dans une bio-graphie de Voutsinas: en 1872, le fondateur n'a pas plus de 34-35 ans. La date 1834 établie par Skokos, op. cit., p. 257, et El. A. Tsitsélis, op. cit., p. 66, nous paraît plus correcte.

3. Skokos, op. cit., p. 258. Il est à noter que, pendant la révolution crétoise,

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athéniens Ελπίς, Αιών et Πανδώρα purent s'introduire en territoire russe. Consul général de Grèce à Odessa, à partir de 1874, il occupa ce poste pendant 21 ans.

Ce patriotisme, néanmoins, comme celui de Rallis, n'empêcha nullement Voutsinas de rendre des services précieux à la Russie. Pré-sident de la Bourse d'Odessa pendant 9 ans, conseiller de la Banque impériale, trésorier de la Croix Rouge, etc., il bénéficia de toutes les faveurs des autorités russes; ses décorations en témoignent. Comment pouvait-il ne pas faire preuve d'un zèle si bien récompensé? En 1871, au moment où il offrait 20.000 drachmes à l'Université d'Athènes, il fondait dans sa ville un concours dramatique ayant pour sujet lΗistoire et la vie russes1. C'était dans les règles du jeu: homme d'affaires intel-ligent, il lui fallait servir, en même temps que sa patrie, le pays auquel il devait sa fortune.

Il n'oublia pas pour autant son île d'origine: une partie de sa for-tune fut dépensée à payer les études de jeunes Céphaloniens. Voutsinas aurait aussi financé la publication de l'«Histoire de lΗeptanèse» de Jean Romanos, si la mort de l'auteur n'avait pas fait échouer ce projet2. Par ailleurs, intéressé à l'enseignement, il fit construire, dans la banlieue d'Odessa, une école primaire, et fonda, en 1881, comme nous le ver-rons, un concours sur les méthodes d'éducation scolaire. On le voit bien, il n'exerçait sa bienfaisance qu'au niveau culturel. Il avait le mécénat dans le sang.

Sa renommée fut bâtie, avant tout, sur le concours poétique d'Athènes. La tâche lui était facile. Succédant à Rallis, Voutsinas n'avait qu'à offrir une somme d'argent supplémentaire pour donner satisfac-tion aux revendications des juges. Le concours, bien parti, n'avait besoin que de financement; il n'était pas question de réviser les sta-tuts existants. En effet, en 1862 nous apprenons par la bouche du rapporteur Rangabé que le nouveau concours «se déroule de la même manière que les précédents»3. Rallis disparu, ses statuts demeuraient en vigueur.

Ces statuts cependant durent subir, à partir de 1862, deux modi-

Voutsinas avait déployé une activité non négligeable, effectuant des collectes; voir dans Η Ελπίς , 25 avril 1867, un épisode relatif à ces activités.

1. El. A. Tsitsélis, op. cit., p. 66. Le don de Voutsinas à l'Université est com-menté par les journaux Παλιγγενεσία, 19 mai 1871, et Αιών, 24 mai 1871.

2. Ibid., p. 67. 3. Jugement de 1862, Πανδώρα 13 (1862-1863) 122.

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modifications apportées, semble-t-il, plutôt par le jury universitaire que par l'initiative de Voutsinas:

a) La langue savante cessa d'être la seule acceptée au concours. Rangabé nous en donne l'explication: L'exclusion de la langue popu-laire, dans le passé, avait été motivée surtout par le fait que «beaucoup recouraient à la langue inculte de la populace non par force mais par faiblesse»; aussi avait-on jugé que «dans le combat livré aujourdΗui pour la formation de la langue, la grande force de la poésie ne devrait pas rester inutilisée... Cependant, nous ne persistons plus dans la déci-sion prise alors par le jury, bien que nous estimions les raisons qui l'avaient dictée»1. Le rôle de Rallis n'est aucunement mentionné par Rangabé.

b) La date de la cérémonie fut transférée du 25 mars au mois de mai2.

«

En 1864, pour la deuxième fois, le concours n'eut pas lieu, «en raison d'une querelle très peu poétique survenue irrémédiablement parmi les membres du jury»3. Mais cette fois-ci, le fondateur n'y était pour rien; nous aurons l'occasion de revenir sur cette affaire et voir en détail ce qui s'était passé. Une chose est certaine: l'année suivante, un effort de réorganisation du concours est manifeste. Le rapporteur Roussopoulos signale une lacune importante, l'absence de procès-verbaux du jury4. Quatorze ans après le commencement des concours, on n'avait pas encore pris soin de conserver dans les archives universi-taires les manuscrits envoyés. Il était temps d'y remédier. L'avenir du concours paraissait, de tous les points de vue, assuré: le nombre de participations augmentait; Voutsinas avait déjà fait ses preuves, offrant 1.000 drachmes de plus, exceptionnellement pour l'année 1865, afin que le récent rattachement de lΗeptanèse à la Grèce fût célébré par le couronnement d'un poème écrit «en langue populaire, notam-ment heptanésienne»5; enfin le nouveau régime du roi Georges trans-mettait son élan à toutes les institutions, y compris aux concours. C'est ainsi qu'un communiqué universitaire, daté du 24 juin 1865 et

1. Ibid., p. 123. 2. Le report de la cérémonie au 3 mai est mentionné, pour la première fois

par le Jugement de 1863, note préliminaire, p. [3], Cette date devait être consacrée par le communiqué universitaire du 24 juin 1865.

3. R.R. de 1864, p. 76. 4. Jugement de 1865, Χρυσαλλίς 3 (1865) 330. 5. R.R. de 1865, p. 27.

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signé du recteur H. Mitsopoulos, fait montre d'un esprit de réorganisa-tion:

a) Ne seront désormais acceptables que les poèmes «lisiblement calligraphiés» qui auront été déposés au Rectorat avant le premier mars de chaque année;

b) ces poèmes, destinés au concours ayant lieu chaque année le 3 mai, ne seront pas rendus à leurs auteurs, mais resteront dans les ar-chives universitaires; chacun d'eux sera accompagné de son enveloppe qui ne sera ouverte qu'en cas de victoire1.

L'importance de cette décision est évidente: la conservation des poèmes dans les archives universitaires, même si elle était dictée par des considérations pratiques, démontrait à quel point les concours étaient élevés à la hauteur d'une institution. On peut imaginer, par ailleurs, combien la recherche aurait eu à gagner, si l'on disposait d'un tel corpus de manuscrits. Malheureusement, les archives du concours de Voutsinas ont été, plus tard, dispersées2 et, bien que quelques poèmes, portant les signatures et les notes des juges, aient été retrouvés, la re-constitution de l'ensemble ne reste pour l'instant qu'un vœu pieux.

L'usage ayant très souvent force de loi, il est normal que certaines pratiques, quoique au début exceptionnelles, finissent par devenir cou-rantes ou, tout au moins, tolérées. Par deux fois, ainsi que nous venons de le voir, pendant la période de Rallis, le prix ne fut pas décerné; pendant celle de Voutsinas, il sera refusé à trois reprises (1863, 1867 et 1871), chose d'autant plus caractéristique que les œuvres présentées atteignaient avec le temps des chiffres élevés. Signalons encore une nouvelle pratique introduite en 1866 et répétée aussi en 1870, 1872, 1873 et 1875: le prix de 1.000 dr. fut partagé entre deux poètes. Si la première fois on s'empressa de protester3, ce ne fut plus le cas par la suite: la coutume imposait ses droits. Quant au nombre des participations, il ne fit l'objet d'aucune restriction: on pouvait envoyer au concours plus d'un poème, à condition qu'ils fussent inédits. Mais

1. Publié dans la presse, ce communiqué est reproduit dans le Jugement de 1865, p. 87, ainsi que dans M.P. Vrétos, op. cit., pp. 392-393. Les poèmes non jugés pouvaient, cependant, être rendus à leurs auteurs: un communiqué rectoral du 8 avril 1866 (Η Ελπίς, 26 avril 1866) invitait 4 auteurs à reprendre leurs poèmes re-çus après échéance; cf. le communiqué rectoral du 3 février 1870: Παλιγγενεσία , 6 février 1870.

2. Camb. Α., p. 796. 3. A. Vlachos, dans la préface de son recueil «Εκ των ενόντων», Πανδώρα 17

(1866-1867) 156.

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la règle n'était pas toujours respectée par les concurrents. A. Paraschos et C. Samartzidis seront exclus du concours de 1868 pour avoir en-voyé des œuvres en partie publiées; deux autres poèmes, en 1867 et 1869, seront rejetés pour la même raison.

L'élimination pouvait également avoir d'autres motifs, parmi les-quels le plus courant, sans doute, était l'expiration du délai. Plus indulgent au début du concours, cependant, le jury ne refusa pas d'examiner, en 1852, 3 œuvres reçues après échéance. Depuis lors, le règlement fut strictement appliqué, éliminant 3 poèmes en 1853, 1 en 1857, 2 en 1858, 4 en 1866, 2 en 1872, 2 en 1874 et 2 en 1876. A. Ran-gabé (1857) et A. Vlachos (1866) on été exclus pour avoir envoyé des traductions, dont la présentation n'était pas mentionnée dans les statuts de Rallis. Par ailleurs, 4 poèmes en 1868 et 3 en 1876 furent éliminés pour avoir moins de 500 vers. Parmi les autres motifs d'élimi-nation, ajoutons aussi l'envoi de poèmes ne correspondant pas au genre examiné (6 poèmes, à partir de 1872), l'absence de titre et d'en-veloppe (2 poèmes, en 1854 et 1868), le contenu indécent (2 poèmes, en 1875 et 1876) et l'illisibilité du manuscrit ( 2 poèmes, en 1872 et 1873). En somme, les œuvres éliminées pendant les concours dépassent largement la trentaine sur un ensemble de plus de 500 poèmes envoyés.

Un auteur n'avait évidemment le droit que de présenter une seule fois son poème. Mais en 1856 le jury décida que les œuvres ayant ob-tenu un accessit pouvaient exceptionnellement être à nouveau pré-sentées ultérieurement au concours pour revendiquer le prix1. Les in-fractions à cette règle ne manquèrent pas, sans qu'elles soient toujours repérées: si, en 1859, S. Carydis fut éliminé pour avoir envoyé pour la deuxième fois un poème n'ayant pas obtenu d'accessit, beaucoup d'au-tres poèmes dans le même cas purent être impunément présentés à nouveau tout au long des concours. Le temps séparant les deux partici-pations, le changement des membres du jury, le remaniement du texte et, souvent, du titre de ces poèmes, sont des raisons suffisantes pour qu'une «fraude» pareille passât inaperçue.

Mais la modification la plus impressionnante devait être apportée aux statuts en 1871. L'année précédente, le rapporteur Orphanidis, poussé par le nombre extraordinaire des participations (35), avait déjà proposé, pour chaque année, la concurrence sur un seul genre de poésie

1. Jugement de 1856, Πανδώρα 7 (1856-1857) 26; cf. Jugement de 1859, Πανδώρα 10 (1859-1860) 26.

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«et, si possible, sur un seul sujet fixé par le Conseil Universitaire»1. En 1871, les œuvres présentées ayant atteint le nombre de 45, la divi-sion du concours fut annoncée par le rapporteur G. Mistriotis2. Un mois plus tard, un communiqué universitaire (No 514, 26 juin 1871) signé du recteur C. Voussakis, notifiait, «avec l'autorisation du patriote fondateur», les modalités suivantes:

«1 ) Le concours est réparti entre les trois grands genres de la poésie, à savoir le dramatique, le lyrique et l'épique.

2) L'année prochaine 1872 le concours sera dramatique et y seront acceptés en concurrence des tragédies, des tragi-comédies, des comédies, des drames satyriques [sic], des mimes et, en général, toutes les catégo-ries du genre dramatique.

3) L'année suivante 1873 le concours sera lyrique et y seront ac-ceptées toutes les catégories de la poésie lyrique.

4) La troisième année 1874 le concours sera épique et y seront acceptées toutes les catégories de l'épopée, y compris le genre épico-lyrique.

5) Si, à la fin de cette période, aucune autre notification n'est diffusée, la présente sera valable pour l'avenir, selon l'ordre précédent.

6) Tout poème n'appartenant pas au genre poétique selon lequel se déroule une année le concours, en sera exclu.

7) Les poèmes sont reçus au secrétariat de l'Université jusqu'à la fin du mois de janvier de chaque année; les formalités relatives à leur envoi sont toujours en vigueur»3.

Appliqué en 1872, le nouveau règlement obtint, provisoirement les résultats escomptés: les poèmes présentés, exclusivement dramati-ques, ne furent pas plus de 28. Un autre événement vint donner au concours de cette année un éclat particulier: Voutsinas, de passage à Athènes, assista à la cérémonie du 7 mai et couronna lui-même les deux poètes vainqueurs. C'était un fait unique. Rallis n'avait assisté à aucune cérémonie de son concours.

Naturellement, le séjour du marchand d'Odessa dans la capitale grecque ne passa pas inaperçu. Les journaux athéniens annoncèrent son arrivée (début mai), commentèrent ses diverses occupations et son départ (20 mai); ils ne manquèrent pas de publier des notes biographi-ques. A. Iliadis, un des lauréats de la même année, fait de Voutsinas

1. Jugement de 1870, p. 9. 2. Jugement de 1871, p. 6; cf. R.R. de 1871, p. 55. 3. Jugement de 1871, p. [57].

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un portrait flatteur: Le fondateur est âgé de 34 - 35 ans, célibataire et assez beau; «nous espérons que, s'il décide de se marier ici, sa demande ne sera pas refusée!». Il acheta un terrain à Athènes pour faire construire une maison «en vue, peut-être, de s'y installer à l'avenir», se montra satisfait du progrès économique de la Grèce et, avant de partir, il promit de revenir bientôt1.

Il n'allait pas tenir sa promesse. Un peu plus tard, malgré les réformes, les concours entraient dans leur phase finale. Si les concur-rents, toujours renouvelés, montraient sensiblement le même enthou-siasme et si le nombre des participations continuait d'être élevé, la lassitude des universitaires, chargés de 4 concours, était déjà mani-feste. En 1873, C. Paparrigopoulos annonce avec soulagement le rejet d'un cinquième concours, dramatique; il n'en demande pas moins pour les juges une récompense convenable; les concours esthétiques, estime-t-il, doivent avoir toujours le même jury, comme à l'Académie Française2. L'année suivante, G. Makkas observe mélancoliquement: «Seuls les professeurs qui furent membres de jurys connaissent les labeurs auxquels cette tâche est liée»3.

Les derniers concours se déroulèrent comme prévu; aucune nouvelle notification ne vint modifier celle de 1871. En 1876 et 1877 nous re-trouvons au jury les mêmes membres (Aphentoulis et Orphanidis), comme si la proposition de Paparrigopoulos se réalisait tardivement. Au concours de 1877 ne furent présentés que 5 poèmes épiques. C'était la fin. L'année suivante le recteur A. Anagnostakis déclare officielle-ment; «Et tout d'abord j'annonce que le concours poétique a été tacite-ment supprimé, son fondateur ayant cessé d'offrir l'argent nécessaire. Une interruption provisoire n'est peut-être pas à déplorer, afin que soit donnée à notre nouveau Parnasse la possibilité de floraisons plus vi-goureuses. Cependant, le Conseil Universitaire, ayant éprouvé à deux reprises jusqu'à présent la versatilité des fondateurs, décida de n'admet-tre aucun concours à l'Université, si le capital nécessaire à son fonc-tionnement n'est pas déposé au préalable et de façon définitive» 4.

On voit clairement que le financement des concours présentait une faille essentielle: offrant chaque année la somme d'argent indispen-sable à leur fonctionnement, le fondateur pouvait les interrompre à

1. Ειρηνική, 11 et 23 mai 1871; voir aussi Παλιγγενεσία, 6 et 13 mai 1872. 2. R.R. de 1873, pp. 17-18. 3. R.R. de 1874, p. 20. 4. R.R. de 1878, p. 12.

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volonté, en cessant simplement d'envoyer son chèque annuel. C'est ce qui s'est passé en 1877. Préoccupé peut-être par ses projets culturels

et autres en Russie, Voutsinas n'a pas jugé bon de poursuivre le finance-ment des concours athéniens1. S'était-il aussi rendu compte que ceux-ci avaient déjà fait leur temps? Estimait-il que, après tant d'années, les résultats obtenus étaient trop médiocres pour justifier une continua-tion plus ou moins vaine? On ne saurait répondre par l'affirmative. Il serait difficile de croire qu'un homme comme Voutsinas pût partager, par exemple, le point de vue d'un critique comme Roïdis qui, en 1875, annonçait déjà la faillite des concours. Une telle hypothèse, par ailleurs, est démentie par les faits.

En 1881, après avoir été élu membre honoraire de l'Association Littéraire Hellénique de Constantinople, Voutsinas annoncera, par une lettre du 4 avril au Président, sa décision de fonder 3 concours pour la rédaction de Guides pratiques concernant l'enseignement primaire et secondaire. Cette décision, précisera-t-il, prise longtemps auparavant, n'avait pu être mise en pratique en raison des circonstances. «Je con-sidère, à lΗeure actuelle, Monsieur le Président, la fondation de con-cours ayant des objectifs pratiques comme le moyen nécessaire et le plus efficace... pour notre progrès national»2. Ne serait-on pas tenté de voir, dans cette profession de foi, une sorte d'autocritique de la part de lΗomme qui finança, pendant 15 ans, un concours poétique, à savoir lin Concours n'ayant pas, par définition, d'«objectifs pratiques»? En réalité les choses sont plus complexes, et la «versatilité des fondateurs», dont parle le recteur Anagnostakis, paraît plus ou moins certaine.

Le concours de Constantinople ne devait être proclamé qu'avec un retard de dix ans3, pendant lesquels le mécène aurait brûlé d'une impatience compréhensible. Il avait mis fin au concours athénien de-puis 1877. Son nouveau concours, bien qu'accepté immédiatement par

1. Selon Skokos, op cit., p. 258, le fondateur supprima son concours à la suite d'une réponse brutale du Conseil Universitaire à ses propositions concernant des mesures d'amélioration. La source de cette information est, très probablement, un article publié dans Εφημερίς de 1888 (voir ci-dessous). Un autre journal, Καιροί , 24 décembre 1883, attribue l'interruption du concours au fait que Voutsinas rejeta les conditions que l'Université lui avait soumises.

2. Ο εν Κωνσταντινουπόλει Ελληνικός Φιλολογικός Σύλλογος 15 (1880-1881)53. 3. La lettre-règlement de Voutsinas, acceptée immédiatement par l'Associa-

tion de Constantinople dut subir quelques modifications (Ibid., p. 71). Le «Programme Général» du concours, lu et approuvé à la séance du 15/27 novembre 1890, est publié op. cit., 22 (1889-1890) 89-92.

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l'Association de Constantinople, tardait désespérément à se mettre en marche. C'est ainsi que s'explique, peut-être, la décision de Voutsinas de faire encore un effort, en 1888, pour rétablir les concours poétiques universitaires. Un journal de l'époque1 annonce que le fondateur, se trouvant en Allemagne, s'apprêtait à voyager à Athènes en vue de rencontrer le recteur Aphentoulis et de «réaliser son but». Homme «au dessus de toute mesquinerie», il n'avait jamais cessé d'envisager la reconstitution de son concours athénien. C'est ainsi, poursuit le journal, qu'il s'était adressé au recteur, quelques années auparavant, pour lui demander les conditions dans lesquelles cette reconstitution serait possible. Mais la lettre de réponse du recteur fut brutale: «Avant que nous exprimions notre avis, vous devez déposer à la Banque Nationale l'argent nécessaire aux prix et aux autres frais». A la suite de quoi, le fondateur, offensé, s'était tourné vers lAssociation de Constantinople, de laquelle pourtant il n'avait pas encore reçu de réponse2. Donc, à en croire ce journal, Voutsinas avait fait un premier effort pour rétablir son concours entre les années 1877 et 1881, effort qu' il renouvela en 1888.

Sa correspondance avec l'Université d'Athènes ne nous étant pas parvenue, nous ne pouvons savoir ni les raisons qu'il a avancées en 1877 pour justifier sa démission, ni les efforts qu'il a faits plus tard pour rétablir son concours. Quoi qu'il en soit, ces efforts, réels ou non, n'eurent pas de suite. Morts en 1877, les concours poétiques universi-taires ne devaient connaître aucune résurrection. Ils avaient fait leur temps, rempli leur mission. Il est vrai que d'autres concours prirent par la suite la relève. Mais le contexte social et littéraire n'était plus le même: le tournant de 1880 avait déjà montré que lΗistoire de la poésie et de la critique néo-helléniques, ayant fait de nouvelles options, allait passer désormais par d'autres voies.

3. La cérémonie

Rallis avait désigné comme jour de la cérémonie annuelle du con-cours le 25 mars. Ce choix, naturellement, n'était pas dû au hasard. Anniversaire de la Guerre de l'Indépendance et jour de la fête nationale officielle, le 25 mars offrait toutes les garanties d'une solennité incom-

1. Εφημερίς, 21 février 1888. 2. Ibid.

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incomparable; sa signification symbolique était facile à saisir: on célébrait la renaissance de la Grèce en même temps que celle de sa poésie.

A trois reprises, cependant, au cours de la période de Rallis, la clause concernant la date ne fut pas respectée: en 1851, la cérémonie eut lieu le 20 mai, jour de l'anniversaire du roi Othon; en 1855, elle fut transférée au 29 mars, le 25 mars coïncidant avec la Semaine Sainte; en 1858, enfin, elle eut lieu le 23 avril en raison de la maladie du recteur Philippe Ioannou.

Quant à la période de Voutsinas, bien que le concours fût fixé au 3 mai, anniversaire de l'inauguration de l'Université, les dates de la cérémonie varient selon le tableau suivant:

La cérémonie a toujours lieu un jour de fête ou, tout au moins, un dimanche. E. Yemeniz, témoin oculaire, nous en laissa une descrip-tion; il s'agit du concours de Rallis:

«Une grande fête académique célébrée par les Athéniens offre chaque année aux voyageurs qui parcourent la Grèce l'occasion de reconnaître le caractère tout national de la nouvelle poésie hellénique. Chaque année l'académie d'Athènes ouvre un concours poétique, et elle décerne un prix, fondé par l'opulent patriote Ambroise Rallis, au poète dont l'oeuvre est jugée la plus remarquable par l'invention, et la plus propre à ramener la langue à sa pureté première. Le jour fixé pour la clôture solennelle de ce concours est le 25 mars, anniversaire de la proclamation de l'indépendance hellénique. Ce jour-là, Athènes tout entière est en mouvement: toutes les classes de la société montrent un empressement égal; les cafés et les bazars sont déserts; les places sont encombrées par la foule qui gesticule, crie, discute avec l'emportement naturel à ce peuple. Après la lecture d'un rapport sur les diverses pro-ductions soumises au concours, le président proclame le vainqueur, le félicite au nom de la nation, récite à haute voix ses vers, et pose sur son front une couronne de laurier. Au sortir de la séance, le poète

1862 : 28 mai 1863 : 3 » 1864 :

1870 : 10 mai

1865 : 9 » 1866 : 8 »> 1867 : 7 » 1868 : 5 » 1869 : 25 »

1871 : 23 1872 : 7 1873 : 13 1874 : 5 1875 : 18 1876 : 13 1877 : 6 juin

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couronné est accueilli par les acclamations de la foule et reporté chez lui presque en triomphe. On ne peut se faire une idée des querelles et des tempêtes qui, jusqu'au dernier moment, agitent ce grand débat littéraire»1.

Pendant un quart de siècle, cette cérémonie se répète chaque année de façon plus ou moins identique. Erigés en institution, les con-cours puisent une partie de leur rayonnement dans le même rituel qui, en se reproduisant, a principalement le rôle de reproduire. A travers les mêmes gestes s'expriment les mêmes mentalités.

Les Rapports rectoraux, la presse de l'époque et, parfois, les Juge-ments des jurys décrivent la cérémonie avec des adjectifs qualificatifs peu variés: elle est toujours δημοτελής, πανηγυρική, ou δημοτελής και σεμνή. La présence d'un auditoire aussi nombreux que choisi n'est pas moins soulignée. Voici comment se passent les choses:

Après le service matinal à l'église de Sainte Irène, cathédrale d'Athènes à l'époque, les officiels et le public commencent à remplir la Grande Salle de l'Univertité. La cérémonie est habituellement fixée aux alentours de 10 heures. Mais la foule ne semble pas attendre la fin de la messe pour accourir à l'Université: nous savons que dès 9 heures la Grande Salle est souvent déjà pleine de monde. On vient assister à un combat terminé, dont les protagonistes sont inconnus, dispersés parmi les spectateurs; seule l'identité des vainqueurs sera établie, les vaincus passant inaperçus dans le grand public anonyme.

Quelle est la composition de ce public? On y distingue, tout d'abord, les notabilités les plus éminentes: ministres, sénateurs, députés, prélats du Saint Synode, conseillers d'Etat, membres du Conseil Univer-sitaire, etc. Le roi Othon, présent à la première cérémonie du concours, n'y assistera plus jamais; on ne manque pas pourtant, en 1853, d'expli-quer qu'il est absent «en raison de son deuil»2, comme si sa présence constituait une règle, alors qu'elle n'était qu'exceptionnelle. Parfois aussi on peut rencontrer, parmi les officiels, quelques personnalités assistant au concours de façon plus ou moins occasionnelle: par exemple l'ambassadeur anglais Wise et son compatriote helléniste Liddell, de passage à Athènes (1859), le premier ministre Voulgaris et le fondateur

1. E. Yemeniz, «De la renaissance littéraire en Grèce. Les poètes Zalokostas et Orphanidis», Revue des Deux Mondes, 27 (1er mai 1860) 214 [ = L a Grèce Moderne. Héros et poètes, Paris 1862, pp. 215-216].

2. Jugement de 1853, p. 1; cf. Αιών, 28 mars 1853.

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Voutsinas (1872), l'archevêque de Corfou (1873). Les autorités ecclésiasti-ques assistent à la cérémonie régulièrement:

μηρμύγκι τ' ακροατήριο στα προαύλια, να σας ιδούν χτυπούν ποδάρια χέρια υπουργοί, νέοι και νιες και δεσποτάδες

(G. Tertsétis, Ο θρίαμβος του ποιητικού διαγωνισμού, 1858)

Quant à la foule qui remplit la Grande Salle, elle représente, en quelque sorte, toutes les classes occupant les plus hauts échelons de a société athénienne: membres de familles phanariotes et bourgeoises

- les femmes n'y sont pas absentes — fonctionnaires, intellectuels, jour-nalistes, etc. La présence de la jeunesse est sensible: les étudiants et les lycéens constituent le public le plus passionné — les candidats du concours proviennent en grande partie de leurs rangs — et, naturelle-ment, le plus turbulent. En 1851, en présence du roi, la première céré-monie fut sérieusement perturbée, lorsque les étudiants, maintenus au dehors par les gendarmes, faute de place à l'intérieur, finirent par envahir bruyamment la Grande Salle1.

La séance ouverte vers 10 heures, c'est le rapporteur lui-même qui donne lecture de son texte2, à la fin duquel il annonce les prix et les accessits. Après quoi, le recteur, président du jury, décachète l'en-veloppe, lit le nom du vainqueur, et l'invite à s'avancer pour lui poser sur le front une couronne de laurier. Celle-ci est accompagnée d'un prix de 1.000 drachmes, somme non négligeable3. Si les vainqueurs sont deux, ils se partagent la couronne et l'argent. Si le concours poéti-que est le seul de la journée — à partir de 1866 il se déroule souvent en même temps que le concours théologique ou littéraire - la céré-monie se termine sur la distribution des prix. Officiels et public quittent la salle, après avoir applaudi les vainqueurs. Dans la rue, la suite est

1. Voir une description détaillée dans Εφημερίς του Λαού, 23 niai 1851. En 1853 les gendarmes étaient remplacés par des étudiants: Jugement de 1863, p. 1.

2. Une seule exception: en 1874, c'est Th. Aphentoulis qui donna lecture du rapport rédigé par A. Rangabé, celui-ci étant parti pour l'Egypte.

3. La drachme grecque représentant à l'époque à peu près les 9/10 d'un franc —-plus exactement: 89 centimes 54—, les 1.000 drachmes valaient presque 900 F. Une somme pareille, supérieure au traitement d'un ministre (800 drachmes), équi-valait à 4 mois du traitement d'un député: Edmond About, La Grèce contemporaine, Paris 1907", p. 93 et 187. Ajoutons encore que le traitement d'un professeur titulaire était fixé par le décret royal du 28 mai 1859 à 350 drachmes: Pant. Chr., p. 104.

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évidente: triomphe du lauréat, commentaires, protestations, disputes. Toute la ville est saisie par ce grand événement, dont les répercussions occuperont une large place, les jours suivants, dans la presse.

Très souvent, la cérémonie ne manque pas d'imprévus qui créent des surprises agréables ou désagréables. Il est normal, par exemple, lorsque le prix n'est pas attribué, que le public et les candidats, restés sur leur faim, expriment leur déception. Il arrive, par ailleurs, que le poète vainqueur, absent de la salle, ne réponde pas à l'appel du recteur -c'est le cas en 1853, 1860, 1868 et 1876-, ce qui enlève à la céré-monie toute une partie de son éclat. D'autre part, le décachetage des enveloppes n'est pas toujours dépourvu de surprises: parfois le nom du vainqueur est accompagné d'une lettre ironique qui, lue par le rec-teur, déclenche lΗilarité générale1.

Cette hilarité peut avoir des causes diverses. La plupart du temps, ce sont les poètes participants qui en font les frais: les rapporteurs poussent souvent la complaisance jusqu'à ridiculiser les poèmes lies plus insignifiants, donnant lecture des passages les plus saugrenus. Quelquefois le rire du public, loin d'être une désapprobation de l'œuvre présentée en constitue, au contraire, un signe de succès: c'est le cas lorsque les rapporteurs lisent des extraits de comédies. Cependant, en 1866, chose exceptionnelle, c'est la mésaventure des juges qui provoqua les ricanements du public: A. Vlachos, ayant remporté le prix pour

Αντίνοος, révéla par une lettre enfermée dans son enveloppe que sa tragédie était, tout simplement, une traduction de «Hadrian» de Heyse, ce qui mit le jury dans un embarras aussi inattendu quΗumiliant2. Le rire n'est-il pas aussi une forme d'agressivité rancunière?

Règlement de comptes ou décharge psychologique, spectacle amu-sant ou manifestation mondaine, espoir du succès ou jouissance esthéti-que, la cérémonie — et c'est là, peut-être, sa signification la plus pro-fonde — réunit tous les ans au même endroit les trois facteurs indis-pensables du concours: le jury, les concurrents et le publie. Mais ces trois facteurs ne jouent pas toujours les mêmes rôles, n'ayant pas de fonctions définies une fois pour toutes: un concurrent peut devenir membre du jury et vice-versa, comme les juges et les poètes peuvent, à leur tour, se trouver parmi les simples spectateurs; la plupart du temps, c'est le public qui accède à la condition de concurrent, et nous

1. C'est le cas, par exemple, du concours de 1866. 2. S. Carydis nous laissa ime description savoureuse de cette cérémonie: Φως,

13 mai 1866.

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avons là le mécanisme permettant d'expliquer, en grande partie, l'aug-mentation des participations. Il est douteux que le concours eût pu susciter tant d'intérêt pendant un quart de siècle sans ce mouvement circulaire qui transforme les composantes et renouvelle les effectifs par un recrutement continuel. Or, si la cérémonie forme chaque fois un triangle, elle rappelle en même temps, par sa propre répétition, que les côtés de ce triangle ne sont pas invariables. Il n'est pas difficile d'entrer dans le jeu et de changer les données existantes; le succès littéraire se trouve à la portée de tous. Si le rôle du jury est exclusivement réservé aux universitaires, celui du poète, accessible à «tous les Grecs et à tous les hellénistes étrangers», est non seulement le plus prestigieux (à condition, bien sûr, de remporter la victoire), mais aussi le mieux rémunéré: la cérémonie rend ce rôle enviable au maximum.

Elle revêt ainsi un aspect théâtral. Le souvenir des concours drama-tiques de l'antiquité est présent à la mémoire de tous; les rapporteurs ne font que le réveiller à chaque occasion comme un modèle à copier. N'est-ce pas cet esprit d'imitation, au fond, qui enlève à la cérémonie une partie de son authenticité? En quelque sorte, on joue au jury, comme on joue aux poètes couronnés ou au public exalté, ce qui ne signifie pas qu'on prend son rôle à la légère. Car, tout le paradoxe est là: l'authentique et l'inauthentique, loin de se contredire, peuvent coexister, voire se compléter. Investie de nouveaux besoins dans un contexte social particulier, cette cérémonie, ne fût-ce que comme copie du passé, est loin de devenir une routine; la passion romantique la rend originale. Yemeniz, à propos du concours de Rallis, parle «des querelles et des tempêtes», ainsi que du poète vainqueur «reporté chez lui presque en triomphe». Jusqu'à la fin des concours l'atmosphère est la même, le rituel inchangé. D. Gr. Cambouroglou, lauréat de 1873, en témoigne: «je fus enlevé... On me porta jusqu'à ma maison sur les épaules, en manifestation» 1. Derrière cette fête solennelle qui met en valeur ses titres anciens (couronnes de laurier ou triomphes); derrière ce rituel un peu pompeux et apparemment théâtral, il n'est pas difficile de voir une réalité nouvelle et renouvelable, impulsive et explosive, et qui, à travers ses ambitions et ses emportements, ses imitations et ses répétitions, cherche obstinément son identité et ses propres dieux.

1. Camb. Α., p. 401. Le «triomphe» de D. Gr. Cambouroglou est confirmé par Ch. Anninos, «Τα πρώτα έτη του Ζαν Μωρεάς», Η Μελέτη, No 4, 1911, p. 246,

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4. Le jury et les œuvres présentées

Selon les statuts de Rallis, les membres du jury ne devaient pas être plus de trois: le jugement des poèmes était confié au recteur de l'Université (président), au professeur de lettres et, surtout, à celui de poétique. Le fondateur avait aussi prévu le cas ou un de ces derniers serait recteur, lui accordant le droit le choisir «le troisième juge à son gré, soit parmi les universitaires, soit parmi les savants extra-universitaires» (clause 4), Dans la pratique, cependant, les choses allaient se passer autrement. Certes, tout au long des concours, le rôle du président fut exclusivement assumé par les recteurs ou, en cas d'absence et d'abstention de ceux-ci, par les vice-recteurs; mais le nombre des membres du jury n'a pas été strictement respecté. Or, si les juges universitaires ont été 3 pendant 7 années, ils furent 4 pendant 9 années et 5 pendant 7 années, pour atteindre exceptionnellement, à deux reprises, le nombre de 6 et de 7, selon le schéma suivant:

Nombre de membres du A n n é e s

jury

3 1860, 1868, 1872, 1873, 1875, 1876, 1877 4 1855, 1859, 1862, 1863, 1865, 1866, 1867, 1870, 1874 5 1851, 1852, 1854, 1857, 1858, 1869, 1871 6 1853 7 1856

On pourrait observer que la diminution des membres du jury, loin d'être dictée par le respect du règlement, constitue, à coup sûr, un signe de crise: il est caractéristique que, pendant la décennie du concours de Rallis, les juges ne furent 3 qu'en 1860, dernière et tumul-tueuse année. A mesure que les concours rencontrent des difficultés ou traversent la phase de leur déclin, les universitaires hésitent de plus en plus à s'en mêler; ils atteignent le minimum dans les trois der-nières années.

Une deuxième observation porterait sur le fait que la participa-tion des professeurs au jury, durant la période de Rallis, est en général plus poussée que durant celle de Voutsinas. Il est normal qu'une ins-titution nouvelle suscite un enthousiasme compréhensible chez ceux

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qui se croient en mesure d'y jouer un certain rôle. Ainsi, en 1853 et 1856, la participation des juges connut son point culminant. Peu après, la brouille avec Rallis et beaucoup d'autres problèmes encore émous-sèrent considérablement l'empressement des universitaires. Vers la fin du concours, parmi les dangers menaçant son existence, la lassitude des juges est à plusieurs reprises soulignée par les rapporteurs.

Il va de soi que l'augmentation ou la diminution des membres du jury n'est aucunement en rapport avec le nombre des œuvres jugées (voir Tableau 1). Quant à la participation des «savants extra-universi-taires», elle ne devait figurer que sur le papier. L'université ne partagea avec personne un droit réservé à elle seule; aucun corps étranger ne vint perturber son homogénéité.

Cette homogénéité, toutefois, n'allait pas sans équivoque. La qua-lité d'universitaire était loin d'effacer les divergences multiples existant au sein du jury ou d'établir une unité de vues cohérente: on a reproché plus d'une fois aux rapporteurs d'être en contradiction avec leurs prédécesseurs, ce qui n'était pas sans fondement. D'autre part, la compétence des juges ne paraissait pas moins contestable: de quel droit un universitaire, professeur de médecine par exemple, serait-il qualifié pour juger des poèmes? il est vrai que les concours ont été assumés par la Faculté de Philosophie, dont tous les rapporteurs et les simples membres du jury firent partie; cette Faculté, pourtant, comprenait non seulement des «littéraires» mais aussi des «scientifi-ques». D'autre part, quelques-uns des juges les plus en vue (Rangabé, Coumanoudis, Orphanidis et autres), poètes connus, pouvaient, en plus, appuyer leur compétence sur leurs activités créatrices; mais il n'est pas moins vrai que le jury, présidé très souvent par un médecin, un théologien ou un juriste, avait du mal à asseoir son autorité en matière littéraire et à priver ses adversaires d'arguments.

Faudrait-il attribuer, en réalité au président du jury un rôle plu« ou moins secondaire? On ne peut pas ne pas tenir compte notamment de la particularité de ce rôle: loin des considérations esthétiques, pré-sider un jury littéraire est, avant tout, pour le recteur annuel, un acte qui entre dans une série d'obligations administratives. C'est lui qui organise le travail, prépare la cérémonie, veille au bon fonctionnement des statuts. Si, en outre, ses opinions pèsent dans une certaine mesure sur les décisions du jury, cela dépend de sa personnalité et de sa compé-tence. C. Assopios, grand spécialiste de poésie, présida le jury à deux reprises, en tant que recteur; on peut supposer que son rôle y fut plus essentiel que celui de ses prédécesseurs.

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TABLEAU 1.

Année Nombre de membres Nombre d'œuvres Nombre d'œuvres du jury envoyées jugées

1851 5 10 10 1852 5 9 9 1853 6 11 8 1854 5 12 11 1855 4 14 14 1856 7 14 13 1857 5 20 18 1858 5 10 8 1859 4 11 10 1860 3 14 14 1861 — • 7 — •

1862 4 11 11 1863 4 7 7 1864 — • 14 —

1865 4 15 15 1866 4 14 10 1867 4 17 15 1868 3 31 25 1869 5 24 24 1870 4 35 34 1871 5 45 45 1872 3 30 28 1873 3 35 31 1874 4 25 23 1875 3 33 32 1876 3 31 27 1877 3 5 5

Le vrai protagoniste n'en reste pas moins le rapporteur, assumant publiquement la plus haute responsabilité. Il communique les options de ses collègues, traite de chacun des poèmes présentés, développe ses propres conceptions. Le fait qu'une décision collective s'incarne dans le texte rédigé par un seul homme confère à ce dernier un pouvoir prépondérant: la volonté du groupe n'empêche point l'individu d'étaler

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sa propre argumentation dans les détails. Ce caractère personnel s'ac-centue de plus en plus avec le temps, à mesure que les textes des rap-porteurs deviennent plus longs et plus détaillés. En 1851, le rapport de A. Rangagé, court et hâtif, ne parlait que des deux meilleurs poèmes1. L'année suivante, le texte rédigé par Ph. Ioannou était déjà amélioré; Rallis en tint compte, louant les juges universitaires «car, par leurs jugements sur les œuvres présentées, ils enseignent les véritables règles de la poétique et de l'esthétique aussi bien aux concurrents qu'aux non concurrents, les rendant plus attentifs en la matière. Et même si mon prix ne devait apporter aucun autre fruit, je me félicite néan-moins d'offrir ainsi une occasion à la rédaction d'études et de rapports sur les concours...»2.

Ces Jugements, publiés chaque année dans les revues de l'époque et souvent en brochure3, allaient constituer avec le temps un corpus volumineux, dont l'importance fut évidente, tout au moins aux yeux de Coumanoudis: il proposera, en 1866, la publication de tous les rap-ports en un volume devant être offert comme cadeau à chaque ba-chelier en vue d'un enseignement esthétique vivant, «ce qui probable-ment pousserait la jeunesse grecque zélée à découvrir le véritable beau en art»4. Par trop optimiste ou utopique, cette proposition n'eut pas de suite; il est douteux, d'ailleurs, que les autres rapporteurs aient approuvé son bien-fondé 5. Quoi qu'il en soit, même publiés séparé-ment, les 25 rapports des concours n'en demeurent pas moins un en-semble précieux, non seulement pour leurs renseignements sur la production

1. A propos de ce texte, Gorgias (Constantin Pop) souhaita pour l'avenir que le rapport du jury traitât, sinon de toutes les œuvres présentées, tout au moins des plus importantes, «indiquant leurs défauts et leurs qualités»: Ευτέρπη, No 93, 1er juillet 1851, p. 503.

2. Lettre du 5/17 juin 1852, R.R. de 1852, p. 13 \_=Pant. Chr., p. 132]. 3. La revue Πανδώρα publie régulièrement les Jugements 1851-1863 et, après

5 ans d'interruption, celui de 1870. D'autres revues (Χρυσαλλίς, Αθήναιον) et, naturel-lement, les journaux de l'époque en reproduisent le texte entier ou des extraits. Quant aux brochures, elles couvrent la période de Rallis (les années 1852, 1859 et 1860 exceptées), ainsi que celle de Voutsinas (la dernière année 1877 exceptée), avec, à partir de 1865, l'indication courante: Εξεδόθη δαπάνη του αγωνοθέτου.

4. Jugement de 1866, pp. 19-20. 5. C'est peut-être à cette proposition qu'Orphanidis, quatre ans plus tard,

fait une allusion ironique, après avoir défini les objectifs du concours: «Si ce concours poétique s'engage dans une autre voie ou application et d e v i e n t u n e é c o l e d ' e n s e i g n e m e n t m u t u e l d e v e r s i f i c a t i o n , il déchoira tôt ou tard et, après une vie stérile et maladive, il rendra l'âme sans gloire et sans fruits, ce que nous ne souhaitons pas»: Jugement de 1870, p. 8. C'est nous qui soulignons.

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tion littéraire de toute une époque, mais aussi pour l'illustration de la pensée critique pendant un quart de siècle décisif.

TABLEAU 2.

Nombre Comme Comme Comme Comme Membres des jurys de recteur vice- rap- simple

participations recteur porteur membre

Th. Aphentoulis 10 — • — • 4 6 M. Apostolidis 1 1 — • — —

P. Arghyropoulos 1 1 • — — „ C. Assopios 2 2 — — —

P. Calligas 1 1 — • • — • —

E. Castorchis 6 1 1 1 3 E. Cokkinos 2 2 — • — • —

C. Contogonis 1 1 — — —

N. Costis 1 1 — — —

St. Coumanoudis 14 — — 2 12 V. Iconomidis 1 1 — — • —

Ph. Ioannou 7 1 • — • 2 4 G. Makkas 1 1 — — —

G. Mistriotis 5 • — · — - 2 3 H. Mitsopoulos 1 1 — — —

J. Olymbios 1 1 — — • —

Th. Orphanidis 6 1 — 2 3 G.Paparrigopoulos 10 — • — 2 8 P.Papar r igopou los 1 1 — — —

Sp. Pilicas 1 1 — — —

G. Rallis 1 1 — • — —

A. R. Rangabé 13 1 — 6 6 P. Rombotis 1 1 — • — —

A. Roussopoulos 7 — • — 2 5 D. Semitelos 3 — — • 1 2 D. Stroumbos 1 1 — — — •

M. Vénizélos 2 1 1 — —

J. Venthylos 2 — — · — 2 D. Vernardakis 1 • — • — ; 1 —

C. Voussakis 1 1 — • . · — · —

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Des 30 universitaires qui composèrent les jurys tout au long des concours, les rapporteurs ne furent que 11; A. Rangabé (6 fois) et Th. Aphentoulis (4 fois) détiennent le record de fréquence (voir Tableau 2). St. Coumanoudis, le membre le plus assidu du jury (14 participations), ne présenta le rapport que 2 fois, tandis que D. Vernardakis fit sa seule apparition au jury en tant que rapporteur. Pourrait-on ainsi répartir ces 30 universitaires en membres actifs et occasionnels? Il est certain que la moitié d'entre eux —c'est le cas notamment des recteurs non littéraires — sont peu qualifiés pour jouer un rôle décisif: non seulement ils manquent de compétence, mais aussi, obligés de pré-sider un jury auquel ils participent pour la première fois, ils connaissent mal les mécanismes du concours, ses antécédents, ses dessous. Leur rôle purement littéraire ne peut être, dΗabitude, que limité. Ce sont les rapporteurs, au contraire, qui détiennent un pouvoir de décision effectif. Professeurs de lettres, ils peuvent juger la poésie en spécia-listes; membres du jury plus d'une fois, ils n'ignorent ni ce qui se pré-pare au grand jour ni ce qui se trame dans les coulisses. Leurs idées et leurs ambitions, grâce à l'institution de Rallis et de Voutsinas, trou-vent de nouvelles possibilités: ils en profitent pour les servir, ils y pè-sent de tout leur poids. Le sort des concours n'est, en très grande partie, lié qu'à l'action prépondérante d'une dizaine d'universitaires.

Face à ces juges connus, les concurrents, par centaines, semblent enveloppés dans un clair-obscur. Nous pourrions en distinguer trois catégories principales: a) ceux qui, déjà connus comme poètes avant les concours, y participent en vue d'une consécration officielle; b) ceux qui commencent leur carrière littéraire par les concours et c) les poètes d'occasion et sans lendemain qui, profitant de l'existence d'une institution accessible à tous, tentent leur chance en envoyant des poèmes une ou plusieurs fois. A. Antoniadis, T. Ambélas et A. Vlachos, avec 16, 10 et 8 participations respectivement, occupent les trois pre-mières places: ils appartiennent à la deuxième catégorie. D'autre part, le nombre des œuvres présentées ne saurait surprendre: 115 poèmes furent jugés pendant la période de Rallis, 332 pendant celle de Voutsi-nas. Si l'on ajoute les poèmes éliminés ainsi que ceux qui étaient présen-tés en 1861 et 1864, les manuscrits envoyés aux concours dépassent le nombre de 500.

La plupart de ces manuscrits n'ayant pas pu être recensés, il serait impossible d'en connaître tous les textes et tous les auteurs. Les Juge-ments des jurys, source principale de notre travail, offrent en échange les titres de 450 poèmes environ et, qui plus est, assez d'indications pour

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pouvoir identifier une grande partie des œuvres publiées. Très souvent, cette identification ne s'opère qu'à rebours: c'est par les préfaces ou les notes des poèmes publiés que nous apprenons ou vérifions leur présentation aux concours. Mais la typographie n'accorda pas ses faveurs à tous les poèmes. Certes, les œuvres ayant remporté le prix ou un accessit ne restèrent pas, en règle générale, inédites. D'autre part, la publication de poèmes rejetés, acte d'indignation ou de défi, n'était pas moins courante: les auteurs avaient ainsi la possiblité, tout en répon-dant aux reproches formulés par les rapporteurs, de recourir à l'arbi-trage du public. Cependant, le pourcentage des œuvres publiées partiel-lement ou en entier (37 % sur l'ensemble des titres connus, selon nos esti-mations actuelles), même s'il augmentait par suite d'une recherche bibliographique plus poussée, ne pourrait en aucune façon réfuter cette évidence: 60% environ des poèmes envoyés aux concours n'étaient pas destinés à être publiés. Sélection historique due à un hasard ou à une nécessité? Avant de conclure prématurément, il convient de voir les faits dans leur diachronie, ce qui sera l'objet des chapitres suivants.

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PREMIÈRE PARTIE

LE CONCOURS DE RALLIS ( 1 8 5 1 - 1 8 6 0 )

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CHAPITRE I

LES CONCOURS FACE A LA LANGUE (1851-1855)

Ποιός ημπορεί να φανταστεί ποτέ του πως η Επιτροπή θε να βραβεύσει ποίημα στη γλώσσαν του λαού γραμμένο;

G. Tertsétis (1858)

En 1851, Athènes inaugurait ses concours poétiques avec éclat. C'était un moment crucial: dès ses débuts, la sixième décennie du XIXe siècle devait prendre, dans la vie du Royaume hellénique, les aspects d'un tournant. Les rythmes s'accéléraient; on eût dit que la petite société grecque, s'asphyxiant depuis vingt ans dans les frontières d'un État tronqué, mobilisait soudain ses énergies pour faire un bond en avant, pour se défendre ou pour chercher une identité. Divisée en classes, hétérogène et mouvante, cette société portait en elle-même des contradicrions multiples. Au moment où la Grande Idée créait une nouvelle dynamique orientée vers l'extérieur, les révoltes paysannes (Papoulacos) et les fanatismes endurcis (procès de Caïris, de Macri-yannis et autres) faisaient montre de tensions internes non négligeables. Un événement majeur, la Guerre de Crimée, fut le point culminant d'une effervescence généralisée.

C'est dans un tel climat qu'eurent lieu les premiers concours, caractérisés, entre autres, par le zèle des universitaires et par leurs bonnes relations avec le fondateur Rallis. Deux professeurs, Alexandre Rizos Rangabé (1809 - 1892) et Philippe Ioannou (1796 -1880) assumè-rent en exclusivité, de 1851 à 1855, le rôle du rapporteur. Qualifié plus que quiconque en matière de poésie, le premier sut exprimer (1851, 1853, 1854) sa prédilection pour un style élégant et soigné, pour une langue savante et correcte, pour une versification respectueuse des règles; son influence fut certaine; lΗexamètre, mis à la mode par lui,

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en porte le témoignage. Philosophe et versificateur d'occasion en grec ancien, le second était assurément mal placé pour asseoir son autorité littéraire (1852, 1855); ses analyses critiques, dominées par un mora-lisme abstrait, contenaient en outre trop de leçons de grammaire ou de références aux auteurs anciens pour affirmer leur originalité.

Deux poètes-concurrents, Georges Zalocostas (1805-1858) et Théo-dore Orphanidis (1817-1886), marquèrent ces débuts du concours non seulement par leurs victoires, mais aussi par leurs querelles retentissantes. Le premier, lauréat de 1851 et de 1853, allait terminer sa course en 1855, dans lΗumiliation de la défaite; le second, vainqueur en 1854 et 1855, avait encore à jouer, dans l'avenir, un rôle important. D'autres poètes (St. Coumanoudis, G. Mavroyannis, G. Tertsétis, D. Vernar-dakis, J. Carassoutsas) firent aussi sur la scène des concours une ou plusieurs apparitions remarquables. Cependant, si pour chacun d'entre eux l'enjeu principal était le prix et la couronne, il n'en allait pas de même pour leurs juges, animés par d'autres ambitions. Par ailleurs, Rallis, auteur d'un règlement normatif, était loin de borner son rôle à celui d'un simple bailleur de fonds; il avait, lui aussi, son mot à dire, ayant soumis son «rapatriement des Muses» à des conditions bien pré-cises. Le fonctionnement des concours dépendait donc de plusieurs facteurs, dont ni l'équilibration ni la coexistence pacifique n'étaient toujours faciles. De nombreux problèmes, d'ordre théorique ou prati-que, devaient se poser dès le début.

La question dominante de cette période fut, sans doute, celle de la langue. L'expérience des premières années du concours montra que la qualité littéraire des poèmes présentés n'allait pas toujours de pair avec le «vêtement» linguistique savant que les universitaires avaient pour mission d'imposer. Entre la langue et la poésie se créait ainsi une incompatibilité certaine; valoriser la qualité et, en même temps, la soumettre à des exclusives, n'aurait été qu'une demi-mesure incapa-ble de résoudre le problème. Il fallait faire un choix. Or, les jurys nΗé-sitèrent pas à opter pour la langue; s'ils se souciaient de promouvoir une «poésie savante», ils appuyaient plus sur le mot «savante» que sur le mot «poésie». C'était dans la logique des choses: institution pédagogi-que, l'Université, n'avait, en premier lieu, qu'à veiller à ce que fût mis en place un instrument d'expression correct et exemplaire. Mais, qui plus est, l'option en faveur de la langue savante, loin d'être une simple condition imposée par Rallis, correspondait à l'époque à un idéal prioritaire de «retour aux formes anciennes» (Rangabé, 1853), idéal que les universitaires d'Athènes, à quelques exceptions près (Pili-

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Pilicas, 1852), partageaient unanimement, même s'ils le concevaient de manière parfois différente.

Cette option toutefois ne put être imposée d'un seul coup. Bien que frappée d'ostracisme, la langue populaire continua non seulement d'apparaître régulièrement aux concours, mais aussi d'y présenter les poèmes les plus remarquables, prouvant ainsi qu'elle était seule capable de résoudre la contradiction. Les jurys, tout en décernant le prix aux œuvres «savantes», ne pouvaient pas passer sous silence les qualités des œuvres «vulgaires»; pousser, dès le début, la sévérité jusqu'à l'in-transigeance et, par conséquent, se transformer en censeurs, eût pro-bablement été, pour les juges littéraires, une attitude contraire à leur rôle et défavorable à l'avenir des concours.

Entre-temps, la persistance de la dualité linguistique devenait de plus en plus gênante. Les trois premières années du concours avaient déjà montré que la langue proscrite, loin de reculer, imposait obstiné-ment son pouvoir parallèle. Il fallait donc prendre des mesures plus énergiques pour la déloger, et Rangabé s'y employa (1853, 1854) avec toute sa ferveur. Un certain moment, cet objectif sembla atteint: en 1855, l'unique spécimen «vulgaire» du concours, très médiocre, n'a-vait pas à susciter plus d'inquiétudes; déjà, le danger vulgariste parais-sant écarté, il n'était plus question que de choisir tranquillement le meilleur parmi les poèmes «savants», voire de critiquer les surenchères archaïsantes (Vernardakis). Mais, l'année suivante, E. Castorchis sera obligé d'annoncer définitivement la proscription de la langue populaire, tandis que C. Paparrigopoulos, comme nous le verrons, relevant le défi de Tertsétis, se livrera en 1858 à une virulente attaque anti-vulgariste. Une chose est certaine: le problème de la langue, loin d'être résolu tout d'un coup, marque presque toute la période du concours de Rallis.

En définitive, malgré les résistances, la bataille linguistique au sein des concours ne pouvait qu'être gagnée par les universitaires. Tertsétis avait beau insister jusqu'en 1858, espérant peut-être un re-tournement de la situation. Déjà en 1853, les universitaires avaient pris la décision de barrer à tout prix la route aux vulgaristes et ils ne devaient pas changer d'avis facilement. Déblayer le terrain linguisti-que, dans le contexte historique de l'époque, était une des tâches les plus urgentes et les plus essentielles. Au moment où P. Soutsos publiait son manifeste (Νέα Σχολή, 1853), la langue se plaçait au cœur du débat et devenait le problème le plus important. Dans ces conditions, les universitaires d'Athènes avaient lin rôle prépondérant à jouer. L'in-

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institution de Rallis leur offrait un moyen d'action des plus efficaces. Ils s'en servirent pour imposer leur loi.

Marqués par le problème de la langue, les concours des cinq premières années présentent, cependant, de nombreux autres aspects. Nous es-sayons d'en rendre compte dans la chronique qui suit.

1. 1851: Une inauguration solennelle

Contrairement aux statuts de Rallis, qui fixaient comme date du concours le 25 mars, la première cérémonie eut exceptionnellement lieu le 20 mai 1851, anniversaire du roi Othon. Ce transfert de date, explique le recteur Apostolidis, n'était dû qu'à la proclamation tardive du concours1.

En effet, daté du 9 janvier 1851 et publié dans les journaux quel-ques jours plus tard, le «Programme du concours» ne permettait pas que la cérémonie fût fixée le 25 mars, deux mois étant insuffisants à la préparation, à l'envoi et au jugement des poèmes. Mais ce retard fut utile: de retour à Athènes le 1er mai, après un long séjour à l'étranger, le roi Othon, présent à la première cérémonie, fournit à l'inauguration du concours un éclat particulier2.

Le jury était composé de 5 membres: M. Apostolidis (président), A.R. Rangabé (rapporteur), Ph. Ioannou, J. Venthylos et C. Paparrigo-poulos. Peut-on déjà parler d'une certaine homogénéité? Il est vrai que Rangabé et Paparrigopoulos, toujours du même côté de la barricade (les «Damon et Pythias» comme les appellera plus tard Orphanidis), se trouvaient ensemble dès le premier moment, représentants d'une unité «helléno-chrétienne» dans un jury présidé, en outre, par un recteur théologien en soutane. Mais il serait hasardeux de voir dans cette coïn-cidence le résultat d'une action concertée. En 1851, les tendances et les coteries universitaires n'étaient encore que vaguement esquissées; c'est avec le temps qu'elles allaient prendre corps, dans le cadre des concours, et laisser apparaître leurs caractéristiques.

Grand spécialiste de poésie, A. R. Rangabé était sans doute le plus qualifié pour assumer le rôle du rapporteur. Il s'acquitta de sa

1. R.R. de 1851, p. 21. 2. Voir surtout les comptes rendus des journaux Η Ελπίς, 22 mai 1851, et

Εφημερίς του Λaoύ, 23 mai 1851. On trouve une intéressante description de la pre-mière cérémonie dans Sp, P. Lambros, Γεώργιος Ζαλοκώστας, Athènes 1868, pp. 7-9,

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tâche avec la virtuosité qui lui était propre. L'éloge de Rallis, sans être excessif, n'en resta pas moins flatteur dans un discours qui dé-montrait l'importance des concours poétiques en citant les exemples de l'antiquité grecque, d'Auguste, de Mécène et de Louis XIV. Mais Rangabé ne manquait ni de bon sens ni d'esprit de modération: au moment propice, il n'oublia pas de rappeler prudemment que certaines Académies «couronnent chaque année beaucoup de poèmes médiocres et, très souvent, mort-nés», alors que la gloire de Milton, de Molière ou de Shakespeare ne doit rien à de telles distinctions1. Aussitôt après son démarrage, le concours avait besoin d'un coup de frein.

Il y eut 10 poèmes présentés. Dès la première année, le jury eut à résoudre un problème qui par la suite devait se poser constamment: choisir le poème le meilleur absolument ou relativement? Le meilleur relativement, répond Rangabé au nom du jury de 1851, une grande œuvre littéraire n'étant pas un produit de tous les jours. Mais cette décision ne fut pas prise à l'unanimité: un membre du jury ne jugea aucun poème digne du prix. Les autres, plus indulgents, hésitèrent surtout entre deux poèmes considérés comme les meilleurs, Το Μεσολόγ-γιον et Ο Στράτις Καλοπίχειρος. Quoique non exemptes de défauts, ces deux œuvres avaient des qualités nombreuses: langue savante, versification correcte, sentiment vif, descriptions très poétiques (το Μεσολόγγιον), intelligence, esprit aristophanesque, langue soignée, ver-sification tout à fait louable (Ο Στράτις Καλοπίχειρος)2.

Critique ou poète, Rangabé reste toujours fidèle à lui-même: puriste, formaliste, partisan d'une écriture élégante. Son insistance sur la langue et la versification est caractéristique. Métricien pointilleux, il saisit l'occasion de consacrer une grande partie de son rapport aux questions métriques et soulever, à propos de Στράτις Καλοπίχειρος, un problè-me qui le préoccupe: le trimètre iambique, propre à la tragédie, con-

1. Jugement de 1851, Πανδώρα 2 (1851-1852) 702-703. 2. Ibid., pp. 703-704. Il est vrai que Rangabé, dans un long compte rendu [Παν-

δώρα 2 (1852-1853) 1058-1062] publié après la parution des extraits de Στράτις, se montre très sévère: il relève, entre autres, des fautes de césure, trouve le poème de Coumanoudis sans unité, et son héros «sans convictions, sans sentiments et sans principes»; voir, à ce sujet, une défense du poème —réponse à Rangabé— dans

Εφημερίς του Λαού, 26 janvier 1852. Notons encore que, plus tard, bien que tou-jours réservé à l'égard des césures de Στράτις, Rangabé se prononce avec enthousiasme pour cette poésie «pleine de grâce et de malicieuse gaîté», dont plusieurs traits «pour-raient être avoués par la Muse d'Aristophane»: Histoire littéraire de la Grèce moderne , t, II, Paris 1877, p. 110,

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convient-il à la poésie épique? A vrai dire, c'était St. Coumanoudis, l' auteur du poème, qui avait posé le problème:

Αν δε αρμόζ' ή δεν αρμόζει εις επικήν διήγησιν ο ίαμβος παρακαλώ, πολύ μη ερευνάτε τώρα. Έ χ ο μ ε ν τα πάντα εν τ ω βίω τάχ' αρμόζοντα, να έχω μεν και μέτρα;

Mais le plus important était que son vers avait des titres tant anciens que modernes:

δεν είναι δα το μέτρον νέον ήχησε προ χρόνων εις τα όρη μας ως κλέφτικον κ' εις ώτ' ανδρών του έθνους ην ευχάριστον.

Et sur ce point l'entente est complète. A son tour, Rangabé em-pruntera à Fauriel quelques exemples prouvant l'existence du tri-mètre iambique dans les chants «cleftiques» 1. L'engoûment pour la chanson populaire, tout récent, correspondait à un élan «unitaire» qui, pour être conçu différemment, n'en était pas moins partagé par tous. Si Rangabé trouve le trimètre iambique inadéquat à un poème épique, il n'a aucune raison de refuser, en général, l'usage de mètres anciens; au contraire: «Tout effort de couvrir, autant que possible, notre poésie moderne du décent vêtement de la prosodie ancienne est digne d'ap-probation et d'encouragement...»2.

1. Bien entendu, la prosodie n'existant pas dans la langue grecque moderne, les termes anciens «trimètre iambique», «hexamètre», etc. se réfèrent toujours à des vers syllabiques. C'est ainsi que, dans la poésie néo-hellénique, le trimètre iambi-que, par exemple, indique simplement le vers iambique de douze syllabes, connu déjà à l'époque byzantine.

2. Jugement de 1851, p, 704. Cette image du vêtement ancien qui couvre le corps moderne devient, par la suite, un lieu commun. Orphanidis (Ο Άπατρις, Athè-nes 1854, p. S') attribue à Rallis la phrase suivante: «mon principal objectif est de couvrir la poésie moderne des vêtements autant que possible luxueux...». E. Castor-chis (Jugement de 1856, p. 40) écrit: «il est bon, avec le grand trésor de la langue ancienne de couvrir la nudité de la moderne». Cf. les vers de Carassoutsas (Επιστολή προς Λέανδρον, 1853):

Και κόσμει, όσον εφικτόν, τας νεουργούς ιδέας διά πτυχών φειδιακών κατασκευής αρχαίας

qui rendent possible, en même temps, un rapprochement avec André Chénier: G, Th. Dimaras, Histoire, op. cit., p. 328,

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Sans doute le contenu de Στράτις Καλοπίχειρος était-il encore moins digne d'approbation et d'encouragement. Car, au fond, le héros de Coumanoudis, cet «enfant du peuple» aux aventures «banales», n'avait rien dΗéroïque: il ne faisait que badiner, il abandonnait même la Révolution Grecque pour se livrer à ses amours ou pour devenir soldat en Russie. Par ailleurs, la langue du poème, riche en mots popu-laires, n'était pas à imiter. Une poésie grave, patriotique et enthou-siaste n'était-elle pas préférable? L'auteur de Μεσολόγγιον s'imposait dès le début par son sérieux et par ses nobles intentions:

Εις άμουσον αείποτε διάγων ασχολίαν Του βίου και τοι διαβάς την μέσην ηλικίαν,

Αγωνιστής προβάλλω' Ακμάζων έτι την ψυχήν μεγάλην ιστορίαν

Επιχειρώ να ψάλω.

C'est ainsi que, entre deux poèmes «égaux», le jury, comme il se trouvait dans l'impossibilité de diviser le prix, décida de le décerner à το Μεσολόγγιον, poème «traitant un sujet plus patriotique et plus noble, au moyen d'un rythme plus agréable à l'oreille»1.

Lorsque, après le rapport de Rangabé, le recteur ouvrit l'enveloppe du vainqueur et prononça son nom, Georges Zalocostas, 46 ans, en uniforme de capitaine, se présenta devant le jury et fut couronné par le roi2. St. Coumanoudis, 33 ans, professeur non titulaire de littérature latine depuis 1845, n'avait qu'à se contenter d'un accessit. Il allait rester pour toujours fidèle à son poème, le retoucher et le publier à deux reprises (1851, 1888), mais «sans réussir à lui faire perdre sa froi-deur initiale»3. Vers la fin de sa vie, encore, il envisageait l'avenir de son Στράτις avec optimisme, tout en se plaignant de son insuccès:

Ω ξεύρω 'γώ, το ξεύρω, θάρθη ένας καιρός, οπού το έθνος θ' απορή, πώς ποίημα

1. Ibid. 2. A en croire Sp. P. Larabros, op. cit., p. 68, cette scène eut une suite caracté-

ristique: Othon ayant invité, pendant le couronnement, le poète au palais, Zalo-costas se présenta le lendemain plein d'espoirs. Le roi le reçut froidement et lui fit remarquer que ses occupations littéraires étaient nuisibles à ses obligations d'offi-cier! A quoi le poète répondit courageusement que le service militaire se fait le jour, tandis que les poèmes s'écrivent la nuit.

3. C. Th. Dimaras, op. cit., p. 370. Une troisième édition (1901), la plus complète, fut établie deux ans après la mort de Coumanoudis,

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ωσάν τόν Στράτιν, εν Αθήναις τυπωθέν εις του αιώνος τούτου τα πενήντα εν

και πάλιν στα ογδόντα οκτώ επαναληφθέν όχι δεν ετιμήθη, καθώς τ' άξιζε αλλ' ουδέ καν εις κρίσιν λόγιόν τινα εκίνησεν ή έστω και κατάκρισιν

ενώ τοσαύτα περιείχεν εθνικά ζητήματ' άκρως σοβαρά μ' ασύνηθες εκπεφρασμένα ύφος. Πάντες νωχελώς απεριέργως το αφήκαν, γέροντες ομού και νέοι να μουχλιάζη στα σακκιά

των βιβλιοπωλείων ανανάγνωστον. Τι δε σημαίνει, ότι στα πενήντα εν τον πρώτον έλαβ' έπαινον στον Ράλλειον ποιητικόν αγώνα; Τίποτε απλώς· διότ' η τότε υπό του εισηγητού εκτεθειμένη κρίσις μας, ουδέν έλεγε εισδύον στου ποιήματος το νόημα, επιπολαία δ' ήτο κ' η επίκρισις ην έγραψε κατόπιν ο αυτός ανήρ εν τη Πανδώρα, όστις ην ο Ραγκαβής1.

Le rapport de Rangabé ignore jusqu'aux titres des autres poèmes présentés. Nous connaissons, cependant, la participation de S. Carydis (t 1893); c'est lui-même qui avoue avoir envoyé au concours de 1851 trois poèmes:

a) Το όνειρον του Α. Σ. Ράλλη b) Η νυξ της 24ης Μαρτίου 1821 c) Η Σαμία ηρωίς2

Carydis, jeune encore, vit l'exaltation du moment: l'initiative de Rallis, affirme-t-il dans sa dédicace au fondateur, dissipa le brouillard et le silence absolu dΗélicon, dûs à l'ignorance du Gouvernement et à la Haine! Mais beaucoup plus caractéristique est le premier de ses poèmes, une élucubration romantique dans un décor classique: Rallis

1. Nikos A. Bees, «Έμμετρα κείμενα Στ. Α. Κουμανούδη», Αρχείον του Θρακικού Λαογραφικού και Γλωσσικού Θησαυρού 14 (1947-1948) 316 [ = C. Th. Dimaras, Ποι-ηταί του ΙΘ' αιώνος, Athènes 1954, p. 74].

2. Sophocle C. Carydis, Η Λύρα, ήτοι συλλογή διαφόρων ποιημάτων. Partie II, Athènes 1851, p. ζ'. Les trois poèmes sont publiés pp. 1-70.

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visitant en rêve l'Acropole, rencontre partout la désolation et la déca-dence, jusqu'au moment où le spectre de Périclès lui demande de deve-nir le bienfaiteur des nouveaux poètes; après quoi, le fondateur chante enthousiasmé, la floraison de la poésie en Grèce, l'expulsion des Turcs et la libération des Grecs irrédimés par la «jeunesse libérale»:

«H φιλελεύθερος νεολαία «Εντός ολίγου κι' αυτή γενναία

«Εις νέας μάχας θέλει ριφθεί-«Μακράν τον Τούρκον θέλει διώξει, «Κ' εμπρός εις βάραθρα θα τον σπρώξη

«Από τον θάνατον ν' αρπαχθή».

Αυτά τον είπε- τα δε πτερά του Σκορπίζουν λάμψιν ολόγυρά του,

και φεύγει άνω πτεροπετών. Ο Ράλλης τότε κλίνει το γόνυ, και χείρας κι' όμματα ανυψώνει

Θερμώς τον Πλάστην ευχαριστών1.

Dans un tel climat d'exaltation, il n'est pas étonnant que Rallis, symbole d'une renaissance, devienne un personnage si important. Son éloge est un lieu commun. Zalocostas, lui aussi, publiant immédiate-ment son Μεσολόγγιον, ne manque pas d'ajouter (selon lΗabitude de l'époque, d'ailleurs) une flatteuse dédicace au fondateur, datée du 20 mai 18512. Inauguré avec éclat, le concours de Rallis permettait un optimisme total. On pouvait envisager l'avenir de la nouvelle institu-tion avec confiance, dans une atmosphère de compréhension et de générosité. Mais, un an plus tard, le ciel serein allait s'obscurcir brus-quement.

1. Ibid., p. 22. Il est significatif que Carydis reproduit (p. ια' - ιδ') une lettre de Jean Zambélios (Corfou, 18 juin 1849), dans laquelle le poète heptanésien met en valeur la «passion» et l'«imagination». Pour ce qui est du concours de 1851, Carydis, bien qu'il en évoque les résultats (p. η'-θ'), s'abstient de protester ou de se plaindre.

2. G. Ch. Zalocostas, Το Μεσολόγγιον, Athènes 1851, p. 3. Dans une lettre de félicitations à Zalocostas (Trieste, 7/19 juin 1851), le fondateur, méticuleux, lui indi-que qu'il s'appelle A. S. Rallis et non A. Rallis: G. Zalocostas, Έργα, éd. Costas Kairophylas, Athènes [1939], p. 479; voir aussi, pp. 416-418, une lettre de félicita-tions de A. Canini,

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2. 1852: Les premières tempêtes

Annoncé à temps, le concours de 1852 eut lieu le 25 mars1. Le jury était à nouveau composé de 5 membres: Sp. Pilicas (président), Ph. Ioannou (rapporteur), A. R. Rangabé, C. Paparrigopoulos et St. Coumanoudis. Trois de ces membres faisaient déjà partie du jury précé-dent; le poète de Στράτις Καλοπίχειρος se vit en une année passer du rang des condidats à celui des juges.

Nous savons dans quelles conditions Philippe Ioannou prépara son rapport: le samedi 22 mars, pendant qu'il le rédigeait, l'avocat N. Stephanidis fit irruption dans son bureau pour lui annoncer le «com-plot» de Macriyannis et l'inciter à en prévenir le roi2. La réalité, brûlante, venait ainsi perturber l'abstraction d'un travail contemplatif. Ce qui n'empêcha point le rapporteur de mener à bien sa tâche: long et dé-taillé, son rapport, contrairement à celui de Rangabé, rendit compte de tous les poèmes présentés.

Seuls six de ces poèmes, envoyés dans les délais prévus, eurent le droit de concourir. Mais le jury ne refusa pas de «jeter un coup d'œil» sur trois autres encore, bien qu'ils fussent arrivés après échéance:

a) Ότι κανείς φοβείται ή έκ ψυχής επιθυμεί, αύτό και Ινθυμείται b) Το ανατολικόν πνεύμα c) Το τελευταίον κακούργημα. Nous résumons l'exposé de Ph. Ioannou sur les 6 poèmes princi-

paux; nous n'intervenons que lorsque nous sommes en mesure d'y apporter des éclaircissements:

1) το Μέλλον της Ελλάδος: poème entièrement insignifiant; œuvre d'un versificateur illettré de Ténos qui révéla au jury son identité3.

Il s'agissait de Georges Skokos4.

1. Le «Programme de concours pour le 25 mars 1852» (Athènes, 3 octobre 1851), signé du recteur Sp. Pilicas, invitait les canditats à envoyer leurs poèmes 40 jours avant le 25 mars: Η Ελπίς, 24 novembre 1851 ; cf. le commentaire de C. Pop dans Ευτέρπη, No 103, 1er décembre 1851, p. 165. Sur la cérémonie du 25 mars 1852, voir les comptes rendus dans: Εφημερίς του Λαού, 26 mars 1852, Αιών, 27 mars 1852, et Ευτέρπη, No 111, 1er avril 1852.

2. Η δίκη του Στρατηγού Μακρυγιάννη, éd. Ε. G. Protopsaltis, Athènes 1963, pp. 86 et 302.

3. Jugement de 1852, Πανδώρα 3 (1852-53) 45. 4. Skokos avoue lui-même être «inexpérimenté et inculte»: Το όνειρον του εν-

θουσιασμένου Έλληνος, Athènes 1851, p. 3; cf. Το Μέλλον της Ελλάδος ή η λύσις του ανατολικού ζητήματος, Athènes 1852, p. 6, où le poète demande l'indulgence des

lettrés, sans toutefois mentionner sa participation au concours. Il allait publier;

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2) Γρηγοριάς : poème épique en plusieurs chants, dont seuls les deux premiers furent envoyés au concours. L'intrigue est invraisem-blable, les comparaisons et les images confuses, l'imagination du poète effrénée, la morale absente, la langue pleine de fautes de grammaire et la versification inadéquate à la poésie épique1.

3) Ύμνος τη ελευθερωθείση Ελλάδι : poème lyrique, en bimètres trochaïques sans rime, supérieur à Γρηγοριάς, mais «son d'une lyre désaccordée et atone». Absence de force poétique, vers défectueux, fautes de grammaire.

4) Θερμοπύλαι : poème épique, supérieur à tous les poèmes précé-dents; il a une versification correcte et une langue savante, avec peu de fautes de grammaire. Ses défauts, cependant, sont plus nombreux: confusion de métaphores, abus d'images et des comparaisons, manque de cohérence. Les aventures amoureusses du héros (Léonidas) ne mettent pas en relief, avant tout, l'amour de la patrie2.

Il s'agissait d'une œuvre de I. E. Yannopoulos (1823 - 1879). L'auteur, publiant un peu plus tard son poème dans Ευτέρπη, ne man-quait pas de protester: les fautes que Ioannou lui reprochait étaient des lapsus calami. Sa réponse, minutieuse, touchait, cependant, tous les points du rapport, pour conclure, avec pessimisme, que les services rendus par les jurys à la poésie néo-hellénique étaient superficiels 8.

5) Ευφροσύνη : roman en vers; sur plusieurs chants, deux seule-ment furent envoyés au concours. La langue mixte, le vocabulaire et l'usage de la synizèse «selon la versification italienne et non helléni-que» mènent le rapporteur à la conclusion que l'auteur est originaire des Iles Ioniennes. Les qualités du poème sont nombreuses: imagina-tion vive et mesurée, connaissance des règles poétiques, personnages naturels, métaphores, images et comparaisons heureuses et, parfois, originales. Mais la langue est mélangée (celle des chants populaires

Ύμνος εις τον εν Τήνω ιερόν ναόν της Ευαγγελιστρίας, Athènes 1853. Plus tard, Ο πρόδρομος του Μεγάλου Ελληνικού Μέλλοντος και Διάφοροι ωδαί, Athènes 1860, pp. 4-19, contenait aussi le poème de 1852; sur cet ouvrage, voir Πρωϊνός Κήρυξ, 20 août 1860, et Charles Schaub, Excursion en Grèce au printemps 1862, Genève 1863, p. 21. Sur des poèmes postérieurs de Skokos: Παλιγγενεσία, 2 mai 1872 et 28 juillet 1873.

1. Jugement de 1852, pp. 45-46. Gorgias (Constantin Pop) estime que le rap-port d'Ioannou fut particulièrement injuste envers le «poète absent» de Γρηγοριάς qui «connaît la grammaire mieux que certains professeurs»: Ευτέρπη, No 113,1er mai 1852, p. 402.

2. Ibid., pp. 46-47. 3. Ευτέρπη, op. cit., pp. 397-398.

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serait, peut-être, préférable?), la versification défectueuse et la rime insuffisante, sans compter quelques solécismes et quelques tournures étrangères1.

Ioannou ne se trompait pas : Gérasime Mavroyannis (1823-1906), l'auteur du poème, était, en effet, originaire des Iles Ioniennes. Nous sommes en mesure, aujourdΗui, d'avoir une image assez complète de ce Céphalonien entreprenant, journaliste, député ou consul général à l'étranger, qui put en même temps mener non sans succès une carrière de spécialiste de peinture, dΗistorien de lΗeptanèse, de poète et de traducteur2. Il avait déjà publié Συλλογή Στιχουργημάτων (1848). Son poème présenté au concours de 1852 allait paraître quelques années plus tard, accompagné d'une préface 3. Le temps aidant peut-être à effacer toute trace de rancune, Mavroyannis non seulement ne s'y plaignait pas, mais, au contraire, il prenait la défense des juges «qui ne sont point les Villemain de la Grèce»; il considérait même le jugement de Ioannou sur Ευφρόσυνη comme trop indulgent. Quant à son poème de 1852, explique-t-il, il était publié partiellement, son achèvement demandant un long travail que le poète accomplirait peut-être un jour, si toutefois le jugement du public était encourageant4.

Il allait tenir sa promesse vers la fin de sa vie, lorsque, ayant retrouvé le manuscrit de son vieux poème, il décida de l'achever. Mais, entre-temps, ses idées sur la poésie et sur la langue avaient beaucoup changé: toujours à contre-courant, cet homme qui contrariait les univer-sitaires de 1852 par son progressisme linguistique était devenu, avec le temps, partisan de la langue savante et, de ce fait, gênait à leur tour les vulgaristes des années 1900 par son conservatisme. Or, com-pléter, après un demi-siècle, le manuscrit de 1852, n'avait plus de

1. Jugement de 1852, pp. 48-50. 2. P. Markakis, «Γεράσιμος Μαυρογιάννης», Επτανησιακά Γράμματα 1 (1950-1951)

28-29, 60-61, 85-88, 121-122 et 154-155, où la bibliographie précédente. A ajouter: P. Markakis, «Ό Γεράσιμος Μαυρογιάννης μεταφραστής του Θεοκρίτου», Ελληνική Δη-μιουργία 11 (1953) 417-424, et Ν. Vayénas, «Ο Ossian στην Ελλάδα», Παρνασσός 9 (1967) 184-185.

3. G. E. Mavroyannis, Ποιητική συλλογή, Athènes 1858, pp. 84-109 (voir aussi la reproduction de Ευφροσύνη dans la revue Χρυσαλλίς 2,1864,1-6). P. Soutsos (Ήλιος, 1er novembre 1858), admirateur de cet ouvrage, évoque la participation de l'auteur au concours de 1852, «dont les juges étaient, pour la plupart, des prosateurs et des hommes sans goût».

4. Ibid., pp. 84-86. Nous ne savons pas dans quelle mesure l'encouragement du public fut exprimé par un succès commercial de ce livre que, dix-huit ans plus tard, Εστία 2 (1876) 828 qualifiait d'«introuvable».

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sens. Mavroyannis opta en effet pour une version en langue savante et 8 chants, présentée en 1905 comme une «œuvre entièrement nou-velle»1. Le résultat fut médiocre. On ne retrouvait plus le souffle de la première version qui, en 1852, soulevait même l'admiration d'un rap-porteur puriste:

Είναι πλατύ το πέλαγο, και όπου γυρίσω δρόμοι! Τ'αστέρινον αλφάβητο δεν έμαθα, και ακόμη δεν έπιασα κουπί.

6) Το στόμιον της Πρεβέζης : «dithyrambe» selon l'auteur, «poème épique» selon le rapporteur, en 512 vers. L'intention du poète de chanter un épisode de la Révolution Grecque est décidément «pieuse et loua-ble». Les qualités abondent, surtout la langue, qui est pure, exquise, expressive et exempte de vulgarismes, quoique non dépourvue de fautes de grammaire. Parmi les défauts du poème: quelques mots évitables, les métaphores forcées, l'accumulation des images, les redites2.

Dans ces conditions, le choix n'était pas facile pour le jury de 1852: quoique supérieurs à tous les précédents, les deux derniers poèmes avaient trop de défauts pour revendiquer le prix et la couronne. Un «coup d'œil», particulièrement décevant, sur les trois poèmes arrivés après échéance ne laissa aucun espoir. Les avis se divisèrent. Un seul membre du jury accepta de couronner Το στόμιον της Πρεβέζης; les autres, tout en trouvant ce poème supérieur à Ευφροσύνη quant à la langue et la versification, considéraient le poème de Mavroyannis comme meilleur pour l'invention, le sentiment et la beauté des images. Un résultat nul paraissait donc plus équitable: en effet, chacun des deux poèmes reçut un accessit, mais le prix ne fut pas décerné3.

Cette décision, contraire à celle de l'année précédente, déchaîna aussitôt une vague de protestations. On cria au scandale, on contesta la compétence du jury, on trouva que son verdict contrevenait à la

1. G. E. Mavroyannis, Η Χία Ευφροσύνη, μυθοπλαστία εξελισσομένη εν τη νήσω Χίω κατά τα δύο πρώτα έτη της Ελληνικής Επαναστάσεως 1821, 1822, Athènes 1905,

p. 4; voir, p. 7, une défense de la langue savante en poésie et, p. 151, une attaque de l'auteur contre le directeur de la revue Παναθήναια, ayant refusé de publier un extrait du poème en raison de sa langue.

2. Jugement de 1852, pp. 50-52. 3. Ibid., p. 52. Les 1.000 drachmes de Rallis servirent ainsi à l'achat de livres

pour la Faculté des Lettres.

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volonté du fondateur. Le rapport d'Ioannou fut sévèrement critiqué; on n'attendait pas d'un professeur de philosophie tant d'insistance sur les fautes de grammaire.

G. Zalocostas, auteur de Το στόμιον της Πρεβέζης, avait toutes raisons de se joindre aux protestations. Il le fit volontiers. Ioannou lui avait reproché, à lui aussi, des fautes de grammaire. Ecrire la langue savante parfaitement, répond le poète, est un exploit rarement réalisé et, de ce point de vue, «même le rapport du jury n'est peut-être pas entièrement irréprochable». Quant à la décision de ne pas décerner le prix, décision incompatible avec les objectifs du fondateur, elle «re-froidit le zèle de nos poètes qui nΗumilieront plus, je crois, leur Muse devant un jury incompétent»1. Par ailleurs dans un poème «A l'Univer-sité», inédit jusqu'en 1939, Zalocostas donnait libre cours à son amer-tume avec sincérité:

Κ' εγώ τη δάφνη εζήλευσα τη δάφνη πού μοιράζανε

εις το Πανεπιστήμιο διδάσκαλοι σοφοί"

και μούπε ένας δικός μου: —-Είσαι άπειρος του κόσμου, αλλάξανε oι καιροί2.

En un an, «les temps avaient changé». Si, en 1851, le jury choisit le poème le meilleur «relativement», l'année suivante il rechercha le meilleur absolument. Cette contradiction se trouvera plus d'une fois au cœur du débat et, d'une façon générale, elle animera bien des polémi-ques.

Un mois après la cérémonie, le journal Η Ελπίς, dans un long article, faisait le bilan de la situation: Les protestations contre le jury n'étaient pas justifiées. Le prix devait être décerné à un poème absolu-ment beau; car, que se passerait - il si l'on avait à choisir parmi des œuvres poétiques insignifiantes comme celles de Skokos, d'Exarcho-poulos ou de Sériphios? Mais Ph. Ioannou était incompétent: «être

1. G. Zalocostas, το ατόμων της Πρεβέζης, Athènes 1852, pp. 1-2. La réponse du poète aux «ergoteries» du jury (pp. 26-32) est pédante et sans intérêt; nous y relevons une mention élogieuse de Solomos (p. 30). Par ailleurs, Zalocostas se trompe, peut-être, en croyant que c'est Coumanoudis qui vota pour son poème; nous aurions tendance à croire qu'il s'agit plutôt de Rangabé, dont le compte rendu dans Πανδώρα 3 (1852-1853) 119-120 fut particulièrement élogieux.

2. G. Zalocostas, Έργα, op. cit., p. 424.

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à la fois professeur de philosophie et juge des poèmes, c'est absolument contradictoire». Le poème de Zalocostas était admirable, celui de Mavro-yannis «digne du prix». La langue populaire était un dialecte aussi grec que la langue savante; Ioannou avait tort, sinon «nous devons enlever le laurier de la tête du poète couronné Solomos et jeter au feu les Poésies Lyriques de Christopoulos». Pilicas, lui-aussi, était mis en cause: quoique irresponsable et incompétent en tant que juriste, il devait tout de même défendre sa langue maternelle, celle de lΗepta-nèse, et protester contre une décision qui rejetait un poème écrit en «dialecte ionien»1.

Clairvoyant et sage, cet article constitue plutôt une exception. D'ordinaire, les réactions au verdict du jury 1852 sont beaucoup plus passionnelles et violentes. Constantin Pop nous en offre un exemple: sous sa plume le refus de décerner un prix prend les dimensions d'une «chasse à la poésie» et d'une «époque des martyrs»2. Ces exagérations se présentent, en général, comme justifiées par un souci majeur, Γ encouragement de la poésie néo-hellénique. Mais le camp adverse peut y opposer l'argument de la qualité.

Nous avons vu ailleurs l'intervention de Rallis, sa lettre du 5/17 juin et la réponse de Pilicas; nous n'y reviendrons pas. Une chose est certaine: en 1852, par la force des choses, l'accent était plutôt mis sur le côté juridique de l'affaire (violation ou non des statuts de Rallis), de sorte que, dans le climat d'indignation créé par le verdict du jury, les formalités du concours occupèrent, en grande partie, la première place. Mais le vrai problème, celui de la langue, était déjà posé; il devait surgir, avec toute son acuité, l'année suivante.

3. 1853: La langue au cœur du débat

Perdre de vue le climat d'effervescence qui régnait en Grèce au printemps de 1853, serait, sans doute, enlever à l'explosion littéraire et linguistique de cette année-là une partie essentielle de sa dynami-que. Encore une fois, l'enchaînement des causes et des faits se mani-festait, complexe et multiple. Les rythmes s'accéléraient, le ton montait. Tout paraissait en marche: la guerre de Crimée et la question d'Orient,

1. Η Ελπίς , 25 avril 1852. Mais, quelques mois plus tard, après le discours rectoral de Pilicas, le même journal, entièrement satisfait, s'empresse de s'excuser, le recteur ayant rendu justice à Mavroyannis: Η Ελπίς, 29 septembre 1852.

2. Ευτέρπη, No 113, 1er mai 1852, p. 402.

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la verve belliqueuse et l'esprit prophétique, l'intolérance religieuse et l'intransigeance nationaliste. L'édifice idéologique dominant trouvait déjà, dans l'unité «helléno-chrétienne» (1852), un pilier solide; l'en-gouement pour les chants populaires s'amplifiait. On allait faire un pas en avant.

Le concours eut lieu le 25 mars 1853, comme prévu1. Pour la pre-mière fois, les membres du jury furent au nombre de 6: P. Arghyropoulos (président), A. R. Rangabé (rapporteur), J. Venthylos, E. Castorchis, Ph. Ioannou, et St. Coumanoudis. Parmi les 11 poèmes envoyés, les trois:

a) Δέσπω b) Τα σπλάγχνα του Βύρωνος c) Οι φυγάδες της Τραπεζούντος

étaient arrivés après échéance et, de ce fait, furent éliminés. Quant aux 8 œuvres jugées, Rangabé, comme en 1851, ne daigna parler que des deux meilleures, passant les titres des 6 autres sous silence.

Une fois de plus, le concours allait prendre l'aspect d'un duel: ayant déjà affronté Coumanoudis et Mayroyannis, Zalocostas faisait maintenant face à un adversaire non négligeable, Georges Tertsétis (1800-1874). Mais sa position était plus que jamais favorable; son atout principal, la langue savante, s'avérait en 1853 imbattable. Par ailleurs, l'issue du combat s'imposait impérativement: refuser le prix pour la deuxième année consécutive, ne serait-ce pas un manque de souplesse et de prudence?

Parmi les concurrents de 1853, nous connaissons aussi A. K. Yanno-poulos2, Cimon I. Svoronos3 et Périclès Triantaphyllidis4. Rangabé

1. Voir le «Programme de concours pour le 25 mars 1853» (Athènes, 23 mai 1852, signé: Sp. Pilicas) dans Αιών, 28 mai 1852 et Η Ελπίς , 31 mai 1852. Annonces, comptes rendus et commentaires sur la cérémonie: Αιών, 24 et 28 mars, ainsi que 4 avril 1853; Η Ελπίς, 30 mars 1853; Ευτέρπη, No 14,1er avril 1853, pp. 332-333.

2. Auteur du poème exclu Tà σπλάγχνα του Βύρωνος·, voir Anastase Κ. Yanno-poulos, Ανατολικόν πνεύμα εις δύω, Μέρος A' εν ω και το εις τον Βύρωνα κλπ. και Μέ-ρος Β' εις άσματα τρία του εv τω Πανεπιστημίω, πολιτικού [sic] συναγωνισμού, Patras 1853, pp. 62-70. Le poème Ανατολικόν πνεύμα présenté au concours de 1852 est, très probablement, du même auteur.

3. Cimon I. Svoronos, Ο Γούρας, ποίημα επικόν εις άσματα τέσσαρα, Athènes 1853. La participation du poème au concours est attestée par l'auteur dans sa courte préface.

4. Auteur du poème exclu Οι φυγάδες της Τραπεζούντος. En 1868, Triantaphyl-lidis (1818-1871) enverra au concours le même poème, remanié; il avoue que la pre-mière version de son drame date de vingt ans: Οι φυγάδες, Athènes 1870, p. 2; cf. E.

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ne donne aucune indication sur les œuvres secondaires, se contentant d'adresser à leurs auteurs et, en général, à tous les futurs candidats du concours, une série de conseils: le poète doit connaître sa langue parfaitement, être cultivé, savoir les règles poétiques en étudiant «sur-tout les chefs-d'œuvre de nos ancêtres» et ne pas se faire d'illusions sur son talent1. Ainsi, dans le Jugement de 1853, il n'est question que des poèmes les plus considérables qui, «paradoxalement», furent à nouveau deux et, plus paradoxalement encore, écrits l'un en langue populaire et l'autre en langue savante, comme les années précédentes. Voici un résumé des appréciations du rapporteur sur ces deux poèmes:

Κόριννα και Πίνδαρος : poème en langue populaire, ayant comme sujet la joute poétique entre Corinne et Pindare. L'intention du poète de lier la vie des Grecs anciens à celle des Grecs modernes en imitant la simplicité des chants populaires est heureuse et remarquable. Malgré ses défauts (usage de mots savants et étrangers, omission des articles, pléonasmes, etc.), le poème ne manque pas de «beautés» et de «grâces», parmi lesquelles la «douceur du sentiment» est particulièrement souli-gnée. Un inconvénient: l'auteur coupe le vers de quinze syllabes en deux hémistiches, de sorte que ses 860 vers ne font, en réalité que 430, alors que le règlement du concours exige au moins 500 vers.

Αρματωλοί και Κλέπται : épopée nationale, «produit d'une plume vigoureuse et expérimentée». Les qualités sont nombreuses: langue savante, précise et élégante, avec peu de fautes de grammaire, versifica-tion impeccable et harmonieuse, avec une rime naturelle, inspiration, imagination vive et modérée à la fois, force descriptive, sensibilité, tendresse. Mais les défauts ne manquent pas: la concision du style, excessive, devient parfois obscure, le prologue est déplacé, le titre du poème mal choisi; quelques expressions et images sont malheureuses2.

Hésitant à choisir entre les deux poèmes, la majorité du jury les jugea «égaux», deux membres ayant préféré Κόριννα. Mais cette der-nière œuvre présentait le désavantage de la langue populaire, ainsi qu'un nombre de vers insuffisant — deux inconvénients incompatibles avec le règlement —, alors que Αρματωλοί, poème irréprochable, avait à son actif, de surcroît, la difficulté de la rime. Or, le prix lui fut décerné, Κόριννα obtenant une «mention honorable».

Th. Kyriakidis, Βιογραφίαι των εκ Τραπεζούντος και της περί αύτη» χώρας από της Αλώ-σεως μέχρις ημών ακμασάντων λογίων, Athènes 1897, p. 167.

1. Jugement de 1853, pp. 2-3. 2. Ibid., pp. 4-13.

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L'argumentation de Rangabé est caractéristique: «La langue popu-laire, comme toute langue populaire, ne manque pas de grâce. Mais nous avons à mener une action très importante — elle a déjà commencé et avance avec succès — afin de redresser, en même temps que notre nation, notre langue commune, effondrée sous le poids de plusieurs siècles de barbarie. Or, nos forces ne doivent pas être gaspillées au dé-veloppement de dialectes particuliers, mais, au contraire, se concentrer à la culture convenable de la langue panhellénique. Aucun danger, cependant, ne menace la marche de cette langue plus sérieusement que l'apparition d'un grand poète écrivant en langue populaire ou en n'importe quel autre dialecte; car sa lyre pèsera sur la balance immé-diatement. La langue homérique vécut pendant quinze siècles parce qu'elle était protégée par l'ombre dΗomère. Par ailleurs, l'usage de la langue populaire est tellement plus facile que celui de la langue sa-vante— dont le correct apprentissage, très épineux, demande des études philologiques approfondies — que l'encouragement de la pre-mière causera sûrement, sinon la mort de la seconde, tout au moins son recul»1. Ainsi, qualifiée de dialecte, la langue populaire était chas-sée des concours au profit d'une soi-disant langue commune. Dans sa lettre du 5/17 juin 1852, Rallis s'étonnait déjà que, contrairement à ce qui s'était passé chez tous les peuples, les prosateurs en Grèce pré-cédassent les poètes, qui «se servent des mots et des phrases les plus vulgaires»; Rangabé citera ce passage de bonne grâce. Entre le jury et le fondateur l'entente devenait parfaite; les poètes vulgaristes n' avaient plus de place aux concours.

La cérémonie n'alla pas sans surprises. Le recteur appela le vain-queur Zalocostas à recevoir la couronne, mais le poète ne se présenta pas: au même moment, il pleurait chez lui la mort de son cinquième enfant. Peu avant, le jury ayant décidé de faire connaître aussi le nom de l'auteur de Κόριννα, on n'avait trouvé dans son enveloppe qu'une lettre anonyme: le poète déclarait que, en cas de vistoire, il

1. Ibid., pp. 13-14. En 1858, Tertsétis (Ό θρίαμβος του ποιητικού διαγωνισμού, vers 491-497) faisait allusion à ce passage:

Η γλώσσα των Ελλήνων να προκόψει εμπόδιο, είπαν, ο Όμηρος εστάθη.

Όλες οι πολιτείες της Ελλάδος αυτόν ακούουν" τες πλάνευεν ο πλάνος

και νεκρή η καθαρεύουσα απομνήσκει. Μη γένοιτο ποτέ, τόχουνε γράψει, τέτοιο σ' εμάς δυστύχημα να τύχει.

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offrait les 1.000 drachmes à dix filles pauvres comme cadeau de mariage1. Son nom fut connu quatre jours plus tard. Le dimanche 29 mars

1853, lors de son discours traditionnel à la Bibliothèque du Parlement, Georges Tertsétis surprit ses auditeurs quand, au lieu de parler du Patriarche Grégoire comme prévu, il donna lecture de Κόριννα και Πίνδαρος, «œuvre littéraire inoffensive», en sa possession «par hasard». Dans son épilogue humoristique il dénonça un jury qui défendait la langue savante plus que la poésie2. Mais Tertsétis, par tempérament, était peu enclin aux polémiques hargneuses. Par ailleurs Zalocostas, satisfait de sa victoire, n'avait pas de raisons de se plaindre, pas plus que les contestataires de l'année précédente qui, après la distribution du prix, «applaudissaient la décision du jury»3. Or, le concours de 1853 n'aurait peut-être pas alimenté plus de polémiques, si P. Soutsos n' était pas intervenu soudain pour ranimer le débat.

Le 15 avril 1853, le journal Αιών publiait un article (Hermou-polis, 5 avril) signé I. S. On aurait été tenté d'y voir une lettre de lecteur, si le contenu de ce texte n'avait pas trahi l'auteur. L'identité de celui-ci, à en juger par quelques allusions contemporaines, était évidente: seul P. Soutsos lui-même pouvait exalter en ces termes son propre apport littéraire, ainsi que celui de son frère Alexandre. Ainsi, Rallis avait tort de déplorer le retard de la poésie, alors que, au con-traire, les poètes de la Grèce moderne précédèrent les prosateurs et créèrent une langue proche de l'ancienne4. Les Αρματωλοί de Zalo-costas étaient obscurs et pleins de barbarismes, la clarté étant le privi-lège des frères Soutsos. Le vulgariste Tertsétis était vilipendé: «Pindare parle aujourdΗui la langue pauvre de Tertsétis, de Solomos et de Tricou-pis!». Il était inadmissible, d'ailleurs, que les Heptanésiens, possesseurs

1. On trouve le texte de cette lettre (Athènes, 15 février 1853, signée: Un Grec) dans le Jugement de 1863, p. 15.

2. Cet épilogue est reproduit dans Αιών, 4 avril 1853, ainsi que dans Πανδώρα 4 (1853-1854) 68, avec une réponse de la revue favorable au jury et à la langue savante; le même texte sert d'introduction à Κόριννα; voir [G. Tertsétis], Λόγος της 26 Μαρτίου 1885 - Ol Γάμοι του Μεγάλου Αλεξάνδρου - Κόριννα και Πίνδαρος, Athènes 1856, pp. 69-72. Sur ses répercussions: G. Valetas, Τερτσέτης Άπαντα, t. I, Athènes 19663, p. 40.

3. C. Pop, dans Ευτέρπη, No 14,1er avril 1853, p. 332. 4. Un critique anonyme (Rangabé?) de l'article de P. Soutsos nΗésite pas à

reprendre son argument contre Rallis: la poésie précéda la prose certainement, puis-que, avant la Révolution, «I. Rangabé traduisait déjà le Cinna de Corneille avec beaucoup de précision et de grâce, et que I. Rizos écrivait Ασπασία et quelques-unes de ses odes en langue savante»: Πανδώρα 4 (1853-1854) 71,

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des «restes d'un pauvre dialecte grec», cherchassent à l'imposer contre la langue des «Grecs libres». Coray et ses disciples, Assopios surtout, étaient accusés de «gallicismes»1. L'incompétence du jury sautait aux yeux: «Mais les juges du concours ont-ils l'ouïe fine? Malheureusement, non; pour la plupart, ils ne sont que des pédants desséchés qui méprisent la poésie. Ce n'est pas ainsi que versifient les chefs de l'école du style grec, les deux frères Soutsos!».

Cette intervention brutale et arrogante ne pouvait que provoquer une série de réponses plus ou moins indignées. Trois jours plus tard, dans un long article, le journal H Ελπίς, tout en exprimant son scepti-cisme à l'égard des poèmes de Zalocostas et de Tertsétis, critiquait sévèrement la poésie des Soutsos et reprochait à I. S. sa vantardise2. Etonnée par la violence de l'attaque, la revue Πανδώρα prenait à son tour la défense d'Assopios3. Quant aux personnes mises en cause par Γ article de P. Soutsos, elles ne manquèrent pas de riposter: Zalocostas, publiant en brochure son poème couronné, y ajouta toute une série d'observations contre le «vantard» I. S., où l'ironie alternait avec l'indignation4. Dans une réponse restée inédite, Tertsétis se soucia sur-tout de la défense de la langue populaire5, tandis qu' Assopios com-mançait sa longue attaque contre P. Soutsos par la réfutation de 1' article signé I. S.®

On se battait, certes, pro domo, et cet échange de coups n'était pas moins motivé par des ambitions vaniteuses que par des rancunes mesquines. Ceci dit, l'aspect psychologique ou moral du problème n'est pas forcément le plus significatif. Sans doute P. Soutsos n'aurait-il pas réagi de la sorte, s'il n'avait pas été impatienté par le rayonnement, grâce aux concours, de nouveaux poètes et critiques, mais l'essentiel est de voir dans quelle mesure cette réaction, insérée dans les structures mentales d'une époque, acquiert un sens historique; en d'autres termes, comment la réaction devient action. De ce point de vue, l'article de P. Soutsos n'aurait pas mis le feu aux poudres et il n'aurait pas servi de détonateur, si les conditions n'avaient pas été réunies pour une

1. P. Soutsos avait déjà attaqué Coray et les professeurs C. Assopios, Th. Phar-makidis, Ph. Ioannou et Th. Manoussis dans Άπαντα, t. I, Athènes 1851, pp. ια'-ιβ'.

2. Η Ελπίς, 18 avril 1853. 3. Πανδώρα 4 (1853-1854) 69-71. 4. G. Zalocostas, Αρματωλοί και Κλέπται, Athènes 1853, pp. 25-28. 5. Ce texte a été publié par D. Conomos dans Επτανησιακά Φύλλα, No 5, dé-

cembre 1957, pp. 130-134 [=Γ . Τερτσέτης Ανέκδοτα κείμενα, Athènes 1959, pp. 81-87]. 6. [C. Assopios], T α Σούτσεια, Athènes 1853, p. 3 sq.

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explosion dont le caractère collectif est facilement détectable dans le climat de l'époque: les querelles intellectuelles entraient dans le cadre d'une tension sociale en plein essor.

Trois ans d'expérience avaient déjà montré l'existence de deux écoles, l'une «démotique» (Στράτις, Ευφροσύνη, Κόριννα), l'autre «gram-maticale» (Μεσολόγγιον, Στόμιον Πρεβέζης, Αρματωλοί)1. Dans le cadre des concours, les règles du jeu étaient déjà définies et tacitement ac-ceptées: tout allait se passer, en définitive, dans la légalité universi-taire et sous l'arbitrage suprême des professeurs. Participer aux con-cours n'était-ce pas, en fait, reconnaître un ordre établi, même si l'on y occupait, comme Tertsétis, un siège dans l'opposition?

C'est à cet ordre précisément que P. Soutsos porta de l'extérieur un coup révolutionnaire avec son fameux manifeste linguistique8. Révolutionnaire, dans le sens où la rupture s'y opposait à l'évolution et où l'alternative «démotique-grammatical» était dépassée par une proposition archaïsante; de l'extérieur, dans le sens où l'auteur, qui n'a jamais accepté de participer aux concours, récusait à la fois l' ordre universitaire et l'institution de Rallis. Mais, au fond, ce mani-feste ne pouvait paraître que dans le climat d'un irrationalisme tri-omphant: œuvre d'intolérance, elle exprimait tout un courant politi-que et social dont l'intransigeance idéologique (fanatisme religieux, nationalisme farouche) et lΗumeur batailleuse allaient de pair avec un dogmatisme formel. Ce dogmatisme, dans Νέα Σχολή, est omni-présent: «La langue des Grecs anciens et celle des modernes n'en feront qu'une. Leur Grammaire et la nôtre n'en feront qu'une»3. Par ailleurs, la hargne de P. Soutsos se manifestait impitoyablement: «corayistes» et «vulgaristes», professeurs et poètes (Coray, Assopios, Th. Pharma-kidis, Th. Manoussis, Ph. Ioannou, Zalocostas, Tertsétis) étaient ren-voyés dos à dos; le fondateur du concours et les membres des jurys n'étaient pas non plus épargnés4.

La suite est connue: la réponse volumineuse d'Assopios (τα Σού-τσεια, 1853) offrit à la bibliographie de la critique néo-hellénique un de ses principaux titres. Les contre-attaques ayant commencé par les journaux®, elles allaient continuer par les pamphlets et les brochures.

1. Αιών, 4 avril 1853. 2. P. Soutsos, Νέα Σχολή του γραφομένου λόγου ή ανάστασις της αρχαίας ελλη-

νικής γλώσσης εννοουμένης υπό πάντων, Athènes 1853. 3. Ibid., p. 5. 4. Ibid., p. 35. 5. A notre connaissance, la première violente réponse à Νέα Σχολή fut publiée,

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Le duel Assopios - Soutsos allait prendre l'aspect d'un conflit généra-lisé: pendant longtemps, on défendait le premier ou le second des deux adversaires, on s'en prenait à l'intervention d'un troisième, on réglait ses comptes sur le terrain linguistique. Une riche récolte d'écrits en témoigne1.

Peut-on considérer l'intervention de P. Soutsos et les polémiques qui l'ont suivie comme un éveil de la conscience critique athénienne? Il ne fait pas de doute que Assopios offrit avec sa réponse plus qu'un monument d'érudition: lΗommage rendu à Έρωτόκριτος, à Christo-poulos, à Vilaras, à Solomos et à Tertsétis y fait état d'une sensibilité avertie. Mais n'oublions pas que le débat, unidimensionnel et pédant, restait tout de même bloqué au niveau de la langue; son argumentation n'était puisée qu'aux textes anciens, aux dictionnaires et aux gram-maires savantes; toute trace d'originalité était, le plus souvent, écrasée sous le poids d'une cuistrerie hargneuse. Dans ces conditions, un bond qualitatif était presque impossible, tant que la pensée critique n'avait à changer ni d'objet ni de matière. Les adversaires se battaient avec acharnement, mais en se servant de mêmes armes.

Ce qui est à retenir, c'est que, en 1853, la question de la langue, dans un climat d'effervescence et de mobilisation, surgissait de façon impérative. La langue populaire était officiellement expulsée des con-cours. D'autre part, la révolte de P. Soutsos semblait tourner court; le courant archaïste, complexe et multiforme, allait réapparaître par la suite sous d'autres aspects et dans un autre contexte, mais sa dé-faite, pour l'instant, paraissait certaine. L'ordre universitaire était très puissant pour imposer sa loi: à travers toutes sortes d'extrémismes, il cherchait l'équilibre, en matière linguistique, dans la voie de la modé-ration.

par le journal Η Ελπίς, 15 mai 1853. P. Soutsos répondit à cet article dans Aιών, 20 mai 1853.

1. Voir, surtout, contre le manifeste de P. Soutsos: [El. S. Stathopoulos], Ο Α. Ραγκαβής και ο Π. Σούτσος ή η νέα επιστήμη περί των φαινομένων της αυτομάτου κινήσεως της τραπέζης και η Νέα Σχολή του γραφομένου λόγου ή η ανάστασις της αρχαίας ελληνικής γλώσσης εννοούμενης υπό πάντων, Athènes 1853, et [Α. Phatséas], Τω αρχη-

γέτη της Νέας Σχολής [1853] - Contre Σούτοεια: G. Ch. Ch[ryssoverghis], T ο επιδόρ-πιον του γραμματοφάγου ή ο αυτόβλητος Σουτσοκρούστης, Athènes 1855; cf. J . Caras-soutsas, Η Βάρβιτος, Athènes 1860, p. ε' - ς'. - Contre Chryssoverghis: Journal Αθη-νά, 2 et 13 avril 1855; D. T. Vernardakis, Το τρωγάλιον του δοκησισόφου ή αυτοσχέδιος

απάντησις εις τον Κ. Γ. Χρυσοβέργην, Athènes 1855; cf. M. G. Protopsaltis, «Ανέκδοτος λίβελλος του Φιλίππου Ιωάννου», NE 21 (1937) 867-868,

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4. 1854: La persistance de la dualité linguistique

Chose curieuse, parmi les 12 poèmes présentés au concours de 1854, 5 étaient écrits en langue populaire! Mal compris ou consciem-ment ignoré, le sévère avertissement de l'année précédente fut loin d'imposer d'un seul coup la discipline. C'est ainsi que, pour la quatrième fois, le jury allait se trouver devant le «paradoxe» signalé par Rangabé en 1853: des deux meilleures oeuvres, la première était écrite en langue populaire, la seconde en langue savante. Certes, le choix ne posait plus le moindre problème, et le jury nΗésita pas à opter une fois de plus pour la langue savante. Mais cette dualité linguistique au sein des concours devenait, à la longue, gênante; elle accentuait la contra-diction entre la poésie et la langue, et transformait de plus en plus le jury littéraire en commission de censure. Il fallut donc répéter l'aver-tissement de l'année précédente.

Le concours de 1854 eut lieu de nouveau le 25 mars1. Le jury fut composé de 5 membres: N. Costis (président), A. R. Rangabé (rappor-teur), Ph. Ioannou, C. Paparrigopoulos et St. Coumanoudis. Cinq poèmes ont été jugés «louables». Rangabé, contrairement à ce qu'il avait fait en 1851 et 1853, rendit compte, pour la première fois, de toutes les œuvres envoyées au concours, en commençant par les moins importantes. Voici, en résumé, comment ces œuvres sont présentées par le rapporteur:

1) Un poème entièrement insignifiant qui, faute de titre, est éliminé par le jury.

2) Ναπολέων Βοναπάρτης : «imitation» — d'après l'auteur, mais, en réalité, une paraphrase sans art et sans goût — du «chef-d'œuvre du Pindare français» (Lamartine). La langue n'est ni savante ni popu-laire; les fautes de grammaire abondent.

3) Ό Ελλην εραστής : tragédie en 5 actes. On n'y trouve aucune qualité, si ce n'est une certaine facilité à la versification et la brièveté salutaire des actes!

4) Πάτροκλος : tragédie «plaintive», dont furent envoyés au con-cours les trois derniers actes. Oeuvre insignifiante, comparable à la précédente.

1. La proclamation du concours (Athènes, 4 juin 1853), signée du recteur P. Arghyropoulos, précise qu'elle est valable aussi pour les années suivantes: Η Ελπίς, 7 juin 1853, Αιών, 27 juin 1853 - Commentaire sur le concours de 1854: Ευτέρπη, No 37, 1er avril 1854, pp. 311-312,

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5) H Σοφία : extrait d'un poème épique, en langue savante. L'au-teur confond le genre épique avec le genre lyrique.

6) Ο Ελλην της Πίνδου : extrait d'un poème épique (648 vers), en langue savante. Le tétramètre trochaïque, comme dans le poème précédent, est incompatible avec la poésie épique. «Des mots, toujours des mots, de l'emphase et de la confusion!».

7) H λίμνη των Ιωαννίνων : poème épique, œuvre d'un jeune hom-me de dix-huit ans. L'absence de rime, solution de facilité, est ré-préhensible. L'intrigue est plus ou moins naturelle, mais la langue, vulgaire et terne, n'a rien à voir avec celle des chants populaires.

8) H 25 Ιανουαρίου 1853 : hymne à l'arrivée du roi Othon, en 290 vers de quinze syllabe. Sa ressemblance avec l'œuvre suivante (No 9) prouve l'existence d'un seul auteur: les deux poèmes sont ani-més par les mêmes qualités (imagination vive, sensibilité, tendresse, connaissance des règles poétiques). Si la langue, dans les deux cas, est vulgaire, elle a la force et lΗarmonie de la langue des chants popu-laires, sans toutefois être dépourvue de quelques défauts (usage de mots étrangers et savants)1.

Rangabé savait, sans doute, qu'il avait affaire à deux œuvres de G. Tertsétis. Ce qu'il ignorait, peut-être, était que le titre H 25 Ια-νουαρίου 1853 couvrait, en réalité, une brochure datée de vingt ans et publiée anonymement sous un autre titre2. Pourrait-on prétendre que Tertsétis contrevenait au règlement du concours en envoyant une œuvre éditée? Son cas était assez particulier, puisque l'anonymat, le temps écoulé et la diffusion restreinte de la brochure rendaient pratiquement impossible l'identification du poète.

9) Το όνειρον του Βασιλέως κατά τον Σεπτέμβριον του 1853 : poème en 589 vers de quinze syllabes, sans rime. Le rapporteur, élogieux, y décèle des scènes et des images «dignes de la plume de Dante». Mais cette œuvre, bien que de talent et dotée d'intentions patriotiques, n'en soulève pas moins quelques problèmes politiques épineux, en évoquant un passé «que nous devons tous oublier et pardonner»8.

Ce passé, nous le savons aujourdΗui, était i'assasinat de Capo-distria avec toutes les passions qu'il avait déchaînées. Dans une lettre accompagnant le manuscrit de son poème, Tertsétis expliquait aux

1. Jugement de 18S4, Πανδώρα 5 (1854-1855) 30-35. 2. Δοκίμων Εθνικής Ποιήσεως. T ο φίλημα, Nauplie 1833. Sur l'identification

dés deux poèmes de Tértsétis: D. Stéphanou, Γεώργιος Τερτσέτης, Athènes 1916, p. 20. 3. Jugement de 1854, p. 35.

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juges qu'il voulait, avant tout, «ériger un monument d'expiation et de haute considération» au premier Gouverneur de la Grèce1. On ne saurait contester cette affirmation; en effet, Capodistria occupe dans le poème une place importante; c'est lui qui conduit le roi Othon aux Enfers. Mais on a du mal à croire que l'auteur était exclusivement préoccupé par le passé dans un poème où Othon, personnage principal, recevait de Platon des conseils comme les suivants:

Κέντρον είναι δυνάμεως ή άκρα εξουσία, παράδειγμά 'ναι αρετής, βασιλική η χάρις. Δέσε εις την παλάμην σου τους χαλινούς του Κράτους

και μην αφίνεις τα λουριά ν' αεροκυματίζουν.

Il est donc certain que le caractère politique d'une œuvre se ré-férant non seulement au passé, mais aussi — ce que Rangabé passe sous silence — au présent, ne pouvait qu'augmenter l'embarras des juges universitaires, décidés à éviter de tels écueils. Et ce caractère politique précisément ne fut pas pour rien dans le fait que le poème ne fut pas publié à son époque2. Il fallut plus de 60 ans pour qu'une première édition, encore que défectueuse, fût établie3.

10) Γραομ υομαχία : extrait d'un poème héroï-comique du genre de Στράτις Καλοπίχειρος, en trimètres iambiques. Oeuvre «louable», elle dispose de qualités rares. Mais la langue y devient plus souvent qu'il ne le faut archaîsante, tandis que la versification n'est pas tou-jours impeccable. Par ailleurs, si ce poème présente une prolixité fati-gante, son principal défaut réside dans le fait qu'«il n'a pas de but» et qu'«il ne se prête à aucune application morale ou sociale»4.

Il s'agissait d'une œuvre de D. Vernardakis (1833-1907), étudiant de 20 ans. LΗomme aigri qui, plus tard, devait sombrer dans la misan-thropie, commençait sa carrière littéraire plein d'entrain. Sa bonne

1. G. Valétas, op cit., p. 192. 2. A. Vlachos, «Γεώργιος Τερτσέτης,» Παρνασσός, 1 (1877) 174 [ = Ανάλεκτα, t.

II, p. 102]; cf. S. De Biazi, «Γεώργιος Τερτσέτης», Ποιητικός Ανθών 1 (1887) 367 et G. Th. Zoras, «Το όνειρον του Βασιλέως,» dans Επτανησιακά Μελετήματα Β', Athènes 1959, p. 215. L'assertion de Zoras que le poème de Tertsétis ne fut pas couronné au concours pour des raisons politiques sous-estime le fait que, en 1854, le principal obstacle au couronnement d'une œuvre était la langue populaire.

3. Par D. Stéphanou, op. cit., pp. 33-51. Le nouvel éditeur G. Valétas, op. cit., pp. 176-191, s'est servi du manuscrit du poète.

4. Jugement de 1854, pp. 35-37.

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humeur est manifeste, aussi, dans la Préface humoristique qui accompa-gna la publication du poème; on y voit, en plus, un jeune homme docile qui, flatté par la «faveur» de Rangabé, ne manque pas d'exprimer sa reconnaissance et de tenir compte des observations du jury en corri-geant les vers considérés comme défectueux. Mais cette attitude respec-tueuse cache à peine une opiniâtreté arrogante. Aux reproches morali- sants du rapporteur, Vernardakis, prompt à théoriser, opposera ob-stinément sa doctrine de «l'art pour l'art»; si son poème n'a pas de but, c'est que la Poésie —et, à plus forte raison, la poésie héroï —co-mique-n'a d'autre but qu'elle-même. Quant aux éléments archaïsants de sa langue, le poète avoue avoir cueilli, avec l'audace de la jeunesse, «quelques fleurs dans le riche et très beau jardin de la langue de nos ancêtres» estimant que c'est en poésie que cette dernière peut le plus facilement être introduite1.

11) Ο Άπατρις : extraits d'un poème épico-lyrique, en strophes de six vers. Meilleur que tous les précédents, selon la majorité du jury, ce poème ne doit occuper, selon Coumanoudis, que la quatrième place. Si les extraits envoyés au concours rendent impossible un jugement sur l'ensemble de l'œuvre, ils font état néanmoins de qualités incon-testables (écriture élégante, imagination vive). Le rapporteur cite, à l'appui, un long passage2.

Il s'agissait de la première participation de Th. Orphanidis, 37 ans, professeur de botanique. Il devait publier la même année son poème, accompagné du prologue qu'il avait adressé aux juges pour expliquer ses intentions: il y présente son héros animé par «l'amour de la patrie,la passion pour Théoni et le respect envers Dieu et envers la reli-gion»; son poème est «proche plutôt de la poésie de Byron que de celle dΗomère»3. Cette profession de foi romantique n'est pas à négliger: caractéristique de l'évolution du poète Orphanidis et du climat de l'époque, elle explique, en grande partie, l'attitude négative de Cou-manoudis envers le poème.

12) Ώραι Σχολής : deux poèmes lyriques (Ο ποιητής, H πέρδικα), accompagnés d'un plus long «récit en vers» (Ο Φώτος και η Φρόσω). Le rapporteur n'y décèle que des qualités: langue véritablement popu-

1. D. Vernardakis, Γραομυομαχία, Athènes 1854, pp. γ ' - ι'. 2. Jugement de 1854, pp. 37-38. 3. Th. Orphanidis, Αποσπάσματα εκ του ποιήματος Ο Άπατρις, Athènes 1854,

pp. ς' - η'. La première participation d'Orphanidis est attestée par lui-même (p. γ'); cf. Πανδώρα 6(1855-1856) 548.

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populaire, versification harmonieuse, imagination, tendresse. Mais, si cette œuvre admirable est considérée par le jury comme digne d'être couron-née, sa langue constitue un obstacle insurmontable: le fondateur

n' offre le prix qu'aux poèmes écrits en langue savante. «Mais le jury aussi a la conviction que l'encouragement de la langue populaire , en poésie savante ne peut que produire deux inconvénients: a) des person-nes incultes s'occuperont de poésie avec moins de scrupules..., ce qui augmentera le nombre des poètes insignifiants et empêchera le développe-ment de la bonne littérature, b) si sont présentés encore quelques poèmes vulgaristes ayant la grâce et les qualités du poème en question, l'imitation risquera d'entraîner beaucoup de monde à l'usage de la langue populaire, et le retour aux formes anciennes en sera retardé pour longtemps...»1.

On ne saurait être plus clair. L'essentiel étant «le retour aux formes anciennes», les universitaires pouvaient très bien se passer d'une qua-lité poétique qui devenait dangereuse. Une fois de plus, Rangabé for-mulait sa doctrine aberrante et répétait l'avertissement de l'année précédente. Ainsi, le meilleur poème du concours n'ayant droit qu'à une couronne symbolique de «louanges les plus sincères», la véritable couronne et le prix de 1.000 drachmes furent décernés à Orphanidis. Ce dernier avait enfermé dans son enveloppe une lettre: il y révélait son nom et le titre de son poème, offrait les 1.000 drachmes du prix pour deux voyages scientifiques et, en plus, il faisait cadeau de deux collec-tions botaniques. Peu avant, le recteur Costis ayant ouvert l'autre enveloppe pour faire connaître l'auteur de Ώραι Σχολής, y avait lu le nom de Zalocostas.

Que le meilleur poème du concours de 1854 ne reçût pas le prix, ce n'est pas étonnant, au fond, vu l'expérience des années précédentes et l'attitude, de plus en plus dure, des jurys à l'égard de la langue popu-laire. Ce qui mérite de retenir notre attention c'est le comportement de Zalocostas. Poète docile jusque-là, il n'envoyait aux concours que des œuvres ayant toutes les possibilités de remporter la victoire; en 1853, vainqueur pour la deuxième fois, il n'avait pas manqué de cor-riger, avant de les publier, ses vers critiqués par Rangabé2. La langue savante demeurait son grand avantage; c'est grâce à elle, surtout, qu'il avait battu ses adversaires. Or, en abandonnant soudain son atout principal (au moment précisément où celui-ci devenait pour le

1. Jugement de 1854, pp. 38-39. 2. Πανδώρα 4 (1853-54) 69.

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jury indispensable), ne lançait-il pas aux universitaires une sorte de défi?

Conscient ou non, ce défi est révélateur d'un personnage complexe et contradictoire. Zalocostas n'était certainement pas lΗomme qui tranchait dans les batailles intellectuelles; toujours hésitant, il fut dé-chiré par ses prédilections pour la poésie ionienne et par son penchant à la grandiloquence savante; son œuvre «bilingue» en témoigne. Si, en 1854, il choisit la langue populaire, c'était précisément au moment où la contradiction langue-poésie, développée par Rangabé, était plus que jamais apparente. En optant pour la langue populaire, Zalocostas optait pour la poésie; aussi montrait-il que le poète en lui n'était pas étouffé sous les lauriers universitaires.

Malgré tout, la défaite était cuisante. Un peu plus tard, publiant ses trois poèmes, Zalocostas préféra à toute autre réponse une brève formule significative: «Ces poèmes — quoique non couronnés — obtin-rent au concours de 1854 la première place»1. Mais le poète donna libre cours à sa colère en privé dans quelques «commentaires sur le verdict du jury» qui datent, à notre avis, de 1854. En voici quelques extraits caractéristiques: «Je suis capricieux, je veux être ou premier ou dernier... Si tu veux désarmer les pédants, sois pédant; flatte-les, si tu veux réussir. Le laurier offert par eux est plus amer... Révoltés partisans d'une élégance artificielle, vous avez négligé les beautés de la langue populaire... Les phrases du peuple sont plus élégantes que les phrases banales des puristes... Le jugement des universitaires tue l'esprit, au lieu de l'appréhender»2.

Au contraire, Orphanidis, lauréat de 1854, n'avait aucune raison d'avoir les mêmes sentiments à l'égard du jury. Cependant, la formule de Zalocostas étant blessante pour lui, il ne la laissa pas sans réponse: «il n'y a qu'un seul poème qui obtient la première place au concours, celui qui est couronné»3. C'étaient, déjà, les premières escarmouches dans ce que le bouillant professeur de botanique allait appeler emphati-quement «grande guerre contre Zalocostas»; en effet, un conflit beau-

1. G. Zalocostas, Ώραι Σχολής [Athènes 1854], p. 16. La même formule accompa-gne le poème Ο Φώτος και η Φρόσω, plublié dans Ευτέρπη, No 37, 1er avril 1854, pp. 299-303.

2. G. Zalocostas, Έργα, op. cit., pp. 471-473. Quelques passages communs nous permettent de conclure que Zalocostas s'était servi de ces notes pour rédiger, en 1855, son article «Une leçon à mes maîtres» (voir ci-dessous).

3. Th. Orphanidis, op. cit., p. γ'.

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coup plus sérieux devait éclater entre les deux poètes l'année suivante.

5. 1855: L'abondance des hexamètres

Le 25 mars 1855 coïncidant avec la Semaine Sainte, la cérémonie du concours eut lieu le 29 mars1. Les poèmes présentés furent plus nombreux que jamais: 14. Pour la première fois, le jury fut composé de 4 membres: C. Contogonis (président), Ph. Ioannou (rapporteur), A. R. Rangabé et C. Paparrigopoulos. Cette diminution du nombre des juges est explicable: Coumanoudis, membre régulier du jury depuis 1852, avait abandonné son poste pour rejoindre les concurrents.

Les deux sévères avertissements de Rangabé donnaient enfin des fruits: parmi les 14 œuvres présentées, une seule (Ορέων άνθη) était écrite en langue populaire. Rallis et les universitaires pouvaient être provisoirement satisfaits; Tertsétis fut absent du concours; Zalocostas y retourna, mais docile et repenti, après sa vaine révolte de l'année précédente, pour briguer le prix avec un poème en langue savante. Deux autres phénomènes particuliers accentuèrent le caractère «classi-que» de cette année 1855: l'abondance des œuvres en hexamètres et didactiques. Par contre, le romantisme, surtout sous sa forme byronienne, ne manqua pas de faire à nouveau une apparition spectaculaire.

Ioannou divise les poèmes en trois catégories, selon leur impor-tance.

A. La première catégorie est celle des 5 «œuvres entièrement in-signifiantes»:

1) Οι στίχοι των μελών του σώματος : idées vulgaires, langue «bar-bare», solécismes et fautes d'orthographe.

2) Ο Φλέσσας : intrigue pauvre, fautes de grammaire. 3) H Ελένη : poème en hexamètres. La versification est défectu-

euse et la langue pleine de fautes; le suicide de lΗéroïne rend ce poème «moralement condamnable».

4) H Χιακή Ι ερεμιάς : poème de 540 vers environ. L'auteur, au lieu d'insister sur lΗéroïsme et les souffrances de ses compatriotes, les habitants de Chio, pendant le massacre, raconte sa propre fuite! La versification est en général bonne, mais l'intrigue pauvre; les fautes de grammaire ne manquent pas2.

1. Αθηνά, 31 mars 1855. 2. Jugement de 1855, Πανδώρα 6 (1855-56) 50-51.

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Il s'agissait d'une œuvre de A. S. Caravas, professeur de grec ancien au lycée de Chio. Deux ans plus tard, publiant son poème, 1' auteur accusera le jury de sévérité excessive1.

5) Απόσπασμα εκ του β' άσματος της ανεκδότου Π. της Λ. : mélange de poésie épique et lyrique, idées banales, barbarismes, incohérences et fautes d'orthographe.

B. A la deuxième catégorie appartiennent 3 poèmes qui, quoique meilleurs que les précédents, présentent pourtant plusieurs défauts:

6) Σουλίου πτώσις : extrait de poème épique. Contradictions, man-que d'intrigue, absence de qualités artistiques. Mais la versification, très souvent sans rime, est correcte, le langage bon, et les fautes de grammaire relativement peu nombreuses.

7) Ο Περίδρομος : extrait (800 vers environ) d'un poème comique, en trimètres iambiques, du genre de Στράτις Καλοπίχειρος et de Γραο-μυομαχία. Un jugement sur l'ensemble de l'œuvre est impossible. En tout cas, l'auteur, qui possède admirablement le grec ancien, fait montre de culture et d'esprit. Il ridiculise des choses répréhensibles, même des personnes vivantes, sans pour autant éviter les digressions arbitraires et les obscénités choquantes. La versification est recherchée et défectueuse 2.

Il s'agissait d'une œuvre de D. Vernardakis3. 8) Ορέων άνθη : roman en vers de quinze syllabes et en langue

populaire. L'intrigue est simple et maladroite, l'économie mauvaise, la versification correcte, la langue harmonieuse. Malgré ses invrai-semblances et ses contradictions, cette œuvre ne manque pas de grâce et de tendresse. Un hymne à la Grèce ajouté à la fin du poème n'est qu'une faible imitation de lΗymne à la Liberté de Solomos4.

L'auteur, apparemment heptanésien, nous est connu sous les initiales S. C.5.

1. A.S. Caravas, Εγχειρίδιον της νεοελληνικής γλώσσης, t. II, Smyrne 1857, pp. κθ' et λ'. Le poème, en 870 hexamètres, y est publié en annexe; il parut égale-ment en brochure (voir GM 7335). Nous signalons que la préface de Caravas traite de lΗexamètre et de son usage par Rangabé, Tantalidis et Orphanidis.

2. Jugement de 1855, pp. 51-52. 3. Voir A.R. Rangabé, Histoire littéraire, op. cit., p. 118. M. I. Michaïlidis

(Λεσβιακαί σελίδες. Μέρος πρώτον. Βίος και έργα Δημητρίου Ν. Βερναρδάκη, Mytilène 1909, p. 12) atteste que le poème a été publié immédiatement. Cette publication nous est inconnue.

4. Jugement de 1855, pp. 52-54. 5. Ορέων Άνθη υπό Σ. Κ., Athènes 1855 (voir GM 10758).

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G. Enfin, la troisième catégorie comprend les 6 meilleurs poèmes du concours:

9) Aι Αναμνήσεις : titre qui couvre deux poèmes. Le premier, H τελευταία νυξ, se référant au siège de Missolonghi, est «bon, souvent pathétique ou sublime, et il inspire partout des sentiments nobles»; sa langue est excellente, sa versification harmonieuse. Toutefois, il n'est exempt ni de fautes de grammaire ni de quelques passages obscurs et énigmatiques, dûs à l'usage abusif des métaphores. Le second poème, Δάκρυα, est une élégie en hexamètres se référant au choléra d'Athènes. Mais elle non plus ne manque pas de fautes de grammaire; certains vers n'ont pas de césures1.

Il s'agissait de la dernière participation de Zalocostas. Malgré son retour à la langue savante, il essuyait un échec cuisant, en se re-trouvant, pour la première fois, à la sixième place. Sa réponse ne se fit pas attendre. Quelques jours plus tard, publiant Δάκρυα, il s'em-pressa de déclarer que ses deux poèmes «furent vaincus sans coup férir... J'ai appris que mes hexamètres, n'ayant pas les césures classi-ques et inévitables, déplurent aux maîtres de la poésie. C'est la première fois que j'entends que la poésie doit charmer la vue et non l'ouïe. J' espère apprendre plus tard d'autres choses encore que j'ignore»2. Mais l'ironie hautaine se transforma vite en colère. Dans un long article intitulé «Une leçon à mes maîtres», Zalocostas accusa ouvertement ses juges d'avoir joué un rôle de Procuste en mutilant ses vers et ses idées. Il se battait toujours sur le terrain des universitaires: cette «leçon» n'était, au fond, qu'une leçon de grammaire; elle enseignait l'usage et l'orthographe de tel ou tel mot, elle cherchait à montrer que les textes des professeurs n'étaient pas grammaticalement irréprochables. Absente du débat, la poésie ne trouvait de place que dans une défini-tion creuse: «Lumière et vérité, cœur et esprit, bravoure et fierté, affection et amour, patrie et devoir, voilà la poésie»3.

10) Ο Πλάνης : roman en vers. Le premier de 5 chants fut en-voyé au concours en entier, les autres incomplets. Poème «remarquable», il est loué pour l'invention, l'intrigue, l'économie et la variété lyrique. L'auteur a décidément l'esprit riche en lectures littéraires, l'imagina-tion vive et le sentiment chaleureux. Mais il fait des fautes de grammaire, se sert de mots pindariques et homériques, et mélange les formes an-

1. Jugement de 1855, pp. 54-55. 2. Ευτέρπη, No 61, 15 avril 1855, p. 309. 3. Ευτέρπη, No 65, 15 juin 1855, p. 392.

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anciennes et modernes. Sa versification, pleine d'enjambements abusifs, est souvent mauvaise, tandis que son langage ne manque pas de répéti-tions, de pléonasmes et de solécismes. Le suicide du héros est blâmable: pourquoi ne pas mourir en luttant pour sa patrie? «En fin de compte, dans une nation qui vient d'acquérir une existence politique et qui a besoin d'une éducation morale, les produits artistiques ne sont-ils pas dangereux, lorque l'art ne tend qu'au plaisir?1.

Certainement Ioannou n'ignorait pas qu'il avait affaire à l'auteur de Γραομυομαχία et de Περίδρομος. Le jeune Vernardakis passait très facilement de la légèreté comique au byronisme du roman en vers, sans toutefois perdre les traits distinctifs de son style, surtout sa désin-volture à l'égard de la morale. Mais Ο Πλάνης allait rester inédit, connu pendant longtemps par son extrait reproduit dans le Jugement de 18552. Son auteur n'a pu l'achever; il s'adonnerait bientôt, comme nous le verrons, à d'autres explorations romantiques.

11) Ο Λάμπρος : poème épique en vers de quinze syllabes rimés; il se réfère aux exploits d'un personnage réel, Lambros Catsonis, et, de ce fait, se présente comme «sans intrigue et sans aventures». La langue est savante, florissante et souvent majestueuse, la versification harmonieuse et précise. Mais le poète «déforme parfois les phénomènes de la nature», recourt à des camparaisons malheureuses et n'évite pas les fautes de grammaire et d'orthographe, ainsi que quelques galli-cismes3.

L'auteur, D.I. Lacon, publia la même année son poème, accompa-gné de «deux mots à ses juges»; il y répond à leur verdict paragraphe par paragraphe. Nous avons affaire à un exemple typique de ce genre de réactions: le poète se justifie, accuse les universitaires de «méchanceté» et de «partialité», et, à son tour, il cherche à trouver leurs fautes gram-maticales. Pour ce qui est de la grammaire, la susceptibilité de Lacon est caractéristique: «Que vous me refusiez la qualité de poète, cela m'est

1. Jugement de 18S5, p. 58. 2. Ibid., p. 55-56. Le même extrait est reproduit dans Rapt. Pam., pp. 600-2,

Mat. Parn., pp. 622-625, et, traduit en français, dans A. R. Rangabé, op. cit., p. 119-121. Un autre extrait du poème parut dans Εστία 1 (1876) 95; cf. D. Cokkinakis, Πανελλήνιος Ανθολογία, Athènes 1899, pp. 258-259. En 1890, Vernardakis recopie les strophes 37-49 du premier chant, qui paraîtront dans Emile Legrand, Fac-similés d'écritures grecques du dix-neuvième-siècle, Paris [1901], pp. 80-82. Notons encore que C. Skokos, affirmant une publication du poème en 1854 (Ημερολάγιον 7, 1892, 162), corrigera plus tard sa faute silencieusement (Ημερολόγιον 23, 1908, 18).

3. Jugement de 1855, pp. 58-59.

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égal; mais que vous mettiez en doute ma connaissance de la grammaire, je proteste...»1.

12) Συλλογή ποιηματίων : poèmes originaux et traduits, pour la plupart didactiques, mais aussi politiques, idylles et poèmes d'amour, souvent sans rime et en mètres anciens (hexamètres, iambes, vers saphiques et strophes alcaïques). La langue est remarquable par sa précision grammaticale, souvent par sa grâce et quelquefois par sa richesse. L'auteur fait montre de force poétique et de patriotisme. Ioannou cite en entier deux poèmes, Προς την φοιβάζουσαν νεολαίαν et Φιλελεύθεροι1.

Il s'agissait d'une œuvre de Coumanoudis. Faut-il attribuer la démarche didactique de l'auteur exclusivement à une orientation de plus en plus accentuée vers le classicisme? Sans doute le poète qui, dans Στράτις Καλοπίχειρος (1851), avouait encore ses dettes à Byron, à Shakespeare et aux récits populaires, s'était-il, entre-temps, débarassé de tout bagage romantique. Il allait déjà plus loin: son didactisme était aussi une manifestation critique, une prise de position (en vers) contre la poésie de son temps:

Φευ, ποιηταί! μικροπώλαι εγίναμεν και παντοπώλαι" όταν κινώμεν χορδάς, ψάλλομεν πάντ' αναμίξ" κρώζοντες πλήθος αμούσων κρωγμών κ' εκκωφαίνοντες ώτα, όσα τις Μοίρα κακή φέρη απέναντι ημών.

Ou bien:

Νέοι, ακούσατε" λέξεις κεναί πυκνωθείσαι ασώτως, πάσαν ιδέαν αδράν πνίγουν κ' ενότητα αυτής'

Deux ans plus tard, Coumanoudis, en tant que rapporteur du jury, allait prononcer contre le romantisme une condamnation irrévo-cable.

13) Μ η ζ ώην μετ' αμουσίας : titre-souhait qui couvre deux poèmes. Le premier, Προς τον ποιητήν Λαμαρτίνον, en 274 vers de quinze

syllabes rimés, est une réponse indignée à Lamartine pour son attitude pro-turque — «regrettable», selon la rapporteur — dans l'«Histoire de la Turquie». L'auteur s'avère «souvent éloquent, souvent pathétique,

1. D. I. Lacon, Ο Λάμπρος Κατσόνης, Athènes 1855, p. ι'. 2. Jugement de 1855, p. 59. Ces deux poèmes sont reproduits dans Mat. Parn.,

pp. 755-757.

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souvent sublime». Le second, Ποιητικής τέχνης αποσπάσματα, un poème didactique en 240 vers, est plus «relâché», sans pour autant être blâma-ble; le poète, n'ayant pas suivi l'enseignement dΗorace, se borne à énoncer des vérités générales sans les prouver par des exemples con-crets. Sa langue est partout précise et sa versification parfaite 1.

C'était la première participation de Jean Carassoutsas (1824-1873). Le premier de ses deux poèmes fut publié la même année sans mention du concours2. Quant au second, il se trouve probablement dans H Βάρβιτος sous un autre titre8.

14) Θα καή ή θα καύση : titre commun de deux poèmes. Le premier est extrait d'une peinture satirique de mœurs athéniennes, en langue régulière et en versification parfaite. Le second, Άννα και Φλώρος ή Ό Πύργος της Πέτρας, est un roman en 978 hexamètres, sans rime. L'invention est intéressante, le dénouement et les caractères naturels; «la morale triomphe et le sentiment du lecteur finit par être satisfait». Parmi les nombreuses qualités du poème: les images majesteuses, les métaphores et les comparaisons heureuses. Quelques fautes de gram-maire (et encore plus d'orthographe) passent presque inaperçues. Supérieure à toutes les précédentes, cette œuvre ne dispose pas pour autant de la précision grammaticale de Συλλογή ποιηματίων et de Προς

τον ποιητήν Λαμαρτίνον. Dans ces conditions, le choix parmi les trois derniers poèmes (No 12, 13 et 14) ne fut pas pour le jury chose facile. Après quelques hésitations, le prix a été décerné à Άννα και Φλώρος; le poème de Carassoutsas Προς τον ποιητήν Λαμαρτίνον obtint un accessit4.

Ainsi, couronné pour la deuxième fois, Orphanidis remportait, en 1855, contre Zalocostas une victoire sans équivoque. Il ne tarda pas à

1. Jugement de 1865, pp. 59-60. 2. Jean Carassoutsas, Απόκρισις προς τον ποιητήν Λαμαρτίνον συγγραφέα τουρκι-

κής ιστορίας, Athènes 1856 [= Η Βάρβιτος, Athènes 1860, pp. 34-46], Traduction en prose française: Epitre à M. de Lamartine au sujet de son Histoire de la Turquie avec une notice sur l'état actuel de la Grèce et de l'empire ottoman, par Jean Carassouza [sic], d'Athènes, Paris 1858. Une brochure analogue, en grec et en français, fut publiée par E. Jeanides, Réponse au poète mishellène de la France A. de Lamartine, Athènes 1858. — Sur la première participation de Carassoutsas aux concours et sur son poème à Lamartine, voir A. Vlachos, Περί Ιωάννου Καρασούτσα και των ποιήσεων αυτού, Athè-nes 1874, pp. 25-28 [—Ανάλεκτα II, pp. 71-73].

3. Il s'agit, croyons-nous, du poème Επιστολή προς Λέανδρον. Περί ελληνικής ποιήσεως και γλώσσης (1853) [ = Η Βάρβιτος, pp. 122-130].

4. Jugement de 1855, pp. 60-64.

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publier son poème vainqueur, accompagné d'une préface intéressante: il y est surtout question de lΗexamètre «immortel» qui, longtemps oublié, fut mis en valeur par Rangabé et Tantalidis. Quant à sa satire, le poète révélait son titre (Η πόλις των Αθηνών) et promettait de l' achever et de la publier «prochainement»1. Ioannou, dans son rapport,

sans mentionner le titre de la satire, en avait cité de larges extraits comme «importantes leçons d'art poétique»; le poète y bafouait la poésie romantique et se montrait par trop loyal vis-à-vis de ses juges:

Οποίας όμως φύσεως ην η απόφασίς σας, το κατ' εμέ είν' ιερά. Αν ήμαι ο νικήσας

ευγνωμονώ και χαίρομαι- αλλ' (άπαγε) αν πάλιν ήμαι των νικηθέντων εις, μ' απάθειαν μεγάλην

ως ο αρχαίος και χρηστός πολίτης θα φωνήσω, ότι τους κρείττονας τιμώ, όταν τους απαντήσω,

και χαίρω, ότι η πτωχή των ποιητών χορεία έχει και καλυτέρους μου- ταύτα εν συντομία2.

Lauréat de 1855, Orphanidis avait toutes raisons d'être provisoire-ment non seulement loyal, mais aussi reconnaissant envers les univer-sitaires. Son éloge de lΗexamètre n'était-il pas en même temps un hommage rendu à Rangabé? Par contre, sa rancune contre Zalocostas, toujours vicace, pouvait, enfin s'exprimer librement. Aigri pas sa défaite, le poète de Αναμνήσεις avait déjà attaqué les universitaires dans son article «Une leçon à mes maîtres» (juin 1855), sans pour autant mettre en cause le vainqueur du concours. Orphanidis eut tout de même un prétexte. Sept mois plus tard, dans une longue lettre envoyée à Πανδώρα il prit la défense du jury, contesta la valeur littéraire de Zalocostas, attribua la colère de celui-ci à sa défaite. Pourquoi cette réponse si tardive? Une phrase d'Orphanidis adressée à son adversaire nous en donne l'explication: «Je t'invite à une concurrence loyale, et je te pro-

1. Th. Orphanidis, Άννα και Φλώρος ή Ο Πύργος της Πέτρας, Athènes 1855, p. 6; cf. Πανδώρα 6 (1855-56) 551. En réalité, cette satire ne devait être publiée, en partie, que 13 ans plus tard, dans M.P. Vrétos, Εθνικόν Ημερολόγιον 1868, pp. 337-349. L'éditeur, tout en promettant d'en publier d'autres passages (p. 349), précise que le poème resta inédit «en raison, peut-être, d'occupations scientifiques du poète plus importantes» (p. 338).

2. Cf. la fin de Κόριννα και Πίνδαρος de G. Tertsétis: Μη λυπηθης εάν ιδής άλλους να στεφανώνουν

αλλά ειπέ χαρούμενη εις φίλους και εις ξένους, «έχει η Ελλάς και άλλους γιούς πολύ καλύτερούς του»,

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promets que je n'arriverai jamais jusqu'à la bassesse de propager des rumeurs malhonnêtes sur l'authenticité de tes œuvres, et que je n' in-sulterai ni toi ni les juges qui t'ont couronné, même si je me croyais défavorisé par eux»1. Zalocostas était donc jugé coupable de se livrer à une concurrence déloyale, en calomniant son adversaire par voie orale. Mis au courant de ces commérages, Orphanidis répondit par écrit. Dans une petite capitale comme Athènes, lΗistoire littéraire pas-sait très souvent par les ruelles du quartier.

Ce qui importe, c'est que, en 1855, au moment où Zalocostas disparaissait définitivement de la scène des concours, Orphanidis con-solidait sa place dans la faveur universitaire et non sans raison. Π incarnait un nouvel équilibre: son romantisme modéré, vêtu dΗexa-mètres, s'éloignait aussi bien d'un classicisme rigide (Coumanoudis) que d'un byronisme immoral et archaïsant (Vernardakis). On dirait que, à travers une série de tendances, l'esprit universitaire recherchait, en poésie et en langue, la voie moyenne d'un compromis. Mais les con-tradictions étaient plus profondes que l'on ne l'imaginait. Elles resurgis-saient parfois avec une force nouvelle ou, présentées sous d'autres aspects, rendaient souvent la confusion inextricable.

1. Πανδώρα 6 (1855-56) 551. La lettre d'Orphanidis parut également en bro-chure, sous le titre emphatique Πρώτοι, ακροβολισμοί του μεγάλου Ζαλοκωστείου πολέ-μου, ήτοι Ποιητική αλληλογραφία, Athènes 1856. Sur cette affaire, voir aussi: Πανδώ-ρα 6 (1855-56) 586.

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CHAPITRE II

LE DÉBAT S'ÉLARGIT (1856-1860)

τον Βύρωνα αναπολείς και κλαίεις; θα τη είπουν, δεν θέλομεν ρομαντισμούς ημείς· αυτά μας λείπουν !

J. Cambouroglou (1872)

Le problème de la langue, nous l'avons vu, domina la première période des concours de façon décisive. Il ne devait pas, bien sûr, dis-paraître automatiquement pas la suite; mais ses rebondissements, dûs notamment aux défis de Tertsétis, furent loin de prendre le carac-tère d'une résistance collective. Pendant les cinq premières années, les jurys avaient réussi à imposer leur loi. Ils pouvaient enfin durcir leurs positions pour empêcher toute récidive vulgariste: en effet, le rapporteur Castorchis annonçait, en 1856, que les poèmes écrits en langue démotique seraient exclus désormais, sans commentaires. Quand, en 1858, Tertsétis souleva à nouveau le problème, il dut vite com-prendre, par la violente réponse de Paparrigopoulos, que les universi-taires n'étaient nullement disposés à revenir sur leur décision. A coup sûr, les vulgaristes n'avaient pas de place dans l'institution de Rallis. Il fallut attendre Voutsinas pour que l'interdit frappant la langue populaire fût officiellement levé (1862). Mais on n'en était pas encore là.

Entre-temps, par la force des choses, le débat devait prendre plus d'ampleur. En fin de compte, la question de la langue, malgré son importance, n'en restait pas moins subordonnée à des objectifs d'ordre idéologique: le «retour aux formes anciennes» était, certes, d'une priorité presque absolue, mais il ne pouvait devenir une fin en soi, l'essentiel étant toujours d'établir entre le présent et le passé des liens à tous les niveaux et dans tous les domaines. Or, la bataille linguistique, si importante fût-elle, ne constituait, en réalité, qu'une étape. C'était là que reposait l'édifice idéologique de la Grande Idée. Cette unité, conçue différemment mais acceptée par tous, imprimait son élan à

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toutes les manifestations politiques et culturelles. Romantiques et classiques grecs n'avaient, au fond, à se définir que par rapport à elle: l'unité des premiers, ininterrompue, comprenait trois étapes (Antiquité, Byzance, Grèce moderne), celle des seconds, binaire, continuait à en-jamber Byzance comme un obstacle. Deux tendances, de plus en plus cristallisées dans le cadre des concours, devaient apparaître claire-ment, à partir de 1856, et s'affronter, un peu plus tard, avec énergie.

L'élargissement du débat, en ce sens, fut certain. Bien sûr, les concours ne pouvaient dépasser leurs propres limites: le discours criti-que y avait comme objet principal la poésie, les juges universitaires, chargés surtout de la distribution de prix, s'acquittaient souvent de leur devoir sans enthousiasme, et l'esprit didactique l'emportait sur une libre confrontation d'idées. Pourtant, l'institution de Rallis, fut loin de constituer, dans la vie intellectuelle grecque, un domaine à part, marginal et routinier. Ouverte à tous, elle donnait à toutes les tendances une possibilité d'expression. Il était donc normal, dans la mesure où la poésie véhiculait plusieurs messages, que ceux-ci apparus-sent, d'une façon ou d'une autre, dans le contexte des concours, ne fût-ce que pour être critiqués, désapprouvés ou condamnés.

Parfois, les problèmes s'entrecroisent, se chevauchent, et les allu-sions ne sont pas moins éloquentes que les reproches ouverts; parfois, une vieille discussion, qui se prolonge, est imperceptiblement trans-formée par de nouveaux éléments. Ainsi, en 1856, l'attaque de Castor-chis contre Tertsétis a toujours la langue comme objet principal, mais le différend des deux hommes porte aussi sur l'unité. A partir d'un certain moment, le centre de gravité se déplace, et la question de la langue, malgré la place importante qu'elle continue d'occuper, perd une partie de son autonomie, sinon de son intérêt. On aperçoit déjà l'impasse créée par les interminables querelles grammaticales. Orpha-nidis (Τίρι-Λίρι, 1857-1858) ne manque pas de fustiger les pédants sté-riles qui tuent les idées par les mots:

Προσκρούσται τόσων ποιητών και τόσων λογογράφων, oι με τας λέξεις σπάπτοντες των ιδεών τον τάφον!

A la même époque (1857), Vernardakis conçoit le grec comme un tout, et refuse la division en langue ancienne, médiévale et moderne: aussi étrange que cette idée puisse paraître, elle montre à merveille à quel point le nouveau concept de l'unité occupe le devant de la scène et

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s'insère même dans le domaine linguistique. Le besoin d'une ouverture est sensible.

Unité diachronique à deux ou à trois étapes: tout le conflit théo-rique entre le classicisme et le romantisme, dans sa version grecque, pourrait être, en grande partie, résumé par cette formule. Faut-il rap-peler l'origine étrangère non seulement de ce conflit mais aussi des deux grands courants en question? C'est presque une évidence. Un phéno-mène culturel, cependant, importe plus par ses manifestations particu-lières de pays en pays que par son lieu de naissance. Or, si romanti-ques etclassiques s'affrontent en Grèce, comme ailleurs, l'essentiel sera tou jours de savoir non seulement en quoi consiste la particularité de cet affrontement, mais aussi sous quels aspects spécifiques se manifestent ces deux écoles adverses, chaque fois soumises au conditionnement local. Nous touchons certes là un des problèmes les plus essentiels et les plus complexes du XI Xe siècle, problème que nous ne saurions pour-tant aborder ici. Bornons-nous à quelques remarques nécessaires.

Concept romantique par excellence, l'unité est destinée à devenir en Grèce la clef de voûte de tout le système idéologique dominant, tel qu'il se concrétise surtout à partir du milieu du XIXe siècle. Ce système est primordial, prioritaire; il mobilise les énergies nationales, rapproche tous les Grecs, sert les objectifs de l'État et des classes diri-geantes. Sa suprématie ne fait pas de doute; c'est lui qui anime, ins-pire et contrôle en dernière analyse, toute la vie intellectuelle du pays. Dans ces conditions, comment le conflit entre le romantisme et le clas-sicisme s'exprime-t-il? En réalité, tous les courants, littéraires ou au-tres (y compris la question de la langue), dominés par cette forte poussée idéologique, n'ont qu'une marge d'action limitée. Chose caractéristique: l'unité, fondement de la doctrine officielle, constitue en même temps la base sur laquelle s'affronteront romantiques et classiques grecs. Elle peut être conçue en deux ou en trois étapes, elle ne peut pas être refusée. C'est ainsi que la ligne de démarcation entre les deux écoles paraît souvent imprécise et, dans la mesure où des éléments communs se mélangent ou se déplacent d'un camp vers l'autre, un romantisme classique devient aussi réel qu'un classicisme romantique. Il s'agit, évidemment, d'un manque de contours qui n'a rien à voir avec la dé-marche consciente de Solomos pour «un genre mixte, mais légitime».

L'explication de ce phénomène doit être cherchée, en premier lieu, dans les contradictions internes d'un système de pensée qui, d'essence romantique, n'est pas moins fondé sur un certain nombre de valeurs incompatibles (hellénisme et christianisme, ouverture vers

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l'Europe et culte de l'Antiquité, etc.). Attisée par les circonstances, lΗypersensibilité nationale impose aussi bien une marche en avant qu'un retour en arrière. Romantiques et classiques, tout en s'affron-tant, ne vivent, au fond, que la même contradiction: obligés de puiser leurs idées dans l'Europe moderne, ils s'acharnent à démontrer leur fidé-lité à la Grèce ancienne; plus ils empruntent à l'étranger, plus ils étalent leur propre patrimoine. Lorsque, en 1857, Coumanoudis accuse le romantisme d'être «une école étrangère, non hellénique», reprenant ainsi un argument déjà avancé par des classiques d'autres pays, il entend sûrement le mot «hellénique» aussi bien comme «national» que comme «grec ancien». Mais les romantiques ne sont pas moins dis-posés à sacrifier, eux aussi, au culte de l'Antiquité grecque, ce qui ne les empêche pas, à leur tour, de mener leur combat avec un armement fabriqué à l'étranger.

Servant le même système idéologique tout en illustrant ses con-tradictions internes, les deux écoles ne sont néanmoins pas destinées à n'alimenter qu'un débat théorique entre universitaires. Dans la me-sure où la doctrine officielle se développe et exerce de plus en plus son emprise, le romantisme littéraire, très répandu, devient la principale expression d'une- exaltation patriotique sans bornes. La littérature de toute une époque en témoigne. La Révolution Grecque, au centre de cette production, est l'événement majeur qui ne finit pas de fournir, des décennies durant, une source d'inspiration inépuisable. Mais il y a aussi l'autre face de la médaille: le même mouvement qui abrite l'en-thousiasme collectif n'exprime pas moins des frustations individuelles de tous genres. Schématiquement: Hugo, Barthélémy ou Béranger, d'un côté; Byron, A. de Musset ou Lamartine, de l'autre.

Ces deux tendances romantiques, présentes dès le début dans le cadre des concours, vont s'accentuer et s'affronter. La première n'a, évidemment, rien de répréhensible du point de vue de l'ordre établi; elle véhicule l'optimisme patriotique, exalte les luttes nationales, sert à merveille la doctrine officielle. C'est la seconde qui posera des pro-blèmes de plus en plus sérieux. Le byronisme, forme de révolte indi-viduelle passionnée, devient avec le temps une force centrifuge non négligeable; il met en valeur le goût du morbide, sape le moral, incarne tout un ensemble de mécontentements. Les universitaires, classiques ou romantiques, n'ont pas de mal à repérer le danger. Lorsque, en 1857, Coumanoudis et Assopios condamnent «les amours entre frères et sœurs» qui abondent dans les produits de l'école «étrangère», ils sont sûrement conscients du fait que l'immoralisme byronien, loin de

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toucher seulement quelques cas particuliers (Vernardakis), peut tra-duire un malaise généralisé aussi démobilisateur que subversif. En effet, dans la mesure où l'opposition de la jeunesse estudiantine au régime du roi Othon prend de l'ampleur, vers la fin de la sixième dé-cennie du siècle, la montée du byronisme n'est pas sans rapport avec un esprit de contestation plus ou moins politisé. D'autres «modèles» viennent aussi s'ajouter: Béranger, très honoré après sa mort, suscite l'intérêt moins par son philhellénisme que par le caractère oppositionnel de ses actions. C'est à lui précisément que se réfère Paparrigopoulos, en 1859, pour condamner toute attaque contre l'ordre établi et défendre une poésie «complètement étrangère à la politique».

En tout état de cause, ce qui est certain, c'est que les dernières années du concours de Rallis sont marquées par une problématique qui, dans le cadre d'un débat littéraire, et apparemment monotone, ne cesse de se développer ou de s'enrichir. Au moment où, à la fin de la Guerre de Crimée, le Royaume de Grèce affronte des changements d'ordre économique, politique et social, sa vie intellectuelle, dominée par les querelles linguistiques, tend en quelque sorte à élargir ses hori-zons. Il s'agit certes d'une ouverture plutôt que d'un bond en avant. Mais cette ouverture n'en est pas moins significative. Elle coïncide avec le développement d'une idéologie unitaire qui, érigée en doctrine, étend de plus en plus sa domination, pénètre dans tous les domaines, anime et élargit tous les débats, sans toutefois éviter, au moment de sa plus forte poussée, l'exacerbation ou l'éclatement de ses contra-dictions.

1. 1856: L'unité impossible

En 1856, pour la première et la dernière fois, les membres du jury furent sept: J. Olymbios (président), E. Castorchis (rapporteur), A. R. Rangabé, Ph. Ioannou, A. S. Roussopoulos, St. Coumanoudis et C. Paparrigopoulos. Les poèmes envoyés (2 tragédies, les autres épi-ques et lyriques) suivirent, en général, l'exemple de l'année précédente, non seulement pour le nombre (14), mais aussi pour l'abondance des hexamètres. Deux oeuvres étaient écrites en langue populaire. La céré-monie eut lieu, selon l'usage, le 25 mars1.

1. Voir les comptes rendus dans les journaux Αθηνά et Φιλόπατρις, 29 mars 1856, Ημέρα (de Trieste), 13/25 avril 1856.

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A première vue, tout se passa comme à l'ordinaire. Le nouveau rapporteur E. Castorchis (1815-1889), assurant la continuité de l'esprit universitaire, n'avait pas à innover. Dans son rapport, nous retrouvons tous les lieux communs des Jugements précédents: éloge de Rallis, rapprochement des concours avec ceux de l'antiquité, constat de leur succès, références habituelles aux auteurs classiques, etc. L'introduc-tion de lΗexamètre et d'autres vers anciens dans la poésie grecque moderne n'est, pour Castorchis, qu'un signe de progrès certain. Mais un durcissement de ton se manifeste pourtant sur deux points: a) mal-gré la clause explicite du règlement de Rallis, les extraits de poèmes, rendant le jugement impossible, ne peuvent plus être admis au concours, et b) le jury s'étonne que l'envoi d'œuvres écrites en langue popu-laire se poursuive; il est donc «absurde que les juges soient obligés de lire des poèmes dont le couronnement est formellement interdit par le fondateur. C'est pourquoi désormais nous ne tiendrons aucun compte des poèmes écrits en langue vulgaire»1. Deux poèmes «vulgai-res» sur quatorze ne constituaient peut-être pas une rechute inquié-tante; mais l'un d'eux, sorti de la plume de Tertsétis, n'était pas à négliger; il fallait donc éliminer, par un nouvel avertissement tout dan-ger menaçant un équilibre difficilement atteint.

Voici les 14 œuvres du concours, selon l'ordre et les appréciations du rapporteur:

1) Un poème ayant obtenu un accessit au concours de 1855 et envoyé de nouveau avec 200 vers de plus. Dans une lettre aux univer-sitaires, l'auteur demande un réexamen de son œuvre, si toutefois un second jugement est possible. Mais le jury n'a pas pris connais-sance de cette lettre à temps, et le poème n'a pa été jugé2.

Il s'agissait, évidemment, du poème de J. Carassoutsas Προς τον ποιητήν Λαμαρτίνον, seul accessit du concours de 18553.

1. Jugement de 1856, Πανδώρα 7 (1856-1857) 26-27. Cf. les vers de G. Tertsétis (Ο θρίαμβος του ποιητικού διαγωνισμού, 1858):

Δεν πιστεύω τα όσα εφοβερίσανε να πράξουν.

Πιστεύω ο εισηγητής μόνος του τάπε: Στην γλωσσαν του λαού στίχοι γραμμένοι ούτε καν από ημάς αναγνωστέοι.

2. Ibid., p. 26. A partir de 1856, cependant, les poèmes ayant obtenu un accessit ent être envoyés pour la deuxième fois au concours. 3. Ce poème devait ainsi avoir 474 vers (274+200). Mais sa version finale, pu-

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2) Ο Καραλής : tragédie; une «complainte écœurante, misérable et entièrement insignifiante».

3) Ιεφθάε : tragédie occupant, avec la précédente, la dernière place du concours. Imitation de Shakespeare — la première en Grèce — elle se solde par un échec total (fautes de grammaire et de versification, invention banale, intrigue et description de passions invraisemblables, imagination froide, caractères indistincts). Le seul rapport avec Sha-kespeare: la multitude des personnages et des morts1.

Oeuvre du céphalonien Spyridion Mélissinos (1933-1887), publiée la même année avec une longue réponse au jury. Etudiant en droit, l'auteur commence par exprimer aux professeurs son respect et sa reconnaissance, ce qui ne l'empêche point de fustiger, à la fin, la «légè-reté impardonnable» avec laquelle le jury exerce ses fonctions. Les moindres allusions du rapporteur trouvent une réplique. Mélissinos refuse l'influence de Shakespeare: lorsqu'il commença sa tragédie, encore lycéen, il ne connaissait le dramaturge anglais que de nom. Quant à la versification, il se déclare fidèle au vers de onze syllabes, à la poésie italienne et, surtout, à celle de Dante; sa réponse traite d'ailleurs en grande partie des questions métriques. Le jury est, de plus, accusé d'avoir passé sous silence quatre Λυρικά ' qui accompa-gnaient la tragédie2.

4) Οι Γάμοι του Μεγ. Αλεξάνδρου : poème en langue populaire écrit «avec un rare bon goût et avec beaucoup de grâce»; le rapporteur en cite, à l'appui, de longs extraits. Mais la composition est défectueuse: l'auteur, au lieu de terminer son œuvre sur les noces d'Alexandre le Grand, lie son héros au christianisme, le présente comme une sorte de prophète et finit par l'appeler «saint»! En plus, son poème n'ayant pas les 500 vers nécessaires, il y ajoute une «Prière» (200 vers) qui n'a

publiée dans Η Βάρβιτος, pp. 34-36 [=C. Th. Dimaras, Ποιηταί του ΙΘ' αιώνος, pp. 134-140] ne comporte que 279 vers.

1. Jugement de 1856, pp. 26-27. 2. Sp. Mélissinos, Ιεφθάε, τραγωδία έμμετρος μετά τινων Λυρικών ποιημάτων και

τίνων επί της τραγωδίας κριτικών παρατηρήσεων, Corfou 1856, pp. 144-168. Des quatre Λυρικά ne sont publiés (pp. 118-140) que deux (Αυγή et Σεληνίτις Νυξ), appartenant au recueil de poèmes Η Εξυπνηθείσα Μούσα. Il est à noter que Mélissinos avait déjà annoncé la publication de sa tragédie et de ses poèmes lyriques dans Ιερεύς των Φιλικών και Ιωάννα Γρέϋ, Corfou 1854, p. 255. Sur sa participation aux concours de 1856 et 1857, voir aussi: Ηθικός Κόσμος, Corfou 1879, pp. 175 et 185; cf. T α μνήματα, Corfou 1860, p. 6. Notices biographiques sur Mélissinos: El. Tsitsélis, Κεφαλληνιακά Σύμμικτα, t. I, Athènes 1904, pp. 859-860; MEE 16 (1931) 882; Ν. I. Lascaris, Ιστο-ρία του νεοελληνικού θεάτρου, t. II, Athènes 1939, p. 18.

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pas une composition meilleure. La langue manque de pureté; on trouve des mots étrangers, barbares et anciens1.

G. Tertsétis, auteur du poème, répondit à Castorchis quelques jours plus tard, dans un discours à la Bibliothèque du Parlement: on y trouve la défense de la langue populaire tout comme l'indigna-tion, parfois explosive, du poète contre les universitaires «écervelés», qui «se moquent de (sa) langue, de (ses) images, et qui, hantés par les superstitions, décidèrent cette année d'exiler pour toujours la langue commune de la Grèce... cachés derrière le nom et la volonté d'un bien-faiteur absent et innocent!»2. Mais le problème principal pour Tertsé-tis était ailleurs: il s'agissait, avant tout, de démontrer le christianisme d'Alexandre, en d'autres termes de prêcher une unité «helléno-chré-tienne». Homme des Lumières, le rapporteur Castorchis ne s'y était-il pas opposé en critiquant le poème pour sa composition défectueuse ? «Je suis sûr que je serais aujourdΗui couronné au concours si le recteur de l'Université était Contogonis, professeur de théologie»3. Or, sous les apparences d'une discussion d'ordre esthétique, le vrai débat, quoi-que très souvent allusif, se déroulait sur le plan idéologique. Le rappor-teur pouvait très bien (et tout en exprimant son profond respect en-vers la religion) trouver incompatible une «Prière» avec un poème sur les noces d'Alexandre. Mais, dans sa pensée, cette disjonction ne s' opérait-elle pas à un niveau qui dépassait le cadre du poème en ques-tion? N'était-ce pas un refus de l'unité «helléno-chrétienne»? Déci-dément, Tertsétis pesait bien ses mots quand il répondait: «Que le jury ne doute pas que les Noces d'Alexandre et la Prière sont une seule chose, un psaume de famille. Mais les oreilles du jury, bouchées, sem-ble-t-il (et je m'en excuse), par des accents aigus, graves et circon-flexes, n'ont pas entendu ce psaume»4. Le mot «psaume», lancé contre des universitaires suspects d'athéisme, est significatif. Dans son in-dignation, Tertsétis nΗésitait pas à recourir, en quelque sorte, au terrorisme intellectuel.

5) H Βοσκοπούλα : poème en langue populaire, inférieur au pré-cédent, mais non sans quelques qualités (images heureuses, langage simple, naturel et qui convient à lΗéroïne). Parmi les défauts, le rap-

1. Jugement de 1856, pp. 27-29. 2. [G. Tertsétis], Λόγος της 25 Μαρτίου 1855. Oι Γάμοι του Μεγάλου Αλεξάνδρου.

Κόριννα και Πίνδαρος, Athènes 1856, pp. 62-63. 3. Ibid., p. 39. 4. Ibid., p. 62.

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porteur énumère la prolixité, les tautologies, l'économie défectueuse, les personnages invraisemblables et la lecture difficile, due aux syné-rèses et à l'âpreté de la langue.

6) Νεότητος άνθη : poème sans valeur. L'auteur ayant demandé la sévérité du jury, Castorchis lui adresse des conseils en citant Platon et Horace.

Supérieurs en ce qui concerne la langue et la poésie sont les 5 poèmes qui suivent:

7) Νεανικά αθύρματα : recueil de poésies diverses, en mètres variés. La langue, quoique «suffisamment ornée», recèle des fautes de grammaire. En général: poésie monotone, prolixe et non exempte de répétitions. La rapporteur cite, comme réussi, le poème Εις το έαρ, ainsi qu'un extrait plein de «grâce anacréontique»1.

Il s'agissait de la première participation de Panayotis Matarangas (1834-1895)*.

8) Ιστορικαί ποιήσεις : quatre poèmes, dont le dernier, H αγα-θή μήτηρ, didactique. La langue et la versification sont bonnes. L'auteur, une dame, est félicité pour sa participation au concours.

9) Φλώρος : extraits (500 vers) d'un poème en 6.000 vers. L'au-teur, un adolescent de 17 ans, fait preuve de bon goût quant à la langue et la versification, ainsi que, parfois, de sentiments tendres et d'un tempérament passionné. Il doit, cependant, remanier son poème et en corriger les fautes.

10) Κράμα χολής και μέλιτος : épopée inachevée en hexamètres. Faute de temps, l'auteur ne put ajouter les trois derniers chants. Ca-storchis lui conseille d'achever son poème et de l'envoyer de nouveau.

11) Πατρίς και έρως : épopée en 1.099 hexamètres. L'auteur ne manque pas de bon goût et d'imagination. Mais son œuvre, «froide et relâchée», est pleine de longueurs, de discours creux et de pensées

1. Jugement de 1856, pp. 29-30. 2. Son poème Εις το gap, remanié, paraîtra dans la revue Χρυσαλλίς 2 (1864)

689 [—P. Matarangas, Φαντασία και καρδία, Athènes 1876, pp. 1-2]. Quant à l'extrait anacréontique, c'est le poème εις ρόδον (1854), publié également dans Φαντασία και καρδία, pp. 2-3.—Sur P. Matarangas, voir: Sp. De Biazi, «Παναγιώτης Ματαράγκας», Ποιητικός Ανθών 2 (1887) 589-592; L. Zois, «εις ποιητής», Κυψέλη 2 (1902) 17-25; El. Tsitsélis, op. cit., pp. 379-381, et L. Ch. Z[ois], «Ματαράγκας», MEE 16 (1931) 767. Nous signalons que les renseignements de S. De Biazi (suivi par les autres biographes) sur la participation de Matarangas au concours de 1856 sont, en grande partie, erronés. El. Tsitsélis (op. cit., p. 379) et L. Zois (MEE, op. cit., p. 767) écrivent Νεαρά αθύρματα, au lieu de Νεανικά αθύρματα.

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philosophiques abstraites. Autres défauts: connaissance médiocre de la langue, absence d'économie et d'intrigue, versification défectueuse.

Enfin, sont meilleurs et se disputent le prix les trois poèmes sui-vants:

12) Ο Ελλην της Ίδης : épopée en 640 hexamètres et deux chants. Le rapporteur loue son invention, son goût et son économie, mais il trouve le dénouement «invraisemblable et forcé». Défaut principal: les caractères ne sont pas strictement adaptés à leur époque. La lan-gue, généralement bonne et facile à lire, «est exempte de mots vulgai-res, anciens et rares, ainsi que de tournures recherchées». LΗexamètre est bien travaillé; quelques vers sont de mauvais goût et d'autres manquent de césures1.

Il s'agissait d'une oeuvre de Myron Nicolaïdis (1835-1898), publiée la même année avec une réponse «aux juges». Reproduisant le verdict de Castorchis, l'auteur exprime son désaccord et se justifie, sans toute-fois manquer de protester2.

13) Ο υιός του δημίου : épopée de 4 chants, en 500 vers rimés constituant 50 strophes. La langue est correcte et gracieuse — «le lecteur n'y trouve ni mots vulgaires ni mot inusités et archaïques» — la versification impeccable, les images et les métaphores naturelles; la prolixité est absente. Le principal défaut du poème réside dans son intrigue: le héros, un personnage «infâme et moralement condamnable», n'a pas de place dans la poésie «qui a pour but non seulement le plaisir mais aussi l'utilité morale»; aussi son suicide est-il inadmissible. Selon Castorchis, «l'œuvre du poète n'est pas de dire les choses telles qu'elles se passent dans la vie, mais de sorte que, selon l'enseignement d'Aristote, la société tire profit de la poésie». L'économie est également défectueuse, les parties du poèmes étant mal agencées3.

Il s'agissait d'une œuvre d'Alexandre Catacouzinos (1824-1892). Aucune mention du concours n'accompagne ses deux publications4.

1. Jugement de 1856, pp. 30-34. 2. N[icolaïdis] Myron, Ο Έλλην της Ίδης, εξάμετρον έπος εις άσματα δύω,

Athènes 1856, pp. ε'-ια'. 3. Jugement de 1856, pp. 34-36. 4. Πανδώρα 7 (1856-57) 433-438 et A. Catacouzinos, Η θυγάτηρ του Τειρεσίου -

Ο υιός του δημίου, Athènes 1879. —Sur Α. Catacouzinos, voir: Πανδώρα 3 (1852-53) 240, Skokos, Ημερολόγιον 25 (1910) 23 et MEE 14 (1930) 49-50. G. Tertsétis (Ο θρίαμβος του ποιητ. διαγωνισμού, 3e acte) cite ironiquement des vers «savants» em-pruntés à Ο υιός του δημίου:

Βαρύγδουπος ήχος χαλκίνων κωδώνων

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14) Εικασία : poème de 3 chants, en 2.000 trimètres iambiques rimés. Ses qualités sont nombreuses: intrigue heureuse, versification remarquable, invention riche, dénouement habile. Le rapporteur re-proche à l'auteur le suicide d'un brigand, les blasphèmes d'un idolâtre contre le christianisme, ainsi qu'un anachronisme voulu. Les deux premiers chants du poème, contrairement au troisième, sont de longs récits sans rien de dramatique. Mais le poète décrit bien ses caractères et manie la langue aves précision, encore qu'il n'évite pas l'usage des mots homériques et rarissimes à côté des mots vulgaires. «Nous avouons que les frontières entre la langue ancienne et la langue moderne ne sont pas tracées, et qu'il est bon, avec le grand trésor de la langue ancienne de couvrir la nudité de la moderne; mais les vêtements doivent convenir aux saisons et à la taille du corps». Malgré ses défauts, ce poème est jugé digne du prix — le jury choisissant l'œuvre qui était relativement la meilleure — pour la riche invention, l'adroit dénoue-ment, l'imagination fertile, la pureté et la précision de la langue. Deux accessits sont décernés aux poèmes No 12 et 131.

C'est ainsi que D. Vernardakis, couronné à 22 ans, après quatre participations aux concours, prenait en quelque sorte sa revanche. Le temps n'était pas encore éloigné où, débutant docile, il s'empressait de corriger ses vers selon les instructions du jury. Maintenant, il n'avait plus rien à changer: «Beaucoup de passages d' Εικασία furent jugés de mauvais goût. Nous avouons ne pas voir leur mauvais goût... Nous avons laissé les passages en question tels qu'ils étaient»2.

On ne saurait attribuer exclusivement une telle attitude à l'arro-gance de la victoire. Vernardakis, au fond, semblait étranger à un homme comme Castorchis; il ne pouvait lui devoir le respect qu'il devait, par exemple, à Rangabé ou à Paparrigopoulos. De son côté, le rapporteur de 1856, classique et rationaliste, n'avait pas dû éprouver une grande admiration pour ce poème d'inspiration byzantine dont, exprimant la volonté de la majorité du jury, il annonçait la victoire: il suffit de lire attentivement le rapport de Castorchis pour aperce-voir ses réticences à l'égard d' Εικασία et de son auteur.

Car, tout le problème est là: un texte comme celui du rapporteur

εις οίκον Θεού τους πιστούς προσκαλεί... Μετά του λαού και ο νέος Μαρτίνος, νεόρραπτον φέρων στολήν εορτής.

1. Jugement de 1856, pp. 36-40. 2. D. Ν. Vernardakis, Εικασία, Athènes 1856, p. 76.

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n'offre, le plus souvent, qu'une seule dimension des choses, un sens presque unique. C'est à nous de lire entre ses lignes pour découvrir les sens multiples, les allusions cachées, les mouvements dΗumeur dissimulés derrière une argumentation rationnelle. Parfois, le vrai débat ne se déroule qu'en marge: Castorchis et Tertsétis parlent des Noces d'Alexandre, mais leur principal différend porte en réalité sur le christianisme et sur le problème de l'unité. Par ailleurs, n'oublions pas que les luttes de tendances traduisent très souvent des antipathies personnelles, des conflits de coteries, de cliques et de castes. Si l'entrée dans les coulisses universitaires n'est pas toujours facile, la vie de ces coulisses ne doit pas être sous-estimée.

En deuxième lieu, nous devons toujours chercher l'essentiel et le principal derrière l'inessentiel et le secondaire. Deux poètes comme Tertsétis et Vernardakis n'avaient, apparemment, rien de commun, et ils pouvaient s'opposer sur tous les points: mais ce qui les unissait sur le plan idéologique — un romantisme «helléno-chrétien» concevant l'unité de lΗellénisme à trois étapes et sans discontinuité — n'était pas un détail insignifiant. Face à ce romantisme montant, dont Papar-rigopoulos s'apprêtait à devenir le grand théoricien, les derniers re-présentants des Lumières (Assopios, Coumanoudis, Castorchis), con-tempteurs de Byzance et partisans d'une unité discontinue, se retran-chaient derrière leur classicisme rationaliste. Le mot «romantisme» n'était pas encore prononcé par les rapporteurs dans le cadre des con-cours; les questions de la langue et de la grammaire continuaient à occuper le devant de la scène. Homogène aux yeux du public, le jury laissait difficilement apparaître ses luttes intestines. Mais, en 1856, tout en annonçant le couronnement de Vernardakis, Castorchis avait posé discrètement le problème d'une unité impossible et, en quelque sorte, avait préparé le chemin à sa «faction». Une bataille décisive allait s'engager l'année suivante.

2. 1857: Le romantisme au pilori

Le moment était propice: en 1857, Coumanoudis assumait le rôle du rapporteur, Assopios présidait le jury, Castorchis en faisait partie avec C. Paparrigopoulos. et A. Roussopoulos. Or, une majorité «classi-que» était assurée. Comme Coumanoudis en 1855, A. R. Rangabé avait quitté son poste pour se joindre aux concurrents. Toutes les conditions favorables étaient réunies pour passer à la contre-attaque. Les prétextes n'y manquaient pas: au moment où, pour la première

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fois depuis le commencement des concours, la langue populaire n'était représentée par aucun des poèmes envoyés, les exagérations romanti-ques semblaient plus exaspérantes que jamais. Il fallait riposter é-nergiquement.

Selon l'usage, la cérémonie eut lieu le 25 mars1. Plus nombreux que jamais, les 18 poèmes jugés, totalisant 24.000 vers environ, avaient de quoi irriter un jury dont l'énorme labeur n'était récompensé ni moralement ni matériellement. Coumanoudis cache à peine son énerve-ment. Il est caractéristique que, dans son rapport, le nom de Rallis, mentionné une fois en passant, n'est accompagné d'aucun éloge. La crise ouverte entre le jury et le fondateur n'était pas encore déclenchée, mais le malaise était déjà perceptible, même si le rapporteur, agacé surtout par la quantité et la mauvaise qualité des poèmes présentés, n'avait aucune raison de s'en prendre à Rallis.

Il fit pourtant l'éloge des concours, sans ménager leurs contemp-teurs, prétendument partisans d'œuvres plus positives2. Le succès de la nouvelle institution est, pour Coumanoudis, indéniable: non seule-ment depuis 1851 trois autres concours avaient été créés, mais c'est dans le cadre de l'institution de Rallis qu'avaient vu le jour les seules œuvres poétiques de valeur, tous les poèmes publiés en dehors des concours étant «des produits de vie douteuse». «Enfin, une critique publique de la poésie n'existant pas chez nous, comme dans les périodi-ques européens, quel est le mal si, une fois par an, à l'occasion du con-cours, on entend tenir dans cette salle des propos sur cette question?»3.

Cela dit, beaucoup de poèmes de l'année 1857 sont inadmissibles tant pour leur forme que pour leur contenu. Pour la forme tout d'abord: le jury éliminera désormais toutes les œuvres illisibles ou inachevées; il proposera, d'ailleurs, que le concours ait lieu tous les deux ans, de façon à ce que les concurrents puissent se préparer sans hâte. Pour le contenu ensuite: certains poèmes traitent des sujets «moralement condamnables», tels que les amours entre frères et sœurs. En outre, la présence de «beaucoup de folies» dans la production poétique de

1. Voir les journaux Αθηνά, 27 mars 1857 et Ημέρα, 5/17 avril 1857. 2. Jugement de 1857, Πανδώρα 8 (1857-1858) 26. Evidemment, c'est P. Arghyro-

poulos qui est visé (voir R.R. de 1853, p. 35). G. Tertsétis avait déjà répondu au rec-teur de 1853 et défendu le concours de Rallis en citant comme exemple le respect de Périclès envers Sophocle: Ομιλία εκφωνηθείσα εις την Βιβλιοθήκην της Βουλής τη 28 Μαρτίου υπό Γ. Τερτζέτου, [Athènes, 1854], p. 7. D. Vernardakis, à son tour, atta-quera P. Arghyropoulos nommément -.Μαρία Δοξαπατρή, Munich 1858, p. ς".

3. Jugement de 1857, p. 26.

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1857 est inquiétante. Le fait que, dans la littérature grecque ancienne, se trouvent quelques cas de folie particuliers n'explique et ne justifie aucunement cette surabondance de maladies mentales, qui constitue avant tout, une «imitation étrangère». «Que disparaissent donc défini-tivement les exagérations et les mensonges anormaux de l'école poétique moderne qui, nous le répétons, est étrangère, non hellénique!». Aussi l'«hellénique» va-t-il de pair avec le «naturel», voire avec le «réel»: Coumanoudis reproche aux poètes d'abuser des phénomènes de la nature, les utilisant à tort et à travers sans les connaître1.

Les problèmes de la versification ne préoccupent pas moins le rapporteur. Depuis trois ans, lΗexamètre, mis à la mode et préconisé par Rangabé, occupait dans les concours une place prépondérante. Il fallait mettre fin à cette domination. C'est ainsi que Coumanoudis, bien qu'il se félicite de l'augmentation des poèmes en mètres anciens, exprime ses réserves à l'égard du vers trochaïque de seize syllabes et, surtout, à l'égard de lΗexamètre, vers difficile et, en quelque sorte, étranger aux possibilités du grec moderne2; au contraire, selon le rap-porteur, le trimètre iambique et le vers de quinze syllabes conviennent parfaitement à la poésie épique; les chants populaires en témoignent. «Il serait bon, peut-être, que nous respections un peu le sens musical du peuple...». Quant à lui, Coumanoudis, il le respecte absolument: les chants populaires «doivent avoir l'autorité dΗomère»3. Est-ce, en même temps, une ouverture indirecte vers la langue populaire? LΗommage rendu à Solomos, à Rigas et à Tertsétis le laisse penser4. Nous avons

1. Ibid., p. 28. «L'attitude antiromantique des juges, tout aussi «étrangère» que la poésie romantique, sinon plus, a néanmoins certains effets salutaires: elle exige que la poésie plonge ses racines dans la réalité»: C. Th. Dimaras, Histoire, op. cit., p. 365.

2. Ibid. Th. Orphanidis (Χίος Δούλη και Τίρι-λίρι, Athènes 1858, p. 264), défenseur de lΗexamètre, ne manquera pas de relever l'inconséquense du rapporteur: «Il ya quelque temps, tu aimais les hexamètres et, si je ne me trompe, dans un con-cours désastreux pour toi, tu as servi un tel plat à la table des Muses». En effet, au concours de 1855, Coumanoudis avait présenté des poèmes en hexamètres.

3. Jugement de 1857, p. 30. C'est à ce passage que se réfère, plus tard C. Sathas («Η δημοτική ποίησις και το Κάστρον της Ωριάς», Εστία 9, 1880, 310), lorsqu'il exprime son plein accord avec «un critique» qui «a fait le rapprochement entre les chants populaires et Homère». En 1892, C. Palamas reprend la même idée: «Les, chants populaires sont, seront et doivent être, pour nos véritables poètes, ce que furent à peu près pour les poètes de la Grèce ancienne les épopées dΗomère»: Pal. A. t. II, p. 305.

4. Plus tard, faisant de nouveau l'éloge de Solomos, Coumanoudis prendra

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l'impression qu'Assopios, témoin silencieux, avait dû donner son entier consentement aux dires du rapporteur de 1857. Le refus du romantisme et le retour à la réalité ne passait-il pas obligatoirement par la langue vivante? Cette vérité, les hommes des Lumières, depuis Assopios jusqu'à Mistriotis, ne l'ont saisie qu'en partie. Et il est vrai que, comme nous le verrons souvent, ils ne refuseront pas les alliances «vulgaristes». Mais le moment n'était pas encore arrivé pour faire le pas en avant qu'allait faire une autre génération, celle de 1880, dans un contexte historique différent. En 1857, l'idéal classique mobilisait toutes les énergies universitaires et la lutte antiromantique passait avant tout.

Parmi les 18 poèmes jugés, 12 étaient épiques, 4 lyriques, un satiri-que et un dramatique. Le prix de l'année précédente n'avait pas man-qué de produire ses effets, comme si le couronnement d'une épopée était, de la part du jury, une incitation à l'envoi d'œuvres épiques. Deux autres poèmes furent exclus du concours: le premier était arrivé après échéance; le second, «oeuvre, semble-t-il, importante», était une traduction des 5 premiers chants de «Jérusalem délivrée» du Tasse; elle n'avait pas droit au concours, vu que «la participation de traduc-tions n'est pas prévue par les clauses du fondateur» 1.

Ces deux poèmes éliminés nous sont connus. Le premier, œuvre d'Emmanuel, est un poème sur les massacres de Chio en 1822, accom-pagné d'une lettre-dédicace à Tantalidis2. Quant à la traduction du Tasse, elle est due à la plume de A. R. Rangabé3.

Les 18 poèmes jugés, dans l'ordre du rapport de Coumanoudis, sont les suivants:

1) Κλεόβουλος και Αγγελική : poème épique en hexamètres, oc-cupant, avec les deux suivants, la dernière place du concours. L'auteur,

ouvertement position pour la langue populaire; voir N.I. Spandonis, «Ο Στέφανος Κουμανούδης περί του γλωσσικού ζητήματος», Νέα Ελλάς 1, Athènes 1894, pp. 237-245.

1. Jugement de 1857, p. 26. Coumanoudis lui-même avait présenté au concours de 1855 Συλλογή ποιηματίων qui contenait des traductions. Mais le rapporteur Ioannou n'avait pas fait appel au règlement de Rallis.

2. Emmanuel, Ο έμπορος ποιητής, ποίημα αποβληθέν εκ του ποιητικού συναγωνι-σμού του έτους 1857, Hermoupolis 1858.

3. La traduction du Tasse est publiée dans A.R. Rangabé, Διάφορα Διηγήματα και Ποιήματα, t. III, Athènes 1859; cf. le compte rendu inachevé de A*** [=Th.

Orphanidis] dans Πανδώρα 10 (1859-60) 579-582. En 1860, les attaques furieuses d'Orphanidis ( Ό Άγιος Μηνάς, Athènes 1860) contre Rangabé n'épargneront pas la traduction du Tasse, dont une longue défense est publiée dans le journal Η Ελπίς, 24 mai 1860. Beaucoup plus tard, J . Polylas (Η φιλολογική μας γλώσσα, Athènes 1892, pp. 25-36) se livrera à une sévère critique de cette traduction.

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qui semble avoir lu énormément de romans en vers français, échoue complètement. Ses interrogations oratoires fréquentes sont «répré-hensibles»1.

Il s'agissait de la première participation d'Ange Vlachos (1838-1920), à 19 ans. Le jeune auteur publiait la même année son premier recueil de poèmes qui contenait, entre autres, les vers envoyés au con-cours. Il n'y manquait pas, dans une violente réponse à Coumanoudis, de reprocher au rapporteur sa partialité pour Vernardakis! Au demeu-rant, l'indignation de Vlachos n'avait rien d'original: «Plus que le jugement du jury je respecte le jugement du public»2.

2) Αδελφότης και Ερως : poème épique insignifiant, plein de «scé-lératesses» et de fautes de grammaire.

3) Αβουλίας αποτελέσματα : poème épique, caractérisé par l'abon-dance des démons; il n'est exempt ni de notions erronées ni de fautes de grammaire.

Les trois poèmes suivants, quoique irréprochables du point de vue moral, constituent de froids essais qui emploient, inutilement, des mots homériques:

4) Ο Αριστόδημος ή ο εν Μεσσηνία πατριωτισμός : poème épique en 1.300 hexamètres. Abus d'adjectifs, fautes de grammaire.

5) Οι Γάμοι Πηλέως και Θέτιδος : poème épique en hexamètres. Abondance de fautes de grammaire.

6) H θυγάτηρ του Τειρεσίου : poème épique, relativement meilleur que les deux précédents et avec peu de fautes de grammaire3.

Il s'agissait d'une œuvre de A. Catacouzinos, publiée plus tard sans aucune mention des concours4.

7) Aι Αναμνήσεις της Πριγκήπου : poème lyrique simple, non dé-pourvu d'une certaine grâce idyllique vers la fin. L'auteur paraît très jeune et il est plein de nobles sentiments. «Mais dans ses vers non rimés de quinze syllabes nous n'aperçevons ni art ni faculté poétique»6.

Ce «très jeune» auteur (en effet, il avait 22 ans) n'était autre que D. Vikélas (1835-1908). Beaucoup plus tard, il racontera comment, de retour de Londres, il écrivit son poème et, poussé par son oncle

1. Jugement de 1857, p. 29. 2. A. Vlachos, Η Ηώς, Athènes 1857, p. γ'. 3. Jugement de 1857, p. 29. 4. A. Catacouzinos, Η θυγάτηρ του Τειρεσίου - Ο υιός του δημίου, Athènes

1879, pp. 3-32. 5. Jugement de 1857, p. 29,

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Léon Mêlas, il l'envoya au jury, pour recevoir de Coumanoudis «une leçon salutaire». Il déchira son manuscrit sans le publier. Il ne devait plus jamais participer aux concours1.

8) Ελλάς και Ορθοδοξία : hymne qui devrait occuper une place inférieure, si son titre n'était pas aussi respectable. L'auteur se soucie de la grammaire et ne manque peut-être pas d'imagination; mais il abuse des synérèses, échoue dans la composition et, surtout, «néglige, l'intelligence, comme si elle était quelque chose d'inutile en poésie»2.

Il s'agissait de la deuxième participation de S. Mélissinos. L'auteur remania son hymne et il en publia trois extraits3.

9) Μελωδήματα ή λυρικών ποιημάτων ανθοδέσμη : recueil de poèmes d'amour, pour la plupart, et poèmes philosophiques. L'auteur devrait attacher plus d'importance à la grammaire. L'imitation des sonnets italiens est à noter4.

Π s'agissait d'une œuvre de A. Vlachos, publiée dans le même recueil que son poème épique (No 1). Dans sa réponse à Coumanoudis, le jeune auteur se montre particulièrement sensible au reproche con-cernant la grammaire: «Que le rapporteur me dise...que mes essais poétiques ont plusieurs défauts et que, en fin de compte, en faisant des vers je ne fais pas de poésie, j'assure franchement le lecteur que cela ne me gêne pas du tout...; qu'il me dise, cependant, que je commets des fautes de grammaire, en d'autres termes que je suis illettré..., cela me blesse et je n'accepte nullement un tel reproche»5.

10) Ο συρμός: poème satirique. L'auteur, quoique pourvu de culture et d'esprit, considérant la poésie satirique comme quelque chose de facile, aligne toutes sortes de plaisanteries sans distinction et sans art; il néglige, en outre, le style et la versification.

11) Μυρσίνη και Φώτος : poème épique, plein de massacres, d'in-trigues, de vengeances, etc., et difficile à suivre. Idées déplacées, mono-tonie. La versification est soignée; les fautes d'orthographe abondent6.

1. D. Vikélas, Η ζωή μου, Athènes 1908, pp. 307-308; cf. p. 397. 2. Jugement de 1857, p. 29. 3. S. Mélissinos, Η πτωσις του Βυζαντίου - Εις στεναγμός του Μεσολογγίου - Η

ενσάρκωσις του Σωτήρος. Τρία αποσπάσματα εκ τινος ανεκδότου ποιήματος επιγραφο-μένου Ελλάς και Ορθοδοξία, Corfou 1859.

4. Jugement de 1857, p. 29. 5. A. Vlachos, op. cit., p. ζ'.

6. Jugement de 1857, pp. 29-30.

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Il s'agissait d'une œuvre de S. Carydis. Elle sera envoyée de nou-veau au concours de 18591.

12) Κράμα χολής και μέλιτος : poème épique en 1.487 hexamètres. Il s'agit de l'œuvre présentée au concours de 1856. Elle est écrite avec habileté. Ses lacunes, cependant, rendent l'intrigue incompré-hensible. Mais le lecteur grec est surtout choqué d'y trouver des mœurs étrangères (duels, enlèvements d'amour avec le concours des contre-bandiers, etc.). La langue est soignée, mais la versification défectueuse.

13) Εύχαρις, ήτοι ο άγων του 1854 : poème épique inachevé en 600 vers non rimés; il a l'économie mauvaise et présente des lacunes. Louable pour son patriotisme, l'auteur est néanmoins critiqué pour ses géné-ralités et pour l'absence de choses concrètes2.

Il s'agissait d'une œuvre de Constantin Pop (1816-1878), publiée sous les initiales C.P.3

14) Ανάμικτα : recueil de poèmes lyriques, dont trois ou quatre «très beaux». L'auteur fait montre d'une saine sensibilité qui prend souvent des accents élégiaques; il se sert de l'imagination et de l'intelli-gence à la fois, ce qui est très rare. Si ses idées et ses images ne manquent pas d'originalité, sa langue est irrégulière et sa versification «très sou-vent rude et négligée»4.

Il s'agissait de la deuxième participation de Gérasime Mavro-yannis5.

15) Ο ραψωδός : poème épique en 968 vers rimés. L'auteur ne manque ni d'esprit ni de culture; ses idées sont parfois bonnes, sa langue

1. Cette œuvre, dont un extrait parut anonymement dans Πανδώρα 8 (1857-58) 263, est publiée dans le journal de Carydis Το Φως, 1er janvier 1864-14 mars 1864. Sa publication en brochure nous est connue: S. Carydis, Η κοινωνία των Αθη-νών, Athènes 1868, 4ème page de la couverture. Nous n'avons pas pu consulter cette édition.

2. Jugement de 1857, p. 30. 3. Πανδώρα 8 (1857-58) 473-474 et 498-499; cf. p. 564, où l'auteur est cité

parmi les rédacteurs de Πανδώρα à Corfou. Cette œuvre, qui porte la date du 11 décembre 1857, fut probablement remaniée en vue de sa publication. —Sur C. Pop, connu sous le pseudonyme de Gorgias, voir les revues Βύρων 3 (1878) 189, et Παρ-νασσός 2 (1878) 156, MEE 20 (1932) 953 et C. Th. Dimaras, Histoire, op. cit., p. 353.

4. Jugement de 1857, p. 30. 5. Ses poèmes envoyés aux concours de 1852 et de 1857 sont publiés dans

Ποιητική συλλογή, Athènes 1858. Coumanoudis considère comme meilleurs les poè-mes Ή νοσταλγία μου, Ο άπατρις et Ωδή εις την Σεβαστούπολιν, dont les deux premiers sont reproduits dans Mat. Parn., pp. 856-860. Il est à noter qu'un autre recueil de poèmes lyriques, sous le titre Ανάμικτα, fut envoyé au concours de 1874,

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gue suffisamment pure, sa versification plaisante et sa rime riche. Mais le poème est «très obscur» et son intrigue invraisemblable. A la place du héros imaginaire, un personnage historique aurait été préférable.

16) Τίρι-λίρι ή Τ o κυνηγέσιον εν τη νήσω Σύρω : poème satirique en 6 chants, dont trois furent envoyés au concours (1.300 vers rimés). La langue, en général bonne, n'est pas exempte de fautes de grammaire. Les vers de quinze syllabes, quoique «très bons et naturels» quant à la rime, ne suivent pas l'exemple des chants populaires «qui doivent avoir l'autorité dΗomère». Sorti d'une plume exercée au genre satiri-que, ce poème n'en reste pas moins «remarquable»1.

Cette œuvre d'Orphanidis, complétée, sera envoyée de nouveau au concours de l'année suivante.

17) Χίος δούλη : poème épique en 1.113 hexamètres, du même au-teur que le poème précédent. Bien qu'il constitue une partie d'une œuvre plus étendue, l'extrait envoyé au concours possède une certaine autonomie. Les épisodes y sont naturels et les caractères «variés et vivement peints». Parmi les défauts du poème: les longues descriptions qui interrompent la narration, ainsi que les répétitions de mots et de phrases. La langue est relativement bonne et, heureusement, exempte de mots par trop archaïques; mais les fautes d'orthographe y sont plus nombreuses que dans n'importe quel autre poème. Enfin, les hexamètres «ne sont pas suffisamment vigoureux»2.

Complété, ce poème aussi sera envoyé de nouveau par Orphanidis au concours de l'année suivante.

18) Μαρία Δοξαπατρή : drame en trimètres iambiques (3.000 vers environ accompagnés de passages en prose), tiré de la «Chronique de Morée». Selon le rapporteur, il s'agit plutôt d'un «poème à apparence dramatique» que d'un drame proprement dit. Riche en idées et en sentiments, ce poème ne manque pourtant pas de défauts, surtout dans sa composition; la vérité psychologique est souvent absente, et l'intrigue, malgré son ingéniosité, maladroite. Il ne fait pas de doute que l'auteur imite Shakespeare: on s'en rend compte aussi bien par la forme de l'œuvre (mélange d'épisodes comiques et tragiques, de poésie et de prose) que par son contenu (imitation de l'entretien de Roméo et de Juliette). Mais l'auteur grec n'évite pas toujours ni la proli-xité et la froideur ni les exagérations et les invraisemblances. Sa langue,

1. Jugement de 1857, pp. 30-31. 2. Ibid., pp. 32-33,

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dépourvue de fautes de grammaire, est pleine de mots et de phrases archaïques, ce qui est inconvenant, surtout dans un texte de théâtre, En outre, la versification est souvent négligée.

Bien que meilleurs que tous les autres, les deux derniers poèmes, en raison de leurs défauts sérieux, mirent cependant les juges dans une situation difficile: un choix entre ces deux poèmes était impossible, les membres du jury de 1857 refusant de retomber dans le relativisme de l'année précédente. Finalement, persuadés qu'il fallait, de temps en temps, exiger de la poésie une perfection plus rigoureuse, ils déci-dèrent, à l'unanimité, de ne décerner aucun prix. Les poèmes No 17 et 18 obtenaient deux accessits1.

On pouvait prévoir la suite : les protestations ne se firent pas attendre. Comme en 1852, la décision du jury ne manqua pas de sou-lever une série de polémiques dans les journaux; H Ελπίς donna le signal d'attaque contre Coumanoudis. On cria de nouveau à l'injustice, on dénonça la sévérité excessive d'un verdict qui, parmi 18 poèmes, n'en trouvait aucun digne du prix. Au moment où la tension entre les universitaires et le fondateur Rallis entrait dans une phase criti-que, le rapport de Coumanoudis, cible principale des contestataires, suscitait de nouvelles animosités et, des mois durant, ajoutait au dé-ferlement des passions.

Privé du prix, l'auteur de Μαρία Δοξαπατρή D. Vernardakis avait plus de raisons que quiconque de garder rancune au jury. Il ne tarda pas à passer à la contre-attaque dans une longue lettre-réponse (Munich, 27 mai 1857); le journal Αθηνά, qui en publia de longs extraits, ne manqua pas de souligner l'importance de cette réfutation contenant «des idées et des jugements dignes du plus haut intérêt, surtout à lΗeure actuelle, lorsque le premier illettré venu se considère comme un législateur qualifié de la langue»".

Car, c'était toujours sur le terrain linguistique que Vernardakis menait principalement son combat. De tous les reproches de Couma-noudis, le plus cuisant pour lui était, sans doute, celui qui concernait l'usage de mots et de phrases archaïques. Il devait, avant tout, justifier sa langue. Mais il allait plus loin: en désaccord avec le rapporteur de 1857, qui était partisan d'une unité interrompue, il transférait dans lé domaine linguistique le concept romantique de l'unité totale. C'est pourquoi il s'opposait au morcellement du grec, «la langue la plus

1. Ibid., p. 39. 2. Αθηνά, 3 juin 1857.

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libre de toutes», et aux limitations que l'on lui imposait. Selon lui, on devait considérer la langue comme un tout et «cueillir des mots dans ce tout, sans se soucier s'ils appartiennent à telle ou telle période et à tel ou tel genre littéraire, l'essentiel étant d'examiner uniquement si un mot exprime avec précison l'idée que l'on veut interpréter». Par ailleurs, la grandeur de Shakespeare consistait dans la combinaison de l'idéal (tragédie) avec le réel (comédie). Pour suivre donc son exem-ple, le mélange des deux langues était nécessaire, et la comédie, genre où dominent «la vérité et la vie», ne pouvait pas ne pas recourir à la langue parlée — épurée, naturellement, de barbarismes1.

Mais cette argumentation cachait mal la colère de la défaite. Blessé dans son amour-propre, le jeune admirateur de Shakespeare abandon-nait vite le terrain théorique pour parler un langage plus émotionnel et plus spontané. C'est ainsi que, à son tour, il relevait dans le rapport de Coumanoudis quatre solécismes, des fautes d'orthographe, des tour-nures étrangères, etc. Par ailleurs, le rapporteur de 1857, «critique de mauvaise foi», était accusé d'avoir déformé les choses, calomnié Μαρία Δοξαπατρή et ignoré sciemment ses vertus. Enfin, l'amertume de Ver-nardakis cédait la place à son scepticisme profond: «Autant la morale contribue à corriger les gens, autant la critique contribue à corriger l'art»2.

Ce texte — précurseur, en quelque sorte, de la Préface de Μαρία Δοξαπατρή — n'en reste pas moins important pour ses répercussions immédiates. Elie S. Stathopoulos, autrefois adversaire de P. Soutsos et de Rangabé, fut le premier à exprimer son indignation et à prendre la défense de Coumanoudis, dans une réponse signée Α. Ω.: Vernar-dakis y était constamment accusé de fatuité et de fanfaronnade 3. Ce dernier répondit violemment dans le journal Φιλόπατρις Έλλην. Stathopoulos renouvela ses attaques contre le «jeune homme arrogant» dans le même journal; nous avons toujours affaire à un langage pas-sionnel qui réduit le débat à un échange de médisances et d'injures4.

Dans ces conditions, C. Assopios, prononçant son rapport rectoral (septembre 1857), avait non seulement à attaquer Rallis pour le rejet

1. Ibid. 2. Ibid. 3. Αθηνά, 16 juin 1857. 4. On trouve les articles contre Vernardakis dans Elie S. Stathopoulos, Του

ποιητικού διαγωνισμού του 1857 τα επεισόδια και μιας λογικής αριθμητικής η επίκρισις, Athènes 1857, pp. 11-61,

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des propositions universitaires, mais aussi à défendre Coumanoudis et le jury contre les contestataires, notamment contre Vernardakis. Nous avons vu ailleurs comment le vieux recteur traita le commer-çant de Trieste. Quant aux poètes mécontents, il ne les ménagea pas plus que le fondateur opiniâtre. Un récent concours de l'Académie Française lui servit d'exemple: sur 150 poèmes présentés, 148 n'étaient même pas mentionnés, sans que cela fît le moindre scandale en France. D'autre part, Assopios prit la défense des universitaires grecs qui «ne sont ni admirateurs aveugles des classiques, ni contempteurs, encore plus aveugles, des romantiques; au contraire, ils honorent et admirent le beau où qu'il se trouve, dans la nature et dans l'art... Ils admirent aussi bien les œuvres inspirées de Sophocle que de Shakespeare, pourvu que, en dehors de leurs autres qualités, elles ne portent pas atteinte au noble sentiment de la pudeur. Mais, classique ou romantique, un poème traitant des amours illégales, des mariages entre frères et sœurs etc., qu'il soit écrit à la manière d'Euripide, de Hugo, de Dumas ou de Shakespeare... ne sera jamais recommandé, je l'espère, comme lecture honnête et utile par des juges qu'élit le Conseil Universitaire sous le contrôle du Gouvernement». Enfin, après avoir conseillé la modestie aux poètes participants, Assopios ne manqua pas de leur adresser une menace: si le concours s'arrêtait prématurément, la responsabilité leur en incomberait entièrement1.

Que ses allusions visassent principalement l'auteur de Μαρία Δο-ξαπατρή, ce n'était pas difficile à deviner. De Munich, où il se trouvait pour ses études, Vernardakis n'avait pas perdu le contact avec son pays; il prit donc connaissance du rapport rectoral. C'est ainsi que, rédigeant la Préface de son drame en vue de sa publication, il trouva l'occasion de répondre à Assopios. Une fois engagé dans la lutte contre le jury, il ne pouvait qu'aller jusqu'au bout. Face à un professeur «clas-sique», il n'avait qu'à faire appel à l'autorité d'Aristote: en effet, con-cevoir le drame d'un point de vue pédagogique et moralisateur, comme le faisait le recteur de 1857, était, pour Vernardakis, contraire à la «catharsis» aristotélicienne, fondée sur la présence du Mal et, à travers lui, sur le triomphe du Bien. «Aucune donc éducation correcte et aucune instruction n'est possible et réalisable sans la connaissance du Mal». D'autre part, le Beau étant supérieur au Bien et au Vrai, Assopios ignorait «tant la nature que la fin de la poésie»2.

1. R.R. de 1857, pp. 23-26 [Πανδώρα 8(1857-58) 507-509]. 2. D. Vernardakis, Μαρία Δοξαπατρή,, Munich 1858, pp. ξα' - ρα'.

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Cependant, les ambitions de Vernardakis, au moment où il ré-digeait sa Préface, dépassaient de loin le cadre d'une polémique avec les universitaires. Certes, la blessure de son échec au concours n'était pas encore cicatrisée: en revenant à plusieurs reprises sur le verdict de Coumanoudis, le jeune poète se montrait assez rancunier vis-à-vis d'une critique «drôle et satirique», voire «complètement absurde»1· Ailleurs, il protestait, indigné: «Pourquoi, pendant trois ans, sommes-nous constamment et sévèrement accusés d'écrire des poèmes blas-phématoires, immoraux et dangereux à notre nouvel État?»2. Mais cette autodéfense n'était qu'un aspect secondaire, dans un texte-ma-nifeste qui, avant tout, visait à imposer le drame romantique comme la seule option «nationale». Shakespeare, déifié, «était et devait rester, peut-être à jamais, le plus grand dramaturge de l'Europe chrétienne»? toute véritable poésie dramatique, y compris celle de Goethe et de Schiller, partait de lui. La résurrection de la tragédie ancienne n'était qu'une chimère. «Or, notre drame national... sera forcément identique à celui des nations chrétiennes de l'Europe, c'est à dire romantique»3.

Vernardakis avait beau rejeter les drames de Victor Hugo comme «dépourvus de poésie»; l'auteur de «Cromwell» ne lui offrait pas moins un modèle. Car, avec sa Préface de 1858, le poète grec ne voulait-il pas, au fond, jouer de nouveau le rôle qu'avait joué le poète français trente ans plus tôt? En principe, cela était possible, et le mouvement romantique grec, en plein essor, aurait peut-être pris une autre dimen-sion, s'il avait bénéficié de la forte personnalité d'un théoricien litté-raire. Mais Vernardakis, agressif mais non combatif, n'avait ni le tempé-rament d'un chef ni cette constance dans les options qui, sans exclure une évolution nécessaire, caractérise dΗabitude les fortes personnalités. Quelques temps suffirent pour que l'auteur de Μαρία Δοξαπατρή, saisi par d'autres engouements, abandonnât sa ferveur tant pour le Moyen Age que pour Shakespeare.

Ce qui est à retenir, c'est que, pour la première fois en 1857, deux tendances se sont ouvertement opposées, et le mot «romantisme» fut prononcé avec insistance dans le cadre des concours. Réduire, cependant, ce conflit à l'opposition traditionnelle entre classiques et romantiques,

1. Ibid., pp. μγ' sq. 2. Ibid., p. οζ'. 3. Ibid., p. μζ'. Dix ans plus tard, c'est S.N. Vassiliadis (Οι Καλλέργαι - Λου-

κάς Νοταράς, Athènes 1869, pp. β' sq) qui s'employa à réfuter ces thèses; mais Ver-nardakis les avait abandonnées depuis longtemps.

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serait s'arrêter à un schéma trop simpliste et incapable de rendre com-pte d'une réalité beaucoup plus complexe et riche en nuances; on risque-rait ainsi de méconnaître non seulement les conditions historiques pré-cises qui, en accentuant une crise à un certain moment, lui confèrent son caractère particulier, mais aussi le rôle des personnes et des grou-pes (ainsi que des cliques, en l'occurrence) qui chaque fois marque les tendances de façon spécifique. Si les divergences idéologiques écla-tent au grand jour et, de ce fait, sont faciles à repérer, elles plongent leurs racines dans des motivations sociales et individuelles trop com-plexes et hétérogènes pour être définies avec certitude.

Quoi qu'il en soit, il ne fait pas de doute que l'année 1857 constitue, dans lΗistoire des concours, une étape décisive. Sur le plan idéologique, l'esprit des Lumières, représenté à la tête du jury par le groupe Asso-pios-Coumanoudis-Castorchis, s'efforça énergiquement de barrer la route à un romantisme confus et incohérent, mais non moins dange-reux dans sa montée irrésistible. Ce romantisme était en fait le reflet d'une tension sociale élargie. En même temps, la crise déclenchée entre Rallis et les professeurs mit les concours en danger et rendit leur con-tinuation assez problématique. Le refus du prix et les protestations qui suivirent n'étaient pas de nature à apaiser une agressivité généra-lisée. Mais les concours n'avaient pas encore fait leur temps; riches d'avenir, en dépit de toutes les querelles, ils ne faisaient que traverser une crise de jeunesse.

3. 1858: Une abstention significative

Après la tempête, un certain calme: la préparation du concours de 1858 s'était déroulée dans un climat d'incertitude, d'attente et dΗésitation. La crise entre les universitaires et Rallis n'était pas encore réglée. En décembre 1857, trois mois après le discours d'Assopios, le Conseil Universitaire décidait tardivement: a) d'entreprendre de nou-velles démarches auprès du fondateur, afin que le concours eût lieu tous les deux ans, b) de ne pas annuler le concours de 1858 à la date prévue. Les juges lui obéirent1.

La diminution du nombre des oeuvres (10 en tout, dont deux, arrivées après échéance, furent éliminées) est caractéristique. Le nou-veau rapporteur C. Paparrigopoulos (1815-1891) a beau qualifier les

1. Jugement de 1858, p. 3.

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5 concurrents de «nombreux»: si l'on pense qu'Orphanidis représentait ses deux poèmes de l'année précédente, la récolte poétique de 1858 apparaît plus que jamais réduite. Ce phénomène ne saurait être exclusive-ment attribué à l'incertitude concernant la continuation du concours. Il est certain que le verdict du jury de 1857 y était pour quelque chose. Le refus du prix, prenant comme en 1852 le caractère d'une «chasse à la poésie», et le discours menaçant d'Assopios, un peu plus tard, ne pouvaient pas ne pas susciter chez les candidats un explicable refroidis-sement de zèle. Orphanidis, poussé par sa colère, ne voulut rejeter la responsabilité de cette «abstention» que sur le rapporteur de 1857: c'était à cause de Coumanoudis qu'en 1858 les concurrents avaient disparu, «pour la même raison que les habitants d'un pays se disper-sent, lorsque à un bon et équitable chef d'État succède un tyran capri-cieux»1. Exagérée, simpliste et unilatérale, cette explication n'en con-tient pas moins une certaine part de vérité.

En raison de la maladie du recteur Philippe Ioannou, la cérémonie fut reportée au 23 avril. Nous retrouvons à nouveau un jury composé de 5 membres: Ph. Ioannou (président), C. Paparrigopoulos (rappor-teur), A. Roussopoulos, St. Coumanoudis et E. Castorchis. Est-ce un hasard si, après la domination «classique» de l'année précédente, le rôle du rapporteur fut assumé par lΗomme qui, en tant quΗistorien, devait lier son nom pour toujours au mouvement romantique? Il ne faut pas oublier que les décisions du Conseil Universitaire, qui dési-gnait chaque fois le rapporteur, étaient en grande partie dictées par une lutte d'influences, voire par une consciente et subtile équilibration de tendances idéologiques. De ce point de vue, la désignation de Papar-rigopoulos après celle de Coumanoudis demeure très significative.

Nous avons là, encore une fois, l'occasion de voir quelles étaient les possibilités et les limites du rôle de rapporteur: les deux poèmes d'Orphanidis, examinés en 1857 et 1858 par deux hommes différents nous en offrent un exemple caractéristique. Si Paparrigopoulos n'avait aucune raison de partager les critères de son prédécesseur, il ne pouvait pour autant se désolidariser publiquement de Coumanoudis. Exécutant des décisions déjà prises, le rapporteur a sûrement une marge d'action assez importante pour exprimer son point de vue dans les détails; il ne dispose pas pourtant d'un pouvoir illimité et, ce qui est l'essentiel, il ne va en aucune façon jusqu'à s'opposer à la majorité du jury2. Or,

1. Th. Orphanidis, Χίος Δούλη και Τίρι-λίρι, Athènes 1858, p. 271. 2. Voir, à cet égard, l'analyse pertinente du rôle du rapporteur par Th. Orpha-

nidis, op. cit., pp. 241 et 269-270.

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ce jury, malgré les divergences de ses membres, ne peut se présenter devant le public que comme un tout plus ou moins homogène; son autorité réside dans le fait que ses décisions revêtent un caractère im-personnel ou transindividuel. D'autre part, les juges universitaires ne peuvent jouer convenablement leur rôle qu'en s'identifiant, en quelque sorte, l'un à l'autre: Paparrigopoulos, porte-parole du même jury que Coumanoudis, non seulement reprend à son compte les asser-tions de son prédécesseur, mais aussi il s'identifie à lui par des expres-sions telles que «comme nous avons dit autrefois» ou «dans notre rap-port de l'année dernière»1. Mais cette identification, dictée par les règles du jeu, n'est qu'une convention formelle qui, cependant, n'ex-clut guère, dans les détails, l'expression d'une optique différente, voire diamétralement opposée.

Voici, en résumé, les appréciations de Paparrigopoulos sur les 8 poèmes du concours, suivies de notre commentaire:

1) Ι θρίαμβος του ποιητικού διαγωνισμού κατά το έτος 1858 : co-médie en trois actes, «inacceptable» et indigne de tout commentaire en raison de sa langue populaire. Cependant, comme l'auteur à pris pour sujet la question de la langue, qu'il annonce le triomphe de l' idiome du peuple et, qu'en plus, il ridiculise les juges puristes, le jury

croit bon de relever le défi. Dans un long exposé, le rapporteur essaiera de démontrer: a) que «le poème n'est pas écrit en ce que l'on appelle langue du peuple», pas plus que, bien sûr, en langue savante, b) que, si plusieurs dialectes existent en Grèce comme ailleurs, il n'existe pas pourtant une langue populaire commune, parlée par tous les Grecs et apte à exprimer «les besoins intellectuels supérieurs, sociaux ou scientifiques, de la nation... Même la comédie en question, qui prétend être écrite en langue populaire, ne recourt-elle pas sans cesse à la langue savante?». Enfin, le poète est blâmé pour son impertinence à présenter, dans sa comédie, les membres du jury en train de se battre, chose que de telles «constructions cérébrales et froides» et de telles «aventures invraisemblables», selon Paparrigopoulos, ne sauraient en aucun cas engendrer2.

Cette comédie de G. Tertsétis, publiée pour la première fois en 1950 d'après le manuscrit envoyé au concours3, n'en reste pas moins

1. Jugement de 1858, p. 21. 2. Ibid., pp. 4-7. 3. «Ελληνική Δημιουργία» 6 (1950) 575-588 (éd. D. Conomos). G. Valétas

trouve dans cette première publication «des fautes et des inadvertances», et repro-

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un témoignage à bien des égards précieux: nous y trouvons, entre autres, une représentation intéressante de la cérémonie du 25 mars. Au lendemain de la mort de Solomos (1857), Tertsétis, tenace, tâchait, une fois de plus, d'introduire, tel un défi, l'esprit de l'école ionienne dans le concours de Rallis. Il ne semblait pas se faire trop d'illusions sur sa victoire:

Ποιος ημπορεί να φαντασθεί ποτέ του πως η Επιτροπή θε να βραβεύσει ποίημα στην γλώσσαν του λαού γραμμένο;

Il ne pouvait plus avoir l'optimisme qui, en 1853 (Κόριννα και Πίνδαρος), le faisait exalter les concours universitaires et le fondateur:

είναι ο Ράλλης Μάης μας και το Πανεπιστήμιο.

Ses trois échecs et l'interdiction de la langue populaire par les jurys ne laissaient de place qu'à la polémique. Rejeté définitivement dans l'opposition, Tertsétis, avant de s'éloigner des concours, décida d'y revenir, encore une fois, pour livrer sa dernière bataille1. La satire lui offrait toutes les possibilités d'une attaque directe: les juges se transformaient en personnages comiques, parlaient la langue populaire et finissaient par couronner un poème «vulgaire»; le recteur, président du jury, se livrait à une autocritique déchirante:

Αμάρτημα μεγάλο έχομε κάμει οι σοφοί της Ελλάδος έως τώρα, δεν έχει γλώσσα, ελέγαμε, το έθνος. Ο βλάσφημος ο λόγος κατεβάζει την φυλήν μας στην τάξιν των αγρίων.

Ainsi, prenant ses désirs pour des réalités, Tertsétis exorcisait, en quelque sorte, les démons et remportait dans l'imaginaire une victoire impossible. Sa démarche ne manquait ni d'audace ni de courage. Au moment où les universitaires, préoccupés par d'autres problèmes, ne paraissaient pas s'attendre à une telle contre-offensive, cette comédie encombrante de 1.003 vers, sortie d'une plume expérimentée, prenait

reproduit la comédie d'après le même manuscrit: Tertsétis Άπαντα, op. cit., pp. 220-251. 1. Peu avant sa mort, il enverra au concours de 1874 son poème Ή κόρη του

Σεϊσλάμη. Mais cette dernière participation du poète n'aura aucun caractère de défi, la langue populaire n'étant plus, en ce moment-là, interdite dans les concours.

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l'aspect d'une provocation dangereuse. Le jury en fut conscient: la longue réponse courroucée de Paparrigopoulos montre que le coup de Tertsétis avait atteint son but. Oeuvre de polémique, cependant, la comédie en question n'ajoute pas grand-chose à la gloire littéraire de son auteur; ni ses monologues interminables et ennuyeux, ni ses maladresses scéniques ne sont de nature à démontrer que le tempéra-ment lyrique du poète a pu se combiner ici avec une connaissance suffisante de l'art dramatique.

2) Γνωμικά, Διάφορα άλλα στιχουργήματα και Βακχικά (avant 1821) 3) Περί Παιδαγωγίας (1846) 4) Σάλπιγξ της Αθηνάς προς τους εν Τουρκία Έλληνας (1855) :

Ces trois œuvres du même «vieux patriote», écrites en trois moments différents de sa vie, manquent de valeur, et n'ont pas la grâce néces-saire à la poésie didactique.

5) Θάνος και Θίσβη : épopée lyrique en trois chants, prolixe et non exempte de fautes de grammaire ou d'images obscures. L'auteur, jeune et modeste, ne manque pas pour autant de «bons germes» suscepti-bles d'être développés.

6) Τίτος και Όθων : roman en vers comprenant trois chants. Bien que supérieur au poème précédent, il n'est pas exempt, lui non plus, de fautes et d'obscurités. L'auteur semble avoir lu quelques poésies romantiques, surtout de celles de Byron, à qui cette œuvre est dédiée; mais les idées et les images byroniennes y apparaissent «privées de leur vie initiale, comme les ombres inanimées et assoupies d'Orion et d' Achille dans lΗadès homérique»1.

Il s'agissait d'une œuvre de A. Vlachos2. 7) Τίρι-λίρι ή Το κυνηγέσιον εν τη νήσω Σύρω : poème héroï-comi-

que en 7 chants (3.050 vers de quinze syllabes rimés); il s'agit de la version finale et complète de l'œuvre présentée au concours de 1857. Du point de vue du genre littéraire, on pourrait rattacher cette œuvre à Κούρκας αρπαγή de I. R. Néroulos, au «Lutrin» de Boileau et à «Vert-Vert» de Gresset. Si l'intrigue est invraisemblable (le rapporteur s' emploie à en donner un long résumé), elle est néanmoins traitée avec beaucoup de succès. L'auteur, habile versificateur, ne manque pas d'esprit; il n'évite pas, cependant, ni les grossièretés ni les fautes de grammaire. Il est blâmable, surtout, pour ses attaques contre les en-seignants puristes. Par ailleurs, bien que patriote fervent qui fustige

1. Jugement de 1858, pp. 8-13. 2. A. Vlachos, Ώραι, Athènes 1860, pp. 5-36.

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le calomniateur About, il risque d'offrir plusieurs arguments aux en-nemis de la Grèce en critiquant sévèrement sa vie politique et sociale1.

8) Χίος δούλη : poème complété en 5 chants (1.784 hexamètres). L'auteur s'est assigné une tâche difficile: ayant à peindre une multi-tude de caractères variés, il est digne d'indulgence s'il n'y a pas tou-jours réussi. Par contre, il a tort de représenter le métropolite de Chio comme un ennemi des Génois en raison de ses intérêts personnels:

κίνδυνον έτρεχε μέγαν πολλάς ν' απολέση προσόδους ας οι Λατίνοι ποθούντες με άπληστον έβλεπον όμμα

alors qu'il serait «plus convenable et plus naturel» que cette hostilité fût attribuée aux malheurs des orthodoxes. En somme, «ce poème a quelques fautes de grammaire, de versification et, encore plus, d'ortho-graphe... sans être impeccable quant à la description des caractères; cependant, pour ce qui est de son intrigue, de son économie et de la plu-part de ses caractères, il a été considéré non seulement comme le plus beau des poèmes de cette année, mais aussi comme un des meilleurs parmi les poèmes couronnés à ce concours. Or, le jury décerne le prix à Χίος δούλη. Cette décision fut prise à la majorité, les professeurs Coumanoudis et Roussopoulos s'étant opposés au couronnement du poème, pour des raisons qu'ils ont expliquées dans les procès-ver-baux»2.

Ainsi, couronné pour la troisième fois, Orphanidis était enfin libre de régler ses comptes avec les rapporteurs de 1857 et de 1858. La pu-blication de ses deux poèmes en volume, peu après, lui offrait l'occa-sion d'une longue réponse3. Coumanoudis et Paparrigopoulos étaient certes «tous les deux d'une capacité et d'une culture indiscutables», mais ils n'avaient pas moins «des humeurs aussi différentes que leurs

1. Jugement de 1858, pp. 13-20. Le manuscrit de Τίρι-λίρι se trouve en posses-sion de C. Th. Dimaras. Il est à noter que lé réexamen de ce poème n'était pas régle-mentaire, Orphanidis ayant obtenu en 1857 l'accessit exclusivement pour Χίος δούλη.

2 . Ibid., pp. 20-28. Il est caractéristique que l'existence des procès-verbaux, mentionnée ici par Paparrigopoulos, sera contestée par Roussopoulos en 1865 (voir ici p. 45): quatorze ans après le commencement des concours, ni ces procès-verbaux ni les manuscrits des poèmes envoyés n'étaient conservés dans les archives univer-sitaires. En 1865, enfin, ces lacunes semblent comblées. Mais, si nous disposons au-jourdΗui de quelques manuscrits envoyés aux concours, nous ignorons complète-ment le sort des procès-verbaux des jurys, même après 1865.

3. Th. Orphanidis, op. cit., épilogue (pp. 237-280).

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Rapports»1. Or, chacun d'eux méritait une réponse appropriée. Si Coumanoudis suscita en exclusivité la colère de l'irascible professeur dé botanique, rien d'étonnant: il avait exprimé ses réserves à l'égard des poèmes d'Orphanidis, il avait refusé le prix à Χίος δούλη tant en 1857 qu'en 1858. Nous avons donc affaire à un acte de défoulement: en plus de 30 pages, le rapport «satirique» de Coumanoudis est réfuté paragraphe par paragraphe; les fautes reprochées aux deux poèmes d'Orphanidis sont compensées par la recherche des fautes dans Στρά-τις Καλοπίχείρος; la colère du moment se transforme en forfanterie: «je te donne ma parole dΗonneur que tu ne jugeras plus aucun de mes poèmes»2.

Il est normal que, vis-à-vis de Paparrigopoulos, le ton d'Orphanidis change complètement: «je n'ai pas l'intention de critiquer Monsieur le Rapporteur ou de me plaindre de lui, étant donné qu'il ne fit pas montre d'une ironie satanique et qu'il n'exerça pas indécemment son esprit satirique contre les concurrents»3. Ce qui n'empêche pas le poète de se défendre fermement contre tout ce qui lui est reproché par le Jugement de 1858.

Mais relever les contradictions et les fanfaronnades d'Orphanidis n'aurait, en fin de compte, de sens que dans la mesure où, à travers un des personnages les plus caractéristiques de l'époque, nous pouvons saisir le comportement typique d'une moyenne. Lauréat de 1855, l'auteur de Άννα και Φλώρος promettait à Zalocostas, comme nous avons vu, de ne jamais insulter les juges, «même s'il se croyait défavo-risé par eux», pour oublier sa promesse à la première occasion. De même, en 1858, c'est en vain qu'il se déclarait heureux dans le cas où il serait battu par un poète plus jeune que lui, louait la noblesse d'âme de Rangabé et parlait de sa propre «Muse modeste» qui n'allait se présenter au concours qu'après une longue préparation4; deux ans plus tard, comme nous le verrons, toutes ces assertions, il les démentira lui-même d'une manière catégorique. S'agit-il, en fait, d'un tempéra-ment fougueux, dont l'irascibilité va de pair avec les mouvements dΗumeur les plus fantaisistes ? Sans doute. Mais le problème est ail-leurs. Car, au fond, cette humeur batailleuse qui entraîne toutes sortes d'inconséquences, loin de relever d'une psychologie exceptionnelle,

1. Ibid., p. 241. 2. Ibid., p. 271. 3. Ibid., p. 272. 4. Ibid., pp. ιβ' et 280.

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s'inscrit dans le cadre d'un comportement collectif plus vaste; des réactions plus ou moins analogues pourraient être détectées chez la plupart des concurrents. Champs de bataille plutôt que tournois spor-tifs, les concours avaient la possibilité, par la valeur tant matérielle que morale du prix offert, de mobiliser un grand nombre d'énergies dans une lutte acharnée. Mais cette lutte (reflet en même temps que manipulation d'une agressivité plus élargie) n'en restait pas moins une affaire individuelle; en excluant toute sorte d'alliance parmi les concurrents, elle semait la discorde et poussait les rivalités personnel-les à leur paroxysme. C'était dans les règles du jeu: la victoire de cha-cun passait exclusivement par la défaite de tous les autres. Et c'est là que nous avons, en grande partie, non seulement l'explication d'un comportement typique chez les concurrents (ton d'apologie person-nelle, vantardises, attaques multilatérales et contradictoires, selon les résultats variables des concours, etc.), mais aussi la différence fonda-mentale qui les sépare de leurs juges: ces derniers, obligés d'agir en commun, en dépit de leurs rivalités multiples, possèdent une conscience de groupe, alors que les premiers mènent une lutte solitaire, chacun pour soi.

Cette lutte solitaire, cependant, qui semble chercher sa justifica-tion uniquement dans le jugement d'un public anonyme, n'est pas tou-jours dénuée d'appuis très concrets. Un concurrent étudiant, par exem-ple, peut être soutenu par la «claque» de ses camarades et de ses amis, voire être favorisé par un de ses professeurs. Les journaux ne jouent pas un rôle moins décisif: ils entrent dans le jeu des querelles person-nelles, déclarent leur préférence pour tel poète, attaquent tel autre. Orphanidis exprime toute son indignation contre les journalistes ano-nymes et les «chuchoteurs» qui lui refusent le droit, du fait qu'il est professeur, d'écrire des poèmes, de participer aux concours, d'être couronné pour la troisième fois, etc.1. N'oublions pas que les rumeurs qui circulent s'avèrent, très souvent, plus efficaces que les écrits; on peut révéler par voix orale les choses les plus secrètes, propager impuné-

1. Ibid., p. ια'. Les relations que certains personnages des concours, notamment les plus en vue, entretiennent avec les journaux de l'époque sont trop complexes pour être expliquées uniquement par des affinités politiques; les rapports humains, en définitive, y jouent un rôle important. Nous notons, à cette occasion, que de longs extraits du Jugement de 1858 ont paru pour la première fois dans le journal Ημέρα de Trieste (9/21 et 16/28 mai 1858), ce qui donne à penser que Paparrigopoulos aurait été assez lié à ce journal pour lui accorder la priorité d'une telle publication.

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ment les calomnies les plus basses. Dans les coulisses des concours, les commérages et les ragots occupent une place très important^.

En tout cas, le recteur Philippe Ioannou se montre, en 1858, aussi exaspéré que son prédécesseur. Il stigmatise «la façon indécente et condamnable, dont certains poètes battus au concours, ainsi que quel-ques-uns de leurs amis et avocats, se conduisent vis - à - vis des juges», exalte l'abnégation des universitaires et nΗésite pas à brandir la me-nace d'une disparition du jury par la «démission de tous les profes-seurs»1. Cette exaspération était-elle due exclusivement aux protesta-tions des concurrents? On peut en douter. En fin de compte, les atta-ques des poètes en 1858 (celles de Vernardakis et d'Orphanidis se ré-férant au concours de l'année précédente) n'avaient rien de particulière-ment inquiétant. Or, la menace d'Ioannou ne visait pas moins le fon-dateur triestin que les «poètes battus». Rallis n'avait pas encore satis-fait les revendications universitaires; il n'allait pas les satisfaire dans l'avenir. Entre-temps, les concours pouvaient continuer, mais le ciel était déjà couvert des nuages qui annonçaient les prochaines tempêtes.

4. 1859: Poésie et politique

Evidemment, le malaise dépassait de loin le cadre des concours poétiques; il entrait dans le contexte d'une crise politique et sociale en pleine évolution. Entré dans sa phase finale, le régime du roi Othon suscitait de plus en plus lΗostilité d'une jeunesse universitaire déjà très politisée et prompte à s'engager dans l'action; cette «jeunesse dorée» ne manquerait pas de faire, en 1859, sur la scène politique, une apparition spectaculaire (σκιαδικά). Les poètes des concours venaient Certes de plusieurs régions helléniques et appartenaient à plusieurs générations; mais l'Université d'Athènes n'en constituait pas moins la pr incipale pépinière l i t téra i re qui ava i t t o u j o u r s un grand nombre d'étudiants-concurrents à fournir. Or, cette révolte qui agitait la jeunesse universitaire ne pouvait pas ne pas s'introduire dans les concours. Ce fut le cas en 1859. Le romantisme, expression d'impasses individuelles naguère, se mettait déjà au service d'une opposition collective dont la dynamique n'était pas à négliger. En effet, comme nous allons le voir, le rapporteur de 1859 fut conscient du danger.

Le concours eut lieu le 25 mars2. Une fois de plus, C. Paparrigopoulos

1. R.R. de 1858, pp. 16-18 [=Parel. Chr., p. 134]. 2. Le journal Πρωινός Κήρυξ, 21 mars 1859, annonce non seulement la céré-

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poulos (rapporteur) et A. R. Rangabé se trouvaient ensemble dans le jury, présidé par le recteur D. Stroumbos. Un nouveau membre, Th. Orphanidis, venait s'y ajouter. C'était la première fois que Cou-manoudis, jusque-là continuellement présent aux concours en tant que poète ou que juge, n'avait pas de rôle à jouer. La participation d'Or-phanidis au jury excluait, évidemment, la sienne; il était impossible de penser à une Collaboration des deux hommes, après une polémique si récente. Mais, qui plus est, la désignation d'Orphanidis ne signifiait-elle pas la disgrâce de son adversaire ? En fait, nous avons affaire à un conflit de fractions universitaires plus étendu et qui ne fut pas pas sans répercussions dans les rapports des professeurs avec Rallis. Bien que l'accès de ces coulisses ne soit pas toujours facile, nous disposons, ce-pendant, d'un certain nombre d'éléments qui nous permettent de tirer quelques conclusions.

Dans la Préface de Μαρία Δοξαπατρή, Vernardakis avait à plu-sieurs reprises mentionné l'existence d'un groupe constitué autour d'Assopios (oι περί τον Ασώπιον); Coumanoudis et Castorchis en fai-saient sûrement partie. Si ce groupe représentait, en premier lieu, l'esprit survivant des Lumières dans sa lutte contre la poussée romantique, n'oublions pas que les liens personnels, qui unissaient ses membres, n'étaient pas moins décisifs que les affinités idéologiques. De même, le fait que A. R. Rangabé et C. Paparrigopoulos représentaient la ten-dance adverse ne signifie point que l'amitié de ces deux hommes, im-prégnée d'un esprit de caste, était exclusivement fondée sur une noble communion d'idées. Une origine sociale différente séparait les deux groupes de façon caractéristique. Plébéiens et nés dans les campagnes, en général, les classiques avaient le goût du naturel et du rationnel dans le sang; leur racines s'enfonçaient dans le peuple:

Κανένα ας μη τρομάξη και η γλώσσα μου, εάν συχνά εισδύη κ' εις τα χάσματα

του όχλου του βαδίζοντος χαμαί" μη γαρ και σεις κ' εγώ ως τα χθες όχλος δεν ήμεθα

απλούς;

écrivait Coumanoudis dans Στράτις Καλοπίχειρος. Les romantiques,

cérémonie du 25 mars, mais aussi les résultats du concours! Lié au journal en question, Orphanidis n'est probablement pas étranger à ces renseignements. Sur la cérémonie du 25 mars et sur les œuvres présentées, voir un long article de première impor-tance, dans le même journal, 28 mars 1859.

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au contraire, venant de Constantinople, avaient principalement respiré l'air des salons phanariotes; bien nés, ils avaient gardé aussi bien le goût du pouvoir que le sens du compromis; ils étaient conscients d'appartenir à une élite.

Cet écart social, qui est à l'origine de deux mentalités opposées, explique peut-être, en grande partie, un comportement différent à l'égard de Rallis. Rappelons-nous les faits: en 1857, Coumanoudis passa presque sous silence le nom du fondateur, tandis que Assopios, quel-ques mois plus tard, récusa orgueilleusement les «leçons de dignité de Trieste». On n'a pas de mal à comprendre une telle réaction: méfiants à priori vis-à-vis d'un homme qui, grâce à sa fortune et à son nom de famille, entendait imposer ses lois, Assopios et ses amis ne perdirent pas l'occasion, le moment venu, de lui montrer leur hostilité. Mais cette attitude intransigeante, suscitant à la fois le mécontentement des concurrents et du fondateur, risquait de compromettre l'avenir des concours irrévocablement. Il fallait donc apaiser les esprits, et la désignation de Paparrigopoulos comme successeur de Coumanoudis répondait à un tel besoin de façon satisfaisante. Si Coumanoudis et Castorchis firent encore partie du jury en 1858, ils ne se trouvaient plus en position de force. La victoire d'Orphanidis n'était-elle pas, eil même temps, un coup porté contre eux ? Leur éviction pourtant fut consommée l'année suivante, lorsque leurs noms disparurent de la liste, des juges. Castorchis réapparaîtra au jury seulement en 1872, en en tant que recteur; Coumanoudis ne retrouvera sa place qu'en 1862, de nouveau sous la présidence d'Assopios, lorsque Rallis aura définiti-vement disparu de la scène des concours.

Ainsi, en 1859, renforcés par une alliance provisoire avec Orpha-nidis, Paparrigopoulos et Rangabé sortaient vainqueurs. Hommes de la situation, ils étaient les plus qualifiés pour accomplir deux tâches importantes: a) améliorer les rapports de Rallis et des concurrents avec l'Université, b) faire faee à un romantisme dangereux qui, implanté surtout dans la jeunesse estudiantine, se radicalisait de plus en plus en prenant des aspects subversifs.

Rapporteur pour la deuxième année consécutive, Paparrigopoulos fut à la hauteur de ces " deux tâches. Il n'oublia ni son appel à l'«unité nationale», ni l'éloge traditionnel de Rallis1. Mais, surtout,

A. Jugement de 1839, Πανδώρα 10 (1859-1860) 26. Rangabé, rapporteur de l'année suivante, sera encore plus complaisant envers le fondateur; rien dois son discours n'annonce la bro uille imminente avec le marchand de Trieste.

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l'usage d'un langage nouveau et adapté aux circonstances saute aux yeux. Jusque-là les rapporteurs ne citaient dΗabitude que les auteurs classiques, recourant le plus souvent à l'autorité de Platon, d'Aristote ou dΗorace. Dans la rapport de Paparrigopoulos, au contraire, nous ne rencontrons que les noms de Lamartine, Hugo, Alfred de Musset, Hégésippe Moreau, Béranger, Augustin Thierry et Chateaubriand1. Ce n'était pas, bien entendu, la première fois que des noms d'auteurs romantiques figuraient dans les textes des rapporteurs, maie nous en avons là une accumulation qui ne peut passer inaperçue.

Le changement, dû à des besoins aussi bien objectifs que subjec-tifs, est caractéristique. Ce n'était pas de l'extérieur et au nom de valeurs dépassées que le rapporteur de 1859 entendait prendre posi-tion sur la nouvelle poésie. Il était, et il voulait le montrer, lui aussi, «dans le coup»; nourri de la même littérature d'avant-garde que cer-tains des concurrents, il pouvait donc en parler en connaissance de cause. Mais nous sommes loin d'une mise en valeur inconditionnelle du romantisme français. Si Paparrigopoulos se montre un connais-seur aussi bien qu'un admirateur de la nouvelle école, il nΗésite pas à souligner ses aspects négatifs: l'éloge de H. Moreau et de «Myosotis» sera contre-balancé par une virulente attaque contre Béranger et la poésie politique2.

Un des concurrents de 1859 avait osé non seulement insulter la Russie et les tsars, la France, l'Angleterre, l'Autriche, le clergé de Rome etc., mais aussi «exprimer des idées horribles contre tout ordre social, ce qui est toujours inconvenant et indécent de la part d'un jeune homme, surtout d'un jeune Grec, qui a l'obligation de savoir et de ne jamais oublier ce que sa patrie doit aux grandes puissances bienfaitrices. Or, nous avons cru de notre devoir de blâmer cette inconvenance, étant donnée que le poète du drame 'Ραδιουργίας θύματα, lui aussi, nourrit contre les Anglais une haine entièrement déplacée, d'autant plus que de tels jugements portés par nos poètes sur la politique des grandes nations sont pour la plupart erronés. En général, nous faisons remar-quer à nos jeunes inspirés de Phébus que la poésie est tout à fait étran-gère à la politique, dont les problèmes pratiques, pour être résolus convenablement, ont besoin d'un terrain solide, alors que ces problèmes

1. En contrepartie, Aristote est cité par deux fois (Jugement de 1859, pp. 27-28 et 29) avec tout le respect possible.

2. Plus tard, Béranger et Moreau seront honorés ensemble et au même moment par N. Cazazis dans la revue Παρθενών 1 (1871-1872) 129-149 et 321-335.

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se déforment complètement quand ils s'élèvent en l'air par l'imagina-tion»1.

On ne fait pas moins de politique, naturellement, en prêchant l'apolitisme; le refus d'un ordre différent ne signifie-t-il pas un attache-ment à l'ordre établi? De ce point de vue, la suite du discours de Papar-rigopoulos est révélatrice: Béranger, «poète politique», ne fut pas indigne de sa gloire. «Mais fut-il en quelque chose utile à sa patrie? Ce qu'il cherchait principalement reste inconnu; partisan d'un régime démocrati-que, il a passé sa vie à combattre la royauté constitutionnelle. En 1848, cependant, lorsque ses vœux ont été exaucés, élu député à l'Assemblée Nationale il démissionna immédiatement, plein de répugnance pour le régime qu'il avait si longtemps désiré. A ses amis, qui lui demandaient pourquoi il ne se réjouissait pas de voir son rêve enfin réalisé, il ré-pondait: j'aurais souhaité que ce fût encore un rêve!»2.

La moralité est évidente: les changements politiques provoquant la déception, il vaut mieux ne pas les tenter. Ainsi, en 1859, Paparri-gopoulos, défenseur du «système», ne manquait pas de stigmatiser une politisation qui prenait des aspects purement oppositionnels. Certes, ce n'était pas la première fois que la politique faisait son entrée dans les concours. Mais Απάντησις εις τον ποιητήν Λαμαρτίνον (1855) de Carassoutsas, par exemple, poème politique conforme à l'idéologie dominante, ne s'attira pas le blâme du jury, pas plus que les poésies du même auteur présentées au concours de 1859 sous le titre caracté-ristique Πολιτικαί και πατριωτικαί μελέται : en fin de compte, la politi-que ne devenait «étrangère à la poésie» qu'à partir du moment où elle servait l'opposition. Là-dessus il n'y avait pas de doute.

Au demeurant, un romantisme idéologiquement conformiste et assez sage pour limiter son audace au niveau de la forme ne pouvait que recevoir, tout au moins de la part de Rangabé et de Paparrigopoulos, un accueil favorable. Rangabé lui-même n'avait-il pas rédigé, beaucoup plus tôt que Vernardakis, un manifeste romantique? En effet, dans sa Préface de Διάφορα ποιήματα (1837), il s'était présenté comme «un législateur romantique et réformateur», sans hésiter à attaquer les

1. Ibid., p. 29. 2. Ibid. Rangabé, l'année suivante, ne manquera pas, lui aussi, d'égratigner

Béranger, «comme s'il était le seul ou le plus grand des philhellènes»: Πανδώρα 11 (1860-61) 29. Faudrait-il voir en même temps, dans ces attaques, une désapproba-tion indirecte des activités littéraires et politiques d'Alexandre Soutsos?

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unités aristotéliciennes à l'exemple de V. Hugo («Cromwell»)1. Et il est vrai que depuis lors il avait abandonné la foi de sa jeunesse pour se tourner vers un classicisme de plus en plus accentué; mais ses rap-ports aux concours (1851, 1853, 1854), tout en faisant preuve d'un esprit classicisant, évitaient toute attaque directe contre le romantisme — ce qui ne serait plus le cas en 1860 — comme s'ils envisagaient encore une sorte de compromis.

Paparrigopoulos, lui, malgré son goût romantique plus prononcé, apparaissait, en*poésie, comme un disciple de Rangabé, s'en tenant à des généralités peu originales: «Les principales caractéristiques de la poésie lyrique sont trois: sentiment, imagination, langue»2. Aussi n'était-ce pas un hasard s'il critiquait les «rimes négligées» qui n'étaient que des assonances3: son ami, fanatique de la rime riche, avait pour la versification italo-heptanésienne une grande répugnance qu'il ne man-querait pas de manifester l'année suivante. Décidément, Orphanidis avait raison de croire que «MM. Paparrigopoulos et Rangabé sont les Damon et Pythias de notre époque; et une amitié étroite ne peut exister sans une identité de convictions, de principes et d'opinions»4.

Voici, cependant, les 11 œuvres présentées au concours de 1859 et, en résumé, les principales observations de Paparrigopoulos:

1) Μυρσίνη και Φώτος : roman en vers, «inadmissible» (et, par conséquent, exclu du concours), étant donné qu'il n'avait pas obtenu d'accessit, lorsqu'il avait été envoyé pour la première fois, deux ans plus tôt5.

2) Κλεινίας και Μαρία: roman en vers, plein de défauts: inven-tion très pauvre, images obscures et dépourvues de goût, versification et langue défectueuses, rimes négligées (assonances). Le jeune auteur manque de technique et de talent. Sa jeunesse n'est pas une excuse: H. Moreau, avant d'écrire son très gracieux «Myosotis», faisait déjà, à 19 ans, des vers remarquables.

3) Ωδή εις την αναγραφην του Σίμωνος Σίνα ως πολίτου Έλληνος:

1. C. Th. Dimaras, «Ρομαντικά σημειώματα Δ' - Η ελληνική σκέψη και το θέμα του ρωμαντισμού στα χρόνια 1829-1839», Athènes 1945, pp. 8 sq. [Extrait de la revue Γράμματα 8 (1945) 77-78].

2. Jugement de 1859, p. 32. 3. Ibid., pp. 26-27. 4. Th. Orphanidis, Άγιος Μηνάς, Athènes 1860, p. 114. 5. Jugement de 1859, p. 26. Il s'agit de l'œuvre de S. Carydis qui était présentée

au concours de 1857. Coumanoudis pourtant l'avait qualifiée de «poème épique», La terminologie littéraire employée par les rapporteurs est souvent nuancée.

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poème en 724 vers, aussi insignifiant que le poème précédent. L'auteur, un débutant, ne manque pas de bons sentiments. Mais ses flatteries, adressées à Sinas, aux héros de la Révolution, au couple royal, aux ministres, etc., dépassent la mesure; «du sublime au ridicule il n'y a qu'un pas», rappelle Paparrigopoulos. Les rimes, meilleures que dans le poème précédent, sont cependant défectueuses 1.

4) Λακωνία και Ιβραΐμ Πασάς : poème épique, se référant aux attaques malheureuses de l'armée égyptienne contre la Laconie, en 1826. La langue et la versification ne manquent pas -de fautes. Récit versifié, cette œuvre a plus ou moins une valeur historique, mais elle n'a rien à voir avec la poésie2.

5) το Σούλι : poème épique, racontant les luttes des Souliotes con-tre Ali-pacha. Comme dans le poème précédent, l'auteur fait un tra-vail dΗistorien plutôt que de poète. Mais la versification ici est irré-prochable et la langue précise8.

6) Σχέδιον τραγικού δράματος: ignorance des règles dramatiques, versification maladroite, langue défectueuse: ces défauts caractérisent aussi, dans une large mesure, les deux œuvres suivantes.

7) Κάρολος Αλβεργάϊμ : drame en trois parties. 8) Ραδιουργίας θύματα : drame en six actes. L'intrigue, longue-

ment développée par le rapporteur, témoigne d'une confusion totale. Mais la versification est meilleure que dans les drames précédents, la langue plus correcte et les images parfois gracieuses.

9) Στάχυς : recueil de poésies lyriques, «produit, évidemment, de cœur, d'imagination, de langue, et d'inexpérience juvéniles». L'auteur insulte les Grandes Puissances et nΗésite pas à «exprimer des idées horribles contre tout ordre social». Mais ces poésies, malgré leurs dé-fauts, ne manquent pas parfois de sentiment et de grâce :

εις ύμνος προς τον Ύψιστον η φυσις όλη είναι και στέλλουσι προς τον Θεόν την δρόσον των αι κρήναι,

1. Ibid., p. 27. Le journal Πρωινός Κήρυξ, 28 mars 1859, attribue cette Oeuvre à «un fonctionnaire du Ministère de la Justice, originaire de l'île de Ténos».

2. Jugement de 1859, pp. 27-28. Selon Πρωϊνός Κήρυξ, op. cit., ce poème est l'œuvre d'«un ancien employé d'ambassade, originaire de Messénie et parent d'un ministre».

3. Au concours de 1871 nous retrouvons un poème épique sous le même titre, qualifié par le rapporteur Mistriotis d'«imitation de Zalocostas»; il s'agit, peut-être, d'une autre version de la même œuvre. Cependant, nous ne sommes pas en mesure de vérifier si le poème en question a un rapport avec celui de A. Catacouzinos, T ο Σούλι, Athènes 1885.

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το άσμα της η αηδών, το μύρον του το ρόδον, τον ήχον του τον πένθιμον ο του χωρίου κώδων1.

10) Πολιτικοί και πατριωτικοί μελέται : «œuvre d'un homme mûr, qui possède une langue savante et concrète, une versification harmoni-euse et précise, des images originales et nobles, un style sublime et héroïque». Malheureusement, ces qualités n'apparaissent pas dans tou-tes ces «études», parmi lesquelles les plus remarquables sont les 4 pre-mières: H παντεχνία του ανθρώπου, Χριστιανισμός και πολυθεΐα, Στροφαί

εις Βύρωνα, Ο θάνατος του Ιβραΐμη. Le rapporteur présente de longs extraits de la troisième et quatrième «étude»2.

Il s'agissait d'une œuvre de Jean Carassoutsas3. 11) Οι Κυψελίδαι : tragédie en 5 actes, dont les 3 premiers sont

envoyés au concours. L'auteur est un connaisseur de la langue, de lΗistoire, de la versification et de l'art dramatique. Défaut principal: la transformation de lΗéroïne en prostituée. Autres défauts: la pro-lixité, parfois «insupportable», et quelques trimètres défectueux. Bien que supérieure aux «études» précédentes, cette tragédie ne peut pour-tant pas remporter la victoire, étant incomplète. C'est ainsi que le prix n'est décerné à aucun des poètes participants. Les poèmes Κυψε-λίδαι et Μελέται n'ont droit qu'à des accessits. Mais, cette fois-ci, le jury ne dépensera pas les 1.000 drachmes de Rallis à la récompense d'une bonne traduction ou à l'achat de livres pour la Bibliothèque Universitaire, comme il fait souvent, lorsque aucune œuvre n'est cou-

1. Jugement de 1859, p. 30. 2. Ibid., pp. 30-31. 3. La première, troisième et quatrième de ces «études» sont publiées dans Η

Βάρβιτος, op. cit., pp. 8-11, 55-58, et 59-62 [=C. Th. Dimaras, Ποιηται του I Θ΄ αιώνος, pp. 126-127, 143-144 et 145-146]. Nous ignorons le nombre exact des «études» en-voyées par Carassoutsas au concours de 1859. Si, selon P. Matarangas [Mat. Parn., pp. 363-364), Η Βάρβιτος contient «les poèmes envoyés aux concours de 1856 et 1859», elle n'offre pas la possibilité de reconstituer le recueil Πολιτικοί και πατριω-τικοί μελέται. Nous connaissons seulement les 4 «études», nommées et citées par Paparrigopoulos. Il est possible, cependant, qu'au même recueil ait appartenu aussi le poème εις τον θάνατον του φιλέλληνος ποιητού Βερανζέρου (Η Βάρβιτος, pp. 21-24), poème que le rapporteur n'avait aucune raison de mentionner, au moment où il attaquait Béranger et le nouvel intérêt suscité en Grèce par sa mort (1857). Quant au titre du récueil de Carassoutsas, il est cité variablement: Μελέται ποιητι-

καί και πατριωτικαί (Jugement de 1859, pp. 26 et 32), Πολιτικαί και πατριωτικαί με-λέται (Ibid., p. 30; Α. Vlachos, Ανάλεκτα, t. II, p. 74; Mat. Parn., p. 363), Εθνικαί μελέται ή τα Ιμβραημιακά (Πρωινός Κήρυξ, 21 mars 1859), Εθνικαί και πατριωτικαί μελέται (Πρωινός Κήρυξ, 28 mars 1859).

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couronnée. Georges Zalocostas, mort le 2 septembre 1858, a trop marqué par sa présence les concours et la poésie néohellénique pour ne pas être digne d'un honneur posthume. C'est pourquoi le recteur est chargé par le jury de remettre la couronne et le prix à la veuve du poète et, en même temps, de communiquer cette décision au fondateur Rallis pour lui demander son avis1.

C'était la première fois que le prix était décerné à un poète mort2. On ne pouvait donc que s'incliner devant cette décision, sous peine de porter atteinte à la mémoire de Zalocostas. Orphanidis, lui aussi, signait de bonne grâce le verdict du jury; il ne manquait pas ainsi de se montrer, encore une fois, magnanime pour son ancien adversaire, après avoir écrit élogieusement sa nécrologie3. Du reste, aucun reproche ne pouvait être formulé par les deux «favoris» du concours de 1859. Carassoutsas n'avait pas lΗabitude de chicaner sur les décisions du jury, et chaque fois qu'il publiait ses poèmes, il passait même sous silence leur envoi au concours4. Quant à Vernardakis, auteur de Κυ-ψελίδαι, il n'avait aucun intérêt à contester, cette fois-ci, le verdict du jury, non seulement par respect pour Zalocostas, mais aussi parce qu'il comptait envoyer de nouveau sa tragédie, complète, au concours de l'année suivante. En général, les poètes participants, en 1859, firent preuve d'une sagesse compréhensible. On eût dit qu'une trêve était conclue au-dessus d'un cercueil. Dans ces consitions, si le recteur D. Stroumbos condamne de nouveau la conduite passionnée des concur-rents, il la situe pourtant «dans le passé»5, comme s'il voulait, en évo-quant ce triste souvenir, exorciser les démons et empêcher, en quel-que sorte, la reproduction de tels incidents dans l'avenir.

Quoi qu'il en soit, l'Athènes littéraire pouvait nourrir pour l'instant toutes sortes d'illusions. Les apparences trompaient, les faits essentiels passaient presque inaperçus. Au moment où les Ευρισκόμενα

1. Jugement de 1859, pp. 31-33. Le recteur D. Stroumbos affirme que Rallis a donné son consentement: R.R. de 1859, p. 31.

2. Le journal Έλλην, 30 mars 1859, décrit la visite rendue à la veuve du poète, Catherine Zalocostas, qui exprime ses remerciements dans Georges Zalocostas, Τα άπαντα, Athènes 1859, pp. ς'-ζ'.

3. Πανδώρα 9(1858-1859) 295-296. 4. En 1859, c'est P. Soutsos qui prend sa défense, affirmant qu'un tel poète

n'a pas besoin de prix: journal Ήλιος, 7 avril 1859. Carassoutsas, à son tour, rend hommage à l'auteur de Nia Σχολή et lui dédie un poème: Η Βάρβιτος, pp. ε'-ς' et 146-151.

5. R.R. de 1859, p. 31.

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μενα de Solomos paraissaient à Corfou, C. Paparrigopoulos faisait un bilan enthousiaste de la production des concours, et l'attention athénien-ne était principalement attirée par les Oeuvres Complètes de Zalo-costas. Les étudiants s'agitaient, mais l'intérêt général né portait pas moins sur des actes de «reconstitution», tels que les Jeux Olympiques, célébrés la même année avec éclat1. Les concours traversaient un mo-ment d'accalmie qui n'allait pas durer longtemps: après la trêve, la reprise des hostilités devait être acharnée plus que jamais.

5. 1860: La fin du concours de Rallis

Rien cependant n'annonçait encore la fin du concours de Rallis. La cérémonie du 25 mars se déroula comme à l'accoutumée2. Une fois de plus, A.R. Rangabé fut rapporteur; c'était lui qui devait clore cette période, comme il l'avait inaugurée. Libre, enfin, de ses obliga-tions ministérielles (1856-1859), il pouvait revenir à la littérature et, épaulé par son ami C. Paparrigopoulos dans un jury présidé par le recteur V. Iconomidis, imposer sa volonté facilement. «Jamais le jury du concours ne fut composé de deux membres ou, pour ainsi dire, d'un seul», commente ironiquement Th. Orphanidis3.

Rangabé ne manqua pas de faire preuve de ses dons diploma-tiques. Tout d'abord, l'éloge de Rallis, prononcé pour la dernière fois dans la Grande Salle de l'Université, fut d'une politesse chaleureuse; on eût dit que le rapporteur de 1860, modéré et conciliant, ne voulait pas perdre l'occasion de rétablir un contact avec le fondateur, au mo-ment où celui-ci suscitait le mécontentement de nombreux universi-taires. Ensuite, les concours, en général, furent présentés comme un succès incontestable: «non seulement ils donnèrent à la ville d'Athènes et à la Grèce tout entière la possibilité de respirer, une fois par an, un souffle de poésie, mais aussi ils poussèrent de nombreux poètes, ignorant leur propre talent ou le laissant inculte, à tenter leur chance...»4.

Cela dit, la production poétique, telle qu'elle se manifestait aux concours, était, dans son ensemble, critiquable. Le manque d'originalité

1. Voir une description caractéristique dans la revue Πανδώρα 10 (1859-60) 403-405.

2. Voir les comptes rendus dans la revue Πανδώρα 11(1860-61) 25, et dans les journaux Πρωινός Κήρυξ, 1er avril 1860, et Η Ελπίς, 2 avril 1860.

3. Th. Orphanidis, Άγιος Μηνάς, op. cit., p. 114. 4. Jugement de 1860, Πανδώρα 11(1860-1861) 26.

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constituant son défaut principal, Rangabé était obligé de faire un bilan de la situation peu positif, et, .en quelque sorte, de sonner l'alarme, sans toutefois rien perdre de son esprit: «...depuis quelques temps, la plupart des héros de nos poètes, après avoir plus ou moins lutté pour la patrie, reçoivent leur maîtresse qui, déguisée en homme, vient com-battre avec eux; ils deviennent ensuite moines, puis vont se confesser, se reconnaissent comme frères de leurs maltresses et comme fils de leurs confesseurs, et enfin meurent. Ils ont tous un air de famille et ils semblent être nés sous la même étoile, une étoile dont les rayons dissipent cependant rarement l'atmosphère de froideur et d'invrai-semblance qui les entoure»1. Mais le rapporteur de 1860 était moins allusif, lorsqu' il rappelait que «chez nos nouveaux poètes nous ren-controns un abus de passions et de malheurs, qui est, à notre avis, un héritage sentimental d'Οδοιπόρος, fils adoptif de Byron»2. Ainsi le nom du coupable, ou plutôt des coupables, était-il prononcé: Byron et P. Soutsos pourraient passer comme les premiers responsables d'une dégradation touchant la nouvelle poésie athénienne.

Du reste, préoccupé par les problèmes de la forme, Rangabé y revenait de bonne grâce. Si la langue populaire, définitivement évincée des concours, n'était plus un ennemi à combattre, le danger d'un im-broglio linguistique semblait toujours présent; le remplacement du datif par l'accusatif ou par le génitif en témoignait; aussi le vulgarisme risquait-il de «submerger notre langue et littérature d'aujourd'hui»'. Mais le côté esthétique du problème était, lui aussi, important: en tant qu'«outil du poète», la langue devait, avant tout, être soignée. «Il va de soi que, lorsque nous parlons ici d'une belle langue, nous n'entendons pas le degré de son rapprochement avec la grammaire an-cienne, mais nous exigeons d'elle précision, art, richesse et beauté, quel que soit le degré de l'échelle linguistique sur laquelle elle se trouve»4. Il y avait donc, sur le chemin qui conduisait à la grammaire ancienne, plusieurs étapes acceptables, pourvu que les déviations vulgaristes fussent évitées. Néanmoins, le rapporteur de 1860 n'avait pas, au fond, la tâche facile; représenter une doctrine «helléno-chrétienne» d'essence romantique, militer pour la langue savante et, en même temps, vou-loir s'en tenir à une esthétique néo-classique, ne constituait certainement

1. Ibid,., p. 29. 2. Ibid., p. 33. 3. Ibid., p. 32. 4. Ibid., p. 27.

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ment pas un ensemble de valeurs cohérent et sans équivoque. Rangabé ne manquait sûrement pas du sens de la mesure; mais, enclin aux com-promissions plutôt qu'à la synthèse, il avait l'esprit trop vif pour aller au fond des choses et il était trop éclectique pour s'apercevoir de ses propres contradictions.

Son souci de la perfection formelle se manifestait de nouveau, en 1860, dans l'importance qu'il attachait à la rime. La versification ita-lienne et, par conséquent, celle des poètes heptanésiens était, aux yeux de Rangabé, condamnable: elle négligeait l'identité des consonnes aux dernières syllabes des vers rimés. C. Paparrigopoulos, l'année précé-cédente, comme nous l'avons vu, avait pris la même position; et ce n'était pas un fait dû au hasard. Si les mentalités, exprimées par les hommes, constituent aussi bien des objets d'étude prééminents que des fils conducteurs, nous pouvons voir là clairement une mentalité phanariote qui, dépourvue d'une vision tragique du monde, trouve son expression la plus significative dans une poésie où les mots, habile-ment agencés, ne fonctionnent qu'au niveau d'un jeu ou d'une dé-coration élégante et artificielle, selon l'exemple d'Athanase Christo-poulos (1772-1847). Et c'est dans ce sens que la rime assume un rôle des plus importants. Néanmoins, Rangabé se montre, à cet égard, fort libéral: «le poète n'est pas obligé de rimer, puisque il n'est même pas obligé d'écrire, mais du moment où il accepte la rime, il doit la supporter avec grâce et facilité, non pas comme une chaîne mais comme un ornement, non en tant que vaincu mais en tant que vainqueur et, par conséquent, jouant contre tous les obstacles de celle-ci...»1.

Cette prise de position mérite quelques remarques. La rime, in-vention étrangère («barbare», selon Coray et Calvos) ne pouvait, en principe, que susciter toute l'hostilité d'un classicisme directement orienté vers la poésie grecque ancienne. Sa domination, cependant, dans la production poétique du XIXe siècle ne saurait être sérieuse-ment mise en doute. Les madrigaux phanariotes consacraient la rime comme un «ornement» indispensable; le romantisme, athénien ou heptanésien

1. Ibid. C'est nous qui soulignons les mots caractéristiques grâce, facilité, ornement, jouant. En 1877, Rangabé employait presque les mêmes mots, lorsqu'il parlait de la rime, «cette chaîne pesante, cette entrave de la pensée pour le versifica-teur inhabile, mais qui devient une guirlande de fleurs, une auxiliaire gracieuse et un ornement des idées dans les mains qui savent la manier»; A.R. Rangabé, Histoire littéraire, op. cit., t. I, p. 117. Il ne pouvait pas soupçonner un conflit éventuel entre la matière et l'écriture, tel qu'il se manifeste, par exemple, chez Solomos. Son souci du style était superficiel et extérieur: le besoin d'un décor élégant.

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nésien, la favorisait incontestablement; le culte de l'Antiquité ne put l'ébranler. Au moment où commençaient les concours universitaires, P. Soutsos la qualifiait sans hésiter, elle aussi, d'«une belle invention de la Grèce ancienne»1.

Si, dans le cadre des concours, le recul de la rime devient sensible avec le temps, il peut être attribué à deux facteurs principaux: à l'influence grandissante des chants populaires et, surtout, à l'usage des mètres anciens2. Mais les choses n'étaient pas claires dès le début; en 1853 encore, Rangabé, au nom du jury, considérait «la difficulté de la rime» comme un des avantages de Zalocostas contre Tertsétis. Il a fallu, peu après, le virage «classique», coïncidant avec le rejet dé-finitif de la langue populaire, pour mettre à la mode une versification qui excluait virtuellement la rime. Le trimètre iambique, lancé par Coumanoudis en 1851, était repris par Vernardakis en 1854; l'hexa-mètre, lancé par Rangabé3, devenait le vers dominant en 1855 et 1856. Zalocostas fut un des premiers à se plier à la volonté des universitaires; il accompagnait Δάκρυα (1855), poème en hexamètres, de la note sui-vante: «j'ai toujours cru que nous devions dans l'avenir briser le joug étranger de la rime, car nous avons une langue encore plus harmonieuse que l'italienne. J'ai voulu en cela écouter les avis de l'Université. — Pourquoi ai-je employé une seule forme d'hexamètre? J'ai considéré là variété de celui-ci comme intempestive, notre ouïe étant encore inexercée et déjà corrompue par le balancement (δραμπάλαν) du vers de quinze syllabes»4. Si, deux ans plus tard, Coumanoudis rendait hommage au vers de quinze syllabes, il ne se félicitait pas moins de

1. P. Soutsos, T α Άπαντα, t. I, Athènes 1851, p. Θ'. 2. Il ne faut pas oublier que les vers sans rime constituaient, pour de nom-

breux poètes participants, une solution de facilité. Les jurys étaient conscients de ce phénomène.

3. Dans son drame Φροσύνη (1837) et dans sa traduction du prèmier chant de l'Odyssée·. A. R. Rangabé, op. cit., t. II, pp. 72-73; cf. Th. Orphanidis, Άννα και Φλώρος, op. cit., p. 6, et A.S. Caravas, op. cit., p. ιη'. Il est toutefois caractéristique que, plus tard, Rangabé changera d'avis sur l'opportunité de l'hexamètre. «Il n'en a pas fait un autre usage dans ses poésies», remarque-t-il parlant de lui-même (Ibid., p. 73), comme s'il regrettait d'avoir commis par deux fois la même erreur. Et, l'an-née suivante, il adoptera sans équivoque l'opinion exprimée par Coumanoudis en 1857: «Ce vers [l'hexamètre] sera chez nous toujours artificiel et contraire à l'esprit de notre langue, dans l 'état actuel de sa prononciation»: A. R. Rangabé, «Περί της καθ' ήμας στιχουργίας», Παρνασσός 2 (1878) 576-577.

4. G. Zalocostas, Τα Άπαντα, Athènes 18732, p. 108. Clin d'œil à Rangabé, cette note semble viser principalement Tertsétis. En 1891, C. Palamas la commen-

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l'emploi de mètres anciens, «car nous avons cru bon que nos nouveaux poètes s'éloignassent un peu de l'usage exclusif de la rime»1.

Il est donc certain que l'esprit universitaire s'accommodait mal de la versification moderne, soucieux de voir, avant tout, la poésie néo-hellénique en plein accord avec celle de l'Antiquité. Beaucoup plus tard, Rangabé paraît à la fois étonné et indigné «car presque tous ceux qui ont écrit sur la Grèce moderne affirment que sa versi-fication repose sur des bases toutes différentes de celles de la versifica-tion ancienne. C'est une erreur. Quand les Grecs aujourd'hui font de mauvais vers, ils les font dans le même moule où étaient coulés les chefs-d'oeuvre de leurs ancêtres»2. C'est dans ce sens que les princi-paux vers préconisés dans le cadre des concours par les rapporteurs — l'hexamètre (par Rangabé), le trimètre iambique et le vers de quinze syllabes (par Coumanoudis) — non seulement avaient tous des titres anciens5, mais aussi présentaient un avantage non négligeable: ils étaient, en principe, incompatibles avec la rime «étrangère».

Toutefois, à partir d'un certain moment, les signes d'un autre esprit devenaient sensibles. Les rapporteurs Castorchis et Coumanou-dis avaient été remplacés par Paparrigopoulos et Rangabé, et le néo-classicisme phanariote avait fait son apparition pour assumer, lui aussi, et par ses propres moyens, la lutte antiromantique. Paparrigopoulos s'était déjà opposé à Coumanoudis, lorsque, en 1859, il avait, en quelque sorte, réhabilité la rime en insistant sur sa richesse. Dans la mesure où le groupe d'Assopios avait présenté une poétique commune, il avait avancé un certain nombre de valeurs qui, bien que peu cohérentes à première vue, trouvaient leur unité profonde dans le goût du naturel: poésie classique et chants populaires, mètres anciens et vers de quinze syllabes sans rime, connaissance de la nature et santé morale, Ερωτό-κριτος, Vilaras, Solomos, Tertsétis. Déjà, sous le pouvoir absolu de Rangabé, le goût du naturel cédait la place au goût de l'artificiel·, la rime, «ornement» du vers, revendiquait de nouveau ses droits, dans une écriture où l'élégance, la grâce et le jeu constituaient les valeurs

commentera pertinemment, dans un portrait de Zalocostas où le style polémique n'empêche ni la clairvoyance ni la justice: Pal. Α., t. II, pp. 249 et sq.

1. Jugement de 1857, Πανδώρα 8(1857-1858) 28. 2. A. R. Rangabé, Histoire littéraire, op. cit., t. I, p. 118. 3. Le vers de quinze syllabes, appelé souvent «tétramètre iambique» par Ran-

gabé et autres, n'était pas moins considéré comme un vers ancien. Selon C. Sathas, op. cit., p. 310, il a été utilisé par certains poètes de l'Antiquité, mais non de façon systématique.

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dominantes. On proposait comme remède au morbide (byronisme) l'insouciance, on essayait de barrer la route à P. Soutsos par un retour à Christopoulos.

Rangabé, lui, avait trop contribué à la mode de l'hexamètre pour pouvoir se prononcer soudain contre les vers sans rime; il lui fallait donc adopter, sur cette question, une attitude libérale. En fin de com-pte, avec rime ou sans rime, le classicisme était le seul moyen de sortir de l'impasse byronienne1. Or, en 1860, Rangabé devait continuer — bien que disposant d'armes différentes —le combat antiromantique de Coumanoudis et, par une ironie du sort, se faire les mêmes ennemis: Orphanidis et Vernardakis.

Les 14 poèmes présentés au concours de I860, avec leurs 20.000 vers environ, avaient de quoi mécontenter un jury composé de trois membres. Mais Rangabé s'en félicitait: la moitié de ces poèmes se référaient, entièrement ou en partie, à la Révolution Grecque. Une telle ferveur patriotique était, sans doute, digne d'exaltation.

Le rapporteur classait les poèmes présentés dans 4 catégories principales, dont la première comprenait 4 œuvres insignifiantes et à rejeter:

1) Un mélodrame. Il s'agissait de l'œuvre déjà mentionnée du fondateur A. S. Rallis.

Sa publication luxueuse, quelques années plus tard, avait comme ob-jectif, ainsi que l'expliquait l'auteur, d'apporter une aide financière à la révolution crétoise2.

2) Ο υιός της πτωχής. 3) Ο έμπορος ποιητής. Il s'agissait du même poème qu'Emmanuel avait présenté au

concours de 1857 et publié à Hermoupolis en 1858. De toute évidence,

1. Romantique dans sa jeunesse (Διάφορα ποιήματα , t. I, 1837), mais orienté de plus en plus vers l'archaïsme, Rangabé peut être considéré, à juste titre, comme «le premier antiromantique manifesté systématiquement»: Pal.A., t. VIII, p. 508. Sans doute, des poèmes tels que Διονύσου πλοϋς(1864) et Ο γοργός ιέραξ (1871) montrent-ils en lui un partisan convaincu du classicisme et qui, depuis longtemps, «a renié ses premières convictions»: C. Th. Dimaras, Histoire, p. 303. Mais il serait futile de chercher à situer, dans une telle évolution, le moment précis de la «rupture», alors que manifestations romantiques et classiques se recouvrent en partie et coexis-tent. Palamas pensait, sans doute, à des hommes comme Rangabé, lorsqu'il quali-fiait le phénomène du romantisme néo-hellénique de «singulier»: Pal. Α., t. I, p. 17.

2. Oι Κλέπται, μελόδραμα εις δύω πράξεις διηρημένον (Εκδίδοται δαπάναις Α. Σ. Ράλλη), Trieste 1866.

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Rangabé ignorait ces précédents, sinon il n'aurait pas accepté de juger ce poème.

4) Ο Δερβίσης. A la deuxième catégorie appartenaient 4 poèmes épiques, ayant

les mêmes qualités (versification et langue correctes) et, à peu près, les mêmes défauts (prosaïsme, énormités):

5) Ο Θ. Κολοκοτρώνης ή ο ελληνικός αγών του 1821 : poème en vers rimés et sans rime alternativement.

6) Ο Έλλην της Κορίνθου : poème en hexamètres harmonieux. L'intrigue est invraisemblable et compliquée. L'auteur envoie aussi deux élégies pleines de lieux communs, Θάνατος et Μελαγχολία.

7) Ο Πύργος της Βορδώνης : poème en vers rimés, comportant un passage en trimètres iambiques. Prosaïsme, invraisemblances.

8) Το όνειρον, ήτοι η σκιά Κωνσταντίνου του Παλαιολόγου : poème en vers anapestiques, racontant platement la chute de Constantinople1.

La troisième catégorie comprenait 3 poèmes lyriques : 9) Η νεανική καρδία : œuvre dépourvue de toutes les qualités

qui sont propres à la poésie lyrique. 10) Εμπνεύσεις : poésies qui, malgré leurs défauts, se distin-

guent par la versification harmonieuse, la langue colorée, la chaleur du sentiment et l'originalité des idées. Sont cités des extraits des poèmes Πρός τούς Ηπειρώτας, εις το έαρ et Ό θάνατος του Ιούδα2.

Il s'agissait de la deuxième participation de P. Matarangas3. 11) Ποιημάτια: recueil de poésies lyriques. Principales qualités:

versification correcte, langue pure et précise. Sont largement cités des extraits des poèmes Άγαλμα et Ο μέγας Επαίτης4.

1. Jugement de I860, pp. 27-29. 2. Ibid., pp. 29-30. 3. Sp. De Biazi, principal biographe du poète, ignore cette participation.

Selon lui, Matarangas avait été loué par Rangabé au concours de 1856 pour Νεανικά αθύρματα, recueil auquel appartenait aussi le poème Προς τους Ηπειρώτας, publié

anonymement en 1860 dans le journal Η Έλπίς et qualifié par C. Lévidis de «supé-rieur à tous les poèmes grecs»: Ποιητικός Ανθών 2, 24 mai 1887, p. 590. Mais, en 1856, le rapporteur du jury était E. Castorchis, tandis que le poème Προς τους Ηπει-ρώτας, daté de 1859 (Mat. Parn., pp. 813-821) et reproduit partiellement dans Ποιη-τικός ανθών 2, 10 mai 1887, pp. 550-553, daté de 1860, ne pouvait évidemment pas appartenir au recueil de 1856. Nous signalons, à cette occasion, que la brochure anonyme Ποιήματα Λυρικά υπό*** A' Προς τους Ηπειρώτας, Athènes 1860 (voir GM* 8395) a comme auteur P. Matarangas. Les poèmes εις το έαρ (1859) et Ο θάνα-τος του Ιούδα (1858), cités par Rangabé, sont reproduits dans P. Matarangas, Φαντα-

σία και καρδία, op. cit., pp. 33-37 et 117-120. 4. Jugement de 1860, pp. 30-31.

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Il s'agissait de la première participation d'Alexandre Vyzantios (1841-1898)1. A 19 ans, l'homme qui devait se distinguer plus tard comme éditeur du journal Νέα Ημέρα de Trieste, faisait déjà montre d'un tempérament fougueux. Appartenant à la «jeunesse dorée» d'Athènes, il ne cachait pas son hostilité pour le régime d'Othon2. La politique entrait déjà dans sa vie, ainsi que la littérature. Fils de Scar-latos Vyzantios, Alexandre avait connu dans la maison paternelle de nombreux intellectuels, «parmi lesquels excellait A. R. Rangabé, ayant exercé une influence bénéfique... tant sur Anastase que sur ses frères» 3.

Cette influence dans Ποιημάτια était manifeste. On y chercherait en vain l'ardeur spontanée d'un jeune homme de 19 ans; elle était sacrifiée aux exigences d'un classicisme froid, d'une versification soi-gnée, d'une langue archaïsante:

Τα έργα του εκείνα πλάττων εδώ το μέτωπον ο Πλάτων

εστήριξ' ίσως εμβριθής,

1. Sur Alexandre Vyzantios voirsurt out: A. R. Rangabé, Histoire littéraire, op. cit., t. II, pp. 128-134; A. Vlachos, «Αλέξανδρος Σ. Βυζάντιος», journal Νέα Ημέ-ρα, 15/27 janvier 1899 (=Ανάλεκτα, t. II, pp. 264-269]; Skokos, Ημερολόγιον 15 (1900) 161-163; Έργα Αλεξάνδρου Σ. Βυζαντίου. Εκδίδονται υπό Γρηγορίου Σ. Βυ-ζαντίου, Athènes 1902, pp. ε ' - ι γ ' ; D.C. Vardouniotis, « Ή νεότης ενός ποιητού», Μικρασιατικόν Ημερολόγιον 1913, pp. 337-339; Th. Vfellianitis], Βυζάντιος Αλέξαν-τρος, MEE 7(1929) 922.

2. Son frère Anastase allait être arrêté, avec Ach. Paraschos, Ialémos, Vitalis et C. Mavromichalis, pour la manifestation du 3 septembre 1860: Πρωϊνός Κήρυξ, 10 septembre 1860. Alexandre, assagi plus tard, évoquera avec tristesse le «bizarre mouvement» de 1859 qui aboutit, en 1862, au renversement du trône «par la fougue irraisonnable d'enfants... Nos têtes brûlaient des aventures dramatiques de la Ré-volution Française»: Έργα Αναστασίου Σ. Βυζαντίου. Εκδίδονται υπό Αλεξάνδρου Σ. Βυζαντίου, Trieste 1893, pp. ζ'-η'.

3. Ibid., p. α'. En 1892, écrivant la nécrologie de Rangabé, A. Vyzantios attestait qu'«il l'avait connu dans son enfance, il l'avait aimé et il l'avait respecté comme un père»: Έργα Αλεξάνδρου Σ. Βυζαντίου, op. cit., p. 105. Rangabé lui-même confirme ses rapports amicaux avec le jeune Alexandre dans Απομνημονεύ-ματα, t. III . Athènes 1930, pp. 77 et 94; cf. son poème εις το λεύκωμα Αλ. Σ. Βυζα-ντίου, dans Rapt. Parn., pp. 357-360. Il faut noter que Rangabé accordait de bonne grâce son amitié et ses faveurs aux jeunes poètes qui passaient, en quelque sorte, pour ses disciples. Vernardakis, jusqu' en 1860, faisait partie de ses «protégés»; P. Matarangas, nommé par lui en 1858 Secrétaire au Consulat de Jannina (Sp. De Biazi, op. cit., p. 590), devait lui rester fidèle toute sa vie; Gr. Stavridis .et G· Vizyinos, ainsi que nous allons voir, connurent de la part de Rangabé une faveur qui fit scan-dale.

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μέτωπον κόσμους περικλείον, και του οποίου το φορτίον θα σε εκλόνισεν ευθύς.

Mais le jeune poète n'avait pas à se plaindre; il obtenait au con-cours de 1860 la quatrième place et, publiant bientôt ses poèmes, trou-vait que l'indulgence de Rangabé envers lui avait dépassé ses espoirs1.

Enfin, à la dernière catégorie appartenaient les 3 meilleures oeuvres du concours :

12) Άγιος Μηνάς : poème épique. Son défaut principal: l'intrigue invraisemblable, qui rappelle le poème de P. Soutsos Οδοιπόρος, «fils adoptif de Byron». Les fautes de grammaire et de versification ne man-quent pas. Mais les qualités sont remarquables: versification harmoni-euse, idées heureuses, force descriptive, imagination vive, images réussies2.

Il s'agissait d'une œuvre de Th. Orphanidis3. 13) Κυψελίδαι : tragédie. Ses trois actes envoyés l'année précé-

dente sont complétés par deux autres, et l'auteur, ainsi qu'il l'explique dans une lettre aux juges, a l'intention d'en ajouter un sixième. La lan-gue est parfaite et la versification bonne. Mais les défauts abondent: absence de poésie, manque d'unité et de sens dramatique, dialogues prosaïques, longueurs. Il est difficile de distinguer le héros principal. Cette tragédie est placée par le jury au même niveau que le poème précédent4.

Il s'agissait d'une œuvre de Vernardakis, publiée telle qu'elle avait été envoyée au concours de I8605.

14) Ο Αρματωλός : poème épique en vers rimés de quinze et de huit syllabes. Oeuvre de grande valeur, comparable aux produits de l'art antique. La langue est pure et impeccable, l'intrigue simple et émouvante. «Ici, il n'y a rien de superflu, de brumeux ou d'ambigu,

1. A.S. Vyzantios, Ποιημάτια, Athènes 1860, p. 3. Un long compte rendu de ce livre, signé Α. (Η Ελπίς, 20 décembre 1860), faisait l'éloge de Rangabé et relevait les principales qualités du jeune Vyzantios: maturité, imagination sage et virile, préférence pour les sujets de guerre, simplicité. L'auteur de cet article, Rangabé lui-même, est aisément reconnaissable.

2. Jugement de 1860, pp. 31-34. 3. Th. Orphanidis, Άγιος Μηνάς (Επεισόδιον εκ της Ελληνικής Επαναστάσεως).

Ποίημα λυρικο-επικόν εις άσματα τέσσαρα, Athènes 1860. 4. Jugement de 1860, pp. 49-53. 5. D. Vernardakis, Κυψελίδαι. Μέρος A'. Τραγωδία εις πράξεις πέντε, Leipzig

1860, p. κ'·

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mais chaque vers brille comme une pure perle, placée à l'endroit con-venable d'un riche collier». Vu que ses qualités sont grandes et ses défauts secondaires, le poème en question est considéré par le jury comme digne de la couronne1.

Les jeux étaient faits. Un étudiant en médecine, Grégoire Stavri-dis, 30 ans, originaire d'Ohrid, devançait soudain des «favoris» tel que Orphanidis et Vernardakis pour recevoir le prix de 1.000 drachmes2. Nous savons aujourd'hui que ce que Rangabé qualifiait de «miniature classique» n'était, en réalité, qu'un poème quelconque de l'époque, écrit dans une langue archaïsante, froide et pleine de lieux communs, d'hiatus et de réminiscences homériques:

Ταύτα μεν ούτοι έπραττον έκλαιε δε αθλία κόρη εις θάλαμον κλειστή

τον φίλον της Κοσμάν. Τις ην; Η ν αύτη η Μαρία, η καλλιβλέφαρος μνηστή3

Nous savons aussi, grâce aux recherches de Dorothea Kadach, que ce jeune «macédonien» ou «bulgare», né en 1830 et venu à Athènes pour faire des études en 1850, s'était déjà montré, même avant son apparition aux concours, un versificateur farouchement philhellène: lorsque, en 1858, dans une lettre anonyme, on avait voulu attribuer sa haine contre les Russes au fait qu'il n'était pas Grec, «mais barbare, Albanais et de religion inconnue», Stavridis s'en était pris à son dé-tracteur en termes injurieux:

1. Jugement de 1860, pp. 53-54. 2. Dans une lettre aux juges, Stavridis leur permettait de dépenser la moitié

du prix à leur guise. Selon un communiqué du Rectorat daté du 27 mars, le recteur, après avoir vérifié que l'auteur de Αρματωλός était bien Stavridis, offrit à celui-ci la couronne et les 500 drachmes, l'autre moitié du prix étant réservée, «conformément à la volonté du poète», à l'étudiant D.Zomboulidis:.'H Έλπ(ς, 2 avril 1860.

3. De longs extraits du poème sont reproduits dans le Jugement de 1860, p. 54, ainsi que dans les journaux athéniens de l'époque; voir par exemple, Η Ελπίς, 2,12 et 26 avril 1860. La publication en brochure: Ο Αρματωλός. Ποίημα Γρηγορίου Σταυρίδου του εξ Αχρίδος, στεφανωθέν κατά τον ποιητικόν διαγωνισμόν του 1860, Athè-nes 1860, contient une dédicace à Evanghélos Zappas, mais elle ne commente aucunement le concours. En 1880, P. Matarangas reproduit un long extrait du poème:

Mat. Parn., pp. 1008-1013. Une adaptation française (par Guillevic et Lucie Al-bertini) a paru récemment: La poésie macédonienne. Anthologie des origines à nos jours, Paris 1972, pp. 70-73,

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Έρρε εις κόρακας λοιπόν και κρύπτου εις την λάσπην ω ποιητά φιλάληθες αχρείε ψευδολόγε

προδότα αργυρώνητε πατρίδος εφιάλτα χαμαίζηλε παράσιτε, ψυχή γαγγραινωμένη σαγματοφόρ' ημίονε του σταύλου της Ρωσίας1

Haine contre la Russie, attachement à la Grèce: jusqu'en 1862, année où, comme nous le verrons, il se présenta aux concours pour la deuxième et dernière fois, Stavridis semble destiné à faire une car-rière littéraire à Athènes. D. Miladinov, son maître d'Ohrid, n'avait peut-être pas tort d'être indigné contre lui et de l'appeler, en 1859, «grecomane»2. Ce n'est qu'après 1862 que tout change dans la vie de ce poète errant. Rentré dans sa patrie, Grégoire Stavridis devient Grigor Prlicev, il n'écrit qu'en bulgare, traduit son poème couronné au concours de 1860, tente de traduire en vers bulgares l'Iliade, com-pose une autobiographie. Mais le changement le plus spectaculaire concerne ses sentiments vis-à-vis de la Grèce: «ingrat envers la patrie de Périclès, il partagea la haine de ses compatriotes contre les Grecs et prit part à la croisade contre l'hellénisme, lui qui, à Athènes, ne trouvait pas de mots pour témoigner son respect sincère à l'êgard de la Grèce mère»3. Il a vécu jusqu'en 1893 comme un poète maudit. «Nature inquiète, nerveuse, désordonnée... Il mène une vie vagabonde, déchirée et malheureuse, changeant sans cesse de domicile, occupant ici et là des postes divers»4.

Sa victoire au concours de 1860 n'était pas due au hasard, encore moins à un caprice momentané de Rangabé. Certes, Ο Αρματωλός avait toutes les caractéristiques d'un poème répondant à l'idéal du rapporteur phanariote et, de ce fait, il méritait d'être présenté comme

1. Journal Αυγή, 10 janvier 1859; cf. Dorothea Kadach, «Zwei griechische Gedichte von Grigor S. Prliiev (Γρηγόριος Σταυρίδης)», Ελληνικά 24 (1971) 107-115.

2. Ibid., p. 114. 3. Mat. Parti., p. 1008. C'est l'auteur qui souligne. Un autre poète des con-

cours, Ch. Papoulias (Δάκρυα, Athènes 1873, Introduction) fait une allusion au revirement de Stavridis-Prlicev en présentant la Macédoine déçue:

Ω μη το φωτάτε... ήτο γιος της, πλην κακό προγόνι

Nous rappelons que Nicolas Piccolos (1792-1865), né à Ternova en Bulgarie, ne fut pas moins accusé d'«avoir oublié, avec ingratitude, notre patrie dans son testament» (M. Vrétos, Eθνικόν H μερολόγιον 1866, p. 371) et d'«avoir présenté, vers la fin de sa vie, des signes de misanthropie et de mishellénisme» (Mat. Parn., p. 93).

4. La poésie macédonienne , op. cit., p. 69,

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exemple, à un moment, surtout, où le principal ennemi à combattre était le byronisme. D'autre part, les rapports personnels entre Ran-gabé et Stavridis — «car tout est chez nous, malheureusement, ques-tion de rapports personnels», écrivait Orphanidis1 — pourraient justi-fier l'hypothèse d'un favoritisme prenant les dimensions, selon l'ex-pression de Palamas, d'un «coup d'État»2. Mais l'aspect politique de ce couronnement nous paraît le plus essentiel. Rallis, comme nous savons, admettait à son concours «tous les Grecs et tous les hellénistes étrangers» (clause 7). Le moment historique se prêtait aux grandes ambitions: on caressait avec plaisir l'idée que l'Université d'Athènes devînt un centre de rayonnement international et que la langue grec-que, en dehors de son rôle dans l'unité nationale, obtînt une audience plus large. Or, la participation d'un «bulgare philhellène» aux concours était, par principe, digne d'encouragement. Elle devenait un signe de succès tangible et donnait à l'institution de Rallis plus de prestige. Ainsi, en offrant la couronne à Stavridis, Rangabé agissait autant en ex-ministre des affaires étrangères qu'en critique littéraire universi-taire. Cette couronne certes semblait offerte à l'hellénisme irrédimé, et le rapporteur de 1860 rappelait pertinemment qu'«ailleurs, loin de nous, vivent des compatriotes dont les cœurs, les mœurs et l'héroïsme sont grecs»3. Mais il n'ignorait sûrement pas que Stavridis était «macé-donien», ce qui donnait, peut-être, au couronnement de 1860 sa plus profonde signification: encourager un certain philhellénisme «macédo-nien» qui s'opposait à la politique russe.

Quoi qu'il en soit, Orphanidis et Vernardakis, les deux vaincus du concours, étaient mal placés pour comprendre les arrière-pensées de Rangabé et, à plus forte raison, pour les lui pardonner. Couronnés déjà dans le passé, ils n'étaient pas des débutants qui pouvaient se contenter de quelques remarques encourageantes du rapporteur. Tous deux visaient le prix4. Dans ces conditions, leur déception fut énorme

1. Th. Orphanidis, Άγιος Μηνάς, op. cit., p. 160. 2. Pal. Α., t. VIII, p. 485. Le deuxième «coup d'Etat» de Rangabé fut, selon

l'auteur, le couronnement de Vizyinos au concours de 1874. Nous signalons ici que Palamas, d'habitude très attentif aux noms et aux dates, donne à Stavridis le pré-nom de Georges — suivant Mat. Parn., p. 1008— et situe sa victoire en 1862. Il est à noter que le nom de Stavridis se trouve accompagné, entre parenthèses, d'un autre: Maralitsas ou Mamalitsis: Η Ελπίς, 1er avril 1860.

3. Jugement de 1860, p. 54. 4. Orphanidis (Άγιος Μηνάς, pp. 159-160) explique que, malgré ses promesses

de ne plus participer aux concours, il n'a pu résister au désir d'être encore une fois

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et elle ne tarda pas à se transformer en colère. Le concours de Rallis allait s'achever dans une atmosphère troublée par les polémiques les plus hargneuses et les diatribes les plus violentes.

Le premier à avoir réagi au verdict de 1860 fut Orphanidis. Nous connaissons ses faits et gestes en détail; en publiant Άγιος Μηνάς, il prit soin de raconter tous ses démêlés avec Rangabé et Stavridis, afin de montrer aux futures générations «la taille réelle de nos nains»1. En plus, nous nous trouvons devant un précieux dossier de procédure — «Δικογραφία» est le titre employé par l'auteur — où toutes les preuves et toutes les pièces à conviction (articles dans les journaux, lettres, confidences, etc.) sont réunies pour donner matière, sinon à un procès historique, tout au moins à une image caractéristique des mœurs littéraires de l'époque. Voici une reconstitution chronologique des faits de 1860, d'après les renseignements d'Orphanidis: 15 mars : La revue Πανδώρα (fasc. 240, pp. 579-582) publie le début

d'un compte rendu élogieux de A*** [=Th. Orphanidis] sur Διάφορα Διηγήματα και Ποιήματα (t. III, Athènes 1859) de A. R. Rangabé. La suite de ce compte rendu ne paraîtra jamais.

25 mars : Cérémonie du concours. Victoire de Stavridis. 27 mars : Rangabé rend visite à Orphanidis, se justifie de son rap-

port au concours et, pendant cet entretien, il traite Stavridis d'«idiot».

29 mars : Orphanidis invite chez lui la plupart des jeunes poètes athé-niens et donne lecture de Άγιος Μηνάς. Il en fait de même devant «trois de nos lettrés les plus distingués», dont un lui offre les 1.000 drachmes du prix.

15 avril : La revue Πανδώρα (fasc. 242, pp. 25-34) commence la pu-blication du rapport de Rangabé.

18 avril : Stavridis apporte son poème à Orphanidis. Celui-ci étant

couronné, offrant toutefois, en cas de victoire, le prix de 1.000 drachmes à une fille pauvre de combattant. Vernardakis (Κυψελίδαι, p. ια'), lui, fait montre d'une fran-chise cynique: «J'avoue que, lorsque j'envoyais ce poème au concours, j'avais des motifs peu poétiques ou dignes des Muses. J'espérais obtenir le prix pour faire face à mes besoins financiers».

1. Th. Orphanidis. op. cit., p. 155. —Sur ces querelles retentissantes, voir: Dorothea Kadach, «Grigor S. Prlicevs Teilnahme am Athener Dichterwettbewerb 1860 und 1862», Zeitschrift für Balkanologie 6 (1968) 45-62, et «Die Polemik Orphani-dis - Prlicev anlässlich des Athener Dichterwettbewerbs», Ibid., VIII/1-2, pp. 84-100.

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absent, le lauréat de 1860 lui laisse une lettre pleine de respect et d'admiration.

22 avril : Orphanidis publie une «Annonce» de Άγιος Μηνάς dans laquelle il accuse le «Zoïle» Rangabé de perfidie.

30 avril : Le journal Ομόνοια, dans son premier numéro, commente anonymement l'«Annonce» du 22 avril. L'auteur de ce com-mentaire, Rangabé lui-même, rappelle qu'Orphanidis, ayant fait son éloge dans Πανδώρα du 15 mars, n'a changé d'avis sur lui qu'à cause de sa défaite au concours; d'où l'inter-ruption de son compte rendu.

10 mai : Orphanidis répond à Rangabé dans le journal Αυγή. Il pré-tend que le compte rendu de Πανδώρα lui fut mendié (εψω-μοζητήθη) par Rangabé et N. Dragoumis plusieurs mois avant le concours. Il critique l'action politique et l'œuvre littéraire (notamment la traduction du Tasse) de son adver-saire.

19 mai : Stavridis attaque violemment Orphanidis et prend la dé-fense de Rangabé dans le journal Φως.

27 mai : Nouvelle diatribe d'Orphanidis contre Rangabé dans le journal Αυγή. Stavridis est accusé d'être un agent de la propagande bulgare à Athènes: il avait signé une copie de son poème «G. Stavridis, bulgare philhellène».

28 mai : Commentaire du journal Ομόνοια contre Orphanidis. 1er juin : Stavridis s'en prend de nouveau à Orphanidis dans le jour-

nal Φως. Il avoue sa nationalité bulgare, mais nie être un agent de propagande.

4 juin : Orphanidis publie dans le journal Αυγή la lettre que lui avait adressée, le 18 avril, Stavridis, «rédacteur en chef» et «avocat» de Rangabé.

10 juin : Le journal bruxellois «Le Nord» commente le duel Or-phanidis - Rangabé. «Dieu sait quand le duel finira! Plus il durera d'ailleurs et plus la galerie sera satisfaite. Depuis qu'il y a une Grèce au monde et tant qu'il y aura une Grèce, les citoyens de l'Attique y raffolent et y raffoleront de ces passes d'armes».

18 juin : Le journal Φιλελεύθερος, dans un compte rendu sur Αρ-ματωλός, qualifie le poème de Stavridis d'«œuvre insipide».

20 juin : En préparant la publication de Άγιος Μηνάς, Orphanidis rédige une lettre à Rallis, dans laquelle il propose au fonda-teur: a) que le concours ait lieu tous les deux ans, b) que

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les poèmes envoyés n'aient pas moins de 1.000 vers, c) que le jury, élu par le Conseil Universitaire, soit composé du recteur, du professeur de philosophie, de deux profes-seurs de lettres et de trois lettrés extra-universitaires, d) que le prix de 2.000 drachmes soit partagé entre les juges (1.000 drachmes) et le poète couronné (1.000 drachmes), e) que le jugement des poèmes soit confié, après sa création, à l'Aca-démie, qui décernera un prix de 2.000 drachmes, f) que tout concurrent contestant le verdict du jury soit exclu du concours définitivement 1.

21 juin : Le journal H Ελπίς publie une lettre datée du 9 juin et signée A. R. Rangabé. Celui-ci prétend ignorer tout: il n'a jamais lu les articles d'Orphanidis, il n'a jamais répondu, il n'a jamais poussé quelqu'un à répondre. Un long com-mentaire anonyme du même journal s'en prend à Orpha-nidis, ce professeur qui se conduit indécemment et qui, au lieu de se réjouir de la victoire de son élève Stavridis, insulte celui-ci et Rangabé, sans se rendre compte «com-bien [de tels actes] portent atteinte à l'Université, lorsque les étrangers observent le dévergondage et les brutalités de ceux à qui le gouvernement a confié l'éducation de la jeunesse». Quant aux Bulgares, dont la contribution à la Révolution Grecque fut importante, ils ont toujours été considérés par les Grecs comme des «frères chers»2.

2 juillet : Le journal Πρωινός Κήρυξ répond au commentaire de Ελ-πίς en l'attribuant, lui aussi, à Rangabé. Défense d'Orpha-nidis. Le rapporteur de 1860 est accusé de favoriser l'«unité bulgare» et de sous-estimer «l'attitude actuelle d'une pro-pagande connue depuis longtemps et dont les objectifs et les activités préoccupent non seulement la presse grecque, mais aussi celle de la Turquie».

Ainsi, une querelle personnelle prenait, à la longue, l'aspect d'une affaire politique. Pendant plus de trois mois, Orphanidis avait dé-ployé toute son énergie pour discréditer le principal artisan du verdict de 1860, Rangabé. Sa rage ne s'était pas calmée. La publication de

1. Th. Orphanidis, op. cit., pp. 147-154. 2. Η Ελπίς, 21 juin 1860. Orphanidis (op. cit., p. 238), tout en attribuant ce

commentaire à Rangabé n'en cite que deux phrases pour y répondre.

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Άγιος Μηνάς en volume lui offrait encore l'occasion d'une attaque. Le texte du poème allait être accompagné de dizaines de pages déni-grant, une fois de plus, le rapporteur et le lauréat du concours.- Toute une partie du livre était consacrée à l'œuvre couronnée de Stavridis: Orphanidis en indiquait les fautes, la réfutait vers par vers, la ridiculi-sait en la comparant aux poésies insignifiantes d'Exarchopoulos1. Il faisait de même avec le rapport du jury, auquel il répondait paragraphe par paragraphe2. Quant à Rangabé, il était accusé, en outre, d'avoir offert le prix au «bulgare philhellène» pour les raisons suivantes:

a) pour humilier Orphanidis, qui s'était opposé à lui au Congrès des juges de la première Exposition Grecque, et dont la gloire, récem-ment chantée par E. Yemeniz, avait suscité sa jalousie3; b) pour ex-primer son aversion contre les victimes de Chio et contre son ennemi Canaris, dont Άγιος Μηνάς faisait l'éloge; c) pour humilier Vernardakis qui, par ses études sérieuses d'archéologie, devenait pour lui un adver-saire redoutable, d) pour jeter le discrédit sur les concours poétiques, auxquels il avait échoué en présentant sa malheureuse traduction du Tasse4.

Les commentaires seraient inutiles. Monument de fureur et de forfanterie, le livre d'Orphanidis montre à quel point les motivations personnelles au sein d'une petite société étaient les seules détectables et déterminantes. L'histoire des concours semblait passer uniquement par les coulisses; elle se confondait avec la petite histoire. La critique littéraire devenait un simple règlement de comptes: en proie à son émotivité, Orphanidis ne visait qu'à obtenir satisfaction en anéantis-sant ses adversaires (Rangabé et Stavridis) et en éclaboussant, par la même occasion, ses ennemis du moment5. Dans sa lettre à Rallis, il ne faisait que sonner l'alarme, croyant que les concours étaient en dangér à cause d'un mauvais fonctionnement (accaparement du jury

1. Ibid,., pp. 113-146. Exarchopoulos, un versificateur simple d'esprit, devient à cette époque-là symbole du ridicule en poésie.

2. Ibid., pp. 158-186. 3. Mais l'article d'E. Yemeniz, «De la renaissance littéraire en Grèce. Les

poètes Zalocostas et Orphanidis», Revue des Deux Mondes, livraison du 1er mai I860, pp. 212-242, avait paru plus d'un mois après le concours.

4. Th. Orphanidis, op. cit., pp. 141-142. 5. Notamment C. Paparrigopoulos et N. Dragoumis. En 1860, Orphanidis (op.

cit., p. 223) en voulait en bloc au «triumvirat de Πανδώρα». Par contre, il ne gar-dait pas rancune à ses anciens adversaires: Coumanoudis devenait maintenant son «respectable collègue» (p. 238), et le mort Zalocostas était son «ancien ami» (p. 214).

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par certains «Zoïles», mécontentement de concurrents et de profes-seurs, etc.) dû aux ambitions d'une minorité1. Il ne pouvait ni savoir ni comprendre que les concours avaient vécu dix ans — et ils allaient vivre dix-sept ans encore — n o n p a s en d é p i t d e s am-b i t i o n s de c e r t a i n s , m a i s en r a i s o n d e s a m b i -t i o n s de t o u s ; que leur fonction, au fond, était de donner libre cours à l'agressivité hypertrophiée d'une société bloquée où le besoin du succès devenait d'autant plus impératif que les obstacles semblaient insurmontables. De ce point de vue, ni les «intrigues» de Rangabé, ni les «dénonciations» bruyantes d'Orphanidis ni les protestations géné-rales ne constituaient des pratiques exceptionnelles pouvant mettre en danger l'institution de Rallis. En réalité, le déclenchement des pas-sions, loin de menacer les concours, justifiait leur nécessité et leur donnait une raison d'être.

Cependant, dans le mesure où le règlement de comptes laissait une petite place à la critique littéraire, Orphanidis prenait la défense du byronisme avec ardeur. «Pour toi, disait-il à Rangabé, l'âme des amoureux trouve toujours un soulagement dans le vacarme de la guerre; la mélancolie, la tristesse et la misanthropie, conséquence normale d'un grand amour malheureux, ne sont que des crimes byroniens et condamnables par ton esthétique»2. Et ailleurs: «Mon poème appar-tenait à l'école byronienne... Selon quelles règles cet homme divin [Byron] composa-t-il ses épopées immortelles? Selon une seule règle, par rapport à laquelle les normes aristotéliciennes ne semblent que des croassements de pédants...: Fais des poèmes en écoutant ton cœur»3.

Vernardakis, lui, n'était plus animé en 1860 par le même idéal romantique — Κυψελίδαι marquaient déjà un revirement indiscu-table vers le classicisme —· et sans doute n'avait-il pas le tempérament sanguin d'Orphanidis. Cela dit, le coup porté à son drame par son «respectable professeur et ami» Rangabé n'était pas moins ressenti comme «désespérant et mortel»4. Mais Vernardakis n'écoutait pas que son cœur. Sa réponse, tardive et mesurée, si elle ne manquait ni d'amertume ni de colère, évitait néanmoins de chicaner mesquinement ou de sombrer dans la vulgarité. Le ton restait ici élevé, et le rapport de Rangabé était soumis à une critique aussi exhaustive que sérieuse.

1. Ibid., pp. 150 sq. 2. Ibid., p. 176. 3. Ibid., p. 186. 4. D. Vernardakis, Κυψελίδαι, pp. ιη' et κα'.

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Une fois de plus, Vernardakis étalait son érudition et faisait montre de son penchant pour les constructions théoriques: la poésie dramatique, l'esthétique et la morale, les genres littéraires et les problèmes de la versification lui donnaient l'occasion de prouver, non sans prétention, que ses études dans les universités allemandes avaient été au moins fructueuses.

Depuis Μαρία Δοξαπατρή (1858), il avait fait de nouvelles connais-sances: Euripide venait déjà éclipser Shakespeare. En 1860, Vernar-dakis n'était plus préoccupé par le drame romantique, pas plus que par la tragédie ancienne, mais épris de ce qu'il appelait «tragédie mo-derne» ou «drame moderne»1. Le romantisme soulevait de plus en plus sa désapprobation: les romans français, les drames de V. Hugo («Le roi s'amuse»), les «dithyrambes» de Solomos et de A. Soutsos, le «spleen à la Ossian, Byron et Lamartine» (οσσιανοβυρωνολαμαρτινική σπλη-νολογία), les poésies de P. Soutsos, suscitaient en bloc son dédain2. Mais sa répulsion était particulièrement violente pour la poésie et la critique phanariotes et heptanésiennes.

En fait, Vernardakis avait bien repéré ses adversaires. En 1860, Rangabé, malgré ses activités théâtrales précédentes, semblait exclu-sivement orienté vers la poésie lyrique et épico-lyrique. D'autre part, la critique heptanésienne, représentée en ce moment-là par la polémi-que Polylas-Zambélios, ne s'occupait que de l'œuvre de Solomos, une œuvre essentiellement lyrique3. Dans ces conditions, le drame était complètement négligé. Depuis dix ans, aucune œuvre dramatique n' avait été couronnée aux concours. La capitale de la Grèce manquait de théâtre national, et la «nouvelle tragédie», au lieu d'être encouragée dans ses premiers pas, était constamment persécuter par sa «marâtre phanariote»4. Rangabé, «le Mécène des Exarchopoulos» et le représen-tant de la «critique phanariote myope», était incapable d'apprécier une œuvre comme Κυψελίδαι: il n'y comprenait rien, il interprétait mal, il déformait tout®. D'une façon générale, les juges étaient inaptes

1. Ibid.., pp. ιε', λη' et μδ'. Ailleurs (p. λα'), Vernardakis, près avoir expliqué les conditions dans lesquelles il composa sa tragédie, constate que celle-ci appartient à un genre «ni ancien ni moderne».

2. Ibid., pp. κγ', λγ'-λδ', λε', ξγ'. 3. Il est à noter que Vernardakis, dans sa lettre aux juges qui accompagne sa

tragédie (ibid., p. ιζ') s'en prend à Sp. Zambélios (Πόθεν η κοινή λέξις τραγουδώ, Athè-nes 1859) sans toutefois le nommer.

4. Ibid., p. κβ'. 5. Ibid., p. μζ'.

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à concevoir «le beau multiple» (drame): «Le seul poème pouvant obtenir leur faveur est celui qui ressemble à une simple et mélodieuse chanson, sans le moindre désaccord»1.

Ainsi, Vernardakis semblait mener son combat au nom de la poésie dramatique méprisée, et la blessure de sa défaite était suffisamment eamouflée par ses nobles intentions. Il allait trouver bientôt un fervent défenseur: en février 1861, un long compte rendu signé C. N. C [ostis] faisait l'éloge de Κυψελίδαι et réfutait le rapport de Rangabé sans toutefois l'attaquer ouvertement2. Les personnages de la tragédie étaient longuement décrits, analysés, justifiés; l'auteur Vernardakis avait le mérite d'avoir appliqué avec succès les règles de l'art dramatique, d'avoir abandonné «le drame français qui régnait chez nous jusqu'à présent» et d'avoir suivi «l'exemple de nos poètes anciens et celui des meilleurs dramaturges anglais et allemands à la fois», de sorte que sa tragédie pouvait être considérée comme «un très bon augure pour le développement de notre poésie dramatique»3.

Au moment où cet article était publié, on aurait dû normalement préparer le concours de 1861. Il n'en fut rien. Orphanidis avait beau proposer à Rallis des réformes urgentes pour que les problèmes mena-çant les concours — et, notamment, le plus important: celui de la ré-compense des juges — fussent résolus. Aveuglé par son entêtement, le fondateur triestin ne voulut rien entendre, rien entreprendre. Ainsi, dans des conditions que nous avons expliquées ailleurs4, la crise qui couvait depuis 1857 éclata soudain en 1861, et le jury ne fut pas formé. Le 25 mars de cette année-là ne serait marqué que par les manifestations de la jeunesse contre le régime du roi Othon5. Le concours fut d'abord

1. Ibid,., p. μγ\ Le rapport du jury de 1859, cité par la suite, constitue la seule réponse de Vernardakis à Paparrigopoulos,

2. Πανδώρα 11 (1860-1861) 539-543. Dans une courte note (p. 543); N. Dra-goumis, tout en condamnant les polémiques injurieuses, déclarait que Πανδώρα, revue démocratique, n'hésitait pas à publier cet article modéré, bien que celui-ci s'opposât complètement aux opinions de Rangabé et de Paparrigopoulos sur Κυψελίδαι. Cette note ayant été mal interprétée —on y avait vu des allusions à Vernardakis—N. Dra-goumis s'empressa, plus tard, de préciser qu'en condamnant certaines attitudes indécentes «dans une société qui aime par trop le dénigrement», il ne faisait allusion à personne (p. 592). Nous pensons pourtant que si l'éditeur de Πανδώρα visait quelqu'un, il n'était autre qu'Orphanidis.

3. Ibid., p. 543. 4. Voir ici pp. 41-42. 5. Sur ces manifestations (banquets d'étudiants, slogans pour la liberté, pour

Garibaldi, etc.), voir le long compte rendu du journal Πρωϊνός Κήρυξ, 1er avril 1861.

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ajourné et ensuite annulé, malgré l'envoi de 7 œuvres1. Rallis céda sa place à Jean Voutsinas. Une période de dix ans était achevée dans la déception.

En fait, le bilan de cette période avait de quoi mécontenter tous ceux qui, en 1851, avaient espéré que «le rapatriement des Muses» S'effectuerait dans de meilleures conditions. Déjà force était de se rendre à l'évidence. Ce «rapatriement des Muses» ne pouvait être aussi simple qu'on l'avait imaginé. Certes, le concours de Rallis avait stimulé la production poétique, mais la qualité n'en était pas toujours propor-tionnée à la quantité. A deux reprises (1852, 1857), en refusant de décerner le prix, le jury universitaire avait illustré cette vérité. Par ailleurs, infime minorité parmi les dizaines de concurrents, les 4 poètes couronnés — Zalocostas (1851, 1853, 1859), Orphanidis (1854, 1855, 1858), Vernardakis (1856) et Stavridis (1860) — avaient remporté la victoire dans des circonstances qui n'avaient pas assuré un jugement impartial et acceptable par tous. La déception touchait donc, en pre-mier lieu, les poètes frustrés.

Elle n'épargnait pas, en second lieu, une grande partie des juges universitaires. Rallis s'était comporté avec eux de façon autoritaire; il avait rejeté aussi bien leurs exigences pécuniaires que leurs proposi-tions concernant le fonctionnement du concours. D'autre part, les attaques de la presse et les protestations continuelles des poètes avaient sérieusement diminué leur ardeur à servir la poésie néo-hellénique. Le fondateur lui-même, de son côté, n'était pas moins déçu, ayant rencontré des résistances qui avaient fini par l'évincer. Ainsi, couronné par un scandale retentissant, le concours de Rallis se terminait, au bout de dix ans, dans un climat de mécontentement général.

Il avait cependant démontré sa nécessité. C'est dans le cadre de l'institution de Rallis que la vie intellectuelle grecque était devenue plus intense, mobilisant une série d'énergies ou donnant libre cours à une agressivité collective. En 1853, grâce au concours, le problème de la langue avait été posé de façon plus claire, et la critique universi-

1. Πρωϊνός Κήρυξ, 24 mars 1861. Le recteur A. Pallis (R.R. de 1861, p. 23), sans préciser leur nombre exact, mentionne simplement l'envoi de «quelques poèmes». Nous en connaissons deux: Le premier, œuvre de Phémius Harold Euclide [=Ph . A. Iconomidis,] sera envoyé de nouveau au concours de 1865; voir Ph. Harold Euclide,

Δύσελπις - Εύελπις ή Ο Άγνωστος ποιητής, ποίημα εις άσματα τρία, Hermoupolis 1868, p. [γ']. Le second, Ύμνος εις τον Ελληνικόν Αγώνα, sera publié anonymement dans Πανδώρα 12 (1861-62) 529-535, avec une note expliquant que le poème était destiné au concours annulé de 1861.

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taire (Τα Σούτσεια) avait imposé ses droits. En 1857, le conflit entre le classicisme et le romantisme avait pris plus d'ampleur, et les deux groupes ennemis au sein du jury universitaire étaient apparus avec plus de relief. Implantée solidement dans les mœurs littéraires grecques, l'institution poétique, loin de se limiter à un rôle marginal, avait re-flété, en dernière analyse, tous les courants de la décennie 1850-1860.

A une époque marquée par un ensemble d'événements décisifs dans tous les domaines (élan nationaliste et religieux, développement de la Grande Idée et de l'unité «helléno-chrétienne», Guerre de Crimée, apogée du régime d'Othon et commencement de son déclin, etc.), il est normal que l'esprit héroïque ait été plus particulièrement encouragé. En effet, les jurys universitaires n'avaient couronné jusque-là que des poèmes épiques ou épico-lyriques. C'est dans la perspective d'une poésie narrative que les vers mis à la mode (hexamètre, trimètre iam-bique, vers de quinze syllabes) avaient eu une fonction à remplir. Ni la poésie lyrique, individualiste et liée au byronisme contestataire, ni le drame romantique, fort éloigné de la tragédie ancienne, n'avaient pu trouver grâce aux yeux des universitaires. L'Antiquité demeurait toujours le modèle fondamental à copier; la langue populaire et le ro-mantisme «étranger», constituaient les ennemis principaux à abattre. Rangabé, la figure la plus marquante de cette décennie, avait fini par imposer ses options en matière de poésie et de langue: «retour aux formes anciennes», néo-classicisme abstrait, goût de l'artificiel. L'opposi-tion de l'autre groupe universitaire, celui d'Assopios et de Coumanou-dis, n'avait pu changer, en fin de compte, le cours des choses. Les dé-faites répétées de Tertsétis avaient été, de ce point de vue, significa-tives: ni la langue populaire ni l'esprit de l'école ionienne ni le sens du naturel n'avaient de place dans l'institution poétique qu'avait fondée et surveillée, épris d'archaïsme, Ambroise Rallis.

Déjà, après la disparition de celui-ci, pouvait-on s'attendre à un retournement de la situation? Autant il serait erroné de sous-estimer le rôle joué par le fondateur, autant il serait simpliste de grossir sa part de responsabilités. En réalité, les grandes orientations qui avaient prévalu dans le concours athénien pendant dix ans avaient été moins liées à quelques initiatives individuelles qu'à des courants collectifs plus larges. L'archaïsme et la question de la langue, le romantisme et le classicisme, la valorisation des chants populaires, le problème de l'unité, l'esprit héroïque résultant de la Révolution de 1821 et le culte de l'Antiquité, bref toutes les caractéristiques de la décennie 1850-1860, ne s'étaient évidemment pas manifestées dans le seul cadre du

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eoncours. Par ailleurs, la physionomie littéraire de cette décennie avait été: aussi transformée par des poètes qui n'avaient jamais participé à l'institution de Rallis. P. Soutsos, le père du byronisme grec (O Oδοι- πόρος, 1831), avait exercé une influence considérable sur la littérature athénienne tant par ses vers que par sa prose. Son frère Alexandre (Η Τουρκομάχος Ελλάς, 1850; Απομνημονεύματα ποιητικά επί του ανα-τολικού πολέμου, 1857) avait été pour beaucoup dans le développement de la poésie politique. De même, vers la fin de la décennie, loin du concours, l'école ionienne avait fait sentir sa présence: J. Typaldos (Ποιήματα διάφορα, 1856), A. Valaoritis (Μνημόσυνα,1857; H κυρά Φρο-σύνη, 1859), D. Solomos (τα Ευρισκόμενα, 1859), Sp. Zambélios (Πόθεν η κοινή λέξις τραγουδώ, 1859), J. Polylas (Πόθεν η μυστικοφοβία του κ. Σπ. Ζαμπελίου, 1860). Ce qui s'était passé dans le concours avait donc découlé non seulement de la volonté de Rallis et des objectifs universitaires, mais aussi de tout un ensemble de conditions intérieures et extérieures, positives ou négatives, directes ou indirectes, de longue ou de courte durée, qui avaient déterminé d'une façon ou d'une autre le sort de l'institution poétique.

Cette institution, ayant fait ses preuves, pouvait maintenant sur-vivre à son fondateur. Elle avait un rôle important à jouer dans l'avenir. Car, en 1861, lorsque Rallis disparaissait, rien n'était encore définitive-ment joué. Divisés en deux groupes hostiles, les universitaires n'avaient rien perdu de leur détermination à imposer leur idéal classique, bien au. contraire. Au milieu d'une crise politique et sociale, et pendant qu'une nouvelle génération romantique faisait son apparition, l'agres-sivité collective, les ambitions personnelles et les luttes partisanes avaient plus que jamais besoin d'un terrain d'expression. Ainsi, Ral-lis s'en allait, mais son institution demeurait intacte. On pouvait en-visager un avenir où les hypothèques du passé seraient levées. Une nouvelle période commençait au printemps de 1862, en un moment où la révolte de Nauplie grondait déjà de loin pour annoncer à Athènes que le règne du premier souverain de Grèce était définitivement con-damné.

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DEUXIÈME PARTIE

LE CONCOURS DE VOUTSINAS (1862 -1877)

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CHAPITRE I

LE NÉO- CLASSICISME BAT SON PLEIN (1862-1867)

αρχαϊκήν εγκράτειαν περί τε την ουσίαν και την μορφήν έπρεπε να λάβω κυρίαν μου

βάσιν Α. Vlachos (1863)

La période du concours de Voutsinas est marquée, en grande partie, par une série d'événements politiques, qui semblent tenir la septième décennie du siècle en état d'alerte: destitution du roi Othon (1862), début du règne de Georges 1er, rattachement de l'Heptanèse à la Grèce (1864), révolution crétoise (1866-1869). Athènes se développe encore lentement; sa population, de 42.725 habitants en 1862, dépasse à peine les 44.500 en 1870, malgré l'élargissement, à partir de 1864, des frontières de l'État Hellénique. Une autre évolution est significa-tive: les étudiants de l'Université, au nombre de 675 en 1861, sont 1.215 en 1867, ayant ainsi, en six ans, pratiquement doublé d'effectifs.

La Grèce entière, au moment où elle règle ses comptes avec le présent et se penche sur le sort des «frères asservis», est sous le coup d'un passéisme de plus en plus accentué. En 1859, l'organisation des Jeux Olympiques à Athènes s'insère déjà dans un processus de recon-stitutions irrésistible; en 1864, quelques essais pour donner, dans le théâtre antique de Dionysos, des représentations de tragédies ancien-nes en version originale, n'ont, en réalité, rien d'étonnant. C'est le moment où le culte de l'Antiquité atteint son point culminant. Le classicisme, découlant de l'idéologie officielle et profitant des mala-dresses d'une révolte romantique qui rompt de plus en plus avec le bon sens, réagit énergiquement, cherche des alliés (Heine), gagne du terrain. A partir de 1862, les concours poétiques universitaires évo-luent dans un sens rigoureusement classique; une revue athénienne, Χρυσαλλίς, qui commence à paraître en 1863, se met à refléter le même

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esprit; des poètes tels que A. R. Rangabé, D. Vernardakis, A. Vyzan-tios et A. Vlachos sont les principaux représentants d'un courant anti-romantique en plein essor.

A première vue, on serait tenté de surestimer l'importance de ce courant, si l'on s'en tenait à l'aspect extérieur des choses. D'une ma-nière générale, la production poétique athénienne de la décennie 1860-1870, dans son ensemble, né rompt pas, en ce qui concerne la forme, avec un idéal classique conventionnel: culte de l'Antiquité, purisme, usage de mètres anciens, etc. Car, ce n'est pas au niveau de la forme que le romantisme athénien livre sa bataille décisive. Les œuvres des nouveaux poètes romantiques tels que A. Paraschos (1838-1895), Cléon Rangabé (1842-1917), D. Paparrigopoulos (1843-1873). Sp. Vas-siliadis (1844-1874) et autres, œuvres truffées de noms anciens et d'archaïsmes, n'ont rien à envier, pour l'aspect extérieur, aux poésies classiques les plus fidèles à la lettre, sinon à l'esprit, de la littérature antique. Dans une lettre à un ami, D. Paparrigopoulos, un des repré-sentants les plus caractéristiques de la nouvelle génération, écrit: «Mon but est de ranimer en quelque sorte la mythologie ancienne. Je crois que l'humanité n'égalera jamais le génie plastique des Grecs anciens; on ne créera jamais de mythes plus beaux. Par conséquent, île fai-sons-nous pas une œuvre nationale, si nous associons les plus dramati-ques de ces mythes à des idées nouvelles et à des sentiments nouveaux?»1.

Idées nouvelles, sentiments nouveaux: c'est sûrement à ce niveau-là que nous devons chercher la particularité romantique, pour ne pas étendre abusivememt l'influence classique sur toute une production qui baigne, uniformément, (il suffit de voir les titres de la plupart des poè-mes écrits entre 1860 et 1870), dans le culte de la Grèce antique. A vrai dire, ces «idées nouvelles» et ces «sentiments nouveaux» avaient déjà fait leur apparition depuis longtemps. Mais le romantisme athé-nien, assumé autour des années 1860 par une nouvelle génération, n'en présente pas moins, par rapport à son passé, des traits distinctifs qui lui confèrent une autre dimension.

Cette autre dimension est, avant tout, sensible dans le ton des poèmes lui-même qui monte rapidement, comme si le romantisme athénien, entré dans la phase finale de sa course, s'empressait de dé-penser toutes ses forces jusqu'à l'épuisement. C'est une vision de plus en plus dramatique qui se manifeste maintenant. La mélancolie cède la place au désespoir, la résignation à la révolte, la protestation à la

1. D. Paparrigopoulos, Ανέκδοτα έργα, Athènes 1894, p. 7.

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provocation; le déchirement aboutit au suicide. Si A. Paraschos in-carne, à ses débuts, la révolte de la jeunesse anti-othonienne, il s'enferme vite, lui aussi, avec les autres poètes de sa génération, dane un individualisme grandiloquent et morbide. La religion, pilier de l'édifice idéologique officiel, reçoit des coups sévères et aveugles. Anar-chiste en 1861 (Σκέψεις ενός ληστού), D. Paparrigopoulis évolue vers un scepticisme sombre et désespéré, qui ne laisse aucune place à la piété (Στόνοι, 1866). En 1865, au moment où Cléon Rangabé (Ιουλια-νός ο Παραβάτης) attaque violemment le christianisme, Sp. Vassilia-dis (Εικόνες) est, à son tour, accusé par le rapporteur Roussopoulos de montrer «une tristesse allant jusqu'au désespoir et au blasphème».

Ce mot «blasphème» devient presque synonyme de la production ro-mantique: en 1866, Coumanoudis va jusqu'à indiquer, parmi les prin-cipales qualités du recueil lyrique Ορφεύς, «l'absence de blasphèmes»!

A coup sûr, ces cris d'athéisme, poussés dans un climat d'as-phyxie grandissante, n'ont rien à voir, par exemple, avec l'ironie ir-réligieuse et lucide d'un Roïdis (Η πάπισσα Ιωάννα, 1866). Gestes de colère et de provocation, ils se bornent à un anti-conformisme spectacu-laire mais exempt de tout esprit critique; états d'âme exagérés, ils ne marquent, en fin de compte, qu'une étape avancée vers l'irrationnel. Malgré tout, ce nouveau départ romantique, effectué à Athènes dans les années 1860, ne doit pas être minimisé. Sur le plan des idées, l'u-nité «helléno-chrétienne», au moment où elle semble bien solide, re-çoit des coups; elle prend un aspect de plus en plus «hellénique», de moins en moins «chrétien». Car, au fond, le blasphème romantique n'est-il pas un acte de sabotage contre cette unité? Dans la décennie 1860-1870, Byzance, symbole du christianisme, paraît plus éloignée que jamais. Le classicisme officiel lui accorde peu de place. Les romanti-ques athéniens n'ont aucune tendresse pour elle; de là leur surenchère archaïsante et leur souci de se placer dans une atmosphère païenne d'où le souvenir chrétien soit absent. En 1866, Coumanoudis doit être lar-gement approuvé, lorsque, à propos d'un poème insignifiant, il pro-nonce la phrase méprisante: «Tout cela sent le byzantinisme»!

Mais tout cela sent aussi la confusion, l'absence de contours pré-cis et même la contradiction. Au fond, le classicisme et le romantisme athéniens travaillent dans la même optique, se complètent, et se con-fondent. Si, à partir de 1860, ils entrent dans une nouvelle phase de conflit, il est important de noter que ce conflit cache moins des rapports antagoniques que des rapports complémentaires, dictés par le même système idéologique dans la mesure où ce dernier n'arrive pas à har-

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harmoniser ses contradictions. En effet, située au niveau du sentiment, la révolte romantique est incapable de dépasser, sur le plan théorique, le dilemme principal: unité à deux ou à trois étapes. Au demeurant, tout se passe comme si l'accès à la réalité n'était possible que par les détours les plus sinueux. La «mesure» classique s'exerce, la plupart du temps, dans la peinture de tableaux froids, inspirés de la vie anti-que. Le «sentiment» romantique pour exister, doit être faussé, exagéré, mis au superlatif.

Dans la mesure où ce sentiment est constamment combattu par les jurys universitaires — Στόνοι de D. Paparrigopoulos sera le premier recueil romantique à être couronné en 1866 dans des circonstances plutôt exceptionnelles —, les droits d'une poésie descriptive, objective, archaïsante et à caractère épique sont de plus en plus établis. Ran-gabé en donne un exemple avec Διονύσου πλους (1864):

H έκτασις του αχανούς Αιγαίου εκοιμάτο,

κ' έβλεπες δύω ουρανούς" ο εις ην άνω κυανούς,

γλαυκός ο άλλος κάτω.

C'est le moment où le néo-classicisme athénien bat son plein. La production dramatique, encouragée à partir de 1865, est jusque-là négligée par les jurys, non seulement parce qu'elle subit, en grande partie, l'influence romantique, mais aussi parce que les possibilités de représentations grecques dans le Théâtre d'Athènes (théâtre dit de Boucoura) sont pratiquement inexistantes. En 1862, dans un poème consacré à l'arrivée d'une troupe italienne, D. Vernardakis ne manque pas de déplorer la domination du théâtre étranger et, en même temps, de prôner une production dramatique nationale axée sur les modèles anciens:

Ομοίως και της σκηνικής ποιήσεως το στέμμα δεν θα λάβη νέος Έλλην, πριν

ελθών το γόνυ κλίνη μετά σεβασμού εκεί, πρό των μνημείων των μεγάλων του

προγόνων, κ' εξ αυτών ζητήση έμπνευσιν1.

C'est cette «inspiration», cherchée dans les œuvres des «grands

1. D. N. Vernardakis, Δράματα. Έκδοσις νέα πολλαχώς μεταρρυθμισθείσα και επι-διορθωθείσα, t. I, Athènes 1903, p. οα'.

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ancêtres», qui domine les débuts de la période de Voutsinas pour con-trebalancer le nouvelle offensive romantique, de plus en plus viru-lente. Une langue archaïsante, guindée et pleine de clichés, enveloppe presque toute la production poétique athénienne, établissant, sur le plan de l'écriture et de l'expression, une sorte de barrage. Bien que, à partir de 1862, l'utilisation de la langue démotique soit permise aux concours (à condition, certes, de rester fidèle à la lettre des chants populaires), elle n'a pratiquement aucun rôle à jouer, pendant la dé-cennie 1860-1870, à l'intérieur de l'institution poétique; elle traverse une longue période de silence. Classiques et romantiques athéniens ont d'autres objectifs, parfois communs, à atteindre. Mais leur agres-sivité demeure toujours la même, pour animer, comme par le passé, des conflits de personnes et de tendances.

Dans les pages qui suivent, nous établissons l'histoire des con-cours jusqu'en 1867. Il va de soi que cette limite conventionnelle, dictée surtout par le faible nombre de participations avant le bond de 1868, ne doit pas être considérée comme une «rupture»: il est certain que les phénomènes culturels se laissent difficilement enfermer entre des dates précises, qui ne donnent, en dernière analyse, que des indica-tions de fréquence.

1. 1862 : La levée d'un interdit

Le 28 mai 1862, fête de la Sainte Trinité, le rapporteur A.R. Rangabé inaugurait le concours de Voutsinas, comme il avait inau-guré celui de Rallis. La Grande Salle de l'Université était à nouveau pleine d'un public nombreux et distingué1. Tout allait se passer comme à l'ordinaire. Ayant comme président le recteur C. Assopios, le jury était composé de quatre membres; C. Paparrigopoulos et St. Coumanou-dis en faisaient partie.

Faut-il voir dans la composition de ce jury une symétrie établis-sant l'équilibre entre les deux principales factions universitaires? Le fait que Assopios et Coumanoudis réapparussent sur la scène des con-cours, après cinq ans d'absence, face à Rangabé et Paparrigopoulos,

1. Voir A.R. Rangabé, Απομνημονεύματα , t. III, Athènes 1930, p. 93, ainsi que les comptes rendus des revues Πανδώρα 13 (1862-63) 121 et Φιλίστωρ 3 (1862) 480. Charles Schaub (Excursion en Grèce au printemps de 1862, Genève 1863, pp. 6-7) donne quelques renseignements sur les concours et plus particulièrement sur celui de 1862 d'après le compte rendu de Φιλίστωρ.

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n'était sans doute pas dû au hasard. Rallis disparu, la voie était ouverte à tous les universitaires. Voutsinas n'y faisait pas d'obstacle, tout au contraire. Il avait donné satisfaction aux exigences pécuniaires des professeurs et il ne semblait lié à aucun groupe particulier. Dans ces conditions, sous la présidence d'Assopios, Coumanoudis ne pouvait voir aucun inconvénient à ce qu'il reprît sa place parmi les juges.

Par ailleurs, rédigé dans un esprit rigoureusement antiromanti-que, le rapport de Rangabé avait tout lieu d'obtenir, sur ses lignes gé-nérales, l'approbation de l'ensemble du jury. Il n'en introduisait pas moins une nouveauté spectaculaire, la levée de l'interdit frappant la langue populaire: «Le jury du concours avait repoussé autrefois les poèmes qui n'étaient pas écrits en langue savante, non parce qu'il proscrit la poésie populaire, ni parce qu'il ignore les chefs-d'œuvre naturels de la Muse montagnarde, ni parce qu'il rejette leurs imita-tions parfois très réussies ou, enfin, parce qu'il oublie que, chez d'au-tres peuples aussi, la langue vulgaire fit pousser de charmantes fleuret-tes, mais parce qu'il avait remarqué que beaucoup recouraient à la langue inculte de la populace non par force mais par faiblesse, essayant ainsi de dissimuler, sous le manteau informe de celle-ci, les haillons de leur propre ignorance. De surcroît, on avait jugé que, dans le combat livré aujourd'hui pour la formation de la langue, la grande force de la poésie ne devrait pas rester inutilisée... Cependant, nous ne mainte-tenons plus la décision prise alors par le jury, bien que nous estimions les raisons qui l'avaient dictée»1.

Cette argumentation de Rangabé, reprise largement par la suite, mérite quelques réflexions. Tout d'abord, la «langue inculte de la po-pulace», liée directement aux chants populaires, était loin d'être con-çue comme une langue vivante, parlée et, par conséquent, susceptible d'évolution: elle ne constituait qu'un objet d'imitation figé 2. Ce n'est

1. Jugement de 1862, Πανδώρα 13(1862-63) 122. 2. D. Vernardakis (1863), A. Roussopoulos (1865) et d'autres rapporteurs du

concours de Voutsinas ont, comme nous le verrons, la même idée sur la langue popu-laire. En 1891, A. Vlachos, rapporteur du jury au concours de Philadelpheus, ne raisonne pas autrement, lorsqu'il accepte seulement «la langue démotique pure et véritable, rendue immortelle par les chants populaires»: Εστία No 44 (1891) 284. D'où la réponse pertinente de J. Polylas: «Par conséquent, la langue nationale a pris sa forme définitive dans les chants improvisés du peuple... et elle n'est plus sus-ceptible de développement et d'enrichissement. Mais que signifie cela sinon une proscription de la langue démotique?»: Η φιλολογική μας γλώσσα, Athènes 1892, p. 17. Cf. l'observation de G. Calosgouros: «Certains, notamment des juges des concours

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donc pas la langue vivante qui était acceptée aux concours, mais une langue livresque, connue déjà par les éditions fréquentes des chants populaires. Ensuite, les explications de Rangabé paraissent trop éva-sives pour être convaincantes. Comment croire, par exemple, que les raisons qui justifiaient l'interdiction de la langue démotique en 1852 n'étaient plus valables au bout de dix ans? En fait, l'«ignorance» n'avait pas disparu en 1862, et la «formation de la langue» n'était pas davantage achevée. Nous devons donc attribuer le revirement linguisti-que du jury à une conjoncture plus complexe, sur laquelle nous sommes conduits à formuler un certain nombre d'hypothèses.

La première hypothèse nous amènerait au rôle joué par le suc-cesseur de Rallis. Jean Voutsinas ne partageait sûrement pas l'en-gouement de son prédécesseur pour la langue savante. Originaire de Céphalonie, il avait toutes les raisons de vouloir introduire dans son concours l'esprit de l'école ionienne et, par conséquent, celui de la langue populaire; d'ailleurs, il allait manifester cette volonté en 1865, en of-frant 1.000 drachmes supplémentaires pour le couronnement d?un poème écrit «en langue populaire, notamment heptanésienne». Le remplace-ment de Rallis par Voutsinas impliquait donc, tout d'abord, la levée de l'interdit frappant la langue populaire comme une satisfaction don-née par le jury au nouveau fondateur.

Une politique d'ouverture à la poésie ionienne était par ailleurs nécessaire, non seulement parce que cette poésie s'imposait de plus en plus et avait des admirateurs même parmi les professeurs athéniens, mais aussi parce que l'institution poétique avait tout intérêt, pour étendre son influence, à jouer un rôle de rassembleur national. De ce point de vue, il fallait corriger les erreurs du passé. La susceptibilité heptanésienne, marquée par un esprit de régionalisme, était déjà é-veillée par les attaques des jurys contre la langue populaire: en 1858, par exemple, au moment où Tertsétis était pris à partie par C. Papar-rigopoulos, P. Vraïlas Arménis n'avait pas manqué de protester vive-ment contre ceux qui «s'efforcent de ressusciter le dialecte attique an-cien, en excluant ainsi impitoyablement des concours poétiques les poèmes écrits en langue populaire»1. C'est dans ce sens que le jury de 1862, d'une façon plus générale, faisait un geste de bonne volonté à

poétiques, n'acceptent pas un mot qu'ils ne l'aient entendu dans la bouche du vrai peuple, à savoir les bergers et les bergères...»: Εστία No 23 (1892), 357. A ce sujet, les réflexions de C. Palamas restent toujours précieuses: Pal. Α., t. II, pp. 239 sq.

1. Πανδώρα 9 (1858-1859) 249 (=ΦιλοσοφικαΙ Μελέται, Corfou 1864, p. 265],

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l'égard des intellectuels ioniens. Athènes ne voulait pas paraître riva-liser avec l'Heptanèse.

D'autre part, l'enthousiasme pour les chants populaires — dans la décennie précédente avaient déjà paru les recueils de A. Manous-sos (1850), de Sp. Zambélios (1852) et de A. Passow (I860)—ne pouvait rester sans conséquences. Lorsque, en 1860, Sp. Zambélios distinguait, dans la culture grecque, une tradition savante et une autre populaire1, il n'exprimait certainement qu'un état d'esprit général: les chants populaires étaient honorés et considérés par tous comme par-tie intégrante du patrimoine national. Par conséquent, on ne pouvait pas se passionner pour ces chants et faire l'éloge de leurs qualités mul-tiples sans mettre en valeur, en même temps, leur langue.

Par ailleurs, les juges universitaires n'auraient accepté ni d'être dépassés par les événements ni de se présenter plus longtemps comme des censeurs. Assopios et Coumanoudis avaient assez de sympathie envers la culture populaire pour voir, dans la réhabilitation de la langue démotique, la garantie d'un retour au naturel; Rangabé et Paparri-gopoulos n'avaient aucune raison de s'opposer à l'utilisation de cette langue, à condition que celle-ci copiât la forme figée des «chefs-d'œuvre naturels de la Muse montagnarde». C'était dans la logique d'un purisme poussée: à côté d'une langue savante «pure et véritable», on pouvait accepter une langue populaire «pure et véritable» aussi. Entre ces deux langues aucun contact n'était possible; chacune gardait son indépendance et son autonomie. C'est ainsi que, dans un esprit plus démocratique, le jury de 1862 donnait enfin droit de cité à la langue du peuple, mais il prenait toutes les mesures pour que celle-ci fût enfermée dans une sorte de ghetto.

Une fois de plus, en 1862, le rapporteur Rangabé se passionnait pour les problèmes de la forme: langue et versification. Il condamnait de nouveau la «rime boiteuse et forcée» au nom d'une rime-ornement. «En général, la versification est une affectation, et l'affectation de-vient ridicule sans habileté»2. Ame de la poésie, l'inspiration était exal-tée comme une illumination divine de l'esprit et comme une condition sine qua non de la création littéraire. Les genres poétiques ne devraient pas être confondus; aussi le rapporteur de 1862 s'employait-il à expli-

1. Πανδώρα 10 (1859-1860) 459; cf. Pal. Α., t. VI, pp. 201-202. 2. Jugement de 1862, p. 123.

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expliquer patiemment les lois régissant la poésie didactique, lyrique, épique et dramatique1.

Les poèmes envoyés au concours étaient au nombre de onze (1 didactique, 3 dramatiques, 1 lyrique et 6 épiques), mais Rangabé, selon son habitude, passait sous silence la plupart d'entre eux. Les trois drames avaient échoué complètement; l'auteur de Άγις αγχό-μενος, malgré sa connaissance du grec ancien, n'avait pas pu échapper à ce «naufrage» général, pas plus que celui de Χριστιανή Ευγενία, un dramaturge qui parodiait malencontreusement l'«Antigone» de So-phocle2. Parmi les autres poèmes, trois seulement avaient attiré l'attention du jury:

1) Σκενδέρμπεης : épopée dont la longueur est sept fois supérieure à celle requise dans les concours. La langue est excessivement archaï-sante, la versification généralement correcte. Un défaut majeur: le vers de quinze syllabes sans rime, mal choisi, devient monotone et favorise les longueurs. L'influence d'Homère — et, en partie, celle du Tasse — est manifeste. Mais l'auteur, ayant comme héros un person-nage historique, n'arrive pas toujours à transformer l'histoire en po-ésie. Il humilie Dieu en lui prêtant «des passions qui ne sont même pas dignes de l'homme», ou bien il se plaît à décrire des atrocités. Malgré tout, le poème en question ne manque pas de passages intéressants, dont le rapporteur présente de longs extraits3.

C'était la deuxième et dernière participation de Grégoire Stavridis-Prliôev4. Après son triomphe au concours de 1860, le «bulgare philhel-lène» revenait à la charge avec une épopée de 3.792 vers dont le sujet, dans le contexte historique de l'époque, ne manquait pas d'actualité5. Son archaïsme, attisé par les emprunts homériques, était plus rigide

1. Ibid., pp. 123-124. 2. Ibid., p. 124. Il s'agissait des poètes P. Panacos et Antoine Antoniadis

(1836-1905). Le premier avoue être l'auteur de Άγις αγχόμενος dans Oι Πλανήται ή ο κόσμος και τα δεινά του, Athènes 1864, p. ι. Le second enverra le même drame, sous le titre το φρόνημα των πρώτων Χριστιανών, au concours de 1870 et remportera le prix. Nous avons là, très probablement, la première participation d'Antoniadis, un poète qui occupera une place importante dans le concours de Voutsinas.

3. Jugement de 1862, pp. 124-127. En 1877, Rangabé revient sur Σκενδέρμπεης et en traduit en français de longs extraits: Histoire littéraire, t. II, pp. 181-186.

4. Voir le texte grec du poème dans Grigor Prlicev, Scanderberg. Introduction, traduction et notes par Ch. Codov, 2ème éd., Sofia 1969 (en bulgare).

5. La revue Πανδώρα, en annexe du t. 12, avait publié: N. Dragoumis, Ιστορία Γεωργίου Καστριώτου του επιλεγομένου Σκεντέρμπεη, επεξεργασθείσα κατά Παγανέλ, Athènes 1861.

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que jamais, sans toutefois dissimuler l'influence des chants populaires:

τα καθειμένα κράσπεδα πρασίνου εφιππείου ταινία χρυσοκέντητος παρέστρεφε βυσσινή· κατάργυροι αναβολείς από τρητών ιμάντων με χάριν αιωρούμενοι έσθ' ότε εδονούντο

«Τί μοι εφρύαξας Γελίν ως πάντοτε φρυάσσεις, όταν Σουλτάνος μας καλή, ή είναι ώρα μάχης; ουδέ Σουλτάνος μας καλεί, ουδ' είναι ώρα μάχης, αλλά σε στέλνω, τέκνον μου, εις τον εχθρόν μου δώρον»1

2) Περίλυπος εστίν η ψυχή μου μέχρι θανάτου: poésies lyriques, ca-ractérisées par un désespoir «qui parfois va jusqu'à ignorer même les doctrines consolatrices de la foi religieuse». L'accablement de l'auteur témoigne «ou d'un état moral maladif ou d'une affectation de mauvais aloi». La langue, moins archaïsante ici que dans le poème précédent, n'est pas dépourvue de fautes de grammaire. La versification est géné-ralement correcte. En somme, l'auteur possède les vertus fondamen-tales d'un véritable poète (imagination, sentiment et bon goût), mais il manque encore d'expérience et de culture. Sont entièrement cités les poèmes εις ασθενές παιδίον et H κατάσκοπος ψυχή*.

Nous avons là, selon toute probabilité, la première participation aux concours de Cléon Rangabé, fils du rapporteur3. A 20 ans, le jeune poète enfermait dans ses vers l'hypersensibilité maladive et la protes-tation blasphématoire de la nouvelle génération romantique:

Θεέ μου! το μικρόν αυτό τι σ' έπταισε παιδίον; τον κραταιόν πώς έβλαψε το ασθενές σου πλάσμα;

1. Grigor Prliöev, op. cit., p. 29. Georges Hateau a déjà repéré dans Αρμα-τωλός de Stavridis-Prlicev les réminiscences homériques qui «se mêlent aux influences de l'épopée populaire du Balkan»: Panorama de la littérature bulgare contemporaine, Paris 1937, p. 63. Cf. La poésie macédonienne, op. cit., p. 69.

2. Jugement de 1862, pp. 127-128. 3. Les deux poèmes cités par le rapporteur sont reproduits dans Rapt. Parn.,

pp. 686-688, et Mat. Parn., pp. 992-995; le second dans Pap. NP., pp. 238-240. Il est à noter que ces poèmes ne figurent plus dans Cléon Rangabé, Άλγη, Leipzig 1893, dont la préface porte en exergue le titre du recueil présenté par l'auteur au concours de 1862. —Sur Cléon Rangabé (1842-1917), voir surtout: Sp. De Biàzi, «Κλέων Ραγκαβής», Ποιητικός Ανθών 1 (1886) 237-240; Cléon Rangabé, op. cit., pp. V-VIII; Hélène Svoronos, Μικρασιατικόν Ημερολόγιον, Samos 1918, pp. 10-15, E.R.R [angabé], Κλέων Ραγκαβής, MEE 21 (1933) 6.

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Μη σε αφύπνισε τυχόν με άκαιρόν τι άσμα, ή άνθος τι μή σ' έθραυσε, πηδών εις το πεδίον;

Τι άλλο μέγα έγκλημα να πράξη ηδυνήθη και τι κακούργημα φρικτόν εις τον βραχύν του βίον,

ώστε βασάνων άξιον και πόνων και δακρύων εν τη δικαιοσύνη σου τη φοβερά εκρίθη;

3) Σωκράτης και Αριστοφάνης : poème épique accompagné de mor-ceaux lyriques. La versification est parfaite, la rime riche, la langue savante, soignée, élégante. La sobriété du style va jusqu'à l'exagéra-tion: «Quelques ornements ajoutés çà et là ne seraient pas superflus. La beauté nue est inimitable, mais elle ne perd rien avec une rose dans les cheveux». Peinture de la vie antique, ce poème en conserve la clarté des formes, l'austérité des contours, l'économie du coloris. Il obtient le prix à l'unanimité1.

On pouvait s'y attendre: ni l'épopée volumineuse de Stavridis ni les poésies pessimistes de Cléon Rangabé n'égalaient, aux yeux du jury, cette œuvre mesurée et sobre qui donnait, aussi bien par son contenu que par sa forme, l'exemple d'un néo-classicisme digne d'en-couragement. C'est ainsi que l'étudiant Alexandre S. Vyzantios, auteur de l'œuvre, reçut des mains d'Assopios la première couronne du nou-veau concours. Il n'allait pas tarder à publier son poème, dédié à Jean Voutsinas2. Ses vers, truffés de noms antiques, véhiculaient tout un rêve de retour au passé glorieux à travers une reconstitution du pré-sent obscur :

του Παρθενώνος θεωρών τας στήλας πεπτωκυίας τον πλάττω ως τον έπλασεν ακμαίον ο Φειδίας,

ο πλάστης ούτος των Θεών" και παν εκπλύνων λείψανον των δουλικών κηλίδίων

κοσμώ και με την λείπουσαν εκ των Καρυατίδων του Ερεχθέως τον ναόν.

Α. R. Rangabé pouvait être satisfait: il avait réussi à imposer

1. Jugement de 1862, pp. 128-132. 2. A.S. Vyzantios, Σωκράτης και Αριστοφάνης, ποίημα - βραβευθέν κατά τον

ποιητικόν διάγωνισμόν του 1862, Athènes 1862. Le même poème est reproduit dans la brochure Ποιήματα Αλεξάνδρου Σ. Βυζαντίου (préface de A.R. Rangabé), Athènes s.d., pp. 3-25, ainsi que dans Έργα Αλεξάνδρου Σ. Βυζαντίου, op. cit., pp. 19-37.

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ses vues littéraires et à faire couronner «à l'unanimité» un de ses amis. Mais il n'allait pas éviter, cette fois non plus, les attaques verbales d'Orphanidis, ainsi qu'il le raconte dans ses Mémoires : «En récompense de mes labeurs, je n'ai pas tardé à être insulté publiquement, surtout

par un de mes collègues (Orphanidis), qui faisait courir le bruit que j'avais consciemment favorisé — si, au moins, il disait n o u s av i -o n s f a v o r i s é , puisque nous étions quatre au jury! — mon ami personnel et voisin Alexandre Vyzantios. Il oubliait pourtant ou il ignorait une chose, c'est que parmi les poètes éliminés était aussi mon fils Cléon, auteur du recueil Περίλυπός εστιν ή ψυχή μου μέχρι θανάτου, recueil qui aurait très justement obtenu le prix, s'il n'y avait pas eu le poème de Vyzantios»1.

Mais ce n'étaient que des escarmouches sans grande importance — les concours avaient déjà connu des combats plus décisifs — et qui ne pouvaient pas ternir l'image d'un nouveau départ promet-teur. En 1862, au milieu d'une crise politique et sociale battant son plein, le concours de Voutsinas attisait de nouveau les espoirs et faisait de la poésie aussi bien un exutoire qu'un moyen de lutte. A. R. Rangabé l'expliquait bien: «La poésie ne nourrit certes pas la société et ne développe pas les forces matérielles de celle-ci; mais elle excite l'esprit et soulève l'enthousiasme... Les Jeux Olympiques et les Pana-thénées n'apportèrent pas de blé à la Grèce, mais ils lui apportèrent de la gloire»2.

Après dix ans d'activité intense, A. R. Rangabé pouvait enfin se retirer au second plan des concours; il ne serait de nouveau rappor-teur qu'en 1874. C. Paparrigopoulos avait rédigé son dernier rapport en 1859 et il ne serait plus jamais désigné comme porte-parole du jury3. Mais la relève était assurée. L'Université d'Athènes, dans son ensem-ble, avait toutes raisons d'être satisfaite. Elle assumait la continuation des concours, imposait ses options et envisageait avec optimisme un avenir littéraire où des œuvres-modèles telles que Σωκράτης και Αριστοφάνης apporteraient au moins à la Grèce, faute de blé, une gloire digne de l'Antiquité. A Athènes, on vivait à l'ombre de l'Acro-pole et avec le rêve d'une résurrection du passé. C'était le moment où

1. A.R. Rangabé, Απομνημονεύματα, op. cit., pp. 93-94. 2. Jugement de 1862, pp. 121-122. 3. Sa dernière participation au jury de 1864 sera suivie, ainsi que nous le ver-

rons, de sa démission. Il n'acceptera plus jamais de se mêler des concours. Fait sans précédent: en 1873, recteur de l'Université d'Athènes, il refusera de présider le jury.

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loin des concours, triste et désabusé, A. Valaoritis écrivait à Tommaseo (10 août 1862): «D'altronde mi accorgo che in Grecia la poesia ha poco corso e questo mi avvilisce et m'addolora perchè mi fa temere che il cuore della mia natione si sia, da lunghi patimenti, infievolito in modo da non avere più battiti nè per le tradizioni antiche nè per le speranze che racchiudonsi nell'avvenire»1.

2. 1863 : Un manifeste anti-romantique

La cérémonie du concours de 1863 eut lieu le 3 mai2. Le jury était composé de quatre membres: P. Paparrigopoulos (président), D. Ver-nardakis (rapporteur), A. R. Rangabé et A. S. Roussopoulos. Le nom-bre des poèmes envoyés (7) avait diminué sensiblement, ce qui n'était pas une surprise, vu les «circonstances politiques extraordinaires», évo-quées par le rapporteur à deux reprises3.

Ces «circonstances politiques extraordinaires» touchaient de près l'Université d'Athènes. Tout d'abord, la jeunesse estudiantine n'avait pas été étrangère au mouvement révolutionnaire qui, le 10 octobre 1862,

εν μια νυκτί και μόνη, αντιστάσεως μη ούσης

avait renversé le trône et montré au roi Othon le chemin de l'exil; la Phalange Universitaire, formée une semaine plus tard pour main-tenir l'ordre, mobilisait déjà, pour deux ans, presque 600 étudiants armés et de nombreux professeurs. Ensuite, le changement de régime ne laissait pas les structures universitaires intactes (renvoi de profes-seurs fidèles à Othon, dont Philippe Ioannou, réintégration d'autres, élection de deux représentants de l'Université à l'Assemblée Nationale, etc.)4. Bref, la vie universitaire et la vie politique ne constituaient

1. G. Zoras, Επτανησιακά Μελετήματα, t. III, Athènes 1966, p. 166. 2. Πανδώρα 14 (1863-1864) 105; cf. l'intéressant compte rendu du journal Ευ-

νομία, 7 mai 1863. Le Jugement de 1863, publié en brochure (Athènes 1863), explique le report de la cérémonie dans une note préliminaire, p. 3: «La fête annuelle de l'Univer-sité Nationale ayant été désormais transférée du 20 au 3 mai, anniversaire de la fondation de celle-ci, il a été décidé que ce jour fût célébré, non plus par le panégy-rique habitue],mais par le concours poétique et littéraire». Par concours littéraire (φιλολογικόν διαγώνισμα) on entendait celui fondé par Th. P. Rodocanakis, concours qui avait eu lieu pour la première fois le 20 mai 1861 et où le prix avait été décerné à l'étudiant G. Mistriotis.

3. Jugement de 1863, Πανδώρα 15 (1863-1864) 105 et 107. 4. Pant. Chr., pp. 152-153.

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point deux domaines séparés ou étanches. Mais le danger d'un boule-versement prolongé était toujours présent. Une fois le coup contre la «tyrannie» réussi, les outres d'Eole risquaient de rester ouvertes pour longtemps. Consciente de sa force, cette jeunesse «romantique» en révolte n'était-elle pas plus dangereuse que jamais? Sa récupéra-tion, voire sa mise au pas, constituait une des tâches les plus urgentes. Or les autorités universitaires et, dans la mesure de leurs moyens, les juges de 1863, avaient à remplir, en ce moment de crise, une mission sérieuse: défendre l'ordre contre toute tentative ou manœuvre de débordement.

Vernardakis s'y employa de bon cœur. A 29 ans, professeur d'Histoire Générale depuis 1861, il ne pouvait pas passer pour un homme de l'opposition politique1. Ayant déjà une longue expérience des con-cours auxquels il participa régulièrement de 1854 à I860, il y faisait maintement, en 1863, son unique apparition comme rapporteur du jury, avant de disparaître définitivement, ainsi que nous le verrons, dans la tempête de l'année suivante.

Mais cette unique apparition est un événement. Parmi les 25 Jugements, qui constituent le corpus de la critique universitaire de 1851 à 1877, peu de textes sont, sans doute, aussi lourds de significa-tions que le rapport de Vernardakis. Ecrit en une seule nuit2, ce rap-port a la verve d'un véritable manifeste anti-romantique; «on y voit la plume du critique et du littérateur qui enchante et qui fait penser»3; A vrai dire, la pensée du rapporteur de 1863, souvent étroite et dogma-tique, ne dépassait ni le cadre idéologique d'un conservatisme rébar-batif ni les visées d'une polémique hargneuse; elle avait cependant le mérite de s'élever à un niveau théorique que les juges universitaires, absorbés d'habitude par leurs pédanteries grammaticales, atteignaient

1. Selon le journal Πρωϊνός Κήρυξ, 25 janvier 1862, son cours inaugural avait été accueilli aux cris «vive Canaris!», ce qui était plutôt un signe de contestation. Il est significatif aussi que Vernardakis devait sa .nomination au ministre de L'Educa-tion Nationale M. Potlis, un des professeurs écartés de l'Université après le 10 octo-bre 1862: M.I.Michaïlidis, Λεσβιακοί σελίδες.- Μέρος: πρώτον, Βίος και έργα Δ.Ν. Βερναρδάκη, Mytilène 1909, p. 30.

2. Ibid., p. 69. 3. Pal.A., t. Χ, p. 290; èf. p. 214. I l serait intéressant de voir, dans l'œuvre

critique de Palamas, comment Vernardakis est de plus en plus valorisé au fur et à mesure que les conflits linguistiques perdent leur acuité: «homme resté inactif» en 1907 (Ibid., t. VI, p. 334), il est considéré comme «la figure la plus vivace et la plus essentielle de la période historique précédente» en 1916 (Ibid., t. VIII, p. 281), pour devenir «sublime» en 1934 (Ibid., p. 511).

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rarement. Toujours prompt à théoriser, Vernardakis se souciait, avant tout, de donner réponse à un certain nombre de questions générales. Nous en résumons les plus importantes:

a) Poésie. Elles était conçue, ainsi que la langue et la religion, comme «le fidèle reflet et la règle impeccable du développement de l'esprit national». A cet égard, seule «la Muse démotiqûe de la Grèce moderne, guidée par un philhellène et un ami des arts, le savant fran-çais Fauriel», avait pu donner naissance à une véritable poésie nationale. Rallis et Voutsinas, les fondateurs des concours, étaient dignes de re-connaissance. Mais leurs espérances demeuraient encore vaines: la poésie néo-hellénique, «cherchant ses inspirations non en elle-même et dans la nation, mais dans des littératures et histoires étrangères», n'était pas arrivée à dépasser le stade de l'imitation, ce qui était, en fin de compte, normal et compréhensible. Or une poésie autonome, indé-pendante et libre du «joug étranger» était à souhaiter1.

b) Langue. «Terrain commun de toute l'activité humaine», elle devenait particulièrement importante en poésie. Quant à sa forme acceptée aux concours: «Les juges n'interdisent pas la langue populaire en poésie; au contraire, ils la tolèrent et l'acceptent avec plaisir, mais la langue populaire elle-même, pure et véritable, dont seul, peut-être, feu Zalocostas réussit jusqu'à l'heure actuelle à découvrir le mystère, et non ce fade et mauvais mélange de l'éolo-dorien parlé et de l'ancien dialecte attique. Ils tolèrent et acceptent avec plaisir la langue en ques-tion surtout quand celle-ci exprime des idées analogues à sa forme, ce que Zalocostas réussit suffisamment, et non quand des Pégases ailés et aériens, chevaux de Chateaubriand, de Lamartine, de Hugo, de Goethe ou de Schiller, introduisent dans la pauvre et simple langue de la nation grecque le Manfred de Byron ou la poésie métaphysique de Shelley, ce qui est arrivé chez nous. Une telle langue devient alors un monstre horrible et abominable, une Chimère inconsistante, et c'est pour cela que de tels poèmes, quelle que soit leur hauteur, profondeur ou largeur, sont condamnés à disparaître dans l'oubli»2.

1. Jugement de 1863, pp. 106-107. 2. Ibid., p. 110. Nous retrouvons dans ce passage les principaux arguments de

la critique savante contre la langue et la poésie populaires: a) La langue parlée par le peuple constitue, selon la terminologie de Christopoulos (Γραμματική της Αιολοδω-ρικής, Vienne 1805), un dialecte (éolo-dorien) ; b) Cette langue n'est acceptable en poésie que dans la mesure où elle imite la f orme (figée) et le contenu (naïf) des chants populaires; c) Solomos est coupable d'une double déviation: il rie resta fidèle ni à la lettre ni à l'esprit des chants populaires. Sa «poésie métaphysique» est condamnable

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c) Religion. Elle était le but suprême de la poésie. Vernardakis exaltait «la nation grecque ancienne qui s'était avérée non seulement la plus poétique de toutes, mais aussi la plus religieuse»1.

d) Politique. Après avoir été qualifiée d'«étrangère à la poésie» par C. Paparrigopoulos (1859), elle subissait maintenant un réquisi-toire foudroyant: «Rien peut-être n'a nui à notre littérature moderne en général, et plus spécialement à notre poésie, autant que la politi-que. C'est elle qui a absorbé et qui a fané les plus nobles forces de la nation néo-hellénique; les Muses ne sont jamais restées tranquilles et en dehors de son influence. La politique est œuvre et souci du présent. Or celui qui veut cultiver les Muses, doit rejeter complètement la politi-que, en se rappelant que les Muses sont filles de Mnémosyne et que le poète ne trouve la vérité historique et poétique des choses que lors-que celles-ci deviennent objet de la mémoire, de Mnémosyne»2.

e) Romantisme. Epidémie d'origine étrangère, ce mouvement était notamment caractérisé en poésie par son côté extravagant, absurde et maladif. «Les fureurs poétiques de Manfred, de Childe Harold, du Giaour et de tant d'autres héros hypocondriaques et spleenétiques de lord Byron, la mélancolie élégiaque de Lamartine, la piété catholique de René et d'Atala, héros de Chateaubriand, et les extravagances en-flammées et éloquentes de George Sand contre les régimes sociaux, ces dernières étincelles de la lampe poétique vacillante de l'Europe occidentale vieillie, sont arrivées, très tôt malheureusement, chez nous les habitants de l'Orient, et ont soulevé, dans les coeurs de nombreux de nos poètes, des passions imaginaires et inexistantes, passions qui là-bas, chez les Occidentaux, sont justifiées par les conditions sociales,

ble. Or Vernardakis porte sur son œuvre le jugement sévère de Sp. Zambélios (Πόθεν η κοινή λέξις τραγουδώ, Athènes 1859) et reprend la «prédiction» de A. Soutsos:

Ιδέαι όμως έξοχοι πτωχά ενδεδυμέναι δεν είναι δι' αιώνιον ζωήν προωρισμέναι.

1. Jugement de 1863, p. 106. 2. Ibid., p. 115. Liée à l'esprit contestataire, la poésie politique est souvent

condamnée, à cette époque-là, pai· les adversaires du romantisme. En 1864, par exemple, à propos de Lamartine et de ses Méditations poétiques traduites en grec par A. Vlachos, A. Vyzantios écrit de façon caractéristique: «Mais les poésies poli-tiques, même les meilleures, disparaissent avec les passions éphémères qui les font naître; ce qui s'appelait justice il y a quarante ans, s'appelle aujourd'hui blasphème»: Χρυσαλλίς 2 (1864) 332.

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religieuses et morales, mais qui ne peuvent avoir aucune raison d'être dans notre civilisation jeune et à peine renaissante»1.

Ce n'était pas tout. Byron qui, mort à Missolonghi, n'avait connu de la part des Grecs que des éloges presque ininterrompus, était main-tenant accusé personnellement avec une véhémence peu commune: «Oui, Byron était hypocondriaque et extravagant; mais c'était un lord Anglais qui disposait de milliers de livres sterling... Il a foulé aux pieds non seulement toute idée commune et, pour ainsi dire, établie dans le domaine de la religion, de la morale, etc., mais aussi la logique elle-même; cependant, foulant aux pieds la logique, il l'a remplacée par une autre: par la logique ou plutôt par la sophistique de la passion»2.

Mais Byron n'était pas un cas isolé: Rousseau, George Sand, Fall-merayer et d'autres souffraient des mêmes «hypocondrie et extrava-gance». Un poète Grec n'avait aucune raison de singer de telles exagéra-tions maladives que rejetaient «la langue, le bon sens et le bon goût helléniques, restés sains, purs, nobles et non contaminés par l'épidémie étrangère»3. Ce poète Grec ne devait pas, en outre, manquer de connais-sances naturelles: «les Grecs anciens avaient le sentiment de la nature beaucoup plus profond et beaucoup plus merveilleux, bien qu'ils ne l'aient nullement exprimé en poésie comme les modernes...»4. Enfin, entre la langue et la logique — car, «l'une et l'autre ont la même sour-ce» — existaient des liens étroits et ceux-ci ne pouvaient pas rester intacts, lorsque le discours poétique se transformait en délire inco-hérent.

Ce long réquisitoire prononcé contre Byron et le byronisme avait une cible immédiate: deux poèmes «byroniens», Ο άγνωστος et Εγερ- τήριον, placés parmi les meilleurs du concours, offraient un exemple

1. Jugement de 1863, p. 113. Nous relevons, dans le texte de Vernardakis, les principales expressions relatives à la poésie romantique: ρωμαντική φρασεολογία (passim), τετριμμένη ρωμαντική φρασεολογία (p. 111), ληκύθειοι φρασεολογίαι (p. 108), (ρωμαντικός στόμφος και όγκος (p. 108), ρωμαντικαί υπερβολαί (p. 114), ληκύθειος στόμφος (pp. 114, 115), τα ξένα και τα οθνεία (p. 115), (ρωμαντική λέξις του συρμού: άγιος (p. 115), ρωμαντική δραματικότης (p. 116), στίχος υπερρωμαντικός (p. 118), ξενική επιδημία (p. 118), υποχονδρία και παραδοξολογία (p. 119), χιμαιρικός και ψευδής κόσμος (p. 119), υπερωμαντικοί ποιηταί (p. 120), «poésie» (p. 120).

2. Ibid., p. 119. C. Palamas relève cette «belle qualification» de Byron pour la tourner contre le rapporteur de 1863: «Qu'était aussi Vernardakis sinon un sophiste de la passion?»: Pal.Α., t. X, p. 290.

3. Jugement de 1863, p. 118. 4. Ibid., p. 120. En fait, Vernardakis, ayant renié le romantisme, reprenait les

idées qu'avait exprimées contre lui Coumanoudis en 1857.

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dangereux. Leur auteur n'était pas le premier venu; il s'appelait Achil-le Paraschos.

Une fois de plus, nous avons là l'occasion de voir dans quelle me-sure les luttes idéologiques peuvent correspondre, au niveau personnel, à une opposition de caractères et de fonctions significative. Deux hom-mes de la même génération — Vernardakis était né en 1834, A. Paras-chos en 1838 — s'affrontaient, en 1863, dans deux rôles différents et, en réalité, antagoniques. Le premier jugeait le second; il pouvait donc prendre un ton accusateur, voire faire de l'esprit1. Depuis dix ans, il avait fait un long chemin. Imitateur de Coumanoudis en 1854, il était vite passé de la poésie satirique au byronisme immoral, il s'était engoué du drame romantique et de Shakespeare, il avait étonné, polé-miqué, scandalisé. Erudit, versatile, instable, au fond conservateur, il devait trouver un refuge plus durable dans son esthétique classique (Euripide) et dans son négativisme sceptique, pour devenir un cavalier seul, un franc-tireur et un ermite au-dessus de la mêlée. Vernardakis allait résoudre ses contradictions négativement; il n'avait pas la force, dans les batailles intellectuelles, de dominer ses passions et ses sautes d'humeur. Avec le temps, ses forces créatrices s'épuisaient sensible-ment et son univers devenait de plus en plus figé, statique, appauvri; «l'helléniste l'avait emporté sur le poète»2.

Chez le second, au contraire, le poète n'a jamais rencontré l'hel-léniste. A 25 ans, A. Paraschos était déjà ce qu'il allait rester toute sa vie: un byronien pur sang, enthousiaste et naïf, sans culture et sans évolution, toujours guidé par son sentiment. En 1863, Vernardakis représentait un ordre établi qui, après la secousse du 10 octobre 1862, voulait prendre en main la situation et stopper toutes les forces centri-fuges en poésie, au nom d'un néo-classicisme apolitique. De l'autre côté de la barricade, A. Paraschos, poète-symbole de la jeunesse qui avait renversé le trône, donnait l'assaut à la forteresse universitaire, sous le drapeau d'un byronisme politisé et révolutionnaire. Peine per-due: la forteresse tenait bon pour le moment et disposait de tous les moyens pour résister à ses agresseurs.

Voici pourtant les 7 poèmes du concours, accompagnés d'un ré-sumé du rapport de Vernardakis et de notre commentaire:

1. Le texte de Vernardakis n'est pas exempt d'un humour caustique. Sa lecture fit rire «l'auditoire distingué» de la cérémonie: Πανδώρα 14 (1863-1864) 105.

2. Pal. Α., t. VI, p. 334.

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1) Ουσία : poème de 84 pages, incompréhensible et illisible, trai-tant de Dieu, de la nature, de la poésie, de l'unité, de la vie, de la justice, de l'économie, etc. Est cité complaisamment un passage ridicule1.

Canular ou œuvre d'un paranoïaque, ce «poème» est attribué par Ch. Anninos à Myrianthoussis, un versificateur simple d'esprit, «u à un de ses partisans2.

2) Ειρήνη, ή η τελευταία νυξ : extrait (544 vers) d'un poème se référant à la sortie de Missolonghi. Bien que l'auteur semble avoir lu les classiques Grecs, son œuvre constitue un mauvais mélange de mots anciens et de lieux communs romantiques.

3) Ο πατριάρχης Γρηγόριος : poème meilleur que le précédent en ce qui concerne la langue et la versification. Ecrit dans un style ecclé-siastique, il n'évite pas le ton déclamatoire et pompeux de la rhétori-que religieuse, bien qu'il soit exempt de l'emphase romantique. Les solécismes, les barbarismes, les comparaisons malheureuses et les mau-vaises métaphores abondent3.

Il s'agissait de l'œuvre d'un ancien concurrent de Vernardakis, Alexandre Catacouzinos4. Musicien et poète, ce petit-fils de C. Coumas devait rester lié à l'Eglise Orthodoxe par des rapports professionnels: directeur de chorales ecclésiastiques, il fut le premier à y avoir intro-duit la polyphonie. Son «style ecclésiastique» et «pompeux», en 1863, était au service de la Grande Idée:

Αετέ θριάμβων χαίρε! αετέ ορθοδοξίας! Συ από του Βυζαντίου προς τας χώρας της Ρωσσίας μετά του σταυρού απέπτης, σύνοδος της Βασιλίδος. Τώρα πάλιν εκ Ρωσσίας, εκ της νέας σου πατρίδος,

τας εκτάσεις διατρέχον και σταυρόν εις ράμφος έχον,

σύμβολον σεπτής θρησκείας, επί της αγίας τούτον επανάφερε Σοφίας5.

1. Jugement de 1863, p. 107. 2. Ch. Anninos, Ο Σύλλογος των Εισαγγελέων και άλλα ευθυμογραφήματα, Athè-

nes 1925, p. 339. A en croire Th. Vellianitis, Myrianthoussis fit son apparition à Athènes «vers 1878»: MEE 2 (1927) 277.

3. Jugement de 1863, pp. 107-109. 4. A. Catacouzinos, Ο πατριάρχης Γρηγόριος, Athènes 1871. L'auteur, ayant

complètement remanié son poème, ne mentionne pas son envoi au concours de 1863.

5. Jugement de 1863, pp. 108-109. Ces vers ne figurent plus dans la version publiée par A. Catacouzinos en 1871.

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4) Oι τάφοι της Αργολίδος, ή Ύμνος εις την Ελευθερίαν : poème politique en langue populaire, œuvre d'un poète plus ou moins illet-tré mais non dépourvu de talent. Imitation de l'«Hymne à la Liberté» de Solomos, ce poème fait montre, quant à la langue, de «toutes les anomalies qui se trouvent dans l'original» mais encore plus poussées. L'auteur a cependant échoué non seulement dans le choix de la langue, mais aussi dans celui du sujet: il ne devait pas s'occuper d'un «sujet politique aussi récent», à savoir la révolte de février 1862 et ses victimes en Argolide1.

Il s'agissait d'une œuvre de Spyridion Malakis2. Céphalonien, ayant exercé le métier de menuisier, ce poète autodidacte, qui s'était fixé dans la capitale grecque, allait se distinguer notamment pour ses activités journalistiques et politiques. Il nous a laissé aussi un volume de Mémoires. En 1863, sa verve révolutionnaire ne dépassait pas le niveau d'une imitation servile de Solomos :

Σε γνωρίζω ανδρειωμένη από την αρματοσιά

κι' από την αιματωμένη κόκκινή σου φορεσιά.

5) Όνυχες : six épisodes de la Révolution de 1821 (Η καταστροφή, H λεία, Τα θύματα της πείνης, Το λάφυρον, Η αιχμάλωτος, Το πτώμα). Poésies, en général, remarquables. La versification est variée et cor-recte. Les fautes de grammaire sont insignifiantes. Cependant, l'in-vention est plus ou moins banale, et «le poète n'a pas ce regard pro-fond qui découvre sur une chose connue et commune des côtés nou-veaux et inconnus». La «phraséologie rommantique» laisse, ici aussi, quelques traces3.

Il s'agissait d'une œuvre de Sophocle Carydis4. Les lieux communs alternaient avec l'emphase et l'imprécision de la langue:

1. Ibid., pp. 109-110. 2. Sp. G. Malakis, Oι τάφοι της Αργολίδος, ή Ύμνος εις την Ελευθερίαν. Του

Εξορίστου του Ναυπλίου άσμα πρώτον. Υπό Κεφαλλήνος λεπτουργού, Athènes 1863. L'envoi du poème au concours est mentionné dans la Préface (p. ιγ'), mais sans aucun autre commentaire. Sur ce poème, voir dans Χρυσαλλίς 1 (1863) 566, un compte rendu anonyme qui reprend, en grande partie, les reproches de Vernardakis. Sur l'auteur: El. A. Tsitsélis, Κεφαλληνιακά Σύμμικτα, t. I, Athènes 1904, pp. 374-377.

3. Jugement de 1863, pp. 110-112 et 115-117. 4. Όνυχες, ή Επεισόδια του 1821 sont publiés dans le journal de Carydis Φως,

16 novembre - 21 décembre 1863 et, en volume, dans S. Carydis, Έμμετρα και πεζά

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εις το Μεσολόγγιον φέρε με, Μούσα! Της πείνης τα θύματα δείξον μ' εκεί... Το μέτωπον κλίνον εδώ σκεπτική, εις τάφους θρηνούσα.

Τον θάνατον μάλλον αυτοί προτιμούν, ατίμου δουλείας εχθροί κηρυγμένοι"

με μάλλον την πείναν και δίψαν, κλεισμένοι, εδώ πολεμούν.

6) Φειδίας και Περικλής : poème qui, du point de vue de la forme, constitue «le plus beau et le plus parfait de tous les poèmes de cette année». La langue, malgré quelques fautes de grammaire, est correcte et soignée. L'auteur semble avoir étudié sérieusement le contexte his-torique de son œuvre. Il n'en reste pas moins prisonnier de ses con-naissances et se livre à des descriptions minutieuses, comme s'il avait pour seul objectif de dépeindre les mœurs de l'Antiquité. L'invention fait défaut et l'intrigue n'évolue pas. «Le poète à voulu, de toute évi-dence, suivre le modèle dit classique, mais il a échoué; il est resté ce qu'il était, un romantique»1.

Ce poète, Ange Vlachos, allait publier son œuvre en brochure sans manquer d'y ajouter une préface caractéristique. Vernardakis avait vu juste: les intentions du poète étaient consciemment anti-romantiques. «J'avoue que j'ai voulu emprunter un chemin différent de celui suivi jusqu'à présent en Grèce et, par la rédaction d'un poème à sujet antique, abandonner le romantisme qui, mourant déjà à l'Occi-dent, prospère encore malheureusement chez nous»2. Ce nouveau che-min, le poète ne pouvait prétendre l'avoir découvert le premier: l'école classique à laquelle il adhérait, «fleurit déjà depuis longtemps dans le Parnasse occidental, surtout allemand»3. C'est ainsi que l'autorité «oc-cidentale» donnait plus de poids à sa démarche. Du reste, Vlachos,

εις βιβλία δέκα. Βιβλίον πρώτον [Καλλιόπη], Athènes 1866, pp. 7-43, ainsi que dans Λυρικά ποιήματα. Όνυχες, Athènes 1876. Un épisode du poème (τα θύματα) est re-produit dans Rapt. Parn., pp. 549-552.

1. Jugement de 1863, pp. 112-113 et 117-118. 2. Ange St. Vlachos, Φειδίας και Περικλής, Athènes 1863, p. [«']. 3. Ibid. Vlachos ne mentionnait pas encore Heine, dont il avait connu l'œuvre

à Berlin en 1861-1862 et dont il allait traduire, l'année suivante, les «Dieux exilés» dans Χρυσαλλίς 2 (1864) 289 sq.

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décrivant minutieusement la vie antique d'Athènes, versait dans un archaïsme aussi élégant que froid:

Καίουν χρυσαί πολύμυξοι λυχνίαι από λευκών του Τάραντος λυχνούχων,

όπου θα πιουν φίλοι νεανίαι, όπου θα πίη μετ' αυτών ο προύχων

ομού των Αθηνών.

Επέραναν το δείπνον oι συμπόται, παρασκευήν Σικελικών μαγείρων, αι τράπεζαι απήρθησαν αι πρώται,

και φέρεται γλυκύς εντός κρατήρων οίνος Κλαζομενών.

Α. Vyzantios, lauréat de l'année précédente, n'avait-il pas déjà ouvert cette voie avec succès? Un critique anonyme de la revue Χρυσαλ-λίς venait bientôt le rappeler. Il trouvait normal que «le vent de la poé-sie souffle de l'Acropole»: au moment où George Sand écrivait une co-médie d'après «Ploutos» d'Aristophane et que le «fort en archéologie» Beulé rédigeait un drame comme «La mort de Phidias», «rien d'éton-nant si, à Athènes même, a commencé récemment à apparaître une tendance semblable vers l'antiquité». Or le poème de Vlachos, «écrit selon le modèle de Σωκράτης και Αριστοφάνης», témoignait d'une pous-sée classique incontestable1.

A. Vyzantios, de son côté, avait tout intérêt à louer, lui aussi, une oeuvre comme Φειδίας και Περικλής -— œuvre d'un de ses amis — qui montrait, au moins, que son propre poème couronné au concours dé 1862 commençait à faire école. Ainsi, dans un long compte rendu, il trouvait l'occasion, tout d'abord, d'attaquer les «imitations étrangères», le romantisme transplanté «des climats glaciaux de l'Occident aux territoires lumineux de l'Orient», les romans français et «les transports lyriques de Byron»; le mérite de Vlachos était de «conserver son grand sujet vierge de tous les fards étrangers»; malheureusement, concluait A. Vyzantios, un tel poème, qui ailleurs connaîtrait des éloges, était

1. Χρυσαλλίς 1 (1863) 564-566; cf. pp. 596-597. Sur les manifestations anti-romantiques de cette époque, voir Pal. Α., t. VIII, p. 503-518, et G. Valétas, «Αν-τιρρωμαντικά φανερώματα του 1863», NE 20 (1936) 1086-1087.

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destiné à rester invendu dans un pays où l'on n'achetait que les traduc-tions, pleines de solécismes, de Dumas et de Paul de Kock1.

Vernardakis, Vlachos, Vyzantios: le bloc anti-romantique parais-sait, en 1863, bien solide et passait à la contre-attaque avec vigueur. A. R. Rangabé lui avait ouvert patiemment la voie; il allait apporter, l'année suivante, un renfort considérable, son poème Διονύσου πλούς. Le 1er janvier 1863 avait commencé à paraître la revue Χρυσαλλίς qui, dirigée par Irénée Assopios (1825-1905), admirateur de Heine, allait contribuer au combat anti-romantique. Dans un tel contexte, l'apport d'un poème comme Φειδίας και Περικλής n'était pas négligeable. Face au désordre romantique, attisé par le byronisme et la littérature fran-çaise, un esprit d'ordre (moral, politique, esthétique) s'orientait de plus en plus vers un classicisme rigoureux, dont les racines allemandes, le sens de la mesure phanariote et l'inspiration archaïsante consti-tuaient quelques éléments des plus caractéristiques.

7) Ο Άγνωστος : poème purement romantique, une série de «gon-gorismes», de «divagations» et d'«absurdités hypocondriaques». L'in-trigue est presque insignifiante et la forme négligée. L'auteur ne sem-ble pas avoir étudié la langue (fautes de logique et de grammaire). Il dispose cependant d'une vertu rare et qui est absente chez tous les autres concurrents: l'inspiration. A cet égard, les passages de son poème sont «bons et mauvais à la fois». Quant à Εγερτήριον, un poème «entièrement politique» envoyé par le même auteur, il est inférieur à Ο Άγνωστος, excite les passions par ses appels au massacre et mérite le jugement sévère prononcé sur le poème Οι τάφοι της Αργολίδος2.

C'est ainsi que, traité en dernier, le poème de A. Paraschos prenait la première place au concours. Vernardakis avait, en grande partie, rédigé son texte par rapport à Ο Άγνωστος: ni ses longues tirades contre l'«hypocondrie» et l'«extravagance» romantiques, ni ses condamna-tions de la poésie politique n'auraient pris un caractère si violent, sans la présence de cette œuvre encombrante et contradictoire qui,

1. Πανδώρα 14 (1863-1864) 366-368. A. Vyzantios exprime-t-il ici son amertume due à ce que, malgré le prix de 1862, son propre poème n'a pas connu de succès commercial? Quoi qu'il en soit, nous n'avons pas de raisons de croire que la distinc-tion d'un poème aux concours en favorisait considérablement la vente. Quant aux «romans français» liés au romantisme et à l'introduction de mœurs étrangères, ils étaient, à cette époque, attaqués fréquemment; voir, par exemple, D. Vernarda-kis, Κυψελίδαι, op. cit., p. κγ' et Al. Zoiros, Δράματα δύο και λυρική ποίησις, Hermou-polis 1861, pp. 7-8.

2. Jugement de 1863, pp. 113-115 et 118-122.

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en dépit de ses défauts élémentaires, révélait un créateur aussi authenti-que que dangereux. Jamais un poème placé au sommet du concours n'avait été si sévèrement vilipendé par un rapporteur. Oeuvre passion-née, Ο Άγνωστος inspirait à Vernardakis des réactions passionnelles: un mépris mêlé d'émerveillement. L'érudition raffinée s'opposait vive-ment à la naïveté inculte, mais elle ne restait pas indifférente devant sa force et sa sincérité. En effet, le sentiment romantique enflammait le poème de Paraschos dès ses premiers vers:

Έκαστος στίχος στεναγμός, πάσα στροφή του θρήνος, πάσα ιδέα του παλμός·

δεν έγραφεν Εκείνος, ησθάνετο και έκλαιε, και ήσαν δάκρυά του,

κ' ήτον αυτός ο ίδιος, εκείνος τ' άσματά του. Από ουδένα π ο ι η τ ή ς ποτέ δεν εκαλείτο,

αλλ' όμως ήτο ποίησις, αν ποιητής δεν ήτο.

Είναι μεγάλοι ποιηταί, και ιερείς μεγάλοι, όσοι να γράφουν αγνοούν και η ψυχή των ψάλλει. Αυτοί δεν εξατμίζονται εις τα ποιήματά των, κλειούν το πυρ εις την ψυχήν και μένει η πυρά των.

Cependant, le jury de 1863 ne devait pas commettre l'erreur de couronner un tel poème: on ne donne pas d'armes à ses ennemis au moment du combat décisif. La solution des accessits, toujours vala-ble, pouvait très bien arranger les choses, empêchant ainsi le contact de la couronne avec une tête brûlée. Or le prix ne fut pas décerné, les poèmes de 1863 «n'ayant pas ateint, en général, le degré de perfection qui leur permettrait d'être comparés avec les autres œuvres poétiques qui sont d'ordinaire couronnées aux concours»1. L'auteur de Όνυχες obtenait un accessit «pour avoir chanté la guerre sacrée de l'Indé-pendance»; celui de Φειδίας και Περικλής, «pour la forme excellente et soignée»; celui de Ο Άγνωστος, enfin, «pour l'inspiration poétique qu'il doit, cependant, nous l'y exhortons, puiser dans la vraie et pure con-

1. Ibid., p. 115. Sur recommandation de Voutsinas, les 1.000 drachmes du prix furent déposées à la Banque Nationale, 120 drachmes ayant été retirées pour la publication du Jugement de 1863: R.R. de 1863, p. 33.

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conscience de la nation hellénique, et non à des sources étrangères». Mais l'accessit de Paraschos était déclaré «le premier»1.

En fin de compte, le jury de 1863 faisait preuve de souplesse tactique. Car, condamner le byronisme «étranger» au nom d'une poésie «hellénique» était une chose; rompre définitivement avec la nouvelle génération romantique en était une autre. Si les juges entendaient toujours imposer leurs vues sur la poésie néo-hellénique, ils étaient loin de vouloir paraître comme des censeurs intolérants et sectaires. Par ailleurs, les concours avaient besoin d'élargir leur audience. Ils n'auraient rien à gagner s'ils s'aliénaient les poètes contestataires, au moment précisément où ils devaient les attirer et, en quelque sorte, les apprivoiser.

Dans ces conditions, critiqué et récompensé par le jury de 1863, Paraschos était un vainqueur et un vaincu à la fois. Au demeurant, il n'inspirait pas d'antipathie aux juges; il s'était soumis à l'autorité universitaire et il avait sollicité le prix humblement2. Du reste, naïf et débonnaire, s'il aimait attaquer les régimes dans ses vers, il n'avait aucun goût ni pour les polémiques personnelles ni pour les chicanes en prose. Même Vernardakis, d'ordinaire si rancunier et vindicatif, ne semblait pas lui en vouloir: il critiquait vivement le poème Ο Άγνω-στος, mais il réservait à son auteur, «doué de génie poétique», suffi-samment d'indulgence et d'estime — une indulgence et une estime non exemptes toutefois de condescendance et d'ironie.

3. 1864: Le concours annulé

Ainsi, engagés de plus en plus dans la voie classique depuis leur nouveau départ, les concours semblaient avoir le vent en poupe et

1. Jugement de 1863, p. 115. Sur la participation de A. Paraschos au concours de 1863, voir Pal. Α., t. VIII, p. 420, et Gr. Xénopoulos, Oι Παράσχοι, Athènes 1916, p. 29. — ο Άγνωστος, sous le titre ο Άγνωστος ποιητής (1863), est publié dans A. Paraschos, Ποιήματα, t. I, Athènes 1881, pp. 7-44. Le poème Εγερτήριον (1860), publié Ibid., t. II, pp. 145-151, ne doit pas être confondu avec un autre poème du même titre, daté également de 1860, que l'on trouve Ibid., pp. 96-102.

2. Le journal Ευνομία, 7 mai 1863, nous apprend que, dans une lettre adressée au jury — Vernardakis (Jugement de 1863, p. 113) y fait une allusion — Paraschos avouait les imperfections de son poème, les attribuait au manque de temps et s'en excusait. Selon le même journal, les défauts de Φειδίας και Περικλής étaient dûs à la même raison, Vlachos ayant pris très tardivement la décision de se présenter au concours.

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pouvaient poursuivre leurs objectifs dans un climat favorable. Un grave accident vint soudain les bouleverser. En 1864, pour la première fois, la cérémonie fut annulée, «en raison d'une querelle très peu poé-tique survenue irrémédiablement parmi les membres du jury»1.

Cette querelle nous est connue dans ses détails les plus scandaleux: deux journaux athéniens de l'époque, το Μέλλον et Ευνομία (organe de A. R. Rangabé), fournissent suffisamment de renseignements pour que nous puissions reconstituer les faits dans leur ordre chronologique et connaître leurs protagonistes d'une façon plus ou moins intime.

On ne saurait trop souligner l'importance des journaux athéniens. Sources vivantes de toute cette époque, ils en enregistrent non seule-ment les événements marquants, mais aussi le ton, l'atmosphère, le climat. La description eat aussi précieuse que l'interprétation, le ren-seignement aussi utile que le commentaire. Certes, nous n'avons pas encore affaire à la «polyphonie» de nombreux collaborateurs, telle que nous la trouvons à la fin de XIXe siècle dans le presse quotidienne ou hebdomadaire. Le journal grec de la période qui nous préoccupe ne dépasse pas, en général, un stade plus ou moins artisanal. Produit d'un petit groupe, et très souvent d'une seule personne, il exprime un point de vue individuel, celui de son «rédacteur». C'est cet unique ré-dacteur, avec ses prises de position, ses humeurs, ses intérêts et ses objectifs immédiats qui confère d'ordinaire au journal un caractère subjectif ou partisan au plus haut degré: l'actualité est filtrée et reflé-tée par la conscience d'un seul individu. Mais cet individu n'est pas moins lié à des groupes, dont il devient le porte-parole à travers une série de médiations plus ou moins complexes.

Evénement athénien, les concours occupent une place importante dans la presse de la capitale. C'est cette presse qui nous fournit, en premier lieu, un nombre inappréciable de renseignements et qui nous transmet la température du moment: les critiques, les insatisfactions, les rancunes, les polémiques les plus chaudes. La plupart des concur-rents et des juges ont facilement accès à la presse athénienne; certains d'entre eux, éditeurs de journaux eux-mêmes, peuvent se battre avanta-geusement pro domo; beaucoup d'autres disposent d'avocats fervents. Les rédacteurs prennent position, soutiennent directement ou indirecte-ment une personne ou un groupe, servent leurs amis, attaquent ou font attaquer leurs adversaires. Les rumeurs, les commentaires des cafés et les commérages ont toujours une place honorable à côté des

1. R.R. de 1864, p. 76.

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faits et des renseignements concrets. Très souvent, les coulisses, riches en intrigues, livrent tous leurs secrets au public.

Ces coulisses, en 1864, sont particulièrement précieuses dans la mesure où elles nous permettent non seulement d'éclaircir la «querelle très peu poétique» des universitaires, mais aussi de nous introduire, en quelque sorte, dans les mécanismes du concours à travers les rap-ports humains les plus intimes. Ce sont les protagonistes de cette que-relle eux-mêmes qui nous servent de guides: chacun a pris soin de s' expliquer immédiatement, de donner sa propre version des faits. Nous avons à confronter les témoignages et à combler leurs lacunes. Voici eomment les choses se sont passées.

Annulé in extremis, le concours de 1864 avait suivi, jusqu'à un certain point, les préparatifs habituels. Les membres du jury avaient été connus: C. Phréaritis (président), Th. Orphanidis, D. Vernardakis et C. Paparrigopoulos1. Le rapporteur n'avait pas encore été désigné officiellement, mais Orphanidis se considérait déjà comme «chargé par tous de rédiger le rapport»2.

Quatorze poèmes avaient été envoyés, mais trois seulement avaient retenu, dès le début, l'attention du jury:

1) Θήβη3

2) Έρως Σουλτάνας4

3) Ο άγνωστος ποιητής5

1. A.R. Rangabé n'avait-il pas été exclu du jury, parce qu'il se proposait de présenter au concours son poème Διονύσου πλους? Nous ne saurions l'affirmer avec certitude. En tout état de cause, la longueur de ce poème (500 vers) est caractéristi-que: c'est celle exigée par le règlement de Rallis; cf. Mario Vitti, «Σημείωμα στο "Διο-νύσου πλους" του Ραγκαβή» [extrait du volume Μνημόσυνον Σοφίας Αντωνιάδη], Venise 1974, ρ. 412.

2. το Μέλλον, 26 mai 1864. 3. Tragédie de Jean Pervanoglos, publiée dans la revue Χρυσαλλίς 2 (1864) 356-

369, et en brochure: Θήβη, τραγωδία υπό Ιωάννου Περβάνογλου, υποβληθείσα εις τον ποιητικόν διαγωνισμόν του 1864, Athènes 1864.

4. Poème de Α. Vyzantios, publié dans Χρυσαλλίς 2 (1864) 300-305 [=Έργα Αλεξάνδρου Σ. Βυζαντίου, op. cit., pp. 39-59]. L'influence de A.R. Rangabé (Διονύ-

σου πλους) est ici, encore une fois, manifeste: Ο του Βοσπόρου το στενόν

βραδέως διατρέχων, και τας πτυχάς του ερευνών,

σεράι βλέπει θερινόν της όχθης υπερέχον.

5. Selon toute probabilité, il s'agissait du poème présenté par A. Paraschos

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Deux réunions préparatoires du jury avaient eu lieu à la maison du recteur Phréaritis. Elles nous sont racontées par Orphanidis et Ver-nardakis avec tous les détails. En voici, en résumé, les deux versions:

Première réunion (début avril 1864?) a) Version d'Orphanidis: Le jury eut à décider s'il allait décer-

ner le prix, le concours étant, selon Vernardakis et Paparrigopoulos, inférieur à celui de l'année précédente. Les trois meilleurs poèmes furent jugés de la façon suivante: Θήβη: tragédie défectueuses mais non dépourvue d'«idées magnanimes et puissantes» (Vernardakis et Paparrigopoulos); œuvre d'un auteur ayant une expérience scéni-que et promettant un avenir dans la poésie dramatique (Orphani-dis).-— Έρως Σουλτάνας : poème «sans poésie», bien versifié, mais faible et flasque («σανκουλί», selon Paparrigopoulos); «un diamant digne d'orner la couronne d'Apollon» (Vernardakis); «une toile d'araignée» (Orphanidis). — ο άγνωστος ποιητής: poème à rejeter (Vernardakis et Paparrigopoulos); œuvre qui «mérite un meilleur sort, sinon le prix» (Orphanidis). Ainsi, alors que Vernardakis et Paparrigopoulos préférèrent le poème Έρως Σουλτάνας, Orphanidis considéra Θήβη «comme une œuvre plus généreuse, plus patriotique et plus virile». Le recteur Phréaritis ne se prononça pas1.

b) Version de Vernardakis : Le jury distingua, parmi 14 poèmes envoyés, les trois meilleurs. Orphanidis croyait que Έρως Σουλτάνας était une œuvre de Lacon2.

Deuxième réunion (15 avril 1864) a) Version d'Orphanidis : La réunion, prolongée tard dans la nuit,

dura cinq heures. Vernardakis prit la défense de Έρως Σουλτάνας «avec une obstination inexplicable»; cinq heures durant, Orphanidis essaya de lui faire entendre raison. A la sortie, dans la rue, il dit à Vernarda-kis qu'il ne fallait pas couronner le poète de Έρως Σουλτάνας «pour éviter de nouveaux scandales», mais son interlocuteur, faisant sem-blant de ne pas comprendre, l'insulta «cyniquement». En tout cas, Orphanidis ne déclara à aucun moment que Vernardakis «avait l'in-tention de partager le prix avec le concurrent»3.

au concours de 1863. Le même titre est également employé par Ph. A. Iconomidis: Δύσελπις-Εύελπις ή Ο άγνωστος ποιητής, œuvre envoyée aux concours en 1861 et en 1865.

1. Το Μέλλον, 26 mai 1864. 2. Ibid., 2 juin 1864. 3. Ibid., 26 mai 1864.

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b) Version de Vernardakis : Paparrigopoulos prit la parole, mais il fut vite obligé de se retirer sur un canapé et de se taire jusqu'à la fin de la réunion, au furet à mesure que la discussion dégénérait à cause d'Orphanidis (εξωρφανιδίζετο). Ce fut alors que celui-ci se mit à fulminer contre Έρως Σουλτάνας prétendant que l'auteur de cette œuvre avait plagié Byron, Πύργος της Πέτρας, Χίος δούλη, etc. En vain Vernardakis lui fit-il remarquer que le poème en question devait être jugé en tant que ballade (χορωδία). Plein de fureur, Orphanidis se répandit en injures, ridiculisa le poème et lança contre Vernardakis des allusions offensantes. Enfin, dans la rue, après avoir pressé Vernar-dakis de voter pour Θήβη — ce dernier avait refusé ironiquement — il le menaça de faire sur lui des révélations horribles et disparut dans la nuit en criant1.

Cet épisode fut fatal. Le lendemain, 16 avril, Vernardakis pré-sentait au recteur sa démission du jury et en donnait les raisons: la nuit précédente, il avait été accusé par Orphanidis d'avoir corrigé

Έρως Σουλτάνας et de s'être mis d'accord avec l'auteur pour le partage du prix2.

Aussitôt que cette démission fut connue, Orphanidis adressa une longue lettre au recteur (18 avril) pour lui fournir des explications. Les deux réunions du jury y étaient racontées en détail; les raisons de la démission de Vernardakis étaient réfutées comme des «mensonges». La vérité, révélée par cette lettre, explosait comme une bombe: «Le poème Έρως Σουλτάνας, appartient à un jeune ami de Vernardakis, avec qui ce dernier a des rapports très intimes et pour qui il a une grande sympathie — innocente, bien entendu!»3. Enfin, Orphanidis demandait au recteur de compléter le jury, tout en présentant des conditions: «je n'accepte en aucune façon de collaborer avec M. Alexandre Rangabé proposé par M. Paparrigopoulos, pour des raisons multiples et sérieuses que je me permets de ne pas exposer»4.

Les événements se précipitèrent. E. Castorchis, désigné par le Conseil Universitaire comme remplaçant de Vernardakis, ne fut pas la personne indiquée pour rétablir la paix dans le jury: Paparrigopoulos

1. Ibid., 2 juin 1864. 2. La lettre de démission de Vernardakis, publiée dans le journal Ευνομία, 19

avril 1864, est reproduite par το Μέλλον, 4 juin 1864. 3. T ο Μέλλον, 26 mai 1864. Au deuxième tirage du même numéro de ce journal,

la phrase «innocente, bien entendu!» fut enlevée par le rédacteur. 4. Ibid.

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démissionna, à son tour, le 25 avril1. Après quoi, le concours de l'année 1864 fut annulé par le Conseil Universitaire. Mais la crise ne faisait que commencer; on avait encore beaucoup de comptes à régler.

Orphanidis revint à la charge, le 28 avril, avec une deuxième lettre au recteur, pour dénoncer, cette fois-ci, les agissements de Papar-rigopoulos. Celui-ci, selon le professeur de botanique, n'avait pas cessé d'intriguer: il avait proposé Rangabé comme remplaçant de Vernar-dakis, il avait demandé le partage du prix entre les poèmes Έρως Σουλτάνας et Θήβη, il s'était opposé à la désignation d'Orphanidis comme rapporteur du jury. En fin de compte, sa démission était com-préhensible: la nomination de Castorchis à la place de Rangabé avait marqué l'échec de ses intrigues2.

Début mai, l'annulation du concours fut annoncée et déplorée par les journaux. το Μέλλον exprima la déception des concurrents devant un acte qui «ressemble à de l'eau froide versée sur la flamme poétique de notre nation»3. Ευνομία se préoccupa surtout des mécènes et des donateurs: «Nous souhaitons que les patriotes généreux, qui offrent avec empressement leur argent pour la Grèce, ne soient pas décou-ragés par nos vilenies»4.

Ces «vilenies» allaient être bientôt révélées au public en détail. Dans une longue lettre présentée sous le titre «Ce qui s'est passé au concours de 1864» (το Μέλλον, 26 mai 1864), Orphanidis ouvrait le dossier de cette affaire et publiait ses deux lettres adressées au recteur. Il se donnait comme ennemis non seulement «un certain Démétrios Trantalidis, lesbien, transformé, d'un coup de baguette magique, en Démétrios Vernardakis, crétois et professeur» 5, mais aussi toute une «alliance quadripartite» (Rangabé, Paparrigopoulos, Vernardakis, Vy-zantios) qui, ayant comme organe le journal Ευνομία, complotait con-

1. Pour Vernardakis, le responsable de cette démission fut de nouveau Orpha-nidis, dont la présence au jury entraîna, de plus, un refus de participation de la part d'Assopios et de Rangabé: Ibid., 4 juin 1864. Mais l'explication donnée par Orpha-nidis nous paraît en l'occurrence plus crédible: la démission de Paparrigopoulos fut principalement motivée par la nomination de son ennemi Castorchis à la place de son ami Rangabé: Ibid., 26 mai 1864.

2. Ibid. 3. Ibid., 8 mai 1864. 4. Ευνομία, 9 mai 1864. 5. Orphanidis n'évite pas les sous-entendus scabreux: Vernardakis, accusé d'ho-

mosexualité, est «lesbien», Castorchis, loué pour sa virilité, devient «Cast-orchis» etc. On comprend pourquoi le rédacteur de Το Μέλλον enleva, au dernier moment, par prudence, certaines expressions osées du professeur de botanique.

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contre lui. Du reste, Orphanidis était fier de son attitude: il avait sauvé l'honneur du jury et du concours, lequel n'aurait pas évité la faillite «à l'instar de celui de M. Rallis, après le couronnement des fameuses «perles» par M. Rangabé». Il invitait, enfin, les auteurs des trois meil-leurs poèmes de 1864 à publier leurs œuvres, pour que le public, les intellectuels et le fondateur puissent juger sur pièces1.

Deux réactions à l'article d'Orphanidis furent foudroyantes: celles de Vernardakis et de Vyzantios2.

Vernardakis commençait par faire amèrement son autocritique: il avait eu tort d'accepter de participer au même jury qu'Orphanidis, homme inculte, qui ne savait que crier fort, et «dont l'aptitude aux fautes d'orthographe est en effet inappréciable». Ensuite, il présentait sur les deux réunions du jury sa propre version. Il n'était pas devenu Vernardakis d'un coup de baguette magique: lesbien par sa mère (Tran-talidis) et crétois par son père (Vernardakis), il avait le droit de s'ap-peler comme bon lui semblait. La haine d'Orphanidis contre l'auteur de Έρως Σουλτάνας A. Vyzantios, datait de l'époque où ce dernier avait écrit contre le professeur de botanique pour défendre le savant allemand Heldreich. Vernardakis ne niait pas son amitié avec Vyzan-tios. Mais il n'y voyait aucun crime. Zalocostas, Coumanoudis, Tertsé-tis, Carassoutsas et d'autres concurrents, dont Orphanidis lui-même, avaient entretenu des rapports amicaux avec des juges universitaires, sans être blâmés pour autant. Quant aux allusions «infectes et igno-bles» d'Orphanidis, enlevées par le rédacteur de το Μέλλον, Vernar-dakis dédaignait d'y répondre. En tout cas, ce n'était pas la première fois que le professeur de botanique se livrait à des calomnies pareilles: un dimanche du mois d'avril, au cours d'une excursion aux alentours d'Athènes, il avait raconté les mêmes ragots aux étudiants en médecine. Dans ces conditions, Vernardakis n'avait qu'à plaindre la patrie qui payait comme enseignants de la jeunesse «de telles ordures et de tels salauds!»3.

La réponse de A. Vyzantios n'était pas moins violente. Le jeune étudiant brossait, tout d'abord, un portrait d'Orphanidis peu flatteur:

1. Το Μέλλον, 26 mai 1864. 2. Les réponses de Vernardakis et de Vyzantios, publiées quelques jours plus

tard, datent du 25 mai, ce qui n'est pas inexplicable, si το Μέλλον du 26 mai était mis en vente à Athènes dès la veille ou, chose moins probable, si le rédacteur du journal avait communiqué à Vernardakis et à Vyzantios le texte d'Orphanidis avant sa publication.

3. Ibid., 2 et 4 juin 1864.

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cabotin, poète sans valeur, critique insignifiant, inculte et spécialiste des fautes d'orthographe, personnage vulgaire et intéressé, le profes-seur de botanique n'avait été couronné à trois reprises dans le passé que grâce à ses flatteries ou à ses menaces. Assopios, Rangabé, Couma-noudis et Vernardakis en dernier avaient connu successivement sa colère, «parce qu'ils ont tardé, ou parce qu'ils n'ont jamais consenti, à lui donner les mille drachmes». Nourrissant une haine implacable contre Vyzantios — «car, j'ai toujours exprimé, en écrivant ou en parlant sur lui, le mépris qu'il mérite» — Orphanidis, après avoir ap-pris «par des moyens honteux» l'identité de l'auteur de Έρως Σουλτάνας avait tout fait pour empêcher le couronnement de celui-ci, avait ob-ligé ses confrères à démissionner et, par conséquent, portait toute la responsabilité de l'annulation du concours. Vyzantios avouait volon-tiers être un ami de Vernardakis, et il s'en vantait. Mais il affirmait, en même temps, qu'il n'avait jamais donné à ce dernier l'occasion de soupçonner «ni directement ni indirectement» que lui, Vyzantios, était parmi les candidats du concours. Il invitait aussi Orphanidis à expli-quer «formellement, exactement et nommément les calomnies qu'il laisse sous-entendre». Quant au recteur, il n'avait pas montré une atti-tude irréprochable: Vyzantios s'étonnait que Phréaritis eût permis à Orphanidis de lui adresser des lettres qui parlaient «d'une manière aussi indécente de deux collègues honnêtes. Mais ce scandale aussi nous a paru normal, vu la qualité du recteur et professeur» 1.

Cette violence de la part d'un étudiant envers deux universitaires, aussi étonnante qu'elle puisse paraître, était justifiée, en dernère ana-lyse, par le niveau du débat et les mœurs de l'époque. Vyzantios, d'ailleurs, n'était pas n'importe qui; son rang familial, son couronnement au concours de 1862, ses relations avec les professeurs Rangabé, Ver-nardakis et Paparrigopoulos, lui donnait le droit, vu la gravité des «calomnies» dOrphanidis, de se défendre sans réticences. Une fois de plus, A. R. Rangabé réglait ses comptes avec son vieil ennemi par per-sonnes interposées. Une fois de plus, Orphanidis trouvait des défen-seurs parmi les adversaires de Rangabé, les hommes de l'opposition politique, les poètes battus.

Sophocle Carydis nous en offre un exemple typique. Candidat

1. Ευνομία, 2 juin 1864. Le même numéro de ce journal annonce que le «prin-cipal rédacteur» A.R. Rangabé étant parti en voyage, il est remplacé provisoirement par son fils Cléon. Mais ce départ diplomatique n'était-il pas un prétexte pour faciliter les attaques du journal contre Orphanidis?

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malheureux aux concours à maintes reprises (1851, 1857, 1859, 1863), ennemi mortel de A. R. Rangabé et de son groupe, il avait maintenant l'occasion de donner libre cours à ses sarcasmes dans le journal qu'il publiait: «Nos professeurs livrèrent récemment la bataille la plus meur-trière pour la prise des mille drachmes... Si le fondateur n'est d'aucune utilité, il offre néanmoins au public des spectacles annuels si originaux et réussis que beaucoup de spectateurs souhaitent les voir deux fois par an». Au début, prétendait Carydis, après la démission de Vernar-dakis, «nous avons rejeté toute la responsabilité de ces tristes événe-ments sur M. Orphanidis»; mais par la suite, dans la réponse de ce der-nier «nous avons trouvé plus de sincérité que dans les bavardages bru-taux du jeune homme» (Vyzantios). En somme, le concours de 1864 avait été transformé en une farce pitoyable «qu'a montée, caché der-rière un rideau invisible, le phanariote connu» (Rangabé). Quant au poème Έρως Σουλτάνας publié entre-temps dans Χρυσαλλίς (30 mai), il n'était qu'un «avorton misérable» et dépourvu de toute qualité, en dépit «des multiples retouches phanariotes» qu'il avait subies. En-fin, Vernardakis était digne de félicitations «pour la riche collection de mots grossiers avec laquelle il enrichit nos dictionnaires»1.

Carydis ne tardait pas à reprendre ses attaques avec plus de vio-lence: «La clique de Έρως Σουλτάνας continue d'enrager et de pleurer sur la perte du butin. On continue d'insulter dans Κλειώ M. Orphanidis, parce qu'il n'a pas permis que le concours poétique fût déshonoré par le couronnement d'un poème écœurant, comme cela est arrivé autre-fois, grâce au même vieillard, l'orang-outang (Ραγκ-ου-τάγκον) du Phanar, pour que fussent payés quelques loyers... Et le blanc-bec de

Έρως Σουλτάνας enrage maintenant, lui aussi, parce qu'il a perdu les frais d'un grand voyage...»2.

Mais cette affaire ne pouvait pas en rester là. En fait, elle avait dépassé les limites d'une polémique décente et, qui plus est, avait mis en évidence une crise universitaire plus profonde que jamais. Or l'opposition politique s'empressa d'en profiter. Le journal Μέριμνα, par exemple, ne perdit pas l'occasion de se lancer dans de virulentes atta-

1. Φως, 6 juin 1864. Nous ignorons si Carydis avait envoyé quelque poème pour le concours de 1864.

2. Ibid., 20 juin 1864. Par son allusion aux «loyers», Carydis se référait évidem-ment au fait que le lauréat du concours de 1862 Vyzantios cohabitait avec Rangabé. La suite de l'article, toujours riche en insultes (σουλτανική σπείρα, ραγκουταγκαβικό χαρέμι, etc.) annonçait entre autres la publication d'une parodie d 'Έρως Σουλτάνας, publication qui, à notre connaissance, ne fut pas réalisée.

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attaques contre l'«obscurantiste» ex-roi Othon et ses partisans, Philippe Ioannou en particulier, demandant, en même temps, une épuration générale dans l'Université1. Dans ces conditions, le gouvernement fut obligé d'agir. Le ministre de l'Education Nationale invitait bientôt le Conseil Universitaire à blâmer sévèrement les deux professeurs, Orphanidis et Vernardakis, pour leur attitude indécente. Mais Vernar-dakis était trop susceptible pour accepter une telle sanction discipli-naire sans présenter sa démission2.

Ainsi, la «querelle très peu poétique» des professeurs athéniens devenait un scandale public. Au moment où le nouveau régime du roi Georges se mettait en place et où le rattachement de l'Heptanèse à la Grèce (21 mai - 2 juin 1864) constituait un événement national majeur, les juges universitaires, déchirés par leurs propres discordes, prou-vaient qu'ils n'avaient rien à envier aux candidats protestataires pour la technique du commérage et pour l'art de l'injure. Le passage d'un régime à l'autre attisait les vieilles rancunes et rendait manifeste la crise de l'Université. Pour la première fois, les concours poétiques étaient attaqués, non pas par la base, mais par le sommet. Le jury de 1864, en proie aux inimitiés internes les plus irréconciliables, som-brait soudain dans un déferlement de passions.

Deux candidats du concours annulé, Jean Pervanoglos (1831-1911) et P. Panacos, nous ont laissé, eux aussi, leurs témoignages.

Pervanoglos, auteur de Θήβη et bénéficiaire du soutien d'Orpha-nidis, est reconnaissant «au juge qui vota pour (son) poème». Ce poème, explique-t-il, n'était point envoyé au concours de 1864 pour le prix de 1.000 drachmes; sa publication devenait néanmoins nécessaire «après la querelle de M.M. les juges». Quant au fond du problème, la querelle elle-même, Pervanoglos se montre prudent: «Les événements de ce concours sont connus. Je n'essaie nullement d'éclaircir lequel des juges avait raison, car, en tant qu'impliqué dans l'affaire, je ris-que peut-être de me tromper. Ayant toutefois une expérience de la poésie notamment dramatique, j'ose croire que mon oeuvre ne méri-tait pas d'être considérée comme inférieure à une ballade». Pervano-glos est consciemment anti-romantique: «En ce qui concerne la compo-

1. Voir Ευνομία, 16 et 30 juin 1864, où Ph. Ioannou —renvoyé en 1862, mais réintégré un an plus tard— est défendu contre ces attaques.

2. Annoncée par les journaux (Το Μέλλον, 23 juin 1864, Ευνομία, 27 juin 1864), cette démission semble éphémère et sans conséquences. En fait, c'est en 1869 que Vernardakis quitta son poste de professeur, pour des raisons étrangères à l'institu-tion poétique: Pant. Chr., pp. 191-193.

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composition de ma tragédie, j'ai préféré suivre l'école classique et ses parti-sans, évitant ainsi la division en actes, la minutie des caractères, l'in-trigue compliquée et les inutiles imitations de l'école romantique, car je pense que toute singerie (πιθηκισμός) en Grèce est nuisible et que le Grec, pour être Grec, doit considérer comme modèles ses ancêtres admirés et admirables». La seule nouveauté de l'auteur est l'introduc-tion de la rime dans les choeurs chantés1.

P. Panacos, étudiant en médecine et télégraphiste à Argos, a les réactions typiques d'un candidat frustré: rancune contre les juges, vantardise, esprit de vengeance et de dénigrement, le tout dans un grec excessivement archaïsant, presque ancien. Son drame Άγις αγχόμε-νος (1862) n'avait pas été apprécié par Rangabé «qui avait couronné son voisin de chambre Vyzantios». Son poème épique Οι πλανήται, envoyé au concours de 1864, «le nain» Vernardakis, au cours d'un entre-tien que l'auteur avait eu avec lui, l'avait décrété inférieur à Άγις. Or Panacos, originaire de Sparte, a toutes raisons de fulminer contre ses ennemis «hétérochtones»2: «Quel signe de vertu pourrait-on attendre de Vernardakis et consorts, élevés dans la servitude?»3. Ainsi, A. R. Rangabé est constamment insulté, Vernardakis menacé de «donner publiquement compte de ses actes», A. Vyzantios traité d'«illettré», d'«insolent» et d'«adolescent aux belles jambes», Cléon Rangabé vili-pendé. Seul le «consciencieux» Orphanidis est vertueux: il a déjoué le

1. Jean Pervanoglos, op. cit., pp. 62-64. Sur Θήβη, voir Nicolas I. Lascaris, Ιστορία του νεοελληνικού θεάτρου, t. I, Athènes 1938, pp. 223-225. —Jean Pervanoglos,

docteur ès lettres à Munich (1854) et, plus tard, professeur non titulaire à l'Univer-sité d'Athènes, est un écrivain polygraphe. Son «exprérience de la poésie notamment dramatique» est due à ses traductions en vers: «Iphigénie en Tauride» de Goethe, Φιλίστωρ 2 (1861) 403-427, «Les animaux parlants» de J. Casti, Πανδώρα 19 (1868-69) 121-129. A Leipzig (vers 1880-89), il deviendra l'éditeur de la revue Έσπερος. Nous jui devons un récit historique (Μιχαήλ ο Παλαιολόγος, 1883), des traductions, des monographies historiques, etc., Sur Pervanoglos, voir MEE 19 (1932) 933 et C. Th. Dimaras, Histoire, p. 361.

2. La distinction des Grecs entre «autochtones» et «hétérochtones» fut établie par un décret voté à l'Assemblée Nationale le 21 janvier 1844, afin que fussent éloignés des postes publics les fonctionnaires venant de l'étranger (hétérochtones). Mais ce décret, qui souleva alors une vague de protestations, ne fut jamais appliqué.

3. P.I. Panacos, Oι Πλανήται ή Ο κόσμος και τα δεινά του. Ποίημα επικόν. Ρα-ψωδία Α'. —Επιτάφιος λόγος προς τον φοιτητήν Παπίτσαν, και το Γάντι (Der Hands-chuh). Έμμετρος μετάφρασις εκ του γερμανικού υπό — τελειοφοίτου της ιατρικής, τηλε-γραφητού Β' τάξεως και προϊσταμένου του τηλεγραφείου Άργους, Athènes 1864, p. ια'.

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complot et empêché les «hétérochtones» de s'approprier les 2.000 drach-mes de l'«honnête fondateur» 1.

Les événements de 1864 ouvrent, sans doute, dans l'histoire des concours une parenthèse lourde de sens. Jamais les antipathies et les controverses entre professeurs, connues depuis longtemps2 mais soi-gneusement dissimulées, n'avaient éclaté au grand jour avec une force aussi brutale. Jamais les concours poétiques n'avaient été entraînés dans un conflit aussi prosaïque, qui faisait des 1.000 drachmes la prin-cipale, sinon la seule, pomme de discorde. Deux anciens concurrents hargneux, Orphanidis et Vernardakis, devenus membres du même jury, avaient servi de détonateurs dans une crise qui, au fond, dévoilait de manière peu flatteuse l'ensemble des coulisses universitaires. Or, si l'institution fondée par Rallis et adoptée par Voutsinas devait survivre — et toutes les conditions pour cela étaient réunies — sa réorganisation semblait urgente et nécessaire. Mais, tout d'abord, il fallait relever le prestige du jury et faire oublier le scandale; par conséquent, les personnes directement impliquées dans les «tristes événements» de 1864 n'avaient plus de place aux concours — tout au moins, dans un proche avenir.

4. 1865 : L'heure du drame

En effet, aucun des professeurs compromis dans la querelle de 1864, ne faisait, l'année suivante, partie du jury, qui était composé de 4 membres: H. Mitsopoulos (président), A. S. Roussopoulos (rap-porteur), St. Coumanoudis et Th. Aphentoulis. Un besoin de renouveau était manifeste; les circonstances s'y prêtaient. Voutsinas redoublait de zèle: désireux de voir célébrer le rattachement de l'Heptanèse à la Grèce, il offrait, exceptionnellement pour l'année 1865, 1.000 drachmes supplémentaires, destinées au couronnement d'un poème écrit en lan-gue populaire et notamment heptanésienne; «mais aucun poème pareil ne fut envoyé au concours»8. D'autre part, il était normal que la mise en place du nouveau régime créât un certain esprit d'innovation, ne fût-ce que superficiel; aussi quelques lacunes quant au fonctionnement

1. Ibid., pp. ια' sq. 2. Lorsque, en 1858, G. Tertsétis (Ο θρίαμβος του ποιητικού διαγωνισμού) pré-

sentait les juges en train de se battre, il n'ignorait certainement pas les querelles des factions universitaires.

3. R.R. de 1865, p. 27.

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du concours ont-elles été comblées, ainsi que nous l'avons vu, par des mesures administratives précises1.

Ceci dit, aucun changement de fond n'était à faire ou à envisager. Bien partis, les concours pouvaient poursuivre leur route selon le che-min tracé. Après l'accident momentané de 1864, tout continuait comme avant. La cérémonie du 9 mai 1865 était une cérémonie comme les autres.

Bien entendu, ce n'est pas le rapporteur A. S. Roussopoulos (1823-1898) qui pouvait lui offrir des signes d'originalité. Personnage amor-phe, presque inconsistant, il s'acquittait de sa tâche en recourant, le plus souvent, aux lieux communs habituels: éloge des concours, réfé-rences constantes à l'Antiquité, conseils donnés aux jeunes concur-rents d'accepter le verdict du jury sans protestations et de subir les épreuves «à l'instar des adolescents spartiates»2. Son moralisme, ex-cité par les cris anti-religieux des poètes romantiques, était aussi mono-tone qu'ennuyeux. La seule hardiesse de Roussopoulos consistait à parsemer son rapport de nouveautés orthographiques plus ou moins fantaisistes: par exemple, ίνε, τώρα, au lieu de είναι, τώρα. Du reste, le néo-classicisme universitaire lui montrait la voie à suivre. Le rap-porteur de 1865 ne pouvait et ne voulait pas innover.

Les 15 poèmes envoyés au concours étaient répartis en trois caté-gories: 5 lyriques, 7 épico-lyriques et 3 dramatiques. Nous présentons ci-dessous, comme à l'ordinaire, un résumé du Jugement de 1865 suivi de notre commentaire. Voici, d'abord, les 5 poèmes lyriques:

1) Στίχοι : recueil de 9 petites poésies diverses, dont le bon goût et la grâce sont indiscutables. La versification, aisée et correcte, «ne semble pas dépourvue d'une certaine affectation». L'auteur manie ha-bilement la langue savante — l'usage de quelques mots anciens et incompréhensibles est inscrit toutefois à son passif — et évite, en géné-ral, les fautes de grammaire et d'orthographe, sinon les germanismes ou quelques formules syntaxiques compliquées. Mais son principal défaut réside dans l'absence de sentiment: «son insensibilité consiste en ceci, qu'aucun sentiment noble et supérieur ne s'est encore im-planté dans son âme; ni amour, ni patrie, ni religion, ni vérité, ni joie, ni tristesse..., mais une frivolité..., une indifférence générale et une certaine ironie se dégage de toute sa poésie. Si de telles caractéristiques ne relèvent pas d'une instabilité juvénile, elles sont certainement dues

1. Voir, ici pp. 45-46 2. Jugement de 1865, Χρυσαλλίς 3 (1865) 306-307.

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à la lecture de livres sceptiques ou à l'imitation du célèbre poète alle-mand Heine. Seulement, nous croyons que la dose poétique de ce der-nier fut ici par trop débordante». Sont cités les poèmes H τροπή, Εις νέαν κόρην, Η αναισθησία μου1.

Il s'agissait de la quatrième participation d'Ange Vlachos aux concours depuis 1857. Στίχοι venaient cristalliser la présence de Heine dans l'œuvre du jeune poète de façon concrète2. C'était une réaction compréhensible; Irénée Assopios et la revue Χρυσαλλίς partageaient le même engouement pour le poète allemand. Face à la montée irrési-stible du romantisme, la recherche d'alliés, capables de lui barrer la route, devenait plus nécessaire que jamais. Car, Heine était principale-ment lu comme un anti-romantique3; il avait toujours à opposer son ironie au débordement du sentiment et son impassibilité, voire sa résignation, à la révolte désespérée. Ainsi, un certain esprit conser-vateur qui, devant l'«anarchie» romantique, s'appuyait naguère princi-palement sur l'exemple des auteurs grecs anciens, pouvait maintenant se moderniser et chercher ses maîtres à penser directement dans la littérature contemporaine. Vlachos passait de Φειδίας και Περικλής à Στίχοι et donnait l'impression d'une évolution rapide. Mais le nouveau n'était, en partie, qu'un replâtrage de l'ancien: à travers une versifica-tion leste et badine, le néo-classicisme phanariote l'emportait souvent sur la voix de Heine:

Όταν σ' εκάλει θερμή αγκάλη

και εις παλμός, αδιαφόρει

σου, νέα κόρη, ο Οφθαλμός.

A.R. Rangabé aurait été, probablement, plus indulgent à l'égard

1. Ibid., pp. 307-310. 2. Sur la présence de Heine en Grèce et, plus spécialement, dans l'œuvre de

Vlachos, voir C. Th. Dimaras, « Ή δεξίωση του Heine στον χωρο της ελληνικής παιδείας» (brochure: «Heinrich Heine», s.d., éditée en grec par l'Institut allemand Goethe d'Athènes).

3. Il est caractéristique que, dans une longue étude qu'il consacrait au poète allemand dès le premier numéro de sa revue, Irénée Assopios présentait Heine comme un auteur qui «porta un coup mortel au romantisme allemand au nom de la plasti-que grecque» et qui «rechercha partout les traces et les contours de la beauté ancienne et divine»: Χρυσαλλίς 1 (1863) 131.

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de Vlachos et aurait apprécié, sans doute, l'«affectation» de ses rimes. Mais le jury de 1865 avait, en fait, détourné son attention de la poésie lyrique, non seulement parce qu'elle était dominée, en général, par le romantisme, mais aussi parce qu'une ouverture vers le drame s'im-posait déjà par la force des choses. Or, Στίχοι n'obtenait qu'un accessit; il était présenté au concours à un moment inopportun pour remporter le prix.

Vlachos n'allait pas tarder à réagir. Publiant bientôt ses poésies dans Πανδώρα, il les accompagnait d'une petite préface (29 mai 1865) qui exprimait contre le jury une rancune difficilement dissimulée der-rière une ironie hautaine. Les reproches de Roussopoulos y étaient réfutés avec arrogance: Vlachos feignait de ne pas comprendre «quel est le rapport entre patriotisme et poèmes d'amour» et «(il) souriait, tout simplement», lorsque on l'accusait d'insensibilité. D'autre part, il se déclarait heureux, si Στίχοι ressemblait en effet aux vers de Heine1.

2) Εικόνες : recueil de 7 poèmes caractérisés, contrairement à Στί-χοι, par «une tristesse allant jusqu'au désespoir et au blasphème». La langue, non exempte de mots anciens et vulgaires, est irrégulière, ainsi que la versification, dont la monotonie devient fatigante. Mais l'au-teur, en dépit de ses défauts fondamentaux et, notamment, de son ton blasphématoire, est un poète de talent et qui «émeut parfois le lecteur jusqu'aux larmes». La quatrième Εικών est citée et commentée2.

C'était la première œuvre envoyée aux concours par Spiridion Vassiliadis. Elle allait être publiée anonymement, un an plus tard, avec un autre recueil de poèmes, Κύματα, et une préface datée du 20 octobre 1865. Sans se référer explicitement au rapport de Roussopoulos, Vassiliadis proclamait avec fougue sa profession de foi romantique: la véritable poésie lui paraissait «fière, majestueuse, cosmopolite»; le véritable poète «délirant» (έκφρων) et étranger à tout ce qui était «cal-me, régulier, ordonné, banal, convenable, probable»3. Au demeurant, obsédé par l'idée de Dieu à qui il dédiait ses Εικόνες, le poète de 20 ans

1. Πανδώρα 16 (1865-66) 145. 2. Jugement de 1865, pp. 310-312. 3. Εικόνες και Κύματα, ποιήσεις υπό*** Athènes 1866, ρ. δ'. La sixième Εικών

est reproduite, sous le pseudonyme Orion, dans Rapt. Parn., pp. 711-713. Les œuvres complètes du poète ne contiennent que les Εικόνες I, VI et VII: Αττικαί Νύκτες, t. II, Athènes 1875, pp. 287-307. Sur la participation de Vassiliadis au concours de 1865, les renseignements fournis par P. Matarangas (Mat. Parn., p. 458), Sp. De Biazi «Σπυρίδων Βασιλειάδης» Ποιητικός Ανθών 2, 1887, 528) et Ch. Anninos (Βασιλειάδης, Παπαρρηγόπουλος και oι περί αυτούς, Athènes 1916, p. 23) sont inexacts.

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passait du blasphème à l'accablement provoqué par la décadence de la Grèce contemporaine:

Πού σήμερον oι Σοφοκλείς, oι Πίνδαροι πού είναι; Πού είναι Θήβαι, Κόρινθος; Πού είναι αι Μυκήναι; Παρήλθον, εις τας πτέρυγας παρήλθον των αιώνων, κ' ηχώ οικτρά εμείναμεν κλεινών ημείς προγόνων,

Αισχύλους αντηχούντες, σκιαί γιγάντων, πίθηκοι εκείνους παρωδούντες!

et sombrait dans le pessimisme le plus conventionnel:

Μόνον θεόν ανέκφραστον του κάτω τούτου κόσμου θεόν βλέπει τον θάνατον ο κλαίων οφθαλμός μου, Φρικτός εδώ παρίσταται του σύμπαντος δεσπότης

και είναι τούτου άθυρμα η σύμπασα ανθρωπότης.

3) Ία : recueil de 14 poèmes qui, malgré leurs qualités (langue ré-gulière, sentiment vrai), sont inadmissibles au concours en raison de leur contenu. Le jeune poète se livre «sans vergogne» à des descriptions érotiques auxquelles il ajoute des images blasphématoires. «Il devait tremper ses Ία dans la couleur de la pudeur, avant de les envoyer ici». Sont cités les poèmes Οπτασία, Άλλοτε (trois strophes), Αδελαΐς, Άσμα1.

Cléon Rangabé, auteur de ce recueil, combinait parfois les lieux communs romantiques avec une leste versification phanariote:

εις του τάφου τους μυχούς δεν αισθάνεται ο χους'

μόνον ούτος δυστυχούς παύει την οδύνην!

pour retrouver souvent un climat de volupté quasi baudelairien:

με φωσφορούντας οφθαλμούς, με κόμην λελυμένην θεάν ωμοίαζε τρυφής και λάγνον υββαλίδα· αν τότε τις την έβλεπεν ασέμνως γυμνουμένην

και παραφόρως εις τρυφής πελάγη ριπτουμένην, δι' εν της βλέμμα της Εδέμ επώλει την ελπίδα.

Mais le ton dominant était ici, ainsi que chez Vassiliadis, celui d'un

1. Jugement de 1865, pp. 321-324.

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pessimisme sombre et véhément. Le désespoir amenait à la révolte: à travers le blasphème et l'érotisme, la volonté de transgresser lea tabous prenait le caractère d'une provocation verbale1.

4) Δύσελπις - Εύελπις : 40 petits poèmes qui constituent, selon l'au-teur, un chant. Ce sont des réflexions philosophiques, notamment sur la morale. Le rapporteur, impuissant à saisir «toute la pensée» du poète, se borne à citer, sans commentaires, certains passages2.

Il s'agissait de l'œuvre de Phémius Harold Euclide (Ph. A. Icono-midis), déjà mentionnée à propos du concours annulé de 18613. L'au-teur se montrait très satisfait de lui-même et de ses propres poésies:

αν δ' άπελπις ενίοτε μέχρι βαθμού εσχάτου, οργίζεται και βλασφημεί υπ' άλγους ανιάτου,

πλην πόση άμα αίσθησις και ποίησις βαθεία εν τη μελαγχολία του! εν τη απελπισία!

5) Στόνοι : recueil de 17 poèmes, œuvre de l'auteur précédent. Celui-ci «pleure sur toutes les choses, avec un sentiment profond et dans une langue savante et régulière». Malgré ses qualités (piété, patrio-tisme, culture, etc.), il fait montre d'un égoïsme exorbitant et, dévoré par ses ambitions, il va jusqu'à mendier la couronne du concours de façon indigne. Sont cités les poèmes : εις την απόλυτον αλήθειαν, Τι το πάν κατ' εμήν γνώμην, Ο ποιητής χαλκεύς, το δαφνηφορείν4.

A la deuxième catégorie appartenaient 7 poèmes épico-lyriques. Mais Roussopoulos ne parlait que des deux premiers, se bornant à citer les autres comme titres.

6) H Λυδία, Πόθος, Εις ποταμόν : trois poèmes du même auteur. Le premier est «une œuvre médiocre, comme celles écrites d'ordinaire par les jeunes gens». Le second, en langue démotique, est meilleur, mais non exempt de défauts (répétitions, usage de mots non purement

1. Les poèmes du recueil Ία, reproduits en partie (Οπτασία, Αδελαίς, Άλλο-τε, Τη Λυδία) dans Rapt. Parn., pp. 688-694, sont incorporés, après une sélection et un remaniement plus ou moins poussé, dans Cléon Rangabé, Άλγη (1893).

2. Jugement de 1865, pp. 324-325. 3. Voir ici p. 162, note 1. 4. Jugement de 1865, pp. 325-326. Certains poèmes appartenant au recueil

Στόνοι sont publiés dans Ph. A. Iconomidis, Βαΐων φύλλα, διάφορα ποιήματα, Athènes 1894, pp. 6-7 et 35. Il est à noter que D. Cambouroglou, trompé par le titre et, peut-être, par le caractère philosophique de ce recueil, mentionne parmi les concurrents de 1865 D. Paparrigopoulos: Camb. Α., p. 803.

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populaires). Le troisième, en langue démotique aussi, est cité en entier comme «davantage réussi»; mais, là non plus, l'auteur ne reste pas toujours fidèle à la langue des chants populaires1.

Il s'agissait de trois poèmes de A. Paraschos2. Long récit romantique en langue savante, H Λυδία était une œuvre, en quelque sorte, complé-mentaire de Ο άγνωστος. L'héroïne connaissait les chagrins d'amour, tentait de se suicider, s'enfermait dans un couvent, changeait de nom et mourait dans le malheur: aucun détail d'une mise en scène conven-tionnelle n'était ici ignoré. Dans ses deux autres poèmes lyriques, écrits en langue populaire, Paraschos non seulement retrouvait sa sensiblerie habituelle:

Ήθελα του πατέρα μου ν' ανοίξω το μνημείο, να σκάψω με τα χέρια μου, να βγάλω το φορείο, να ιδώ πώς μου τον έκαμαν τόσον καιρό εκεί πέρα η νύχτα και τα χώματα το γέρο μου πατέρα!

Σφιχτά, σφιχτά ν' αγκαλιασθώ το σώμα του το κρύο στήθος με στήθος, κεφαλή με κεφαλή κ' oι δύο.

mais aussi s'efforçait d'imiter les chants populaires:

Ποτάμι ταξιδιάρικο, ποτάμι αγαπημένο, μυριολογώντας πού μου πάς να βυθισθής καϋμένο;

7) Σαπφώ και Φάων : poème de 904 vers répartis en strophes, œuvre d'un adolescent. Son défaut principal: l'usage de mots anciens. «Mais l'archaïsme a pris chez nous les dimensions d'une épidémie, et nous ne savons pas si quelqu'un a pu l'éviter...» Malgré tout, le poème en question est le meilleur de tous les poèmes épico-lyriques3.

Cet adolescent qui, à 14 ans, participait aux concours pour la pre-mière fois, n'était autre que Jean Cambouroglou (1851-1903). Quelques années plus tard, lors d'une conférence sur Sappho à la Société Litté-

1. Jugement de 1865, pp. 327-328. 2. Ή Λυδία (1863) est publié (en trois chants) dans Χρυσαλλίς 3 (1865) 671-

675, et (en six chants) dans A. Paraschos, Ποιήματα, t. I., pp. 131-160. Le poème Πόθος (1862), publié dans Χρυσαλλίς 3 (1865) 499, figure, ainsi que le poème εις ποταμόν (1863), dans les principales anthologies de l'époque: Rapt. Parn., pp. 603 et 608-609, Pap. NP., pp. 198-199, Mat. Parn., pp. 935-936 et 943-944 [=A. Para-schos, Ποιήματα, t. II, pp. 357-358, et t. III, pp. 119-120].

3. Jugement de 1865, pp. 328-329; cf. p. 327.

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Littéraire Παρνασσός, il aurait l'occasion de présenter de larges extraits de son poème, sans toutefois s'en attribuer formellement la paternité1. Le jeune J. Cambouroglou sacrifiait sans doute au néo-classicisme archaïsant de son époque:

Αψόφητ' ηνεώχθησαν της ουρανίου χώρας αι πύλαι, όπως διαβή το άστρον της ημέρας.

Mais, en même temps, les amours passionnées de Sappho et de Phaon donnaient à son poème un caractère essentiellement romantique:

Έρως σιγών είν' όνειρον απράγμονος καρδίας, είν' η σιγή ο θάνατος κ' είνε ζωή ο έρως. Ω φίλη μου, ας ζήσωμεν ομίλει ελευθέρως

και λάλει μοι ως άλλοτε μετά περιπαθείας.

8) Σοφία 9) Ο πρώτος άνθρωπος

10) Πίστις, πατρίς, έρως 11) Εξομολόγησις 12) Un poème sans titre.

Enfin, les trois drames, dont la présence simultanée au concours surprenait agréablement le rapporteur comme un fait unique, étaient les suivants:

13) Οινώνη : tragédie classique (chœur, dialogues, absence d'actes et de scènes), composée de 925 vers iambiques et anapestiques sans rime. Le bon goût ne manque pas. Mais les défauts sont très nombreux: caractères incomplets, économie et versification défectueuses, archaïs-mes, vocabulaire pauvre. Par ailleurs, l'auteur n'épuise pas toutes les sources concernant le sujet de son œuvre, la guerre de Troie2.

14) Φίλιππος ο Μακεδών : drame historique en 4 actes (environ 1660 vers sans rime). Son intrigue, l'assassinat du roi de Macédoine Philippe II, est longuement exposée par le rapporteur, passages à Γ appui; une scène est qualifiée de «shakespearienne». En général,

1. Παρθενών 2 (1872-73) 824-833 et 865-877. —Sur Jean Cambouroglou, voir: Sp. De Biazi, «Ιωάννης Καμπούρογλου», Ποιητικός Ανθών 1 (1886) 62-64; Νέα Ελλάς 1 (1894) 311-313; Skokos, Ημερολόγιον 25 (1910) 23; MEE 13 (1930) 663. Sp. De Biazi (Ibid., p. 63), suivi par les autres biographes, ne situe les premières œuvres poétiques de J. Cambouroglou qu'après 1867.

2. Jugement de 1865, pp. 330-332.

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«l'œuvre du poète, dans son ensemble, est jugée louable pour ses nom-breuses qualités de composition, pour sa richesse d'idées, pour la force et la variété du style, ainsi que pour le choix d'un sujet correspon-dant, en grande partie, aux vœux actuels de la nation hellénique...» Cependant, dans les détails les défauts abondent: violation de la vérité historique, nouveautés «conformes au goût du publie d'aujourd'hui», langue et versification parfois négligées1.

Oeuvre d'Antoine I. Antoniadis, ce drame qui allait être couronné comme «le meilleur poème relativement», constitue, dans l'histoire des concours, un événement: nous avons là la première œuvre dramatique qui a remporté le prix, imposant ainsi un auteur qui, par ses couron-nements fréquents dans l'avenir, deviendra le poète des concours par excellence. En effet, Antoniadis est l'exemple typique du bon élève de l'institution poétique. Dès ses débuts, il sait se plier aux normes universitaires sur tous les points: «Traitant un sujet hellénique et étant porté sur un art poétique national plutôt qu' étranger, je me suis servi d'une poésie et d'une versification helléniques. Exprimant mes battements de cœur que j'ai ressentis plus fort grâce à non séjour dans une terre asservie [la Crète], j'ai évité le romantisme qui a submergé notre Hélicon moderne. C'est le public qui jugera si, en empruntant ce chemin, je ne me suis pas égaré dans les fades froi-deurs des archaïsants»2. Ce passage suffit à démontrer dans quelle mesure Antoniadis avait assimilé l'enseignement de la critique univer-sitaire dans ses options fondamentales: refus du romantisme «étranger» et de l'archaïsme excessif, acceptation du classicisme «national» et mo-déré, mise en valeur de la poésie patriotique, etc.

15) Ιουλιανός ο Παραβάτης : drame historique en cinq actes, «écrit à la manière de Shakespeare», sans unité de temps et de lieu. S'il s'impose, à première vue, par son volume et par l'enthousiasme de sa polémique, il a un défaut capital: la haine contre le christianisme. Ad-mirateur de la Grèce antique et ennemi de Byzance, l'auteur a trouvé en Julien l'Apostat un maître à penser et un porte-parole de ses pro-pres idées. Dans ces conditions, quelles que soient ses qualités litté-raires, il n'a rien à attendre de la part du jury: «nous l'expulsons hors des portes de la ville, dans l'espoir qu'il donnera des fruits meilleurs».

1. Ibid., pp. 364-370. 2. A.I. Antoniadis, Φίλιππος ο Μακεδών, δράμα, ποιηθέν μεν υπό — καθηγητού

εν Πειραιεί, βραβευθέν δε κατά τον ποιητικόν διαγωνισμόν του φιλογενούς κυρίου Βουτσινά τη 9 Μαΐου 1865, Athènes 1866, ρ. [5].

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Or, le prix du concours revient à l'euteur de Φίλιππος ο Μακεδών, celui de Στίχοι méritant l'accessit «pour sa langue et sa versification excel-lentes et combinées avec une grâce peu commune»1.

Ce verdict était pour le moins compréhensible : Ιουλιανός ο Παρα-βάτης, œuvre incendiaire de Cléon Rangabé, n'avait pas droit de cité dans une république où l'unité helléno-chrétienne, qui avait tou-jours besoin de consolidation, supportait mal les actes de sabotage. Or il serait absurde de penser que le jury de 1865 aurait pu réagir dif-féremment, au moment où la lutte anti-romantique prenait notamment l'aspect d'une défense de la religion contre le blasphème et l'athéisme.

En fait, Cléon Rangabé lançait en 1865 un double défi: ses posi-tions émotives (Ία), conceptualisées dans un drame historique volu-mineux, plaçaient finalement la polémique antichrétienne aussi bien sur le plan du sentiment que sur celui des idées. Mais c'était surtout Ιου-λιανός ο Παραβάτης qui constituait le vrai danger. Douze ans plus tard, ce danger s'avérait réel: publié en 1877 avec une longue Introduc-tion, le drame de C. Rangabé allait faire l'effet d'une bombe à retarde-ment. Pour l'instant, en 1865, bien que connu seulement par le rapport de Roussopoulos, il ne manquait pas de «scandaliser les juges et les auditeurs»2. Sophocle Carydis, toujours opposant, trouvait l'occasion de fustiger, une fois de plus, les pieux professeurs:

H Μούσα θέλουσι λοιπόν να ην' εις μοναστήρι, κι' όταν έξέλθη, να κρατή σταυρόν και αγιαστήρι...3

Une chose est certaine: en 1865, les controverses idéologiques au sein des concours étaient plus vivaces que jamais. Au moment où des poètes tels que Antoniadis et Vlachos s'accomodaient d'un classicisme conservateur et respectueux des valeurs établies, la révolte romantique (C. Rangabé, Vassiliadis, Paraschos) prenait de plus en plus l'aspect d'une provocation. La religion devenait déjà une cible privilégiée; le malaise romantique n'avait pas de mal à se transformer en blasphème. Si ce blasphème, produit brut d'une émotovité exempte de sens cri-tique, constituait un acte d'anticonformisme certain et qui sabotait l'unité helléno-chrétienne de façon spectaculaire, il se manifestait néan-moins à un moment historique précis, où l'influence grandissante de

1. Jugement de 1865, pp. 402-403. 2. Camb.A., p.803. 3. Φως, 14 mai 1865.

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l'esprit religieux ne manquait pas de produire, en dehors du domaine de la poésie, des réactions plus rationnelles. Les derniers représentants des Lumières en Grèce, eux aussi, devaient résister pendant longtemps, et de façon plus ou moins discrète avant d'être battus par une reli-giosité triomphante, combinée avec l'archaïsme1. E. Roïdis ( H πάπισσα Ιωάννα, 1866) transposerait son scepticisme dans le roman historique, mais il s'opposerait, en même temps, à un romantisme irrationnel qui ne pouvait pas lui servir d'allié. Car, dans la mesure où la révolte ro-mantique, fondée sur le sentiment, était incapable de rationaliser ses objectifs et de revêtir un caractère véritablement critique, elle ne faisait que s'enliser de plus en plus dans le verbiage, la surenchère, l'absurdité et l'utopie. On combatttait le christianisme en valorisant l'antiquité païenne; on brandissait l'archaïsme comme une arme contre la religion.

De ce point de vue, Cléon Rangabé nous offre un exemple carac-téristique si nous voulons, en ouvrant ici une parenthèse, suivre là fortune de son drame quelques années plus tard. Certes, en juin 1876, au moment où il rédigeait son Introduction à Ιουλιανός ο Παραβάτης, beaucoup de choses avaient changé en Grèce. Le romantisme athénien et les concours poétiques mouraient lentement, après avoir rempli leur mission; la langue populaire gagnait du terrain; les signes d'une: évolu-tion rapide se multipliaient; le retour au réel allait de pair avec un positivisme qui accordait à la science une place prépondérante. Mais l'archaïsme, réaction à l'esprit religieux et à la montée du «vulgarisme» à la fois, ne manquerait pas de surgir à nouveau de façon spectaculaire au moment où ses ennemis renforçaient leurs positions: le professeur G. Contos (Γλωσσικοί παρατηρήσεις, 1882) deviendrait le champion d'un nouvel atticisme.

Dans un tel climat, Cléon Rangabé donnait, tout d'abord, à son athéisme les apparences d'un exposé scientifique. La Bible, préten-dait-il, était un ensemble de mythes créés par «la mythologie hébraïque». «Pour nous, les brouillards épais ont été dispersés grâce aux sciences et à l'histoire»2. Quant à la poésie néo-hellénique, elle n'avait à pré-senter rien de viable depuis la génération des frères Soutsos, étant

1. Cette religiosité apparaît en plein essor dans les réactions provoquées en Grèce par la Vie de Jésus d'Ernest Renan: le roman-réponse Η Χαριτίνη (1864) de P. Soutsos n'en est pas le seul exemple.

2. Cléon R. Rangabé, Ιουλιανός ο Παραβάτης, ποίημα δραματικόν εις μέρη πέντε υπό—Γενικού προξένου της Ελλάδος εν Ρωμανία, Athènes 1877, p. κ'.

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donné que la plupart des poètes «écrivent dans la langue parlée et, de ce fait, produisent des œuvres mort-nées et qui, en vingt ans, seront aussi inconnues que celles de St. Canellos, de Jean Vilaras et de C. Cokkinakis...»1. La seule solution était donc le retour au grec ancien. «Nous avançons vers le grec ancien, nous épurons et ennoblissons notre langue divine qui fut détruite par les siècles de la servitude et par l'igno-rance; nous arriverons ainsi un jour à quelques chose d'intermédiaire entre le dialecte attique et l'esprit analytique moderne...»2. Pour ce faire, il fallait réintroduire l'infinitif disparu et respecter toutes les formes grammaticales du grec ancien. Enfin, l'auteur de Ιουλιανός è Παραβάτης reproduisait le passage du Jugement de 1865 qui concer-nait son drame, sans oublier d'ironiser sur l'orthographe de Rousso-poulos3.

C'était ainsi que le manifeste archaïsant (1853) de P. Soutsos trou-vait, au bout d'un quart de siècle, en Cléon Rangabé un adepte plein de ferveur. Enfermé dans son individualisme hautain, ce phanariote épris de purisme et de noblesse poussait, au nom de la science et de l'histoire, sa problématique jusqu'à l'utopie la plus anachronique. Au fond, il ne faisait qu'apporter aux vrais problèmes (langue, religion) de fausses réponses; il cherchait aussi le scandale, pour «épater le bour-geois». Le 26 octobre 1877, Roïdis écrivait à .Valaoritis: «Avez-vous lu ce livre qui, en plein dix-neuvième siècle, se propose de démontrer que les miracles de Moïse sont contestables? Son auteur, si hostile aux miracles, essaie pourtant d'en faire quelques-uns, en ressuscitant — et cela dans un dialogue dramatique—l'infinitif, le futur monolectique et autres cadavres malodorants du même genre. Je ne peux comprendre comment un jeune homme aussi intelligent a eu l'idée de devenir le Don Quichotte de l'infinitif. Ce livre, heureusement, semble être le chant de cygne du pédantisme mourant»4.

Mais le livre de Rangabé devait faire du bruit par son contenu

1. Ibid., p. κθ'. St. Canellos (1792-1823) et C. Cokkinakis (1781-1831), amis et collaborateurs à la revue Ερμής ο Λόγιος (1811-1821), appartiennent, plus ou moins, à l'ambiance de Coray; ils Sont des auteurs de chants guerriers. Le vulgariste Jean Vilaras (1771-1823), un des précurseurs de Solomos, occupe dans la poésie néo-hellé-nique une place qui rend complètement absurde le jugement de C. Rangabé.

2. Ibid., p. λ'. 3. Ibid., pp. λε'-λη'. 4. A. Valaoritis, Βίος και έργα, t. I, Athènes 1907, p. 236. L'archaïsme de

Cléon Rangabé est pertinemment critiqué par J. Polylas dans Η φιλολογική μας γλώσσα, op. cit., pp. 39-46.

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plutôt que par sa forme. En effet, cette attaque brutale contre le chris-tianisme, lancée par un diplomate qui n'était pas le premier venu, constituait un scandale peu ordinaire. Or les protestations ne se firent pas attendre. Dans les journaux, l'indignation contre le fils athée fut souvent suscitée par d'anciennes rancunes contre le père prudent. En général, le refus de l'athéisme l'emporta sur celui de l'archaïsme. Dans une conférence sur Julien l'Apostat à la Société Littéraire Παρνασσός (30 décembre 1877), le livre de Cléon Ranagabé fut la principale cible1. Un député alla jusqu'à proposer que le blasphémateur fût expulsé du Parlement, mais celui-ci, repenti, s'empressa d'enlever de son drame les commentaires incriminés2. Un étudiant en théologie ne manqua pas de publier une longue «réfutation scientifique» 3. En 1893, A. Papa-diamandis gardait encore rancune contre Cléon Rangabé et stigmati-sait son Introduction scandaleuse4.

Mais revenons au concours de 1865. Trois drames envoyés à la fois ne constituaient certes pas un fait unique — Roussopoulos s'y trompait, faute d'archives — mais le jury ne pouvait pas ignorer plus longtemps un genre littéraire régulièrement présent aux concours de-puis 1854. L'heure du théâtre était arrivée. Antoniadis, dramaturge couronné, obtenait enfin ce que Vernardakis n'avait jamais obtenu. Et ce n'était pas un effet du hasard.

En fait, les circonstances favorisaient de plus en plus une orienta-tion vers l'art dramatique. Au moment où le néo-classicisme valori-sait la tragédie ancienne et où le nouveau régime mis en place faisait montre d'un esprit novateur, l'occasion était unique de prêter atten-tion au théâtre néo-hellénique en retard: il s'agissait de réorganiser la vie du spectacle aussi bien que de promouvoir une production nationale susceptible de concurrencer les représentations des troupes étrangères. Depuis longtemps, les griefs de Vernardakis et d'une partie de la presse athénienne à propos de l'absence d'une scène nationale étaient accompa-gnés de virulentes attaques contre la domination de l'opéra italien,

1. A. Diomidis Kyriacos, «Περί Ιουλιανού του Παραβάτου», Εστία 5 (1878) 56. 2. A.R. Rangabé, Απομνημονεύματα, t. IV, Athènes 1930, pp. 230-31. 3. Nicolas Ch. Amvrazis, Ιουλιανός ο Παραβάτης εν απελπισία εκπνέων ή απάν-

τησις εις τα υπό Κλέωνος Ραγκαβή κατά της αμωμήτου ημών πίστεως γραφέντα και επιστημονική αυτών αναίρεσις, Athènes 1878.

4. Α. Papadiamandis, «Λαμπριάτικος ψάλτης», Ακρόπολις, 27 mars 1893 [=T α άπαντα, éd. G. Valétas, t. II, Athènes 1954, p. 109].

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corrupteur des «moeurs helléniques»1. Un événement important, le succès obtenu à Athènes par la tragédienne italienne Adélaïde Ristori (janvier 1865)2, était venu poser à nouveau le problème du théâtre grec et, en quelque sorte, précipiter sa solution. L'enthousiasme pro-voqué par cet événement n'avait pas tardé à donner des fruits. Un comité de théâtre (C. N. Costis, A. R. Rangabé, A. Vlachos et G. Ter-tsétis), nommé par le gouvernement Coumoundouros, s'occupait bien-tôt de constituer une troupe grecque de valeur et de préparer, pour la période 1865-1866, toute une série de représentations de pièces hel-léniques. C'est dans le cadre de ces représentations qu'allaient con-naître un succès certain, quelques mois plus tard, la comédie de Vla-chos H κόρη του παντοπώλου (5 janvier 1866), le drame de Vernardakis Μαρία Δοξαπατρή (10 décembre 1865) et notamment sa tragédie Μερόπη (12 mars 1866).

Dans ces conditions, il était normal que le jury de 1865, de son côté, voulût encourager le théâtre national en décernant le prix à une œuvre dramatique. Mais l'actualité du drame rendait plus sensible l'absence de la comédie, et Roussopoulos déplorait le fait qu'«autant que nous nous en souvenions... aucun auteur n'a encore envoyé une pièce comique»3. Était-ce, en même temps, un effort pour dissiper la lourde atmosphère des pleurnicheries romantiques en faisant appel à un genre littéraire qui, par définition, déclenchait l'hilarité? Quoi qu'il en soit, le public et les concurrents de l'année suivante auraient leur part de rire grâce à un canular inattendu.

5. 1866 : La farce de Vlachos

Il va de soi que, dans les coulisses universitaires, les querelles

1. Irénée Assopios, chroniqueur dramatique de la revue Χρυσαλλίς sous le pseudonyme Althotas, ne manquait pas lui non plus, selon l'expression de A. Vy-zantios (Χρυσαλλίς 1, 1863, 88), «de pleurer deux fois par mois sur le dénouement habituellement pitoyable des mélodrames étrangers». Dans la même revue, les rares représentations de pièces grecques — Παραμονή de A.R. Ranagabé (25 janvier 1863) ou Η άλωσις του Μεσολογγίου (30 janvier 1864)— étaient chaleureusement accueillies:

Χρυσαλλίς 1 (1863) 88-90 et 2 (1864) 55-56. 2. Voir G. Mavroyannis, «Η κ. Ριστόρη και η Μήδεια του κ. Legouvé», Χρυσαλλίς

3 (1865) 52-56 et 81-83; Ε. M. Roïdis, Έργα, t. VI, Athènes 1913, pp. 79-84. 3. Jugement de 1865, p. 330. Roussopoulos se trompait une fois de plus, igno-

rant la comédie envoyé par G. Tertsétis en 1858. Coumanoudis, meilleur connaisseur de l'histoire des concours, allait corriger cette inexactitude l'année suivante.

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partisanes et les luttes d'influence continuaient sans répit. Le rapport de forces changeait souvent, et la balance penchait tantôt d'un côté tantôt de l'autre. En fin de compte, il était impossible qu'une faction donnée l'emportât définitivement; elle avait toujours des pertes à subir et des concessions à faire. Un professeur, par exemple, pouvait nouer des alliances tactiques, tomber en disgrâce, disparaître du jury pen-dant un certain temps, réapparaître avec un prestige diminué ou ren-forcé. Après la crise de 1864, Vernardakis et C. Paparrigopoulos avaient disparu à jamais de la scène des concours. La plupart des juges ne connurent que des éclipses temporaires, au gré des circonstances. Cha-que année, aux yeux du public athénien, un jury apparemment homo-gène et très souvent renouvelé rendait compte de la production poéti-que annuelle comme d'un budget facilement ou difficilement équilibré; on ne peut pas connaître les tractations secrètes auxquelles un tel équilibre était soumis.

En 1866, le jury universitaire, présidé par M. Vénizélos, avait comme membres St. Coumanoudis (rapporteur), A. R. Rangabé et A. Roussopoulos. La cérémonie eut lieu le 8 mai, en même temps que celle d'un concours théologique1. Les poèmes jugés furent au nombre de 10. Quatre autres poèmes, arrivés après échéance, n'eurent pas le droit d'entrer en lice; un communiqué du Rectorat avait annoncé à temps leur exclusion et avait invité leurs auteurs à récupérer les manus-crits2.

Coumanoudis assumait le rôle de rapporteur pour la deuxième fois depuis 1857. En dix ans, il avait peu changé: son tempérament, solide et équilibré, ignorait les engouements ou les ruptures spectaculaires. Lucide, il voyait en 1866 comme en 1857, le romantisme se précipiter dans une impasse; il trouvait la production poétique, en général, pleine de «vains fards» et caractérisée par «la vantardise et l'emphase»; la mesure et la sagesse devenaient des qualités «de plus en plus rares chez nous, la plupart des poètes s'égarant dans le verbiage, l'incontinence et l'enflure» 3. Ce qui avait changé chez Coumanoudis, était principalement

1. Voir les comptes rendus dans Πανδώρα 17 (1866-67) 103-104, et dans lés journaux Η Ελπίς, 10 et 19 mai 1866, Φως 13 mai 1866.

2. Η Ελπίς , 26 avril 1866; cf. Jugement de 1866, Athènes 1866, p. 5. Les poèmes exclus étaient les suivants: 1) Μυστήριον; 2) Φλώρος και Ελένη (envoyé de nouveau au concours de 1868); 3) Κλεονίκη (œuvre de Jean Carassoutsas, envoyée de nouveau au concours de 1867) et 4) τα δάκρυα του Φίλωνος, recueil lyrique de Cléanthe I. Papazoglou publié dans Χρυσαλλίς 4 (1866) 397-403.

3. Jugement de 1866, p. 48.

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ment le ton, déjà plus détaché et résigné. Il semble que le polémiste de 1857, qui foudroyait avec ardeur les exagérations de l'école «étran-gère, non hellénique», se fît maintenant moins d'illusions quant à la possibilité d' extirper par des attaques verbales un mal endémique. Du reste son idéal classique était toujours vivant. Mais cet idéal bril-lait déjà de moins en moins; enraciné dans l'esprit universitaire et affadi par la répétition des mêmes lieux communs, il devenait de plus en plus une vision statique et routinière.

D'ailleurs, Coumanoudis avait ses propres limites. Le caractère constant et invariable de ses options n'allait pas toujours de pair avec une souplesse critique susceptible d'évolution et de renouvellement. Parfois, son insistance sur des questions déjà dépassées témoignait d'une pensée qui frisait la sclérose: c'était le cas, par exemple, lorsque, répétant inopportunément ses positions de 1857, Coumanoudis con-damnait l'usage de l'hexamètre, préconisait celui de l'iambe et se li-vrait à des comparaisons entre les trimètres iambiques populaires et savants1. Attaché toujours à la poésie héroï-comique comme en 1851 et en 1857, il prouvait que l'auteur de Στράτις Καλοπίχειρος n'était jamais mort en lui. Défense obstinée d'une œuvre de jeunesse érigée en règle poétique absolue? Ou impasse d'un classicisme qui, face à la montée romantique, se montrait incapable de promouvoir une poésie originale et libérée de modèles?

Quoi qu'il en soit, le rapporteur de 1866 agissait dans le cadre d'une institution qui lui imposait, en grande partie, ses choix fonda-mentaux et ses options concrètes. Universitaire, il n'avait à penser qu'en universitaire. Il n'établissait un dialogue qu'avec ses prédéces-seurs, notamment avec Roussopoulos. Là où ses collègues voyaient des similitudes entre les concours anciens et modernes, Coumanoudis voyait des différences 2: il ne dépassait pas ainsi la méthode des compa-raisons. L'archaïsme exagéré était également désapprouvé par lui3. Les pédanteries grammaticales des autres universitaires continuaient d'ali-menter la critique du rapporteur de 1866.

Cependant, dans la mesure où la promotion d'une production dramatique nationale était à l'ordre du jour, Coumanoudis pouvait faire un pas en avant pour réhabiliter la poésie comique. C'est ainsi qu'il reprenait, développait et corrigeait les réflexions de Roussopoulos

1. Ibid., pp. 10-1-1 et 48-52. 2. Ibid., pp. 4-5. 3. Ibid., pp. 18-20.

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sur l'absence de la comédie. Celle-ci, pour le rapporteur de 1866, béné-ficiait de tout un ensemble de conditions favorables à son éclosion: Tout d'abord, la littérature néo-hellénique était riche en comédies (Κορακιστικά, Χάσης, Βαβυλωνία, του Κουτρούλη ο γάμος) ), ainsi qu'en poèmes héroï-comiques (Έρμήλος, Κούρκας αρπαγή, Πανόραμα, Λη-ξούρι)1. Ensuite, le développement de la comédie n'était entravé ni par les jugés universitaires, ni par le règlement de Rallis, ni par la société grecque, ni par les autorités: «Pourquoi donc les comédies sont-elles absentes des concours, et pourquoi des poèmes proches de la comédie, déjà présentés, ne sont-ils pas couronnés?».

C'était là, dans cette allusion aux «poèmes proches de la comédie», que la question posée par Coumanoudis trouvait un sens révélateur, exprimant aussi bien une surprise qu'un grief. On dirait que, au bout de 15 ans, l'auteur de Στράτις Καλοπίχειρος n'avait pas encore par-donné au jury de 1851 — et, plus exactement, à A. R. Rangabé, son ennemi et son collaborateur au jury de 1866 — de ne pas avoir couronné son poème «proche de la comédie». Au demeurant, il prétendait con-naître la réponse à la question qu'il posait. S'il se gardait de formuler cette réponse, c'était qu'il ne voulait pas se trouver dans l'obligation «de discuter publiquement pendant longtemps, pendant des années entières peut-être, avec ceux qui ne seraient probablement pas d'ac-cord avec (lui)»2. Fatigué ou vaincu, il renonçait à un combat inutile. En 1866, les circonstances ne favorisaient plus sa lutte, encore moins sa victoire. Il n'avait qu'à composer avec ses adversaires.

Voici les 10 poèmes du concours (1 épique, 3 épico-lyriques, 3 lyriques et 3 dramatiques), selon l'ordre et les appréciations principales du rapporteur:

1) Λευκωσιάς : poème qualifié par l'auteur d'épique. C'est une œuvre entièrement insignifiante.

2) Ο θάνατος του Μεγάλου Βασιλείου : poème épico-lyrique en 565 hexamètres. L'intrigue est sans intérêt, les épisodes font défaut. L'au-teur semble suivre sans réfléchir la mode poétique qui consiste «à pleurer et à plaindre le sort de tous les êtres vivants sur la terre». La versification est défectueuse; les fautes de grammaire abondent.

1. Ibid., pp. 34-35. Coumanoudis liait la tradition phanariote à celle de l'Hepta-nèse, alors que, en citant la comédie de A.R. Rangabé Του Κουτρούλη ο γάμος (1845), il adressait publiquement un compliment à son ennemi.

2. Ibid., p. 36.

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3) Όλγα : poème épico-lyrique. La langue et la versification sont incorrectes. L'intrigue (suicide de deux amants) suit la mode romanti-que la plus morbide et macabre.

4) Η δύσερως ορφανή : poème épico-lyrique présenté au concours de 1865 sous le titre Πίστις, πατρίς, έρως. L'intrigue est fatigante et d'un lyrisme débordant. Autres défauts: idées fausses du point de vue logique, répétitions de mêmes mots. «Tout cela sent le byzantinisme!»1.

5) Ορφεύς : recueil lyrique, divisé sans raison apparente en trois chants et constituant «une monstrueuse accumulation de mots lugu-bres et d'emphase embrouillée». La versification est très défectueuse et la langue pleine d'archaïsmes. «Ce recueil a néanmoins deux qualités: l'absence de fautes d'orthographe et de syntaxe, ainsi que l'absence de blasphèmes».

6) Εκ των ενόντων : recueil lyrique de 10 petits poèmes en 510 vers rimés. Le titre paraît au rapporteur «modeste». La principale qualité de ce recueil est «l'élégance et, parfois, la grâce, exprimées dans un style excellent et naturel». La versification est irréprochable. Mais l'auteur ne se soucie que de la forme. «On y trouve rarement une pensée profonde ou un sentiment chaleureux. Quelquefois même le lecteur frissonne au passage d'une brise froide». Un membre du jury propose le recueil en question pour la première place. Sont cités les poèmes Τω φίλω*** et, en partie, H προφήτιξ2;

Il s'agissait encore d'une œuvre d'Ange Vlachos3. Après Στίχοι (1865), l'auteur retrouvait les accents d'une poésie satirique, légère et anacréontique:

Κίρνα, Γλαύκε, κίρνα οίνον, λήθην θέλω, λήθην πίνων!

Le souci de la perfection formelle était ici évident: Vlachos restait fidèle à lui-même. Mais sa versification élégante ne dépassait pas la «grâce» superficielle du néo-classicisme phanariote. Admirateur de la Grèce ancienne, le poète reprenait le thème romantique de la décadence contemporaine et ne cachait pas son aversion pour Byzance:

1. Ibid., pp. 15-17. Ch. Anninos (Ο Σύλλογος των Εισαγγελέων, op. cit., p. 341), citant les passages les plus ridicules des poèmes présentés aux concours, ironise sur cette œuvre, «la plus originale de toutes».

2. Ibid., pp. 22-28. 3. Elle est publiée en entier dans Πανδώρα 17 (1866-67) 155-162, et en brochure:

Ange St. Vlachos, Εκ των ενόντων, ποιήσεις — βραβευθείσαι εν τω ποιητικώ διαγωνι-σμώ του 1866, Athènes 1866.

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Φευ! του Κέκροπος η πόλις ουδ' εν ίχνος έχει μόλις

του ποτέ της του κλεινού... και του Πλάτωνος η χώρα

δούλους τρέφει μόνον τώρα του Ιουστινιανού!

7) Στόνοι : recueil lyrique de 14 petits poèmes. Les traits dominants de ce remarquable recueil sont «le ton élégiaque et le coloris mélancoli-que». Le style, d'ordinaire descriptif, est parfois puissant. Mais les défauts ne manquent pas: pessimisme et impiété, contradictions, ob-scurité, prolixité, économie défectueuse. Les poèmes de Στόνοι par rap-port à ceux de Εκ των ενόντων «sont souvent plus profonds quant au sentiment, mais inférieurs quant à l'exactitude du style». Un membre du jury propose ce recueil pour la première place. Est cité le poème Στιγμαί μελαγχολίας1.

Il s'agissait de la première participation aux concours de Démé-trios C. Paparrigopoulos (1843-1873)2. Le romantisme athénien trouvait son expression la plus complète, celle de l'abattement, du désespoir et de la frustration :

Εις μάτην επεζήτησα παντού την ευτυχίαν δεν εύρον ειμή στεναγμόν και πόνον και πικρίαν

όσας καρδίας έθιξα παλμόν δεν είχον ένα, και αίσχ' υπό την καλλονήν υπήρχον κεκρυμμένα.

D. Paparrigopoulos n'avait pas, au fond, le tempérament cyclo-thymique des autres poètes romantiques de sa génération; sa mélancolie, profonde et inaltérée, révélait un état pathologique plus grave et en plein accord avec une vision du monde essentiellement nihiliste:

1. Jugement de 1866, pp. 28-33. 2. Στόνοι est publié dans Πανδώρα 17 (1866-67) 123-130, et dans D. Paparri-

gopoulos, Ποιήσεις, Athènes 1867, pp. 3-26. Les anthologies de l'époque en re-produisent des extraits : Rapt. Pam·, pp. 706-707, Mat. Parn., 406-410. - Sur les participations de D. Paparrigopoulos aux concours, voir: Mat. Parn., pp. 405-406; D. Paparrigopoulos, Pigmalione, poemetto di — Versione poetica dal greco di Ago-stino Cariato con un bozzeto critico e documenti inediti sulla vita e sulle opere dell' autore, Venise 1881, pp. XI sq; Juliette Lamber, Poètes grecs contemporains, Paris 1881, p. 190; Sp. De Biazi, «Δ. Παπαρρηγόπουλος», Ποιητικός Ανθών 2 (1887) 430; Ch. Anninos, Βασιλειάδης, Παπαρρηγόπουλος, op. cit., p. 10.

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Εις τον άνεμον μη λέγε τα δεινά σου: δεν σ' ακούει. Εις την άμμον μη χαράσσης τ' όνομά σου·

θα χαθή.

C'est ce nihilisme absolu, alimenté par des lectures et des réfle-xions philosophiques pessimistes, qui donnait aux poésies de, Στόνοι, malgré leurs imperfections formelles et leur manque de clarté, un carac-tère d'authenticité. Le byronisme prenait ici un ton différent, plus tragique, plus morbide et plus résigné à la fois. Dans un poème de la même époque, D. Paparrigopoulos se définissait par rapport aux poètes contemporains:

Αν αγαπώ τον Βύρωνα, συγχρόνως μισώ τους παρασίτους όσοι ζώσι

την τράπεζάν του λείχοντες· ο πόνος σιγά ως τάφος, οι ψυχροί βοώσι.

θα μ' είπης άτεχνον δικαίως ίσως" δεν λεπτουργώ τους στίχους όπως άλλοι,

προς την βλακίαν τρέφω μέγα μίσος και εις την ρίνην η βλακία θάλλει1.

8) Θεοδοσία : drame en trois actes. L'intrigue est développée «de façon très maladroite, pour ne pas dire puérile». Les invraisemblances abondent. Le style est banal et prosaïque, la versification défectueuse.

9) H ωραία Ειρήνη και Μωάμεθ Β' : drame en cinq actes (2615 tri-mètres iambiques sans rime). C'est «une dramatisation d'intrigues de sérail». Ce drame pourtant est supérieur au précédent2.

10) Αντίνοος : tragédie en cinq actes. L'intrigue, «remplie de pé-ripéties variées, satisfait pleinement la curiosité du spectateur et du lecteur». La même satisfaction est procurée par les passions, les caractè-res, l'économie, le dénouement, les dialogues, les monologues et la langue de l'œuvre. Cependant, la versification en est un peu négligée. Or, la majorité du jury considérant cette tragédie comme «un bon poème en général, mais non pas irréprochable», décerne le prix à son auteur3.

1. D. Paparrigopoulos, Ποιήσεις, op. cit., p. 71. Il est bien possible que les derniers vers visent en particulier Ange Vlachos.

2. Jugement de 1866, pp. 37-38. 3. Ibid., pp. 39-60.

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Ici se terminait le rapport de Coumanoudis, et la cérémonie du 8 mai 1866 touchait à sa fin habituelle; il ne restait plus au recteur qu'à décacheter l'enveloppe d'Αντίνοος pour annoncer et couronner le lau-réat, Ange Vlachos en l'occurrence. Mais les choses n'allaient pas se passer sans surprises. Lorsque M. Vénizelos ouvrit l'enveloppe du poème vainqueur, il y trouva, à la place du nom de l'auteur, une courte lettre dont il donna lecture publiquement. En voici le texte: «Cette tragédie n'est pas originale, mais elle constitue une libre adaptation de la tragédie allemande «Hadrian», œuvre du poète connu Heyse. Si M.M. les juges estiment que, malgré tout, elle mérite le prix, ils sont libres d'ouvrir — mais seulement dans ce cas précis —l'enveloppe fermée» 1.

La suite est facile à deviner. Devant un jury embarrassé, les ricanements du public furent de nature à transformer l'atmosphère officielle de la cérémonie2. C'était la première fois que les juges univer-sitaires essuyaient une déconvenue de ce genre. Obligés cependant de modifier leur verdict initial — les traductions n'étaient pas admises aux concours, selon le règlement —, ils décidèrent enfin, après une délibération sur place, de décerner le prix aux recueils lyriques Εκ των ενόντων et Στόνοι, dont chacun avait obtenu une voix. C'est ainsi

que le recteur distribua les 1.000 drachmes à Ange Vlachos et à D. Paparrigopoulos3.

A vrai dire, ce qui est arrivé aux juges de 1866 n'était pas tout à fait imprévisible. L'année précédente, A. Roussopoulos, parlant des inconvénients des concours (changement de membres du jury, protesta-tions des poètes battus, etc.), avait déjà insinué une telle éventualité: «et il est bien possible qu'un jour soit couronné un poète orné d'ailes étrangères...»4. Etait-ce une suggestion involontaire? Ange Vlachos, loué mais non couronné au concours de 1865, se décidait à jouer un mauvais tour aux universitaires. Le climat de l'époque favorisait l'a-gressivité, le sabotage, la provocation. Ainsi, la farce d'Αντίνοος venait bafouer la campétence du jury et, en même temps, donner à la rancune une nouvelle forme d'action: l'insulte brutale était remplacée par la dérision.

1. Ibid., p. 61 ; cf. Pant. Chr., p. 246. 2. S. Carydis, très content de la déconfiture des professeurs, décrit avec beau-

coup d'entrain l'hilarité de la salle: Φως, 13 mai 1866. 3. A en croire Carydis (Ibid.), les deux lauréats furent payés en billets devant

le public, ce qui accentua le grotesque de cette «scène comique». 4. Jugement de 1865, p. 5; cf. Jugement de 1866, p. 61.

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«Tout le monde a ri — sauf les juges, bien entendu», raconte Vla-chos, très fier des commentaires ironiques parus dans les journaux1. En réalité, ces commentaires ne furent pas unanimes: le journal H Έλ-πίς, par exemple, trouva de mauvais goût la farce d'Aντίνοος et prit la défense des universitaires qui, en fin de compte, n'étaient pas obligés «de connaître tous les poèmes publiés dans les diverses langues étrangè-res»2. A. R. Rangabé, membre du jury, adopta une politique plus sub-tile: dans une lettre au journal Αλήθεια, il prétendit que Vlachos, nullement disposé à se moquer des juges, avait omis sur son manus-crit le nom de Heyse par inadvertance! Mais cette diversion tourna court: Vlachos ne tarda pas à affirmer, dans une lettre publiée par le même journal, que c'était exprès, et non pas par inadvertance, qu'il avait caché le nom du poète allemand; au surplus, il trouvait inac-ceptable que les juges universitaires ignorassent une tragédie comme «Hadrian», œuvre d'un poète célèbre, «publiée il y a à peine un an et demi et saluée par la presse allemande avec beaucoup de commentaires»3.

L'animosité de Vlachos envers les juges de 1866 ne semble pas, en dernière analyse, inexplicable. Coumanoudis était un ancien ennemi qui avait déjà connu la colère du jeune poète, lors de la participation de celui-ci au concours de 1857. Roussopoulos ne méritait aucune indulgence après son rapport sur Στίχοι (1865). Quant à Rangabé, il était coupable d'une faute majeure: il n'avait pas voté pour Aντίνοος. C'est Vlachos lui-même qui nous donne ce renseignement4 et, en même temps, nous aide à en tirer les conclusions. Car, si Rangabé n'avait pas voté pour Aντίνοος, pour quel autre poème aurait-il pu se prononcer, sinon pour Στόνοι, œuvre du fils de son ami C. Paparrigopoulos? Le fait que cette œuvre donnait dans le romantisme le plus morbide n'é-tait pas, en définitive, un obstacle insurmontable: les rapports humains jouaient souvent plus que les principes.

Vlachos savait peut-être avant le concours que son rival D. Papar-

1. A. Vlachos, Aντινοος, τραγωδία εις πράξεις πέντε, παραφρασθε; iσα ελευθέρως εε [sic] του γερμανικού του Paul Heyse, και Εκ των ενόντων, λυρικαί ποιήσεις βραβευθείσαι

εv τω συναγωνισμώ του 1866, υπό— Athènes 1866, ρ.θ'. 2. Η Ελπίς, 10 mai 1866. 3. Les lettres de A.R. Rangabé et de Vlachos sont reproduites et commentées

dans Αντίνοος op. cit., pp. ια',-κα'. —Paul Heyse (1830-1914) était déjà connu en Grèce: la revue Χρυσαλλίς 1 (1863) 242-247 avait publié son poème «Les deux frères», traduit par D. Vernardakis, et avait promis (p. 242) la publication d'une étude sur l'auteur.

4. A. Vlachos, op. cit., p. ς'.

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Paparrigopoulos bénéficiait de la faveur du jury. La cérémonie du 8 mai vint confirmer ses soupçons; même Coumanoudis, habituellement pour-fendeur intransigeant du romantisme, n'hésita pas à exalter «le ton élégiaque et le coloris mélancolique» de Στόνοι. Par ailleurs, le demi prix remis finalement à D. Paparrigopoulos, malgré le caractère de ses poésies, et contre le règlement du concours, ne pouvait pas être expliqué sans l'hypothèse d'un favoritisme plus ou moins prononcé.

Dans ces conditions, la colère de Vlachos n'était pas facile à maî-triser. Elle explosait, une fois de plus, au moment de la publication de Εκ των ενόντων. L'auteur y ajoutait «Deux mots à son lecteur» (28 mai 1866) pour exprimer tout le mécontentement provoqué en lui par le partage du prix. Il ne comprenait pas «d'où les juges ont acquis ce droit, puisque le fondateur précise explicitement qu'il faut couronner le poème qui est le meilleur relativement». Or, des deux choses l'une: ou il y avait une petite différence de qualité entre les deux poèmes couronnés, auquel cas il fallait récompenser le meilleur, ou bien il n'y en avait aucune, auquel cas il valait mieux ne pas décerner le prix. Quant à lui, Vlachos, il ne faisait confiance qu'au jugement du public, «jugement que ni les sympathies et les antipathies ne déterminent, et que ni les amitiés et les inimitiés n'influencent» 1. Cette dernière al-lusion en disait long.

Sans doute les événements de 1866 n'étaient-ils pas de nature à apaiser les esprits et à redresser le prestige des concours. Vlachos ne s'était pas limité à ridiculiser les professeurs avec Αντίνοος; dans la préface de cette tragédie, il retrouvait son sérieux pour contester vive-ment leur compétence et leur capacité à promouvoir une poésie néo-hellénique de valeur. Il faisait un bilan négatif: «les concours n'ont nullement apporté jusqu'à présent les résultats espérés»2.

Ce bilan négatif, dicté par la crise de 1866, devenait déjà un lieu commun. On voyait mal comment pourrait fonctionner dans l'avenir une institution qui, depuis quinze ans, n'avait apporté que des scan-dales. N'était-il pas préférable qu'elle fût supprimée pour donner sa place, ainsi que disait P. Arghyropoulos en 1853, à des «œuvres plus positives»? Dans Πανδώρα un compte rendu anonyme sur un ouvrage historique concluait: «A notre avis, la publication de telles monogra-phies devrait être encouragée avant toute autre chose, car nous avons besoin, avant tout, de connaître notre histoire, ce que nous fûmes et

1. Πανδώρα 17 (1866-67) 155-156. 2. A. Vlachos, op. cit., p. γ'.

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ce que nous fîmes. Les concours poétiques n'ont doté le Parnasse grec que d'injures. Par ailleurs, un poète n'a pas besoin d'une récompense financière pour être inspiré... Si le patriote fondateur dépensait à la publication d'un bon livre l'argent qu'il dépense chaque année pour le concours, il serait plus utile et il rendrait son nom immortel»1. Un peu plus tard, dans une lettre envoyée de Manchester (20 août 1866), le poète Ch. A. Parménidis écrivait: «Pourquoi les concours littéraires et poétiques sont-ils tombés vite en décadence?... Il serait superflu que je parle de nos concours poétiques. Leur histoire est très connue et de fraîche date; les circonstances tragi-comiques qui non seulement accé-lérèrent leur déclin total mais aussi portèrent préjudice aux intérêts de la vraie poésie, n'échappent, je crois, à aucun lecteur»2.

Décadence, déclin total. On dirait que la revue Πανδώρα, impa-tiente d'en finir avec les concours, préparait inopportunément leur nécrologie. Depuis 1863, elle avait cessé de publier les Jugements des jurys, comme si elle ne voulait plus se mêler directement à une affaire compromettante. La revue Χρυσαλλίς avait pris en 1865 la relève; elle était plus proche d'un esprit néo-classique moderne tel qu'il apparais-sait au début des années I860. Mais cette revue non plus ne se montrait pas disposée, après le scandale de 1866, à prendre la défense d'une in-stitution inutile. La cérémonie poétique de 8 mai ayant été suivie d'une autre, celle du concours théologique, Χρυσαλλίς ne manquait pas d'ex-primer sa préférence pour la seconde: le rapport du professeur de théo-logie Th. Vimbos avait démontré «combien sont utiles les concours qui ont comme objet les questions les plus importantes de notre histoire ecclésiastique et littéraire. Or, au lieu de nous appliquer à inventer en poésie des histoires et des aventures parfois blâmables, il vaudrait mieux, à notre avis, nous occuper des problèmes plus nationaux et plus utiles»3.

Ce principe persistant d'utilité devenait primordial. Au moment où commençait la révolution crétoise et où l'atmosphère s'aggravait, la farce de Vlachos et, en général, les controverses littéraires avaient tout lieu de paraître comme entièrement déplacées. Le raisonnement des bien pensants était simple: La poésie ne servait à rien4; bien au con·

1. Πανδώρα 17 (1866-67) 214. 2. Ibid., p. 358. 3. Χρυσαλλίς 4 (1866) 241. 4. Cf. le témoignage de D. Cambouroglou, qui affirme que, dans sa jeunesse,

un poète était considéré par le Grec moyen comme un être «désœuvré, paresseux, mais aussi simple d'esprit»: Camb. Α., p. 748.

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contraire, elle propageait la révolte et la contestation, l'esprit anti-national et anti-religieux. Les concours poétiques, incapables de répondre à leur mission, sombraient dans les scandales. A quoi bon les conserver plus longtemps?

On ne pouvait pas poser le problème autrement qu'en termes moraux. Il n'était pas encore évident que cette institution «inutile» découlait d'un ensemble d'impératifs sociaux qui garantissaient sa sur-vie plus qu'ils ne menaçaient son existence. On parlait de déclin, au moment précisément où les concours mobilisaient de plus en plus les ambitions collectives. On ignorait que le vrai déclin, lorsqu'il commence-rait à apparaître, ne serait pas lié aux scandales, mais d'une part à la rupture des équilibres existant entre l'offre et la demande et d'autre part à la caducité d'une institution incapable de canaliser les nouveaux besoins. Mais on n'en était pas encore là.

6. 1867 : Patriotisme et exaltation

En dépit de toutes les critiques amères sur les concours, les poèmes envoyés en 1867, au nombre de 17, marquaient une augmentation sen-sible et égalaient presque le record de 1857 (18 oeuvres). C'était une année d'exaltation patriotique sans précédent; la révolution crétoise, qui se prolongeait, sensibilisait les consciences et mobilisait les énergies; A. Valaoritis publiait son Αθανάσης Διάκος et son Αστραπόγιαννος. Dans la Grande Salle de l'Université d'Athènes, le 7 mai 1867,1a cérémonie poétique précédait celle du concours littéraire de Rodocanakis, qui allait décerner son prix à C. Sathas1.

Par rapport au jury de l'année précédente, celui de 1867 ne pré-sentait qu'un seul nouveau membre: le rapporteur D. Sémitélos (1830-1898). A. R. Rangabé, recteur maintenant, était parti pour l'Amérique le 15 avril et était remplacé par le vice-recteur M. Vénizélos; St. Couma-noudis, une fois de plus, faisait partie du jury. Mais sur les quatre professeurs (Rangabé, Sémitélos, Vénizélos, Coumanoudis) qui si-gnaient ensemble le Jugement de 1867 trois seulement, semble-t-il, ont accompli effectivement leur office: il est peu possible que le premier, absent à la veille du concours, ait participé activement aux préparatifs de celui-ci.

Le véritable protagoniste, le rapporteur D. Sémitélos, était mal

1. Πανδώρα 18 (1867-68) 41. Mais cette revue ne publie (pp. 42-45 et 81-87) que le rapport sur le concours de Rodocanakis.

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à l'aise dans un rôle qu'il assumait pour la première et la dernière fois. Il n'allait pas briller par son expérience dans le domaine de la poésie moderne. «Le travail critique lui était étranger et indifférent, ainsi qu'en témoigne son rapport, écrit à la hâte et sans entrain»1. Préoccupé par les questions métriques, il était à peine capable de formuler une réflexion littéraire sans recourir aux citations des auteurs antiques et aux lieux communs les plus ennuyeux. Son manque d'humour sautait aux yeux; à propos du poème Κρητηΐς, il observait: «Dans le troisième chant et ailleurs, la mention répétée de la nourriture et de la boisson est blâmable. Le héros du poème et les autres crétois risquent ainsi d'être considérés comme voraces»2. Partisan de la langue savante, en dépit de ses attaques contre «l'archaïsme exagéré», il ne cachait pas son faible pour «l'exemple parfait du grec ancien» et n'hésitait pas à féliciter l'auteur de Κρητηΐς pour avoir choisi «non pas le dialecte du peuple, mais celui des savants»3. Moraliste, il estimait qu'«une œuvre poétique, pour être véritablement une œuvre d'art, doit avoir comme fondement la vérité et comme but la morale et l'utilité»4. Réactionnaire, il se lançait dans des attaques sommaires contre tout esprit nouveau.

Il s'en prenait aux détracteurs des concours avec véhémence: «Pour notre grand malheur, une tendance immorale et pernicieuse s'est mani-festée depuis quelques années dans notre jeune société, une tendance qui consiste à contester et à bafouer tout ce qui est ancien, bien placé, traditionnel, légitime — sans lequel aucune société humaine ne peut progresser — pour que toute discrimination sociale disparaisse et que tout soit, en quelque sorte, nivelé. Malheureusement, cette tendance n'a pas laissé intacte notre poésie et le concours poétique présent. Il a fallu que nos poètes modernes, aussi bien les vivants que les morts, fussent traités de vauriens, afin d'être placés tous au même niveau, à un niveau prosaïque; que le concours poétique fût critiqué comme inutile et ridicule; que les juges universitaires fussent accusés d'incompé-tence. Voilà ce que beaucoup ont commencé à faire depuis quelques années contre tout esprit de justice et d'utilité à l'égard de notre jeu-ne vie nationale»5. Les romantiques contestataires, les chicaneurs de

1. C. Th. Dimaras, «Ο διαγωνισμός του 1867», dans le journal Το Βήμα, 5 mai 1967 [=NE 81, 1967, 649].

2. Jugement de 1867, Athènes 1867, p. 52. 3. Ibid., pp. 33 et 46. Ailleurs (p. 32), l'«exemple des anciens» était érigé en

loi éternelle de la poésie. 4. Ibid., pp. 36-37. 5. Ibid., pp. 33-34.

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toutes sortes, Ange Vlachos et ceux qui niaient l' «utilité nationale» des concours étaient renvoyés dos à dos comme tenants de la même «ten-dance immorale et pernicieuse».

A vrai dire, Sémitélos avait tout lieu de se montrer, au nom du jury, aussi sensible aux critiques. L'appel lancé par Roussopoulos et Coumanoudis en faveur de la comédie portait ses fruits: deux poèmes parmi ceux envoyés en 1867 appartenaient au genre comique. Mais la déception des juges était néanmoins de taille. Car, si la première comédie, Σαρικοφόρος, écrite en prose, n'avait pas le droit d'entrer en lice, la seconde, Μώμος ο Ελικώνιος, posait des problèmes plus sérieux; elle ridiculisait les concours et les universitaires et, à l'instar de la comé-die de Tertsétis en 1858, elle transportait la contestation à l'intérieur du jury, obligeant ainsi les professeurs à juger une œuvre qui les pre-nait pour cible. Or Sémitélos traduisait les sentiments de tous ses col-lègues, lorsque, par des exemples puisés dans l'Antiquité, il essayait de démontrer qu'un jury, pour être compétent en matière de poésie, n'avait point besoin de membres-poètes1. Peine perdue: son propre rapport n'était pas de nature à servir ses arguments.

Selon ce rapport, les 17 poèmes du concours étaient répartis en 6 épico-lyriques, 5 lyriques, 5 dramatiques (2 comédies et 3 tragédies) et une épopée. Voici un résumé du Jugement de 1867, accompagné, quand faire se peut, de notre commentaire.

1) H αποθανούσα : poème épique qualifié par son auteur de «poème historique en trois phases». Il contient environ 1000 vers. C'est une œuvre puérile et dépourvue de toute valeur.

2) Δάμων : poème épico-lyrique en 1872 vers, relatant un crime crapuleux de Paris. Il est «bizarre», obscur, plein d'archaïsmes et de défauts.

3) Ακροναυπλίας : poème épico-lyrique en trois chants (1025 vers). Intrigue maladroite, archaïsmes, versification souvent défectueuse. «Ce poème n'a pas de qualités visibles»; il semble être l'œuvre d'un débu-tant.

4) H κόρη του Σίννιδος : poème épico-lyrique «sans unité», divisé en deux parties. Fautes de grammaire, de versification et d'orthographe. L'auteur emprunte son intrigue toute faite à un texte étranger traduit dans Χρυσαλλίς 1 (1863) 290 sq.

5) Aι ηρωίδες του Ζαλόγκου : poème épico-lyrique en 370 vers. Le sacrifice des femmes de Souli est relaté «sans épisodes, sans art épique

1. Ibid., pp. 34 sq.

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et sans aucune invention». Les strophes de 10 vers ne conviennent pas au caractère du poème. L'auteur envoie également trois poésies lyri-ques (Εις ποιμενίδα, Νηνεμία, Τη μούση μου) qui sont réussies, notam-ment la première; elles sont citées en entier1.

6) Κλεονίκη : poème épico-lyrique en trois chants. Il relate l'as-sassinat de la prêtresse Cléonice par le roi de Sparte Pausanias. (L'in-trigue, empruntée à Plutarque (Cimon, chap. VI), donne au rap-porteur l'occasion de se livrer à de minutieuses comparaisons entre le poème et sa source). La langue, non exempte d'archaïsmes, est «floris-sante, puissante et pleine de grâce». L'auteur s'applique à imiter la poésie antique qu'il semble connaître assez bien; mais il n'évite pas toujours une certaine froideur. Son patriotisme est incontestable: à travers le tyran Pausanias, le poète fustige les occupants de Constanti-nople, ce qui s'inscrit à son actif 2.

Cette œuvre, exclue l'année précédente, marquait la dernière ap-parition de Jean Carassoutsas sur la scène des concours3. Depuis 1859, le poète de Βάρβιτος s'était gardé de rejoindre les concurrents. Il ne manquait pas maintenant, lui aussi, de sacrifier à la mode. Il traitait un sujet antique, truffait ses vers de noms mythologiques et d'archaïs-mes, se créait un décor à la mesure de l'époque:

Εις θάλαμον ευώδη, ον Βαβυλών και Τύρος διά φαιδρών ταπήτων και βύσσου της πλούσιας κοσμούσιν εναμίλλως, επί χρυσού κλιντήρος ρεμβάζει ο της Σπάρτης προδότης Παυσανίας.

Parfois, son tempérament romantique explosait avec force:

1. Ibid., pp. 9-13. Ch. Anninos (Ο Σύλλογος των Εισαγγελέων, op. cit., pp. 340-341) donne un exemple des vers qui soulevaient l'admiration de Sémitélos:

Ελθέ, γλυκεία ποιμενίς, πλησίον μου να ζήσης, ελθέ και θα γνωρίσης

πως είμαι νέος ευγενής.

2. Jugement de 1867, pp. 13-20. 3. Elle est publiée dans Πανδώρα 18 (1867-68) 134-140, et en brochure: Jean

Carassoutsas, Η Κλεονίκη και έτερα ποιήματα υπό — Athènes 1868, avec une préface enflammée contre les Turcs à propos de la révolution crétoise, mais sans aucune mention du concours de 1867. Le passage cité par Sémitélos est reproduit dans Rapt. Parn., pp. 473-474, et Mat. Parn., pp. 396-399.

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Λαών βαρβάρων φύλα από Βορρά και Νότου λάβρα σε απειλούσιν, ω Πόλις η μεγάλη. Ομοίως γύρωθέν σου μετά λυσσώδους κρότου βρέμει ο Πόντος, βρέμει η θάλασσα η άλλη.

Χιλίας διανύων ο Φοίβος περιόδους ακράδαντόν σε βλέπει. Αλλ' ω κλαυθμός, ω πόνοι!

Εκ του Καυκάσου δράκων ελθών του βορβορώδους, αίμα φυσών και φλόγα , αμφιλαφής σε ζώνει.

Mais, la plupart du temps, face aux exigences d'un long poème épique, le poète se montrait incapable d'animer un récit froid et inin-téressant. Décidément, Vlachos avait raison, lorsqu'il jugeait Κλεονίκη comme un des poèmes les plus faibles de Carassoutsas et comme «com-plètement étranger à son univers lyrique»1.

7) Η πρώτη λάμψις άστρου γεννωμένου : recueil de poésies lyriques publiées dans le journal Ερμούπολις (1867) et, de ce fait, exclues du concours2.

8) Ποικίλα : recueil de 7 poésies lyriques, «exercices maladroits d'un poète débutant et inexpérimenté». Les défauts abondent: verbiage, manque de précision, langue irrégulière, imitations étrangères.

9) Διάφορα λυρικά ποιήματα : recueil de 15 poésies lyriques (500 vers) qui ne sont que «versus inopes rerum nugaeque canorae». Des mots tels que «fleurs», «lune pâle», «printemps», sont répétés à satiété. Fautes de grammaire et d'orthographe, métaphores erronées.

10) Σκιαί: recueil de 15 poésies lyriques. Dans la première poésie (Τοις κριταίς), citée en exemple, l'auteur, un adolescent, avoué faire ses débuts littéraires sans aucune prétention. En effet, il écrit des vers à la mesure de son âge. Mais il aurait mieux fait d'étudier la poésie d'Horace, «à la place des poèmes étrangers qu'il semble lire et imiter»8.

Cet adolescent n'était autre que le futur historien Spyridion Lam-bros (1851-1919)4. A 16 ans, il donnait à sa première participation aux concours le caractère d'une profession de foi:

1. A. Vlachos, Περί Ιωάννου Καρασούτσα, op. cit.,p. 35 [—Ανάλεκτα, t. II , p. 79]. 2. Jugement de 1867, p. 20. Il s'agissait, peut-être, de poésies de T. Ambélas. 3. Ibid., pp. 22-24. 4. Cinq poésies appartenant au recueil Σκιαί sont publiées séparément; voir

G. Charitakis, Κατάλογος δημοσιευμάτων Σπ. Λάμπρου, No 17, 18, 19, 23 et 25, dans le volume Σπυρίδων Π. Λάμπρος 1851-1919, Athènes 1920, p. 37.

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Ευθαρσώς την λύραν κρούω, μείραξ έτι, της καρδίας, ούτε άθλα περιμένων ούτε δάφνας ονειρώττων. Άσματα δεν θα ποιήσω, δεν θα ψάλλω μελωδίας. Είναι τούτο της ψυχής μου το πτερύγισμα το πρώτον.

Νικητήρια δεν ψάλλω και πολεμικούς παιάνας" δεν με ευνοούν αι Μούσαι, είμαι μόνον στιχουργός"

επιπλέον είμαι μείραξ" έτι τρέφομαι με πλάνας, και σπινθήρ δεν με θερμαίνει της πολεμικής φλογός.

Lambros avait fait ses premiers vers à 13 ans (mars 1864), lorsqu' il avait adapté en grec un poème de Béranger1. Jusqu'en 1872, année de son départ pour l'Allemagne, ses activités littéraires sont intenses: il compose des poèmes lyriques et des drames, fait des traductions, participe aux concours à quatre reprises, publie une étude sur Zalo-costas (1868). C'est à partir de 1872 que Sp. Lambros, absorbé par ses études et par ses travaux scientifiques, abandonne la poésie pour une carrière universitaire brillante. Jusqu'à la fin de ses jours, il écrit des vers, sans les publier et, surtout, sans se faire trop d'illusions sur son talent. Ce qui n'a pas empêché un de ses biographes, André N. Skias, de voir en lui un «vrai poète» qui, s'il avait continué son œuvre, «serait devenu probablement le poète le plus grand et le plus populaire de la Grèce moderne»2.

11) Χελιδόνες : recueil de 7 poésies lyriques (560 vers) qui dépasse de loin tous les précédents. Pleines de passion, ces poésies sont caracté-risées par un ton dithyrambique, par une imagination sans bornes, par une tendance aux lamentations; elles sont néanmoins obscures, énigma-tiques et privées de clarté. L'auteur, expérimenté, semble influencé par «la muse moderne des poètes lyriques étrangers». La versification est «irréprochable» et «la composition des strophes simple et bonne». Est citée en entier la première poésie, Προς τον ήλιον3.

1. Ibid., p. 36. 2. Ibid., p. 16. —Sur Sp. Lambros en tant que poète, voir: E. M. Edmond,

Modem Greek Poets, The Woman's World, mai 1888, pp. 315-322; G. Charitakis, op. cit., pp. 35 sq; André N. Skias, Ibid., pp. 12-18; D. Simos Balanos, Σπυρίδων Π. Λά-μπρος 1851-1919 (Ανατύπωσις εκ του Β' Παραρτήματος των Ηπειρωτικών Χρονικών), Jannina 1929, pp. 5-9; Α. Adamantiou, Σπυρίδων Λάμπρος, ΜΕΕ 15 (1931) 759-760; Nicos Α. Bees, «Ο Στ. Κουμουνούδης ως κριτής ποιητικών πρωτολείων του Σπ. Π. Λάμ-πρου», NE 23 (1938) 77-81 ; M. Valsa, Le théâtre grec moderne de 1453 à 1900, Berlin

1960, p. 318. 3. Jugement de 1867, pp. 24-30.

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Il s'agissait de la deuxième participation aux concours de D. Papar-rigopoulos1. Le romantisme athénien atteignait son apogée. L'auteur de Στόνοι faisait un pas en avant et imposait sa personnalité; il était le chantre des ténèbres:

Ναι, νύξ· το φως είν' ειρωνεία, όπου κυλίονται οδύναι-νυξ βαθυτάτη και σκοτία

ο ουρανός του πόνου είναι.

και όμως, Ήλιε, που τείνει που η μακρά αυτή πορεία; ουδ' ίχνος όπισθεν αφίνει' το φως διώκει ή σκοτία.

Si son pessimisme demeurait véhément, sa foi semblait ravivée:

Με αναμένει ο Θεός και η αθανασία

alors que son désespoir laissait place parfois aux lieux communs ana-créontiques:

Ροφώμεν, ροφώμεν τον άκρατον οίνον, την κόμην με κλήματος κλάδους κοσμώμεν, ο οίνος το πνεύμα προς τ' άνω ευθύνων την γην διαγράφει" πληρούτε, ροφώμεν.

En 1867, publié en volume, Ποιήσεις de D. Paparrigopoulos mar-quait sans doute un événement de première importance. Sp. Vassilia-dis, ami intime de l'auteur, était un homme tout indiqué pour rendre compte de ces poésies: il ne les voyait point comme des «inspirations», mais comme des «études» inspirées par des réflexions et des lectures philosophiques; aussi leur manque de délicatesse, d'harmonie, de dou-ceur et de grâce était-il compréhensible. «Produits de notre époque, fleurs qui s'épanouissent dans l'asphyxie romantique et dans la vie suffocante de notre Grèce pauvre, les poésies de M. D. Paparrigopoulos ont un caractère excessivement mélancolique et désespéré». Or, selon Vassiliadis, l'auteur de Ποιήσεις pouvait, s'il le voulait, «orienter les tendances de son cœur saignant vers des sujets plus vaillants et plus

1. Χελιδόνες est publié avec Στόνοι dans D. Paparrigopoulos, Ποιήσεις, op. cit., pp. 73-100. Les poèmes Προς τον ήλιον et δεν θέλω δόξαν sont reproduits dans Rapt. Parn., pp. 696-699, 701-702, et Mat. Parn., pp. 419-426.

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helléniques»1. En d'autres mots: au moment où la révolution crétoise attisait les espoirs de la nation, D. Paparrigopoulos avait tort de rester enfermé dans ses impasses individuelles. Vassiliadis était toujours prêt à critiquer le romantisme; il n'en constituait pas moins un des princi-paux représentants; il respirait avec trop de difficulté, lui aussi, dans une Grèce pauvre et suffocante.

12) Σαρικοφόρος : comédie écrite en prose et, de ce fait, exclue du concours. Le genre comique ayant été toujours présenté en vers dans l'Antiquité, les poètes modernes n'ont pas à libérer la comédie «des liens du rythme»2.

13) Μώμος ο Ελικώνιος : comédie inacceptable au concours en rai-son de son contenu; elle ridiculise non seulement tous les poètes modernes, mais aussi les juges universitaires en tant que philologues, médecins, etc. L'auteur avoue se présenter au concours non pour la couronne, mais pour les 1.000 drachmes. Cette attitude est fustigée par le rappor-teur, et la compétence du jury longuement défendue 3.

Oeuvre de l'historien Epaminondas Stamatiadis (1835-1901), la comédie en question était publiée la même année à Athènes, avec quelques mots «au lecteur»; le poète y protestait vivement contre son exclusion d'un concours qui acceptait, cependant, même des poèmes blasphématoires. «Nous ne voulûmes bafouer aucun poète personnelle-ment, encore moins les derniers juges. Notre seul objectif fut, tout simplement, de persifler la superactivité poétique qui s'est développée irrésistiblement ces dernières années, ainsi que l'esprit pédant qui a dominé au jugement des poèmes. Si quelques-uns se sentirent visés, ce n'est pas de notre faute» 4.

En réalité, toute une série de poètes ou de versificateurs contem-porains étaient mis en cause dans la comédie de Stamatiadis: P. Sou-tsos, G. Exarchopoulos, Capsoképhalos le zantiote, Ch. Sakellariadis, I. Skylitsis, G. Skokos, I. Matharikos, E. Loverdos, A. Pothitos, S. Mélissinos, I. Bartas, G. Stavridis, Ph. Papadimitriou, Ch. Parménidis, Jean Carassoutsas, A. Vyzantios, P. Synodinos, Arion, A. Afxentiadis, S. Carydis, A. Manoussos, P. Contopoulos, Ch. Samartzidis. Rassemblés

1. Εθνική Βιβλιοθήκη 2 (1867) 328-331 [=Αττικαί Νύκτες III,, pp. 316-324]. 2. Jugement de 1867, pp. 31-33. 3. Ibid., pp. 33-37. 4. E. Stamatiadis, Μώμος ο Ελικώνιος, κωμωδία εις πράξιν μίαν, Athènes 1867

p. [3]. La deuxième édition de cette comédie a paru avec un poème comique: Πανοι-κίας, ποίημα κωμικόν εις Άσματα πέντε-Μώμος ο Ελικώνιος, κωμωδία εις πράξιν μίαν, Samos 1897.

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blés sur le mont Hélicon, ces poètes ne faisaient que se vanter ou se disputer, devant un jury littéraire dont les membres étaient visiblement ceux du concours de 1865: Coumanoudis (Stamnochéroulis), Rousso-poulos (Inaios) et Aphentoulis (Trémentinas). A Momos, un «nouveau poète», les juges ne posaient que des questions absurdes; Stamnoché-roulis l'interrogeait sur l'archéologie, Inaios sur l'orthographe du mot ϊνε1, Trémentinas sur la médecine. Le nouveau poète répondait cor-rectement, remportait la victoire et demandait les 1.000 drachmes:

ποιητής κ' εγώ εβγήκα, έτζι τό 'φερ' η κατάρα.

C'est ainsi, que, suivant l'exemple de Tertsétis (1858), Stamatiadis recourait à la comédie pour se moquer des concours. Historien de son île Samos, il avait l'occasion, depuis le 12 avril 1866, d'étudier les mœurs littéraires de la capitale de près, venu à Athènes en tant qu'exilé poli-tique2. Il n'apportait pourtant pas grand-chose à la poésie de son temps: sa comédie, utile comme source littéraire, est loin de dépasser un ama-teurisme ennuyeux.

14) Ο βασιλεύς Νίσος : drame en cinq parties. L'intrigue est ma-ladroite, les personnages inconsistants, la versification défectueuse. «L'auteur ne semble posséder aucune expérience de l'art dramatique»3.

Il s'agissait d'une des premières œuvres de Timoléon Ambélas (1850-1926)4.

15) Αλέξανδρος ο τύραννος : drame en cinq actes. Le choix de l'in-trigue est mauvais, l'économie défectueuse; les défauts sont plus nom-breux que les qualités5.

16) Κοριολάνος : drame en cinq parties; œuvre, apparemment, d'un jeune débutant. Les personnages sont mal décrits, la vérité historique est violée arbitrairement. La langue et la versification ne manquent pas de fautes 6.

1. Roussopoulos écrivait ίνε au lieu de είναι; d'où son sobriquet Inaios. Rap-pelons que Cléon Rangabé (Ιουλιανός ο Παραβάτης, p. λη') ironise, lui aussi, sur les fantaisies orthographiques du rapporteur de 1865.

2. Sp. De Biazi, «Επαμεινώνδας Σταματιάδης», Ποιητικός Ανθών 1 (1877) 380. 3. Jugement de 1867, p. 37. 4. Ν. I. Lascaris, Ιστορία του νεοελληνικού θεάτρου, t. II, Athènes 1939, p.

142; cf. MEE 4 (1928) 338. 5. Jugement de 1867, p. 38. Ν. I. Lascaris (op. cit., t. I, Athènes 1938, p. 225)

lie le sujet de cette œuvre à celui de Θήβη de Pervanoglos. 6. Jugement de 1867, p. 38.

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Il s'agissait d'une oeuvre de Jean A. P. Mavromichalis (1851-1875)1. 17) Κρητηΐς : épopée en 12 chants (plus de 10.000 hexamètres),

ayant comme sujet la conquête de la Crète par les Vénitiens. Imitateur d'Homère, l'auteur est un poète expérimenté qui parvient à donner une image complète de la vie crétoise. Sa langue (savante) est «à la hauteur de l'intrigue et du genre épique»; les métaphores, les images, les comparaisons sont, en général, réussies. Mais ce poème «remar-quable», qui dépasse de loin tous les précédents, ne manque pas de dé-fauts: l'économie est souvent défectueuse et l'hexamètre, vers étranger au sens rythmique des Grecs modernes, mal choisi. Par ailleurs, l'é-popée en question est incomplète, l'auteur n'ayant pas eu le temps de terminer une œuvre aussi volumineuse. Les juges croient, cependant, que cette œuvre pourrait devenir un véritable «poème national», si elle était complétée et corrigée. Pour le moment, elle ne peut obtenir le prix; son auteur reçoit le premier accessit; celui de Κλεονίκη en re-çoit le second et celui de Χελιδόνες le troisième2.

A. Antoniadis, auteur de Κρητηΐς, bénéficiait, une nouvelle fois, de la faveur universitaire. Il était l'homme de la situation, et il savait l'être. Ses atouts, par rapport à ceux de Carassoutsas et de D. Papar-rigopoulos, étaient imbattables; à un moment d'exaltation patrioti-que, une épopée qui, par son sujet et même par son titre, faisait allu-sion à l'actualité la plus brûlante, qui combinait les réminiscences homériques avec l'esprit folklorique à la mode et qui se pliait à un conformisme apparemment néo-classique et essentiellement romanti-que, avait assurément tous les avantages pour être célébrée comme «poème national». Antoniadis ne faisait que transplanter l'univers héroïque d'Homère sur les montagnes crétoises:

Ψάλλω ηρώων ανδρών τα παθήματα, οίτινες όρη πύργον κρατούν δυνατόν κατά πάσης εφόδου τυράννων.

Et ce n'était pas un hasard si le rapporteur Sémitélos admirait ces hexamètres qui, loin de communiquer un message, accumulaient des mots-stimulants vides de sens:

1. Jean A. P. Mavromichalis, Κοριολάνος, δράμα διδαχθέν το πρώτον από της εν Αθήναις Εθνικής Σκηνής τον Ιανουάριον του 1868, Athènes 1868. — Sur l'auteur,

voir la nécrologie publiée dans l'«Annuaire de l'Association pour l'Encouragement des Etudes Grecques» 9 (1875) 390.

2. Jugement de 1867, pp. 39-56.

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Ούτω Ρωμαίος ποτέ στρατηγός των Ελλήνων γινώσκων αίσθημα ποίον ψυχάς προς ελεύθερον βίον φλογίζει, θέλων καιρόν να κερδήση, θωπεύων μ' αλώπεκος τρόπον, ήτις τον κόρακα είχε πτηνών βασιλέα δοξάσει, κήρυκα λόγον τοιούτον βοώντ' εις το πλήθος αφήκεν, ότε τα Ίσθμι' αγώνα κοινόν πανταχόθεν ετέλουν.

Car, dans la mesure où l'exaltation patriotique hypertrophiée im-posait son primat dans tous les domaines, le rôle de la poésie devenait clair. Celle-ci avait moins comme mission de donner un sens aux mots que de mettre en vers un discours idéologique où le sens, déjà investi dans le sentiment commun, était seulement à suggérer et non à dé-couvrir. A cet égard, Antoniadis avait la tâche facile. Polygraphe, superficiel, imitateur habile, il était un des meilleurs représentants de cette poésie médiocre. Son «poème national», complété selon les conseils de Sémitélos et publié en 18681, allait connaître deux rééditions (1881, 1899) qui ne manquaient pas de mentionner l'accessit obtenu au con-cours de 1867. Mais le titre de la troisième édition (1899) était encore plus riche: il indiquait que Κρητηΐς avait été, entre-temps, recommandée comme lecture pédagogique dans les lycées crétois par décret royal.

Il n'en reste pas moins que l'épopée d'Antoniadis apportait, au moment propice, un matériel folklorique de première importance. Con-naisseur des mœurs et des traditions de son île, le poète avait inséré dans Κρητηΐς des renseignements précieux sur la vie et sur les coutu-mes crétoises, ce qui fut pour beaucoup dans l'admiration suscitée par son œuvre. Nicolas G. Politis, le fondateur de la science du folklore en Grèce, allait puiser abondamment à cette source pour montrer la survi-vance des traditions antiques2. S. N. Vassiliadis la considérait comme «notre seule épopée nationale depuis la Guerre de l'Indépendance»3. En 1904 encore, G. Mistriotis estimait qu'aucun poète épique contem-porain n'égalait l'auteur de Κρητηΐς 4.

En tout état de cause, le verdict du jury de 1867 prouvait qu'Antoniadis, quoique non couronné, avait consolidé sa place dans la

1. A.I. Antoniadis, Κρητηΐς, ήτοι ο Λακκιώτης Δράκος και της Κρήτης οι Ορει-νοί, Έπος ποιηθέν μεν υπό —, καθηγητού εν Πειραιεί, τυχόν δε τον πρώτον έπαινον εις τον ποιητικόν διαγωνισμόν του φιλογενούς Κ. Βουτσινά, τη 7 Μαΐου 1867, Athènes 1868.

2. N.G. Politis, Μελέτη επί του βίου των νεωτέρων Ελλήνων, t. I, Athènes 1871, pp. 62-63, 89, 101, 141, 142, 150, 187-188.

3. S.N. Vassiliadis, Αττικαί Νύκτες III, Athènes 1875, p. 546. 4. Réponse à une enquête du journal Αθήναι; voir Παναθήναια 9 (1904-1905) 28.

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faveur universitaire. Au moment où Carassoutsas se retirait des con-cours définitivement, il était bien évident que le recrutement de nou-veaux poètes ne posait pas de problèmes. La voie du succès littéraire, ouverte à de larges couches d'amateurs enthousiastes, paraissait plus praticable que jamais. Après tant d'années d'expérience, les mécanismes de l'institutuon poétique n'étaient plus un secret pour personne. Les critères fondamentaux sur lesquels les professeurs appuyaient leur jugement devenaient de plus en plus clairs. Par ailleurs, l'offre se réé-quilibrait pour correspondre à la demande. Tous les genres littéraires avaient déjà droit de cité sans exclusives. Depuis 1865, la poésie lyri-que et la poésie épique n'étaient plus les seules à occuper le devant de la scène; le drame avait été couronné (1865), le retour à l'épopée s'était avéré payant (1867) et la comédie avait devant elle un avenir prometteur. Popularisés et ouverts à tous ceux qui, spécialistes ou non, pouvaient répondre à leur appel, les concours entraient dans une phase d'expansion sans précédent — les poèmes envoyés en 1868 se-raient au nombre de 31! — et semblaient traverser une période de prospérité. Ils étaient toutefois arrivés au point où la libre circulation de monnaies de toutes sortes dans le marché littéraire, annonçait un début d'inflation.

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CHAPITRE II

LE SAUT QUANTITATIF (1868-1871)

Τας παραλυτικάς αυτών ποιήσεις με άνθη και ψιμμύθιον κοσμούσιν, ενδύουσι κομψώς και σαβανούσιν

εις πλείστας και ψυχράς μεταρρυθμίσεις. D. Paparrigopoulos (1867)

L'heure du théâtre, nous l'avons déjà vu, avait sonné pour les concours poétiques universitaires en 1865, lorsque le prix avait été décerné au drame d'Antoniadis Φίλιππος ο Μακεδών. Les rapporteurs Roussopoulos (1865) et Coumanoudis (1866) avaient sollicité l'envoi de drames et de comédies en termes non ambigus. Au même moment, Vernardakis et Vlachos offraient, sur la scène du Théâtre d'Athènes, des exemples dramatiques à suivre. Si Μαρία Δοξαπατρή (1858), jouée pour la première fois en 1865 et rééditée en 1868 sans sa préface, demeu-rait toujours une pièce romantique exemplaire qui orientait de nom-breux auteurs (S. Carydis, T. Ambélas, S. N. Vassiliadis, Sp. Lambros, etc.) vers l'histoire médiévale, Μερόπη (1866), cristallisation du revire-ment classique amorcé chez Vernardakis par Κυψελίδαι (1860), devenait le nouveau modèle de retour à l'Antiquité.

Des décennies durant, le théâtre néo-hellénique n'allait pas sortir de la voie dans laquelle l'avait engagé l'auteur de Μερόπη. En 1893, à propos de Φαύστα, C. Palamas rejetait sur Vernardakis toute la responsabilité d'une production dramatique pléthorique et inconsistante: «La tragédie, toujours la tragédie! Avec ses empereurs et ses impéra-trices, sa langue savante et ses trimètres iambiques, son style sublime et sa noblesse!»1.

1. Pal. Α., t. X, p. 53.

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Peut-être est-il exagéré d'attribuer à un seul homme ce qui appar-tient, en fin de compte, à toute une époque. Car, aussi bien le néo-classicisme que le romantisme athéniens, au moment crucial de leur lutte d'influence, découvrent dans lé théâtre un nouveau domaine pour étendre leur domination. Toujours est-il que, guidée par Euripide ou par Shakespeare, orientée vers la tragédie classique ou vers le drame romantique, la production théâtrale reste, en règle générale, l'expres-sion d'une rupture avec la réalité.

Il en va autrement avec la comédie qui, liée au réel de façon in-trinsèque, est forcément ouverte, ainsi que l'avait affirmé Vernardakis lui-même, «à la vérité et à la vie»1. Vlachos et les autres auteurs comi-ques n'ont pas à contester cette évidence. Obligés de chercher leurs inspirations dans la vie contemporaine et quotidienne, ils ouvrent, ne fût-ce qu'involontairement, la voie au réalisme et à la langue parlée: si celle-ci gagne du terrain à partir de 1868, c'est notamment grâce aux dialogues comiques. De leur côté, les juges universitaires, en en-courageant la comédie, ne perdent pas l'occasion d'élargir l'horizon des concours, de répondre aux goûts du public et, surtout, de se servir, dans leur lutte anti-romantique, d'une arme efficace. Mais jusqu'à quel point peuvent-ils déjà contrôler une situation mouvante et pleine d'imprévus ?

En effet, de nouvelles difficultés apparaissent à partir de 1868, et les rapports arithmétiques changent de manière inattendue: la réorga-nisation du théâtre athénien et les appels du jury à l'envoi de pièces dramatiques ne sont pas pour rien dans une augmentation forte et régulière du nombre des concurrents. Jamais les concours ne furent envahis par des œuvres aussi nombreuses; elles passent de 31 (45.000 vers) en 1868 à 45 (70.000 vers) en 1871. Si la conjoncture, elle aussi, y est pour quelque chose — la révolution crétoise, source d'exaltation d'abord et d'amertume ensuite, attise au plus haut degré l'émotivité collective —, cette augmentation résulte, en définitive, d'une conver-gence de causes multiples. N'oublions pas que le redoublement du nombre des étudiants dans la période 1861-1867, la stabilité et l'ouver-ture de l'institution poétique, l'accès plus facile au prix, etc., sont des facteurs qui favorisent plus ou moins le saut quantitatif amorcé en 1868.

Il n'en reste pas moins que ce saut quantitatif, s'il avantage la variété, est en général défavorable à la qualité. Par ailleurs, ouverts

1. Αθηνά, 3 juin 1857.

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aux poètes débutants, les concours s'aliènent de plus en plus la sympa-thie des concurrents prestigieux. C'est pendant cette période que les poètes les plus en vue, notamment ceux qui s'étaient imposés dans les années 1860 (A. Vlachos, A. Paraschos, D. Paparrigopoulos et autres) commencent à se retirer des concours, l'un après l'autre. Une nouvelle génération (Jean Papadiamantopoulos, A. Provélenghios, Jean Cam-bouroglou, Eugène Zalocostas, Ch. Anninos et autres) prend la relève autour de 1870, sans toutefois pouvoir changer le cours des choses; elle n'a qu'à se plier aux positions romantiques et néo-classiques con-nues, continuant ainsi un combat qui sera bientôt, ainsi que nous le verrons, dépassé par les événements.

Cependant, si le renouvellement ne vient pas du côté des poètes, il est sensible dans la pensée critique universitaire: les nouveaux rap-porteurs, notamment Th. Orphanidis (1870) et G. Mistriotis (1871) ont l'occasion d'enrichir un débat axé, la plupart du temps, sur les fautes de grammaire et sur la monotone lutte anti-romantique. L'actualité du théâtre, la réapparition du problème de la langue, les nouvelles idées européennes (H. Taine), les transformations sensibles de la so-ciété néo-hellénique posent un certain nombre de questions pertinentes et finissent par soulever une problématique plus positive.

1. 1868 : La comédie, ouverture à la réalité

En 1868, les poèmes envoyés au concours atteignaient le chiffre extraordinaire de 31! Tous les records précédents étaient largement battus. Composé de trois membres— Orphanidis (président), Aphen-toulis (rapporteur) et Coumanoudis — le jury universitaire semblait, en quelque sorte, pris au dépourvu, et son porte-parole ne manquait pas d'exprimer son étonnement devant une «telle fécondité» qui pro-duisait plus de 45.000 vers1. Pouvait-on attribuer cette brusque aug-mentation à la conjoncture? Sans doute le contenu des poèmes envoyés était-il significatif: 12 œuvres se référaient aux luttes patriotiques, 4 à l'amour, une seule à la religion; les autres traitaient de sujets mixtes. Dans ces conditions, le rapporteur n'hésitait pas à tirer ses conclu-sions: c'était le patriotisme qui attisait, en premier lieu, de façon aussi féconde, la production poétique, et «la chose était prometteuse»2.

Décidément, Aphentoulis parlait en connaissance de cause. Poète

1. Jugement de 1868, Athènes 1868, p. 3. 2. Ibid., p. 4.

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d'occasion, il avait composé et publié, lui aussi, l'année précédente, un poème patriotique, grâce à l'enthousiasme soulevé par la révolution crétoise1. Seulement, cet enthousiasme coïncidait maintenant avec une série de conditions qui facilitaient l'irruption des amateurs dans les concours: réorganisation et «démocratisation» de l'institution poétique, ouverture à tous les genres littéraires et notamment à la poésie drama-tique2, augmentation du nombre des étudiants, etc. Les concours se portaient bien, et le prix — les succès d'Antoniadis en 1865 et 1867 l'avaient prouvé — n'était pas réservé aux «favoris» du moment, aux poètes connus, aux spécialistes chevronnés; bien au contraire, ces der-niers prenaient de moins en moins de place dans l'institution poétique, transformée, selon un candidat de 1868, en «concours d'enfants». Le champ restait donc libre aux ambitions juvéniles et à l'enthousiasme versifié.

La cérémonie du concours de 1868 eut lieu le 5 mai3. Dans le jury, la répartition des rôles avait relativement changé, en fonction des cir-constances. Orphanidis, disparu depuis le scandale de 1864, revenait pour occuper d'office le poste de président, en tant que recteur de l'Université. Coumanoudis était, une fois de plus, simple membre. Aphen-toulis, juge pour la première fois en 1865, débutait comme rapporteur et lisait le rapport le plus long que le public athénien eût connu jus-qu'alors.

Son rôle important pendant la dernière période des concours (10 participations au jury, dont 4 en tant que rapporteur) nous oblige à jeter un coup d'œil plus attentif sur ce personnage pittoresque et contradictoire. Médecin, poète amateur, journaliste et professeur de pharmacologie depuis 1862, Théodore Aphentoulis (1824-1893) lais-sait ses contemporains assez perplexes par la noblesse de ses intentions

1. Th. Aphentoulis, T α Κρητικά, ποίημα αφιερωμένον εις τους εν Κρήτη αγωνιζό-μενους, εις 3 ραψωδίας, Athènes 1867. Il s'agissait d'une médiocre imitation des chants populaires, en langue démotique «pure et véritable».

2. On pouvait toujours espérer qu'une œuvre dramatique distinguée au con-cours avait des chances d'être jouée au théâtre. Mais cet espoir, alimenté par le couronnement d'un drame (1865) et par l'appel du jury à l'envoi de comédies, n'était pas pour l'instant concrétisé: S. Carydis se plaignait en 1868 que «le Théâtre National fût oublié dans sa propre patrie» laissant les œuvres dramatiques du con-cours «comme des orphelins sans gîte»: Η κοινωνία των Αθηνών, κωμωδία εις πράξεις τέσσαρας, Athènes 1868, ρ. 2.

3. Voir les comptes rendus dans la revue Πανδώρα 19 (1868-69) 144 et dans le journal Φως, 10 mai 1868.

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et par la mesquinerie de ses pratiques: le fervent patriote, qui s'était engagé dans les luttes nationales de 1854, était aussi un homme intéressé et réputé pour son avarice1. Ses capacités littéraires n'ont pas manqué d'admirateurs2. Mais Roïdis s'est appliqué à détruire tout ce qu'il pouvait laisser à la postérité en tant que spécialiste de poésie: «Les desseins de la Providence sont en effet admirables: ayant permis la naissance de poètes comme Antoniadis, elle a pris soin de mettre sur la terre des juges comme Aphentoulis pour les couronner»3. Ou, ail-leurs: «Un poète privé du génie d'un Rossini ou d'un Praxitèle ne sert à autre chose qu'à être couronné par M. Aphentoulis»4. Symbole de l'incompétence critique des jurys, le rapporteur de 1868 expiait ainsi tous les péchés universitaires, alors que les poètes Antoniadis ou Ambé-las personnifiaient la médiocrité des concurrents. Mais l'esprit caustique de Roïdis avait trop besoin de cibles concrètes pour ne pas attribuer aux personnes ce qui appartenait aux groupes et aux mentalités.

En réalité, Aphentoulis ne se différenciait pas d'une «moyenne» universitaire qui concevait la poésie en fonction d'un système de va-leurs établi. Produit de son milieu et de son temps, s'il n'a pas brillé par son esprit critique, il a été loin de constituer un exemple de médio-crité unique et exceptionnel. Homme des circonstances, il ne faisait, en fin de compte, qu'illustrer les limites d'une critique conformiste, dont il n'était ni l'instigateur ni le seul responsable. Il représentait un «ordre», une «règle générale», une médiocrité collective. Aristotélicien, il conseillait naïvement l'imitation pure et simple des auteurs classi-ques et n'acceptait pas un drame sans unité de lieu et de temps5. Admi-rateur de l'Antiquité, il ne manquait pas, lui non plus, de fustiger le «pédantisme byzantin» et d'exprimer sa préférence pour les mètres anciens, notamment pour la strophe alcaïque6. Du reste, son rapport de 1868, parsemé de citations d'auteurs classiques, répétait tous les

1. Le surnom «Trémentinas» (avare) que lui donne E. Stamatiadis dans Μώμος ο Ελικώνιος est carastéristique. Voir aussi: D.S. Xénakis, Εξέχουσαι φυσιογνωμίαι εν

Πηλίω και Βόλω κατά την ΙΘ' εκατονταετηρίδα, Volos 1933, pp. 30-31. 2. Α. R. Rangabé, Histoire littéraire, op. cit., t. II, pp. 252-256; Skokos, Ημε-

ρολόγιον 1891, p. 93; Al. Vyzantios, Έργα, op. cit., p. 126. 3. E. D. Roïdis, Πάρεργα, εκδ. Δημητρίου I. Σταματοπούλου, t. I, Athènes 1885,

p. 211. 4. E. D. Roïdis, Περί συγχρόνου εν Ελλάδι κριτικής, Athènes 1877, ρ. 18;

cf. ρ. 57. 5. Jugement de 1868, pp. 16, 35-36, 52. 6. Ibid., pp. 18 et 28.

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lieux communs de la critique universitaire: insistance sur l'orthographe et la grammaire, condamnation de l'archaïsme exagéré, refus du ro-mantisme, etc. A un poète qui écrivait en langue démotique, Aphen-toulis, à l'instar de ses prédécesseurs, recommandait de «prendre comme seul exemple la poésie populaire pure»1. A un autre, qui présentait tous les symptômes de la maladie byronienne, il conseillait, en médecin, de longues promenades dans les montagnes et des bains froids 2. On ne peut être certain que son humour était volontaire.

Revenons à la riche récolte poétique de 1868. Six poèmes, parmi les 31 envoyés, étaient exclus du concours: quatre d'entre eux (H Μονή

του Αρκαδίου, Ώραι Σχολής, Διθύραμβος εις την βασίλισσαν Όλγαν, Μάρ-κος Βότσαρης) n'avaient pas le nombre indispensable des 500 vers; le cinquième n'avait ni titre ni enveloppe; le sixième, Ο άγνωστος ποιητής, poème déjà envoyé au concours et ayant obtenu un accessit, avait été publié partiellement, sous le nom de l'auteur, dans la revue Χρυσαλλίς3. Le rapporteur n'avait donc à s'occuper que de 25 poèmes. Ceux-ci étaient répartis en trois catégories, selon leur valeur. Voici un résumé du rapport d'Aphentoulis, accompagné de notre commentaire :

a. P o è m e s o c c u p a n t la d e r n i è r e p l a c e 1) Οι κρεμαστοί Αργολάβοι ή Η επανάστασις των γερόντων : comédie

qui a pour but de ridiculiser les flirts séniles. C'est «une dégoûtante compilation d'un auteur polisson et inculte».

2) Μέρωψ ο Αγιορίτης : «un mélange d'érotisme et de bêtise mo-nastique»4.

3) Βουκολικαί ποιήσεις : «œuvre d'un homme illettré et ignorant l'orthographe». Verbalisme, lieux communs, manque de sens critique. L'image d'une bergère dormante rappelle un poème de Pétrarque5.

1. Ibid., p. 10. 2. Ibid., p. 23. 3. Ibid., pp. 4-5. En effet, un extrait de ο άγνωστος ποιητής, intitulé Άσμα πα-

ράφρονος et signé de A. Paraschos, avait déjà paru dans Χρυσαλλίς 1 (1863) 154-155. Mais le jury, sévère, ne trouvait-il pas ainsi un prétexte pour se débarrasser d'un poète indésirable et dont les vers, selon l'expression d'Aphentoulis (Ibid., p. 5), présentaient une «grâce fascinante et dangereuse»?

4. Ibid., p. 6. Ch. Anninos (Ο Σύλλογος των Εισαγγελέων, op. cit., p. 340) ne manque pas de reproduire les vers cités par le rapporteur, vers qui confirment plutôt l'hypothèse d'un canular.

5. Jugement de 1868, pp. 6-7. Aphentoulis cite comme un exemple de «sottise» la strophe

Εφαίνοντο των ουρανών

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4) H βασίλισσα Στάτειρα : drame insignifiant et licencieux, racon-tant les amours de la femme et des filles de Darios avec Alexandre le Grand.

5) Δυσέρωτες : long poème de 1600 vers, «griffonné, illisible, stu-pide, dégoûtant».

6) Ο μετά Χριστόν Ελλην et Ύμνος εις τον Θεόν : deux poèmes, «écrits en langue savante, mais dépourvus de bon goût et indignes de traiter des sujets aussi importants». Ils offrent «un bruit de mots... puisés maladroitement dans les psaumes de Οκτώηχος et dans les hymnes ecclésiastiques»1.

Il s'agissait d'une œuvre d'Anastase K. Yannopoulos, auteur que nous avons déjà rencontré au concours de 1853. Dans une longue ré-ponse à Aphentoulis, il prenait soin bientôt d'exposer son point de vue sans réticences. Sa colère explosait aussi bien contre les concours poéti-ques, «école d'érotomanie», que contre les juges universitaires, «profes-seurs d'amour». Au moment où, selon A. K. Yannopoulos, seule la théocratie pouvait garantir l'avenir de la Grèce, la poésie bafouait la morale et méprisait l'Evangile. Aphentoulis, lui, indifférent vis-à-vis de la morale, cautionnait cette littérature de décadence; il était donc indigne de juger un poème religieux, puisque «non seulement il ignore ΓΟκτώηχος, mais, qui plus est, il la calomnie au nom de l'Université dans sa patrie chrétienne»2.

7) H παρθένος της Κορδύλλης : drame en cinq actes, composé selon le modèle des tragédies antiques (chœurs, strophes, antistrophes, etc.). L'auteur est un helléniste qui fait montre de patriotisme, mais il échoue dans l'économie dramatique; il n'évite pas non plus les archaïsmes exagérés. «Il semble être le même que celui de Οι φυγάδες της Τραπε-ζούντος, dont il est question par la suite»3.

τα μήκη των κεράτων σχίζοντα πέπλον γαλανόν,

η άκρα κορυφάς βουνών εκέντα η μυτηρά των

qui, en fait, nous ramène à A. R. Rangabé (Διονύσου πλους) plutôt qu'à Pétrarque. 1. Ibid., p. 8. 2. A. K. Yannopoulos, «Περί θρησκευτικού ποιήματος του υποβληθέντος εις τον

ποιητικόν διαγωνισμόν του 1868», Πανδώρα 19 (1868-69) 401-412. —Sur A.K. Yanno-poulos et ses poésies, voir Pal. Α., t. IV, pp. 523-525.

3. Jugement de 1S68, p. 8-9.

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Il s'agissait d'une œuvre de Périclès Triantaphyllidis. Elle ne fut jamais publiée1.

8) Ιωνία : recueil de poésies diverses (2700 vers). L'auteur ne sait pas orthographier correctement, mais il a des qualités poétiques indiscu-tables, manifestées surtout dans le poème Ο Καντερτζή Γιάννης. Sa langue démotique ne respecte pas les formes des chants populaires2.

b. P o è m e s « m o y e n s » 9) Γκιουλνάρ : poème épico-lyrique, imitation malheureuse de By-

ron. «Tout est volupté dans ce poème». L'auteur, «un certain Samartzi-dis», est impardonnable pour son indécence à l'égard du jury: il envoya au concours une œuvre publiée, après avoir enlevé la page de titre pour cacher son nom3.

En effet, ce poème de Christophe Samartzidis (1843-1900) avait déjà été publié deux ans plus tôt4. C'était la première fois qu'un con-current désigné nommément recevait les invectives d'un rapporteur.

10) Νάσος και Χρύσω: poème épique en langue savante,œuvre d'un débutant. L'auteur raconte une histoire d'amour. Celle-ci, cependant, «est exempte de ce romantisme abondant qui fait la joie des débutants et caractérise, très souvent, leur faillite littéraire»5.

11) Γρηγόριος Πέμπτος : drame en cinq tableaux, relatant la mort du Patriarche Grégoire V. L'auteur, un homme savant, offre un récit historique plutôt qu'une représentation dramatique. Mais sa faute principale réside dans le fait qu'il a osé porter à la scène le chef de l'Eglise de manière irrespectueuse6.

Il s'agissait d'une œuvre de Spyridion N. Zavitsanos, publiée

1. Selon E. Th. Kyriakidis (Βιογραφίαι, op. cit., p. 168), Triantaphyllidis mou-rut en 1871, alors qu'il pensait à publier une «troisième œuvre». C'était probablement le drame en question.

2. Jugement de 1868, pp. 9-12. Les passages cités par Aphentoulis témoignent d'une forte influence de Solomos.

3. Ibid., pp. 12-13. 4. Christophe Samartzidis, Γκιουλνάρ, ποίημα εις άσματα τρία, Constantinople

1866. Le même poème est mentionné comme Σκιούλναρ par R. Nicolai, Geschichte der neugriechischen Literatur, Leipzig 1876, p. 168. —Sur l'auteur, voir surtout: Ath. Paléologos, Ημερολόγιον της Ανατολής 1885, Constantinople 1884, pp. 220-221; Sko-kos, Ημερολόγιον 1901, pp. 143-144; MEE 21 (1933) 484.

5. Jugement de 1868, pp. 13-14. Il est à noter qu'un poème intitulé T α κατά Νάσον και Χρύσω (en langue populaire et en vers de quinze syllabes) est publié dans Denis Iliacopoulos, Μαραμένα Φύλλα, Zante 1877, pp. 9-13.

6. Jugement de 1868, pp. 14-16.

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l'année suivante1. Dans une longue réponse au jury de 1868, l'auteur essayait de réfuter, paragraphe par paragraphe, tous les reproches formulés contre lui par Aphentoulis. Il niait avoir écrit un poème reli-gieux et revendiquait le liberté de porter à la scène le Patriarche Gré-goire comme bon lui semblait. Sa foi dans le classicisme était procla-mée: «N'ayant aucun contact avec ce mensonge que l'on appelle com-munément romantisme... et orientés, autant que possible, vers la froi-deur antique, nous croyons que nous nous sommes ainsi approchés davantage de l'art...»2. Quant à l'institution poétique, en général, elle était transformée «en pleurnicherie puérile et en concours d'enfants» 3. En vain les juges universitaires se justifiaient-ils «stupidement» pour dissimuler leur incapacité et leur ignorance; leurs Jugements, contra-dictoires, étaient «indignes de toute considération grammaticale, philo-logique, philosophique, technique et sociale»4. Dans ces conditions, Zavitsanos demandait au fondateur d'intervenir pour réorganiser le concours et proposait la création d'une «académie poétique» composée de dix membres qui ne seraient pas exclusivement élus parmi les univer-sitaires.

12) Οι φυγάδες της Τραπεζούντος : tragédie en cinq actes, qui a le même auteur et les mêmes défauts que le drame H παρθένος της Κορ-δύλλης. Elle manque d'unité de temps et de lieu. Le récit, intermina-ble, est caractérisé par une fatigante accumulation de synonymes puisés dans les tragédies d'Euripide et dans la poésie byzantine. Malgré tout, cette œuvre mérite d'être jouée au théâtre pour son patriotisme5.

Il s'agissait de la tragédie de Périclès Triantaphyllidis qui avait été envoyée pour la première fois au concours de 1853. Elle allait être publiée en volume deux ans plus tard, avec une longue introduction historique, mais sans aucune mention des participations de l'auteur aux concours6.

13) Ελλάς δούλη : drame en douze tableaux qui rappelle la deuxième

1. Sp. N. Zavitsanos, Γρηγόριος ο Ε' ο Οικουμενικός Πατριάρχης, τραγωδία πρά-ξεως μιας εις μέρη πέντε υπό -, Athènes 1869.

2. Ibid., p. 86. 3. Ibid., p. 152. 4. Ibid. 5. Jugement de 1868, pp. 16-17. 6. P. Triantaphyllidis, Oι φυγάδες, δράμα εις μέρη πέντε μετά μακρών προλεγο-

μένων περί Πόντου υπό - Athènes 1870.—Sur P. Triantaphyllidis (1818-1871), voir P. Matarangas, Φαντασία και Καρδία, op. cit., pp. 134-137, E. Th. Kyriakidis, Βιο-γραφίαι, op. cit., pp. 163-169, MEE 23 (1933) 291.

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ième partie du «Faust» de Goethe. L'auteur, un homme savant, accu-mule maladroitement des lieux communs puisés dans l'histoire hellé-nique et dans «le pédantisme moyenâgeux des byzantins».

14) Στιχοδέσμη : recueil de poésies lyriques. Répétitions des mêmes mots et des mêmes idées.

15) Νέφη : poésies lyriques, œuvre d'un homme cultivé qui imite Théocrite. L'auteur fait partie de ces poètes «qui considèrent comme de la poésie la fatigante répétition de mots tels que fleur, arbre, rivière, rose, murmurer, mélancolie, soupir».

16) Φθόγγοι : poésies lyriques qui «sentent le pyrrhonisme». L'auteur doit soigner sa maladive sensibilité en étudiant les grands poètes de l'Antiquité (Homère, Pindare, Sophocle) et en faisant de la gymnas-tique1.

17) Ευθανασία : trois poèmes, dont le premier (Ο θάνατος του Μάρ-κου Βότσαρη) constitue «une très faible imitation de Zalocostas», le second (Αυλή του θανάτου), plus réussi, une imitation d'un poème français, et le troisième «une heureuse allégorie de la marche aux flam-beaux des Grecs anciens».

18) Ποιήσεις : recueil de poésies lyriques. Le style est vif, le senti-ment ne fait pas défaut, mais la versification «est encore rigide et épi-neuse». Est cité en exemple le poème ανάμνησις2.

Il s'agissait d'une œuvre de Jean Cambouroglou3. 19) Μύρτοι : recueil de poésies lyriques, caractérisées notamment

par la variété de la versification, par l'élégance de la forme et par la grâce. Est cité le poème θα πηγαίνω4.

Il s'agissait de la deuxième œuvre lyrique envoyée au concours par Sp. Lambros. Le poème θα πηγαίνω allait connaître plusieurs pu-blications:

Ε κ ε ί όπου ροδοδάφνη και χλωρός κισσός ανθεί, όπου λούεται το έαρ εις ζεφύρους αρωμάτων,

1. Jugement de 1868, p. 23. Nous ne sommes pas en mesure d'identifier le recueil en question avec celui publié par A.D. Nicolaras, Φθόγγοι, λυρικοί ποιήσεις, Athènes 1874. Par ailleurs, il est peu probable qu'il s'agisse là d'une œuvre de Sp. Lambros, dont les archives contenaient un recueil manuscrit intitulé Φθόγγοι (1866): Nicos A. Bees, op. cit., p. 78.

2. Jugement de 1868, pp. 26-28. 3. Voir Sp. De Biazi, Ιωάννης Καμπούρογλου, op. cit., p. 63. 4. Jugement de 1868, p.W.

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όπου αίρεται το πνεύμα παραδείσους αναπλάττον, θα πηγαίνω" με προσμένει η παρθένος η ξανθή1.

20) Ελλην Γενίτσαρος : tragédie en quatre actes, œuvre d'un homme savant qui imite «Les Bacchantes» d'Euripide. La froideur excessive du style, l'emphase et l'accumulation de mots archaïques en constituent les principaux défauts. Les personnages de cette tragédie, brigands incultes du XVIIe siècle, au lieu de parler la langue populaire, s'expri-ment dans un grec archaïsant.

Il s'agissait d'une oeuvre de Α. I. Antoniadis2. c. L e s m e i l l e u r s p o è m e s du c o n c o u r s 21) Φλώρος και Ελένη : poème épique en huit chants. La versifica-

tion ne manque pas de grâce. Les épisodes sont pour la plupart em-pruntés à des poètes contemporains. Le jeune auteur doit étudier la littérature antique, imiter les grands poètes et éviter les redites3.

22) Ο προσήλυτος : comédie en trois actes et en trimètres iambi-ques, ayant comme sujet le prosélytisme pratiqué par les catholiques. Telle qu'elle se présente, l'idée principale de l'œuvre n'a pas de portée réelle — le prosélytisme est inconnu en Grèce — «sauf si le poète avait l'intention de fustiger la ridicule habitude de certaines familles qui s'empressent d'envoyer leurs enfants à des écoles étrangères et hétéro-doxes, pour qu'ils apprennent le français, etc., alors qu'ils ignorent les éléments même de leur propre langue». En tout cas, la comédie en question est répréhensible, parce qu'elle «se propose d'exciter les passions religieuses». En outre, elle a une économie défectueuse et re-court sans raison à des mots grossiers4.

Oeuvre de Panayotis D. Zanos (1848-1908), étudiant en droit, cette comédie allait être publiée la même année sous un titre différent 5. L'auteur s'en expliquait: ne voulant pas exciter les passions religieuses, il avait changé le titre «pour que la Grèce ne fût pas blessée mortelle-ment par (lui)». Du reste, son objectif était celui qu'avait supposé

1. Ιλισσός, 15 juillet 1868; Pap. NP., p. 114; Mat. Parn., p. 761. Au recueil Μύρτοι appartiennent aussi les poèmes Εν πτηνόν et Τω δαφνηφορήσοντι, qui sont publiés séparément; voir G. Charitakis, op. cit., p. 37.

2. Voir un extrait publié dans la revue Εθνική Βιβλιοθήκη 6 (1870) 7-11. 3. Jugement de 1868, pp. 29-38. 4. Ibid., pp. 38-41. 5. P. D. Zanos, Η κόρη του Απέργη, κωμωδία εις μέρη τρία και εις τρίμετρον

ιαμβικόν, υπό - Athènes 1868.

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Aphentoulis: ridiculiser les parents qui envoyaient sans raison leurs enfants à l'étranger. Quant au rapport du jury concernant sa comédie, Zanos le trouvait «très élogieux, en effet, pour (lui)» et le reproduisait en entier dans sa préface 1.

23) Ορφεύς : poème de 480 vers, traitant, en huit parties, le mythe antique d'Orphée et d'Eurydice. Il constitue «une des fleurs les plus odoriférantes de la récolte de cette année». L'auteur raconte son his-toire avec beaucoup de grâce, sans toutefois éviter les lieux communs, l'obscurité et les longueurs. La première partie est un peu froide; la quatrième, citée par le rapporteur, est la meilleure. Au poème en ques-tion s'ajoutent quelques petites poésies lyriques (H ποίησις, H θρη-σκεία, Το έκθετον, Το άγαλμα της Παρθένου, Το βρέφος) qui dégagent, en général, le pessimisme de la «nouvelle école». «Dans ces conditions, décelant chez le poète un bon goût, une culture antique et une connais-sance de la langue suffisamment développées, nous lui décernons un accessit et le prions, pour l'instant, de s'en contenter»2.

Il s'agissait de la troisième participation consécutive de D. Papar-rigopoulos8. Au moment où celui-ci découvrait dans l'actualité du théâ-tre de nouvelles possibilités d'expression (Συζύγου εκλογή, 1868), Ορ-φεύς, poème épico-lyrique, venait concrétiser chez lui une orientation de plus en plus poussée vers l'Antiquité. Mais l'esprit néo-classique n'était ici que superficiel. Si la mythologie ancienne donnait au poète l'occasion de fuir, une fois de plus, le réel, elle ne diminuait pourtant pas le pessimisme résigné de sa pensée et la mélancolie profonde de ses images:

και η κώπη μονοτόνως ύδατα νεκρά μερίζει" θάνατος πλανάται μόνος χάους άνωθεν υγρού"

και το κύμα ψιθυρίζει διά τόνου θλιβερού.

24) Τα τέκνα του Δοξαπατρή : drame en trois actes, constituant, en

1. Ibid., pp. α'-β'. Sur P. D. Zanos, voir: Skokos, Ημερολόγιον 1910, p. 22 et Ν. I. L[ascaris], Ζάνος Παναγιώτης, MEE 11 (1929) 909-910.

2. Jugement de 1868, pp. 41-48. 3. Ορφεύς et quelques-unes des poésies lyriques présentées au concours de

1868 sont publiées dans D. Paparrigopoulos, Ορφεύς - Πυγμαλίων, αρχαίοι μύθοι, υπό - Athènes 1869, pp. 5-32. De larges extraits du poème Ορφεύς sont reproduits

dans Mat. Parn., pp. 426-437.

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quelque sorte, la suite de Μαρία Δοξαπατρή de Vernardakis. Ses qualités sont nombreuses: unité de temps et de lieu, langue satisfaisante, bonne description de caractères. Mais les défauts ne manquent pas: invrai-semblances, imitations d'Alfieri et de Vernardakis. Or le drame en question, bien qu' il mérite d'être joué au théâtre, n'est pas jugé digne d'obtenir le prix du concours1.

Sophocle Carydis, auteur de cette œuvre, expliquait bientôt sa démarche en détail. Ayant composé son premier drame en trois nuits et se proposant de le monter au Théâtre Hellénique qu'il dirigeait, il avait décidé de ne l'envoyer au concours qu'au dernier moment. Faute de temps, il s'était servi de son imprimerie pour présenter au jury, à la place d'une copie manuscrite, un exemplaire imprimé à la hâte. Or les fautes et les imperfections de cette première édition étaient com-préhensibles. Plus tard, dans une deuxième édition, Carydis promet-tait de répondre «aux idées parfois erronées» du jury et d'aborder tous les problèmes concernant «l'intrigue, les caractères et la versification du poème». Pour l'instant, il exprimait aux universitaires sa satisfac-tion: «j'accepte avec reconnaissance comme très juste le verdict du jury, car seuls les imbéciles tiennent leurs œuvres pour infaillibles» 2.

25) Ο λοχαγός της Εθνοφυλακής : comédie en trois actes (1700 vers), ayant comme but de ridiculiser, à juste titre, la vanité de certains Grecs, notamment Athéniens, qui rêvent de devenir officiers de la Garde Nationale. Le sujet de l'œuvre est réel et actuel; les quatre personnages sont décrits avec justesse. La langue, sonore, harmonieuse et naturelle, est «celle qui est à la mode dans la socitété athénienne». L'absence de mots grossiers s'inscrit à l'actif de l'auteur. Si les défauts ne manquent pas (longueurs de certaines scènes, rareté relative de situations comi-ques, manque de jeux de mots), ils ne sont pas de nature à priver la comédie en question de la première place au concours. Le poète de Ο λοχαγός της Εθνοφυλακής est donc appelé à recevoir le prix et la couronne, celui de Τα τέκνα του Δοξαπατρή occupant la deuxième place et obtenant comme récompense l'annonce de son nom3.

1. Jugement de 1868, pp. 48-58. 2. S. Carydis, T α τέκνα του Δοξαπατρή, δραμα εις πράξεις τρεις υπό - στεφθέν εν

τω ποιητικώ διαγωνισμώ του 1868, Athènes, pp. ζ'-ς'. Cette première édition était déjà mise en vente dès le mois de mai: voir Φως, 24 mai 1868. Il est à noter que l'auteur n'a pas tenu compte de ses promesses: aucune réponse au jury de 1868 n'accompagne la deuxième édition (Athènes, 1876) de son drame.

3. Jugement de 1868, pp. 58-69.

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C'est ainsi que, pour la deuxième fois depuis 1866, Ange Vlachos, auteur de Ο λοχαγός της Εθνοφυλακής1, remportait la victoire en bat-tant sans équivoque une trentaine de concurrents. Mais il devait ména-ger une surprise à la cérémonie du 5 mai 1868: dans une lettre adressée au jury, il offrait, en cas de victoire, les 1.000 drachmes du prix à la Commision chargée de secourir les réfugiés crétois et, de plus, il refu-sait de révéler son non. Dans ces conditions, le couronnement devenait impossible, et la cérémonie du concours aurait failli à sa tâche, si le jury n'avait pas eu l'idée d'attribuer la couronne à l'auteur de Tà τέκνα του Δοξαπατρή, Sophocle Carydis. Ce qui n'a pas empêché ce dernier de se vanter, sans vergogne, d'une victoire imméritée, voire de dénigrer l'homme qui la lui avait offerte: «Ce que je désirais, la couronne de laurier, je l'ai eu. Mon rival a eu, lui aussi, ce qu'il désirait peut-être, les 1.000 drachmes, pour les donner aux familles crétoises». Ou encore: «Au drame succède d'habitude la comédie. Cette comédie, je la laisse à mes ridicules ennemis, à tous ceux qui, comme il était normal furent jaloux de la couronne que j'ai obtenue»2.

Mais d'autres concurrents de Vlachos ne tardaient pas à s'en pren-dre à Ο λοχαγός της Εθνοφυλακής, sous des prétextes, à première vue, moins mesquins. Ainsi, A. K. Yannopoulos exprimait toute son indigna-tion pour le prix offert à une comédie qui ridiculisait «l'institution la plus vitale pour les libertés nationales des Grecs»3. De même, Sp. N. Zavitsanos ne pardonnait pas au jury de 1868 d'avoir honoré une œuvre qui portait atteinte «à la gloire de notre Garde Nationale»4. Ces protestations avaient tout lieu de toucher une sensibilité excitée au plus haut degré par les événements: au moment où la révolution crétoise battait son plein, la décision d'un jury qui refusait l'esprit d'exaltation patriotique et, pour la première fois dans l'histoire des concours, couronnait «à l'unanimité»5 une comédie critiquant la vanité des Grecs paraissait suffisamment audacieuse pour fournir aux per-dants des arguments démagogiques.

En réalité, le verdict de 1868 était dans la logique des choses. Depuis 1866, où Coumanoudis avait incité à l'envoi de comédies aux

1. Cette œuvre est publiée dans A. Vlachos, Κωμωδίαι, Athènes 1871, pp. 187-292. Contrairement aux autres comédie de Vlachos, elle n'a pas été jouée au théâtre.

2. S. Carydis, op. cit., pp. ζ' et ς'. Ajoutons que l'auteur qualifie abusivement son drame de στεφθέν εν τω ποιητικώ διαγωνισμώ του 1868.

3. Α. Κ. Yannopoulos, op. cit., p. 407. 4. Sp. Ν. Zavitsanos, op. cit., p. 80. 5. R.R. de 1868, p. 66.

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concours, il était clair que le jury saisirait la première occasion pour honorer enfin un genre littéraire qui n'avait jamais obtenu de récom-pense. En 1868, cette occasion ne devait pas être perdue. Les deux membres du jury les plus influents, Orphanidis et Coumanoudis, avaient toutes les raisons de respecter la poésie comique. D'ailleurs, la lutte anti-romantique n'était pas encore terminée, bien au contraire. Le néo-classicisme n'avait rempli sa mission qu'en partie. Certes, il contrôlait déjà de larges secteurs de l'expression épique et dramatique (tragédie) — la poésie lyrique demeurait toujours un fief romantique— mais ses froideurs archaïsantes n'offraient pas la meilleure garantie contre les ardeurs de la «nouvelle école». Donc, il devenait nécessaire que cette dernière fût combattue plus efficacement. La comédie, par sa nature, avait toutes les caractéristiques d'une arme anti-romantique redou-table. Elle introduisait le naturel, remplaçait l'individuel par le social, développait le sens critique, changeait le ton de la poésie. Elle ouvrait la porte à la réalité, et au réalisme.

Le fait que le jury de 1868 ait opté pour une œuvre se référant à la vie contemporaine et quotidienne n'était pas négligeable. La poésie-modèle acceptée par les universitaires passait déjà de l'emphase à la familiarité. Le monologue devenait dialogue. Le trimètre iambique de Ο λοχαγός της Εθνοφυλακής, exempt d'archaïsmes, baignait dans la simplicité prosaïque de la langue parlée:

Μου ενήργεις εναντίον μου λοιπόν ...και όταν σ' ανεκοίνωσα εγώ

την πρόθεσίν μου, δεν με είπες τίποτε ! Μου υπεσχέθης συνδρομήν... μ' εγέλασες !

Ηθέλησες να μου φωνάζουν: του, του, του με τα χωνιά στο στόμα οι μπακάληδες ! Καλό, δεν θα μου πέσης εις τα νύχια μου ποτέ; Θα σε μαδήσω τρίχα, τρίχα!

Un virage décisif s'effectuait: la poésie semblait soudain se dé-barrasser de ses ailes artificielles pour atterrir sur le sol de la réalité. Elle n'en était pas moins vidée de sa substance: une prose versifiée.

Ange Vlachos ne dépassait certes pas son conservatisme, sa froi-deur, son attachement à la langue savante. Mais, une fois orienté vers la comédie, il devait respecter les lois de celle-ci. Depuis le succès au Théâtre d'Athènes de H κόρη του παντοπώλου (1866), comédie en prose se référant à la vie contemporaine, il était persuadé que «telle

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doit être la comédie grecque d'aujourd'hui»1. Ο λοχαγός της Εθνοφυ-λακής, œuvre écrite durant l'hiver de 1867-68 en trimètres iambiques pour le concours poétique, était dans la même optique, ainsi que toutes les comédies (en prose ou en vers) qui suivirent: Γαμβρού πολιορκία (1870), Γάμος ένεκα βροχής (1870), Η εορτή της μάμμης (1871), Προς το θεα-θήναι (d'après la Poudre aux yeux de Labiche et Martin, 1870), H σύζυγος του Λουλουδάκη (d'après Un Mari dans du coton de Lambert Thiboust, 1870).

Dans le mesure où un certain public athénien était de plus en plus attiré par le théâtre et par la comédie, Vlachos avait un rôle im-portant à jouer; il essayait de créer ce qu'il appelait «comédie nationale de caractères»2. Ennemi de toute imitation étrangère, il voulait, avant tout, ridiculiser et fustiger à la fois les défauts qu'avait produits chez les Grecs contemporains l'introduction des mœurs occidentales: Ma-riori, un des personnages de Ο λοχαγός της Εθνοφυλακής, représentait les jeunes filles d'Athènes «qui s'endorment sur les romans de Soulié et de Sand»3. Anti-romantique, il se tournait vers la vie quotidienne pour la démystifier.

Mais sur quels modèles pouvait s'appuyer une «comédie nationale de caractères»? Vlachos avait beau jeu de vouloir se placer dans la tradi-tion de Molière et de Holberg4. Son esprit comique était trop superficiel pour aller au fond des choses. E. Roïdis le voyait bien: «En effet, M. Vlachos n'a rien à voir avec Aristophane, Plaute, Molière et de tels bourreaux de la société, mais il appartient à la famille des Pope, des Boileau, des Laharpe et des autres maîtres du bien écrire»5. Ainsi, mal-gré son hostilité envers les mœurs et les imitations étrangères, Vlachos

1. A. Vlachos, op. cit., p. ιγ'. 2. Voir sa préface importante, Ibid., p. γ' sq. La publication des comédies de

Vlachos, en 1871, a été un événement. Parmi les articles qui lui ont été consacrés, nous signalons notamment: le compte rendu de E. Roïdis dans le journal Αιών, 16,23 et 30 août 1871 [=Κριτικοί Μελέται, Athènes 1912, pp. 16-23; le compte rendu de N. Cazazis dans la revue Παρθένων 1 (1871-72) 346-351; un compte rendu signé Γ. dans la revue Πανδώρα 22 (1871-72) 433-437; Queux de Saint-Hilaire, «Un essai de théâtre national dans la Grèce moderne», Annuaire de l'Association pour l' encou-ragement des Éludes Grecques en France 6 (1872) 204-216 (article traduit en partie dans Παρθενών 2, 1872-73, 1039-1041). L'ensemble de la bibliographie concernant les comédies de Vlachos est présenté et commenté par Ch. G. Sakellariadis, «ο Άγ-γελος Βλάχος ποιητής σατιρικός», NE 46 (Noël 1949) 114-115.

3. Jugement de 186S, p. 61. 4. Α. Vlachos, op. cit., p. ς' sq. 5. E. Roïdis, Κριτικαί Μελέται, op. cit., p. 22.

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ne pouvait faire autrement que d'emprunter le chemin facile où le conduisaient à la fois son tempérament et le goût du public athénien: le vaudeville français.

Queux de Saint-Hilaire, du reste très indulgent pour l'auteur de Κωμωδίαι, devait parler d'une erreur «qui a conduit sans doute M. Vlachos à faire les honneurs d'une traduction grecque et d'une adapta-tion à la scène grecque de deux vaudevilles agréables du théâtre des Variétés, mais qui certainement ne s'attendaient pas à l'honneur de se voir traduits dans la langue d'Aristophane, de Ménandre et «des dieux»: la Poudre aux yeux, de MM. Labiche et Martin, et Un Mari dans du coton, de Lambert Thiboust. C'est cette même erreur qui a engagé M. Vlachos dans son essai de théâtre national, dans ses comédies, à faire des imitations de nos vaudevilles français plutôt que de véritables co-médies, des œuvres vraiment originales, et à peindre des types secon-daires de la société grecque plutôt que des caractères vraiment humains»1. Le mot «erreur» était sans doute une formule de politesse; en fait, on pourrait plus justement parler des limites, subjectives et objectives, de l'auteur de Κωμωδίαι.

En tout état de cause, la tentative de Vlachos ne doit pas être minimisée. Au moment où le romantisme et le classicisme athéniens sombraient, plus ou moins, dans les mêmes impasses (retour à l'Anti-quité, archaïsme, éloignement du réel et du naturel, etc.), la comédie venait indiquer une issue; en diminuant la distance entre la poésie et la prose, elle jetait, en dernière analyse, un pont solide vers la réalité. La langue vivante faisait obligatoirement son apparition —et cela mal-gré les convictions linguistiques de Vlachos lui-même, toujours prêt à recourir au purisme— dans les dialogues: on s'éloignait à la fois de 1' archaïsme et de la. «pure et véritable» langue des chants populaires. A sa manière, et sans le vouloir, Vlachos travaillait, au fond, pour tout ce qu'il aurait plus tard en horreur: le naturalisme, le démotisme, le vaudeville grec.

Connaisseur de la vie littéraire et sociale d'Athènes, il n'ignorait pas ce qui changeait dans les goûts du public et dans les options des universitaires. Depuis 1866 (Εκ των ενόντων), il savait que la poésie lyrique n'était plus le genre favori des concours:

«Ποιητά μου! αι ! πού τρέχεις λέγ' εις άλλον, να μου ζήσης,

1. Queux de Saint-Hilaire, op. cit. pp. 210-211.

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τας χιλίας μη ζητής" στείλε δράματα αν έχης, όχι λυρικάς ποιήσεις,

και θα γίνης νικητής !»

Cette conviction l'avait conduit à envoyer au concours sa tragédie Αντίνοος, alors que, répondant à une demande qui se manifestait de

tous côtés, il s'orientait systématiquement vers la comédie. En 1868, ses efforts pour créer une «comédie nationale de caractères» étaient récompensés par l'Université. Mais Vlachos, accablé par un deuil, «le plus grand malheur de (sa) vie», survenu quelques jours après l'envoi de Ο λοχαγός της Εθνοφυλακής au concours, n'avait aucune envie —ex-plique-t-il— de fêter sa victoire: c'est pourquoi, dans une longue lettre au jury, il avait offert les 1.000 drachmes aux réfugiés crétois et caché son nom1. C'est aussi pourquoi —pouvons-nous conclure— les rodo-montades et les allusions offensantes de S. Carydis restèrent sans ré-ponse au moment où elles furent formulées (1868). Il fallut trois ans pour que Vlachos trouvât l'occasion, dans la préface de Κωμωδίαι, de répondre à l'auteur de Τα τέκνα του Δοξαπατρή et de revendiquer le prix et la couronne du concours de 18682.

Dès lors, il allait abandonner à jamais le concours de Voutsinas. Son bilan était déjà satisfaisant: 8 participations pendant plus de 10 ans (1857-1868), un accessit (1863), deux victoires (1866, 1868). C'est au cours de cette décennie, entre la dix-neuvième et la trentième année de sa vie, que le poète s'était accompli en lui, à l'ombre de l'Université et à travers une série de transformations conjoncturelles: Vlachos était passé du romantisme au classicisme, avait cultivé la poésie lyrique, épique et dramatique, avait découvert Lamartine, Heine, Heyse, le vaudeville français. A partir de 1868 il allait continuer son œuvre d'auteur comique, participer à d'autres concours (Ολύμπια, 1870), s' adonner à la critique littéraire et à la traduction. L'institution poéti-que qui, bafouée par lui en 1866, lui avait néanmoins offert la couronne et le prix deux ans plus tard, n'avait plus rien à lui donner.

2. 1869: L'idéal déchu Dans la mesure où l'augmentation des participations aux concours

ne consistuait pas un fait exceptionnel et passager, les 24 poèmes en-voyés en 1869 venaient confirmer une poussée numérique indiscutable

1. A. Vlachos, op. cit., p. ιε'. 2. Ibid., pp. ιε'-ις'.

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table. Le recteur G. A. Rallis s'en réjouissait: «nous avons vu avec plaisir que nous n'étions plus à l'époque où les juges des concours littéraires et poétiques, faute de pouvoir couronner une des œuvres présentées, remettaient à plus tard l'attribution du prix»1. A vrai dire, la non-attribution du prix dans le passé n'avait rien à voir avec le nombre des poèmes présentés et, de ce point de vue, l'exemple de l'année 1857 (18 participations) était caractéristique. Mais le recteur de 1869, prompt à tirer argument du nombre des poèmes pour exalter le succès des concours, n'hésitait pas à confondre la quantité avec la qualité.

Un jury composé de cinq membres—G. A. Rallis (président), A. S. Roussopoulos (rapporteur), St. Coumanoudis, Th. Aphentoulis et D. Sémitélos2— eut à examiner les 24 œuvres en 40 jours. Le rapporteur de 1869 ne voulut pas suivre l'exemple de son prédécesseur: son rapport, moins volumineux que celui d'Aphentoulis, s'occupait seulement des poèmes les plus importants, et, chose nouvelle, il dispensait le public de la cérémonie du 25 mai d'un grand nombre de citations poétiques qui devaient figurer dans sa publication en brochure. Roussopoulos avait hâte de finir une besogne dans laquelle il ne se sentait apparem-ment pas à l'aise. Universitaire plus que critique littéraire, il gardait ses réflexes conditionnés de correcteur de copies; il mettait des notes plus souvent qu'il ne développait des jugements.

Répartis en trois catégories (2 épiques, 12 lyriques et mixtes, 10 dramatiques) les poèmes envoyés en 1869 représentaient les principaux genres littéraires. Nous suivons ci-dessous l'ordre, les analyses et les développements principaux du rapporteur, en y apportant, lorsque cela est possible, des éclaircissements3:

1. R.R. de 1869, p. 345. Il est à noter que le recteur Rallis mentionne par erreur 17 participations, au lieu de 24, et que, de plus, il pairie —ce que le rapporteur ne fait pas—de l'exclusion de 3 poèmes arrivés après l'échéance. Nous pouvons donc évaluer l'ensemble des œuvres envoyées au concours de 1869 à 27.

2. Le nom de ce dernier ne figure pas parmi les signataires du Jugement de 1869, bien que le rapporteur parle de 5 juges (πέντε όντες): Jugement de 1869, Athènes 1869, pp. 3 et 119. Cette inadvertance est corrigée par le recteur Rallis, qui cite D. Sémitélos parmi les membres du jury.

3. Roussopoulos (Jugement de 1869, p. 33) précise que l'ordre selon lequel il présente les poèmes constitue l'échelle de leur valeur. En effet, à l'intérieur de chaque catégorie, il commence par les meilleures œuvres pour aboutir aux plus in-signifiantes. Cette règle néanmoins n'est pas respectée en ce qui concerne les 3 comé-dies du concours, dont la plus importante est placée en troisième place: le rapport devait s'achever, comme toujours, sur l'œuvre choisie pour le prix.

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a. P o è m e s é p i q u e s 1) Ο ληστής 2) Η Μονή του Αρκαδίου 1

Tous les deux méritent la mention «à rejeter»2.

b. P o è m e s l y r i q u e s et m i x t e s 3) Πυγμαλίων (auquel s'ajoutent, en annexe, trois poésies lyriques:

Έρως και νυξ, H προσευχή, Ο Λίνος): poème traitant du mythe antique du sculpteur chypriote Pygmalion, «écrit dans un esprit novateur avec une habileté, une grâce et une harmonie peu communes, mais aussi parfois avec une tiédeur qui ne conserve pas l'énergie de toute l'œu-vre». L'auteur, triste et accablé, transfuse partout sa mélancolie et laisse apparaître une certaine influence de Schiller (Die Ideale). Curieusement, la source principale de son mythe, les «Métamorphoses» d'Ovide, n'est pas respectée: le poète de Πυγμαλίων «a omis certaines idées bonnes et morales que l'on trouve chez Ovide» et, par conséquent, «il n'a pas épuisé la tradition, parfois même il l'a déformée ou violée au détriment de son œuvre». La dernière strophe de celle-ci montre, cependant, que le poète a l'espoir de la vie éternelle:

Θέλεις; άνω η γαλήνη αιωνία βασιλεύει" εδώ άρχει η οδύνη·

άνελθε εις ουρανόν, ον ο άνθρωπος μαντεύει εν τω μέσω των δεινών3.

Œuvre de D. Paparrigopoulos, Πυγμαλίων allait être publié la même année avec les trois poésies lyriques qui l'accompagnaient4. Ainsi que dans Ορφεύς, la mythologie ancienne et le récit épique dissimu-laient mal ici un lyrisme romantique qui trahissait l'auteur désespéré de Στόνοι:

1. Il s'agissait peut-être du poème exclu du concours de l'année précédente. 2. Jugement de 1869, p. 3. 3. Ibid., pp. 3 et 14-19. La plus grande partie du poème est publiée, pp. 19-32. 4. D. Paparrigopoulos, Ορφεύς-Πυγμαλίων, op. cit., pp. 33-64. Nous signalons,

sur ce livre, l'intéressant compte rendu de N. Cazazis dans Εθνική Βιβλιοθήκη 5 (1869) 13-16. De longs extrais de Πυγμαλίων sont présentés dans Mat. Parn., pp. 437-442. Le poème ο Αίνος est reproduit dans Pap. NP., pp. 170-172.

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εις την γην, ω, μη ζητήσης τους ονείρους της καρδίας, δάκρυα πικρά θα χύσης,

θα απογοητευθής· είναι μήτηρ της πικρίας

η αγάπ' η αληθής.

C'était la dernière participation de D. Paparrigopoulos aux con-cours: jusqu'à sa mort (1873), le meilleur représentant de la nouvelle école athénienne allait bouder obstinément une institution qui, le demi prix de 1866 (Στόνοι) excepté, ne lui avait offert par la suite (Χελιδόνες 1867, Ορφεύς 1868, Πυγμαλίων 1869) que de simples accessits. «Ce troi-sième échec qu'il attribua à l'incompétence du jury, écrit P. Matarangas, le déçut complètement, et c'est ainsi qu'il décida de ne pas participer désormais à un concours où, selon lui, n'étaient couronnées que de froides monstruosités dramatiques et épiques»1. Il y avait, certes, la déception personnelle et le fait, indiscutable, que les universitaires attachaient de moins en moins d'importance à la poésie lyrique. Mais il y avait aussi une réaction de solidarité familiale: le fils, ne pouvait pas se soumettre à un jury auquel le père devenait de plus en plus hostile.

4) Κογχύλαι και Χρώματα : deux recueils de 15 et de 9 petites poé-sies respectivement, qui obtiennent la note «bien». Est cité en entier le poème Ποιητού αποχαιρετισμός προς την ποίησιν, auquel Roussopoulos apporte quelques corrections2.

Il s'agissait d'une œuvre de T. Ambélas3. 5) Λευκάνθεμα : recueil de 13 petites poésies bénéficiant également

de la note «bien». Est cité en entier le poème Ο λιμήν. Τη**4. Il s'agissait d'une œuvre de Jean Cambouroglou5.

1. Mat. Parn., p. 406. 2. Jugement de 1869, pp. 3-4, 8, 10-14. 3. Le recueil Κογχύλαι, remanié en partie et comprenant la plupart des poèmes

de Χρώματα, est publié dans Πανδώρα 20 (1869-70) 225-232, avec une note ironique du poète adressée au jury. Les poèmes Η ελληνική σημαία, Έπεσε το προσωπείον et Ποιητού αποχαιρετισμός προς την ποίησιν sont reproduits dans Mat. Parn., pp. 581-584. Nous signalons que le renseignement de la revue Ποικίλη Στοά 9 (1891) 251, selon lequel T. Ambélas envoya au concours de 1869 le recueil lyrique Μυρσίναι, est inexact; en réalité, le recueil en question fut envoyé au concours de 1876.

4. Jugement de 1869, pp. 4-5, 8-10. 5. Voir Sp. De Biazi, Ιωάννης Καμπούρογλου, op. cit., p. 63. Le poème cité par

Roussopoulos est également reproduit dans Pap. NP., pp. 109-111.

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6) Πτερυγίσματα : recueil de 13 petites poésies obtenant la note «assez bien». Est cité comme le meilleur le poème Ασμάτιον (19 juin 1868) qui, selon une note explicative de l'auteur, fut récité par lui lorsqu' il était écolier1.

Il s'agissait d'une œuvre de Sp. Lambros2. Celui-ci, né en 1851, n'était évidemment pas écolier le 19 juin 1868, mais étudiant. Or, Άσμάτιον portait la date de son remaniement, et non pas celle de sa rédaction initiale. Attaché à son enfance, Lambros n'entendait pas s'en éloigner:

Αν ένδυμα φέρω ναυβάτου θρασέος και είναι ο πόντος γλαυκός και ωραίος,

αλλά δεν μ' αρέσκει το κύμα αφρίζον και φόβον μ' εμπνέει ο μέγας ορίζων,

με τέρπει πλειότερον οίκος καλός, διότι παις είμαι και είμαι δειλός.

7) Σταγόνες : recueil de 14 poésies. Médiocre3. 8) Ζηλοτυπία και έρως : poème dont le titre fut ajouté par une main

étrangère. Médiocre. 9) Παιάνες : recueil de 4 poèmes. Très médiocre. 10) ο μελαγχολικός κυνηγός : recueil de 5 poèmes. Médiocre. 11) Ο εκπατρισμός. Η ναυμαχία του Αρκαδίου etc., Lamia 1868: œu-

vre imprimée et, de ce fait, exclue du concours4. 12) Ο μαθητής της φύσεως : poème en 4 chants. A rejeter. 13) Τριάς : recueil comprenant a) Ο εθελοντής της Κρήτης, tragédie;

b) H νυξ της εκδικήσεως ή η πτώσις του Όθωνος, drame; c) Η Μονή του Αρκαδίου, épopée. A rejeter5.

14) Αλφρέδος: poème à rejeter6.

1. Jugement de 1869, pp. 5, 7-8. 2. La plupart des poèmes appartenant à Πτερυγίσματα sont publiés séparément;

voir G. Charitakis, op. cit., No 39, 40, 43, 51, 55, 58, 60 et 61, pp. 39-41. Les poèmes προς τον Γκαίτην, Χορός και τάφος et Ιδανικός έρως sont reproduits dans Pap. ΝΡ.,

pp. 112-114, et dans Mat. Parn., pp. 762-766. 3. Jugement de 1869, pp. 5-7. Il s'agissait peut-être d'une œuvre dé T. Ambélas.

- 4. Ibid., p. 6. 5. Ibid., p. 7. Nous ignorons si Epaminondas Anninos (1842-?), auteur de ο

εθελοντής της Κρήτης, tragédie en cinq actes publiée à Céphalonie en 1872, peut revendiquer la paternité de Τριάς. Antoniadis, lui aussi; est l'auteur d'un drame intitulé Ο εθελοντής της Κρήτης.

6. Ibid.

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Dernière œuvre envoyée aux concours par A. Paraschos, ce long poème épique, conçu initialement, semble-t-il, en six chants, allait pré-occuper son auteur pendant très longtemps1. Le rapporteur Rousso-poulos avait tout lieu de le rejeter sans commentaires. Exemple typique d'un byronisme inconsistant, Αλφρέδος était en effet un des poèmes les plus médiocres de Paraschos. Son héros, un jeune marquis parisien qui, à l'instar de Byron, avait combattu les Turcs pendant la Révolu-tion de 1821, avait de quoi étonner: magnanime et diabolique, vaillant et; débauché à la fois, il menait à Paris une vie invraisemblable, dont le décor était emprunté, selon toute évidence, aux traductions de romans français à la mode. En vain le poète ajoutait-il, ici et là, des touches satiriques; son récit devenait à la longue ennuyeux et extravagant. Ayant abandonné l'institution poétique après son échec de 1869, Para-schos ne manquait pourtant pas d'exprimer plus tard, dans le quatrième chant de son poème, son mépris arrogant pour tous les concours:

Εμέ; δεν εσυνήθισα ποτέ να υποβάλλω ό,τι μ' εμπνέει του θεού φωνή και ό,τι ψάλλω.

Αν μ' έστεψεν ο ουρανός, το στέμμα περισσεύει αμούσων διαγωνισμών αν όχι, είναι χλεύη2.

c. P o è m e s d r a m a t i q u e s Ι. Tragédies 15) Κρίσπος : tragédie en cinq actes qui, en général, «est une des

œuvres réussies de cette année». Longuement analysée et citée, elle est louée particulièrement pour sa construction et pour «l'imitation des auteurs dramatiques anciens». Mais les parsonnages ne sont pas tou-jours bien décrits. En outre, le poète se soucie peu de la vérité histori-que: il situe, par exemple, l'assassinat de son héros, fils de Constantin le Grand, à Byzance, ce qui constitue «une déformation de l'histoire»3.

Œuvre d'A.I. Antoniadis, cette tragédie allait être publiée l'année

1. Des extraits de Αλφρέδος ont paru dans Ημερολόγιον Οικογενειακόν του 1871, pp. 121-130, et dans Coromilas, Καζαμίας 1872, pp. 143-144. Le poème en quatre chants (1869-1873) est publié dans A. Paraschos, Ποιήματα, t. I, pp. 45-130, où la date du quatrième chant (1873) est évidemment erronée, puisque le poète se réfère au débat littéraire de Roïdis et Vlachos (1877). Le cinquième chant de

Αλφρέδος à été récité par Paraschos à la Société Παρνασσός, en janvier 1888: Παρνασσός 11 (1888) 262. . !·

2. A. Paraschos, op. cit., p. 107. 3. Jugement de 1869, pp. 42-72.

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suivante1. Dans une note discrète, le poète ne manquait pas de se justifier devant le jury de 1869: s'il avait placé sa scène à Constantinople, c'était que Constantin le Grand, dans l'imagination du peuple grec, vivait toujours à Byzance, «et la poésie s'adresse à l'imagination du grand public»2.

16) Μάγων : tragédie en cinq actes. L'intrigue est maladroite, le dénouement mauvais. Les personnages ne sont pas bien décrits. Malgré tout, l'auteur de cette tragédie, un poète de talent qui connaît la lan-gue, dispose «de nerfs solides et d'ailes capables de le conduire au ciel de la poésie»3.

Il s'agissait, à notre connaissance, de la première participation de Constantin Ch. Versis (1845-1881), ce «météore dramatique prématuré-ment disparu»4.

17) Μακεδόνες : tragédie en cinq actes. 18) Λουκάς Νοταράς : drame en cinq actes5. Deuxième «essai dramatique» de S.N.Vassiliadis —Οι Καλλέργαι,

drame en prose, avait déjà été joué en février 1868—, Λουκάς Νοταράς venait montrer, une fois de plus, dans quelle mesure l'actualité du théâtre offrait aux poètes lyriques de la génération de 1860 de nouvelles possibilités d'expression.

L'influence du drame romantique sur notre auteur était incontes-table, et son cadre historique, celui des XΙVe et XVe siècles, en té-

1. Α. I. Antoniadis, Κρίαπος, ο συκοφαντηθείς υιός του Μεγάλου Κωνσταντίνου, τραγωδία ποιηθείσα μεν υπό—, Γυμνασιάρχου εν Πειραιεί, τυχούσα δε του πρώτου επαί-νου εις τον ποητικόν διαγωνισμόν του φιλογενούς Κ. Βουτσινά, τη 25 Μαΐου 1869, Athènes 1870. A la même édition est ajoutée celle de la comédie Ο πλουτήσας σκυτοτόμος, avec le titre commun: Κρίαπος, ο συκοφαντηθείς υιός του Μεγάλου Κωνσταντίνου, τρα-γωδία, και Ο πλουτήσας σκυτοτόμος, κωμωδία" η μεν τυχούσα του πρώτου επαίνου, η δε βραβευθείσα εις τον ποιητικόν διαγωνισμόν του φιλογενούς Κ. Βουτσινά τη 25 Μαΐου 1869, Athènes 1870, pp. 110 [=Κρίσπος]+95 [ = Ο πλουτήσας σκυτοτόμος]. La deuxième édition de la tragédie d'Antoniadis porte le titre: Κρίαπος, ο υιός του Μεγάλου Κων-σταντίνου, τραγωδία, τυχούσα του πρώτου επαίνου εις τον ποιητικόν διαγωνισμόν του φιλογενούς I. Γ. Βουτσινά τη 19 [sic] Μαΐου 1869. Έκδοσις Β' βελτιωμένη, Athènes 1877. —Il est à noter que Κρίσπος fut joué au théâtre le 18 et 19 mars 1872, en pré-sence de l'auteur et de ses élèves: journal Ειρηνική, 18 et 21 mars 1872.

2. Ibid., p. 95. 3. Jugement de 1869, pp. 32-42. 4. Camb. Α., p. 803. Sur l'œuvre de C. Ch. Versis, voir Ν. I. Lascaris, Κ. X.

Βερσής, MEE 7 (1929) 148; M. Valsa, Le théâtre grec moderne, op. cit., p. 311 ; C. Th. Dimaras, Histoire, op. cit., p. 361. —Μάγων est publié en partie dans la revue de Braïla Ερμής ο Λόγιος και Κερδώος 1 (1872) 86-89.

5. Jugement de 1869, p. 32.

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témoignait. Mais, curieusement, ce n'était que la lutte anti-romantique qui inspirait Vassiliadis, lorsque, en 1869, il préparait la publication de ses deux «essais dramatiques»1. A cet égard, sa longue introduction, un réquisitoire contre le drame romantique et contre les idées avancées par Vernardakis dans Μαρία Δοξαπατρή (1858), était éloquente. A l'instar de son ami D. Paparrigopoulos, Vassiliadis versait dans le culte, tout au moins théorique, de l'Antiquité. Pour lui, «le pâle et sauvage roman-tisme occidental» n'avait rien à offrir aux Grecs modernes, la tragédie ancienne demeurait toujours un modèle inégalable, et les chants popu-laires, «petits drames», étaient le seul moyen d'assimiler les oeuvres d'Homère et de Sophocle2. En conclusion: «nos ancêtres sont les guides les plus sûrs en ce qui concerne la poésie et la conscience nationale»3.

Dans la mesure où ces idées n'étaient aucunement appliquées aux deux drames publiés, l'auteur expliquait qu'elles avaient «surgi» en lui après la rédaction de ses «essais dramatiques»4. Quant au Jugement de 1869, qui n'avait consacré aucun commentaire à Λουκάς Νοταράς, il semblait, à première vue, oublié. Mais Roussopoulos, le même rappor-teur qui, en 1865, avait fustigé le ton blasphématoire de Εικόνες, restait un ennemi de Vassiliadis, un ennemi dont le nom, tantôt écrit ironique-ment en minuscules5, tantôt passé sous silence, nourrissait toute la colère retenue du poète: «Et je tairai ici, par honneur et par respect, la raison pour laquelle je publie déjà Λουκάς Νοταράς, puisque toute sincérité et toute justice sont absentes de la bouche et de la conscience de professeurs âgés, de juges philosophes... Il s'agit d'ignominies; pas-sons»6. Vassiliadis répondait au silence méprisant de Roussopoulos par le silence.

19) T α τέκνα του Μαξιμίνου : tragédie en cinq actes. 20) H εν Βηθλεέμ βρεφοκτονία : drame en cinq actes. 21) Εκάβη : essai dramatique occupant la dernière place. L'échec

de l'auteur est dû au fait qu'il n'a pas voulu suivre Euripide7.

II. Comédies

1. S. N. Vassiliadis, Oι Καλλέργαι - Λουκάς Νοταράς, δραματικά δοκίμια— Athè-nes 1869.

2. Ibid., pp. νδ'-νε'. 3. Ibid., ρ. μ'. 4. Ibid., p. ξα'. 5. Ibid., ρ. ξβ'. 6. Ibid., p. [215]. 7. Jugement de 1869, p. 33.

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22) Αβδηριάς: œuvre en trimètres iambiques sans rimes. La langue, banale, n'est pas exempte de fautes de grammaire. En général, le poème en question fait preuve d'une certaine grâce, mais non de force dramati-que. Par ailleurs, il manque d'allusions à la vie contemporaine, allu-sions «qui sont le sel de la comédie»1.

Il s'agissait d'une œuvre de T. Ambélas2. 23) Ο φλύαρος : comédie de plus de 1500 trimètres iambiques, avec

un seul personnage. Celui-ci bavarde incessamment et fait montre d'un caractère gouailleur et paresseux. Mais la composition est défectueuse: les scènes se succèdent arbitrairement et peuvent être augmentées à l'infini. Le troisième acte, en raison de sa longueur, n'est pas lu en pu-blic, mais il figure dans le rapport publié3.

Oeuvre de S. Carydis, ο φλύαρος allait être publié immédiatement4

avec le dossier d'une riche polémique, sur laquelle nous reviendrons. 24) Ο πλουτήσας σκυτοτόμος : comédie se référant à la vie contempo-

raine d'Athènes. Par sa grâce comique et par son unité, elle constitue «un ensemble harmonieux». Le dénouement, heureux, produit chez le lecteur et-chez le spectateur une catharsis. (Roussopoulos donne lecture de deux scènes). Mais le mètre de la comédie, le trimètre trochaïque, n'est pas conforme au rythme du vers populaire équivalent. En tout état de cause, étant donné que, selon le jury, le poète de Ο πλουτή-σας σκυτοτόμος a réussi à créer, plus que quiconque, «un ensemble in-génieux et harmonieux», il obtient la couronne et le prix. Le premier accessit est décerné au poète de Κρίσπος, le second aux auteurs de Πυγμαλίων, de Ο φλύαρος et de Μάγων5.

A.I. Antoniadis, auteur de Ο πλουτήσας σκυτοτόμος et de Κρίσπος, connaissait ainsi un triomphe qu'aucun poète n'avait jusqu' alors connu: il remportait à la fois le prix et le premier accessit. Entre lui et Rous-sopoulos, le même rapporteur qui en 1865 avait annoncé la victoire de Φίλιππος ο Μακεδών, l'entente devenait parfaite. C'était, avant tout, un pacte tacite entre deux hommes sans envergure, dont chacun re-

1. Ibid., p. 72-73. 2. Voir Ν. I. Lascaris, Ιστορία του νεοελληνικού θεάτρου, t. II, p. 142; cf. MEE

4 (1928) 338. 3. Jugement de 1869, pp. 73-94. 4. Sophocle C. Carydis, Ο φλύαρος, κωμωδία μονοπρόσωπος εις πράξεις τρεις, υπό—,

λαβούσα τα δευτερεία εν τω ποιητικώ διαγωνισμώ του 1869, Athènes 1869. La préface et le premier acte de la comédie sont publiés par l'auteur dans son. journal Φως, 30 mai 1869.

5. Jugement de 1869, pp. 94-119.

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trouvait chez l'autre sa propre inconsistance. Dans son rapport de 1869, parlant des poèmes du concours en général, Roussopoulos avait souligné, parmi leurs principaux défauts, la médiocrité, «l'imagination asiatique ou la dyspepsie romantique», les fautes d'orthographe, le gri-bouillage, la pauvreté de rythmes1. Plein de bonne volonté, Antoniadis s'empressait bientôt de promettre, vu que «la comédie a besoin de mètres variés», d'utiliser dans l'avenir des rythmes mixtes2. Vainqueur, il n'avait qu'à exprimer sa gratitude au jury par l'obéissance.

Il n'en allait pas de même avec Sophocle Carydis, privé du prix de 1.000 drachmes pour la deuxième année consécutive. Sa rancune contre le lauréat de 1869 était compréhensible: contrairement à Vlachos, Antoniadis ne lui laissait même pas la couronne de laurier. Ce deuxième échec sur le terrain de la comédie devenait cuisant. A vrai dire, Carydis luirmême l'avait en partie cherché. Sa préface en prose, envoyée au jury mais passée sous silence par Roussopoulos, était trop insolente pour ne pas indisposer les universitaires: imitant le bavardage et le franc-parler de son héros, l'auteur n'avait pas hésité à y présenter sa comédie, écrite en une seule nuit, comme un «petit chef-d'œuvre», à faire des jeux de mots sur le nom d'Aphentoulis, à ridiculiser le concours (διαγώνισμα - δραχμαγώνισμα ) et à déclarer cyniquement son souci de gagner les 1.000 drachmes3.

En tout cas, la cérémonie du 25 mai 1869 avait mis fin à ses espé-rances. Le ton de l'auteur comique avait beau rester goguenard, l'amer-tume y était difficilement dissimulée. Ainsi, dans un premier commen-taire du concours, Carydis ne manquait pas de souligner que la comédie d'Antoniadis, récitée en partie par Roussopoulos, n'avait à aucun mo-ment fait rire le public de la cérémonie4. Un mois plus tard, pour ap-puyer ses arguments, il reproduisait dans son journal tout le texte de Ο πλουτήσας σκυτοτόμος qu'avait lu le rapporteur5. Enfin, publiant en volume sa propre comédie, il y ajoutait tout un dossier pour plaider sa cause: réfutation du rapport de Roussopoulos, attaques contre Anto-niadis, commentaires de la presse défavorables à la comédie couronnée. L'année précédente, face à Vlachos, Carydis s'était vanté d'avoir obtenu

1. Ibid., p. 71-72. 2. Α. I. Antoniadis, Ο πλουτήσας σκυτοτόμος, κωμωδία ποιηθείσα μεν υπό—, Γυ-

μνασιάρχου εν Πειραιεί, βραβευθείσα δε εις τον ποιητικόν διαγωνισμόν του φιλογενούς Κ. Βουτσινά, τη 25 Μαΐου 1869, Athènes 1870, ρ. 95.

3. S. Carydis, op. cit., pp. α'-ς'. 4. Φως, 30 mai 1869. - -5. Φως, 27 juin 1869.

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la couronne de laurier qu'«il désirait». Maintenant, il poursuivait des objectifs plus prosaïques: «Au diable la couronne, Messieurs les Juges! Mais pourquoi ne pas me donner le véritable prix, les 1.000 drachmes?»1.

Décidément, ce changement de ton n'était ni un fait isolé ni une manifestation uniquement liée aux sautes d'humeur d'un poète battu. Depuis quelques années, les goûts matériels, qui se développaient dans la société grecque, contrastaient de plus en plus avec un idéal fondé sur l'exaltation du passé et sur le culte de la génération-modèle de 1821. A cet égard, Carydis parlait avec cynisme, mais il était sûr d'exprimer l'état d'esprit d'un certain public. Déjà, le langage comique, plus pro-che de la réalité, devenait à la fois plus prosaïque et plus sincère. Mais n'accélérait-il pas, en même temps, une prise de conscience douloureuse?

En effet, si l'ouverture à la comédie, préconisée par ceux qui, comme Coumanoudis, avaient perçu l'impasse du romantisme et du classicisme, fut un pas vers le réel, elle ne tarda pas à révéler la bassesse de celui-ci: on découvrait déjà avec beaucoup d'amertume un présent décevant. La poésie comique opérait forcément une sorte de démysti-fication. Ses personnages n'étaient pas les héros de la Révolution, en-core moins ceux de l'Antiquité, mais les Athéniens des années 1860: hommes médiocres, souvent vulgaires, qui ne pensaient qu'à l'argent ou à leur promotion sociale; femmes vaniteuses qui singeaient les mœurs étrangères et se nourrissaient de romans français à la mode. Facilité par la comédie, ce contact avec une certaine réalité prosaïque rendait de plus en plus sensible la déchéance de l'«idéal». Les réalistes, ceux qui cherchaient une explication, allaient la trouver souvent, comme nous le verrons, dans la doctrine de H. Taine. Les romantiques, ceux qui exprimaient des sentiments, n'avaient qu'à intensifier leur lutte contre un présent sordide en élevant le ton.

La récolte du concours de 1869 en témoigne. Au moment où. D. Paparrigopoulos (Πυγμαλίων), refusant le réel, cherchait son idéal dans les mythes antiques, A. Paraschos (Αλφρέδος) se lamentait sur la dé-cadence de l'esprit héroïque:

Ως ο Κανάρης σήμερον συζή μετά πυγμαίων... Α, ήτον εις εκ της φυλής εκείνης, ήτις ήδη

απήλθε, και ποτέ η γη δεν θέλει πλέον ίδει ! alors que T. Ambélas (Ποιητού αποχαιρετισμός προς την ποίησιν) trouvait incompatibles la poésie et la réalité:

1. S. Carydis, op. cit., p. 55.

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δεν είναι, όχι, εποχή γελώτων και ονείρων ! Είναι ο σιδηρούς αιών ατμού, σιδηροδρόμων !

και τώρ' αν έζη κ' έψαλλεν ο Πίνδαρος, ο Βύρων, γελώντες οι ακροαταί θα ήγειρον τον ώμον.

Το κύκνειόν μου, ποίησις, αυτό είναι το άσμα ! Σε παραιτώ, ω ένθεε, ω κόσμε των ονείρων ! Εις της πραγματικότητος βυθίζομαι το χάσμα,

της λύρας μου εν αφανές μνημείον ανεγείρων.

A vrai dire, cette vitupération du présent au nom d'un idéal pas-sé n'était pas un fait nouveau. A. Valaoritis, fidèle aux chansons des kleftes, opposait depuis longtemps les souvenirs héroïques à la déca-dence de la Grèce contemporaine. «L'esprit guerrier de la nation est éteint, les armes ensanglantées de nos pères sont rouillées, les descen-dants des armatoles célèbres se sont transformés en avocats obscurs...»1. Les poètes classiques, soucieux de revenir aux modèles anciens, n'en rejetaient pas moins un présent souillé par les mœurs étrangères et indigne de la tradition hellénique. Mais c'est autour de 1870 que cette «perte de l'idéal», véritable constat d'échec, devenait particulièrement sensible. La défaite de la révolution crétoise n'y était pas pour rien; la crise politique permanente accentuait le malaise; les goûts matériels de la société athénienne exaspéraient de plus en plus la jeunesse ro-mantique.

S.N. Vassiliadis nous en offre un exemple. Dès son premier recueil de poèmes, Εικόνες, il n'avait pas manqué, lui non plus, de déplorer la décadence de la Grèce moderne:

και συ, Πατρίς μου, των θεών πατρίς και των ενθέων, μεγάλη μήτερ Σωκρατών, Ομήρων, Περικλέων, οποία μένεις σήμερον!... της πάλαι δόξης χήρα,

και στείρα της σοφίας σου και των υιών σου στείρα !

Mais c'était surtout dans la longue préface de ses «essais dramati-ques» qu'il essayait de signaler et de stigmatiser pêle - mêle les respon-sables de cette décadence littéraire et sociale: le romantisme, les imitations

1. Λ. Valaoritis, Αθανάσης Διάκος - Αστραπόγιαννος, Athènes 1867, p. 37. Signa-lons que la notion de «perte de l'idéal» servira à Roïdis non seulement pour faire face à Vlachos (1877), mais aussi pour interpréter l'œuvre entière de Valaoritis: E. D. Roïdis, «Αριστοτέλης Βαλαωρίτης», Εστία 8 (1879) 545-551.

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tions étrangères, «le matérialisme égoïste et boueux», les intérêts sordides. «De l'argent! crie tout le monde aujourd'hui, de l'argent! Je me trompe, peut-être, mais j'ai la conviction que c'est le séculaire culte de l'idéal pratiqué par les Grecs anciens, cette tendance à transsubstantier tout ce qui est positif et matériel... qui a permis à la malheureuse nation grecque de survivre, après les catastrophes et les esclavages de tant de siècles...»1. Ce «culte de l'idéal» était déjà périmé. La littérature, ainsi que la société athénienne, vidée de sa substance, ne faisait que courir après les modes étrangères. La poésie lyrique sombrait dans les pleur-nichements romantiques. Seul un «nouveau drame national», axé sur la tragédie ancienne et sur les chants populaires, pouvait retrouver le chemin perdu de l'art et de la vérité. «Soyons Grecs, voilà tout»2.

Vassiliadis rédigeait sa préface en avril 1869. Depuis trois mois, la révolution crétoise avait expiré dans le sang, et le choc de la défaite n'était pas facile à surmonter. Ailleurs, l'abattement du poète allait se transformer en colère: «Après la lutte des grands pères, survint la génération des fossoyeurs» 3. Ou bien (décembre 1872): «Aujourd'hui la Grande Idée est devenue un objet de risée... et quiconque ose en parler courageusement et sérieusement est considéré comme celui qui, à Athè-nes, après la grande époque de Périclès, parlait de vertu et de justice: un idiot»4.

Porte-parole de sa génération, Vassiliadis allait fulminer, jusqu'à la fin de sa courte vie, contre tout ce qu'il considérait comme un signe de dégénérescence: le romantisme morbide, le matérialisme sordide, les mœurs étrangères, la dégradation de la vie politique et sociale, le byzantinisme, le vaudeville français. En 1873, devant la dépouille mor-telle de son ami D. Paparrigopoulos, il n'allait pas hésiter à appeler A-thènes «non plus une ville d'artistes, de héros et de savants, mais une

1. S. N. Vassiliadis, Oι Καλλέργαι, op. cit., pp. ιε'-ις'. 2. Ibid., p. νβ'. Dans une réponse à Vassiliadis, N. Cazazis prend la défense

du romantisme et qualifie le retour à l'Antiquité d'«anachronisme absurde»: «Soyons Grecs, nous le pensons aussi, mais Grecs chrétiens, Grecs d'aujourd'hui, non des momies classiques, ainsi que le souhaitent les bons professeurs du concours poéti-que»; Εθνική Βιβλιοθήκη 5 (1869) 20. On le voit bien: la question de l'unité de l'hel-lénisme à deux ou à trois étapes est toujours au cœur du débat. Signalons que Vas-siliadis, anti-chrétien, ne ménagera pas ses attaques contre Byzance: Αττικαί Νύκτες I, p. 18, et III, p. 344; cf. C. Th. Dimaras, Histoire, p. 331.

3. S. N. Vassiliadis, Αττικαί Νύκτες III, p. 263. 4. Ibid., I, p. 21.

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ville de commerçants»1. Seul le peuple, continuateur de la tradition anti-que et créateur de chants admirables, trouvait grâce à ses yeux.

Mais qu'est-ce qu'un Vassiliadis pouvait trouver dans les chants populaires, sinon des inspirations pour son théâtre (Γαλάτεια) et des preuves suffisantes pour renforcer sa foi dans la Grèce ancienne? La langue démotique n'entrait pas dans son champ visuel. Formé dans l'Athènes des années 1860, comme d'autres poètes de sa génération, il n'avait respiré que l'air purifié et glacial de la langue savante. Depuis le début du concours de Voutsinas, et malgré la levée de l'interdit qui frappait la langue démotique, cette dernière ne jouait pratiquement aucun rôle dans la production poétique athénienne. Les poètes vulgaris-tes étaient absents des concours. Les rapporteurs n'avaient aucune raison de poser le problème de la langue. Mais celui-ci n'était pas ré-solu pour autant. En 1869, Roussopoulos disait en privé à Tertsétis: «Ne désespère pas. Si nous n'admettons pas les poésies et les œuvres en prose qui sont écrites en langue simple, nous avons nos raisons. Quant à toi, tâche toujours, autant que tu peux, d'écrire la langue simple, afin qu'elle demeure un monument de la génération qui a entre-pris notre glorieuse Révolution»2.

C'était comme si le rapporteur de 1869 dissociait la «glorieuse Ré-volution» et les médiocres objectifs de l'institution poétique. Lui aussi, à sa façon et sans l'avouer publiquement, constatait la déchéance d'un idéal.

3. 1870: Un afflux de poèmes dramatiques

Cette déchéance devenait déjà un lieu commun qui non seulement exprimait des mécontentements multiples, mais aussi —ce qui devait se concrétiser dans les années suivantes— donnait naissance à des ré-flexions fructueuses. Th. Orphanidis, rapporteur au concours de 1870, transposait le problème dans le domaine littéraire: «Avons-nous au-jourd'hui en Grèce des poètes lyriques et de la poésie lyrique?», deman-dait-il, pour répondre par la négative. Les signes de cette carence é-taient, pour Orphanidis, évidents: depuis des années les Grecs ne chan-taient plus dans les rues des chansons nouvelles; en société, les opéras italiens offraient la seule distraction musicale attrayante, tandis que l'homme du peuple, ivrogne (ο οινοβαρής «βρακάς»), ne fredonnait que

1. Ibid., III, p. 292. 2. G. Tertsétis, Λόγος της 25 Μαρτίου 1869, Athènes 1869, p. β'.

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des mélopées turques (αμανές). Il n'en allait pas de même à l'époque de la Révolution, lorsque les Grecs s'enflammaient grâce aux poésies de Rigas, de Cokkinakis, de I.R. Rangabé, de Christopoulos, de Solo-mos. «On trouvait alors dans chaque maison une guitare suspendue, mais aujourd'hui tout reste silencieux, les lèvres chantantes se sont tues, nous sommes passés de l'enthousiasme à la sophistication, et les guitares sont remplacées par le piano, étalage de pseudo-civilisation». En d'autres termes, le problème se posait ainsi: pourquoi cette «dispa-rition de l'enthousiasme lyrique de la nation»?1.

Certes, Orphanidis évitait de s'attarder sur la réponse —c'était Mistriotis qui, l'année suivante, ainsi que nous le verrons, devait s'y appliquer. Mais sa question, par la façon même dont elle était formulée, ne cherchait-elle pas l'explication danc un cadre trans-individuel et dans un «milieu» peu favorable à l'éclosion de la poésie lyrique? Un écho lointain de l'enseignement de Taine, bien que vague encore, était percep-tible dans les paroles du rapporteur de 1870. On devait déjà lier l'é-chec littéraire à un ensemble de conditions qui ne concernaient et ne tou-chaient pas seulement la littérature.

Car, pour une certaine intelligentsia grecque, le moment de vérité était arrivé. Après tant de discours creux sur le «rapatriement des Mu-ses» et sur la création des chefs-d'œuvre dignes de l'Antiquité, force était de reconnaître, vingt ans après la fondation des concours, que l'institution de Rallis et de Voutsinas ne devenait qu'une «école d'en-seignement mutuel de versification» 2. Le nouveau régime du roi Georges n'avait pas changé grand-chose sur le plan intérieur et extérieur: l'instabilité politique continuait, et la récente défaite crétoise ne justi-fiait pas, dans l'immédiat, un grand optimisme sur le sort des Grecs irrédi-més. Le brigandage était toujours un problème insoluble: en mars 1870, le drame de Dilessi (massacre d'otages étrangers tombés dans les mains des brigands) avait bouleversé l'opinion internationale et avait mis le gouvernement grec dans une situation des plus difficiles. Athènes vivait à l'heure de l'opéra italien, du roman et du vaudeville français. Le conseil de Zalocostas

Ο αγών δεν επεράνθη, μη δεχθήτε ήθη ξένα

1. Jugement de 1870, Athènes 1870, pp. 30-31. —Il est à noter que le rapport du jury de 1870 est publié, pour la première fois depuis 1863, dans la revue Πανδώρα 21 (1870-71) 45-56, 73-76, 111-116, 137-140, 151-160, 192-199, 213-218.

2. Ibid., p. 8.

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n'avait pas été entendu. Les mœurs étrangères s'étaient solidement installées, La société grecque tout entière semblait manquer de souffle. On le voyait bien: la Révolution de 1821 était gelée.

Entre-temps, les concours poétiques connaissaient une augmenta-tion de participation sans préoédent. Les 35 poèmes présentés en 1870 —un ensemble de 47.075 vers, le triple de l'Iliade!— non seulement battaient tous les records, mais aussi représentaient tous les genres de poésie, selon la répartition suivante: 1 poème bucolique, 1 gnomique, 11 lyriques, 4 épiques, 4 comédies et 14 drames.

Comme le nombre des drames était impressionnant, Orphanidis ne manquait pas d'exprimer son étonnement désapprobateur: «Ce carac-tère du concours, incompatible avec la gaieté naturelle des Grecs, ne montre-t-il pas qu'il est artificiel et factice, et que nous imitons sans sentir?»1. Ailleurs, essayant d'expliquer cette pléthore dramatique, il l'attribuait «peut-être» au fait que «le jury, lors des dernières années du concours de Voutsinas, avait en quelque sorte protégé et couronné de tels poèmes», ce qui pourtant ne signifiait pas que les universitaires avaient une préférence pour un genre de poésie particulier2.

Mais le véritable problème était ailleurs. En fin de compte, l'aug-mentation du nombre des poèmes envoyés au concours n'aurait pas été un phénomène inquiétant —bien au contraire— si elle n'avait pas provoqué le découragement des professeurs qui, devant le volume im-posant et la médiocrité grandissante des manuscrits présentés, se mon-traient de moins en moins empressés de participer au jury. Orphanidis était donc obligé de sonner l'alarme, craignant «que le nombre crois-sant des candidats, ainsi que leurs exigences, d'une part, et l'éloigne-ment justifié des juges, de l'autre, n'apportassent [au concours] un relâchement mortel»3. Dans ces conditions, l'institution poétique avait besoin de réformes, de façon à suivre le modèle d'autres nations. Ainsi, comme il était difficile de distinguer le meilleur parmi des poèmes ap-

1. Ibid. 2. Ibid., p. 51. La même année, S. Carydis signalait «la tendance exclusive, pour

ainsi dire, à la composition de drames», pour en rejeter la responsabilité sur le jury universitaire qui, «considérant le drame comme le genre de poésie le plus difficile, lui décerne le prix chaque année. C'est pour cela que les meilleurs poètes, à l'excep-tion d'un ou deux amis des juges, ont fini par se retirer du concours, lequel se termi-nera rapidement ou deviendra, s'il ne l'est pas encore devenu, ridicule»: S. Carydis, Οι τρεις τάφοι, δράμα εις πράξεις τρεις, Athènes 1870, ρ. ς'. L'auteur de ces lignes avait envoyé, lui aussi, au concours de 1870 un drame!

3. Jugement de 1870, p. 4.

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appartenant à des genres différents, les candidats devaient concourir, tout simplement, dans le même genre de poésie et, si possible, sur le même sujet, désigné par le Conseil Universitaire1.

Très probablement, le peu de zèle manifesté par les professeurs pour participer au jury ne s'expliquait pas seulement par le volume et la mauvaise qualité des poèmes, et il n'était pas aussi «justifié» que le prétendait Orphanidis: la guerre des coteries universitaires, toujours acharnée, devait y être pour beaucoup. En tout cas, le jury de 1870, composé de 4 membres, se présentait en partie renouvelé. Sous la pré-sidence du recteur P. Calligas, Orphanidis assumait pour la première fois le rôle de rapporteur, G. Mistriotis faisait sa première apparition et Th. Aphentoulis consolidait sa place qu'il allait garder jusqu'à la fin des concours. Prévue initialement pour le 3 mai, la cérémonie de 1870 eut lieu le 10 mai, sans que les raisons de ce petit ajournement fussent explicitées2. Du reste, tout s'était passé comme à l'ordinaire. Le public de la Grande Salle de l'Université était nombreux et, trois heures durant, il s'ennuya peu, nous dit-on, à un rapport qui combinait «le jugement avec le sel attique»3. Orphanidis énonçait de tristes vérités, mais, complaisant, il ne perdait pas l'occasion d'étaler son talent sati-rique ou d'adopter, très souvent, un ton léger qui contrastait avec le pessimisme de ses propos.

Les 35 poèmes du concours, selon l'ordre, les appréciations et les développements du rapporteur, se présentaient comme suit:

1) T α βουκολικά της Βοσκίνης : idylle insignifiante, à rejeter. Parmi les 11 recueils lyriques, étaient à rejeter les 7 suivants: 2) Μελέται κοινωνικαί 3) Γραμμαί 4) Η ηρωΐς 5) Δάφναι : mauvaise imitation de Solomos. 6) H νύμφη της Ίδης 7) T α κύκνεια άσματά μου 8) Λυρική ποίησις Parmi les 4 poèmes épiques, n'étaient pas jugés dignes d'intérêt

les 2 suivants:

1. Ibid., pp. 8-9. Orphanidis pensait, évidemment, à l'exemple des concours de l'Académie Française.

2. Voir les comptes rendus dans Παλιγγενεσία, 11 mai 1870, et dans Πανδώρα 21 (1870-71) 45-46.

3. Ibid., p. 45.

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9) Ο Γλαύκος και ή Κορώνα 10) Ο Αρίστων

Parmi les 18 (=4 comédies + 14 drames et tragédies) poèmes drama-tiques, étaient jugés très médiocres les 11 suivants:

11) Θεόδωρος και Ελευθερία : tragédie en cinq actes. 12) Ρεμόνδος : drame en trois actes, influencé par des romans fran-

çais. 13) Εκδίκησις : drame en cinq actes, aussi immoral que le drame

précédent. 14) Ο τελευταίος Γατελούζος : drame en trois actes. 15) Η πτώσις του Βυζαντίου : drame en cinq actes. L'auteur devrait

étudier, pour tirer des leçons, la tragédie de Jean Zambélios Κωνσταντί-νος1.

Il s'agissait d'une œuvre de Georges M. Zadès, publiée la même année à Patras avec une longue réponse à Orphanidis: l'auteur y con-sidérait Κωνσταντίνος comme une des tragédies les plus médiocres de Jean Zambélios, signalait les contradictions du rapporteur de 1870 et accusait le jury d'avoir rempli son devoir avec «frivolité» 2,

16) Κλέαρχος ο Λακεδαιμόνιος : drame en trois actes. 17) Εβρος ο Θραξ : drame en cinq actes; «poeme monstrueux»3. Il s'agissait d'une œuvre de T. Ambélas. 18) H έξωσις του Ταρκυνίου : drame en cinq actes. 19) Οι τρεις τάφοι : drame en trois actes. L'auteur, Sophocle Ca-

rydis, ayant demandé de retirer son œuvre, en publia des extraits avec son nom dans son journal Φώς4.

20) Δαιμόνια : comédie en cinq actes. 21) Ο αποτυχών νυμφίος : comédie en cinq actes. Enfin, les poèmes les plus intéressants du concours et les plus dignes

d'une analyse détaillée étaient les suivants: 22) Aι ευχαί της Πρωτοχρονιάς του έτους 1870 : poème gnomique en

langue populaire et en vers de quatorze syllabes rimés. Ecrit «avec

1. Jugement de 1870, p. 15. 2. Georges M. Zadès, Η πτώσις του Βυζαντίου, όραμα εις μέρη πέντε κατά τας

αρχικάς πηγάς υπό - Patras, 1870, pp. ε'-η'. 3. Jugement de 1870, p. 19. 4. Ibid., p. 20. La même année, publiant en volume son drame, l'auteur passait

sous silence l'envoi de celui-ci au concours, mais attaquait le jury violemment: S. Carydis, Oι τρεις τάφοι, op. cit., p. ς'.

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beaucoup d'humour et de grâce», il est pour les juges une oasis. L'auteur se propose de stigmatiser un certain nombre de mauvaises ten-dances de la société grecque; il n'évite pas cependant quelques «tauto-logies séniles» et quelques longueurs. Partisan de la langue démotique, par ailleurs, il en prend la défense fermement. En somme, il est souhai-table que cette «belle œuvre» soit publiée1.

Elle fut publiée, en effet, anonymement tout d'abord dans Πανδώρα, et en brochure, avec le nom de l'auteur, par la suite2. Antoine Phatséas (1821-1872) ne laissait pas son poème sans commentaires. Non seule-ment il reproduisait la lettre (Nauplie, 4 décembre 1869) qu'il avait adressée au jury, mais aussi il répondait à l'«enthousiaste et trop flat-teur» jugement d'Orphanidis, en attribuant le non-couronnement de son poème au fait qu'il était écrit en langue populaire: «Mon poème ne fut pas couronné, une clause du fondateur y faisant obstacle»3. Mais le dossier de Phatséas ne se terminait pas là; il contenait, encore, une lettre (14 novembre 1870) adressée au recteur de l'Université de Berlin, dans laquelle le poète demandait si les Grecs «ont le droit de parler libre-ment et d'écrire leur langue en dépit de l'avis contraire émis par l'Université Hellénique»4. Enfin, dans un texte brillant adressé aux mem-bres du jury de 1870, il prenait à nouveau la défense de la langue popu-laire, avec une éloquence et une clarté rarement trouvées dans ses vers5: on y reconnaît, encore une fois, le polémiste et le penseur doué, plus à l'aise dans la prose que dans la poésie.

1. Jugement de 1870, pp. 24-30. 2. Πανδώρα 21 (1870-71) 103-109, 165-174, et A. Phatséas, Aι ευχαί της Πρωτο-

χρονιάς του έτους 1870, υπό —Καθηγητού των Μαθηματικών και της Φυσικής του εν Ναυπλίω Γυμνασίου, Athènes 1870. De longs extraits du poème sont publiés dans le Jugement de 1870, pp. 24-29, et dans Mat. Parn., pp. 540-545.

3. A. Phatséas, op. cit., p. ξ'. Apparemment, l'auteur critiquait le jury plutôt sur ses intentions profondes que sur ses paroles: depuis 1862 la langue populaire ne constituait pas, officiellement tout au moins, un obstacle à la participation et au couronnement d'un poète aux concours. Or, Orphanidis, connaisseur du règlement, ne pouvait appliquer une clause abolie. En fait, ce n'était pas lui, mais la revue Παν-δώρα qui avait expliqué l'échec de Phatséas par le fait que celui-ci «contrevenait à la clause du fondateur exigeant la langue savante»: Πανδώρα 21 (1870-71) 45.

4. A. Phatséas, op.cit., pp. η'-ι'. La réponse (1er février 1871) du recteur de l'Université de Berlin Bruns est publiée dans A. Phatséas, Ο Βερτόλδος, Athènes 1871, pp. 94-96. Bien que le savant allemand ait déclaré son Université incompé-tente sur un problème concernant la Grèce, Phatséas exprime sa satisfaction et fait l'éloge de la Prusse.

5. A. Phatséas, Aι ευχαί..., pp. ι'-λβ' [ = Πανδώρα 21 (1870-71) 167-174],

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23) Ανθύλλιον : recueil de 9 poésies lyriques. Le jury y trouve «quel-ques bons vers», mais demande à l'auteur de corriger sa langue et, sur-tout, de ne pas traiter de suicides et d'empoisonnements. «Car, tout poète Grec doit éviter le roman européen comme une perfide Circé. Et puis-que le poète enthousiaste a pour s'inspirer tout le monde extérieur, tant d'exploits héroïques de sa patrie et tant de nobles passions du cœur hu-main, à quoi bon recourir aux balbutiements romantiques de la mode?»1.

24) Λυκαυγές : recueil de 14 poésies lyriques. La versification èst très souvent harmonieuse, les images «vives et vraies». Est cité le poème Το βρέφος, critiqué cependant pour l'influence du romantisme2.

Il s'agissait du premier recueil lyrique de Charalambe (Babis) Anninos (1852-1934), publié deux ans plus tard à Céphalonie3. Satis-fait du rapport d'Orphanidis, l'auteur se montrait, dans sa petite pré-face, modeste et reconnaissant, et il dédiait son œuvre à son compatriote Jean Voutsinas.

25) Ανεμώνη : recueil de 5 poésies lyriques, caractérisées par la variété des sujets, par la naïveté juvénile et par un certain coloris lamar-tinien. Le poème Ο τρελός rappelle un poème de A. Paraschos ayant le même titre4.

Il s'agissait d'une œuvre de Jean Cambouroglou5. 26) Εμπνεύσεις : recueil de 5 poésies lyriques. L'auteur ne manque

pas d'inspiration. Mais sa versification, régulière et harmonieuse, est souvent gâtée par des fautes de grammaire et d'orthographe, voire par

1. Jugement de 1870, p. 32. 2. Ibid., pp. 33-34. 3. Ch. Anninos, Λυκαυγές, συλλογή λυρικών ποιήσεων, υπό—, Céphalonie 1872. Des

poèmes appartenant à ce recueil sont reproduits dans Pap. NP., pp. 5-14, et dans Mat. Parn., pp. 584-589. Il est à noter qu'un critique anonyme compara les poésies d'Anninos à celles d'Alfred de Musset (Εθνική Βιβλιοθήκη 7, 1872, 326), tandis que, en 1900, C. Palamas rendit hommage à l'auteur de Λυκαυγές «qui, il y a presque trente ans, frappa (son) imagination d'enfant»: Τριακονταετηρίς Χ. Αννίνου 1869-1899, Athènes 1900, p. 77. Sur sa participation au concours de 1870, Anninos revient à plusieurs reprises: Προ του 1862 και μετά το 1862, dans Η Ελλάς κατά την 25ετηρίδα

του Βασιλέως Γεωργίου, Athènes 1888, ρ. 46; «Εκ των απομνημονευμάτων μου», Πα-ναθήναια 11 (1905-6) 247; «Τα πρώτα έτη του Ζαν Μωρεάς», Η Μελέτη, No 2, février 1911, p. 75.

4. Jugement de 1870, pp. 34-36. Le poème de Paraschos était, évidemment, Ασμα παράφρονος, publié dans Χρυσαλλίς 1(1863) 154-155.

5. Voir le poème ο τρελός dans Coromilas, Καζαμίας 1871, pp. 172-176.

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une confusion entre le paganisme et le christianisme. Est cité le poème Ο θάνατος του Ιούδα1.

Il s'agissait d'une œuvre de P. Matarangas2. 27) H Ακρόπολις : poème épique en six chants, imitation du poème

de Louise Colet «L'Acropole d'Athènes» couronné au concours de l'Académie Française en 1854. L'auteur fait preuve de bon goût et d'enthousiasme. Il n'évite pourtant pas quelques gallicismes. La versifi-cation est souvent bonne, parfois négligée. En somme, le poème en question, «un des beaux poèmes du concours présent», a de nombreuses qualités (idées et images excellentes, imagination vive, etc.) et, de ce fait, «est jugé par le jury digne d'obtenir un accessit». De longs ex-traits sont cités3.

Œuvre de Jean Cambouroglou, ce poème épique allait être publié l'année suivante sans commentaires4. Le jeune poète s'engageait dans la voie d'un classicisme conventionnel:

Ουρανόν και γην συνήνου αποθέωσις το πάλαι,

κ' εκ του δώματος εκείνου των θεών, επί της γης ζωηράς μαρμαρυγής λάμψεις έπιπτον μεγάλαι. -

Louise Colet (1806-1876) était hautement qualifiée pour lui servir d'exemple: grâce à ses couronnements aux concours français, à son po-ème se référant à l'Acropole d'Athènes et à sa réputation de philhellène,

1. Jugement de 1870, pp. 34-36. 2. Voir P. Matarangas, Φαντασία και καρδία, op. cit., pp. ε'-ι', où l'auteur raconte

ses démarches auprès d'Orphanidis afin d'obtenir une copié de son manuscrit, et prend la défense de la poésie lyrique. Rappelons que Matarangas avait présenté au concours de 1860 un recueil lyrique intitulé également Εμπνεύσεις; voir ici p.149. Le poème ο θάνατος του Ιούδα (1858), envoyé en 1860 et en 1870, est considéré par Ch. Anninos (Βασιλειάδης, Παπαρρηγόπουλος και oι περί αυτούς, op. cit., p. 36) comme traduction d'un sonnet de Monti. Nous signalons encore que les renseignements de Sp; De Biazi (Ποιητικός Ανθών 2, 24 mai 1887, p. 592) sur les participations de Mata-rangas aux concours de 1870 et 1871 sont en grande partie erronés.

3. Jugement de 1870, pp. 38-44. 4. Jean Cambouroglou, Η Ακρόπολις, ποίημα υπό — Athènes 1871. De longs

extraits sont reproduits dans Mat. Parn., pp. 702-708. Nous signalons que le paral-lèle établi par Orphanidis entre le poème de Jean Cambouroglou et celui de Louise Colet est contesté dans un compte rendu anonyme: Εθνική Βιβλιοθήκη 6 (1871) 295.

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elle disposait de tous les atouts pour avoir bonne presse en Grèce1. 28) Θησεύς : poème épique, «en langue savante mais qui, parfois,

sent l'école et la grammaire». La versification, en général bonne, est quelquefois forcée ou négligée. Le défaut principal du poème réside dans le fait qu'il manque d'«une forme plus archaïque». Du reste, ses qualités qui font de lui «un des meilleurs poèmes du concours présent», sont, nombreuses: concision de style, précision et exactitude, riches images de la nature, vraie passion, manque d'«emphase et de fards romanti-ques». De longs extraits sont cités2.

Il s'agissait de la première œuvre d'Aristomène Provélenghios (1850-1936)3. Engagé dans la voie du néo-classicisme archaïsant, le jeune poète restait fidèle à l'élégance d'un style stéréotypé:

Αττική αύρα, ήτις ριπάς μεστάς σκορπίζεις θείων σπερμάτων, ήτις εξέτριψες αστραπάς λαμπράς, ασβέστους μετά πνευμάτων,

συναντηθείσα μεγαλουργών, ήτις πτερύγων κυαναυγών διαφανέστατον ζεύγος αίρεις τι εις τα ώτα μου, τι μοι φέρεις;

29) Oι Μάγοι : tragédie en trois actes. «Cette œuvre dramatique

1. La revue Εθνική Βιβλιοθήκη 5 (1870) 358 publie le sonnet Τη κυρία Λουΐζα Κολλέ (2 juillet 1870) de P. Matarangas —sonnet que A. R. Rangabé avait traduit en français et envoyé à L. Colet— et, deux ans plus tard (Εθνική Βιβλιοθήκη 7, 1873, 456-462), une biographie élogieuse de la poétesse, datée de septembre 1871 et signée P. [Matarangas?]. Deux sonnets de L. Colet, «Volupté du beau» (Athènes, 8 juin 1870) et «A Mlle M...», paraissent dans Ir. Assopios, Αττικόν Ημερολόγιον 1871, pp. 383-384. Mais, alors que le nom de la poétesse française est généralement accom-pagné de louanges dans la presse grecque, une nécrologie publiée dans la revue Βύρων 2 (1876) 177-178 insiste, au contraire, sur les poésies «oubliées» de L. Colet et rapporte défavorablement l 'attentat dirigé par elle contre Alphonse Karr; cf.

Εστία 10 (1880) 704. 2. Jugement de 1870, pp. 44-51. 3. Α. I. Provélenghios, Θησεύς, ποίημα επικόν αξιωθέν του Αου επαίνου εν τω

ποιητικώ αγώνι του έτους 1870, υπό — Athènes 1870. Sp. Lambros consacre au poème un compte rendu élogieux: Ιλισσός 3 (1870) 153-157.— Sur cette première participa-tion de l'auteur aux concours, voir Α. I. Provélenghios, «Πώς έγραψα τον "Θησέα" το πρώτον έργον μου», dans Ημερολόγιον της Μεγάλης Ελλάδος 1927, pp. 291-296.

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peut quand même être lue, parce qu'elle est moins bavarde et chargée». Les dialogues et les caractères sont bons; les vers manquent de césures; la langue a des fautes de grammaire. En somme, cette tragédie ne con-tient aucun enseignement. Saisissant l'occasion, Orphanidis attaque Gobineau comme ennemi de la Grèce1.

30) Βιργινία ή Ρωμαία : drame en cinq actes. L'auteur, qui est le même que celui du drame Έβρος ο Θραξ, a lu, sans doute, «Virginie» d'Alfieri «et y a emprunté certains passages». (Orphanidis compare longuement les deux œuvres)2.

Oeuvre de T. Ambélas, ce drame allait être publié l'année suivante avec une réponse au rapporteur. L'auteur s'indignait qu'Orphanidis, «ayant massacré pendant une heure le poète italien», se fût livré à une comparaison malheureuse, «pour la simple raison qu'il ne s'agissait pas de distinguer les radis des betteraves, ce qu'il faisait dès sa naissance, mais il était question d'Alfieri, dont les chefs-d'œuvre furent respectés même par les critiques les plus exigeants». Bref, le rapporteur de 1870, «un juge-dictateur», avait manqué à son devoir3.

31) Νέρων : drame en quatre actes, œuvre de l'auteur de Βιργινία η Ρωμαία et de Έβρος ο Θραξ. Un «des bons poèmes du concours pré-

sent», le drame en question possède une intrigue naturelle et des dialo-gues vivants. Ses défauts principaux: «le mauvais choix du sujet» et «le peu de respect que le poète montre à l'égard de l'histoire». En général, l'auteur de la trilogie doit dans l'avenir «faire plus d'attention au choix de ses sujets, écrire moins et lire plus attentivement ce qu'il écrit»4.

En publiant ce drame, T. Ambélas ne perdait pas l'occasion de

1. Jugement de 1870, pp. 51-55. Gobineau, ministre de France à Athènes (1865-1868), n'y avait pas laissé un bon souvenir. Son rôle pendant la révolution crétoise était de nature à susciter chez les Grecs une antipathie compréhensible. Par ailleurs, ses écrits consolidaient sa réputation de «mishellène». En 1870, après la réponse qui lui avait été donnée par C. Paparrigopoulos dans une conférence à ia Société Ευαγ-γελισμός, A. Paraschos, à son tour, attaquait l'écrivain français dans un poème satirique (Ποιήματα, t. IΙΙ, pp. 245-248):

Τον Έλληνα ό,τι βαρύνει, ο Γκομπινώ το διακρίνει·

αλλ' ον καλόν τι απαντήση, αβρώς θα το πλαστογραφήση.

2. Jugement de 1870, pp. 55-64. 3. T. Ambélas, Βιργινία η Ρωμαία υπό —Athènes 1871, pp. δ'-ε'. Ce drame

avait paru également en annexe de la revue Εθνική Βιβλιοθήκη, t. 5. 4. Jugement de 1870, pp. 64-76.

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l'accompagner d'une longue préface (25 juillet 1870). Son intention de s'éloigner de l'école romantique «hugolienne ou shakespearienne» y était déclarée. «Je devais donc suivre une voie moyenne ou, plutôt, proche de l'ancienne». Quant au concours de Voutsinas, il présentait déjà des signes de décadence, «en raison de l'éloignement des juges impartiaux et des poètes de valeur». Mais c'était Orphanidis, surtout, qui attirait les foudres verbales du jeune poète. Juge partial et de mauvaise vo-lonté, il avait employé un «langage dictatorial» et il n'avait pas hésité à révéler que l'auteur des trois drames était le même, «après avoir ap-pris que cet auteur était l'étudiant en droit Ambélas». Enfin, le poète, faisant allusion au concours de 1860, déclarait qu'il ne voulait pas imiter l'exemple de «M. le rapporteur qui, battu autrefois dans le même con-cours par un versificateur déjà oublié, s'est défendu par des centai-nes de pages vigoureuses»1.

32) Οι μνηστήρες : comédie en un acte, «de forme archaïsante». Elle constitue le meilleur poème du concours quant à la versification. La langue est convenable. Vaudeville plutôt que comédie à proprement parler, cette œuvre apparaît comme un produit de froide réflexion plutôt que d'inspiration. Malgré tout, le jury la considère comme un des bons poèmes du concours et lui décerne à l'unanimité un accessit2.

Il s'agissait d'une œuvre de Panayotis D. Zanos3. 33) Ο τελευταίος κόμης των Σαλώνων : drame en cinq actes qui tire

son sujet de Χρονικό του Γαλαξιδιού édité par C. Sathas. L'intrigue moyenâgeuse est excellente; la langue et la versifivcation sont bonnes. L'auteur fait montre de patriotisme et de nobles sentiments. Défauts de l'œuvre: quelques caractères «irréguliers», une catharsis mauvaise, une certaine négligence vers la fin 4.

Il s'agissait d'une œuvre de Sp. Lambros, jouée au théâtre le 5. novembre 1870 et publiée en volume la même année. Dans sa longue préface (9 novembre 1870), faisant l'éloge de l'époque byzantine, l'au-

1. T. Ambélas, Νέρων, υπό —Syros 1870, pp. γ'-ις'. Une nouvelle attaque contre le rapporteur de 1870 est contenu dans T. Ambélas, Λέων Καλλέργης, δράμα διαγωνισθέν εις τον Α' ποιητικόν αγώνα των Ολυμπίων, Syros 1871, ρ. δ'. Il est à noter qu'un demi-siècle plus tard, dans un contexte différent, T. Ambélas, devenu un conservateur rétrograde, n'allait pas ménager ses éloges à Orphanidis et aux con-cours poétiques: T. Ambélas, Ο Θεόδωρος Ορφανίδης και η εποχή του, Athènes 1916.

2. Jugement de 1870, pp. 76-80. 3. P. D. Zanos, Οι μνηστήρες ποιηταί, κωμωδία επαινεθείσα εν τω ποιητικώ αγώνι

του έτους 1870, υπό —Athènes 1870. 4. Jugement de 1870, pp. 80-90.

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l'auteur partageait la conviction de Vernardakis (Μαρία Δοξαπατρή) que «cette époque peut offrir au drame national la matière la plus appro-priée»1. N'était-ce pas une réponse indirecte aux idées avancées par Sp. Vassiliadis (Οι Καλλέργαι - Λουκάς Νοταράς) l'année précédente? De plus en plus préoccupé par l'histoire du Moyen Age hellénique, Lam-bros trouvait provisoirement le moyen, grâce à l'actualité du théâtre, de combiner ses intérêts scientifiques avec ses ambitions littéraires2. Mais sa particiation au concours de 1870 devait rester la dernière: en lui l'historien doué l'emporterait bientôt définitivement sur le poète amateur.

34) Το φρόνημα των πρώτων Χριστιανών : drame en cinq actes, imita-tion d'«Antigone» de Sophocle. C'est «un des meilleurs poèmes du con-cours présent». Ses qualités principales: sujet excellent, épisodes inté-ressants, sentiment religieux, langue savante, caractères réussis3.

Ce drame de A.I. Antoniadis —le même qui, envoyé au concours de 1862 sous le titre Χριστιανή Ευγενία, avait été sévèrement critiqué par A.R. Rangabé— allait être publié, l'année suivante, pour apporter encore une preuve de la fécondité intarissable de son auteur4.

35) Αννίβας εν Γόρτυνι : drame en quatre actes, «un des meilleurs du concours présent». Il donne une image appropriée de la démagogie, et présente une satire non pas de l'individu, mais de la société. Ses seuls défauts: l'auteur s'amuse sur un sujet tragique (la ville qui souffre de la faim) et commet certains anachronismes. Mais les qualités sont nom-breuses: langue et versification irréprochables, grâce et originalité, dé-nouement ingénieux. Dans ces conditions, le jury: a) décerne à moitié le prix au drame en question et au drame précédent; b) considérant comme dignes d'accessit les poèmes Θησεύς et Ο τελευταίος κόμης των Σαλώνων, décide d'ouvrir leurs enveloppes et d'annoncer les noms de leurs auteurs «en signe d'honneur et d'encouragement»5.

Ce qui fut fait. Constantin Ch. Versis, 25 ans, auteur de Αννίβας έν

1. Sp. P. Lambros, Ο τελευταίος κόμης των Σαλώνων, δράμα εις μέρη πέντε, λαβόν Α' έπαινον εν τω Βουτσιναίω αγώνι του ΑΩΟ', υπό —Athènes 1870, ρ. 9.

2. Au même moment, il composait une autre pièce de théâtre historique, Δαυίδ Κομνηνός, dont un petit extrait est présenté par la revue Εθνική Βιβλιοθήκη 6 (1870) 38-39.

3. Jugement de 1870, pp. 90-99. 4. Α. I. Antoniadis, Η Χριστιανή Ευγενία, ήτοι T ο φρόνημα των πρώτων Χρι-

στιανών, ποιηθέν μεν υπό—, Γυμνασιάρχου εν Πειραιεί, βραβευθέν δε εις τον ποιητικόν διαγωνισμόν του φιλογενούς Κ. Βουτσινά, τη 10 Μαΐου 1870, Athènes 1871.

5. Jugement de 1870, pp. 99-113.

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Γόρτυνι1, partagea le prix de 1.000 drachmes avec A.I. Antoniadis, 34 ans, proviseur au Pirée. Les noms des étudiants A. Provélenghios, 20 ans, et Sp. Lambros, 19 ans, furent annoncés au public par le recteur P. Calligas. Après la cérémonie, ce sont les journaux et les revues qui révélèrent l'identité des autres candidats loués: A. Phatséas, 49 ans, Jean Cambouroglou, 19 ans, T. Ambélas, 20 ans, P.D. Zanos, 22 ans. Le jeune âge des poètes était signalé: parmi les 8 concurrents couronnés ou récompensés par des accessits, faisait-on remarquer, six avaient à peine 20 ans2.

Ouverture consciente de la part de l'Université à la jeunesse? On ne saurait l'affirmer. Il est certain que les universitaires espéraient toujours pouvoir imposer des poètes talentueux et capables de réaliser leur propre idéal littéraire. Et il est certain aussi qu'un -tel espoir ne pouvait être porté, en premier lieu, que sur la jeunesse. Mais le choix était maintenant presque forcé: depuis quelque temps, les jeunes dé-butants constituaient, parmi les concurrents, une majorité de plus en plus écrasante, et S.N. Zavitsanos n'avait pas complètement tort de qualifier en 1868 l'institution poétique de «concours d'enfants». Or si, en 1870, la jeunesse recevait la part du lion dans la distribution du prix et des accessits, c'était qu'elle restait pratiquement —à quelques ex-ceptions près— la seule à concourir, alors que les poètes d'un certain âge et d'une certaine notoriété, découragés et déçus, boudaient de plus en plus les concours.

Dans ces conditions, le fossé entre la qualité et la quantité ne fai-sait que s'élargir. Le jury de 1870, par la bouche de son rapporteur, exprimait une grande déception devant les poèmes présentés; il n'en distribuait pas moins les accessits avec une générosité inconnue jus-que-là. Dépassé par les événements, n'était-il pas obligé, en quelque

1. C. Ch. Versis, Αννίβας εν Γόρτυνι, δράμα σατυρικόν [sic] εις μέρη τέσσαρα, υπό—, βραβευθέν εν τω ποιητικώ διαγωνισμώ του 1870, Athènes 1870. Des extraits du

poème sont publiés dans la revue de Braïla Έρμης ο Λόγιος και Κερδώος 1 (1872) 21-40. Le terme «drame satyrique» est évidemment abusif: Versis emploie ce terme pour désigner, tout simplement, un «drame satirique» ou une «tragi-comédie».

2. Πανδώρα 21 (1870-71) 45. Selon la même revue (p. 46), tous avaient été disci-ples du proviseur Aristide Kyprianos, mort prématurément; sur ce dernier, voir l'«autobiographie» de Sp. Lambros, publiée par Jean Vlachoyannis dans NE 19 (1936) 370, ainsi que l'hommage rendu par D. Gr. Cambouroglou: Camb.A., pp. 697-698. Mais les jeunes poètes distingués en 1870 étaient également unis par d'autres liens: trois d'entre eux étaient étudiants de l'Université d'Athènes et, en même temps, membres de la Société Littéraire Παρνασσός; voir Παλιγγενεσία, 11 mai 1870.

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sorte, de faire des concessions pour éviter une nouvelle crise? Orphani-dis s'élevait contre l'affluence dramatique de 1870, mais il n'avait plus, par la force des choses, qu'à annoncer la victoire du drame. En fin de compte, celui-ci était préférable à une production lyrique qui versait dans le romantisme le plus malsain. «Or nous avons tenu compte, en premier lieu, du bon choix du sujet, qui est l'esprit du poète, et, en second lieu, de la forme extérieure et de l'art, qui constituent le corps des œuvres jugées; car, nous désapprouvons ouvertement ceux qui pratiquent mal chez nous les principes de l'école dite romantique»1.

Ainsi, l'ennemi principal, pour les jurys universiraires, demeurait toujours le même: le romantisme «étranger». Dix ans plus tôt, en tant que candidat du concours, Orphanidis (Άγιος Μηνάς) avait lancé à A.R. Rangabé son défi byronien et avait revendiqué son droit à «la mélancolie, la tristesse et la misanthropie». Maintenant, porte-parole de l'esprit classique, il n'avait qu'à se conformer à l'ordre universitaire établi. Seulement, cet ordre, malgré l'autorité dont il disposait toujours, était moins inattaquable que dix ans auparavant. Son ennemi, le ro-mantisme, invincible encore, non seulement survivait au sein des con-cours, mais concentrait ses forces les plus importantes loin de l'institu-tion poétique; son protégé, le classicisme, à bout de souffle après dix ans de contre-attaques intensives, attirait de moins en moins l'admira-tion par ses productions littéraires et inspirait de plus en plus de scepti-cisme sur ses possibilités futures.

Les concours avaient vingt ans, et leur bilan ne prêtait pas à un grand optimisme. Une partie des poèmes glorifiés et couronnées par les jurys universitaires étaient déjà tombés dans l'oubli. Des poètes célè-bres, morts pendant cette période —Solomos (1857), Alexandre Sou-tsos (1863) ou Panayotis Soutsos (1868)— n'avaient jamais honoré l'institution poétique; Tertsétis avait fini par l'abandonner; Valaoritis ne lui devait rien de sa gloire2. Au moment où les jeunes poètes athé-niens les plus en vue se retiraient des concours les uns après les autres

1. Jugement de 1870, p. 111. 2. Autant que nous sachions, il n'a jamais participé aux concours, croyant ou

faisant semblant de croire que la langue populaire y était strictement interdite. Le 3 novembre 1877, il se plaignait dans une lettre à Roïdis: «Quelle pitié de ne ja-mais être admis aux concours poétiques...»: Παναθήναια 11 (1905-1906) 67. Quelques mois plus tard, dans une lettre à Queux de Saint-Hilaire (12 mai 1878), il consi-dérait encore, et non sans exagérer, la langue populaire comme exclue «de tous les concours poétiques»: Εστία 16 (1883) 420.

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et où les juges universitaires manifestaient de plus en plus leur lassi-tude, l'irruption massive des débutants et des amateurs n'était sûre-ment pas de nature à relever le prestige de l'institution poétique, pas plus que les couronnements annuels et monotones d'Antoniadis. Le problème de la langue était loin d'être réglé définitivement; il ressurgis-sait avec une nouvelle acuité, et Phatséas ne manquait pas, en 1870, de le porter à l'intérieur des concours, renouvelant l'exemple de Ter-tsétis.

Les jurys avaient à affronter désormais une situation difficile. La huitième décennie du siècle s'annonçait remplie d' obstacles à sur-monter.

4. 1871: Le record des 70.000 vers

Cependant, l'Université athénienne possédait des ressources iné-puisables aussi bien sur le plan des étudiants-concurrents que sur celui des professeurs-juges.

Le 23 mai 1871, un nouveau rapporteur, Georges Mistriotis (1840-1916), se présentait dans un jury qui avait comme président le recteur C. Voussakis et comme membres les professeurs St. Coumanoudis, Th. Aphentoulis et D. Sémitélos. C'était un jour mémorable: après la cérémonie poétique, E. Castorchis, rapporteur du concours de Rodo-canakis, allait annoncer la victoire de Nicolas Politis pour son étude Μελέτη επί του βίου των νεωτέρων Ελλήνων1.

Professeur de lettres classiques depuis 1868, Mistriotis avait déjà eu l'occasion de faire montre d'un caractère hargneux, lorsque, quelques mois plus tôt, il s'était désolidarisé publiquement du jury d'Ολύμπια qui avait couronné A. Vlachos pour sa comédie Γαμβρού πολιορκία2. Un peu plus tard, comme nous le verrons, son conflit avec C. Paparrigo-poulos allait devenir une haine durable à laquelle seule la mort de l'historien (1891) vint mettre fin. Mistriotis, tel que nous le connaissons dans sa maturité, à la fin du dix-neuvième et au début du vingtième siècle, est l'homme de la réaction pure et simple: archaïsant, sclérosé,

1. Παλιγγενεσία, 24 mai 1871. 2. Παλιγγενεσία, 4 décembre 1870 et 15 janvier 1871. A. Vlachos (Κωμωδίαι,

op. cit., pp. ιγ'-ιε') attaque violemment Mistriotis, tandis que E. Roïdis (Κριτικαί Μελέται, op. cit., pp. 19-21) et N. Cazazis (Παρθενών 1, 1871-72, 350) s'en prennent avec la même virulence au jeune professeur qui avait prétendu être le plus qualifié pour juger des poèmes.

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fanatique, ennemi du progrès. Ce n'était pas ce personnage qui s'adres-sait au public athénien le 23 mai 1871. C'était un jeune professeur de 31 ans, sûrement ambitieux, arrogant et d'une humeur difficile, mais en même temps ouvert aux idées nouvelles, conscient des vrais pro-blèmes qui se posaient à la poésie et à la société néo-helléniques, bref un homme à la hauteur de la situation. Assopios, Coumanoudis et Castorchis auraient reconnu en lui un allié: Mistriotis menait en 1871 le même combat désespéré que les autres représentants des Lumières con-tre la montée de l'esprit religieux, la réhabilitation de Byzance, l'unité à trois étapes, le romantisme irrationnel. Il se rapprochait de la réali-té, de l'esprit païen, de la chanson et de la langue populaires. «Son es-thétique n'était pas transcendantale; elle prenait sérieusement en con-sidération le facteur historique»1.

Dans la mesure où la production lyrique de 1871 ne justifiait pas l'enthousiasme, Mistriotis n'avait qu'à reprendre, pour la développer, la question posée par Orphanidis l'année précédente: pourquoi cette in-signifiance générale de la poésie lyrique? Le fait que la même insigni-fiance caractérisait également la poésie dramatique et épique n'avait, en fin de compte, pour le rapporteur de 1871, rien d'étonnant, puisque l'apparition de grands poètes dramatiques et épiques était strictement liée à des conditions précises (création de théâtres, développement de la vie sociale, sérieuses études d'art, longues absences à l'étranger, dé-penses) dont les concurrents grecs étaient privés. Le seul problème pré-occupant demeurait donc la poésie lyrique. On ne pouvait pas prétendre que celle-ci manquait de conditions favorables à son épanouissement: Canaris, symbole de l'héroïsme national, était encore vivant, et les Grecs éprouvaient un grand nombre de sentiments collectifs et individuels (enthousiasme patriotique, frustrations, mépris, colère, haine). «Les grands lyriques de l'antiquité qu' avaient-ils de plus comme source d'inspiration?»2. Le paysage grec, en outre, n'avait pas changé. Si, en dernière analyse, le cœur, notamment le cœur juvénile, était le seul facteur nécessaire à l'éclosion de la poésie lyrique, pourquoi celle-ci ne donnait-elle pas de fruits satisfaisants dans le cadre des concours où la jeunesse occupait une place prépondérante?

Pour Mistriotis, les causes de cette médiocrité lyrique étaient ob-jectives et subjectives à la fois; elles devaient être recherchées aussi

1. C. Th. Dimaras, «Γεώργιος Μιστριώτης»,, dans le journal Το Βήμα, 19 sep-tembre 1969 [ = N E 86 (1969) 1450].

2. Jugement de 1871, Athènes 1871, p. 11.

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bien «dans les circonstances» que dans le domaine des responsabilités personnelles. Tout d'abord, c'étaient ces «circonstances» objectives qui imposaient, sur le plan du recrutement des intellectuels, une sorte de sélection. Dans un pays pauvre et dominé par les besoins matériels, les jeunes les plus doués s'orientaient d'habitude vers des occupations lucratives, laissant ainsi le champ littéraire libre aux «cerveaux sté-riles». Ceux-ci, incapables de transcrire de vrais sentiments, ne fai-saient qu'en exprimer de faux, puisés «dans des livres écrits sous les climats mélancoliques du Nord», ce qui expliquait leur échec. «Il y a aussi, parmi nos poètes lyriques, ceux qui, essayant de philosopher, deviennent froids et glacés»1.

Mais ces explications lucides n'empêchaient pas Mistriotis de re-courir à un langage passionné pour prendre à partie «les vrais enfants de notre siècle pratique», les «matérialistes», qui étaient peu conscients du rôle de la poésie. «Un peuple sans poètes est une nuit sans étoiles, un peuple privé d'un grand ou d'un petit Homère est un ciel sans so-leil»2. Pour les Grecs, en particulier, la poésie constituait une «nécessité nationale»; depuis Orphée et Homère jusqu'à Rigas et Solomos, les poètes étaient «les plus grands bienfaiteurs de la nation hellénique». Quant à ceux qui s'indignaient devant la fadeur de la production poéti-que des concours, «ils ont oublié la grande loi de l'histoire littéraire, selon laquelle les grands poètes et écrivains apparaissent après une longue série de médiocrités». Pour le moment, il ne fallait donc pas se faire trop d'illusions. Car, «les grands poètes ne naissent pas comme Athéna par la tête de Zeus, mais ils sont des représentants du peuple dans lequel ils vivent; ils sont des foyers lumineux qui rassemblent les rayons d'esprit des générations précédentes et contemporaines pour en allumer le feu» 3.

C'est ainsi que, pessimiste et optimiste à la fois, la pensée de Mi-striotis abordait le problème de la poésie et de l'idéal déchu en termes historiques, ouvrant, en même temps, la voie à Roïdis et au fameux

1. Ibid., p. 12. Cette dernière allusion ne visait-elle pas particulièrement D. Paparrigopoulos?

2. Ibid., p. 5. Cette phrase de Mistriotis, citée élogieusement par les journaux athéniens, a provoqué une très violente réponse du journal Κεραυνός, 26 mai 1871: l'auteur de cette réponse insultait le rapporteur de 1871, considérait la poésie comme pernicieuse et immorale, et trouvait la source de la vérité dans la philosophie de Platon et dans les Evangiles.

3. Jugement de 1871, p. 6.

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débat de celui-ci avec Vlachos (1877). Le nom de Taine n'avait pas été prononcé une seule fois par le rapporteur de 18711. Mais la doctrine du «milieu» n'en était pas moins lue en filigrane dans son texte. Cette rencontre, plus ou moins concrète, avec la problématique du philosophe français relevait moins d'une «influence» à la mode que d'une prise de conscience certaine: il était déjà clair (et Orphanidis, l'année précédente, en donnait une autre preuve) que le marasme littéraire, en Grèce, n'était pas indépendant d'un certain «état général de l'esprit et de mœurs environnantes». Il s'agissait donc de rechercher les causes de ce marasme, ce qui amenait à l'étude de ses conditions et, en d'autres mots, à l'élimination du hasard.

Mais Mistriotis n'allait pas plus loin. Son esthétique, quoique axée sur l'histoire et sur la réalité, ne pouvait pas dépasser le cadre figé d'un classicisme universitaire en perte de vitesse. Ses développements sur les poèmes présentés au concours, aussi monotones que ceux des autres rapporteurs, ne témoignaient ni d'un goût littéraire ni d'un sens criti-que particuliers. Malgré tout, dans la mesure où, ouvert à la réalité, le rapporteur de 1871 n'évitait pas de donner une réponse aux véri-tables problèmes qui se posaient, il prenait la défense de la langue populaire d'une manière certainement nuancée et restrictive, mais tout de même catégorique et courageuse: «Etant donné que la poésie lyrique a pour but de faire vibrer les cordes du cœur, la langue du peuple est sans doute la touche la plus appropriée»2. Ce n'était pas une boutade sans importance. Alors que le peuple devenait un objet d'étude pas-sionnant, que Valaoritis s'imposait de plus en plus comme poète na-tional et que la langue démotique gagnait du terrain en poésie, certains universitaires, «οί περί τον Ασώπιον» en particulier, comprenaient déjà qu'une certaine alliance avec les vulgaristes était aussi nécessaire qu'inévitable pour sortir d'une situation difficile.

Cependant, dans le cadre des concours, le règlement de Rallis

1. Comme l 'a signalé C. Th. Dimaras à plusieurs reprises, l'«influence» subie par un auteur n'est pas toujours apparente dans son texte; au contraire, elle est très souvent soumise à un silence significatif. De ce point de vue, Mistriotis pourrait nous offrir un exemple. Ajoutons encore que Sp. Vassiliadis, bien qu'il cite Taine nommément et élogieusement par deux fois, en 1872 et 1873 (Αττικαί Νύκτες I, p. 7, et III, p. 370), ne semble pas avoir eu un contact plus profond avec la pensée du philosophe français.

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avait besoin de réformes urgentes. Les 45 poèmes envoyés en 1871 (70.000 vers!), battant tous les records précédents, rendaient probléma-tique leur examen par le jury. Les universitaires se montraient de moins en moins empressés d'assumer une tâche pareille. C'est ainsi que, devant une augmentation des participations galopante, le jury de 1871 décida, ainsi que l'avait proposé l'année précédente Orphanidis, de ré-partir désormais le concours entre les trois principaux genres de la poésie1. On espérait, tout au moins, que cette répartition allait diminuer le nombre de participations annuelles dans l'avenir.

Pour le moment, Mistriotis considérait les 45 œuvres de 1871 comme «à rejeter», «intéressantes» et «louables», et en citait tous les titres, par genre poétique, pour s'occuper seulement des plus importants. Voici un résumé de son rapport, commenté:

a. P o è m e s l y r i q u e s

1) Χαμαίμηλα 2) Ροδοδάφναι 3) Κυπάρισσοι 4) Σπινθήρες 5) Ιτέα 6) Λυρικά ποιήματα 7) Τερετίσματα 8) Νάρκισσος 9) Η 25 Μαρτίου 2

10) Εντυπώσεις 11) Θάμνοι 12) Ευφρόνη 13) Πρόχειρα. Principales qualités: mélancolie sincère, «passion élé-

giaque», «profondeur lyrique». 14) Μοιρολόγια : poésies en langue populaire. 15) Φαντασία και καρδία : le meilleur recueil lyrique du concours.

L'auteur fait montre de bon sens, de sensibilité et de modestie. Est cité le poème H άναχώρησις 3.

1. Ibid., pp. 6 et [57]; cf. R.R. de 1871, p. 55. Sur cette réforme, voir ici p. 48. 2. Il s'agissait peut-être du poème de D. Coromilas Η KE' Μαρτίου ΑΩKA',

publié à Athènes en 1871.

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Il s'agissait d'une œuvre de P. Matarangas1.

b. C o m é d i e s 16) Ο δι' απάτης γάμος

Il s'agissait d'une œuvre de Démétrios Ioannidis2. 17) Ποιητού βάσανα 18) H νεάνις του συρμού 19) Βερτόλδος : comédie «bizarre», appartenant au genre didacti-

que et dramatique à la fois. L'auteur, ayant pour objectif de proposer, par une série de comédies, un programme de réformes diverses, fustige, dans cette première œuvre, le goût du luxe dominant et demande le retour —impossible, pour le rapporteur— à la vie simple et sobre du passé. Vulgariste, par ailleurs, il prend la défense de la langue populaire avec ardeur. Mais ses personnages, quoique habitants du Péloponnèse, parlent le dialecte heptanésien. Son héros est irréel et «invraisemblable». L'ignorance de l'art dramatique est manifeste: l'action fait défaut, et les dialogues sont remplacés par des monologues interminables. Toute-fois, le poète a le sens de l'observation et dispose de qualités didacti-ques excellentes3.

Œuvre de A. Phatséas, la comédie en question (ο Βερτόλδος οικο-γενειάρχης) allait être publié bientôt, avec tout le dossier relatif à sa candidature au concours: lettres de l'auteur adressées aux juges de 1871, programme de réformes, réponse à Mistriotis, etc.4. C'était la première comédie d'une série que le poète, malade déjà (il mourra en 1872), n'a apparemment pas pu compléter5. Bertoldo, le héros de G.C. Croce qui avait connu un grand succès auprès du public populaire grec, servait maintenant à Phatséas de porte-parole: médecin à Tripolis, il défendait les valeurs saines et helléniques de la campagne, opposées aux mœurs étrangères et corrompues de la capitale.

1. Voir P. Matarangas, Φαντασία και καρδία, op. cit., pp. ζ'-η'. Le poème Η αναχώρησις est également publié dans Εθνική Βιβλιοθήκη 7 (1872) 80, et dans le

journal Ειρηνική, 28 avril 1872. 2. D. Ioannidis, T ο δι' απάτης συνοικέσιον, κωμωδία εις μέρη δύο, υπό— επιλοχίου

του ελληνικού πεζικού, Athènes 1871. 3. Jugement de 1871, pp. 16-21. 4. A. Phatséas, Ο Βερτόλδος, σειρά πολιτικών κωμωδιών, υπό—Καθηγητού,

Athènes 1871. 5. De cette série nous ne connaissons que la deuxième comédie, Ο Βερτόλδος

αστυνόμος Ασίνης, qui, comme nous le verrons, fut envoyée au concours de 1872.

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Au fond, Phatséas renouvelait à bien des égards l'exemple de Tertsé-tis: heptanésien, vulgariste, admirateur de Capodistria et fidèle à une royauté forte, populaire, orthodoxe et orientée vers la Russie plutôt que vers la France ou l'Angleterre, il ne partageait pas le mépris à l'égard de Byzance. «La nation grecque moderne n'est pas fondée sur l'antiquité mais sur les ruines de l'empire byzantin»1. Son zèle pour la langue popu-laire, «la langue de la comédie grecque», entrait dans le cadre d'une lutte menée contre une «société pourrie»: dans une lettre remarquable au rec-teur (27 décembre 1870), Phatséas demandait à l'Université l'acceptation de la «langue nationale» comme une mesure de première importance2. Du reste, il ne cachait pas l'amertume provoquée par le jugement porté sur sa comédie, un jugement qui n'était «ni juste, ni exact, ni sincère»3. Mistriotis était accusé d'avoir sous-estimé Βερτόλδος pour des raisons notamment linguistiques. Dans sa ferveur pour défendre sa cause, Phatséas se demandait peu si sa comédie, en tant que pièce de théâtre, était une véritable œuvre d'art ayant dépassé le stade primaire d'un didactisme brillant mais ennuyeux. Il paraissait ignorer le fait que les bonnes intentions et les bonnes causes ne suffisent pas, en littérature, lorsque que le souffle du créateur y est absent.

20) Ακανθοδέσμη : il s'agit d'un mime plutôt que d'une comédie. L'intrigue n'est pas bien développée. Les caractères sont parfois exagé-rés et invraisemblables. La langue est, en général, bonne.

21) του Διαβόλου ή κάλτσα : L'auteur «a le sens de l'humour, mais il présente des faiblesses quant à l'intrigue, à la langue et à la versifica-tion».

22) Τοκογλύφος : intrigue banale, manque de but. 23) H στιχομανία 24) Ο ψευδευγενής : catharsis morale, caractères bien peints. L'au-

teur puise ses images dans la réalité. Mais l'usage du dialecte de Kéra-sunde est malheureux4.

25) Οι δύο δικηγόροι : la meilleure comédie du concours. Imitateur d'Aristophane, le poète ne manque pas de talent et de force créatrice. Il raille les avocats dans une œuvre qui a une intrigue heureuse et des épisodes ingénieux et originaux5.

1. A. Phatséas, op. cit., p. 91. 2. Ibid., pp. 3-12. 3. Ibid., p. 86 sq. 4. Jugement de 1871, pp. 25-26. Le titre de cette comédie est cité comme Ο ψευ-

δευγενής (p. 8) et comme Ψευδογενής (p. 25). 5. Ibid., pp. 27-28.

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c. T r a g i - c o m é d i e s 26) Ηρακλής δούλος d. P a r o d i e s 27) Το μήλον της Έριδος e. T r a g é d i e s 28) Θρασύβουλος, ο ήρως του Δραγατσανίου 29) Αγιος Γεώργιος ο μεγαλομάρτυς 30) Ορέστης 31) Φιλόμηλος 32) Τιμολέων 33) Ιούνιος Βρούτος Il s'agissait d'une oeuvre de Jean G. Phranghias (1849-1929)1. 34) Δέων Χαμάρετος Il s'agissait d'une oeuvre de T. Ambélas2. 35) Αρμόδιος 36) Ευμένης 37) Πέτρος Γανδαλόνης ο Κρής : le seul drame qui est digne d'une

présentation plus détaillée. Un membre du jury attache une très grande importance à l'intrigue de ce poème, et considère celui-ci comme le meil-leur du concours. Mais toutes les parties ne sont pas bien travaillées. Les caractères, en général variés, ne sont pas tous réussis. L'auteur a une expérience scénique, mais il n'évite ni les lieux communs dans ses dialo-gues ni les fautes de versification 3.

Il s'agissait encore d'une oeuvre de T. Ambélas4.

f. P o è m e s é p i c o - l y r i q u e s 38) Ερως και τάφος

1. Elle sera de nouveau envoyée au concours de 1875. La participation de l'au-teur au concours de 1871 est confirmée par lui-même: Jean G. Phranghias, Ιούνιος Βρούτος, τραγωδία - εις πράξεις πέντε , Hermoupolis 1876, p. δ'.

2. Elle a pris plus tard le titre Ο πρίγκηψ του Μωρέως; voir Ν. I. Lascaris, Ιστορία του νεοελληνικού θεάτρου, op. cit., t. II, p. 142, et MEE 4 (1928) 338.

3. Jugement de 1871, pp. 28-30. Le titre de ce drame est cité comme Πέτρος Γανδανόλης ο Κρης (p. 8) et comme Πέτρος Γανδαλόνης (p. 28).

4. Ambélas (Νέρων, op. cit., quatrième page de la couverture) annonçait la prochaine publication de cette œuvre sous le titre: Πέτρος Γανδαλώνης· δράμα επαι-νεθέν εις τον ποιητικόν διαγωνισμόν. Mais il a dû renoncer à cette idée: la même œuvre allait être envoyée au concours de 1872 et publiée sous le titre Κρήτες και Βενετοί.

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39) Ο γοργός ιέραξ : œuvre dont l'auteur est un narrateur habile et plein d'imagination. Mais la langue est ici «forcée et obscure», en raison des rythmes mal choisis. «Si le lecteur réussit à comprendre le poète, il en tire plaisir plutôt que profit» 1.

Ce poète n'était autre que A.R. Rangabé2. A 62 ans, il ne dédai-gnait pas de se présenter, pour la deuxième fois depuis 1857, au con-cours qu'il avait si profondément marqué par son rôle dans le jury. Vou-lait-il ainsi exprimer, encore une fois, son respect pour l'institution poé-tique? Se proposait-il de renforcer le mouvement classique hésitant, par une œuvre qui renouvelait l'expérience et suivait la trace de Διονύσου πλούς (1864)? Ou bien ne pensait-il qu'à un couronnement facile à obtenir?

En tout état de cause, sa déception fut cuisante. Mistriotis contes-tait, au fond, la qualité suprême de la poésie de Rangabé: le choix des rythmes3. Ce choix, en fait, n'avait rien de nouveau, puisqu'il était presque le même que dans Διονύσου πλούς,

H φύσις η εαρινή δεν ήτο πλέον των θαυμάτων,

ουδ' οι γελώντες ουρανοί, ουδέ οι λόφ' οι φωτεινοί,

η γοητεία των βλεμμάτων

et c'est peut-être tout un esprit d'élégance formelle gratuite que voulait mettre en cause le rapporteur de 1871. A cet égard, sa remarque sur l'inutilité de Ο γοργός ιέραξ était significative. A.R. Rangabé versait en effet de plus en plus dans «l'art pour l'art»4, au moment précisément où, pour un homme comme Mistriotis, la poésie néo-hellénique avait plus que jamais besoin d'un retour au réel et au naturel.

40) Φαέθων : poème meilleur que le précédent. L'auteur développe

1. Jugement de 1871, p. 30. 2. Ο γοργός ιέραξ, publié d'abord anonymement dans le journal de Trieste

Ημέρα, est reproduit en entier dans Εθνική Βιβλιοθήκη 7 (1872) 76-79, 117-120 (avec une note de protestation contre le jugement du jury), dans Pap. NP., pp. 217-237, et dans A. R. Rangabé, Άπαντα τό φιλολογικά, t. II, Athènes 1874. Des ex-traits sont présentés dans Mat. Parn., pp. 972-978.

3. En 1888, C. Palamas exprimait toute son indignation pour ce verdict sin-gulier: «Rythmes mal choisis par qui? Par le poète qui fit montre de la plus grande eurythmie depuis que la Grèce est sortie du néant!»: Pal. Α., t. XV, p. 68.

4. Sur la réponse de Rangabé et sur un rapprochement de celui-ci avec Leconte de Lisle (Poèmes antiques), voir Mario Vitti, op. cit., pp. 412-414.

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le mythe de Phaéton «avec une tendresse et avec une grâce peu commu-nes». Son défaut principal: le mauvais choix des rythmes. De longs ex-traits du poème sont cités1.

Il s'agissait d'une œuvre de Jean Cambouroglou2. A 20 ans, le jeune poète continuait de chercher ses inspirations dans les lieux com-muns du néo-classicisme à la mode:

Φαέθων, τέκνον μου, οποία σε θλίβει σκέψις μελανή;

της λύπης σου τις η αίτια, βαθέως τι σε συγκινεί;

41) Το μήλον της Εριδος : poème traitant le mythe connu de la pomme de Discorde. L'auteur, semble-t-il, a entrepris de compléter les «Chants Cypriens» de Stasinos, sans toutefois réussir. Sa force descrip-tive est incontestable. Sa langue, bien que riche quant au vocabulaire, «est souvent risquée, obscure et incompréhensible». De longs extraits du poème sont cités3.

Oeuvre d'Aristomène Provélenghios4, ce poème, ainsi que Θησεύς (1870), versait dans l'archaïsme néo-classique le plus pur:

Ως ρόδου κάλυξ υποσχάζει ευώδη χείλη και αβρά

και η αυγή χρυσή, φαιδρά σταγόνας δρόσου τω ενστάζει,

ούτως της Κόπριδος ακμαίον

1. Jugement de 1871, pp. 31-36. 2. Jean Cambouroglou, Φαέθων, ποίημα —Athènes 1871. Des extraits du poème

sont publiés dans Coromilas, Καζαμίας 1872, pp. 164-168, et dans Mat. Parn., pp. 711-714. Deux comptes rendus élogieux paraissent dans Παλιγγενεσία, 25 octobre 1871 et dans Εθνική Βιβλιοθήκη 7 (1872) 31-32.

3. Jugement de 1871, pp. 36-43. 4. Aristomène I. Provélenghios, Το μήλον της Έριδος, ποίημα —Athènes 1871.

Un long extrait est reproduit dans Mat. Parn., pp. 952-959. Le parallèle établi par Mistriotis entre ce poème et les «Chants Cypriens» est vivement contesté dans un compte rendu anonyme: 'Εθνική Βιβλιοθήκη 7 (1872) 33. Signalons encore que, dans une lettre à l'auteur (Munich, 10 décembre 1878), L. Mavilis, admirateur du poème, critique la langue archaïsante de celui-ci: Άπαντα Λορέντσου Μαβίλη. Επιμέλεια Μα-ρίας Μαντουβάλου, t. II, ρ. 310.

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το κάλλος λάμπει κ' ερατόν κ' υπό των θελκτικών ανθέων

της ήβης της τερπνής σεπτόν.

g. P e t i t e s e t g r a n d e s é p o p é e s 42) Το Αρκάδιον 43) Η εκπολιορκηθείσα Κωνσταντινούπολις Il s'agissait d'une œuvre de Jean Margaritis1. 44) Σούλι : imitation de Zalocostas. Ce poème «devient obscur, alors

que la principale caractéristique de l'épopée et de toute poésie narrative est la clarté»2.

45) Ο Κατσαντώνης : longue épopée de 18.165 vers de quinze syl-labes sans rime. «C'est une description précise de l'époque des kleftes, une Iliade et une Odyssée à la fois, un véritable microcosme». L'auteur, un versificateur habile qui entreprend de chanter toute une période histori-que, atteint souvent la clarté des poètes épiques anciens. Mais son œuvre a des défauts sérieux: caractères mal peints, prosaïsme, langue parfois négligée et, surtout, manque d'unité. Dans ces conditions, étant donné que tous les poèmes du concours présentent des failles plus ou moins importantes, la majorité du jury décide de ne pas décerner le prix. Le premier accessit est attribué à Ο Κατσαντώνης, le second à Τό μήλον της Έριδος, Πέτρος Γανδαλόνης, Φαντασία και καρδία, Φαέθων et Ο γοργός ιέραξ3.

N'était-ce pas, de la part du jury de 1871, une façon d'opposer la quantité à la qualité? Parmi les 45 poèmes du concours, aucun n'était jugé digne du prix, tandis que Α. I. Antoniadis, auteur de Ο Κατσαν-τώνης4, n'avait qu'à se contenter, cette fois-ci, d'un premier accessit. Les 1.000 drachmes de Voutsinas servaient ainsi à l'achat d'un buste d'Alexandre Soutsos exécuté par le sculpteur de Smyrne Praxias5. L'Uni-versité d'Athènes rendait hommage à un poète mort. Mais il était signi-

1. Jean Margaritis, Η εκπολιορκηθείσα Κωνσταντινούπολις, ποίημα επικόν εις άσματα δέκα υπό —Athènes 1871.

2. Jugement de 1871, p. 43. Sur un poème du même titre envoyé au concours de 1859, voir ici p. 140.

3. Ibid., pp. 43-56. 4. Α. I. Antoniadis, ο Κατσαντώνης, εποποιία των αρματωλών, τυχούσα του πρώ-

του επαίνου εις τον ποιητικόν διαγωνισμόν του φιλογενούς Κ. Βουτσινά, τη 21 [sic] Μαΐου 1871, Athènes 1873.

5. R.R. de 1871, p. 55.

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significatif que ce dernier —contrairement à Zalocostas, honoré en 1859— ne devait aucunement ses lauriers aux concours universitaires.

Du reste, les accessits décernés en 1871 montraient clairement que les juges étaient aussi las d'une poésie lyrique morbide et insignifiante que d'une pléthore dramatique de plus en plus monotone et volumineuse1. Parmi les 10 comédies, aucune ne recevait de récompense. Parmi les 15 poèmes lyriques et les 10 tragédies, seules les œuvres de P. Matarangas et de T. Ambélas obtenaient un second accessit. Par contre, la poésie épique et épico-lyrique, proportionnellement peu représentée au con-cours, était la plus favorisée, vu les accessits offerts à Antoniadis, Pro-vélenghios, J. Cambouroglou et A.R. Rangabé. Etait-ce, en même temps, une incitation à l'envoi de poèmes épiques? De toute façon, le problème ne se posait plus, puisque la division du concours, en vigueur à partir de l'année suivante, était déjà décidée. Nous devons donc chercher, dans les récompenses offertes par le jury, son goût classique qui, durable et inaltérable, était toujours sensible aux imitations des auteurs anciens, au passé historique et mythologique, au purisme langagier et formel. Si Antoniadis se rapprochait de la chanson «kleftique» quant à la versi-fication et au sujet de son épopée, il n'en demeurait pas moins, ainsi que dans Κρητηΐς, un fervent disciple d'Homère,

Tον Κατσαντώνην των κλεφτών τον αρχηγόν θα ψάλω, όστις του έθνους ύψωσε σημαίαν εις την Πίνδον, προς της Ηπείρου πολεμών τον τύραννον απαύστως" πολλούς δ' εχθρούς εθέρισε με την κυρτήν ρομφαίαν, τους Έλληνας εις ατυχή προτρέψας ανταρσίαν

alors que les poésies de Provélenghios, de J. Cambouroglou et de A. R. Rangabé entraient dans la ligne droite du courant néo-classique qui, depuis dix ans, constituait le principal rempart contre le romantisme.

Mais le jury n'avait pas pour autant la tâche facile. Découragé par l'ensemble de la production poétique de 1871, il devait néanmoins faire preuve de prudence et de modération, en offrant quelques récompenses même conventionnelles. Son refus de décerner le prix —-surtout au mo-ment où les poèmes présentés atteignaient le nombre le plus élevé dans toute l'histoire des concours— ne risquait-il pas de mettre le feu aux

1. Il ne faut pas oublier que les œuvres dramatiques dépassaient largement les 500 vers requis dans le concours et qu'ils donnaient ainsi aux professeurs une peine supplémentaire.

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poudres et de soulever une nouvelle vague de protestations? Les mani-festations de mécontentement étaient toujours à craindre, et on avait tout lieu de s'attendre à ce que le verdict de 1871, malgré les concessions qu'il faisait aux concurrents, éveillât de nouveau les passions.

Il n'en fut rien cependant. La presse athénienne, dans son ensemble, ne chercha pas querelle au jury. Le refus du prix parut suffisamment justifié par la médiocrité des passages que le rapporteur avait cités abondamment. Le journal Εκλεκτική attaqua les concurrents de 1871 avec violence: «Dans le concours poétique, nous ne voyons qu'une bande vulgaire, car sa poésie est vulgaire... Quel style, mon Dieu! Quelles idées vilaines et banales! Quels vers!»1.

Somme toute, Mistriotis, porte-parole d'un jury sévère mais juste, ne scandalisa pas outre mesure. Il n'allait pas tarder, cependant, à se placer au centre d'une tempête qui ébranla l'Université en plein été 1871:

Début juillet, l'élection de E. Castorchis comme recteur, obtenue par 21 voix contre 20 portées sur C. Paparrigopoulos, était déjà un fait accompli, ratifié par le ministre de l'éducation nationale Pétimézas et annoncé par les journaux. Mais tout n'allait pas sans équivoque dans cette élection qui, réalisée difficilement —le vote initial n'avait donné à Castorchis que 19 voix—, permettait à C. Paparrigopoulos et à ses amis, notamment au rédacteur du journal Αιών Timoléon Philimon, de con-tester sa légitimité et de parler d'intrigues intolérables2.

C'est à ce moment-là que Mistriotis entre en scène: dans trois articles anonymes, il prend la défense de Castorchis et de Pétimézas, et lance une virulente attaque contre C. Paparrigopoulos et T. Philimon. «Histo-rien byzantin», son collègue est accusé de nourrir des ambitions absurdes, d'être un autodidacte qui n'a jamais fait d'études, d'écrire pour le grand public des livres dépourvus de toute valeur scientifique, de considérer bêtement «l'époque byzantine comme la plus précieuse de la nation hellénique», d'être, en plus ,un homme coupable de malversations3.

Philimon ne tarde pas à répondre à ces articles qu'il attribue à Castorchis, invitant en même temps l'accusateur anonyme à révéler son identité4. Mistriotis s'exécute de bonne grâce et reprend immédiatement

1. Εκλεκτική, 25 mai 1871; cf. les comptes rendus de Παλιγγενεσία, 24 mai 1871, Αναμόρφωσις, 27 mai 1871 et Εθνική Βιβλιοθήκη 6 (1871) 254-255.

2. Αιών, 28 juin, 5 et 15 juillet 1871. 3. Παλιγγενεσία, 9, 20 et 27 juillet 1871. 4. Αιών, 22 et 29 juillet 1871.

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ses accusations contre ses deux ennemis; il redouble bientôt d'indigna-tion car le rédacteur de Αιών, à bout d'arguments, l'a provoqué en duel — «survivance absurde du Moyen Age»— ainsi qu'avait fait, d'ailleurs, le fils de l'historien, le poète Démétrios Paparrigopoulos1. Entre-temps, le conflit se généralise. Le ministre Pétimézas répond à Philimon pour justifier l'élection de Castorchis2. C. Paparrigopoulos répond à Pétimé-zas et, un peu plus tard, à Mistriotis3. Ce qui est certain, c'est que l'ini-mitié entre les deux professeurs durera toute leur vie, jusqu'au mo-ment, tout au moins, où Mistriotis, recteur en 1891, sera obligé d'as-sister aux funérailles de C. Paparrigopoulos et d'honorer sa mémoire.

Mais, pour l'instant, le pouvoir universitaire de l'année 1871-1872 appartient à Castorchis et à ses amis. Dans un climat de nervosité et d'instabilité politique, les gouvernements se succèdent sans cesse; le troi-sième cabinet de 1871, celui de D. Voulgaris (décembre 1871-juillet 1872) doit se heurter sérieusement au problème des mines du Laurium4. Entre-temps, réorganisés par des mesures administratives, les concours s'apprêtent à entrer dans une phase nouvelle. Le règlement de Rallis, modifié, consacre la première année (1872) à la poésie dramatique. Les jurys, dans l'avenir, n'auront à se prononcer que sur des poèmes appar-tenant au même genre. Nous allons voir dans quelles conditions, sous les apparences d'un renouveau spectaculaire, le déclin des concours se concrétise et devient une réalité irréversible.

1. Παλιγγενεσία, 30 juillet et 12 août 1871. 2. Αιών, 15 juillet 1871. 3. A Ιών, 15 juillet et 2 août 1871. 4. Ces mines, exploitées depuis 1864 par une compagnie italo-française avec

laquelle les gouvernements grecs entrent en conflit, sont à l'origine d'une affaire retentissante (Λαυρεωτικά). C'est notamment sous le gouvernement d'Epaminondas Délighiorghis (juillet 1872-février 1874) que cette affaire prendra l'aspect d'un scan-dale, lorsque, trompés par des manœuvres démagogiques et mobilisés par l'espoir de s'enrichir, les Grecs se livreront massivement à des opérations boursières sans lendemain.

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Εντεύθεν ζωή βασιλεύ' αληθής και λήγει το κράτος του Μύθου

G. Vizyinos (1877)

Dès le début de la huitième décennie du siècle, un certain change-ment est perceptible dans la société néo-hellénique. En effet, ce que Orphanidis appellera en 1876 «fermentation sociale» commence déjà à se préciser au lendemain de la révolution crétoise (1866-1869): nous avons affaire à des mutations certaines qui s'accélèrent dans tous les domaines. La manifestation de nouveaux besoins, plus matériels et réalistes, est un indice caractéristique. Le développement économique entraîne le goût du réel, une ouverture à la vie et à ses plaisirs. Peu à peu, les sens l'emportent sur l'imagination. Le ton devient plus familier, les illusions moins acceptables.

De fait, les signes annonciateurs de transformations plus ou moins profondes dans la vie économique, politique et culturelle de la Grèce se multiplient pendant toute la décennie 1870-1880. «Epoque de transi-tion», selon l'expression de Roïdis, cette décennie semble destinée à préparer l'avenir en liquidant les obstacles les plus gênants du passé. C'est ainsi que le développement des forces productives comporte, en 1875, le dénouement heureux de la crise politique accentuée depuis 1868, et que le premier gouvernement de Ch. Tricoupis (1832-1896) annonce l'arrivée à la maturité d'une nouvelle bourgeoisie capable d'imposer sa volonté. C'est ainsi que les hommes de l'avenir devancent les hommes du passé, d'autant plus facilement que ces derniers sont souvent éliminés par une mort précoce.

Toutefois, à mesure que le processus de transformation se concré-tise, son dynamisme est lié aussi bien à des initiatives individuelles qu'à des formes d'organisation collective. Les Sociétés Littéraires, parmi les-

CHAPITRE III

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quelles la plus prestigieuse reste Παρνασσός (1865), se multiplient tant à Athènes (Βύρων, Ευαγγελισμός, Αθήναιον, Εταιρεία των φίλων του λαού, etc.) qu'ailleurs1. Animées par les jeunes, elles deviennent des institutions aptes à poursuivre leurs objectifs culturels et patriotiques dans un nouveau contexte historique et, ce qui nous intéresse davantage, à concurrencer les vieux modes de production littéraire, y compris les concours poétiques. Si la presse périodique athénienne se renouvelle au cours de la décennie 1870-1880, c'est sans doute grâce à-un ensemble de conditions qui favorisent le nouveau en éliminant l'ancien, mais aussi, plus particulièrement, grâce à l'action des Sociétés Littéraires. C'est ainsi que le vide créé par la disparition de Πανδώρα (1850-1872)2 est comblé par plusieurs nouvelles revues qui, éphémères ou durables, liées encore au passé ou orientées déjà vers l'avenir, deviennent l'expression vivante de cette «époque de transition»: Παρθενών (1871-1873), Αθήναιον (1872-1882), Μουσείον (1873-1874), Βύρων, (1874-1879), Εστία (1876-1895), Παρνασσός (1877-1895).

Dans la mesure ou le besoin d'un contact avec le réel et le naturel se précise, il est normal que le romantisme et le classicisme athéniens, en perte de vitesse, entrent dans une crise profonde. Car on ne doit plus demeurer dans l'abstraction, au moment où le présent impose de plus en plus ses droits. En ce sens, pour les universitaires les plus avancés, le problème n'est plus, comme durant la décennie précédente, de com-battre le romantisme excessif au nom d'un classicisme aussi archaïsant qu'abstrait, mais de rétablir, dans la mesure du possible, un nouveau rapport entre les mots et les choses, entre la poésie et la vie.

Ce nouveau rapport est maintenant favorisé aussi bien par les condi-tions locales que par certaines manifestations du rationalisme européen (empirisme, positivisme, doctrine de Taine etc.). L'étude du folklore, établie sur des bases scientifiques, a tout lieu d'obtenir la faveur univer-sitaire, ainsi que le montre, en 1871, le couronnement de Nicolas Poli-tis (Μελέτη έπί τον βίου των νεωτέρων Ελλήνων) dans le concours de

1. V. Gavriilidis, «Περί φιλολογικών ή ακαδημαϊκών συνεταιρισμών» Επτάλοφος, fasc. 1 (1869) 563-564; Albert Dumont, «Les Syllogues en Turquie», Annuaire de l'Association pour l'encouragement des études grecques en France 8 (1874) 527-538; Queux de Saint-Hilaire, «Des Syllogues grecs et du progrès des études littéraires dans la Crèce de nos jours, Ibid. 11 (1877) 286-322; Pierre A. Moraïtinis, La Grèce telle qu'elle est, Paris 1877, pp. 172-197.

2. Sur cette revue et sur la presse périodique de son époque, voir notamment: Apostolos Sachinis, Συμβολή στην Ιστορία των Πανδώρας και των παλιών περιοδικών, Athènes 1964.

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Rodocanakis. D'autre part, au moment où les intellectuels ioniens s'im-posent dans la vie littéraire de la capitale, la langue démotique, liée particulièrement aux chants populaires et à la poésie heptanésienne, gagne du terrain et occupe de nouveau le devant de la scène: N. Conémé-nos, Το ζήτημα της γλώσσας (1873), και πάλε περί γλώσσας (1875). Elle est officiellement honorée par l'Université d'Athènes: en 1872, le recteur E. Castorchis invite respectueusement Aristote Valaoritis à réciter un poème devant la statue du Patriarche Grégoire V, ce qui ne manque pas du susciter la colère de D. Vernardakis. En 1873, le rapporteur G. Mis-triotis, comme nous le verrons, n'hésite pas à couronner, pour la pre-mière fois dans l'histoire des concours, une œuvre écrite en langue popu-laire et à exprimer son admiration pour «le grand poète de Zante» Solo-mos. En 1877 encore, année même où André Lascaratos est invité à faire une conférence dans la Société Littéraire Παρνασσός, le concours de Voutsinas se termine sur le couronnement d'une œuvre «vulgaire».

Que se passe-t-il, au fond? Pourrions-nous, à la lumière de ces faits, attribuer aux universitaires athéniens des années 1870, en général, un esprit novateur qui l'emporte finalement par la force des choses? Ce serait mal apprécier les différences profondes, les particularités et les antagonismes persistants des personnes et des clans. Car si Castorchis et ses amis, au pouvoir en 1872-1873, trouvent l'occasion de faire entrer dans l'Université un air frais en démontrant ainsi, une fois de plus, leur sens du réel et du naturel, ils n'ont pas à fêter une victoire unanime et définitive: leurs adversaires sont toujours prêts à contre-attaquer, ainsi que le montre le retour de A. R. Rangabé dans le jury en 1874. Or l'écart entre les deux principaux groupes universitaires ne fait que grandir: là où, pour les uns, là luttecontre les excès romantiques impli-que une alliance avec les vulgaristes, un rapprochement avec la littéra-ture heptanésienne et, d'une façon plus générale, un retour au réel et au naturel, pour les autres l'idéal néo-classique abstrait, tel qu'il fut imposé au cours de la décennie précédente, demeure toujours l'arme unique, bien qu'elle soit usée et inefficace.

Mais ces divergence dépassent maintenant le cadre universitaire. A mesure que les concours poétiques, entrés dans leur phase finale, som-brent dans l'indifférence, l'autorité des professeurs en matière de poésie cesse d'être incontestée et sans partage. Cultivée pendant longtemps et presque exclusivement dans l'Université, la critique littéraire trouve déjà d'autres terrains d'expression: la presse athénienne, notamment les Sociétés-Littéraires. Cette critique a pourtant ses limites; elle doit ré-pondre, tout d'abord, aux mêmes questions que les jurys des professeurs.

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Si ses nouveux représentants ne sont pas directement liés aux grou-pes universitaires rivaux, ils n'en usent pas moins de la même problé-matique et en épousent les désaccords fondamentaux et les contradic-tions essentielles. Ange Vlachos, critique littéraire à partir de 1874, exalte les poètes athéniens de la génération précédente, comme s'il voulait, en même temps, défendre de toutes ses forces l'institution poétique en péril; conservateur, formaliste, partisan de la langue savante, il appartient à la même famille intellectuelle que A. R. Rangabé ou D. Vernardakis. Emmanuel Roïdis, disciple de C. Assopios, se situe dans le camp opposé. Rationaliste et progressiste, il est l'héritier de la tradi-tion des Lumières, celle qui est conservée jusqu'aux dernières années des concours par Mistriotis et Orphanidis pour déboucher sur la doctrine de Taine. S'il combat l'institution poétique mourante, c'est non seule-ment pour rejeter la littérature à laquelle elle a donné naissance, mais aussi pour annoncer la fin d'une époque révolue. A cet égard, son débat avec Vlachos, en 1877, est significatif. Bilan de la poésie néo-helléni-que et procès des concours, ce débat devient à la fois un épilogue et une préface, une fin et un début. Le changement ne s'annonce que dans la continuité: extra-universitaires, Roïdis et Vlachos peuvent transporter leur querelle dans la Société Littéraire Παρνασσός, mais ils ne cessent d'incarner les deux principaux courants qui ont marqué si longtemps la pensée et la critique universitaires. La lutte décisive est toujours celle qui oppose le rationalisme à l'abstraction métaphysique et transcendan-tale.

Entre-temps, dès le début des années 1870, les concours présentent tous les signes révélateurs d'une crise insurmontable. Abandonnés par les poètes les plus prestigieux, en rupture avec les nouveaux besoins d'une société en pleine évolution, vidés de leur substance au moment où le romantisme et le classicisme athéniens sont liquidés, incapables de se renouveler, de donner des résultats satisfaisants, de résister à la lassitude des professeurs et à la concurrence des Sociétés Littéraires, ils apparaissent de plus en plus comme une survivance inutile du passé. Leur prestige ne peut être rehaussé par les verdicts contradictoires et par les querelles persistantes des jurys. Leur autorité est irrémédiablement sapée par les attaques de leurs adversaires. En vain la réforme appliquée en 1872 s'annonce-t-elle comme un nouveau départ prometteur: ce n'est pas la répartition des genres poétiques qui peut remédier à un mal endémique et incurable. Le contact avec le réel enlève à la poésie une grande partie de son importance. L'agressivité, calmée, a de moins en moins besoin de joutes littéraires orageuses. C'est dans ces conditions

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que les concours s'éteignent définitinement en 1877, après avoir tra-versé une longue crise dont les pages suivantes retracent les étapes et les manifestations les plus essentielles.

1. 1872: Un concours dramatique médiocre

Le 7 mai 1872, dans la Grande Salle de l'Université, les Athéniens célébraient le concours poétique pour la vingtième fois. Ce n'était pas un jour comme les autres. Devant un jury composé de trois membres —E. Castorchis (président), Th. Aphentoulis (rapporteur) et G. Mistrio-tis— la cérémonie prenait un caractère particulièrement officiel: le fon-dateur Jean Voutsinas, venu d'Odessa, était présent, ainsi que le chef du gouvernement D. Voulgaris avec plusieurs de ses ministres, tandis que le public, nombreux et enthousiaste, ne ménageait pas ses applau-dissements1. On eût pu croire à un nouveau départ: le concours, réorga-nisé, commençait cette année-là par la poésie dramatique.

Aphentoulis n'hésita pas à donner à son rapport un ton de discours patriotique. Les ennemis de la Grèce, «tous ceux qui nous reprochent de ne pas être les descendants des Grecs anciens», reçurent d'emblée une réponse sévère. Leurs accusations, selon le rapporteur, étaient faciles à réfuter par l'existence des concours dans la Grèce moderne et par la survivance de la tragédie! Quant à l'avenir, il s'annonçait prometteur, grâce à la jeunesse. «A l'heure actuelle, Athènes semble de nouveau destinée à cultiver la poésie dramatique que nous honorons aujourd'hui»2.

Du reste, reprenant les formules de son prédécesseur, Aphentoulis ne manquait pas de montrer que l'importance du «milieu» était pour lui aussi évidente: «Selon l'avis général, la poésie est le miroir le plus fidèle des sentiments et des idées du peuple dans lequel elle est conçue et pratiquée»3. Seulement, son rôle n'était pas d'être un reflet passif. Sa mission restait toujours telle que l'avait définie Schiller: «montrer où, comment et vers quel but doit s'avancer la vie nationale»4.

Optimiste, en général, le ton du ropporteur âvait ce qu'il fallait pour apaiser les esprits, pour rassurer. A première vue, tout allait bien. Les concours entraient dans une nouvelle phase sous de favorables

1. Voir les comptes rendus dans les journaux Παλιγγενεσία, 8 mai 1872, et Ειρηνική, 9 mai 1872.

2. Jugement de 1872, Athènes 1872, p. 5. 3. Ibid., p. 7. 4. Ibid., p. 4.

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auspices. Leur répartition entre les trois genres poétiques s'avérait pour l'instant payante: les poèmes dramatiques présentés en 1872 ne dépas-saient pas le nombre de 28. Mais Aphentoulis allait encore plus loin. Une fois la réforme fondamentale réalisée, il demandait une spécialisa-tion plus poussée, étant donné que la compétition entre tragédies et comédies créait au jury les mêmes difficultés que si l'on avait à choisir entre une colonne ionique et une colonne dorique1.

Il ne lui restait, enfin, qu' à présenter les poèmes du concours. Mais deux d'entre eux, arrivés après les délais, étaient déjà exclus. Le jury ne s'était donc occupé que de 28 manuscrits: 13 comédies et 15 tragédies. Dans cet ensemble, 12 œuvres seulement (7 comédies et 5 tragédies) méritaient d'être jugées plus ou moins favorablement, et c'est d'elles seules que le rapporteur allait parler; les 16 autres, rejetées par le jury comme insignifiantes, étaient simplement mentionnées. Voici les observa-tions d'Aphentoulis, suivies de nos commentaires:

a. C o m é d i e s 1) Μικρομέγας 2) Ο κόμης Ρεπανάκης 3) Κόλακες 4) Κόρη κοτσάμπαση 5) Μισάνθρωπος 6) Ιδιοτροπία 7) Ο Βερτόλδος : comédie politique en neuf actes (2750 vers de

quinze syllabes). «Produit bizarre», cette comédie a pour but de stigma-tiser le luxe et l'abandon des mœurs traditionnelles. Elle est la deuxième de l'auteur (la première a déjà été jugée au concours). C'est la langue po-pulaire, celle des Heptanésiens notamment, qui est employée ici. Le poète semble avoir une riche expérience de la vie, mais il connaît mal l'art du théâtre et n'évite pas les maladresses scéniques2.

Il s'agissait de la deuxième comédie, encore inédite, d'Antoine Phatséas: Ο Βερτόλδος αστυνόμος Ασίνης. Accompagnée d'autres poésies inédites, cette comédie est contenue dans un manuscrit autographe de l'auteur, manuscrit qui se trouve aujourd'hui à l'Institut Néo-hellénique de la Sorbonne. Emile Legrand en avait préparé une copie, probable-ment en vue d'une publication.

8) Οι εργολάβοι των Αθηνών: comédie en cinq actes (2410 vers) qui raille les tendances amoureuses des Athéniens, ainsi que font, d'ailleurs,

1. Ibid., p. 7. 2. Ibid., pp. 10-13.

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la plupart des comédies du concours. Les défauts abondent: économie défectueuse, intrigue banale, monologues interminables, pédantisme1.

9) H κόρη της εποχής: comédie en trois actes. Elle rappelle les comédies de Térence et possède des qualités nombreuses: intrigue ingé-nieuse, bonne peinture des caractères, scènes comiques, etc. Mais le poète, hésitant entre la poésie lyrique et la poésie épique, n'a pas pu trouver son propre style. Sa langue, sa technique et sa versification ont des dé-fauts 2.

10) Ευσυνειδησία και ασυνειδησία : comédie en quatre actes (2200 vers) qui raille «presque toute la société athénienne», sans présenter des personnages positifs. Elle imite notamment les «Nuées» d'Aristo-phane. Ses principales faiblesses: construction défectueuse, prolixité, scènes invraisemblables, absence d'enseignement utile3.

Il s'agissait de la première œuvre présentée aux concours par D. Gr. Cambouroglou (1852-1942)4. Le jeune poète versait dans la facilité d'une description de mœurs superficielle et prosaïque:

Γαρούφαλε, σου είπα μία, δύο, τρεις, να μ' αγοράσης σάλι- από τας φωνάς

μ' επόνεσε το στήθος, έκλεισ' ο λαιμός. και μήπως τάχα έχω άδικον; ειπέ !

11) Η πολιτευόμενη: comédie en cinq actes (1550 vers de quinze syllabes et iambiques). Cette satire des femmes qui s'occupent de poli-tique a de nombreuses qualités: langue pure et régulière, versification réussie, dialogues excellents, dénouement naturel. Mais les caractères sont souvent invraisemblables".

12) Οι πολιτικοί: comédie en quatre actes (1970 vers), «un des meilleurs fruits du concours présent». L'auteur réussit dans l'ensemble, notamment dans la langue et la versification. Mais il manque d'expé-rience scénique. Il doit fréquenter le théâtre et lire Aristophane, Térence et Plaute6.

1. Ibid., pp. 13-16. 2. Ibid., pp. 16-22. 3. Ibid., pp. 22-30. 4. D. Or. Cambouroglou, Ευσυνειδησία και ασυνειδησία, κωμωδία εις μέρη τρία

υπό —Athènes 1873. Sur la participation de l'auteur au concours de 1872 et sur le couronnement de sa comédie par la Société Littéraire Βύρων, voir Camb.A., pp. 699, 887-889, 286-288.

5. Jugement de 1872, pp. 30-35. 6. Ibid., pp. 35-38.

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Il s'agissait d'une œuvre de C. Th. Lambadarios (f 1882) envoyée de nouveau, comme nous le verrons, au concours de 1875 sous le titre Ο πρωθυπουργός Σκουντούφλης.

13) Ο εραστής της γάστρας: comédie en deux actes (1341 vers), «une des meilleures œuvres du concours présent». Ses principales qualités: langue harmonieuse, bonne versification, bonne peinture des caractères, expérience scénique. Malgré quelques «invraisemblances», cette comédie est en général «réussie» et mérite d'être jouée au théâtre1.

Il s'agissait d'une œuvre du médecin Achille Iliadis, rédacteur du journal ΕΙρηνική.

b. T r a g é d i e s 14) Ευδοξία 15) Νικηφόρος Φωκάς 16) Ειδυλία 17) Μαύροι Γρενάδας 18) Ελβίρα Δόνα Σίλβα 19) Σεμέλη 20) Αντιόπη 21) Ιωάννης ο Καταλάνος Il s'agissait d'une œuvre du médecin Marinos Coutouvalis2. 22) Θεονόη 23) Θηβαΐς 24) Γρηγόριος ο Ε': tragédie en trois actes (1520 vers iambiques).

L'auteur a échoué dans l'économie de son œuvre: son héros, le Patriarche Grégoire V, est absent dans une série d'épisodes variés. Par ailleurs, le sultan Mahmoud II est présenté d'une façon peu conforme à la vérité historique3.

Il s'agissait d'une œuvre d'Anastase Diamantopoulos4. 25) Μιχαήλ Κομνηνός Β', δεσπότης της Ηπείρου: drame romantique

en cinq actes, écrit en vers iambiques et en prose. L'influence de Shake-

1. Ibid., pp. 38-44. 2. Marinos Coutouvalis, Ο άρχων του Ολύμπου Ιωάννης ο Καταλάνος, δράμα εις

μέρη πέντε, και Ανθύλλια, συλλογή λυρικών ποιήσεων, υπό —Athènes 1873. Un extrait de cette œuvre parut dans le journal Ειρηνική, 24 juin 1872.

3. Jugement de 1872, pp. 45-48. 4. L'auteur donna lecture de cette œuvre à la Société Littéraire Βύρων, le

28 mai 1872: P. I. Papaïoannou, Λογοδοσία των πεπραγμένων κατά το θερινόν εξά-μηνον του Δ' έτους εν τω Φιλολογικώ Συλλόγω Βύρωνι, Athènes 1873, ρ. 10.

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Shakespeare («Macbeth» et «Hamlet») est manifeste. L'auteur ne manque pas de sentiment et d'imagination, mais il ignore complètement la langue et l'économie dramatiques1.

Il s'agissait d'une oeuvre inédite et perdue d'Alexandre Moraïtidis (1850-1929)2.

26) Αριστόδημος: tragédie en cinq actes (1550 vers), qui imite, parfois de façon servile, la tragédie du même nom de Monti. Elle est écrite «avec beaucoup de force» et annonce un auteur dramatique ta-lentueux3.

27) Κρήτες και Βενετοί: drame en cinq actes, ayant obtenu un ac-cessit au concours de 1871 sous le titre Πέτρος Γανδαλόνης. Il est envoyé de nouveau, remanié. «Un des meilleurs du présent concours», cé drame a des caractères bien peints, une action rapide, un dénouement réussi. Malgré ses quelques longueurs, il mérite d'être joué au théâtre4.

Il s'agissait d'une œuvre de T. Ambélas5. 28) Άγις ο Ευδαμίδα: drame historique en cinq actes (vers iambi-

ques et anapestiques). En ce qui concerne le caractère de son héros., l'auteur reste fidèle à Plutarque («Vies parallèles»). Les qualités abondent: sujet bien choisi, économie réussie, péripéties variées, dénouement heu-reux. Mais les défauts ne manquent pas: redites, lieux communs, lon-gueurs. Cependant, le drame en question, un des meilleurs du concours, mérite avec les poèmes No 13 et 27 d'obtenir la première place. Or le jury partage le prix entre Άγις ο Ευδαμίδα et Ο εραστής της γάστρας, et décerne le premier et unique accessit du concours au drame Κρήτες και Βενετοί6.

L'auteur de Άγις ο Ευδαμίδα n'était autre qu'Antoine Antoniadis7, C'était lui qui partageait les 1000 drachmes et la couronne de laurier avec le médecin A. Iliadis. Ses trimètres iambiques au «dénouement

1. Jugement de 1872, pp. 48-50. 2. Jean N. Phrangoulas, Αλέξανδρος Μωραϊτίδης (1850-1929), Boston 1950, pp.

14 et 77. 3. Jugement de 1872, pp. 50-61. 4. Ibid., pp. 62-69. 5. T. Ambélas, Κρήτες και Βενετοί, δράμα εις μέρη τέσσαρα, διδαχθέν μεν το πρώ-

τον από της εν Σύρω σκηνής τω 1873, αναδημοσιευθέν δε εκ του περιοδικού συγγράμματος «Βύρωνος», Athènes 1879. Des extraits de ce drame sont publiés dans les revues Εθνική Βιβλιοθήκη 7 (1872) 120 et Παρθενών 2 (1872-1873) 863.

6. Jugement de 1872, pp. 69-78. 7. Α. I. Antoniadis, Άγις ο Ευδαμίδα, τραγωδία, ποιηθείσα μεν υπό—, Γυμνα-

σιάρχου εν Πειραιεί, βραβευθείσα δε εις τον ποιητικόν διαγωνισμόν του φιλογενούς Κ. Βουτσινά, εν έτει 1872, Athènes 1875.

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heureux» et au ton patriotique avaient de quoi satisfaire Aphentoulis:

Είθε δε μόνον ταύτα εις την Σπάρτην μας ωφέλιμα να γίνουν· είθε δίδαγμα

εις τους πολίτας μέγα τούτο ν' αποβή, ότι δεν πρέπει μεγαθύμους βασιλείς

να καταλίπουν μόνους, αν επιθυμούν πατρίδα πάλιν ν' αποκτήσουν ένδοξον1.

T. Ambélas, ayant remanié et présenté son drame pour la deuxième année consécutive, n'obtint rien de plus qu'un nouvel accessit. Son nom ne fut pas annoncé publiquement à la fin de la cérémonie. Lorsque, le même soir, Jean Voutsinas, qui avait offert aux deux lauréats la couron-ne et le prix, donna en leur honneur une réception à laquelle assistèrent les membres du jury et d'autres universitaires, Ambélas fut absent, et c'est Iliadis qui révéla son nom en portant un toast2. Assurément, l'au-teur de Κρήτες και Βενετοί avait tout lieu d'être furieux contre les juges et les lauréats de 1872.

Il ne tarda pas, semble-t-il, à passer à l'action avec un article signé Ξ.: les deux lauréats de 1872 y étaient traités de rimailleurs, les univer-sitaires accusés d'avoir expulsé des concours, par leurs verdicts ridicules, tous les poètes de valeur3. On devine la suite en pareil cas. Le journal Παλιγγενεσία prit immédiatement la défense des lauréats et du jury4. Iliadis insinua que le détracteur des concours Ξ. n'était autre que T. Ambélas, ce qui obligea celui-ci à envoyer une lettre au rédacteur de Ειρηνική pour protester de son innocence5. Mais les attaques contre les lauréats et les juges de 1872 furent reprises bientôt par le journal Ράβδος dans plusieurs commentaires signés X. Une réponse injurieuse d'Ilia-dis est caractéristique du degré de trivialité et de grossièreté auquel en arrivaient ces polémiques personnelles®.

Dans ces conditions, on le voit bien, le concours de 1872 ne fut pas de nature à innover ou à redresser le prestige d'une institution en dé-cadence. En vain Aphentoulis exprimait-il la satisfaction et l'optimisme

1. Ibid., p. 114. 2. Ειρηνική, 9 mai 1872. 3. Εθνικόν πνεύμα, 9 mai 1872. 4. Παλιγγενεσία, 12 mai 1872. Le même article est reproduit dans Ειρηνική, 13

mai 1872. 5. Ειρηνική, 11 et 13 mai 1872. 6. Ειρηνική, 23 mai 1872.

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des universitaires: «Le jury aperçoit avec plaisir que notre jeune poésie progresse...»1. En vain, réorgonisés sur le plan administratif, les con-cours cherchaient-ils à reprendre un nouveau souffle. Ni la qualité des poèmes dramatiques présentés en 1872, ni les appels pédants du rap-porteur à l'imitation des chefs-d'œuvre classiques ne justifiaient de grands espoirs. Déjà, on se faisait de moins en moins d'illusions sur l'avenir de l'institution poétique. En janvier 1872, un critique de Πανδώρα n'avait pas hésité à en annoncer la faillite: «Malheureusement, les con-cours poétiques ont complètement échoué à cause des juges et des poètes jugés»2.

Les universitaires ne pouvaient plus rester dans l'expectative. N'était-il pas grand temps de réactiver par un coup de fouet une marche en avant qui, quoi qu'en ait dit Aphentoulis, devenait de plus en plus nonchalante? L'occasion se présenta l'année suivante et, comme nous allons le voir, elle ne fut pas perdue.

2. 187-3: L'attaque de Mistriotis

Consacrée exclusivement à la poésie lyrique, la cérémonie de 1873 eut lieu le 13 mai3. Le jury n'avait jamais été aussi homogène: à la place du recteur C. Paparrigopoulos se trouvait le vice-recteur E. Castorchis, accompagné de G. Mistriotis (rapporteur) et de St. Coumanoudis. C'étaient ces trois seuls professeurs qui signaient le Jugement de 1873. Ab-sent pour la circonstance, l'historien, bien que recteur pour l'année 1872-1873, avait évité d'assumer la présidence du jury. Comment aurait-il pu collaborer avec ses ennemis? Depuis qu'en 1864, dans la tempête du concours annulé, Vernardakis avait disparu définitivement du jury, C. Paparrigopoulos n'avait jamais voulu y reprendre sa place. Mais il rendait ainsi un grand service à ses adversaires qui détenaient toujours l'initiative.

En effet, Mistriotis avait maintenant les mains libres. Epaulé par ses amis dans le jury, il pouvait passer à l'attaque sans hésiter. Il n' avait qu'à céder à ses impulsions: l'humeur batailleuse et le goût

1. Jugement de 1872, p. 79. 2. Πανδώρα 22 (1871-1872) 433-434. 3. Voir les comptes rendus dans les journaux Παλιγγενεσία, 14 mai 1873, et

Ειρηνική, 15 mai 1873. Deux candidats du concours, présents à la cérémonie, Ch. Anninos («Tα πρώτα, έτη του Ζαν Μωρεάς» Ή Μελέτη, No 4, avril 1911, p. 243 sq.) et D. Gr. Cambouroglou (Camb. Α., pp. 398-401), nous offrent des témoignages précieux. Tous deux, apparemment trompés par la date que porte le texte du rap-porteur, mentionnent comme jour de la cérémonie le 12 mai.

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de la polémique, voire du scandale, constituaient les caractéristiques es-sentielles de son tempérament.

C'est ainsi que, face à un nombre d'œuvres en progression par rap-port à l'année précédente —il y avait 35 poèmes envoyés en 1873— et, surtout, face à une production lyrique marquée, dans son ensemble, par le romantisme le plus morbide, l'exaspération de Mistriotis ne fut pas longue à éclater. Il ne s'agissait plus, pour le rapporteur de 1873, de ménager une poésie indéfendable en recourant à un langage diploma-tique dans l'intérêt des concours, mais d'user en plein de son franc-parler, quelles qu'en fussent les conséquenecs.

Il entra sans ambages dans le cœur du problème: si la poésie, et notamment la poésie lyrique, «est le baromètre par lequel nous pou-vons prévoir du moins le proche avenir de toute la nation..., les balbutie-ments de nos versificateurs sont de mauvais augure, et le baromètre du concours poétique annonce des tempêtes»1. La production lyrique de 1873, en général, sombrait dans une triste uniformité: «Partout mé-loncolie, partout larmes et gémissements, partout lamentations de gens désespérés»2. Ces larmes, loin d'être versées pour les malheurs de la patrie, étaient simplement «des larmes serviles de soupirants et de mal aimés», de sorte que presque toute la production lyrique de 1873 ap-paraissait comme une série d'«élégies amoureuses semblables à celles qui se sont développées dans les climats nordiques»3.

Que ce phénomène fût «inauthentique et affecté», ne faisait aucun doute pour Mistriotis. Mimnerme avait certes cultivé l'élégie amoureuse, mais ni lui ni les autres élégiaques grecs n'avaient empoisonné la vie «gaie et souriante» de leurs compatriotes. «La vraie poésie ne bouleverse pas, mais consolide la vie, renforce le corps, élève l'esprit et améliore l'homme»4. Il était donc déplorable que les petits-fils des héros de la Révolution de 1821 se montrent «rongés par les soucis et par le stupre». En tout état de cause, ils devaient prendre leurs responsabilités: s'ils poursuivaient leurs pleurnicheries amoureuses sans tenir compte des conseils du jury, ils trouveraient bientôt terminé «ce genre de compéti-tion»5.

La menace était claire et personne ne pouvait s'y méprendre. Le ton

1. Jugement de 1873, Athènes 1873, p. 5. 2. Ibid. 3. Ibid., p. 6. 4. Ibid., p. 8. 5. Ibid., p. 7.

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de Mistriotis rappelait celui de Coumanoudis et d'Assopios en 1857; il combinait la colère avec l'intransigeance. Mais si le rapporteur de 1873 continuait la bataille anti-romantique amorcée jadis et sans suc-cès par ses deux collègues, le contexte historique n'était plus le même. Entre 1857 et 1873, les concours avaient traversé la période la plus importante de leur histoire. Le romantisme, assumé par de nouvelles générations, faisait encore son chemin dans un vacarme de lamentations et d'excès. Le classicisme passait déjà des splendeurs aux misères. Quelle était, dans ces conditions, l'utilité d'une institution poétique en faillite? Mistriotis n'était pas le premier à menacer de mettre fin aux concours, mais il y avait maintenant lieu de prendre au sérieux ces menaces.

Pour le reste, il répétait sa performance de 1871. Deux ans plus tôt, comme nous l'avons vu, il avait donné des arguments à Roïdis. Maintenant il en donnait à Vlachos: «S'il est vrai que le poète lyrique ne se fait pas mais qu'il est poète de naissance, cela est surtout valable pour le poète lyrique. Et, comme presque tout dépend de l'inspiration, il n'est pas étonnant que les divergences les plus essentielles parmi les critiques se manifestent, avant tout, dans le domaine de la poésie lyri-que...»1.

Quant à la langue, Mistriotis préconisait l'utilisation de celle du peuple pendant une période transitoire. «La langue populaire est né-cessaire à la comédie et à la poésie lyrique jusqu'à ce que la langue des livres soit parlée dans les familles» 2. Par ailleurs, son admiration pour «le grand poète de Zante» s'exprimait sans ambiguïté. A propos d'un imitateur de Solomos, le rapporteur de 1873 ne manquait pas d'observer: «Les vols de cet aigle [Solomos] furent parfois audacieux et surprenants, mais son génie a été toujours suffisant pour lui épargner la chute. Par contre, son imitateur n'a pas évité le sort d'Icare, comme il arrive souvent aux imitateurs»3.

Combat ainti-romantique, ouverture à la lngue populaire et à la poésie heptanésienne, retour au naturel: on retrouve là les principaux objectifs du groupe de Castorchis. Homme des Lumières, Mistriotis luttait pour la même cause en 1873, avec toute la fougue de sa jeunesse. Il n'était pas encore devenu le fanatique défenseur de l'archaïsme et

1. Ibid., pp. 12-13. 2. Ibid., p. 54. Sur ce passage de Mistriotis, voir le pertinent commentaire de

C. Palamas: Pal. Α., t. VIII, pp. 21-22. 3. Jugement de 1873, p. 35.

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l'homme de la réaction la plus rétrograde. Il n'avait pas encore connu, à son tour, le sort d'Icare.

Voyons cependant les 35 poèmes lyriques de 1873, en gardant pour la fin les 8 plus importants, les seuls que le rapporteur ait jugés dignes d'une analyse détaillée:

1) Ασμάτια 2) Μήκωνες 3) Φιλία: drame, exclu du concours. 4) Πομφόλυγες 5) Μελαγχολίαι 6) H Χρυσαλλίς 7) Τα εμά, ήτοι oι στίχοι μου 8) Μέθη - Ανία 9) Θεοδώρα Κομνηνή. Δείγματα εικόνων: poème épico-lyrique, exclu

du concours. 10) Δάκρυα 11) Ελπίς και μνήμη 12) Η κιθάρα 13) Ανατολή Il s'agissait d'une œuvre de Ch. Anninos1. 14) Ύμνοι 15) Ta πρώτα μου ψελλίσματα 16) Χρώματα 17) Ο φιλελεύθερος 18) Νεκράνθεμα2

19) Βήματα 20) Διθύραμβος εις την 25 Μαρτίου 182Ρ 21) Επιγράμματα 22) Ποικίλα 23) Σατυρικά 24) Λυρικά ποιήματα 25) Ο Άδωνις: drame, exclu du concours. 26) Έρως και Χάρος πάντοτε δουλεύουνε δω κάτου: poème illisible,

exclu du concours.

1. Voir Ch. Anninos, T α πρώτα έτη του Ζαν Μωρεάς, op. cit., p. 243. 2. De ce recueil, le rapporteur cite le poème Αποστροφή comme exemple typi-

que de morbidité: Jugement de 1873, pp. 13-14. 3. Ce poème est commenté par Mistriotis parce que l'auteur fait un mauvais

usage du terme «dithyrambe»: Ibid., pp. 14-15.

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27) Αγρυπνίαι: recueil lyrique caractéristique de la production morbide. L'auteur présente tous les symptômes de la maladie romantique: mélancolie, bizarrerie, impiété1.

Il s'agissait d'une œuvre de Constantin N. Hiéroclis, publiée deux ans plus tard2. Dans sa petite préface, l'auteur ne manquait pas d'adres-ser une réponse ironique à Mistriotis et de prendre la défense du roman-tisme sous forme d'aphorismes philosophiques: «La pensée, qui est une recherche, et le sentiment, qui est un désir, contiennent obligatoirement la mélancolie, l'ennemi juré de nos professeurs» 3. Pour le reste, ses poé-sies, imitations des «Nuits» de Young, sombraient dans la banalité:

Μελανείμων η κτίσις υπνώττει, η σιγή πανταχού διαρρέει και η αύρα υπόψυχρος χέει

απαλήν και γλυκείαν πνοήν.

28) Φύλλα: le premier des 8 recueils les plus importants du con-cours. L'auteur, un jeune homme cultivé, connaît apparemment les poètes grecs anciens et tâche de les imiter (notamment Anacréon et Alcée). Sont cités comme réussis les poèmes Φάρμακον et Παρακέλευσις4.

29) Παλμοί και στόνοι: poésies de caractère élégiaque. L'auteur sem-ble consumé par l'amour. «Il a cependant de nobles sentiments, il s'élève contre les plaisirs matériels et il sait apprécier la beauté de la nature et la clarté du ciel hellénique». S'il manque d'originalité, il fait montre d'une versification remarquable. Sont cités les poèmes Ρεμβασμός, Πρό-σκλησις et Παράπονον5.

Il s'agissait d'une œuvre d'Emmanuel Stratoudakis (1854-1883)6.

1. Ibid., pp. 15-16. 2. Constantin N. Hiéroclis, Αγρυπνίαι, λυρικαί ποιήσεις υπό —Athènes 1875. 3. Ibid., p. [4], Il est à noter qu'en 1872, dans une conférence à la Société Lit-

téraire Παρνασσός, C. Hiéroclis prit violemment à partie les poètes romantiques grecs pour leurs imitations étrangères et pour leurs pleurnicheries: Άρα γε ανα-γεννήθημεν; Athènes 1872, p. 39. D. Gr. Cambouroglou, commentant le passage de Mistriotis sur Hiéroclis, exprime toute son admiration pour le rapporteur de 1873 «qui décrit aussi fidèlement un homme qu'il ne connaît pas»: Camb. Α., p. 399.

4. Jugement de 1873, pp. 17-21. Il s'agissait peut-être d'une œuvre de Nicolas Chatziscos (1850-1917).

5. Ibid., pp. 21-28. 6. Emmanuel C. Stratoudakis, T α Άπαντα. Εκδίδονται επιμελεία Ιωάννου Ν.

Στρατουδάκη, Le Caire s.d., pp. 9-37. —Sur l'auteur, voir Skokos, Ημερολόγιον 16 (1901) 65-67 et 26 (1911) 170.

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30) Λυρικαί ποιήσεις: poésies pleines d'images maritimes, œuvre d'un auteur «qui connaît bien la nature». Défaut principal: le poète passe souvent de la poésie lyrique à la poésie épique. Il chante sur un ton élégiaque et semble aspirer à une beauté idéale et inaccessible. Sont cités les poèmes Ο πόθος et Πλους Άρίονος1.

Il s'agissait d'une œuvre d'Aristomène Provélenghios2. 31) Φύλλα: poésies «en langue heptanésienne», imitations de Solo-

mos. Le poète «connaît la nature» et ne manque pas de sentiment. Ses gémissements ne sont pas le fait d'une «tête malade, mais d'un cœur qui souffre réellement». Sont cités les poèmes Τα δυο αστέρια et Ο τυμβω-ρύχος3.

Il s'agissait d'une œuvre de Constantin Xénos4. Céphalonien, l'au-teur honorait aussi bien la langue populaire que la poésie de Solomos:

Αθώα κι' άχολα σαν αγγελούδια σαν περιστέρια λευκά, λευκά"

ο ύπνος τ' άρπαξε με τα τραγούδια τα δυο τ' αδέρφια γλυκά, γλυκά.

32) Πατρίς - Νεότης : recueil lyrique en deux parties, dont «la seconde est plus réussie que la première». Principales caractéristiques: amour de la patrie, respect pour l'Antiquité, connaissance de la langue et de la métrique, imagination, passion lyrique. Mais le poète «suffoque souvent par trop de sentiments» et recourt sans raison à des mots ar-

1. Jugement de 1873, pp. 28-34. 2. D. Gr. Cambouroglou se trompe en attribuant cette œuvre à D. Paparrigo-

poulos ou à A. Vyzantios: Camb. Α., p. 399. Πλους Αρίονος est publié en partie dans la revue Βύρων 1 (1874) 473-475. Il s'agit, très probablement, de la même œuvre que l'auteur présenta sous le titre Αρίων, dix ans plus tard, à la Société Littéraire Παρνασσός: Παρνασσός 7 (1883) 987.

3. Jugement de 1873, pp. 34-41. 4. Ch. Anninos, op. cit., p. 245. Le poème Τα δυο αστέρια est reproduit en entier

dans Pap. NP., pp. 126-129. Nous signalons que D. Gr. Cambouroglou se trompe une fois de plus en attribuant le recueil Φύλλα à «un certain Livathinopoulos», auteur d'une satire' intitulée Ποίημα άξιον βραβεύσεως κατά Μιστριώτην: Camb. Α., pp. 399 et 510.

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archaïsants «qui contrarient le lecteur». Sont cités les poèmes Τό σκαμνί των έξετάσεων et Η εορτή επιτυχών εξετάσεων1. Oeuvre de Jean Cambouroglou, ce recueil lyrique allait être publié

la même année sans commentaires2. A 22 ans, le poète, qui participait aux concours pour la sixième fois depuis 1865, abondonnait le byronisme et le classicisme de ses poésies précédentes pour chanter gaiement la patrie et la vie estudiantine à la manière d'Anacréon:

Κενούτε φιάλας ροφάτε ονείρους

και πόθους απείρους κ' ελπίδα φαιδράν,

κενούτε και άλλας και άλλας ακόμα...

θολόν μόνον όμμα προσβλέπει χαράν3.

Etudiant à Göttingen depuis octobre 1872, il avait hésité initiale-ment à participer au concours de 1873, après avoir publié en partie une satire, Μούσα δραπέτις, qui ridiculisait les universitaires4. Il n'avait envoyé finalement son recueil Πατρίς - Νεότης que grâce aux exhorta-tions de son ami Nicolas Politis5. Mais son angoisse avait été grande dès le mois de février 1873, lorsqu'il avait appris que sa participation au con-cours n'était pas un secret à Athènes. La cérémonie du 13 mai vint renforcer son hostilité envers l'institution poétique. Humilié par le verdict de Mistriotis, il n'a plus jamais voulu briguer le prix de Voutsinas.

33) Έπεα πτερόεντα: recueil caractérisé par une vive imagination, par un style noble, par des images souvent originales. La versification est correcte. L'auteur connaît le monde ancien et n'aime pas les lamenta-tions. Sont favorablement commentés les poèmes Εις αρχαίον κάτοπτρον

1. Jugement de 1873, pp. 41-48. 2. Jean Cambouroglou, Πατρίς - Νεότης υπό—Athènes 1873. 3. Ibid., p. 58. 4. Παρθενών 2 (1872-1873) 1030-1032. 5. Nous devons ces renseignements à des lettres inédites (1870-1873) de J.

Cambouroglou à N. Politis mises à notre disposition par les professeurs Linos Politis et C. Th. Dimaras que nous remercions vivement. Nicolas Politis (1852-1921) était à ce moment-là le véritable rédacteur en chef de la revue Παρθενών. En août 1873, il sera remplacé à ce poste par Jean Papadiamantopoulos (1856-1910).

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της Κορίνθου, Το σχολείον του χωρίου, Προ της Ιωλκού et autres. Est cité en entier le poème Το όνειρον του πένητος1.

Il s'agissait de la dernière participation de S. N. Vassiliadis2. Un an avant sa mort, l'auteur de Εικόνες ne dédaignait pas de revenir, pour la troisième fois depuis 1865, aux concours que ses amis avaient aban-donnés depuis longtemps. Il s'était bien gardé de mécontenter les juges universitaires. Son recueil Έπεα πτερόεντα, dépourvu de tout esprit de révolte ou de provocation, montrait que Vassiliadis, assagi, passait du romantisme au néo-classicisme sans innover:

Πώς τόσην χάριν ν' απεικονίσω; Εντός ευσκίου στίλβης, οπίσω,

η Λήδα κλίνει στόμα και βλέφαρα, όλη έρως, κ' επί τα χείλη κύκνος ευπτέρως

φίλημα πίνει.

Mais, en 1873, le moment n'était pas opportun pour un retour en arrière. Car c'était ailleurs, et non pas dans le passéisme et dans l'ar-chaïsme, que Mistriotis et ses amis cherchaient une issue à l'impasse de la poésie athénienne.

34) Δάκρυα: sept poèmes écrits «en langue commune ou populaire», langue «qui autrefois était exclue du concours». L'auteur ignore l'ortho-graphe et la ponctuation; il manque de technique et de clarté. Malgré sa pauvreté d'idées et de sentiments, il fait montre d'une «nature poéti-que». Est cité le poème Ρόδον, κρίνον και νεάνις, «auquel la majorité du jury attache une grande importance»3.

Il s'agissait de l'œuvre d'un vieillard moribond, médecin à Thes-salonique, Chariton Gr. Papoulias (tl874)4. L'indulgence excessive de

1. Jugement de 1873, pp. 48-54. 2. Έπεα πτερόεντα est publié en entier dans Αττικαί Νύκτες II, pp. 165-210.

Certaines poésies sont reproduites dans Pap. Ν P., pp. 30-41, et Mat. Parn., pp. 459-464. La satire ο νεκρός et le poème Προ της Ιωλκού sont publiés dans la revue Παρθενών 3 (1873-1874) 26-28 et 110-111.

3. Jugement de 1873, pp. 54-65. 4. Ch. Gr. Papoulias, Δάκρυα, λυρική συλλογή - βραβευθείσα εις τον Βουτσιναίον

ποιητικόν αγώνα του 1873, Athènes 1873. L'allusion du poète

Πέταξα με την ευχή της, κ' έχασκε και μ' εκαρτέρει-

ξαναπέτάξα και πάλιν, και στη δεύτερη φορά την καλημερνώ γυρνώντας με την δάφνην εις το χέρι

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Mistriotis pour lui ne saurait tromper: de toute évidence, elle était dictée par la pitié et par la charité plutôt que par l'admiration.

35) H φωνή της καρδιάς μου: recueil lyrique qui contraste avec toute la production larmoyante de 1873. Son auteur «est épris de gâteaux et de jeunes filles, en d'autres termes il est un minuscule Anacréon et

Christopoulos des pâtisseries et des salles que fréquentent les jolies de-moiselles». Allègre, jovial, rieur et espiègle, il est complètement étranger à la morbidité de la plupart de ses rivaux. Sa langue, populaire, «n'est pas celle qui est parlée par les agriculteurs, par les bergers ou, en général, par les paysans, mais celle qui est en usage dans les familles des villes». Ses sentiments, sains et simples, ont une clarté dont aucun candidat du concours ne peut se vanter. Mais le langage ici devient parfois li-cencieux et la versification n'est pas toujours irréprochable. Sont cités les poèmes Έρως και γλυκύσματα, Tο αντιφάρμακον, Tο όνειρόν μου, Συμ-βιβασμός et Το κρεββάτι του κοριτσιού1.

Il s'agissait de la deuxième participation de D. Gr. Cambouroglou2.

Telle était, en résumé, la production lyrique de 1873, et Mistriotis, arrivé au terme de son exposé, entreprenait de jeter un dernier coup d'œil sur l'ensemble. Pourquoi cette inconsistance générale de la poésie lyrique? s'interrogeait-il, une fois de plus. Et sa réponse allait plutôt dans le sens de Vlachos que dans celui de Roïdis: «La responsabilité in-combe aux poètes plus qu'à l'époque. Ils ne se soucient pas d'étudier la nature, le tempérament humain, les circonstances et les sentiments du peuple, mais ils copient des livres exposant des sentiments d'autres pays et d'autres époques... Mais ce qui est désastreux avant tout, c'est la manie de croire que seuls les gémissements des mal aimés appartien-nent au domaine de la poésie lyrique»3.

nous permet de conclure que Papoulias participait au concours de Voutsinas pour la deuxième fois. Sur ses poésies maladroites, voir le commentaire ironique de la revue Εθνική Βιβλιοθήκη 7( 1873) 480 et celui de Ch. Anninos, op. cit., p. 247. Signa-lons que, en juillet 1874, Georges Souris annonçait dans une lettre l.a mort de «son ami» Ch. Papoulias avec émotion: Criton G. Souris, Ο Γ. Σουρής και η εποχή του, Athènes 1949, ρ. 13.

1. Jugement de 1873, pp. 65-76. 2. D. Gr. Cambouroglou, Η φωνή της καρδιάς μου, λυρική συλλογή— βραβευθείσα

εις τον Βουτσιναίον ποιητικόν αγώνα του 1873, Athènes 1873. Les poèmes Έρως και Γραμματική (= Το αντιφάρμακον) et Το κρεββάτι του κοριτσιού sont reproduits dans Mat. Parn., pp. 715-718. Tout le recueil de D. Gr. Cambouroglou est publié dans C. Th. Dimaras, Ποιηταί του ΙΘ' αιώνος, op.-cit., pp. 287-294.

3. Jugement de 1873, p. 76.

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Dans ces conditions, continuait le rapporteur de 1873, aucun poète ne méritait d'être couronné. Mais le jury ne voulait pas décourager les concurrents. Aussi décidait-il de partager le prix et la couronne entre l'auteur de H φωνή της καρδιάς μου et celui de Δάκρυα, à condition que le premier, avant de publier ses vers, enlevât toute expression portant atteinte aux bonnes mœurs et que le second corrigeât son orthographe et sa ponctuation. Le premier accessit était décerné à l'auteur de Έπεα πτερόεντα, le second à celui de Πατρίς - Νεότης1.

La bombe de Mistriotis était lancée. Un étudiant de 21 ans, de petite taille, D. Gr. Cambouroglou, se présentait bientôt seul —Ch. Papoulias n'assistait pas à la cérémonie— pour recevoir la couronne et les 500 drachmes. C'était lui qui avait changé soudain l'atmosphère de la Grande Salle de l'Université et, dans une grande mesure, celle des con-cours. Ses vers, récités par le rapporteur, avaient suscité l'enthousiasme du public:

Δυο μόνον αγαπώ σ' αυτόν τον κόσμο, έρωτα, φίλοι

μου, και γλυκά, γι' αυτά θα ζήσω, γι' αυτά πεθαίνω, τάλλα για μένα

μηδενικά.

Ses rimes, dirait-on, bafouaient la conception de toute une époque sur la poésie:

Μπαίνω στην άλλη κάμαρα... ένα σωρό κορίτσια, βαστούσαν εις τα χέρια τους τι σβίγκους, τι παστίτσια2.

Porté chez lui en triomphe, acclamé et vilipendé par les journaux athéniens, D. Gr. Cambouroglou devenait en quelques jours un poète

1. Ibid., pp. 77-78. 2. D. Gr. Cambouroglou, op. cit., p. 24. «Sauf si vous préférez vraiment les

κορίτσια et παστίτσια», écrit Jean Cambouroglou, plein d'amertume, dans une lettre inédite à N. Politis (Berlin, 17 juin 1873). Et neuf ans plus tard, D. Vernardakis est encore choqué par ces vers: «Une poésie véritablement nationale est impossible au-jourd'hui en Grèce, sinon celle qui est inspirée par le ventre... et fait ses rimes de κορίτσια et de παστίτσια»: Ευφροσύνη, Athènes 1882, p. ιδ'.

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connu. L'adolescent Costis Palamas, venu à Athènes avec un groupe de jeunes provinciaux, ne manquait pas d'aller le voir de loin1. Mais était-ce grâce a sa seule originalité que le lauréat de 1873 soulevait tant d'admirations et tant de rancunes?

En réalité, il n'apportait à la poésie néo-hellénique aucun frisson nouveau. Depuis Christopoulos et les poètes phanariotes, Anacréon n'était un inconnu ni pour la poésie athénienne en général, ni pour la poésie des concours en particulier. Des poètes tels que A. R. Rangabé ou Vlachos avaient souvent recouru à une expression plus ou moins anacréontique. Les poètes romantiques avaient fait de même. En 1860, au début de sa carrière, A. Paraschos avait chanté l'amour et le vin plus d'une fois:

Αχ, όποιος δίνει φιλί, και πίνει,

τον κόσμο τούτον δεν τον μισεί"

έρωτα μόνο ποθεί με πόνο, λίγους συντρόφους, πολύ κρασί2.

D. Paparrigopoulos, d'habitude sobre et sombre, n'avait pas ignoré Anacréon3, pas plus que son ami Vassiliadis:

Ερρέτω γερόντων η φιλοσοφία, ερρέτω μελέτη και βάθος σπουδής !

Αλήθεια μόνη — γυνή ευειδής ! Τα άλλα βλακεία4.

En 1873 encore, certains poètes participant au concours versaient visible-ment dans les lieux communs anacréontiques.

Ce n'était donc pas D. Gr. Cambouroglou, retournant à Christo-poulos et remplaçant le vin par les gâteaux, qui changeait le cours de la poésie athénienne, mais c'était Mistriotis et ses amis qui, pour con-damner définitivement un romantisme de plus en plus larmoyant et

1. Camb. Α., p. 511. 2. A. Paraschos, Ποιήματα, t. III, p. 281; cf. pp. 278-279. 3. Voir ici p. 232. 4. S. N. Vassiliadis, Αττικαί Νύκτες II, p. 273.

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morbide, ouvraient soudain la porte à la vie quotidienne, à la joie, au réalisme et, surtout, à la langue populaire. Celle-ci n'avait jamais connu jusqu'à ce moment-là l'honneur d'un prix dans les concours athéniens. Frappée d'ostracisme pendant toute la période de Rallis, acceptée ensuite mais pratiquement étouffée par le classicisme mon-tant de la décennie 1860-1870, elle n'avait pu jouer qu'un rôle marginal. Il avait fallu le changement de tout un ensemble de conditions pour qu'elle passât au premier plan, autour des années 1870. C'est en ce sens que Mistriotis complétait le geste de Castorchis: il honorait solen-nellement la langue populaire, ainsi qu'avait fait le recteur de 1872 en invitant A. Valaoritis à l'Université.

Toutefois, les adversaires et les partisans du verdict de 1873 al-laient livrer bataille sur un plan plus prosaïque. D. Gr. Cambouroglou nous en parle suffisamment 1. De virulentes polémiques personnelles dans la presse, des protestations et des attaques contre Mistriotis et les lauréats du concours, des parodies et des satires firent suite à la cérémonie du 13 mai. Même quand le ton de la critique était un peu plus élevé et que les qualités de H φωνή της καρδιάς μου étaient acceptées et reconnues, la justification du prix de 1873 ne venait pas toujours automatiquement. Un critique plutôt favorable à D. Gr. Cambouroglou n'hésitait pourtant pas à soutenir qu'il ne fallait pas couronner «de telles œuvres naïves et légères, dans lesquelles la vraie et grande poésie a peu de place»2. Toute une époque qui avait recherché la création dans la grandilo-quence, dans l'artificiel, l'irréel et l'anti-naturel, avait ainsi laissé des traces profondes. On ne pouvait atterrir sans heurts sur le sol de la réalité. La bombe de Mistriotis faisait un grand éclat.

Naturellement, les premiers à être exaspérés par le verdict de 1873 étaient les concurrents eux-mêmes: tout d'abord, Jean Cambouroglou et Vassiliadis3, qui n'avaient obtenu rien de plus qu'un accessit, ensuite les nouveaux poètes romantiques, qui avaient été vilipendés ou ignorés par Mistriotis. Ces derniers, rassemblés en grande partie autour de Jean Papadiamantopoulos (alias Jean Moréas), formaient un groupe de jeunes étudiants amis4. Nous connaissons leurs noms: Ch. Anninos, Constantin

1. Camb. Α., pp. 510-513; cf. Ch. Anninos, op. cit., pp. 247-248. 2. Εθνική Βιβλιοθήκη 7 (1873) 480; cf. p. 437. 3. Jean Cambouroglou exprime son amertume dans deux lettres inédites à N.

Politis (17 juin et 8 août 1873). La colère de Vassiliadis est attestée par D. Gr. Cam-bouroglou: Camb. Α., p. 511.

4. Ch. Anninos, op. cit., pp. 154 et 243 sq.

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Xénos, Eugène Zalocostas, Timoléon Iliopoulos, Nicolas Chatziscos. Nous ne savons par contre pas —Ch. Anninos et C. Xénos exceptés— avec quel recueil lyrique chacun a participé au concours. Dans le dé-sastre général de ce groupe, seules les poésies de C. Xénos (Φύλλα) ont eu la chance d'être appréciées et commentées par le rapporteur. Toutes les autres, passées sous silence, ne faisaient qu'allonger la liste des ti-tres «insignifiants» du concours1.

Ce qui est certain, c'est que ce groupe romantique condamné par Mistriotis n'a pas tardé à faire massivement son apparition dans une anthologie (Νέος Παρνασσός, Athènes 1873) qui, publiée anonymement, avait en réalité comme auteur Jean Papadiamantopoulos. N'était-ce pas, pour celui-ci et ses amis, «une sorte de protestation et de com-pensation»2? Dans sa préface, l'éditeur évitait toute polémique; il dé-clarait seulement son intention de présenter «un miroir de la poésie lyrique en Grèce, notamment au cours de ces dernières années»3. Mais ce «miroir» était significatif. Parmi les poètes qui avaient déjà occupé «une place non négligeable» dans la littérature contemporaine figuraient A. Valaoritis, D. Paparrigopoulos, A. Vlachos, A. Vyzantios, S. N. Vas-siliadis, Cléon Rangabé, A. Paraschos, N. Cazazis et P. Matarangas. Les poètes D. Valavanis, G. Paraschos, ainsi que les Heptanésiens G. Mavroyannis et J. Typaldos, faisaient partie des auteurs choisis. Le long poème de A. R. Rangabé Ο γοργός ιέραξ —poème sévèrement criti-qué par Mistriotis en 1871— était reproduit en entier et qualifié d'«oeuvre toute jeune». Enfin, les espoirs de la poésie grecque étaient A. Prové-lenghios, Sp. Lambros, T. Ambélas, Ch. Anninos, Jean Papadiamanto-poulos, C. Xénos, N. Chatziscos, E. Zalocostas, Jean Cambouroglou et T. Iliopoulos. Il n'y avait pas de place pour D. Gr. Cambouroglou.

Mais Jean Papadiamantopoulos avait beau figurer, à 17 ans, comme le chef de file d'une nouvelle génération romantique qui allait succéder à celle de D. Paparrigipoulos pour en perpétuer les plaintes:

Τι είσθε σεις, ω άγνωστοι νεκροί, την ευτυχίαν

1. Ch. Anninos ne se rappelait pas, en 1911, sous quels titres Jean Papadiaman-topoulos et ses autres amis avaient envoyé leurs poèmes au concours de 1873: Ibid., pp. 243-244.

2. Ibid., p. 248. Sur la participation de Jean Papadiamantopoulos et de ses amis au concours de 1873, ainsi que sur la publication de l'anthologie Νέος Παρνασ-σός, voir maintenant Robert A. Jouanny, Jean Moréas écrivain grec, Paris 1975, pp. 92-107.

3. Pap. NP., p. [α'].

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εδέχθητε ως έπαθλον των επί γης αγώνων, ή μη ωχροί κατάδικοι, με πάσχουσαν καρδίαν, εδώ ανεζητήσατε ανάπαυλαν των πόνων;1

Il n'avait pas à jouer un rôle décisif dans la poésie néo-hellénique future, pas plus que ses amis qui débutaient pendant la crise la plus aiguë du romantisme athénien. Celui-ci recevait, en 1873, des coups qui ne ve-nait pas de la seule Université. Au moment où l'affaire du Laurium oc-cupait le devant de la scène et où tout Athènes achetait des actions et vivait dans la fièvre du profit, la poésie larmoyante trouvait de moins en moins d'écho favorable. Une revue de l'époque s'indignait: «La matière, après avoir évincé complètement l'esprit —là où celui-ci exis-tait encore—, entraîne sur sa voie toutes les classes de la société et tous les milieux intellectuels. Le chantre aveugle d'Ilion, le chirurgien du cœur humain Shakespeare, Sue et Dumas ont été écartés. Des poètes tels que Soutsos et Zalocostas ont été oubliés, l'anfant souriant d'Aphro-dite a été expulsé, et un seul mot sort de la bouche de tous, électrise les esprits et ouvre les yeux, le mot a r g e n t » 2 .

Par ailleurs, le hasard complétait l'œuvre de la nécessité. En mars 1873, D. Paparrigopoulos et Jean Carassoutsas étaient enterrés le même jour; dix-huit mois plus tard, la dépouille mortelle de S. N. Vassiliadis allait être transportée de Paris à Athènes. Ainsi, condamné par les uni-versitaires, étranger de plus en plus à une société qui aspirait à la vie et au bien être, frappé par la mort qui éliminait ses principaux re-présentants, le romantisme athénien entrait déjà en agonie. Comment serait rempli le vide qu'il allait laisser? D. Gr. Cambouroglou, allègre et désinvolte, avait montré la voie de l'avenir: c'était celle de la conciliation

1. Pap. NP., p. 143. Signalons que certains poèmes de J. Papadiamantopoulos publiés dans son anthologie se retrouvent, remaniés, dans son recueil Τρυγόνες και έχιδναι, Athènes 1878 [=C. Th. Dimaras, Ποιηταί του I Θ' αιώνος, pp. 295-318]. Il est donc possible que les mêmes poèmes aient été envoyés au concours de 1873. Sur cette question, voir les éclaircissements apportés par Robert A. Jouanny, op. cit., pp. 151-152.

2. Εθνική Βιβλιοθήκη 7 (1873) 436. Nous retrouvons ici le thème de l'idéal déchu qui nourrit, en grande partie, les protestations romantiques. S. N. Vassiliadis est un des principaux dénonciateurs de ce «matérialisme sordide» engendré par l'affaire du Laurium. Ce qui ne l'empêche pas, bien entendu, d'acheter des actions dans le café athénien «La Belle Grèce» et d'avouer à Ch. Anninos: «Maintenant, .c'est le moment de nous enrichir, nous aussi!: Ch. Anninos, Βασιλειάδης, Παπαρρηγόπουλος, op. cit., p. 18.

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tion avec le présent, du réalisme, de la joie de vivre, ce la langue parlée· Mais A. R. Rangabé était toujours là et veillait jalousement à ce que l'édifice qu'il avait contribué à construire demeurât solide et sans fis-sures.

3. 1874: Le retour de A. R. Rangabé

Car, l'homme qui avait marqué toute la période du concours de Rallis, qui avait couronné G. Stavridis en 1860 et A. Vyzantios en 1862, qui avait fait sa dernière apparition comme juge en 1867 et comme concurrent en 1871, réapparaissait soudain en 1874 pour assumer, une fois de plus, le rôle de rapporteur dans un jury présidé par le recteur G. Makkas et composé par Th. Aphentoulis et Th. Orphanidis. En réa-lité, ce retour de Rangabé n'allait pas sans surprises. Pour la première fois lors de la cérémonie du 5 mai 1874, un rapporteur ne donnait pas lecture du texte qu'il avait rédigé. Parti précipitamment pour l'Egypte auprès de son fils mourant, Rangabé laissait le soin de cette lecture publique à Aphentoulis, et celui-ci ne manquait pas, avant de commencer, d'adresser quelques mots de sympathie à son collègue éprouvé par le malheur.

Nous ne savons pas dans quelle mesure les soucis familiaux du rapporteur de 1874 ont été pour quelque chose dans sa hâte à bâcler un texte court et morose. En tout état de cause, Rangabé ne devait pas avoir cette fois la tâche facile. La présence de son vieil ennemi Or-phanidis dans le jury n'était sûrement pas réconfortante, pas plus que celle d'Aphentoulis, au tempérament très étranger au sien1. Mais le désenchantement du rapporteur, le ton désabusé qui traverse une grande partie de son texte, venait aussi bien de l'état de l'institution poétique, en général, que de la qualité des poèmes présentés en particulier. On ne vivait plus à l'époque de Rallis, et Rangabé était trop intelligent pour ne pas l'avoir compris. Les concours avaient dégénéré peu à peu; ils s'étaient transformés en une arène littéraire où s'affrontaient bruyam-ment les ambitions de dizaines de jeunes débutants. Depuis deux ans, les choses avaient pris un nouveau tournant: le groupe de Castorchis avait invité Valaoritis à l'Université et décerné le prix à un recueil

1. Dans son rapport, Rangabé indique que ses collègues n'ont pas toujours porté le même jugement sur les poèmes présentés. Dans ses Mémoires, à propos du poète couronné, il affirme avoir imposé son opinion, «bien que le jury n'ait pas man-qué d'objections»: Απομνημονεύματα, t. IV, pp. 98-99.

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écrit en langue populaire. Décidément, Rangabé avait des raisons d'être morose.

Toutefois, la déception qu'il exprimait provenait autant de la médiocrité de la production poétique que du fonctionnement défectueux des concours eux-mêmes. Tout d'abord, les poèmes envoyés en 1874 étaient loin d'être satisfaisants dans l'ensemble: «s'ils se présentent comme des fleurs du mont Parnasse, ils font en réalité partie de ses plantes parasites que les cultivateurs des Muses doivent plutôt arracher»1. Ensuite, les concours étaient privés d'une législation rigoureuse, capa-ble de garantir leur bon fonctionnement. Or, faute de méthode, les juges ne faisaient que s'acquitter de leur charge de façon fort variable et arbitraire. La langue populaire était tantôt exclue, tantôt acceptée. Le concours qui, au début, était ouvert à tous les poètes, fut par la suite fermé aux poètes-professeurs. Résultat: «le nombre des concur-rents augmente, alors que la qualité baisse»2. Quant aux rapports des jurys, ils présentaient, eux aussi, une diversité répréhensible: tantôt ils rendaient compte de toutes les œuvres du concours, tantôt des plus importantes seulement. Rangabé, lui, préférait suivre une voie inter-médiaire3.

Mais, avant de passer à l'examen des poèmes envoyés, il allait s'attarder, une fois de plus, à développer ses sujets préférés: la langue, la versification, la connaissance de l'art poétique, l'inspiration. Essentiel-lement, il n'avait rien de nouveau à dire. Depuis des années, ses rap-ports reprenaient plus ou moins les mêmes thèmes. Cette fois-ci pour-tant il citait des noms caractéristiques. S'il conseillait à nouveau l'ap-prentissage de la grammaire, il n'oubliait pas de rappeler que la langue populaire avait, elle aussi, sa grammaire, respectée par des poètes tels que Christopoulos, Valaoritis, Zalocostas, Paraschos et Tertsétis, «le vieux chantre récemment décédé»4. Quant à la rime, «qui n'est pas toujours inévitable», elle devait être riche et s'étendre sur toute la der-nière syllabe du vers, contrairement à l'exemple de la versification ita-lienne, ainsi que l'avaient montré des «poètes excellents» tels que Chris-topoulos, Rizos Néroulos, les frères Soutsos5. La connaissance de l'art poétique, selon Rangabé, était indispensable; chaque poète devait res-

1. Jugement de 1874, Athènes 1874, p. 4. 2. Ibid., p. 5. 3. Ibid., p. 6. 4. Ibid., p. 8. Tertsétis était mort le 15 avril 1874. 5. Ibid., p. 10.

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respecter les règles établies par Aristote, Horace et Boileau1. Enfin l'ins-piration, «l'âme de la poésie», «le mystérieux baiser de la Muse», consti-tuait un élément soustrait à tout enseignement, mais sans lequel aucune création n'était possible.

Grammaire, rime riche, art poétique, inspiration. Assurément, en 1874 Rangabé se trompait d'époque. Car ce n'était pas là le problème qu'avaient posé, dès le début de cette décennie, des universitaires tels qu'Orphanidis, Castorchis, Mistriotis. Mieux: ce n'était pas là le sens que prenait, aux yeux de D. Gr. Cambouroglou et aux yeux d'un cer-tain nombre de ses admirateurs, un retour épisodique à Christopoulos· Au moment où la réalité grecque imposait une réflexion sur la nature et les orientations de la poésie, ou sur la nature tout court, Rangabé restait enfermé dans son goût de l'artificiel, dans son formalisme ab-strait, dans son classicisme momifié. Dépassé par les événements, il parlait encore le langage des décennies précédentes. Il ne pouvait ou il ne voulait pas voir que le classicisme et le romantisme athéniens ex-piraient presque au même moment, entraînant dans leur chute l'insti-tution de Rallis et de Voutsinas.

Consacré exclusivement à la poésie épique, le concours de 1874 avait à présenter un ensemble de 23 titres. Deux poèmes, arrivés après échéance, étaient exclus sans être nommés par le rapporteur. Voici les observations les plus importantes de celui-ci, en commençant par les œuvres qui, parce qu'elles appartenaient à d'autres genres que la poésie épique ou qu'elles étaient totalement insignifiantes, n'avaient pra-tiquement pas de place au concours:

1) Βιασμός: poème «indigne d'être jugé». 2) Ανάμικτα: recueil lyrique, exclu du concours. 3) Μαραμένα δαφνόφυλλα: recueil lyrique, exclu du concours. 4) Άσματα ασμάτων: poème de caractère épico-lyrique. 5) Το παρελθόν, το παρόν και το μέλλον: poème étranger au genre épi-

que. La langue est enflée, la versificarion défectueuse, la rime pauvre, le contenu incompréhensible.

6) Δέσπω: poème «complètement puéril». 7) H Ελλάς εν αγώνι: poème comparable au précédent. Les 5 poèmes suivants possédaient «une langue grammaticalement

1. Ibid., p. 11. Pour Ch. Anninos, les Jugements des jurys universitaires, en général, constituent «un sec verdict de tribunal fondé sur les codes poétiques d'Ari-stote, d'Horace et de Boileau»: T α πρώτα έτη του Ζαν Μωρεάς, op. cit., p. 152.

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correcte, des vers parfois harmonieux, ainsi qu'une certaine grâce», mais leurs défauts étaient plus nombreux que leurs qualités:

8) Η Κόρη του Σεΐχ-ουλ-Ισλάμη: poème en vers «italianisants» de onze syllabes sans rime. Il a certaines qualités de langue, mais il manque d'un dénouement vraisemblable et intéressant. En somme, c'est «une œuvre entièrement médiocre»1.

Il s'agissait d'une participation ultime et inattendue de Georges Tertsétis2. L'ancien concurrent de la décennie 1850 -1860 retournait soudain aux concours, après une absence de 16 ans, au moment précis où Rangabé reprenait sa place dans le jury. Son poème, une histoire d'aventures et de morts romantiques, ne pouvait évidemment trouver aucune grâce aux yeux du rapporteur de 1874:

Αηδόνια, πού της άνοιξης τα κάλλη κελαηδείτε γλυκά ή της αγάπης

τους πόθους εις τα δάση αντιλαλείτε, ή έρημης νυχτός εις το σκοτάδι λυπητερά θρηνείτε τα πουλάκια, που άφτερα σας πήρε από τη φωλιά σας ανθρώπου η ασπλαχνιά- χαρίσετέ μου,

καλά μου αηδόνια, τη γλυκιά φωνή σας" λυπητερή και εγώ λαλώ ιστορίαν.

Mais Tertsétis ne devait pas prendre connaissance du sévère juge-ment de Rangabé. Décédé vingt jours avant la cérémonie du concours, il laissait son poème inédit et inconnu pour longtemps, mentionné seule-ment dans une brochure écrite en français par sa femme: «la lyre harmo-nieuse de Georges Terzetti célébra dans la langue vulgaire les Noces d'Alexandre, le Songe du Roi et la Fille du Scheïslam»3. Rangabé, qui dans son rapport rendait hommage à Tertsétis, ignorait probablement qu'il jugeait une œuvre du «vieux chantre récemment décédé».

1. Jugement de 1874, pp. 13-14. 2. Η Κόρη του Σεϊσλάμη a été publié pour la première fois dans la revue Aι Mo ύ-

σαι 3, No 51-59, 15 octobre 1894- 1er février 1895. G. Valétas a utilisé un manuscrit de l'auteur: Τερτσέτης Άπαντα, op. cit., t. I, pp. 252-266.

3. [Adélaïde Tertsétis], Nécrologie Antoine Matessi, 1875, p. 4. Phanis Michalo-poulos, ayant remarqué ce passage, parle d'un long poème de Tertsétis intitulé

Η Κόρη του Σεϊσλάμ, sans connaître apparemment sa première publication: Αγγλο-ελληνική Επιθεώρηση 2 (1946) 297.

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9) H Λαύρα: poème «fade quant à la langue, faible quant à la versification, défectueux quant à la rime».

10) H Μονή του Αρκαδίου: poème comparable au précédent. 11) H Νεδέλκα: poème froid, prolixe, inintéressant et mal composé,

bien qu'il ait une versification satisfaisante et une langue correcte1. Il s'agissait d'une œuvre de Marius Andrikévits, publiée partiel-

lement dans un petit livre de polémique paru en 18882. Frustré par le rapport de Rangabé, l'auteur semble lui avoir gardé rancune longtemps: ses premières réactions au verdict de 1874, exprimées dans le journal Βάρνα et complétées plus tard, constituent une longue réponse de 90 pages qui met en question tardivement la valeur critique non seulement de Rangabé mais de tous les universitaires en bloc.

12) Oι πειραταί: «une allégorie monstrueuse». Les 3 œuvres suivantes étaient satiriques: 13) Αποκρηαίς των Αθηνών: poème entièrement insignifiant. 14) Ο φιλογενής Φούσκας: poèmes n'ayant aucun rapport avec la

poésie. 15) Ο εξόριστος Διάβολος: œuvre satirique plus réussie que les précé-

dentes. Les rimes sont «bonnes et riches»; la langue abuse d'élisions forcées. Défauts principaux: les redites et la prolixité. La partie intitulée Αθηναϊκή παραλοή a une certaine grâce, et la façon dont l'auteur parodie quelques-uns des poètes contemporains n'est pas sans acuité spirituelle. Sont citées trois parodies, ainsi que le poème Το δόκανο. Un membre du jury classe l'œuvre en question au premier rang des poèmes secon-daires3.

C'était la troisième participation de D. Gr. Cambouroglou4. Le lauréat de 1873 recourait maintenant à une «vengeance versifiée» contre 5 poètes représentatifs des générations précédentes. S'il ridiculisait les fausses imitations archaïsantes d'Antoniadis,

1. Jugement de 1874, p. 14. 2. Marius Andrikévits, Oι νέοι νομοθέται του «Παρνασσού» υπό— του Κυκλαδίτου,

Varna 1888, pp. 14-26 et 55-57. Le sujet du poème d'Andrikévits avait déjà donné naissance à une tragédie: Constantin Arvanitis, Νεδέλκα ή θύμα τουρκικής θηριωδίας, τραγωδία εις τέσσαρας πράξεις συνταχθείσα υπό—, Braïla 1861 (voir GM *8767).

3. Jugement de 1874, pp. 15-22. 4. Ses parodies, au nombre de 5, sont publiées en entier dans Camb. Α., pp.

797-799. Le poème Το δόκανο est reproduit dans D. Gr. Cambouroglou, Παλαιαί αμαρ-τίαι, λυρική συλλογή—Athènes 1882, pp. 10-12, .

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Του Κίσσου η μήτηρ κάθητο επ' όχθης ποταμίου, ήριζε τοίνυν μετ' αυτού και το ελιθοβόλει

la versification guindée de Vlachos,

Καίπερ απούσης κι' αλλού βιούσης σου, θα το πω: όπου κι' αν είμαι όπου κι' αν κείμαι σε αγαπώ

les redites et la morbidité de A. Paraschos,

Tο κάλλος δεν το αγαπώ" δεν αγαπώ το κάλλος οπόταν είναι υγιές, οπόταν έχη υγείαν

il se moquait aussi bien des réflexions pessimistes de Vassiliadis

Πώς δυστυχής ο άνθρωπος και άνευ σκοπού πλανάται ! Αφού να ζήση πέπρωται ούτω, προς τί γεννάται;

Πού τρέχω οίμοι ! διατί το στόμα μου να κρώζη, ενώ, καθό ανθρώπινον, ώφειλε να οιμώζη;

que du vocabulaire inusité de Valaoritis:

Μυρίζει ο ξεφυσημός της δάφνης, της μυρτούλας, στάζει δροσούλα διάφανη στα ρείκη , στη λαψάνα, στο χαμεδριό, στ' αζώηρο, στο σφέλατο, στο γιούλι, στη λιδοριά, στο χαμελειό, στο σπλόνο, στο ρουπάκι.

C'était comme si D. Gr. Cambouroglou, toujours désinvolte et frondeur, cherchait à élargir, en 1874, la brèche qu'il avait ouverte l'année pré-cédente dans l'édifice des concours poétiques1.

16) Ο Θεάνθρωπος Σωτήρ: le premier «des trois poèmes ayant le volume et les prétentions de véritables épopées». Mais les hexamètres n'ont pas de souplesse et de rythme; la langue, savante, est dépourvue de précision et de grâce. «Le poète a entrepris sans raison de paraphraser

1. Sur Ο εξόριστος Διάβολος et le concours de 1874, voir: Camb. Α., pp. 796-797. Nous retenons comme caractéristique l'hypothèse de D. Gr. Cambouroglou (p. 797) selon laquelle le juge favorable à son œuvre était Th. Aphentoulis.

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l'Evangile que tout le monde comprend». Il manque d'expérience et «il ne soupçonne même pas l'existence de Klopstock»1.

17) Ιωάννης ο Τσιμισκής: poème écrit en hexamètres et réparti en 9 chants. La versification est défectueuse. La langue, archaïsante, man-que d'élégance et de précision. En somme, il s'agit d'un récit prosaïque et sans intérêt2.

18) Μεσολογγιάς : longue épopée en 24 chants (environ 10.000 vers de quinze syllabes sans rime). Elle met en vers le récit de Sp. Tricoupis et d'autres historiens sur la chute de Missolonghi, sans échapper à une «froideur interminable». Un membre du jury, en désaccord avec ce jugement sévère, présume que l'auteur est un poète connu qui, épuisé par des œuvres analogues, doit prendre un temps de repos3.

C'était encore une participation dΑ. I. Antoniadis4. L'épopée ho-mérique servait, une nouvelle fois, de modèle:

Το Μεσολόγγι τ' ακουστόν παντού στήν οίκουμένην θα ψάλω, και την σιδηράν ψυχήν θα εικονίσω των εκ της πείνης μελανών του έθνους οπλοφόρων.

Mais le poète le plus fécond des concours rencontrait cette fois-ci la sévérité d'un rapporteur qui, comme il l'avait montré en 1862, n'était pas particulièrement sensible à son talent5.

19) Tα καθ' Ηρώ και Λέανδρον: le premier des 5 poèmes les plus importants du concours. Libre traduction de l'œuvre homonyme de Musée, ce poème présente les 340 vers de l'original allongés sans raison en 780. Toutefois, ses qualités sont certaines: versification harmonieuse, langue remarquable, images originales6.

20) T ο όνειρον: poème épico-lyrique en vers «italianisants» de onze syllabes. Les rimes ne sont pas très soignées. La langue, excessivement

1. Jugement de 1874, pp. 22-23. Il s'agissait peut-être de l'œuvre de N. Conto-poulos, Ο Σωτήρ, ποίημα επικόν υπό— Athènes 1878.

2. Jugement de 1874, pp. 23-24. 3. Ibid., p. 24. Selon M. Andrikévits, op. cit., pp. 35-36, ce membre du jury

était Aphentoulis. 4. Α. I. Antoniadis, Μεσολογγιάς, έπος ιστορικόν, Athènes 1876. 5. Trois ans plus tard, A. R. Rangabé allait parler avec circonspection d'Anto-

niadis, «auteur de deux épopées qui, s'il était permis de n'avoir égard qu'à la seule étendue, devraient être mises à côté de l'Iliade et de l'Odyssée»: Histoire littéraire, op. cit., t. II , p. 180.

6. Jugement de 1874, pp. 25-26.

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populaire et parfois irrégulière, ne manque pas de grâce. Les images sont précises et originales. «Allégorie compliquée et obscure», ce poème baigne dans un mysticisme impénétrable1.

21) Ο Αδάμ και η Εύα: poème en 3010 vers de quinze syllabes rimés. Il a de grandes qualités (bon goût, rimes riches etc.), ainsi que des dé-fauts (langue savante mais défectueuse, redites etc.). L'auteur ignore Milton2.

Il s'agissait d'une œuvre d'Aristomène Provélenghios3. A 24 ans, le poète entreprenait de narrer, en 9 chants, la création du monde et le sort du premier homme:

θα ψάλω την ανατολήν της Σης δημιουργίας, την πτώσιν του προπάτορος Αδάμ, εκ της όποιας

η δι' αιώνων έρπουσα απείρων γενεά του στενάζει υπό τα δεσμά του πελιδνού θανάτου.

Son idéalisme s'alliait à son amour inné de la nature. Mais la langue savante était encore ici pour beaucoup dans un style froid et bavard, classique et romantique à la fois. Autant que nous sachions, Provélen-ghios ne devait plus jamais participer au concours de Voutsinas.

22) Κατσαντώνης: courte épopée en 482 vers de quinze syllabes rimés, auxquels s'ajoute le début du poème Το Κάστρο της Ωρηάς. La langue, démotique, est précise et puissante; elle rappelle celle des chants populaires. L'intrigue est simple, la narration «poétique, sobre, efficace et touchante». Si l'auteur persiste dans la même voie, il honorera la littérature néohellénique. Un membre du jury considère ce jugement comme trop favorable 4.

Il s'agissait d'une œuvre de Constantin Xénos5. 23) Κόδρος: poème épique réparti en strophes élégantes et caracté-

risées par des rimes très riches. La versification est «presque irréprocha-ble», la langue non seulement correcte, mais pourvue de toutes les vertus

1. Ibid., pp. 27-30. Il s'agissait apparemment d'un poème de l'école heptané-sienne.

2. Ibid., pp. 30-36. 3. Aristomène I. Provélenghios, Αδάμ και Eύa, ποίημα επικόν, Athènes 1874. Un

court compte rendu est publié dans Εφημερίς των Βιβλιοφίλων, No 5, 8 octobre 1874, Ρ- [17].

4. Jugement de 1874, pp. 36-40. 5. Pal. Α., t. VIII, p. 20.

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poétiques: harmonie, grâce, beauté, force descriptive. Le jury, ayant à choisir entre deux poèmes «presque égaux», Κατσαντώνης et Κόδρος, pré-fère le second «pour son intrigue et sa composition impeccables» et lui décerne le prix et la couronne à l'unanimité1.

On eût dit que les concours étaient retournés dix ans en arrière. En réalité, c'était Rangabé qui remportait la victoire en imposant sa volonté au jury et en faisant couronner «à l'unanimité» son poème pré-féré. Revenu aux concours après une longue absence, il y rétablissait l'ordre, son ordre, qui avait été perturbé. Un certain nombre de poèmes présentés en 1874 se conformaient visiblement aux goûts du rapporteur phanariote: esprit purement classique, langue savante, sujets antiques. Même l'hexamètre, oublié depuis longtemps, réapparaissait de façon inat-tendue.'Conscient de son pouvoir et de son prestige, Rangabé n'avait qu'à procéder à son «second coup d'Etat»2, celui qui, annulant le ver-dict joyeux de 1873, couronnait Κόδρος pour imposer à nouveau une poésie grave, solennelle et pompeuse:

Μικρόν αφείσα τον Ελικώνα, ω Μούσα, κόρη του ουρανού,

μυσταγωγός μου προς τον αιώνα των ισοθέων παραγενού.

Προ του νοός μου κρατούσα φάρον μακρών αιώνων τον πέπλον άρον. Επί Πηγάσου ανάγαγέ με παρά τας όχθας του Κηφισσού

και μ' έναν κλάδον στεφάνωσέ με του καλλιδάφνιδος Παρνασσού.

Le lauréat, un lycéen inconnu de 25 ans, n'était pas étranger à la tradition phanariote. Disciple d'Elie Tantälidis (1818-1876), il avait déjà publié à Constantinople un recueil de poèmes en 1873 (Ποιητικά πρωτόλεια), avant d'arriver, la même année, à Athènes, avec le manuscrit de Κόδρος dans ses bagages. C'était Georges Vizyinos (1849-1896).

Surpris par sa victoire, il s'évertuait bientôt à paraître modeste. Lorsque, cinq jours après la cérémonie du 5 mai 1874, il rédigeait la postface qui allait accompagner la publication de son poème, il ne man-quait pas de rendre hommage à Tantalidis et de souligner combien il

1. Jugement de 1874, pp. 41-46. 2. Pal. Α., t . VIII, p. 485. Cf. ici p. 154.

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avait été peiné, lors de son couronnement, «à la pensée que la Grèce, mère des Homères, des Sophocles et des Pindares, connaît aujourd'hui une telle pénurie de poésie qu'elle parcourt même les lycées pour chercher quelque concurrent à couronner!»1.

Cependant, dans la mesure où l'esprit classique et le rêve d'un «retour aux formes anciennes» marquaient un point en 1874, Κόδρος ne pouvait rencontrer qu'un accueil favorable. Un journal athénien débordait d'enthousiasme: le poème de Vizyinos, digne de son couron-nement, était «un très bon augure pour l'avenir de la littérature grecque et de la langue en particulier»2. Mais cet optimisme relevait d'une rhétori-que du passé déjà caduque et désuète. En réalité, la victoire de Rangabé avait toutes les caractéristiques d'une victoire à la Pyrrhus. Car si le couronnement de Vizyinos faisait suite à celui de G. Stavridis ou de A. Vyzantios, il venait à un moment où la couronne classique avait perdu toute sa fraîcheur. Les apparences étaient encore une fois trom-peuses: Κόδρος, loin d'ouvrir une voie vers l'avenir, écrivait l'épilogue d'une époque révolue.

Entre-temps, le verdict de 1874 prenait l'aspect d'un scandale pour les milieux littéraires athéniens, et la presse ne manquait pas de s'en faire l'écho. Etranger et inconnu, le jeune lauréat rencontrait peu de sympathie et d'indulgence: il avait fait échec à trop d'ambitions pour ne pas être traité avec mépris. Dans une série d'articles publiés par le journal Εφημερίς των Συζητήσεων, Jean Cambouroglou essayait de dé-montrer avec acharnement l'insignifiance du poème couronné3. De son côté, Vizyinos, fort de sa victoire, donnait libre cours à ses sarcasmes

1. Georges M. Vizyinos, Ο Κόδρος, επικόν ποίημα βραβευθέν κατά τον Βουτσιναίον ποιητικόν διαγωνισμόν του 1874, Athènes 1874, p. 80. Il est à noter que la plupart des biographes du poète, suivant Ν. I. Vassiliadis (Γεώργιος Βιζυηνός dans Skokos, Ημερολόγιον 1894 = Εικόνες Κωνσταντινουπόλεως και Αθηνών, Athènes 1910, p. 308) et G. Chassiotis (Βυζαντιναί σελίδες, t. I, Athènes 1910, p. 263), affirment que Vizyinos avait comme rivaux au concours de 1874 les poètes A. Vlachos et Cléon Rangabé, ce qui ne semble pas être exact.

2. Παλιγγενεσία, 24 mai 1874. Trois ans plus tard, A. R. Rangabé lui-même devait faire à nouveau l'éloge de Κόδρος: Histoire littéraire, op. cit., pp. 165-168.

3. Εφημερίς των Συζητήσεων, 31 mai -12 juin 1874; cf. Pal. Α., t. VIII, pp. 486-487. —Criton G. Souris, op. cit., p. 56, à propos d'une parodie du poème couronné écrite par Georges Souris (ο Κορόϊδος), affirme que ce dernier a participé au con-cours de 1874 avec le recueil Λυρικά άσματα, ce qui est évidemment inexact. Par contre, il est bien probable que G. Souris ait envoyé au concours de 1873 le recueil Λυρικά ποιήματα, qui serait par la suite incorporé dans le premier livre du poète, Συλλογή λυρικών ασμάτ ων, Athènes 1873.

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en répondant par le poème satirique Τό Συμβούλιον των Γραμματέων1:

Ηλθεν ένας από τόπο βάρβαρο και θρακικό,

και θρονιάστηκε με τρόπο σε σκαμνί ποιητικό !

Α. R. Rangabé, le principal responsable du couronnement du poème Κόδρος, n'était pas moins critiqué par les journaux. Ses failles deve-naient déjà visibles: par son texte «sec, aride, décharné et ridé», le rap" porteur de 1874 avait montré qu'il était incapable de parler d'autre chose que de langue, de versification et de rimes riches2. Ce n'était pas ainsi que l'on concevait maintenant un discours sur la poésie.

Ce n'était pas ainsi non plus que l'on concevait maintenant les concours en général, leur passé et leur avenir. Pour certains, l'heure de la vérité sonnait déjà tristement, dans l'amertume et le désenchante-ment. Mettant en évidence la sclérose d'une institution incapable de se renouveler, le retour de Rangabé accélérait, en dernière analyse, une certaine prise de conscience. La rupture entre l'existence des concours et leur fonction véritable, entre leurs promesses et leurs réalisations, entre leurs objectifs et les nouveaux besoins, devenait ainsi suffisam-ment claire. Ce n'était plus l'avenir qui pouvait changer la situation, alors que le présent témoignait d'une dégradation progressive. Enfermés dans leur passéisme inchangé, les concours sombraient dans la morosité et dans la routine. Une ouverture sur la vie, momentanément entre-prise en 1873, était vite annulée par un brusque retour en arrière. A coup sûr, l'avenir ne paraissait pas prometteur.

Mais la sclérose remarquée dons le domaine des concours en 1874, loin d'être un fait isolé, entrait dans un contexte plus large. On dirait que tout un vieux système se raidissait et s'acharnait à défendre ses prérogatives, au moment de sa mise en question ou face à l'apparition de nouvelles forces menaçant son existence. Ange Vlachos, critique de P. Soutsos et de J. Carassoutsas, complétait, en quelque sorte, la dé-marche de Rangabé par d'autres coups d'arrêt8. La crise politique et sociale était, au même moment, caractéristique. Elle se manifestait par les élections scandaleuses de D. Voulgaris (juin 1874), par l'arrestation

1. Georges M. Vizyinos, Ατθίδες αύραι, Londres 1883, pp. 203-207. 2. Εφημερίς, 21 juin 1874. 3. Ange Vlachos, Περί Παναγιώτου Σούτσου και των ποιήσεων αυτού, Athènes

1874, et Περί Ιωάννου Καρασούτβα και των ποιήσεων αυτού, Athènes 1874.

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tion de Ch. Tricoupis, auteur du fameux article Τις πταίει, par une mobilisation massive (1874-1875) ayant pour but le renversement d'un gouvernement illégal. Le conflit entre le nouveau et l'ancien devenait aigu: plus le premier gagnait du terrain, plus le second durcissait ses positions. C'est en ce sens que le couronnement du poème Κόδρος dernier «coup d'État» de Rangabé, marquait un raidissement réaction-naire et venait rétablir un ordre de plus en plus contesté.

4. 1875: Les concours en faillite

Dès lors, les concours, dans une très grande mesure, ne pouvaient être considérés par les forces nouvelles que comme partie intégrante d'un «establishment» en faillite. Roïdis, partisan de Ch. Tricoupis, lan-çait, dès le début de 1875, ses sarcasmes dans son journal satirique

Ασμοδαϊος: «Quarante-huit drames ont déjà été envoyés au concours de Voutsinas, dont quarante-deux par la poste de Syros»1. Ou bien: «Extrait d'un des 93 drames présentés cette année au concours de Voutsi-nas»2. Le fait que les universitaires, à l'exception d'Aphentoulis et de Mistriotis, aient refusé de participer au jury de 1875 était commenté ironiquement3. Un poème de ΦΛΟΞ (Jean Cambouroglou) se terminait par les vers suivants:

Αυταί είν' αι ημέραι μας, προόδου φευ ημέραι! Την αρμονίαν, Μούσα μου, καν με τους στίχους φέρε.

Μακράν των διαγωνισμών, μακράν του Αφεντούλη, θα δείξης, είμαι βέβαιος, πως δεν κοιμάσαι δούλη4.

Enfin, au même moment, Roïdis, énumérant un certain nombre des choses qui avaient fait faillite à Athènes, citait aussi bien «les actions

1. Ασμοδαίος, 19 janvier 1875. Roïdis prenait ici pour cible T. Ambélas, ori-ginaire de Syros.

2. Ασμοδαίος, 9 février 1875. 3. Ασμοδαίος, 12 mars 1875. Signalons que, à la même époque, Aphentoulis,

rapporteur au concours de D. Iconomos (26 octobre 1874), était l'objet de nombreux commentaires dans la presse athénienne à propos de sa querelle avec Ph. Paraské-vaïdis relative à une traduction de Dante. Ces commentaires se terminaient souvent par «le refrain connu et ennuyeux, que les concours doivent être, supprimés»: Παλιγ-γενεσία, 3 février 1875. Roïdis n'avait pas perdu l'occasion d'attaquer, lui aussi, Aphentoulis-et «tutti quanti»: Ασμοδαίος, 2, 9,1.6 février et 21 mars 1875.

4. Ασμοδαίος, 21 mars 1875. -

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des compagnies» que «les concours poétiques»1.. Scepticisme ironique d'un esprit fin, agacé par la médiocrité des juges et des poètes jugés? Sans doute. Mais, en même temps, clairvoyance, réalisme et mise en question d'un ensemble.

Toutefois, le rédacteur de Ασμοδαίος n'était pas le seul à combattre l'institution poétique, en ce début de 1875 où le concours, exclusivement dramatique, se préparait dans une atmosphère électrisée par les luttes contre le gouvernement de D. Voulgaris. De nombreux journaux grecs, même de l'étranger, accompagnaient leurs attaques contre les concours d'une mise en question globale de leur apport. On avait hâte d'en finir avec un passé qui s'écroulait de tous côtés.

C'est dans un tel climat qu'Aphentoulis prenait la parole, lors de la cérémonie du 18 mai 1875, comme représentant d'un jury auquel participaient aussi le resteur P. Rombotis (président) et G. Mistriotis. La situation politique s'étant normalisée entre-temps par la démission de Voulgaris et par la formation du premier gouvernement de Tricoupis (27 avril 1875), le rapporteur n'avait, tout d'abord, qu'à exprimer sa joie pour le rétablissement de l'ordre et de la paix. Mais cette joie se transformait vite en colère: les ennemis des concours étaient plus dange-reux et plus agressifs que jamais. Devant une campagne orchestrée contre l'institution poétique, Aphentoulis prenait la défense de celle-ci au présent, au passé et au futur: «C'est ce concours. Messieurs, —le concours que certains s'emploient à supprimer— qui a donné naissance à tout ce que la poésie grecque a à présenter de remarquable depuis plus de 20 ans; et c'est ce concours aussi, nous l'espérons, qui donnera dans l'avenir des fruits encore meilleurs»2.

Ainsi les poètes Zalocostas, Orphanidis, Carassoutsas, Vernardakis, Antoniadis, A. Paraschos, Vlachos et A. R. Rangabé, nommément cités, étaient-ils une preuve de ce que l'institution poétique avait pu apporter depuis sa naissance. Les juges universitaires, «qui ne se prenaient ni pour Aristote, ni pour Longin, ni pour Aristarque, ni pour Horace», étaient fermement défendus pour leur compétence et pour leur impartialité. Les poètes protestataires recevaient un ultimatum menaçant: «Les can-didats doivent savoir que leur moindre objection soulevée contre les décisions du jury sera désormais une raison suffisante pour qu'ils n'aient

1. Ασμοδαίος, 23 mars 1875. Par «les actions des compagnies» Roïdis entendait, évidemment, les opérations boursières liées à l'affaire du Laurium.

2. Jugement de 1875, Athènes 1875, p. 5.

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plus le droit de participer aux concours»1. Quant à ceux qui parlaient de décadence de l'institution poétique et en rejetaient la responsabilité sur l'Université d'Athènes, ils n'étaient que victimes de leur propre aveuglement. «Mais la preuve tangible, Messieurs, qui montre que ce concours se renforce, progresse et mûrit de plus en plus, est la production de cette année: 33 œuvres dramatiques, tragédies et comédies, les plus nombreuses et les meilleures présentées jusqu'ici»2.

Ces œuvres, «les meilleures présentées jusqu'ici», étaient pour la plupart passées sous silence: Aphentoulis ne commentait que 11 d'entre elles (3 comédies et 8 tragédies). Un drame, «Francesca da Rimini», était exclu du concours non seulement parce qu'il était écrit en prose, mais aussi parce qu'il était plein de blasphèmes3. Voici les œuvres en-voyées en 1875, selon le rapport d'Aphentoulis:

1) Η Κόρη του Σουλίου 2) Άθωνις 3) Oι πρωτόπλαστοι 4) Ο Γεροδήμος 5) Η Καταστροφή των Ψαρών 4· 6) Προοίμιον της τυραννίας του Αλή-πασά 7) Έρως και αντιζηλία 8) Οι προικοθήραι 9) Ο άπληστος τοκογλύφος 10) Διαμάντω Il s'agissait très probablement d'une tragédie en cinq actes de

Georges Vizyinos5. 11) Αριστίων ο Φιλελεύθερος

1. Ibid., p. 11. 2. Ibid. 3. Ibid., p. 12. Dans la liste des 33 œuvres qui est pubiée séparément à la {in

du jugement de 1875 (pp. 63-64), figure un poème intitulé Φραντζέσκα: il s'agit probablement de celui qui fut exclu du concours. Mais cette liste ne contient pas le drame Στάτειρα, commenté par le rapporteur (voir No 29). Les titres des œuvres n'étant accompagnés d'aucune indication, il nous est difficile de savoir, la plupart du temps, s'il s'agit de comédies ou de tragédies.

4. En 1873, le désastre de Psara fut le sujet du concours de Nicodimos, ce qui explique l'abondance de drames portant ce titre, comme par exemple ceux publiés par Alexandre Moraïtidis (Athènes 1876), par Georges G. Avlichos (Céphalonie 1883) ou par P. S. Synodinos (Εσπέρα, Athènes 1876, pp. 105-203).

5. Sur cette tragédie perdue, voir Ν. I. Vassiliadis, op. cit., p. 311, et G. Chas-siotis, op. cit., p. 279.

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Il s'agissait d'un drame de D. Gr. Cambouroglou1. 12) Ο υιός του Κροίσου 13) Ο γάμος της Ελένης 14) Ο Μισάνθρωπος 15) T α τέκνα του Αναγνωστοπούλου 16) Η Διδώ 17) Ο οίκος του Μεγάλου Βασιλέως 18) Κάλλιον θάνατος ή ατιμία Il s'agissait d'une tragédie de N. Contopoulos, publiée avec des

poésies diverses2. Dans sa courte préface, l'auteur déclarait être un poète amateur et sans prétention à la couronne du concours.

19) Δύο γάμοι του συρμού 20) Φιλία και έρως 21) Αι μετοχαί του Λαυρίου 22) Οι Πεισιστρατίδαι 23) Ο πρωθυπουργός Σκουντούφλης: comédie présentée pour la pre-

mière fois au concours de 1872. Le sujet (intrigues de la vie politique) conserve toute son actualité; la langue et la versification sont bonnes. Mais la comédie en question ne mérite pas le prix et la couronne. Si l'au-teur la présente au théâtre avec succès, les juges s'offrent à lui verser la somme qu'ils gagnent pour leur participation au jury3.

Il s'agissait de l'œuvre de C. Th. Lambadarios qui avait été en-voyée en 1872 sous le titre Οι πολιτικοί4.

24) Ο τοκογλύφος ψηφοθήρας: comédie se référant à la vie politique. L'intrigue est simple et amusante. Les caractères sont bien peints5.

Oeuvre d'Antoine Antoniadis, cette comédie montrait dans quelle mesure son auteur savait s'adapter aux circonstances: elle visait l'actua-lité brûlante de l'époque, les intrigues électorales en l'occurrence, et était entièrement écrite en langue populaire®.

1. Camb. Α., p. 799. 2. N. Contopoulos, Ποικίλα, ήτοι τραγωδία Κάλλιον θάνατος ή ατιμία και άλλα

τινά ποιημάτια, υπό— Athènes s.d. 3. Jugement de 1875, pp. 12-14. 4. C. Th. Lambadarios, Σκουντούφλης ο πρωθυπουργός, κωμωδία εις μέρη τέσσαρα

(λαβούσα τον Α' έπαινον εν τω Βουτσιναίω ποιητικώ αγώνι του Πανεπιστημίου του 1875) υπό— Athènes 1876.

5. Jugement de 1875, pp. 14-16. 6. A. I. Antoniadis, Παυσανίας ο Λακεδαιμόνιος και Η κατάρα της μάννας, τρα-

γωδίαι· Ο τοκογλύφος ψηφοθήρας και Η άπιστος (βραβευθείσα εις τον ποιητικόν διαγωνισμόν

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25) H άπιστος: comédie qui présente une certaine affinité avec l'œu-vre précédente. C'est une satire des jeunes filles athéniennes qui cher-chent à épouser de riches grecs venus de l'étranger. Le sujet, très actuel, est développé de façon admirable. L'auteur semble avoir étudié les chants populaires. Un long passage est cité1.

C'était encore une comédie d'Antoniadis, écrite en langue savante2. L'actualité donnait naissance ici, une fois de plus, à une description de mœurs athéniennes. Mais l'enthousiasme du rapporteur de 1875 était sans doute injustifié. Oeuvre médiocre et superficielle, H άπιστος avait en réalité peu de rapports avec ce qu'Aphentoulis appelait «un véri-table miroir social de l'époque».

26) Ο Παυσανίας: tragédie dont l'action est sounent vive, mais la peinture des caractères défectueuse. La prolixité du dernier acte est incompatible avec le tempérament des Spartiates3.

Il s'agissait d'une œuvre de Jean Margaritis4. 27) Κλεομένης: tragédie qui prend parfois un aspect épique ou

lyrique. L'auteur fait preuve de patriotisme et d'imagination, mais il ne possède pas une expérience dramatique5.

Selon Jean Sidéris, il s'agissait d'une œuvre de Constantin Anghélo-poulos6.

28) Ιούνιος Βρούτος: tragédie qui, comparée à l'œuvre du même nom de Voltaire, s'avère maladroite et décevante. Les fautes de gram-maire n'y manquent pas. Toutefois, l'auteur est talentueux et donne beaucoup d'espoirs pour l'avenir7.

Oeuvre de Jean G. Phranghias, cette tragédie, qui avait été en-voyée pour la première fois au concours de 1871, allait être publiée à Hermoupolis l'année suivante. Dans sa longue préface (21 juillet 1876), où il expliquait en détail dans quelles conditions son œuvre avait été

νισμόν του φιλογενούς Κυρίου Ιωάννου Γ. Βουτσινά, τη 18 M αΐου 1875), κωμωδίαι, Athènes 1877, pp. 181-254.

1. Jugement de 1875, pp. 16-23. 2. Α. I. Antoniadis, op. cit., pp. 255-340. 3. Jugement de 1875, pp. 23-24. 4. Jean Margaritis, Παυσανίας ο Κλεομβρότου, τραγωδία εις μέρη πέντε υπό—Athè-

nes 1876. La même tragédie est publiée en entier dans la revue Βύρων 2 (1876) 423-433, 498-506 et 559-571.

5. Jugement de 1875, p. 24. 6. Jean Sidéris, Ιστορία του νέου ελληνικού θεάτρου 1794-1908, t. I, Athènes s.d.,

p. 75. 7. Jugement de 1875, pp. 25-28.

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composée, jouée et remaniée, l'auteur n'hésitait pas à condamner les protestations des concurrents: «Les vantardises des auteurs dans les préfaces des poèmes, chaque fois que ceux-ci, présentés dans l'arène athénienne que l'on appelle chez nous Concours Poétique, ratent le prix, sont devenues non seulement habituelles mais encore assommantes»1. Mais cette déclaration n'empêchait pas Phranghias d'attaquer, lui aussi à son tour, le verdict d'Aphentoulis et d'attribuer son échec aux «pré-jugés voltairiens» du jury2.

29) Στάτειρα: tragédie «simple», mais «froide, sans but, sans intérêt et sans catharsis»3.

30) Η κατάρα της μάννας: tragédie en cinq actes qui tire son sujet d'un chant populaire inédit. Ecrite en langue démotique, elle se lit avec intérêt et mérite d'être louée, «bien qu'elle ne soit pas suffisamment émouvante». Sont citées deux scènes du troisième acte4.

Il s'agissait d'une œuvre d'Antoine Antoniadis5. Située au XVIIIe siècle (1769), elle devenait une étude de mœurs kleftiques telles que les imaginait la génération de l'auteur. Le ton restait héroïque, l'histoire se mêlait au folklore, la langue démotique entraînait le vers de quinze syllabes. A l'instar de S.N. Vassiliadis (Γαλάτεια), Antoniadis transfor-mait un chant populaire en pièce de théâtre. Il n'en composait pas moins un drame romantique qui portait les traces de son époque:

Στην Πόλη, στην Αγια-Σοφιά θα δούμε βασιλέα !6

31) Παυσανίας ο Λακεδαιμόνιος: tragédie «remarquabe» qui possède des qualités quant à la peinture des caractères, à la langue (savante), à la versification (trimètres iambiques). Mais l'auteur n'a pas réussi à peindre convenablement son héros. Il doit remanier sa tragédie et lire Byron («Les Deux Foscari»), Racine («Mithridate»), Shakespeare («Jules César») et Schiller («Wallenstein»)7.

C'était la quatrième œuvre présentée au même concours par Antoine

1. Jean G. Phranghias; op. cit., p. [γ']. 2. Ibid., pp. ξ' sq. Signalons que Ν. I. Lascaris (Ιστορία του νεοελληνικού θεά-

τρου, op. cit., pp. 135 sq.) donne sur cet auteur des renseignements parfois inexacts. D'autre part, Jean Sidéris, op. cit., attribue Ιούνιος Βρούτος à T. Ambélas.

3. Jugement de 1875, p. 28. 4. Ibid., pp. 29-41. 5. Α. I. Antoniadis, op. cit., pp. 97-180. (Deuxième édition: Athènes 1891). 6. Ibid., p. 123; cf. p. 121. 7. Jugement de 1875, pp. 41-45.

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Antoniadis1. Tragédie classique, elle se conformait à toutes les règles et les convenances du genre: unités aristotéliciennes, sujet antique, langue savante, trimètres iambiques. Nous ignorons si l'auteur a suivi, comme d'habitude, les conseils du rapporteur avant de publier son oeuvre.

32) Πέτρος ο Συγκλητικός: drame historique en cinq actes (3500 vers), imitation de Shakespeare («Hamlet» et «Macbeth»). L'auteur semble avoir étudié l'histoire médiévale de Chypre. Il accumule des épisodes, émeut souvent mais fatigue aussi le lecteur2.

Il s'agissait d'une œuvre typiquement romantique de Thémistocle Théocharidis, publiée deux ans plus tard3. Dans sa courte préface, l'auteur se déclarait satisfait du jugement porté sur son drame et remer-ciait vivement le jury.

33) Σαμψών και Δαλιδά: tragédie. Ses qualités sont nombreuses: in-trigue réussie, catharsis convenable, caractères bien peints, langue et versification satisfaisantes. Sont citées deux scènes du deuxième et du cinquième acte. Cette tragédie est considérée par le jury comme digne de partager le prix du concours avec la comédie Η άπιστος. Les œuvres No 23, 31 et 32 obtiennent des accessits: celles No 26, 27 et 28 reçoivent des mentions honorables. Enfin, les juges décident de dévoiler, en signe d'honneur, les noms des auteurs de Ο πρωθυπουργός Σκουντούφλης et de Πέτρος ο Συγκλητικός4.

C'est ainsi que, largement récompensés, les candidats de 1875 pou-vaient redoubler de zèle et présenter de meilleures performances dans l'avenir. Constantin Ch. Versis, l'auteur de Σαμψών και Δαλιδά5, rem-portait sa deuxième victoire depuis 1870 pour ses trimètres archaïsants et ampoulés:

Ηλάλαξαν αι γλώσσαι αι παράνομοι, και βλασφημίας αίρουν μέχρις ουρανού.

1. Α. I. Antoniadis, op. cit., pp. 1-95. 2. Jugement de 1875, pp. 46-48. 3. Th. Théocharidis, Πέτρος ο Συγκλητικός, τραγωδία εις πέντε πράξεις υπό—

λαβούσα τον α΄ έπαινον εν τω Βουτσιναίω διαγωνισμώ του 1875, Larnaka 1877. Deuxième édition, établie par la veuve du poète: Larnaka 1907.

4. Jugement de 1875, pp. 48-62. 5. C. Ch. Versis, Σαμψών και Δαλιδά, τραγωδία εις πέντε πράξεις υπό— βραβευθείσα

εν τω Βουτσιναίω ποιητικώ διαγωνισμώ του 1875, Athènes 1875. Un extrait de cette tragédie est reproduit dans Mat. Parn., pp. 625-630. Signalons que pour Jean G. Phranghias, op. cit., p. iß', Aphentoulis, principal responsable du couronnement de Versis, «ignorait qu'il existe aussi un Samson voltairien».

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Εσκίρτησαν υπό χαράς οι άνομοι, και κορυβαντιώντες γην και θάλασσαν με ωρυγάς καλύπτουν και με καγχασμούς.

Antoine Antoniadis, sévèrement critiqué l'année précédente par A. R. Rangabé, revenait cette fois-ci avec 4 œuvres (2 comédies et 2 tragédies), misait à la fois sur la langue populaire et sur la langue sa-vante, et obtenait enfin la moitié du prix avec, en plus, un accessit. De nouveaux poètes dramatiques tels que C. Th. Lambadarios, Th. Théocharidis, Jean Margaritis et Jean Phranghias faisaient des appari-tions prometteuses. A première vue, le concours se portait bien; le nombre des concurrents était en augmentation; les 8 œuvres honorées pouvaient même paraître comme des signes de progrès qualitatif. Mais ces apparences semblaient d'autant plus trompeuses que la faillite de l'institution poétique se précisait inexorablement.

En réalité, ni le bilan triomphal d'Aphentoulis ni les récompenses largement offertes par le jury ne pouvaient faire face à une crise qui allait en s'amplifiant. En vain le journal Παλιγγενεσία exaltait-il le Juge-ment de 1875 et prenait-il la défense des concours1. Ceux-ci, appauvris sur le plan qualitatif, se transformaient de plus en plus en fêtes scolaires dont les distributions de prix, monotones et ennuyeuses, soulevaient des commentaires ironiques même chez les adolescents de 14-15 ans. Témoin ce jeune garçon qui écrivait à son ami Costis Palamas le 28 mai 1875: «Tu as certainement appris qu'Antoniadis sera éternellement couronné pour son H άπιστος, ainsi que C. Versis pour son Σαμψών»2.

De fait, la pauvre moisson de 1875 reflétait l'impasse du théâtre néo-hellénique dans son ensemble. Depuis des années, la production dramatique, en général, suivait uniformément la voie tracée par D. Vernardakis et A. Vlachos, les dramaturges «les plus éminents d'au-jourd'hui»3. Μερόπη et Μαρία Δοξαπατρή constituaient les deux princi-paux modèles de la tragédie classique et du drame romantique; l'his-toire, ancienne ou médiévale, amenait en tout cas à la même abstrac-tion et donnait naissance à des œuvres aussi emphatiques que froides. Orientée vers la vie contemporaine et dominée forcément par des éléments

1. Παλιγγενεσία, 19 mai 1875. 2. C. S. Constas, «Γράμματα προς τον Κωστή Παλαμά 1874-1878», NE 89 (1971)

336. 3. André Anagnostakis, Λόγος Ολυμπιακός εκφωνηθείς κατ' εντολήν της Ακα-

δημαϊκής Συγκλήτου τη 4 Μαΐου 1875, επί τη Γ' εορτή των υπό του αοιδίμου Ευαγγέλη Ζάππα ιδρυμένων Ολυμπίων υπό —Athènes 1875, p. 31.

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ments réalistes, la comédie n'avait pourtant pas à présenter des per-formances remarquables. Lorsqu'elle se libérait des imitations aristo-phanesques, elle n'évitait pas, en général, les défauts des pièces de Vla-chos: lieux communs empruntés aux vaudevillistes français (Labiche, Martin, Lambert Thiboust), description superficielle des mœurs athé-niennes, sujets actuels mais dépourvus d'originalité. Si les événements de 1874-1875 avaient poussé à la satire politique, celle-ci restait conven-tionnelle et médiocre, alors que la forme même du théâtre versifié et la monotonie des trimètres iambiques accentuaient le manque de na-turel dans les dialogues.

C'est ainsi que, en 1875, le dernier concours dramatique, loin d'ap-porter grand-chose à la production purement théâtrale montrait que l'institution poétique, atrophiée et sclérosée, s'approchait encore davan-tage de sa fin inéluctable. Les vives attaques des candidats contre les jurys, toutes ces réponses hargneuses qui, des décennies durant, alimen-taient la presse athénienne et les préfaces des poèmes publiés, n'avaient plus leur place. Certes, le sévère avertissemet d'Aphentoulis y était pour beaucoup. Mais il y avait aussi la lassitude, l'indifférence, le peu d'importance que Ion attachait finalement à un verdict sans véritable portée. Or les vainqueurs n'avaient pas lieu de se réjouir outre mesure de leurs couronnes, et les vaincus ne pouvaient pas non plus éprouver d'humiliation exagérée. Tout devenait calme, banal, médiocre, routinier. Entrés en agonie, les concours allaient prolonger pour deux ans encore une existence sans espoir.

5. 1876: Le dernier éclat

Cependant, le zèle des candidats présentait toujours la même ar-deur. Annoncée par les journaux pour le début du mois de mai, la céré-monie de 1876 devait être reportée au 13 mai: les 31 poèmes lyriques envoyés, avec leur ensemble de 26.928 vers, n'avaient pas permis aux trois membres du jury —E. Cokkinos (président), Th. Orphanidis (rap-porteur) et Th. Aphentoulis·— d'accomplir leur tâche dans les délais prévus. «Comment une telle inondation de vers pouvait-elle ne pas sub-merger les juges?»1. On eût dit que, désapprouvée par Mistriotis en 1873, la poésie lyrique revenait maintenant en force pour démentir les pronostics et pour réanimer par sa présence massive un concours tombé dans le marasme. Mais était-elle pour autant prometteuse?

1. Jugement de 1876, Athènes 1876, p. 9.

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Le rapporteur Orphanidis ne cachait pas sa déception. Pour lui, la moisson lyrique de 1876 n'annonçait rien de bon: elle était caracté-risée, dans son ensemble, par «une ignorance totale», par «une inco-hérence et un manque de suite dans les idées», par «une vulgarité dans le langage», par «un verbalisme insupportable», par «une versification fardée et froide» 1. Or la question que le rapporteur avait posée en 1870 restait toujours d'actualité: «Avons-nous aujourd'hui en Grèce une poé-sie lyrique?». Et la réponse à cette question était aussi décourageante que catégorique: «Nous répondons avec courage et nous déclarons avec conviction que nous n'avons pas de poésie lyrique. Par conséquent, si le concours dont nous rendons compte aujourd'hui paraît défectueux, cela n'est pas dû au manque de poètes, mais au caractère qu'a pris à l'heure actuelle la poésie dite lyrique, cette poésie écrite et non chantée» 2.

Ainsi, pour Orphanidis, la poésie lyrique, ayant comme principale fonction d'être chantée, ne pouvait-elle connaître aucune floraison dans une société dépourvue d'enthousiasme et indifférente à la chanson. Cet enthousiasme lyrique n'appartenait qu'au passé: c'était un phénomène lié à la Révolution de 1821 et aux conditions sociales qui avaient créé alors un climat d'exaltation. «Aujourd'hui, notre patrie, oublieuse de cette époque héroïque, est préoccupée par d'autres luttes, non point certes inutiles, mais peu glorieuses. Pourtant, lorsque l'esprit humain s'oriente exclusivement vers l'utilité matérielle, il s'humilie, et son humi-liation entraîne un relâchement moral; tout sentiment noble meurt, s'éteint et ne peut s'éveiller facilement» 3. Le thème de l'idéal déchu, thème de toute cette époque, revenait une fois de plus pour attrister le jovial rapporteur de 1876.

Toutefois, Orphanidis ne sombrait pas dans le pessimisme. Les signes de ce qu'il appelait «fermentation sociale» étaient déjà évidents. La poésie pouvait donc sortir de son impasse avec l'ensemble d'une société en transformation. Mais, pour l'instant, ce qui était l'essentiel, c'était un effort pour s'approcher du réel. Les poètes lyriques de 1876, dans leur ensemble, avaient pratiquement peu de connaissances sur le plan de l'histoire naturelle, et leur ignorance dans ce domaine se tra-hissait par leurs images et leurs métaphores erronées. Dans ces conditions, il était normal qu'Orphanidis conseillât aux poètes, tout d'abord, «une

1. Ibid., p. 5. 2. Ibid., p. 9. C'est le rapporteur qui souligne. 3. Ibid., p. 12.

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étude très large et pratique de la nature»1, pour souligner, par la suite, combien l'apprentissage des règles poétiques était indispensable.

Ceci dit, le problème de la création paraissait au rapporteur de 1876 plus difficile et complexe: on ne devait pas sous-estimer l'importance de facteurs innés tels que le talent et l'inspiration. Mais ces facteurs n'étaient pas, en dernière analyse, indépendants des éléments acquis. Car l'inné et l'acquis formaient un tout inséparable, et l'homme était le résultat d'une collaboration harmonieuse de la nature avec la culture. «Nous ne considérons pas comme véridique l'adage «les poètes naissent poètes, les orateurs deviennent orateurs»; car tous les hommes doivent avoir de naissance une vocation à apprendre tel ou tel art, et tous les hommes doivent étudier pour devenir ce qu'ils veulent en cultivant leur vocation»2.

C'est ici que nous avons sans doute un texte devenu prétexte: l'année suivante, Roïdis et Vlachos allaient développer largement, ainsi que nous le verrons, les questions posées par Orphanidis. Mais celui-ci n'ouvrait pas seulement un débat futur: il donnait déjà des réponses qui, sous certains aspects, étaient plus positives et complètes que celles avancées, dans un climat de conflit personnel, par les deux critiques athéniens.

Quant aux 31 poèmes lyriques du concours3, ils étaient répartis par le rapporteur de 1876 en deux catégories, selon leur valeur. La première catégorie comprenait 17 poèmes plus ou moins insignifiants (ληρικά, avec η, selon le jeu de mots dOrphanidis) dont chacun avait droit à un court commentaire ironique. Ce n'était donc que la seconde catégorie, celle des 14 poèmes effectivement lyriques (λυρικά, avec υ), qui était analysée et commentée largement par le rapporteur. Voici un résumé du Jugement de 1876:

I. P r e m i è r e c a t é g o r i e 1 ) Poème sans titre (2411 vers), un «abject bavardage monacal», qui

1. Ibid., p. 5; cf. p. 21. La «nature», arme anti-romantique par excellence, s'op-pose ici, plus généralement, à toute forme d'abstraction: le rapporteur, professeur de botanique, parle à la fois au nom de la science, de la pensée rationaliste et du réalisme.

2. Ibid., pp. 4-5. 3. Deux poèmes, arrivés après l'échéance, sont exclus sans être nommés: Ibid.,

p. 6. Orphanidis parle de 31 concurrents, de 40 manuscrits et de 31 œuvres (pp. 6-7), mais il présente une liste analytique de 32 poèmes (pp. 7-9): en réalité, les poèmes de Vizyinos (No 3 et 4 de la liste) doivent être considérés comme une seule œuvre.

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porte l'inscription: Ιερομόναχος ύπ' άνωτέρων άρχών εις τινα Μοναστήρια, προς κατάπαυσιν της έν αύτοίς έριδος, και διατί, πώς, και εκ τίνος ήγουμενο-

συμβουλίου έχρεώθησαν αί μοναί αύται, και πόσον ήν τό χρέος εκάστης αυτών. 2) Ώραι σχολής (1007 vers) 3) Τρικυμία (534 vers) 4) Ανθη αγρού (1542 vers) 5) Παλμοί (2280 vers) 6) Ο προορισμός της Ελλάδος (452 vers): «œuvre entièrement dis-

gracieuse». 7) Ψυχαί (500 vers): «imitations étrangères non assimilées». 8) Στιγμαί σχολής (430 vers): poème exclu en raison du nombre de

ses vers. 9) H παλινωδία μου (500 vers): il contient deux poèmes intéres-

sants. 10) Λυρικαί ποιήσεις (570 vers): œuvre qui date de 1854. 11) Ερώτων έπη (798 vers): «froids exercices poétiques de grammai-

rien pédant. Mais les manuels de grammaire écrivent: les poètes nais-sent poètes et les orateurs deviennent orateurs. Nous souhaitons donc que ce poète maladroit devienne du moins un orateur, vu que le ver-balisme connaît une grande prospérité chez nous!»2.

Ce «grammairien pédant» n'était autre que Costis Palamas (1859-1943) qui, à 16 ans, participait au concours de Voutsinas pour la pre-mière et la dernière fois. Plus tard, il allait se référer à plusieurs reprises, et non sans complaisance, au sévère jugement porté sur lui par Orpha-nidis3.

12) Πτερά (539 vers) 13) Όνειρα (548 vers) 14) Ο λυρωδός (699 vers): œuvre contenant un extrait de poème et,

de ce fait, exclue du concours. 15) Σταγόνες (646 vers) 16) Αισθήματα και αναμνήσεις (502 vers) 17) Ο χορός της κυρίας Ριπαπή (734 vers): œuvre satirique qui

raille un certain nombre de personnages athéniens connus. Bien qu'elle

1. Ibid., p. 7; cf. un commentaire ironique dans Εστία 3 (1877) 399-400. 2. Jugement de 1876, p. 16. 3. Voir notamment Pal. Α., t. I. p. 19, et t. IV, p. 430. Nous signalons qu'une

lettre de D. S. Zalouchos à C. Palamas (19 mai 1876) décrit assez bien la façon dont les amis du poète, présents à la cérémonie, accueillirent le jugement du rapporteur sur Ερώτων έπη: C. S. Constas, op. cit., p. 392.

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n'ait pas de place dans un concours de poésie lyrique, elle fait cepen-dant l'objet d'un commentaire plutôt favorable 1.

Il s'agissait d'une œuvre de Georges Souris2.

II. D e u x i è m e c a t é g o r i e 18) Συ και εγώ (515 vers): recueil de 9 petites poésies, œuvre d'un

poète débutant. Est cité le poème εις τον αόμματον πάππον μου. 19) Αετιδείς (502 vers): œuvre d'un poète inexpérimenté. Est cité

le poème Επί του λευκώματος μικράς μαθήτριας, «obscure imitation de muse étrangère».

20) Ίρις (585 vers): recueil de 9 poésies «très médiocres». La versi-fication est en général naturelle. L'auteur fait un usage abusif de mots vulgaires et populaires; il n'évite pas la prolixité et le prosaïsme. Sont cités les poèmes H συνέντευξις et H ευτυχία3.

Il s'agissait d'une œuvre de D. Gr. Cambouroglou4. Dans sa cin-quième et dernière participation au concours de Voutsinas, le lauréat de 1873 faisait preuve de la même bonne humeur qui avait toujours marqué ses manifestations littéraires:

Ποιός γνωρίζει την Σμαράγδα πούχει χάραις πούχει κάλλη, όσα δεν τα έχει άλλη, κ' ένα ελάττωμα κακό;

21) Σκιρτήματα (586 vers): recueil en langue savante et en langue populaire. Les poèmes «savants» sont «froids, médiocres et presque sans aucun intérêt»; ceux écrits en langue populaire sont meilleurs. Est cité le poème Το φίλημα του Μάρτη5.

Deuxième participation aux concours d'Emmanuel C. Stratoudakis, cette œuvre montrait dans quelle mesure, en 1876, la langue populaire gagnait du terrain et facilitait l'expression lyrique:

Είχαν γιορτή περιφανή επέρσι μιαν ημέρα τα λούλουδα κάτω 'στη γη και τ' άστρα στον αιθέρα...

1. Jugement de 1876, pp. 17-18. 2. Pal. Α., t. VII, p. 102. 3. Jugement de 1876, pp. 27-34. 4. Camb. Α., p. 799. Ses deux poèmes, remaniés, sont publiés, sous les titres

Η Σμαράγδα et Εωθινόν, dans D. Gr. Cambouroglou, Παλαιαί αμαρτίαι, op. cit., pp.15-16 et 23-24.

5. Jugement de 1876, pp. 34-38.

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L'auteur, un admirateur d'A. Paraschos, devait publier en partie ses poésies l'année suivante, sans toutefois manquer de protester contre le sévère jugement d'Orphanidis1.

22) Τραγούδια (510 vers): recueil de 13 poésies écrites en langue démotique. Imitations des chants populaires, ces poésies constituent des «lieux communs» et sont dépourvues d'intérêt «après les innom-brables publications des chants kleftiques et après les poèmes de notre ami Aristote Valaoritis». Est cité le poème H αγάπη όνειρο.

23) Ο λαγουτιέρης. Τραγούδια της αγάπης (507 vers): recueil de 26 petites poésies qui, écrites en langue démotique, malgré leurs lieux communs, possèdent la naïveté et la grâce des chants populaires. Elles ont cependant des mots grossiers. Est cité le poème Το δάγκαμα.

24) Λυρικά ποιήματα (690 vers): recueil écrit en langue populaire «froide et qui sent le pédantisme». La versification est généralement correcte. La monotonie et le verbalisme constituent les défauts majeurs. Sont cités les poèmes Έλα μ' εμέ et H Ανθούλα (imitation de Solomos)2.

25) Μονωδίαι (1885 vers): recueil de 27 poésies en langue savante. L'auteur, qui semble être un homme cultivé, n'évite pas la prolixité. Est cité le poème την είδον πάλιν.

26) Μυρσίναι (904 vers): recueil de 14 poésies, «fruit insipide de l'école romantique moderne qui rêve sans cesse en Grèce de palpitations, de larmes..., de vigueurs et de voluptés». Tout le recueil est caractérisé par un «prosaïsme versifié». Est cité et commenté ironiquement le poème

Εν Φαλήρω3. Il s'agissait d'une œuvre de T. Ambélas4. Le poète qui participait

régulièrement aux concours depuis 1867 démontrait, une fois de plus, sa médiocrité féconde:

Βλέπεις την θίνα, ην φιλεί η θάλασσα ως τρυφυλή

παρθένος ερωμένον; Βλέπεις εδρών πληθύν εκεί; Υπό σελήνης φως γλυκύ είδον αβράν παρθένον.

1. Ε. C. Stratoudakis, Λυρικαί ποιήσεις, Athènes 1877, pp. 5-6. 2. Jugement de 1876, pp. 42-49. Il s'agissait probablement d'une œuvre de

Constantin Xénos. 3. Ibid., pp. 54-59. 4. Cf. ici p. 259, note,3.

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27) Ερωτικόν χαρτοφυλάκων (600 vers): 50 poèmes élégiaques dont chacun a 12 vers. La langue (savante) et la versification sont correctes. Mais le poète, prolixe, ne réussit pas à éveiller l'intérêt du lecteur. Est cité le poème No 381.

Il s'agissait d'une œuvre d'Alexandre Catacouzinos publiée en 18772.

28) Τα τραγούδια μου (559 vers): recueil de 12 petites poésies amu-santes dont la plupart sont écrites avec «beaucoup de facilité et de grâce». L'auteur fait des rimes naturelles, mais il n'évite pas «les mots turcs et barbares». Sont cités les poèmes Ενθύμησις et Ενθουσιασμός3.

Il s'agissait d'une œuvre de Georges Souris4. Continuateur de D. Gr. Cambouroglou, l'auteur se moquait, dès sa première poésie (Πατρίδα, έρωτας, κρασί), du romantisme morbide:

Δεν στενάζω στους τάφους απάνω, ούτε ψάλλω ποτέ της ιτιαίς, τα σκοτάδια, της μαύραις νυχτιαίς, κι' ούτε θέλω ποτέ ν' αποθάνω.

L'humour, la joie de vivre, les thèmes anacréontiques et quotidiens annonçaient ici, sans doute, une réconciliation de la poésie avec la réa-lité. Mais les signes d'un nouveau conformisme étaient, eux aussi, évi-dents: complaisant, Souris sacrifiait déjà tout effort créateur à la satire superficielle, aux lieux communs et à la facilité.

29) Σπινθήρες γενναιοφροσύνης (564 vers): recueil de 6 poèmes, œu-vre d'un homme cultivé. La langue est savante. L'auteur fait montre de patriotisme et de nobles sentiments, sans toutefois éviter le prosaïsme et les longueurs. Est cité un extrait du poème Εις τον άνδριάντα 'Ρήγα

του Φερραίου. 30) Ακτίνες και μύρα (638 vers): «œuvre d'une plume expérimentée».

L'auteur semble avoir subi l'influence d'Alexandre Soutsos et d'autres

1. Jugement de 1876, pp. 59-60. 2. P. Matarangas en reproduit cinq poèmes: Mat. Parn., pp. 741-743. Il est à

noter que le recueil de Catacouzinos est favorablement jugé par G. Sclavos et Tellos Agras: MEE 14 (1930) 50.

3. Jugement de 1876, pp. 61-66. 4. Georges Ch. Souris, Τα τραγούδια μου ή Συλλογή ευτραπέλων ασμάτων επαι-

νεθείσα εν τω εφετεινώ Βουτσιναίω ποιητικώ αγώνι, Athènes 1876. —Sur la participa-tion du poète au concours de 1876 et sur l'accueil réservé par la presse à son recueil, voir Criton G. Souris, op. cit., pp. 59-60.

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poètes modernes. Il fait preuve de bon goût et de patriotisme. Sa langue est soignée, sa versification correcte et élégante. Sont cités et commentés longuement les poèmes προς τον Κανάρην et εν συμποσίω1.

Il s'agissait d'une œuvre de Constantin Skokos (1854-1925)2. Dans la mesure où le patriotisme blessé alimentait encore la révolte romantique,

le jeune poète ne manquait pas de reprendre le thème de «l'idéal déchu»:

Κ' ημείς; αναπαυόμενοι εις αναμνήσεις μόνον πέραν ημών δεν στρέφομεν ευγνώμονες το βλέμμα, κ' ενώ βαυκαλιζόμεθα με τ' άθλα των προγόνων, ρέει των δούλων αδελφών ακράτητον το αίμα.

Του μεγαλείου τ' όνειρον εκείνο διεκόπη... Κ' ημάς τους νάνους σήμερον σαρκάζει η Ευρώπη.

Mais le temps des pleurnicheries était passé. Tempérament proche de celui de Souris, Skokos n'avait pas de mal à suivre la nouvelle mode anacréontique pour exalter l'amour et le vin. Il riait aussi facilement et superficiellement qu'il se lamentait.

31) Αραις, Μάραις, Κουκουνάραις (3407 vers): quatre manuscrits portant respectivement les titres Άραις (744 vers), Μάραις (740 vers), Κουκουνάραις (740 vers) et Άραις, Μάραις, Κουκουνάραις (1183 vers). Ces titres bizarres et un peu ridicules couvrent, en réalité, des poèmes lyri-ques remarquables qui rappellent Christopoulos, Tantalidis, même Ana-créon et qui sont écrits en langue savante et en langue populaire. Con-trairement aux trois premiers manuscrits dont le ton est généralement amusant et léger, le quatrième contient des poésies graves et parfois obscures, faisant état d'influences allemandes. Dans une lettre, le poète propose aux juges universitaires, s'ils trouvent inconvenant le titre donné par lui en guise de plaisanterie, de le transformer en Βοσπορίδες αδραι; ce que le jury accepte volontiers. Sont cités et commentés favora-blement 3 poèmes du premier manuscrit, 8 du second, 5 du troisième et 2 du quatrième. Vu les qualités incontestables de ces poésies (grâce, élégance, esprit comique, versification harmonieuse, etc.), les juges dé-cernent à l'unanimité le prix et la couronne à Βοσπορίδες αύραι; ils réservent l'unique accessit du concours à Ακτίνες και μΰρα3.

1. Jugement de 1876, pp. 71-79. 2. C. Ph. Skokos, Ακτίνες και μύρα, λυρική συλλογή τυχούσα του πρώτου επαίνου

εν τω Βουτσιναίω ποιητικώ διαγωνίσματι του 1876, Athènes 1877. 3. Jugement de 1876, pp. 79-119.

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Absent de la cérémonie, Georges Vizyinos, l'auteur de l'œuvre couronnée, ne pouvait pas assister à sa victoire, la seconde depuis celle de Κόδρος1. De l'Allemagne, d'où il avait envoyé ses quatre manuscrits, il ne pouvait pas non plus saisir ce qui avait changé entre-temps dans le climat littéraire d'Athènes. En vain se pavanait-il dans un de ses poèmes qu'Orphanidis avait lu en public:

Μα του Παρνασσού τας κίσσας, και το δέρμα του Μαρσύου,

κ' εγώ πρέπω μεταξύ σας, ποιηταί από γραφείου !

Εν εκστάσει κ' εγώ θώκον ποιητού και δάφνην είδον

En réalité, sa deuxième couronne de laurier n'avait plus à ajouter grand-chose à son prestige. Ses poésies, longuement présentées par Or-phanidis lors de la cérémonie, «n'ont pas plu», nous dit-on, à un public qui applaudissait les vers de Souris2. Le jeune D. S. Zalouchos, dans une lettre à son ami Costis Palamas, qualifiait le concours de 1876 d'«entière-ment misérable», ironisait sur l'œuvre couronnée et proclamait sa pré-férence pour les poèmes de D. Gr. Cambouroglou et de C. Skokos3. Roïdis ridiculisait sans pitié Vizyinos, les juges universitaires et l'ins-titution poétique: «L'ajournement continuel du concours est dû au fait qu'un juge exige que soit couronné, à la place des poèmes envoyés, un piètre assemblage de vers intitulé Άραις, Μάραις, Κουκουνάραις, œu-vre d'un tavernier, fiancé à la servante du juge en question, servante à laquelle ce dernier doit des salaires de deux ans»4. Dans ces conditions, le lauréat ne pouvait sûrement pas s'attendre à un grand respect, au moment où les concours s'éteignaient dans l'indifférence et dans les sarcasmes.

1. G. Drossinis confond évidemment la cérémonie de 1876 avec celle de 1874, lorsqu'il évoque la scène du couronnement de Vizyinos: Σκόρπια φύλλα της ζωής μου, Athènes 1940, p. 161.

2. Journal Ποσειδών (du Pirée); cité par Criton G. Souris, op. cit., p. 60. 3. C. S. Constas, op. cit., p. 392. 4. Ασμοδαίος, 16 mai 1876. Un an plus tard, Roïdis allait exprimer le même

mépris pour le lauréat de 1876: Περί συγχρόνου ελληνικής ποιήσεως, Athènes 1877, p. 16. Ajoutons que le poète E. C. Stratoudakis devait égratigner, lui aussi, le «rimailleur connu Vizyinos»: Λυρικαί ποιήσεις, op. cit., p. 5.

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Le recueil Βοσπορίδες αύραι ne devait jamais être publié dans son ensemble1. On ne devait jamais apprendre ce qu'il pouvait encore ap-porter à la poésie néo-hellénique. Mais ses nombreux poèmes cités par Orphanidis sont suffisamment éloquents: ils montrent quel chemin avait fait Vizyinos depuis Κόδρος et vers quelles directions il s'orientait en 1876. A vrai dire, sa voie était incertaine. Elle passait aussi bien par la langue popularie que par la langue savante, aussi bien par Chris-topoulos et Tantalidis que par les chants populaires,

Βαρειά βαρειά τα σήμαντρα βαρούνε κ' η καμπάναις φιλούν η μάναις τα παιδιά και τα παιδιά ταις μάναις

ou par Solomos:

Ήτον ωραίο, σαν το λουλούδι" ήτον αθώο, σαν αγγελούδι,

του παραδείσου ήτο ψυχή.

Il n'en reste pas moins que ces poésies, gaies ou tristes, malgré leurs influences multiples, étaient l'œuvre d'un véritable créateur2. En partie, elles ne faisaient que suivre l'exemple donné en 1873 par D. Gr. Cambouroglou (H φωνή της καρδιάς μου): l'esprit anacréontique

1. Certains poèmes sont reproduits dans Εστία 3 (1877) 125 et 398, dans Mat. Parn., pp. 634-642, et dans G. Vizyinos, T α ποιήματα, Athènes, Phexis, 1916, pp.

114-118. Sur les poèmes incorporés par l'auteur dans Ατθίδες αύραι (Londres 1883), voir G. Valétas, Φιλολογικά στο Βιζυηνό, Athènes 1936, pp. 64-65, et C. Mamoni, Βιβλιογραφία Γ. Βιζυηνού, Athènes 1963, pp. 9-10. Nous signalons que le recueil de Vizyinos est maintenant accessible grâce à l'édition de C. Mamoni: T α άπαντα του Γ. Βιζυηνού, «Βίβλος» [1955], pp. 435-451. En ce qui concerne les efforts du poète pour publier Βοσπορίδες αύραι, sa lettre à Tantalidis (13/25 juin 1876) reste tou-jours un témoignage précieux: N. Vassiliadis, Aι «Βοσπορίδες» του Βιζυηνού (Ανέκ-δοτος επιστολή του ποιητού) dans Skokos, Ημερολόγιον 1911, pp. 284-288; cl. Παναθή-ναια 21 (1910) 174-175 et Γεώργιος Βιζυηνός, ΒΒ No 18, Athènes 1960, pp. 28-29.

2. C. Palamas se montrait, croyons-nous, très sévère en 1916, lorsqu'il estimait que ces poésies «aujourd'hui ne méritent pas une attention autre que celle du patient historien de notre littérature»: Pal. Α., t. VIII, p. 316. Malgré son admiration pour Vizyinos, il avait toujours gardé un mépris excessif pour «la victime des misérables concours de Voutsinas, l'auteur couronné de piètres exercices scolaires» (1897): Pal. Α., t. II, p. 507.

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survivait dans les deux cas à travers un modèle commun (Christopoulos). Mais Vizyinos avait le sens tragique dévéloppé et puisait son lyrisme dans des expériences douloureusement vécues:

Θέλω να διω τη μάνα μου, τ' αδέρφια μ' να φιλήσω, στον τάφο του πατέρα μου θέλω να προσκυνήσω,

βαρέθηκα τα ξένα.

Toutefois, c'était sous un ton léger qu'il cachait, le plupart du temps, ses cris de douleur. Disciple de Tantalidis, il ne faisait que respecter minutieusement la tradition phanariote à laquelle il devait sa formation littéraire. Ne devenait-il pas ainsi l'expression vivante d'une contradic-tion? Toujours est-il que son écriture, souvent obscure et abstraite, témoignait d'un tempérament qui, en dernière analyse, s'accommodait mal d'une poésie simple, facile et superficielle.

Cette poésie simple, facile et superficielle était déjà à l'ordre du jour. Le retour à la nature passait sans doute par les joies de la vie quotidienne, par un regard sur la réalité la plus immédiate. Christo-poulos et la poésie insouciante phanariote servaient, une nouvelle fois, d'exemple: la production lyrique de 1876, selon Orphanidis, exaltait presque exclusivement l'amour et le vin1. Souris versait dans la facilité de la poésie bacchique:

Αχ τι ωραίο το ρετσινάτο, ανάθεμάτο,

πως τ' αγαπώ !

et Skokos continuait sur le même ton:

Φέρτε, φέρτε ρετσινάτο, έχει ακόμη το κελλάρι'

το ποτήρι σας γεμάτο όλοι πίνετε, εμπρός, για να δώση και να πάρη

το κρασί και ο χορός.

Les temps avaient changé, sans aucun doute. On était bien loin des pleurnicheries romantiques qui, jusqu'en 1873, avaient dominé la poésie lyrique athénienne, bien loin aussi des froideurs néo-classiques

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qui avaient marqué la décennie précédente. Quelque chose de nouveau s'annonçait depuis le couronnement de H φωνή της καρδιάς μου, quel-que chose qui, en 1876, se précisait encore plus. Christopoulos revenait à la mode non pour amener à Anacréon ou pour tourner l'intérêt vers des sujets mythologiques, mais pour établir un contact avec la vie réelle et ses joies. La langue populaire gagnait de plus en plus de terrain. La «fermentation sociale» dont parlait Orphanidis n'était pas moins sen-sible dans le domaine littéraire. Certains poètes romantiques battus en 1873 réapparaissaient dans le concours de 18761, mais ce n'étaient pas eux qui pouvaient prendre l'initiative. La Nouvelle École Athénien-ne, celle qui allait être fondée par la génération de 1880, se projetait, quoique amorphe encore, à l'horizon. Quelques-uns de ses annoncia-teurs et de ses représentants se donnaient involontairement un premier rendez-vous dans le concours lyrique de 1876: D. Gr. Cambouroglou, G. Vizyinos, C. Palamas, G. Souris, C. Skokos.

Ils ne devaient plus se rencontrer dans le concours de Voutsinas. Car, après 25 ans de fonctionnement, l'institution poétique était à bout de souffle; elle succombait d'anémie incurable, sous le poids des circon-stances, sous les coups de ses adversaires et les caprices du fondateur, dans l'indifférence du public et dans la lassitude des professeurs. Le contact avec une nouvelle réalité rendait sa survie impossible. L'his-toire de la poésie néo-hellenique prenait d'autres directions et s'éloi-gnait de plus en plus des couloirs universitaires.

6. 1877: L'épilogue

Dans la mesure où les concours ont été suivis d'une époque étran-gère et, en grande partie, hostile à leurs objectifs, il est compréhensible qu'ils n'aient pas suscité un intérêt particulier après leur effacement: le changement de 1880 était sans doute loin de les mettre en valeur ou de favoriser un examen objectif de leur apport. Des décennies durant, l'nstitution de Rallis et de Voutsinas, si elle a fait l'objet de nombreux commentaires et de bilans pour la plupart négatifs, n'a pas été néan-moins considérée comme digne d'une étude approfondie. C'est en 1937 seulement qu'elle attire l'attention de la recherche2. Mais en 1946 encore,

1. Une allusion de D. S. Zalouchos dans une lettre à C. Palamas (5 juillet 1876) nous permet de conclure que C. Xénos et N. Chatziscos étaient, eux aussi, parmi les concurrents de 1876: C. S. Constas, op. cit., p. 393.

2. G. Valétas, «Η πανεπιστημιακή κριτική κι' η επίδρασή της στη νεοελληνική

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la date que l'on donnait pour sa fin restait incertaine: il a fallu une publi-cation spéciale1 pour préciser que le concours lyrique de 1876 n'était pas le dernier, ainsi que l'on avait cru pendant très longtemps. Des témoins de première importance tels que C. Palamas et D. Gr. Cambou-roglou avaient oublié, eux aussi, que l'institution poétique ne s'était pas terminée sur ce concours de 1876, auquel ils avaient participé. Et leurs trous de mémoire sont significatifs.

En réalité, nous le savons aujourd'hui, la dernière cérémonie du concours (épique) eut lieu le 6 juin 18772. Mais elle avait toutes les raisons de passer inaperçue. Défavorisée par les circonstances, elle n'était servie ni par le rapporteur ni par les candidats. Le jury universitaire, le même que celui de l'année précédente —E. Cokkinos (président), Th. Aphen-toulis (rapporteur) et Th. Orphanidis—, avait considérablement tardé à préparer son rapport3. Les concurrents n'avaient jamais montré moins d'empressement à participer au concours: les œuvres envoyées n'étaient qu'au nombre de 5. Un autre désavantage devait contribuer à jeter ce dernier concours épique dans l'oubli: contrairement à tous les Juge-ments de la période de Voutsinas qui furent publiées en brochure aux frais du fondateur, celui de 1877 allait rester inédit. Sa publication tar-dive dans Αθήναιον, une revue strictement scientifique, n'était évidem-ment pas de nature à attirer l'attention.

C'est ainsi que, s'étant déroulé dans une indifférence presque totale, le concours de 1877 venait ajouter à l'histoire de l'institution poétique un terne épilogue. En vain Aphentoulis essayait-il d'attribuer l'abs-tention des concurrents a la situation explosive de l'époque, la guerre russo-turque qui avait éclaté le 11 avril4. Il n'ignorait sans doute pas que l'indifférence des poètes était loin de constituer un fait temporaire. Les concours universitaires avaient fait leur temps; ils n'avaient à at-tendre que des coups de grâce.

ποίηση. Oι ποιητικοί διαγωνισμοί», NE 22 (1937) 1819-1844; cf. NE 23 (1938) 126-127 et 196-198.

1. P. I. Markakis, M ια άγνωστη συλλογή του Γεωργίου Βιζυηνού. Ο Βουτσιναίος ποιητικός διαγωνισμός του 1877, Athènes 1959 [Réimprimé de Φιλολογική Πρωτοχρονιά 1946, pp. 119-126],

2. Παρνασσός 1 (1877) 478. Une note qui accompagne la publication du Juge-ment de 1877 dans la revue Αθήναιον 7 (1878) 35 situe de façon inexacte cette céré-monie «au mois de mai», tandis que P. I. Markakis, op. cit., p. 5, se trompe lui aussi en la situant au «début mai».

3. Journal Ώρα, 29 mai 1877. C'est en raison de ce retard que la cérémonie fut reportée au 6 juin.

4. Jugement de 1877, p. 35.

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Des 5 œuvres présentées, le rapporteur ne commentait que 2, les seules «dignes de revendiquer le prix». Voici un résumé de son exposé:

1) H Κρήτη μας: poème épico-lyrique sans valeur. 2) Αικατερίνη: poème épique aussi insignifiant que le précédent. 3) Αμβρόσιος ο Μεδιολάνων: poème épique, «produit d'une plume

expérimentée»1. Il s'agissait d'une œuvre d'Antoine Antoniadis2. 4) Aι Εσπερίδες: trois «Balladen», au sens allemand du terme.

La première, Ο Ραψωδός, témoigne de l'influence de Schiller. La deuxiè-me, Aι Ορειάδες, rappelle le «Faust» de Goethe. La troisième, Ο Πύργος

της Κόρης, tire son sujet d'une légende grecque. Longuement analy-sées, passages à l'appui, ces trois ballades «remarquables», sont toute-fois critiquées pour leur contenu obscur et énigmatique, ainsi que pour leur langue et leur versification irrégulières. L'auteur, qui écrit en langue savante, n'évite pas les archaïsmes et les mots recherchés. En somme, ses ballades auraient dû être «plus simples et plus claires»3.

II s'agissait d'une œuvre de Georges Vizyinos4. Sous l'influence de la poésie allemande, l'auteur puisait maintenant ses inspirations romantiques et philosophiques dans des légendes séculaires:

Δονούνται, βροντούν και βομβούν κι' αντηχούν ευάγγελοι φθόγγοι, κλαγγαί των κωδώνων. Εν ρήμα κουφόπτεροι Φήμ' εποχούν:

ηυλόγησ' ο Πλάστης τον άτεκνον θρόνον.

Son imagination était sans doute vive et son style, laborieux, ne manquait pas d'une certaine habileté technique. Mais on ne retrouvait plus ici la langue populaire et le lyrisme de certaines poésies de Βοσπορίδες

1. Ibid. 2. A. I. Antoniadis, Η Μάννα του Γενιτσάρου, βραβευθείσα εις τον ποιητικόν δια-

γωνισμόν του φιλογενούς I. Γ. Βουτσινά τη 3 [sic] Ιουνίου 1877, και Αμβρόσιος ο Μεδιο-λάνων, ποιήματα επικά, Athènes 1878.

3. Jugement de 1877, pp. 36-49. 4. Elle est inconnue dans son ensemble. En 1882, Vizyinos présenta à la Société

Littéraire Παρνασσός sa ballade ο Πύργος της Κόρης avec Η μητέρα των επτά, poèmes qui furent publiés par Jean Cambouroglou dans son journal Νέα Εφημερίς: N. Vassiliadis, Εικόνες Κωνσταντινουπόλεως και Αθηνών, op. cit., p. 322. La ballade

ο Πύργος της Κόρης, reproduite dans Georges Vizyinos, Τα ποιήματα, op. cit., pp. 135-146, est favorablement analysée par C. Palamas: Pal. Α., t. VIII, pp. 330-333. Ajoutons que les passages de Aι Εσπερίδες cités par Aphentoulis sont aujourd'hui accessibles grâce à leur reproduction par P. I. Markakis, op. cit., pp. 7-18.

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ρίδες αύραι. Le poète s'éloignait une nouvelle fois du réel pour retomber dans un formalisme archaïsant et abstrait; l'auteur de Κόδρος n'était pas mort en lui. Cependant, il serait erroné de voir dans AI Εσπερίδες un simple retour en arrière: la ballade, βάλλισμα selon le terme em-ployé par Vizyinos, entrait déjà dans l'univers de celui-ci pour marquer profondément sa création future 1.

5) H Μάννα του Γενιτσάρου: épopée (3500 vers environ) se réfé-rant à l'époque de l'occupation turque. L'auteur reste fidèle à la lettre et à l'esprit des chants populaires. «Nous considérons la langue démoti-que de ce poème comme une de ses plus grandes qualités...». Le jury décerne le prix et la couronne à l'auteur de l'épopée en question et at-tribue un accessit au poète de Εσπερίδες2.

Ainsi se terminait, le 6 juin 1877, le dernier concours de Voutsinas. Antoniadis, l'auteur de H Μάννα του Γενιτσάρου, recevait sa sixième cou-ronne depuis 1865 et offrait les 1000 drachmes du prix à deux comités patriotiques de l'époque3. Vizyinos, toujours absent en Allemagne, n'a-vait qu'à se contenter cette fois-ci d'un accessit. Elément caractéristique: le dernier jury universitaire honorait la langue démotique et couronnait un poème écrit dans le plus pur style des chants populaires:

Έχετε 'γειά, λημέρια μου ! έχετε 'γειά πλατάνια, βρυσούλαις με τα κρυά νερά και πεύκα με τα λάφια !

Le rapporteur Aphentoulis, l'auteur de Κρητικά (1867), n'avait rien perdu de son goût pour la muse populaire, «cette Iliade des malheurs, de la gloire et des sentiments grecs»4. Un an plus tôt, Orphanidis n'avait pas été du même avis, lorsqu' il avait critiqué une œuvre imitant les chants kleftiques: «Si ces imitations avaient encore une certaine valeur il y a quelques années, aujourd'hui elles sont devenues des lieux com-muns, de véritables copies»5. Dans ces conditions, comment les jurys universitaires, renouvelables, pouvaient-ils avoir des critères plus ou moins stables, alors que leurs rapporteurs se contredisaient en public? En 1877, l'heure des bilans était arrivée. C'était comme si, à la fin d'une

1. Voir ses ballades dans Ατθίδες αύραι (1883), ainsi que son étude dans Εστία 1894, pp. 2-5, 26-28, 43-44, 54-55, 66-69, 89-92, 120-123,155-158, 170-172, 188-190 et 202-204 [ = Georges Vizyinos, Ανά τον Ελικώνα (Βαλλίσματα), Athènes 1930],

2. Jugement de 1877, pp. 49-60. 3. Ibid., p. 61. 4. Ibid., p. 59. 5. Jugement de 1876, p. 38.

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époque, on jetait un coup d'œil en arrière pour rendre compte du chemin parcouru. A. R. Rangabé, dans son Histoire littéraire delà Grèce moderne (Paris 1877), deuxième effort de synthèse depuis le Cours de littérature grecque moderne (Genève 1827) de I. R. Néroulos, ne se distinguait sans doute ni par son souci d'objectivité ni par son goût critique1. Cependant, même lui, protagoniste des jurys universitaires, condamnait en bloc l'apport de ceux-ci: «Il nous est à peine permis de mettre en ligne de compte les rapports des comités du concours poétique qui est jugé tous les ans à l'université d'Athènes; car quelquefois ces rapports eux-mêmes trouveraient à peine grâce devant une sévère critique»2.

C'était, en effet, le moment d'une mise en question globale, d'une réflexion sur l'échec littéraire de toute une époque. Trois mois avant la cérémonie du dernier concours de Voutsinas, Roïdis était déjà passé à l'offensive: rapporteur dans le concours dramatique organisé par la Société Littéraire Παρνασσός, le 19 mars 1877, il n'avait pas hésité à rejeter , avec les 12 œuvres présentées, la production poétique contem-poraine dans son ensemble. C. Paparrigopoulos (président), Th. Vénizé-los et Irénée Assopios avaient signé le même rapport; ils avaient jugé bon, eux aussi, en refusant le prix à tous les concurrents, de s'opposer au relativisme habituel des jurys universitaires.

Roïdis, lui, allait plus loin. Rapporteur extra-universitaire, il s'éle-vait d'emblée contre tous les rapporteurs universitaires qui, un quart de siècle durant, n'avaient pratiquement fait qu'exposer l'intrigue des «produits les plus insignifiants», de s'occuper de fautes de grammaire et d'inciter ainsi les concurrents à rechercher les fautes de grammaire contenues dans les Jugements. Or, pour lui, la critique avait une mission plus importante que d'enseigner «la syntaxe, l'orthographe et la logi-que élémentaire». «Si nos concours sont vraiment poétiques, les rapports des jurys doivent traiter, comme partout dans le monde, de doctrines esthétiques»3.

Mais l'échec de la critique universitaire n' était pas un fait isolé; il allait de pair avec une stérilité poétique qui caractérisait «non seule-ment les œuvres de cette année, mais toutes les œuvres présentées de-puis que de telles joutes littéraires existent, et, d'une façon générale,

1. Sur ses erreurs et sur ses jugements arbitraires, voir surtout le compte rendu d'Emile Legrand dans la Revue Critique, No 41, 13 octobre 1877, pp. 218-223, et la longue lettre de Jules Typaldos à Sp. De Biazi dans Παναθήναια 22 (1911) 236 sq.

2. A. R. Rangabé, Histoire littéraire, t. I, p. 176. 3. Παρνασσός 1 (1877) 219.

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toute la génération actuelle en Grèce»1. Les causes de cette stérilité de-vaient être recherchées dans les conditions historiques et sociales de l'épo-que: préoccupations matérielles des Grecs, disparition d'un idéal exal-tant, absence d'une «atmosphère poétique ambiante». Or, pour Roïdis, «la Grèce ne saurait espérer, pour l'instant, avoir une poésie, puisqu'elle a renié les mœurs des ancêtres et qu'elle ne participe pas encore à la vie intellectuelle des autres peuples»2. C'est dans ces conditions que le classicisme sonnait aussi faux que le romantisme: la poésie grecque con-temporaine offrait exclusivement «de froides imitations classiques ou des parodies byroniennes infantiles» 3.

Condamnation sans appel, le rapport de Roïdis avait de quoi scan-daliser et indigner. La poésie grecque, passée, présente et future, était rejetée d'une manière aussi désinvolte que péremptoire. Les noms dOr-phanidis, de Mistriotis, notamment de Taine, n'avaient pas été prononcés une seule fois: c'était comme si Roïdis s'interrogeait le premier sur le sort de la poésie néo-hellénique et comme s' il ne devait à personne sa réponse fondée sur l'«atmosphère poétique ambiante». Compilateur génial, il savait toujours dissimuler son érudition d'emprunt sous un style spirituel et original. Mais il savait aussi soulever de vrais problèmes, au moment propice, en se servant des moyens les plus efficaces.

Son défi, lancé à la veille de la guerre russo-turque, était bientôt relevé par Ange Vlachos, nouveau critique depuis 1874. C'est ainsi que, des mois durant, un duel littéraire allait s'insérer dans le cadre d'une effervescence généralisée. «Il y a quatre ans, écrit Juliette Lamber, tan-dis que les armées russes marchaient sur les Balkans, et que la Grèce brûlait du patriotique désir de se jeter dans la mêlée; que les jeunes hom-mes se préparaient à la guerre et que les femmes grecques faisaient de la charpie; la société d'Athènes, enfiévrée par l'attente d'événements graves, d'où le sort futur de la patrie hellénique pouvait dépendre, trouvait un délassement à suivre les péripéties d'un tournoi littéraire dont les combattants et les juges remplissaient les salles de la société littéraire 'le Parnasse'»4.

C'était dans ces salles que, répondant à Roïdis le 22 avril 1877, Vlachos prenait la défense de la poésie athénienne et opposait à ^atmo-sphère poétique ambiante» 1' «inspiration», le talent du poète, la primauté

1. Ibid. 2. Ibid., p. 224. 3. Ibid., p. 225. 4. Juliette Lamber, Poètes grecs contemporains, Paris 1881, pp. 155-156.

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de facteurs innés et soustraits à tout conditionnement historique et social. En jetant l'anathème sur la poésie néo-hellénique, le rapporteur de Παρνασσός n'avait-il pas péché par bizarrerie et par esprit de nouveau-té? «Jamais peut-être, depuis les philosophes et les critiques anciens jusqu'à ceux d'aujourd'hui, n'a été formulée une théorie plus révolution-naire contre les lois invariables de l'esthétique, un tel paradoxe qui fait d'une certaine atmosphère poétique la mère nécessaire et indispen-sable du poète, paradoxe selon lequel le génie ou le talent poétiques ne sont pas inhérents à l'âme du poète en tant que parties de l'esprit divin et éternel, mais résultats d'une influence extérieure et étrangère... Au contraire, tous les esthéticiens, tous ceux qui ont sérieusement réfléchi sur l'art et sur le beau acceptent à l'unanimité que la première et prin-cipale qualité du poète est l'inspiration...»1.

Ces nombreux esthéticiens qui croyaient avec Horace que le poète «nascitur non fit» étaient cités: Platon, Aristote, Boileau, Fichte, Hegel, Carrière, Fischer, Charles Levêque2. Quant à la poésie nationale, elle était non seulement conservée dans les campagnes, mais elle avait plu-sieurs représentants «aux cœurs purement grecs et non encore souillés par les incantations de la civilisation moderne»: les frères Soutsos, A. R. Rangabé, A. Paraschos, Valaoritis, Tertsétis, notamment Zalocostas3. Ce dernier donnait toute la mesure de la poésie rejetée par Roïdis. Elé-giaque et épique à la fois, il avait su rester fidèle aux traditions helléni-ques et combiner la langue populaire avec la langue savante «comme peu de poètes de la Grèce nouvelle»4.

Traditionaliste et défenseur des valeurs nationales, Vlachos n'en restait pas moins l'homme formé dans les universités allemandes: à la vingtaine de noms d'auteurs cités par Roïdis il en opposait une trentaine, et non toujours avec une raison évidente. Dès lors, la guerre des cita-tions devenait inéluctable. Roïdis en était conscient, lorsque, six mois plus tard, après la réouverture des salles de Παρνασσός, il décidait de continuer le débat par deux conférences sur la critique et sur la poésie grecques contemporaines (22 et 29 octobre 1877). Dans la mesure où ni son adversaire ni ses auditeurs n'acceptaient que l'esthétique «de-vient accessible et facile lorsqu'elle descend des hauteurs métaphysiques

1. A. Vlachos, «Περί νεωτέρας ελληνικής ποιήσεως και ιδίως περί Γεωργίου Ζαλο-κώστα», Παρνασσός 1 (1877) 323.

2. Ibid., pp. 324-326. 3. Ibid., p. 330. 4. Ibid., p. 341.

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pour atterrir sur l'examen de problèmes réels», il était forcé de faire des concessions: «Le Grec d'aujourd'hui a une telle méfiance à l'égard de ses connaissances et de son propre jugement qu'il préfère, même à propos d'une question vérifiable par l'expérience commune, la discus-sion théologique à la discussion logique, demandant des noms qui font autorité au lieu de choses... Obligés de nous soumettre nous aussi à cette mode, nous devons examiner non pas si la théorie en question est vraie ou erronée, mais seulement si elle dispose du vote favorable des critiques»1.

C'est pourquoi le débat prenait soudain l'aspect d'une polémique par personnes et citations interposées. Roïdis ne manquait pas, pour défendre sa théorie de l'atmosphère ambiante, de recourir à des auteurs de tous les temps et de tous les pays (Platon, Aristote, Hegel, Schopen-hauer, Richter, Schlegel, Spencer, O'Connell, Littré, Taine, Pictet, Sain-te-Beuve, Levêque, entre autres) et de lancer contre son adversaire une liste de plus de 90 noms grecs et étrangers. Accusé par Vlachos de fai-re de l'esprit, il opposait l'exemple d'écrivains tels que Taine, Büchner, Feuerbach, Hartmann, Renan, David Strauss, Heine, Richter, About2. Son maitre C. Assopios, «le Philopœmen de notre critique», était honoré pour avoir proclamé, il y avait 20 ans, «que notre situation transitoire n'est pas favorable à l'apparition de poètes»3. Th. Aphentoulis était ironiquement cité à deux reprises comme exemple de nullité critique4. Ange Vlachos, l'homme qui «autrefois a jugé bon de présenter au con-cours de Voutsinas un drame allemand comme une oeuvre à lui, pour avoir le plaisir, le lendemain, de se moquer de l'ignorance des profes-seurs trompés»5, n'était pas épargné; il recevait des coups qui étaient loin de contribuer à l'apaisement de la querelle.

Mais c'était surtout dans sa deuxième conférence, celle qui portait sur la poésie grecque contemporaine, que Roïdis montrait ses qualités critiques. Le classicisme et le romantisme devenant impossibles en Grèce, la création poétique, «luxe européen, mode, moyen d'existence et de parade», était considérée, une fois de plus, comme étrangère aux «besoins

1. E. D. Roïdis, Περί συγχρόνου εν Ελλάδι κριτικής, Athènes 1877, pp. 12-13. Sur la «discussion théologique», voir aussi p. 42.

2. Ibid., p. 5. 3. Ibid., p. 7; cf. p. 56. En réalité, critiquant P. Soutsos, C. Assopios n'avait

jamais rejeté en bloc la poésie de son temps. 4. Ibid., pp. 18 et 57. 5. Ibid., p. 58.

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de l'esprit et du cœur»1. Les chants populaires, anti-romantiques et anti-chrétiens, étaient interprétés comme des manifestations païennes; leurs images rappelaient «à chaque vers l'épopée homérique»2. Les poèmes présentés aux concours étaient qualifiés de «voix étrangères» (ξενοφωνή-ματα) 3 .

Obligé d'établir dans la poésie néo-hellénique une nouvelle hiérar-chie face à celle de son adversaire, Roïdis donnait sans hésiter la première place aux poètes vulgaristes Solomos, Christopoulos et Vilaras. Ale-xandre Soutsos et Georges Zalocostas étaient placés à un rang inférieur; l'auteur de Tο Μεσολόγγιον avait souillé ses lauriers populaires «en en-voyant aux concours poétiques des assemblages de mots sonores dépour-vus souvent du moindre sens»4. Parmi les poètes vivants, seuls A. Valaoritis et A. Paraschos méritaient un honneur particulier. Le pre-mier avait écrit dans H Κυρά Φροσύνη (1859) «peut-être les meilleurs vers byroniens» en Grèce, bien que, à une époque privée d'idéal vivant il ait été obligé «de déterrer l'idéal kleftique, d'embaumer le cadavre dans des aromates romantiques et de l'orner de pierres précieuses va-riées»5. Le second, doué d'une force «spontanée, involontaire, inconsciente et irrésistible», 1'inspiration, n'avait pourtant pas toujours fait preuve de volonté créatrice et de maîtrise dans l'exécution de ses œuvres6.

Chants populaires, Solomos, Christopoulos, Vilaras, Valaoritis, Pa-raschos: les valeurs poétiques de Roïdis étaient principalement axées sur l'usage de la langue démotique. Or la ciritque universitaire rationa-liste (Assopios, Coumanoudis, Castorchis, Mistriotis) ne risquait pas de disparaître avec les concours; elle trouvait un continuateur extra-univer-sitaire apte à combattre les partisans de Rangabé. C. Assopios recevait, une nouvelle fois, un hommage respectueux et son Τα Σούτσεια était qualifié de «chant du cygne de notre critique»7: n'était-ce pas pour Roïdis

1. E. D. Roïdis, Περί συγχρόνου ελληνικής ποιήσεως, Athènes 1877, p. 14. 2. Ibid., p. 7; cf. p. 42. Sur le rapprochement établi par Coumanoudis entre les

chants populaires et les poèmes homériques, voir ici p. 116. Ajoutons qu'un tel rapprochement est sensible aussi dans la façon dont l'Iliade fut traduite plus tard (1892) par A. Pallis.

3. Ibid., p. 6. Rappelons que, pour-Coumanoudis, en 1857, le romantisme était une école «étrangère, non hellénique»: voir ici p. 116.

4. Ibid., p. 29. Vlachos avait notamment loué les poèmes savants de Zalocostas couronnés dans le concours de Rallis.

5. Ibid., pp. 32 et 35. Cf. l'article de Roïdis sur Valaoritis dans Εστία 8 (1879) 545-551.

6. Ibid., p. 37. 7. Ibid., p. 23.

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une façon d'indiquer que, depuis 1853, la pensée athénienne, orientée vers «le retour aux formes anciennes» et préoccupée par les poèmes in-signifiants des concours, n'avait connu que la régression?

Par ailleurs, il était significatif que les seuls poètes contemporains honorés, Valaoritis et Paraschos, ne devaient aucunement leur gloire à l'institution poétique. Les lauréats des concours, eux, recevaient des flèches empoisonnées: «nous permettez-vous de vous demander, Mes-sieurs, si vous gardez dans votre mémoire de nombreux vers des hono-rables Messieurs Antoniadis, Skokos, Vassiliadis, Stavridis, Vizyinos et des autres poètes habituellement couronnés?»1. Antoniadis, en particu-lier, «bénéficiaire chaque année du prix de la fécondité», servait de cible préférée aux railleries de Roïdis2. Sans être nommé, Vlachos, poète des concours, était lui aussi vilipendé: il avait ignoré dans ses vers que «la poésie a comme principale et indispensable caractéristique d'être à tout prix différente de la prose»*.

Dans ces conditions, on le voit bien, la querelle des deux critiques athéniens prenait un ton de plus en plus personnel et agressif. Or, ré-pondant, à Roïdis dans une nouvelle conférence à Παρνασσός (décembre 1877), Vlachos avait moins à défendre ses positions qu'à montrer la mauvaise foi de son adversaire: c'était, en effet, ce «nouveau critique» qui devenait maintenant l'objet du débat4. Dans la mesure où Roïdis avait pris trop de libertés avec les auteurs qu'il avait cités, Vlachos croyait sans doute avoir la tâche facile: il lui suffisait de montrer que son adversaire connaissait mal l'allemand ou qu'il avait déformé et tronqué de nombreux passages. L'autorité des textes était ainsi rétablie et donnait raison à lui, Vlachos. D'autres part, les motivations psycholo-giques du «nouveau critique» étaient soulignées de bonne grâce: si Roïdis avait attaqué la poésie grecque contemporaine, c'était par «amertume» et par «soif de vengeance» contre une société dans laquelle il trouvait difficilement des lecteurs". De toute façon, par ses jugements arbitraires, il montrait qu'il n'était pas «un critique mais un dénigreur de poèmes»6.

1. Ibid,., p. 16. 2. Ibid., pp. 3 et 23. 3. Ibid., p. 24. Le même argument, placé sous l'autorité d'Aristote, d'Horace,

de Diderot, de Monti et de Richter, avait déjà été utilisé par C. Assopios contre P. Soutsos: T α Σούτσεια, op. cit., pp. 173-175. Roïdis citait ici Horace, Hegel, Burke, Edgar Poe et Baudelaire.

4. A. Vlachos, \Ο νέος κριτικός, Athènes 1877. 5. Ibid., p. 6. 6. Ibid., p. 46.

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Dès lors, la querelle des deux intellectuels ne devait connaître aucun rebondissement spectaculaire. Elle aboutissait à une conformité, sinon de vues, tout au moins de méthodes: comme Vlachos tâchait de paraître soucieux de vérité et de rigueur (il citait en effet de nombreux textes dans l'original allemand et français, tout en donnant une traduction grecque minutieuse), Roïdis faisait de même dans sa réponse finale 1. Les deux adversaires se servaient finalement de mêmes armes. La parole était, en définitive, laissée aux auteurs étrangers.

C'est ainsi que se terminait une polémique retentissante qui avait duré plus de neuf mois. Affaire personnelle, elle n'en restait pas moins un procès public (procès de la poésie et de la critique néo-helléniques à la fois) qui suscitait l'intérêt général et poussait à des prises de position diverses. Dans la presse, les commentaires abondaient. En pleine crise politique, le public athénien trouvait une diversion: «Cette querelle, commencée avec ardeur, a eu un tel retentissement que dans les salles et dans les réunions publiques on n'entendait que les noms des héros de cette nouvelle guerre de Troie et on ne voyait que des gens qui discu-taient pour savoir si un poète peut naître et exister dans une certaine atmosphère poétique ou si le talent est inhérent à son âme...»2.

En juin 1877, D. Vikélas, conciliateur, s'adressant aux deux adver-saires ne manquait pas, à son tour, de citer un auteur étranger:

Την φλόγα τώρα σβύσετε που τόσον σας ανάπτει. δεν ωφελεί την ποίησιν ο θρήνος σας· την βλάπτει.

Αντί να κλαίτε, λέγετε κι' ο ένας σας κι' ο άλλος Τα λόγια πούπεν ο Brizeux ο ποιητής ο Γάλλος:

«Tο άνθος της ποιήσεως όπου κι' αν πας ανθίζει, πλην το πατεί κανείς συχνά και δεν τ' αναγνωρίζει»3.

Mais c'était Roïdis qui suscitait l'hostilité générale, notamment celle des poètes qu'il avait vilipendés. Georges Vizyinos donnait libre cours à son indignation dans un sonnet:

Τω όντι τ' απεφάνθησαν κριταί, που δίχως κρίσεως ιδρύθησαν επί εδρών κ' επί κλεινών βημάτων:

1. Ε. D. Roïdis, T α κείμενα, Athènes 1877. 2. D. Potamianos, «Μελέτη επί του περί προσόντων των ποιητών νόμου του κυρίου

Ε. Ροΐδου», Βύρων 3 (1878) 21. 3. Εστία 3 (1877) 414; cf. D. Vikélas, Στίχοι. Έκδοσις νέα, Athènes 1885, p. 71.

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πως, όπως σβύν' εις το κενόν αέριον διάττον, ούτως εσβέσθη παρ' ημίν και τ' άστρον της ποιήσεως!1

Même Α. Paraschos, un des poètes préférés de Roïdis, avait été choqué par la sévérité de celui-ci:

Κατεπελέκησε πτωχήν βατράχων δωδεκάδα και είπε" «πλέον ποίησις δεν είν' εις την Ελλάδα»2

Seul Valaoritis donnait raison au «nouveau critique» en privé (let-tre du 3 novembre 1877): «Vlachos a tenu des propos outrageants, et tu as bien fait de le fustiger avec ta violence habituelle en telles cir-constances»3.

En définitive, ces réactions étaient normales. Roïdis n'avait sans doute pas à compter sur la compréhension ou sur l'indulgence d'une société dont il attaquait si brutalement les stéréotypes. Pour l'instant, le camp de ses adversaires paraissait solide. Vlachos, défenseur des valeurs établies, recevait des appuis de tous côtés; un front commun se constituait imperceptiblement contre l'agresseur de la poésie athénienne.

Les réponses à Roïdis étaient en effet nombreuses. Elles s'expri-maient sur tous les tons et par tous les moyens. La conférence, forme d'ex-pression liée à l'action des Sociétés Littéraires, devenait une pratiqua courante. C'est dans un tel contact immédiat avec le public de la capi-tale que, en novembre 1877, D. Potamianos, ancien président de la Société Βύρων, employait toute sa rhétorique pour exalter la poésie athénienne et pour critiquer Vilaras et Valaoritis4, alors que, au même moment, le poète Ph. Iconomidis s'écriait devant ses auditeurs céphalo-niens à l'adresse de Roïdis: «Nous n'avons pas peur de tes menaces ni des parades de ta Critique et de ton Esthétique!5.

1. G. M. Vizyinos, Ατθίδες αύραι, Londres 1883, p. 222. Nous pensons que c'est Roïdis aussi qui est pris pour cible dans la satire ο κριτής του διαγωνισμού: Ibid., pp. 198-202.

2. A. Paraschos, Ποιήματα, op. cit., t. I, p. 108. C. Palamas reproche à Paraschos d'avoir montré la même bassesse que les ennemis de Roïdis en se moquant lui aussi d'un homme sourd: Pal. Α., t. IV, pp. 425-426.

3. Παναθήναια 5 (1905-1906) 66 [=A. Valaoritis, Βίος και "Εργα, t. I, Athènes 1907, p. 218]. Signalons qu'un autre Heptanésien, Sp. De Biazi, devait exprimer bientôt sa préférence pour Roïdis: Άπαντα Διονυσίου Σολωμού, ήτοι τα μέχρι σήμε-ρον εκδοθέντα, μετά προσθήκης πλείστων ανεκδότων, προλεγομένων και σημειώσεων, εκδι-δόμενα υπό Σεργίου Χ. Ραφτάνη, Zante 1880, p. κθ'.

4. D. Potamianos, op. cit., pp. 21-30 et 102-112. 5. Ph. A. Iconomidis «Περί νέας ελληνικής ποιήσεως απάντησις ανασκευαστική

εις την περί αυτής πραγματείαν του κ. Εμ. Ροΐδου», Βύρων 3 (1878) 288.

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A. R. Rangabé, lui, en séjour à Berlin en tant qu'ambassadeur de Grèce, préférait intervenir dans le débat par le moyen d'une lettre à un ami (15/27 novembre 1877). Ses conclusions ne pouvaient surprendre: «Je crois donc que M. Vlachos a absolument, ou presque absolument, raison»1. Et encore: «Je rejette les assertions désespérantes de M. Roïdis»2. Comme les deux critiques athéniens s'étaient livrés à une guerre de citations, Rangabé ne manquait pas d'étaler son érudition en citant lui aussi de nombreux auteurs européens. Mais la pauvreté de ses arguments était à peine cachée sous la politesse diplomatique de son ton. A coup sûr, Roïdis avait raison d'écrire à Valaoritis au sujet de cette lettre: «Elle est au moins décente et fait montre de bonne foi, mais, comme elle rabâche des choses déjà ressassées, je trouve superflu d'y répondre»3.

Une autre intervention, celle de Jean Papadiamantopoulos, n'était pas moins caractéristique du soutien dont bénéficiait Vlachos4. Depuis quelques années, les manifestations littéraires du jeune poète avaient témoigné d'un esprit de continuité plutôt que de rupture. Poète romanti-que et traducteur, rédacteur en chef de la revue Παρθενών (1873), éditeur de l'anthologie Νέος Παρνασσός (1873) et des œuvres d'Alexandre Sout-sos (1874), Jean Papadiamantopoulos s'était avéré respectueux de la tradition athénienne, ainsi que devait le montrer, par ailleurs, son unique recueil de poèmes grecs, Τρυγόνες και έχιδναι (1878). Si, en avril 1878, il intervenait dans le débat de Roïdis et de Vlachos, c'était pour dé-fendre lui aussi cette tradition contestée. La lutte contre l'ennemi com-mun, Roïdis, mobilisait toutes les générations.

Suivant la tactique adoptée par Vlachos, J. Papadiamantopoulos tâchait de montrer, avant tout, «jusqu'à quel point l'impitoyable criti-

1. A. R. Rangabé, «Περί των κατά της ελληνικής ποιήσεως υπό Ροίδου γραφέντων», Παρνασσός 1 (1877) 882.

2. Ibid., p. 887. 3. Α. Valaoritis, Βίος και "Εργα, op. cit., pp. 235-236. 4. Sur cette intervention, sur laquelle la bibliographie est abondante, voir

notamment: Pal. Α., t. IV, pp. 426-427; Ch. Anninos, T α πρώτα έτη του Ζαν Μωρεάς, op. cit., pp. 249-250 et 283-284; Aristos Cambanis, Ιστορία της νέας ελληνικής κριτικής, 2ème éd., Athènes 1935, pp. 89-92; Cléon Paraschos, «Το ελληνικό έργο του Jean Moréas», dans Μορφές και ιδέες, Athènes 1938, pp. 30-40. Nous signalons que l'essai de C. Th. Dimaras, Δημοτικισμός και κριτική [réimprimé de la revue NE 26 (1939) 1498-1511], Athènes 1939, présente toujours un intérêt qui dépasse largement le cadre du débat de 1877. Enfin, sur la querelle entre Roïdis et Vlachos et plus parti-culièrement sur l'intervention de Papadiamantopoulos, on trouve un exposé exhaustif dans Robert A. Jouanny, op. cit., pp. 111-116 et 378-423.

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que déforme les textes»1. Mais son bagage culturel français paraissait plus solide et moderne que celui de l'auteur de Ο νέος κριτικός. Or le rapprochement de l'«atmosphère poétique ambiante» de Roïdis avec la doctrine de Taine était ici, pour la première fois, explicite et illustré par des références précises aux écrits du philosophe français 2. D'autre part, Papadiamantopoulos était pleinement conscient de ce que Roïdis avait appelé «discussion théologique»: «Le débat axé sur des passages tronqués de divers auteurs et sur des questions non concrètes, mais complètement abstraites, a été inventé par ceux qui, à court d'argu-ments, sont obligés de chercher refuge dans une forteresse imprenable de citations obscures»3. Mais lui aussi ne faisait que se réfugier dans la même forteresse, quoique «avec un grand déplaisir et par une nécessité inéluctable»: c'était le seul moyen dont il disposait pour réfuter les «para-doxes dogmatiques» de Roïdis.

Quant à la poésie néo-hellénique, elle avait, pour Papadiamanto-poulos, de nombreux représentants supérieurs au «rustre oriental Vila-ras»: A. Soutsos, Solomos, G. Zalocostas, Tertsétis, Carassoutsas, Valao-ritis, Lascaratos, A. Paraschos, D. Paparrigopoulos4. Les poètes heptané-siens n'étaient pas exclus de cette liste, comme ils n'avaient pas été exclus en 1873 de l'anthologie Νέος Παρνασσός. Seulement, cette fois-ci, le nom de A. R. Rangabé était complètement passé sous silence.

Quelque chose de nouveau s'annonçait dans la hiérarchie des va-leurs athéniennes. Violemment attaqué, Roïdis n'en réussissait pas moins à accélérer une certaine prise de conscience. Plus ses coups rencontraient des réactions, plus ils s'avéraient efficaces. Le présent amenait à une mise en question globale du passé. C'était l'heure des bilans, autrement dit la fin d'une époque.

Si, à la lumière de ces faits, nous voulons remonter aux motivations de la querelle déclenchée entre les deux critiques athéniens, nous nous trouverons sans doute en présence d'une série d'antagonismes signifi-catifs. Tout d'abord, il est certain que Roïdis et Vlachos, aux tempéraments

1. Jean Papadiamantopoulos, Ολίγαι σελίδες επ' ευκαιρία της μεταξύ των κ.κ. Ε. Δ. Ροΐδου και Αγγέλου Βλάχου αναφυείσης φιλολογικής έριδος υπό —Athènes 1878,

pp. 15-16. 2. Ibid., pp. 22, 26-27, 45. Trompé par la lettre initiale H, Papadiamantopoulos

donne constamment à Taine le prénom de Henri au lieu de Hippolyte. 3. Ibid., pp. 31-32. 4. Ibid., p. 46; cf. pp. 6 et 50, où un hommage particulier est rendu aux poètes

A. Soutsos, G. Zalocostas et D. Paparrigopoulos.

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ments dissemblables, avaient peu d'affinités psychologiques et intellec-tuelles, ainsi que le montre, par exemple, leur conception différente du comique1. Rationaliste et matérialiste, empiriste et positiviste, porté en particulier sur la culture française, le premier semblait étranger à un idéalisme néo-platonicien tel que le concevait le second, nourri notam-ment des lectures allemandes. Ce qui pour Roïdis était à mettre en doute, restait pour Vlachos un objet de respect; sceptique, l'un recourait aux paradoxes avec la même facilité que l'autre, dogmatique, s'accrochait aux certitudes traditionnelles. Il n'y avait donc rien de commun entre un négativisme contestataire et un conservatisme respectueux des valeurs établies.

Ensuite, ces antagonismes personnels entraient dans le cadre d'une lutte idéologique plus générale et durable. Au fond, Roïdis continuait la même tradition des Lumières qui, enrichie depuis Coray par l'apport de l'école ionienne, avait abouti à la démarche critique d'Assopios (Τα Σούτσεια, 1853) et survécu à l'Université athénienne dans les efforts de professeurs tels que Coumanoudis, Castorchis et Mistriotis. Par contre, Vlachos, allergique à la littérature ionienne et à la langue populaire, était proche de la famille intellectuelle phanariote telle que l'avait représentée notammment A. R. Rangabé. Il devenait ainsi le défen-seur de l'école athénienne. Ce n'était donc pas un hasard s'il trouvait tant d'alliés dans sa lutte contre Roïdis. On se battait une fois de plus prò domo en se solidarisant avec les victimes du même ennemi.

Il est vrai que les deux adversaires ne brillaient pas par leur origina-lité. Certes, Roïdis formulait la doctrine de Taine d'une façon plus cohé-rente et systématique que ne l'avaient fait, avant lui, des rapporteurs tels que Orphanidis et Mistriotis; d'autre part, il fondait sa problémati-que plus que quiconque sur la faillite simultanée du classicisme et du romantisme. Mais sa méthode critique, empruntée à C. Assopios, se différenciait peu, en dernière analyse, de celle de Vlachos: il y avait là le même étalage d'érudition qui décelait, selon l'expression de Pala-mas, «une certaine pauvreté d'opinion libre et une hypertrophie due

1. Voir, à cet égard, l'article consacré par Roïdis à Κωμωδίαι de Vlachos: Αιών, 16, 23 et 30 août 1871 [ = Κριτικαί Μελέται, Athènes 1912, pp. 16-23]. On y trouve suffisamment d'objections caractéristiques de l'écart existant entre le ro-mancier satirique (Η πάπισσα Ιωάννα, 1866) et l'auteur de comédies (Η κόρη του παντοπώλου, 1866). Signalons que les deux hommes, appartenant à la même généra-tion, se sont orientés presque simultanément vers la littérature comique et vers la critique.

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aux textes étrangers»1. Ce n'était donc pas par la nouveauté de ses idées que Roïdis suscitait tant de réactions, mais par l'acuité de son ton, par la force de son style et, d'une façon plus générale, par l'efficacité avec laquelle sa notion d'«atmosphère poétique ambiante» était appliquée à une réalité concrète.

A cet égard, malgré les extrapolations arbitraires auxquelles se livraient les deux adversaires, l'enjeu de la querelle était moins futile qu'on ne pourrait le croire à première vue. Car Roïdis et Vlachos avaient beau donner au débat, la plupart du temps, un caractère purement théorique, comme s'ils se souciaient de résoudre définitivement des problèmes éternels et intemporels. En réalité, leur différend était bien précis: il résultait d'une situation historique déterminée et portait, avant tout, sur «une mise en question de la vie intellectuelle néo-hellénique elle-même»2. Or ni les spéculations pures des deux critiques ni les textes étrangers abondamment cités ne pouvaient effacer le véritable objet de la querelle: le sort de la poésie et de la critique athéniennes. C'est en ce sens que Roïdis et Vlachos paraissaient solidement enracinés dans la réalité littéraire grecque de 1877. Représentants de deux courants opposés, ils exprimaient par leur conflit aussi bien une crise aiguë qu'un point de rupture. Ce qui alimentait leurs réflexions était loin de consti-tuer un problème abstrait sur les rapports du poète avec la société en général; c'était principalement une pratique littéraire bien définie et qui, arrivée à son terme, donnait naissance à des appréciations diffé-rentes et contradictoires.

Dans ces conditions, il est bien évident que, au moment où le déclin des concours poétiques coïncidait avec celui du romantisme et du clas-sicisme athéniens, Roïdis disposait des atouts qui manquaient à son adversaire. Peu importe si, en plagiant Taine, il formulait une théorie qui avait «beaucoup de· défauts» 3. Clairvoyant, il repérait une impasse

1. Pal. Α., t. VI, p. 161. Palamas devait commenter à plusieurs reprises la querelle des deux hommes, tantôt pour exalter Roïdis (t. II, p. 530, t. IV, pp. 424-425), tantôt pour fustiger le «type de critique de vieille école» Vlachos (t. II, p. 233). Héritier en quelque sorte de l'effort entrepris par le rapporteur de Παρνασσός, il n'allait pas manquer, lui aussi, d'appuyer souvent ses réflexions critiques sur l'auto-rité de noms étrangers. Jean Psichari l 'a remarqué: «La méthode de Palamas résulte de l'époque où le Grec, pour convaincre un autre Grec,, avait besoin de recourir à l'avis d'un célèbre Européen»: Κωστής Παλαμάς, Alexandrie 1927, p. 12'; cf. C. Th. Dimaras, Δημοτικισμός και κριτική, op. cit., p. 31.

2. C. Th. Dimaras, Ποιηταί του ΙΘ' αιωνος, op. cit., p. λστ'. 3. Gr. Xénopoulos, «Εμμανουήλ Ροίδης», Ποικίλη Στοά 1892, p. 42. De toute

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réelle. Courageux, il refusait de cautionner une critique qui, depuis τα Σούτσεια de C. Assopios, lui semblait insignifiante. En 1877, les choses devenaient claires. La langue populaire n'était plus la langue méprisée de l'époque de Rallis. «Elle a battu le purisme (λογιωτατισμόν) et a été acceptée presque par tous comme langue de la poésie grecque moderne...», écrivait Valaoritis dans une lettre (5 septembre 1877) à Jules Typaldos1. D'autre part, les Heptanésiens s'imposaient de plus en plus dans la vie intellectuele de la capitale. C'était donc le moment où le déclin des concours, lié à l'impasse de la poésie et de la critique athéniennes, allait de pair avec une certaine réhabilitation de la poésie ionienne et de la langue populaire. Mais Roïdis était trop éclectique pour opposer inconditionnellement l'Heptanèse à Athènes ou pour rejeter toutes les responsabilités sur l'usage de la langue savante. Une de ses lettres à Valaoritis (5 novembre 1877) en témoigne: «je partage pleinement votre avis quant à l'influence néfaste du purisme sur la poésie et sur la Grèce en général. Je crois cependant que non moins pernicieuse a été la dérai-son des juges temporaires en ce qui concerne les questions réelles. En tout cas, le purisme est déjà mourant, mais la déraison reste et triomphe, et l'ennui est qu'elle a appris à parler, et même à versifier, non seule-ment en langue pédante, comme auparavant, mais aussi en langue populaire»2.

Ce n'était donc pas au nom du «démoticisme» ou de l'école ionienne que Roïdis menait principalement son combat contre la poésie et la critique athéniennes, mais au nom de la raison, bafouée pendant très longtemps par le romantisme et le classicisme dominants dans le cadre des concours3. Au fond, il fondait son système de valeurs sur une négation

façon, le dépistage de ces «défauts» ne permet aucunement de conclure que «Γ avenir a plutôt donné raison à Vlachos», comme le prétend Phanis Michalopoulos, «ο Άγ-γελος Βλάχος και ή νεοελληνική κριτική», NE, Noël 1949, p. 179.

1. Dinos Conomos, «Ανέκδοτο γράμμα του Βαλαωρίτη», Ελληνική Δημιουργία 4 (1949) 119. Valaoritis minimisait sans doute la recrudescence de l'archaïsme, re-présenté en ce moment-là notamment par le professeur C. Contos (1835-1909). En 1875, la professeur A. Anagnostakis n'avait pas hésité à présenter le «retour de la langue parlée à sa beauté antique» comme une «œuvre qui progresse impétueuse-ment» et à faire l'éloge des poésies de Philippe Ioannou (Φιλολογικά πάρεργα, 2e édi-tion, Athènes 1874) composées en grec ancien: Λόγος Ολυμπιακός, op. cit., pp. 19 et 32-33. Rappelons aussi que la publication de Ιουλιανός ο Παραβάτης de Cléon Ran-gabé date de 1877.

2. A. Valaoritis, Βίος και Έργα, op. cit., p. 229. 3. Plus tard, Roïdis aurait l'occasion de dresser un bilan définitif du passé dans

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tion totale des acquis de l'institution poétique. Tout ce qu'il considérait comme positif avait été méprisé ou ignoré par la critique universitaire: la poésie «vulgaire», l'œuvre de A. Paraschos et de A. Valaoritis. Tout ce qu'il considérait comme négatif avait profondément marqué les concours: les poésies «savantes» de Zalocostas, les «froides imitations classiques», les «parodies byroniennes». D'où la réaction presque unanime à ses attaques. Ange Vlachos, poète des concours et critique littéraire plein d'admiration pour l'école athénienne, avait lieu de se sentir, lui aussi, visé par le rapporteur de Παρνασσός. La querelle des deux hom-mes exprimait donc aussi bien une animosité personnelle qu'un conflit collectif entre deux mentalités bien opposées.

Procès des concours, cette querelle n'en continuait pas moins une problématique développée au sein de l'institution poétique: comme nous l'avons vu, les thèmes du lien existant entre la poésie et la société, du rôle des facteurs innés chez le poète, de l'idéal déchu, de la faillite de la poésie grecque contemporaine etc., y avaient été à plusieurs reprises abordés, notamment depuis 1870. Rapporteur de Παρνασσός, Roïdis tenait sans doute à se différencier de tous les rapporteurs universitaires. Il ne faisait cependant que poursuivre, en grande partie, le discours du Jugement de 1876. Extra-universitaire, il était lui aussi, intellectuelle-ment, ainsi que son adversaire Vlachos, dans le sillage de l'esprit univer-sitaire. C. Assopios avait été pour beaucoup dans la formation de sa méthode critique. Les textes d'Orphanidis (1870, 1876) et de Mistriotis (1871, 1873), auxquels il n'avouait pas sa dette, lui avaient ouvert large-ment la voie. Car c'étaient ces textes, en définitive, qui avaient annoncé l'introduction officielle de la doctrine de Taine en Grèce, qui avaient signalé l'agonie du romantisme et du classicisme athéniens, et qui avaient préparé, en fin de compte, les conditions d'une suppression défi-nitive de l'institution poétique.

Désormais, les concours universitaires pouvaient disparaître. Ils avaient rempli leur mission. La Grèce des années 1870, préoccupée par le développement de ses forces matérielles, entrait dans la période où les conflits se transposaient de plus en plus au niveau du réel et où l'institu-tion poétique correspondait de moins en moins à la nouvelle structure sociale. Un événement qui, pendant un quart de siècle, avait joué un rôle capital dans la vie intellectuelle néo-hellénique passait dorénavant

son compte rendu consacré à Ποιήσεις de D. Cokkos: journal Ακρόπολις, 28 mars 1890 [—Έργα V, Athènes 1913, pp. 75-82],

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au second plan: financés par d'autres mécènes (Th. Philadelpheus, G. Lassanis, Th. Retsinas, G. Mistriotis, etc.), les concours de l'avenir, éphémères ou marginaux pour la plupart, ne devaient plus jamais re-trouver l'éclat de la période 1851-1877.

Autour de 1880, la poésie et la critique néo-helléniques s'engageaient dans des voies nouvelles. C'était le moment d'un grand tournant. Orientée vers d'autres objectifs, la jeune géneration, celle de C. Palamas, donnait l'impression d'avoir rompu sans peine avec l'époque qui avait marqué ses débuts littéraires. L'institution de Rallis et de Voutsinas faisait désormais l'objet des bilans pour la plupart négatifs et l'anathème était facilement jeté sur elle. «Qui peut prétendre sérieusement... que les jugements des universitaires ont réussi à démailloter l'esprit critique en Grèce?», demandait Jacques Polylas en 18921. Ainsi, souvent méprisés, les concours semblaient appartenir à une époque révolue et sans retour. Mais ils n'étaient pas morts pour autant. Commencés pour des raisons concrètes et terminés pour des raisons tout aussi concrètes, ils ne pou-vaient disparaître définitivement, après 25 ans d'existence, sans trans-mettre aux générations futures une partie substantielle de leurs acquis et de leurs échecs. Car leur héritage était, en définitive, confié, à leurs ad-versaires, selon cette dialectique qui fait de l'histoire des phénomènes cul-turels une continuité sans ruptures: dans ce cas aussi l'ancien engen-drait le nouveau à la veille de sa déchéance, comme s'il voulait se gref-fer sur un jeune organisme pour survivre et perpétuer son action.

1. J. Polylas, Η φιλολογική μας γλώσσα, op. cit., p. 3.

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Pendant un quart de siècle, de 1851 à 1877, la Grèce moderne a eu ses Jeux Floraux: une institution poétique fondée par un marchand grec de Trieste, Ambroise Rallis, et prise en charge, à partir de 1862, par un autre marchand grec dOdessa, Jean Voutsinas.

C'est dans l'Université athénienne, et notamment dans sa Faculté des Lettres, que nous trouvons les hommes qui ont rempli en exclusivité les fonctions de juges littéraires: une trentaine de professeurs au total. Le règlement du concours, établi par Rallis, a été dans l'ensemble res-pecté. Un jury, composé de 3 à 7 membres et présidé chaque fois par le recteur ou le vice-recteur annuel, a été régulièrement formé —à l'excep-tion des années 1861 et 1864— pour rendre compte d'une riche produc-tion de poèmes. Les 11 rapporteurs, qui se sont succédés durant 25 ans, ont été désignés par le Conseil Universitaire selon le tableau suivant:

A.R. Rangabé 6 fois (1851, 1853, 1854, 1860, 1862, 1874) Th. Aphentoulis 4 » (1868, 1872, 1875, 1877) Ph. Ioannou 2 » (1852, 1855) St. Coumanoudis 2 » (1857, 1866) C. Paparrigopoulos 2 » (1858, 1859) A. Roussopoulos 2 » (1865, 1869) Th. Orphanidis 2 » (1870, 1876) G. Mistriotis 2 » (1871, 1873) E. Castorchis 1 » (1856) D. Vernardakis 1 » (1863) . D. Sémitélos 1 » (1867)

Leur contribution demeure toutefois inégale. Ne résulte-elle d'une interaction variable entre les volontés collectives et les possibilités ou les particularités individuelles? Toujours est-il que, si nous voulons trouver un encadrement de structures mentales plus vaste, c'est d'une part à la poussée idéologique de l'époque et d'autre part à la prépondé-rance d'un esprit didactique que nous devons principalement songer: non seulement la période à laquelle se déroulent les concours, mais aussi l'appartenance des juges au corps enseignant expliquent, en grande par-tie, un certain nombre de traits ou de lieux communs propres à la démar-che critique des 11 rapporteurs. Tant l'insistance exagérée de ceux-ci

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sur le côté «technique» de la poésie (langue, grammaire, syntaxe, métri-que, etc.) que leurs longues analyses de poèmes, marquées d'un ton pro-fessoral, sont comprénsibles. N'oublions pas que la critique littéraire constitue ici un travail accessoire et secondaire. Exercée dans le cadre des concours par des intellectuels voués principalement à la recherche et à l'enseignement, elle se réduit, très souvent, à un discours normatif où l'explication de textes, assimilée parfois à une simple correction de copies, relève d'une mentalité pédagogique et moralisatrice.

Toutefois, aussi concordantes que paraissent à première vue les méthodes des 11 rapporteurs, elles n'en révèlent pas moins les parti-cularités individuelles et les antagonismes profonds qui existent au sein des jurys. Deux principaux groupes d'universitaires, séparés tant par des divergences idéologiques que par des antipathies virulentes, s'op-posent tout au long de l'époque que nous examinons. Le premier, représenté notamment par A. R. Rangabé et C. Paparrigopoulos, groupe dominant pendant la période de Rallis et en bons termes, semble-t-il, avec le fondateur du concours, traduit surtout la dynamique «unitaire» de la décennie 1850-1860: réhabilitation de Byzance, conception inin-terrompue de l'histoire de l'hellénisme, formation d'une doctrine officielle «helléno-chrétienne». Imbu d'esprit phanariote et renforcé par de mul-tiples alliances, ce groupe n'est pas pour rien dans l'avènement d'un néo-classicisme froid et archaïsant qui marquera notamment les années 1860. A. R. Rangabé, son principal animateur, nous offre un exemple typique. Son esthétique est principalement fondée sur le goût de l'artifi-ciel, sur un formalisme abstrait, élégant et superficiel, sur un effort de «retour aux formes anciennes».

C'est une optique à la fois parallèle et différente qui caractérise le second groupe (Coumanoudis, Castorchis, Mistriotis), constitué au-tour du vieux professeur C. Assopios. Si, pour ce groupe, le culte de l'Anti-quité reste également primordial et si l'imitation des chefs-d'œuvre classiques est considérée comme le seul moyen de lutte contre le roman-tisme, un sens du naturel plus développé semble néanmoins favoriser le contact avec les réalités contemporaines. La synthèse entre la tradition de Coray et celle de Solomos est ici évidente: l'esprit des Lumières, toujours vivant, résiste à la réhabilitation du «byzantinisme», et il se rap-proche constamment des chants populaires, de la poésie ionienne, de la langue démotique. Dans la mesure où, dès le début des années 1870, la faillite des concours va de pair avec celle du romantisme et du classicisme athéniens, ce sont les hommes de ce groupe qui suivent et accélèrent à la fois un changement fondé sur la réconciliation de la

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poésie avec la réalité. Tout se passe, cependant, comme si la résistance à un système dominant d'abstraction recourait aux mêmes armes et aux mêmes méthodes abstraites: de C. Assopios (1853) à Roïdis (1877), nous avons affaire à un refus constant de l'irrationalisme, sans toute-fois que ce refus engendre une pensée capable d'affirmer son originalité.

Car la critique universitaire, dans son ensemble, reste prisonnière des impératifs et des limites de son époque. Critique savante, érudite, ex cathedra, elle ne peut dépasser le premier stade de son développement, le stade «grammatical», et se libérer de la «tyrannie du mot»1. Pour ce faire, il aurait fallu que le démoticisme supprimât les obstacles empê-chant un contact direct avec les choses; il aurait fallu aussi une poésie exempte d'un style déclamatoire et superficiel, ce qui était déjà le cas dans l'école de l'Heptenèse, mais pas encore dans celle d'Athènes.

Or, défavorisée par les mêmes handicaps que la production poéti-que dont elle doit rendre compte, la critique universitaire se trouve dans l'impossibilité de s'élever à un niveau de synthèse et de réflexion théorique, malgré les performances remarquables de certains de ses re-présentants: Coumanoudis (1857), Vernardakis (1863), Orphanidis (1870, 1876), Mistriotis (1871, 1873). N'est-elle pas à la mesure de son objet? A une époque où le «retour aux formes anciennes» creuse un fossé entre les mots et les choses, et où la poussée idéologique, consécutive aux manipulations et aux frustrations d'une société nouvellement établie, traduit et développe à la fois l'agressivité collective et individuelle, la marge étroite laissée entre l'émotivité et l'abstraction donne peu de chances à une création littéraire et à une pensée critique véritables. Véhicule des stéréotypes romantiques et classiques, la poésie athénienne devient synonyme d'emphase; soumise à la rhétorique d'une langue artificielle, elle ignore la recherche et la lutte pour l'expression. La cri-tique universitaire, de son côté, ne combat le romantisme «étranger», la plupart du temps, qu'au nom d'un retour à des modèles autochtones statiques et inopérants; dominée par un esprit scolastique, elle verse, le plus souvent, dans un vain étalage d'érudition.

C'est en ce sens que, sur le plan purement qualitatif, un bilan positif des concours nous paraît difficile à dresser. Les quelques exceptions, en poésie et en critique, ne suffisent évidemment pas pour que l'institu-tion de Rallis et de Voutsinas, dans son ensemble, soit à l'origine d'un renouveau littéraire marqué par la production d'œuvres de valeur. De

1. Voir C. Th. Dimaras, Δημοτικισμός και κριτική, op. cit., p. 13.

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ce point de vue, Roïdis ne faisait pas seulement de l'esprit en 1890, lorsqu'il tenait la production poétique athénienne des trente années précédentes pour «un triple amalgame de chants populaires, de culte de l'Antiquité et d'imitations étrangères»1. Et Jacques Polylas ne polé-miquait pas seulement contre Athènes en 1892, lorsque, à propos notam-ment du concours de Philadelpheus, il estimait en général que les juge-ments des universitaires n'avaient pas réussi «à démailloter l'esprit criti-que en Grèce».

Cela étant, les concours présentent, croyons-nous, une significa-tion qui va au-delà de considérations esthétiques. Liés à une période historique déterminée, ils en illustrent les aspirations, les options, les pratiques et les besoins aussi clairement qu'ils en traduisent les contradic-tions, les illusions, les impasses et les échecs. C'est dans leur force de mobilisation et dans leurs rapports de conformité avec une société prête à les accueillir et à les conserver pendant longtemps que réside, avant tout, l'explication de leur «réussite»: une réussite qui, si elle ne va pas dans le sens de la qualité, est cependant assurée par l'apparition de phénomènes quantitatifs non négligeables. Evénement littéraire, l'ins-titution de Rallis et de Voutsinas devient, à cet égard, révélatrice d'un processus historique et social qu'elle éclaire en même temps qu'elle est éclairée par lui.

Il y a deux aspects fondamentaux dans l'activité de cette institu-tion. Le premier, statique et formel, est lié à un mécanisme qui fonctionne inlassablement de la même manière et qui semble ignorer la diachronie. Un quart de siècle durant, en effet, les concours sont caractérisés par un cérémonial qui se renouvelle constamment et sans originalité, comme si sa répétition inaltérée constituait la meilleure garantie pour son avenir. C'est à travers ce mécanisme rituel que se manifeste un souci de conserva-tion: les mêmes comportements tendent à reproduire les mêmes menta-lités, et vice-versa, faisant oublier la relativité et la précarité des be-soins humains. D'autre part, les concours, recherchant leurs titres de noblesse dans l'Antiquité, apparaissent comme une des «reconstitu-tions» réalisées dans la Grèce moderne et, de ce fait, comme destinés à continuer une action de longue durée. Leur caractère temporaire et con-joncturel se confond ainsi avec le rétablissement d'un équilibre séculaire. Le système idéologique dominant a beaucoup à gagner par leur institu-

1. Dans son compte rendu sur Ποιήσεις de D. Cokkos: Ακρόπολις, 28 mars 1890 [=Έργα V, Athènes 1913, p. 79].

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institutionnalisation: à travers leur continuité, il démontre sa propre constance et se présente comme le garant d'un ordre éternel.

Le second aspect, dynamique, est celui sous lequel le fonctionnement de l'institution poétique, malgré son apparente invariabilité, subit né-cessairement les contrecoups de l'évolution historique. A cet égard, il serait faux de croire que les concours, sclérosés, poursuivent immuable-ment leurs objectifs en circuit fermé et en dépit des changements inter-venus dans la société néo-hellénique de leur époque. Une telle attitude n'aurait conduit qu'à une impasse: les concours seraient devenus rapide-ment des faits marginaux et sans portée réelle. Or ni leurs ambitions et leurs pratiques ni la place qu'ils ont occupée pendant si longtemps dans la vie intellectuelle grecque ne confirment une hypothèse de sectarisme. Dans la mesure où l'institution poétique doit rester une force d'attrac-tion pour «tous les Grecs et tous les hellénistes étrangers», n'est-il pas nécessaire qu'elle soit en état de s'adapter aux circonstances? Par ail-leurs, les universitaires sont loin de constituer un bloc conservateur et monolithique; il y a toujours ceux qui ne manquent pas de souplesse et de réalisme.

Un exemple caractéristique de cette emprise de la diachronie sur les concours nous est donné par l'attitude des jurys à l'égard du problème de la langue. Il serait commode, bien entendu, d'attribuer l'imposition de la langue savante à Rallis et la réhabilitation de la langue populaire à Voutsinas. Mais un tel schématisme, bien qu'il ne s'oppose pas aux faits, est trop sommaire, en définitive, pour rendre compte d'un proces-sus complexe et qui dépasse la volonté des deux fondateurs. Si nous voulons comprendre pourquoi la langue savante, cette «nouvelle langue», s'impose dans les années 1850 et domine la poésie athénienne pendant presque toute la période des concours, nous ne devons pas sous-estimer le rôle actif d'un système idéologique qui oriente la vie intellectuelle néo-grecque vers l'abstraction et qui favorise une rupture avec le réel: les faux rapports avec les mots traduisent des faux rapports avec les choses. C'est en ce sens que la prépondérance de la langue savante dans la décennie 1850-1860 reflète la phase dynamique et ambitieuse de ce système. A un moment où l'Heptanèse se trouve en dehors des frontières de l'état hellénique et où l'école ionienne n'a pas encore montré son poids réel, l'esprit phanariote triomphe à Athènes de ses adversaires (Pilicas, Assopios, Coumanoudis) et impose sa volonté: Zalocostas se fait rappeler à l'ordre, Tertsétis est obligé d'abandonner les concours.

Toutefois, il faudra l'expérience de la décennie suivante pour que cet état de choses change petit à petit. Certes, le remplacement de Ral-

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Rallis par l'heptanésien Voutsinas favorise la langue populaire, qui cesse désormais d'être frappée d'ostracisme. Mais ce remplacement n'a qu'une importance relative. La période qui commence en Grèce après la chute du roi Othon est encore trop marquée par l'effervescence idéologique des années précédentes pour que l'abstraction subisse une perte de vitesse. C'est le contraire qui se produit en réalité. Assumé par une nou-velle génération, le romantisme hausse le ton, alors que l'avènement d'un néo-classicisme aussi abstrait qu'excessif apparaît comme l'autre face de la même médaille: au fond, l'impossibilité d'une approche du réel, la démesure, l'affectation et l'emphase deviennent les caractéristiques communes de l'expression romantique et classique athéniennes. Il est donc normal, dans ces conditions, que la langue démotique, langue de la création, n'obtienne pas la place qui est la sienne, sinon dans la mesure où elle facilite l'imitation, notamment celle des chants populaires.

Toujours est-il que, autour de 1870, le virage conduisant à la réalité contemporaine (et la comédie joue, de ce point de vue, un rôle décisif) est amorcé par la force des choses. Au lendemain de la défaite crétoise, en effet, l'atmosphère athénienne ne ressemble plus à celle dans laquelle, vingt ans plus tôt, les concours avaient été inaugurés avec éclat. Force est de se rendre maintenant à l'évidence et de s'interroger sur les causes de l'«idéal déchu». La poésie lyrique athénienne, dominée par un ro-mantisme morbide et larmoyant, contraste de plus en plus avec une société livrée au développement de ses forces matérielles; la poésie épique offre, la plupart du temps, des imitations néo-classiques monotones; la production dramatique, encouragée à partir de 1865, sombre dans la médiocrité. Comment éviter l'asphyxie, dans ces conditions, sinon en insufflant de l'air frais? La langue démotique, tremplin d'un retour au réel et au naturel, commence à occuper une place de plus en plus im-portante dans le domaine de la poésie: l'enthousiasme pour le folklore et pour les chants populaires, l'autorité grandissante des poètes heptané-siens, le prestige de Valaoritis, honoré officiellement par l'Université en 1872, créent un climat favorable, dans lequel le couronnement de D. Gr. Cambouroglou (1873) constitue un refus à la fois du romantisme ab-strait et du «retour aux formes anciennes» anachronique. Là encore cer-tains universitaires, notamment les adversaires de A. R. Rangabé, ont su faire preuve d'un esprit d'ouverture, de réalisme et de progressisme.

Mais il est déjà trop tard pour que les concours prennent un nou-veau souffle. Privés de poètes renommés, envahis par des dizaines de concurrents obscurs, critiqués de plus en plus sévèrement, incapables de donner naissance à des œuvres de valeur, en proie à l'indifférence du

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public, à la lassitude des juges et à la «versatilité des fondateurs», ils se terminent définitivement en 1877. Dans la huitième décennie du siècle, pendant que le romantisme et le néo-classicisme athéniens sont liquidés simultanément, les jurys universitaires, concurrencés par les Sociétés Littéraires et par la presse, se trouvent de plus en plus dans l'impossibilité d'exercer leur contrôle sur la poésie. Mais celle-ci n'est-elle pas déjà en train de perdre de son prestige? En 1880, au moment où la génération de Palamas débute pleine d'entrain, A. Vlachos con-state «l'incroyable mévente de la poésie» à Athènes1. C'est toujours l'hom-me du passé qui parle, comme s'il regrettait une époque révolue où l'accueil favorable aux Muses assurait automatiquement aux poèmes un succès commercial incontestable.

En réalité, rien ne confirme un tel succès. Il serait faux en effet de croire que, pendant la période des concours, quel que fût l'intérêt du public pour l'institution de Rallis, la vente des poèmes publiés ait été particulièrement prospère. A cet égard, bien des poètes de l'époque, même couronnés, auraient sans doute approuvé Jean Cambouroglou, qui con-sidère comme une somme perdue les 300 drachmes payées à l'impression de sa brochure Πατρίς-Νεότης (1873):

επλήρωσα προς τύπωσιν τον φόρον της άνοιας.

Il va de soi que tous les concurrents, étudiants pour la plupart, n'ont pas la possibilité de dépenser une telle somme pour satisfaire leurs ambitions, ce qui fait comprendre pourquoi 60% environ des poèmes envoyés aux concours sont restés inédits. Cela ne concerne toutefois pas les lauréats, bénéficiaires d'un prix de 1000 ou de 500 drachmes; il est donc normal que toutes les oeuvres couronnées, à l'exception de Βοσπορίδες αύραι (1876) de G. Vizyinos, aient pu voir le jour.

N'oublions pas, d'ailleurs, que l'institution poétique a moins pour mission d'élargir un public de lecteurs que de promouvoir une couche de versificateurs occasionnels et sans lendemain, attirés uniquement par l'éventualité d'une victoire. Au fond, c'est une institution liée aussi bien à la nécessité qu'au hasard. Elle socialise l'écriture poétique (les liens de la collectivité doivent être renforcés et uniformisés) en même

1. A. Vlachos, «Η ποίησις της πρώτης του έτους 1880», Εστία 9 (1880) 56 [ = Ανάλεκτα II, p. 366].

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temps qu'elle individualise le succès littéraire, subordonné à une lutte solitaire. Son rôle est à la fois d'unir et de diviser.

Ce rôle, l'institution poétique l'a rempli, pendant un quart de siècle, conformément aux objectifs idéologiques, aux besoins humains, aux exaltations et aux misères d'une des époques les plus décisives dans l'histoire de la Grèce moderne. Elle a su décharger et canaliser l'agres-sivité, flatter et dompter les ambitions, équilibrer l'offre et la demande, au gré des circonstances. Tantôt aristocratique, tantôt démocratique, elle a attiré, repoussé et déçu les poètes les plus importants, elle en a imposé d'autres, pour connaître, à partir de 1868, une invasion de débu-tants sans précédent. Conséquente dans sa lutte anti-romantique, elle a favorisé tantôt un genre de poésie, tantôt un autre, pour aboutir à établir un équilibre d'ensemble: en effet, sur les quelques 450 titres d'œu-vres que nous connaissons, les poésies épique, lyrique et dramatique sont représentées par le même pourcentage, selon nos estimations approxi-matives.

Ce qui reste de cette institution est en même temps fluide et com-pact. C'est une époque dominée par ses luttes et par ses rêves. Mais c'est aussi une certaine illustration de l'aventure humaine: celle qui prépare l'avenir en essayant de donner (sans pour autant réussir, le texte se transformant difficilement en prétexte) un sens au passé.

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BIBLIOGRAPHIE

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I. SOURCES

On trouvera sous cette rubrique les publications qui constituent les principales sources de notre travail: les Jugements présentés par les jurys universitaires de 1851 à 1877; les Rapports rectoraux de la même période; les poèmes publiés et ac-compagnés, très souvent, de préfaces-réponses importantes; les journaux, les revues et les almanachs de l'époque que nous avons consultés; enfin, les publications qui, faites par des auteurs contemporains des concours, offrent sur ceux-ci un témoi-gnage plus ou moins intéressant.

Quand une œuvre a été publiée à Athènes, le nom de cette ville n'est pas indiqué. L'astérisque (*) désigne les titres que nous n'avons pas pu voir. En l'absence d'indication spéciale les ouvrages cités doivent être entendus

comme étant de format in-8°.

A. JUGEMENTS DES JURYS 1851-1877

«Ο ποιητικός αγών του 1851», Πανδώρα 2 (1851-1852) 702-704. Selon G. Valétas (NE 22,1937,1843; cf. GM 5498), il a paru aussi en brochure, s.d., 15 p.

«Ο ποιητικός αγών του 1852», Πανδώρα 3 (1852-1853) 44-52. Ο ποιητικός αγών του 1853, s.d., 16 p.

Paru dans Πανδώρα 4 (1853-1854) 17-23. Έκθεσις του ποιητικού διαγωνισμού του 1854, s.d., 28 p.

Paru dans Πανδώρα 5 (1854-1855) 29-39. Ο ποιητικός αγών του 1855, s.d., 48 p.

Paru dans Πανδώρα 6 (1855-1856) 49-66. Έκθεσις του ποιητικού διαγωνισμού του έτους 1856, 1856, 40 p.

Paru dans Πανδώρα 7 (1856-1857) 25-40. Έκθεσις του Ποιητικού Διαγωνισμού του έτους 1857, 1857, 36 p.

Paru dans Πανδώρα 8 (1857-1858) 25-39. Έκθεσις του ποιητικού διαγωνισμού του έτους 1858, 1858, 28 p.

Paru dans Πανδώρα 9 (1858-1859) 73-82 et, en partie, dans le journal de Trieste Ημέρα, 9/21 et 16/28 mai 1858.

«Ο ποιητικός διαγωνισμός του 1859 έτους», Πανδώρα 10 (1859-1860) 25-33. Paru aussi dans le journal Ο Έλλην, 30 mars et 6 avril 1859.

«Ο ποιητικός διαγωνισμός του 1860 έτους», Πανδώρα 11 (1860-1861) 25-34 et 49-54.

Έκθεσις του ποιητικού διαγωνισμού του έτους 1862, 1862, 32 p. Paru dans Πανδώρα 13 (1862-1863) 121-132.

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Έκθεσις του κατά το έτος 1863 Ποιητικού Διαγωνισμού του κ. I. Βουτσινά, 1863, 47 p. Paru dans Πανδώρα 14 (1863-1864) 105-122.

Κρίσις του Βουτσιναίου ποιητικού αγώνος εν έτει ,ΑΩΞΕ', αναγνωσθείσα εν τη Μεγάλη Αιθούση του Αθήνησιν Εθνικού των Ελλήνων Πανε-

πιστημίου κατά την ΚΗ' εορτήν της εγκαθιδρύσεως αυτού. Εξεδόθη δαπάνη του αγωνοθέτου, 1865, 80 p. Paru dans Χρυσαλλίς 3 (1865) 306-312, 321-332, 364-370 et 402-403.

Κρίσις του Βουτσιναίου ποιητικού αγώνος εν έτει /A ΩΞS', αναγνωσθείσα εν τη Μεγάλη Αιθούση του Αθήνησιν Εθνικού των Ελλήνων Πανεπι-

στημίου κατά την ΚΘ' εορτήν της εγκαθιδρύσεως αυτού. Εξεδόθη δαπάνη του αγωνοθέτου, 1866, 63 p.

Κρίσις του Βουτσιναίου ποιητικού αγώνος του εν έτει ,ΑΩΞΖ' αγωνισθέντος, εξαγγελθείσα τη Ζ' Μαΐου του ΑΩΞΖ' έτους εν τη Μεγάλη Αιθούση

του Εθνικού Πανεπιστημίου κατά την Λ' εορτήν της εγκαθιδρύσεως αυτού. Εξεδόθη δαπάνη τον αγωνοθέτου, ,ΑΩΞΖ' [=1867], 56 p.

I I κατά το 1868 περί του Βουτσιναίου διαγωνίσματος Έκθεσις της Επιτροπής, 1868, 69 p.

Κρίσις του Βουτσιναίου ποιητικού αγώνος εν έτει ,ΑΩΞΘ', αναγνωσθείσα εν τη Μεγάλη Αιθούση του Αθήνησιν Εθνικού των Ελλήνων Πανεπι-

στημίου κατά την AB' εορτήν της εγκαθιδρύσεως αυτού. Εξεδόθη δαπάνη του αγωνοθέτου, 1869, 120 p.,

Κρίσις του Βουτσιναίου ποιητικού αγώνος εν έτει ,ΑΩΟ', αναγνωσθείσα την Ι' Μαΐου εν τη Μεγάλη Αιθούση του εν Αθήναις Εθνικού Πανεπιστημίου

υπό του εισηγητού Θεοδώρου Γ. Ορφανίδου (Του Πρυτάνεως Παύλου Καλλιγά προεδρεύσαντος, και των Καθηγητών Θ. Αφεντούλη και Γ. Μιστριώτου κρινόντων). Εξεδόθη δαπάνη του φιλογενούς αγωνοθέτου, 1870, 114 p. Paru dans Πανδώρα 21 (1870-1871) 45-56, 73-76, 111-116, 137-140, 151-160, 192-199 et 213-218.

Κρίσις του Βουτσιναίον ποιητικού αγώνος του έτους 1871, αναγνωσθείσα εν τη Μεγάλη Αιθούση του εν Αθήναις Έθνικον Πανεπιστημίου υπό

τον εισηγητού Γεωργίου Μιστριώτον. Εξεδόθη δαπάνη τον φιλογενούς αγωνοθέτου, 1871, 56+[1] p.,

Έκθεσις του Βουτσιναίον ποιητικού αγώνος του έτους 1872, αναγνωσθείσα εν τη Μεγάλη Αιθούση του εν Αθήναις Εθνικού Πανεπιστημίου υπό του εισηγητού Θ. Αφεντούλη. Εξεδόθη δαπάνη του φιλογενούς αγωνο-

θέτου, 1872, 80 p. Κρίσις του Βουτσιναίου ποιητικού αγώνος του έτους 1873, αναγνωσθείσα εν

τη Μεγάλη Αιθούση του εν Αθήναις Εθνικού Πανεπιστημίου υπό

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του εισηγητού Γεωργίου Μιστριώτου. Εξεδόθη δαπάνη του φιλογενούς αγωνοθέτου, 1873, 78 p.

Κρίσις του Βουτσιναίου ποιητικού αγώνος του 1874, 1874, 45 p. Κρίσις του Βουτσιναίου ποιητικού αγώνος του έτους 1875, αναγνωσθείσα εν

τη Μεγάλη Αιθούση του εν Αθήναις Εθνικού Πανεπιστημίου τη 18 Μαΐου 1875 υπό του εισηγητού Θ. Αφεντούλη. Εξεδόθη δαπάνη του φιλογενούς αγωνοθέτου, 1875, 64 p.

Κρίσις του Βουτσιναίου ποιητικού αγώνος του έτους 1876, αναγνωσθείσα εν τη Μεγάλη Αιθούση του εν Αθήναις Εθνικού Πανεπιστημίου τη 13 Μαΐου 1876 υπό του εισηγητού Θεοδώρου Γ. Ορφανίδου, 1876, 120 p.

«Έκθεσις του ποιητικού αγώνος του έτους 1877», Αθήναιον 7 (1879) 35-60.

Β. RAPPORTS RECTORAUX 1851-1878

Λόγος εκφωνηθείς δημοσία τη 9 Σεπτεμβρίου 1851 υπό του πρυτάνεως Μισαήλ Αποστολίδου αρχιμανδρίτου, 1852, 22 p.

Λόγοι εκφωνηθέντες την 28 Σεπτεμβρίου 1852 υπό του πρώην πρυτάνεως Σπυρίδωνος Πήλληκα παραδίδοντος την Πρυτανείαν του Οθωνείου Πανεπιστημίου και υπό του καθηγητού Περικλέους Αργυροπούλου διαδεχομένου αυτήν, 1853, [2]+53 p.

Λογοδοσία του πρυτάνεως Περικλέους Αργυροπούλου κατά την εγκατάστασιν των ακαδημαϊκών αρχών του 1853-1854 σχολαστικού έτους, [1853],

80 p. Λόγοι εκφωνηθέντες τη 3 Οκτωβρίου 1854 υπό τον καθηγητού και ιατρού

Νικολάου Κωστή, παραδίδοντος την πρυτανείαν του Οθωνείου Πανε-πιστημίου, και υπό του καθηγητού της Θεολογίας Κωνσταντίνου Κοντογόνου, αναδεχομένου αυτήν, 1855, 23 p.,

Λόγοι εκφωνηθέντες τη 2 Οκτωβρίου 1855 υπό του καθηγητού της θεολογίας Κωνσταντίνου Κοντογόνου, παραδίδοντος την πρυτανείαν του Οθω-

νείου Πανεπιστημίου, και υπό του ιατρού και καθηγητού της χειρουρ-γικής Ιωάννου Ολυμπίου, αναδεχομένου αυτήν, 1856, 38 p.

Λόγος εκφωνηθείς δημοσία τη 25 Σεπτεμβρίου 1856 υπό του πρυτάνεως Ιωάννου Ολυμπίου κατά την εγκατάστασιν των Ακαδημαϊκών αρ-

χών του Σχολαστικού έτους 1856-1857, 1857, 30 p., Λόγοι εκφωνηθέντες τη 29 Σεπτεμβρίου 1857 υπό του καθηγητού των ελλη-

νικών γραμμάτων Κωνσταντίνου Ασωπίου, παραδίδοντος την πρυ-τανείαν του Οθωνείου Πανεπιστημίου, και του καθηγητού της φιλο-σοφίας Φιλίππου Ιωάννου αναδεχομένου αυτήν, 1857, 101 + 23 p.

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Λόγοι εκφωνηθέντες τη 7 Σεπτεμβρίου 1858 υπό του καθηγητού της φιλοσοφίας Φιλίππου Ιωάννου παραδίδοντος την πρυτανείαν του Οθωνείου Πανε-πιστημίου, και υπό του καθηγητού της φυσικής Δ. Σ. Στρούμπου ανα-δεχομένου αυτήν, 1858, 44+42 p.

Λόγοι εκφωνηθέντες τη 13 Σεπτεμβρίου 1859 υπό του καθηγητού της φυσικής Δ. Σ. Στρούμπου, παραδίδοντος την Πρυτανείαν του Οθωνείου Πανε-πιστημίου και υπό του καθηγητού της πολιτικής δικονομίας Β. Οικο-νομίδου αναδεχομένου αυτήν, 1859, 184 p.

Λόγοι εκφωνηθέντες τη 18 Σεπτεμβρίου 1860, ημέρα της εγκαθιδρύσεως των νέων αρχών του Πανεπιστημίου, υπό του καθηγητού της πολιτικής

δικονομίας Β. Οικονομίδου παραδίδοντος την πρυτανείαν του Οθω-νείου Πανεπιστημίου και υπό του καθηγητού της ιατρονομικής Α.

Πάλλη αναδεχομένου αυτήν, 1860, 92-|-[1] p. Λόγοι εκφωνηθέντες τη Α' Οκτωβρίου 1861 κατά την εγκαθίδρυσιν των α-

ρχών του Πανεπιστημίου Όθωνος υπό του καθηγητού της ιατρονομικής Α. Πάλλη παραδίδοντος την Πρυτανείαν και υπό του καθηγητού των ελληνικών γραμμάτων Κ. Ασωπίου αναδεχομένου αυτήν, 1861, 114ρ.

Λόγοι εκφωνηθέντες τη ΚΓ' Σεπτεμβρίου 1862 κατά την εγκαθίδρυσιν των αρχών του Εθνικού Πανεπιστημίου υπό του καθηγητού των ελληνικών

γραμμάτων Κ. Ασωπίου παραδίδοντος την πρυτανείαν, και υπό του καθηγητού του Ρωμαϊκού δικαίου Π. Παπαρρηγοπούλου αναδεχο-μένου αυτήν, 1863, 174 p.

Λόγος εκφωνηθείς τη ΚΖ' Οκτωβρίου 1863 κατά την εγκαθίδρυσιν των αρ-χών του Εθνικού Πανεπιστημίου, υπό του καθηγητού του Ρωμαϊκού Δικαίου Πέτρου Παπαρρηγοπούλου παραδίδοντος την Πρυτανείαν τω διαδεξαμένω αυτήν καθηγητή της Ρωμαϊκής Νομοθεσίας Κωνσταντίνω

Φρεαρίτη, 1863, 135 + [1] p. Λόγος και ευθύναι του πρυτάνεως Κωνσταντίνου Φρεαρίτου παραδίδοντος την

πρυτανείαν τω διαδόχω αυτού. Μέρος Α'. Εκφωνηθέν, 1864, pp. 3-63. —Μέρος Β', 1864, pp. 67-86.

Λόγος εκφωνηθείς τη ΚΔ' Οκτωβρίου 1865, ημέρα της επισήμου εγκαθι-δρύσεως των νέων αρχών του Πανεπιστημίου, υπό του καθηγητού της φυσιογραφίας Ηρ. Μητσοπούλου, παραδιδόντος την πρυτανείαν τω διαδόχω αυτού κυρίω Μιλτιάδη Βενιζέλω, καθηγητή της Μαιευτικής και διευθυντή του Μαιευτηρίου, 1865, 156 p.

Λόγος εκφωνηθείς τη ΙΣΤ' Οκτωβρίου 1866, ημέρα της επισήμου εγκαθι-δρύσεως των νέων αρχών του Εθνικού Πανεπιστημίου, υπό του τα-κτικού καθηγητού της μαιευτικής και διευθυντού του μαιευτηρίου Μιλ-τιάδου Βενιζέλου, παραδιδόντος την πρυτανείαν τω διαδόχω αυτού

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κυρίω Αλεξάνδρω p. Ραγκαβή, τακτικώ καθηγητή της αρχαιολογίας, 1867, 194 p.

Λόγος εκφωνηθείς τη ΚΣΤ' Νοεμβρίου 1867, ημέρα της επισήμου εγκαθι-δρύσεως των νέων αρχών του Εθνικού Πανεπιστημίου, υπό του καθη-γητού της μαιευτικής Μιλτιάδου Βενιζέλου, εν απουσία του κυρίου Α. p. Ραγκαβή [sic] παραδίδοντος την πρυτανείαν τω διαδόχω αυτού κυρίω Θεοδώρω Γ. Ορφανίδη καθηγητή της Βοτανικής, 1868, 113 + [1] + 33 p.

Λόγος εκφωνηθείς τη ΚΔ' Νοεμβρίου 1868, ημέρα της επισήμου εγκαθιδρύ-σεως των νέων αρχών του Εθνικού Πανεπιστημίου, υπό του πρυτά-νεως Θεοδώρον Γ. Ορφανίδου, καθηγητού της Βοτανικής, παραδί-δοντος [sic] την Πρυτανείαν τω διαδόχω αυτού κυρίω Γεωργίω Α. Ράλλη, καθηγητή του Εμπορικού Δικαίου, 1868, 176 p.

Λόγος εκφωνηθείς τη ΚΓ' Νοεμβρίου 1869, ημέρα της επισήμου εγκαθιδρύ-σεως των νέων αρχών του Εθνικού Πανεπιστημίου, υπό του πρώην πρυτάνεως Κ. Γεωργίου Α. Ράλλη, τακτικού καθηγητού του Εμπο-ρικού Δικαίου, παραδίδοντος [sic] την Πρυτανείαν τω διαδόχω αυτού Κ. Παύλω Καλλιγά, τακτικώ καθηγητή του Ρωμαϊκού Δικαίου, 1869, 160 p.

Λόγος εκφωνηθείς τη ΚΕ' Οκτωβρίου 1870, ημέρα της επισήμου εγκαθι-δρύσεως των νέων αρχών του Εθνικού Πανεπιστημίου, υπό του πρώην πρυτάνεως Κ. Παύλου Καλλιγά, τακτικού καθηγητού του Ρωμαϊκού Δικαίου, παραδίδοντος [sic] την Πρυτανείαν τω διαδόχω αυτού Κ. Κωνσταντίνω Βουσάκη, τακτικώ καθηγητή της Φυσιολογίας, 1870, 200 p.

Λόγος εκφωνηθείς τη ΚΗ' Νοεμβρίου 1871, ημέρα της επισήμου εγκαθιδρύ-σεως των νέων αρχών του Εθνικού Πανεπιστημίου, υπό του πρώην πρυτάνεως Κωνσταντίνου Βουσάκη, τακτικού καθηγητού της Φυσιο-λογίας, παραδίδοντος την πρυτανείαν τω διαδόχω αυτού Ευθυμίω Κα-στόρχη, τακτικώ καθηγητή της Λατινικής φιλολογίας, 1872, 248 p.

Τα κατά την ΛΓ' Πρυτανείαν του Εθνικού Πανεπιστημίου υπό Ευθυμίου Κα-στόρχη Πρυτάνεως, 1873, 300 p.

Λόγος εκφωνηθείς την ΚΓ' Οκτωβρίου 1873, ημέραν της επισήμου εγκαθι-δρύσεως των νέων αρχών του Εθνικού Πανεπιστημίου, υπό του πρώην πρυτάνεως Κ. Παπαρρηγοπούλου, καθηγητού της Ιστορίας του Ελ-ληνικού Έθνους, παραδόντος την Πρυτανείαν εις τον κύριον Γεώργιον Α. Μακκάν, καθηγητήν της ειδικής Παθολογίας και θεραπείας και

της κλινικής ιατρικής, 1874, 191 p. Λόγος Γεωργίου Α. Μακκά, τακτικού καθηγητού της ειδικής νοσολογίας και

κλινικής ιατρικής και αρχιάτρου της A.M. του Βασιλέως, παραδι-

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παραδιδόντος την πρυτανείαν εις τον διάδοχον αυτού Κον Παναγιώτην Ρο-μπότην, καθηγητήν της θεολογίας, τη 17 Νοεμβρίου 1874, 1875, 164 p.

Λόγος εκφωνηθείς τη Λ' Νοεμβρίου 1875, ημέρα της επισήμου εγκαθιδρύσεως των νέων αρχών του Εθνικού Πανεπιστημίου, περί των κατά την

πρυτανείαν του ακαδημαϊκού έτους 1874-5 πεπραγμένων, 1876, 131 p. τα κατά την πρυτανείαν του ακαδημαϊκού έτους 1875-1876 και την του

1876-1877 πεπραγμένα εκδιδόμενα κατ' απόφασιν της Ακαδημαϊκής Συγκλήτου, 1880, 215 + [1] p.

Λόγος εκφωνηθείς εν τω Εθνικώ Πανεπιστήμια» την εικοστήν έκτην Νοεμ-βρίου 1878 υπό Ανδρέου Αναγνωστάκη, τακτικού καθηγητού της χειρουργικής παθολογίας και διευθυντού του Οφθαλμιατρείου, παρα-διδόντος την πρυτανείαν τω διαδόχω αυτού Κ. Νικολάω Μ. Δαμαλά, τακτικώ καθηγητή της θεολογίας, 1879, 155 + 135 p.

C. PREMIÈRES PUBLICATIONS D'OEUVRES PRÉSENTÉES AUX CONCOURS

Nous rangeons dans cette rubrique les premières publications, partielles ou complètes, de poèmes envoyés aux concours universitaires, publications que nous accompagnons d'un certain nombre de renseignements supplémentaires: comptes rendus, traductions étrangères, reproductions dans les principales anthologies de l'époque. Le lecteur peut trouver ici un inventaire non seulement des poètes qui ont publié leurs œuvres, mais aussi de ceux dont nous connaissons, ne serait-ce que partiellement, les textes présentés aux concours.

Concours de 1851 Carydis Sophocle, H Λύρα, ήτοι συλλογή διαφόρων ποιημάτων υπό— Μέρος

δεύτερον, 1851, ιδ' + 117 + [4] p. Contient (pp. 1-70) trois poèmes envoyés par l'auteur au concours de 1851. Compte rendu: Πανδώρα 2 (1851-52) 915.

Coumanoudis St., Στράτης Καλοπίχειρος υπό—, 1851, 144 + [1] p. Extraits: Jugement de 1851, p. 704. Comptes rendus: Πανδώρα 2 (1851-52) 1058-1062; Εφημερίς του Λαού, 26 janvier 1852.

Coumanoudis St., Στράτης Καλοπίχειρος υπό— Έκδοσις δευτέρα, [1888], α'-β' + 268 p., in-16°.

Coumanoudis St., Στράτης ο Καλοπίχειρος. Έκδοσις τρίτη, Βιβλιοθήκη Μαρασλή, 1901, [4] + 277 p.

Zalocostas G., Το Μεσολόγγιον. Απόσπασμα ποιήματος υπό— βραβευθέν τη 20 Μαΐου 1851, 1851, 30 + [2] p.

Reproduit, à partir de 1859, dans toutes les éditions des Oeuvres Complètes

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du poète. Extraits: Ευτέρπη 4 (1850-51) 502-503; Rapt. Pam., pp. 190-193; Mat. Parn., pp. 213-218.

Concours de 1852 Mavroyannis G.E., Ποιητική συλλογή υπό—, 1858, ιε' + 17-124 p.

Contient (pp. 84-109) une partie du poème Ή Ευφροσύνη. Extraits: Jugement de 1852, p. 49. Compte rendu: Η Ελπίς, 25 avril et 29 septembre 1852.

Mavroyannis G.E., «H Ευφροσύνη. Διήγημα έμμετρον υπό—», Χρυσαλλίς 2 (1864) 1-6.

Mavroyannis G.E., Η Χία Ευφροσύνη, μυθοπλασία εξελισσόμενη εν τη νήσω Χίω κατά τα δύο πρώτα έτη της Ελληνικής Επαναστάσεως 1821, 1822, υπό— Κεφαλλήνος, 1905, 151 p.

Skokos G., Tò Μέλλον της Ελλάδος ή η λύσις του ανατολικού ζητήματος υπό— 1852, 28 p.

Skokos G., Ο πρόδρομος του Μεγάλου Ελληνικού Μέλλοντος και Διάφοροι ωδαί υπό—, 1860, ε' + 104 p. Contient (pp. 4-19) le poème το Μέλλον της Ελλάδος.

Yannopoulos Anastase, Το ανατολικόν πνεύμα: voir Concours de 1853. Yannopoulos Ι. Ε., «Θερμοπύλαι», Ευτέρπη 5 (1852) 374-377 et 395-398. Zalocostas G., Το στόμιον της Πρεβέζης, ποιημάτιον—, 1852, 32 p., in-16°.

Reproduit dans les Oeuvres Complètes (1859) du poète, pp. 65-85. Extraits: Jugement de 1852, pp. 51-52; Ευτέρπη 5 (1852) 360; Rapt. Parn., pp. 199-202; Mat. Parn., pp. 225-229. Comptes rendus: Πανδώρα 3 (1852-53) 119-120 (par A. R. Rangabé); Η Ελπίς, 25 avril 1852 (cf. le même journal, 16 mai 1852).

Concours de 1853 Svoronos Cimon, Ο Γούρας, ποίημα επικόν εις άσματα τέσσαρα υπό—,

1853, 45 p. Tertsétis G., «Κόριννα και Πίνδαρος», Πανδώρα 4 (1853-54) 59-68. [Tertsétis G. ], Λόγος της 25 Μαρτίου 1855 - Οι Γάμοι του Μεγάλου Αλε-

ξάνδρου - Κόριννα και Πίνδαρος. Εκδίδονται υπό Χ. Ν. Φιλαδελφέως, 1856, 104 + [1] p. Contient (pp. 75-90) le poème Κόριννα και Πίνδαρος. Extraits du même poème: Rapt. Parn., pp. 485-489; Mat. Parn., pp. 449-455. Traduction française: Adélaïde Terzetti, Poésies diverses de M. Georges Terzetti traduites du grec moderne par—, Pise 1867, pp. 3-20.

Triantaphyllidis P., Οι φυγάδες της Τραπεζούντος: voir Concours de 1868. Yannopoulos Anastase, Ανατολικόν πνεύμα εις δύω, Μέρος Α' εν ω και το

εις τον Βύρωνα κλπ. και Μέρος Β' εις άσματα τρία του εν τω Πανε-πιστημίω πολιτικού [sic] συναγωνισμού υπό— Μεσολογγιέως, Patras 1853, 86 p.

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Contient (pp. 62-70) le poème exclu τα σπλάγχνα του Βύρωνος. Zalocostas G., Αρματωλοί και Κλέπται, ποιημάτων—, βραβευθέν κατά τον

ποιητικόν αγώνα του 1853, 1853, 28 p. Paru en entier dans Πανδώρα 4 (1853-54) 34-40 et 69, ainsi que dans les Oeu-vres Complètes (1859) du poète, pp. 91-115. Extraits: Αιών 4 avril 1853; Ευτέρπη 6 (1853) 332-333, 382 et 432; Rapt. Pam., 193-197.

Concours de 1854 Orphanidis Th., Αποσπάσματα εκ τον ποιήματος ο Άπατρις, υπό—, βρα-

βευθέντα την 25 Μαρτίου 1854 κατά τον ποιητικόν συναγωνισμόν τον παρά του φιλογενούς κυρίου Αμβροσίου Ράλλη συσταθέντα, 1854, θ' + 24 p. Extraits: Jugement de 1854, pp. 37-38; Rapi. Parn., pp. 378-380; Mat. Parn., pp. 881-884.

•[Tertsétis G.], Δοκίμων Εθνικής Ποιήσεως. T ο φίλημα, Nauplie 1833, [2] + 29 p., in-32» [GM *10257].

Il s'agit du poème présenté au concours de 1854 sous le titre Ή 25 Ιανουαρίου 1853. Cette brochure, rarissime, est reproduite par G. Valétas dans Τερτσέτης

Άπαντα, t. I, 1954, pp. 58-65. Extraits: Rapt. Pam., pp. 481-482; Mat. Parn., pp. 444-446.

Tertsétis G., Το όνειρον του βασιλέως: Publié par D. Stephanou, Γεώργιος Τερτσέτης (Μετ' επιμέτρου περιέχοντος ανέκδοτον ποίημα του Τερτσέτη «Το ονειρον του βασιλέως»), 1916, pp. 33-51.

G. Valétas (op. cit., pp. 89-104) s'est servi du manuscrit autographe du poète. Vernardakis D., Γραομυομαχία, επύλλιον ηρωϊκοκωμικόν υπό—, 1854,

ι΄ + 55 p. Zalocostas G., Ώραι Σχολής, [1854], 16 p.

Reproduit dans les Oeuvres Complètes (1859) du poète, pp. 117-138. Publica-tions partielles: Πανδώρα 5 (1854-1855) 39-40; Ευτέρπη 7 (1854) 299-303, 335-336 et 379; Rapt. Parn., pp. 207-209; Mat. Parn., pp. 229-236.

Concours de 1855 Carassoutsas J., Απόκρισις προς τον ποιητήν Λαμαρτίνον συγγραφέα τουρ-

κικής ιστορίας υπό—, 1856, [3] + 15 p. Reproduit dans Jean Carassoutsas, Η Βάρβιτος 1860, pp. 34-46. Extraits: Rapt. Pam., pp. 456-457; Mat. Parn., pp. 376-379. Traduction en prose fran-çaise: Epitre à M. de Lamartine au sujet de son Histoire de la Turquie avec une notice sur l'état actuel de la Grèce et de l'empire ottoman, par Jean Caras-souza[sic], d'Athènes, Paris 1858, IV+16 p.

Carassoutsas J., Ποιητικής τέχνης άποσπάσματα: Il s'agit du poème Επιστολή προς Λέανδρον. Περί ελληνικής ποιήσεως και

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γλώσσης (1853), publié dans Η Βάρβιτος, pp. 122-130. Extraits: Mat. Parn., pp. 365-368.

*[Caravas A. S.], Παράρτημα. Χιακή Iερεμιάς, ήτοι Καταστροφή της Χίου κατά το ,αωκβ' μ.Χ., [1857], μ' p. Publié en annexe dans A. S. Garavas, Εγχειρίδιον της νεοελληνικής γλώσσης

υπό—Καθηγητού των ελληνικών γραμμάτων εν τω της Χίου Γυμνάσιω. Τόμος δεύτερος. Ποίησις, Smyrne 1857, α' - κη' p.

Coumanoudis St., Συλλογή ποιηματίων: Deux poèmes de ce recueil, προς την φοιβάζουσαν νεολαίαν et Φιλελεύθεροι, sont publiés dans le Jugement de 1855, p. 59, ainsi que dans Mat. Parn., pp. 755-757.

Lacon D.I., Ο Λάμπρος Κατσόνης, υπό—, 1855, ιβ' + 36 p. Orphanidis Th., Άννα και Φλώρος ή Ο Πύργος της Πέτρας. Ποίημα εις

στίχους εξαμέτρους υπό— (βραβευθέν κατά τον ποιητικόν διαγωνισμόν του 1855 τον παρά του Φιλογενούς Κυρίου Αμβροσίου Ράλλη συστα-

θέντα.), 1855, 39 p. Paru dans Πανδώρα 6 (1855-56) 97-115. Reproduit dans Th. G. Orphanidis, Ποιήσεις. Τόμος πρώτος περιέχων την δευτέραν έκδοσιν της Χίου Δούλης, του Τίρι-λίρι και του Πύργου της Πέτρας, βραβευθέντων κατά τους ποιητικούς διαγω-νισμούς του 1855 και 1858, 1859, pp. 293-327. Extraits: Rapt. Parn., pp. 388-393.

Orphanidis Th., «H πόλις των Αθηνών. Σατυρικόν ποίημα διά τον διαγω-νισμόν του 1855», dans M. P. Vrétos, Ημερολόγιον του έτους 1868, pp. 337-349.

* S.C., Ορέων Άνθη, υπό-, 1855, 25 p. [GM *10758) Vernardakis D., ο Πλάνης:

Extraits: Jugement de 1855, pp. 55-56; Rapt. Pam., pp. 600-602; Mat. Parn., pp. 622-625; Εστία 1 (1876) 95; E. Legrand, Fac-similés d'écritures grecques du dix-neuvième siècle, Paris [1901], pp. 80-82. Traduction française: A.R. Rangabé, Histoire littéraire, t. II, Paris 1877, pp. 119-121.

Zalocostas G., «Δάκρυα», Ευτέρπη 8 (1855) 306-309. Reproduit dans les Oeuvres Complètes (1859), pp. 282-287.

Zalocostas G., «H τελευταία νυξ», dans les Oeuvres Complètes, pp. 326-340.

Extrait: Rapt. Parn., pp. 197-199.

Concours de 1856 Catacouzinos Α., «Ο υιός του δημίου, ποίημα ιστορικόν», Πανδώρα 7

(1856-1857) 433-438. Extrait: Mat. Parn., pp. 735-741.

Catacouzinos Α., Η θυγάτηρ του Τειρεσίου - Ο υιός του δημίου, 1879, 63 p.

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Matarangas P., Νεανικά αθύρματα: Extraits: Jugement de 1856, pp. 29-30; Αθήναιον 1 (1857) 22 et 147-148; ΧρνσαλλΙς 2 (1864) 689; P. Matarangas, Φαντασία και καρδία, 1876.

Melissinos Sp., Ιεφθάε, τραγωδία έμμετρος μετά τίνων Λυρικών ποιημάτων και τίνων επί της τραγωδίας κριτικών παρατηρήσεων υπό—Κεφαλλήνος,

Corfou 1856, η' + 168 p. Nicolaïdis Myron, ο Ελλην της Ίδης, εξάμετρον έπος εις άσματα δύω,

1856, ια' + 13-43 p. Extrait: Mat. Parn., pp. 870-872.

Tertsétis G., Ol Γάμοι του Μεγ. Αλεξάνδρου: Publié dans [G. Tertsétis], Λόγος της 25 Μαρτίου 1855 — Oi Γάμοι τον Μεγά-λου Αλεξάνδρου—Κόριννα και Πίνδαρος, 1856, pp. 43-60. G. Valétas (op. cit., pp. 107-118; cf. t. II, 1953, pp. 107-119) s'est servi du manuscrit autogra-phe du poète. Extraits: Rapt. Parn., pp. 483-485; Mat. Parn., pp. 446-449. Traduction française: Adélaïde Terzetti, op. cit., pp. 21-33.

Vernardakis D., Εικασία, ποίημα—, βραβευθέν κατά τον εν Αθήναις ποιη-τικόν διαγωνισμόν του 1856, 1856, [4] + 76 p. Extraits: Rapt. Pam., pp. 573-579; Mat. Parn., pp. 601-609.

Concours de 1857 Carydis S., Μυρσίνη και Φώτος : voir Concours de 1859. Catacouzinos Α., H θυγάτηρ του Τειρεσίου:

Publié dans A. Catacouzinos, Η θυγάτηρ του Τειρεσίου — Ο υιός του δημίου, 1879, pp. 3-32.

Emmanuel, Ο έμπορος ποιητής: voir Concours de 1860. Mavroyannis G., Ανάμικτα:

Des poèmes appartenant à ce recueil lyrique sont publiés dans: Αθήναιον 1 (1857) 19-21; G. Mavroyannis, Ποιητική συλλογή, 1858; Mat. Parn., pp. 856-860.

Melissinos Sp., Η πτώσις του Βυζαντίου - Εις στεναγμός του Μεσολογγίου-Η ενσάρκωσις του Σωτήρος. Τρία αποσπάσματα εκ τίνος ανεκδότου

ποιήματος επιγραφομένον Ελλάς και Ορθοδοξία υπό—·, Corfou 1859, 32 p.,

Orphanidis Th., Χίος Δούλη et Τίρι-λίρι: voir Concours de 1858. Pop C., «Εύχαρις», Πανδώρα 8 (1857-1858 ) 473-474 et 498-499. Rangabé A. R., Traduction de «Jérusalem délivrée» (Ελευθερωμένη

Ιερουσαλήμ) du Tasse: Publiée dans A. R. Rangabé, Διάφορα Διηγήματα και Ποιήματα, t. III, 1859, ainsi que dans Άπαντα τα φιλολογικά, t. VI et VII, 1874. Extrait: Mat. Parn., pp. 985-990. Comptes rendus: Πανδώρα 10 (1859-60) 579-582 (par Th. Orpha-nidis; cf. Άγιος Μηνάς, 1860, passim); Η Ελπίς, 24 mai 1860.

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Vlachos Α., H Ηώς, ήτοι συλλογή ποιήσεων πρωτοτύπων και μεταπεφρα-σμένων υπό—, 1857, ι' + 95 p.

Contient (pp. 1-22 et 34-40) les poèmes Μελωδήματα et Κλεόβουλος και Αγγε-λική, présentés au concours de 1857. Comptes rendus: Εφημερίς των Φιλο-μαθών, 22 juin 1857; Αθήναιον 1 (1859) 68-70.

Vernardakis D., Μαρία Δοξαπατρή, ποίημα δραματικόν εις πράξεις πέντε υπό—, Munich 1858, ρα' + [1] + 194 p.

Extraits: Rapt. Parn., pp. 580-586; Mat. Parn., pp. 609-617. La deuxième édition du drame (1868) ne contient pas la Préface de Vernardakis.

Concours de 1858 Orphanidis Th., Χίος Δούλη, ποίημα επικόν εις άσματα πέντε βραβευθέν

κατά τον ποιητικόν διαγωνισμόν του 1858 και Τίρι-λίρι ή Το κυνη-γέσιον εν τη νήσω Σύρω, ποίημα ηρωϊκοκωμικόν εις άσματα επτά

υπό—, 1858, ιζ' + 280 p. Extraits: Rapt. Parn., pp. 380-388 et 402-408; Mat. Parn., pp. 884-890 et 898-905.

Orphanidis Th., Ποιήσεις. Τόμος πρώτος περιέχων την δευτέραν έκδοσιν της Χίου Δούλης, τον Τίρι-λίρι και του Πύργου της Πέτρας, βραβευ-

θέντων κατά τους ποιητικούς διαγωνισμούς του 1855 και 1858, 1859, ιδ' + [2] + 327 p.

Tertsétis G., «ο θρίαμβος του ποιητικού διαγωνισμού κατά το 1858», Ελληνική Δημιουργία 6 (1950) 575-588 (éditeur D. Conomos).

La deuxième édition, établie par G. Valétas (Τερτσέτης Άπαντα, t. I, 1954, pp. 133-164), est fondée, ainsi que celle de Conomos, sur le manuscrit envoyé par Tertsétis au concours de 1858.

Vlachos Α., Ώραι, ποιήσεις— 1860, δ' + 94 + [2] p.

Contient (pp. 5-36) le poème Τίτος και Όθων, présenté au concours de 1858.

Concours de 1859 Carassoutsas J., H Βάρβιτος—, ήτοι συλλογή των λυρικών αυτού ποιημάτων,

1860, ζ' + 199 p. Contient (pp. 8-11, 55-58, 58-62) des poèmes appartenant au recueil Πολιτικαί

και πατριωτικαί μελέται. Extraits: Jugement de 1859, pp. 30-31; Rapt. Parn., pp. 454-456; Mat. Parn., pp. 368-371, 381-388.

Carydis S., Μυρσίνη και Φώτος, Journal Το Φως, 1er janvier-14 mars 1864. Extrait: Πανδώρα 8 (1857-58) 263.

* Carydis S., Μυρσίνη και Φώτος, ποίημα εις άσματα τέσσαρα. Vernardakis D., Κυψελίδαι : voir Concours de 1860.

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Concours de 1860 Emmanuel, Ο έμπορος ποιητής, ποίημα αποβληθέν εκ του ποιητικού συνα-

γωνισμού του έτους 1857 υπό—, Hermoupolis 1858, ι'+57 + [1] p. Matarangas P., Εμπνεύσεις:

Extraits: Jugement de 1860, pp. 29-30; brochure anonyme (voir GM* 8395); G. Matarangas, Φαντασία και καρδία, pp. 33-37 et 117-120; Mat. Parn., pp. 813-821; Ποιητικός Ανθών 2 (1887) 550-553.

Orphanidis Th., Άγιος Μηνάς (Επεισόδιον της Ελληνικής Επαναστάσεως). Ποίημα λυρικο-επικόν εις άσματα τέσσαρα υπό—·, 1860, η' + 240 p. Extraits: Rapt. Pam., pp. 394-401; Mat. Parn., pp. 891-897. Traduction italienne: San Minas. Poema lyrico epico. Versione dal greco moderno di Luciano Sissa, Ferrara 1867, XXIX + 3 + 115 + 4 p.

[Rallis A.S.], Οι Κλέπται, μελόδραμα εις δύω πράξεις διηρημένον (Εκδί-δοται δαπαναις Α.Σ. Ράλλη), Trieste 1866, [4] + 40 p.

Stavridis Gr., Ο Αρματωλός. Ποίημα — του εξ Αχρίδος, στεφανωθέν κατά τον ποιητικόν διαγωνισμόν του 1860, 1860, 37 + [1] p. Extraits: Jugement de 1860, p. 54; Η Ελπίς 2, 12 et 26 avril 1860; Mat· Parn., pp. 1008-1013. Adaptation française (par Guillevic et Lucie Albertini); La poésie macédonienne. Anthologie des origines à nos jours, Paris, Les Édi-teurs Français Réunis, 1972, pp. 70-73.

Vernardakis D., Κυψελίδαι. Μέρος A'. Τραγωδία εις πράξεις πέντε, υπό—, Leipzig 1860, ξδ' + 216 p. Extrait: Rapt. Pam., pp. 589-600. Compte rendu (par C. N. Costis): Πανδώρα 11 (1860-61) 539-543.

Vyzantios Α., Ποιημάτια υπό—, 1860, 63 p. Extraits: Jugement de 1860, pp. 30-31; Rapt. Parn., pp. 674-685; Pap. NP., pp. 63-68; Mat. Parn., 669-678. Compte rendu (par A. R. Rangabé): Η Ελ-πίς, 20 décembre 1860.

Concours de 1861 ( annulé) [Anonyme], «Ύμνος εις τον Ελληνικόν Αγώνα», Πανδώρα 12 (1861-62)

529-535. Phemius Harold Euclide (=Ph. A. Iconomidis), Δύσελπις - Εύελπις: voir

Concours de 1865.

Concours de 1862 Antoniadis A.I., Η Χριστιανή Ευγενία: voir Concours de 1870. Rangabé Cléon, Περίλυπός εστιν η ψυχή μου μέχρι θανάτου:

Des poèmes appartenant à ce recueil sont publiés dans: Jugement de 1862, p. 128; Rapt. Parn., pp. 686-688; Pap. NP., pp. 238-240; Mat. Parn., pp. 992-995.

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Stavridis Gr., Σκενδέρμπεης: De longs extraits: Jugement de 1862, pp. 125-127. Extraits traduits en prose française: A. R. Rangabé, Histoire littéraire, t. II, pp. 183-186. Le texte grec du poème est publié en entier dans Grigor Prlicev, Scanderberg, Introduction, traduction et notes par Ch. Codov, 2ème éd., Sofia 1969, pp. 21-119 (en bul-gare).

Vyzantios Α., Σωκράτης και Αριστοφάνης, ποίημα — βραβευθέν κατά τον ποιητικόν διαγωνισμόν του 1862, 1862, 48 p. Reproduit dans Ποιήματα Αλεξάνδρου Σ. Βυζαντίου, s.d., pp. 3-25, ainsi que dans Έργα Αλεξάνδρου Σ. Βυζαντίου, 1902, pp. 19-37.

Concours de 1863 Carydis S., «Όνυχες, ή Επεισόδια του 1821», Journal T ο Φως, 16 novem-

bre-21 décembre 1863. Extrait: Rapt. Parn., pp. 549-552; Mat. Parn., pp. 719-722.

Carydis S., Έμμετρα και πεζά εις βιβλία δέκα. Βιβλίον πρώτον [Καλλιόπη], 1866, 43 p. Contient (pp. 7-43) le poème Όνυχες.

Carydis S., Λυρικά ποιήματα. Όνυχες, 1876, 65 p. Catacouzinos Α., Ο πατριάρχης Γρηγόριος, 1871, 32 p. Malakis Sp., ΟΙ τάφοι της Αργολίδος, ή Ύμνος εις την Ελευθερίαν. Του

Εξορίστου του Ναυπλίου άσμα πρώτον. υπό—, Κεφαλλήνος λεπτου-ργού, 1863, ιδ' + 55 + η' p. Compte rendu: Χρυσαλλίς 1 (1863) 566.

Paraschos Α., ο Άγνωστος: Publié, sous le titre ο "Αγνωστος ποιητής, dans Α. Paraschos, Ποιήματα, t. I, 1881, pp. 7-44. Le même poème fut présenté aux concours de 1864 et de 1868. Extraits: Χρυσαλλίς 1 (1863) 154-155; Rapt. Parn., pp. 606-607; Mat.

Parn., pp. 947-949. Paraschos Α., Εγερτήριον :

Publié dans A. Paraschos, Ποιήματα, t. II, 1881, pp. 145-151. Vlachos Α., Φειδίας και Περικλής υπό—, 1863, β' + [1] + 6-32 p. Comptes rendus: Χρυσαλλίς 1 (1863) 564-566; Πανδώρα 14 (1863-64) 366-368 (par Α. Vyzantios). Ce poème est reproduit dans A. Vlachos, Λυρικά ποιήματα, 1875, pp. 63-100.

Concours de 1864 ( annulé) Panacos P.I., Οι Πλανήται ή ο κόσμος και τα δεινά του. Ποίημα επικόν.

Ραψωδία Α'. - Επιτάφιος λόγος προς τον φοιτητήν Παπίτσαν, και το Γάντι ( Der Handschuch). Έμμετρος μετάφρασις εκ του γερμα-

νικού υπό— τελειοφοίτου της ιατρικής, τηλεγραφητού Β' τάξεως και

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προϊσταμένου του τηλεγραφείου Άργους, 1864, κα' + 23-96, in-160. Paraschos Α., Ο άγνωστος ποιητής: voir Concours de 1863. Pervanoglos J., Θήβη, τραγωδία υπό— υποβληθείσα εις τον ποιητικόν δια-

γωνισμόν του 1864, 1864, ζ' + 64 p. Paru dans Χρυσαλλίς 2 (1864) 356-369.

Vyzantios Α., «Έρως Σουλτάνας», Χρυσαλλίς 2 (1864) 300-305. Reproduit dans Έργα Αλεξάνδρου Σ. Βυζαντίου, 1902, pp. 39-59.

Concours de 1865 Antoniadis A.I., Φίλιππος ο Μακεδών, δράμα, ποιηθέν μεν υπό—, καθη-

γητού εν Πειραιεί, βραβευθέν δε κατά τον ποιητικόν διαγωνισμόν του φιλογενούς κυρίου Βουτσινά τη 9 Μάιου 1865, 1866, 64 p. Cambouroglou Jean, Σαπφώ και Φάων:

Des extraits sont publiés dans Παρθενών 2 (1872-73) 824-833 et 865-877. Paraschos Α., «H Λυδία», Χρυσαλλίς 3 (1865) 671-675.

Reproduit (en six chants) dans A. Paraschos, Ποιήματα, t. I, pp. 131-160. Paraschos Α., «Πόθος», Χρυσαλλίς 3 (1865) 499.

Reproduit dans Rapt. Parn., p. 603; Mat. Parn., pp. 943-944, et dans A. Paraschos, Ποιήματα, t. II, pp. 357-358.

Paraschos Α., «Εις ποταμόν», Χρυσαλλίς 3 (1865) 327-328. Reproduit dans Rapt. Parn., pp. 608-609, Pap. If P., pp. 198-199, Mat. Parn., pp. 935-936, ainsi que dans A. Paraschos, Ποιήματα, t. IΙΙ, pp. 119-120.

Phemius Harold Euclide (=Ph. A. Iconomidis), Δύσελπις - Εύελπις ή Ο άγνωστος ποιητής, ποίημα εις άσματα τρία υπό—, Hermoupolis 1868, η' + 98 p.

Phemius Harold Euclide (= Ph. A. Iconomidis), Στόνοι: Extraits: Jugement de 1865, pp. 325-326; Ph. A. Iconomidis, Βαΐων φύλλα, διά-φορα ποιήματα, 1894, pp. 6-7 et 35.

Rangabé Cléon, Ία: Extraits: Jugement de 1865, pp. 321-324; Rapt. Parn., pp. 688-694; Pap. NP., pp. 242-248; Cl. Rangabé, Άλγη, 1893, pp. 55-59, 69-71, 63-66, 148-149.

Rangabé Cléon, Ιουλιανός ο Παραβάτης, ποίημα δραματικόν εις μέρη πέντε υπό—Γενικού προξένου της Ελλάδος εν Ρωμανία, 1877, λη' + 570 p.

[Vassiliadis Sp.], Εικόνες και Κύματα, ποιήσεις υπό***, 1866, ε '+ 9-103 + [1] p. Extraits: Jugement de 1865, pp. 311-312; Rapt. Pam., pp. 711-713; Αττικαί Νύκτες II, 1875, pp. 287-307; Mat. Parn., pp. 471-482; Ποιητικός Ανθών 2 (1887) 466-470.

Vlachos Α., «Στίχοι», Πανδώρα 16 (1865-66) 146-152. Extraits: Jugement de 1865, pp. 307-310; Rapt. Pam., pp. 647-649, 654-655; Pap. NP., pp. 51-57.

* Vlachos Α., Στίχοι, ποιήσεις λυρικαί, 1865.

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Concours de 1866 Carassoutsas J., Κλεονίκη: voir Concours de 1867. Paparrigopoulos D., «Στόνοι, λυρική ποίησις βραβευθείσα εν τω ποιητικώ

διαγωνισμώ του έτους 1866», Πανδώρα 17 (1866-67) 123-130. Paparrigopoulos D., Ποιήσεις, υπό—, 1867, 100 p.

Contient (pp. 3-26) le recueil Στόνοι, dont on trouve des extraits dans: Juge-ment de 1866, pp. 30-33; Rapt. Parn., pp. 706-707; Mat. Parn., pp. 406-410. Compte rendu (par S. N. Vassiliadis): Εθνική Βιβλιοθήκη 2 (1867) 328-331.

Papazoglou Cléanthe, «τα δάκρυα του Φίλωνος», Χρυσαλλίς 4 (1866) 397-403.

Vlachos Α., Εκ των ενόντων, ποιήσεις — βραβευθείσαι εν τω ποιητικώ δια-γωνισμώ του 1866, 1866, 22 p., Paru anonymement dans Πανδώρα 17 (1866-67) 155-162. Extraits: Jugement de 1866, pp. 24-27; Rapt. Pam., pp. 639-642. 645-647, 649-650; Pap. NP., pp. 45-48; Mat. Parn., pp. 645-651.

Vlachos Α., Αντίνοος, τραγωδία εις πράξεις πέντε, παραφρασθείσα ελευθέρως εε [sic] του γερμανικού του Paul Heyse, και Εκ των ενόντων, λυρικαί

ποιήσεις βραβευθείσαι εν τω συναγωνισμώ του 1866, υπό—, 1866, λ' + 160 p.

Concours de 1867 Antoniadis Α.I., Κρητηΐς, ήτοι ο Λακκιώτης Δράκος και της Κρήτης οι

Ορεινοί, έπος ποιηθέν μεν υπό—·, καθηγητού εν Πειραιεί, τυχόν δε του πρώτου επαίνου εις τον ποιητικόν διαγωνισμόν του φιλογενούς

Κ. Βουτσινά, τη 7 Μαΐου 1867. Εκδίδεται δαπάνη Κ. Αντωνιάδου, 1868, η' + 371 + [3] p. Extraits: Jugement de 1867, pp. 47-51; Mat. Parn., pp. 593-595.

Antoniadis Α.Ι. Κρητηΐς, έπος τυχόν του πρώτου επαίνου εις τον ποιητικόν διαγωνισμόν του φιλογενούς Κ. Βουτσινά τη 7 Μαΐου 1867,1881, 360 p.

Antoniadis Α.Ι., Κρητηΐς, έπος τυχόν του πρώτου επαίνου εις τον Βουτσι-ναίον διαγωνισμόν και εγκριθέν δι' ηγεμονικού διατάγματος προς χρή-σιν των εν Κρήτη Γυμνασίων. Έκδοσις τρίτη, La Canèe 1899, 377 + [3] p.

Carassoutsas J., «Η Κλεονίκη, ποίημα — επαινεθέν εν τω Ποιητικώ Δια-γωνισμώ», Πανδώρα 18 (1867-68) 134-140.

Carassoutsas J., Η Κλεονίκη και έτερα ποιήματα υπό—, 1868, ζ' +74+[2]p. Extraits: Jugement de 1867, pp. 15-16; Rapt. Pam., pp. 473-474; Mat. Parn., pp. 396-399.

Lambros Sp., Σκιαί: Des poèmes appartenant à ce recueil sont publiés dans: Jugement de 1867,

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pp. 23-24; Coromilas, Καζαμίας 1868; Επτάλοφος, 20 janvier, 3 février, 27 juillet et 10 août 1868.

Mavromichalis Jean A.P., Κοριολάνος, δράμα διδαχθέν το πρώτον από της εν Αθήναις Εθνικής Σκηνής τον Ιανουάριον του 1868, 1868, 138 + [2] p.

Paparrigopoulos D., Χελιδόνες: Publié dans D. Paparrigopoulos, Ποιήσεις, 1867, pp. 73-100. Extraits: Juge-ment de 1867, pp. 26-30; Rapt. Pam., 696-699, 701-702; Mat. Parn., pp. 419-426.

Stamatiadis Ε., Μώμος ο Ελικώνιος, κωμωδία εις πράξιν μίαν υπό—, 1867, 45 p., in-16°. La deuxième édition (Samos 1897) contient aussi le poème comique Πανοικίας.

Concours de 1868 Antoniadis A.I., Έλλην Γενίτσαρος:

Extrait: Εθνική Βιβλιοθήκη 6 (1870) 7-11. Cambouroglou J., Ποιήσεις:

Extrait (Ανάμνησις): Jugement de 1868, pp. 27-28. Carydis S., T α τέκνα του Δοξαπατρή, δράμα εις πράξεις τρεις, υπό— στεφθέν εν τω ποιητικώ διαγωνισμώ του 1868, 1868, ζ' + 63 p.

Extraits: Jugement de 1868, pp. 53-55; Rapt. Pam., pp. 544-549. Carydis S., Δράματα. T α τέκνα του Δοξαπατρή. Έκδοσις δευτέρα, 1876, 63 p. Lambros Sp., Μύρτοι:

Extraits: Jugement de 1868, p. 29; Ιλισσός, 15 juillet 1868; Pap. NP., pp. 114-115; Mat. Parn., p. 761; Εθνική Βιβλιοθήκη 3 (1868) 332; Επτάλοφος, 27 juillet 1868.

Paparrigopoulos D., Ορφεύς - Πυγμαλίων, αρχαίοι μύθοι υπό—, 1868, 64 p. Contient (pp. 5-32) le poème Ορφεύς et quelques-unes des poésies lyriques présentées au concours de 1868. Extraits: Jugement de 1868, pp. 43-48; Mat. Parn., pp. 426-437. Compte rendu (par N. Cazazis): Εθνική Βιβλιοθήκη 5 (1869) 12-21.

Paraschos Α., ο άγνωστος ποιητής: voir Concours de 1863. Samartzidis Chr., Γκιουλνάρ, ποίημα εις άσματα τρία υπό— (Έκδοσις πρώτη

μετά εικονογραφιών), Constantinople 1866, 28 p., in-16°. Triantaphyllidis P., Oι φυγάδες, δράμα εις μέρη πέντε μετά μακρών προ-

λεγομένων περί Πόντου υπό—, 1870, 183+ 232 p. Vlachos Α., ο λοχαγός της Εθνοφυλακής:

Publié dans Ange Vlachos, Κωμωδίαι 1871, pp. 187-292. Extrait: Jugement de 1868, pp. 62-68.

Zanos P., H κόρη του Απέργη, κωμωδία εις μέρη τρία και εις τρίμετρον ιαμβικόν, υπό—, 1868, β' + 5-87 p.,

Il s'agit de la comédie ο προσήλυτος présentée au concours de 1868.

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Zavitsanos Sp., Γρηγόριος ο Ε' ο Οικουμενικός Πατριάρχης, τραγωδία πρά-ξεως μιας εις μέρη πέντε υπό—, 1869, 163p.

Concours de 1869 Ambelas T., «Κογχύλαι και Χρώματα». Πανδώρα 20 (1869-70) 225-232.

Extraits: Jugement de 1869, pp. 11-13; Mat. Parn., pp. 581-584. Antoniadis A.I., Κρίσπος ο συκοφαντηθείς υιός του Μεγάλου Κωνσταντίνου,

τραγωδία ποιηθείσα μεν υπό—, Γυμνασιάρχου εν Πειραιεί, τυχούσα δε του πρώτου επαίνου εις τον ποιητικόν διαγωνισμόν του φιλογενούς Κ. Βουτσινά, τη 25 Μαΐου 1869, 1870, 110 p., Extraits: Jugement de 1869, pp. 44-56, 58-66. Cette édition contient aussi la comédie Ο πλουτήσας σκυτοτόμος sous un titre commun.

Antoniadis A.I., Κρίσπος ο υιός του Μεγάλου Κωνσταντίνου, τραγωδία, τυχοϋσα του πρώτου επαίνου εις τον ποιητικόν διαγωνισμόν του φιλο-γενούς Ι.Γ. Βουτσινά, τη 19[sic] Μαΐου 1869. Έκδοσις Β' βελτιωμένη, 1877, 95 p.

Antoniadis Α.Ι., Ο πλουτήσας σκυτοτόμος, κωμωδία ποιηθείσα μεν υπό—, Γυμνασιάρχου εν Πειραιεί, βραβευθείσα δε εις τον ποιητικόν διαγωνι-σμόν του φιλογενούς Κ. Βουτσινά, τη 25 Μαΐου 1869, 1870, 95 p. Extraits: Jugement de 1869, pp. 95-118; T ο Φως, 27 juin 1869.

Cambouroglou J., Λευκάνθεμα: Un poème de ce recueil est publié dans le Jugement de 1869, pp. 8-10, ainsi que dans Pap. NP., pp. 109-111.

Carydis S. Ο φλύαρος, κωμωδία μονοπρόσωπος εις πράξεις τρεις, υπό—, λαβούσα τα δευτερεία εν τω ποιητικώ διαγωνισμώ του 1869, 1869, ς' + 69 p.

Extraits: Jugement de 1869, pp. 74-94; Tο Φως, 30 mai 1869. Lambros Sp., Πτερυγίσματα:

Des poèmes appartenant à ce recueil sont publiés dans: Jugement de 1869, pp. 7-8; Pap. NP., pp. 112-114; Mat. Parn., pp. 762-766; Ημερολόγιον Ol-κογενειακόν de 1870 et 1872, pp. 131-132 et 150-151; Coromilas, Καζαμίας de 1870, 1871 et 1872; Ιλισσός, 15 juin 1870; Ir. Assopios, Αττικόν Ημερολόγιον 7, 1871, pp. 428-430.

Paparrigopoulos D., Πυγμαλίων, Έρως και νύξ, Η προσευχή, Ο Αίνος: Ces poèmes, présentés au concours de 1869, sont publiés dans D. Paparrigo-poulos, Ορφεύς-Πυγμαλίων, 1869, pp. 33-64. Extraits: Jugement de 1869, pp. 19-32; Pap. NP., pp. 170-172; Mat. Parn., pp. 437-442. Traduction italienne en vers: Pigmalione, poemetto di Demetrio Paparrigopulo. Versione poetica dal greco di Agostino Carlato con un bozzeto critico e documenti inediti sulla vita e sulle opere dell'autore, Venise 1881, XLVI + 16 p.

Paraschos Α., Αλφρέδος: Publié, en quatre chants, dans A. Paraschos, Ποιήματα, t. I, pp. 45-130.

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Extraits: Ημερολόγιον Οικογενειακόν de 1871, pp. 121-130; Coromilas, Καζαμίας 1872, pp. 143-144.

Vassiliadis Sp., Οι Καλλέργαι - Λουκάς Νοταράς. Δραματικά δοκίμια—, 1869, ξβ' + 213 + [1] p. Contient (pp. 99-213) le drame Λουκάς Νοταράς, présenté au concours de 1869. Compte rendu (par N. Cazazis): Εθνική Βιβλιοθήκη 5 (1869) 16-19.

Versis C., «Μάγων, τραγωδία εις πέντε πράξεις υπό—, επαινεθείσα εν τω εν Αθήναις Βουτσιναίω ποιητικώ διαγωνισμώ του 1869», Ερμής ο

Λόγιος και Κερδώος 1 (1872) 86-89.

Concours de 1870 Ambelas T., Βιργινία η Ρωμαία υπό—, 1871, ζ' + 88 p.

Paru en annexe de la revue Εθνική Βιβλιοθήκη. Ambelas T., Νέρων, υπό—, Syros 1870, ις' + 104 p.

Extraits: Jugement de 1870, pp. 72-76. Anninos Ch., Λυκαυγές, συλλογή λυρικών ποιήσεων υπό—, Céphalonie

1872, γ' + 56 p. Extraits: Jugement de 1870, pp. 33-34; Pap. N P., pp. 5-14; Mat. Parn., pp. 584-589. Compte rendu: Εθνική Βιβλιοθήκη 7 (1872) 326.

Antoniadis A.I., H Χριστιανική Ευγενία, ήτοι T ο φρόνημα των πρώτων Χριστιανών, ποιηθέν μεν υπό—, Γυμνασιάρχου εν Πειραιεί, βραβευβέν

δε εις τον ποιητικόν διαγωνισμόν του φιλογενούς Κ. Βουτσινά τη 10 Μαΐου 1870, 1871, 97 p., Extraits: Jugement de 1870, pp. 90-98.

Cambouroglou J., Ανεμώνη: Le poème ο τρελός, appartenant à ce recueil est publié dans Coromilas, Καζαμίας 1871, pp. 172-176.

Cambouroglou J., H Ακρόπολις, ποίημα υπό— Εκδίδοται αναλώμασι Ι.Χ. Κούρτελη, 1871, 71 p., Extraits: Jugement de 1870, pp. 42-44; Mat. Parn. pp. 702-708. Compte rendu:

Εθνική Βιβλιοθήκη 6 (1871) 295. Carydis S., Οι τρεις τάφοι, δράμα εις πράξεις τρεις υπό—, 1870, 68 p. Lambros Sp., Ο τελευταίος κόμης των Σαλώνων, δράμα εις μέρη πέντε,

λαβόν Α' έπαινον εν τω Βουτσιναίω αγώνι του ,ΑΩΟ', υπό—·, 1870, 192 p. Extraits: Jugement de 1870, pp. 82-87.

Matarangas P., Εμπνεύσεις: Le poème Ο θάνατος του Ιούδα (1858), appartenant à ce recueil, est publié dans le Jugement de 1870, p. 37, ainsi que dans P. Matarangas, Φαντασία

και καρδία, 1876, pp. 117-120. Phatséas Α., Aι ευχαί της Πρωτοχρονιάς του έτους 1870, υπό —, Καθηγητού

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των Μαθηματικών και της Φυσικής του εν Ναυπλίω Γυμνασίου, 1870, λβ' + 32 p., in-16°. Paru anonymement dans Πανδώρα 21 (1870-71) 103-111; cf. pp. 165-174. Extraits: Jugement de 1870, pp. 24-29; Mat. Parn., pp. 540-545.

Provelenghios Α., Θησεύς, ποίημα επικόν αξιωθέν του Αου επαίνου εν τω ποιητικώ αγώνι του έτους 1870, υπό—, 1870, 48 p., Extraits: Jugement de 1870, pp. 47-50. Compte rendu (par Sp. Lambros): Ίλισσός 3 (1870) 153-157.

Versis G., Αννίβας εν Γόρτυνι, δράμα σατυρικόν εις μέρη τέσσαρα υπό— βραβευθέν εν τω ποιητικώ διαγωνισμώ του 1870, 1870, 159 + [3] p. Extraits: Jugement de 1870, pp. 99-110; Ερμής ο Λόγιος και Κερδώος 1 (1872) 21-40.

Zadès G., Η πτώσις του Βυζαντίου, δράμα εις μέρη πέντε κατά τας αρχικάς πηγάς, υπό—, Patras 1870, ια' + 79+ [3] p.

Zanos P., Οι μνηστήρες ποιηταί, κωμωδία επαινεθείσα εν τω ποιητικώ αγώνι του έτους 1870, υπό—, 1870, 64 p.

Concours de 1871 Ambelas T., Πέτρος Γανδαλόνης ο Κρής: voir Κρήτες και Βενετοί, Con-

cours de 1872. Antoniadis Α.Ι., Ο Κατσαντώνης, εποποιία των αρματωλών, τυχούσα του πρώτου επαίνου εις τον ποιητικόν διαγωνισμόν του φιλογενούς Κ.

Βουτσινά, τη 21 [sic] Μαΐου 1871, 1873, + 528 p., Extraits: Jugement de 1871, pp. 51-55.

Cambouroglou J., Φαέθων, ποίημα—, 1871, 40 p. Extraits: Jugement de 1871, pp. 32-36; Coromilas, Καζαμίας 1872, pp. 164-168; Mat. Parn., pp. 711-714. Comptes rendus: Παλιγγενεσία, 25 octobre 1871; Εθνική Βιβλιοθήκη 7 (1871) 31-32.

Ioannidis D., T ο δι' απάτης συνοικέσιον, κωμωδία εις μέρη δύο, υπό— επι-λοχίου του ελληνικού πεζικού, 1871, 52 p.,

Margaritis J., Η εκπολιορκηθείσα Κωνσταντινούπολις, ποίημα επικόν εις άσματα δέκα, υπό—, 1871, 208 p., in-16°.

Matarangas p. Φαντασία και καρδία, λυρική συλλογή—. Τόμος πρώτος, 1876, ιδ' + 208 p. Contient le recueil présenté sous le meme titre au concours de 1871. Extraits: Jugement de 1871, p. 16; Εθνική Βιβλιοθήκη 7 (1872) 80; Ειρηνική, 28 avril 1872.

Pha t séa s Α., Ο Βερτόλδος, σειρά πολιτικών κωμωδιών, υπό—, Καθηγητού, 1871, 96 p. Contient la comédie Ο Βερτόλδος οικογενειάρχης, présentée au concours de 1871. Extrait: Jugement de 1871, pp. 20-21.

Phranghias J., Ιούνιος Βρούτος: voir Concours de 1875.

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Provelenghios Α., το μήλον της Έριδος, ποίημα—, 1871, 105 p. Extraits: Jugement de 1871, pp. 39-42; Mat. Parn., pp. 952-959. Compte rendu: Εθνική Βιβλιοθήκη 7 (1872) 32-33.

Rangabé A. R.,«O γοργός ιέραξ», Εθνική Βιβλιοθήκη 7 (1872) 76-79 et 117-120. Publié d'abord anonymement dans le journal de Trieste Η μέρα, ce poème est également reproduit en entier dans Pap. NP., pp. 217-237, ainsi que dans A. R. Rangabé, Άπαντα τα φιλολογικά, t. II, Athènes 1874. Extrait: Mat Parn., pp. 972-978.

Concours de 1872 (dramatique) Ambelas T., Κρήτες και Βενετοί, δράμα εις μέρη τέσσαρα, διδαχθέν μεν το

πρώτον από της εν Σύρω σκηνής τω 1873, αναδημοσιευθέν δε εκ του περιοδικού συγγράμματος «Βύρωνος», 1879, 55 p. Extraits: Jugement de 1872, pp. 66-68; Εθνική Βιβλιοθήκη 7 (1872) 120; Παρθενών 2 (1872-73) 863.

Antoniadis Α.Ι., Αγις ο Ευδαμίδα, τραγωδία, ποιηθείσα μεν υπό—, Γυμνα-σιάρχου εν Πειραιεί, βραβευθείσα δε εις τον ποιητικόν διαγωνισμόν

του φιλογενούς Κ. Βουτσινά εν έτει 1872, 1875, 127 p. Extraits: Jugement de 1872, pp. 72-78.

Cambouroglou D. Gr., Ευσυνειδησία και ασυνειδησία, κωμωδία εις μέρη τρία υπό-, 1873, 116 p.

Extraits: Jugement de 1872, pp. 24-28. Coutouvalis Marinos, Ο αρχών του Ολύμπου Ιωάννης ο Καταλάνος, δράμα εις μέρη πέντε, και Ανθύλλια, συλλογή λυρικών ποιήσεων, υπό—,

1873, 227 + [4] p. Lambadarios C. Th., ΟΙ πολιτικοί: voir Σκουντούφλης ο πρωθυπουργός,

Concours de 1875.

Concours de 1873 ( lyrique) Cambouroglou D. Gr., H φωνή της καρδιάς μου, λυρική συλλογή— βρα-

βευθείσα εις τον Βουτσιναίον ποιητικόν αγώνα του 1873, 1873, [1] + 8-36 p. Extraits: Jugement de 1873, pp. 67-76; Mat. Parn., pp. 715-718. Compte rendu: Εθνική Βιβλιοθήκη 7 (1873) 479-480.

Cambouroglou J., Πατρίς - Νεότης υπό—, 1873, 72 p. Extraits: Jugement de 1873, pp. 44-48.

Hiéroclis C., Αγρυπνίαι, λυρικαί ποιήσεις υπό—·, 1875, [3] + 7-38 p. Papoulias Ch., Δάκρυα, λυρική συλλογή — βραβευθείσα εις τον Βουτσιναίον

ποιητικόν αγώνα του 1873, 1873, [6] + 13-39 p.

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Extrait: Jugement de 1873, pp. 58-65. Provelenghios Α., Λυρικαί ποιήσεις:

Extraits: Jugement de 1873, pp. 29-34; Βύρων 1 (1874) 473-475. *Stratoudakis Ε., Παλμοί και στόνοι, λυρική συλλογή, 1873.

Publié dans Emmanuel C. Stratoudakis, T α Άπαντα. Εκδίδονται επιμελεία Ιωάννου Ν. Στρατουδάκη, Le Caire, s.d., pp. 9-37. Extraits: Jugement de 1873,

pp. 22-28. Vassiliadis Sp., Έπεα πτερόεντα:

Publié en entier dans Αττικαί Νύκτες II, 1875, pp. 165-210. Extraits: Juge-ment de 1873, pp. 52-54; Pap. NP., pp. 30-41; Παρθενών 3 (1873-74) 26-28 et 110-111; Mat. Parn., pp. 459-464.

Xénos C., Φύλλα: Extraits: Jugement de 1873, pp. 36-39 et 40-41; Pap. NP., pp. 126-129.

Concours de 1874 ( épique) Andrikévits Marius, Νεδέλκα:

De larges extraits sont publiés dans Marius Andrikévits, Οι νέοι νομοθέται του «Παρνασσού» υπό — του Κυκλαδίτου, Varna 1888, pp. 14-26 et 55-57. Antoniadis Α. I., Μεσολογγιάς, έπος ιστορικόν, 1876, η' +311 p. Cambouroglou D. Gr., Ο εξόριστος Διάβολος:

Extraits: Jugement de 1874, pp. 16-22; D. Gr. Cambouroglou, Παλαιαί αμαρ-τίαι, λυρική συλλογή—, 1882, pp. 10-12; Camb. Α., pp. 797-799.

Provelenghios Α., Αδάμ και Εύα, ποίημα επικόν, 1874, 134 p. Extraits: Jugement de 1874, pp. 32-36. Compte rendu: Εφημερίς των Βιβλιο-φίλων, No 5, 8 octobre 1874, p. [17],

Tertsétis G., «Η Κόρη του ΣεΙσλάμη», Aι Μούσαι 3, No 51-59,15 octobre 1894 - 1er février 1895. L'édition de G. Valétas (Τερτσέτης Άπαντα, t. I, 3ème éd., 1966, pp. 252-266) est fondée sur un manuscrit autographe de l'auteur.

Vizyinos G., Ο Κόδρος, επικόν ποίημα βραβευθέν κατά τον Βουτσιναίον ποιητικόν διαγωνισμόν του 1874, 1874, [8] + 8 0 p. Extraits: Jugement de 1874, pp. 42-44; Mat. Parn., pp. 630-634. Comptes rendus: Παλιγγενεσία, 24 mai 1874; Εφημερίς των Συζητήσεων, 31 mai—12 juin 1874 (par J. Cambouroglou).

Concours de 1875 (dramatique) Antoniadis A.I., Παυσανίας ο Λακεδαιμόνιος και Η κατάρα της μάννας,

τραγωδίαι· Ο τοκογλύφος ψηφοθήρας και Η άπιστος (βραβευθείσα εις τον ποιητικόν διαγωνισμόν του φιλογενούς Κυρίου Ιωάννου Γ.

Βουτσινά, τη 18 Μαΐου 1875), κωμωδίαι, 1877, 352 p. Extraits: Jugement de 1875, pp. 19-23 (Η Άπιστος), 31-41 (Η κατάρα της μάννας); Mat. Parn., pp. 596-601.

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Antoniadis A.I., H κατάρα της μάννας, τραγωδία εις μέρη τέσσαρα, και T α τραγούδια του Τσοντολάμπη και Λιάπη. Έκδοσις δευτέρα, 1891, 7 8 + [2] p.

Contopoulos Ν., Ποικίλα, ήτοι τραγωδία Κάλλιον θάνατος ή ατιμία και άλλα τινά ποιημάτια υπό—, s.d., 112 p.

Lambadarios C. Th., Σκουντούφλης ο πρωθυπουργός, κωμωδία εις μέρη τέσσαρα (λαβούσα τον Α' έπαινον εν τω Βουτσιναίω ποιητικώ αγώνι

του Πανεπιστημίου του 1875) υπό—, 1876, 101 p. Margaritis J., Παυσανίας ο Κλεομβρότου, τραγωδία εις μέρη πέντε υπό—,

1876, 100 p. Phranghias J., Ιούνιος Βρούτος, τραγωδία—εις πράξεις πέντε, Hermou-

polis 1876, κδ' + 96 p. *Théocharidis Th., Πέτρος ο Συγκλητικός, τραγωδία εις πέντε πράξεις υπό—

λαβούσα τον α΄ έπαινον εν τω Βουτσιναίω διαγωνισμώ του 1875, Larnaka 1877.

Théocharidis Th., Πέτρος ο Συγκλητικός, τραγωδία εις πέντε πράξεις υπό— λαβούσα τον α' έπαινον εν τω Βουτσιναίω διαγωνισμώ του 1875, Larnaka 1907, [4] + 131 p.

Versis G., Σαμψών και Δαλιδά, τραγωδία εις πέντε πράξεις υπό— βραβευ-θείσα εν τω Βουτσιναίω ποιητικώ διαγωνισμώ του 1875, 1875, 114 p. Extraits: Jugement de 1875, pp. 50-60; Mat. Parn., pp. 625-630.

Concours de 1876 (lyrique) Ambelas T., Μυρσίναι:

Extraits: Jugement de 1876, pp. 55-59; Ποικίλη Στοά 9 (1891) 251. Cambouroglou D. Gr., Ίρις:

Extraits: Jugement de 1876, pp. 28-34; D. Gr. Cambouroglou, Παλαιαί αμαρτίαι pp. 15-16 et 23-24.

Catacouzinos Α., Ερωτικόν χαρτοφυλάκιον, 1877, 55 p. Extraits: Jugement de 1876, p. 60; Mat. Parn., pp. 741-743.

Skokos C., Ακτίνες και μύρα, λυρική συλλογή τυχούσα του πρώτου επαίνου εν τω Βουτσιναίω ποιητικώ διαγωνίσματι του 1876, 1877, 48 p.

Extraits: Jugement de 1876, pp. 73-78; Mat. Parn., pp. 996-998. Souris G., τα τραγούδια μου ή Συλλογή ευτραπέλων ασμάτων επαινεθείσα

εν τω εφετεινώ Βουτσιναίω ποιητικώ αγώνι, 1876, 32 p. Extraits: Jugement de 1876, pp. 63-66.

Stratoudakis Ε., Λυρικαί ποιήσεις, 1877, 48 p. Contient des poèmes envoyés au concours de 1876 sous le titre Σκιρτήματα. Extrait: Jugement de 1876, pp. 35-38.

Vizyinos G., Άραις , Μάραις, Κουκουνάραις (Βοσπορίδες αύραι):

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De nombreux poèmes appartenant à ce recueil sont publiés dans le Jugement de 1876, pp. 80-118. Extraits: Εστία 3 (1877) 125 et 398; Mat. Parn., pp. 634-642; G. Vizyinos, T α ποιήματα, Phexis, 1916, pp. 114-118. Plusieurs poèmes, remaniés, ont été incorporés dans G. Vizyinos, Ατθίδες αύραι, Londres 1883.

Concours de 1877 (épique) Antoniadis A.I., H Μάννα τον Γενιτσάρου, βραβευθείσα ει'ς τον ποιητικόν

διαγωνισμόν του φιλογενούς Ι.Γ. Βουτσινά τη 3 [sic] Ιουνίου 1877, και Αμβρόσιος ο Μεδιολάνων, ποιήματα επικά, 1878, 168 p. Extraits: Jugement de 1877, pp. 52-58.

Vizyinos G., Al Εσπερίδες: Extraits: Jugement de 1877, pp. 37-49 [ = P.I. Markakis, Mi α άγνωστη συλλο-γή του Γεωργίου Βιζ υηνού, 1959, pp. 8-17], Le poème ο Πύργος της Κόρης, pré-senté par l'auteur à la Sociéré Littéraire Παρνασσός en 1882 et publié par Jean Cambouroglou dans son journal Νέα Εφημερίς, est reproduit dans G. Vizyinos, T α ποιήματα, Phexis, 1916, pp. 135-146.

D. LE TÉMOIGNAGE DES CONTEMPORAINS

On trouvera ici un choix de publications faites par des auteurs (grecs ou étran-gers) contemporains de l'époque que nous examinons. Elles offrent des renseigne-ments non seulement sur les concours universitaires ou sur la poésie néo-hellénique mais, plus généralement, sur la Grèce de la fin du XIXe siècle, sur ses institutions, sur sa vie intellectuelle, politique, économique et sociale, sur ses querelles littéraires et linguistiques. Nous avons pris soin de combiner le document avec le souvenir et l'élément autobiographique, sans omettre les principaux textes qui, à partir de 1850, font état des orientations dominantes de la critique néo-hellénique.

En ce qui concerne, plus spécialement, la poésie et le théâtre de l'époque, le lecteur trouvera ici un certain nombre de témoignages qui complètent ceux de la rubrique précédente. Nous signalons toutefois que les monographies sur les poètes des concours, même si elles sont dues à des auteurs contemporains, sont en général groupées dans la rubrique «Travaux sur des poètes ayant participé aux concours» (voir plus bas, IV).

1. Langue et littérature: études, critiques, polémiques Ambelas T., Δέων Καλλέργης, δράμα διαγωνισθέν εις τον Α' ποιητικόν

αγώνα των Ολυμπίων, Syros 1871, ια' + 122 p. — «Έλληνες νομικοί ως ποιηταί», dans D. I. Caloghéropoulos, Ημερο-

λόγιον του Συλλόγου των Φιλοτέχνων, του έτους 1898, pp. 77-85. Anagnostakis Α., Λόγος Ολυμπιακός εκφωνηθείς κατ' εντολήν της Ακα-

δημαϊκής Συγκλήτου τη 4 Μαΐου 1875, επί τη Γ' εορτή των υπό

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του αοιδίμου Ευαγγέλη Ζάππα ιδρυμένων Ολυμπίων υπό—, 1875, 35 p. Andrikévits Marius, Οι νέοι νομοθέται του «Παρνασσού» υπό—του Κυκλα-

δίτου, Varna 1888, 91 p. Anninos Ch., «Προ του 1862 και μετά το 1862», dans Η Ελλάς κατά

την 25ετηρίδα του Βασιλέως Γεωργίου, 1888, pp. 44-48. «τα πρώτα έτη του Ζαν Μωρεάς», Η Μελέτη No 2-5, février-mai 1911, pp. 73-86, 144-160, 240-250, 283-289. Βασιλειάδης, Παπαρρηγόπουλος και οι περί αυτούς, [Διαλέξεις περί

Ελλήνων ποιητών του ΙΘ' αιώνος], 1916, 56 p. «Αι πηγαί του γέλωτος» dans Ο Σύλλογος των Εισαγγελέων και άλ-λα ευθυμογραφήματα, 1915, pp. 313-365.

Apostolopoulos Th. Ν., Στιχουργική της συγχρόνου ποιήσεως, 1891, 252 + [2] p.

[Assopios, C.], Τα Σούτσεια, ήτοι ο κύριος Παναγιώτης Σούτσος εν γραμ-ματικοίς, εν φιλολόγοις, εν σχολάρχαις, εν μετρικοίς και εν ποιηταίς εξεταζόμενος, 1853, β' + 264 p.

Assopios C., Ioannou Ph., Castorchis Ε., «Αναγκαία εξήγησις περί των εν Αθήναις φιλολογικών διαγωνισμάτων», Αθήναιον 1 (1873 ) 84-91.

Blancard J., «Constantin Assopios», La Bibliophilie ancienne et moderne, française et étrangère, No 4-7 (mars-mai 1883), pp. 90-176.

Bourdon G., La résurrection d'un art. Le théâtre grec moderne, Paris 1892, 123 p.

Calosgouros G., Κριτικαι παρατηρήσεις — περί της μεταφράσεως του Αμ-λέτον I. Πολυλά. Ανατύπωσις εκ του ΙΓ' τόμου του Παρνασσού, 1891, 59 p. «Γεράσιμος Μαρκοράς», Εστία 1892 A', pp. 353-358.

Carydis S., Η κοινωνία των Αθηνών, κωμωδία εις πράξεις τέσσαρας, 1868, ς·' - 175 p. «Οι ποιητικοί διαγωνισμοί», dans le journal Νέα Εφημερίς, 25 mai 1893.

Chatzidakis G., Μελέτη επί της νέας ελληνικής ή βάσανος του Ελέγχου του Ψευδαττικισμού, 1884, 104 p.

—«Περί του γλωσσικού ζητήματος εν Ελλάδι», Αθηνά 2 (1890)169-235, 5 (1893) 177-230 et 7 (1895) 145-282.

Chiotis P., Βλέμμα εις τα κατακρινόμενα περί των αποκαλυπτηρίων του αδριάντος του Πατριάρχου Γρηγορίου και του διθυράμβου του ποιητού

Α. Βαλαωρίτου, Zante 1873, 37 p. Chronographos, «Εκ του αθηναίκού βίου'—Η απονομή του Ραλλείου»,

dans le journal Εφημερίς, 3 juillet 1889.

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Chfryssoverghis], G., ο Σκαρλάτος ή τον επιδορπίου τα θαυμάσια υπό—, 1855, 114 p.

— Το επιδόρπιον του γραμματοφάγου ή ο αυτόκλητος Σουτσοκρούστης υπό—, 1855, 102 p.

Conemenos Ν., το ζήτημα της γλώσσας, Corfou 1873, 75 p. και πάλε περί γλώσσας, Corfou 1875, 62 p. Contos G., Γλωσσικοί παρατηρήσεις αναφερόμενοι εις την νέαν ελληνικήν

γλώσσαν, 1882, λβ' + 593 p. Dozon Α., «Encore la question de la langue en Grèce», Revue des Études

Grecques 2 (1889) 66-93. Eichthal Gust, d', La langue grecque: mémoires et notices, 1864 -1884,

Paris 1887, 426 p. Gidel Ch., «Le théâtre chez les Grecs modernes», dans Nouvelles études

sur la littérature grecque moderne, Paris 1878, pp. 569-600. Hiéroclis C., Άρα γε αναγεννήθημεν; 1872, 45 p. Iconomidis Ph. Α., «Περί νέας ελληνικής ποιήσεως απάντησις ανασκευα-

στική εις την περί αυτής πραγματείαν του κ. Εμ. Ροΐδου», Βύρων 3 (1878) 285-295.

Ioannou Ph., Λόγος Ολυμπιακός συνταχθείς και εκφωνηθείς υπό—, Καθη-γητού της Φιλοσοφίας εν τω Πανεπιστημίω Αθηνών, εν τη β' εορτή

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Lambros Sp., Ρήγας, Βηλαράς, Χριστόπουλος [Διαλέξεις περί Ελλήνων ποιητών του ΙΘ' αιώνος], 1916, 51 p.

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Mavrophrydis D., Δοκίμιον Ιστορίας της ελληνικής γλώσσης, Smyrne 1871, 693 p.

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Mélissinos Sp., Ιερεύς των Φιλικών και Ιωάννα Γρέυ, τραγωδίαι εις έμ-μετρον λόγον μετά συλλογής Λυρικών τίνων ποιημάτων υπό—Κεφαλ-λήνος, Corfou 1854, κβ' + 255 p.

— Τα μνήματα, έπος υπό Δρος—, Corfou 1860, 32 p., Ηθικός κόσμος. Εποποιία υπό—, Corfou 1879, 240 p. Nicolai R., Geschichte der neugriechischen Literatur, Leipzig 1876, X +

239 p. Orphanidis Th., Πρώτοι ακροβολισμοί του μεγάλου Ζαλοκωστείου πολέμου,

ήτοι Ποιητική αλληλογραφία, 1856, 18 p. [GM 7056]. Palamas C., «Ο Βίκτωρ Ουγκώ εν Ελλάδι» (1885): Άπαντα, t. XV,

pp. 37-47. «Βύρων» (1896): Ibid., t. XV, pp. 337-341. «H κριτική και η γλώσσα» (1898): Ibid., t. VI, pp.156-162. «Aι "Σκηναί της Ερήμου" — Δύο λέξεις διά τον κ. Ροΐδην» (1899): Ibid., t. II, pp. 526-531. «Το θαμποχάραμα μιας ψυχής» (1900): Ibid., t. IV, pp. 424-440. «Η ποίηση στον περασμένο τον αιώνα» (1901): Ibid., t. VI, pp. 191-204. «Εμμανουήλ Ροΐδης» (1904): Ibid., t. II, pp. 107-111. «Ποιητική τέχνη και γλώσσα» (1908): Ibid., t. VIII, pp. 9-25. «O Lamartine εις την νέαν ελληνικήν ποίησιν» (1920): Ibid., t. XII, pp. 9-27. Traduction française: «Lamartine dans la poésie néo-hellénique. Étude inédite, traduite par Roland Hibon», Revue des Études Néo-helléniques (Aix-en-Provence) 1 (1968) 15-31.

— «Αρκάδι» (1924): Απαντα, τ. XII, pp. 269-274. «Βυρωνολατρεία» (1924): Idid., t. X, pp. 185-220.

— «Tο Μεσολόγγι στην ποίηση» (1925): Ibid., t. XII, pp. 386-391. «H Λαιλία» (1926): Ibid., t. XIII, pp. 39-41. «Κλασικοί και ρωμαντικοί» (1926): Ibid., t. XIII, pp. 45-50. «Ο Κοραής και η ρίμα» (1926): Ibid., t. XIII, pp. 24-38. «Ο Βίκτωρ Ουγκώ και η Ελλάς» (1927): Ibid., t. Χ, pp. 221-262. «Ο Ιππόλυτος Ταιν εις την Ελλάδα» (1928): Ibid., t. XIII, 448-461.

— «τα τραγούδια της πατρίδος μου. Ο πρόλογος μου» (1931 ): Ibid., t.I, pp. 13-27. «Αντιρρωμαντικό στάσιμο του ποιητικού χορού» (1934): Ibid., t. VIII, pp. 503-518.

Papadiamantopoulos Jean, «Εισαγωγή», dans Αλεξάνδρου Σούτσου, Ο ατίθασσος ποιητής. Δράμα πολιτικόν. Έκδοσις δευτέρα υπό—, 1874,

pp. γ'-η'.

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—— Ολίγαι σελίδες έπ ευκαιρία της μεταξύ των κ.κ. Ε.Δ. Ροιδου και Αγγέλου Βλάχου αναφυείσης φιλολογικής έριδος υπό—, 1878, 52 p.

Paschalis Α., Ολίγαι λέξεις υπέρ του ποιήματος τον Κ. Αριστοτέλους Βα-λαωρίτου, s.d., 22 p.

[Phatséas Α.], Τω αρχηγέτη της Νέας Σχολής. Η Νέα Σχολή ή η ανά-στασις της αρχαίας γλώσσης, [1853], 7 p.

Polylas J., «Προλεγόμενα», dans D. Solomos, τα Ευρισκόμενα, Corfou 1859, pp. γ' - νδ'. Πόθεν ή μυστικοφοβία του κ. Σπ. Ζαμπελίου, Corfou 1860, 31 p. Αμλέτος, τραγωδία Σαικσπείρου. Έμμετρος μετάφρασις —με προ-λεγόμενα και κριτικάς σημειώσεις, 1889, ν' + 244 p. Η φιλολογική μας γλώσσα, 1892, 99 p.

Potamianos D., «Μελέτη επί του περί προσόντων των ποιητών νόμου του κυρίου Ε. Ροΐδου», Βύρων 3 (1878) 21-30 et 102-112.

Psichari J., Quelques Travaux de linguistique, de philologie et de littéra-ture helléniques 1884-1928, t. I, Paris, Les Belles Lettres, 1930, VIII+1337 p. T ο ταξίδι μου, 1888, S' + 270 p.

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Rangabé A. R., Άπαντα τα φιλολογικά, t. I-XIX, 1874-1889. Histoire littéraire de la Grèce moderne, t. I-II, Paris 1877, 266+ 298 p.

-«Περί των κατά της ελληνικής ποιήσεως υπό Ροΐδου γραφέντων», Παρνασσός 1 (1877) 881-887.

«Περί της καθ' ημάς στιχουργίας», Παρνασσός 2 (1878) 569-581. — «Περί στιχουργίας παρ' ημίν», dans Skokos, Ημερολόγιον 3 (1888)

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Leipzig 1884, 158 p. Roïdis E.D., Σατωβριάνδου Οδοιπορικόν... Μεταφρασθέν εκ του Γαλλικού

υπό — Τόμος Πρώτος, 1860, [5] + ι' + 253 p. «Δραματικός αγών. Κρίσις της των αγωνοδικών Επιτροπείας», Παρ-νασσός 1 (1877) 218-225 [=Εργα V, 1913, pp. 15-23]. Περί συγχρόνου ελληνικής ποιήσεως, 1877, 43 p. [=Εργα III, 1912, pp. 24-51]. Περί συγχρόνου εν Ελλάδι κριτικής, 1877, 60 p. [—Παρνασσός 1 (1877) 757-779; = Έργα III, 1912, pp. 52-87].

Τα κείμενα, 1877, 32 p., in-16° [=Εργα III, 1912, pp. 88-105].

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Αριστοτέλης Βαλαωρίτης υπό—, 1879, 30 p., in-16®. [= Εστία 8 (1879) 545-551; = Εργα III, 1912, pp. 132-144].

— Πάρεργα, έκδ. Δημητρίου I. Σταματοπούλου, t. I, 1885. Το «Ταξίδι» τον Ψυχάρη. Γλωσσική μελέτη υπό—, 1888, 61 p.

[=Εργα III, 1912, pp. 106-131], — «Δ. Κόκκου Ποιήσεις», Ακρόπολις, 28 mars 1890 [=Έργα V,

1913, pp. 75-82]. Τα Είδωλα, 1893, λβ' + 404 p. Sathas C., Νεοελληνικής Φιλολογίας παράρτημα. Ιστορία του ζητήματος

της νεοελληνικής γλώσσης, 1870, 338 p. ——- «Η δημοτική ποίησις και το Κάστρον της Ωριάς»,Εστία 9 (1880) 310. Soutsos P., Tà Άπαντα, t. I, 1851, λθ' + 317 p.

Νέα Σχολή του γραφομένον λόγου ή ανάστασις της αρχαίας ελληνικής γλώσσης εννοουμένης υπό πάντων (Μετά τίνων δοκιμίων αυτής της γλώσσης), 1853, 92 p.

Spandonis Ν. I., «Ο Στέφανος Κουμανούδης περί του γλωσσικού ζητήματος », Νέα Ελλάς 1 (1894) 237-245. «και πάλιν το γλωσσικό ζήτημα. Γνώμη Αλεξάνδρου p. Ραγκαβή», Ibid., pp. 350-354.

Staïs Emm., Κριτική. ο Λάμπρος του Σολωμού. Έγραψεν — Κυθήριος τιν Ιανουάριον του 1853, 1853, 26 p.

Stathopoulos El. S., T α κατά την ανάθεσιν της υπό του — Συνερανισθείσης Γραμματικής της Νέας και Αρχαίας Ελληνικής Γλώσσης, ή περί ταύτης επιστολή προς τον βασιλέα και τα Προλεγόμενα αυτής, 1851, α'-δ' 4- α'-οη' p.

Ο Α. Ραγκαβής και ο Π. Σούτσος ή ή νέα επιστήμη περί των φαινο-μένων της αυτομάτου κινήσεως της τραπέζης και ή Νέα Σχολή του γραφομένου λόγου ή η ανάστασις της αρχαίας ελληνικής γλώσσης εννοουμένης υπό πάντων, 1853, 65 p.,

— Του ποιητικού διαγωνισμού του 1857 τα επεισόδια και μιας λογικής αριθμητικής η επίκρισις, 1857, ς' + 11-160 p.

Stephanou St. I., «Ποιητικοί αγώνες», journal Ακρόπολις, 5 avril 1888. Tertsétis G., «Λόγος για την γλώσσα» (1853), éd. D. Conomos, Επτανη-

σιακά Φύλλα 3 (1957) 130-134 [=Γ. Τερτσέτης, Ανέκδοτα κείμενα, 1959, pp. 81-87, et D. Conomos, Σολωμικά, 1963, pp. 45-50].

Ομιλία εκφωνηθείσα εις την Βιβλιοθήκην της Βουλής τη 28 Μαρτίου υπό—, [1854], 20 p.

Λόγος της 25 Μαρτίου 1869 εκφωνηθείς τη 25 Σεπτεβρίου [sic] υπό—, Βιβλιοφύλακος της Βουλής, 1869, γ' + [1] + 19 p.

Typaldos J., Ποιήματα διάφορα, Zante 1856, 200 p.

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«Ανέκδοτος φιλολογική επιστολή», Παναθήναια 22 (1911) 236-244, 297-302, et 23(1911) 14-16.

Valaoritis Α., Ο ανδριάς του αοιδίμου Γρηγορίου του Ε' Πατριάρχου Κων-σταντινουπόλεως. Προσφώνησις—, 1872, 15 p., Απάντησις του κ. — εις την εν τη «Ημέρα" καταχωρηθείσαν επί-κρισιν επί του αποκαλυπτηρίου του Ύμνου, Corfou 1872, 4 p., in-folio.

Vassiliadis S. Ν., Αττικοί Νύκτες, t. Ι-ΙΙΙ, 1873-1875. Vassiliadis Ν., Εικόνες από το Φανάρι, s.d., 139 p.

Εικόνες Κωνσταντινουπόλεως και Αθηνών, 1910, 339 p. Vellianitis Th., Γεράσιμος Μαρκοράς. Μελέτη αναγνωσθείσα εν τω Φιλο-

λογικώ Συλλόγω Παρνασσώ υπό—, 1890, 67 p. Vellianitis Th., Πολυλάς, Μαρκοράς και η Σχολή της Κερκύρας [Διαλέξεις

περί Ελλήνων ποιητών του ΙΘ' αιώνος], 1916, 50 p. — «Βουτσιναίος ποιητικός διαγωνισμός», ΜΕΕ 7 (1929) 728. Vernardakis D., Το τρωγάλιον του δοκησισόφου ή αυτοσχέδιος απάντησις

εις τον Κ.Γ. Χρυσοβέργην υπό— φοιτητού της Φιλοσοφικής Σχολής του Πανεπιστημίου, 1855, 68 p.

—— Μερόπη, τραγωδία εις πράξεις πέντε υπό—, 1866, η' + 120 p. Επίκρισις των κατά την 25 Μαρτίου εν Αθήναις υπό του κ. Αρ.

Βαλαωρίτου εκφωνηθέντων στίχων, Trieste, Journal «Ημέρα», 1872, 4 p., in-folio.

——— Ευφροσύνη, δράμα εις πράξεις πέντε υπό— διδαχθέν το πρώτον από της εν Αθήναις Σκηνής τη 25 Μαρτίου 1876, 1882, ιζ' + 184 p.

Ψευδαττισμού έλεγχος, ήτοι Κ.Σ. Κόντου Γλωσσικών Παρατηρή-σεων αναφερομένων εις την νέαν ελληνικήν γλώσσαν ανασκευή υπό*** (Μετατύπωσις εκ της Επιφυλλίδος της «Ν. Ημέρας»), Trieste 1884, 484 p.

——— Δράματα. Έκδοσις νέα πολλαχώς μεταρρυθμισθείσα και επιδιορθω-θείσα μετά προλεγομένων, σημειώσεων, κρίσεων κλπ. Τόμος Α' περι-έχων Μαρίαν Δοξαπατρή, Μερόπην και Ευφροσύνην, 1903, οα'+ 397 p.

Vikélas D., «Sur une traduction néo-hellénique du Prométhée et sur la métrique grecque contemporaine», Annuaire de l'Association pour l'encouragement des études grecques en France 9 (1875) 97-105.

Vizyinos G.M., Ανά τον Ελικώνα (Βαλλίσματα). Πρόλογος Γ. Τσοκοπούλου, 1930, 144 p. [=Εστία 1894, pp. 2-5, 26-28, 43-44, 54-55, 66-69, 89-92, 120-123, 155-158, 170-172, 188-190 et 202-204].

Vlachos Α., Λαμαρτίνου Ποιητικοί Μελέται μεταφρασθείσαι κατ εκλογήν υπό—, 1864, η' + 135 p.

Κωμωδίαι, 1871, ις' + 455 p.

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Περί Παναγιώτου Σούτσου και των ποιήσεων αυτού, 1874, 48 p. [=Ανάλεκτα II, 1901, pp. 5-35].

—— Κρίσις του Νικοδημείου δραματικού αγώνος αναγνωσθείσα εν τω Εθνικώ Πανεπιστημίω την 6 Ιουνίου 1876 υπό — εισηγητού, 1876,

48 p. «Περί νεωτέρας ελληνικής ποήσεως και ιδίως περί Γεωργίου Ζαλοκώ-στα», Παρνασσός 1 (1877) 321-342 [=Ανάλεκτα II, 1901, pp. 110-140],

—-— Ο νέος κριτικός, 1877, 59 p. «Αλέξανδρος Σούτσος, 1877, 30 p., in-16° [=Ανάλεκτα II, 1901, pp. 36-55]. «Η ποίησις της πρώτης του έτους 1880», Εστία 9 (1880) 56-60 [=Ανάλεκτα II, 1901, pp. 365-376].

——— «Έκθεσις της επιτροπής των αγωνοδικών αναγνωσθείσα υπό του ειση-γητού — τη 27 Οκτωβρίου εν τω Ζαππείω μεγάρω», Εστία 1891 Β', pp. 265-269 et 281-288.

Vraïlas Armenis P., Φιλοσοφικοί Μελέται, Corfou 1864, ρις·' + 559 p. Vyzantios ΑΙ., Έργα—. Εκδίδονται υπό Γρηγορίου Σ. Βυζαντίου, 1902,

ιγ' + 401 p. Vyzantios S.D., Ο Σκαρλάτος ει κατά Χρυσοβέργην, 1856, 40 p. Xanthopoulos C., Συνοπτική έκθεσις της πνευματικής αναπτύξεως των νεω-

τέρων Ελλήνων από της αναγεννήσεως αυτών μέχρι τούδε υπό— (Αδεία του Υπουργείου της Δημοσίας Εκπαιδεύσεως), Constan-tinople 188Θ, 169 p.

Xénopoulos G ., «Εμμανουήλ Ροΐδης», Ποικίλη Στοά 1892, pp. 24-47. Yemeniz E., «De la renaissance littéraire en Grèce. Les poètes Zalo-

kostas et Orphanidis», Revue des Deux Mondes Π (1er mai 1860), pp. 212-242 [=La Grèce Moderne. Héros et poètes, Paris 1862, pp. 213-260].

Zalocostas G., T α Άπαντα. Εκδίδονται υπό της χήρας αυτού, 1859, ζ' + 384 p.

——— τα Άπαντα. Εκδίδονται υπό Ευαγ. Γ. Ζαλοκώστα, 1873, 432 p. Zambélios Sp., Άσματα δημοτικά της Ελλάδος, Corfou 1852, 767 p., ———· Πόθεν η κοινή λέξις τραγουδώ; Σκέψεις περί ελληνικής ποιήσεως,

1859, 88 p. Zoïros Al., Δράματα δύο και λυρική ποίησις, Hermoupolis 1861, 69 p.

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2. Anthologies, chrestomathies, traductions de poèmes

Brighenti E., Crestomazia neoellenica, Milan 1908, XV+402+[3] ρ, in-16°.

Cokkinakis D., Πανελλήνιος ανθολογία, ήτοι απάνθισμα των εκλεκτοτέρων ελληνικών ποιημάτων υπό—, 1899, 960 p.

Gemma Α., Canti neo-ellenici. Traduzioni di —-,Vérone 1881, XLV+223 p. Legrand E., Pernot H., Chrestomathie grecque moderne, Paris, Garnier,

1899, XXIV+492 p. Manarakis Α., Neugriechischer Parnass oder Sammlung der ausgezeichne-

teren Werke der neueren Dichter Griechenlands, t. I-II, 1877. Matarangas P., Παρνασσός, ήτοι απάνθισμα των εκλεκτότερων ποιημάτων

της Νεωτέρας Ελλάδος υπό—, 1880, ιδ'+1040 p. Michalopoulos Ν., Ανθολογία ποιητική, ήτοι συλλογή εκλεκτών ασμάτων

συλλεγέντων υπό— μετά εικόνων και βιογραφιών των τε ηρώων και ποιητών, 1888, ιζ' + 544 p.

Mitsotakis J.K., Chrestomathie der neugriechischen Schrift und Umgangs-sprache — Eine Sammlung von Musterstücken der neugriechi-schen Literatur in Prosa und Poesie — Zusammengestellt und mit Erläuternden Anmerkungen und biographischen Notizen versehen von prof.—, Stuttgart et Berlin 1895, VIII+360 p.

Nicolai'dis J., Ελληνική ανθολογία, ήτοι συλλογή των ελληνικών ασμάτων, 1898, 500 p.

[Papadiamantopoulos, J.], Νέος Παρνασσός. Διάφορα λυρικά τεμάχια εκ της συγχρόνου λυρικής ποιήσεως, 1873, γ' + 270 + [2] p.

Polemis J., Αύρα. Ανθολογία της νεωτέρας ελληνικής ποιήσεως υπό—·,1910, · 328 p.

Rfaptarchis], Παρνασσός, ή απάνθισμα των εκλεκτοτέρων τεμαχίων της νέας ελληνικής ποιήσεως, 1868, 736 p.

Schaub Ch., Poèmes grecs modernes traduits par—. Constantin Paléologue - Markos Botsaris, tragédies de Zambélios. Vlachavas, poème de Valaoritis. Mésolonghi, poème de Zalokostas. Chios esclave, poème épique de Orphanidis, Genève, Paris 1864, 348-f[l] p.

— Contes et poèmes grecs modernes, Genève 1865, 446 p. Simone Brouwer F. de, Μικρά εκλογή πεζών και ποιήσεων της νεωτέρας

ελληνικής φιλολογίας μετά βιογραφιών των συγγραφέων προς χρήσιν των εμπορικών σχολείων και των ξένων γλωσσών, Naples 1906, 152 p.

Vlachos Α., Neugriechischen Chrestomathie oder Sammlung von Muster-stücken der neugrichischen Schriftsteller und Dichter, Leipzig 1870, 185 p.

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3. Voyages en Grèce, mémoires, correspondances , pages autobiographiques, documents, histoire contemporaine

Διαθήκαι και δωρεαί υπέρ του Εθνικού Πανεπιστημίου μετά διαφόρων σχε-τικών εγγράφων από της ιδρύσεως αυτού μέχρι τέλους του 1899. Μέρος πρώτον. Πρυτανεία Αλκιβιάδου Χ. Κρασσά, 1900.

About Ε., La Grèce contemporaine, Paris, Hachette, 1854, 486 p. Anninos Ch., «Εκ των απομνημονευμάτων μου», Παναθήναια 11 (1905-

1906) 193-200, 244-248, 305-309. — Ιστορικά σημειώματα μετά πολλών εικόνων, 1925* 658 p.

Ballot Jules, Histoire de l'insurrection crétoise, Paris, L. Dentu, 1868, 329+[2] p. +1 table.

Belle Henri, Trois années en Grèce, Paris 1881, 413, p. Beule E., «Athènes et les Grecs modernes — Athènes au quinzième,

seizième et dix-septième siècles, d'après des documents inédits, par M. L. de Laborde», Revue des Deux Mondes, 1er juin 1855, pp. 1042-1057.

Blanchet Α., Brunet de Presle, Grèce depuis la conquête romaine jusqu'à nos jours, Paris 1860, 589 p.

Cambouroglou D. Gr., Εισαγωγή εις την σύγχρονον ελληνικήν ιστορίαν (15 Φεβρ. - 18 Οκτωβρ. 1863), 1905, 184 p.

«Φιλολογικά απομνημονεύματα», NE 6 (1929) 644-645, 696-699, 748-749, 802-804, 887-889, 7 (1930) 6-7, 130-132, 286-288, 398-401, 510-513 et 8 (1930) 685-688, 796-800.

Απομνημονεύματα μιας μακράς ζωής 1852-1932, t. I (1852-1862), 1934, 135 p.

Chassiotis G., L'instruction publique chez les Grecs depuis la prise de Constantinople par les Turcs jusqu'à nos jours, Paris, E. Leroux, 1881, XVI+550 p.

Cléomenis Agis, Περί των πρώτων της Ελλάδος βασιλέων Όθωνος και και Αμαλίας. Διάλεξις υπό— (εν τω Πανεπιστημίω τη 31η Οκτω-

βρίου 1904), 1904, 124 p. Constas C. S., «Γράμματα προς τον Κωστή Παλαμά (1847-1878)», NE

89 (1971) 335-336, 391-393, 466-471. Deligheorghis Ερ., Πολιτικά ημερολόγια - Πολιτικαί σημειώσεις - Πολιτι-

κοί επιστολαί. Μέρος πρώτον 1859-1862, 1896, 247 p. Dragoumis Ν., Ιστορικοί αναμνήσεις, 1874, ιζ' + 420 p. (2e éd., t. Ι-ΙΙ,

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πιστημίου κατ' εντολήν της Ακαδημαϊκής Συγκλήτου και δαπάνη του Εθνικού Πανεπιστημίου, 1889,308 p.; cf. Εστία 27 (1889)252-255.

Paparrigopoulos C., Ιστορία του Ελληνικού Έθνους από των αρχαιοτάτων χρόνων μέχρι του 1930. Έκδοσις έκτη εικονογραφημένη (Εκατοντα-ετηρίδας) μετά προσθηκών, σημειώσεων και βελτιώσεων επί τη βάσει

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Pitzipios J., Υπόμνημα περί της ενεστώσης καταστάσεως και του μέλλοντος της ελληνικής φυλής ω προσετέθη και Η Βουλή του Θεού,Paris 1859,

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1859, VII+426 p. Thouvenel M., La Grèce du roi Othon. Correspondance de — avec sa

famille et ses amis recueillie et publiée avec notes et index biographi-que par L. Thouvenel, Paris, Calmann Lévy, 1890, V+465 p.

Tuckerman Ch., ΟΙ Έλληνες της σήμερον. Μετάφρασις Αντωνίου Α. Ζυγο-μαλά, 1877, [6] + 312 p.

Un ancien diplomate en Orient, Les Grecs à toutes les époques. Depuis les temps les plus reculés jusqu'à l'affaire de Marathon en 1870, 3e éd., Paris, E. Dentu, 1870, 436 p.

Valaoritis Α., «Ανέκδοτο γράμμα του— προς τον Κωνσταντίνον Ασώπιον», éd. L. Politis, NE 7 (1930) 125-127.

«Ανέκδοτο γράμμα του—», éd. D. Conomos, Ελληνική Δημιουργία 4 (1949) 119. Quinze lettres françaises de — présentées et publiées par Octave Mer-lier, 1956, 40 p.

«Φιλολογική αλληλογραφία— και Εμμ. Ροϊδου εν τέλει του έτους 1877», dans Βίος και Έργα, t. I, 1907, pp. 214-242; cf. Παναθήναια 11 (1905-1906) 65-70 et 97-100.

Vellianitis Th., «Κοινωνική κατάστασις της Ελλάδος 1862-1888», dans Η Ελλάς κατά την 25ετηρίδα του βασιλέως Γεωργίου, 1888, 36-42.

Vikélas D., État de la presse périodique grecque en 1883, Le Puy 1883, 27 p. [=Annuaire de l'Association pour l'encouragement des études grecques en France 17 (1883) 80-104].

— «Le cinquantenaire de l'Université d'Athènes», Revue des Études Grecques 1 (1888) 78-85.

——— Διαλέξεις και αναμνήσεις, 1893, 506 p. H Ζωή μου. Παιδικαί αναμνήσεις - Νεανικοί χρόνοι, 1908, 432 p.

Vizyinos G. Μ., «Al "Βοσπορίδες" του—• (Ανέκδοτος επιστολή του ποιη-τού)», éd. Ν. Vassiliadis, dans Skokos, Ημερολόγιον 1911, pp.

284-288; cf. Παναθήναια 21 (1910) 174-175. [Vretos, Marinos], Athènes moderne ou description abrégée de la capitale

de la Grèce, 1860, 128 p. —(=Duvray, M.), Les Grecs modernes ( Extrait de la «Semaine Univer-

sitaire»), Bruxelles 1862, 87 p. — -Aι αναμνήσεις μου. Souvenirs d'un Grec, Paris 1865, 19 p. [=

Εθνικόν Ημερολόγιον 1865, pp. 331-339].

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Vyzantios Anastase, Έργα—. Εκδίδονται υπό Αλεξάνδρου Σ. Βυζαντίου, Trieste 1893, λε' + 484 p.

Yemeniz Ε., Voyage dans le royaume de Grèce, Paris, Dentu, 1854, XLIV+ 392 p.

Zambélios, Critovoulidis, Ιστορία των επαναστάσεων της Κρήτης συμπλη-ρωθείσα υπό I. Δ. Κονδυλάκη,1897, 849 p.

Ε. LA PRESSE GRECQUE CONTEMPORAINE

Nous présentons ci-dessous une liste de journaux, de revues et d'almanachs grecs dont les renseignements sur la période des concours sont de première importance. Les dates indiquent les volumes que nous avons consultés.

1. Journaux Αθηνά : 1855-1858

Αιών : 1851-1853, 1871 Αναμόρφωσις : 1871

Ασμοδαίος : 1875-1876 Αυγή : 1859-1860, 1872

Εθνικόν πνεύμα : 1872 Ειρηνική : 1871-1873

Εκλεκτική : 1871 Ευνομία : 1862-1864

Εφημερίς : 1874, 1888 Εφημερίς του Λαού : 1850 - 1852 Εφημερίς των Βιβλιόφιλων : 1874 Εφημερίς των Συζητήσεων : 1874 Εφημερίς των Φιλομαθών : 1857-1858

Η Ελπίς : 1850-1853, 1860-1861, 1866-1868 Ήλιος : 1858-1859

Ημέρα : Trieste 1856 - 1858 Καιροί : 1883 Κεραυνός : 1871

Ο Έλλην : 1859 Ομόνοια : 1860 Παλιγγενεσία : 1870-1875 Πρωινός Κήρυξ : 1859-1862

Το Μέλλον : 1864

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Φιλελεύθερος : 1860 Φιλόπατρις : 1856 Φως : 1860, 1863-1869

Ώρα : 1877

2. Revues Αθήναιον (P. Matarangas) : 1857 Αθήναιον (St. Coumanoudis - E. Castorchis) : 1872-1882

Βύρων : 1874-1879 Εθνική Βιβλιοθήκη : 1865-1873

Επτάλοφος : Constantinople 1869 Ερμής ο Λόγιος και Κερδώος : Braϊla 187-2 Εστία : 1876-1895 Ευτέρπη : 1850-1855 Ιλισσός : 1868, 1870

Μουσείον : 1873-1874 Μύρια Όσα : 1868-1869

Ο εν Κωνσταντινουπόλει Ελληνικός Φιλολογικός Σύλλογος: Constantinople 1880-1881

Πανδώρα : 1850-1872 Παρθενών : 1871-1873 Παρνασσός : 1877-1895 Σωκράτης : 1874 Φιλίστωρ : 1861-1862 Χρυσαλλίς : 1863-1866

3. Almanacks Assopios, Αττικόν Ημερολόγιον : 1867-1896 Coromilas, Καζαμίας : 1871-1872 Perris, Ημερολόγιον Οικογενειακόν : 1871 Skokos, Ημερολόγιον : 1885-1918 Vretos, Εθνικόν Ημερολόγιον ; 1861-1871

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II . O U V R A G E S G É N É R A U X

A. BIBLIOGRAPHIE ET BIOGRAPHIE

Bulletin analytique de bibliographie hellénique 1945-1968, Édition de l'Institut Français d'Athènes, 1947-1971.

Cinq ans de bibliographie historique en Grèce (1965-1969) avec un supplé-ment pour les années 1950-1964, 1970, 133 p.

Quinze ans de bibliographie historique en Grèce (1950-1964) avec une annexe pour 1965, 1966, 266 p.

Bees Nikos Α., «Μικρά συμβολή εις την λογοτεχνικήν βιβλιογραφίαν της Σμύρνης κατά τον ΙΘ' αιώνα», Μικρασιατικά Χρονικά 2 (1939) 38-48 et 452.

Chatzidimos Α., «Σμυρναϊκή βιβλιογραφία», Μικρασιατικά Χρονικά 5 (1952) 295-354 et 6 (1955) 381-437.

Chatzidimos Α., Simos G., «Ελληνική Βιβλιογραφία 1800-1863. Προσθή-κες», Ο Ερανιστής 3 (1965) 249-270.

Christopoulos P. Ph., «Ελληνική Βιβλιογραφία 1800-1863. Προσθήκες», ο Ερανιστής 8 (1970) 33-48.

Coromilas D.A., Βιβλιογραφικόν Δελτίον της ελληνικής φιλολογίας, t. Ι-ΙΙΙ, 1872-1874, 118+88+103 p. Catalogue raisonné des livres publiés en Grèce depuis 1868 jusqu'en 1872, 1873, VI+172 p. Catalogue des livres publiés en Grèce depuis 1873 jusqu'à 1877, 1878, 232 p.

Dimaras C. Th., «Ελληνική βιβλιογραφία 1800-1863. Προσθήκες», Ο Ερα-νιστής 1 (1963) 51-55.

Dimaras C. Th., Koumarianou C., Droulia L., La Grèce moderne et sa lit érature. Orientation bibliographique en allemand, anglais, fran-çais, italien, 1966, 81 p. Modem Greek Culture. A selected Bibliography (in english-french-german-italian). Fourth revised edition , 1974, VIII+119 p.

Ghinis D., Mexas V., Ελληνική Βιβλιογραφία 1800-1863, t. Ι-ΙΙΙ, 1939-1957.

Iorga Ν., Les Voyageurs Français dans l'Orient Européen, Paris, J. Gamber, [1928], 128 p. Une vingtaine de voyageurs dans l'Orient Européen. Pour faire

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suite aux «l' oyageurs Français dans l'Orient Européen», Paris 1928, 86 p.

Layton - Zeniou Ε., «Ελληνική Βιβλιογραφία 1800-1863. Προσθήκες», ο Ερανιστής 3 (1965) 110-124 et 7 (1969) 12-26.

Legrand Ε., Pernot H., Bibliographie Ionienne. Description raisonnée des ouvrages publiés par les Grecs des Sept-Iles ou concernant ces Iles du quinzième siècle à Vannée 1900, t. I-II, Paris 1910.

Lovinesco E., Les voyageurs français en Grèce au XIXe siècle (1800-1900), Paris 1909, 228 p.

Moschonas Emm. J., «Ελληνική Βιβλιογραφία 1800-1863. Διορθώσεις και Συμπληρώσεις», ο Ερανιστής 3 (1965) 12-26.

— -«Ελληνική Βιβλιογραφία 1800-1863. Προσθήκες», Ibid., 3 (1965) 199-214, 5 (1967) 138-140 et 6 (1968) 76-97. «Emile Legrand, Bibliographie Ionienne. Προσθήκες», Ibid., 8

(1970) 111-145. Moullas P., Βιβλιογραφία Ελληνικών Συμμείκτων Α'. (1888-1961), 2e éd.,

1969, η' + 118 p. Pagoni Chr., «Ελληνική Βιβλιογραφία 1800-1863 Προσθήκες», ο Ερα-

νιστής 2 (1964) 247-253. Perris (frères), Κατάλογος των εκτυπωθέντων βιβλίων εν τω τυπογραφείω

Αδελφών Περρή από της συστάσεως αυτού εν έτει 1868 μέχρι τέλους του έτους 1887, 1888, 116 p.

Κατάλογος των εν τω τυπογραφείω Αδελφών Περρή εκτυπωθέντων βιβλίων 1868-1900, 1902, η' + 211 p.,

Peyre Η., Bibliographie critique de Γ Hellénisme en France de 1843-1870, New Haven 1932, 230 p.

Phoussaras G. J., Βιβλιογραφία των Ελληνικών Βιβλιογραφιών 1791-1947, 1961, 284 p.

Phranghiscos Ε., «Ελληνική Βιβλιογραφία 1800-1863. Προσθήκες», ο Ερανιστής 1 (1963) 243-265 et 6 (1968) 27-31.

Pierris Ν., Bibliographie Ionienne. Suppléments à la Description raisonnée des ouvrages publiés par les Grecs des Sept-Iles ou concernant ces Iles du quinzième siècle à l'année 1900 par Emile Legrand , 1966, 239 p.

Ploumidis G.S., «Ελληνική Βιβλιογραφία 1800-1863. Προσθήκες», Ο Ερα-νιστής 8 (1970) 274-280.

—«Το βενετικό τυπογραφείο του Αγίου Γεωργίου (1850-1882)», Ibid., 8 (1970) 169-185.

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Politis N. G., Ελληνική βιβλιογραφία, t. I-II, 1909-1911 [Extraits de Επιστημονική Επετηρίς Γ' et ΣΤ', pp. 393-540 et 139-612].

Ελληνική βιβλιογραφία... Εκδίδεται εκ των καταλοίπων επιμελεία Στίλπωνος Π. Κυριακίδου..., t. I-II, Athènes 1927 et Thessaloni-que 1932, γ' + 1138 p.

Politis L., «Νεοελληνική βιβλιογραφία 1950-1951. 1. Νεοελληνική φιλολογία», Ελληνικά 13 (1954) 397-491.

Queux de Saint-Hilaire, Marquis de, «Notice des principales publications grecques faites en Orient et en France pendant l'année 1874-1875», Annuaire de l'Association pour l'encouragement des études grecques en France 9 (1875) 373-391.

Sambanopoulos Β., «Ελληνική Βιβλιογραφία 1800-1863. Προσθήκες», Ο Ερανιστής 2 (1964) 127-134 et 5 (1967) 40-50.

Tomadakis N.B., «Συμβολή εις την βιβλιογραφίαν των Κρητικών Επανα-στάσεων. Β'. Βιβλιογραφία της Επαναστάσεως 1866-1869», Επε-τηρίς Εταιρείας Κρητικών Σπονδών 2 (1939) 198-144.

Απανθίσματα γραμματολογικά και βιογραφικά της νέας ελληνικής λογοτεχνίας, 1962, 294 p.

Tsitsélis Ε. Α., Κεφαλληνιακά Σύμμικτα, t. I, 1904, κ'+ 939 p. Valétas G., Νεοελληνικό λεξικό-Βιογραφίες ποιητών και συγγραφέων, 1964. Veloudis G., «Ελληνική Βιβλιογραφία 1800-1863. Προσθήκες», Ο Ερα-

νιστής 4 (1966) 171-190. Voutiéridis El. P., «Δύο πανεπιστημιακοί λόγιοι» [C. Assopios et Ph.

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εκατονταετηρίδα, Volos 1933, [1] +141 p. Zoras G. Th., Bouboulidis Ph. C., Βιβλιογραφικόν Δελτίον Νεοελληνικής

Φιλολογίας 1959-1965, t. I-VII, 1960-1967.

Β. HISTOIRE POLITIQUE, ÉCONOMIQUE ET SOCIALE DE LA GRÈCE — PROBLÈMES IDÉOLOGIQUES

«Τα ελληνικά ιδεώδη και η Μεγάλη Ιδέα. Γνώμαι των συγχρόνων» [réponses de 20 intellectuels], Το Περιοδικόν μας 3 (1910) 105-113.

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«Romantisme pas mort» [Extrait du Bulletin International des Criti-ques Littéraires, No 1, 1972, pp. 6-7].

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D. SUJETS SPÉCIAUX: LA PRESSE ATHÉNIENNE —L'UNIVERSITÉ D ATHÈNES

Dascalakis Αρ., La presse néo-hellénique, Paris, J. Gamber, 1930, 121 p. Dodou C., «Ιδέα, μορφή και σκοποί των ελληνικών Πανεπιστημίων (ένα

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2e éd., 1967, η'+33 p.; cf. Supplément, Ο Ερανιστής 2 (1964) 222. Margaris D., «Από την ιστορίαν των ελληνικών περιοδικών. Πανδώρα»,

Ημερολόγιον της Μεγάλης Ελλάδος 1931, pp. 479-490. Τα παλιά περιοδικά, ή ιστορία τους κι' η εποχή τους, s.d. Mayer C., Ιστορία του ελληνικού τύπου, t. Ι-ΙΙΙ, 1957-1960. Papapanos G., Χρονικό - Ιστορία της Ανωτάτης μας Εκπαιδεύσεως, 1970,

510 p. Protopsaltis Μ., «Η Εθνική Παιδεία του παρελθόντος αιώνος», NE 24,

(1938) 1383-1389 et 1462-1468. Sachinis Α., Συμβολή στην ιστορία της Πανδώρας και των παλιών περιοδικών,

1964, 184 p. Scarpalezos Α. Κ., Από την ιστορίαν του Πανεπιστημίου Αθηνών (ιστο-

ρικά κείμενα και ιστορικά στοιχεία). 'Επιμελεία — Επιτίμου Γενικού

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Γραμματέως του Πανεπιστημίου Αθηνών, 1964, 177 p. + tableaux. Stassinopoulos M. D., «H οργάνωσις του Πανεπιστημίου Αθηνών κατά

την ίδρυσίν του και οι πρώτοι καθηγηταί του», Παρνασσός 13 (1971) 53-89.

Tsocopoulos G. Β., «Το πρώτον Πανεπιστήμιον», Παναθήναια 1 (1900-1901) 373-376.

Voutieridis El. P., «Tο Εθνικόν Πανεπιστήμιον 1837-1912», Παναθήναια 23 (1911-1912) 291-302.

NE, No 263 (1er décembre 1937): consacré au centenaire de l'Université d'Athènes (1837-1937).

III. TRAVAUX SUR LES CONCOURS

Il existe relativement peu de travaux consacrés aux concours poétiques univer-sitaires, ce qui n'est pas étonnant, vu le discrédit jeté sur ceux-ci par la génération vulgariste de 1880 — discrédit qui cède lentement la place à une approche plus ration-nelle amorcée dans les années 1930. C'est surtout à travers les ouvrages précédem-ment cités qu'il faut se familiariser, en général, avec la période littéraire 1850-1880. En ce qui concerne, plus particulièrement, l'institution de Rallis et de Voutsinas, on doit consulter, en premier lieu, les travaux de C. Th. Dimaras (notamment Δημο-τικισμός και κριτική, Ποιηταί του ΙΘ' αιώνος et Ιστορία της νεοελληνικής λογοτεχνίας), ainsi que ses articles dans le journal athénien το Βήμα, consacrés chaque année aux concours universitaires. Les quelques monographies qui méritent d'être com-mentées ici sont, par ordre chronologique, les suivantes:

Valétas G., «H πανεπιστημιακή κριτική κι' η επίδρασή της στη νεοελληνική ποίηση. Οι πανεπιστημιακοί διαγωνισμοί», NE 22 (1937) 1819-1844. La première étude systématique sur les concours de Rallis et de Voutsinas, ainsi que sur ceux qui ont suivi. L'auteur utilise les Jugements des jurys, dont il présente une bibliographie. Intéressé surtout par la critique universi-taire, il ne s'occupe qu'accidentellement des poètes participants, de leurs ouvrages et de leurs réactions aux verdicts.

Michaïlidis C. M., «Οι ποιητικοί διαγωνισμοί του Πανεπιστημίου», Ibid. 23 (1938) 126-127. Apporte des corrections à l'étude précédente de G. Valétas.

Valétas G., H «Φωνή της καρδιάς μου», Ibid. 23 (1938) 128. Corrige le prénom de D. Gr. Cambouroglou, couronné au concours de 1873. «H πανεπιστημιακή κριτική», Ibid. 23 (1938) 196-198. Répond à la critique de C. M. Michaïlidis.

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Markakis P. I., Μια άγνωστη συλλογή του Γεωργίου Βιζυηνού. Ο Βουτσι-ναίος ποιητικός διαγωνισμός του 1877, 1959, 18+[2] p. [réimprimé

de Φιλολογική Πρωτοχρονιά 1946, pp. 119-126]. Etablit que l'année 1877 est la dernière du concours de Voutsinas. Reproduit un passage du jugement de 1877 concernant la participation de G. Vizyinos.

Papapanos G., Οι ποιητικοί διαγωνισμοί (1851-1873) και ή δημοτική μας γλώσσα, 1973, 129 p. Travail fondé, ainsi que celui de G. Valétas, sur l'étude presque exclusive des Jugements des jurys. L'exposé des verdicts universitaires n'est pas ac-compagné d'une recherche plus approfondie sur l'ensemble des facteurs qui ont déterminé le déroulement des concours. Par ailleurs, l'auteur semble surestimer le rôle de l'Université athénienne dans l'imposition de la langne populaire; son étude s'arrête en 1873, sur le prix décerné à D. Gr. Cambou-roglou et à Ch. Papoulias.

IV. TRAVAUX SUR DES POÈTES

AYANT PARTICIPÉ AUX CONCOURS

Le choix bibliographique qui suit, axé principalement sur la participation aux concours et sur les activités littéraires d'un certain nombre d'autres, est loin de con-stituer, bien entendu, un travail exhaustif. Nous avons pris soin, avant tout, de présenter une documentation bibliographique que nous avons crue utile, en évitant de nous référer à des ouvrages généraux précédemment cités, sauf dans les cas où cela était nécessaire.

AMBÉLAS, T. (1850-1926)

S.N. Vassiliadis, «Ο Καύνειος Έρως ήτοι ιστορία μιας παροιμίας - Παλμοί ήτοι λυρικαί ποιήσεις υπό Τιμ. Δ. Αμπελά», Εθνική Βιβλιοθήκη 4 (1868) 76 [= Αττικαί Νύκτες III, 1875, pp. 325-327].

«Αμπελάς Τιμολέων», Λεξικόν Εγκυκλοπαιδικόν Μπαρτ-Χιρστ, Συμπλή-ρωμα, 1902, p. 45.

«Αμπελάς Τιμολέων», dans Skokos, Ημερολόγιον 25 (1910) 18. Ν. Lascaris, «Αμπελάς Τιμολέων», ΜΕΕ 4 (1928) 338; cf. Ιστορία του

νεοελληνικού θεάτρου, t. II, 1939, pp. 141-142.

ANNINOS, CH. (1852-1934)

Τριακονταετηρίς Χ. Αννίνου 1869-1899, 1900, 115 p. El. Tsitsélis, Κεφαλληνιακά Σύμμικτα, t. I, 1905, pp. 10-13 et 898. «Άννινος Χαράλαμπος», dans Skokos, Ημερολόγιον 25 (1910) 18.

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Th. Vellianitis, «Άννινος Μπάμπης», MEE 4 (1928) 799. Gr. Xénopoulos, «Χαραλάμπης Άννινος», Εικονογραφημένη Εστία 1893

[=ΝΕ 15 (1934) 545-547]. «Μπάμπης Άννινος» [nécrologie], NE 15 (1934) 514-515.

ANTONIADIS, Α. I. (1836-1905)

D. Gr. Cambouroglou, «Σχολάρχης και ποίησις», dans Assopios, Αττικόν Ημερολόγιον 1879 [=Ε!κόνες, σατιρικοί διατριβαί, 1881, pp. 3-19].

Ε. D. Roïdis, Περί συγχρόνου ελληνικής ποιήσεως, 1877, pp. 2-3; cf. Πάρεργα, 1885, p. 230.

«Αντωνιάδης Α.Ι.», Λεξικόν Εγκυκλοπαιδικόν Μπαρτ-Χιρστ, Συμπλήρωμα, 1902, pp. 62-63.

C. Palamas, «Οι ομιλίες του "Παρνασσού"» (1916), Άπαντα, t. VIII, p. 281.

«Πανηγυρισμοί» (1926), Ibid. t. XII, pp. 496-497, cf. p. 390. Th. Vellianitis, «Αντωνιάδης Αντώνιος», MEE 5 (1928) 10-11.

CAMBOUROGLOU, D. GR. (1852-1942)

«Καμπούρογλου Δ. Γρ.», Λεξικόν Εγκυκλοπαιδικόν Μπαρτ -Χιρστ, Συμπλή-ρωμα, 1902, pp. 404-405.

S. G. Spérantsas, «Καμπούρογλου Δ. Γρ.», MEE 13 (1930) 663. Camb. Α., pp. 699, 887-889, 286-288, 796-797, 799; cf. NE 58 (1955)

1153 et 89 (1971) 392. D. Yacos, A. Phouriotis, Δημ. Βικέλας, Εμ. Λυκούδης, Δ. Καμπούρογλους

και άλλοι. Επιμέλεια—, BB No 21, 1953, pp. 36-42 et 261 sq. D. A. Yérontas, Δημήτριος Γρ. Καμπούρογλου. Ο αναδρομάρης της Αττι-

κής και της Αθήνας, 1974, 130 p. NE, No 141 (1er novembre 1932); consacré à D. Gr. Cambouroglou.

Ελληνική Δημιουργία, No 121 (15 février 1953): consacré à D. Gr. Cambouroglou.

CAMBOUROGLOU, JEAN (1851-1903)

Sp. De Biazi, «Ιωάννης Καμπούρογλου», Ποιητικός Ανθών 1 (1886 ) 62-64 [= Jean Cambouroglou, Έρωτος ημέραι, Zante 1886, pp. 3-5].

«Ιωάννης Καμπούρογλου», Νέα Ελλάς 1 (1894) 311-313. «Καμπούρογλου Ιωάννης», Λεξικόν Εγκυκλοπαιδικόν Μπαρτ-Χιρστ, Συμ-

πλήρωμα, 1902, p. 404. «Ιωάννης Καμπούρογλου», dans Skokos, Ημερολόγιον 25 (1910) 23. S. G. Spérantsas, «Καμπούρογλου Ιωάννης Κ.», MEE 13 (1930) 663.

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CARASSOUTSAS, JEAN (1822-1873)

A. Vlachos, Περί Ιωάννου Καρασούτσα και των ποιήσεων αυτού, 1874, 40 p. [Ανάλεκτα II, 1901, pp. 56-82],

Mat. Parn., pp. 363-364. «Καρασούτσας Ιωάννης», Λεξικόν Εγκυκλοπαιδικόν Μπαρτ-Χιρστ, t. 4,

p. 535. Pal.A., t. XII, pp. 19-21. S. G. Spérantsas, «Καρασούτσας Ιωάννης», MEE 23 (1930) 808. Cl. Paraschos, «Ένας παραγνωρισμένος ποιητής. Ιωάννης Καρασούτσας»,

NE 10 (1931) 1238-1248 [=Δέκα Ελληνες λυρικοί, 2e éd., Phexis 1962, pp. 22-40].

CARYDIS, SOPHOCLE ( t 1893)

R. Nicolai, Geschichte..., p. 181. A. R. Rangabé, Histoire littéraire, t. II, pp. 117-118. E. Yénéralis, «Καρύδης Σοφοκλής», MEE 13 (1930) 918. M. Valsa, Le théâtre grec moderne, pp. 305-310.

CATACOUZINOS, AL. (1824-1892)

Notice biographique dans Πανδώρα 3 (1852-1853) 240. «Κατακουζηνός Αλέξανδρος», Λεξικόν Εγκυκλοπαιδικόν Μπαρτ-Χιρστ, Συμ-

πλήρωμα, 1902, p. 426. «Αλέξανδρος Κατακουζηνός», dans Skokos, Ημερολόγιον 25 (1910) 23. G. Sclavos, T. Agras, «Κατακουζηνός Αλέξανδρος», MEE 14 (1930) 49-50.

CHATZISCOS, NIC. (1850-1917)

Ch. Anninos, T α πρώτα έτη του Ζαν Μωρεάς, p. 154. Th. Vellianitis, «Χατζίσκος Νικόλαος», MEE 24 (1934) 534. C. S. Constas, «Γράμματα προς τον Κωστή Παλαμά 1874-1878», NE 89

(1971) 393.

COUMANOUDIS, ST. (1818-1899)

Sp. Vassis, «Στέφανος Κουμανούδης», Αθηνά 11 (1899) 409-424. «Στέφανος Κουμανούδης», dans Skokos, Ημερολόγιον 15 (1900) 31-32. «Κουμανούδης Στέφανος», Λεξικόν Εγκυκλοπαιδικόν Μπαρτ-Χιρστ, Συμ-

πλήρωμα, 1902, pp. 483-484. Ν. Α. Bees, «ο Στέφανος Κουμανούδης ώς κριτής ποιητικών πρωτολείων

του Σπυρίδωνος Π. Λάμπρου», NE 23 (1938) 77-81. — «Έμμετρα κείμενα Στ. Α. Κουμανούδη», Αρχείον του Θρακικού Λαο-

γραφικού και Γλωσσικού Θησαυρού 14 (1947-1948) 305-347.

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G. Valétas, «H φυσιογνωμία του Κουμανούδη», NE 23 (1938 ) 486-487. Al. G. Papaghéorghiou, «Ο Στέφανος Κουμανούδης μεταφραστής σέρβικων

λαϊκών τραγουδιών (Έξη ανέκδοτες μεταφράσεις»), NE 26 (1939) 912-914.

«Στέφανος Κουμανούδης (1818-1899). Η ζωή και το έργο του», dans Αφιέρωμα εις Κ. I. Αμαντον, 1940, pp. 331-350.

———-«Ο Στέφανος Κουμανούδης μεταφραστής του Βολταίρου», NE 69 (1961) 690-691.

LAMBROS, SP. (1851-1919)

Ε. M. Edmond, «Modem Greek Poets», The Woman's World, mai 1888, pp. 315-322.

«Λάμπρος Σπυρίδων», Λεξικόν Εγκυκλοπαιδικόν Μπαρτ-Χιρστ, Συμπλή-ρωμα, 1902, pp. 518-519.

Σπυρίδων Π. Λάμπρος 1851-1919. (Ανατ. εκ του 1Δ' τόμου του Νέου Ελληνο-μνήμονος), 1920, 150 p. [contient des études de A. Skias et de G. Charitakis].

D. S. Balanos, Σπυρίδων Π. Λάμπρος 1851-1919 (ανατύπωσις εκ του Β' Παραρτήματος των Ηπειρωτικών Χρονικών), Jannina 1929, 32 p.

Α. Adamantiou, «Λάμπρος Σπυρίδων», ΜΕΕ 15 (1931) 759-760. Ν. Α. Bees, «Ο Στέφανος Κουμανούδης ως κριτής ποιητικών πρωτολείων

του Σπυρίδωνος Π. Λάμπρου», op. cit.

MATARANGAS, PAN. (1834-1895)

S. De Biazi, «Παναγιώτης Ματαράγκας», Ποιητικός Ανθών 2 (1887) 589-592.

L. Ch. Zoïs, «Εις ποιητής», Κυψέλη 2 (1902) 17-25. «Ματαράγκας Παναγιώτης», ΜΕΕ 16 (1931) 767.

El. Tsitsélis, Κεφαλληνιακά Σύμμικτα, t. I, 1904, pp. 379-381. P. Chiotis, «Επιφανείς Επτανήσιοι», Aι Μούσαι, No 345,1er août 1907, p. 5.

MAVROMICHALIS, JEAN A. P. (1851-1875)

«Nécrologie», Annuaire de l'Association pour l'encouragement des études grecques en France 9 (1875) 390.

Λόγοι εκφωνηθέντες εις την κηδείαν του Ιωάννου Α. Π. Μαυρομιχάλη, 1875, 20 p.

MAVROYANNIS, G. (1823-1906)

«Μαυρογιάννης Γεράσιμος», Λεξικόν Εγκυκλοπαιδικόν Μπαρτ-Χιρστ, Συμ-πλήρωμα, 1902, p. 590.

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El. Tsitsélis, op. cit., pp. 381-384. Sp, De Biazi, «Γεράσιμος Μαυρογιάννης», Παναθήναια 12 (1906) 7-10. P. Chiotis, «Επιφανείς Επτανήσιοι», Aι Μούσαι, No 348, 15 septembre

1907. P. Markakis, «Γεράσιμος Μαυρογιάννης», Επτανησιακά Γράμματα 1 (1950-

1951) 28-29, 60-61, 85-88, 121-122 et 154-155. «ο Γεράσιμος Μαυρογιάννης μεταφραστής του Θεοκρίτου», Ελλη-νική Δημιουργία 11 (1953) 417-424.

G. Th. Zoras, Επτανησιακά Μελετήματα, t. I, pp. 184-185. Ν. Vagénas, «Ο Ossian στην Ελλάδα», Παρνασσός 9 (1967) 184-185.

MELISSINOS, SP. (1823-1888) El. Tsitsélis, op. cit., pp. 859-860. Sp. De Biazi, «Παρηγκωνισμένος λόγιος. Σπυρίδων Μελισσηνός», Αιολικός

Αστήρ, Cydonie 1911, No 57-64. «Μελισσηνός Σπυρίδων», ΜΕΕ 16 (1931) 882. Ν. Lascaris, Ιστορία του νεοελληνικού θεάτρου, t. II, p. 18.

MORAITIDIS, ALEXANDRE (1850-1929) «Μωραϊτίδης Αλέξανδρος», Λεξικόν Εγκυκλοπαιδικόν Μπαρτ-Χιρστ, Συμ-

πλήρωμα, 1902, p. 659. C. Palamas, «Λόγος περί του έργου του Α. Μωραϊτίδου» (1929): Άπαντα,

t. XIII, pp. 474-480. G. Phoussaras, «Αλέξανδρος Μωραϊτίδης», NE 30 (1941) 880-883: cf. 31

(1942) 52. Μορφές της νέας λογοτεχνίας μας, 1952, pp. 9-18.

J. Ν. Phrangoulas, Αλέξανδρος Μωραϊτίδης (1850-1929), Boston 1950, 92 p.

Ελληνική Δημιουργία, No 64 (1er octobre 1950): consacré à Moraïtidis. NE, No 559 (15 octobre 1950): consacré à A. Moraïtidis.

ORPHANIDIS, TH. (1817-1886) E. Yemeniz, La Grèce moderne. Héros et poètes, Paris 1862, pp. 241-260. Sp. De Biazi, «Θεόδωρος Ορφανίδης», Ποιητικός Ανθών 1 (1886) 15-16. «Ορφανίδης Θεόδωρος», Λεξικόν Εγκυκλοπαιδικόν Μπαρτ-Χιρστ, t. 5, pp.

662-663. T. Ambélas, Ο Θεόδωρος Ορφανίδης και η εποχή του, 1916, 67 p. D. Α. Dimitriadis, «Ορφανίδης Θεόδωρος», ΜΕΕ 19 (1932) 122-123.

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PAPADIAMANTOPOULOS, JEAN (1856-1910)

C. Palamas, «Τα συναπαντήματά μου με το Μωρεάς» (1910): Απαντα, t. Χ, pp. 299-309; cf. t. VIII, pp. 515-516.

Ch. Anninos, «Τα πρώτα έτη του Ζαν Μωρεάς», op. cit. T. Agras, «Μωρεάς Ζάν», ΜΕΕ 17 (1931) 958-960. C. Kérophylas, Moréas en Grèce, 1932, 60 p. Cl. Paraschos, «Το ελληνικό έργο του Jean Moréas», dans Μορφές και Ιδέες,

1938, pp. 17-40. Robert Α. Jouanny, Jean Moréas écrivain grec. La jeunesse de Ioannis

Papadiamandopoulos en Grèce (1856-1868); édition , traduction et commentaire de son œuvre grecque, Paris, Minard, 1975, 453 p.

Παναθήναια, 15 avril 1910: numéro consacré à Papadiamantopoulos; cf. t. 2 (1901-1902) 241 sq.

NE, No 707 (Noël 1956): consacré à Papadiamantopoulos.

PAPARRIGOPOULOS, D. ( 1 8 4 3 - 1 8 7 3 )

Émile Legrand, «Préface», dans D. Paparrigopoulos , Le choix d'une femme. Comédie politique en un acte. Traduit du grec pour la première fois avec l'autorisation de l'auteur par—-, Paris 1872, pp. 7-17.

S. N. Vassiliadis, «Λόγος εν τω Κοιμητηρίω Αθηνών προ του νεκρού Δ. Κ. Παπαρρηγοπούλου», Παρθενών 2 (1873) 1270-1273 [Αττικαί Νύ-κτες III, pp. 290-296].

Mat. Parn., pp. 405-406. A. Garlato, «Demetrio Paparrigopulo», dans Pigmalione, poemetto di

Demetrio Paparrigopulo. Versione poetica dal greco di — con un bozzetto critico e documenti inediti sulla vita e sulle opere del autore, Venise 1881, pp. III-XLVI.

Sp. De Biazi, «Δημήτριος Παπαρρηγόπουλος», Ποιητικός Ανθών 2 (1887) 430-432.

Ic[onomidis?], «Σκιαγραφία», dans Δημητρίου Κ. Παπαρρηγοπούλου, Α -νέκδοτα Έργα. Πεζά - Χαρακτήρες - Ποιήσεις. Μετ' εικόνος και σκια-γραφίας του ποιητού, 1894, pp. 5-8.

C. Palamas, «Δ. Παπαρρηγοπούλου Ανέκδοτα Έργα» (1894): Απαντα, t. XV, pp. 268-269. «Ένας λεοπαρδικός ποιητής» (1913): Ibid., t. Χ, pp. 267-282; cf. t. XIV, pp. 34-35.

J. Zervos, «Δημήτριος Παπαρρηγόπουλος», dans Δημ. Παπαρρηγοπούλου Άπαντα, μετά προλόγου υπό—, Phexis 1915, pp. 3-8.

Ch. Anninos, Βασιλειάδης, Παπαρρηγόπουλος και οι περί αυτούς, 1916, 56 p. Th. Vellianitis, «Παπαρρηγόπουλος Δημήτριος», ΜΕΕ 19 (1932) 573.

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J. Chatzinis, Δ. Παπαρρηγόπουλος, Σ. Βασιλειάδης, Επιμέλεια—, ΒΒ No 13. 1954, 346 p.

PAPOULIAS, CH. (f 1874)

Εθνική Βιβλιοθήκη 7 (1873) 480. M. Papadopoulos, Δεύτερον έτος του εν Θεσσαλονίκη Φιλεκπαιδευτικού

Συλλόγου. Έκθεσις αναγνωσθείσα την 13 Οκτωβρίου 1874 υπό του προέδρου—, Thessalonique 1874, pp. 9 et 26.

Ch. Anninos, «τα πρώτα έτη του Ζαν Μωρεάς», op. cit., p. 247.

PARASCHOS, ACHILLE ( 1 8 3 8 - 1 8 9 5 )

E.. Zalocostas, «Αχιλλέως Παράσχου Ποιήματα», Παρνασσός 6 (1882) 217-223.

Ι. Valavanis, «Αχιλλεύς Παράσχος», Ibid. 17 (1895) 443-457. C. Palamas, «Αχιλλεύς Παράσχος» (1895): Άπαντα, t. II, pp. 419-426;

cf. t. VIII, pp. 509-511, et t. XII, pp. 17-18. «Παράσχος Αχιλλεύς», Λεξικόν Εγκυκλοπαιδικόν Μπαρτ-Χιρστ, t. 5, pp.

756-757. Gr. Xénopoulos, Οι Παράσχοι, 1961, 52 p. Th. Vellianitis, «Παράσχος Αχιλλεύς», MEE 19 (1932) 668-669. C. Ouranis, Αχιλλεύς Παράσχος, 1944 [=Δικοί μας και ξένοι, t. II, 1955],

PHATSÉAS, ANTOINE ( 1 8 2 1 - 1 8 7 2 )

Mat. Parn., p. 539. É. Legrand, Fac-similés d'écritures grecques du dix-neuvième siècle, Paris

1901, pp. 35-37 et 102-103. A. Gavriïlidis, «Φατσέας Αντώνιος», MEE 23 (1933) 868. G. Valétas, Φατσέας, Χωριάτικες γραφές. Δημοτικά δοκίμια του 1850 για

τη λευτεριά και την παιδεία, αποκαταστημένα από τον—·, 1952, 144 p. M. C. Pétrochilos, «Βιογραφικά του Φατσέα», NE 65 (1959) 724-725. Α. Skopétou, «ο Αντώνης Φατσέας ως μεταφραστής της "Οδύσσειας"»,

Παρνασσός 2 (1960) 234-242. G. Th. Zoras, Επτανησιακά Μελετήματα, t. I, p. 184.

POP, CONSTANTIN ( 1 8 1 6 - 1 8 7 8 )

Nécrologies dans Παρνασσός 2 (1878) 156 et Βύρων 3 (1878) 189. Th. Vellianitis, «Πωπ Κωνσταντίνος», MEE 20 (1932) 953. Ph. Politis, Εκλογή από το έργο του, t. I, 1938, p. 45 sq.

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PROVELENGHIOS, A. (1850-1936)

C. Palamas, «Παλαιά και νέα» (1896): Απαντα, t. II. pp. 138-149. «Αριστομένης Προβελέγγιος» (1921), Ibid., t. XII, pp. 287-291.

«Αριστομένης Προβελέγγιος», dans Skokos, Ημερολόγιον 25 (1910) 34, T. Agras, «Προβελέγγιος Αριστομένης», MEE 20 (1932) 694-695.

«Αριστομένης Προβελέγγιος, ο τελευταίος ρωμαντικός», NE 14 (1933) 1135-1144.

Ν. Tomadakis, Φιλολογικά, 1935, p. 37 sq. Cl. Paraschos, «Αριστομένης Προβελέγγιος», [nécrologie], NE 19 (1936)

649-650. G. Thémélis, Προβελέγγιος - Δροσίνης - Πολέμης - Στρατήγης - Καμπάς.

Επιμέλεια—, BB No 24, 1957, pp. 7-16 et 37 sq. M. Mantouvalou, Άπαντα Λορέντσου Μαβίλη. Επιμέλεια—, s.d., t. II, p. 310.

Ελληνική Δημιουργία, No 80 (1er juin 1951): consacré à Α. Provélenghios. NE, No 623 (15 juin 1953): consacré à A. Provélenghios.

RALLIS, AMBROISE S. (1798-1886)

A. Vyzantios, «Αμβρόσιος Σ. Ράλλης», dans Έργα Αλεξάνδρου Βυζαντίου. Εκδίδονται υπό Γρηγορίου Σ. Βυζαντίου, 1902, pp. 93-95.

St. Macrymichalos, «Ή έκδοση της εφημερίδος "Ημέρα" στην Τεργέστη στα 1855», ο Ερανιστής 8 (1970) 14-15.

RANGABÉ, Α. R. (1809-1892)

«Α. p. Ραγκαβής», Εθνική Βιβλιοθήκη 7 (1872) 14-16. S. Carydis, Σατυρικά ποιήματα. Χαρακτήρες, 1876, pp. 37-38. R., «Αλέξανδρος p. Ραγκαβής», Εστία 20 (1885) 515-521. Sp. De Biazi, «Αλέξανδρος Ρίζος Ραγκαβής», Ποιητικός Ανθών 1 (1886)

173-176. C. Palamas, «Αλέξανδρος Ραγκαβής» (1888): Απαντα, t. XV, pp. 65-69.

«Tο έργον του Ραγκαβή» (1892): Ibid., t. II, pp. 404-412; cf. t. VIII. p. 508.

A. Vyzantios, Άλ. P. Ραγκαβής", op. cit., pp. 105-113. E. Zalocostas, Αλέξανδρος Ρίζος Ραγκαβής, 1916, 32 p. Jean Sidéris, «ο Αλέξανδρος Ρίζος Ραγκαβής», Αναγέννηση 2 (1928)

318-326. Ε. R. Rangabé, «Ραγκαβής Αλ. Ρίζος», ΜΕΕ 21 (1933) 5-6. G. Valétas, «Εκδόσεις και σύνθεση της νεοελληνικής γραμματολογίας του

Αλεξ. p. Ραγκαβή», NE 19 (1936 ) 837-842.

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J. M. Panayotopoulos, «Ο Ραγκαβής (έκφραση του ΙΘ' ελληνικού αιώνα)», Ibid., 66 (1959) 1584-1585.

Μ. Pasti - Vénetsanou, «Ο Αλέξανδρος Ραγκαβής και η δημοτική μας ποίησις», Παρνασσός 7 (1965) 490-500.

Μ. Vitti, Σημείωμα στο «Διονύσου πλους» του Ραγκαβή [Extrait du volume Μνημόσυνον Σοφίας Αντωνιάδη], Venise 1974, pp. 408-415.

RANGABÉ, CLÉON (1842-1917)

N. Amvrazis, Ιουλιανός ο Παραβάτης εν απελπισία εκπνέων ή απάντησις εις τα υπό Κλέωνος Ραγκαβή κατά της αμωμήτου ημών πίστεως γραφέντα και επιστημονική αυτών αναίρεσις, 1878, 159 p.

Α. Diomidis Kyriacos, «Περί Ιουλιανού του Παραβάτου», Εστία 5 (1878)56 Sp. De Biazi, «Κλέων Ραγκαβής», Ποιητικός Ανθών 1 (1886) 237-240. Cléon Rangabé, Αλγη, Leipzig 1893, pp. V-VIII. C. Palamas, «Ο κ. Κλέων Ραγκαβής» (1898): Άπαντα, t. XVI, pp. 76-77. «Ραγκαβής Κλέων», Λεξικόν Εγκυκλοπαιδικόν Μπαρτ-Χιρστ, Συμπλήρωμα,

1902, pp. 806-807. Η. Svoronos, «Κλέων Ραγκαβής», Μικρασιατικόν Ημερολόγιον 1918, Sa-

mos 1918, pp. 10-15. E. R. Rangabé, «Ραγκαβής Κλέων», ΜΕΕ 21 (1933) 6.

SAMARTZIDIS, CHRISTOPHE (1843-1900)

R. Nicolai, op. cit., p. 168. A. Paléologos, «Ποιήσεις. το πνεύμα του Ομήρου», dans Ημερολόγιον

της Ανατολής 1885, Constantinople 1884, pp. 220-221. «Χριστόφορος Σαμαρτζίδης», dans Skokos, Ημερολόγιον 16 (1901) 143-144. T. Evanghélidis, T. Agras, «Σαμαρτζίδης Χριστόφορος», ΜΕΕ 21 (1933)

484.

SKOKOS, CONSTANTIN ( 1 8 5 4 - 1 9 2 5 )

Gr. Xénopoulos, «Κωνσταντίνος Φ. Σκόκος», NE 5 (1929) 311. «Σκόκος Κωνσταντίνος», ΜΕΕ 21 (1933) 944-945.

SOURIS, GEORGES (1852-1919)

C. Palamas, «Σουρής», (1888, 1892): Άπαντα, t. II, pp. 446-459. «Η εορτή του Σουρή» (1894): Ibid., t. XV, pp. 270-272.

J. Psichari, «Ο Σουρής», Ο Νουμάς, No 130, 9 janvier 1905. Gr. Xénopoulos, «Ο άλλος Σουρής» (1905): Άπαντα, t. XI, Biris, 1971,

pp. 75-87.

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J. Gryparis, «Εγκώμιον του Σουρή», Ημερολόγιον της Μεγάλης Ελλάδος 1922, p. 325-333.

S. Ménardos, «Νεοελληνική ποίησις. Σουρής, Δροσίνης, Παλαμάς, Προβελέγ-γιος και άλλοι», NE 5 (1929) 166 sq.

G. Valétas, «Σουρής Γεώργιος», ΜΕΕ 22 (1933) 161-162. Criton G. Souris, Γεώργιος Σουρής και ή εποχή τον, 1949, 319 p. NE, No 634 (1er décembre 1953) consacré à G. Souris.

STAMATIADIS, EP. (1835-1901)

Sp. De Biazi, «Επαμεινώνδας Σταματιάδης», Ποιητικός Ανθών 1 (1887) 380-382.

«Σταματιάδης Επαμεινώνδας», Λεξικόν Εγκνκλοπαιδικόν Μπαρτ-Χιρστ, Συμπλήρωμα, p. 891.

I. D. Vélouzos, «Σταματιάδης Επαμεινώνδας», ΜΕΕ 22 (1933) 284. M. Valsa, op. cit., p. 310.

STAVRIDIS, GRÉGOIRE (1830-1893)

A. R. Rangabé, Histoire littéraire, t. II, pp. 181-186. Mat. Parn., p. 1008. G. Hateau, Panorama de la littérature bulgare contemporaine, Paris 1937,

p. 63. Grigor Prlicev, Scanderberg, Introduction, traduction et notes par Ch.

Codov, 2e éd., Sofia 1969, 215 p., 1ère éd. 1967 (en bulgare). V. Georgiev, «La figure de Scanderberg dans la poésie de Grigor Prlicev»,

Studia Islamica 1 (1967) 235-240. Ο. Jasar-Nasteva, «Die Verserzählung "Skenderberg" von Grigor Prli-

cev», Zeitschrift für Balkanologie V/1, 1967, pp. 34-50. D. Kadach, «Grigor S. Prlicevs Teilname an dem Athener Dichterwett-

bewerb 1860 und 1862», Ibid., VI/1, 1968, pp. 45-62. «Zur ersten Veröffentlichung von Grigor S. Prlicevs "Skender-berg"», Ibid., VII (1969/1970), Heft 1-2, pp. 26-27.

«Die Polemik Orphanidis - Prliöev anlässlich des Athener Dichter-wettbewerbs 1860», Ibid., VIII (1971/1972), Heft 1-2, pp. 84-100.

«Zwei griechische Gedichte von Grigor S. Prlicev (Γρηγόριος Σταυ-ρίδης)», Ελληνικά 24 (1971) 107-115.

La poésie macédonienne. Anthologie des origines à nos jours, Paris, Les Éditeurs Français Réunis, 1972, pp. 67-73; cf. le compte rendu de X. A. Cocolis, «"Μακεδονική" ποίηση. Μια ανθολογία που αυτο-ϋπονομεύεται», dans le journal athénien το Βήμα, 8 avril 1973.

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STRATOUDAKIS, EMM. ( 1 8 5 4 - 1 8 8 3 )

Εμμανουήλ Κ. Στρατουδάκη τα Απαντα. Εκδίδονται επιμελεία Ιωάννου Ν. Στρατουδάκη, Le Caire, s. d., pp. 3-6.

«Εμμανουήλ Στρατουδάκης», dans Skokos, Ημερολόγιον 16 (1901) 65-67 et 26 (1911) 170.

TERTSÉTIS, GEORGES (1800-1874)

A. Tertsétis, Nécrologie Antoine Matessi, 1875, p. 4. A. Vlachos, «Γεώργιος Τερτσέτης», Παρνασσός 1 (1877) 161-179 [^Ανά-

λεκτα, II, pp. 83-109]. Mat. Parn., pp. 443-444. Sp. De Biazi, «Γεώργιος Τερτσέτης», Ποιητικός Ανθών 1 (1887) 362-368.

«Επτανήσιοι ποιηταί Α'. Γεώργιος Τερτσέτης 1800-1874», Νέα Ζωή (Alexandrie) 5 (1909) 239-244.

D. Stephanou, Γεώργιος Τερτσέτης (Μετ' επιμέτρου περιέχοντος ανέκδοτον ποίημα του Τερτσέτη «T ο όνειρον του βασιλέως»), 1916, 51 p.

C. Palamas, «Ol Αλέξανδροι» (1932): Απαντα, t. XIII. pp. 233-235. Ph. Michalopoulos, «Γεώργιος Τερτσέτης (1800-1874)», Αγγλοελληνική

Επιθεώρηση 2 (1946) 207-208, 254-256, 296-299. G. Th. Zoras, «"Το όνειρον του βασιλέως" του Γεωργίου Τερτσέτη», Ελλη-

νική Δημιουργία 3 (1950) 693-699 [=Επτανησιακά Μελετήματα, t. II, pp. 211-223; voir aussi t. I, pp. 155-158 et t. Ill, p. 73 sq.]

G. Valétas, Τερτσέτη Άπαντα, t. I, 1954, pp. 9-31. S. Ch. Skopétéas, Γεώργιος Τερτσέτης, ο αγωνιστής, ο βιβλιοφύλαξ της

Βουλής, ο ιστορικός του Εικοσιένα, 1954 [Extrait de la revue Επτα-νησιακά Φύλλα, No 5, juillet 1954, pp. 115-151].

D. Conomos, Γεωργίου Τερτσέτη Έργα, t. I, Ανέκδοτοι Λόγοι, 1969, pp. 7-60.

J. Bouchard, Γεώργιος Τερτσέτης. Βιογραφική και φιλολογική μελέτη (1800-1843), 1970, 168 p.

Ελληνική Δημιουργία, No 54 (1er mai 1950): consacré à Tertsétis. Επτανησιακά Φύλλα, No 5 (juillet 1954): consacré à Tertsétis.

TRIANTAPHYLLIDIS, PÉRICLÈS (1818-1871)

P. Matarangas, Φαντασία και καρδία, 1876, pp. 134-137. E. Th. Kyriakidis, Βιογραφίαι των εκ Τραπεζούντος και της περί αυτήν

χώρας από της Αλώσεως μέχρις ημών ακμασάντων λογίων, 1897, pp. 163-169.

M. D. Vatalas, «Τριανταφυλλίδης Περικλής», ΜΕΕ 23 (1933) 291.

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VASSILIADIS, S. N. (1845-1874)

Ph. Paraskévaïdis, «Τοις φίλοις αναγνώσταις», dans S. N. Vassiliadis, Αττικαί Νύκτες II, 1875, pp. α' - ε'.

Marquis de Queux de Saint-Hilaire, «Nécrologie», Annuaire de l'Asso-ciation pour l'encouragement des études grecques en France 9 (1875) 389-391.

A. Frabasile, «Spiridione N. Basiliadis», dans Galatea. Dramma in cinque atti di Spiridione N. Basiliadis. Traduzione dal greco per—, 1877, pp. [V]-XI.

Ch. Gidel, Nouvelles études sur la littérature grecque moderne , Paris 1878, pp. 585-600.

Baron d'Estournelles de Constant, Galatée. Drame grec en cinq actes en prose par S.N. Basiliadis. Traduction jointe au texte original avec une introduction et des notes par le—-, Paris 1878, pp. [IX]-XLIV.

Mat. Parn., p. 458. Sp. De Biazi, «Σπυρίδων Βασιλειάδης», Ποιητικός Ανθών 2 (1887) 525-528. «Σπυρίδων Βασιλειάδης (βιογραφική σημείωσις μετ' εικόνος)», dans Skokos, Ημερολόγιον 5 (1890 ) 240-241. C. Palamas, «Ο ποιητής Βασιλειάδης» (1896): Απαντα, t. II, pp. 427-

430; cf. t. XIV, p. 28. «Βασιλειάδης Σπυρίδων», Ibid., t. XVI, pp. 315-316. «Για το Βασιλειάδη» (1924), Ibid., t. XII, pp. 292-297; cf. pp.

16-17. Ch. Anninos, Βασιλειάδης, Παπαρρηγόπουλος και οι περί αυτούς, op. cit. Σπυρίδων Βασιλειάδης. Επι τη πεντηκονταετηρίδι από του θανάτου του, 1925. Th. Vellianitis, «Βασιλειάδης Σπυρίδων», ΜΕΕ 6 (1928) 763. J. Chatzinis, op. cit., p. 159 sq.

VERNARDAKIS, D. N. (1834-1907)

A. R. Rangabé, Histoire littéraire, t. II, pp. 118-127. Ch. Gidel, op. cit., pp. 572-585. Sp. De Biazi, «Δημήτριος Βερναρδάκης», Ποιητικός Ανθών 2 (1887) 670-

672. «Δημήτριος Βερναρδάκης», dans Skokos, Ημερολόγιον 7 (1892) 161-165

et 23 (1908) 17-20. C. Palamas, «Φαύστα» (1893): Απαντα, t. II, pp. 431-445.

«Η "Φαύστα" του Βερναρδάκη», Ibid., t. Χ, pp. 52-54. «Δημήτριος Βερναρδάκης» (1907), Ibid., pp. 288-294; cf. p. 214. «Για το δράμα, όχι για το θέατρο» (1907), Ibid., t. VI, p. 334.

_«Ο Βερναρδάκης στον "Παρνασσό"» (1907), Ibid., t. XVI, pp. 252-

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254; voir aussi t. VIII, pp. 281 et 511-512, et t. XV, pp. 340-341. «Βερναρδάκης Δημήτριος», Λεξικόν Εγκυκλοπαιδικόν Μπαρτ-Χιρστ, Συμ-

πλήρωμα, 1902, p. 127 Gr. Xénopoulos, «Tο έργον του Βερναρδάκη», Παναθήναια 13 (1906-1907).

328-332 et 361-365 [=Άπαντα, t. XI, 1971, pp. 102-116]. D. Caclamanos, Ο Δημήτριος Βερναρδάκης και το έργον του. Διάλεξις εν

τη αιθούση του εν Αθήναις Φιλολογικού «Συλλόγου Παρνασσού» (Ανατύπωσις εκ της «Νέας Ημέρας»), Trieste 1907, 18 p.

M. I. Michaïlidis, Λεσβιακαί σελίδες. Μέρος πρώτον. Βίος και έργα Δημη-τρίου Ν. Βερναρδάκη, Mytilène 1909, 78 p.; cf. Μέρος δεύτερον, Mytilène 1939, pp. 90-98.

Επιστημονικά μνημόσυνα των καθηγητών του Πανεπιστημίου, Ζήκου Ρώση, Νικολάου Γουναράκη, Δημητρίου Παππούλια, Τιμολέοντος Ηλιο-πούλου., Δημητρίου Βερναρδάκη, 1935, pp. 66-78 et 88-104 [con-tient des discours de Gr. Papamichaïl et de N. A. Bees].

J. P. Cavarnos. H δραματική ποίησις του Δημητρίου Ν. Βερναρδάκη, 1962 [étude insignifiante mais utile pour sa Bibliographie, pp. 235-237].

VERSIS, CONSTANTIN CH. ( 1 8 4 5 - 1 8 8 1 )

Ν. I. Lascaris, «Βερσής Κωνσταντίνος Χ. », MEE 7 (1929) 148. Camb. Α., p. 803. M. Valsa, op. cit., pp. 310-311. C. Th. Dimaras, Histoire..., p. 361.

VIKÉLAS, D. (1835-1908)

A. R. Rangabé, Histoire littéraire, t. II, pp. 265-268. Sp. De Biazi, «Δημήτριος Βικέλας», Ποιητικός Ανθών 1 (1887) 302-304. «Βικέλας Δημήτριος», Λεξικόν Εγκυκλοπαιδικόν Μπαρτ-Χιρστ, Συμπλήρωμα,

1902, p. 132. Α. Andréadès, Un hellène ami de la France, Démètrius Bikélas, 1910,

31 p. D. S. Balanos, Δημήτριος Βικέλας, 1945. A. Letsas, Δημήτριος Βικέλας, Thessalonique 1951, 80 p. Al. A. Iconomos, Δημήτριος Μ. Βικέλας, 1953, 636 p. D. Yacos, A. Phouriotis, op. cit., pp. 14-24 et 49 sq. Ελληνική Δημιουργία, No 140 (1er décembre 1953): consacré à D. Vikélas.

VIZYINOS, GEORGES M. (1849-1896)

A. R. Rangabé, op. cit., pp. 165-168.

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C. Palamas, «Εις ποιητής» (1892): Απαντα, t. XV, pp. 118-124. «Λόγος στην κηδεία του Γ. Βιζυηνού» (1896), Ibid., pp. 342-343.

—«Βιζυηνός» (1896), Ibid., t. II, pp. 150-162. «Ζωντανοί νεκροί» (1897), Ibid., pp. 507-508. «Βιζυηνός και Κρυστάλλης» (1916), Ibid., t. VIII. pp. 311-351. «Γεώργιος Βιζυηνός» (1922, 1930), Ibid., pp. 484-502.

Ν. I. Vassiliadis, «Γεώργιος Μ. Βιζυηνός (Ο Έλλην Γκυ δε Μωπασσάν)», dans Skokos, Ημερολόγιον 9 (1894), 297-313 [=Εικόνες Κωνσταν-τινουπόλεως και Αθηνών, 1910, pp. 302-320; voir aussi pp. 321-339].

G. Chassiotis, Βυζαντιναί σελίδες, t. I, 1910, pp. 256-279. J. Zervos, «Γεώργιος Βιζυηνός», dans G. M. Vizyinos, T α ποιήματα, Phe-

xis, 1916, pp. 3-7. G. Tsocopoulos, «Γεώργιος Βιζυηνός - Κριτική βιογραφία», dans G. Vi-

zyinos, Ανά τον Ελικώνα, 1930, pp. 5-16. A. Yalouris, Γεώργιος Βιζυηνός. ο άνθρωπος και το έργο του. Κριτικό

σημείωμα. Ανατύπωση από το περιοδικό "Ρυθμός", Le Pirée 1934, 30 p.

G. Valétas, Φιλολογικά στο Βιζυηνό. Βιβλιογραφικά - Βιογραφικά - Κριτικά - Γραμματολογικά - Αισθητικά - Ανέκδοτα Βιζυηνού. Ξανατύπωμα απ' τα «Θρακικά» τομ. Η', 1936, 100 p.

C. Contos, «Γεώργιος Βιζυηνός», Νέον Κράτος 2 (1938) 1281-1290, 1409-1416, et 3 (1939) 1513-1519, 1619-1629.

Gr. Xénopoulos, «Γεώργιος Βιζυηνός» (1939): Απαντα, t. XI, 1971, pp. 248-250.

P. Papachristodoulou, Ο Γεώργιος Βιζυηνός ώς ποιητής και διηγηματο-γράφος, 1947, 16 p.

M. Xiréas, Άγνωστα βιογραφικά στοιχεία και κατάλοιπα του Βιζυηνού, Ni-cosie 1949, 84 p.

J. M. Panayotopoulos, Γεώργιος Βιζυηνός. Επιμέλεια—, BB No 18, 1960, 334+[5] p.

Κ. Mamoni, Βιβλιογραφία Γ. Βιζυηνού (1873-1962). Ανέκδοτα ποιήματα άπό το χειρόγρ. «Λυρικά» [Extrait de la revue Αρχείον του Θρα-κικού Λαογραφικού και Γλωσσικού Θησαυρού, t. 29, 1963], 1963, 131 p.

Ελληνική Δημιουργία, No 40 (1er octobre 1959): consacré à G. Vizyinos. Θρακικά Χρονικά, No 17-18 (1965): consacré à G. Vizyinos.

VLACHOS, ANGE ( 1 8 3 8 - 1 9 2 0 )

Marquis de Queux de Saint-Hilaire, «Un essai de théâtre national dans

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la Grèce moderne», Annuaire de l'Association pour l'encouragement des études grecques en France 6 (1872) 204-216 [=Παρθενών 2 (1872-1873) 1039-1041].

E. Parrissiadis (= C. Contos), «Έλεγχος του κορυφαίου των αγελαίων», Σωκράτης 1 (1874) 258.

Α. Ν. Roukis, «Άγγελος Σ. Βλάχος, «Εστία 24 (1887) 425-431. «Βλάχος Άγγελος», Λεξικόν Εγκυκλοπαιδικόν Μπαρτ-Χιρστ, Συμπλήρωμα,

1902, p. 140. Ν. Episcopopoulos, «Το έργον του κ. Βλάχου», Παναθήναια 3 (1902-1903)

178-180. Gr. Xénopoulos, «Άγγελος Βλάχος», Ibid., pp. 186-188 [=Απαντα, t.

XI, 19171, pp. 42-45]. Αγγέλου Βλάχου πεντηκονταετηρίς, 1903. Α. Andréadès, Trois étapes de la littérature grecque moderne, Bruxelles

1921, pp. 9-14. C. Palamas, «το τέλος του Αγγέλου Βλάχου» (1924): Άπαντα, t. Χ, pp.

283-287; voir aussi t. VIII, pp. 513-514, et t. XII, pp. 10-14. Th. Vellianitis, N. Lascaris, «Άγγελος Βλάχος», MEE 7 (1929) 419-420. G. A. Vlachos, Άγγελος Βλάχος, 1938. NE, No 539 (Noël 1949): consacré à A. Vlachos.

VYZANTIOS, ALEXANDRE (1841-1898)

A. R. Rangabé, op. cit., pp. 128-134. A. Vlachos, «Αλέξανδρος Σ. Βυζάντιος», journal Νέα ημέρα, ib[21

janvier 1899 [=Ανάλεκτα II, pp. 264-269]. «Αλέξανδρος Βυζάντιος», dans Skokos, Ημερολόγιον 15 (1900) 161-163. «Βυζάντιος Αλέξανδρος», Λεξικόν Έγκυκλοπαιδικόν Μπαρτ-Χιρστ, Συμ-

πλήρωμα, 1902, p. 166. J. L. Chalcocondylis, «Εισαγωγή», dans Έργα Αλεξάνδρου Σ. Βυζαντίου,

1902, pp. [ε']-ιγ΄ D. C. Vardouniotis «Η νεότης ενός ποιητού», Μικρασιατικόν Ημερολόγιον

1913, Samos 1913, pp. 337-339. C. Palamas, «O Lamartine είς την νέαν ελληνικήν ποίησιν» (1920): Ά-

παντα, t. XII, pp. 15-16. Th. Vellianitis, «Βυζάντιος Αλέξανδρος», ΜΕΕ 7 (1929) 922.

ZALOCOSTAS, GEORGES ( 1 8 0 5 - 1 8 5 8 )

Th. Orphanidis, «Νεκρολογία», Πανδώρα 9 (1858-1859) 295-296. E. Yemeniz, op. cit., pp. 223-240. Sp. P. Lambros, Γεώργιος Ζαλοκώστας, 1868, 116 p.; cf. le compte rendu

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de D. Paparrigopoulos dans Εθνική Βιβλιοθήκη 4 (1869) 134-136. J. D. Chatziscos, «Βιογραφία Γεωργίου Χ. Ζαλοκώστα», dans G. Ch. Zalo-

costas, Tà Απαντα, 2e éd., 1873, pp. 17-21. D. N. Vernardakis, Ψευδαττικισμού έλεγχος, Trieste 1884, pp. 461-462. Jules Blancard, «Le poète Georges Zalocostas», La Bibliophilie ancienne

et moderne, française et étrangère, No 23-27 (mai-septembre 1885), pp. 611-613, 647-650 et 679-686.

C. Palamas, «Έπ' εύκαιρία του Φιλαδελφείου. Κρίσις κρίσεως» (1891): Απαντα, t. II, p. 249 sq.

——«Ποιητικοί διαγωνισμοί» (1892): Ibid., p. 303; cf. t. XII, pp. 389-390.

«Γεώργιος Ζαλοκώστας», dans Skokos, Ημερολόγιον 10 (1895) 112-116. F. de Simone Brouwer, Giorgio Zalokostas, Roma 1906, 34 p. P. Dimitracopoulos, Ζαλοκώστας, 1916, 26 p. T. Agras, «Ζαλοκώστας Γεώργιος», ΜΕΕ 11 (1929) 901-902. Nicos Α. Bees, «Γεώργιος Ζαλοκώσται; και οι πατέρες της νεοελληνικής φι-

λολογίας (Σολωμός και Ρήγας)», NE 21 (1937) 324-329. C. Kérophylas, «Γεώργιος Ζαλοκώστας», dans G. Zalocostas, Εργα,

[1939], pp. 9-40. J. M. Panayotopoulos, «Εξ αφορμής των "Έργων" του Ζαλοκώστα Νέον

Κράτος 3 (1939) 479-483. Ελληνική Δημιουργία, No 146 (1er mars 1954): consacré à Zalocostas.

NE, No 755 (Noël 1958): consacré à Zalocostas.

ZANOS, PANAYOTIS D. (1848-1908)

«Ζάνος Παναγιώτης», dans Skokos, Ημερολόγιον 25 (1910) 22. N. Lascaris, «Ζάνος Παναγιώτης», MEE 11 (1929 ) 909-910.

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ANNEXES

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ANNEXE I

ŒUVRES ENVOYÉES AUX CONCOURS

On trouvera ici tous les poèmes qui, à notre connaissance, ont été présentés aux concours, y compris les poèmes exclus et ceux envoyés en 1861 et en 1864. Ils sont cités par ordre alphabétique et suivis de la date de leur présentation.

Αβδηριάς, comédie de T. Ambélas: 1869 Αβουλίας αποτελέσματα, poème épique: 1857 Αγιος Γεώργιος ο μεγαλομάρτυς, tragédie: 1871

Άγιος Μηνάς, poème épique de Th. Orphanidis: 1860 Αγις αγχόμενος, drame de P. I. Panacos: 1862 Αγις ο Ευδαμίδα, tragédie de Α. I. Antoniadis: prix de 1872

Αγρυπνίαι, recueil lyrique de N. Hiéroclis: 1873 Αδελφότης και Έρως, poème épique: 1857 Αετιδείς, poésies lyriques: 1867

Άθωνις, drame: 1875 Αι αναμνήσεις ( H τελευταία νυξ, Δάκρυα), poésies épico-lyriques de G.

Zalocostas: 1855 Αι αναμνήσεις της Πριγκήπου, poésies lyriques de D. Vikélas: 1857 Αι Εσπερίδες ( Ο Ραψωδός, Αι Ορειάδες, Ο Πύργος της Κόρης), bal-

lades de G. Vizyinos: accessit de 1877 Αι ευχαί της Πρωτοχρονιάς του έτους 1870, poème gnomique de A. Phat-

séas: 1870 Αι ηρωΐδες του Ζαλόγκου, poème épico-lyrique: 1876

Αικατερίνη, poème épique: 1877 Αι μετοχαί του Λαυρίου: 1875

Αισθήματα και αναμνήσεις, poésies lyriques: 1876 Ακανθοδέσμη, comédie: 1871

Ακροναυπλιάς, poème épique: 1867 Ακτίνες και μύρα, poésies lyriques de C. Skokos: accessit de 1876 Αλέξανδρος ο τύραννος, drame: 1867 Αλφρέδος, poème épico-lyrique de A. Paraschos: 1869

Αμβρόσιος ο Μεδιολάνων, poème épique de Α. I. Antoniadis: 1877 Ανάμικτα, poésies lyriques de G. Mavroyannis: 1857

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Ανάμικτα, poésies lyriques: 1874 Ανατολή, poésies lyriques de Ch. Anninos: 1873

Ανεμώνη, poésies lyriques de Jean Cambouroglou: 1870 Άνθη αγρού, poésies lyriques: 1876

Ανθύλλιον, poésies lyriques: 1870 Αννίβας εν Γόρτυνι, drame satirique de C. Ch. Versis: prix de 1870

Αντίνοος, tragédie de A. Vlachos: 1866 Αντιόπη, tragédie : 1872 Αποκρηαίς των Αθηνών, poème satirique: 1874 Απόσπασμα εκ του Β' άσματος της ανεκδότου Π. της Α.: 1855 Άραις, Μάραις, Κουκουνάραις ( = Βοσπορίδες αύραι), poésies lyriques

de G. Vizyinos: prix de 1876 Αριστίων ο Φιλελεύθερος, drame de D. Gr. Cambouroglou: 1875

Αριστόδημος, tragédie: 1872 Αρματωλοί και Κλέπται, poème épique de G. Zalocostas: prix de 1853 Αρμόδιος, tragédie: 1871

Άσματα ασμάτων, poème épico-lyrique: 1874 Ασμάτια, poésies lyriques: 1873

Βήματα, poésies lyriques: 1873 Βιασμός, poème épique: 1874 Βιργινία ή Ρωμαία, drame de T. Ambélas: 1870 Βουκολικαι ποιήσεις: 1868

Γκιουλνάρ, poème épico-lyrique de Ch. Samartzidis: 1868 Γνωμικά, Διάφορα άλλα στιχουργήματα και Βακχικά: 1858 Γραμμαί, poésies lyriques: 1870 Γραομυομαχία, poème héroï-comique de D. Vernardakis: 1854 Γρηγόριος, poème épique: 1852 Γρηγόριος ο E', tragédie de A. Diamantopoulos: 1872 Γρηγόριος Πέμπτος, drame de Sp. Zavitsanos: 1868

Δαιμόνια, comédie: 1870 Δάκρυα, poésies lyriques de Ch. Papoulias: prix de 1873 Δάκρυα, poésies lyriques: 1983 Δάμων, poème épico-lyrique: 1867 Δάφναι, poésies lyriques: 1870 Δέσπω: 1853 Δέσπω, poème épique: 1874 Διαμάντω, drame de G. Vizyinos: 1875

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Διάφορα λυρικά ποιήματα: 1867 Διθύραμβος εις την 25 Μαρτίου 1821: 1873 Διθύραμβος εις την βασίλισσαν Όλγαν: 1868 Δύο γάμοι του συρμού: 1875 Δύσελπις -Εύελπις, ή ο άγνωστος ποιητής, poésies lyriques de Ph. H. Eu-

clide (= A. Iconomidis): 1861 et 1865 Δυσέρωτες: 1868

Έβρος ο Θραξ, drame de T. Ambélas: 1870 Ειδυλία, tragédie: 1872 Εικασία, poème épique de D. Vernardakis: prix de 1856 Εικόνες, poésies lyriques de S. N. Vassiliadis: 1865 Ειρήνη, ή η τελευταία νυξ: 1863

Εκάβη, drame: 1869 Εκδίκησις, drame: 1870 Εκ των ενόντων, poésies lyriques de Α. Vlachos: prix de 1866 Ελβίρα Δόνα Σίλβα, tragédie : 1872

Ελευθερωμένη Ιερουσαλήμ, du Tasse, traduction A. R. Rangabé: 1857 Ελλάς δούλη, drame: 1868 Ελλάς και Ορθοδοξία, hymne de S. Mélissinos: 1857

Έλλην Γενίτσαρος, tragédie de Α. I. Antoniadis: 1868 Ελπίς και μνήμη, poésies lyriques: 1873

Εμπνεύσεις, poésies lyriques de P. Matarangas: 1860 et 1870 Εντυπώσεις, poésies lyriques: 1871 Εξομολόγησις, poème épico-lyrique: 1865 Έπεα πτερόεντα, poésies lyriques de S. N. Vassiliadis: accessit de 1873 Επιγράμματα, poésies lyriques: 1873 Έρως και αντιζηλία, drame: 1875 Έρως και τάφος, poème épico-lyrique: 1871 Έρως και Χάρος πάντοτε δουλεύουνε δω κάτου: 1873 Έρως Σουλτάνας, poème épique de Α. Vyzantios: 1864

Ερωτικόν χαρτοφυλάκων, poésies lyriques de A. Catacouzinos: 1876 Ερώτων έπη, poésies lyriques de C. Palamas: 1876

Ευδοξία, tragédie: 1872 Ευθανασία: 1868 Ευμένης, tragédie: 1871 Ευσυνειδησία και ασυνειδησία, comédie de D. Gr. Cambouroglou: 1872 Ευφρόνη, poème lyrique: 1871 Ευφροσύνη, roman en vers de G. Mavroyannis: accessit de 1852 Εύχαρις, ήτοι ο αγών του 1854, poème épique de C. Pop: 1857

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Ζηλοτυπία και έρως: 1869

Ή Ακρόπολις, poème épique de J. Cambouroglou: 1870 H άπιστος, comédie de Α. I. Antoniadis: prix de 1875 H αποθανούσα, poème épique: 1867

Η βασίλισσα Στάτειρα, drame : 1868 H Βοσκοπούλα·. 1856

Η Αιδώ, drame: 1875 Η δύσερως ορφανή; voir Πίστις, πατρίς, έρως Η 25 Ιανουαρίου 1853, hymne de G. Tertsétis: 1854

Η 25 Μαρτίου, poème lyrique (D. Coromilas?): 1871 H έκπολιορκηθείσα Κωνσταντινούπολις, poème épique de J. Margaritis:

1871 Η Ελένη: 1855

H Ελλάς εν αγώνι, poème épique: 1874 H εν Βηθλεέμ βρεφοκτονί a, drame: 1869 H έξωσις του Ταρκυνίου, drame: 1870 Η ηρωΐς, poème lyrique: 1870 Η θυγάτηρ του Τειρεσίου, poème épique de Α. Catacouzinos: 1857

Η κατάρα της μάννας, tragédie de Α. I. Antoniadis: 1875 Η Καταστροφή των Ψαρών, drame: 1875 Η Κιθάρα, poésies lyriques: 1873 Η κόρη της εποχής, comédie: 1872 Η κόρη του Σεΐχ-ουλ-Ισλάμη, poème épique de G. Tertsétis: 1874

Η Κόρη του Σίννιδος, poème épico-lyrique: 1867 Η Κόρη του Σουλίου, drame: 1875

Η Κρήτη μας, poème épico-lyrique: 1877 Η Λαύρα, poème épique: 1874 Η λίμνη των Ιωαννίνων, poème épique: 1854

Η Λυδία (avec Πόθος, εις ποταμόν), poème épico-lyrique de Α. Pa-raschos: 1865

Η Μάννα του Γενιτσάρου, épopée de Α. Ι. Antoniadis: prix de 1877 Η Μονή του Αρκαδίου, poème épique: 1868, 1869 et 1874

Η νεανική καρδία, poésies lyriques: 1860 Η νεάνις του συρμού, comédie: 1871

Η Νεδέλκα, poème épique de M. Andrikévits: 1874 H νύμφη της Ίδης, poème lyrique : 1870

Η νυξ της 24 Μαρτίου 1821, poème épique de S. Carydis: 1851 Η παλινωδία μου, poésies lyriques: 1876

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H παρθένος της Κορδύλλης, drame de P. Triantaphyllidis: 1868 H πολιτευομένη, comédie: 1872

Η πρώτη λάμψις άστρου γεννωμένου, poésies lyriques (T. Ambélas?): 1867

H πτώσις του Βυζαντίου, drame de G. Zadès: 1870 Ηρακλής δούλος, tragi-comédie: 1871

Η Σαμία ηρωΐς, poème épique de S. Carydis: 1851 H Σοφία, poème épique: 1854

Ηστιχομανία, comédie: 1871 H φωνή της καρδιάς μου, poésies lyriques de D. Gr. Cambouroglou:

prix de 1873 Η Χιακή Ιερεμίας, poème épique de A. S. Caravas: 1855

Η Χρυσαλλίς, poésies lyriques: 1873 Η ωραία Ειρήνη και Μωάμεθ Β', drame: 1866 Θα καή; ή θα καύση; (Η πόλις των Αθηνών, Άννα και Φλώρος), poésies de

Th. Orphanidis: prix de 1855

Θάμνοι, poésies lyriques: 1871 Θάνος και Θίσβη, épopée: 1858 Θεοδοσία, drame: 1866 Θεοδώρα Κομνηνή. Δείγματα εικόνων, poème épico-lyrique: 1873 Θεόδωρος και Ελευθερία, tragédie: 1870 Θεονόη, tragédie: 1872 Θερμοπύλαι, poème épique de I.E. Yannopoulos: 1852 Θηβαΐς, tragédie: 1872 Θήβη, tragédie de Jean Pervanoglos: 1864 Θησεύς, poème épique de A. Provélenghios: accessit de 1870 Θρασύβουλος, ο ήρως του Δραγατσανίου, tragédie: 1871

Ία, poésies lyriques de Cléon Rangabé: 1865 Ιδιοτροπία, comédie: 1872 «Ιερομόναχος υπ' ανωτέρων αρχών...»: 1876

Ιεφθάε, tragédie de S. Mélissinos: 1856 Ιουλιανός ο Παραβάτης, drame de Cléon Rangabé: 1865 Ιούνιος Βρούτος, tragédie de Jean Phranghias: 1871 et 1875 (mention

honorable) Ιρις, recueil lyrique de D. Gr. Cambouroglou: 1876

Ιστορικαί ποιήσεις: 1856 Ιτέα, poésies lyriques: 1871

Ιωάννης ο Καταλάνος, tragédie de M. Coutouvalis: 1872

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Ιωάννης ο Τσιμισκής, poème épique: 1874 Ιωνία, poésies diverses: 1868

Κάλλιον θάνατος ή ατιμία, tragédie de N. Contopoulos: 1875 Κάρολος Αλβεργάϊμ, drame: 1859 Κατσαντώνης (accompagné de το Κάστρο της Ωρηάς), courte épopée de

C. Xénos: 1874 Κλέαρχος ο Λακεδαιμόνιος, drame: 1870 Κλεινίας και Μαρία, roman en vers: 1859 Κλεόβουλος και Αγγελική, poème épique de Α. Vlachos: 1857 Κλεισμένης, tragédie (C. Anghélopoulos?): 1875 (mention honorable) Κλεονίκη, poème épico-lyrique de Jean Carassoutsas: 1866 et 1867

(accessit) Κογχύλαι και χρώματα, poésies lyriques de T. Ambélas: 1869 Κόδρος, poème épique de G. Tizyinos: prix de 1874 Κόλακες, comédie: 1872 Κόρη κοτσάμπαση, comédie: 1872 Κόριννα και Πίνδαρος, poème de G. Tertsétis: 1853 (mention honora-

ble) Κοριολάνος, drame de Jean A. P. Mavromichalis: 1867 Κράμα χολής και μέλιτος, épopée: 1856 et 1857 Κρήτες και Βενετοί: voir Πέτρος Γανδαλόνης ο Κρης Κρητηις, épopée de Α. I. Antoniadis: accessit de 1867 Κρίσπος, tragédie de Α. I. Antoniadis: accessit de 1869 Κυπάρισσοι, poésies lyriques: 1871

Λακωνία και Ιβραΐμ Πασάς, poème épique: 1859 Λευκάνθεμα, poésies lyriques de Jean Cambouroglou: 1869 Λευκωσιάς, poème épique: 1866 Λέων Χαμάρετος, tragédie de T. Ambélas: 1871 Λουκάς Νοταράς, drame de S. N. Vassiliadis: 1869 Λυκαυγές, recueil lyrique de Ch. Anninos: 1870 Λυρικαί ποιήσεις, œuvre de A. Provélenghios: 1873 Λυρικαί ποιήσεις: 1876 Λυρικά ποιήματα: 1871 Λυρικά ποιήματα (G. Souris?): 1873 Λυρικά ποιήματα, œuvre de C. Xénos: 1876 Λυρική ποίησις: 1870

Μάγων, tragédie de C. Ch. Versis: accessit de 1869

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Μακεδόνες, tragédie: 1869 Μαραμένα δαφνόφυλλα, poésies lyriques: 1874 Μαρία Δοξαπατρή, drame de D. Vernardakis: accessit de 1857 Μάρκος Βότσαρης: 1868 Μαύροι Γρενάδας, tragédie: 1872 Μέθη - Ανία, poésies lyriques: 1873 Μελαγχολία, poésies lyriques: 1873 Μελέται κοινωνικαί, poésies lyriques: 1870 Μελωδήματα, ή λυρικών ποιημάτων ανθοδέσμη, œuvre de Α. Vlachos:

1857 Μέρωψ ο Αγιορίτης: 1868 Μεσολογγιάς, épopée de Α. Ι. Antoniadis: 1874 Μη ζώην μετ' αμουσίας (προς τον ποιητήν Λαμαρτίνον, Ποιητικής τέχνης

αποσπάσματα), poésies de Jean Carassoutsas: 1855 (accessit) et 1856

Μήκωνες, poésies lyriques: 1873 Μικρομέγας, comédie: 1872 Μισάνθρωπος, comédie: 1872 Μιχαήλ Κομνηνός Β', δεσπότης της Ηπείρου, drame de Α. Moraïtidis: 1872 Μοιρολόγια, poésies lyriques: 1871 Μονωδίαι, poésies lyriques: 1876 Μυρσίναι, poésies lyriques de T. Ambélas: 1876 Μυρσίνη και Φώτος, poème épique de S. Carydis: 1857 et 1859 Μύρτοι, poésies lyriques de Sp. Lambros: 1868 Μυστήριον: 1866 Μώμος ο Ελικώνιος, comédie de E. Stamatiadis: 1867

Ναπολέων Βοναπάρτης, ode: 1854 Νάρκισσος, poésies lyriques: 1871 Νάσος και Χρύσω, poème épique :1868 Νεανικά αθύρματα, poésies lyriques de P. Matarangas: 1856 Νεκράνθεμ a, poésies lyriques: 1873 Νεότητος άνθη, poésies lyriques: 1856 Νέρων, drame de T. Ambélas: 1870 Νέφη, poésies lyriques: 1868 Νικηφόρος Φωκάς, tragédie: 1872

Ο Άγνωστος (accompagné de Εγερτήριον), poème épico-lyrique de A. Paraschos: 1863 (accessit), 1864 et 1868

Ο Αδάμ και η Εύα, poème épique de A. Provélenghios: 1874

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Ο Άδωνις, drame: 1873 Ο Απατρις, poème épico-lyrique de Th. Orphanidis: prix de 1854 Ο άπληστος τοκογλύφος: 1875

Ο αποτυχών νυμφίος, comédie: 1870 Ο Αριστόδημος , ή ο εν Μεσσηνία πατριωτισμός, poème épique: 1857 Ο Αρίστων, poème épique: 1870 Ο Αρματωλός, poème épique de Gr. Stavridis: prix de 1860

Ο βασιλεύς Νίσος, drame de T. Ambélas: 1867 Ο Βερτόλδος (οικογενειάρχης), comédie de A. Phatséas: 1871 Ο Βερτόλδος (αστυνόμος Ασίνης), comédie de A. Phatséas: 1872 Ο γάμος της Ελένης: 1875

Ο Γεροδήμος, drame: 1875 Ο Γλαύκος και ή Κορώνα, poème épique: 1870

Ο γοργός ιέραξ, poème épico-lyrique de Α. R. Rangabé: accessit de 1871

Ο Γούρας, poème épique de Cimon I. Svoronos: 1853 Ο Δερβίσης: 1860 Ο δι' απάτης γάμος, comédie de D. Ioannidis: 1871 Ο εκπατρισμός. Η ναυμαχία του Αρκαδίου: 1869 Ο Έλλην εραστής, tragédie: 1854 Ο Έλλην της Ίδης, épopée de Myron Nicolaïdis: accessit de 1856 Ο Έλλην της Κορίνθου, poème épique: 1860 Ο Έλλην της Πίνδου, poème épique: 1854

Ο έμπορος ποιητής, poème d'Emmanuel: 1857 et 1860 Ο εξόριστος διάβολος, poème satirique de D. Gr. Cambouroglou: 1874 Ο εραστής της γάστρας, comédie de Α. Iliadis: prix de 1872 Ο θάνατος του Μεγάλου Βασιλείου, poème épico-lyrique: 1866 Ο Θεάνθρωπος Σωτήρ, poème épique (Ν. Contopoulos?): 1874 Ο Θ. Κολοκοτρώνης ,ή δ ελληνικός αγών του 1821, poème épique: 1860 Ο θρίαμβος του ποιητικού διαγωνισμού κατά το έτος 1858, comédie de G.

Tertsétis: 1858 Οι Γάμοι Πηλέως και Θέτιδος, poème épique: 1857 Οι Γάμοι του Μεγάλου Αλεξάνδρου, poème de G. Tertsétis: 1856 Οι δύο δικηγόροι, comédie: 1871 Οι εργολάβοι των Αθηνών, comédie: 1872 Οι Κλέπται, mélodrame de A.S. Rallis: 1860 Οι κρεμαστοί Άργολάβοι, ή Η επανάστασις των γερόντων, comédie: 1868 Οι Κυψελίδαι, tragédie de D. Vernardakis: 1859 (accessit) et 1860 Οι Μάγοι, tragédie: 1870 Οι μνηστήρες, comédie de P. Zanos: 1870

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οινώνη, tragédie: 1865 Οι πειραταί, poème épique: 1874 Οι Πεισιστρατίδαι: 1875 Οι πλανήται, poème de P. I. Panacos: 1864 Οι πολιτικοί'. 1872 (= Ο πρωθυπουργός Σκουντούφλης: accessit de 1875),

comédie de C. Th. Lambadarios. Οι προικοθήραι: 1875 Οι πρωτόπλαστοι, drame: 1875 Οι στίχοι των μελών του σώματος: 1855

Οι τάφοι της Αργολίδος, ή Ύμνος εις την Ελευθερίαν, poème de Sp. Mala-kis: 1863

Οι τρεις τάφοι, drame de S. Carydis: 1870 Οι φυγάδες της Τραπεζούντος, tragédie de P. Triantaphyllidis: 1853 et

1868 Ο Καραλής, tragédie: 1856

Ο Κατσαντώνης, épopée de Α. I. Antoniadis: accessit de 1871 Ο κόμης Ρεπανάκης, comédie: 1872

Ο λαγουτιέρης. Τραγούδια της αγάπης, poésies lyriques: 1876 Ο Λάμπρος, poème épique de D. I. Lacon: 1855

Όλγα, poème épico-lyrique: 1866 Ο ληστής, poème épique: 1869 Ο λοχαγός της Εθνοφυλακής, comédie de A. Vlachos: prix de 1868 Ο λυρωδός, poème lyrique: 1876 Ο μαθητής της φύσεως: 1869 Ο μελαγχολικός κυνηγός: 1869 Ο μετά Χριστόν Έλλην (avec Ύμνος εις τον Θεόν), poème de Α. Κ.Yan-

nopoulos: 1868 Ο Μισάνθρωπος: 1875

Όνειρα, poésies lyriques: 1876 Όνυχες, poème épico-lyrique de S. Carydis: accessit de 1863

Ο οίκος του Μεγάλου Βασιλέως: 1875 Ο πατριάρχης Γρηγόρως, poème de Α. Catacouzinos: 1863

Ο Παυσανίας, tragédies de Jean Margaritis: 1875 (mention honorable) Ο Περίδρομος, poème comique de D. Vernardakis: 1855 Ο Πλάνης, roman en vers de D. Vernardakis: 1855 Ο πλουτήσας σκυτοτόμος, comédie de Α. I. Antoniadis: prix de 1869 Ο προορισμός της Ελλάδος, poème lyrique: 1876 Ο προσήλυτος, comédie de P. Zanos: 1868 Ο πρωθυπουργός Σκουντούφλης; voir Οι πολιτικοί Ο πρώτος άνθρωπος, poème épico-lyrique: 1865

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Ο Πύργος της Βορδώνης, poème épique: 1860 Ο ραψωδός, poème épique: 1857

Ορέστης, tragédie: 1871 Ορέων άνθη, poésies de S. C.: 1855 Ορφεύς, recueil lyrique: 1866 Ορφεύς, poème épico-lyrique de D. Paparrigopoulos: accessit de 1868

Ο συρμός, poème satirique: 1857 Ο τελευταίος Γατελούζος, drame: 1870 Ο τελευταίος κόμης των Σαλώνων, drame de Sp. Lambros: accessit

de 1870 Ό,τι κανείς φοβείται ή εκ ψυχής επιθυμεί αυτό και ενθυμείται, tragédie: 1852

Ο τοκογλύφος ψηφοθήρας, comédie de Α. I. Antoniadis: 1875 Ο Φλέσας: 1855 Ο χορός της κυρίας Ριπαπή, œuvre satirique de G. Souris: 1876 Ο υιός της πτωχής: 1860 Ο υιός του δημίου, épopée de Α. Catacouzinos: accessit de 1856 Ο υιός του Κροίσου, drame: 1875 Ουσία: 1863

Ο φιλελεύθερος, poème lyrique: 1873 Ο φιλογενής Φούσκας, poème satirique: 1874 Ο φλύαρος, comédie de S. Carydis: accessit de 1869

Ο ψευδευγενής, comédie: 1871

Παιάνες·. 1869 Παλμοί, recueil lyrique: 1876 Παλμοί και στόνοι, poésies lyriques de E. Stratoudakis: 1873 Πατρίς και έρως, épopée: 1856 Πατρίς - Νεότης, recueil lyrique de Jean Cambouroglou: accessit de 1873 Πάτροκλος, tragédie: 1854 Παυσανίας ô Λακεδαιμόνιος, tragédie de Α. I. Antoniadis: accessit de

1875 Περίλυπός εστιν η ψυχή μου μέχρι θανάτου, poésies lyriques de Cléon

Rangabé: 1862 Περί Παιδαγωγίας, poème didactique: 1858 Πέτρος Γανδαλόνης ο Κρης: accessit de 1871 (=Κρήτες και Βενετοί: ac-

cessit de 1872), drame de T. Ambélas. Πέτρος ο Συγκλητικός, drame de Th. Théocharidis: accessit de 1875 Πίστις, πατρίς, έρως: 1865 (= H δύσερως ορφανή: 1866), poème épico-

lyrique. Ποιημάτια, recueil lyrique de A. Vyzantios: 1860

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Ποιήσεις, poésies lyriques de Jean Cambouroglou: 1868 Ποιητού βάσανα , comédie: 1871 Ποικίλα , poésies lyriques: 1867 Ποικίλα , poésies lyriques: 1873 Πολιτικοί και πατριωτικοί μελέται, œuvre de Jean Carassoutsas: accessit

de 1859 Πομφόλυγες, poésies lyriques: 1873 Προοίμιον της τυραννίας του Αλή-πασα, drame: 1875 Πρόχειρα , poésies lyriques: 1871 Πτερά , poésies lyriques: 1876 Πτερυγίσματα, poésies lyriques de Sp. Lambros: 1869 Πυγμαλίων (accompagné de Έρως και Νυξ, H προσευχή, ο Λίνος),

poème de D. Paparrigopoulos: accessit de 1869

Ραδιουργίας θύματα, drame: 1859: Ρεμόνδος, drame: 1870 Ροδοδάφναι, poésies lyriques: 1871

Σάλπιγξ της Αθηνάς προς τους εν Τουρκία Έλληνας, poème didactique: 1858

Σαμψών και Δαλιδά, tragédie de C. Ch. Versis: prix de 1875 Σαπφώ και Φάων, poème épico-lyrique de Jean Cambouroglou: 1865 Σαρικοφόρος, comédie: 1867 Σατυρικά: 1873 Σεμέλη, tragédie: 1872 Σκενδέρμπεης, épopée de Gr. Stavridis: 1862 Σκιαί, poésies lyriques de Sp. Lambros: 1867 Σκιρτήματα, poésies lyriques de E. Stratoudakis: 1876 Σουλίου πτώσις, poème épique: 1855 Σοφία , poème épico-lyrique: 1865 Σπινθήρες, poésies lyriques: 1871 Σπινθήρες γενναιοφροσύνης, poésies lyriques: 1876 Σταγόνες, poésies lyriques (T. Ambélas?): 1869 Σταγόνες, poésies lyriques: 1876 Στάτειρα, drame: 1875 Στάχυς, recueil lyrique: 1859 Στιγμαί σχολής, poésies lyriques: 1876 Στιχοδέσμη, poésies lyriques: 1868 Στίχοι, recueil lyrique de A. Vlachos: accessit de 1865

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Στόνοι, poésies lyriques de Ph. Harold Euclide (= Ph. A. Iconomidis): 1865

Στόνοι , poésies lyriques de D. Paparrigopoulos: prix de 1866 Στράτις Καλοπίχειρος, poème de S. Coumanoudis: accessit de 1851 Συ και εγώ, recueil lyrique: 1876 Συλλογή ποιηματίων, œuvre de S. Coumanoudis: 1855 Σχέδιον τραγικού δράματος: 1859

Σωκράτης και Αριστοφάνης, poème épique de Α. Vyzantios: prix de 1862

Τα βουκολικά της Βοσκίνης, idylle: 1870 Τα δάκρυα του Φίλωνος, recueil lyrique de Cl. I. Papazoglou: 1866 Τα εμά, ήτοι οι στίχοι μου, poésies lyriques: 1873

T α καθ' Ηρώ και Λέανδρον, poème épique: 1874 T α κύκνεια άσματά μου, poésies lyriques: 1870 T α πρώτα μου ψελλίσματα, poésies lyriques: 1873 T α σπλάγχνα του Βύρωνος, poème de Α. Κ. Yannopoulos: 1853

Τα τέκνα του Αναγνωστοπούλου: 1875 Τα τέκνα του Δοξαπατρή, drame de S. Carydis: accessit de 1868

T α τέκνα του Μαξιμίνου, tragédie: 1869 T α τραγούδια μου, recueil lyrique de G. Souris: 1876 Τερετίσματα, poésies lyriques: 1871 Τιμολέων, tragédie: 1871 Τίρι-λίρι, ή το κυνηγέσιον εν τη νήσω Σύρω, poème satirique de Th.

Orphanidis: 1857 et 1858' Τίτος και Όθων, roman en vers de A. Vlachos: 1858 T ο ανατολικόν πνεύμα, poème de A. K. Yannopoulos: 1852 T ο Αρκάδιον, courte épopée: 1871 Τοκογλύφος, comédie: 1871 T ο μέλλον της Ελλάδος, poème de G. Skokos: 1852

Το Μεσολόγγιον, poème de G. Zalocostas: prix de 1851 Το μήλον της Έριδος, parodie: 1871

Το μήλον της Έριδος, poème épico-lyrique de Α. Provélenghios: accessit de 1871

Το όνειρον, poème épico-lyrique: 1874 Το όνειρον του Α.Σ. Ράλλη, poème de S. Carydis: 1851 Το όνειρον του βασιλέως κατά τον Σεπτέμβριον του 1853, poème de G. Ter-

tsétis: 1854 Το όνειρον, ήτοι ή σκιά του Κωνσταντίνου του Παλαιολόγου, poème épi-

que: 1860 T ο παρελθόν, το παρόν και το μέλλον: 1874

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Το Σούλι, poème épique (A. Catacouzinos?): 1853 et 1871 Το Στόμιον της Πρεβέζης, poème épique de G. Zalocostas: accessit de

1852 Το τελευταίον κακούργημα: 1852 Του Διαβόλου ή κάλτσα, comédie: 1871 Το φρόνημα των πρώτων Χριστιανών: voir Χριστιανή Ευγενία Τραγούδια, poésies lyriques: 1876 Τριάς (Ο εθελοντής της Κρήτης, Η νυξ της εκδικήσεως, Η Μονή του

Αρκαδίου): 1869 Τρικυμία, poésies lyriques: 1876

Ύμνοι: 1873 Ύμνος τη ελευθερωθείση Ελλάδι: 1852 Ύμνος εις τον Ελληνικόν Αγώνα: 1861

Φαέθων, poème épico-lyrique de Jean Cambouroglou: accessit de 1871 Φαντασία και καρδία, poésies lyriques de P. Matarangas: accessit de 1871 Φειδίας και Περικλής, poème de A. Vlachos: accessit de 1863 Φθόγγοι, poésies lyriques: 1868 Φιλία, drame: 1873 Φιλία και έρως: 1875 Φίλιππος ο Μακεδών, drame de Α. I. Antoniadis: prix de 1865 Φιλόμηλος, tragédie: 1871 Φλώρος: 1856 Φλώρος και Ελένη, poème épique: 1866 et 1868 Φραντζέσκα ντα Ρίμινι: 1875 Φύλλα, poésies lyriques (Ν. Chatziscos?): 1873 Φύλλα, poésies lyriques de C. Xénos: 1873

Χαμαίμηλα, poésies lyriques: 1871 Χελιδόνες, poésies lyriques de D. Paparrigopoulos: accessit de 1867 Χίος δούλη, poème épique de Th. Orphanidis: 1857 (accessit) et 1858

(prix) Χριστιανή Ευγενία: 1860 (= το φρόνημα των πρώτων Χριστιανών: prix de

1870), drame de A. I. Antoniadis. Χρώματα, poésies lyriques: 1873

Ψυχαί, poésies lyriques: 1876

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Ωδή εις την αναγραφήν του Σίμωνος Σίνα ως πολίτου Έλληνος: 1859 Ώραι σχολής (Ο ποιητής, Η πέρδικα, Ο Φώτος και η Φρόσω),œuvre de G.

Zalocostas: 1854 Ώραι σχολής: 1868 Ώραι σχολής, poésies lyriques: 1876

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ANNEXE II

P O È T E S AYANT P A R T I C I P É A U X CONCOURS

Nous présentons ci-dessous un inventaire de tous les poètes qui nous sont con-nus, sans omet t re ceux dont les œuvres n 'on t pas été jugées par les jurys universi-taires.

AMBÉLAS, TIMOLÉON

Ο βασιλεύς Νίσος: 1867 Η πρώτη λάμψις άστρου γεννωμένου (?): 1867

Αβδηριάς: 1869 Κογχύλαι και χρώματα: 1869 Σταγόνες ( ? ) : 1869 Βιργινία ή Ρωμαία: 1870 Έβρος ο Θραξ: 1870 Νέρων: 1870 Λέων Χαμάρετος: 1871 Πέτρος Γανδαλόνης ο Κρης (= Κρήτες και Βενετοί): 1871 (accessit)

et 1872 Μυρσίναι: 1876

ANDRIKÉVITS, MARIUS

Η Νεδέλκα : 1874

ANNINOS, CH.

Λυκαυγές: 1870 Ανατολή: 1873

ANTONIADIS, Α. I.

Χριστιανή Ευγενία (= Το φρόνημα των πρώτων Χριστιανών): 1860 et 1870 (prix)

Φίλιππος ο Μακεδών: 1865 (prix) Κρητηΐς: 1867 (accessit) Έλλην Γενίτσαρος: 1868 Κρίσπος: 1869 (accessit)

Ο πλουτήσας σκυτοτόμος: 1869 (prix)

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Ο Κατσαντώνης: 1871 (accessit) Άγις ο Ευδαμίδα: 1872 (prix) Μεσολογγιάς: 1874 Η άπιστος: 1875 (prix) Η κατάρα της μάννας: 1875

Ο τοκογλύφος ψηφοθήρας: 1875 Παυσανίας ο Λακεδαιμόνιος: 1875 (accessit) Αμβρόσιος ο Μεδιολάνων: 1877 Η Μάννα του Γενιτσάρου: 1877 (prix)

CAMBOUROGLOU, D. GR.

Ευσυνειδησία και ασυνειδησία: 1872 Η φωνή της καρδιάς μου: 1873 (prix)

Ο εξόριστος διάβολος: 1874 Αριστίων ο Φιλελεύθερος: 1875 Ίρις: 1876

CAMBOUROGLOU, JEAN

Σαπφώ και Φάων: 1865 Ποιήσεις: 1868 Λευκάνθεμα: 1869

Ανεμώνη: 1870 Η Ακρόπολις: 1870 Φαέθων: 1871 (accessit) Πατρίς - Νεότης: 1873 (accessit)

CARASSOUTSAS, JEAN

Μη ζώην μετ' αμουσίας: 1855 (accessit) et 1856 Πολιτικαί και πατριωτικαί μελέται: 1859 (accessit) Κλεονίκη: 1866 et 1867 (accessit)

CARAVAS, Α. S.

Η Χιακή Ιερεμιάς: 1855

CARYDIS, SOPHOCLE

Η νυξ της 24 Μαρτίου 1821: 1851 Η Σαμία ηρωΐς: 1851

Το όνειρον του Α.Σ. Ράλλη: 1851 Μυρσίνη και Φώτος: 1857 et 1859

Όνυχες: 1863 (accessit)

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Τα τέκνα του Δοξαπατρή: 1868 (accessit) Ο φλύαρος: 1869 Οι τρεις τάφοι: 1870

CATACOUZINOS, ALEXANDRE

Ο υιός του δημίου: 1856 (accessit) Η θυγάτηρ του Τειρεσίου: 1857

Το Σούλι (?): 1859 et 1871 Ο πατριάρχης Γρηγόριος: 1863

Ερωτικόν χαρτοφυλάκιον: 1876

CHATZISCOS, NICOLAS

Φύλλα (?): 1873 : 1876

CONTOPOULOS, Ν.

Ο Θεάνθρωπος Σωτήρ (?): 1874 Κάλλιον θάνατος ή ατιμία: 1875

COUMANOUDIS, ST.

Στράτις Καλοπίχειρος: 1851 (accessit) Συλλογή ποιηματίων: 1855

COUTOUVALIS, MARINOS

Ιωάννης ο Καταλάνος: 1872

DIAMANTOPO ULOS, Α.

Γρηγόριος 0 Ε': 1872

EMMANUEL

Ο έμπορος ποιητής: 1857 et 1860

EUCLIDE, PH. Η. (=ICONOMIDIS, PH. Α.)

Δύσελπις - Εύελπις, ή ο άγνωστος ποιητής: 1862 et 1865 Στόνοι: 1865

HIÉROCLIS, Ν.

Αγρυπνίαι: 1873

ICONOMIDIS, PH. Λ.: VOIR EUCLIDE, PH. Η.

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ILIADIS, ACHILLE

Ο εραστής της γάστρας: 1872 (prix)

ILIOPOULOS, TIMOLÉON

: 1873

IOANNIDIS, D.

Ο δι' απάτης γάμος: 1871

LACON, D.I.

Ο Λάμπρος: 1855

LAMBADARIOS, C. TH.

Οι πολιτικοί (=ο πρωθυπουργός Σκουντούφλης): 1872 et 1875 (accessit).

LAMBROS, SP. P.

Σκιαί: 1867 Μύρτοι: 1868 Πτερυγίσματα: 1869

Ο τελευταίος κόμης των Σαλώνων: 1870 (accessit)

MALAKIS, SP.

Οι τάφοι της Αργολίδος, ή Ύμνος εις την Ελευθερίαν: 1863

MARGARITIS, JEAN

Η εκπολιορκηθείσα Κωνσταντινούπολις: 1871 Ο Παυσανίας: 1875 (mention honorable)

MATARANGAS, P.

Νεανικά αθύρματα: 1856 Εμπνεύσεις: 1860 et 1870 Φαντασία και καρδία: 1871 (accessit)

MAVROMICHALIS, JEAN Α.p.

Κοριολάνος: 1867

MAVROYANNIS, G.

Ευφροσύνη: 1852 (accessit) Ανάμικτα: 1857

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MELISSINOS, SP.

Ιεφθάε: 1856 Ελλάς και Ορθοδοξία: 1857

MORAÏTIDIS, ALEXANDRE

Μιχαήλ Κομνηνός Β', δεσπότης της Ηπείρου: 1872

NICOLAIDIS, MYRON

Ο Έλλην της Ίδης: 1856

ORPHANIDIS, THÉODORE

Ο Άπατρις: 1854 (prix) Θα καή; ή θα καύση; : 1855 (prix)

Τίρι-λίρι, ή Tο κυνηγέσιον εν τη νήσω Σύρω: 1857 et 1858 Χίος δούλη: 1857 (accessit) et 1858 (prix) Άγιος Μηνάς: 1860

PALAMAS, COSTIS

Ερώτων έπη: 1876

PANACOS, P.I.

Αγις αγχόμενος: 1862 Οι πλανήται: 1864

PAPADIAMANTOPOULOS, JEAN

: 1873

PAPARRIGOPOULOS, D.

Στόνοι: 1866 (prix) Χελιδόνες: 1867 (accessit)

Ορφεύς: 1868 (accessit) Πυγμαλίων: 1869 (accessit)

PAPAZOGLOU, CLÉANTHE

Τα δάκρυα του Φίλωνος: 1866

PAPOULIAS, CHARITON

Δάκρυα: 1873 (prix)

PARASCHOS, ACHILLE

Ο Άγνωστος : 1863 (accessit), 1864 et 1868 H Λυδία, Πόθος, Εις ποταμόν: 1865 Αλφρέδος: 1869

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PERVANOGLOS, JEAN

Θήβη: 1864

PHATSÉAS, ANTOINE

Αι ευχαί της Πρωτοχρονιάς του έτους 1870: 1870 Ο Βερτόλδος (οικογενειάρχης): 1871

Ο Βερτόλδος (αστυνόμος Ασίνης): 1872

PHRANGHIAS, JEAN

Ιούνιος Βρούτος: 1871 et 1875 (mention honorable)

POP, CONSTANTIN

Εύχαρις, ήτοι ο αγών του 1854: 1857

PROVELENGHIOS, ARISTOMÈNE

Θησεύς: 1870 (accessit) Το μήλον της Έριδος: 1871 (accessit)

Λυρικαί ποιήσεις: 1873 Ο Αδάμ και η Εύα: 1874

RALLIS, AMBROISE S.

Oι Κλέπται: 1860

RANGABÉ, ALEXANDRE RIZOS

Ελευθερωμένη Ιερουσαλήμ (traduction du Tasse): 1857 Ο γοργός ιέραξ: 1871 (accessit)

RANGABÉ, CLÉON

Περίλυπός εστιν η ψυχή μου μέχρι θανάτου: 1862 Ία: 1865 Ιουλιανός ο Παραβάτης: 1865

SAMARTZIDIS, CHRISTOPHE

Γκιουλνάρ : 1868

SKOKOS, CONSTANTIN

Ακτίνες και μύρα: 1876 (accessit)

SKOKOS, GEORGES

Το μέλλον της Ελλάδος: 1852

SOURIS, GEORGES

Λυρικά ποιήματα (?): 1873

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Ο χορός της κυρίας Ριπαπή: 1876 τα τραγούδια μου: 1876

STAMATIADIS, EPAMINONDAS

Μώμος ο Ελικώνιος: 1867

STAVRIDIS, GRÉGOIRE

Ο Αρματωλός: 1860 (prix) Σκενδέρμπεης: 1862

STRATOUDAKIS, EMMANUEL

Παλμοί και στόνοι: 1873 Σκιρτήματα: 1876

SVORONOS, CIMON

Ο Γούρας: 1863

TERTSÉTIS, GEORGES

Κόριννα και Πίνδαρος: 1853 (mention honorable) Η 25 Ιανουαρίου 1853: 1854

Το όνειρον του βασιλέως κατά τον Σεπτέμβριον του 1853: 1854 Οι Γάμοι του Μεγάλου Αλεξάνδρου: 1856

Ο θρίαμβος του ποιητικού διαγωνισμού κατά το έτος 1858: 1858 Η Κόρη του Σεΐχ-ουλ-Ισλάμη: 1874

THÉOCHARIDIS, ΤΗ.

Πέτρος ο Συγκλητικός: 1875 (accessit)

TRIANTAPHYLLIDIS, PÉRICLÈS

Οι φυγάδες της Τραπεζούντας: 1853 et 1868 Η παρθένος της Κορδύλλης: 1868

VASSILIADIS, SPYRIDION Ν.

Εικόνες: 1865 Λουκάς Νοταράς: 1869

Έπεα πτερόεντα: 1873 (accessit)

VERNARDAKIS, D. Ν.

Γραομυομαχία: 1854 Ο Περίδρομος: 1855 Ο Πλάνης: 1855

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Εικασία: 1856 (prix) Μαρία Δοξαπατρή: 1857 (accessit)

Οι Κυψελίδαι: 1859 (accessit) et 1860

VERSIS, C. CH.

Μάγων: 1869 (accessit) Αννίβας εν Γόρτυνι: 1870 (prix) Σαμψών και Δαλιδά: 1875 (prix)

VIKÉLAS, D.

Αι αναμνήσεις της Πριγκήπου: 1857

VIZYINOS, GEORGES

Κόδρος: 1874 (prix) Διαμάντω: 1875

Άραις, Μάραις, Κουκουνάραις (=Βοσπορίδες αύραι): 1876 (prix) Αι Εσπερίδες: 1877 (accessit)

VLACHOS, ANGE

Κλεόβουλος και Αγγελική: 1857 Μελωδήματα, ή λυρικών ποιημάτων ανθοδέσμη: 1857 Τίτος και Όθων: 1858 Φειδίας και Περικλής: 1863 (accessit) Στίχοι: 1865 (accessit) Αντίνοος: 1866

Εκ των ένόντων: 1866 (prix) Ο λοχαγός της Εθνοφυλακής: 1868 (prix)

VYZANTIOS, ALEXANDRE

Ποιημάτια: 1860 Σωκράτης και Αριστοφάνης: 1862 (prix)

Έρως Σουλτάνας: 1864

XÉNOS, CONSTANTIN

Φύλλα: 1873 Κατσαντώνης, το Κάστρο της Ωρηάς: 1874 Λυρικά ποιήματα: 1876

YANNOPOULOS, ANASTASE Κ.

Tο ανατολικόν πνεύμα: 1852

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Τα σπλάγχνα του Βύρωνος: 1853 Ο μετά Χριστόν Έλλην, Ύμνος εις τον Θεόν: 1868

YANNOPOULOS, I.E.

Θερμοπύλαι, 1852

ZADÈS, GEORGES

Η πτώσις του Βυζαντίου: 1870

ZALOCOSTAS, EUGÈNE

: 1873 ZALOCOSTAS, GEORGES

Tο Μεσολόγγιον: 1851 (prix) Tο Στόμιον της Πρεβέζης: 1852 (accessit)

Αρματολοί και Κλέπται: 1853 (prix) Ώραι σχολής: 1854

Αι αναμνήσεις: 1855

ZANOS, PANAYOTIS

Ο προσήλυτος: 1868 Οι μνηστήρες: 1870

ZAVITSANOS, SP.

Γρηγόριος Πέμπτος: 1868

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INDEX

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Cet index ne comporte pas les noms et les t i tres d'oeuvres recensés dans la Bibliographie.

Abou t (E.) 11, 12, 26, 131, 358 Achaïe 20 Acropole (d'Athènes) 75 Acropole d'Athènes (L') 276 Afxentiadis (A.) 233 Agras (T.) 346 Albertini Guillevic et Lucie 152 Alcée 311 Alexandre le Grand 109, 110, 245 Alfieri (V.) 251, 278 Ali-pacha (de Jannina) 140 Allemagne 21, 51, 161, 189, 204, 231,

347, 348, 353, 354, 357, 358, 360, 361, 365

Al tho tas voir Assopios (I.) Ambélas (T.) 62, 230, 234, 239, 243,

259, 260, 264, 266, 273, 278, 279, 281, 290, 294, 305, 306, 319, 332, 337, 345

Amélie (reine) 11, 25 ,140 Amérique 226

Anacréon 219, 232, 311, 313, 315, 317, 346, 347, 349, (350), 351

Anagnostakis (A.) 49, 50, 367 Andrikévits (M.) 325, 327 Anghélopoulos (C.) 336 Angleterre 20, 21, 137, 161, 289 Animaux parlants (Les) 201 Anninos (Ch.) 56, 185, 205, 219, 229,

241, 244, 275, 276, 307, 310, 315, 318, 319, 320, 323

Anninos (E.) 260 Antigone (de Sophocle) 175, 280 Ant iqui té 23, 25, 26, 40, 56, 74, 75,

104, 106, 116, 143, 146, 147, 163, 167, 168, 178, 183, 188, 203, 210, 228, 229, 233, 239, 243, 248-250, 255, 251, 263, 266-270, 284, 289, 294, 311-313, 329, 338, 339, 357, 371-373,375

Antoniadis (Α. I.) 62, 175, 210, 211,

214, 235, 236, 239, 242, 243, 249, 260-262, 264, 265, 280, 281, 283, 293, 294, 305, 325, 327, 333-339, 353, 354, 360

Aphentoulis (Th.) 26, 49, 51, 54, 61, 62, 202, 234, 241-247, 250, 257, 265, 272, 283, 301, 302, 306, 307, 321, 326, 327, 332-334, 336-340, 352-354, 358,370

Apostolidis (Missaïl) 36, 61, 70 archaïsme 16, 68, 87, 91, 92, 97, 122,

148, 163, 171, 188, 189, 208-210, 212-214, 217, 229, 244, 245, 249, 255, 283, 292, 309, 312-314, 325, 338, 353, 354, 367, 371

Arghyropoulos (P.) 36, 38, 61, 82, 89, 115, 224

Argolide 186 Argos 201 Arion 233 Aris tarque 333 Aris tophane 71, 188, 254, 255, 289, 303, 340 Aristote 112, 124, 137, 139, 159, 243,

323, 333, 338, 357, 358, 360 ar t dramat ique: voir théâ t re Arvani t i s (C.) 325 Assopios (C.) 22, 27, 38-41, 58, 61, 86-

8 8 , 1 0 6 , 1 1 4 , 1 1 7 , 1 2 3 , 1 2 4 , 1 2 6 , 1 2 7 , 135, 136, 147, 163, 171, 172, 174, 177, 196, 198, 284, 286, 300, 309, 358-360, 365, 367, 368, 371, 372, 374

Assopios (I.) 189, 204, 215, 355 Ata la 182 Auguste 71 Autr iche 20, 32, 33, 137 Avlichos (G.) 334

Bacchantes (Les) 249 Balkans 176, 356

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Barthas (I.) 233 Barthélémy (A.) 13, 106 Baudelaire (Ch.) 206, 360 Bavière 20 Bélisaire (opéra) 25 Belle Grèce (La, café athénien) 320 Béranger (P. J.) 13, 106, 107, 137, 138,

141,231 Berlin 187, 274, 316, 363 Bertoldo 288 Beulé (E.) 188 Bible 212

•Boileau 130, 254, 323, 357 Bompaire (P.) 9 Boucoura (théâtre de) 170, (239), (253) Braïla 262, 281 Brizeux (A.) 361 Bruns 274 Büchner (L.) 358 Bulgarie 152-154, 156-158, 175 Burke (E.) 360 Byron (lord) 13, 26, 103,106, 144,151,

159, 160, 181-183, 188, 195, 246, 261, 337

byronisme 92, 95, 98, 99,102,106,107, (115), 130, 144, 148, 151, 154, 159, 163, 164, 183, 184, 189, 191, 221, 244, 261, 282, (308), 313, 356, 359, 368

Byzance 16, 20, 25, 104, 114, 169, 210, 219, 243, 247, 248, 261, 262, 268, 279, (280), 284, 289, 295, 371 voir aussi Moyen Age

Caïris (Th.) 67 Calligas (P.) 61, 272, 281 Calosgouros (G.) 172 Calvos (A.) 145 Cambouroglou (D. Gr.) 27, 56, 207,

225, 281, 303, 307, 311, 312, 315-320, 323, 325, 326, 335, 344, 346, 348, 349, 351, 352, 375

Cambouroglou (J.) 103, 208, 209, 241, 248, 259, 275, 276, 281, 292, 294, 313, 316, 318, 319, 330, 332, 353, 376

Canaris (C.) 11, 158, 180, 181, 284 Canellos (St.) 213 Canini (A.) 75

Capodistria (J.) 90, 91, 289 Capsoképhalos (le zantiote) 233 Caraosmanoglou 32 Carassoutsas (J.) 68, 72, 100. 108, 138,

141, 142, 197, 216, 229, 230, 233, 235, 237, 320, 331, 333, 364

Caravas (A.S.) 96 Carrière (E.) 357 Carydis (S.) 47, 55, 74, 75, 120, 139,

186, 198, 199, 211, 222, 233, 239, 242, 251, 252, 256, 264-266, 271, 273

Casti (J.) 201 Castorchis (E.) 39, 41, 61, 69, 72, 82,

103, 104, 107, 108, 110-114, 126, 127, 135, 136, 147, 149, 195, 196, 283, 284, 295, 296, 299, 301, 307, 309, 318, 321, 323, 359, 365, 370, 371

Catacouzinos (A.) 112, 118, 140, 185, 346

Catsonis (L.) 98 Cazazis (N.) 137, 254, 258, 268, 283,

319 Céphalonie 43, 44, 173, 186, 260, 275,

312, 334, 362 chants clephtiques: voir chants popu-

laires Chants Cypriens 292 chants populaires 12, 13, 22, 23, 72,

77, 82, 83, 90, 99,116,121,146,147, 163, 171-174, 176, 181, 208, 242, 244, 246, 255, 263, 267-269, 284, 294, 299, 328, 336, 337, 345, 349, 354, 359, 371, 373, 375

Chassiotis (G.) 330 Chateaubriand (F.R. de) 11, 137, 182 Chatziscos (N.) 311,319,351 Chénier (A.) 72 Childe Harold 182 Chio 31-33, 95, 96, 117, 131, 158 Christopoulos (A.) 81, 88,145,148,181,

270, 315, 317, 322, 323, 347, 349-351, 359

Chronique de Morée 121 Chryssoverghis (G.) 22 Chypre 338 Cinna 85 classicisme 99, 102, 105, 114, 117, 124,

125, 127, 139, 144, 145, 148, 150,

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159, 163, 164,167-172,184,187-189, 191, 201, 210, 211, 217, 247, 255, 256, 266, 276, 279, 282, 286, 291, 298, 300, 307, 309, 313, 318, 323, 328-330, 356, 358, 365-368, 371, 372, 375; voir aussi néo-classicisme

Cléanthis (St.) 33 Cléonice 229 Cokkinakis (C.) 213, 270

Cokkinos (E.) 61, 340, 352 Cokkos (D.) 368, 373 Colet (Louise) 276, 277 Colettis (J.) 15, 16, 19, 20 comédie: voir poésie dramatique Conéménos (N.) 299 conflits linguistiques 16, 22, 87, 88,

107; voir aussi langue (question de la)

Conomos (D.) 86

Constantin (le Grand) 18, 261, 262 Constantin (prince héritier) 18 Constantinople 11, 20, 26, 31, 32, 50,

51, 136, 149, 229, 262, 329 Constas (C. S.) 339 Contogonis (C.) 61, 95,110 Contopoulos (N.) 327, 335 Contopoulos (P.) 233 Contos (C.) 212, 367 Coray (A.) 37, 39, 86, 87,145, 213, 365,

371 Corfou 54, 120, 143 Corinne 83 Corneille (P.) 85 Coromilas (D.) 287 Costis (C. N.) 161, 215 Costis (N.) 61, 89, 93 Coumanoudis (St.) 16, 38, 39, 58, 60-

62, 68, 71-73, 76, 80, 82, 89, 92, 95, 99, 102, 106, 107, 114-120, 122-128, 131,132,135, 136,139,146-148, 158 163, 169, 171, 172, 174, 183, 184, 197,198, 202, 215-218, 222-224, 226, 228, 234, 239, 241, 242, 252, 257, 266, 283, 284, 307, 309, 359, 365, 370-372, 374

Coumas (C.) 185 Coumoundouros (A.) 215 Coutelle (L.) 9

Coutouvalis (M.) 304 Crète 210, 235, 236; (révolution) 18,

43,148, 167, 225, 226, 229, 233, 240, 242, 252; (256), 267, 268, (270), 278, 297, 375

Crimée (guerre de) 18, 20-22, 67, 81, 107, 163

Croce (G.C.): 288 Cromwell 125, 139

Dante 90, 109, 332 Darios 245 De Biazi (Sp.) 111, 149, 205, 209, 276,

355, 362 Délighiorghis (E.) 296 Deux Foseari (Les) 337 Diamantopoulos (A.) 304 Diderot (D.) 360 Dieux exilés (Les) 187 Dilessi 270 Dimaras (C. Th.) 9, 15, 17, 18, 131,.

286, 313, 363 Don Quichotte 213 Dragoumis (N.) 16, 156, 158, 161 drame romantique: voir poésie drama-

tique Drossinis (G.) 348 Du Camp (M.) 11, 12, 25 Dumas (A.) 124, 189, 320 Duvray (M.) voir Vrétos (M.P.)

école ionienne 75, 94, 129, 145, 163, 164, 173, 299, 309, 312, 319, 328, 364, 365, 367, 371, 374, 375; voir aussi Heptanèse

Egypte 21, 54, 140, 321 Emmanuel 117, 148 empirisme 298 Epire 21 épopée; voir poésie épique Espagne 21 esthétique 355, 357, 362 Eubée 20 Euclide (Phémius Harold): voir Icono-

midis (Ph. A.) Euripide 124, 160, 184, 240, 247, 249,

263 Europe 21, 22, 106, 115, 275, 366

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Evangile 245, 285, 327 Exarchopoulos (G.) 80, 158, 160, 233

Fallmerayer (J. Ph.) 16, 26, 183 Fauriel (C.) 23, 72, 181 Faust 248, 353 Feuerbach (L.) 358 Fichte (J.) 357 Fischer (K.) 357 Flaubert (G.) 11 folklore 22, 235, 236, 298, 337, 375 France 15, 20, 21, 124, 137, 150, 160,

161, 189, 272, 276, 278, 289, 296, 361, 364, 365

Garibaldi (G.) 161 Gênes 131 genres littéraires 48, 96, 101, 119, 121>

123, 129, 174, 175, 184, 214, 215, 217, 219, 237, 242, 252, 253, 256, 257, 259, 271, 272, 280, 281, 284, 287, 290, 294, 300, 302, 303, 325, 336, 340, 347, 350, 365, 375, 377

Georges 1er (roi de Grèce) 18, 45, 167, 200,270

Giaour 182 Gobineau (J. A.) 278 Goethe (J. W. von) 26, 125, 181, 201,

248, 353 Gorgias: voir Pop (C.) Göttingen 313 grammaire 24, 97-99, 114, 119, 144,

241, 244, 322, 323, 343, 355, 371, 372

Grande-Bretagne: voir Angleterre Grande Idée: voir idéologie Grégoire V (patriarche) 33,85,246, 247

299, 304 Gresset (J. - B.) 130

Hadrian 55, 222, 223, (358) Hamlet 305, 338 Hartman (E.) 358

Hateau (G.) 176 Hegel (G. W. F.) 357, 358, 360 Heine (H.) 167,187,189,204,205, 256,

358

Heldreich (Th.) 197 Hélicon 74, 210, 234 Heptanèse 45, 75, 77, 78, 81, 85, 145,

160, 167, 174, 200, 202, 218, 288, 289, 299, 302, 309, 319, 362, 364, 367, 372, 374, 375

Herder (J. G.) 23 Hermoupolis 85, 148, 336 Heyse (P.) 55, 222, 223, 256, (358) Hiéroclis (C.N.) 311 Histoire de lΗeptanèse 44 Holberg (L.) 254 Homère 12, 84, 92, 97, 116, 121, 130,

152, 175, 176, 235, 248, 263, 285, 294, (320), 327, 330, 359

Horace 100, 111, 137, 230, 323, 333, 357, 360

Hugo (V.) 13, 106, 124, 125, 137, 139, 160, 181, 279

Ialémos (U.) 150 Iconomidis (Ph. A.) 162, 195, 207, 362 Iconomidis (Y.) 41, 61, 143 Iconomos (C.) 32 Iconomos (D.) 332 idéal déchu 256-269, 285, 320, 341, 347,

356, 368, 375 ideologie 15-18, 23, 24, 67, 103-105,

107, 110, 114, 122, 136-138, 144, 163, 167, 169, 184, 185, 211, 236, 268, 365,370-375, 377

Iles Ioniennes: voir Heptanèse Iliacopoulos (D.) 246 Iliade 153, 271, 293, 327, 354, 359 Iliadis (A.) 43, 48, 304-306 Ilion 320 Iliopoulos (T,) 319 Inaios: voir Roussopoulos (A.S.) 234 Inde 31 Institut Néo-hellénique de la Sorbonne

302 Ioannidis (D.) 288 Ioannou (Ph.) 25, 41, 52, 60, 61, 67,

68, 70, 76-78, 80-82, 86, 87, 89, 95, 98, 99, 101, 107, 117, 127, 137, 179, 200, 367, 370

Iphigenie en Tauride (de Goethe) 201

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Italie 21, (25), 269, 270, 296

Jannina 150 Jeannidès (E.) 100 Jérusalem, délivrée 117 Jouanny (R. A.) 9, 319, 320, 363 Jules César 337 Julien (l'Apostat) 210, 214

Kadach (Dorothea) 152 Karr (Alphonse) 277

Kérasunde 289 Kleist (H.) 26 Klopstock (F.) 327 Kock (Paul de) 189 Kyprianos (A.) 281 Kyriakidis (E. Th.) 246

Labiche (E.) 254, 255, 340 Lacon (D. I.) 98, 194 Laconie 140 Laharpe (J. - F.) 254 Lamartine (A. de) 13, 26, 89, 99, 100,

106, 108, 137, 160, 181, 182, 256, 275

Lambadarios (G. Th.) 304, 335, 339 Lamber (Juliette) 356 Lambros (Sp. P.) 73, 230, 231, 239, 248,

260, 277, 279-281, 319 langue (question de la) 24, 37, 45, 68,

69, 78, 81, 83-89, 92-95, 103, 104, 108, 110, 113-117, 122, 123, 128, 129, 144, 162, 163, 171-174, 181, 183, 186, 202, 212, 213, 227, 240, 241, 269, 274, 282, 283, 286, 288, 289, 299, 309, 318, 322, 324, 344, 351, 354, 359, 367, 371, 372, 374, 375

Lascaratos (A.) 299, 364 Lascaris (Ν. I.) 337 Lassanis (G.) 369 Laurium 296, 320, 333 Leconte de Lisle 291 Legrand (E.) 302, 355 Leipzig 201 Levêque (Ch.) 357, 358 Lévidis (C.) 149 Liddell (H.) 53

Littré (E.) 358 Livathinopoulos 312 Londres 31,118 Longin 333 Louis XIV 71 Loverdos (E.) 233 Lumières 24, 39, 110, 114, 126, 135,

212, 284, 300, 309, 365, 371 Lutrin 130

Macbeth 305, 338 Macédoine 21, 152-154 Macriyannis (J.) 31, 67, 76 Magne 17 Mahmoud II (sultan) 304 Makkas (G.) 49, 61, 321 Malakis (Sp.) 186 Mamoni (C.) 349 Manchester 225 Manfred 181, 182 Manoussis (Th.) 86, 87 Manoussos (A.) 174, 233 Maralitsas ou Mamalitsis: voir Stavri-

dis (Gr.) Margaritis (J.) 293, 336, 339 Mari dans du coton (Un) 254, 255 Markakis (P.I.) 352, 353 Martin (E.) 254, 255, 340 Matarangas (P.) 111, 141, 149, 150,

152, 205, 259, 276, 277, 288, 294, 319, 346

Matharikos (I.) 233 Mavilis (L.) 292 Mavrocordatos (A.) 19 Mavrocordatos (G.A.) 36 Mavromichalis (C.) 150 Mavromichalis (Jean A. P.) 235 Mavroyannis (G.) 68, 78, 79, 81, 82,

120,319 Mécène 71, 160 Méditations poétiques 182 Mélas (G.) 41 Mélas (L.) 119 Mélissinos (Sp.): 109, 119, 233 Ménandre 255 Messénie 20, 140 Métamorphoses (Les) 258 Métaxas (A.) 19

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métrique 60, 67, 71, 72, 77, 83, 90, 95-99, 101, 108, 109, 116, 121, 139, 145-148, 160, 163, 168, 174, 217, 227, 233, 235, 243, 264, 265, 291, 292, 312, 322, 323, 326, 329, 340, 341, 371

Michaïlidis (M. I.) 96 Michalopoulos (Ph.) 324, 367 Miladinov (D.) 153 Milton (J.) 71, 328 Mimnerme 308 Missolonghi 13, 97, 183, 185, 327 Mistriotis (G.) 39, 48, 61, 117, 140,179,

236, 241, 270, 272, 283-289, 291, 292, 295,296,299-301,307-311, 313-319, 323, 332, 333, 340, 356, 359, 365, 368-372

Mithridate 337 Mitsopoulos (H.) 46, 61, 202 Mohamed-Aly 21 Moïse 213 Molière 71, 254 Monti (V.) 276, 305, 360 Moraïtidis (A.) 305, 334 Moréas (J.): voir Papadiamantopou-

los (J.) Moreau (H.) 137, 139 Mort de Phidias (La) 188 Moyen Age 22, 280, 296, 339 Munich 201, 292 Musée (poète) 327 Musset (A. de) 106, 137, 275 Myosotis 137, 139 Mvrianthoussis 185

naturalisme 255, 291 Nauplie 164 néo-classicisme 16, 24, 147, 163, 167,

170, 177, 184, 203, 204, 214, 219, 225, 235, 240, 241, 250, 253, 277, 292, 294, 299, 314, 350, 371, 375, 376

Néroulos (I. R.) 17, 18, 85, 130, 322, 355

Nicodimos (C.) 334 Nicolai (R.) 246 Nicolaïdis (Myron) 112 Nicolaras (A. D.) 248

Nicolas Ier (empereur de Russie) 17 Nord (Le, journal) 156 Nouvelle Ecole Athénienne 351 Nuées (Les) 303 Nuits (Les, de E. Young) 311

Occident 182 187, 188 O'Connell 358 Odessa 33, 42-44, 48, 301, 370 Odyssée (L') 146, 293, 327 Ohrid 152, 153 Olymbios (J.) 61, 107 Orient 81, 182,188 Orion: voir Vassiliadis (S.N.) Orphanidis (Th.) 22, 47, 49, 58, 60,

61, 68, 70, 72, 92-94, 96, 100-102, 104, 116, 117, 121, 131-136, 139, 142, 143, 148, 151, 152, 154-159, 161, 162, 178, 193-202, 241, 242, 252, 269, 270-276, 278, 279, 282, 284, 286, 287, 297, 300, 321, 323, 333, 340-343, 345, 348-352, 354, 356, 365, 368, 370, 372

Ossian 160 Othon (roi de Grèce) 20-22, 25, 42, 52-

54, 70, 73, 76, 90, 91, 107, 134, 140, 150, 161, 163, 164, 167, 179, (184), 200, 375

Ovide 258

Pacifico (D.) 29 Palamas (C.) 116, 146, 148, 154, 173,

180, 183, 239, 275, 291, 309, 317, 335, 343, 348, 349, 351-353, 362, 365, 366, 369, 376

Pallis (Α., recteur) 162 Pallis (Α., poète) 359 Palmerston (H.) 20 Panacos (P.) 174, 200, 201 Papadiamantis (A.) 214 Papadiamantopoulos (J.) 241, 313, 318-

320, 363, 364 Papadimitriou (Ph.) 233 Papadopoulos Sériphios (J.) 17, 80 Paparrigopoulos (C.) 16, 22, 49, 61, 69,

70, 76, 89, 95, 103, 107, 113, 114, 126-128,130-141,143,145,147,158, 161, 171, 173, 174, 178, 182, 193-

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196, 198, 216, 223, (259), 278, 283, 295, 296, 307, 355, 370, 371

Paparrigopoulos (D.) 168-170, 207, 220-224, 232, 233, 235, 239, 241, 250, 258, 259, 263, 266, 268, 285, 296, 312,317,319,320,364

Paparrigopoulos (P.) 61, 179 Papazoglou (Cl.) 216 Papoulacos 17, 67 Papoulias (Ch.) 153, 314-316 Paraschos (A.) 47, 150, 168, 169, 184,

189, 190, 191, 193, 208, 211, 241, 244, 261, 266, 275, 278, 317, 319, 322, 326, 333, 345, 357, 359, 360, 362, 364, 368

Paraschos (G.) 319 Paraskévaïdis (Ph.) 332 Paris 43, 228, 261, 320 Parménidis (Ch. Α.) 225, 233 Parnasse (mont) 322 Passow (Α.) 174 Patras 273

Pausanias (roi de Sparte) 229 Péloponnèse 17, 288 Périclès 75, 115, 268 Pervanoglos (J.) 193, 200, 201, 234 Pétimézas (Α.) 295, 296 Pétrarque 244, 245 Pharmakidis (Th.) 86, 87 Phatséas (A.) 274, 281, 283, 288, 289,

302 Philadelpheus (Th.) 172, 369, 373 philhellénisme 138, 152-154, 156, 158,

175 Philimon (Th.) 15, 295, 296 Philippe II (roi de Macédoine) 209 Philopœmen 358 Phranghias (J.) 290, 336-339 Phréaritis (C.) 193, 194, (195), (196),

198 Piccolos (N.) 153 Pictet 358 Pilicas (Sp.) 36, 38, 39, 61, 68, 69,

76, 81, 82, 374 Pindare 83, 85, 97, 248, 330 Pirée (Le) 11, 21, 281 Pittacos (Joseph) 42 Pitzipios (J.) 14

Platon 91, 111, 137, 285, 357, 358 Platyghénis 33 Plaute 254, 303 Ploutos 188 Plutarque 229, 305 Poe (Edgar Allan) 360 Poèmes antiques 291 poésie didactique: voir genres litté-

raires poésie dramatique 48, 123, 125, 160,

161, 163, 175, 184, 205, 214, 215, 217, 218, 228, 233, 234, 237, 239-241, 243, 245, 247, 253-256, 259, 262-266, 268, 271, 279, 281, 282, 284, 288-290, 294, 296, 301-304, 307, 309, 334, 337-340, 365, 375, 377

poésie épique 48, 72, 90, 175, 235-237, 253, 256, 258, 259, 284, 290, 293, 294, 303, 312, 323, 326, 327, 359, 375, 377

poésie lyrique 48, 90, 139, 175, 237, 253, 255, 256, 258, 259, 269, 270, 276, 284, 286, 287, 290, 294, 303, 307-312, 315, 319,340-342, 344,350, 351, 375, 377

poétique 60, 90, 124, 139, 159, 230, 322, 323, 338

Politis (Linos) 313 Politis (N.G.) 236, 283, 298, 313, 316,

318 Polylas (J.) 22, 117, 160, 164, 172, 213,

369, 373 Pop (C.) 60, 76, 77, 81, 120 Pope (A.) 254 positivisme 298 Potamianos (D.) 362 Pothitos (A.) 233 Potlis (M.) 180 Poudre aux yeux (La) 254, 255 Praxias 293 Praxitèle 243 Prlicev: voir Stavridis (Gr.) Provélenghios (A.) 241, 277, 281, 292,

294, 312, 319, 328 Prusse 20, 274 Psara 334 Psichari (J.) 366 pyrrhonisme 248

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querelles littéraires 22, 27, 68,156,157, 160, 261, 300, 332, 356-361, 363-368

Queux de Saint-Hilaire (Marquis de) 254, 255, 282

Racine (J.) 337 Rallis (A. S.) 12, 22, 25, 26, 31-48, 51,

52, 56-58, 60, 62, 67-72, 74, 75, 79-81, 84, 85, 87, 95, 103, 104, 107, 108, 115, 117, 122, 123, (125), 126, 129, 134-136, 141-143, 148, 154-156, 158,159,161-164,171-173,181,193, 197, 202, 218, 270, 274, 286, 296, 318, 321, 351, 359, 367, 369-376

Rallis (Antoine) 32 Rallis (Etienne) 32 Rallis (famille des) 31, 32 Rallis (G.) 41, 61, 257 Rangabé (A.R.) 34, 44, 45, 47, 54, 58,

60-62, 67-74, 76, 80, 82, 84, 85, 89-96,101,107,113,114,116, 117, 123, 132, 135, 136, 138, 139, 143-161,163,168,170-175,177-179,189, 192, 193, 195-199, 201, 204, 215, 216, 218, 223, 226, 245, 277, 280, 282, 291, 294, 299, 300, 317, 319, 321, 322, 324, 325, 327, 329, 330-333, 339, 355, 357, 359, 363-365, 370, 371, 375

Rangabé (Cléon) 168, 169, 176-178, 198, 201, 206, 207, 210-214, 234, 319, 330, 367

Rangabé (I. R.) 85, 270 réalisme 253, 266, 268, 284, 286, 291,

299, 318, (320), 342, 372, 374, 375 Renan (E.) 212, 358 René 182 Retsinas (Th.) 369 Rhétorique (de C. Iconomos) 32 Richter (J.-P.) 358, 360 Rigas (Vélestinlis) 116, 270, 285 Ristori (Adélaïde) 215 Rizos: voir Néroulos (I.R.) Rodocanakis (Th. P.) 41, 179, 226, 283,

299 Roi s'amuse (Le) 160 Roïdis (E. D.) 27, 50, 169, 212, 213,

243, 254, 261, 267, 282, 283, 285,

297, 300, 309, 315, 332, 333, 342, 348, 355-368, 372, 373

roman français 160,188, 254, 261, 266, 270

Romanos (J.) 44 romantisme 16, 99, 101, 102, 105, 114,

116,117,124-127,134,136-139,145, 160, 163, 164, 167-171, 176, 180, 182,183,186-190, 201, 203-206, 208-212, 215-217, 219, 220, 223, 224, 227, 229, (231)-233, 235, 239-241, 244, 246, 247, (250), 253, 255, 256, 263, 265-268, 275, 279, 282, 284, 294, 298-300, 308, 309, 311, 314, 317-320, 323, 324, 328, 338, 345-347, 350, 351, 353, 356, 358, 359, 365-368, 371-(373), 375, 376

Rombotis (P.) 61, 333 Rome 137 Roméo et Juliette 121 Rossini (G.) 243 Rousseau (J.-J.) 183 Roussopoulos (A.S.) 45, 61, 107, 114,

127, 131, 169, 172, 179, 202, 203, 205, 207, 211, 213-217, 222, 223, 228, 234, 239, 257, 259, 261, 263-265, 269, 370

Russie: 17, 20, 21, 43, 44, 50, 137, 152-154, 289

Saint-Georges (imprimerie) 33 Saint-Marc Girardin 21 Saint-Pétersbourg 40 Sainte-Beuve 358 Sainte-Irène (église) 53 Sainte-Sophie (église) 18 Sakellariadis (Ch., poète) 233 Sakellariadis (Ch. G.) 254 Samartzidis (Ch.) 47, 233, 246 Samos 234 Samson 338 Sand (George) 182, 183, 188, 254 Sappho 208, 209 Sathas (C.) 116, 147, 226, 279 satire: voir genres littéraires Schaub (Ch.) 171 Schiller (F. von) 125, 181, 258, 301,

337, 353

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Schlegel 358 Schopenhauer (A.) 358 Scintille 23 Sclavos (G.) 346 Sémitélos (D.) 61, 226-229, 235, 236,

257, 283, 370 Sériphios: voir Papadopoulos Sériphios

(J.) Shakespeare (W.) 71, 99, 109, 121, 123-

125, 160, 184, 209, 210, 240, 279, 304, 305, 320, 337, 338

Shelley (P.B.) 181 Sidéris (J.) 336, 337 Sinas (G.) 139, 140 Skias (Α.) 231 Skokos (C.) 43, 98, 347, 348, 350, 351,

360 Skokos (G.) 76, 77, 80, 233 Skylitsis (I.) 33, 233 Smyrne 31, 32, 293 Sociétés Littéraires 297-300, 362, 376 Solomos (D.) 31, 37, 39, 80, 81, 85,

88, 96, 105, 116, 129, 143, 145, 147, 160, 164, 181, 186, 213, 246, 270, 282, 285, 299, 309, 312, 345, 349, 359, 364, 371

Sophocle 115, 124, 175, 248, 263, 280, 330

Souli 140, 228 Soulié (F.) 254 Souris (Cr. G.) 330 Souris (G.) 315, 330, 344, 346-348, 350,

351 Soutsos (Α.) 17, 85, 86, 138, 160, 164,

182, 212, 282, 293, 320, 322, 346, 357, 359, 363, 364

Soutsos (P.) 16-18, 22, 24, 27, 69, 78, 85-88, 123, 142, 144, 146, 148, 151, 160, 164, 212, 213, 233, 282, 322, 331, 357, 358, 360

Sparte 201, 336 Spencer (H.) 358 Stamatiadis (E.) 233,234,243 Stamnochéroulis: voir Coumanoudis

(St.) 234 Stasinos (de Chypre) 292 Stathopoulos (El. S.) 22, 123 Stavridis (Gr.) 150, 152-158, 162, 175-

177, 233, 321, 330, 360 Stéphanidis (Ν.) 76 Stéphanou (D.) 91 Stratoudakis (E.) 311, 344, 348 Strauss (David F.) 358 Stroumbos (D.S.) 41, 61, 135, 142 Sue (Eugène) 320 Svoronos (Cimon) 82 Svoronos (N.) 9 Synodinos (P.) 233, 234 Syros 43, 332

Taine (H.) 241, 266, 270, 286, 298, 300, 301, 356, (357), 358, (361), 364-366, 368

Tantalidis (Elie) 96,101, 117, 329, 347, 349, 350

Tasse (le) 117, 156, 158, 175 Taygète 11 Ténos 76, 140 Térence 303 Ternova 153 Tertsétis (Adélaïde) 324 Tertsétis (C.) 54, 67-69, 82, 85-88, 90,

91, 95, 101, 103, 104, 108, 110, 112, Î14-116,128-130,146,147,163,173, 197, 202, 215, 228, 234, 269, 282, 283, 289, 322, 324, 357, 364, 374

théâtre 167, 170, 214, 215, 239-242, 250, 251, 254, 255, 262, 269, 280, 284, £88, 289, 302-305, 337, 339, 340

T h é â t r e d ' A t h è n e s : vo i r B o u c o u r a Théâtre Hellénique: voir théâtre 251 Théâtre des Variétés: voir théâtre 255 Théocharidis (Th.) 338, 339 Théocrite 248 Thessalie 21 Thessalonique 314 Thiboust (L.) 254, 255, 340 Thierry (A.) 137 Tommaseo (N.) 23,179 tragédie: voir poésie dramatique Trantalidis(D.) : voir Vernardakis(D.N.) Trémentinas: voir Aphentoulis (Th).

234, 243 Triantaphyllidis (P.) 82, 246, 247 Tricoupis (Ch.) 297, 332, 333

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Tricoupis (Sp.) 85, 327 Trieste 26, 31-34, 37-41, 124, 133, 136,

150, 291, 370 Tripolis 288 Troie (guerre de) 209, 361 Tsitsélis (Elie) 43, 111 Tsokanos (C.) 41 Turquie 21,157, 261, 270, 354 Typaldos (J.) 164, 319, 355, 367

Valaoritis (A.) 164, 179, 213, 226, 267, 282, 286, 299, 318, 319, 321, 322, 326, 345, 357, 359, 360, 362-364, 367, 368, 375

Valavanis (D.) 319 Valétas (G.) 91, 128, 324 Vassiliadis (N.).) 330 Vassiliadis (S.N.) 125, 169, 205, 206,

211, 232, 233, 236, 239, 262, 263, 267-269, 280, 286, 314, 317-320, 326, 337, 360

vaudeville 254-256, 268, 270, 279, 340 Vellianitis (Th.) 185 Vénitiens 235 Vénizélos (M.) 61, 216, 222, 226 Vénizélos (Th.) 355 Venthylos (J.) 61, 70, 82 Vernardakis (D. N.) 22, 26, 39, 61, 62,

68, 69, 91, 92, 96, 98, 102, 104, 107, 113-115,118,122-125,134,135,138, 142, 146, 148, 150-152, 154, 155, 158-162,168,170,172,179-187,189-191,193-202, 214-216, 223, 239, 240, 251, 263, 280, 299, 300, 307, 316, 333, 339, 370, 372

Vernardakis (D., bienfaiteur national) 40

versification: voir métrique Versis (C. Ch.): 262, 280, 281, 338, 339 Ver-Vert 130 Vico (G.) 23 Vie de Jésus 212 Vies parallèles 305 Vikélas (D.) 118, 361 Vilaras (J.) 88, 147, 213, 359, 362, 364 Villemain (A.F.) 78 Vimbos (Th.) 225 Virginie 278

Vitalis (G.) 150 Vizyinos (G. M.) 150, 154, 297, (321),

329, 330, 334, 342, 348-351, 353, 354, 360, 361, 376

Vlachos (Ange S.) 27, 46, 47, 55, 62, 118, 119, 130, 167, 168, 172, 182, 187-189, 191, 204, 205, 211, 215, 219, 221-225, 228, 230, 239-241, 251-256, 261, 265, 267, 283, 286, 300, 309, 315, 317, 319, 326, 330, 331, 333, 339, 340, 342, 356-368, 376

Vlachoyannis (J.) 281 Voltaire 336, 338 Voulgaris (D.) 53,296,301,331,333 Voussakis (C.) 48, 61, 283 Voutsinas (Jean) 33, 42-46, 48-54, 57,

60, 62, 103, 162, 167, 171-173, 177, 178, 181, 190, (197), 202, (247), 256, 269-271, 275, 279, 293, 299, 301, 306, 313, 315, 328, 332, 343, 344, 349, 351, 352, 354, 355, 358, 369, 370, 372-375

Vraïlas Arménis (P.) 173 Vrétos (M. P.) 21, 43 Vyzantios (Alexandre) 32, 150, 151,

168, 177, 178, 182, 188, 189, 193, 196-199, 201, 215, 233, 312, 319, 321, 330

Vyzantios (Anastase) 150 Vyzantios (Scarlatos) 22,150

Wallenstein 337 Wise (ambassadeur anglais) 53

Xénos (C.) 312, 318-319, 328, 345, 351

Yannopoulos (A. K.) 82, 245, 252 Yannopoulos (I. E.) 77 Yemeniz (E.) 52, 56, 158 Young (E.) 311

Zadès (G. M.) 273 Zalocostas (Catherine) 142 Zalocostas (E.) 241, 319 Zalocostas (G.) 15, 22, 68, 73, 75, 80-

82, 84-87, 93-95, 97, 100-102, 132, 140, 142, 143, 146, 147, 158, 162,

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181, 197, 231, 248, 270, 293, 294, 320, 322, 333, 357, 359, 364, 368, 374

Zalouchos (D.S.) 343, 348, 351 Zambélios (Jean) 75, 273 Zambélios (Sp.) 16, 22, 160, 164, 174,

182 Zanos (P. D.) 249, 250, 279, 281

Zante 299, 309 Zappas (E.) 152 Zavitsanos (Sp.) 246, 247, 252, 281 Zoïle 156, 159 Zoïs (L.) I l l Zomboulidis (D.) 152 Zoras (G. Th.) 91

Αθανάσης Διάκος 226 Αθηνά 122 Αθήναιον 60, 298, 352

Αθήναιον (Société Littéraire) 298 Αιών 44, 85, 295, 296

Αλήθεια 223 Άλωσις του Μεσολογγίου (Ή) 215

Απομνημονεύματα (de Α. G. Rangabé) 178

Απομνημονεύματα ποιητικά επί του ανα-τολικού πολέμου 164 Ασμοδαίος 332,333

Ασπασία 85 Αστραπόγιαννος 226

Αυγή 156

Βαβυλωνία 218 Βάρβιτος (Η) 141, 229 Βάρνα 325 Βύρων 298,336 Βύρων (Société Littéraire) 298, 303,

304, 362

Γαλάτεια 269,337 Γαμβρού πολιορκία 254, 283 Γάμος ένεκα βροχής 254 Γλωσσικοί παρατηρήσεις 212 Γραμματική της Αιολοδωρικής 181

Δαυίδ Κομνηνός 280 Διάφορα Διηγήματα και Ποιήματα 155 Διάφορα ποιήματα 138 Διονύσου πλους 148, 170, 193, 245, 231

Εθνική Βιβλιοθήκη 277, 315 Ειρηνική 304,306

Εκλεκτική 295

Έλλην 142 Ελπίς (Ή) 44, 80, 86, 122, 157, 223 Εορτή της μάμμης (Ή) 254 Ερμήλος 218 Ερωτάκριτος 88,147 Έσπερος 201 Εστία 298 Εταιρεία των φίλων του λαού (Société

Littéraire) 298 Ευαγγελισμός (Société Littéraire) 278,

298 Ευνομία 192, 196 Ευρισκόμενα (de D. Solomos) 142, 143,

164 Ευτέρπη 77

Εφημερίς των Συζητήσεων 330

Ζήτημα της γλώσσας (Tò) 299

Ημέρα 33, 39, 133, 291

Και πάλε περί γλώσσας 299 Κεραυνός 285 Κλειώ 199 Κορακιστικά 218 Κύρη του παντοπώλου (Ή) 215, 253, 265 Κούρκας αρπαγή 130, 218 Κουτρούλη ο γάμος (του) 218 Κρητικά 354 Κυρά Φροσύνη (Ή) 164, 359 Κωμωδίαι 251, 255, 256, 365

Λαυρεωτικά (Τά) 296 Ληξούρι 218

Μελέτη επί του βίου των νεωτέρου Ελ-λήνων 283, 298

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Μέλλον (T ο) 192, 195-197 Μέριμνα 199 Μερόπη 215, 239, 339 Μητέρα των επτά (Ή) 353 Μιχαήλ ο Παλαιολόγος 201 Μνημόσυνα 164 Μουσείον 298 Νέα Εφημερίς 353 Νέα Ημέρα 150 Νέα Σχολή 16, (22) 69, 87, 88,142, (213) Νεδέλκα ή θύμα τουρκικής θηριωδίας 325 Νέος κριτικός (ο) 364 Νέος Παρνασσός (anthologie) 319, 363,

364

Οδοιπόρος (ο) 144, 151, 164 Οκτώηχος 245 Ολυμπία (concours) 256, 283 Ομόνοια 156

Παλιγγενεσία 306,339 Παναθήναια 79 Πανδώρα 22, 39, 44, 60, 86, 101, 155,

156, 158, 161, 224, 225, 274, 298, 307

Πανόραμα 218 Πάπισσα Ιωάννα (Ή) 169,212,365 Παραμονή 215 Παρθενών 298, 313, 363 Παρνασσός 298 Παρνασσός (Société Littéraire) 209, 214,

261, 281, 298-300, 311, 312, 353, 355-357, 360, 366, 368

Πόθεν η κοινή λέξις τραγουδώ 160, 164> 182

Πόθεν η μυστικοφοβία του κ. Σπ. Ζα-μπελίου 164

Ποιήματα διάφορα 164 Ποιήσεις (de D. Gokkos) 368, 373 Ποιητικά πρωτόλεια 329 Ποικίλη Στοά 259 Προς το θεαθήναι 254 Πρωινός Κήρυξ 43, 157

Ράβδος 306

Σκέψεις ενός ληστού 169 Σούτσεια (Τα) (22), 39, 86-88, 163, 359,

365, 367 Σύζυγος του Λουλουδάκη (Η) 254 Συλλογή Στιχουργημάτων 78 Σύλλογος προς διάδοσιν των ελληνικών

γραμμάτων 33

Τις πταίει; 332 Τουρκομάχος Ελλάς(Ή) 164 Τρυγόνες και έχιδναι 320, 363

Φαύστα 239 Φιλελεύθερος 156 Φιλίστωρ 171 Φιλόπατρις Έλλην 123 ΦΛΟΞ: voir Cambouroglou (J.) 3 -2 Φροσύνη 146

Χαριτίνη (Ή) 212 Χάσης 218 Χρυσαλλίς 60, 167, 188, 189, 199, 204,

225

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TABLE DES MATIÈRES

PRÉFACE 9 INTRODUCTION l i

CHAPITRE PRÉLIMINAIRE

INSTITUTION ET FONCTIONNEMENT DES CONCOURS

1. Ambroise Rallis et son règlement 31 2. Jean Voutsinas — Réorganisation et déclin des concours 43 3. La cérémonie 51 4. Le jury et les œuvres présentées 57

PREMIÈRE PARTIE

LE CONCOURS DE RALLIS CHAPITRE PREMIER

LES CONCOURS FACE À LA LANGUE (1851-1855) 67 1. 1851: Une inauguration solennelle 70 2. 1852: Les premières tempêtes 76 3. 1853: La langue au cœur du débat 81 4. 1854: La persistance de la dualité linguistique 89 5. 1855: L'abondance des hexamètres 95

CHAPITRE II

LE DÉBAT S'ÉLARGIT (1856-1860) 103 1. 1856: L'unité impossible 107 2. 1857: Le romantisme au pilori 114 3. 1858: Une abstention significative 126 4. 1859: Poésie et politique 134 5. 1860: La fin du concours de Rallis 143

DEUXIÈME PARTIE

LE CONCOURS DE VOUTSINAS CHAPITRE PREMIER

LE NÉO-CLASSICISME BAT SON PLEIN (1862-1867) 167 1. 1862: La levée d'un interdit 171 2. 1863: Un manifeste anti-romantique 179

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3. 1864: Le concours annulé 191 4. 1865: LΗeure du drame 202 5. 1866: La farce de Vlachos 215 6. 1867: Patriotisme et exaltation 226

CHAPITRE II

LE SAUT QUANTITATIF (1868-1871) 239 1. 1868: La comédie, ouverture à la réalité 241 2. 1869: L'idéal déchu 256 3. 1870: Un afflux de poèmes dramatiques 269 4. 1871: Le record des 70.000 vers 283

CHAPITRE III

LE DÉCLIN DES CONCOURS (1872-1877) 297 1. 1872: Un concours dramatique médiocre 301 2. 1873: L'attaque de Mistriotis 307 3. 1874: Le retour de A. R. Rangabé 321 4. 1875: Les concours en faillite 332 5. 1876: Le dernier éclat 340 6. 1877: L'épilogue 351

CONCLUSION 370

BIBLIOGRAPHIE 380 I.—SOURCES

A. Jugements des jurys 1851-1877 381 B. Rapports rectoraux 1851-1878 383 C. Premières publications d'œuvres présentées aux concours 386 D. Le témoignage des contemporains 403 E. La presse grecque contemporaine 416

II.—OUVRAGES GENERAUX 418 III.—TRAVAUX SUR LES CONCOURS 428 IV.-TRAVAUX SUR DES POÈTES AYANT PARTICIPE AUX CONCOURS 429

ANNEXE I. OEUVRES PRÉSENTÉES AUX CONCOURS 447 ANNEXE II. POÈTES AYANT PARTICIPÉ AUX CONCOURS 462

INDEX 473

TABLE DES MATIÈRES 485

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ERRATA

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LE LIVRE DE PANAYOTIS MOULLAS

LES CONCOURS POÉTIQUES DE L'UNIVERSITÉ D'ATHÈNES

1851 -1877

XXIIème DE LA COLLECTION DES ARCHIVES HISTORIQUES DE

LA JEUNESSE GRECQUE

A ÉTÉ ACHEVÉ D'IMPRIMER SUR LES PRESSES DE L'IMPRIMERIE V. MANIS ET CIE S.A.

5 rue RIGA PALAMIDOU, ATHÈNES TEL. 32 15 220

EN DÉCEMBRE 1989 POUR LE COMPTE DU

SECRÉTARIAT GÉNÉRAL À LA JEUNESSE

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