Atrésie tricuspide

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Atrésie tricuspide GM Brevière C Rey Résumé. L’atrésie tricuspide est une malformation cardiaque congénitale cyanogène rare mais sévère, le plus souvent isolée. Elle est caractérisée par l’absence de connexion auriculoventriculaire. Les formes anatomiques sont variées selon les connexions ventriculoartérielles, l’absence ou la présence d’un obstacle sur la voie pulmonaire. Le diagnostic est souvent précoce, évoqué par la clinique et l’électrocardiogramme, confirmé par l’échocardiographie. Le tableau clinique est variable selon l’anatomie, la forme la plus fréquente est la forme avec sténose pulmonaire et vaisseaux normoposés. Le bilan hémodynamique a pour but d’étudier les pressions pulmonaires et la voie pulmonaire. Si les pressions pulmonaires sont basses, on s’oriente rapidement vers une anastomose, puis, plus tard, sera réalisée soit une intervention de dérivation atriopulmonaire, soit une intervention de dérivation bicavobipulmonaire. À long terme, ces interventions correctrices se compliquent de fistules artérioveineuses pulmonaires, de fistules veinoveineuses, de troubles du rythme, d’entéropathie exsudative, complications toutes difficiles à traiter. © 2000 Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés. Mots-clés : atrésie tricuspide, anastomose, cardiopathie congénitale, échocardiographie, veine cave inférieure, veine cave supérieure, intervention de Fontan, fistule artérioveineuse, entéropathie exsudative. Fréquence et étiologie L’atrésie tricuspide est une anomalie rare ; selon les séries, elle représente 0,3 à 3,7 % des cardiopathies congénitales. C’est une affection sévère : 3 % des autopsies des cardiopathies congénitales. Elle survient chez un nouveau-né sur 10 000 à un sur 20 000. Elle est plus fréquente chez les garçons (63 %) [49] et, dans 1 % des cas, il y a des anomalies associées : digestives ou osseuses. Elle peut être associée au cat eye syndrome [20] , à l’asplénie. Son étiologie est inconnue, mais récemment ont été décrits plusieurs cas d’atrésie tricuspide avec microdélétion 22q11 [40] . Les formes familiales d’atrésie tricuspide sont exceptionnelles [38] , le risque de récurrence dans une famille est inférieur à 1 % [52] . Enfin ont été décrites quelques familles sans microdélétion 22q11 où l’un des membres a une atrésie tricuspide et un autre membre soit une tétralogie de Fallot, soit un truncus arteriosus [4] . ANATOMIE PATHOLOGIQUE L’atrésie tricuspide se caractérise par l’absence de connexion auriculoventriculaire droite associée à un ventricule droit hypoplasique. Une communication entre la circulation systémique et la circulation pulmonaire, le plus souvent par une communication interventriculaire, est constante. Il existe plusieurs types d’atrésie tricuspide car les connexions ventriculoartérielles peuvent être Georges-Marie Brevière : Praticien hospitalier. Christian Rey : Professeur des Universités, chef de service. Service des maladies cardiovasculaires infantiles et congénitales, hôpital cardiologique, boulevard du Président J-Leclercq, 59037 Lille cedex, France. concordantes ou discordantes, les gros vaisseaux sont soit en position normale - c’est la forme la plus fréquente (70 % des cas) -, soit en L-malposition ou D-malposition. Enfin, la voie pulmonaire peut être normale ou sténosée, ou même atrétique. Les formes anatomiques sont variées, les éléments communs sont les anomalies de la tricuspide, de l’oreillette droite et du ventricule droit. ÉLÉMENTS COMMUNS Valve tricuspide Dans la plupart des cas, il s’agit d’une atrésie musculaire, il n’y a pas de valve tricuspide, elle est remplacée par du tissu musculaire. Très rarement, l’atrésie est membraneuse, le plancher de l’oreillette droite est formé d’une membrane translucide. De façon exceptionnelle, l’atrésie est valvulaire car il existe une valve tricuspide non ouverte. Peuvent s’associer à l’atrésie tricuspide, une maladie d’Ebstein, avec présence d’une partie atrialisée du ventricule droit, et également une anomalie de type canal atrioventriculaire. Oreillette droite Ses parois sont plus épaisses, mais son volume n’est pas augmenté. La communication entre les oreillettes est habituellement soit un foramen ovale isolé, soit une communication interauriculaire de type ostium secundum ; beaucoup plus rarement, il s’agit d’une communication interauriculaire de type ostium primum ; enfin, il peut y avoir de petits defects accessoires. Dans le cas d’un ostium Encyclopédie Médico-Chirurgicale 11-041-M-10 11-041-M-10 Toute référence à cet article doit porter la mention : Brevière GM et Rey C. Atrésie tricuspide. Encycl Méd Chir (Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS, Paris, tous droits réservés), Cardiologie, 11-041-M-10, 2000, 12 p.

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Atrésie tricuspideGM BrevièreC Rey

Résumé. – L’atrésie tricuspide est une malformation cardiaque congénitale cyanogène rare mais sévère, leplus souvent isolée. Elle est caractérisée par l’absence de connexion auriculoventriculaire. Les formesanatomiques sont variées selon les connexions ventriculoartérielles, l’absence ou la présence d’un obstaclesur la voie pulmonaire.Le diagnostic est souvent précoce, évoqué par la clinique et l’électrocardiogramme, confirmé parl’échocardiographie.Le tableau clinique est variable selon l’anatomie, la forme la plus fréquente est la forme avec sténosepulmonaire et vaisseaux normoposés.Le bilan hémodynamique a pour but d’étudier les pressions pulmonaires et la voie pulmonaire. Si les pressionspulmonaires sont basses, on s’oriente rapidement vers une anastomose, puis, plus tard, sera réalisée soit uneintervention de dérivation atriopulmonaire, soit une intervention de dérivation bicavobipulmonaire.À long terme, ces interventions correctrices se compliquent de fistules artérioveineuses pulmonaires, defistules veinoveineuses, de troubles du rythme, d’entéropathie exsudative, complications toutes difficiles àtraiter.© 2000 Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés.

Mots-clés : atrésie tricuspide, anastomose, cardiopathie congénitale, échocardiographie, veine caveinférieure, veine cave supérieure, intervention de Fontan, fistule artérioveineuse, entéropathieexsudative.

Fréquence et étiologie

L’atrésie tricuspide est une anomalie rare ; selon les séries, ellereprésente 0,3 à 3,7 % des cardiopathies congénitales. C’est uneaffection sévère : 3 % des autopsies des cardiopathies congénitales.Elle survient chez un nouveau-né sur 10 000 à un sur 20 000. Elle estplus fréquente chez les garçons (63 %) [49] et, dans 1 % des cas, il y ades anomalies associées : digestives ou osseuses. Elle peut êtreassociée au cat eye syndrome [20], à l’asplénie. Son étiologie estinconnue, mais récemment ont été décrits plusieurs cas d’atrésietricuspide avec microdélétion 22q11 [40]. Les formes familialesd’atrésie tricuspide sont exceptionnelles [38], le risque de récurrencedans une famille est inférieur à 1 % [52]. Enfin ont été décritesquelques familles sans microdélétion 22q11 où l’un des membres aune atrésie tricuspide et un autre membre soit une tétralogie deFallot, soit un truncus arteriosus [4].

ANATOMIE PATHOLOGIQUE

L’atrésie tricuspide se caractérise par l’absence de connexionauriculoventriculaire droite associée à un ventricule droithypoplasique. Une communication entre la circulation systémiqueet la circulation pulmonaire, le plus souvent par une communicationinterventriculaire, est constante. Il existe plusieurs types d’atrésietricuspide car les connexions ventriculoartérielles peuvent être

Georges-Marie Brevière : Praticien hospitalier.Christian Rey : Professeur des Universités, chef de service.Service des maladies cardiovasculaires infantiles et congénitales, hôpital cardiologique, boulevard duPrésident J-Leclercq, 59037 Lille cedex, France.

concordantes ou discordantes, les gros vaisseaux sont soit enposition normale - c’est la forme la plus fréquente (70 % des cas) -,soit en L-malposition ou D-malposition. Enfin, la voie pulmonairepeut être normale ou sténosée, ou même atrétique.Les formes anatomiques sont variées, les éléments communs sontles anomalies de la tricuspide, de l’oreillette droite et du ventriculedroit.

ÉLÉMENTS COMMUNS

¶ Valve tricuspide

Dans la plupart des cas, il s’agit d’une atrésie musculaire, il n’y apas de valve tricuspide, elle est remplacée par du tissu musculaire.Très rarement, l’atrésie est membraneuse, le plancher de l’oreillettedroite est formé d’une membrane translucide.De façon exceptionnelle, l’atrésie est valvulaire car il existe une valvetricuspide non ouverte.Peuvent s’associer à l’atrésie tricuspide, une maladie d’Ebstein, avecprésence d’une partie atrialisée du ventricule droit, et également uneanomalie de type canal atrioventriculaire.

¶ Oreillette droite

Ses parois sont plus épaisses, mais son volume n’est pas augmenté.La communication entre les oreillettes est habituellement soit unforamen ovale isolé, soit une communication interauriculaire de typeostium secundum ; beaucoup plus rarement, il s’agit d’unecommunication interauriculaire de type ostium primum ; enfin, ilpeut y avoir de petits defects accessoires. Dans le cas d’un ostium

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Toute référence à cet article doit porter la mention : Brevière GM et Rey C. Atrésie tricuspide. Encycl Méd Chir (Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS, Paris, tous droits réservés), Cardiologie, 11-041-M-10, 2000, 12 p.

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primum, il existe souvent une fente de la partie septale de la valvemitrale. Cette communication peut être restrictive. Il existe toujoursune valve d’Eustachi qui peut être très développée dans 10 % descas.

¶ Ventricule gauche et communicationinterventriculaireAu début de taille normale, il se dilate et s’hypertrophie avec l’âgedu patient. La valve mitrale est le plus souvent normale, mais ontété décrits un prolapsus mitral et très rarement une fente mitrale. Lacommunication entre le ventricule gauche et le ventricule droit sefait par un foramen bulboventriculaire ; ce defect se situe souventsoit dans la partie membraneuse du septum - c’est la forme la plusfréquente -, soit dans la partie musculaire - plus bas dans leseptum -, soit c’est un defect par malalignement du septum conal ;enfin, il peut être de type canal atrioventriculaire avec straddling dela valve tricuspide. Le terme de « foramen bulboventriculaire » estpréféré à celui de « communication interventriculaire », car il faitappel à une notion embryologique.Le foramen bulboventriculaire est de taille variable, souventrestrictif ; ce caractère restrictif est évolutif pouvant aboutir parfoisà la fermeture complète.

¶ Ventricule droitIl est toujours hypoplasique. Le sinus ventriculaire est rarementprésent. Ce ventricule droit est le plus souvent formé d’une chambretrabéculée de taille moyenne et d’un infundibulum souvent court ;il y a souvent une sténose musculaire entre ces deux zones.

ÉLÉMENTS VARIABLES

¶ Connexions ventriculoartériellesC’est un élément important car, selon la disposition des grosvaisseaux, le tableau clinique n’est pas identique. Si les vaisseauxsont normoposés, l’aorte est postérieure et naît du ventricule gauche,l’artère pulmonaire antérieure naît de la cavité accessoire antérieure.Si les vaisseaux sont transposés, l’aorte antérieure naît de la cavitéaccessoire et l’artère pulmonaire du ventricule gauche ; enfin, trèsrarement, il peut exister soit une double discordanceventriculoartérielle, soit les deux vaisseaux naissent de la mêmecavité, ventricule gauche ou chambre accessoire.

¶ Ventricule droit et voie pulmonaireLe ventricule droit est toujours hypoplasique et forme la cavitéaccessoire. Le sinus ventriculaire est rarement présent, cette cavitéest le plus souvent formée d’une chambre trabéculée de taillemoyenne et d’un infundibulum souvent court, avec trèsfréquemment une sténose musculaire entre les deux zones. Quant àla voie pulmonaire, toutes les formes sont rencontrées : voiepulmonaire normale, sténose infundibulaire ou valvulaire, l’atrésievalvulaire pulmonaire est rare.

¶ Autres anomalies cardiaquesLa présence d’une veine cave supérieure gauche se jetant dans lesinus coronaire est présente dans 15 % des cas. De façonexceptionnelle, cette veine cave supérieure gauche se jettedirectement dans l’oreillette droite. La juxtaposition des auricules seretrouve dans 10 % des atrésies tricuspides avec vaisseauxnormoposés et dans 40 % des atrésies tricuspides avec transpositiondes vaisseaux. Ont également été décrites des associations avec unecoarctation, un canal artériel, un truncus arteriosus [46], un arcaortique droit associé souvent à une dextrocardie.

CLASSIFICATION

De nombreuses classifications ont été proposées. La plus utilisée estcelle de Edwards et Burchell [15] qui classe la malformation toutd’abord selon les connexions ventriculoartérielles, et ensuite enfonction de l’absence ou de la présence d’un obstacle sur la voiepulmonaire.

¶ Type I

C’est l’atrésie tricuspide avec vaisseaux normoposés. On distinguetrois sous-types :

– le sous-type I A se caractérise par des vaisseaux normoposés etune atrésie pulmonaire, le ventricule droit est très hypoplasique ;habituellement, le septum interventriculaire est intact et le canalartériel toujours présent est souvent de petite taille ;

– dans le sous-type I B, il existe une sténose pulmonaire soitvalvulaire, soit infundibulaire, et le foramen bulboventriculaire estle plus souvent restrictif ;

– dans le sous-type I C, il n’y a pas de sténose sur la voiepulmonaire, le foramen bulboventriculaire est large et l’artèrepulmonaire a souvent un calibre plus grand que l’aorte du fait d’unhyperdébit pulmonaire.

¶ Type II

L’atrésie tricuspide est associée à des vaisseaux en D-transposition.

– Le sous-type II A comporte une D-transposition des gros vaisseauxassociée à une sténose pulmonaire, fréquemment sous-valvulairemais parfois valvulaire, rarement à une atrésie pulmonaire.

– Dans le type II B, les vaisseaux sont en D-transposition, le foramenbulboventriculaire est large et il y a un hyperdébit pulmonaire.

¶ Type III

Cette classification a été complétée par Keith qui ajoute un type IIIoù les vaisseaux sont en L-transposition.La forme la plus fréquente est le sous-type I B (51 %). Sur une étudede 101 cas, Dick [11] donne la fréquence relative des différents types(tableau I).

Physiopathologie

L’existence d’un shunt auriculaire est obligatoire puisqu’il y aabsence de connexion entre l’oreillette droite et le ventricule droit.La physiopathologie est variable selon la taille de la communicationinterauriculaire, l’existence ou non d’une sténose sur la voiepulmonaire, le diamètre du foramen bulboventriculaire et la positiondes vaisseaux.Dans l’atrésie tricuspide avec vaisseaux normoposés et sténosepulmonaire, la variété la plus fréquente, tout dépend de la réductiondu calibre de l’artère pulmonaire et du caractère restrictif duforamen bulboventriculaire. Le débit pulmonaire est diminué, lacyanose importante.Dans l’atrésie tricuspide avec atrésie pulmonaire et vaisseauxnormoposés, le canal artériel vascularise a retro l’arbre artérielpulmonaire, mais ce canal est souvent petit avec des signesfonctionnels précoces et une cyanose sévère.Dans l’atrésie tricuspide sans sténose pulmonaire et vaisseauxnormoposés, il existe un hyperdébit pulmonaire et l’artère

Tableau I.

Type I Vaisseaux normoposés 69 %

Atrésie pulmonaire sans CIV 9 %Sténose pulmonaire 51 %Sans sténose pulmonaire 9 %

Type II Vaisseaux en D-transposition 28 %

Atrésie pulmonaire 2 %Sténose pulmonaire 8 %Sans sténose pulmonaire 18 %

Type III Vaisseaux en L-transposition 3 %

CIV : communication interventriculaire.

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pulmonaire est plus large que l’aorte ; mais avec le temps, onobserve souvent une réduction du foramen bulboventriculaire et,par conséquent, du débit pulmonaire.Dans les formes avec vaisseaux transposés, il existe le plus souventune sténose sous-aortique ou aortique gênant l’éjection du ventriculegauche.En pratique, cliniquement, on doit distinguer la forme avechypovascularisation pulmonaire et la forme avechypervascularisation pulmonaire. Entre ces deux formes existe uneforme « équilibrée » avec une perfusion pulmonaire sensiblementnormale qui, à la longue, va souvent évoluer vers unehypoperfusion.

Diagnostic

SIGNES CLINIQUES

La plupart des atrésies tricuspides sont diagnostiquées dès lepremier mois et environ 50 % dans la première semaine. Mais lediagnostic peut se faire en anténatal [25, 27] par l’échocardiographiefœtale, en analysant la coupe des quatre cavités à la recherche d’unevalve tricuspide immobile et épaissie, et d’une cavité ventriculairedroite réduite.Les circonstances de diagnostic sont souvent une cyanose, laprésence d’un souffle, plus rarement un tableau d’insuffisancecardiaque. Il existe essentiellement deux formes : la forme habituelleavec sténose pulmonaire et vaisseaux normoposés ; la forme avecun hyperdébit pulmonaire et vaisseaux transposés.Dans la forme avec sténose pulmonaire, les signes cliniques sontfonction de l’importance de la sténose. La cyanose est constante,souvent précoce et sévère ; il n’y a pas d’insuffisance cardiaque ;cette cyanose peut survenir brutalement lorsque le canal artériel seferme, ou peut être discrète, s’accentuant par accès et pouvant secompliquer de véritables malaises anoxiques. Elle nécessiterapidement une intervention palliative. Parfois, la cyanose apparaîtévidente au bout de quelques mois, quand le foramenbulboventriculaire devient restrictif, limitant ainsi le fluxpulmonaire. À l’auscultation, il existe un souffle systolique dû à lasténose pulmonaire.Dans la forme avec transposition des gros vaisseaux, oùhabituellement il n’y a pas d’obstacle sur la voie pulmonaire, lacyanose est discrète, mais il y a apparition progressive d’uneinsuffisance cardiaque par augmentation du flux pulmonaire. Cetteinsuffisance cardiaque s’accompagne d’une tachycardie avecpolypnée, hépatomégalie et sueurs profuses. L’auscultation retrouveun souffle systolique dû à la communication interventriculaire avecun deuxième bruit claqué puisque l’aorte est antérieure. Parfois,l’hépatomégalie est très importante, pulsatile, avec turgescence desjugulaires, rebelle au traitement médical, signant ainsi unecommunication interauriculaire restrictive.Les signes cliniques ne permettent pas de faire le diagnostic d’atrésietricuspide. L’électrocardiogramme et la radiographie évoquent lediagnostic qui est confirmé par l’échocardiographie.

ÉLECTROCARDIOGRAMME

Cet examen est d’une grande aide pour poser le diagnostic d’atrésietricuspide. En effet, dans la forme classique, il existe une déviationaxiale gauche, très évocatrice chez un nouveau-né cyanosé, d’uneatrésie tricuspide ; à cet axe gauche s’ajoutent une hypertrophieventriculaire gauche, une hypertrophie auriculaire droite et l’absencede signe d’hypertrophie ventriculaire droite. L’axe gauche serait dûà la position électrique horizontale du cœur, avec différence de phasedans l’activation ventriculaire droite et gauche.Cependant, ces signes caractéristiques ne sont pas constants. Dansenviron 15 à 25 % des cas, il n’y a pas d’axe gauche, surtout dans lesformes avec transposition.

L’onde P a une amplitude importante en D1, D2, aVF et V1 dansplus de 70 % des cas. À cette hypertrophie auriculaire droite,s’associe une hypertrophie auriculaire gauche avec élargissement del’onde P. Cette hypertrophie biauriculaire n’existe pas si lacommunication interauriculaire est restrictive, car dans ce cas seulel’oreillette droite est dilatée.Chez le nouveau-né, il existe physiologiquement une hypertrophieventriculaire droite, et son absence est un bon signe d’orientationpour le diagnostic d’atrésie tricuspide.L’hypertrophie ventriculaire gauche se retrouve dans plus de 85 %des cas, se caractérisant par des signes directs avec des ondes Rélevées en V5, V6, et des signes indirects avec ondes S profondes enprécordiales droites. Cette hypertrophie ventriculaire gauches’accentue avec l’âge et traduit la surcharge volumétrique de ceventricule.

RADIOLOGIE

Alors que l’électrocardiogramme est assez caractéristique en raisonde la variété des formes anatomiques, il n’y a pas d’aspect spécifiqueradiologique, cela dépend de la présence ou non d’une sténosepulmonaire.Dans les formes avec sténose pulmonaire, le volume cardiaque estle plus souvent normal ou légèrement augmenté, avec unevascularisation pulmonaire normale ou diminuée. La silhouettecardiaque objective une hypertrophie concentrique du ventriculegauche avec un arc moyen le plus souvent concave et un arcinférieur droit saillant en rapport avec la dilatation de l’oreillettedroite. Il existe donc une hypertrophie auriculaire droite etventriculaire gauche comme sur l’électrocardiogramme.Dans les formes sans sténose pulmonaire, le volume cardiaque estaugmenté et il y a une hypervascularisation pulmonaire avec unpédicule vasculaire le plus souvent étroit.

ÉCHOCARDIOGRAPHIE

Cet examen va confirmer le diagnostic suspecté par l’examenclinique et l’électrocardiogramme.Les signes caractéristiques sont l’absence d’échos provenant de lavalve tricuspide et la diminution de volume de la cavitéventriculaire droite. L’échocardiographie bidimensionnelle détaillel’anatomie de la cardiopathie. En incidence sous-costale des quatrecavités, on ne visualise qu’une seule valve auriculoventriculaireentre l’oreillette gauche et le ventricule gauche (fig 1). L’échographieapprécie la taille de la communication interauriculaire ; si le septumbombe dans l’oreillette gauche, ceci signifie que la pressionauriculaire droite est plus élevée que la pression auriculaire gaucheen raison de la communication restrictive, et incite vivement àréaliser une atrioseptostomie de Rashkind.L’échocardiographie montre le plus souvent une augmentation devolume du ventricule gauche et permet d’étudier la fonctionventriculaire gauche. Elle met en évidence le foramenbulboventriculaire. Elle objective la taille de l’anneau pulmonaire etl’état des valves pulmonaires (existence ou non d’une sténose), ellepermet d’affirmer s’il existe ou non des vaisseaux malposés etapprécie la continuité mitroaortique.L’examen doppler renseigne sur le gradient de pressions au niveaudu foramen bulboventriculaire et sur la voie pulmonaire.Tous ces signes sont assez caractéristiques de l’atrésie tricuspide,mais non pathognomoniques comme dans le cas d’un ventriculeunique avec valve auriculoventriculaire unique. En cas de doute,l’échocardiographie de contraste montre l’absence de passage entrel’oreillette droite et le ventricule droit, mais un passage de l’oreillettedroite vers l’oreillette gauche.

CATHÉTÉRISME ET ANGIOGRAPHIE

Ce sont des examens complémentaires réalisés dans le but d’uneintervention chirurgicale. Ils permettent d’étudier la voie pulmonaireet la fonction ventriculaire gauche.

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¶ Cathétérisme

Il est impossible de passer de l’oreillette droite vers le ventriculedroit, mais le cathéter passe facilement de l’oreillette droite versl’oreillette gauche ; les pressions seront mesurées dans toutes lescavités ; la pression dans l’oreillette droite est plus souvent plusélevée que la pression dans l’oreillette gauche, sauf si lacommunication interauriculaire est large. La pression télédiastoliquedu ventricule gauche apprécie la fonction ventriculaire gauche. Ilest indispensable de prendre la pression dans l’artère pulmonairesoit en passant directement du ventricule gauche dans l’artèrepulmonaire en cas de vaisseaux transposés, soit en passant par leforamen bulboventriculaire ; ceci n’est possible le plus souventqu’avec des sondes à ballonnet. Si l’enfant a déjà eu une anastomosepalliative, il est possible d’enregistrer les pressions pulmonaires enpassant par l’anastomose et, ainsi, calculer les résistancesartériolaires pulmonaires.

L’oxymétrie montre un shunt droite-gauche auriculaire important etune désaturation dans l’oreillette gauche et le ventricule gauche.

¶ Angiocardiographie

Une exploration angiographique complète nécessite trois injections :une dans l’oreillette droite, une dans le ventricule gauche et unedans le ventricule droit ou l’artère pulmonaire.

L’angiographie auriculaire droite (fig 2) confirme le diagnosticmontrant une oreillette droite dilatée avec opacification des veinescaves et des veines sus-hépatiques, puis un passage du produit decontraste dans l’oreillette gauche et le ventricule gauche. Il n’y aaucun passage de l’oreillette droite vers le ventricule droit. Cetteangiographie peut évaluer la taille de la communicationinterauriculaire et montrer une juxtaposition des auricules.

L’angiographie dans le ventricule gauche (fig 3) apprécie la fonctiondu ventricule gauche qui peut se dégrader au fil des années, dépisteéventuellement des communications interventriculaires multiples,une insuffisance mitrale et, bien sûr, montre la position des grosvaisseaux.

L’angiographie dans le ventricule droit montre la petite taille de lacavité accessoire et, en cas de vaisseaux normoposés, met enévidence une éventuelle sténose sur la voie pulmonaire, apprécie ladimension de l’artère pulmonaire et de ses branches, ainsi que lavascularisation pulmonaire.

Histoire naturelle

L’évolution spontanée est marquée par une mortalité importanted’environ 40 % lors de la première année mais tout dépend, en fait,du flux pulmonaire.Dans les atrésies tricuspides avec hypovascularisation pulmonaire,la mortalité est considérable par malaise anoxique ; le taux demortalité avoisine 75 % pendant la première année en l’absence dechirurgie.Dans les atrésies tricuspides avec flux pulmonaire augmenté,l’insuffisance cardiaque prédomine avec hépatomégalie etcardiomégalie nécessitant un traitement médical digitalodiurétique ;

1 Échocardiogramme bidimensionnel en incidence apicale des quatre cavités en dias-tole : la valve mitrale entre l’oreillette gauche (OG) et le ventricule gauche (VG) estouverte. Il existe une atrésie de la valve tricuspide qui donne un écho dense entrel’oreillette droite (OD) et le ventricule droit (VD) hypoplasique qui communique avecle ventricule gauche par une communication interventriculaire (CIV). Il existe en outreune communication interauriculaire (CIA).

2 Cinéangiographie dans la partie basse de l’oreillette droite : on voit d’une partl’opacification de l’oreillette droite (OD) et des veines sus-hépatiques ; il n’y a pasde passage dans le ventricule droit, mais un passage relativement importantde l’oreillette droite vers l’oreillette gauche (OG) par une communication interauricu-laire large.

3 Cinéangiographie dans le ventricule gauche : à partir du ventricule gauche, onvoit, très bien opacifiée, l’aorte ascendante et, par une communication interventricu-laire haute sous-aortique, visualisation d’un petit ventricule droit (VD) « croupion »antérieur.

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la cardiopathie est assez bien tolérée jusqu’à la seconde décennie.Ensuite, l’évolution se fait soit vers l’hypertension artériellepulmonaire obstructive, soit vers la diminution du débit pulmonairepar diminution de taille du foramen bulboventriculaire ouaccentuation de la sténose pulmonaire infundibulaire.L’atrésie tricuspide, comme toutes les cardiopathies cyanogènes,peut se compliquer d’abcès cérébraux, d’endocardite bactérienne oude troubles du rythme, les plus fréquents étant la fibrillation et leflutter auriculaire.

Diagnostic différentiel

Le plus souvent, le diagnostic ne pose pas de problème.L’électrocardiogramme est, dans la majorité des cas, évocateur etl’échocardiographie affirme le diagnostic. Seules quelques rarescardiopathies complexes peuvent parfois être confondues, comme leventricule unique avec valve unique, l’hypoplasie de la valvetricuspide dans le cadre d’une hypoplasie du cœur droit.

Traitement

Il est essentiellement chirurgical, le traitement médical permettantsimplement d’aider l’enfant pour attendre l’acte chirurgical :prévention des crises de cyanose par bêtabloquant, oxygénothérapiedans les formes avec hypovascularisation, traitementdigitalodiurétique dans les formes avec hypervascularisation.Pendant très longtemps, la chirurgie n’était que palliative jusqu’àl’intervention de Fontan en 1968 [17]qui est une des grandesinnovations en chirurgie cardiopédiatrique.

MÉTHODE

¶ Chirurgie palliative

Elle a deux buts : permettre la survie de l’enfant pour le préparer àl’intervention correctrice et améliorer la circulation pulmonaire soiten l’augmentant dans les formes avec sténose pulmonaire, soit en ladiminuant dans les formes avec hypertension pulmonaire.Il en résulte trois types d’intervention palliative : l’agrandissementde la communication interauriculaire, les anastomosessystémicopulmonaires, le cerclage de l’artère pulmonaire.

Agrandissement de la communication interauriculaire

Il se fait par atrioseptostomie au cours de la manœuvre de Rashkindlors du cathétérisme. L’indication est formelle lorsque lacommunication interauriculaire est restrictive, avec un gradientinterauriculaire supérieur à 5 mmHg. Pour la plupart des auteurs,cette manœuvre de Rashkind devrait être systématique dans toutesles formes d’atrésies tricuspides car la communicationinterauriculaire peut devenir secondairement restrictive, et il estbeaucoup plus difficile de faire cette manœuvre à l’âge de quelquesmois plutôt qu’à la naissance. Lorsque l’enfant est âgé de plus de 3mois, l’agrandissement de la communication interauriculaire peutêtre effectué au cours d’un cathétérisme interventionnel avec lecathéter de Park (blade septostomy), complété si besoin en est d’unedilatation de la communication interauriculaire.

Anastomoses systémicopulmonaires

La plus ancienne est l’anastomose de Blalock-Taussig, réalisée pourla première fois en 1944 ; c’est une anastomose terminolatérale entrel’artère sous-clavière et l’artère pulmonaire du même côté ;l’inconvénient de cette technique est qu’elle est difficile à réaliserchez un enfant de petit poids et qu’à long terme peut apparaître unvol sous-clavier, mais son avantage est qu’il n’y a pas de risqued’hypertension artérielle pulmonaire.On préfère donc actuellement l’anastomose de Blalock-Taussigmodifiée dont le principe est le même ; il n’y a plus section de

l’artère sous-clavière mais interposition d’un tube de Gore-Tex entrela sous-clavière et l’artère pulmonaire. Chez les enfants de petitpoids, le chirurgien utilise un tube de 3 ou de 3,5 mm, avec le risquede thrombose de l’anastomose nécessitant toujours un traitementpréventif par l’acide acétylsalicylique à raison de 1 à 3 mg/kg/j. Lerisque d’hypertension artérielle pulmonaire est quasi nul, c’est unélément primordial pour une correction ultérieure.L’anastomose de Waterston (anastomose entre aorte ascendante etartère pulmonaire droite) et de Potts (entre l’aorte descendante etl’artère pulmonaire gauche) ont été abandonnées car difficiles àcalibrer, avec un risque d’hypertension artérielle pulmonaire oud’une sténose de l’artère pulmonaire anastomosée ; de plus ledémontage, surtout pour le Potts, est loin d’être simple.L’anastomose cavopulmonaire de Glenn est une anastomoseterminoterminale entre la veine cave supérieure et l’artèrepulmonaire droite qui est sectionnée (fig 4). Sa réalisation est aisée ;il s’agit d’une anastomose entre deux vaisseaux à basse pression,donc sans risque d’hypertension artérielle pulmonaire, et cetteanastomose ne surcharge pas le cœur gauche, contrairement auxanastomoses de Potts et de Waterston.Elle est difficilement réalisable chez l’enfant de faible poids. À courtterme, cette anastomose peut entraîner un syndrome cave supérieurlentement résolutif ; à long terme, peut apparaître une circulationcollatérale aux dépens d’artères bronchiques, ce qui peut entraîner,au bout de 10 à 20 ans, des hémoptysies qui peuvent être difficiles àcontrôler et nécessiter une embolisation de ces vaisseauxbronchiques. Enfin, sa suppression n’est pas simple.

Cerclage de l’artère pulmonaire

Il est réservé aux formes avec hypervascularisation pulmonaire etinsuffisance cardiaque mal tolérée. Cette intervention a pour objetd’abaisser la pression pulmonaire pour l’amener au tiers environ dela pression systémique. Ce cerclage ou banding permet, dans unsecond temps, de réaliser une chirurgie à visée correctrice.

¶ Chirurgie correctrice

C’est une chirurgie correctrice hémodynamique car le ventriculedroit ne peut être récupéré. Cette chirurgie a été rendue possible pardes travaux expérimentaux qui ont démontré que le ventricule droitn’est pas indispensable. C’est Fontan qui, en 1968, a publié le

VCI

VSH

VD

VG

OD

SC

APG

APD

VCS

AO

4 Anastomose cavopulmonaire de Glenn : anastomose terminoterminale entrela veine cave supérieure (VCS) et l’artère pulmonaire droite (APD) qui est donc sépa-rée du tronc de l’artère pulmonaire. APG : artère pulmonaire gauche ; OD : oreillettedroite ; VCI : veine cave inférieure ; VSH : veine sus-hépatique ; VG : ventricule gau-che ; SC : sinus coronaire ; VD : ventricule droit.

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premier cas opéré avec succès par dérivation atriopulmonaire. Puissont apparues les dérivations cavopulmonaires soit partielles, soitsubtotales, soit totales, dont il est encore difficile de juger du résultatà très long terme.

Dérivation atriopulmonaire

L’intervention princeps de Fontan [17] consiste en une anastomose deGlenn (entre la veine cave supérieure et l’artère pulmonaire droite)avec fermeture de la communication interauriculaire ou du foramenovale, connexion entre l’auricule droite et l’artère pulmonaire avecune homogreffe valvulaire aortique et ligature du tronc de l’artèrepulmonaire, et mise en place d’une valve prothétique dans la veinecave inférieure (fig 5).On s’est aperçu rapidement que les valves prothétiques n’étaient pasindispensables et, actuellement, on fait appel au Fontan modifié(fig 6). Lorsque les vaisseaux sont transposés, c’est l’anastomoseentre l’auricule droite et le tronc de l’artère pulmonaire après avoirfermé la communication interauriculaire, ou l’anastomose entrel’auricule droite et l’anneau pulmonaire désinséré de soninfundibulum, c’est l’intervention de Kreutzer [34]. Lorsque lesvaisseaux sont normoposés, on peut réaliser une connexion entrel’auricule droite et la chambre accessoire sous-pulmonaire aprèsfermeture de la communication interauriculaire et du foramenbulboventriculaire. L’intérêt de ces dérivations atrioventriculaires estla simplicité de la réalisation chirurgicale, mais l’inconvénient est delaisser en place la totalité de l’oreillette droite avec, en particulier,une élévation de pression dans le sinus coronaire, d’où unediminution de la perfusion coronaire pouvant entraîner unemyocardiopathie ischémique, et d’où l’idée de réaliser desdérivations cavopulmonaires.

Dérivations cavopulmonaires

Elles consistent à connecter directement les veines caves à l’arbreartériel pulmonaire. On en distingue trois variétés :

– les dérivations partielles, qui ne sont que des palliatives etdérivées du Glenn ;

– les dérivations subtotales ;

– les dérivations totales.

• Cavopulmonaire partielleElle ne dérive qu’un territoire cave, le plus souvent supérieur, soitvers une artère pulmonaire (c’est l’intervention de Glenn décriteprécédemment), soit vers les deux artères pulmonaires : anastomosecavobipulmonaire ; plusieurs montages sont possibles. S’il y a uneseule veine cave supérieure, on réalise une anastomoseterminolatérale sur l’artère pulmonaire droite (fig 7) ; s’il y a deuxveines caves supérieures, l’anastomose cavopulmonaire est réaliséede chaque côté. L’anastomose cavopulmonaire partielle peut êtreisolée ou associée soit à une anastomose systémicopulmonairecontrolatérale ou homolatérale, soit en laissant libre la voieantérograde ventriculoartérielle.

VCIVSH

VD

VGOD

APG

APD

VCS

AO

Valve

SC

5 Intervention de Fontan : elle consiste en une anastomose de Glenn associée à untube valvé entre l’auricule droite et l’artère pulmonaire droite (APD), fermeture de lacommunication interauriculaire ou du foramen ovale, et mise en place d’une valve pro-thétique dans la veine cave inférieure (VCI). VCS : veine cave supérieure ; AO : aorte ;APG : artère pulmonaire gauche ; OD : oreillette droite ; VG : ventricule gauche ; VD :ventricule droit ; SC : sinus coronaire ; VSH : veine sus-hépatique.

VCIVSH

VD

VG

OD

APG

VCS

AOAPD

SC

6 Fontan modifié ou Kreutzer : anastomose entre l’auricule droite et l’anneau pul-monaire désinsérée de l’infundibulum. Fermeture du foramen ovale. Pas de valve pro-thétique. APD : artère pulmonaire droite ; VCS : veine cave supérieure ; AO : aorte ;APG : artère pulmonaire gauche ; OD : oreillette droite ; SC : sinus coronaire ; VD :ventricule droit ; VG : ventricule gauche ; VCI : veine cave inférieure ; VSH : veinesus-hépatique.

VCIVSH

VD

VGOD

APG

VCS

AOAPD

SC

7 Anastomose monocavobipulmonaire : anastomose terminolatérale entre la veinecave supérieure (VCS) et l’artère pulmonaire droite (APD), avec un shunt bidirection-nel vers les deux poumons. AO : aorte ; APG : artère pulmonaire gauche ; OD :oreillette droite ; SC : sinus coronaire ; VG : ventricule gauche ; VD : ventricule droit ;VCI : veine cave inférieure ; VSH : veine sus-hépatique.

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• Cavopulmonaire totaleElle consiste à dériver tout le sang systémique vers l’artèrepulmonaire à l’exception parfois, dans certains montages, du retourveineux coronaire.Pour le territoire veineux cave supérieur, on réalise toujours uneanastomose cavopulmonaire ; pour le territoire veineux caveinférieur, plusieurs techniques sont utilisées :

– incorporation de l’oreillette droite après fermeture de lacommunication interauriculaire, mais on retrouve les problèmes duFontan (dilatation de l’oreillette droite, hyperpression veineuse) ;

– dérivation cavopulmonaire décrite par Puga et de Leval [10, 35, 45] :elle consiste à créer un chenal intra-auriculaire en utilisant la partiepostérieure de l’oreillette droite et un patch pour tunnelliser la veinecave inférieure vers l’orifice de la veine cave supérieure, en laissantle sinus coronaire se drainer dans l’oreillette gauche (fig 8) ;

– soit enfin, anastomose veine cave inférieure-artère pulmonaire parun tube extracardiaque (fig 9), cette intervention peut se faire à cœurbattant [28].Enfin, dans toutes ces interventions de type cavopulmonaires totales,le chirurgien peut éventuellement réaliser un montage fenestré,c’est-à-dire maintien d’une communication avec l’oreillette gauche,la cavopulmonaire devient alors partielle ; cette fenêtre est une voiede décharge en cas d’hyperpression, mais au prix d’un shunt droite-gauche pouvant poser plus tard de gros problèmes. Certainesfenestrations peuvent être obturées par cathétérisme interventionnellorsque la tolérance est meilleure.

• Cavopulmonaire subtotaleIl s’agit de patients avec une continuation azygos de la veine caveinférieure qui se jette dans la veine cave supérieure. Dans ce casprécis, il suffit de faire une anastomose cavopulmonairebidirectionnelle pour que la quasi-totalité du sang veineux aille dansl’artère pulmonaire, à l’exception du sang veineux coronaire et dusang veineux issu des veines sus-hépatiques (fig 10), c’estl’intervention de Kawashima [31]. Devant le bon résultat à court termede cette intervention, certains chirurgiens [37] ont étendu la techniqueaux patients sans continuation azygos en dérivant la veine caveinférieure vers l’artère pulmonaire, en laissant délibérément ledrainage normal des veines sus-hépatiques dans l’oreillette droite.

INDICATIONS OPÉRATOIRES

Le traitement chirurgical dépend à la fois de l’âge du patient et dutype d’atrésie tricuspide. Avant l’âge de 1 an, il s’agit presquetoujours d’une intervention palliative.

¶ Chirurgie palliative

Dans les formes avec hyperdébit pulmonaire, s’il y a transposition,le cerclage de l’artère pulmonaire sera presque toujours nécessaireassez rapidement, souvent avant 3 mois, pour protéger les poumonsde l’hypertension artérielle pulmonaire obstructive et afin depouvoir ultérieurement effectuer une chirurgie correctrice.Lorsqu’il n’y a pas de transposition, l’indication n’est pas facile àposer car, le plus souvent, l’hyperdébit pulmonaire va diminuer par

VCIVSH

VD

VG

OD

APG

VCS

AOAPD

SC

8 Cavopulmonaire totale (anastomose bicavobipulmonaire type Puga) : anastomoseentre la veine cave supérieure (VCS) et l’artère pulmonaire droite (APD), création d’unchenal intra-auriculaire tunnellisé de la veine cave inférieure (VCI) jusqu’à la VCSavec fenestration éventuelle du chenal. AO ; aorte ; APG : artère pulmonaire gauche ;OD : oreillette droite ; SC : sinus coronaire ; VD : ventricule droit ; VG : ventriculegauche ; VSH : veine sus-hépatique.

VCIVSH

VD

VG

OD

APG

APD

VCS

AO

SC

9 Cavopulmonaire totale avec mise en place d’un tube extracardiaque : anastomosedirecte entre la veine cave inférieure (VCI) et la veine cave supérieure (VCS) par untube. APD : artère pulmonaire droite ; APG : artère pulmonaire gauche ; OD :oreillette droite ; SC : sinus coronaire ; VD : ventricule droit ; VG : ventricule gauche ;VSH : veine sus-hépatique.

VSH

VD

VG

OD

APG

APD

VCS

AO

VA

SC

10 Cavopulmonaire subtotale (Kawashima) : patient ayant une continuation azygosse drainant dans la veine cave supérieure (VCS) et anastomose terminolatérale VCS-artère pulmonaire droite (APD). Le sang des veines sus-hépatiques (VSH) et du sinuscoronaire (SC) continue à se drainer dans l’oreillette droite (OD). APG : artère pulmo-naire gauche ; AO : aorte ; VD : ventricule droit ; VG : ventricule gauche ; VA : veineazygos.

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réduction de la taille du foramen bulboventriculaire et accentuationde la sténose infundibulaire. Les échocardiographies successivesaident à la décision avec parfois, en cas de doute, mesure de lapression dans l’artère pulmonaire par cathétérisme.Dans les formes avec hypodébit pulmonaire, on réalise le plussouvent une manœuvre de Rashkind et, si la cyanose est importanteou s’il y a des malaises anoxiques, une anastomose systé-micopulmonaire de type Blalock-Taussig modifiée si l’enfant est enpériode néonatale ; après 2 mois, une anastomose de typecavobipulmonaire est souvent préférable [47].

¶ Chirurgie correctrice

L’indication d’une chirurgie correctrice, intervention de Fontan oubicavobipulmonaire, n’est pas facile à poser et toujours discutée,surtout si une intervention palliative antérieure a bien amélioré lepatient.Au début de l’intervention de Fontan, il existait de nombreuxcritères pour sélectionner les patients. Ces critères ont évolué au fildes années ; ils étaient au nombre de 10 lors des premièresinterventions de Fontan : âge minimal de 5 ans, rythme sinusal,retours veineux caves normaux, oreillette droite de taille normale,pression artérielle pulmonaire moyenne inférieure à 16 mmHg,résistances vasculaires pulmonaires inférieures à 4 U/m_, rapportdes diamètres artère pulmonaire/aorte supérieur à 0,75 [19], unefonction ventriculaire gauche normale, l’absence d’insuffisancemitrale et l’absence d’effet délétère d’une anastomose préalable.Puis, avec l’expérience, certains critères se sont révélés de moindreimportance, mais certains restent essentiels pour l’intervention deFontan : des résistances pulmonaires inférieures à 2 U/m_, unefonction ventriculaire gauche normale, rapport artèrepulmonaire/aorte supérieur à 0,75 [5, 23] et une pression artériellepulmonaire moyenne inférieure à 16 mmHg.Avec l’apparition des bicavobipulmonaires, ces critères ont encoreévolué. Certaines équipes ont opéré des enfants dès l’âge de 3 mois ;le rythme sinusal est souhaitable, mais un bloc auriculoventriculaireou une tachycardie atriale ne sont pas des contre-indications.L’anatomie des veines caves n’a plus d’importance en raison de lavariété des montages. La pression artérielle moyenne, inférieure ouégale à 15 mmHg, reste un critère important. Les résistancesvasculaires pulmonaires doivent être inférieures à 4 U/m_. Unebonne fonction ventriculaire gauche, surtout diastolique, estessentielle. Il faut s’assurer de l’absence de sténose sous-aortique parcommunication interventriculaire restrictive. La dimension desartères pulmonaires reste également un critère important (rapportartère pulmonaire/aorte supérieur à 0,75). Les anastomosesantérieures peuvent occasionner des sténoses sur l’arbre artérielpulmonaire en rendant les suites opératoires moins simples, mais neconstituent pas une contre-indication.Quel est l’âge idéal pour réaliser une intervention bicavobi-pulmonaire ? À cette question, il n’y a pas encore de réponse préciseet seuls les résultats à très long terme peuvent nous guider.

RÉSULTATS

¶ Cavopulmonaire partielle

– L’anastomose de Glenn a un taux de mortalité opératoire inférieurà 5 %. Le pourcentage de survie à long terme est de 84 % à 10 ans etde 66 % à 20 ans [33]. Cependant, dans 20 % des cas, surviennent desfistules artérioveineuses pulmonaires [41], les thromboses sontexceptionnelles.

– L’anastomose monocavobipulmonaire (fig 11) dérivée del’intervention de Glenn est considérée par certains comme unealternative à la dérivation totale avec un taux de mortalité opératoireinférieur à 4 %, une qualité de vie normale sept fois sur 10 et unesaturation moyenne de 86 % (± 6 %) [3, 6, 36, 53], avec éventuellementune anastomose systémicopulmonaire ou préservation du débitpulmonaire. Les complications sont essentiellement des fistulesartérioveineuses pulmonaires [8, 50] et des fistules veinoveineuses.

¶ Intervention de FontanLe recul est actuellement de 30 ans. Au début, la mortalité opératoireétait relativement importante mais ensuite, avec une meilleuresélection des patients, la mortalité a baissé pour atteindre 5 %.Fontan [18], sur une série de 100 patients, rapporte un taux demortalité de 4 %.Le pronostic à long terme est mal connu, sur les 100 patients deFontan, 88 % étaient encore en vie 14 ans après l’intervention, avecune grande majorité en classe I de la New York Heart Association(NYHA).Les complications précoces sont un épanchement pleural,péricardique, la présence d’une ascite, disparaissant en quelquessemaines après cependant, parfois, persistance d’une hépatomégalieen rapport avec une élévation veineuse systémique. Le traitement [2]

est d’abord l’évacuation de l’épanchement, un régime à base detriglycérides à chaîne moyenne et, en cas d’échec, on peut êtreamené à ligaturer le canal thoracique, ceci peut être fait sousvidéoscopie [24].Les complications plus tardives sont l’entéropathie exsudative [16] paraugmentation de la pression veineuse au niveau de la veine caveinférieure, la cirrhose secondaire avec une stase hépatiquechronique. L’entéropathie exsudative survient en moyenne 3 ansaprès l’intervention et jusqu’à 16 ans. Sur une série de 3 029 Fontan,3,7 % des patients ont présenté une entéropathie exsudative [43]. Lescauses peuvent être reconnues comme une sténose du montage, unedysfonction ventriculaire ou une insuffisance mitrale, des résistancesvasculaires pulmonaires élevées, mais dans 40 % des cas, on neretrouve pas d’étiologie évidente. L’entéropathie se manifestecliniquement par des œdèmes, de l’ascite, des épanchementspleuraux, de la diarrhée. Biologiquement, existent unehypoalbuminémie et une hypoprotidémie. Le pronostic est souventsombre, avec une survie à 10 ans inférieure à 20 % ; la moitié despatients décèdent dans les 5 ans.Le traitement médical est efficace une fois sur quatre : diurétiques,perfusion d’albumine, stéroïdes, inotropes. En cas d’échec de cetraitement, une chirurgie a été proposée : levée d’un obstacle,transformation du Fontan en cavopulmonaire, voire transplantation.Dans certains cas, la sténose du montage (fig 12) a pu être dilatéepar cathétérisme interventionnel, de même des fenestrationsauriculaires ont été réalisées par chirurgie [29] ou par cathétérismeinterventionnel

[42, 48].

11 Cinéangiographie d’une anastomose monocavobipulmonaire : le cathétérisme estréalisé à partir d’une veine périphérique du bras gauche ; la sonde arrive dans la veinecave supérieure (VCS) et l’opacification de celle-ci montre l’anastomose terminolaté-rale entre la veine cave supérieure et l’artère pulmonaire droite (APD), avec égalementopacification de l’artère pulmonaire gauche (APG).

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Une surveillance échocardiographique des patients opérés parintervention de Fontan est nécessaire à la recherche d’obstructiondu conduit ou de l’homogreffe nécessitant une réintervention.L’échocardiographie peut dépister une insuffisance mitrale et unedégradation de la fonction ventriculaire gauche. L’imagerie parrésonance magnétique (IRM) [44] peut bien objectiver le montage etune sténose éventuelle.Une exploration hémodynamique réalisée au repos et à l’effort a faitl’objet de plusieurs publications. Cette exploration montre au reposune augmentation de la pression moyenne auriculaire aux environsde 15 mmHg, une saturation artérielle supérieure à 90 %, unepression télédiastolique du ventricule gauche et un volumeventriculaire gauche dans les limites de la normale. À l’effort, lacapacité physique est de 70 à 80 % de la normale ; il existe unealtération notable de la fonction ventriculaire gauche [13, 22].À long terme, la fonction ventriculaire gauche est de plus en plusaltérée avec apparition d’une insuffisance cardiaque parfois très malcontrôlée posant l’indication d’une greffe cardiaque [7]. Desthromboses peuvent survenir [12], ainsi ont été décrites desthromboses cérébrales dont l’origine était un thrombus dans l’artèrepulmonaire [32].Surviennent également des arythmies de plus en plus rebelles autraitement médical et un dysfonctionnement de la valve mitrale.Les troubles du rythme [21] sont essentiellement des tachycardiesatriales dont la fréquence augmente avec l’âge. Ces tachycardies sontdues à des circuits de réentrées dont le point de départ est lacicatrice opératoire ; la dilatation de l’oreillette droite avec unepression élevée est un facteur favorisant. D’autres facteursfavorisants sont une anomalie de la valve mitrale (prolapsus ouinsuffisance mitrale), la présence de troubles du rythme avantl’intervention et l’âge de l’intervention : avant 3 ans et après 10ans [14].L’électrocardiogramme montre le plus souvent un flutter avec uneconduction auriculoventriculaire altérée, ce qui rend parfois difficilele diagnostic. Le Holter peut aider au diagnostic. En cas d’échec dutraitement médical par l’amiodarone, on peut tenter une réductionpar stimulation atriale rapide par voie endocavitaire, sinon on aurarecours à la cardioversion. Mais les récidives sont quasi constantes

en raison des circonstances anatomiques (oreillette droite dilatée) et,si ces troubles du rythme sont très mal tolérés, se pose la questiond’une réintervention chirurgicale en transformant la connexionatriopulmonaire en cavopulmonaire totale, en utilisant le plussouvent un tube extracardiaque. Cependant, il existe maintenant unealternative à la chirurgie : c’est la possibilité de l’ablation parradiofréquence du circuit de réentrée ; il semble s’agir d’uneméthode d’avenir en plein développement.

¶ Dérivation cavopulmonaire totale et subtotalePlusieurs séries mondiales démontrent que la dérivationcavopulmonaire totale a un bon résultat postopératoire immédiat,avec une mortalité globale immédiate de 9 %. Il faut noter que cettetechnique chirurgicale, tout d’abord réservée à l’atrésie tricuspide,s’est étendue au traitement des ventricules uniques et de certainescardiopathies cyanogènes complexes [1, 30].Les patients doivent être suivis régulièrement. Les éléments desurveillance sont cliniques et paracliniques. Cliniquement, onrecherche une hépatomégalie, une cyanose avec prise de lasaturation cutanée. Les examens paracliniques sont essentiellementl’électrocardiogramme et l’échocardiographie. En cas de doute, onréalise un bilan hémodynamique (fig 13, 14) qui peut parfois êtreremplacé par l’IRM (fig 15) [54].Les décès précoces sont dus à plusieurs facteurs : l’hypertensionpulmonaire qui aboutit à une augmentation des résistancesvasculaires pulmonaires ; l’hypovolémie joue également un rôleimportant ; enfin, la circulation extracorporelle est aussi un facteurde mortalité car elle augmente également les résistances vasculairespulmonaires, mais l’ultrafiltration modifiée, le monoxyde d’azoteont amélioré les résultats.En postopératoire immédiat, les échecs sont dus à des bas débitscardiaques, soit rarement par problème myocardique, soit le plussouvent par une incompétence du lit artériel pulmonaire, d’oùl’importance du bilan échocardiographique et hémodynamiqueavant l’acte chirurgical. Dans ces échecs immédiats, on procède leplus souvent à un démontage en urgence, en laissant le plus souventle patient avec une cavopulmonaire partielle ; la fenestration nesemble pas avoir d’effet sur le chiffre de mortalité précoce.

12 Contrôle angiographique d’une intervention de Fontan : l’injection se fait dansl’oreillette droite (OD), puis opacification du tronc de l’artère pulmonaire et de l’artèrepulmonaire gauche (APG) ; on voit très bien qu’il y a une sténose entre l’auricule droiteet la voie pulmonaire, sténose qui sera dilatée par cathétérisme interventionnel.

13 Cinéangiographie après intervention de type Puga : la sonde passe de la veinecave inférieure (VCI), dans le chenal intra-auriculaire, et arrive dans la veine cave su-périeure (VCS). Opacification de la partie inférieure et de la partie supérieure de laveine cave, toutes deux branchées sur l’artère pulmonaire droite (APD) avec un shuntbidirectionnel puisqu’il y a également opacification de l’artère pulmonaire gauche.

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Quant aux complications à long terme, outre l’entéropathieexsudative, peuvent survenir des fistules artérioveineusespulmonaires, des fistules veinoveineuses, et également des troublesdu rythme et des complications thromboemboliques.

Fistules artérioveineuses pulmonaires

Elles se voient également dans les cavopulmonaires partielles et lescavopulmonaires subtotales, lorsque la circulation pulmonaire estprivée de sang veineux hépatique [51]. Ceci a conduit à penser qu’ilexistait un facteur hépatique présent dans la circulation hépatiquequi empêcherait l’apparition de fistules artérioveineusespulmonaires, mais ceci n’a pas été démontré jusqu’à présent malgrédes expérimentations animales. Un facteur péjoratif semble être la

présence d’un isomérisme qui est pratiquement constant chez lessujets développant des fistules [50]. Il s’agit d’une complication sévèreapparaissant à bas bruit, avec apparition progressive d’une cyanose.Le diagnostic n’est pas facile. L’échocardiographie de contrastemontre la présence d’échos dans l’oreillette gauche ; ceci n’est paspathognomonique car cela se voit dans les fistules veinoveineuseset les shunts droite-gauche auriculaires lors de montages fenestrés.Lorsque l’échocardiographie de contraste est positive, il faut essayerde confirmer le diagnostic soit par angiographie, soit parangioscanner spiralée des poumons. Ces fistules sont difficiles àtraiter ; dans les formes macroscopiques, des embolisations ont ététentées avec, le plus souvent, des résultats transitoires ; s’il s’agit defistules localisées, une chirurgie à type d’exérèse peut être proposée.

Fistules veinoveineuses

Les patients ayant un retour azygos ou hémiazygos opérés parintervention de Kawashima ont une hémodynamique de dérivationcavopulmonaire quasi totale, mais peuvent développer des fistulesentre le système azygos et les veines sus-hépatiques ; le shuntdevient de plus en plus important et entraîne une désaturation deplus en plus sévère.Ces fistules peuvent être embolisées mais avec un succès souventrelatif car elles récidivent (fig 16, 17). Il faut donc secondairementsoit dériver les veines sus-hépatiques à l’artère pulmonaire, ce quiest l’option le plus souvent retenue, soit lier les veines sus-hépatiques avec parfois de bons résultats [26].De même, des fistules veinoveineuses entre les veines rénales,suprarénales et les veines sus-hépatiques surviennent quasiconstamment dans les interventions où la veine cave inférieure a étéanastomosée à l’artère pulmonaire, en laissant les veines sus-hépatiques se drainer dans l’oreillette droite [37]. Il a toujours falluréintervenir.

Accidents thromboemboliques

Ils sont loin d’être rares, mais plus fréquents après intervention deFontan qu’après cavopulmonaire ; ils surviennent à la faveur d’untrouble du rythme ou d’un ralentissement circulatoire comme une

14 Cinéangiographie après intervention de Kawashima : lors du cathétérisme,la sonde passe dans une continuation azygos de la veine cave inférieure (VCI) ; cettecontinuation azygos se jette dans la veine cave supérieure (VCS) qui est anastomoséepar une anastomose type monocavobipulmonaire à l’arbre artériel pulmonaire. APD :artère pulmonaire droite.

15 Ciné-IRM (imagerie par résonance magnétique) après interventionde Kawashima : coupe native frontale d’une angiographie 3D par résonance magnéti-que avec gadolinium montrant une continuation de la veine cave inférieure (VCI) dansla veine azygos qui se jette dans la veine cave supérieure (VCS), puis visualisationde l’artère pulmonaire droite (APD) en raison d’une anastomose cavopulmonaire.

16 Fistule veinoveineuse : à partir de la veine cave, fistule entre veines suprarénaleset veines sus-hépatiques qui vont secondairement se drainer dans l’oreillette droite ; cesfistules avaient été embolisées dans un premier temps, avec des coïls visiblessur l’angiographie, avec succès immédiat mais échec à long terme. VCI : veine cave in-férieure.

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stase importante dans une oreillette droite dilatée. Un traitementpréventif est donc toujours proposé, tout d’abord un traitement parantivitamine K, mais il n’y a pas encore de consensus sur cetraitement à long terme. Faut-il le poursuivre toute la vie ou peut-on, au bout de quelques mois, prendre le relais par l’aspirine ? Latendance actuelle est de donner un traitement antivitamine K à vie,surtout s’il existe un shunt résiduel. Une exploration de la

coagulation doit être systématique à la recherche du facteur V deLeiden, de même que le dosage des D-dimères.

Complications rythmiques

Elles sont beaucoup plus rares que dans les dérivationsatriopulmonaires [39] ; elles sont dues à l’acte chirurgical ; elles sontplus importantes lors d’isomérisme. Il s’agit surtout de tachycardiesatriales hétérotopes. Si le traitement médical est inefficace, on nepeut réduire ce trouble du rythme par stimulation endocavitaire carl’oreillette droite est complètement isolée ; la prise en charge devienttrès difficile : stimulation par voie épicardique ou par voieendoventriculaire (abord sus-hépatique, transthoracique). Il s’agitalors de techniques d’exception et périlleuses. Les techniquesmodernes d’ablation par radiofréquence semblent prometteuses,certains ont réalisé des ablations du nœud auriculoventriculaire avecde l’éthanol par voie transcoronaire [9].

Conclusion

Il n’existe pas actuellement de traitement chirurgical parfait.L’intervention de Fontan a été une révolution mais les complications,lorsqu’elles surviennent, sont redoutables et difficiles à traiter.

Les interventions cavopulmonaires totales et subtotales ont semblé plusséduisantes. Mais actuellement, on évite d’exclure les veines sus-hépatiques car la réintervention est inéluctable. À long terme, lescavopulmonaires totales ont vu apparaître leurs complications. C’est laraison pour laquelle va se poser la question : peut-on se contenter d’unecavopulmonaire partielle au prix d’un certain degré de cyanose ?

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17 Fistule veinoveineu-se : à partir de la veine caveinférieure, injection sélec-tive dans une veine supra-rénale ; on voit très biende nombreuses anastomosesavec des veines sus-hépa-tiques (VSH) qui se drai-nent directement dansl’oreillette droite (OD) puisdans le cœur gauche, expli-quant la désaturation cuta-née.

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