Arythmies Ventriculaires Post Infarct Us - Identification Des

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Arythmies ventriculaires postinfarctus : identification des patients à risque S Boveda P Lagrange A Lagrange P Defaye P Blanc M Galinier B Dongay M Delay JP Bounhoure JM Fauvel Résumé. Les arythmies ventriculaires malignes constituent une complication classique dans les suites d’un infarctus du myocarde, après la phase aiguë. La plupart de ces troubles du rythme sont secondaires à un mécanisme de réentrée autour de la cicatrice d’infarctus qui délimite une zone de conduction lente. Cependant, des événements rythmiques peuvent également être déclenchés par une récidive ischémique, toujours possible chez ces patients. Quoi qu’il en soit, les arythmies ventriculaires malignes sont responsables de la plupart des morts subites (70 à 80 % des cas) chez des patients ayant présenté une nécrose myocardique. Il ne fait aucun doute que ces événements répondent à un mécanisme complexe et le dépistage des patients à risque rythmique est un problème multifactoriel. Il existe trois facteurs de risque majeurs : l’ischémie résiduelle, la dysfonction ventriculaire gauche et l’instabilité électrique. Il n’existe pas à l’heure actuelle de marqueur formel et le bilan réalisé doit être le plus exhaustif possible, en dehors de la clinique qui, lorsqu’elle est évocatrice (syncopes…), constitue toujours un signe de gravité. Ce bilan doit comporter pour le moins une évaluation répétée de la fraction d’éjection qui est un puissant marqueur de risque de mort subite, un Holter-électrocardiogramme, ainsi qu’une recherche de potentiels tardifs ventriculaires. Il est par ailleurs nécessaire de rechercher l’ischémie résiduelle et d’éviter les médicaments (antiarythmiques) ou les circonstances cliniques (troubles électrolytiques) qui peuvent favoriser les arythmies. © 2001 Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés. Mots-clés : arythmies ventriculaires, infarctus du myocarde, mort subite, stratification du risque. Postinfarctus et pronostic La survenue d’une nécrose myocardique implique la prise en charge de trois types de complications potentielles. Il faut craindre tout d’abord une récidive d’accident ischémique coronarien, comme un angor résiduel ou un nouvel infarctus. Mais il est aussi nécessaire de prendre en compte l’évolution possible vers une dysfonction ventriculaire gauche, dans un délai variable. Enfin, il ne faut pas perdre de vue l’incidence de troubles du rythme ventriculaire qui peuvent être responsables d’une mort subite chez un patient ayant présenté un infarctus du myocarde. Ces trois types de complications sont étroitement liés. Par exemple, une nécrose étendue est susceptible d’entraîner beaucoup plus facilement l’apparition d’une insuffisance cardiaque, mais également des arythmies ventriculaires malignes. Ainsi, l’augmentation d’événements rythmiques ventriculaires en fonction de la diminution de la fraction d’éjection (FE) n’est plus à démontrer et la recherche approfondie du risque de mort subite doit être d’autant plus minutieuse que le patient a présenté une nécrose myocardique étendue. En effet, l’incidence de Serge Boveda : Médecin des Hôpitaux. Michel Galinier : Professeur des Universités. Bruno Dongay : Docteur en médecine. Marc Delay : Médecin des Hôpitaux. Jean-Paul Bounhoure : Professeur des Universités. Jean-Marie Fauvel : : Professeur des Universités. Réseau européen pour le traitement des arythmies cardiaques (RETAC), département de rythmologie, service de cardiologie, centre hospitalier universitaire Dupuytren, 2, avenue Martin-Luther-King, 87042 Limoges cedex, France. Philippe Lagrange : Médecin des Hôpitaux, RETAC. Anahita Lagrange : Médecin des Hôpitaux, RETAC. Patrick Blanc : Médecin des Hôpitaux, RETAC. Service de cardiologie, CHU de Rangueil, 1, avenue Jean-Poulhès, 31403 Toulouse cedex, France. Pascal Defaye : Médecin des Hôpitaux, RETAC, centre hospitalier universitaire Michallon, BP 217, 38043 Grenoble cedex. mort subite après un infarctus du myocarde non compliqué et sans altération significative de la FE est inférieure à 1 % à 1 an, ce qui ne paraît pas justifier des explorations cardiaques multiples et parfois complexes. En revanche, les études chez l’insuffisant cardiaque confirment que la mortalité subite rend compte de 20 à 60 % de la totalité des décès, en fonction de l’importance de l’altération de la fonction ventriculaire gauche. Il apparaît clairement à l’heure actuelle que l’arythmie ventriculaire dans la cardiopathie ischémique est un problème multifactoriel lié à l’ischémie, la dysfonction ventriculaire gauche et l’instabilité électrique. Ces trois facteurs interagissent entre eux de façon bidirectionnelle. Il est par conséquent fondamental de ne pas perdre de vue que l’arythmie ventriculaire dans la cardiopathie ischémique ne doit pas être considérée comme un événement isolé, mais qu’il s’agit parfois du témoin de l’ischémie myocardique résiduelle ou de la dysfonction ventriculaire gauche. L’évaluation du pronostic rythmique dans le postinfarctus doit donc comprendre une analyse précise et multifactorielle de la fonction cardiaque, aussi bien sur le plan hémodynamique que rythmologique. Cela rend compte de la complexité du bilan qui doit être réalisé dans le postinfarctus. Par ailleurs, il est évident que celui-ci doit être réalisé après stabilisation de la zone nécrosée (environ 1 semaine après l’infarctus), afin de ne pas prendre en compte les arythmies ventriculaires qui accompagnent la phase aiguë, mais uniquement celles qui sont secondaires à la cicatrice ainsi constituée. Bases physiopathologiques Qu’elle soit constituée (séquelle de nécrose), délimitant ainsi une cicatrice arythmogène, en voie de constitution (phase aiguë d’infarctus), ou transitoire (angor), il est acquis que l’ischémie Encyclopédie Médico-Chirurgicale 11-036-B-10 11-036-B-10 Toute référence à cet article doit porter la mention : Boveda S, Lagrange P, Lagrange A, Defaye P, Blanc P, Galinier M, Dongay B, Delay M, Bounhoure JP et Fauvel JM. Arythmies ventriculaires postinfarctus : identification des patients à risque. Encycl Méd Chir (Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS, Paris, tous droits réservés), Cardiologie, 11-036-B-10, 2001, 6 p.

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Arythmies ventriculaires postinfarctus :identification des patients à risque

S BovedaP LagrangeA LagrangeP DefayeP BlancM GalinierB DongayM DelayJP BounhoureJM Fauvel

Résumé. – Les arythmies ventriculaires malignes constituent une complication classique dans les suites d’uninfarctus du myocarde, après la phase aiguë. La plupart de ces troubles du rythme sont secondaires à unmécanisme de réentrée autour de la cicatrice d’infarctus qui délimite une zone de conduction lente.Cependant, des événements rythmiques peuvent également être déclenchés par une récidive ischémique,toujours possible chez ces patients. Quoi qu’il en soit, les arythmies ventriculaires malignes sont responsablesde la plupart des morts subites (70 à 80 % des cas) chez des patients ayant présenté une nécrosemyocardique. Il ne fait aucun doute que ces événements répondent à un mécanisme complexe et le dépistagedes patients à risque rythmique est un problème multifactoriel. Il existe trois facteurs de risque majeurs :l’ischémie résiduelle, la dysfonction ventriculaire gauche et l’instabilité électrique. Il n’existe pas à l’heureactuelle de marqueur formel et le bilan réalisé doit être le plus exhaustif possible, en dehors de la clinique qui,lorsqu’elle est évocatrice (syncopes…), constitue toujours un signe de gravité. Ce bilan doit comporter pour lemoins une évaluation répétée de la fraction d’éjection qui est un puissant marqueur de risque de mort subite,un Holter-électrocardiogramme, ainsi qu’une recherche de potentiels tardifs ventriculaires. Il est par ailleursnécessaire de rechercher l’ischémie résiduelle et d’éviter les médicaments (antiarythmiques) ou lescirconstances cliniques (troubles électrolytiques) qui peuvent favoriser les arythmies.© 2001 Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés.

Mots-clés : arythmies ventriculaires, infarctus du myocarde, mort subite, stratification du risque.

Postinfarctus et pronosticLa survenue d’une nécrose myocardique implique la prise en chargede trois types de complications potentielles. Il faut craindre toutd’abord une récidive d’accident ischémique coronarien, comme unangor résiduel ou un nouvel infarctus. Mais il est aussi nécessairede prendre en compte l’évolution possible vers une dysfonctionventriculaire gauche, dans un délai variable. Enfin, il ne faut pasperdre de vue l’incidence de troubles du rythme ventriculaire quipeuvent être responsables d’une mort subite chez un patient ayantprésenté un infarctus du myocarde. Ces trois types de complicationssont étroitement liés. Par exemple, une nécrose étendue estsusceptible d’entraîner beaucoup plus facilement l’apparition d’uneinsuffisance cardiaque, mais également des arythmies ventriculairesmalignes. Ainsi, l’augmentation d’événements rythmiquesventriculaires en fonction de la diminution de la fraction d’éjection(FE) n’est plus à démontrer et la recherche approfondie du risque demort subite doit être d’autant plus minutieuse que le patient aprésenté une nécrose myocardique étendue. En effet, l’incidence de

Serge Boveda : Médecin des Hôpitaux.Michel Galinier : Professeur des Universités.Bruno Dongay : Docteur en médecine.Marc Delay : Médecin des Hôpitaux.Jean-Paul Bounhoure : Professeur des Universités.Jean-Marie Fauvel : : Professeur des Universités.Réseau européen pour le traitement des arythmies cardiaques (RETAC), département de rythmologie, servicede cardiologie, centre hospitalier universitaire Dupuytren, 2, avenue Martin-Luther-King, 87042 Limogescedex, France.Philippe Lagrange : Médecin des Hôpitaux, RETAC.Anahita Lagrange : Médecin des Hôpitaux, RETAC.Patrick Blanc : Médecin des Hôpitaux, RETAC.Service de cardiologie, CHU de Rangueil, 1, avenue Jean-Poulhès, 31403 Toulouse cedex, France.Pascal Defaye : Médecin des Hôpitaux, RETAC, centre hospitalier universitaire Michallon, BP 217,38043 Grenoble cedex.

mort subite après un infarctus du myocarde non compliqué et sansaltération significative de la FE est inférieure à 1 % à 1 an, ce qui neparaît pas justifier des explorations cardiaques multiples et parfoiscomplexes. En revanche, les études chez l’insuffisant cardiaqueconfirment que la mortalité subite rend compte de 20 à 60 % de latotalité des décès, en fonction de l’importance de l’altération de lafonction ventriculaire gauche. Il apparaît clairement à l’heureactuelle que l’arythmie ventriculaire dans la cardiopathie ischémiqueest un problème multifactoriel lié à l’ischémie, la dysfonctionventriculaire gauche et l’instabilité électrique. Ces trois facteursinteragissent entre eux de façon bidirectionnelle. Il est parconséquent fondamental de ne pas perdre de vue que l’arythmieventriculaire dans la cardiopathie ischémique ne doit pas êtreconsidérée comme un événement isolé, mais qu’il s’agit parfois dutémoin de l’ischémie myocardique résiduelle ou de la dysfonctionventriculaire gauche. L’évaluation du pronostic rythmique dans lepostinfarctus doit donc comprendre une analyse précise etmultifactorielle de la fonction cardiaque, aussi bien sur le planhémodynamique que rythmologique. Cela rend compte de lacomplexité du bilan qui doit être réalisé dans le postinfarctus. Parailleurs, il est évident que celui-ci doit être réalisé après stabilisationde la zone nécrosée (environ 1 semaine après l’infarctus), afin de nepas prendre en compte les arythmies ventriculaires quiaccompagnent la phase aiguë, mais uniquement celles qui sontsecondaires à la cicatrice ainsi constituée.

Bases physiopathologiques

Qu’elle soit constituée (séquelle de nécrose), délimitant ainsi unecicatrice arythmogène, en voie de constitution (phase aiguëd’infarctus), ou transitoire (angor), il est acquis que l’ischémie

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Toute référence à cet article doit porter la mention : Boveda S, Lagrange P, Lagrange A, Defaye P, Blanc P, Galinier M, Dongay B, Delay M, Bounhoure JP et Fauvel JM. Arythmies ventriculaires postinfarctus : identification despatients à risque. Encycl Méd Chir (Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS, Paris, tous droits réservés), Cardiologie, 11-036-B-10, 2001, 6 p.

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myocardique est le facteur déclenchant le plus fréquemmentimpliqué dans les troubles du rythme ventriculaire chez un sujetporteur d’une myocardiopathie. En effet, la cicatrice myocardiqueconsécutive à l’infarctus est un substrat potentiel pour ledéclenchement d’arythmies ventriculaires complexes. Cela est dû àla présence dans ce type de tissu d’une homogénéité électriquealtérée, de modifications des périodes réfractaires et d’anomalies dela conduction, qui facilitent l’induction d’arythmies par réentrée,ainsi que la libération de réponses automatiques anormales par lescellules partiellement repolarisées. L’expérimentation animale tendà prouver que la perte du couplage électrique intercellulaire due àl’ischémie est en relation avec la survenue de fibrillationventriculaire et que ce défaut d’interaction contribue à l’échec de lapropagation de l’impulsion électrique dans le cadre d’un tissu ayantune excitabilité modifiée en raison d’une kaliémie élevée et d’unediminution du pH [25]. Les cardiopathies ischémiques évoluées, avecdysfonction ventriculaire gauche, ont une incidence élevéed’arythmies ventriculaires complexes, d’événements ischémiques etde décès. Les antiarythmiques n’améliorent pas le pronostic de cespatients [11]. Les inhibiteurs de l’enzyme de conversion réduisent laprévalence des troubles du rythme ventriculaire [31], l’incidence desdécès et des récidives d’infarctus, mais ne modifient pas le nombrede décès rythmiques, indiquant ainsi que l’ischémie résiduelle doitêtre la variable de risque la plus importante de ce type de patients.Au niveau supraventriculaire, l’ischémie est également un desmarqueurs du risque rythmique chez les patients ayant présenté unenécrose myocardique. Par ailleurs, il est maintenant acquis que touttraitement tendant à diminuer l’ischémie résiduelle dans lepostinfarctus diminue de ce fait l’incidence des événementsrythmiques majeurs [18].

Les principaux facteurs influençant le risque de mort subite aprèsun infarctus du myocarde ont bien été schématisés par Coumel etBayes de Luna [3], par un triangle dont les trois angles sont l’ischémiemyocardique, la dysfonction ventriculaire gauche et l’instabilitéélectrique (fig 1). Ces trois facteurs interagissent entre eux de façonbidirectionnelle, et chaque modification de l’un d’entre eux affectele suivant directement ou indirectement (tableaux I, II, III). Cesfacteurs servent de base physiopathologique pour expliquer lesarythmies ventriculaires et orienter la recherche des patients à risquedans le postinfarctus.

Mécanismes des arythmiesventriculaires

Depuis l’avènement des techniques d’enregistrement par la méthodede Holter, de nombreux progrès ont été accomplis dans lacompréhension des mécanismes rythmiques à l’origine de la mortsubite, en particulier dans les suites d’un infarctus du myocarde.Bayes de Luna, Coumel et Leclercq [2] ont publié 157 cas de mortssubites enregistrées par Holter ambulatoire en 1989. Une grandemajorité de ces événements était en relation avec la survenue d’unearythmie ventriculaire maligne (83,4 %, contre 16,6 % debradyarythmies) : ceux-ci comprenaient 62,4 % de tachycardiesventriculaires mais aussi 12,7 % de torsades de pointes et 8,3 % defibrillations ventriculaires inaugurales. Dans le groupe des patientsayant présenté une tachycardie ventriculaire ou une fibrillationventriculaire inaugurales, la pathologie coronarienne est trèslargement majoritaire (93,3 %). Il faut aussi remarquer que la mesurede l’intervalle QT de ces patients montre des valeurs souvent élevées(aux alentours de 440 ms) avant la survenue de l’arythmie fatale.Cela confirme l’intérêt que peut avoir la mesure dynamique del’intervalle QT dans la stratification des patients à risque rythmiquedans le postinfarctus. Le nombre et la complexité des extrasystolesventriculaires augmentent significativement dans l’heure précédantl’arythmie ventriculaire (entre 26 % et 90 % d’augmentation selonles auteurs). Pour 8,3 % des patients de cette étude, la fibrillationventriculaire est apparue sans tachycardie ventriculaire organiséepréalable, soit par une extrasystole ventriculaire précoce, parfoisR/T, soit par une salve de quelques complexes ventriculaires, alorsque 62,4 % d’entre eux ont présenté une tachycardie ventriculairemonomorphe durable initiatrice. Ce dernier point souligne de façon

IE

DVG IR

Risque

1 Le risque postinfarctus se trouve aucentre du triangle formé par l’ischémie ré-siduelle (IR), l’instabilité électrique (IE) etla dysfonction ventriculaire gauche(DVG).

Tableau I. – Interactions entre l’instabilité électrique et l’ischémierésiduelle.

Ischémie Instabilité électrique- Ralentissement de la conduction- Temps de récupération de l'excitabilité prolongé- Modification des périodes réfractaires (plus courtes que pour des myocytes sains)- Dispersion des périodes réfractaires permettant la réentrée

Instabilité électrique Ischémie

- Diminution du flux sanguin pour des fréquences cardiaques rapides

Tableau II. – Interactions entre la dysfonction ventriculaire gaucheet l’ischémie.

Dysfonction ventriculaire Ischémie- Augmentation de la pression ventriculaire diastolique produisant uneréduction du flux coronaire sous-endocardique- Diminution du débit cardiaque- Augmentation de l'ischémie à l'effort

Ischémie Dysfonction ventriculaire- Myocarde hibernant

Tableau III. – Interactions entre la dysfonction ventriculaire gaucheet l’instabilité électrique.

Dysfonction ventriculaire Instabilité électrique

- Facteurs neurohormonauxaugmentation de l'activité sympathiqueaugmentation des niveaux d'épinéphrine et de norépinéphrineactivation du système rénine-angiotensine-aldostéroneaugmentation du niveau de facteur natriurétique

- Désordres électrolytiqueshypokaliémie, hyponatrémie, hypomagnésémie

- Effet proarythmique des médicaments antiarythmiques, diurétiques, digitaliques, inotropes positifs

- Facteurs anatomiquesbloc anatomique permettant une réentrée

cicatrice après un infractus du myocardeanévrisme ventriculaire gauche

bloc fonctionnelischémiemédicaments (antiarythmiques)

activité déclenchéedistension des fibres musculaires et de Purkinje

Instabilité électrique Dysfonction ventriculaire

- Altérations hémodynamiques pour des fréquences cardiaques rapides- Perte de l'activité auriculaire (passage en fibrillation auriculaire)

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objective la prépondérance de la tachycardie ventriculaire dans lesmécanismes conduisant à la mort subite. Le groupe des patientsayant présenté une bradyarythmie comporte une proportionsignificativement plus faible de cardiopathies ischémiques que dansle groupe précédent, ce qui tend à confirmer l’importance de lapathologie coronarienne dans le déclenchement des arythmiesventriculaires. Il faut également souligner la très faible proportionde cardiopathies ischémiques dans le groupe des torsades de pointes(7,7 % seulement). En revanche, le nombre important de patientstraités par antiarythmiques (69,2 %) dans ce dernier groupe rappellel’influence des facteurs iatrogènes dans le déterminisme desarythmies ventriculaires. Au vu de ces résultats, il apparaît que lemécanisme initiateur de mort subite est le plus fréquemment unetachycardie ventriculaire qui dégénère secondairement en fibrillationventriculaire. Ce scénario se produit le plus souvent chez despatients porteurs de myocardiopathie ischémique. La tachycardieventriculaire est souvent précédée par une tachycardie sinusale oudes arythmies supraventriculaires traduisant une influence dusystème nerveux sympathique à ce moment-là, une alternance decycles courts-cycles longs et une augmentation du polymorphisme,ainsi qu’un raccourcissement du couplage des extrasystolesventriculaires.

Marqueurs du risque rythmique

Nous avons vu que le risque d’arythmies ventriculaires dans lepostinfarctus est multifactoriel. Cela rend compte de la difficultéd’appréhender avec précision ce risque chez un sujet donné. Nousallons développer successivement les paramètres qui peuvent êtreutiles dans le bilan rythmique du postinfarctus qui, comme nousl’avons déjà expliqué, ne doit pas être réalisé avant la fin de la phaseaiguë, c’est-à-dire la première semaine suivant la nécrose. Il fautégalement souligner la nécessité de vérifier, lors de ce bilan,l’absence de troubles ioniques et en particulier d’hypokaliémie oude traitements arythmogènes tels que des antiarythmiques de classeI qui peuvent constituer autant d’éléments favorisant des arythmiesventriculaires iatrogènes.

PARAMÈTRES CLINIQUES

Dans le domaine de l’insuffisance cardiaque, de nombreuxparamètres cliniques ont été étudiés comme facteurs de mauvaispronostic. La plupart des études réalisées ont traité plusparticulièrement des insuffisances cardiaques secondaires à unecardiopathie ischémique. Cela ne constitue pas forcément un refletdu risque d’arythmie ventriculaire, mais plutôt une appréciation durisque de mortalité globale chez des patients qui ont le plus souventune altération franche de la fonction systolique ventriculaire gauche.Le premier facteur étudié et a priori le plus intéressant est la capacitéfonctionnelle de ces patients. La mort rythmique est le mode dedécès de près de la moitié des insuffisants cardiaques [20]. Ce risqueaugmente avec l’aggravation de la fonction ventriculaire gauche.Cependant, alors que la mortalité totale est en relation avec lasévérité de l’insuffisance cardiaque, il existe une relation inverseentre le pourcentage de décès dus à la mort subite et la classefonctionnelle de la New York Heart Association (NYHA). Ainsi,pour les stades modérés (classes I et II de la NYHA) où la mortalitétotale est basse, la mort subite rend compte de 50 à 60 % del’ensemble des décès, alors que dans l’insuffisance cardiaque sévère,où la mortalité totale est élevée, la mort subite est à l’origine de 20 à30 % de tous les décès. Par ailleurs, d’autres études ont parlé dumauvais pronostic lié à la présence d’un bloc complet de la branchegauche chez l’insuffisant cardiaque [14], de même que l’hyponatrémie,l’augmentation des pressions droites et les antécédents de syncopes.Ces facteurs paraissent cependant être un reflet de l’évolution de lacardiopathie sous-jacente et traduire ainsi un risque global plutôtqu’un risque rythmique.

ISCHÉMIE RÉSIDUELLE

Les résultats de l’étude Cardiac Arrhythmia Suppression Trial(CAST) [28] renforcent l’idée que l’ischémie résiduelle est unmarqueur de risque rythmique, dans la mesure où il a été considéréqu’elle pouvait expliquer, au moins en partie, la survenued’arythmies ventriculaires et de morts subites lors du suivi despatients de cette étude. Bien évidemment, il est habituel dediagnostiquer et de traiter l’ischémie myocardique symptomatiqueaprès la survenue d’un infarctus, mais le plus important est dedéterminer dans quelle mesure l’ischémie silencieuse est un facteurde pronostic significatif. Plusieurs études apportent des réponsescontradictoires à cette question. L’étude multicentrique publiée parMoss [21] ne montrait pas de valeur pronostique pour l’ischémiemyocardique, qu’elle soit détectée par épreuve d’effort ou parscintigraphie au thallium. Seules les modifications du segment STsur l’électrocardiogramme (ECG) de surface apportaient une valeurprédictive. Gill a publié une autre étude multicentrique concernantcet aspect chez des patients ayant présenté un infarctus myocardiquerécent [17]. L’ischémie myocardique détectée par méthode Holter a,dans cette étude, une bonne valeur prédictive pour de nouveauxévénements ischémiques, sans que cela apporte cependant d’élémentnouveau en termes de mort subite. Enfin, l’étude multicentriqueCoronary Artery Bypass Graft (CABG) [29], qui étudiait la survie chezdes patients présentant une myocardiopathie ischémique avec FEaltérée, des potentiels tardifs ventriculaires positifs, et pour lesquelsune revascularisation myocardique par pontage était réalisée,montrait l’absence de différence significative en termes de mortsubite dans le groupe ayant bénéficié de l’implantation d’undéfibrillateur par rapport au groupe traité médicalement. Parailleurs, le taux de mortalité subite dans cette étude étaitrelativement bas pour ces patients à haut risque : 18 % contre 32 %dans l’étude Multicenter Automatic Defibrillator Implantation Trial(MADIT) [30]. Ce point souligne l’importance d’une revascularisationla plus complète possible pour lutter efficacement contre le risquerythmique.

FRACTION D’ÉJECTION

La FE ventriculaire gauche est l’un des plus puissants marqueursindépendants du risque de mort subite. La limite de 30 % estcouramment admise, mais il est certain qu’un patient présentant uneFE inférieure à 25 % présente un risque significativement plusimportant que celui qui a une valeur de FE supérieure à 35 % [8]. Ladétérioration de la fonction ventriculaire gauche est accompagnéed’une augmentation significative de la fréquence, de la complexité,de la sévérité des arythmies ventriculaires, et surtout d’uneincidence de mort subite plus élevée. Les facteurs hémodynamiquessont liés au risque de mort subite par l’élévation des pressions etdes volumes ventriculaires gauches qui favorisent la survenued’arythmies ventriculaires. Cependant, un des problèmes de cemarqueur est précisément lié à sa quantification. En effet, bien queplusieurs méthodes soient actuellement reconnues (échographiecardiaque, FE isotopique, angiographie), chacune d’entre ellesprésente des erreurs méthodologiques qui doivent être connues etprises en compte (par exemple, en présence d’une régurgitationmitrale significative...). Pour cette raison, plutôt qu’une valeur bruteà un instant donné, l’évolution de la FE calculée par la mêmeméthode pour un même patient est un paramètre à prendre encompte. Par exemple, selon Cintron [7], une diminution de 5 % de laFE dans l’année est associée à une mortalité multipliée par deux parrapport à une augmentation de 5 % de la FE pendant la mêmepériode.

HOLTER-ÉLECTROCARDIOGRAMME

La valeur pronostique des arythmies ventriculaires constatées lorsde l’enregistrement Holter-ECG reste diversement appréciée. Pourcertains, la présence de tachycardie ventriculaire non soutenueconstitue un facteur indépendant de mort subite [10]. Les résultats del’étude GISSI suggèrent que chez les patients ayant une FE inférieureà 35 %, la présence de dix extrasystoles ventriculaires ou plus, ou

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encore une extrasystolie ventriculaire complexe, sont associées à unrisque de mort subite 2,5 fois plus important. Cependant, pour laplupart des auteurs, la présence de tachycardie ventriculaire nonsoutenue n’est pas un facteur prédictif de mort subite ; de plus, sielle est associée à une augmentation du risque de mortalité totale enanalyse univariée, cette relation disparaît en analyse multivariée.Ainsi, les arythmies ventriculaires apparaissent davantage le témoind’une dysfonction ventriculaire gauche sévère qu’un authentiquemarqueur du risque de mort subite.

POTENTIELS TARDIFS VENTRICULAIRES

L’absence de potentiels tardifs ventriculaires après une nécrosemyocardique a une grande valeur prédictive négative pour l’absencede tachycardies ventriculaires soutenues par mécanisme de réentréeet elle est associée à un faible risque de mort subite. Cet examenapporte des informations complémentaires et indépendantes, maissa valeur prédictive positive est faible [5]. Par ailleurs, en présencede troubles conductifs ventriculaires, fréquents après une nécrosemyocardique, certains auteurs ont publié des critères de positivitédes potentiels tardifs pour les patients présentant un bloc debranche [6]. La présence d’anomalies à l’ECG à haute amplificationsemble avoir une bonne valeur prédictive de tachycardieventriculaire soutenue lors de la stimulation ventriculaireprogrammée [15]. Dans les études de suivi, la présence de potentielstardifs ventriculaires apparaît comme un facteur prédictif detachycardie ventriculaire soutenue symptomatique chez les patientsayant une altération marquée de la FE, mais elle ne permet pas deprédire le risque de mort subite [15].

VARIABILITÉ SINUSALE

Dans le postinfarctus, le rôle important du système nerveuxautonome a déjà été étudié depuis quelques années. Farrell, parexemple, a montré dans son étude portant sur 416 patients que labaisse de variabilité sinusale est le prédicteur le plus puissantd’événements rythmiques après un infarctus du myocarde avec uneexcellente sensibilité (92 %), mais une valeur prédictive de 19 % etun risque relatif de 32,4 % [12]. Fei a étudié la variabilité sinusalespectrale chez 40 patients porteurs d’une cardiopathie avecaltération de la FE. Il a constaté une diminution significative desparamètres par rapport à un groupe témoin, et ce d’autant plus quela FE était altérée. Par ailleurs, ces modifications étaientindépendantes de l’étiologie de la cardiopathie et de la présenced’arythmies ventriculaires au Holter. Enfin, après 1 an de suivi, iln’était pas retrouvé de différence de variabilité sinusale spectraleentre le groupe des six patients victimes d’une mort subite et lessurvivants. L’auteur conclut que cette méthode ne permet pasd’identifier correctement les patients à haut risque de mort subite [13].

DISPERSION DE L’INTERVALLE QT

La dispersion de l’intervalle QT, mesurée sur un ECG 12 dérivations,est un reflet indirect de l’inhomogénéité de la repolarisationventriculaire. Elle est augmentée chez les patients porteurs decardiopathie (65 ms en moyenne, alors que cette valeur est en règleinférieure à 50 ms chez les sujets normaux). Une dispersion du QTsupérieure à 80 ms constitue un facteur indépendant de risque demort subite chez les patients atteints de cardiomyopathie primitive.En effet, dans notre expérience concernant le suivi de 205 patientsen rythme sinusal [16], le risque de mort subite est 4,9 fois plusimportant pour une cohorte de 119 patients atteints demyocardiopathie dilatée. En revanche, en ce qui concerne les86 patients atteints de cardiomyopathie ischémique, aucun desparamètres de dispersion du QT que nous avons étudiés n’a été misen relation avec des événements rythmiques ou un risque accru demort subite. L’étude en routine de ce paramètre semble parconséquent avoir un intérêt limité pour évaluer le risque rythmiqueaprès un infarctus du myocarde.

ALTERNANCE DE L’ONDE T

L’alternance de l’onde T a été identifiée très tôt comme étant unprécurseur d’arythmies ventriculaires [19]. Bien que le mécanismephysiopathologique exact soit encore mal élucidé, il sembleaujourd’hui acquis que cette alternance de la repolarisation surl’ECG de surface soit profondément liée à celle enregistrée au niveaucellulaire [22]. Des alternances discordantes de la repolarisation entreles cellules myocardiques produisent des gradients de repolarisationd’une amplitude suffisante pour favoriser des blocs unidirectionnelset une fibrillation ventriculaire par réentrée [22]. Ces donnéesparaissent lier étroitement les alternances de l’onde T sur l’ECG desurface avec la survenue de la mort subite. Cependant, il est encoredifficile d’utiliser cette information comme facteur pronostique dansla pratique courante.

TURBULENCE DE LA FRÉQUENCE CARDIAQUE

Certains auteurs ont récemment identifié un marqueur de risque quiparaît particulièrement puissant pour prédire le risque de mortalitéglobale chez un patient ayant présenté un infarctus du myocarde :la turbulence de la fréquence cardiaque. Schmidt a étudié lesfluctuations du cycle cardiaque après les extrasystoles ventriculairesisolées, déterminant ainsi deux paramètres : le début et la pente dela turbulence de la fréquence cardiaque [24]. Cette analyse étaitréalisée lors de l’enregistrement Holter-ECG des patients en rythmesinusal ayant présenté une nécrose myocardique qui étaient suivisdans le cadre de l’étude European Myocardial Amiodarone Trial(EMIAT) et de l’étude Multicentre Post-Infarction Program (MPIP).Dans ces deux populations, l’association d’un début et d’une pentede turbulence anormaux était le marqueur de risque de mortalitéglobale le plus puissant en analyse multivariée au cours d’un suivide 21 mois (risque relatif de 3,2 pour les deux études). Les auteursconcluent que l’absence de turbulence de la fréquence cardiaqueaprès les extrasystoles ventriculaires est un puissant et indépendantmarqueur de risque de mortalité globale chez des patients ayantprésenté un infarctus du myocarde [24]. Ce paramètre est en coursd’évaluation et ne fait pas partie à l’heure actuelle du bilanrythmique qui est réalisé en routine dans le postinfarctus.

STIMULATION VENTRICULAIRE PROGRAMMÉE

Rappelons tout d’abord que le déclenchement d’une tachycardieventriculaire polymorphe ou d’une fibrillation ventriculaire parstimulation ventriculaire programmée sont non spécifiques etn’apportent aucune information pronostique [9]. Lorsqu’il s’agitd’une cardiopathie ischémique, le mécanisme de ces arythmies estle plus souvent un circuit de réentrée autour de la cicatricemyocardique et le taux de patients inductibles par stimulationventriculaire est alors relativement élevé, ce qui n’est pas toujours lecas. En effet, la stimulation ventriculaire programmée induit unetachycardie ventriculaire chez 27 à 50 % des patients présentant unemyocardiopathie ischémique et chez 6 à 13 % des patients porteursd’une cardiomyopathie primitive. Cependant, la stimulationventriculaire programmée ne permet pas de prédire le risque demort subite chez les patients non inductibles [27]. Ces derniers sont àrisque élevé, ce qui dénote une mauvaise sensibilité de la stimulationventriculaire programmée pour ce type de patients. Quoi qu’il ensoit, Brembilla-Perrot [4] démontre dans son étude qu’un patientayant une myocardiopathie avec altération significative de la FE etprésentant une tachycardie ventriculaire soutenue spontanée,induite par stimulation ventriculaire programmée et restantinductible malgré la mise en place d’un traitement antiarythmiqueoptimal (serial testing), est un patient à risque élevé de mort subite :60 % de récidive d’arrêt cardiocirculatoire ou de tachycardieventriculaire. Il en est de même pour les patients non inductiblespar la première stimulation ventriculaire et pour lesquelsl’évaluation du traitement antiarythmique ne peut être conduitecorrectement [27]. Ce risque est d’autant plus important quel’arythmie ventriculaire est mal tolérée et a fortiori syncopale, ce quitémoigne d’une FE basse ou d’une cadence ventriculaire rapide àpotentiel « fibrillatoire » élevé. Pour les patients qui cessent d’être

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inductibles sous traitement antiarythmique bien conduit, lepronostic plus favorable (20 % d’événements rythmiques dans lefollow-up selon Brembilla-Perrot) ne paraît pas être directement lié àl’action pharmacologique du médicament, mais davantage à lasélection de patients dont le risque de mort subite paraît moinsélevé.

STRATIFICATION MULTIFACTORIELLE DU RISQUERYTHMIQUE

Certains paramètres ont montré leur intérêt dans la stratification durisque rythmique, mais aucun n’a prouvé une bonne valeurprédictive lors d’une utilisation isolée. Pour cette raison, des scorescombinant plusieurs paramètres ont été développés pour unestratification multifactorielle. Nous rapportons principalement lesdonnées rapportées par Farrell [12] (tableau IV). Dans son étude, laprésence d’une FE altérée avec des arythmies ventriculaires nonsoutenues et des potentiels tardifs positifs définit un groupeprésentant 58 % de risque d’événements rythmiques dans le suivi.Cette bonne valeur prédictive positive n’a cependant pas étéretrouvée chez d’autres auteurs. En effet, Steinberg a effectivementconfirmé le mauvais pronostic rythmique chez des patients ayantune FE altérée, des arythmies ventriculaires au Holter et despotentiels tardifs positifs [26] (tableau V), mais la valeur prédictivepositive n’était pas aussi bonne que celle rapportée par Farrell.Enfin, ces scores n’ont qu’une sensibilité médiocre (21 % pourSteinberg). Par ailleurs, Pedretti [23] a publié une alternativeintéressante à l’utilisation de ces scores. Il préconise une évaluationdu risque en deux étapes. Les tests non invasifs sont alors utiliséspour définir les patients chez lesquels une stimulation ventriculaireprogrammée est réalisée pour induire une tachycardie ventriculaireafin de dépister un groupe à haut risque rythmique. Cette attitude aété validée en partie par les résultats de l’étude MADIT [30]. Enfin,

d’autres paramètres tels que l’analyse de l’intervalle QT n’ont pasété étudiés dans des scores multifactoriels à grande échelle.

Conclusion

La survenue d’une arythmie ventriculaire constitue l’une descomplications les plus fréquentes après une nécrose myocardique, enparticulier lorsque celle-ci est étendue, et à plus forte raison s’il existeune dysfonction ventriculaire gauche associée. Le pronostic vital peutalors être mis en jeu à court terme et la difficulté principale consiste àdépister les sujets à risque. Dans le domaine de la stratification durisque, peu de progrès majeurs ont été accomplis malgré ledéveloppement récent de l’étude de nouveaux paramètres tels que lavariabilité sinusale, la dispersion de l’intervalle QT, la turbulence de lafréquence cardiaque ou encore l’alternance de l’onde T. En effet, le seulfacteur ayant une valeur pronostique indiscutable est la FE quitémoigne de l’atteinte réelle du myocarde et de laquelle tous les autrescritères étudiés à l’heure actuelle paraissent découler. L’importance de ladysfonction ventriculaire gauche dans la prédiction du risquerythmique comporte des implications sur le plan thérapeutique. Eneffet, les inhibiteurs de l’enzyme de conversion et surtout lesbêtabloquants, qui ont largement démontré leur efficacité en termes desurvie globale, se sont également révélés efficaces sur la mortalitésubite, donc rythmique. En revanche, les antiarythmiques qui devraientêtre, d’un point de vue théorique, efficaces pour prévenir les événementsrythmiques en agissant sur le substrat électrophysiologique, ontlargement démontré leurs limites à travers les multiples études publiéesdepuis plus de 10 ans. Par conséquent, en dehors des bêtabloquants, et àun degré moindre de l’amiodarone, le traitement pharmacologiquepréventif des arythmies ventriculaires comporte également le contrôlede la dysfonction ventriculaire gauche. Parallèlement, le défibrillateur

Tableau IV. – Stratification multifactorielle du risque de mort subite selon Farrell [12].

Sensibilité (%) Spécificité (%) VPP (%) VPN (%)

VS < 20 ms + PTV (+) 58 93 33 93

VS < 20 ms + ESV > 10 50 94 34 96

VS < 20 ms + TVNS 50 96 43 77

VS < 20 ms + FE < 40 % 42 90 22 91

FE < 40 % + PTV (+) 25 94 19 94

FE < 40 % + ESV > 10 33 93 19 94

FE < 40 % + TVNS 25 91 15 95

FE < 40 % + ESV > 10 + PTV (+) 20 97 28 97

VS < 20 ms + ESV > 10 + PTV (+) 38 97 43 96

VS < 20 ms + TVNS + PTV (+) 29 99 58 95

VS : variabilité sinusale ; PTV : potentiels tardifs ventriculaires ; ESV : extrasystoles ventriculaires ; TVNS : tachycardie ventriculaire non soutenue ; FE : fraction d’éjection ; VPP : valeurs prédictives positives ; VPN : valeurs prédictivesnégatives.

Tableau V. – Stratification multifactorielle du risque de mort subite selon Steinberg [26].

Sensibilité (%) Spécificité (%) VPP (%) VPN (%)

FE < 40 % ou Holter (+) 79 47 12 96

FE < 40 % ou PTV (+) 86 39 12 97

Holter (+) ou PTV (+) 75 47 13 95

FE < 40 % ou Holter (+) ou PTV (+) 93 31 11 98

FE < 40 % + Holter (+) 21 85 12 92

FE < 40 % + PTV (+) 36 83 17 93

Holter (+) + PTV (+) 38 89 25 93

FE < 40 % + Holter (+) + PTV (+) 21 94 25 93

VS : variabilité sinusale ; PTV : potentiels tardifs ventriculaires ; ESV : extrasystoles ventriculaires ; TVNS : tachycardie ventriculaire non soutenue ; FE : fraction d’éjection ; VPP : valeurs prédictives positives ; VPN : valeurs prédictivesnégatives.

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automatique implantable a de nos jours une place grandissante dans letraitement du risque rythmique pour ce type de patients. En préventionsecondaire, de multiples études ont démontré son efficacité et même sasupériorité par rapport aux attitudes thérapeutiques pharmacologiquesclassiques pour augmenter le taux de survie chez des patients ayantprésenté un événement rythmique ventriculaire grave dans le cadred’une cardiopathie ischémique. Son intérêt ne fait plus aucun doutedans ce type de situation, mais le plus difficile est de déterminer la placede cet appareil dans le cadre de la prévention primaire. Les publicationsrécentes ont également montré son efficacité pour prévenir la mort

subite chez des patients ayant fait un infarctus, avec une FE altérée,sans événement rythmique ventriculaire préalable. Cependant, le coûtélevé du défibrillateur implantable rend nécessaire la réalisation d’uneévaluation multifactorielle complète et précise du risque rythmique afinde sélectionner les patients qui pourront effectivement bénéficier de cetraitement de manière prophylactique. Enfin, le développementultérieur de nouvelles molécules ayant des propriétés antiarythmiquespeut éventuellement faire évoluer cette attitude thérapeutique dans lamesure où il est fait la preuve de leur utilité pour prévenir le risquerythmique dans le postinfarctus.

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