2. Infarctus du myocarde et tachycardies ventriculaires

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Chapitre 2 2. Infarctus du myocarde et tachycardies ventriculaires Préambule : Ce chapitre rappelle d’abord quelques notions de base sur la physiopathologie de l'infarctus du myocarde et les phénomènes électrophysiologiques liés à la genèse des tachycardies ventriculaires. Nous soulignons ensuite l’intérêt des potentiels tardifs pour évaluer le risque de tachycardie et de mort subite. Puis nous décrivons les caractéristiques générales et l’évolution de ces potentiels anormaux et ceci, dans divers contextes cliniques. Ce chapitre s'achève par la présentation de la population d'étude sur laquelle s'appuiera l'ensemble de nos travaux. 2.1. La mort subite d’origine rythmique Il y a plus de cent ans déjà Mc Williams [Wil 90] avait mis en évidence, chez l’animal, le fait que la mort subite était la conséquence d’une fibrillation ventriculaire (FV), elle-même issue de l’occlusion aiguë d’une artère coronaire. Plus tard, ce résultat a été confirmé sur l’homme par des études basées sur des observations de patients ayant survécu à un arrêt cardiaque. Les enregistrements Holter ont été utilisés pour analyser la variation du cycle circadien et ses relations avec les épisodes d’ischémie aiguë et de mort subite. Dans soixante quinze pour-cent des cas d'apparition de tachycardies ventriculaires (TV), l'étiologie est une cardiopathie ischémique [Mos 87]. Cette TV peut dégénérer en FV et induire une mauvaise tolérance hémodynamique qui précède le plus souvent une mort subite. Estimées à 400 000 par an aux Etats-Unis d’Amérique et entre 30 000 et 60 000 par an en France, les morts subites d’origine cardio-vasculaire représentent la première cause de mortalité dans les pays industrialisés. Ces chiffres justifient clairement l'intérêt des travaux de ces quinze dernières années pour tenter de prévenir la mort subite cardio-vasculaire chez les patients à haut risque. Nous présenterons, dans la suite de ce chapitre, les différents paramètres électriques pour la prédiction de ce type d’arythmie. Nous décrirons les potentiels tardifs, leur genèse et leur valeur diagnostique chez les patients en post-infarctus.

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Chapitre 2

2. Infarctus du myocarde et tachycardies ventriculaires

Préambule : Ce chapitre rappelle d’abord quelques notions de base

sur la physiopathologie de l'infarctus du myocarde et les phénomènes

électrophysiologiques liés à la genèse des tachycardies ventriculaires. Nous

soulignons ensuite l’intérêt des potentiels tardifs pour évaluer le risque de

tachycardie et de mort subite. Puis nous décrivons les caractéristiques

générales et l’évolution de ces potentiels anormaux et ceci, dans divers

contextes cliniques. Ce chapitre s'achève par la présentation de la

population d'étude sur laquelle s'appuiera l'ensemble de nos travaux.

2.1. La mort subite d’origine rythmique

Il y a plus de cent ans déjà Mc Williams [Wil 90] avait mis en évidence, chez l’animal, le

fait que la mort subite était la conséquence d’une fibrillation ventriculaire (FV), elle-même issue

de l’occlusion aiguë d’une artère coronaire. Plus tard, ce résultat a été confirmé sur l’homme par

des études basées sur des observations de patients ayant survécu à un arrêt cardiaque. Les

enregistrements Holter ont été utilisés pour analyser la variation du cycle circadien et ses

relations avec les épisodes d’ischémie aiguë et de mort subite. Dans soixante quinze pour-cent

des cas d'apparition de tachycardies ventriculaires (TV), l'étiologie est une cardiopathie

ischémique [Mos 87]. Cette TV peut dégénérer en FV et induire une mauvaise tolérance

hémodynamique qui précède le plus souvent une mort subite.

Estimées à 400 000 par an aux Etats-Unis d’Amérique et entre 30 000 et 60 000 par an en

France, les morts subites d’origine cardio-vasculaire représentent la première cause de mortalité

dans les pays industrialisés. Ces chiffres justifient clairement l'intérêt des travaux de ces quinze

dernières années pour tenter de prévenir la mort subite cardio-vasculaire chez les patients à haut

risque.

Nous présenterons, dans la suite de ce chapitre, les différents paramètres électriques pour la

prédiction de ce type d’arythmie. Nous décrirons les potentiels tardifs, leur genèse et leur valeur

diagnostique chez les patients en post-infarctus.

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Chapitre 2

2.2. Infarctus du myocarde

2.2.1. Définition clinique

L’infarctus est défini comme une "lésion due à la nécrose hémorragique d’un tissu ou d’un

viscère". L’infarctus du myocarde (IM) fait suite à une occlusion coronarienne aiguë réduisant de

façon critique l’irrigation d’une zone déterminée du muscle cardiaque. Au stade aiguë, l’IM

provoque des dégâts myocardiques importants. On observe notamment une contracture et/ou une

diastole incomplète des cellules myocardiques.

2.2.2. Description des conséquences cellulaires

L’IM crée un état d’anisoinotropisme [Ros 90] des cellules myocardiques touchées.

L’anisoinotropisme exerce des étirements déséquilibrés sur les disques qui séparent les

myocellules adjacentes (appelés disques intercalaires), provoquant de petites déchirures

partielles. Ces disques intercalaires sont étroitement impliqués dans la transmission

intercellulaire du stimulus [Spa 83] et leurs déchirures provoquent des retards et/ou des

déviations locales de la vague d’excitation. Sur l'électrocardiogramme, ces modifications du front

d'activation se traduisent par la présence de micro-potentiels anormaux. Ils sont inconstants et

temporaires car l'anisoinotropisme est un processus réversible [Tur 89] [Lew 89].

La nécrose des cellules myocardiques s’installe après l’ischémie aiguë et est irréversible,

favorisant ainsi la genèse de potentiels anormaux qui pourront être enregistrés sur l’ECG-HR

[Gom 91]. De ces potentiels, seul sont détectables avec les moyens conventionnels ceux qui sont

situés à la fin et après le complexe QRS. Appelés potentiels tardifs, ils traduisent la présence

d’un substrat anormal irréversible.

2.3. Tachycardies ventriculaires soutenues

2.3.1. Définition

La tachycardie ventriculaire (TV) est définie comme une accélération du rythme prenant

naissance dans le ventricule. Une TV est considérée comme soutenue si elle dure plus de 30

secondes ou responsable d'une altération de l'état hémodynamique. La fréquence ventriculaire de

la TV est variable. On distingue les TV lentes dont la fréquence va de 100 à 130 battements par

minute, les TV très rapides qui ont une fréquence supérieure à 250 cycles par minute et les TV

dites «communes», situées dans les fréquences intermédiaires, entre 130 et 250 cycles par

minute.

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Chapitre 2

Figure 2-1 : tachycardie ventriculaire monomorphe soutenue enregistrée sur un ECG standard.

[extrait de Archives des maladies du cœur et des vaisseaux, juin 1996]

Dans les TV monomorphes, il n’y a qu’une seule morphologie pour tous les complexes (cf.

figure 2-1). Les TV polymorphes présentent deux ou plusieurs types de morphologies et leur

pronostic est plus sévère, parmi elles «les torsades de pointes».

2.3.2. Electrogenèse des TV

Le substrat électrophysiologique générant les TV soutenues chez l’homme a été difficile à

affirmer car les cartographies d’activation ne sont pas aussi précises que chez l’animal.

Effectivement, diverses cartographies très détaillées effectuées chez le chien durant la phase

aiguë de l’infarctus [Schr 85] démontrent que chez l'animal, le mécanisme à l'origine de la TV est

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Chapitre 2

celui de la réentrée. La figure 2-2 schématise ce mécanisme. La réentrée se produit lorsqu'un

stimulus suffisamment prématuré se heurte à un arc de bloc de conduction fonctionnel. L’onde

d’activation contourne cet arc pour ensuite fusionner en une voie réentrante commune qui revient

lentement réactiver le site proximal et générer la tachycardie.

Chez l'homme, la plupart des TV trouvent probablement leurs origines dans le sous-

endocarde, comme en témoignent les explorations électrophysiologiques et les cartographies

opératoires et aussi les succès thérapeutiques des techniques d’ablation par voie endocavitaire.

De plus, beaucoup d’arguments indirects issus des explorations électrophysiologiques plaident

pour la réentrée comme cause principale, sinon exclusive, des TV soutenues [Jos 90] .

A B

C

Figure 2-2 : schéma de réentrée d’après Motté. L'influx électrique arrive à la base de A et B et se

divise en deux : en A l'influx est stoppé par une zone qui ne subit pas de dépolarisation; en B l'influx se

dirige vers la branche C pour se propager alors dans la branche A, mais dans le sens inverse. On a alors

création d'une réexcitation des tissus [reproduit à partir de Motté. Aide mémoire de la rythmologie,

Paris 1987, p. 26].

Cependant, l'ensemble des mécanismes à l'origine de l’apparition des TV ne sont pas

encore complètement élucidés. On incrimine également des anomalies de l’état réfractaire et

l’hétérogénéité comme des facteurs susceptibles de créer un bloc unidirectionnel qui pourrait se

terminer par le déclenchement d'une TV.

2.3.3. Circonstances des survenues

La fréquence et la complexité des arythmies ventriculaires varient en fonction du délai

écoulé depuis le début de l’IM.

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Chapitre 2

2.3.3.1. Au cours de la phase aiguë de l’infarctus

Des TV précoces apparaissent dans les 72 heures suivant l'IM. Elles n’ont en général

aucune relation avec la topographie de l’IM ou avec l’extension de la zone nécrosée alors que les

TV plus tardives sont plus fréquentes dans les infarctus étendus avec une fraction d’éjection

basse. La survenue d’une TV soutenue augmente la mortalité hospitalière mais, pour les

survivants de la phase aiguë, le pronostic à long terme n’est pas plus mauvais que pour les

malades n’ayant pas eu de TV [Dub 87].

2.3.3.2. A distance de l’infarctus du myocarde

Des TV survenant à distance de l'IM sont les plus fréquentes. Elles apparaissent dans les

semaines, les mois ou même les années qui suivent la nécrose et ont tendance à récidiver. Une

TV récidivante survenant plus de 48 heures après la fin de la phase aiguë traduit généralement la

présence d’un substrat physiopathologique irréversible capable d’engendrer une mort subite

cardiaque. Les potentiels tardifs, qui sont des signes précurseurs du risque de TV, existent chez

environ un tiers des patients dont la nécrose myocardique a été suivie d’arythmie ventriculaire

grave après la phase aiguë. Il existe une forte corrélation entre l'apparition d’une TV soutenue, la

présence de potentiels tardifs, la présence d’une dyskinésie ventriculaire et l’abaissement de la

fraction d’éjection ventriculaire gauche. Chez les sujets sans antécédent d’arythmie et présentant

des potentiels tardifs, la valeur prédictive positive d'apparition d’une TV est de 15 à 30 % des

cas. Au contraire, l'absence de potentiels tardifs implique un risque très faible d’apparition de TV

à distance de la nécrose, inférieur à 5% des cas.

2.3.4. Exploration par voie endocavitaire

Les explorations électrophysiologiques endocavitaires ont pour but d'explorer l'activité

électrique du cœur. Elles fournissent au praticien des informations sur les propriétés

fonctionnelles des tissus cardiaques. Elles l'éclairent sur la nature des troubles du rythme

cardiaque et les possibilités de traitement. Trois domaines sont concernés par l'électrophysiologie

clinique [Tou 89] : la conduction auriculo-ventriculaire, l'activité du noeud sinusal, les

tachycardies. Dans ce dernier domaine l'apport des techniques intra-cardiaque a été considérable :

(1) distinction en cours de crise entre tachycardies supraventriculaires et TV.

(2) diagnostic a posteriori d'une tachycardie.

(3) étude à visée thérapeutique de tachycardies graves ou résistantes au traitement médical.

Page 6: 2. Infarctus du myocarde et tachycardies ventriculaires

Chapitre 2

2.3.5. Exploration non-invasive

L’ECG standard enregistré en cours de TV permet le diagnostic de TV et de son type,

monomorphe ou polymorphe et de l'origine topographique..

L’ECG Holter permet d’évaluer la fréquence des TV de durée brève, l’effet d’une

thérapeutique, et éventuellement de préciser les facteurs déclenchants comme les extra-systoles

ventriculaires.

L’enregistrement haute-résolution moyenné est, en pratique clinique, un des moyens

permettant d'enregistrer et de détecter les potentiels tardifs [Bre 87] [Den 87] et ainsi de prédire

le risque d’apparition des TV.

2.4. Fibrillation ventriculaire et mort subite

La fibrillation ventriculaire (FV) est la cause principale de mort subite. Elle entraîne une

perte de synchronisation des contractions des ventricules, et a pour conséquence une totale

inefficacité circulatoire. Un arrêt circulatoire de trois minutes est encore compatible avec la

survie. Au-delà de la cinquième minute apparaissent des lésions cérébrales irréversibles.

Sur l’électrocardiogramme, on observe une disparition de l’activité électrique périodique et

son remplacement par une activité continue, faite d’oscillations irrégulières sans ligne de base.

Le déclenchement de la FV peut être le fait d’extra-systoles ventriculaires très précoces. Plus

rarement, il s’agit d’un accès de TV monomorphes ou de torsades de pointes qui se désorganisent

et se transforment en FV (cf. Figure 2-3).

Page 7: 2. Infarctus du myocarde et tachycardies ventriculaires

Chapitre 2

Figure 2-3 : exemple de TV se transformant en FV [extrait de Drugs 1991, Vol.41, Supplement 2,

p. 27].

2.5. Potentiels tardifs

Les potentiels tardifs (PT) sont des micropotentiels anormaux, fragmentés, de faible

amplitude (inférieurs à 25 µV crête-à-crête). Boineau et Cox [Boi 73] ont été les premiers à

montrer, en 1973, la présence de ces PT sur les électrocardiogrammes des zones ischémiques

d’un coeur de chien. Par la suite, une étude menée par Williams [Wil 74] a permis de démontrer

sur un modèle animal, que les PT sont des marqueurs de la présence d’un substrat de réentrée

susceptible de générer des arythmies ventriculaires. Ce résultat fut confirmé par des

cartographies épicardiques réalisées par El-Sherif et Wit [She 77] [She 81].

2.5.1. Potentiels tardifs à la phase initiale de l’infarctus

D’après les travaux de El-Sherif [She 89], il n’existe pas de corrélation entre la présence de

PT et la survenue d’arythmies ventriculaires ou de mort subite à la phase aiguë, et tout

Page 8: 2. Infarctus du myocarde et tachycardies ventriculaires

Chapitre 2

particulièrement dans les 48 heures suivant l’IM. Kerte [Ker 84] avait déjà montré ce résultat sur

des enregistrements effectués dans les premières heures de l’IM et Gomes [Gom 85] avait

observé que les PT acquièrent leur valeur pronostique d’accidents rythmiques seulement

quelques jours après l’IM.

2.5.2. Evolution ultérieure des potentiels tardifs

Kuchar [Kuc 86] et Dennis [Den 87, 2] ont montré que seuls les patients qui conservent des

PT au-delà de plusieurs jours après l'IM sont menacés du risque de survenue de TV ou de mort

subite. Effectivement, les patients dont les PT disparaissent après la phase initiale ne développent

pas d’événements rythmiques graves au cours de la première année après l’IM. Ces modifications

des PT dans le temps traduisent une transformation du substrat arythmogène. En définitive, ces

études suggèrent que la meilleure fiabilité du pronostic post-infarctus est obtenue en réalisant un

enregistrement ECG-HR après la première semaine qui suit l’infarctus. D’après les travaux de

El-Sherif [She 89], la période optimale se situe entre le sixième et le quatorzième jour.

2.5.3. Conclusion

Le substrat arythmogène susceptible de déclencher une TV peut être détecté grâce à la

recherche de PT sur l’ECG-HR. Ces PT sont des marqueurs de la présence d'un substrat

arythmogène et semblent avoir une valeur pronostique importante après la phase aiguë de l’IM.

2.6. Constitution d’une population d'étude

Les travaux exposés dans ce mémoire s'appuient sur une population d'étude qui est

constituée de trois groupes distincts. Les deux premiers groupes sont constitués de patients en

post-infarctus répartis en patients avec TV (IM+TV) et en patients sans TV (IM-TV). Le

troisième groupe est constitué de sujet sains et est utilisé comme groupe de référence (Sains).

Notre population a été extraite de la base de données de l'unité des soins intensifs de

l'hôpital cardiologique de Lyon (Louis Pradel), dirigée par le Pr. Paul Touboul. Cette base de

données mémorise l'ensemble des dossiers des patients qui ont été hospitalisés dans cette unité.

Chaque dossier comporte des informations signalétiques et médicales du patient (résultats des

examens cliniques, diagnostics, thérapeutiques, etc).

2.6.1. Critères de sélection

Pour la constitution d'une population d'étude, nous avons élaboré un bordereau clinique

précisant les items requis pour décrire l’historique clinique des patients et les critères de sélection

Page 9: 2. Infarctus du myocarde et tachycardies ventriculaires

Chapitre 2

pour la constitution des trois groupes IM+TV, IM-TV et Sains. Les critères et les items retenus

sont les suivants :

- les informations signalétiques du patient : sexe, age, numéro de dossier,

- les informations cliniques : date du premier infarctus et des récidives éventuelles,

topographie de l’infarctus :

• localisations inférieures, latérales et postérieures (IM inf.)

• localisations antérieures, septales et apicales (IM ant.)

- la fraction d’éjection ventriculaire gauche,

- les éventuels traitements antiarythmiques prescrits au patient au moment de

l’enregistrement de l’ECG-HR,

- des informations concernant les ECG-HR : date d’acquisition, code du fichier

informatique, valeurs des différents paramètres calculés par le système d'analyse de l'ECG-HR.

L’enregistrement doit avoir été effectué après ou à partir du sixième jour après l’infarctus du

myocarde,

- les patients du groupe IM-TV ne doivent avoir présenté aucune crise de TV soutenue

pendant les trois annnées suivant l’infarctus,

- les patients du groupe IM+TV doivent avoir présenté au moins une TV soutenue

documentée,

Un exemple de bordereau clinique pour un patient en post-infarctus avec TV est présenté

dans l'annexe A.

Les patients dont le dossier médical ne comportait pas la totalité des renseignements du

bordereau clinique ont été exclus de l'étude. Un critère d'exclusion supplémentaire a été utilisé :

la durée du complexe QRS standard de l'ECG-HR devait être inférieure à 120 ms, ceci afin

d'éliminer les patients porteurs d'un bloc de branche complet.

2.6.2. Description des populations d’étude

La période de recrutement des patients pour notre population commence en septembre

1987, date du premier enregistrement ECG-HR de la base de donnée. Elle s’achève en 1994, date

limite compatible avec l'exigence d'une période de suivi des patients de trois ans après la date

d’acquisition de l’ECG-HR pour vérifier l'absence de TV. La totalité des enregistrements à haute

résolution moyennés a été enregistrée avec un même système d’acquisition et de traitement du

type : ARTTM EPX 1200, Austin, Texas.

Les trois groupes résultants de cette étude clinique sont constitués de la façon suivante :

Page 10: 2. Infarctus du myocarde et tachycardies ventriculaires

Chapitre 2

Groupe IM+TV (n=23) : cette population comprend un nombre équilibré d'IM antérieur

(n=11) et inférieur (n=12). Aucune femme n'a été sélectionnée dans ce groupe. Les femmes ont

donc été exclues des deux autres groupes de sélection afin d’obtenir des groupes appariés en

sexe.

Groupe IM-TV (n=40) : chez ces patients, aucune TV n'a été décelée durant les trois

années suivant l'infarctus. Dans ce groupe, les topographies de l'infarctus sont également

équilibrées (20 IM antérieurs et 20 IM inférieurs).

Groupe de Sujets sains (n=31) : ce groupe de contrôle est composé de volontaires sains

dont la durée de QRS standard sur l'ECG-HR est inférieure à 120 ms.

Caractéristiques/Groupes IM+TV IM-TV IM+TV

ant.

IM+TV

inf.

IM-TV

ant.

IM-TV

inf.

Sains

N 23 40 11 12 20 20 31

Age (ans) 54±12 58±9 54±11 53±12 58±10 57±8 30±6*

Fraction d'éjection (%) 28±11* 49±10 25±8 31±13 37±9 49±10 /

Tableau 2-1: moyennes et écart types des différentes valeurs des caractéristiques cliniques de nos

populations d'étude. IM : infarctus du myocarde. TV : tachycardies ventriculaires, ant. : localisation

antérieure, inf. : localisation inférieure. * : valeurs significativement différentes (p<0.001) par rapport

aux deux autres groupes.

Le tableau 2-1 décrit les caractéristiques cliniques de ces trois groupes. Deux

caractéristiques apparaissent significativement différentes en comparaison avec les deux autres

groupes :

(1) L'âge moyen du groupe de sujets sains est significativement plus bas (P<0.0003, test de

Student) par rapport aux autres groupes.

(2) La fraction d'éjection ventriculaire gauche de l’ensemble des patients du groupe IM+TV

est également plus faible (p<0.0005) que celle du groupe IM-TV. Cette caractéristique traduit

une plus grande perte de contractibilité du cœur et la présence d'une zone ischémique plus large.

2.6.3. Ensembles d'apprentissage et de validation

Chacune des populations de patients en post-infarctus a été partagée en deux groupes

égaux, un pour l’apprentissage et la recherche de critères, l’autre pour la validation. Ces sous-

populations ont été obtenues par tirages aléatoires : elles sont décrites dans l’annexe B.

Page 11: 2. Infarctus du myocarde et tachycardies ventriculaires

Chapitre 2

2.7. Conclusion

Le risque de mort subite n’est pas uniquement lié à l'étendue de l’infarctus mais dépend

également de la présence d’un substrat arythmogène qui peut être mis en évidence par l’analyse

de l’ECG-HR. Les PT sont des signes électrophysiologiques qui peuvent être considérés comme

des marqueurs du risque d'apparition de TV, elles-mêmes susceptibles de dégénérer en FV

entraînant la mort subite. La détection et la quantification des PT joue un rôle important dans

l'estimation du risque de mort subite du patient ainsi que pour sa prise en charge par le

cardiologue.

Jusqu'à présent, l'une des méthodes non-invasives les plus utilisées pour la détermination

du risque de TV est la détection de ces potentiels tardifs. La genèse de ces potentiels anormaux

est relativement bien connue mais les mécanismes électrophysiologiques provoquant l'apparition

d'arythmies léthales le sont moins. L'analyse des PT comprend finalement un double objectif : la

prédiction de l'apparition d'un trouble rythmique mortel et une meilleure compréhension des

mécanismes électro-physiopathologiques sous-jacents.

Page 12: 2. Infarctus du myocarde et tachycardies ventriculaires

Chapitre 2

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Chapitre 2

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