Aristote Et L'Encyclopedie Du Savoir

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, XI AR.ISTOTE ET L'ENCYCLOPÉDIE DU SA VOl R. L'idéal du Professeur. - Le rationalisme expérimental pe DÉMOCRITE et le rationalisme formel de PLATON se trouveront un jour composés dans la conception de la science moderne que GALILÉE aura établie. L'antiquité n'est point parvenue a une synthese aussi profonde. Le disciple de PLA TON qui essaya de mettre d'accord la théorie des Idées avec la réalité empirique, em- prunta a DÉMOCRITE son riche inventaire de connaissances sur la nature, mais il ne réussit pas a comprendre la véritable significa- tion de sa physique mathématique. ARI S TOTE est né en 384 av. J .-Chr. a Stagire, tres vieille colonie ionienne de la Chalcidique de Thrace. Son pere Nicomaque était médecin au service du roi de Macédoine AMYNTAS 11 (le pere de PHILIPPE). Orphelin de bonne heure, ARISTOTE avait dix-huit ans lorsqu'il vint a Athenes et entra dans l'Académie. ll y resta vingt ,.. ans, tres attaché au Maitre ; estimé aussi de PLATON pour sa tration d'esprit et l'érudition qu'il acquit par un travail inlassable. A l'avenement de SPEUSIPPE, il s'éloigna en compagnie de XÉNO- CRATE pour se rendre aupres de HERMIAS tyran d'Atarnée (sur la c()te non loin de Pergame). Cet homme singulier, jadis esclave puis homme de confiance de princes et de cités, admis a l'Acadé- mie et devenu enfin petit souverain, unissait a l'ambition de régner celle de s'assurer l'amitié et presque le patronage des philosophes; il se pourrait que les deux disciples de PLA TON fussent officielle- ment délégués par l'école aupres de l'ancien compagnon d tudes. Trois ans plus tard HERMIAs, s'étant rendu suspect aux Perses par ses intrigues avec la Macédoine, tombait dans un guet-apens et

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Segunda parte del texto de F. Enriques y G. Santillana sobre la teoría del conocimiento de Platón y Aristóteles.

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XI

AR.ISTOTE ET L'ENCYCLOPÉDIE DU SA VOl R.

L'idéal du Professeur. - Le rationalisme expérimental pe DÉMOCRITE et le rationalisme formel de PLATON se trouveront un jour composés dans la conception de la science moderne que GALILÉE aura établie. L'antiquité n'est point parvenue a une synthese aussi profonde. Le disciple de PLA TON qui essaya de mettre d'accord la théorie des Idées avec la réalité empirique, em­prunta a DÉMOCRITE son riche inventaire de connaissances sur la nature, mais il ne réussit pas a comprendre la véritable significa­tion de sa physique mathématique.

ARISTOTE est né en 384 av. J .-Chr. a Stagire, tres vieille colonie ionienne de la Chalcidique de Thrace. Son pere Nicomaque était médecin au service du roi de Macédoine AMYNTAS 11 (le pere de PHILIPPE). Orphelin de bonne heure, ARISTOTE avait dix-huit ans lorsqu'il vint a Athenes et entra dans l'Académie. ll y resta vingt

,.. ans, tres attaché au Maitre ; estimé aussi de PLATON pour sa péné~ tration d'esprit et l'érudition qu'il acquit par un travail inlassable. A l'avenement de SPEUSIPPE, il s'éloigna en compagnie de XÉNO­CRATE pour se rendre aupres de HERMIAS tyran d'Atarnée (sur la c()te non loin de Pergame). Cet homme singulier, jadis esclave puis homme de confiance de princes et de cités, admis a l'Acadé­mie et devenu enfin petit souverain, unissait a l'ambition de régner celle de s'assurer l'amitié et presque le patronage des philosophes; il se pourrait que les deux disciples de PLA TON fussent officielle­ment délégués par l'école aupres de l'ancien compagnon d'études. Trois ans plus tard HERMIAs, s'étant rendu suspect aux Perses par ses intrigues avec la Macédoine, tombait dans un guet-apens et

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était mis a mort (1). ARISTOTE se réfugiait a Mytiléne, ou il épousa sa premiere femme, PYTHIAS, niece du tyran. Peu apres, il fut ap­pelé en Macédoine par le roí PHILIPPE qui lui confia l'éducation de son fils ALEXANDRE, alors Agé de treize ans (343-342) et pres de qui il resta jusqu'en 335.

Devenu roi, ALEXANDRE conserva pour son précepteur un atta­chement qui jamais ne se démentit. Les moralistes des temps apres, émerveillés par cette rare conjonction qui mettait le plus grand conquérant en rapports d'intimité avec le plus grand des philo­sophes, ne se priverent pas de broder sur la part tres importante que chacun d'eux aurait apportée a l'ceuvre de l'autre. En réalité cette relation n 'a donné qu'une partie des fruits qu'on en aurait pu raisonnablement attendre. Sans doute, l'ceuvre scientifique d'ARis­TOTE a tiré avantage de l'aide qu'octroya le roi (sous forme de subsides ou d'envoi de spécimens exotiques de faune, de flore, etc.)1 mais dans une mesure bien au-dessous de ce que la tradition vou~ drait nous faire croire. D'autre part, l'éleve royal n'a accepté que jusqu'a un certain point les idées que lui inspirait l'auteur de la Politique : il a certes propagé l'hellénisme parmi les barbares, mais

.}orsqu'il posséda l'empire c'est a un idéal de « mélange »des peuples, des croyances, des coutumes completement contraire au sentiment d'ARISTOTE qu'ALEXANDRE tendit tous ses efforts.

Bientot apres l'avcnement du jeune roi ARISTOTE revient a Athenes et ouvre une école dans le Lycée, gymnase voisin du temple d'Apollon Lycien. C'est a l'organisation des cours de rhétorique et de philosophie ainsi qu'au développement de son vaste systeme d'enseignement scientifique que le Stagirite consacra son étonnante faculté de travail pendant les douze années de la ... conquete macédonienne.

A la mort d'ALEXANDRE (juin 323) et bien qu'ARISTOTE fut devenu tres suspect au roi depuis que son neveu CALLISTHENE avait été impliqué dans un complot, il fut mis au han par la réaction anti-macédonienne. Accusé d'impiété sur de futiles motifs il se bAta de laisser le Lycée aux mains de THÉOPHRASTE pour se réfugier a Chalcis en Eubée, qui était le pays de sa mere ; « il ne faut pas

1. • Conduit a Suse, il fut mis a la torture, mais avec une fermeté inébran­lable refusa de t1·ahir les desseins de son allié PHILIPPB, et fut alors mis en croíx • (W. WILCKEN , Alexandre le Grand).

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qu'Athimes se souille encore une fois d'un crime contre la philo­sophie ». Bient&t apres (322) il succombait a une maladie d'estomac dont il était depuis longtemps atteint. 11 avait soixante-trois ans.

Au physique, ARISTOTE nous est représenté comme de petita taille et d'assez forte corpulence. L'habit et les manieres révélaient l'élégance accomplie d'un homme du monde. Une certaine fierté naturelle et le sarcasme facile luí créerent beaucoup d'ennemis ; mais aucune ombre n'est demeurée attachée a ses qualités morales ; tous les témoignages s'accordent au contraire pour nousle montrer généreux et parfaitement honnete. On luí reproc\lera tout au plus de ne pas citer assez souvent les auteurs qu'il met a contribution. Mais a son époque une idée précise de la propriét~ littéraire n'exis­tait guere (1).

1. L'ceuvre d'ARISTOTE se détache a tel point par son esprit de celle des prédécesseurs, et l'orientation durable qu'il a donnée a la pensée eut des répercussions d profondes qu'on a essayé d'expliquer de différentes manieres cette singularíté. On a voulu trouver daos le milieu et meme daos la race la raison de cette « lourdeur qui contraste avec la liberté et la grace d'un PLA· TON». Mais ARISTOTE n'était pas Macédonien, son pére aussi bien que sa mere étaient de pure souche ionienne. Peut-etre que pour comprendre cet homme que PLATON appelait " le grand lecteur » et aux yeux duque! le plus grand éloge (comme on le voit dans son hymne a Arété en mémoire de HER· MIAs) était l'épithéte de << laborieux », il ne serait pas oiseux de fouiller cer­tains replis de sa psychologie individuelle. S'il était permis de scruter , par­dela le penseur, l'homme dans ses faiblesses, on verrait que son ceuvre n'a pas été déterminée uniquement par une exigence « hist.or·ique ». PLUTARQUE (De audiendis poetis , 8) nous dit qu' ARISTOTE ressentait vivement les défauts qui affiigeaient sa personne : la calvitie, le ventre, la petitesse des yeux, les jambes greles et une certaine fac;on incorrecto de prononcer les mots (V. aussi DxoGENE LAERCE, l. VI et ELIEN, Var. hist., III , 9). Pour un Grec c'était la des motifs sérieux d'infériorité. Ce qu'un jargon de nos jours nomme ,, com­plexa d'infériorité »si on y ajoute l'irritation déprimante d'une maladie chro­nique de l'estomac, pouvait fort bien provoquer une réaction d'orgueil, dont la meilleure ressource était d'affirmer la supériorité du savoir sur toute autre aptitude de l 'homme. D'ou une érudition saos pareille,etl'assuranceironique, la compétence froide toujoun; en état de riposter par des formules précises et des définitions saos appel a n'importe quelle question.

Les débats daos les écoles grecques ne s'étaient pas toujours pliés aux ré. gl~s et aux bornes de la civilité. La grande aventure de la pensée ration­nelle se poursuit sur des modes parfois prophétiques et parfois aussi gouail­leurs. Ni les affirmations péremptoires, ni la pitrerie d'une réclame tapageuse, ni les arguments ad horr.inem les moins délicats n'ont été évités. Mais voici que l'reuvre d'ARISTOTE, telle du moins que nous la connaissons, apporte un ton nouveau et tres pai·ticulier. Le professeur Cait son entrée dans l'his­toire. C'est l'homme venu pour mettt·e chaque chose a sa place. D'un mou-

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Bien plus que ce n'était le cas pour PLATON et l'Académie, le Lycée s'identifie avec l'reuvre d'ARISTOTE; car des nombreux écrits de ce dernier, seuls nous sont parvenus (et encore en partie) les cours ou tra"aux de l'école; nous ne connaissons ainsi' que l'en­seignement d'ARISTOTE et rien de ses dialogues, dont CICÉRON, par exemple, loue l'éloquence et le style élégant; de PLATON, au contraire, nous possédons l'reuvre littéraire et pas une bribe de ses · let;ons. Il faut aussi souligner que les travaux du Lycée formaient natureUement corps avec l'activité scientifique de son fondateur : le hut commun était de composer l'encyclopédie du savoir.

Les temp~ étaient révolus ou la science apparaissait comme une force subversiva dans la critique « dissolvante >> des sophistes, et la réaction déclenchée par SocRATE contre l'esprit scientifique n'avait plus de raison d'etrc. Maintenant la conservation meme de la société policée se conc;oit comme nécessairement liée a la mise en valeur des connaissances positivas accumulées par la recherche scientifique ; le role de cette derniere se trouve en quelque sorte légitimé et la systématisation de ses résultats devient presque une question d'intéret général. D'ou le besoin d'une Encyclopédie qui offrirait, bien classé, le répertoire de « tout ce qu'on sait » :

a coté des notions de physique et d'histoire naturelle, les idées morales et politiquea y prendront place sous un aspect et dans un ordre conformes aux traditions et aux exigences de la civiJisation qu'elles sont appelées a exprimer.

Cette tache a été conl(ue par ARISTOTE dans un _esprit nettement conservateur. L'reuvre gigantesque qui en fut l'accomplissement devait, quinze siecles apres, s'imposer avec une autorité écrasante a la pensée scolastique et elle a pu, sous certains rapports, servir de modele meme a des époques plus récentes. Le trait dominant de cette reuvre est de résumer les recherches des siecles précédents, ce qui en fait plutót que le fruit d'un effort individue!, la synthese d'un laheur collectif. EJle est « production d'équipe » aussi par le

.fait qu'« en sa qualité de scolarque, ARISTOTE parait avoir solide-ment organisé le travail de ses collahorateurs : ainsi on voit par une inscription de Delphes que CALLISTHENES avait coopéré a la

vement sec et réglé il extrait, !'un apres l'autre, ses prédécesseurs, analyse chacun d'eux, le démonte, le juge et le case. SolPuntur obiecta. Quand il aura fini, il n'y aura plus de problemes.

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Chronologie des Painqueurs pythiques. Par suite, bien des études de détail dans ce que nous lisons sous le nom d'ARISTOTE peuvent avoir été seulement mises en reuvre par lui >> (1). Le Maitre compare les explications divergentes proposées par différents savants, sans oublier celles de l'opinion populaire et du sens commun, et c'est en général en essayant de les concilier dans un esprit éclectique qu'il les encadre dans sa doctrine et leur impose le cachet du systeme.

Parfois la conciliation est superficielle, le sens commun est pré­féré a la critique la plus pénétrante ; mais tout finit par trouver une place précise dans l'ordre du systeme. Ainsi ARISTOTE satis­fait a la tAche qu'il a pris sur lui en tant que (( professeur )) : d'ensei­gner la science totale et de tout expliquer. C'est la science, telle que )a désirent les mentalités plus avides de voir des résultats et des problemes classés que d'aller a la découverte de difficultés plus profondes. C'est d'ailleurs dans les disciplines dont l'objet est la description et le classement que la méthode d'ARISTOTE a obtenu le plus solide rendement.

Les reuvres. - On indiquera ci-apres, en bref, le contenu de J'reuvre d'ARISTOTE.

N e mentionnons que pour mémoire les dialogues, écrits probable­ment du temps ou il appartenait a l'Académie, ainsi que les poemes et les lettr·es don t il ne nous reste que des fragments insignifiants (2). Passons tout de suite aux traités scientifiques qui forment presque la totalité de l'reuvre qui nous est parvenue (3), en y ajoutant la Constitution d' Athenes découverte par KENYON en 1891 dans un papyrus du British Museum et qui faisait partie du recueil des Constitutions de cent-cinquante-huit cités grecques et barbares.

L'Organon, traité de Logique, demeuré la piéce maitresse de toutes les constructions ultérieures dans ce domaine. est en quelque sorte le soubassement de l'édifice.

1. L. RoDlN, L a Pensée grecque, p. 293. 2. Dans son Aristotele perdu:o M. E . BIGNON E tache de reconstruire cette

phase de la philosophie aristotélienne, d'apres les polémiques d'EPrcuaE. 3 « D'apres une bonne tradition l'reuvre entii>re d' ARISTOTE comprenait

mille livres, ouvrages ou divisions d'ouvrages. Or nous n'en possédons, tout compte fait , que cent soixante deux, dont il faut encore défalquer les apocry­phes. Enfln, on n'en trouve que cinq cents au plus sur les trcis catalogues .qui nous ont été conservés ,. (L. RosrN).

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L'édifice meme commence par la philosophie premiere ou science des etres : son champ de recherche est la théorie générale des causes et des essences des choses (forme et matiere, acte et puissance, etc.). Le nom de Métaphysique luí est resté attaché. L'explication, habi­tuellement acceptée de ce nom, y voit un simple jeu de mots qui se rapporte au rang que les traités en question occupaient apres les livres de physique (p.e-.~ -.lx. q¡ua~xrí.) sur les tables d'ANDRONICOS de Rhodes, onzieme scolarque du Lycée aprés ARISTOTE et éditeur des « reuvres completes » du Maitre. Mais W. !AEGER (1) soutient que cette désignation doit appartenir a un péripatéticien qui vécut avant ANDRONIC et que sa signification est a tous points correcte : la philosophie premiere est telle dans la hiérarchie logique et natu­relle, mais dans le progres de notre entendement elle vient apres la physique, en pénétrant plus avant dans les notions que celle-ci nous a procurées.

L'reuvre d'ARISTOTE qui traite de la nature est contenue dansles livres suivants :

Physique (huit livres dont quatre (( des príncipes » et quatre (( du mouvement »).

Du Ciel (quatre livres). De la génération et de la corruption (deux livres). Les Météorologiques (quatre livres dont le dernier ne semble

pas etre d'ARISTOTE). Histoire des Animaux (dix livres, dont le premier est suspect). Des parties des Animaux (quatre livres). De la génération des Animaux (cinq livres). De la marche.

Un traité général De l'ame (en trois livres) domine toute la partie biologique. Sous le nom de Parpa naturalia on désigne plusieurs petits écrits (De la respiration; De la Pie et de la mort; Du sommeil et du réveil; De la sensation et des sensibles ; De la mémoire et de la remémoration).

Une Anatomie (accompagnée de figures) ainsi que les livres Du plantes et De la nutrition se sont perdus de bonne heure.

L'autre section est celle qui concerne les sciences poétiques (la Poétique, dont le second livre est perdu ; la Rhétorique en trois livres ;.

1. A ristoteles. Berlin, 1923.

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les Topiques) et pratiques : l'Ethique nicomacMenne en dix livres; la Politique en huit livres, suivie d'une Economique dont le second livre est surement apocryphe.

Ajoutons que les reuvres d'ARISTOTE correspondent a une classi­fication du connaissable qu'il nous semble inutile d'examiner ici dans le détail, mais qui se résume assez bien dansle schéma suivant qu'a tracé Ross :

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/ "" / "" Baisou int.uitiTe Scienc·~ EtaL Famille lndiYidu (• Politique •) (• Economique n) (< Ethique •)

Evolution de la pensée d' Aristote. - Jusqu'a ces temps derniers les historiens ne se posaíent pas la question de savoir par quelles étapes s'était formée et développée la pensée d'ARISTOTE dans les reuvres qu'on vient d'énumérer. « Le caractere systéma­tique de l'reuvre que nous possédons sous le nom d' ARISTOTE fait douter qu'il soit tres utile, comme c'était le cas pour PLATON, de déterminer chronologiquement l'évolution de la pensée '' (L. RoBIN). Cependant W. JAEGER s'est attaqué, íl y a une quin­zaina d'années, a cette tache assez ardue; par une analyse péné­trante des fragmenta qui nous restent des reuvres perdues et par un relevé attentif des contradictions ou des traces de remaniement dans les traités conservés, il a réussi a indiquer une succession probable de phases.

Peu a peu, mais jamais completement, ARISTOTE s'est libéré df~

I'influence de PLATON. Au début il avait a cceur de développer ;a,

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philosophie de son mattre, en transposant les Idées dans une vision spiritualisée du Monde : partout dans la nature il découvre une forme qui opere<< du dedans » et une finalité créatrice quise réalise par une série de degrés, chacun de ceux-ci exprimant le rapport d'une réalité inférieure avec une réalité plus haute et plus souve­raine. L'ordonnance téléologique luí apparait comme une loi natu­relle qu'il prétend pouvoir démontrer empiriquement en progres­sant de la physique vers la métaphysique. C'est en se fondant sur cette ohservation que J AEGER pense qu'une premiere rédaction de la Physique doit remonter a la jeunesse de l'auteur.

Ensuite l'intéret d'ARISTOTE pour les huts de pure philosophie décroit et son esprit est de plus en plus attiré par l'histoire au sens que luí avait donné HÉRODOTE d'une enquete sur les multiples aspects de la vie des animaux, des hommes, des Etats, des institu­tions. C'est alors qu'il s'ahsorhe dans l'étude systématique de la zoologie, en composant le traité sur les Parties des animaux, l'His­

toire des animaux et l'reuvre plus approfondie sur la Génération

des animaux ; en meme temps sont compilées les collections de documenta comme les « Constitutions » des cités, l'histoire du Théatre, la chronologie des vainqueurs pythiques.

Cependant meme a la fin de sa carriere et lorsque la réunion et le classement de faits semhle etre sa passion dominante, ARISTOTE demeure fidele au príncipe téléologique que lui a enseigné PLATON et qui s'accorde avec la conception aristotélicienne de l'individuel ; celui-ci est véritablement l'espece derníere, paree que c'est la réalité meme de chacun, avec les attributs exigés par cette réalité ; c'est l' acte.

« Celui qui discute d'une part quelconque ou d'un élément de la réalité ne s'attarde pas et ne s'intéresse guére a son aspect matériel, mais se préoccupe de la forme (p..oprr·Í¡) dans sa totalité. L'important c'est la maison et non point les briques, la chaux ou les poutres; de meme dans l'étude de la nature ce qui importe c'est la réalité totale et ]'ensemble d'un etre donné, mais nullement ses parties, car celles-ci, séparées de l'etre qu'elles constituent, n 'existent meme pas. 11

Logique. - La logique d'ARISTOTE organise en systeme l'art de raisonner; elle puise d'une part aux réflexions des mathéma­ticiens sur les príncipes et l'ordonnance de leur discipline et d'autre

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part aux controverses des sophistes, en particulier a celles de l' école de Mégare : il est difficile de mesurer l' apport original du Stagirite vis-a-vis de ces prédécesseurs. Mais il convient de noter son attitude a l'égard de la dialectique de PLATON ; il renvoie la recherche des définitions a l'art de persuader qui n'a pour but que le vraisemblable (topique) alors que les regles de la véritable science démonstrative sont traitées a part dans l'analytique.

L'analyse des formes verbales sert de point de départ : a travers la structure du langage on recherche l'expression des modes gé­néraux de la pensée (Catégories et De l'lnterprétation). Ensuite­dans les Analytiques premiers - ARISTOTE analyse et classe les types élémentaires du raisonnement déductif qu'il ramene aux figures du syllogisme ; cela rend possible la vérification d'une déduc­tion quelque compliquée qu'elle soit, en la décomposant en une série de transitions simples.

La déduction n'a qu'une importance relative : pour batir la science il ne suffit pas de déduire, il faut démontrer ; sur quoi s'é­tayera la démonstration ? La réponse a cette question est donnée dans les Analytiques seconds ou est expliqué l'ordre d'une science démonstrative modelée sur les mathématiques. La démonstra­tion s'appuye sur les príncipes de la science qui se distinguent en:

1o Termes ou définitions (opo~); 2o Supposition que les choses désignées par les termes existent ; 3° Propositions immédiates qu'il faut nécessairement connaitre

pour apprendre quelque chose; c'est ce que les pythagoriciens ont appelé axiomes ;

4° Enfin des hypotheses ou postulats qu'on est forcé d'introduire dans l'enseignement des mathématiques est aussi dans la discus­sion, en demandant a l'ínterlocuteur d'admettre l'existence de quelque chose dont il n'a pas une idée adéquate.

Cette classification des príncipes appartient certainement aux mathématiciens de l'époque et on la retrouve dans les Eléments d'EucLIDE ou la distinction entre axiomes et postulats sera bien mise en lumiere par le commentaire qu'en donnera PROCLUS (411-485 A. D.). Mais ce qui semb e bien etre a~Aristote c'est l'idée que l'ordonnance de la science démonstrative correspond a quelque chose de nécessaire et de naturel : les príncipes, pourraít-on dire,

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sont de droit divin et on opposera une fin de non recevoir aux: argumenta de deux sortes d'objecteurs (1) :

1o les uns qui nient les príncipes et soutiennent que toute dé­Jl'tonstration est impossible ; ce qui impJiquerait une régression a l'infini;

2o les autres, qui, au contraire, croient la marche de la dé­monstration quelque chose de tout a fait relatif, de sorte qu'il serait tout aussi possible de démontrer les príncipes en partant des con­clusions, comme de démontrer celles-ci en partant de ceux-la ; ce qui selon ARISTOTE donne lieu a un cercle vicieux.

Nous ne savons pas exactement qui avait émis ces opini-ons ; nous avons déja indiqué que la seconde pourrait bien avoir pour auteur DÉMOCRITE. 11 est en tout cas intéressant de noter que le relativisme logique est plus pres des conceptions modernes que le point de vue d' ARISTOTE et que l'idée de justifier les prémisses hypothétiques d'une théorie par la vérification expérimentale de leurs conséquences a pris beaucoup d'importance avec le dévelop­pement de l'astronomie et de la physique. Mais chez ARISTOT& la fal(on dogmatique de concevoir l'ordre dans le savoir s'accorde avec les motifs de morale qui dans tous les domaines le poussent a combattre et a endiguer le relativisme cultivé par la spéculation du siecle précédent.

ldéologie. - L'idée de la science démonstrative, inspirée par les mathématiques, n'apparait s'étendre aux disciplines phy­siques et biologíques que d'une fagon purement formelle. Des l'abord une application effective de la pensée mathématique dans ces domaines s'avere impossible, puisque ARISTOTE n'admet pas que les qualités des choses se puissent ramener a des difTérences quantitatives selon la grande intuitíon des pythagoriciens et de DÉMOCRITE.

Le mathématicien- dit ARISTOTE dans la M étaphysique (2) -raisonne sur l'abstrait, ayant dépouillé les . choses des caracteres. sensibles opposés qui leur sont propres. Entre les choses et les enti­tés mathémat.iques il y a - pour employer une comparaison ty­pique d'ARISTOTE - toute la différence qui passe entre « courbe )}.

1. An. Post., I, 3. 2. Par ex. X, 3 (7}.

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~t « camus ,, (1), ce dernier terme n'impliquant la concavité que s'il se rapporte a un nez, tandis que l'autre peut se définir sans réfé­rence a une réalité quelconque. Ayant ainsi nié la possibilité d'ap­pliquer les mathématiques, ARISTOTE n'essaie pas non plus de déduire la réalité des objets ou des phénomenes individuels de príncipes universaux. Selon Iui pareille déduction est impossible a priori.

En effet il faut distinguer ce qui est ou arrive par nature des pro­duits de l'art qui sont l'oouvre de l'intelligence humaine et aussi de ce qui est le fait du hasard ou qui se passe dans un domaine indéterminé et demeure ainsi indéchiffrable a notre entende­ment (2).

Dans l'esprit du philosophe ce sont la trois ordres superposés de réalité : de ce qui est l'oouvre de l'arbitraire humain on trouve la raison dans les buts que l'homme se propose ; et on procede de meme pour la nature - a laquelle on attribue des intentions tres humaines- et par conséquent aussi pour les grandes classes d'ob­jets ou de faits qui laissent entrevoir une norme réguliere (fut-elle trouhlée par l'intervention accidentelle du spontané ou du fortuit).

Il n 'y a de science que du général. Cette assertion - que nous acceptons en luí donnant ce sens, que les causes simples produisent, par interférence, des complications difficiles a évaluer - demeure aux yeux d'ARISTOTE une limite théorétique des explications qu'on peut attendre de la science, car celle-ci ne fait qu'assigner aux choses leurs essences, c'est-a-dire fixer les caracteres des Idées ( genres des es peces) auxquelles elles appartiennent et qu'on con­~oit comme les causes finales de leur développement. Le détermi­nisme n'a point de valeur absolue ; la fonction déterminante du príncipe de contradiction ne joue pas pour le futur contingent: c'est « indéterminément ,, qu'il est vrai ou faux que « demain il y aura

hataille navale ''· Pour comprendre la conception d' Aristote il faut se reporter a

la réaction socratique contre les naturalistes. Socrate voulait qu'on expliquat ce qui existe ou ce qui arrive dans le monde non point par des causes mécaniques, mais par l'idée du Mieux, pris en un sens relatif a l'homme. Ce point de vue avait été adopté par Platon

1. ibid., V, 1 (r.). 2. Phyt~. , II, 5.

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dans un sens plus large. Tout le systeme des Idées qui constitue le monde intelligible aboutit a l'idée du Bien : príncipe esthétique d'harmonie universelle qui dépasse de beaucoup la mesure mes­quine de ce qui peut etre utile a l'homme.

D'abord ce príncipe n'a pour objet que de fixer des bornes aux possibilités du réel, en les soumettant a des lois mathématiques simplE\s. Mais cette conception pythagoricienne est dépassée des le Phédon par une vision plus vaste, ou non seul~ment l'etre des choses mais aussi leur devenir et particulierement ceiui des choses vivantes est expliqué par ce fait normatif qu'est l'ldée ou type de l'espece a l'égard de tout développement individue!.

Finalisme.- Le príncipe téléologique ainsi ébauché passe dans la mét aphysique d' ARISTOTE, ou il trouve son expression la plus. grandiose. ARisTOTE ne s'éloigne guere du Timée lorsqu'il conQoit la nature comme un artisan («le Démiurge >>) qui agit toujours dans un but, tout en devant tenir compte d'une certaine nécessité secon­daire d'ordre mécanique (1). Celle-ci étant une vis a tergo, l'autre un~ vis a fronte.

«.La nature ne fait rien en vain » (2). On a émis l'opinion que la nature pourrait agir saris but. Quelqu'un a dit : ce n'est pas Zeus qui dispense la pluie pour faire pousser le blé, mais il pleut par loi naturelle, paree que la vapeur en s'élevant se refroidit, se condense en eau et retombe sur la terre. Des doutes analogues se sont faits entendre quant aux organes du corps vivant. Mais pour des choses qui seraient l'efiet du hasard, on ne voit pas comment elles arrive­raient a s'adapter s1 bien a un but ; pourquoi, par exemple, les -pluies sont fréquentes en hiver ; et au contraire ce n'est que par hasard qu'il pleut Jorsque )e soleil est dans la constellation du Chien (3).

Ce príncipe finaliste se manifeste avec le plus d'insistance dans la biologie ou, a vrai dire, il reQoit une application plus plausible, mais on le voit aussi s'introduire et d'une fa0on systématique dans la physique ; nous verrons tout a l'heure avec quel résultat. On devine la tragédie intime du penseur qui, par tempérament, était porté

1. Physique, II, 8. 2. D E CAELO, II, 11. 3. Phys., II, 7, 198 a.

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a l'observation des faits et répugnait aux abstractions de la dialec­tique. Malgré tous ses efforts il n'a pu se délivrer des reilleres de l'idéologie platonicienne.

PLATON avait essayé de combler l'abime entre le monde idéal et celui des phénomemes, entre le Dieu qui « éternellement arithmé­tise >> et les choses qui naissent et périssent par une théorie qu i était plutót un mythe et ou l'ame faisait office de « médiateur ».

L'effort critique pour comprendre et réaliser la vision de son maitre conduit AaiSTOTE a reconnaitre qu'il n'y a pas de place pour les Idées abstraites et séparées (x.wp~a-.á.) de la réalité sensible. ll faut chercher l'Idée dans les données memes du monde sensible, comme quelque chose qui leur est immanent, qui leur donne leur véritable existence et permet a la science de les connaitre. Pour justifier et illustrer ce point de vue il établit une série hiérarchique de quatre ordres de causes : la matiere, la forme, la cause motrice (ce d'ou provient le mouvement) et, supérieure en dignité a. toutes les autres la cause finale ou le but (•o ou g.,ex;,:) (1). Ces réalités, distinguées par abstraction, sont toutes nécessaires pour que la matiere passe de la puissance a l'acte ; il nous faut done les con­naitre pour expliquer un devenir réel ; la connaissance du pourquoi (o~ó-.L) est autre chose que la connaissance du .;·ait (ó·n). «La dialec­tique ne saurait suffire », car elle ne découvre que le vraisemblable et non pas le vrai. Mais la démonstration ( hóoe~~·-~) qu' ARJSTOTE a opposé, comme tres supérieure, a 1' « enquete préliminaire » de la dialectique se révele encore moins satisfaisante que cette derniére pour ce que nous exigions de la recherche scientifique : avec une apparenté rigueur tout est expliqué et ríen n'est sérieusement véri­fié. ce Ce savoir prétendument infaillible se borne a articuler dans l'abstrait l'ordre naturel qu'on a dégagé tant bien qu:e mal, d' une observation de la réalité empirique >> (RoBIN). Dans la Physique surtout on ne voit pas que] partí tirer d'une conception fondée uni-

1. Metaph., III, 2, 6. « Qu'on prenne par exemple une maison. L'architecte et son art représentent la cause motrice ; la cause finale est l'oouvre qu'ils accompliront ; les pierres et la chaux sont la matiere et enfin la forme spéci· fique est l'idée de la maison. » Voir aussi Metaph., V, 2; Phys., ll, 3; De Géner. Animal., l, 1. On peut distinguer deux formes de causalité extérieure (le moteur et le but) des deux causes immanentes que sont la matiére et la forme (cette derniére étant elle aussi impliquée dans la • nature • ou la « fonction propre » d'une chose).

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quement sur ce qu'on peut observer chez des etres en possession d'une individualité, tels les animaux et les plantes. Et tandis que l'ambitieuse ébauche d'un systeme déductif des I<lées avait au moins le mérite de souligner la rationnalité inhérente a toute mé­thode scientifique, la construction de l' A nalytique réduit l'idéal d' << intelligibilité complete n a des exp1ications purement verbales.

C'est presque une métaphysique du sens commun qui se déploie au-dessus d'une physique des apparences ; le rationalisme n'y subsiste plus que comme souci d'une rigueur logique depure forme. Le défaut d'imagine.tion scientifique ( du sentiment de la conti­nuité dans les lois de la nature) a induit ARISTOTE a repousser maintes hypotheses de ses prédécesseurs des qu'elles dépassaient les limites de la perception directe. Par exemple la Voie Lactée- ou DÉMOCRITE soup(fonnait une agglomération d'étoiles - n'est pour luí qu'une masse de vapeur produite et rendue incandescente par le mouvement du ciel. Mais en général le maitre du Lycée ne se contente pas de dire que les choses sont telles qu'elles nous appa· raissent ; il tient a démontrer qu'elles ne pourraient étre autres . Un exemple typique est celui de la théorie des quatre éléments qu'il a repris d'Empidocle et de la physique populaire. Les états d'aggré­gation de la matiere d~;Jviennent des especes matérielles ; mais il s'agit de plus de justifier le nombre des éléments en le déduisant des combinaison!'> possibles entre deux couples de qualités con­traires : chaud, froid et sec, humide.

Pour entendre mieux ce qu'est la science d'ARISTOTE il nous faut encore nous arreter sur la dist.inction entre << forme et matiere » et sur le role de cette théorie dans la physique.

Physique. - ARISTOTE considere la matiere comme simple puissance de devenir ou de faire soit ceci, soit cela ; et il luí oppose la forme, grace a laquelle la chose ou le fait s'est réalisé. La matiere est le sujet permanent de ce qui change, la substance (le << sous­jacent ») des modifications. La graine est matiere pour la plante, le bronze pour la statue, tandis que la forme s' identifie dans le premier de ces cas avec l'espece végétale dont la plante en question sera un échantillon: et dans le second cas avec l'idée que le sculpteur a -con~u et traduit en acte. Telle forme exige telle matiere et ne s'ac­comode d'aucune autre ; << l'art du charpentier ne peut descendre dans les flutes ».

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PLATON ET ARISTOTE 47

Pour tout ce qui est produit de !'industrie ou art de l'homme, la forme est imposée du dehors et demeure done quelque chose d'acci­dentel. La nature a u contraire est un príncipe en vertu duque] essen­tiellement et immédiatement certaines choses commencent ou cessent d'elles-memes des mouvements et des changements. Dans un lit il ne faut pas chercher d'autre nature (d'autre forme effecti­vement inséparable de la matiere) que celle du bois dont il est fabriqué ; a preuve, (comme déja le disait ANTIPHON) que SÍ l'on parvenait a faire bourgeonner un lit, planté dans le terreau, ce n'est pas un autre 1it, mais seulement du bois qu'on verrait pousser {1).

C'est dans le monde organique, par conséquent, que la forme est la nature meme de l'Ct,re vivant. Elle n'est pas seulement un ensem­ble de traits distinctifs, le 11 propre ,, {to~ov) de la chose au sens logique, mais aussi la cause immane;nte du fait, le penchant naturel d' une essence qui exige son propre aehevement et peut l'effectuer sans qu'il y ait besoin d'une cause distincte et extérieure ; c'est l'entéléchie de la matiere animée ; une finalité précon9ue a tous points pareille a la pensée dirigée vers un but. Les différentes formes de l'Ame {végétative, animale, raisonnable), étant réduites a des facultés, ont chacune une entéléchie propre ; et cette idée bien mieux que tous )es aper9us sur la puissanee et sur l'acte, nous fait concevoir ]'ame comme un príncipe immatériel, surnaturel. On voit réapparaitre ici !'intime plat.onisme d'ARISTOTE pour qui le i.ó¡oc; de l'architecte implique le Áó¡oc; de la maison qu'il cons­truit (2).

Dans ]a physique aussi les choses naturellcs possedent une forme que nous ne séparons de la matiere {comme on séparerait « la camardise du nez 11), que par la pensée et pour les besoins de la définition ; en ce sens la nature est bien la fin et la raison d'etre des choses.

Le mouvement signifie chez ARISTOTE quelque chose de plus que ce qu'habituellement nons entendons par ce terme : c'est tout passage continu d'un état a un autre, tout changement ; le dépla­cement local n'en étant qu'un des modes. Mais bornons-nous a examiner ce seul mode des'' mouvements locaux ou translations 11.

JI faut distinguer les mouvements naturels des mouvements forcés

1. Phys., 11, 1 (13) . 2. De part. animal, II, 1, p. 6~6.

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et parmi les premiers il y a d'une part les mouvements rectiligne.s qu'on observe dans le monde sublunaire (chute des corps lourdE, ascension des eorps légers) et d'autre part le mouvement circulaire dont la régularité simple et éterneJle est la propriété exclusive de la région céleste. De meme qu'il a hrisé la eontinuité des phéno­menes en posant une distinct.ion de príncipe entre le naturel et le rortuit, ARISTOTE abolit l'unité du monde : la petite sphére ter­restre difiere profondément de l'étendue immense ou la '' vie >> des astres est une " suffisance supérieure >> dans l'immutahilité. Ici has c'est le changement, la génération et la corruption des substances, la discontinuité des mouvements, et les aléas du hasard ; la-haut regnent l'ordre et la perfection des Idées platoniciennes.

11 serait injuste de ne voir qu'un recul de la pensée dans ce retour a la: conception pythagoricienne : on y pervoit aussi la reconnais­sance du fait que le monde dépasse en immensité tout ce qu'avaient pu imaginer les philosophes plus anciens et que les phénomenes météorologiques ne doivent pas etre confondus avec le domaine pro­. pre de l'astronomie. Cependant les motifs qui ont déterminé Ams­TOTE ne sont pas tous de cet ordre et il y en a d'assez curieux. C'est une revanche du sens commun que de restituer a la terre cette place privilégiée que la relativité géométrique cultivée par les natura­listes antérieurs tendait a lui dénier. Et il y a encore le respect pour les apparences : depuis des siecles les observations du ciel, faites par les Egyptiens et les Bahyloniens n'avaient rien révélé qui res­semblat a un changement sensible (1). Si le ciel était sujet a des variations, comment les hommes ne s'en seraient-ils pas, a la lon­gue, aperyus ? ·

Mais en acceptant comme un fait certain la régularité et l'éter­nité des révolutions qu'accomplissent les cieux ARISTOTE veut en indiquer la cause. Le mouvement exige un premier moteur immobile qui le produit, de meme que« l'aimé est mu par celui qui l'aime >>.

N ous voici en pleine théologie et pi us exactement dans la théolo­gie selon PLATON. La métaphysique du sens commun réapparaitra, par contre, quand il s'agira d'expliquer le mouvement des corps lourds et légers dans le monde sublunaire. Les corps lourds tomhen t de haut en has, ce qui en réalité signifie qu'ils tendent vers le centre

1. De Caelo, II, 12.

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du globe terrestre ; les corps légers (comme le feu) s'éh3vent c'est­a-dire qu'íls recherchent la surface périphéríque qui borne la sphere du monde ; entre les deux se tient l'air. Tous les corps veulent rejoindre leur lieu naturel ; en puissance un corps lourd serait toujours en has ; s'il n'y est pas toujours c'est que quelque obs­tacle l'en empeche et íl suffit d'enlever l'obstacle pour que la chute se produise: ce sera le passage de la puissance a l'acte d'une forme ou qualité essentielle (le fait d'appartenir a un lieu déterminé). C'est la la raison o u le « pourquoi » du mouvement.

Par ailleurs la cause efficiente de tout mouvement se trouve dans les mouvements des cieux. La rotation uniforme du premier ciel ne suffirait pas a expliquer la génération et la corruption dans le monde sublunaire. << Un mouvement unique du ciel exigerait un rapport identique entre les éléments des corps ». Supposons que le Soleil et la Lune soient portés uniquement par le ciel des étoiles fixes : si le Soleil était dans le signe du Cancer, on aurait un été perpétuel ; s'il était dans le Capricorne ce serait perpétuellement l'hiver (1), c'est-a-dire qu'il n'y aurait pas l'alternance du froid et du chaud qui est l'origine véritable de la génération et de la corrup­tion. Aussi ARISTOTE a résolu a sa faQon le grand prohleme de rame­ner tous les phénomenes a des combinaisons de mouvements cir­culaires et uniformes.

Quant aux mouvements forcés (des corps qu'on lance) ARISTOTE pour demeurer fidele asa conception de la matiere s'est vu contraint d'inventer une théorie assez bizarre. 11 est évident que celui qui lance un projectile lui communíque une certaíne vitesse. Mais com­ment se fait-il que cette vitesse se maintienne pendant un certain temps ? La cause du mouveni.ent persistant ne saurait etre supposée dans la matiere (puisque celle-ci, comme on a dit, a besoin d'une forme pour voir sa puissance traduite en acte) et ce n'est pas non plus la main (ou l'appareil) qui a lancé le corps, étant donné que tout contact a cessé entre ce moteur et le mobile. 11 faut done cher­cher la raison du mouvement continué dans le milieu ou il s'accom­plit. ARISTOTE imagine que l'impulsion originelle se propage et en quelque sorte se renouvelle d'une partie a l'autre de l'air, qui en se déplaQant poussera en avant le projectile. Cette << aptitude a mou-

1. SrMPLICIUs, Commentaire au De Caelo, Il , 3.

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voir » éveillée dans le milieu par le geste du lanceur décrott avec 1 'éloignement et le poids nature~ du mobile, sa tendance a reposar daos le lieu qui luí est propre prendront le dessus.

11 se peut que quelque vague analogie ait appuyé cette invention (par exemple la poussiére soulevée par un véhicule et qui semble lui courir apres); mais il faut certainement y reconnaltre une néces­sité Iogique du systeme; le philosophe s'est trouvé prisonnier de ses formules. En tout cas le corollaire obligé de cette théorie est l'im­possibilité d'un mouvement daos le vide. C'est ce qu'ARISTOTE s'applique longuement a démontrer en combattant les hypothéses de LEUCIPPE et de DÉMOCRITE sur l'existence d'un vide infini.

Cette polémique (1) offre un exemple bien marqué de la mentalité d'ARIS'roTE. 11 commence par l'observation perspicace que le vide n'es t autre chose que le lieu séparé par abstraction de tout corps qui l'occuperait ; abstraction dénuée de seos. Sous une forme mo­derna c'est la meme critique que les relativistas opposent a l'idée d'un espace absolu auquel le mouvement devrait se rapporter. Mais chez ARISTOTE la conséquence relativista est évitée grAce a l'hypothése d'un monde fini, sphérique, oil la terrea son lieu natu­rel au centre et le feu son lieu naturel vers l'extreme bord. L'argu­mentation par laquelle ARISTOTE repousse l'objection d'ANAXA· GORE est aussi parfaitement pertinente : avec son expérience de 1 'outre remplie d'air ANAXAGORE a seulement démontré que l'air est quelque chose, mais non pas que le vide n'existe pas.

Voici maintenant que le raisonnement se fait plus subtil. Les atomistas soutenaient que sans le vide le mouvement ne serait pas possible (ou plus exactement qu'on ne pourrait définir ce que nous appelons le mouvement absolu). ARISTOTE veut démontrer que, bien au contraire, le vide rendrait le mouvement incompréhensible. En effet, le vide, étant défini par l'absence de tout contenu est contradictoire avec la nature meme du lieu, limite qualitative d'un contenu réel : toute « propriété locale ,, (le haut et le has, le droit et le gauche) y fait défaut et il n'y aurait pas de raison qu'un corps se mut dans une direction plutot que dans une autre. Le mouvement ne peut se concevoir que comme la relation de deux forces substan­tielles opposées (agent et patient) ; le vide ne comporte rien qui s' oppose ou qui attire (comme fait le lieu naturel), rien qui suscite

1. Phys., IV, 6·9.

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PLATON ET ARISTOTE 51

et motive un déplacement du corps en un seos déterminé. Puis­qu'on ne peut concevoir un mouvement qui se fait en meme temp s en de seos différents, le mouvement est impossible. Ici ARISTO TE s'est souvenu de l'argument de symétrie qu'ANAXIMANDRE avait inttoduit pour expliquer la stabilité de la Terre : le meme argumen t dont ARISTOTE s'était moqué en prenant comme terme de comparai­son l'homme qui aurait également soif et faim et qui se mourrait d'inai'lition, tout en étant entouré de viandes et d~.- boiss ons. Mais quel abus du príncipe de la raison suffisante !

On ne peut attribuer davantage de valeur a la démonstration suivante : la condensation du milieu ou le mouvement se produit offre une résistance proportionnelle a la vitesse ; ainsi par la ra.ré­faction cette vitesse augmente au-de-la de toute limite : puisque par hypothese, le vide n'a aucune force de résistance, alors le roo­hile s'y mouvrait avec une vitesse infinie, ou en un temps nul.

Il est rema.rquable enfin que dans cette polémique contre DÉMO­CRITE, ARISTOTE considere la these adversaire réduite a l'absurde par la conséquence qu'elle impliquerait d'une continuation du mou­vement a l'infini (c'est-a-dire par le príncipe d'inertie que DÉMO­

CRITE a saos doute reconnu). « De plus, personne ne pourrait trou­ver la raison pour laquelle un corps, une fois mis en mouvement, devrait s'arreter quelque part, ici plutót que la. Il faudrait done ou qu'il demeurat au repos ou qu'il conservat indéfiniment son mouvement daos l'espace jusqu'a ce qu'une force majeure ne lui fit obstacle >> (1).

De tout ce qui précede on peut voir a que] point le systeme d'ex­plication adopté par ARISTOTE dans sa Physique est illusoire. O n serait parfois tenté d'évoquer a son sujet l'ancienne recette pour fahriquer un canon : << qu'on commence par prendre un trou ... ~ Peut.-etre le Stagirite a-t-il péché par orgueil en s'imaginant t rop tót d'etre arrivé au fond des choses. Peut-etre aussi- qui sait ? -il ne s'est pas fait d'illusions sur la portée de ses théories : mais il lui suffisait que sa machine dialect.ique fonctionnat a souhait pour forcer la conviction des disciples. N' était-ce pas déja un résultat fort appréciable que d'arriver n'importe comment a illustrer par des exemples l'harmonie universelle que la philosophie a pour supreme mission de contempler ?

1. Phys. , IV, 8. ,¡

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Biologie. Le gout pour l'observation sensible et le respect des faits s'opposant a l'esprit des con:structions a priori donnent de meilleurs fruits dans le domaine de la Biologie. Meme J'intuition finaliste trouve ici un emploi plus utile.

En effet, la disposition anatomique des organes, autant que les phénoménes physiologiques apparaissent appropriés au but bien défini de la conservation et du développement de la vie. On ne saurait conteste r que ,, la nature accorde toujours chaque organe, plus ou moins développé, seulement aux animaux qui peuvent s'en servir ; ainsi en est-il des défenses, des dents, des cornea, des aiguil­lons et de toutes les autres parties qui servent a la sauvegarde ou a la lutte n (1) ; ou encore que les animaux réagissent en général aux excitations dans le sens de leur utilité organique.

Il est vrai qu'EMPÉDOCLE avait essayé d'expliquer la correspon­dance de la structure organique aux buts de la vie comme une appa­rence qui tiendrait a ce que nous voyons les résultats d'une sélec­tion naturelle ; mais cette hypothese ingéniense était bien loin de résoudre toutes les difficultés du probleme. En revenant a l'opinion populaire et naive, selon laquelle le but meme prend figure d'une intelligence ou d'une volonté formative, analogue a celle qui est en nous, ARISTOTE donnait satisfaction non seulement aux ten­dances métaphysiques de son systeme, mais aussi a certaines exi­gences positives de la science qui s'étaient imposées m&me a )'es­prit de DÉMOCRITE.

Quand il s'agit de prévoir soit l'existence ou la corrélation de certains organes, soit l'effet d'excitations pas encore éprouvées, des considérations sur l'utilité ou le dommage qui en péuvent dériver pour l'organisme dicteront, en ligne générale, la réponse. Il y a done des connaissances de fait qui dépendent de ces considérations et leur assurent une valeur positive. En ce sens la notion de finalité orga­nique avait put trouver place dans le vitalisme de DÉMOCRITE, comme expression et résultat de l'harmonie que réalise la vie, bien qu'en derniere instance, selon le philosophe d'ABDERE tout soit déterminé uniquement par des causes profondes de nature méca­nique.

L'antithese n'en est pas moins radicale entre ARrSTOTE et DtMo­CRITE et ces deux noms marquent bien deux courants opposés dans

1.. De part . anim., IV, 8.

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PLATON ET ARISTOTE 53

l'histoire de la pensée. Aux yeux de DÉMOCRITE le but demeure nécessairement un probléme, pour ARISTOTE, au contraire c'est le príncipe d'ou partira l'explication. Nous avons déja dit qu'il dénoue les difficultés en faisant agir, a coté et au-dessus des causes mécaniques les causes finales : « Vouloir les omettre serait comme si on expliquait la ponction faite a un hydropique uniquement par l'action perforante de la lancette sans faire état de la volonté du médecin de guérir)) (1). Et ARISTOTE reproche formellement a DÉMO­{;RITE d'avoir négligé « la raison pour laquelle >>, "t'o oú €vsxl.

On saisit bien la différence frappante entre les deux philosophes dans la question des montres. DÉMOCRITE essayait d'en expliquer la formation par )a rencontre de deux émissions d'humeur sémi­nale, en imaginant que les parties de celles-ci se développent en­semble et s'entremelent. ARISTOTE considere, au contraire, les monstres, comme des aberrations des lois naturelles : les causes mécaniques, inbérentes a la matiére prennent le dessus sur la forme que l'animal était appelé a réaliser ; rnais l'existence défectueuse des monstres sert de contre-épreuve pour mieux nous persuader que la nature normale procede d'apres le but le plus intelligent et qu' (<elle ne fait rien en vain )) (2).

Le chef-d'reuvre d' Am5iTOTF. dans le domaine de .la biologíe est sa classification des f.tres vivants en une hiérarchie de formes. Les eSJleces s'y trouvent ordonnées en une série de degrés ; c'est toute­fois une série statique, oú les esprces demeurent. immobiles : aucun passage de l'une a l'autre n'est admis. Mais nous aurons l'occasion de revenir sur cette systématique a laquelle AmsTOTE semble avoir apporté une contribution personnelle. Not.re tache ici n'était que de définir le sens général de l'encyclopédie aristotélicienne.

La science vue dans son progr~s historique. - Nous ne saurions clore cependant cet exposé rapide de l'reuvre d'ARrs­TOTE sans relever la fa~on dont ce philosophe a traité l'histoire des doctrines scientifiques. PLATON avait déja compris et paré d'une :forme dramatique le conflit des pensées issues d'écoles et de généra­tions difTérentes, mais ARtSTOTF. a été le premier a recueillir avec

1. De gener anim. , V, 8 (101). 2. Phys., 11, 8 (199 a 12). Pour les théories d 'ARISTOTE sur l'hérédité voir

chap. XVI.

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méthode dans le domaine positif de la science les apports de ses pré­décesseurs et a mettre en regard leurs opinions, afin que les sienncs apparussent comme l'aboutissement de recherches historiquement enchatnées. D'avoir con~u cette solidaritó d'efforts qui poussaient vers une connaissance plus vraie, en complétant et corrigeant suc­eessivement les découvertes partielles, est un mérite incontestable d' ARISTOTE, meme si dans les solutions qu'il propose ils'est souvent horné a établir un compromis éclectiqne plutót qu'nne synthese entre les vnes opposées.

On voit cet intéret pour l'histoire de la science augmenter a mesure qu'ARISTOTE consolide son systeme. Dans la derniere phase de son activité au Lycée, il semble bien considérer l'exposition raisonnée des étapes de la science comme la supreme conclusion de toute recherche. C'est qu'ainsi le savoir arrive a se connaitre lui-meme dans sa genese et dans sa finalité intrinseque, tel un etre vivant. Le progres organique du savoir acheve la conception qu'A­RISTOTE s'était faite de l'évolution cosmique (1).

Pour mettre sur pied pareille oouvre gigantesque, les forces d'un seul homme ne pouvaient sufllre. L'organisation admirable de la collaboration qu'ARISTOTE savait obtenir de ses disciples a permis de l'exécuter. Nous savons que THÉOPHRASTE a rédigé les << Opi­nions des physiciens » en dix-huit livres et EunF:ME l'histoire des mathématiques. Ces ouvrages furent la source, ou plutót le réser­voir des Placita ou « opinions des anciens philosophes » recueillies et classées par ordre de matiere, que les siecles suivants devaient transmettre d'abrégé en abrégé, jusqu'aux « doxographes >>de basse époque et de compétence bien médiocre chez lesquels force nous est de puiser la plupart de nos informations sur la science grecque.

Comme le reconnait aussi JAEGER, l'amas de science et de pensée, contenu dans l'oouvre d'ARISTOTE n'a exercé qu'une influence étonnamment réduite pendant le premier age de l'héllénisme. Cela n'empeche pas l'auteur que nous venons de mentionner de voir un défaut de compréhension historique dans la critique des savants. lorsqu'ils mettent en évidence la faiblesse des consécutions et des théories aristotéliciennes. On pourrait en convenir en songeant qu'en effet, les hommes qui cultivent les sciences exactes sont d'habi-

1. Cf. J AEGER, Aristoteles, Grundlage einer Geschichte seiner Entwicklung. Berlín, 1923.

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tude peu enclins a se placer dans la perspective de la relativité historique et prennent pour seul mesure valable les acquets de la science contemporaine. Mais ce n'est plus forfaire a l'équité histo­rique que de juger ARISTOTE en comparant sa science a celle dont. on trouve les expressions dans les memes milieux grecs avant et apres luí, c'est-a-dire en soumettant le maitre du Lycée a un ex a­men comme celui qui permettra de juger la « philosophie de la nature » des ScHELLING, ÜKEN et HEGEL par rapport aux sciences exactes de leur temps. Ce n'est pas au hasard que nous évoquons le.s spéculations du romantisme a propos d'ARISTOTE. Dans les deux cas la valeur plus que douteuse (du point de vue strictement scien­tifique) d'un vaste agencement de << théories )) dépend des memes­motifs : on y constate la prétention de subordonner la vision du monde physique non pas a la raison mathématique o u une tendance au déterminisme mécanique est toujours impliquée, mais a une conception finaliste dont les corollaires inévitables sont une hiérar­chie de valeurs et la recherche d'une réalité anthropomorphe au dela des bornes de l'expérience vérifiable. J AEGER a parfaitement raison d'indiquer l'affinité profonde de pareille conception avec les problemas religieux ou s'absorbera la pensée des philosophes chré­tiens, juifs et musulmana du Moyen Age. C'est a cette affinité qu'A­RISTOTE (VU d'ailleurs a la lumiere de PLOTIN} devra son incompa­rable prestige dans un monde qui depuis AuausTIN aura brisé les formes de la spiritualité hellénique paree que le conflit entre la foi et la science ne pouvait s'y contenir. Mais c'est la plus noble conquete­du génie grec - le rationalisme scientifique - qui se trouva ainsi délaissée et méconnue pendant plusieurs siecles par la pensée en évolution.

11 s'agissait d'une déviation tellement essentielle qu'au terme de­la période, la réaction ne s'opéra guere par un retour au rationalisme, c'est-a-dire aux príncipes qui avaient inspiré PLATO N, mais par le· triomphe de l'empirisme dans tous les domaines de l' << histoire naturelle » : la théorie, c'est-a-dire la recherche de lois ou de possi­bHités universelles fut sacrifiée a l'intéret exclusif pour la descrip­tion exacte et l'expérience directe de la réalité tangible et indivi­duelle.

Le Lycée· Théophraste et Straton. - Nous avons dit dans quelles conditions ARISTOTE avait du brusquement s'enfuir-

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d'Athénes a l'automne qui suivit la mort d'ALEXANDRE. Avant de quitter son école il choisit un successeur parmi ses disciples. Les deux plus dignes étaient a ses yeux Eudeme de RHODES et THÉO­PHRASTE d'Erese (dans l'ile de Lesbos) ; il finit par se décider pour ce dernier : « le vin de Rhodes et celui de Lesbos sont excellents 1 'un et l'autre, mais le bouquet du second est supérieur ''·

Théophraste fut scolarque pendant la période si troublée des guerrea entre les diadoques et n'en vécut pas moins dit-on jus­qu'a sa quatre-vingt-cinquieme année- en 288/287 av. J.-C.

A THÉOPHRASTE succéda STRATON de Lampsaque, qui avait séjourné a la cour de Ptolémée Soter en qualité de précepteur de son fils Philadelphe et qui administra le Lycée jusqu'en 269.

Ceux que nous venons de nommer sont, avec ARISTOXENE de Tarente auteur d'ouvrages sur la théorie et l'histoire de la musique, et DICÉARQUE de Messene, dont le Parcours de la Terre semble avoir été une véritable géographie scientifique, les plus éminents panni les disciples immédiats d'ARISTOTE. Des péripatéticiens de l'époque postérieure ANDRONIC de Rhodes qui apres avoir professé a Athénes vinta Rome en 71 av. J.-C. est célebre comme éditeur des reuvres du Maitre.

Sous le regne d'HADRIEN (entre 120 et 140 de notre ere) ADRAS­TOS ouvre la série des commentateurs scolastiques d' ARISTOE ; apres luí víent ARISTocd:s de Messine qui fut précepteur de l'em­pereur SEPTIME-SÉvtRE (193-211), mais eut aussi comme dísciple ALEXANDRE o'Aphrodísias, célebre comme l'Exégete par excellence de la Métaphysíque et de l'Organon logique. THÉMISTIOS au ¡ye sie­cle, SIMPLICIUS et Jean PHILOPON au y¡e continueront cette inter­prétation des textes. Les écrits de ces derniers adeptes de l'hellé­nísme pa1en se relient (( sana aucune suture aux commentaires en syriaque puís en arabe et enfin aux Occidentaux du xme siecle '' (E. BREHIER).

Le Lycée a surement exercé une influence considérable comme centre d'études scientifiques et historiques en meme temps et comme école. Avec plus de rigueur qu'a l'Académie les cours y devaient se conformer a un ordre systématique et les différentes disciplines y étaient sans doute exposées comme dans les manuela : c'est la ce que l'antiquité a produít de plus ressemblant a nos Uni­versités modernes. Sur le Lycée s'est modelée l'institution alexan­.drine si célebre sous le nom de Musée. Aussi bien DÉHÉTRius de

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PHALERE réfugié en Egypte lorsque les Athéniens eurent renversé le gouvernement oligarchique qu'il présidait, que STRATON pré­cepteur de Philadelphe sous le patronage duquel le Musée prit son essor, étaient des disciples de THÉOPHRASTE. La tradition veut meme que la bibliotheque d'ARISTOTE constituat le premier noyau de celle d' Alexandrie. Les collections d 'histoire nat urelle, de docu­ments historiques, etc., mais surtout toute la méthode des recher­ches et des complications auxqueHes se voucrent les spécialistes de branches différentes - correspondaient exactement a ce que le Lycée avait déja entrepris sur une échelle moins fastueuse.

Quant a la doctrine d'ARISTOTE son action, comme nous l'avons indiqué plus haut fut loin de s'avérer toute puissante sur les géné­rations de penseurs et . de savants qui vinrent aussitot apres lui. Meme THÉOPHRASTE s'éloigne du systeme en ce qui concerne la physique. Si la vigueur lui manqua pour enfreindre franchement les príncipes, il n.e put accepter sans objections le finalisme :

<< Il y a grand nombre de choses qui n'obéissent pasa la direction vers un but défini et n' accueillent pas le bien en elles-memes ; on peut meme en dire ainsi de la plupart des choses. Car il n'y a que peu d'etres animés, tandis que les objets inanimés sont innom­brables, et meme dans les corps doués d'ame le meilleur ne cons­titue qu'une partie infime de l'etre >> (1).

THÉOPHRASTE retouche la théorie des éléments, en excluant de leur nombre le feu et il met en doute la doctrine du mouvement et du lieu : il se pourrait que l'espace ne soit autre chose que « l'or­dre et la position des choses, selon leur nature et leur prcpriété >>.

Ce n'est que dans son reuvre de naturalista et surtout dans la hotanique (v. chap. XVI) que THÉOPHRASTE continue vraiment selon l'esprit de son mattre, la construction d'une science de la nature et cette reuvre nous apparait · meme comme l'achevement d'une évolution de la pensée dont l'école d'ARISTOTE marqua les traits spécifiques.

Un examen approfondi des écrits de THÉOPHRASTE qui nous sont parvenus dans l'édition d'ANDRONIC DE RHoDES et particuliere­ment des deux reuvres sur 11 les causes des plantes >> et sur 1' << His­toire des plantes >> a amené G. SENN (2) a distinguer deux étapes

1. UsENER, Analecta Theophrastea, X, Leipzig, 1850. 2. Die Entwicklun.g der biologischen. Forschungsmethode in der Antike und

, ~ .J

}

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dans la carriere scientifique de cet auteur. Au cours d'une premiere phase THÉOPHRASTE con~;~oit la science d'une fa~;~on qu'on peut qua­lifier de métaphysique puisque il opere avec les causes selon ARI s­TOTE, en expliquant, par exemple, a priori certains phénomenes par le« chaud >> et le« froid ». Mais a partir environ de l'an 314 av. J.- Ch. (alors qu'il rédige les chapitres 10-22 des « causes des plantes >>­

et ensuite en écrivant l' « Histoire des plantes >> ainsi qu'un com­mentaire méthodologique sur la« Métaphysique ») THÉOPHRASTE se rallie a un príncipe empirique et positif de la recherche ; il laisse de coté les ((causes)) pour ne demander qu'a l'observation d'étabJir­si telles plantes sont « chaudes » ou « froides ».

« Des influences qui favorisent la maturation des fruits et des­plantes» dit-il (1) <e il s'en trouve que nos sens peuvent percevoir. Mais l'essence du chaud et du froid est l'objet de discussions inter­minables, ou il n'est guere possible d'arriver a une entente. Ce qui est le cas pour toute chose dont la pensée seule est juge. Il conviendra done de définir exactement ces t~rmes [ du « chaud »

et du e< froid »] puisque c'est par ces deux príncipes qu'on explique tous les phénomenes. Et il sera nécessaire de prendre en considéra­tion tous les phénomenes concomitants car ces derniers nous per­mettent d'avoir quelque lumiere sur les forces de la nature et c'est la-dessus que nous édifions nos théories ».

On voit ensuite THÉOPHRASTE réduire le caractere chaud des plantes a leur teneur en huile ou en substances acres, a leur pau­vreté en suc, a leur densité et aussi aux effets qu'elles peuvent pro­duire dans notre organisme lorsque nous les assimilons ou touchons.

Le point important cependant est l'idée que la raison, le logo~ ne peut nous faire avancer dans la connaissance de la nature visible. C'est la le point de départ des amendements que THÉOPHRASTE,. au seuil de }'extreme vieillesse, entreprend d'apporter a la méta­physique. ll lui est apparu impossible d'édifier un systeme du monde ou les choses visibles et les invisibles seraient traitées d u meme point de vue. La philosophie de la nature est ainsi amenée a un tournant décisif ; il lui faut renoncer a un systeme qui em­brasse l'univers.

hvre grundsiitzliche Foerderung durch Theophrast von Eresos. Aarau, 1933 ~ Die Pflanzenkunde der Theophrasts von Eresos. Bale, 1935.

1. De causis plant. XXI.

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Dans les parties de U'Histoire des Plantes qui datent des dernieres .années de sa vie THÉOPHRASTE met a nu la crise du concept méta­physique de << cause ». N aguere il n'hésitait pas a faire de la nourri­ture, fournie par le sol, la cause (o.h·La) unique de la persistance du feuillage. Maintenant le terme de<< cause » a disparu dans son exposé, tandis qu'il note soigneusement tous les phénomenes concomitants que l'observation a répérés (1).

Ainsi l'observation systématique a sapé l'édifice des causes pre­mieres ou secondes, inhérentes ou extérieures1 suffisantes ou << fi­nales ». A la place de ce schéma logique le savant entrevoit une multiplicité de causes simples dont beaucoup échappent a notre <:onnaissance.

Plus radicalement que Théophraste STRATON se départit de l'armature aristotélicienne et se rapproche de DÉMOCRITE ainsi que des physiciens présocratiques (2). Bien qu'il traitat de « reve­rie >> la théorie atomique qui réduit la substance a la simple étendue, STRATON lui faisait de fort larges concessions tout en s'efforQant a demeurer dans les limites des preuves expérimentales. Il répudie les causes finales et la fortune (notion que l'age des diadoques eut toutes raisons d'adorer) est le terme qu'il emploie pour désigner les enchainements mécaniques qui produisent les événements. STRATON accepte la structure corpusculaire de la matiere, mais il maintient des différences de qualité entre les corpuscules : on dirait presque qu'il con~oit les él€ments chimiques comme les modernes depuis BoYLE.

Sur un point essentiel les attaches de STRATON a l'école de DÉMO· CRJTE ne semble guere douteuses : c'est quand il nie l'existence de lieux naturels et attribue l'ascension des corps légers a la pous­sée de l'air. C'était l'explication qu'avait déja proposée le philo­sophe d 'Abdere (3). SIMPLicrus nous dit que STRATON comparait

1. 11 est remarquable, toutefois , que jamais il n'eut recours a l'expérience : sur ce point le préjugé aristotélicien n'était pas entamé. Cfr. G. SENN, Theo­phraste et l'ancienne biologie grecque, dans « Archeion », XVII, 2-3.

2. Nous verrons de meme E ucLIDE donner a ses príncipes le nom de « notions communes ou générales » qu'il emprunte a DÉMOCRITE plutot que de se servir du terme pythagoricien d' • axiomes » qu'ARISTOTE avait adopté dans sa logique.

3. SIMPLICius, Comm. au de Coelo (ed. Heiberg, Berlín. 189~, 712, 8) : «les démocritéens disent que tout a du poids et q.ue c'est a cause de sa moindre

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60 PLATON ET ARISTOTE

la montée du feu dans l'air a celle d'une bulle d'air qu'on voit se détacher de l'eau (1); et dans un autre passage que nous a transmis STOBÉE, STRATON affirme q1,1e « tous les corps, de par leur nature, sont lourds et que ceux qui comme le feu sont plus légers que le milieu ambiant, tendent a monter en raison de la pression que ce ,, milieu exerce sur eux, de meme qu'une noisette huilée glissera vers. le haut si nous la serrons entre les doigts » (2).

Quant au vide, STRATON admet qu'il existe a l'intérieur de la mat iére et seulement par hasard dans le monde extérieur. Le traité « du vide )) qu'il avait composé sur ces questions a servi de préface aux PneumaÍiques de HÉRON comme l'a reconnu DIELS. STRATON y reprend et y développe sous divers aspects des expériences faites avec l'air comprimé ou raréfié d ans un récipient qu'on a plongé dans l'eau et nous avons vu comment des expériences analogues étaient déja familieres a EMPÉDOCLE.

Du point de vue de la méthodologie STRATON en se réportant a la physique de DÉ!IlOCRITE et des présocratiques, dépasse les limites auxquelles s'était arretée Ia pensée de THÉOPHRASTE. En particulier il a abandonné le préjugé de l'école, inspiré par une vision finaliste de l'univers et d'aprés lequel les phénoménes pro­duits par artífice suivraient des lois difTérentes de celles qui régis­sent les phénomenes naturels.

Le fait que les disciples immédiats d' ARISTOTE se sont éloignés de sa doctrine, surtout dans le domaine de la physique, pour repren­dre les chemins tracés par la science de DÉMOCRITE et qu'il faudra attendre cinq siecles avant que la physique péripatéticienne soit étudiée pour e1le-m~me et reprise par un ALEXANDRE d'Aphrodisias, a été relevé par DuHEM (3) avec un certain étonnement. L'émi­nent apologiste de la scolastique ne semble pas s'apercevoir que ce fait implique un jugement historique sur l'reuvre d' ARISTOTE dans cette branche du savoir : pour qu'elle s'imposat aux esprits il a fallu qu'une époque de décadence survint dans la recherche· scientifique.

pesanteur que le feu sous la pression de l'air qui le pousse est porté vers le-· haut et parait ainsi léger •.

1. /bid., 267, 8. 2. Avant d'etre reprise par GALILÉE cette explication l'a été par BENE­

DETTI, Cfr. VAILATI, CEu~Jres, p.161. 3. Le systeme du monde, t. I, p. 2~3.

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NOTE BIBLIOGRAPH !QUE

Pour le texte d'AniSTOTE nous renvoyons a ce qui a été dit au Chapitre­sur les Sources. La liste des ceuvres avec les résultats de la critique est donnée par:

O. HowALD, Die Schriftenvcrzeichnisse des Aristotele~> und Theophrast dans « Hermes •, tome 55 (1920), p. 204-221.

Quant aux traductions, on lera bien d'éviter celle de BARTHELEMY-SAINT­HILAIRE qui est une« belle infidéle ». Une bonne traduction anglaise sous la direction de w. D. Ross et J . A. s~IITH est en cours de publication a Oxford depuis 1908 ; déja parus outre 1 a Physique :

Métaphysique (W. D. Ross, 1924). Météorologiques (E. W. WEDSTER, 1923). De la génération et corruption (H. H. JOACHIM, 1922). La traduction allemande de la Metaphysique par H. BOMTJ (1890) est a

recommander.

En fran~ais :

La Physique (traduction de H. CARTERON, París, 1926). De la générat. et corruption (trad. de J. TRICOT, Paris, 1934).

(le 2e livre de la Physique a été traduit aussi par O. HAMELIN, 1907).

La bibliographie sur ARISTOTE est une mer océane. Il suffira de dire que dans le catalogue du British Museum AniSTOTE occupe 110 colonnes.

Nous ne citerons (en supplément aux principales histoires de la philosophie grecque) que quelques ouvrages qui peuvent orienter le lecteur :

E. Dournoux, Aristote, article dans la « Grand·e Encyclopédie >> (1886) réimprimé dans Etude d'histoire de la philosophie, 36 éd. París, 1908.

G. H. LEwEs, Aristotle, a chapter from the history of science. London,. 1864.

G. GROTE, Aristotle, London, 1872. H. SIEBECK, Aristoteles, 2e éd. Stuttgart, 1902. O. HAMELIN, Le systeme d'Aristote. Paris , 1920. D. D. Ross, Aristotle, Oxford, 1923 (trad. fran~aise éd. Payot. P aris, 1930) . W. J AEGER, Aristoteles, Grundlegung einer Geschichte seiner Entwicklung.

Berlin, 1923. E. BIGNONE, L'Aristotele perdute. Rome, 1937.

Sur la logique :

J. PRANTL, Geschichte der Logik, vol. l. Leipzig, 1855. F. ENRIQ UES, ll concetto delta logica dimostrativa secando Aristotele dans

« Rivista di Filosofia •, 191'8.

Sur la notion de la matiére et la physique en général :

CL. BAEUMKER ,Das Problem der Materie in der griechischen Philosophie. Munster, 1890.

A. RIVAUD, Les problemes du devenir et la notion de la matiere dans la philo-· sophie grecque depuis les origines ;usqu'a Théophraste. París, 1905.

K. LAsswnz, Geschichte der Atomistik, chap. VI. A. MIELI, Pagine di Storia della Chimica (Rome, 1922) (les premiéres.