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Arbres remarquables en Finistère

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Arbresremarquablesen Finistère

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Préface

Notre connaissance des arbres reste cependant partielle car elle ne s’applique qu’à une tranche d’âge très limitée. Les arbres d’ornement de nos villes ont une espérance de vie moyenne qui ne dépasse pas 60 ans et en forêt, les arbres sont généralement exploités vers 100 ans. De nombreuses questions sur la vie des très vieux arbres restent donc en suspens. Comment prévoir l’évolution réversible ou irréversible d’un dépérissement ? Quelle est la capacité d’adaptation des arbres séculaires au stress climatique ? Quels sont les effets d’une taille ? Quelles sont les différences de comportement entre les essences ?Pour y répondre, il est indispensable de suivre l’évolution de mêmes arbres au cours du temps sur de très longues périodes. La photographie est sans nul doute l’outil le plus adapté, à condition de réaliser des séries de photos suivant un cadrage identique et à intervalles réguliers. Les auteurs de ce livre nous y invitent. Le texte de Mickaël Jézégou décrit précisément l’historique et l’état actuel de chaque arbre. Les précieuses cartes postales anciennes de Guy Bernard sont de véritables pièces à conviction nécessaires à la reconstitution chronologique de l’évolution architecturale des arbres. Enfin, le blog collaboratif, « Les têtards arboricoles », administré par Yannick Morhan est le site idéal pour gérer la mise en place d’un observatoire photographique des arbres.Je vous souhaite une bonne lecture et de belles découvertes arboricoles !Kenavo

Christophe DrénouDocteur-Ingénieur à l’Institut

pour le Développement Forestier

Un sentiment rare se dégage de ce livre, celui de l’intimidation. Non pas parce que les arbres finistériens effraient, quoique certains ne sont pas rassurants quand vient la nuit bretonne, mais parce qu’ils nous font perdre notre assurance d’être humain. On se sent vraiment petit au pied des 58 m de hauteur des séquoias du manoir de l’Odet, éphémère comparé aux huit siècles d’existence de l’if de Plourin-lès-Morlaix, si fragile devant l’extraordinaire capacité de résilience du châtaignier de Pont-l’Abbé, tellement ignorant face aux mystères de la vie végétale et contrarié surtout, devant le fait indiscutable que les arbres n’ont pas besoin de nous, alors que nous sommes si dépendants d’eux.On me demande souvent les raisons de mon amour pour les arbres. L’origine de cette passion se trouve au Finistère, pays de mon enfance. Les pages qui suivent me remémorent le parfum et le jaune des mimosas sur la route qui relie Crozon à Morgat, les branches en plateaux des cyprès de Lambert blottis dans les dunes de Sainte-Anne-la-Palud et les silhouettes fantomatiques des pins maritimes dans le brouillard des landes du Menez-Hom. Sur les terres de l’écrivain Pierre-Jakez Hélias, le tronc d’un arbre est une grosse corde, « il y a même des nœuds dedans. Mais à chaque bout, les fils de la corde se desserrent et s’élargissent pour s’accrocher au ciel et à la terre. On les appelle des branches, en haut, et des racines, en bas. Mais c’est la même chose. Les racines cherchent leur chemin dans le sol de la même manière que les branches cherchent leur chemin dans le ciel ». Ces mots, perçus autrefois comme de la poésie, revêtent aujourd’hui une dimension scientifique que cet ouvrage illustre à merveille.

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densités d’arbres anciens en France Trois années plus tard, l’important collectage, fruit de belles rencontres avec des arbres et des hommes, permet la concrétisation du projet.

Arbre et homme, une relation singulièreCet inventaire souligne combien notre société a tissé, avec le végétal, un lien étroit et une complicité singulière : l’arbre occupe une place importante dans notre histoire et notre imaginaire collectif. Tour à tour paysan, forestier, urbain, sacré, paysager, il incarne le collectif humain en témoignant de l’histoire, de l’économie et de cultes ancestraux. Utilisées pour le fourrage, le bois de boulange ou le piquet, les trognes bocagères nous rappellent l’importance de l’arbre dans les sociétés paysannes. En peuplement forestier, le chêne et le hêtre se transforment en impressionnante futaie cathédrale. La densité et les silhouettes insolites des arbres exotiques, rapportés, au xixe siècle, de continents lointains, marquent également le paysage des nombreux parcs et domaines finistériens. Enfin, les ifs de cimetière ou les chênes de hameau agricole, transmis par des générations d’hommes et de femmes, forment autant de jalons exprimant la modeste temporalité humaine et notre lien au pouvoir universel. Ils portent encore les traces de l’évangélisation de cultes païens, de superstitions et croyances magiques. Ils nous plongent dans les racines profondes de notre histoire.

Ce livre est un appel à découvrir un autre Finistère. Il invite à (re) découvrir ce « bout du monde » à travers ses arbres les plus remarquables. Il engage à parcourir les parcs et les forêts, se perdre dans les chemins creux ou les hameaux agricoles ou encore fréquenter les enclos paroissiaux pour rencontrer ce patrimoine végétal hors du commun.À travers, 80 portraits d’arbres, ce livre témoigne, avant tout, de l’émotion perçue à leur pied. Car, ces arbres, souvent méconnus, donnent à réfléchir. Comment rester insensible devant leur éternité apparente, leur extraordinaire dimension ou leur forme insolite ? Il nous interroge sur notre rapport au temps. Leur mode de fonctionnement sobre et résilient, leur altérité ainsi que leurs bienfaits en matière de biodiversité et de cadre de vie ne laissent pas indifférents.Ces arbres sont également une identité et un héritage, à la frontière entre la botanique et la culture. Ils évoquent la marque d’un lieu, expriment des faits historiques et des voyages au long cours. Ils témoignent de légendes, de cultes anciens et d’œuvres artistiques. Associés à des générations d’hommes, ces passeurs de mémoire font incontestablement partie de notre patrimoine.Ce projet est né d’une rencontre entre trois amis, passionnés d’arbres remarquables. Printemps 2015, l’abandon d’une chasse aux « veteran trees » anglais les ramène en Bretagne. Le voyage se transforme en virée finistérienne. L’idée germe alors de l’écriture d’un livre sur ce département qui possède un patrimoine arboré original mais méconnu. Car le Finistère, à l’instar des départements bretons et normands, possède l’une des plus fortes

Avant-propos

« Il n’y a rien de plus beau qu’un arbre. »Pierre Jakez Hélias, Le cheval d’orgueil

L’arbre un symbole universel : détail du rétable du rosaire de l’église de Saint-Thégonnec (début xviiie siècle) représentant la scène de la tentation et de l’arbre de vie.

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et curieux. Il reste de ce sujet séculaire plusieurs cartes postales anciennes mettant en scène l’imposant végétal et son jardinier ainsi qu’une variété de figue « La Roscoff » qui s’échange toujours entre passionnés et amateurs de ce fruit délicat.Les transferts de cimetières en dehors des enclos paroissiaux furent également prétextes à l’abattage de nombreux ifs multicentenaires qui ne remplissaient plus leurs fonctions antiques de gardiens des morts. Comme à Guimaëc, Guengat, Rosporden, La Roche Maurice ou Plonevez Porzay plusieurs vues anciennes confirment la présence d’arbres funéraires anciens au sein d’ensemble religieux. Leur abattage est bien souvent à corréler avec le déménagement des cimetières au xxe siècle. Ceux de Guimaëc, taillés en topiaire, véritable calvaire végétal, se distinguaient des autres ifs funèbres bretons au port généralement libre. Ceux de Guengat ont été abattus en 1920, après délibération du Conseil municipal. Les dimensions de ces arbres monumentaux, qui apparaissent sur une carte postale ancienne, nous font penser qu’ils auraient pu être plantés bien avant l’église Saint-Fiacre, construite au xve siècle.Sur une vue ancienne, la cime sèche de l’if de Sizun, qualifié de « tricentenaire », nous montre un arbre dépérissant. On peut penser que les travaux de transfert du cimetière aient pu impacter le système racinaire et faire dépérir le vieil arbre abattu au cours du xxe siècle (voir Comment protéger un arbre page…).L’analyse des sites classés ou inscrits par les services du Ministère de l’écologie confirme également la disparition de plusieurs arbres patrimoniaux. Au début du xxe siècle, 27 édifices religieux finistériens font l’objet d’arrêtés de protection qui vise, outre le bâti, le patrimoine arboré en rive des différents monuments. Malgré ce statut de protection, le travail de collectage a montré qu’en quelques décennies, près de la moitié des arbres originaux a disparu.Parmi ceux-ci, l’if séculaire de l’enclos paroissial de l’église Saint-Nonna à Penmarc’h, pourtant classé par un décret du 22 septembre 2014, a été abattu dans le courant du xxe siècle. Sa circonférence laisse présager un arbre, au moins aussi ancien que l’église.À Trégourez, malgré le décret de protection du 9 mai 1931, plusieurs ifs anciens ont également disparu. Ceux-ci avaient été décrits, en 1938, par le botaniste Georges Hibon dans un des bulletins de la Société nationale d’acclimatation : « Trégourez. Dans le cimetière : trois beaux ifs dont un de 2,5 m à 1 m du sol. »D’autres disparitions ne trouvent tout simplement plus d’explications. Seules quelques vues anciennes témoignent encore de leur imposante présence. À La Roche Maurice, par exemple, le dernier des chênes « monstres » de Bot Lois a été abattu dans les années 1980. À la suite de sa disparition, un jeune arbre, encore présent aujourd’hui, a été planté par les habitants de ce hameau, sur les communs du village. Ce transfert n’est pas un cas isolé. À l’image des

à la frontière entre le monument naturel et le patrimoine culturel immatériel. Au même titre que nos chapelles et calvaires, ils méritent d’être identifiés comme un précieux legs à transmettre aux générations futures. L’expérience montre qu’au-delà des réglementations existantes (voir comment protéger un arbre remarquable page…), « faire connaître » les arbres remarquables semble le meilleur outil de protection. Ce livre porte l’ambition de faire (re) découvrir et prendre en compte nos arbres les plus anciens que le poète fouesnantais Jos Parker proposait, en 1914, de faire classer « pour que les Barbares n’y touchent pas ».

Un patrimoine fragileCar ce patrimoine est fragile. Des témoignages écrits et oraux ainsi que des cartes postales, du début du xxe siècle, témoignent de disparition de plusieurs arbres anciens. Ils nous montrent que la majorité des arbres ne meurt pas de vieillesse mais, comme le défendait, au début du xixe siècle, le botaniste Augustin Pyrame de Candolle, de maladies ou d’accidents. Parmi ceux-ci, les aménagements successifs de nos villages sont une des principales causes de leur disparition.À Roscoff, un légendaire figuier, réputé planté en 1610 et palissé par 79 colonnes sur 600 m² reste encore dans les mémoires. Abattu, en 1987, pour la construction d’une résidence immobilière, il constituait un véritable monument naturel qui attirait de nombreux touristes

Qu’est-ce qu’un arbre remarquable ?L’âge, les dimensions, la forme, la situation ou les croyances et histoires sont les principaux critères permettant de qualifier la remarquabilité d’un arbre. Mais au-delà de ces indices objectifs, les arbres présentés dans ce livre sont remarquables parce qu’avant tout, ils dégagent une charge émotionnelle forte. Le fameux « Oh… » poussé spontanément, lors d’une première découverte est, sans aucun conteste, le critère de sélection subjectif et assumé qui a été le fil conducteur de cet ouvrage.Pour autant, ce travail de collectage n’est pas un inventaire à la Prévert. Le repérage préalable de ces arbres finistériens s’est appuyé sur plusieurs publications, notamment celle du finistérien Jean Auffret, mais aussi des inventaires existants comme celui de Bretagne Vivante coordonné par Bruno Ferré en lien avec la Maison de la Consommation et de l’Environnement, de Brest Métropole Océane et Quimper Communauté ainsi que celui du Forum de Brasparts réalisé par Jean-Yves Kerhoas. Les arbres remarquables labellisés par l’association nationale A.R.B.R.E.S, ainsi que ceux protégés par le ministère de l’Écologie, au titre des sites et paysages inscrits ou classés ont également été intégrés au travail de collectage. Celui-ci s’est ensuite bonifié par les multiples rencontres réfléchies et surtout fortuites avec des amoureux, des passionnés et des propriétaires d’arbres.L’importance et la profondeur de ce patrimoine végétal sont une richesse. Ces arbres constituent un héritage insolite

Le figuier de Roscoff

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le géographe Bruno Sirven : « On touche au plus profond de la nature humaine, dans le regard qu’elle porte sur la nature qui la contient (…). Les arbres nous racontent de fait notre propre histoire. »Pour terminer ce tour d’horizon, il faut évoquer les tempêtes, dont l’ouragan d’octobre 1987, qui ont eu raison de plusieurs vieux sujets. Outre plusieurs chênes séculaires de Lanhuron à Gouesnac’h (voir page…), le chêne de la Liberté de Saint-Eloy a également été emporté par ce coup de vent. En 1989, lors du bicentenaire de la Révolution, cet arbre historique fut remplacé par un chêne rouge d’Amérique qui prospère encore aujourd’hui dans le centre bourg.

Un patrimoine arboré riche et originalOn l’a compris, l’arbre remarquable a un sens. Bien loin de l’image du végétal sauvage ayant poussé à l’abri du regard de l’homme, l’arbre remarquable est avant tout, comme l’écrivait l’universitaire Robert Bourdu, « un témoin qui s’impose ». Son emplacement au sein de cimetière, de places de village, de cour de ferme ou de parc paysager n’est jamais un hasard. Les nombreux travaux de collectage, à l’échelle européenne, confirment le rapport étroit entre l’arbre et l’homme. Le patrimoine arboré finistérien, l’un des plus riches et originaux de France, n’échappe pas à ce constat. Le décryptage de ce lien a été le fil conducteur de ce livre qui propose leur découverte, à travers le classement suivant :

chênes de Saint-Thélo et Saint-Eloy, comme pour prolonger la continuité de cet héritage végétal, de nouvelles plantations ont parfois succédé aux sujets séculaires.Ces nombreux abattages d’arbres, bien souvent protégés ou identifiés, interpellent. Alors que la présence de nombreux sujets anciens illustre la capacité de l’arbre à vivre bien au-delà du millénaire, pourquoi ne retrouve-t-on pas plus de vieux arbres dans nos forêts, parcs et bocage finistériens ? Comment expliquer la disparition, en moins d’un siècle, de plusieurs de ces entités végétales anciennes, incarnations du collectif humain et symboles même d’enracinement et de pérennité ? Incompréhension de cet héritage symbolique, méconnaissance du fonctionnement physiologique et de l’altérité du végétal, « haine de l’arbre », perte de repère dans notre « civilisation technique », ou encore « Peur de la Nature », il est difficile d’apporter une réponse simpliste à ce sujet qui soulève davantage de questionnements notamment sur notre relation à la nature. Cette étrange relation entre l’homme et l’arbre nous l’avons perçue lors de la phase de terrain. À plusieurs reprises, notre collectage n’a pas manqué d’interpeller. « Votre travail est important ! Moi je pense que notre société est en perte de repères et il est important de retrouver nos racines », « Vous n’êtes que des fouilles merdes : vous n’avez pas autre chose à foutre que de photographier les arbres ? », ces exemples de propos antagonistes, recueillis au cours de l’inventaire, illustrent la prégnance de l’arbre, symbole de nature, écho de nos émotions originelles. Comme l’évoque

Châtaignier millénaire de Pont l’Abbé.

Hêtre sculpté par le vent à Milizac au lieu-dit La Haie Bruyère.

Insolite : Cette catégorie d’arbres « aux drôles de formes » est très présente dans ce livre. Au regard des inventaires nationaux et européens, il s’agit là d’une singularité finistérienne à corréler à la présence de chaos rocheux, à la pauvreté chimique des certaines landes ou encore au climat océanique de ce territoire du bout du monde.

Vétéran : Ces arbres, très anciens, sont remarquables par leur extraordinaire circonférence qui traduit l’épaisseur des tissus ligneux accumulés depuis leur naissance. Le Finistère possède plusieurs arbres, parmi les plus anciens de France, comme le châtaignier de Pont-l’Abbé ou l’if de Plourin-lès-Morlaix.

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Exotique : La découverte d’une grande majorité d’arbres exotiques a été réalisée entre le xvie et le xixe siècle. Leur introduction en Bretagne est étroitement associée au port de Brest où ont été lancées de nombreuses expéditions militaires, commerciales et scientifiques. Ce n’est donc pas un hasard si le Finistère possède une importante proportion d’arbres exotiques « anciens » et monumentaux rapportés des quatre coins du monde tels que : cyprès de Lambert, pin de Monterey, araucaria ou séquoia. Il représente plus du tiers des essences répertoriées dans cet inventaire.

Arbre d’histoire : À l’image de l’arbre de la Liberté de Locquénolé ou celui de Locmaria Berrien planté à la mort de Catherine de Médicis, plusieurs arbres identifiés portent, dans leurs cernes, les traces de notre histoire. Témoins bien singuliers, des événements exceptionnels ou journaliers, des heures douloureuses, des instants de liesse, ils nous dévoilent un passé original où le fait historique se superpose souvent à la légende.

Arbre de parc : L’arbre aristocratique de parc et jardin est également très présent en Finistère. À l’image du chêne du parc de Kerjégu à Scaër (voir page…), il se distingue de leur cousin du bocage par leur port libre et majestueux qui leur confère une valeur d’agrément incontestable.

Sacré : Tour à tour divinisées puis christianisées, certaines essences sont vénérées, en Bretagne, depuis fort longtemps. Parmi celles-ci l’if et le chêne incarnent de nombreux mythes autour de la vie éternelle, de la mort, de la guérison ou du savoir. Comme le montre ce travail d’inventaire, cette mythologie, associée aux arbres, survit encore dans notre imaginaire collectif. De nombreuses coutumes ont également perduré jusqu’à nos jours, à l’image de la cérémonie de l’arbre aux pommes à Plougastel Daoulas ou celle de l’arbre de mai à Locronan.

Arbre de hameau agricole : La présence d’arbre remarquable au sein de ferme ou de village agricole est une particularité bretonne. Comparable aux arbres à palabres africains ou aux platanes de places de village dans le sud de la France, il constitue à la fois une sorte de repère transmis par des générations de paysans ainsi qu’un lieu de rassemblement. Souvent associé à un puits ou à un four, leur conservation est souvent liée à une implantation sur les communs de village. Majoritaires, le chêne pédonculé et le châtaignier représentent près du tiers des essences répertoriées.

Arbre d’inspiration : Comme l’illustrent, les arbres anémomorphes de l’enclos paroissial de la chapelle Sainte-Anne-la-Palud à Plonevez-Porzay, peints par Mathurin Méheut, plusieurs peintures et écrits ont un lien avec le patrimoine végétal finistérien. Ils soulignent la variété des émotions suscitée par l’arbre et l’importance de la nature dans l’inspiration artistique.

Détail de la plaque de la place « Du vieux chêne » à Saint-Eloy, symbolisant l’arbre de la Liberté aujourd’hui disparu.

If de Plogonnec .

Chêne séculaire de Logonna-Daoulas planté sur les communs du hameau du Château.

Les ormes de la chapelle Sainte-Anne-la-Palud, battus par les vents océaniques, n’ont pas manqué d’interpel-ler le peintre Mathurin Méheut au début du xxe siècle. Ces arbres ont aujourd’hui disparu.

Araucaria du parc botanique de Kerbernez à Plomelin.

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Pays de Brest

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Botanique du désir

Lieu Essence Circonférence Envergure HauteurJardin de l’aubergede jeunesse Fusain brillant – Euonymus lucidus D. Don 1,05 m 10 m 13 m

Jardin de Kerbonne Araucaria angustifolia (Bertol.) Kuntze 13 mParc du manoirde Kerbriant Palmier à chanvre – Trachycarpus fortunei (Hook.) H. Wendl. 10 m

Rue Claude Farrière Lambezellec

Platane commun – Platanus x hispanica MillGinkgo biloba - Ginkgo biloba L.

5,3 m3,2 m

18 m17 m

18 m15 m

Jardin Jaouen Platane commun – Platanus x hispanica Mill 4 mJardin du Conservatoire botanique

Collection de Nothofagus (hêtre du Chili)Cyprès du Cachemire – Cupressus cashmeriana CarrièreSéquoia de Chine – Metasequoia glyptostroboides Hu & W.C.Cheng

Médiathèquedes quatre moulins Tulipier de Virginie – Liriodendron tulipifera L. 19 m 17 m

Où découvrir des arbres exotiques à Brest ?

• Accès librecbnbrest.frbrest.fr

BrestAraucaria angustifolia du jardin de KerbonneChichis du Ginkgo biloba de LambézellecChêne pédonculé• Arbre d’histoire – Vétérans

Les plus vieux arbres de Brest

Lieu Circonférence Envergure Hauteur Âge Accès

Place Quilbignon 2,8 m 18 m 18 m 137 ans Accès libre

Rue de Kerrarun 4,7 m 28 m 28 m 250 ans Site privé visible de la route

Rue de Kerbriant Supérieure à 5 m 27 m 23 m 250 ans Site privé visible

de la route

Ce titre, emprunté à l’un des livres du botaniste Michael Pollan, illustre ce désir profond de nos sociétés à découvrir, répertorier et collectionner les végétaux exotiques de continents lointains. À l’image du châtaignier, du palmier chanvre ou du camélia, l’empreinte de ces introductions passées, dans notre culture et nos paysages bretons, est indéniable. Elle témoigne d’aventures humaines, de l’ouverture de notre société sur le monde et surtout de notre grande satisfaction à admirer la beauté et la douceur de végétaux jusqu’alors inconnus.En France, Brest joua un rôle incontournable dans la diffusion des plantes voyageuses. Comme Louis-Antoine de Bougainville, Jean François de La Pérouse ou Étienne Raoul, de nombreux savants, dont le nom a marqué l’histoire de la botanique, y embarquèrent. À partir de la fin du xviie siècle, le jardin botanique de la Marine, crée dans l’enceinte de l’hôpital maritime, accueille ces étranges

végétaux rapportés d’outre-mer. Quelques siècles plus tard, grâce au travail du jardinier botaniste Antoine Laurent, le lieu eut la réputation d’être « le plus beau jardin de la métropole ». Malheureusement détruit lors des bombardements de la Seconde Guerre mondiale, il disposait d’étonnants arbres voyageurs parmi les premiers à avoir été introduits en Europe comme un camélia planté en 1811, des palmiers chanvres semés en 1859, plusieurs tulipiers de Virginie associés à la guerre d’indépendance des États-Unis, l’un des plus beaux chênes verts de Bretagne ou encore plusieurs araucarias et eucalyptus…Aujourd’hui conscients de l’intérêt cet héritage, collectivités et milieux associatifs perpétuent cette longue tradition brestoise de l’exotisme. Avec près de 600 espèces et variétés répertoriées sur le territoire de l’agglomération, Brest Métropole Océane a été l’une des premières collectivités françaises à établir un plan de gestion de son patrimoine

arboré. Ce travail a permis d’identifier plusieurs végétaux exotiques d’exception tels que le Fusain Brillant centenaire du jardin de l’auberge de Jeunesse, l’imposant ginkgo biloba de Lambézellec reconnaissable à ses drôles de protubérances surnommées « Chichi » ou encore le platane à loupe du jardin Jaouen. Parallèlement, grâce à la volonté de quelques passionnés comme Jean-Yves Lesouëf, est né, dans les années 1970, le Conservatoire botanique national de Brest, premier jardin au monde dédié à la culture, à la conservation et à la préservation de plantes en voie de disparition. Dans ce parc paysager de 30 hectares, se côtoient quelques essences d’arbres peu courantes comme le cyprès du Cachemire, le métaséquoia de Chine ou encore une collection de Nothofagus (hêtre du Chili). Ce Jardin, classé remarquable, continue, à sa manière, l’aventure brestoise des plantes voyageuses.

À Brest, malgré le désastre de la Seconde Guerre mondiale, cet inventaire a révélé la présence de plusieurs chênes anciens. Derrière l’épaisseur de leurs cernes, ces centenaires portent la mémoire de la petite et grande histoire de Brest. Témoins insolites, ces arbres patrimoniaux méritent toute notre attention.Le premier d’entre eux, un chêne de la Liberté, se situe au centre de la Place de Quilbignon à l’ouest de la ville. À son pied, une plaque évoque sa plantation le 14 juillet 1881, sur décision du Conseil municipal. Durant les bombardements des années 1940, l’arbre aurait reçu des éclats d’obus qu’il a petit à petit « digérés » au cœur de son tronc. Aujourd’hui, ce chêne historique, suivi par Brest Métropole Océane, fait l’objet des plus grands soins.Un peu plus à l’est, près du Moulin blanc, se trouvent deux autres chênes, plus âgés, visibles des rues de Kerbriant et Kerrarun. La tradition populaire raconte qu’auparavant les femmes de pêcheurs qui remontaient les caisses de sardines du port, appréciaient de faire une pause à l’ombre de leurs cimes. Bien que le plus imposant porte le surnom de « Chêne Colbert », il est vraisemblable qu’il n’ait jamais connu l’homme d’État car ses dimensions renvoient sa date de plantation vers le courant du xviiie siècle. L’arbre qui aurait tout de même connu la Période révolutionnaire et les grands aménagements de la ville, fait incontestablement partie du patrimoine brestois.

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Crozon – TrebreonCyprès de LambertCupressus macrocarpa - ?

• Exotique• Circonférence : 7 m• Envergure : 24 m• Hauteur : 24 m• Âge : 150 ans• Site privé

La tradition populaire évoque la plantation de cet imposant cyprès, en 1867, à l’occasion d’un mariage. Cet arbre du souvenir, originaire de Californie (voir portrait du cyprès de Loctudy page…), l’un des premiers introduits en Bretagne, constitue aujourd’hui un monument végétal à part entier. Grâce à ses dimensions hors normes, à son architecture insolite, il a été sélectionné, en 2014, au concours national de l’arbre de l’année. Ce cyprès offre en effet une cime harmonieuse en forme de nuages, magnifiquement mis en valeur, dans les années 1990, par l’arboriste Claude le Maut.Ce professionnel de la taille jardinée, formateur et auteur de livres, s’est spécialisé dans l’art de « détourner le développement naturel des arbres pour leur donner des formes que les éléments naturels auraient pu leur donner en d’autres lieux ». Ce mode de gestion, inspiré de techniques japonaises, permet de mettre en avant une asymétrie de la cime, la sinuosité d’un tronc ou encore des formes arrondies. Cet art de la taille, enseigné aujourd’hui dans de nombreux centres de formation d’élagueurs-grimpeurs, ne s’improvise pas. L’arboriste doit être capable d’intervenir, avec art et manière, en respectant l’identité vivante de l’arbre. Elle nécessite la maîtrise de connaissances sur la physiologie, l’architecture et le mode de développement des végétaux. Cette exigence a été exprimée dès le xviie siècle par le jardinier de Le Nôtre, Jean Baptiste de la Quintinie, qui déclarait : « Tout le monde sait couper, peu savent tailler. » On comprend, en admirant ce cyprès jardiné, superbement mis en scène, que cet adage reste, aujourd’hui pleinement d’actualité.

Le cyprès jardiné

Brélès – KergroadezChêne pédonculéQuercus robur – Ar wezenn derv

• Insolite• Âge : 150 ans minimum• Accès libre

Suroît, nordet ou noroît, le vent est une composante importante du climat finistérien. Son empreinte se retrouve sur de nombreux arbres remarquables du bout du monde parmi lesquels les chênes de l’allée du château de Kergroadez à Brélès. Leurs architectures tourmentées, en forme de drapeaux, interrogent. L’arbre est-il modelé par le vent à force de patience ou bien s’adapte-t-il de manière dynamique à cette contrainte ? De récents travaux de recherche permettent aujourd’hui de mieux comprendre son adaptation aux forces instables du vent.Dans les années 1990, le chercheur allemand Claus Mattheck apporte un regard nouveau sur le système de perception mécanique et de contrôle de l’arbre face au vent. Le Comparant à un voilier, il considère sa cime comme une voile qui transmet la force du vent

au tronc. Celui-ci répartit ensuite la charge sur le socle racinaire, la coque, avant d’être absorbée par la terre. Dans les zones venteuses, à l’image d’un éléphant aux oreilles rabattues, l’arbre va optimiser sa voilure, en réduisant et profilant sa structure vis-à-vis du vent. Plus récemment, à travers des expériences sur un peuplier, une équipe de chercheurs de Clermont-Ferrand a montré, en 2010, que l’arbre arrive même à mémoriser les stimuli provoqués par le vent. Lors de tempêtes renouvelées et fréquentes, il cherche à composer, comme un roseau, en se pliant, plutôt qu’en résistant. Puis, après plusieurs jours, lorsque le calme est revenu, l’arbre reprend sa croissance verticale.Grâce à ces nouvelles approches, nous percevons modestement la grande complexité du développement d’un

Empreinte éolienne

arbre qui accorde son architecture aux forces universelles. Les chênes de Brélès, au port ondulé et courbé, véritables chefs-d’œuvre architecturaux, expriment magnifiquement cette formidable capacité développée par le végétal, dont il reste encore beaucoup à découvrir.

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Allée tropicale

Hanvec – Menez MeurHêtreFagus sylvatica – Ar wezenn faven

• Arbre de parc• Hauteur : 23 m• Âge : 130 ans• Site privé – Accès payantwww.pnr-armorique.fr/Menez-Meur

Lorsqu’en 1868, Julien Prioux revient de Californie où il a trouvé de l’or, il achète une zone de chasse sur les premières crêtes des monts d’Arrée. Il engage de gros travaux pour façonner son domaine parmi lesquels l’édification de talus de pierres sèches confortés par la plantation de hêtres. Aujourd’hui, cette trame d’anciennes haies bocagères, gérée depuis plus de 45 ans par le Parc naturel régional d’Armorique, quadrille le domaine départemental de Menez Meur. Elle offre un paysage peu commun comparable à celui des « Clos Masure » qui encadrent les fermes bourgeoises du Pays de Caux en Seine Maritime. Il règne une atmosphère particulière au sein de ces vieilles allées insolites qui protègent le domaine des dépressions océaniques. Au fil des années, les fagacées ont formé de drôles de cépées élancées et tortueuses, se connectant entre eux par un important feutrage racinaire qui se mêle aux pierres des imposants talus. Sous l’ombrage de leur sombre feuillage, leur tronc, recouvert de mousses et de fougères, témoigne de l’humidité atmosphérique du lieu, premier contrefort occidental des monts d’Arrée. Cette ambiance chlorophyllienne particulière apporte au lieu, un air de forêt tropicale.

Daoulas – AbbayeCèdre de l’AtlasCedrus atlantica - ?

• Exotique• Circonférence : 3,4 m• Envergure : 24 m• Hauteur : 18 m• Âge : 106 ans• Site privé – Accès payantwww.cdp29.fr

Bien qu’originaire des montagnes d’Afrique du Nord, le cèdre de l’Atlas est peu connu en France, avant 1839, date de son introduction par un pépiniériste de la région lyonnaise : Adrien Sénéclauze. Ses nombreuses qualités de bois d’œuvre intéressent les forestiers qui présentent cette essence à l’Exposition universelle de Paris en 1855. Son port majestueux et sa variété spectaculaire de couleurs, allant du bleu au vert argenté, séduisent également les paysagistes. En Bretagne, les frères Bühler furent parmi les premiers à introduire cette espèce, notamment au jardin du Thabor à Rennes, vers 1868.Celui de l’Abbaye de Daoulas, planté en 1907, s’intègre magnifiquement dans la cour d’entrée. Avec, ses 24 mètres

d’envergure, véritable monument végétal, il est devenu la pièce maîtresse du parc. La symbolique religieuse de cette essence renforce la prégnance de ce cèdre réputé, dans de nombreuses religions, établir un pont entre les hommes et les dieux. La mythologie lui confère également une immortalité potentielle ainsi que grandeur et force d’esprit. Autant d’attributs qui ne sont pas sans rappeler le rayonnement culturel de cette ancienne abbaye fondée au xiie siècle.Plus de cent ans après sa plantation, ce magnifique spécimen est aujourd’hui suivi et entretenu, avec grands soins, par l’association des Chemins du patrimoine. L’arbre constitue un sujet de premier plan au sein du parc botanique de l’abbaye, labellisé « Jardin

Le cèdre de l’Abbaye

remarquable », en 2013. Réputée pour ses vertus médicinales, notamment à travers l’huile essentielle extraite de son feuillage, l’essence fait maintenant partie intégrante des trois cents plantes représentatives des pharmacopées traditionnelles des cinq continents.

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L’if d’Henri IV

Certains arbres portent les traces de notre histoire. Témoins bien singuliers, ils nous dévoilent un passé original où, bien souvent, les personnages influents de l’histoire de France se superposent aux dates de plantation de plusieurs arbres anciens. Ce travail d’inventaire montre que la Période de la Renaissance est propice à cette étonnante alliance. Outre Catherine de Médicis (voir les Chênes de Locmaria Berrien p. ?), François Ier et Henri IV sont associés à plusieurs arbres remarquables bretons.À Kernilis, les archives paroissiales évoquent la plantation de quatre ifs, en signe de soumission à Henri IV, pendant les Guerres de religions. Aujourd’hui, des quatre ifs plantés au sein de l’enclos paroissial, par François de Maillé de Carman, du temps de la Ligue (1577-1597), il n’en reste plus qu’un seul. La tradition évoque que deux d’entre eux ont servi à aménager la sacristie vers la fin du xixe siècle et le troisième fut abattu, après la première

guerre mondiale, pour faire place au monument aux morts.On raconte qu’en 1931, l’arrivée de l’électricité, dans le bourg, faillit être fatale au dernier rescapé. Trouvant le malheureux if sur la route de la sacristie, les électriciens se mirent à élaguer vigoureusement les branches qui gênaient le passage de la ligne, sans consulter ni le maire, ni le recteur. Pendant quelques années, l’arbre, qui faisait la fierté de Kernilis, ressembla à un mutilé. Toute la population en fut indignée. Mais, au fil des années,

Kernilis – Enclos paroissialIfTaxus baccata – Ar wezenn ivin

• Arbre d’histoire• Circonférence : 3,8 m• Âge : 410 ans• Accès libre

il développa une nouvelle cime dense et vigoureuse lui donnant un regain de jeunesse. Aujourd’hui cet if solitaire, dont la modeste circonférence ne traduit pas le poids des années, fait incontestablement partie du patrimoine de Kernilis.

Les vieux tamaris du pays Pagan

Kerlouan – Le VivierTamaris gallicaTamaris – ?

• Insolite, exotique• Circonférence : 2 m• Envergure : 8 m• Hauteur : 6 m• Âge : 140 ans• Site privé• Visible de la route

Sur la côte nord finistérienne, les vents forts océaniques laissent peu de répit aux arbres et les records dendrométriques ne sont pas légion. Alors lorsque l’on croise, niché derrière une dune, un ensemble de tamaris centenaire, aux dimensions peu communes, la rencontre n’en est que plus remarquable. Vers la fin du xixe siècle, cette essence méditerranéenne est à la mode. Symbole de l’exotisme, elle fut introduite dans de nombreuses stations balnéaires de l’ouest de la France comme à Arcachon, Royan ou Les Sables-d’Olonne.À Kerlouan, cet esprit de modernité

guida certainement trois industriels qui décidèrent, en 1874, d’en planter pour encadrer des réservoirs à poissons et crustacés d’une nouvelle compagnie de pêcherie. Victime de la lenteur des transports, cette industrie naissante n’eut malheureusement pas le succès escompté. Il reste, de cette époque, des vieux tamaris devenus aujourd’hui « sauvages ». L’essence qui s’est étonnamment acclimatée sous la latitude du pays Pagan a colonisé l’arrière cordon dunaire. Elle a formé, à la différence de leurs cousins des parcs et promenades, régulièrement taillés, un insolite paysage d’arbres ébouriffés par le climat finistérien.

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En Forêt domaniale du Cranou, il est inutile de chercher des arbres isolés, aux dimensions exceptionnelles. Ici, l’émotion, plus subtile, se niche dans quelques vieilles futaies de chênes sessiles, gérées aujourd’hui par l’Office National des Forêts. Elles sont les témoins du passé royal de cette forêt dédiée au bois de marine, durant plusieurs siècles. Pour la percevoir, il faut se remémorer l’importance stratégique de cette essence pour les besoins de la « Royale ». La construction d’un grand vaisseau nécessitait alors jusqu’à 4 000 chênes et la forêt constituait alors un trésor précieux ainsi qu’une ressource indispensable pour l’économie du pays. Ainsi, Brest qui fut l’une des pièces maîtresses de

la politique navale française, s’appuya largement sur la, toute proche, forêt du Cranou pour approvisionner son arsenal et construire de prestigieux navires. Réputée de longue date pour la qualité de son bois fin et homogène, le massif fut acheté par le Royaume, sous Louis XVI, avant de devenir un bien national après la Révolution.De cet héritage royal, il reste aujourd’hui quelques futaies cathédrales dont la plus impressionnante se situe certainement près de l’aire de pique-nique du Pont Rouge. Avec plus de 40 mètres de hauteur, ces chênes centenaires ont fini par former une vertigineuse canopée. Aujourd’hui, bien que leur bois ne soit plus utilisé pour la marine,

Le Faou – Forêt domaniale du Cranou – Pont RougeChêne sessileQuercus petraea (Matt.) Liebl. - Ar wezenn derv koad

• Arbre d’histoire• Circonférence : 3,3 m• Hauteur : 43 m• Âge : 180 ans• Accès libre

Arbres remarquables

Landerneau – Église Saint-HouardonPin de MontereyPinus radiata – ?

• Exotique• Circonférence : 5,7 m• Envergure : 25 m• Hauteur : 27 m• Âge : 130 ans• Accès libre

En France, un peu plus de 400 sujets d’exception, dont douze en Finistère, bénéficie du label « Arbre remarquable de France ». Ce titre prestigieux est remis, par l’association ARBRES (Arbres remarquables : Bilan, Recherche, Études et Sauvegardes), aux communes, collectivités territoriales, établissements publics et propriétaires privés qui possèdent un arbre exceptionnel. L’âge, les dimensions, l’esthétisme, les histoires et croyances sont les principaux critères retenus par l’association pour la sélection d’arbres patrimoniaux.Comme à Landerneau, ce label souligne l’engagement du propriétaire à préserver cet héritage. Il invite

également à l’entretien, la sauvegarde et la mise en valeur de ce patrimoine arboré. C’est dans cet esprit que le pin de Monterey et le cyprès de Lawson, encadrant l’église Saint-Houardon, ont reçu ce titre prestigieux en 2014. Les imposantes silhouettes de ces conifères centenaires, originaires de l’ouest américain, s’intégrant harmonieusement avec la tour clocher de l’église, ont retenu l’attention de l’association ARBRES. Les soins entrepris par la municipalité ont également été salués. Très investie dans la conservation de ces deux sujets d’exception, la commune a en effet procédé à l’apport d’un humus, à base de copeaux de bois, au pied des deux

Héritage royal

arbres afin de protéger leurs racines. Un élagage de bois morts ainsi qu’un haubanage sécuritaire réalisé sur le pin de Monterey a aussi permis la mise en valeur de ce splendide conifère au feuillage vert sombre.

la renommée du Cranou continue à perdurer et ces arbres, à la rectitude proche de la perfection, sont toujours réputés. Ils révèlent, à leur manière, un savoir-faire sylvicole « à la française », légué par plusieurs générations de forestiers.

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En Bretagne ainsi que dans les régions celtes, l’if est avant tout funéraire. De longue date, l’essence réputée fortement toxique, symbolise la mort. Plantée dans les cimetières, elle est considérée dans la mythologie comme le gardien des morts. Associé au divin, l’if permet de joindre le ciel et la terre. Tandis que les dieux se réunissent au sein de sa ramure, les racines côtoient le royaume des disparus. Son enracinement lui donne la réputation de permettre l’ascension céleste des disparus. L’une des plus belles descriptions de cette funèbre vocation est celle de l’écrivain folkloriste Anatole Le Braz, écrite, en 1894, alors qu’il parcourait la Bretagne des Grands Pardons : « Voici le porche du cimetière dessinant son grand arc sombre et, à côté, un if immense, un arbre aussi vieux que le temps, l’arbre des morts, sorte de baobab funèbre engraissé de

la pourriture humaine de plusieurs siècles. Un tronc bizarre, tourmenté, tordu en spirale, les racines crevant le mur, les branches poussées dans une seule direction et très bas presque au ras des tombes. Il couvre de son ombre le pauvre enclos, y verse sa tristesse lourde, si dense, étalée en une flaque noire et sans rides. »Les 92 ifs, encadrant le cimetière de Lesneven, ne sont pas sans évoquer cette relation ancestrale aux disparus. Bien que moderne, la symbolique de cette formation arborée, plantée au cours du xixe siècle, reste identique. Son originalité réside incontestablement dans le nombre et le rythme imposé par ces fidèles gardiens des morts. L’ensemble, situé près de la croix de mission, est particulièrement impressionnant. Il y flotte une atmosphère particulière qui n’est pas sans évoquer quelques vieux cimetières

anglicans d’Outre-manche où les topiaires d’ifs, taillés de guingois, en forme de nuages, donnent l’illusion de planer au dessus des sépultures. Cette insolite haie d’honneur contemporaine se distingue indubitablement de l’if unitaire et ancien, à l’architecture libre et tourmentée, décrit par Anatole Le Braz. Mais, elle nous démontre que la fonction funéraire de l’essence continue malgré tout à perdurer.

Lesneven – CimetièreIf communTaxus baccata L. – Ar wezenn ivin

If d’IrlandeTaxus baccata var. fastigiata (Lindl.) J.W.Loudon - Ar wezenn ivin

• Arbre sacré• Âge : 115 à 160 ans• Accès libre

Le chêne au menhir

Locmaria-Plouzané – KerevenChêne pédonculéQuercus robur – Ar wezenn derv

• Insolite• Hauteur : 6 m• Âge : 100 ans• Site privé• Visible d’un chemin de randonnée

Quel drôle de couple forme ce menhir en quartz, de deux mètres de hauteur, et ce chêne amoureux ! L’arbre perché et son fidèle compagnon du Néolithique constituent un insolite monument. L’origine de cette alliance reste inconnue. Par quel phénomène étrange, cette trogne paysanne s’est-elle couchée contre ce bloc de pierre ? Si le mystère reste entier, le chêne ne semble pas contrarié par son amant. Ne pouvant ni contourner, ni arracher cet obstacle imposé, l’arbre a cherché, au fil des années, à l’envelopper. Il a développé ce qu’on appelle du « bois de contact » lui permettant d’épouser le contour de la pierre. Ce bois, en forme de coulée de lave, donne l’impression que l’arbre avale ce menhir. Ce phénomène adaptatif, de « digestion », illustre la formidable intelligence végétale. Il démontre que les arbres sont capables de reconnaître les informations et de pouvoir réagir de façon à permettre leur survie.

Arbre des morts

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Leurs branches tordues et retorduesSemblables à des vieux membres paralysésLeurs visages profondément ridés et encrassés par les rhumatismesBien chauves leurs têtes, ils sont vieux comme le monde.Je ne sais pas combien de fois ils ont eu 100 ans.Je ne sais pas combien de couches d’aubier peut habiller leur cœur de chêne (…)

Gweet hag adweet o skourroùHañval ouzh kozhidi seizet o iziligant ar remm. Kramennet ha roufennetdon o dremm. Tarvoal eo o fennoùKozh int. Kozh-Noe.Nouspet gwech o deus bet kant vloaz.Nouspet gwiskad gwignenn a wisko c’halon derv. (…)

Les deux vieux chênes de Logonna-Daoulas forment de bien insolites monuments naturels. Le premier se situe sur les communs du village de Rungleo, près d’un ancien puits. Au fil des décennies, ce chêne a composé une étrange couronne donnant l’impression d’un arbre coloniaire où se superpose une petite société complexe et hétérogène de rejets vigoureux. Incontestablement, cet arbre de caractère ne laisse pas indifférent. Les soins particuliers, dont il a fait l’objet, en témoignent. Outre le bétonnage ancien, de la cavité au sein de son tronc, deux étais supportent l’une de ses imposantes branches charpentières. L’arbre semble aujourd’hui s’être parfaitement habitué à ces supports qui font désormais partie intégrante de son entité.

Le second, situé à la pointe du Château, fait partie des chênes finistériens les plus anciens. La tradition rapporte que ce chêne têtard, au tronc massif, aurait été classé monument naturel par un arrêté ministériel, en 1921. Quelques années plus tard, en 1936, à la suite de l’élagage d’une imposante branche charpentière, dont la blessure est encore visible, il aurait perdu ce classement. On évoque également, comme pour le châtaignier millénaire de Pont l’abbé (voir page…), que des chasseurs imprudents, voulant déterrer des lapins à son pied, auraient mis le feu à l’arbre en novembre 1960. Malgré ces aléas, ce vétéran a conservé sa puissance et forme toujours un imposant repère au cœur du village du Château.

Logonna-Daoulas – RungleoChêne pédonculéQuercus robur L. – Ar wezenn derv

• Vétéran – Arbre de hameau agricole• Circonférence : 5,4 m• Envergure : 19 m• Hauteur : 13 m• Âge : 300 à 400 ans

Logonna-Daoulas – Le ChâteauChêne pédonculéQuercus robur L. – Ar wezenn derv

• Vétéran – Arbre de hameau agricole• Circonférence : 6,3 m• Envergure : 18 m• Hauteur : 18 m• Âge : 350 à 450 ans

An div dervenn gozh

Ces deux vieux arbres, qui font dorénavant partie du patrimoine finistérien, ne sont pas sans évoquer un poème, d’Anjela Duval : An div dervenn gozh. Emprunt d’une réelle émotion, le texte nous livre une très belle description de deux vieux chênes, tout à fait transposable à ceux de Logonna-Daoulas.

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Comme en témoignent de nombreux toponymes comme faou ou faven, le hêtre est acclimaté depuis fort longtemps en Finistère. Malgré cette présence avérée, les vieux hêtres n’y sont pourtant pas légion. Comment peut-on expliquer la quasi-absence de cet indigène parmi les arbres remarquables finistériens ? Il est probable que son ombrageuse réputation d’arbre dominateur, à la frondaison très occultante, guère appréciée dans notre région d’élevage, puisse expliquer ce manque.Pour autant, les quelques vieux sujets recensés, comme celui de Trémoguer à Ploudaniel, sont particulièrement esthétiques. L’arbre, probablement bicentenaire, s’est parfaitement accommodé à la fraîcheur du vallon d’un affluent de l’Aber-Wrac’h. Un sentiment de force se dégage de superbe hêtre. Campé sur d’imposants contreforts racinaires, taillés pour

Ploudaniel – TremoguerHêtreFagus sylvatica L. – Ar wezenn faven

• Insolite – vétéran• Circonférence : 4,8 m• Envergure : 20 m• Hauteur : 27 m• Âge : 200 ans• Site privé

L’arbre au trésor

résister aux plus fortes tempêtes océaniques, il a développé une superbe cime de 27 mètres de hauteur.Mais, au-delà de sa silhouette, le plus remarquable chez ce vieux hêtre, est certainement les signes d’attention dont il est dépositaire. Parmi ces discrets indices, une petite boîte verte est dissimulée dans l’une de ses cavités. Elle nous révèle que l’arbre, répertorié sur des sites webs communautaires de « géocaching », dissimule en son sein un bien précieux trésor, destiné à un jeu de piste moderne. On devine également, camouflées derrière les rides naturelles de l’arbre, quelques gravures sur écorce qui attestent les passages d’amoureux ou d’adeptes du dendroglyphe. Ces blessures insolites forment de bien curieux souvenirs. Ils témoignent d’un attachement incontestable, de plusieurs générations d’hommes et de femmes, envers ce monument végétal.