Angoisse de Séparation Et Angoisse de Morcellement

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    Angoisse de sparation et angoisse de morcellement

    par Gilbert DIATKINE

    | Presses Universitaires de France | Revue franaise de psychanalyse2001/2 - Volume 65ISSN 0035-2942 | ISBN 2130519040 | pages 395 408

    Pour citer cet article : Diatkine G., Angoisse de sparation et angoisse de morcellement, Revue franaise de psychanalyse 2001/2, Volume 65, p. 395-408.

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  • Angoisse de sparationet angoisse de morcellement

    Gilbert DIATKINE

    Chez certains patients, langoisse de sparation semble rgulirement setransformer en une angoisse de morcellement. Les interruptions de la cure loccasion des vacances, et surtout la possibilit de terminaison loccasiondun progrs tangible sur le plan social, sont immdiatement accompagns dereprsentations, parfois trs angoissantes, de morcellement du corps, de lobjetet de la pense. Cette dsorganisation entrane des ractions thrapeutiquesngatives qui font que leurs cures sont interminables. Le travail analytiquedure de nombreuses annes, parfois avec le mme analyste, parfois avec desanalystes diffrents. Il rend possible une vie sociale autonome avec tout demme des hospitalisations brves de certains moments, mais le patientsemble devenu dpendant de la prsence physique de lanalyste, pour ce quiconcerne lunification de ses pulsions, de ses objets et de son moi.

    Angoisse de morcellement et angoisse de sparationdans les Mmoires dun nvropathe

    Pour des raisons pratiques, jtudierai les rapports entre angoisse de spa-ration et angoisse de morcellement partir dun cas dont lobservationdtaille a t publie par le patient lui-mme, et qui est bien connue de tous,celle du prsident Schreber. Bien que le prsident Schreber nait pas t enanalyse, il est assez facile de montrer comment langoisse de morcellementapparat chez lui quand il est spar dun objet fortement investi, et commentelle disparat quand il peut nouveau reconstituer un lien un objet signifi-catif. Dans la mesure o lon peut se fier la description trs prcise quil fait,Rev. fran. Psychanal., 2/2001

  • dix ans plus tard, de son tat mental, on peut remarquer que, malgr la gra-vit de son tat, pendant les trois premiers mois de son hospitalisation laClinique universitaire de Leipzig entre le 21 novembre 1893 et le15 fvrier 1894, il ne prsente aucune des manifestations dissociatives quil vadcrire ensuite et qui relvent de langoisse de morcellement. Il est dans untat de dpression qui avoisine la mlancolie et fait deux tentatives de suicide1,puis il devient agoraphobe, mais il ne sent ni son esprit ni son corps se dsa-grger. Pendant toute cette priode, sa femme vient le voir deux fois par jourpendant plusieurs heures, et djeune avec lui2. Le 15 fvrier, sa femmesabsente quatre jours pour rendre visite son pre Berlin. Son tatsaggrave un tel point pendant cette sparation que, quand il la revoit, il luidemande de cesser ses visites. Il ne veut pas quelle le voie dans cet tat3. Cenest qualors quapparaissent le sentiment trs angoissant de morcellement ducorps, et le dlire4. Une deuxime sparation significative survient quatre moisplus tard, quand, la suite de son transfert dans une clinique prive, Schreberest spar du psychiatre en qui il avait confiance, et qui lavait guri une pre-mire fois en 18845, le Pr Flechsig. Il y a peut-tre dans lesprit de Schreber unlien troit entre sa femme et Flechsig, car Mme Schreber a conserv un grandattachement pour Flechsig. Lors de son transfert en clinique prive, Schrebercherche un objet de transfert substitutif Flechsig, et il le trouve en la per-sonne de linfirmier-chef de la clinique. Cet infirmier ressemble une de sesconnaissances, von W...6. Mais Schreber na droit qu quinze jours de cli-nique avant dtre transfr pour une trs longue priode lasile Provincial,et il est donc spar de ce nouvel objet. Il va rester six ans lasile, dontdeux ans disolement complet chez les dments, sans doute la suitedincidents violents avec dautres malades ou avec les infirmiers. Pendanttoute cette priode, langoisse de morcellement va se dvelopper dans toutesses dimensions, touchant la fois le corps propre et les objets. Puis elle vaprogressivement se rduire, sans que pour autant le dlire disparaisse.

    Le morcellement de lobjet part dune opposition banale entre objet per-scuteur et objet idalis, mais cette distinction nest jamais stable. Au dpart,lobjet perscuteur est Flechsig, qui abuse sexuellement de Schreber, tandisque lobjet idalis est Dieu, qui le protge. Plus tard, cest Dieu qui abusera

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    1. Schreber, Mmoires, p. 48.2. Ibid., p. 51.3. Ibid.4. Ibid., p. 52 : Cest de ce moment que datent les premires manifestations de collusion avec

    les forces surnaturelles, notamment dun raccordement de nerfs que le Pr Flechsig avait branch surmoi, de sorte quil parlait par le truchement de mes nerfs, sans tre personnellement prsent.

    5. Ibid., p. 45.6. Schreber, p. 102.

  • de lui. Flechsig est donc dabord un objet perscuteur : Schreber pense lui sans arrt. Il se demande sil ne lhypnotise pas distance, et sil ne pour-rait pas aussi communiquer avec lAu-del. Certains nerfs de Flechsig, deve-nus des mes examines , perscutent Schreber en excutant sur lui des miracles destructeurs 1. Mme quand langoisse de morcellement aurapresque disparu, une partie des nerfs de Flechsig restera en relation avecSchreber2. ct des objets issus de la division de Flechsig, il y a ceux rsul-tant de celle de von W...3 Il faut noter que von W... et Flechsig reprsententdes idaux de nature diffrente, mais tous deux importants pour Schreber :Flechsig est professeur duniversit, von W... est un noble, et apprcie lafaon aristocratique dont Schreber tient sa fourchette 4. De mme, lobjetidalis, Dieu,5 qui constitue les Royaumes divins postrieurs , se divise enun Dieu infrieur (Ariman) et un Dieu suprieur (Ormuzd). Le Dieu suprieurrpare dabord l viration cause par le Dieu infrieur (Ariman)6, puis seproduit un renversement des attitudes dAriman et dOzmud envers lui :Ormuzd, qui le protgeait, devient hostile, Ariman amical7. Perscuteurs ouidaliss, les objets du dlire de Schreber semblent se multiplier linfini8. Les hommes bcls la six-quatre-deux (Flchtig hingemacht mnner) sontinnombrables9. Schreber pourrait citer ici les noms de centaines, sinon demilliers de gens qui sont en contact avec lui10. Il est envahi par un nombrede plus en plus grand dmes dfuntes sous formes de petits hommes de quel-ques millimtres11. Les mes sous forme de petits hommes dgringolent pourainsi dire sur sa tte par centaines, sinon par milliers. 12 Les oiseaux mira-culs se comptent par centaines13. Schreber est tourment par la gnrationspontane dune multitude de petits animaux14. Le morcellement des objetsinternes est projet sur la perception qua Schreber du monde extrieur, si

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    1. Ibid., p. 11.2. Ibid., p. 12.3. propos de ces petits hommes ... il y en avait toujours deux, un petit Flechsig et un

    petit von W... , dont je percevais galement les voix dans mes pieds (ibid., p. 134-135).4. Ibid., p. 102-103.5. Ibid., p. 32.6. Ibid., p. 58.7. Ibid., p. 153.8. En retour, dautres mes se formrent. Cela se fit par voie de fractionnement dmes, abus

    qui est lorigine avait t introduit, selon lhypothse que je forme, par lme Flechsig. lorigine rgnait bien plutt le souci de lunit naturelle de lme humaine (ibid., p. 100). ... lme de Flechsig stait scinde en un grand nombre de fractions dmes... (ibid., p. 101).

    9. Ibid., p. 21, n. 1.10. Ibid., p. 55.11. Ibid., p. 70.12. Ibid., p. 71.13. Ibid., p. 178.14. Ibid., p. 200-205.

  • bien quil a le sentiment que la quarantaine de pensionnaires qui frquententlenclos de la Clinique constitue une multitude tout fait anormale1.

    ce morcellement des objets correspond un morcellement de limage ducorps. Schreber se dbat avec le sentiment davoir une pluralit de ttes 2.Sa tte est baigne dune couronne de rayons 3. Son sophage et ses intes-tins, son larynx, son bas-ventre, sa moelle pinire se volatilisent 4.

    Au bout de plusieurs annes, le processus de morcellement sinverse. Lesmes perdent peu peu leur identit et fusionnent avec Dieu5 dans les vesti-bules du ciel ( Royaumes divins antrieurs ). Lme de von W..., aprsstre fractionne sur une grande chelle retrouve son unit6. Finalement,le grand nombre des mes examines se rduit une ou deux 7. Schrebercrit quil commence aller mieux partir du moment o on lautorise jouer du piano et aux checs, et surtout quand il retrouve une relation rgu-lire avec le Dr Weber, directeur de lasile provincial8.

    Ce passage du morcellement lunit du moi et de lobjet est aussiintriguant que la transformation inverse. Schreber nest pas guri, et il lereconnat9. Il dlire toujours autant, mais il a construit une paranoa aulieu dtre morcel. La transformation de langoisse de sparation enangoisse de morcellement et son inverse constitue donc un problme distinctde celui de la formation du dlire, qui a retenu essentiellement lattention deFreud.

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    1. Ibid., p. 96.2. ... une prtendue pluralit, chez moi, de ttes ( savoir que jaurais possd plusieurs indivi-

    dualits sous un mme crne) (ibid., p. 73).3. Ma tte, par laffluence en masse des rayons, tait trs frquemment baigne... dune cou-

    ronne de rayons (juste avant Schreber dcrit le miracle dune fort paisse de sapins et de bou-leaux, alors quil ny a que quelques ranges darbres dans le parc de la clinique) (ibid., p. 75).

    4. ... je veux encore me souvenir de lsophage et des intestins, qui se trouvaient tre frquem-ment dchirs ou se volatilisaient ; le larynx ensuite... je dois signaler un miracle qui prenait tout lebas-ventre, dsign sous le nom de pourriture du bas-ventre. Ce miracle tait le fait rgulier de lme devon W... On seffora donc de me pomper la moelle pinire, ce qui se fit par lintermdiaire de petitshommes quon mexpdiait par les pieds (ibid., p. 134-135).

    5. Ibid., p. 32.6. Par exemple, elle [lme de von W...] stait laisse convaincre de la ncessit du fractionne-

    ment dmes sur une grande chelle, mais en revint bientt faire nouveau cavalier seul (ibid.,p. 102).

    7. Ibid., p. 161.8. Ds que je me trouve en prsence de gens dune certaine ducation, par exemple depuis

    Pques (1900), lorsque je me trouve la table du directeur avec lequel je prends dsormais mes repas,bien des situations fcheuses survenues du fait de miracles sliminent ; je veux surtout parler desfameux accs de hurlements ; jai loccasion, en effet, dans ces moments-l, de participer des conver-sations qui se tiennent voix haute, et jai loccasion de me prsenter devant Dieu en possession de lavigueur inaltre de mon jugement (ibid., p. 219).

    9. Je suis assurment malade des nerfs, mais en aucun cas je ne suis atteint dune maladie mentalequi puisse me faire interdire dadministrer mes propres affaires (Code civil de lEmpire allemand, art. C. 6)ou qui puisse imposer mon maintien dans un asile pour motif dordre public (ibid., p. 219).

  • Freud et Bleuler : un rendez-vous manqu

    Pourquoi Freud a-t-il fait le choix de privilgier ltude de la paranoa pluttque celle de la schizophrnie dans son analyse des Mmoires dun nvropathe ?Peut-tre dabord par prudence de mthode. Il tudie un auteur, et cet auteurnest plus un schizophrne mais un paranoaque qui crit lhistoire dun schizo-phrne. Mais sans doute aussi Freud vite-t-il, en 1911, dentrer dans un contacttrop proche avec Bleuler, alors quil sent que la scission entre Vienne et Zurichest proche. En mme temps que Freud crit Le Prsident Schreber, Bleuler ter-mine la rdaction de Dementia Praecox, ou le groupe des Schizophrnies. Freudpense juste titre que Bleuler ne comprend rien la psychanalyse1. PourtantBleuler, sur la foi de Jung, fonde les plus grands espoirs sur celle-ci2 pour parve-nir lintelligence de ce qui semble depuis Kraepelin le phnomne central de ladmence prcoce, la scission de la personnalit3. Bleuler prsente son livrecomme une synthse entre Kraepelin et Freud4. Il met dans la psychanalyse lesplus grands espoirs thrapeutiques5. Les Mmoires de Schreber sont abondam-ment cites par Bleuler dans son livre. Bleuler dcrit de faon dtaille les imagesdu corps morcel, tantt sous la rubrique hallucinations des sensations corpo-relles 6, tantt sous celle des influences corporelles 7, ainsi que le morcelle-ment de la personnalit et la dpersonnalisation8. Freud, qui a probablementdj en tte la notion de clivage du moi, refuse absolument de suivre Bleuler surle terrain o il veut lamener, et de voir dans la scission de la personnalitquelque chose de spcifique la dmence prcoce9.

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    1. Bleuler est grandiose pour mal comprendre. Quelque chose comme une anguille avec despiquants, si cela existe (Freud Jung, 12, 10, 11) (p. 204).

    2. Si lon ne prend en compte le fait quil existe des processus inconscients qui, abstractionfaite de labsence de la qualit de conscience, sont identiques aux processus psychiques conscients, onpeut tout aussi peu comprendre les symptmes schizophrniques que dautres phnomnes psychiquescomplexes (Bleuler, p. 459).

    3. La scission est la condition pralable de la plupart des manifestations complexes de lamaladie ; elle imprime son sceau particulier lensemble de la symptomatologie. Mais derrire cettescission systmatique qui apparat dans certains complexes dides, nous avons au pralable un rel-chement primaire du tissu associatif qui peut conduire un clivage de structures aussi solide que cellesdes concepts concrets. Jai voulu, au moyen du terme de schizophrnie, rendre compte de ces deuxtypes de scission dont les effets fusionnent souvent (ibid., p. 461).

    4. Bleuler, p. 38.5. La seule thrapie de la schizophrnie dans son ensemble quil faille prendre au srieux est la

    thrapie psychique... Mais si lon fait cela, et au moment voulu, on peut obtenir vraiment beaucoup (ibid., p. 586).

    6. Ibid., p. 154.7. Ibid., p. 173.8. Ibid., p. 201.9. Un caractre qui nappartient pas cette affection seule et qui, la lumire dautres considra-

    tions ne saurait tre regard comme son caractre essentiel (Freud, Le Prsident Schreber, p. 319).

  • Les explications par Freud de langoisse de morcellement

    Pourtant, dans son tude desMmoires de Schreber, Freud sest aussi pen-ch sur langoisse de morcellement et sur son lien avec la sparation. Il a soi-gneusement not les diffrentes oprations de fractionnement de lme dontSchreber est victime1. Il crit propos de la division du perscuteur en deuxpersonnes que la paranoa divise tandis que lhystrie condense 2, mais cettebelle formule est plus un constat quune explication. Il rappelle ltonnante sup-position de Jung, pour qui limportance du morcellement est proportionnelle limportance de lobjet3. Il ouvre une piste intressante en proposantlinterprtation selon laquelle Flechsig serait le frre du patient, et Dieu, sonpre4. En revanche, il ne sintresse pas au clivage de lobjet en bon et mauvais , pourtant explicite dans le texte. Comme dans lesTrois essais sur lathorie de la sexualit, il interprte le grouillement des petits objets perscuteurscomme reprsentant les frres et surs5. Quant au rle de la sparation, il fautrappeler que Freud considre la frustration comme la cause premire du dsir,et par l mme comme une cause gnrale des nvroses 6. Dans le cas deSchreber, il a bien vu le rle du dpart de Mme Schreber de lhpital danslaggravation du patient, mais il linterprte comme la suppression dune diguecontre lhomosexualit7. Schreber aurait pu laborer cette perte de sa femme ensidentifiant cette dernire, mais il en est empch par lincompatibilit entreson idal du moi et lhomosexualit. Freud montre comment le dlire de Schre-ber est une dfense contre un fantasme homosexuel conscient. Mais Freudexplique surtout langoisse de morcellement par une rgression qui dpasse lenarcissisme et va jusqu lauto-rotisme8. Dans le narcissisme, point defixation de la paranoa, un objet unique, le Moi, est investi, alors que danslauto-rotisme, point de fixation de la schizophrnie, lobjet est encore

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    1. Freud, 1911, Le Prsident Schreber, p. 288.2. Ibid., p. 297.3. Ibid.4. Ibid., p. 297. On a su depuis Freud que le frre de Schreber stait suicid par balle quelques

    mois avant le mariage du patient.5. Si les petits hommes que Schreber lui-mme trouve si nigmatiques sont des enfants, alors il

    est tout fait comprhensible quils soient en si grand nombre rassembls sur sa tte (S., p. 158), carils sont vraiment les enfants de son esprit (ibid., p. 304).

    6. Nous le savons, quand un fantasme de dsir se manifeste, notre tche est de le rapporter quelque frustration, quelque privation dans la vie relle (ibid., p. 303).

    7. Ibid., p. 293.8. Lindividu en voie de dveloppement rassemble en une unit ses pulsions sexuelles qui,

    jusque-l, agissaient sur le mode auto-rotique, afin de conqurir un objet damour, et il se prenddabord lui-mme, il prend son propre corps, pour objet damour avant de passer au choix objectaldune autre personne (ibid., p. 306).

  • morcel1. Dans Le Prsident Schreber, Freud dcrit la reconstruction dunmonde vivable quopre le dlire, mais il ne sintresse pas au passage du mor-cellement une relation un objet unifi. Pourtant, dans le dveloppementnormal, le sujet doit bien passer dun stade lautre. Quand Freud dcrit lenarcissisme en 1914, il laisse entendre quune action psychique particulireest ncessaire pour que cette transformation survienne2. En quoi consiste-t-elle ? Freud ne le dit pas, mais Melanie Klein a la rponse.

    Klein : llaboration de la position dpressive

    Melanie Klein a pos clairement le problme du passage de lauto-rotisme au narcissisme, cest--dire, dans sa terminologie, du passage de larelation des objets multiples la relation lobjet total, ds la Psychanalysedes enfants. Laction psychique particulire dont parlait Freud, cestlidentification du moi avec le bon objet, son incorporation3, qui est dcritedans deux articles de 1934 ( Psychogense des tats maniaco-dpressifs ), etde 1940 ( Le deuil est ses rapports avec les tats maniaco-dpressifs ).Larticle de 1940 donne la forme complte de ce processus, llaboration de laposition dpressive. Klein sintresse dabord ce qui peut empcher le nour-risson dinstaller en lui un bon objet damour 4 : excs de tendances can-niballiques 5, persistance du morcellement congnital du moi, assimilationdes objets partiels des feces6. Inversement, deux facteurs principaux aidentllaboration de la position dpressive :

    1 / Tout dabord la reconnaissance que la ralit externe est bien moinsangoissante que le monde intrieur de lenfant7.

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    1. La rgression [dans la schizophrnie] ne se contente pas datteindre le stade du narcissisme(qui se manifeste par le dlire des grandeurs), elle va jusqu labandon complet de lamour objectal etau retour lauto-rotisme infantile. La fixation prdisposante doit, par suite, se trouver plus loin enarrire que dans la paranoa, tre situe quelque part au dbut de lvolution primitive qui va delauto-rotisme lamour objectal (ibid., p. 320).

    2. Quelque chose, une nouvelle action psychique, doit donc venir sajouter lauto-rotismepour donner forme au narcissisme (Freud, 1914, p. 84).

    3. Klein, 1934, p. 314.4. Ibid., p. 338.5. Ibid., p. 312.6. Ibid., p. 313.7. Ibid., p. 327 : La toute premire ngation est celle de la ralit psychique ; p. 336 : Un

    bon rapport la mre et au monde extrieur aide le bb surmonter ses angoisses paranodes pr-coces .

    Klein, 1940, p. 342 : La mre extrieure peut rfuter les angoisses et les peines lies la ralitintrieure.

    Ibid., p. 344 : Tous les plaisirs que le bb ressent dans ses rapports avec sa mre sont pour luiautant de preuves que lobjet aim, tant lintrieur qu lextrieur, na pas subi de blessures.

  • 2 / Ensuite la capacit qua lenfant de rparer ses bons objets internesendommags1. La rparation, comporte deux versants, lun maniaque, etlautre obsessionnel, qui tous deux vont rendre le clivage inutile, mais la rpa-ration maniaque cre un cercle vicieux, car elle aggrave la culpabilit entriomphant de lobjet2.

    Les mcanismes de rparation sont mis en uvre par le surmoi, lui-mmemorcel3, qui amne le moi se sentir coupable des agressions quil dirigecontre lobjet, ds que... lenfant en vient connatre sa mre comme unepersonne complte et sidentifie elle comme une personne complte... 4.La nostalgie (au sens de peine et dinquitude pour lobjet aim)5 de lobjettotal pousse le sujet le rparer. La dfense maniaque est une partie desmoyens de dfense contre la nostalgie6. Klein dcrit deux formes distinctesdchec de lincorporation : soit la dpendance lobjet externe, soit la fuitevers un bon objet interne et le dtachement autistique lgard du mondeextrieur7.

    Une premire lecture de Melanie Klein semble donc nous clairer sur lanature de l action psychique particulire qui permet de passer de lauto-rotisme au narcissisme. Malheureusement, la relecture, on fait la dsa-grable dcouverte que chaque fois quelle montre comment on en vient connatre une personne comme complte 8, ou comment un objet totalstablit lintrieur du moi, ou comment les parents sont intrioriss9, oucomment se produit l introjection de lobjet total 10, ou encore commentlenfant tablit srement lintrieur de lui-mme le bon objet11, elle pr-suppose toujours ce quil sagit dexpliquer. Pour que le surmoi mette enuvre des mcanismes de rparation, il faut dj que lobjet soit peru comme total , et que le sujet souffre de lambivalence des pulsions quil dirige

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    1. Klein, 1934, p. 317.2. Klein, 1940, p. 348.3. Klein, 1940, p. 361 : Le phnomne reconnu par Freud et constitu en gros par la voix et

    laction des parents rels tablis dans le moi, est en fait, selon ce que jai pu constater, un mondedobjets trs complexe... que [nous] appelons donc objets intrioriss ou monde intrieur.

    Ce monde intrieur comprend un nombre infini dobjets absorbs par le moi. Ibid., p. 369, propos de lchec du maniaco-dpressif tablir en lui des bons objets internes

    et se sentir en scurit dans son monde intrieur .Cet ensemble dobjets intrioriss sorganise paralllement lorganisation du moi, et dans les cou-

    ches suprieures de la pense et se manifeste en tant que surmoi.4. Klein, 1934, p. 337.5. Klein, 1940, p. 346.6. Ibid.7. Klein, 1934, p. 340.8. Ibid., p. 337.9. Klein, 1940, p. 343.10. Ibid., p. 345.11. Ibid., p. 361.

  • contre lui. De mme, lpreuve de ralit est un rsultat de llaboration de laposition dpressive, et ne peut donc pas tre lun de ses moyens. En outre, lesdeux formes de rparation, obsessionnelle et maniaque, ont toutes deux poureffet de maintenir spars les objets morcels. En effet, la rparation obses-sionnelle repose sur lisolation, et la dfense maniaque spare les objets et lesmaintient en tat danimation suspendue 1.

    Impasse, donc. Une troisime lecture peut indiquer pourtant une porte desortie possible. Dans larticle de 1934, Melanie Klein a de temps en tempsrecours lopposition entre objets et images , ou entre objets et imagos . Dans La psychanalyse des enfants, Melanie Klein avait une dfini-tion relativement prcise, et originale, de l imago . Limago, ctait lobjetrel, plus les projections bonnes ou mauvaises faites sur lui, ce qui expliquaitentre autres choses le surmoi parfois sadique denfants levs par des parentsbienveillants2. Dans larticle de 1934, la dfinition de l imago ou del image par rapport l objet est beaucoup plus imprcise. Kleinoppose les objets morcels l image totale , ou au contraire l objettotal aux imagos morceles . Par exemple, elle crit que lenfant con-fronte des objets en tat de dsagrgation totale une belle image 3.Puis, quelques pages plus loin, elle oppose au contraire lintrojection delobjet rel et total au clivage de ses imagos en imagos haes et aimes 4.Larticle de 1940 cite littralement le passage de larticle de 1934, o le clivagedes imagos permet lintrojection de lobjet total, sans apporter aucune clarifi-cation nouvelle5. En revanche, Klein introduit la notion de double pourrendre compte de lintriorisation de la mre extrieure6. La mre intrioriseest un double de la mre extrieure, mais son image subit laction desfantasmes du sujet.

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    1. Klein, 1934, p. 328.2. Klein, 1930, p. 165.3. Klein, 1934, p. 319 : Le moi se trouve alors [quand il ne sidentifie plus totalement

    lobjet aim] devant la ralit psychique suivante : ses objets aims sont dans un tat de dsagrgationtotale ils sont en morceaux... ; p. 320 : La belle image avait t dissocie de lobjet rel maisnavait jamais t abandonne.

    4. Klein, 1934, p. 339 : Quand lors de lintrojection de lobjet rel et total, ils [les objets par-tiels bons et mauvais] se rapprochent, le moi... revient au clivage de ses imagos en imagos haes etaimes.

    Lambivalence, obtenue par un clivage des imagos, permet au jeune enfant dacqurir uneconfiance et une foi plus grande en ses objets rels...

    ... et par l dans ses objets intrioriss... et de mieux produire ses restaurations de lobjet aim. ... lunification des objets extrieurs... entrane un nouveau clivage des imagos. Mais mesure

    que ladaptation au monde extrieur samliore, ce clivage sexerce sur les plans de plus en plus pro-ches de la ralit... lambivalence... dcrotra alors plus ou moins...

    5. Klein, 1940, p. 347.6. Ibid., p. 343.

  • Lacan

    Quand il lit Melanie Klein, Lacan nest sensible qu cet aspect imagi-naire des fantasmes agressifs dcrits par Melanie Klein chez le jeune enfant1.Il dveloppe, sous le nom de stade du miroir , leffet unificateur de limagetotale2. La raction dpressive reconstruite par Mme Melanie Klein (cest--dire la position dpressive) est pour lui exemplaire... de la nature propre-ment imaginaire de la fonction du Moi dans le sujet 3. La distinction entrel imaginaire et le symbolique va conduire Lacan une mtapsy-chologie nouvelle, bientt complte par lapparition du rel , dans laquellela conflictualit interne du sujet tend seffacer. Mais il me semble intressantde suivre lide dune position particulire dans la relation lobjet narcissique

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    1. Entre ces dernires imagos il en est qui reprsentent les vecteurs lectifs des intentionsagressives, quelles pourvoient dune efficacit quon peut dire magique. Ce sont les images decastration, dviration, de mutilation, de dmembrement, de dislocation, dventrement, de dvoration,dclatement du corps, bref, les imagos que personnellement jai groupes sous la rubrique quiparat bien tre structurale, dimagos du corps morcel (Lacan, 1948, Lagressivit en psychanalyse,p. 104).

    2. Le petit dhomme un ge o il est pour un temps court, mais encore pour un temps,dpass en intelligence instrumentale par le chimpanz, reconnat pourtant dj son image dans lemiroir comme telle. Reconnaissance signale par la mimique illuminative du Aha-Erlebnis, o pourKlher sexprime laperception situationnelle, temps essentiel de lacte dintelligence (Lacan, 1949, LeStade du miroir, p. 93).

    Lassomption jubilatoire de son image spculaire par ltre encore plong dans limpuissancemotrice et la dpendance du nourrissage quest le petit homme ce stade infans, nous paratra ds lorsmanifester en une situation exemplaire la matrice symbolique o le je se prcipite en une forme pri-mordiale, avant quil ne sobjective dans la dialectique de lidentification lautre et que le langage nelui restitue dans luniversel sa fonction de sujet.

    Cette forme serait plutt au reste dsigner comme je-idal si nous voulions la faire rentrerdans un registre connu, en ce sens quelle sera aussi la souche des identifications secondaires, dontnous reconnaissons sous ce terme les fonctions de normalisation libidinale. Mais le point important estque cette forme situe linstance du moi, ds avant sa dtermination sociale, dans une ligne de fiction, jamais irrductible pour le seul individu ou plutt qui ne rejoindra quasymptotiquement le devenirdu sujet, quel que soit le succs des synthses dialectiques par quoi il doit rsoudre en tant que je sadiscordance davec sa propre ralit (Ibid., p. 94).

    Seule, cette tude celle dAu-del et de La dngation donnera son sens la monte progres-sive de lintrt port lagressivit dans le transfert et dans la rsistance, non moins que dans leMalaise dans la civilisation (1929), en montrant quil ne sagit pas l de lagression quon imagine laracine de la lutte vitale. La notion de lagressivit rpond au contraire au dchirement du sujet contrelui-mme, dchirement dont il a connu le moment primordial voir limage de lautre, apprhende enla totalit de sa Gestalt, anticiper sur le sentiment de sa discordance motrice, quelle structurertroactivement en images de morcellement. Cette exprience motrice motive aussi bien la ractiondpressive, reconstruite par Mme Melanie Klein aux origines du Moi, que lassomption jubilatoire delimage apparue au miroir, dont le phnomne, caractristique de la priode de six ou huit mois, esttenu par lauteur de ces lignes comme manifestant de faon exemplaire, avec la constitution de lUrbildidale du Moi, la nature proprement imaginaire de la fonction du Moi dans le sujet (Lacan, 1955,Variantes de la cure type, p. 344-345).

    3. Lacan, 1955, Variantes de la cure type, p. 344-345.

  • qui assure le sentiment dunit et didentit du sujet. La distinction faite parLacan entre autre et Autre 1, choisie pour exasprer le lecteur, contientpourtant un lment qui ma paru utile pour rpondre la question que je mepose. L autre cest le double narcissique, limage dans le miroir.L Autre , cest tout ce quoi renvoie de linconscient de lobjet la relation ce double narcissique. Un enfant qui se voit dans le miroir constitu par levisage de sa mre2 ne fait pas que voir sa propre image. Il voit aussilensemble des idaux que sa mre lui propose et lunit desquels il doitsidentifier. Quand une mre regarde un jeune enfant et lui renvoie son imageen miroir, elle lui propose quantits didaux culturels contradictoires, issus deses deux lignes et de celles du pre. Elle voit en outre en lui le reflet de tousles objets fantasmatiques qui ont concouru dans son inconscient la nais-sance de lenfant. Lensemble de ces objets, invitablement conflictuels danslinconscient de la mre, est nanmoins unifi dans limage du pre de laprhistoire personnelle de lenfant, fondateur mythique de la famille et quela mre dsigne lenfant comme assurant son identit et son unit. Cestcette image qui va constituer lidal du moi du sujet.

    Le pre de la prhistoire personnelle et le sentiment didentit

    Freud, comme Melanie Klein, pense que le surmoi est compos de lasdimentation dune multitude dobjets damour. Les uns sont actuels, maisles autres, les plus nombreux, rsultent de lidentification dinnombrablesobjets perdus. Les plus importants sont les objets parentaux issus du dclin ducomplexe ddipe. Ces objets, introjects, deviennent des composantes dusurmoi. Ils proposent au sujet une multitude didaux. La non-satisfaction deces idaux dprime le sujet, la transgression des interdits quils dictentlangoisse, et limpossibilit de satisfaire simultanment tous met en dangerson sentiment dunit. La dsagrgation de lunit de lidal du moi provoqueun sentiment dinquitante tranget, qui peut aller jusqu la dpersonnalisa-tion, et langoisse de morcellement, si les conflits internes entre les diffrentsobjets qui composent le surmoi sont dune gravit particulire. Si nousnprouvons pas en permanence des sentiments aussi dsagrables, cest que

    Angoisse de sparation et angoisse de morcellement 405

    1. 1960, Le sminaire, le transfert, p. 255 : ... le sujet, dans le champ de lAutre, ne rencontrepas seulement les images de son propre morcellement, mais dores et dj, ds lorigine, les objets dudsir de lAutre savoir ceux de la Mre, non pas seulement dans leur tat de morcellement, maisavec les privilges que lui accorde le dsir de celle-ci.

    2. D. W. Winnicott, 1971.

  • nous sommes sans cesse en relation avec des objets rels qui fonctionnentpour nous comme des miroirs qui nous assurent (fallacieusement) que noussommes bien identifis notre idal du moi, et que cet idal est unifi. Le pro-totype de ces objets rels vitaux pour notre narcissisme est la mre. Par lasuite, nous trouvons dans les diffrents groupes que nous frquentons dautresobjets narcissiques qui nous assurent de notre identification illusoire notreidal du moi. Les patients qui rpondent aux sparations par une angoisse demorcellement intense ont le plus souvent souffert de traumatismes transgn-rationnels et prcoces qui peuvent tre dcrits en termes de fixation lauto-rotisme. Leurs objets internes sont en gnral dans un tat dantinomie quiva au-del de la conflictualit et peut mieux tre dcrit comme un clivage dumoi. Llaboration de leur position dpressive en est rendue difficile. Mais, desurcrot, ils projettent dans les objets rels avec lesquels ils sont rests en rela-tion des objets si contradictoires et si passionnels que peu de personnes ou degroupes sont capables de leur servir de double narcissique et de leur renvoyeren mme temps limage de leur identification un idal du moi unifi. Seul unanalyste ou une institution psychiatrique est mme de remplir ce rle.Pourtant, il suffit parfois de trs peu de chose pour que le patient trouve ledouble narcissique qui lui renvoie limage de son identification son idal dumoi. Un rythme, une relation en double, comme, dans le cas de Schreber,lautorisation de jouer nouveau aux checs ou de jouer au piano, peuventsuffire relancer lidentification du patient son idal du moi. Dans un pas-sage de ses carnets que James Gammill ma signal, Nijinski montre remar-quablement comment le son de sa propre voix, puis le crissement de ses pasdans la neige suffisent lui rendre le sentiment que les toiles lui sourient .Nijinski dcrit dabord un tat de drliction absolue au cours dune prome-nade nocturne dans la montagne :

    Javais froid. Je souffrais du froid... Aprs a, jai senti quil fallaitmettre ma main sur la neige. Jai laiss ma main, et soudain jai senti une dou-leur. Jai cri de douleur, et jai retir ma main. Jai regard une toile qui nema pas dit bonjour. Elle ne ma pas clignot. Jai eu peur et jai voulumenfuir, mais je ne pouvais pas, car mes genoux taient souds la neige. Jeme suis mis pleurer. Mes pleurs nont pas t entendus. Personne nest venu mon secours.

    Soudain, Nijinski crie, et entend donc le son de sa propre voix : Jai eu peur et jai cri tue-tte : Mort ! Je ne sais pas pourquoi, mais

    jai compris quil fallait crier : Mort. Aprs a, jai senti une chaleur dans toutle corps. La chaleur dans tout le corps ma donn la possibilit de me relever.

    Il arrive une maison habite, mais nose pas entrer. Il a nouveaufroid, mais fait une nouvelle exprience narcissique en miroir, cette fois non

    406 Gilbert Diatkine

  • plus en entendant le son de sa voix, mais en entendant le crissement de ses pasdans la neige :

    Je marchais sur la neige. La neige craquait. Jaimais la neige. Jaimaiscouter mon pas. Mon pas tait plein de vie. Jai regard au ciel et jai vu lestoiles qui staient mises me clignoter. Dans ces toiles, jai senti de lagaiet. Je suis devenu gai et je navais plus froid. 1

    Certes, il sagit ici du plus grand danseur et chorgraphe du XXe sicle.Nijinski avait su, par son gnie, mettre en relation avec les toiles le public dumonde entier. Mais trs modestement, les thrapeutes corporels quisoccupent de schizophrnes savent que la relation peut se rtablir avec degrands malades travers le dialogue tonique. Selon Mme Nijinska, il na falluquun quart dheure Bleuler, qui avait alors rompu tout lien avec la psycha-nalyse, et perdu tout espoir de gurison pour la schizophrnie, pour porter unpronostic dincurabilit, et pour recommander quelle cesse toute relation avecson mari. On se prend rver ce qui aurait pu se passer pour Nijinski, siBleuler avait encore cru que la psychothrapie tait la seule approche thra-peutique srieuse de la schizophrnie.

    Gilbert Diatkine48, boulevard Beaumarchais

    75011 Paris

    RFRENCES

    Bleuler E. (1911), Dmentia Praecox ou groupe des schizophrnies, trad. fr. A. Viallard,Paris, EPEL/GREC, 1993.

    Freud S. (1911), Remarques psychanalytiques sur lautobiographie dun cas de para-noa (Dementia paranoides), Le prsident Schreber, in Cinq psychanalyses, trad.fr. Marie Bonaparte et R. Loewenstein, Paris, PUF, 1954.

    Freud S. et Jung C. J., Correspondance II, 1910-1914, d. W. McGuire, trad. fr.R. Fivaz-Silbermann, Paris, Gallimard, 1975.

    Freud S. (1914), Pour introduire le narcissisme, trad. fr. Denise Berger, in La viesexuelle, Paris, PUF, 1969.

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    Klein M. (1934), Contribution la psychogense des tats maniaco-dpressifs, trad. fr.M. Derrida, in Essais de psychanalyse, Paris, Payot, 1967.

    Klein M. (1940) Le deuil et ses rapports avec les tats maniaco-dpressifs, trad. fr.M. Derrida, in Essais de psychanalyse, Paris, Payot, 1967.

    Lacan J. (1948), Lagressivit en psychanalyse, in crits, Paris, Le Seuil, 1966.

    Angoisse de sparation et angoisse de morcellement 407

    1. Nijinski, Carnets, p. 131-132.

  • Lacan J. (1949), Le stade du miroir comme formateur de la fonction du Je, in crits,Paris, Le Seuil, 1966.

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    Paris, Seuil, 1975.Winnicott D. W. (1971), Le rle de miroir de la mre et de la famille dans le dvelop-

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