Alternatives: Les véhicules électriques, un atout pour l’efficacité énergétique du réseau

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’’ ‘‘ Lorsque le parc sera plus important, il devrait être possible d’utiliser les batteries des véhicules reliés au réseau électrique comme des moyens de stockage et de déstockage. NUMÉRO 26/ALTERNATIVES/ 11 10 /NUMÉRO 26/ALTERNATIVES L’AVIS DE JEAN-LOUIS LEGRAND Jean-Louis Legrand est coordinateur interministériel du plan véhicules décarbonés. Sa mission est de communiquer avec l’industrie, de mobiliser et de coordonner les administrations de l’État, d’organiser la préparation, la décision et la réalisation de ce plan. L’objectif est de rendre les véhicules électriques concurrentiels par rapport aux véhicules thermiques en travaillant sur quatre axes : l’intensification de l’effort de recherche, l’appui à l’émergence d’une offre industrielle, la création d’un réseau d’infrastruc- tures de recharge et la stimulation de la demande et de l’information des citoyens consommateurs. ZOOM Consommation d’électricité des véhicules électriques Selon Jean-Louis Legrand, 100 000 véhicules électriques « purs » consom- ment 0,375 térawatt- heure (TWh) par an. Si l’on fait l’hypo- thèse qu’un hybride rechargeable compte pour un demi-véhicule « pur », et que l’objectif de 2 millions de véhicules décarbonés en 2020 compte un tiers de véhicules électriques purs, cela représente alors 5 TWh par an, soit 1 % de la consommation électrique totale en France. Et si les véhicules électriques devenaient une extension du réseau d’électricité ? Cette idée peut faire sourire ; pourtant, elle n’a rien de farfelu ! Retour sur le développement à venir de ces véhicules. L e choc pétrolier du printemps 2008, lorsque le baril de pétrole avait atteint 150 dollars, a consti- tué un tournant pour le véhicule électrique. Les grands constructeurs automobiles se sont alors dit qu’avec de tels niveaux de prix, ce type de véhicule allait devenir plus compétitif. Le véhicule électrique, freiné mais sur la bonne voie Aujourd’hui, il y a environ 60 véhi- cules homologués ou en voie de l’être en Europe. Ils sont certes plus chers à l’achat d’environ 10 000 à 15 000 euros (principalement en raison de la batte- rie qui peut toutefois être louée), mais leur coût d’usage est très faible : un « plein » ne vaut que quelques euros. Outre leur prix d’achat, l’autonomie de ces véhicules constitue aussi un frein à leur développement. Même si la majeure partie des gens ne fait que quelques kilomètres par jour en voiture, il n’est de toute façon guère possible d’aller au-delà de 150 kilomètres. L’enjeu pour la recharge : éviter la période de pointe Nous retenons l’hypothèse que le parc de voitures électriques – qu’il s’agisse des tout-électriques, des hybrides rechargeables ou des véhi- cules à extension d’autonomie – com- prendra 2 millions d’exemplaires en 2020 en France. Il représenterait alors environ 7 % du parc automobile. L’impact du développement de ces véhicules sur la consommation élec- trique sera faible. Une raison princi- pale à cela : avec 90 % de rendement, une chaîne de traction électrique est trois fois plus efficace qu’une chaîne de traction thermique. L’impact sur la consommation de 2 millions de véhi- cules électriques serait de 1 % de la consommation finale en 2020. Si l’on devait électrifier à 100 % le parc auto- mobile, celle-ci n’augmenterait que de 15 % (lire le zoom ci-contre). Le développement de ces véhicules ne pose pas de problème en termes de consommation et de production d’électricité, sauf en ce qui concerne la période de pointe, c’est-à-dire le moment où, dans une journée, la consommation atteint son maximum. Le vrai problème est donc la phase de rechargement. Dans 90 % des cas, cette opération s’effectue sur le lieu de parking principal du véhicule, c’est-à-dire le matin au bureau ou le soir au domicile. En France, grâce au parc nucléaire et à l’hydraulique, la consommation de base est faiblement carbonée, ce qui n’est pas le cas de la consommation de pointe. L’enjeu est donc de maîtriser le moment où s’effectue la recharge des batteries afin qu’elle soit la moins carbonée possible. Un véhicule ne roule que 10 % du temps. Toutes les voitures devront être rechargées principalement la nuit, lorsque la consommation électrique est la plus faible. Afin d’éviter les pointes carbonées, pour les parti- culiers, la charge « intelligente » noc- turne devra être la norme et la charge rapide de jour ne présenter qu’un moyen de répondre à un besoin excep- tionnel. Outre l’infrastructure de charge qui devra être adaptée à ces besoins, la tarification des types de charge sera fixée en conséquence. Les véhicules électriques pourraient alors contribuer à équilibrer le réseau. Du véhicule électrique au réseau électrique intelligent Lorsque le parc sera plus important, il devrait être possible d’utiliser les bat- teries des véhicules reliés au réseau électrique comme des moyens de stockage et de déstockage, facilitant ainsi le développement des énergies renouvelables intermittentes (photo- voltaïque, éolienne). Cela permettrait par exemple de ne pas perdre l’élec- tricité éolienne produite la nuit, lorsqu’elle n’est pas utilisée du fait de la faible demande. Une telle solution représenterait une source considérable d’électricité qui pourrait être injectée sur le réseau. Tout cela est réalisable techniquement. Les freins sont d’une autre nature. Ils sont davantage liés à l’adaptation à l’usage, aux investis- sements dans la connectique entre le véhicule et le réseau, au développement des boîtiers muraux ou compteurs intelligents… Mais quand le marché se sera étendu, les véhicules électriques pourraient permettre de lisser la consommation d’électricité, notamment grâce au développement du Vehicle to Grid (V2G) et des réseaux intelligents (Grid for Vehicle, dit G4V). Des expéri- mentations sont en cours et certains véhicules devraient être commercialisés avec l’équipement permettant de se raccorder au réseau dès 2014. LES VÉHICULES ÉLECTRIQUES, UN ATOUT POUR L’EFFICACITÉ ÉNERGÉTIQUE DU RÉSEAU ÉLECTRON LIBRE

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Les véhicules électriques, un atout pour l’efficacité énergétique du réseau

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’’‘‘Lorsque le parc sera plus important, il devrait être possible d’utiliser les batteries des véhicules reliés au réseau électrique comme des moyens de stockage et de déstockage.

NumÉRO 26/ALTERNATIvEs/ 1110 /NumÉRO 26/ALTERNATIvEs

L’AvIs DEJEAN-LOuIs LEGRAND

Jean-Louis Legrand est coordinateur interministériel du plan véhicules décarbonés. Sa mission est de communiquer avec l’industrie, de mobiliser et de coordonner les administrations de l’État, d’organiser la préparation, la décision et la réalisation de ce plan. L’objectif est de rendre les véhicules électriques concurrentiels par rapport aux véhicules thermiques en travaillant sur quatre axes : l’intensification de l’effort de recherche, l’appui à l’émergence d’une offre industrielle, la création d’un réseau d’infrastruc-tures de recharge et la stimulation de la demande et de l’information des citoyens consommateurs.

ZOOMconsommation d’électricité des véhicules électriquesSelon Jean-Louis Legrand, 100 000 véhicules électriques « purs » consom-ment 0,375 térawatt -heure (TWh) par an. Si l’on fait l’hypo-thèse qu’un hybride rechargeable compte pour un demi- véhicule « pur », et que l’objectif de 2 millions de véhicules décar bonés en 2020 compte un tiers de véhicules électriques purs, cela représente alors 5 TWh par an, soit 1 % de la consom mation électrique totale en France.

Et si les véhicules électriques devenaient une extension du réseau d’électricité ? Cette idée peut faire sourire ; pourtant, elle n’a rien de farfelu ! Retour sur le développement à venir de ces véhicules.

Le choc pétrolier du printemps 2008, lorsque le baril de pétrole avait atteint 150 dollars, a consti-tué un tournant pour le véhicule

électrique. Les grands constructeurs automobiles se sont alors dit qu’avec de tels niveaux de prix, ce type de véhicule allait devenir plus compétitif.

Le véhicule électrique, freiné mais sur la bonne voieAujourd’hui, il y a environ 60 véhi-cules homologués ou en voie de l’être en Europe. Ils sont certes plus chers à l’achat d’environ 10 000 à 15 000 euros (principalement en raison de la batte-rie qui peut toutefois être louée), mais leur coût d’usage est très faible : un « plein » ne vaut que quelques euros.Outre leur prix d’achat, l’autonomie de ces véhicules constitue aussi un frein à leur développement. Même si la majeure partie des gens ne fait que quelques kilomètres par jour en voiture, il n’est de toute façon guère possible d’aller au-delà de 150 kilomètres.

L’enjeu pour la recharge : éviter la période de pointeNous retenons l’hypothèse que le parc de voitures électriques – qu’il s’agisse des tout-électriques, des

hybrides rechargeables ou des véhi-cules à extension d’autonomie – com-prendra 2 millions d’exemplaires en 2020 en France. Il représenterait alors environ 7 % du parc automobile.L’impact du développement de ces véhicules sur la consommation élec-trique sera faible. Une raison princi-pale à cela : avec 90 % de rendement, une chaîne de traction électrique est trois fois plus efficace qu’une chaîne de traction thermique. L’impact sur la consommation de 2 millions de véhi-cules électriques serait de 1 % de la consommation finale en 2020. Si l’on devait électrifier à 100 % le parc auto-mobile, celle-ci n’augmenterait que de 15 % (lire le zoom ci-contre). Le développement de ces véhicules ne pose pas de problème en termes de consommation et de production d’électricité, sauf en ce qui concerne la période de pointe, c’est-à-dire le moment où, dans une journée, la consommation atteint son maximum. Le vrai problème est donc la phase de rechargement. Dans 90 % des cas, cette opération s’effectue sur le lieu de parking principal du véhicule, c’est-à-dire le matin au bureau ou le soir au domicile. En France, grâce au parc nucléaire et à l’hydraulique, la consommation de base est faiblement carbonée, ce qui n’est pas le cas de la consommation de pointe. L’enjeu est donc de maîtriser le moment où s’effectue la recharge des batteries afin

qu’elle soit la moins carbonée possible. Un véhicule ne roule que 10 % du temps. Toutes les voitures devront être rechargées principalement la nuit, lorsque la consommation électrique est la plus faible. Afin d’éviter les pointes carbonées, pour les parti-culiers, la charge « intelligente » noc-turne devra être la norme et la charge rapide de jour ne présenter qu’un moyen de répondre à un besoin excep-tionnel. Outre l’infrastructure de charge qui devra être adaptée à ces besoins, la tarification des types de charge sera fixée en conséquence. Les véhicules électriques pourraient alors contribuer à équilibrer le réseau.

Du véhicule électrique au réseau électrique intelligentLorsque le parc sera plus important, il devrait être possible d’utiliser les bat-teries des véhicules reliés au réseau électrique comme des moyens de stockage et de déstockage, facilitant ainsi le développement des énergies renouvelables intermittentes (photo-voltaïque, éolienne). Cela permettrait par exemple de ne pas perdre l’élec-tricité éolienne produite la nuit, lorsqu’elle n’est pas utilisée du fait de la faible demande. Une telle solution représenterait une source considérable d’électricité qui pourrait être injectée sur le réseau. Tout cela est réalisable

techniquement. Les freins sont d’une autre nature. Ils sont davantage liés à l’adaptation à l’usage, aux investis-sements dans la connectique entre le véhicule et le réseau, au développement des boîtiers muraux ou compteurs intelligents… Mais quand le marché se sera étendu, les véhicules électriques pourraient permettre de lisser la consommation d’électricité, notamment grâce au développement du Vehicle to Grid (V2G) et des réseaux intelligents (Grid for Vehicle, dit G4V). Des expéri-mentations sont en cours et certains véhicules devraient être commercialisés avec l’équipement permettant de se raccorder au réseau dès 2014. ■

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