Albert Caraco - L'Art Et Les Nations

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Un jeu, le monde n’est qu’un jeu dont il importe de savoir les règles, elles nous viennent d’ailleurs seules par le canal des préjugés et l’on s’y fortifie à n’examiner rien de ce qu’on adopte, à la façon de ceux qui vont leur train et ne regardent à leurs jambes. 18 Nous sommes fort capables de nous promener les yeux fermés au milieu de merveilles inconnues, pour voir ce que l’on voit il faudrait être ce qu’on est, universel et personnel, non pas un automate halluciné dont la cervelle abonde en lieux communs. 19 Le monde est le chaos où nous puisons un ordre, il a plus de moyens que l’homme et l’homme a plus de facultés, il est plus riche que nos sens, mais nos talents le rendent pauvre. 21 Le propre du génie est d’imposer un sens à qui ne l’a, d’humaniser tout l’œcumène, de rendre l’homme universel et de les aboucher ensemble où le premier se fait d’abord intelligible et le second divin. 22 […] La tête pleine des ces préjugés, sans quoi les arts ne manquent de tomber à rien, d’aller à ce qu’on veut et par le truchement de ce qui nous inspire, de forcer la nature et de savoir que l’homme la trahit, dès le moment qu’il ne la violente. 22 […] en pensant le sujet au lieu de le subir, s’abandonnant à ce que l’on domine et ne cédant jamais à ce que l’on ignore. 28 La religion de la vie est une mort de la beauté, c’est une profession d’ignorance et les barbares s’y

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Un jeu, le monde nest quun jeu dont il importe de savoir les rgles, elles nous viennent dailleurs seules par le canal des prjugs et lon sy fortifie nexaminer rien de ce quon adopte, la faon de ceux qui vont leur train et ne regardent leurs jambes. 18Nous sommes fort capables de nous promener les yeux ferms au milieu de merveilles inconnues, pour voir ce que lon voit il faudrait tre ce quon est, universel et personnel, non pas un automate hallucin dont la cervelle abonde en lieux communs. 19Le monde est le chaos o nous puisons un ordre, il a plus de moyens que lhomme et lhomme a plus de facults, il est plus riche que nos sens, mais nos talents le rendent pauvre. 21Le propre du gnie est dimposer un sens qui ne la, dhumaniser tout lcumne, de rendre lhomme universel et de les aboucher ensemble o le premier se fait dabord intelligible et le second divin. 22[] La tte pleine des ces prjugs, sans quoi les arts ne manquent de tomber rien, daller ce quon veut et par le truchement de ce qui nous inspire, de forcer la nature et de savoir que lhomme la trahit, ds le moment quil ne la violente. 22[] en pensant le sujet au lieu de le subir, sabandonnant ce que lon domine et ne cdant jamais ce que lon ignore. 28La religion de la vie est une mort de la beaut, cest une profession dignorance et les barbares sy dmasquent, la vie les hommes layant en commun avec les btes vaut par ce quon en fait et non par elle-mme, elle nest rien quand elle semble tout et devient tout en consquence des raisons de vivre, nous lappelons prtexte et nous nous refusons dy trouver une fin, nous lappelons servante et nous nous refusons dy chercher une foi. 31 Le sexe est le moteur de labsolu, je reconnais aussi que sa fureur donne des ailes la forme, des charmes la rgle, des ouvertures au prcepte et des empires la voie. 37[Linspiration] si javais quelque langage mme de la peindre, il ne vous toucherait pas plus que le silence que je vous oppose. 38Le bien, le mal, cela regarde-t-il ceux que lEsprit travaille et que la flamme embrase? 38 On parle souvent du mrite. On ne ferait pas mal den oublier jusques au nom, ce nom nclaire plus ce quil dsigne, il vaut pour les Cyclopes de la fable, il ne mesure point les dieux, il grandit lartisan, jamais lartiste. 42Il est temps denrayer et de nous librer des monstres qui nous empcheront davoir les matres que lon aime et les modles que lon mrite. 44Lerreur est de solliciter le changement pour lamour de la nouveaut, quand nous devons qurir la prcellence et ft-ce au mpris de la mode. 45 Les tours de force ne remplacent les notions qui tranent dans les manuels quil suffit dapprendre pour que la Grce nous arrive, la Grce mme suit les voies habituelles, nous devons imiter ceux qui lavaient ou renoncer des faveurs que la soumissions nous gagne. 47Jaime la libert, mais la licence je limprouve, le chaos je le dsavoue et la laideur je la dteste. 47La loi des fous nous ne la recevons ni les aveux de lignorance, les luttes du dlire ni de lavortement les rages impuissantes, nous nous moquons de la sincrit, quand la hideur lengendre et quelle engendre la bassesse. 48 Quest-ce que luvre dart? Cest une volont de plaire et qui prend forme en suivant de certaines lois, il nest point dart sans lartifice, luvre, les procds la rendent recevable autant et plus que les merveilles quelle manifeste. 52Le got de singularit pourra venir, mais la suite et quand les soumissions ont donn leurs preuves fructifier en abondance, afin que ce got puisse ajouter nos rgles, non pour quil les menace ou porte faux. 53Nousle savons bien de nos jours, infests que nous sommes de maudits dont lignorance na dgale que la morgue, rebelles fiers de ltre, assourdissant le monde force de promesses et laccusant de leur naufrage, lgion dinsoumis qui veulent table nette, afin que nul modle ninsulte leur misre. 53 Lhomme de peu voit peu, mais lhomme de ressource oblige tout lmouvoir et force tout le servir, il marche environn dappuis et les oreilles pleines de rumeurs o lhomme de peu nentend rien et juge la nature vide. 58Le hasard est sans nous et cest par nous quil prend le sens quil a pour nous, quil cesse dtre et quil se range ce qui labolit, nous le voulant et complice et propice. 59Il ne sagit plus seulement dtre homme et ce qui perd un homme, sauve lartiste. 59Luvre est lendroit o le dsir ne meurt et le contentement ne lasse, o tout sallie et rien ne va se perdre, o limpur est un lment et lquivoque une ressource, o notre servitude engage labsolu dont notre libert spaulera, suprme. 63 Que chacun dentre nous se prfre lespce et nous la servirons dans le refus perptuel de la servir! 68Lart ne se penchera sur les calamits du monde, il est trop menac pour smouvoir longtemps, il se prfre ce qui le ruine et jamais il neut tort de se montrer impitoyable. Les classes luttent, les races se dchirent et mille chiens sgorgent pour un os, mais nous, nous tressons la couronne au survivant de la bataille. 70 Nous prfrons la joie de quelques-uns la justice que lon rend tous, nous croyons inlassablement au privilge, le beau valide les iniquits et nous ne pardonnons la laideur que souvent la justice entrane. 76Les matres chez eux ne sont pas des matres et ceux que lon astreint la corve ne sont pas des esclaves, ils se promirent de changer le monde, ils nauront chang que le sens des mots, mais o les mots perdent leur sens, il nest plus de limites la servitude. 77Les ennemis de lart nous parlent de lengagement, ils veulent quon milite la plume aux doigts, les pinceaux la main et quon pouse telle ou telle cause, ils veulent que lon prche en sappuyant des formes, en obligeant les sons et les lumires servir: le talent quils nont pas ils le remplacent par les fureurs quils affichent, ils rvent de tout mettre de niveau sous lombre de lgalit, le peuple est leurs yeux la masse de manuvre et le rouleau quils poussent en avant. Que nous reprochent-ils? De vivre et de nous attacher ce qui les ignore, de goter ce qui les mprise et daimer ce qui les confond, dappartenir en somme lunivers de Grce queux-mmes ne domineront jamais. 81Les formes aident prir ceux qui sacharnent les faire natre. 85 Lart a sa grandeur propre et cette grandeur-l se communique ltre parfois misrable quelle a pressenti, lartiste vieillissant monte la mort par un chemin qui slve mesure, on voit alors que luvre de cration fut une ascse, un bcher permanent qualimentait linavouable et le creuset des formes nes de la rencontre involontaire et mthodique. 93Les hommes resteront toujours des esclaves, le seul problme est de sentendre sur les consolations que lon octroie leur misre. 95Ncessit, gratuit, le grand art les allie lune et lautre, arm de forces quil a puises dans la lutte, ayant le poids de la ncessit quil met dans toutes ses dmarches, et de la gratuit llgance et les lumires quil emploie rgler ce qui lentrane. 96Heureux qui rentre au sein de lindivis et cherche, agonisant, la voie quil ira disputer, la forme quil ira parfaire et la merveille quil arrache au refus unanime! 97Le pays fera lhomme, quand lhomme se fera, les deux seront dintelligence et laccord mutuel affranchira lhumain de la nature, laquelle cdera toujours qui lui cde, en droutant qui laura viole. 100Le peuple souverain ne btira jamais ce que les souverains btissent.105On perd lobjet et lon navance aucunement la foule que lon flatte. 106La mode change, et la folie non!