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Une méthodologie de cartographie des zones potentiellement instables Application à la région d’Al Hoceima (Maroc) Khalid Margaa et Ahmed Abdelgader Résumé : La région d’Al Hoceima présente plusieurs indices d’instabilité. Si certaines zones demeurent relativement stables, d’autres sont sujettes à des facteurs d’instabilité ou à un glissement actif. Le but du présent article étant la cartographie des différentes instabilités et leur hiérarchisation en fonction du degré de risque potentiel. Ce travail a été entrepris par la définition des principales causes de ces instabilités : les facteurs géologiques, hydrogéologiques et géotechniques, et ensuite la mise au point d’une méthodologie de zonage et d’évaluation des potentialités d’instabilités. L’étude a montré que la plupart des zones à risque potentiel ou déclaré sont liées, essentiellement, à la présence de niveaux tendres (argile) intercalés dans des formations en général plus résistantes, ainsi qu’aux pentes des talus, très raides, à une intense fracturation et à la présence d’une eau séléniteuse. Enfin nos résultats ont été confirmés par leur confrontation à ceux obtenus par la cartographie ZERMOS et les P.E.R. Mots clés : Rif-Morocco, lithology, evaluation, instability, cartography. Abstract: The Al Hoceima region presents several instability features. Some zones remain relatively stable, but others are subject to signs of instability factors or to active slides. The aim of this study is to establish the different instabilities mapping and to define, in hierarchic order, their potential risk. This work was conducted by selecting all factors influencing stability : geological, hydrogeological, and geotechnical parameters, thus we develop a zoning procedure that permits us to quantify the potential hazards.This study shows that major potential hazards zones are essentially caused by the presence of weak cohesive layers (clay) interbedded within other, mostly stronger, formations in addition to the steep slopes, the intense fracturing, and the presence of a high piezometric surface.Finally, our results are proved by comparison to others obtained from the ZERMOS and P.E.R. cartography modes. Key words: Rif-Maroc, lithologie, évaluation, instabilité, cartographie. Introduction Chacun de nous s’accorde aujourd’hui pour ne plus méconnai- tre les risques d’instabilité des terrains, quelles que soient leur ampleur et leur fréquence. Il serait cependant excessif et dan- gereux d’en conclure que l’absence de mouvements passés ou présents est une garantie de stabilité pour l’avenir (Flageollet 1989). Les risques d’inondations, de glissements de terrain, d’éboulements, d’affaissements, de coulées boueuses, de ravi- nements, pour n’en citer que quelques uns, doivent dorénavant faire l’objet d’une grande attention. Il en résulte que l’on cher- che à apprécier aussi la possibilité de survenance, ou occur- rence, en dehors des endroits déclarés, à définir les zones de probabilité d’apparition de mouvements, outre celles de re- prise ou réactivation. Le nombre de paramètres impliqués dans l’évolution des instabilités rend aléatoire l’utilisation des méthodes d’analyse basées essentiellement sur le calcul (Antoine et Fabre 1980). Cependant l’accumulation de ces facteurs défavorables (géo- logiques, hydrogéologiques, géotechniques, etc.) conduit à lo- caliser les zones à risques et à hiérarchiser ce risque. La région d’Al Hoceima (Maroc) est une province plutôt rurale, mais son urbanisation s’étend et ne la met pas à l’abri des risques naturels. L’élaboration d’un schéma directeur d’aménagement de la région, nécessite de tels informations. A cette fin nous essayons de mettre au point une méthodologie pour définir les zones potentiellement instables et cartogra- phier leurs domaines d’extension dans la région d’Al Hoceima. Cette étude se propose de décrire la méthodologie utilisée pour essayer d’atteindre les objectifs précités, l’application sur un secteur précis et enfin l’extension sur l’ensemble du secteur d’étude. Contexte géographique et géomorphologique La région d’Al Hoceima se situe dans le Rif (Nord-Maroc) (voir Fig. 1) et couvre une superficie de l’ordre de 100 km². Trois unités géomorphologiques peuvent être distinguées (voir fig. 2). La zone de relief : caractérisée par la chaîne calcaire des Bokoya faisant partie du domaine interne de la chaine rifaine. D’une longueur d’environ 40 km, d’une largeur moyenne de 7 à 8 km, son altitude ne dépasse guère 753 m. Sa morphologie Can. Geotech. J. 35: 460–470 (1998) Reçu le 12 juin 1997. Accepté le 6 mars 1998. K. Margaa. Laboratoire de Géologie Structurale et Appliquée, Université de Franche-Comté 1, Place Leclerc, 25030 Besançon, CEDEX, France. A. Abdelgader. 1 Laboratoire de Mécanique des Fluides et Génie Civil Quai Frissard, B.P. 265, 76055 Le Havre, CEDEX, France. 1 Le Correspondant principal. 460 © 1998 CNRC Canada

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Une méthodologie de cartographie des zones

potentiellement instables

Application à la région d’Al Hoceima (Maroc)

Khalid Margaa et Ahmed Abdelgader

Résumé: La région d’Al Hoceima présente plusieurs indices d’instabilité. Si certaines zones demeurent relativement stables,d’autres sont sujettes à des facteurs d’instabilité ou à un glissement actif. Le but du présent article étant la cartographie desdifférentes instabilités et leur hiérarchisation en fonction du degré de risque potentiel. Ce travail a été entrepris par ladéfinition des principales causes de ces instabilités : les facteurs géologiques, hydrogéologiques et géotechniques, et ensuite lamise au point d’une méthodologie de zonage et d’évaluation des potentialités d’instabilités. L’étude a montré que la plupartdes zones à risque potentiel ou déclaré sont liées, essentiellement, à la présence de niveaux tendres (argile) intercalés dans desformations en général plus résistantes, ainsi qu’aux pentes des talus, très raides, à une intense fracturation et à la présenced’une eau séléniteuse. Enfin nos résultats ont été confirmés par leur confrontation à ceux obtenus par la cartographieZERMOS et les P.E.R.

Mots clés : Rif-Morocco, lithology, evaluation, instability, cartography.

Abstract: The Al Hoceima region presents several instability features. Some zones remain relatively stable, but others aresubject to signs of instability factors or to active slides. The aim of this study is to establish the different instabilities mappingand to define, in hierarchic order, their potential risk. This work was conducted by selecting all factors influencing stability :geological, hydrogeological, and geotechnical parameters, thus we develop a zoning procedure that permits us to quantify thepotential hazards.This study shows that major potential hazards zones are essentially caused by the presence of weak cohesivelayers (clay) interbedded within other, mostly stronger, formations in addition to the steep slopes, the intense fracturing, andthe presence of a high piezometric surface.Finally, our results are proved by comparison to others obtained from theZERMOS and P.E.R. cartography modes.

Key words: Rif-Maroc, lithologie, évaluation, instabilité, cartographie.

Introduction

Chacun de nous s’accorde aujourd’hui pour ne plus méconnai-tre les risques d’instabilité des terrains, quelles que soient leurampleur et leur fréquence. Il serait cependant excessif et dan-gereux d’en conclure que l’absence de mouvements passés ouprésents est une garantie de stabilité pour l’avenir (Flageollet1989). Les risques d’inondations, de glissements de terrain,d’éboulements, d’affaissements, de coulées boueuses, de ravi-nements, pour n’en citer que quelques uns, doivent dorénavantfaire l’objet d’une grande attention. Il en résulte que l’on cher-che à apprécier aussi la possibilité de survenance, ou occur-rence, en dehors des endroits déclarés, à définir les zones deprobabilité d’apparition de mouvements, outre celles de re-prise ou réactivation.

Le nombre de paramètres impliqués dans l’évolution desinstabilités rend aléatoire l’utilisation des méthodes d’analyse

basées essentiellement sur le calcul (Antoine et Fabre 1980).Cependant l’accumulation de ces facteurs défavorables (géo-logiques, hydrogéologiques, géotechniques, etc.) conduit à lo-caliser les zones à risques et à hiérarchiser ce risque.

La région d’Al Hoceima (Maroc) est une province plutôtrurale, mais son urbanisation s’étend et ne la met pas à l’abrides risques naturels. L’élaboration d’un schéma directeurd’aménagement de la région, nécessite de tels informations. Acette fin nous essayons de mettre au point une méthodologiepour définir les zones potentiellement instables et cartogra-phier leurs domaines d’extension dans la région d’Al Hoceima.

Cette étude se propose de décrire la méthodologie utiliséepour essayer d’atteindre les objectifs précités, l’application surun secteur précis et enfin l’extension sur l’ensemble du secteurd’étude.

Contexte géographique etgéomorphologique

La région d’Al Hoceima se situe dans le Rif (Nord-Maroc)(voir Fig. 1) et couvre une superficie de l’ordre de 100 km².Trois unités géomorphologiques peuvent être distinguées (voirfig. 2).

La zone de relief : caractérisée par la chaîne calcaire desBokoya faisant partie du domaine interne de la chaine rifaine.D’une longueur d’environ 40 km, d’une largeur moyenne de7 à 8 km, son altitude ne dépasse guère 753 m. Sa morphologie

Can. Geotech. J. 35: 460–470 (1998)

Reçu le 12 juin 1997. Accepté le 6 mars 1998.

K. Margaa. Laboratoire de Géologie Structurale et Appliquée,Université de Franche-Comté 1, Place Leclerc, 25030 Besançon,CEDEX, France.

A. Abdelgader.1 Laboratoire de Mécanique des Fluides etGénie Civil Quai Frissard, B.P. 265, 76055 Le Havre, CEDEX,France.

1 Le Correspondant principal.

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présente une combinaison de deux types de formes, d’une partles sommets culminant pratiquement tous à des altitudes sen-siblement voisines, d’autres part les profondes vallées dont lesversants possèdent des pentes fortes (Mourier 1982). Schéma-tiquement ce secteur est subdivisé en unités morphologiquesbien distinctes et qui sont du nord au sud (voir fig. 3) :

— le plateau dolomitique de Ras-al-Abid du Trias moyenet supérieur, il se présente sous forme d’un losange bordé aunord-ouest et nord-est par de hautes falaises atteignant souventplus de 150 m;

— la bande «d’Al Hoceima - Talat Youcef - oued Boussi-cour» qui est essentiellement schisto-gréseuse (Dévonien in-férieur). Elle forme le littoral nord, entre la plage de Sabadillaet la pointe de Boussicour. Quelques affleurements de calcai-res du Dévonien moyen y font néanmoins saillie sous formede klippes, telles la pointe d’El Jandak, la pointe d’Insouliyèneet la pointe de Boussicour;

— la bande de «Jbel Palomas - Jbel Assaguasaguane - JbelBoussicour», la plus importante en superficie est formée es-sentiellement par des calcaires et des dolomies du Jurassiqueet séparée de la précédente par la vallée de l’oued Sidi Man-sour;

— la bande du Jbel Amekrane, séparée de la précédente parla vallée de l’oued Isli, forme un massif karstique qui couronnela dépression méridionale appartenant à la série des flyschs deTisirène.

La zone de plaine : d’une superficie de 7000 ha, cette plaineappartient pour la plus grande partie à l’oued Nekor. Elle estentourée de flyschs schisto-gréseux, imperméables dans leurensemble, sauf dans le secteur nord-ouest où apparaissent descalcaires, et dans le secteur nord-est où affleurent des andésitestortoniennes.

La frange côtière de la Méditerranée : cette zone englobela côte et ses formations d’origine marine et littorales aux en-virons de la ville d’Al Hoceima.

Aperçu géologique et structural

La région d’Al Hoceima fait partie du domaine interne du Rifet correspond à la partie orientale de la chaîne calcaire desBokoya. Géomorphologiquement elle fait partie du Rif central.

La zone de relief : cette proportion orientale des Bokoya,au même titre que l’ensemble de la chaîne, est constituée parl’empilement d’unités allochtones largement déplacées. Struc-turalement, plusieurs nappes se superposent (voir fig. 3) :

—la nappe de Tisirène constituée essentiellement par desflyschs schisto-gréseux du Cénomanien;

—la semelle tertiaire des Bokoya (Andrieux 1970), diteencore nappe éo-oligocène (Mégard 1963);

—la nappe des calcaires à silex ou encore nappe du JbelBoussicour;

—la nappe des calcaires blancs liasiques ou encore nappedu Jbel Amekrane;

—la nappe paléozoïque ou encore nappe d’Al Hoceima,localement associée à la nappe du Lias blanc.

La plaine de Rhis-Nekor : la plaine de Rhis-Nekor est situéeen bordure de la Méditerranée, à environ 12 km au sud-est dela ville d’Al Hoceima. Elle est traversée par deux oueds àécoulement temporaire : le Rhis et le Nekor. La plaine de Rhis-Nekor est la conséquence d’un effondrement par failles pro-voquant la formation d’un bassin côtier. Dans sa partieorientale, elle est limitée par de grands cônes d’accumulationsubactuels installés aux débouchés des principaux torrents ve-nant du Jbel Temsamane.

Morphologie et sédimentologie de la frange côtière : sur lescôtes bordant au nord-est sur près de 3 km la chaîne des Bo-koya, les anciens niveaux d’origine marine (Quaternaire) sontnombreux (Maurer 1968, 1975). Trois plates-formes sont eneffet entaillées dans les Schistes paléozoïques tendres, qui re-couvrent les calcaires. Les principaux faciès sédimentairessont de deux types, l’un terrigène (teneur en carbonates infé-rieure à 20 %), l’autre organogène (teneur en carbonates supé-rieure à 50 %).

Eléments de climatologie et d’hydrologie

Le climat général dans la région d’Al Hoceima est du typesemi-aride caractérisé par une alternance de saisons sèches

Facteurs déterminant X° X+ X± X–Conséquences sur

la stabilité FavorableMoyennement

Favorable DéfavorableTrès

Défavorable

Degré de contributionà I’instabilité 0 1 2 3

Tableau 1.Indexation des différents facteurs.

Fig. 1. Carte schématique de situation de la région étudiée.

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(juin à septembre) et de saisons humides (octobre à avril). Lapluviométrie annuelle moyenne est de 300 mm et 85 % de cesprécipitations tombent entre octobre et avril. Ces pluies ontsouvent un caractère torrentiel avec tous les dégâts qu’ellespeuvent occasionner. L’interprétation des précipitations jour-nalières maximales sur une durée de 48 ans à la station d’AlHoceima-ville, nous montre que la plupart des glissements deterrain survenus aux environs d’Al Hoceima coïncident géné-ralement avec des pluies d’une hauteur supérieure ou égale à60 mm. La majorité de ces mouvements de terrain ont affectéles schistes paléozoïques et les marnes éo-oligocènes (Margaa1994). Les eaux météoriques sont le principal facteur climati-que de la dégradation des terrains dans cette région. Ces dégra-dations se manifestent sur le terrain, soit sous forme deravinements, de solifluxions ou de glissements de terrain.

Les alternances de périodes sèches et humides provoquentle retrait puis l’imbibition des formations augmentant ainsi laplasticité des argiles (Kothé 1980). D’après de nombreusesétudes sur les causes de déclenchement de mouvements deterrain dans le Rif, ces derniers se produisent souvent aprèsune période de préparation comportant une longue séried’averses (Lacroix 1965, 1968).

L’influence des agents météorologiques intéresse particu-lièrement la tranche de terrain superficielle. Toutefois ellepeut, par des discontinuités (tectoniques ou stratigraphiques)s’exercer plus profondément dans le sol et même atteindre lesubstratum. Après une période pluvieuse, l’emmagasinementde l’eau provoque et prolonge l’imbibition, constituant ainsiun facteur d’instabilité important dans le secteur d’Al Hoceima(Lacroix 1974).

Fig. 2. Présentation de la zone d’étude.

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Fig. 3. Carte géologique schématique de la région d’Al Hoceima.

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Les principaux aquifères sont :— les formations superficielles et principalement les allu-

vions des oueds et les grès dunaires au nord de la ville;— les formations du substratum qui sont essentiellement

des calcaires et des dolomies.Sur cette partie orientale des Bokoya, quelques sources ap-

paraissent au contact des formations perméables, calcaires etdolomies, des séries imperméables, schistes et marnes.

Cartographie des zones potentiellementinstables

Le concept du risque pris en compte dans cette étude est celuide risque potentiel. Cette notion s’applique à toute situationstatique présentant les caractères apparents d’un équilibre oud’une absence de danger, mais dont l’analyse conduit à penserqu’elle peut n’être que transitoire. Il est certain que la détermi-nation spatiale des risques d’instabilité serait utile pour la pré-

vision de tels événements potentiels. Le simple examen desfacteurs qui entrent dans le calcul montre que cela est utopique,ceci explique pourquoi l’empirisme, s’il peut apparaître trèsgênant, reste une règle valable dans ce domaine.

La méthodologie proposée est basée sur une analyse quali-tative des facteurs déterminant le phénomène de mouvementde terrain. Nous avons entrepris ce travail selon les trois étapessuivantes :

(i)— inventaire des événements qui se sont produits sur larégion,

(ii)— analyse des différents paramètres déterminant l’insta-bilité.

(iii)— définition de l’aléa mouvement de terrain, comme laprobabilité d’apparition d’un phénomène (éboulement, effon-drement, glissement,...) sur le territoire considéré, sans préju-ger du moment de son déclenchement, ni des dommages qu’ilpeut occasionner. La probabilité ici n’est pas prise dans sonconcept mathématique, mais comme la qualité d’un événe-

Fig. 4. Méthodologie d’estimation des potentialités d’instabilité dans un secteur donné.

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Fig. 5. Carte des zones potentiellement instables dans la région d’Al Hoceima.

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ment qui a beaucoup de chances de se produire, on pourraplutôt utiliser « possibilité ».

Ce type de cartographie traduit donc la probabilité d’appa-rition spatiale d’un phénomène. Pour pouvoir l’évaluer, nousavons déterminé les paramètres fondamentaux responsables deson déclenchement. L’analyse des mécanismes de chaquemouvement de terrain inventorié nous a permis de dégager lesfacteurs déterminants disponibles et accessibles.

Les facteurs déterminants l’instabilité

Les milieux naturels se prêtent toutefois mal, en raison de leurcomplexité, à une systématique trop rigide. Les recherches ef-fectuées sur les causes et les mécanismes de mouvements deterrain, montrent dans les cas simples, quels sont les facteursd’instabilité dont la conjugaison à un moment précis et en unendroit donné, ont provoqué le déclenchement du mouvement.Nous les avons appelé facteurs déterminants. Parmi ceux-ci,certains sont permanents, liés aux conditions topographiques,géologiques et structurales du terrain; d’autres sont temporai-res comme les perturbations climatiques ou certaines activitéshumaines (travaux de terrassement, absence de drainage,...).

L’analyse des facteurs permanents et des seuils qu’ils pré-sentent dans les zones reconnues instables a conduit à définirdes zones de présomptions dans les secteurs où ces facteurssont présents. Dans la pratique, et compte tenu des moyensdont nous disposons à ce niveau d’étude, les principaux fac-teurs permanents d’instabilité pris en compte dans cette carte,sont relatifs à la pente, la nature des sols (formations superfi-cielles) et des roches (formations du substratum) et aux don-nées structurales et hydrogéologiques.

Méthodologie

Par définition le zonage est un regroupement des terrains pré-sentant des propriétés voisines, les méthodes d’élaboration duzonage sont basées sur l’évaluation du rôle respectif de chacundes facteurs d’instabilité retenu.

Le zonage a en effet été établi à partir d’un regroupementun peu empirique, combinaison simple, des facteurs jugés sub-jectivement défavorables. Cette méthode consiste à présenterl’aspect spatial de la prévision.

Les facteurs pris en compte sont loin d’être indépendants,par conséquent la détermination du poids relatif (coefficientde pondération) de chaque facteur d’instabilité n’est pas sim-ple et n’implique pas, par conséquent, des résultats significa-tifs.

Concernant notre site, certains nombre de facteurs relevantde cette étude ne sont ni disponibles ni quantifiables, en outrele manque de moyens d’investigation et d’analyse rend assezrude l’évaluation des paramètres impliqués. Il est cependantdifficile d’en tenir compte de manière détaillée et précise dansune telle classification de portée générale. A ce terme nousavons eu recours à l’empirisme. Nous avons opté pour uneméthode, relativement simpliste, basée sur l’individualité desfacteurs défavorables, dont leurs classification couvre l’en-semble des caractéristiques du site d’Al Hoceima.

Les facteurs d’instabilité sont classés qualitativement (bon,moyen ou mauvais par la qualité). On a ensuite cherché à éva-luer l’importance de chacun des facteurs gradué de manière

simple, arithmétique, en les classant selon une échelle numé-rique au nombre de quatre (voir fig.4) :

0 : nul; 1: faible; 2 : moyen; 3 : importantCependant, il faut préciser que les indices de contribution in-diqués ci-dessus (0, 1, 2, 3), sont affectés à la qualité souslaquelle chaque facteur défavorable à la stabilité pourrait seprésenter. Par exemple pour un même facteur : dans une zonedonnée, s’il présente l’aspect le plus défavorable à la stabilité,on lui affecte la contribution la plus importante (3); dans uneautre zone s’il se présente sous la forme qui n’influe guère lastabilité, il sera classé d’importance nulle (0).

Cette méthodologie a pour objectif de prendre en compteun certain nombre de paramètres primaires et de définir leurscontributions respectives aux mouvements de sol. Les facteurspris en compte dans une telle approche cartographique desmouvements de terrain pour chaque formation considéréecomme homogène, sont:

La lithologie [L] : nous avons procédé au classement desformations géologiques selon leur qualité lithologique et géo-technique, car le comportement d’une formation est plus faci-lement appréhendable lorsque le matériau est ainsi défini. Lescritères typologiques de chacun des ensembles lithologiquesreconnus sont identifiés, qualitativement, par leur critère d’étatgéotechnique (compact, meuble, tendre, etc.)

Les formations rocheuses distinguées dans la région d’AlHoceima sont :

— des roches compactes massives et dures (calcaires mas-sifs du Dévonien moyen);

— des roches compactes avec intercalation de roches ten-dres (dolomies et calcaires dolomitiques avec intercalationd’horizons gypseux et argileux);

— des roches tendres compactes (schistes gypsifères);— des roches tendres (marnes éo-oligocènes et argiles tria-

siques).Les formations continentales meubles ou secondairement

consolidées sont généralement :— des produits d’érosion des roches détritiques : limons,

sables et galets;— des résidus argileux de décalcification, des cailloux de

grés ou de quartz associés à l’argile;— des éboulis issus du démantèlement des masses rocheu-

ses;— des encroûtements calcaires.La structure [S] : la fissuration du massif calcaire des Bo-

koya a induit la formation des zones vulnérables à l’érosion,sous forme de détachement de blocs en haut des falaises (Mau-rer 1968). La plupart des mouvements de terrain localisés dansle secteur d’Al Hoceima, apparaissent dans des zones où desfailles s’entrecoupent, formant ainsi des secteurs à fracturationdense. Les discontinuités qui favorisent le glissement le longd’un versant sont celles qui constituent des surfaces de glisse-ments potentielles, tantôt superficielles, quand il s’agit parexemple de la limite qui sépare un sol de la roche qui le sup-porte, parfois plus profondes, et plus nettes, quand il s’agit dediscontinuités structurales dans des roches sédimentaires. Ce-pendant vis à vis de la structure, seront pris en compte lesdiscontinuités structurales et les surfaces de ruptures potentiel-les (surface ou couche mince à l’intérieur d’un milieu continuou entre deux milieux continus différents, en général assimi-lable à un plan sur une certaine étendue (joints de stratification,schistosité, diaclases, fractures, failles,...)).

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La pente topographique [P] : le risque dû aux pentes est unélément fondamental de l’érosion et de l’instabilité localiséesdans la région d’Al Hoceima. La plupart des glissements deterrain, liés aux pentes et à la nature lithologique des terrains,ont été repérés dans les schistes (Dévonien inférieur) et lesmarnes (Eo-Oligocène) dont la valeur de la pente dépasse engénéral 45 % (Antoine 1977).

Nous avons choisi des subdivisions de valeurs des pentestopographiques en pourcentage 5 %, 25 %, 45 % qui sont despentes couramment rencontrées dans le domaine des travauxpublics et auxquelles correspondent, pour un matériau donné,des états d’équilibre limites. Notons que dans notre secteurd’étude, plus de 50 % de l’ensemble des terrains a une pentesupérieure à 25 % et 10 % supérieure à 45 %.

Le degré de cohésion [C] : caractérise les forces de liaisonsusceptibles de se développer entre les constituants solides etd’induire des variations dans la déformabilité du milieu. L’in-tégration qualitative de la cohésion est basée sur la nature desmatériaux (dur, ferme, tendre, etc.), cet aspect reflète le degréd’association des éléments constitutifs. Quand l’instabilité seproduit dans une roche homogène, dans un substrat sans re-couvrement, la taille et l’arrangement des constituants, la frac-turation, la fissuration, la forme des grains, le moded’assemblage, la cimentation, le pendage, etc... ont un rôleessentiel sur la cohésion, sur les possibilités d’infiltration del’eau et donc de rupture, puis sur le mode de déplacement luimême.

L’argile [A] : les sols gonflant par l’humidité jouent un rôledéfavorable pour la stabilité des versants dans le secteur d’AlHoceima. En réalité, le changement de volume est dû lorsquedeux processus alternent : un gonflement (suite à la fixation del’eau disponible) suivi d’une rétraction (suite à la perte de l’eaufixée), occasionnant des dégâts sérieux. L’aptitude d’un sol oud’une roche à changer de volume dépend de sa teneur en argi-les gonflantes. Parmi les argiles les plus susceptibles de fixerl’eau, dans la région d’Al Hoceima, figurent les montmorillo-nites. Il faut signaler cependant l’importance des glissementssurvenus dans le secteur d’Al Hoceima suite à la présence desmatériaux plastiques et de l’argile gonflante.

L’importance de ce facteur est jugée par sa présence, sontype et sa granulométrie.

L’eau [E] : ce facteur regroupe les effets induits par les eauxdes précipitations, les eaux domestiques et les eaux d’infiltra-tion. L’eau est une principale cause de déclenchement et del’évolution d’instabilité des terrains à Al Hoceima. Elle agit enaugmentant les pressions interstitielles des terrains et en mo-difiant leurs caractéristiques volumiques et géotechniques (co-hésion, saturation, etc.).

La plupart des glissements de terrain survenus dans la ré-gion d’Al Hoceima coincident généralement avec des pluiesd’une hauteur supérieure ou égale à 60 mm. La majorité de cesmouvements de terrains ont affecté les schistes paléozoïqueset les marnes éo-oligocènes (Margaa 1994).

Par ailleurs, les pressions interstitielles sont variables dansle temps, cela pose un problème délicat puisque toute valeurfigée sur la carte devient immédiatement obsolète.

Malheureusement, la pression interstitielle n’a pas étéquantifiée. La contribution du facteur eau a été prise en comp-te, qualitativement, en fonction de sa présence et de son facièschimique.

La présence d’eau interfère avec la lithologie. Elle est en

partie responsable des propriétés géomécaniques des maté-riaux et en particulier de leur cohésion. L’agressivité des eauxkarstiques peut favoriser l’instabilité des formations par l’ac-tion défloculante des ions Ca2+ sur les argiles contenues dansles différentes formations, qui reposent sur les calcaires et do-lomies fissurés. Cette agressivité induit un affaiblissement desliaisons interparticulaires et donc une diminution de la limitede plasticité des formations en question : marnes éo-oligocè-nes, schistes du Dévonien et formations superficielles argileu-ses.

Indexation des différents facteurs

Chaque facteur noté X sera symbolisé de la manière suivante(voir Tabl.1) :

Tous les paramètres pris en compte seront codés logique-ment, suivant la méthodologie définie, dans le tableau ci-des-sus. Nous allons donc passer en revue les facteurs qui sont ànotre sens déterminants dans l’évaluation des potentialités demouvement de sol dans le site d’Al Hoceima.

— La lithologie[L°] : matériau compact et homogène.[L+] : matériau meuble.[L±] : matériau hétérogène (alternance de formations meu-

bles et tendres).[L-] : matériau tendre.— Pente topographique[P°] : p < 5%[P+] : 5% < p < 15%[P±] : 15% < p < 25%[P-] : 25% < p < 45%Par souci de simplification et d’adaptation à notre terrain

d’étude, le facteur pente est pris en compte individuellementpour les faibles pentes (<45%). Les pentes raides (>45%) pré-sentent un risque plus important dans l’instabilité, dans ce casle facteur pente doit être pris en compte, avec précaution, enintégrant les facteurs lithologiques, structuraux (dans le cas desformations cohérentes) et hydriques.

— Cohésion[C°] : forte cohésion (matériau dur).[C+] : cohésion moyenne (matériau ferme).[C±] : faible cohésion (matériau tendre).[C-] : très faible cohésion (matériau très tendre).— Argile[A°] : très peu d’argile.[A+] : présence d’éléments dont le diamètre est inférieur à

2 µm, uniquement dans le sens granulométrique et non miné-ralogique.

[A±] : combinaison de A+ et de A-[A-] : présence d’argile gonflante, essentiellement la mont-

morillonite.— Le facteur eau et sa nature chimique[E°] : aucune présence d’eau n’est décelée.[E+] : présence d’eau, faiblement minéralisée, saturant le

sol à partir d’une certaine profondeur. Cette profondeur dé-pend de chaque type de formation et des conditions aux limiteshydrauliques.

[E±] : présence d’eau à forte minéralisation dans le sol(conductivité élevée) et non séléniteuse.

[E-] : présence d’eau séléniteuse (eau drainant les forma-tions gypsifères), importantes teneurs en Na+, Cl- et SO4

2-

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— Structure[S°] : matériau sain, sans fracturation.[S+] : matériau présentant des stratifications, sans fissura-

tion apparente en surface.[S±] : combinaison de S+ et de S-, pendage des couches

généralement conforme à la pente.[S-] : matériau très fracturé, présentant des diaclases, et des

fissures ouvertes.Pour chaque facteur pris en compte et indépendamment de

l’influence des autres facteurs, on note δi le coefficient quicorrespond à l’estimation de leur contribution relative et indi-viduelle, avec 0 < δi < 3.

La conjugaison du degré de contribution de chaque facteurdans l’instabilité, conduit à définir une autre échelle de prob-abilité d’occurrence, mais portant cette fois-ci sur la totalitédes facteurs déterminant l’instabilité au niveau d’une forma-tion. Schématiquement on peut résumer cette approche dans lafigure 4.

Il ressort de cette analyse (fig. 4), que le degré de risqueprobable a été subdivisé en cinq niveaux, d’intensité crois-sante. Le coefficient δi correspond à l’estimation du coeffi-cient de contribution lié à un seul facteur, qui agit sur uneformation donnée. Par exemple pour le facteur pente (P) et surun versant marneux, on aura pour chaque valeur de (P) unniveau de contribution δp.

La transposition des données recueillies, d’après l’applica-tion de cette méthode d’estimation des potentialités d’instabi-lité en un secteur considéré, donne pour notre cas, le zonageprésenté sur la figure 5.

Exemple d’application sur le secteur deSidi Mansour

Pour les marnes éo-oligocènes du sous bassin de Sidi Mansour,où une dizaine d’instabilités ont été répertoriées, on peut appli-quer cette approche d’estimation du degré d’instabilité de lafaçon suivante:— lithologie : essentiellement des marnes.......L- δL = 3— pente : 5% ≤ P ≤ 25%..................................P+ δp = 1— cohésion : matériau à faible cohésion .........C± δC = 2— argile : présence de montmorillonite 8,5%, kaolonite

81% représentant l’essentiel des argiles présentes dansles échantillons prélevés dans les marnes....A± δA = 2

— eau : à partir d’une profondeur de 11 m les marnes sontsaturées en eau; l’analyse chimique de l’eau a mis en évi-dence une forte teneur en sel (chlorure de sodium et gyp-ses représentés respectivement par les ions Na+, Cl- etSO4

2-) ............................................................E- δE = 3— structure : pas de stratification ni de fracturation décelées

au niveau de la formation ............................S° δs = 0Total δ = 11

La somme des coefficients δ est égale à 11, ce nombre estinclus dans le segment [9,12] ce qui implique que le niveau derisque potentiel de cette zone est de degré 3, sur l’échelle desrisques à cinq niveaux. Donc le secteur de Sidi Mansour pré-sente un risque moyen et tout aménagement prévu doit êtreprécédé par une étude géotechnique détaillée.

Cartographie de l’ensemble du secteurd’étude

En combinant les différents facteurs d’instabilité, déjà énon-cés, affectant l’ensemble du secteur d’Al Hoceima nous avonsété conduits à distinguer six zones de présomption d’instabilité(fig. 5).

L’examen de la carte montre que les zones qui présententun risque potentiel ou déclaré sont liées aux vallons et essen-tiellement au niveau des formations marneuses et schisteuses(voir fig. 5). Ces zones se caractérisent, généralement, par unefaible cohésion, une pente supérieure à 25%, des intercalationsd’argile, une intense fracturation et la présence d’une eau sé-léniteuse. On note aussi la présence de risques de chute deblocs affectant le rebord des falaises calcaires au nord-est, età l’ouest de la ville. Un certain nombre de mouvements deterrain nécessite des travaux de stabilisation.

Les secteurs notés 4 et 5 sur l’échelle des risques, sont con-sidérés non constructibles. Ceux notés 3 sont susceptiblesd’être aménagés à condition de procéder à des travaux de sta-bilisation des mouvements repérés, de faire des corrections deravines par des systèmes de seuils et de banquettes. Pour lessecteurs 1 et 2, les risques d’instabilités sont faibles, et leuraménagement ne pose à priori aucune contrainte d’ordre phy-sique.

Nous précisons que la carte des niveaux d’instabilité, pré-sente les zones où des mouvements potentiels sont susceptiblesde se transformer en des instabilités déclarées. Si l’on veututiliser cette carte dans le domaine d’aménagement, il va fal-loir intégrer les facteurs pente et lithologie suivant le type del’aménagement et en respectant les normes des projets.

Prenons comme exemple une formation massive (dolo-mies) qui ne présente pas de fracturation, avec forte cohésionet logiquement ne renfermant pas d’argile. Ces dolomies sontmassives, sans fracturation donc l’action du facteur eau surl’instabilité de cette formation est négligeable voir nulle. Cetype de faciès s’il présente une pente supérieure à 45%, on aurad’après notre méthodologie le schéma suivant : [δL: 0; δP : 3;δC : 0; δA : 0; δE : 0; δS : 0] ce qui nous donne δ = 3 et un niveaude risque global nul. Donc en l’absence de séisme, ce massifsain ne présente pas d’instabilité potentielle (surtout du typeécroulement). Cette formation dolomitique bien qu’elle ne pré-sente pas de risques liés aux mouvements de terrain, peut êtreconsidérée comme zone non aménageable puisqu’elle présenteune forte pente.

Ce zonage géotechnique donne une physionomie généraledu secteur considéré, qui permet d’éviter les grosses erreurspratiques. Mais au niveau de l’exécution ponctuelle, l’étudespécifique reste irremplaçable.

Comparaison à d’autres modes decartographie

Afin de confirmer nos résultats, nous les avons confronté àceux obtenus par d’autres modes de cartographie. A ce titrenous avons choisi :

— la cartographie ZERMOS (zones exposées aux risquesliés aux mouvements du sol et du sous-sol) : elle fournit uneinterprétation, en termes de stabilité, des conditions géologi-ques et géotechniques locales. Il s’agit donc, en fait, d’une

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superposition des cartes de facteurs, dont les paramètres prisen compte ne représentent pas l’ensemble des causes déclen-chant une instabilité (Antoine 1977). Il faut cependant préciserque la carte ZERMOS présente les conditions de risque aumoment de son levé et se refuse à tout caractère prévisionnel.La gradation du risque est définie sous la forme d’un zonageen trois catégories : zone rouge (danger), zone orange (atten-tion) et vert (sans danger).

L’examen de la carte ZERMOS établie par Margaa (1994)montre en zone rouge toutes les manifestations d’instabilitésactives tels que chutes de blocs, glissement de terrain ou ravi-nement. Il s’agit surtout de glissements de terrain apparaissantdans les formation marneuses et schisteuses, et un certain nom-bre de chutes de blocs et d’effondrements sur le pourtour de lacôte méditerranéenne, au nord-est et à l’est de la ville d’AlHoceima. Ces zones sont classées non aménageables.

En zone orange, les risques sont liés aux thalwegs et auxformations favorables à des mouvements de terrain à savoir lesmarnes à inclusions gypseuses. Les instabilités sont de typeglissement ou sous forme de ravinements. Les zones de reliefmodéré présentent soit des indices de mouvements du sol, soitdes facteurs naturels peu propices à la stabilité des terrains.

En zone verte, sont classés les sites, actuellement, non ex-posés à des manifestations ou à des conséquences de mouve-ment de sol. Les pentes ne dépassant pas 5% et en majorité desterrains correspondant à du Quaternaire.

— la carte d’aléas préparatoire au P.E.R. (Plans d’Exposi-tion aux Risques) : elle localise la probabilité d’apparitiond’un mouvement d’un certain type et d’une certaine intensité(Pilot et Durville 1990). L’aléa combine intensité et probabilitépour aboutir à trois ou quatre niveaux : fort (3), moyen (2),faible (1), présumé nul (0). Ces cartes constituent le documentgraphique préparatoire des P.E.R., à l’échelle du Plan d’Occu-pation des Sols (Flageollet 1989).

Dans cette carte à trois niveaux, établie par Margaa (1994),la plupart des mouvements de terrain ont été représentés :écroulements, glissements, chutes de blocs, effondrement etaffaissements. Ces derniers affectent les versants côtiers nordet sont respectivement de nature gréseuse et calcaire. Les in-stabilités types glissements affectent essentiellement des ter-rains marneux et schisteux, surtout au niveau des vallons. Nouspouvons aussi rappeler que les terrains schisteux ou marneuxavec des pentes fortes à moyennes et les terrains à roches com-pactes (calcaires, dolomies et grés) avec une intense fractura-tion, présentent le risque le plus élevé. Les types d’instabilitéles plus fréquents sont les glissements de terrain, suivi par lesécroulements en bordure des falaises calcaires au nord-est et àl’est de la ville.

La comparaison technique des résultats obtenus par les troismodes de représentation, précités, montre dans l’ensemble queces modes de cartographie présentent des secteurs à risqueapproché. La différence réside dans le choix, le nombre et laconjugaison des facteurs déterminants. Cette confrontationcorrobore donc notre approche méthodologique.

L’utilisation de certains facteurs, peut soit augmenter soitdiminuer le risque d’une quelconque instabilité :

- la chimie des eaux contenues dans le sol dans la mesureoù les eaux séléniteuses influent sur les caractéristiques méca-niques des argiles;

- la minéralogie des argiles, par exemple la présence de lamontmorillonite à des teneurs différentes peut augmenter ou

diminuer le risque potentiel de mise en mouvement d’un ver-sant.

Conclusion et recommandations

La région d’Al Hoceima présente des zones relativement sta-bles et d’autres à indices réels d’instabilité ou sujettes à desmouvements de terrain. Ces instabilités sont localisées dans lesformations marneuses et schisteuses et caractérisées par desfacteurs géotechniques défavorables à savoir : une faible cohé-sion, une pente supérieure à 25%, des intercalations d’argiles,une intense fracturation et la présence d’une eau séléniteuse.

La méthode de zonage appliquée est simple et pratique.Malgré qu’elle présente certaines limites, elle offre un grandintérêt dans le choix d’un certain nombre de facteurs détermi-nants et la définition de leurs contributions individuelles aumouvement de sol. Le zonage obtenu reste de portée générale,il permet d’éviter les grosses erreurs pratiques et pourrait servirde support au schéma directeur d’aménagement de la régiond’Al Hoceima. Cependant des lacunes restent encore à com-bler, où il est recommandé de :

— déterminer le poids relatif des facteurs déterminants,dans le déclenchement des mouvements de terrains, et leurshiérarchisation. Cela permettrait d’améliorer la conception denotre méthodologie;

— réactualisation des données de terrain du point de vuegéologique, géotechnique et géophysique afin : d’examinertous les mécanismes et les facteurs qui influencent l’instabilité;et de confectionner des cartes d’évaluation de risques de mou-vement de terrain plus précises;

— mettre au point des outils méthodologiques rigoureux(appareillage expérimental, modèles, etc.), un système d’infor-mation géographique notamment, pour la mesure de la vulné-rabilité de la région aux risques naturels et la prévision dans letemps.

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