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VIDEODIGEST ÉTAT DE L ART 2013 Actualisation des recommandations sur le suivi après polypectomie. Que devons-nous faire en 2014 ? New recommendations about polypectomy management. What should we do in 2014? D. Heresbach · P. Pienkowski © Springer-Verlag France 2013 Introduction En raison de limportance de la coloscopie pour prévenir le cancer colorectal (CCR) et de lancienneté des recommanda- tions en matière dindications des coloscopies, la HAS, le Conseil national professionnel des hépatogastroentérologues (CNP-HGE) et la Fédération des maladies de lappareil digestif (FSMAD) ont souhaité réviser les recommandations sur le suivi après polypectomie. En effet, ladénome est le précurseur de la grande majorité des CCR le délai de trans- formation du polype en cancer est estimé entre cinq et dix ans et il est bien établi que le recours à la coloscopie et, le cas échéant, à la polypectomie, diminuent la mortalité par CCR. Dans les années suivant lablation endoscopique dadénomes coliques, il y aurait récidive chez un quart à un tiers des patients avec adénomes, soulignant la nécessité de réaliser des coloscopies dexcellente qualité. La qualité de la coloscopie dépend entre autres de la qua- lité de la préparation, dont lobjectif est la visualisation de tous les adénomes sans omettre ou négliger les lésions de plus de 5 mm. Si la qualité de la préparation (au moins iden- tifiée de manière qualitative ou mieux avec des scores type Boston ou Harefield) est insuffisante, il est recommandé de refaire lexamen dans les meilleurs délais. Les patients aux antécédents personnels dadénomes sont considérés à risque pour une récidive de polypes et, le cas échéant, de CCR. L objectif de la surveillance par coloscopie est de prévenir la survenue ou le développement du cancer CCR en enlevant « à temps » de nouveaux adénomes, dla nécessité doptimiser le protocole de surveillance en fonc- tion de la stratification du risque de développer ultérieure- ment des adénomes avancés. Cette stratification tient compte de facteurs techniques, liés au geste endoscopique ou au patient, et des caractéristiques de ladénome (nombre, taille, type histologique). Un protocole de surveillance, prenant en compte cette stra- tification du risque de récidive et des conditions de réalisation de la coloscopie a pour objectif dêtre pragmatique. Il a été élaboré sur la base des dernières recommandations internatio- nales. Il sagit dune proposition de prise en charge et ne peut en aucun cas se substituer à la décision du médecin en face du cas particulier de chaque patient. Il peut néanmoins faciliter une décision partagée avec lui mais nest pas conçu pour ser- vir de support à une quelconque opposabilité. Méthodologie Primum movens : saisine des tutelles La HAS a été saisie, en juin 2010, du sujet « Pertinence des actes », par le Ministère de la santé (DGOS et DSS) et par la CNAMTS. Cette demande sinscrivait dans le cadre dune démarche générale dont lobjectif était lévaluation de la pertinence des actes réalisés en établissement de santé et la justification de leur prescription. Cette saisine concernait une série dactes qui interpellaient par laugmentation de leur fré- quence et/ou par la variation de leur taux de recours géogra- phique ou inter-établissement. En ce qui concerne la gastroen- térologie, la saisine initiale concernait « lendoscopie digestive, diagnostique et anesthésie en ambulatoire ». En réponse à cette saisine, la HAS a souhaité associer le CNP-HGE et les diffé- rentes composantes de la FSMAD pour valider un accord scientifique et professionnel fort et faciliter sa mise en œuvre. Groupe dorientation stratégique Afin dorganiser ce mode de travail collaboratif HAS-CNP HGE, il a été confié un travail préliminaire dapproche à D. Heresbach (*) Unité dendoscopie et de consultation digestive, centre hospitalier de Redon, 8, rue Étienne Gascon, F-35603 Redon e-mail : [email protected] P. Pienkowski Clinique du Pont de Chaume, 330 avenue Marcel Unal, F-82017 Montauban Acta Endosc. (2013) 43:307-312 DOI 10.1007/s10190-013-0357-6

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VIDEODIGEST ÉTAT DE L’ART 2013

Actualisation des recommandations sur le suivi après polypectomie.Que devons-nous faire en 2014 ?

New recommendations about polypectomy management. What should we do in 2014?

D. Heresbach · P. Pienkowski

© Springer-Verlag France 2013

Introduction

En raison de l’importance de la coloscopie pour prévenir lecancer colorectal (CCR) et de l’ancienneté des recommanda-tions en matière d’indications des coloscopies, la HAS, leConseil national professionnel des hépatogastroentérologues(CNP-HGE) et la Fédération des maladies de l’appareildigestif (FSMAD) ont souhaité réviser les recommandationssur le suivi après polypectomie. En effet, l’adénome est leprécurseur de la grande majorité des CCR – le délai de trans-formation du polype en cancer est estimé entre cinq et dixans – et il est bien établi que le recours à la coloscopie et, lecas échéant, à la polypectomie, diminuent la mortalité parCCR. Dans les années suivant l’ablation endoscopiqued’adénomes coliques, il y aurait récidive chez un quart àun tiers des patients avec adénomes, soulignant la nécessitéde réaliser des coloscopies d’excellente qualité.

La qualité de la coloscopie dépend entre autres de la qua-lité de la préparation, dont l’objectif est la visualisation detous les adénomes sans omettre ou négliger les lésions deplus de 5 mm. Si la qualité de la préparation (au moins iden-tifiée de manière qualitative ou mieux avec des scores – typeBoston ou Harefield) est insuffisante, il est recommandé derefaire l’examen dans les meilleurs délais.

Les patients aux antécédents personnels d’adénomes sontconsidérés à risque pour une récidive de polypes et, le caséchéant, de CCR. L’objectif de la surveillance par coloscopieest de prévenir la survenue ou le développement du cancerCCR en enlevant « à temps » de nouveaux adénomes, d’oùla nécessité d’optimiser le protocole de surveillance en fonc-

tion de la stratification du risque de développer ultérieure-ment des adénomes avancés. Cette stratification tient comptede facteurs techniques, liés au geste endoscopique ou aupatient, et des caractéristiques de l’adénome (nombre, taille,type histologique).

Un protocole de surveillance, prenant en compte cette stra-tification du risque de récidive et des conditions de réalisationde la coloscopie a pour objectif d’être pragmatique. Il a étéélaboré sur la base des dernières recommandations internatio-nales. Il s’agit d’une proposition de prise en charge et ne peuten aucun cas se substituer à la décision du médecin en face ducas particulier de chaque patient. Il peut néanmoins faciliterune décision partagée avec lui mais n’est pas conçu pour ser-vir de support à une quelconque opposabilité.

Méthodologie

Primum movens : saisine des tutelles

La HAS a été saisie, en juin 2010, du sujet « Pertinencedes actes », par le Ministère de la santé (DGOS et DSS) etpar la CNAMTS. Cette demande s’inscrivait dans le cadred’une démarche générale dont l’objectif était l’évaluation dela pertinence des actes réalisés en établissement de santé et lajustification de leur prescription. Cette saisine concernait unesérie d’actes qui interpellaient par l’augmentation de leur fré-quence et/ou par la variation de leur taux de recours géogra-phique ou inter-établissement. En ce qui concerne la gastroen-térologie, la saisine initiale concernait « l’endoscopie digestive,diagnostique et anesthésie en ambulatoire ». En réponse à cettesaisine, la HAS a souhaité associer le CNP-HGE et les diffé-rentes composantes de la FSMAD pour valider un accordscientifique et professionnel fort et faciliter sa mise en œuvre.

Groupe d’orientation stratégique

Afin d’organiser ce mode de travail collaboratif HAS-CNPHGE, il a été confié un travail préliminaire d’approche à

D. Heresbach (*)Unité d’endoscopie et de consultation digestive,centre hospitalier de Redon, 8, rue Étienne Gascon,F-35603 Redone-mail : [email protected]

P. PienkowskiClinique du Pont de Chaume, 330 avenue Marcel Unal,F-82017 Montauban

Acta Endosc. (2013) 43:307-312DOI 10.1007/s10190-013-0357-6

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trois sherpas, deux représentant la profession et le troi-sième la HAS : Philippe Marteau, Christian Boustière, Phi-lippe Cabarrot. Au terme de cette première réflexion, leCNPHGE/FSMAD valide la proposition de restreindre lechamp aux indications de la coloscopie et de cibler dans unpremier temps sur les « modalités de surveillance endosco-pique post-polypectomie ». Cette réflexion complète utile-ment les différents travaux nationaux déjà disponibles surle sujet (Convention HAS-CNPHGE sur la qualité des colos-copies, AcBUS coloscopie, indicateurs de performance avecCNAM, réflexion SFED sur les doubles actes endosco-piques…). De plus, les dernières recommandations de laHAS (anciennement ANAES) dataient de 2004 (HAS2004) et leur mise à jour était d’autant plus indispensableque de nouvelles notions sont apparues, notamment les can-cers d’intervalle et la description d’une nouvelle filière decancérogénèse rectocolique des polypes festonnés. Il parais-sait également utile de répondre à des questions pratiquestelles que : quand arrêter la surveillance, quand refaire unecoloscopie en cas de mauvaise préparation, que faire en casd’apparition de symptômes ou d’un dépistage Hemoccult™positif pendant l’intervalle de surveillance… Tous ces élé-ments sont susceptibles de s’intégrer ultérieurement dansun référentiel d’indications de la coloscopie à coté des indi-cations diagnostiques.

Le groupe de travail « Pertinence Coloscopies », composéd’experts représentant les différentes composantes scienti-fiques et professionnelles du CNP (les Dr Christian Bous-tière, Béatrice Dupin, Jean-Pierre Dupuychaffray, DenisHeresbach, Patrice Pienkowski et le Pr Philippe Marteau)ont travaillé sur la base des dernières recommandations amé-ricaines (Lieberman 2012), britanniques (Atkin 2010) eteuropéennes (EU 2012) et aussi de trois méta-analyses(Saini 2006, Martinez 2009 et 2012 et de Jonge 2011) consa-crées à l’étude du risque relatif de chaque facteur.

Le travail a été mené selon une méthode HAS « allégée »de manière à produire un document rapidement mis en œuvreet facile à actualiser. Cette méthodologie repose sur l’exploi-tation de données internationales existantes et un consensusd’experts. Le document de synthèse a été rédigé au terme d’unséminaire de rédaction qui s’est tenu dans les locaux de laHAS en mai et septembre 2013 ; il comporte une série demessages clés et un ensemble de critères de qualité de pra-tique permettant de structurer un programme de surveillance.

Le groupe de travail s’est attaché à répondre aux ques-tions suivantes : 1) classification du niveau de risque del’adénome (en fonction du risque d’apparition ultérieured’un adénome avancé ou d’un CCR) ; 2) délai de contrôleen cas d’adénomes à bas risque / haut risque ; 3) rythme desurveillance ultérieure après le premier contrôle ; 4) dated’arrêt de la surveillance ; 5) modalités de surveillance despolypes festonnés ; 6) identification et influence des co-facteurs techniques (préparation, complétude…) ; 7) identi-

fication et influence des co-facteurs liés au patient (âge, sexe,antécédents familiaux…). Pour l’élaboration des recomman-dations, le groupe de travail s’est appuyé principalement, àchaque étape et pour chaque item, sur les recommandationsdisponibles déjà publiées (américaine, européenne et britan-nique) et sur les trois méta-analyses. Les recommandationsne sont pas homogènes et divergent sur un certain nombre depoints ; parmi les méta-analyses, une est multivariée, identi-fiant donc des facteurs prédictifs indépendant (Martinez), lesdeux autres sont univariées dont une (De Jonge) postérieureà la rédaction des recommandations. Pour chaque critèreconsidéré, le groupe a tenu compte de la reproductibilitéentre les méta-analyses, de la valeur du risque relatif, de sonécart-type et en particulier de la borne inférieure, du testd’hétérogénéïté lorsque la donnée était disponible. Chaqueitem ne pouvant faire systématiquement l’objet d’une ana-lyse scientifique rigoureuse et consensuelle, le groupe detravail a également tenu compte de la pertinence cliniqued’ensemble et des recommandations déjà formulées, dansle cadre d’avis d’experts. Le schéma de convocation ulté-rieure est fondé non plus sur la seule stratification du risqueselon le polype, mais sur 3 types de facteurs (facteur tech-nique, facteur liés au patient, caractéristiques des polypes).Dans un esprit pragmatique, seuls deux groupes de polypesont été retenus : polypes de bas risque (PBR) et polypes dehaut risque (PHR), comme dans les recommandations amé-ricaines, car les critères de choix en trois groupes n’étaientpas homogènes entre elles dans les recommandationsanglaise et européenne. Le rôle majeur des polypes festonnés(soupçonnés d’être à l’origine de cancers du côlon droit et decancers d’intervalle) a été intégré en prenant en compte leurlocalisation et l’existence ou non de dysplasie. Par contre lecaractère villeux ne semble plus être un critère déterminantet indépendant. Le calendrier de surveillance est établi jus-qu’à la coloscopie n°4 ; il tient aussi compte de l’environne-ment administratif (accord de bon usage des soins et rému-nération sur objectifs de santé publique).

Le document de synthèse, volontairement concis et court,comporte : 1) au recto, un rappel de la problématique(« Quand faut-il faire une coloscopie de contrôle aprèsune polypectomie ? »), plus à l’attention des institutionnels,des médecins traitants et des patients ; 2) au verso, le « pro-tocole de surveillance post-polypectomie » proprement dit,à l’adresse des hépatogastroentérologues pour une utilisa-tion quotidienne.

Les premières conclusions du groupe de travail ont étésoumises à un groupe de relecture comprenant des expertsdésignés par la FSMAD et ses composantes pour valider lecaractère scientifiquement fondé et professionnellementapplicable du protocole de surveillance, ainsi que sur la pré-sentation des éléments décisionnels, notamment la facilité delecture et d’utilisation. Ce groupe comprend des hépatogas-troentérologues, mais aussi des médecins généralistes et des

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chirurgiens, identifiés pour leur connaissance du sujet et leurcapacité à traduire les différents points de vue (MaximilienBarret, Guillaume Bonnaud, Robert Benamouzig, JulienBranche, Christophe Cellier, Pierre Michel, Jean-Paul Jac-ques, Hervé Hagège, Thierry Helbert, Philippe Houcke,Bruno Lesgourgues, Thierry Lecomte, Xavier Moncoucy,David Parlier, Vincent Quentin, Michel Queralto, BrunoRichard-Molard, Jean-Christophe Saurin, Éric Vaillant).Ces experts ont été sollicités par le biais d’un questionnaireélectronique adressé par la HAS. La deuxième réunion dugroupe de travail a été consacrée, le 18 septembre, à l’ana-lyse des remarques, critiques et propositions faites par legroupe de lecture. Plusieurs points ont été ainsi rediscutéset ont fait l’objet, pour certains, d’amendements ponctuelsne remettant pas en cause l’architecture générale du projet.La réflexion a en particulier porté sur les points suivants :place des antécédents familiaux dans le rythme de surveil-lance après polypectomie, problématique de l’âge limiteauquel arrêter la surveillance, place de la composante vil-leuse, critères de qualité de la coloscopie initiale, problèmesde sémantique et vocabulaire pour le choix de certains ter-mes (polypectomie, récidive, coloscopie virtuelle…). Laversion définitive du document final a ensuite été soumispour validation à la FSMAD et aux sociétés savantes concer-nées, notamment la SFED et la SNFGE.

Le document final doit servir à l’amélioration des prati-ques et ne doit pas être considéré comme un outil d’évalua-tion ; la décision finale de l’indication de coloscopie appar-tient en effet toujours au médecin, dans le cadre de soncolloque singulier avec le patient.

Recommandations en 2013

Le protocole de surveillance est fonction de la stratificationdu risque de développer ultérieurement des adénomes avan-cés ou non avancés ou un CCR. Cette stratification tientcompte de facteurs techniques liés au geste endoscopique,de caractéristiques liées au patient et des caractéristiques del’adénome (nombre, taille, type histologique, localisation).

Facteurs techniques

Ils sont responsables jusqu’à 70 à 85 % des cancers d’inter-valle (essentiellement par polypes omis ou exérèseincomplète)

• Qualité de la préparation colique. L’objectif est la détec-tion de toutes les lésions, quelles que soient leur taille etleur morphologie. La qualité de la préparation est idéale-ment mesurée par un score quantitatif – comme le scorede Boston – ou semi-quantitatif ; une préparation descore ≥7 ou qualifiée « d’excellente », « de bonne » oude « moyenne » peut être considérée comme satisfaisante ;

• complétude de l’examen. La visualisation de l’orificeappendiculaire est indispensable, ce dernier est au mieuxphotographié, et les images peuvent être imprimées ounumérisées. L’examen de la muqueuse doit être attentif,en particulier lors du retrait ;

• résection complète. La résection peut avoir été incomplètepour des raisons techniques (complications locales, désa-turation du patient…), ou en raison de marges de sécuritémacro- ou microscopiques insuffisantes ;

• exérèse monobloc : le plus souvent possible, l’exérèsedoit être réalisée en une seule pièce mais les lésionsimportantes doivent parfois être enlevées par fragments(Piecemeal resection) ;

• ablation de la totalité des lésions lors de la même séanceen cas de polypes multiples. Elle n’est pas toujours pos-sible selon le nombre, la taille des lésions et la durée del’examen.

Facteurs liés au patient

• Antécédents familiaux de CCR ou d’adénomes (patient àrisque élevé, hors polypose génétique) motivant l’indica-tion de la coloscopie. En l’état actuel des connaissan-ces, aucune recommandation ne peut être faite, pour rac-courcir le délai (de cinq à trois ans) de surveillance post-polypectomie par rapport aux patients sans antécédentsfamiliaux – hors contexte particulier (antécédents préco-ces ou multiples) ;

• incertitude concernant les antécédents personnels depolypes. Le contrôle est à discuter en fonction de chaquecas particulier et de la disponibilité du dossier antérieur ;la traçabilité de la décision doit apparaître dans le dossiermédical ;

• arrêt ou poursuite de la surveillance en fonction des co-morbidités, souhaits et motivation du patient. La décisiond’arrêter ou de poursuivre la surveillance doit être argu-mentée et partagée avec le patient ; la traçabilité de la déci-sion doit apparaître dans le dossier médical. Au-delà de80 ans, le contrôle sera ou non indiqué en prenant en comptel’estimation de l’espérance de vie du patient (au moins cinqans) et prenant en compte les risques spécifiques de réaliserune coloscopie à un âge avancé (le risque de complica-tions chez les patients octogénaires augmente de 70 %) ;

En cas d’absence d’un des critères précédents, un nouvel exa-

men est à programmer dans les trois mois (prenant en compte

les règles médico-administratives en vigueur / AcBUS colo-

scopie). En cas d’impossibilité technique de réaliser une colo-

scopie complète, il convient d’envisager une coloscopie vir-

tuelle ou à défaut un coloscanner à l’eau selon les conditions,

voire une nouvelle tentative de coloscopie en optimisant

les conditions de réalisation.

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• âge, sexe, surpoids, tabac. L’âge supérieur à 60 ans ou lesexe masculin sont décrits dans la littérature comme desfacteurs de risque significatifs de récidive d’adénome,mais ne sont pas actuellement retenus dans les recomman-dations internationales. Le tabac ou l’obésité ne peuventpas être retenus pour modifier la stratégie de surveillanceaprès polypectomie ;

• survenue dans l’intervalle de nouveaux symptômes diges-tifs ou la réalisation d’un test Hemoccult™ (ou test indi-rect homologué) positif qui n’est pas recommandé danscette situation. Un contrôle est à discuter en fonction dechaque cas particulier, prenant notamment en comptel’ancienneté, la qualité de la coloscopie index et la naturedu (des) polype(s) précédemment réséqué(s). La traçabi-lité de la décision doit apparaître dans le dossier médical.

Caractéristiques du ou des polypes : classificationdes patients selon le risque attribué par les polypes

Selon le(s) polypes(s) retrouvé(s) lors de la coloscopie index(Colo 1), qu’il(s) soi(ent) adénomateux (PA) ou festonné(s)(PF), on distingue :

• un groupe de polypes à bas risque (PBR) défini par unnombre de polypes <3 et de taille <10 mm et en dysplasiede bas grade pour les adénomes, ou sans « aucune » dys-plasie pour les polypes festonnés;

• un groupe de polypes à haut risque (PHR) défini par unnombre de polypes ≥3 ou de taille ≥10 mm ou en dyspla-sie de haut grade pour les adénomes ou toute dysplasiepour les polypes festonnés.

Le caractère villeux de l’adénome précédemment retenucomme facteur de risque de récidive n’apparaît plus demanière nette ou significative dans les études multivariéesdes dernières méta-analyses comme un facteur prédictif derécidive (RR<1,5), nettement moins puissant que la taille etle nombre d’adénome(s) (taille ≥1 cm, RR entre 1,7 et 2,9,nombre d’adénomes ≥3 : RR entre 2,1 et 3,9). Toutefois, lesrecommandations (États-Unis et Europe) gardent ce carac-tère villeux comme facteur (optionnel pour EU) de re-convocation à trois ans.

Le caractère proximal de l’adénome (en amont de l’anglecolique gauche) jamais retenu comme facteur de risque derécidive apparaît de manière de plus en plus nette et signifi-cative dans les études multivariées des dernières méta-analyses comme un facteur prédictif de récidive. Il apparaîtcomme un facteur pouvant modifier la décision, car sonimpact a une valeur proche de celle de la dysplasie de hautgrade. Aucune recommandation ne garde ce caractère proxi-mal comme facteur de reconvocation précoce à trois ans.

La surveillance par coloscopie ultérieure dépend de ladétection ou non de nouveaux adénomes (avec retour enboucle sur la classification par stratification du risque liéà la nature du polype) et du niveau de risque du patient.

Rythme de surveillance pour polypesadénomateux ou festonnés

En tenant compte du résultat à la coloscopie et en classantle risque selon les deux groupes (PBR et PHR), il est proposéle schéma suivant (Tableau 1) :

Tableau 1 Rythme et délai de surveillance endoscopique après polypectomie en cas de polypes adénomateux ou festonnés.

Date Colo 2 selon

résultat de Colo 1

Résultats Colo 2 Date Colo 3 Résultats Colo 3 Date Colo 4

PBR à Colo 1 PHR 3 ans PHR 3 ans

Colo 2 à 5 ans* PBR 5 ans* PBR 5 ans*

Pas de polype 5 ou 10 ans** Pas de polype 5-10 ans ou stop***

PHR à Colo 1 PHR 3 ans PHR 3 ans

Colo 2 à 3 ans* PBR 5 ans* PBR 5 ans*

Pas de polype 5 ans Pas de polype 5 ans

* En cas d’antécédent familial au premier degré de néoplasie colique, il n’y a PAS de rapprochement de la coloscopie de contrôle

à 3 au lieu de 5 ans.

** Selon niveau de risque du patient défini par les antécédents personnels ou familiaux de CCR ou d’adénomes : risque

élevé (cinq ans) ou risque moyen (dix ans).

*** Selon niveau de risque du patient défini par les antécédents personnels ou familiaux de CCR ou d’adénomes : risque

élevé (cinq à dix ans) ou risque moyen (stop et retour à la campagne nationale de dépistage).

Dans ce cas, le contrôle endoscopique (Colo 2) est recommandé

à cinq ans

Dans ce cas, le contrôle endoscopique (Colo 2) est recommandé

à trois ans.

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Les propositions relatives aux coloscopies éloignées (3 et4) ont un niveau de preuve faible de type avis d’experts.

Cas particuliers des polypes hyperplasiquesou festonnés (Tableau 2)

Une filière carcinologique spécifique concernant les adéno-mes/polypes festonnés (PF) a récemment été identifiée.Outre leurs spécificités moléculaires, leurs caractéristiquesmorphologiques les rendent susceptibles d’être plus diffici-lement visualisés en endoscopie et d’être incomplètementenlevés par polypectomie. Cela pourrait être une des expli-cations des CCR dits d’intervalle. Certaines données suggè-rent aussi que la progression des adénomes festonnés versle CCR pourrait être plus rapide que dans la séquenceadénome-cancer « traditionnelle ».

Les polypes hyperplasiques (PH) rectosigmoïdiens depetite taille ne sont pas un facteur de risque pour la survenuede CCR ou d’adénomes dits avancés. Les polypes hyperpla-siques de plus de 10 mm (quelle que soit la localisation) ou<10 mm en amont du rectosigmoïde posent la question deleur diagnostic différentiel avec les polypes/adénomes fes-tonnés et nécessitent une relecture histologique au moindredoute (certains experts soutiennent que les PH proximaux ≥10 mm doivent être considérés comme des PF). Ainsi, en casde PH<10 mm, quelle que soit sa localisation (rectosigmoï-dienne ou en amont sur le côlon descendant transverse oudroit), la surveillance est définie selon le niveau de risquedu patient du fait des ses antécédents coliques personnelsou familiaux. En cas de PH, quel que soit le siège, une colo-scopie à cinq ans est recommandée en cas de confirmation dePH≥10 mm ou PF<10 mm sans dysplasie.

En cas de PF≥10 mm ou <10 mm avec dysplasie, unecoloscopie à trois ans est préconisée. Ces recommandationssimplifient la prise en charge des PH datant de 2004 (Aprèsexérèse de polypes hyperplasiques, une surveillance par

coloscopie totale à cinq ans est recommandée quand ils sontde grande taille [>1 cm] ou multiples [n>5] et de siègecolique ou siégeant sur le côlon proximal dans un contexted’antécédent familial de polypose hyperplasique).

Tableau 2 Cas des polypes hyperplasiques (après réévaluation

avec l’anapathologiste si ≥10 mm, ou <10 mm et en amont

du rectosigmoïde).

PH ≥10 mm quel que soit le siège

ou PF <10 mm ET sans dysplasie

=> Idem PBR = colo à 5 ans

PF ≥10 mm OU avec dysplasie

=> Idem PHR = colo à 3 ans

PH <10 mm quel que soit le siège

=> Surveillance selon le niveau de risque du patient

en fonction des antécédents personnels ou familiaux de CCR

ou d’adénome

Pour la pratique, on retiendra

• Les polypes de type adénome sont classés en deux groupes

de risque de récidive selon leurs caractéristiques incluant la

taille, le nombre et le degré de dysplasie mais sans plus tenir

compte de la composante villeuse ;

• en cas d’antécédent familial au premier degré de néoplasie rec-

tocolique (cancer ou adénome), le délai et la date de suivi après

coloscopie index ne sont pas modifiés du fait de ses antécé-

dents. Le délai du contrôle par coloscopie n’est pas modifié

ou avancé et en particulier rapproché de cinq à trois ans

pour les patients avec des adénomes à bas risque de récidive

(< 10 mm ET en nombre <3 ET en dysplasie de bas grade) ;

• le rythme et le délai de surveillance par coloscopie après abla-

tion d’adénome de bas ou haut risque (≥10 mmOU en nombre

≥3 ou en dysplasie de haut grade) est toujours respectivement

à cinq et trois ans pour le premier contrôle mais le rythme des

coloscopies ultérieures dépend à chaque contrôle du type

d’adénome (absent, bas ou haut risque de récidive) ;

• en cas d’adénomes(s) de bas risque à la coloscopie index et

d’absence d’adénome au premier contrôle à cinq ans, la date

du contrôle ultérieur est à cinq ou dix ans selon que le patient

est à risque élevé de CCR (antécédents familaux de CCR ou

d’adénome ou personnels de CCR) ou moyen (pas d’antécé-

dents familiaux) ;

• en cas d’adénomes(s) de bas risque à la coloscopie index et

d’absence d’adénome au premier et second contrôle, le délai

du prochain contrôle (c’est-à-dire la 4e coloscopie) est cinq à

dix ans ou s’arrête selon que le patient est à risque élevé de

CCR (antécédents familaux de CCR ou d’adénome ou per-

sonnels de CCR) ou moyen (pas d’antécédents familiaux) ;

• les polypes hyperplasiques de plus de 10 mm (quelle que soit

la localisation) et les polypes hyperplasiques en amont du

rectosigmoïde (quelle que soit leur taille) sont difficiles à dis-

tinguer des adénomes sessiles festonnés et nécessitent une

relecture histologique en cas de doute ;

• les patients porteurs de polypes de type festonné sont surveil-

lés comme ceux porteurs d’adénomes classiques en fonction

du groupe à bas ou haut risque de récidive et appartiennent à

ce dernier groupe dès qu’ils présentent des signes de dyspla-

sie sont ≥ 10 mm ;

• l’arrêt de la surveillance par coloscopie après 80 ans, est une

décision individuelle et prise en concertation en tenant compte

de l’espérance de vie et de la balance bénéfice-risque de l’endo-

scopie. En cas d’espérance de vie demoins de 5 ans, il n’est plus

recommandé de poursuivre la surveillance endoscopique.

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Conflit d’intérêt : Le Pr Denis Heresbach a réalisé des mis-sions ponctuelles d’expert auprès des laboratoires Norgine,Aptalis en 2010 et de la société MedPass, Norgine et Aptalisen 2011. Il a participé à un symposium organisé par MaunaKea Technology en 2010, Ella SA en 2011 et au Club fran-cophone d’échoendoscopie (CFE) de 2012 avec le soutiende Wilson-Cook France.

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