Acidose métabolique et augmentation de la créatine kinase dans l'asthme aigu sévère role...

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M~'MOIRE ORIGINAL DEACIDOSE METABOLIQUE ET AUGMENTATION LA CREATINE KINASE DANS L'ASTHME AIGU Sk'VERE OLE POSSIBLE DES MUSCLES RESPIRA TOIRES J. VlLLARD, MO (*, * * *), J.L. MAGNENA T, MD (* *), P. JOLLIET, MD (* * *), J.C. CHEVROLET, MD (* * *) R#SUMI~ SUMMARY L'asthme aigu s6v~re (AAS) peut s'accompaguer d'une acidose m6tabolique et d'une 6Mvation de la cr~atine kinase (CK) d'ori- gine musculaire. Nous avons pos6 l'hypoth~se que ces anomalies sont li6es &la gravit6 de la crise d'AAS et qu'elles pourraient tra- duire la pr6sence d'une isch6mie des muscles respiratoires, sou- mis & un travail intense en conditions d'apport en substrats rdduit. M6thodes : 16 malades avec une crise d'AAS ont 6t6 suivis durant tout leur s6jour aux Soins Intensifs. Les CK totaux (frac- tion MM) furent 61ev6s chez tousles malades, qui ont tous pr6- sent6 une acidose m6tabolique; le suivi nous permettant de d6finir un index int6grant les valeurs de CK en fonction du temps d'obser- vation (SNCK). R6sultats : Deux groupes de patients, d6finis selon une valeur de SNCK < > tt 150, ont 6t6 idenfifi6s. Ils different par la gra- vitd de I'AAS, les malades avec SNCK > 150 prdsentant une aci- d6mie et une hypercapnie plus marqu6es, une obstruction bronchique plus s6v~re ; l'intubation a 6t6 n6cessaire chez la majo- rit6 d'entre eux. Aucun patient n'a pr6sent6 d'616ments sugg6- rant le d6veloppement d'un 6tat de choc. Une acidose m6tabolique a 6t6 pr6sente chez tousles patients, soit d~s l'admission, soit retar- d6e (apparaissant apr~s 36 heures). La s6v6rit6 de l'acidose m6.ta- bolique est en relation avec l'augmentation des CK, dont le pic survient apr&s 58 heures. Conclusion : L'616vation des CK et l'acidose m6tabolique pour- raient etre dues tt une sollicitation majeure des muscles respira- toires, soumis ~ un travail important, dans des conditions g6om6triques d6favorables. Cette sollicitation serait assez intense pour d6passer les possibilit6s d'apport en substrats vers ces memes muscles ; elle pourrait ainsi ~tre ~ l'origine d'un m6tabolisine ana6- robe local. Enfin, des 16sions cellulaires, lors de la reperfusion, ou meme survenues durant le travail intense, pourraient 6gale- ment expliquer cette lib6ration de CK. Metabolic acidosis and elevation of plasma creatine kinase in acute severe asthma : a potential role for the respiratory muscles Acute severe asthma (ASA) may be associated with metabolic aci- dosis and increased plasma creatine kinase (CK). We hypothetized that these disorders are related to the severity of the asthma cri- sis and may suggest respiratory muscle ischemia due to an ex- cessive workload imposed to these muscles. Methods : 16 patients with ASA were studied during the Inten- sive Care period, with serial measurements of CK, arterial blood gases and pulmonary function tests. All patients had elevated CK (MM fraction) and a metabolic acidosis. An index integrating CK over time (SNCK), was designed. Results : Two groups of patients were identified, according to SNCK level : patients with SNCK > 150 were more acidemic and hypercapnic, required more often mechanical ventilation and had a more severe airway obstruction than patients with SNCK < 150. All patients showed a metabolic acidosis, either immediately at admission in the hospital, or after a delay (mean 36 hours). Plas- ma CK elevation (maximal value 58 hours after admission) was related to the metabolic acidosis. No patients was hypotensive at any time. Conclusion : CK elevation and metabolic acidosis in ASA could be explained by an excessive respiratory muscle stress, as they seem to occur concomitantly, without any demonstrable cause. Substrate supply to these muscles might be insufficient to meet the respiratory work load, thus entailing localized anaerobic metabolism, in turn leading to cellular damage with release of CK. Mots-cl~s :Asthme s6v~re, acidose m6tabolique, cr6afine kinase, fatigue musculaire respiratoire. Key-words : Severe asthma, metabolic acidosis, creatine kinase,, respiratory muscle fatigue. * Clinique de M6decine II; ** Division de Pneumologie; *** Soins Intensifs de M6decine ; D6partement de M6decine, H6pital Cantonal Universitaire, Gen#ve, Suisse. Correspondanoe : Dr J.C. Chevrolet, Soins Intensifs de M6de- cine, H6pital Cantonal Universitaire, CH-1211 Gen6ve 4. Re(~u en juin 1992. Accept6 en octobre 1992. L'asthme aigu est g6n6ralement associ6 ~ une hyperventilation ; l'analyse des gaz du sang art6riel r6v61e une alcal6mie par alcalose respiratoire, tant que la crise n'est pas trop grave. Quand l'obstruc- tion devient plus s6v~re, la PaCO2 et le pHse normalisent, et si la situation s'aggrave encore R~an. Urg., 1993, 2 (3), 259-266

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M~'MOIRE ORIGINAL

DEACIDOSE METABOLIQUE ET A U G M E N T A T I O N LA CREATINE K INASE DANS L 'ASTHME A IGU Sk'VERE

OLE POSSIBLE DES MUSCLES RESPIRA TOIRES

J. V lLLARD, MO (*, * * *), J.L. M A G N E N A T, MD (* *), P. JOLLIET, MD (* * *), J.C. CHEVROLET , MD (* * *)

R#SUMI~ SUMMARY

L'asthme aigu s6v~re (AAS) peut s 'accompaguer d'une acidose m6tabolique et d 'une 6Mvation de la cr~atine kinase (CK) d'ori- gine musculaire. Nous avons pos6 l'hypoth~se que ces anomalies sont li6es & la gravit6 de la crise d 'AAS et qu'elles pourraient tra- duire la pr6sence d'une isch6mie des muscles respiratoires, sou- mis & un travail intense en conditions d'apport en substrats rdduit. M 6 t h o d e s : 16 malades avec une crise d 'AAS ont 6t6 suivis durant tout leur s6jour aux Soins Intensifs. Les CK totaux (frac- tion MM) furent 61ev6s chez tousles malades, qui ont tous pr6- sent6 une acidose m6tabolique; le suivi nous permettant de d6finir un index int6grant les valeurs de CK en fonction du temps d'obser- vation (SNCK). R 6 s u l t a t s : Deux groupes de patients, d6finis selon une valeur de SNCK < > tt 150, ont 6t6 idenfifi6s. Ils different par la gra- vitd de I'AAS, les malades avec SNCK > 150 prdsentant une aci- d6mie et une hypercapnie plus marqu6es, une obstruction bronchique plus s6v~re ; l'intubation a 6t6 n6cessaire chez la majo- rit6 d 'entre eux. Aucun patient n 'a pr6sent6 d'616ments sugg6- rant le d6veloppement d'un 6tat de choc. Une acidose m6tabolique a 6t6 pr6sente chez tousles patients, soit d~s l'admission, soit retar- d6e (apparaissant apr~s 36 heures). La s6v6rit6 de l'acidose m6.ta- bolique est en relation avec l 'augmentation des CK, dont le pic survient apr&s 58 heures. C o n c l u s i o n : L'616vation des CK et l'acidose m6tabolique pour- raient etre dues tt une sollicitation majeure des muscles respira- toires, soumis ~ un travail important, dans des conditions g6om6triques d6favorables. Cette sollicitation serait assez intense pour d6passer les possibilit6s d'apport en substrats vers ces memes muscles ; elle pourrait ainsi ~tre ~ l'origine d'un m6tabolisine ana6- robe local. Enfin, des 16sions cellulaires, lors de la reperfusion, ou meme survenues durant le travail intense, pourraient 6gale- ment expliquer cette lib6ration de CK.

M e t a b o l i c a c i d o s i s a n d e l e v a t i o n o f p l a s m a c r e a t i n e k i n a s e in a c u t e s e v e r e a s t h m a : a p o t e n t i a l r o l e f o r t h e r e s p i r a t o r y m u s c l e s

Acute severe asthma (ASA) may be associated with metabolic aci- dosis and increased plasma creatine kinase (CK). We hypothetized that these disorders are related to the severity of the asthma cri- sis and may suggest respiratory muscle ischemia due to an ex- cessive workload imposed to these muscles. M e t h o d s : 16 patients with ASA were studied during the Inten- sive Care period, with serial measurements of CK, arterial blood gases and pulmonary function tests. All patients had elevated CK (MM fraction) and a metabolic acidosis. An index integrating CK over time (SNCK), was designed. R e s u l t s : Two groups of patients were identified, according to SNCK level : patients with SNCK > 150 were more acidemic and hypercapnic, required more often mechanical ventilation and had a more severe airway obstruction than patients with SNCK < 150. All patients showed a metabolic acidosis, either immediately at admission in the hospital, or after a delay (mean 36 hours). Plas- ma CK elevation (maximal value 58 hours after admission) was related to the metabolic acidosis. No patients was hypotensive at any time. C o n c l u s i o n : CK elevation and metabolic acidosis in ASA could be explained by an excessive respiratory muscle stress, as they seem to occur concomitantly, without any demonstrable cause. Substrate supply to these muscles might be insufficient to meet the respiratory work load, thus entailing localized anaerobic metabolism, in turn leading to cellular damage with release of CK.

Mots -c l~s :Asthme s6v~re, acidose m6tabolique, cr6afine kinase, fatigue musculaire respiratoire.

K e y - w o r d s : Severe asthma, metabolic acidosis, creatine kinase,, respiratory muscle fatigue.

* Clinique de M6decine II ; ** Division de Pneumologie; *** Soins Intensifs de M6decine ; D6partement de M6decine, H6pital Cantonal Universitaire, Gen#ve, Suisse. Correspondanoe : Dr J.C. Chevrolet, Soins Intensifs de M6de- cine, H6pital Cantonal Universitaire, CH-1211 Gen6ve 4. Re(~u en juin 1992. Accept6 en octobre 1992.

L ' a s t h m e a i g u e s t g 6 n 6 r a l e m e n t a s s o c i 6 ~ u n e h y p e r v e n t i l a t i o n ; l ' a n a l y s e d e s g a z d u s a n g a r t 6 r i e l r6v61e u n e a l c a l 6 m i e p a r a l c a l o s e r e s p i r a t o i r e , t a n t q u e la c r i s e n ' e s t p a s t r o p g r a v e . Q u a n d l ' o b s t r u c - t i o n d e v i e n t p l u s s 6 v ~ r e , l a P a C O 2 e t le p H s e n o r m a l i s e n t , e t s i la s i t u a t i o n s ' a g g r a v e e n c o r e

R~an. Urg., 1993, 2 (3), 259-266

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(, Asthme aigu sfiv~re ,, ou AAS), une acid~mie par acidose respiratoire se d~veloppe [1]. I1 est possible que cette hypercapnie traduise une fatigue des mus- cles respiratoires, mais elle pourrait ~galement reprfi- senter un mficanisme rSflexe de d~fense contre la survenue de l '@uisement de la musculature inspira- toire [2, 4]. Chez l'adulte comme chez l'enfant, dans I'AAS, on peut ~galement observer une acidose mfita- bolique. L'origine de cette acidose semble parfois lifie

une c~tose chez l'enfant, alors qu'une acidose lac- tique est trouvfie, la plupart du temps, chez l'adulte [5, lO].

La cause de cette acidose n'est pas claire. Plusieurs m~canismes ont fit~ invoqufis. Tout d'abord, l'aug- mentation du travail des muscles respiratoires li~ l'obstruction bronchique due au bronchospasme, l'ced~me de la muqueuse et aux bouchons muqueux [11] entrainant une augmentation considerable de la r~sistance des voies a~riennes et une hyperinflation dynamique progressive [12, 131. Le deuxi~me facteur invoqu~ est la diminution du d~bit cardiaque, qui est provoqufie par les contraintes m~caniques exerc6es sur les deux ventricules [14, 15]. L'augmentation des cat6cholamines endog~nes circulantes et l'effet des m~dicaments, principalement les fl2-mim6tiques et les d~riv~s de la th~ophylline qui peuvent stimuler la pro- duction d'acide lactique [16, 18], est un troisi~me fac- teur impliqufi. Une diminution de l'@uration du lactate par le foie [19, 24] est le dernier mficanisme invoqu6. Les muscles inspiratoires, notamment le diaphragme, semblent toutefois remarquablement r6sistants 5 l'hypoxie, et la production de lactate ce niveau est exceptionnelle [25]. I1 faut sans doute que soient simultan6ment pr~sentes plusieurs conditions d~favorables pour que ces muscles devien- nent des g~n~rateurs d'acide lactique : une sollicita- tion mficanique extreme, un tr&s petit d6bit cardiaque et une hypoxfimie syst6mique. Des conditions qui peuvent etre pr6sentes dans l'asthme aigu s6v&re.

Chez l'adulte, lors d'une crise d'AAS, on peut assis- ter ~ une 616vation de la crfiatine kinase d'origine musculaire (CK, isoenzymes CKMM) [26, 28]. Les donnfies disponibles sont tr&s divergentes quant ~ une fiventuelle relation entre l'augmentation des CK et des crit~res de gravit6 de I'AAS, comme la pr6sence et l'intensitfi d'un pouls paradoxal, le pH, la PaCO2, la PaO~ ou l'fivolution clinique de la crise. Toutefois, tous les auteurs s'accordent ~ penser que les contrac- tions vigoureuses et r6pfit6es des muscles inspiratoi- res repr6sentent un exercice majeur, et qu'elles peuvent entrainer une n~crose de ces muscles et un relfichement enzymatique dans le sang, comme on peut l 'observer dans d'autres situations de stimula- tion musculaire intense [29, 30].

La pr6sence d'une acidose m6tabolique et l'6lfiva- tion des CK pourrait repr6senter l'expression d'une cause pathog~nique commune. C'est pourquoi nous avons fimis deux hypotheses qui sont fi la base de ce travail : ROan. Urg., 1993 , 2 (3), 2 5 9 - 2 6 6

-- la premiere voudrait que la presence d'une acidose m~tabolique et de l'~16vation des CK soit due

un trouble syst~mique, et que la charge acide et les enzymes proviennent de toute sorte de tissus de l'organisme, soumis ~ une aggression g~n~ralis~e, notamment en raison de l'hypoperfusion qui carac- t~rise le coeur pulmonaire aigu souvent rencontr~ darts I'AAS ;

- - la deuxi~me exprimerait le fait que l'acidose et l'~16vation des CK trouveraient leur origine au niveau des muscles respiratoires, en raison de leur sollicitation extreme, dans des conditions difficiles, au moment de la crise d'AAS.

Nous avons ~tudi~, de faqon r~trospective, un groupe de 16 asthmatiques, hospitalis~s aux Soins Intensifs (SI) pour une crise d'AAS. Darts cette popu- lation, suivie longitudinalement pendant une semaine au moins, nous avons 6tabli les cin~tiques des deux param~tres biologiques d'int~ret, soit les CK et un param&tre d'acidose mStabolique, et relev~ les rap- ports quantitatifs entre ces deux variables, ainsi que leurs relations avec d'autres caract~ristiques biolo- giques et cliniques des patients.

• Materiel et m6thodes

Patients

Seize malades admis aux Soins Intensifs (SI) pour uue crise d'AAS, d~finie comme une crise d'asthme grave, persistant plus de quelques heures et r6sistant au traitant ambulatoire habituel, associ~e ~ des gaz du sang art~riel montrant une normo- ou une hyper- capnie (stades 3 ou 4) [31] ont 6t6 inclus darts l'~tude. Ont 6t6 exclus les asthmatiques qui pr~sentaient : une insuffisance r~nale (cr~atinine plasmatique > 120 #mol/1 ; les patients avec une insuffisance h@a- tique (augmentation des ASAT - ALAT > 50 ui/1),les malades souffrant d'hypothyroidie [32], de myo- ou neuropathie [33], d'hypokali6mie chronique [34] induite par des m~dicaments [35], ou d'origine fami- liale [34], d'insuffisance cardiaque gauche (anamn~se, image radiologique compatible), d'infarctus du myo- carde et de chute r~cente. Nos seize malades sont d'~ge moyen, en majorit~ des femmes (75 °70) ; ces patients souffrent d'asthme depuis une p6riode tr~s variable (2-60 ans), et le d~but des sympt6mes de la crise d'AAS actuelle oscille entre 1 et 10 jours ( Tabl. 17).

D~s leur admission aux soins intensifs, les mala- des sont suivis par une ~quipe m~dico-infirmi~re sta- ble et exp~riment~e dans le traitement de I'AAS. Ils sont 6quip~s d'un catheter art6riel radial, qui permet de mesurer fr~quemment leurs gaz du sang art~riel. Les param~tres cliniques mesur~s sont les signes vitaux (fr~quences cardiaque et respiratoire, pression art~rielle syst~mique (sanglante), pouls paradoxal (d~fini comme une diminution de plus de 15 mmHg

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Acidose m#tabol ique et augmentation de la cr#atine kinase - 2 6 1 -

T a b l e a u I DonnOes anthropomOtriques et principaux paramOtres mesurOs (a I'admission *)

Patients Age Sexe VM SNCK Fc* PAm* DEP* CK* pH* PaCO= PaO= BE* AG* Groupe (ans) (jours) (/min) (mmHg) (L/rnin) (U/L) (kPa) (kPa) (mEq/I) (mEq/I)

1 26 F 5 2 327 140 98 0 86 6,90 16,0 6,70 - 18,0 18,0 A 2 59 M 0 40 144 90 220 88 7,23 7,5 6,8 - 5,3 20,0 B 3 62 F 0 70 155 100 170 14 7,35 5,8 10,5 0,0 25,0 B 4 38 M 2 235 140 150 0 95 7,17 7,3 7,0 - 9,0 30,0 A 5 59 M 0 207 120 90 110 107 7,35 5,3 8,5 - 3,3 22,0 A 6 75 F 0 108 100 90 80 55 7,23 7,4 6,8 - 5,3 15,0 B 7 49 F 2 422 136 160 0 4 7,17 10,2 7,2 - 6,0 18,0 A 8 66 M 0 32 113 90 110 105 7,18 8,5 4,9 - 6,5 17,0 B 9 44 F 0 7 112 100 130 102 7,23 6,5 13,0 - 6,3 24,0 B

10 53 F. 0 41 160 150 70 45 7,39 5,2 7,0 - 3,8 25,0 A 11 36 F 0 454 124 130 130 220 7,21 8,8 7,0 - 3,8 25,0 A 12 25 F 0 29 128 90 60 196 7,37 4,9 7,6 - 3,8 22,0 B 13 27 F 0 57 120 90 130 55 7,34 5,2 5,5 - 4,0 20,0 B 14 40 F 0 84 140 110 100 190 7,31 5,8 10,0 - 4,0 10,0 B 15 20 ' F 4 1 672 120 100 0 210 7,14 9,6 8,2 - 5,0 25,0 A 16 39 F 8 5 375 92 90 0 181 7,14 6,5 5,4 - 10,0 17,0 A

Moyenne 45 - - 3,8 698 127 112 81 142 7,23 7,5 7,8 - 5,7 17,0 - - (dcart- (16) - - (1,6) (1 410) (18) (27) (68) (92) (0,12) (4,9) (2,1) (4,2) (5,0) - - type)

Abr~viations : M, F : hornmes, femmes ; VM : dur~e de la ventilation rnecanique (jours) ; Fc : frequence cardiaque ; PAm : pression art~rielle syst~mique moyenne ; DEP : d~bit de pointe expiratoire ; CK : creatine kinase totale ; SNCK : surface sous la courbe de CK (voir. Mdthodes ,,) ; BE : d~ficit (ou exc6s) de base ; AG : trou anionique ; Groupes (A, B) : pour leur d~finition, vo i r . R~sultats ,,.

de la pression systolique 5 l'inspiration spontanfie, mesurfis de faqon continue. Le d6bit de pointe expi- ratoire (~< Peak Expiratory Flow Rate ,,, PEFR) est mesurfi toutes les 4 heures au moyen d'un appareil de Wright.

Les param~tres paracliniques mesur~s sont, dans le sang veineux, sodium, potassium, chlore, CO2 total, phosphore, magnesium, calcium, urge, cr~atinine, transaminases (ASAT, ALAT) selon les m~thodes de chimie clinique standard de l'H6pital Cantonal Uni- versitaire de Gen~ve. La cr~atine kinase (CK totale (CKtot) et fraction MB) est mesur~e par un test UV optimis~ (NAC, Merck [37]), les isoenzymes par le m~me test, apr~s adjonction d'un anticorps antifrac- tion M ajoutfi lors de la premiere r~action (valeurs normales : < 220 U/L pour les hommes, < 150 U/L pour les femmes ; CKMB > 6 % des CKtot pour ~tre consid~r~s comme ~lev~). Dans le sang art~riel, le pH, les PaO2 et PaCO2 sont mesur~s plusieurs fois par jour par le cathfiter art6riel (gazom~tre de type Radiometer ~,~ ABL 330).

Les param~tres calculfis sont le trou anionique (, Anion Gap ,,, ou AG) qui est calcul~ selon la for- mule : AG ; (Na + K) - (C1 + Bicarbonate (CO~ total)) en mEq/1. La difffirence alv~oloart~rielle pour l'oxyg~ne (D(A-a)O~, exprim~e en kPa), est calcul~e selon la formule : D(A-a)O~ = PIOx - PaCOJQR [100], o1'1 le QR repr~sente le quotient respiratoire, estim~ ~ 0.8. La dose quotidienne de salbutamol (mg) a ~te mesur~e, et cumulfie pour les jours d'observa- tion. Afin d'~valuer la quantit~ globale des CKtot observ~es dans le plasma chez chaque malade, nous avons calculfi la surface sous la courbe CKtot (U/L) versus temps, soit l'intdgrale en fonction du temps des

mesures des CKtot, une valeur ayant 6t6 r~coltfe tou- tes les 12 heures, et ce jusqu'au moment o~1 la valeur de CK rejoignait la valeur normale pour le sexe des malades. Cette intfigrale, appel~e d~s lors << SNCK ~ a ~tfi normalis~e pour la masse musculaire des patients, cette derni~re 6rant estim6e ~ l'aide de la cr6atinine plasmatique, puisque aucun malade n'a pr~sent~ d'insuffisance r6nale durant la pfiriode d'observation. Cette m6thode d'fivaluation de la masse musculaire lfis~e s'inspire des mesures d'~va- luation de la quantit6 de muscle myocardique n6cro- s6e lors d'un infarctus [38, 39].

Le traitement de I'AAS, dans notre institution, est protocolfi : oxyg~nothfirapie lib6rale (SaO~ > 90 %), salbutamol intraveineux 5-40 ~g/min, m6thylpred- nisolone intraveineux 5 mg/kg poids corporel, aminophyll ine in t raveineux, dose charge 6 mg/kg/20 min, puis infusion de 0,5-1 mg/kg/h, sauf si des effets secondaires apparaissent (12 malades sur 16 ont requ de i'aminophylline). En cas d'6puisement, de dyspn6e intol6rable, ces patients seront intub~s et une ventilation mficanique ~ pression positive est instaur~e, avec une s6dation (midazolam en infusion) et curarisation (bromure de pancuronium), selon la technique d'hypoyentilation contr61fie [36], destin6e

maintenir les pressions d'inflation dans les voies a6riennes < 50 cmH20. Aucun malade n'a requ de solution tampon (bicarbonate ou autre substance).

Statistiques

Le logiciel Star View II (Macintosh, Apple inc.) a fit~ utilisfi pour l'analyse statistique : les comparai- sons entre des variables continues ont ~t~ effectu~es

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l'aide de tests de t (Student), appari~s ou non, ou de tests de Wilcoxon ou Mann-Whitney, selon la dis- tribution des valeurs, des tests de x-carr~ pour les proportions, et des analyses de variance selon les cir- constances. Une valeur de probabilit6 p < 0,05 a ~t~ consid6r6e comme indicative d'une difference signi- ficative.

• R6sultats

L'analyse des param&tres cliniques ~ l'admission est montrEe sur le tableau I. Cinq malades se pr~sen- tent avec un PEFR non mesurable ; ils doivent Etre intub~s et venfilEs dans les 12 heures suivant l'admis- sion : 0,5 ~ 12 heures (moyenne ± 6cart-type : 2,3 4- 0,6 heures). La dur6e de la ventilation m~canique fur de 3,8 4- 1,6 (moyenne 4- ~cart-type) m~diane : 5 jours, dtendue des valeurs 2-5 jours). Aucun patient ne prdsente un pouls paradoxal > 20 mmHg, mais la fiabilit~ de la mesure en urgence, par voie non san- glante n'est pas garantie. Aucun malade n'a prEsent~ d'hypotension artdrielle, ni d'anomalie ~lectrocardio- graphique ~voquant une surcharge ventriculaire ou auriculaire droite. Tousles param&tres biologiques mesur~s f~ l'admission sont dans les normes, y com- pris le taux des CKtot et de la fraction MB de l'enzyme, ~ l'exception du trou anionique et des mesures gazomdtriques (pH, PaCO~, PaO2, CO2 total) ; les malades pr6sentent, globalement une aci- d~mie par acidose respiratoire, avec une reserve alca- line abaiss~e (Tabl. 11). L'isoenzyme CKMB reste dans les normes lors de la p~riode d'observation, seule l'Evolution des CKtot sera consid~rEe par la suite.

La figure 1 montre l'~volution des CKtot lors de la p~riode d'observation : on voit que, chez quatre malades, le mouvement de CKtot n'exc~de pas la limite sup~rieure de la valeur normale, alors que chez douze malades, une augmentation des CKtot a ~tE constat~e.

L'int~gration de la courbe CKtot versus temps (SNCK ; voir , MEthodes ,) a pennis de s@arer deux populations de malades, en d~finissant une limite de discrimination ~ < > 150 (U/L x jours) : un Groupe A (SNCK > 150) de 7 malades, qui pr6sentent une valeur moyenne ( ± ~cart-type) de 1 528 4- 1 882 U/L x jours, et un autre Groupe B (SNCK < 150) de 9 malades, avec 52 4- 31 U/L x jours (p < 0,01). Le pic de la valeur sup6rieure des CKtot survient 73 4- 24 heures apr~s l'admission dans le Groupe A, et 53 4- 19 heures apr~s l'admis- sion dans le Groupe B (p < 0,029 ; t-test non appa- ri6 ; Mann-Whitney).

Tousles malades (except6s les patients 10 et 12) pr6sentent une acid6mie, d6finie comme un pH art6- riel < 7,36, et le pH moyen du collectif est acide : 7,23 4- 0,12 (moyenne 4- 6cart-type). L'acid6mie est

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A . J

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2 4

• C K p a t i e n t 1

= C K p a t i e n t 4

• C K p a t i e n t 5 -

• C K patient 7

CK patient 11 C K p a t i e n t 15

J- CK patient 16

Groupe A

6 8 1 0

Jours

t 4OO

3OO

2 0 0 '

100 "

Groupe B

O I o ; ;

• CK patient 2 ~ CK patient 10

| CK patient 3 J- CK patient 12

• CK patient 6 J- CK patient 13

I CK patient 8 • CK patient 14

• CK patient 9

Jours

Fig. 1.

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Acidose m#tabofique et augmentation de la cr#atine kinase - 2 6 3 -

du type respiratoire, puisque, except6 le patient 8, tous les malades sont hypercapniques (moyenne 4- 6cart-type : 7,5 4- 4,9 (mfdiane 6,9) kPa. Le trouble acidobasique est toutefois plus complexe : si l 'on consid6re le d6ficit de base (BE), et que l'on d6finit la norme comme 0,0 4- 1,0 mEq/1, tous les malades pr6sentent un tel dfficit : moyenne (4- 4cart-type) : - 5,7 (4- 4,16) mEq/1 (m6diane : - 5,15). Un certain hombre de malades vont encore aggraver le d6ficit de base dans les heures qui suivent l'admission, sans corr61ation avec d'autres param6tres cliniques ou biologiques, ni 5 l 'admission ni au d4cours de l'hos- pitalisation. La valcur moyenne de I'AG s'416ve 20,7 4- 4,8 (moyenne 4- 6cart-type) mEq/1. Cette valeur ne diffhre pas entre les Groupes A et B (p > 0,16): Groupe A : 20,1 4- 3,8; Groupe B: 19,4 4- 5, respectivement.

I1 existe des diff4rences significatives entre les Groupes A et B pour les param6tres suivants : n6ces- sit4 ou non de recourir ~ la ventilation m4canique (VM) p < 0,0001, le PEFR ~ l'admission p < 0,03, le pH initial p < 0,015 et la PaC02 p < 0,04 (TabL 17). On voit en effet que 71% des malades pr4- sentant des SNCK 41evfs (Groupe A) ont dfi subir une ventilation mfcanique, alors qu'aucun malade du Groupe B n'a 4t4 ventil4.

I1 existe toutefois une relation entre la sfvfr i t4 de l'acid6mie ~ l'admission, et la valeur de SNCKexpri- m6e par l '4quation suivante (r4gression logarithmi- que) LnSNCK = 74,7 - 9 ,6pH (r = - 0,667; p < 0,005) (Fig. 2). On voit que tousles malades qui sont caract6ris6s par des SNCK tr6s 41evfes sont recrut4s dans le collectif des patients qui pr6sentent u n e acidfmie s4vhre (pH < 7,15), d'origine essen- tiellement mftabolique (BE < - 7,0 4- 0,9 mEq/1).

5"

0 Z

6 0 0 0

5 0 0 0 •

4 0 0 0 "

3 0 0 0 •

2 0 0 0 '

1 0 0 0 '

, , , , - , = ±

6 . 9 7 . 0 7 . 1 7 . 2 7 . 3 7 , 4

pH

Fig. 2.

Tab leau II Comparaison entre les Groupes A et B : differences significatives

Groupe VM PEFR adm PaCO2 adm (%) (l/min) pH adm (kPa)

Groupe A 71 34 (59)* 7,15 (0,13) 9,1 (3,5) (SNCK > 150) 0 " * 7 ,14" * 8,8

Groupe B 0 118 (51)* 7,29 (0,07) 6,3 (1,2) (SNCK < 150) 110 7,31 5,8

Abr~viations : VM (%) : ventilation m~canique, pourcentage des mala- des ; PEFR : d6bit de pointe expiratoire ; adm : mesur~ & I'admission ; * : moyenne (ecart-type) ; ** : valeur rn4diane. Differences statistiques : Groupe A vs Groupe B : VM : p < 0,0001 (x-carr4) ; DEP : p < 0,03 ; pH : p < 0,015 ; PaCO2 : p < 0.04 (Mann-Whitney).

• Discussion

Nous avons donc observ4 la pr4sence d'une 414va- tion des CKtot chez ces malades admis aux soins intensifs pour une crise d'AAS, meme si chez 4 d'entre eux les valeurs mesur4es restent darts les limites de la norme. D'autre part, nous confirmons les r4sultats de diff6rents travaux qui montrent la pr6sence d'une acidose m4tabolique dans I'AAS [5, 10]. Curieusement, chez certains malades, l'acidose mftabolique est retard4e par rapport ~ l'admission, comme l'est le pic d'414vation des CK. Enfin, il existe une relation claire entre l'414vation des CK, la s4v6- rit6 de l'acidose et celle de I'AAS.

Ne disposant pas du taux plasmatique de lactate, nous avons dfi nous contenter du calcul de l'exc~s de base. La prfsence d 'un trou anionique ~lev4 chez tous nos malades gt l 'admission signe la prfsence d'une acidose m4tabolique, et parle contre une dimi- nution de la r6serve alcaline caus6e par une fuite uri- naire de bicarbonate destin6e ~t compenser une hyperventilation qui aurait pr4c6d6 l'admission. Compte tenu des donn6es cliniques dont nous dispo- sons et des examens paracliniques pratiqu4s (absence d'insuffisance r6nale, h4patique, d'acidoc6tose...), une acidose lactique est probablement responsable de l'acidose m4tabolique chez nos malades.

L' origine de cette acidose mdtabolique dolt sans doute etre recherchfe dans les m4canismes que nous avons mentionn4s dans l'introduction, bien quenos donn6es ne nous permettent pas de trancher entre diff4ren- tes hypotheses. L 'augmentat ion du travail des mus- cles respiratoires, notamment du diaphragme, est li6e aux conditions m4caniques tr6s d6favorables dans lesquelles travaille le syst6me respiratoire (hyperin- flation, importantes variations de pression endotho- raciques), de sorte que cet appareil a t te int probablement une limite physiologique : la consom- mation d'oxyg~ne ne peut etre maintenue, et les mus- cles respiratoires entrent en ana4robiose, puis se fatiguent [3, 13, 40, 41]. La diminution du d4bit car- diaque li4 aux contraintes m4caniques qui s 'exercent

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sur les deux ventricules (augmentation de la post- charge du ventricule droit par diminution de la pres- sion juxtacardiaque, qui induit une chute des d6bits droit et gauche ; diminution du d6bit gauche par la r6duction de la compliance de ce ventricule [14, 15]) contribue sans doute ~ l'apparition d'une isch6mie des muscles respiratoires. L'importance d'autres m6canismes n'est pas 6tablie dans la litt6rature, notamment le r61e du foie dont les m6canismes de r6gulation du d6bit sanguin et de la fonction h6pa- tocytaire commencent seulement ~ etre compris [20, 42, 43]. La foncfion cellulaire de cet organe peut ~tre alt6r6e ~ la lois par une chute du d6bit cardiaque et par l'effet indirect de mSdiateurs locaux (cytokines, oxyde nitrique par exemple) lib~r~es par les cellules inflammatoires activ6es, comme dans l'asthme, ou par les cellules endoth61iales [23, 24].

Les param~tres cliniques recueillis fi l'admission, ainsi que le suivi des patients, nous permettent d'Scarter l'hypoth~se d'une hypoperfusion g6n6rali- s6e pour expliquer l'dldvation des CK et la pr6sence de l'acidose m6tabolique. Aucun de nos patients n'a montr6 en effet d'hypotension syst6mique, que ce soit

l'admission ou au cours du s6jour, ni de signes 6vo- quant un coeur pulmonaire aigu, ou d'anomalies 61ec- trocardiographiques: une hypotension art6rielie aurait en effet pu entrainer une hypoperfusion syst~- mique, une acidose m6tabolique (lacfique) et une 515- vation des CK par l'entremise d'une isch6mie de la musculature pSriph6rique. De m~me, l'absence d'atteinte d'autres organes durant le s6jour (foie, rein...) renforce l'id6e que la perfusion g6n6rale de l'organisme 6tait au moins suffisante : en effet, en cas de perfusion locale insuffisante, possible en l'absence d'hypotension syst~mique (la pression art6- rielle 6rant maintenue par la stimulation adr6nergi- que), on aurait dfi observer une alt6rafion des

- fonctions h@atiques, r6nales, etc.

De plus, nous n'avons pas constat6 de trouble 61ec- trolytique, qui aurait pu entrainer la hausse des CK (hypokali6mie, hyponatr6mie, hypo- ou hypercalc6- mie) [44]. L'hypoxie pourrait ~tre une cause d'616va- tion des CK, et la majorit6 de nos patients 6taient hypox6miques ~ l'entr6e. Toutefois, les 16sions mus-

• culaires squelettiques dues ~l'hypoxie, 6tudi6es chez le chien, ne se produisent que pour des PaO2 situ6es aux alentours de 30 mmHg, ou meme plus basses ; d'autres facteurs semblent 6galement impliqu6s (cat6cholamines endog~ne, pH...) [44]. Nos patients pr6sentaient ~ l'admission des PaO2 sup6fieures ~ ces chiffres, et leur hypox6mie a 6t6 rapidement corri- g6e par l'instauration d'une oxyg~noth6rapie.

Une sollicitation intense des muscles respiratoires reste donc notre hypoth~se de choix pour expliquer l'61~vation des CK que nous avons raise en 6vidence. Le travail des muscles respiratoires est grandement augment6 dans l'asthme [3, 40, 41], ces muscles tra- vaillant durant l'inspiration et l'expiration, alors que d'autres groupes musculaires d6veloppent 6galement

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une acfivit5 lors d'une obstruction s6v~re [40]. Nous nous sommes toutefois 6tonn5s de ne mesurer le pic des CK que quelques jours apr~s le d~but de l'hospi- talisation (58 heures en moyenne), notamment chez les patients qui furent plac6s en ventilation m6cani- quee t curaris6s, donc chez qui l'essentiel du stress impos~ aux muscles respiratoires ~tait achev~. En effet, la mise au repos des muscles par la curarisa- fion et la ventilation assistde devrait avoir mis fin plus t6t ~ l'ascension des CK. La diminution du d6bit san- guin h@atique lors de la ventilation m6canique [45] pourrait avoir expliqu~ une inactivation et une clai- rance diminu6es des CK. De plus, certains types d'exercice musculaire (course d'endurance, notam- ment) pr~sentent des similitudes avec les efforts four- nis par les muscles respiratoires lors d'une crise d'AAS ; ils entrainent l'apparition d'fl6vations retar- d6es des CK. Des m6canismes immuns (infiltration de macrophages dans le tissu musculaire) semblent impliqu6s dans ces situations, et ils pourraient expli- quer ces pics de CK tardifs [46, 48].

Comme nous l'avons envisag~ plus haut, on peut donc postuler la pr6sence d'une ischfimie des mus- cles respiratoires, principalement du diaphragme, lors d'une crise d'AAS. Cette isch6mie provoquerait des 16sions musculaires. Lors de la mise au repos des muscles par la curarisation et la ventilation m6cani- que, on devrait assister progressivement au retour d'une perfusion ad6quate : en effet, le d~bit cardia- que se rftablit, notamment lorsque la pression intra- thoracique moyenne devient positive et que cessent les oscillations de pression li6es ~ la ventilation spon- tanfe qui g~n~rent, au moins en partie, le coeur pul- monaire aigu [14].

Les m~canismes intimes de la 16sion cellulaire induite par l'isch6mie sont mal connus. Les 16sions musculaires induites par l'isch6mie sont sans doute aggrav6es lors de la reperfusion, par la r6oxygdna- tion, g6n6ratrice de radicaux libres de l'oxyg~ne et par des modifications du flux calcique intracellulaire. Ces ph6nom~nes apparaitraient lors de la reperfusion des muscles respiratoires, comme on l'observe dans les 16sions musculaires cons~cutives aux traumatis- rues [49, 52]. Le retard dans le pic des CK pourrait ~tre ainsi expliqu6. De plus, de nombreuses cytoki- nes sont lib6r6es localement lors d'une crise d'asthme [53]. Bien qu'on n'en connaisse pas l'action exacte et les potentialit6s nocives & distance, elles pourraient exercer une action syst6mique et engendrer des trou- bles de la perfusion, notamment au niveau de la mus- culature. Par ailleurs, plusieurs travaux r6cents, chez l'animal, sugg~rent fortement que les muscles res- piratoires, lorsqu'ils sont soumis ~t des 6preuves de fatigue exp~rimentale, pourraient ~tre l~s~s. Deux syst~mes biologiques sont potentiellement responsa- bles d'alt6rations cellulaires, les radicaux libres de l'oxyg~ne, induisant une peroxydation lipidique [54, 55], et les d~riv6s de l'acide arachidonique [56]. I1 est tentant de postuler que la lib6ration des CK obser-

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Acidose m~tabol ique et augmentat ion de la cr~atine kinase - 2 6 5 -

v6e chez nos malades, laquelle pr6sente une cin6ti- que diff6r6e par rapport ~ l'acm6 du stress impos6 aux muscles, puisse 6tre en relation avec ce type de m6canisme.

Enfin, le d6veloppement d'un syndrome t6trapa- r6tique associ6 ~ une 616vation des CK a d~j~ 6t6 d6crit : le bromure de pancuronium est fortement mis en cause comme pouvant 6tre l'agent causal de ce syndrome, en association ou non avec les corticost6- roides [57, 59]. Plusieurs de nos patients asthmati- ques ont 6t6 curaris6s et plac6s en ventilation assist6e, mais nous n'avons pas observ6 chez eux de par6sie de la musculature squelettique, comme ce rut le cas chez les malades chez qui une toxicit6 des drogues myorelaxantes a 6t6 suspect6e. Les autres m6dicaments administr~s, notamment les corticos- t~roides, nous paraissent difficilement pouvoir 6tre mis en cause ici, bien que des myopathies aigu6s associ~s aux st6roides aient 6t6 d6crites [35, 57, 60, 61].

En conclusion, ces donn6es mettent en 6vidence une 615vation des CK et une acidose m6tabolique chez des patients souffrant d'AAS. Les diff6rents param~tres 6tudi6s nous permettent d'exclure raisonnablement une origine syst~mique ~ ces troubles. Une atteinte des muscles respiratoires soumis ~ un travail intense pourrait 6tre la source principale de l'acidose m6ta- bolique et de l'616vation des CK. Nous avons observ6 cependant qu 'en-de~ d'un certain seuil d'acid~mie (pH < 7,15 ~ l'admission), atteint par un tout petit hombre de patients, l'61~vation importante des CK et la chute de l'exc~s de base laissent suspecter une atteinte syst6mique, capable d'induire une lib6ration plus importante de CK. Par ailleurs, les m6dica- merits, principalement les d6riv6s du curare chez les patients intub~s et venti16s et les corticost6ro~des, pourraient 6galement contribuer ~ cette 616ration des CK. Enfin, les cin6tiques d'616vation des CK et d'apparition de l'acidose m6tabolique retard6es dans I'AAS 6voquent fortement l'implication de syst~mes biologiques complexes (cytokines, radicaux libres de l'oxyg6ne, etc.) dans la gen~se de ces anomalies.

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