Accompagnement du patient fumeur : le rôle du pharmacien

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Actualités pharmaceutiques n° 535 avril 2014 31 Le sevrage tabagique à l’officine dossier Mots clés - accompagnement ; sevrage tabagique ; stratégie CREA ; tabac Keywords - “CREA” strategy; pharmacist; support; tobacco; tobacco withdrawal © 2014 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés http://dx.doi.org/10.1016/j.actpha.2014.02.007 Accompagnement du patient fumeur : le rôle du pharmacien Le pharmacien qui accompagne un patient souhaitant arrêter de fumer doit posséder une bonne maîtrise du sujet. Il doit aussi adopter une posture d’écoute et d’empathie afin de ne pas le juger, et l’aider à trouver les éléments qui lui permettront d’enrayer sa consommation de tabac, contrôler ses envies de fumer et éviter une potentielle rechute. Support for smokers: the role of the pharmacists. Pharmacists supporting a patient wanting to stop smoking must have in-depth knowledge of the subject. They must be prepared to listen and show empathy in order not to judge and help the person find the elements which will enable them to give up their consumption of tobacco, control their craving to smoke and avoid a potential relapse. D ans le cadre d’un sevrage tabagique, il n’existe pas de solution miracle mais une multitude de prises en charge à adapter à chaque patient selon sa propre situation. Impliquer l’entourage dans l’aide au sevrage et son maintien peut s’avérer très efficace. Identifier les bénéfices liés à l’arrêt du tabac Il existe toujours un bénéfice à arrêter de fumer, d’autant plus si l’arrêt est précoce et ce, même après l’apparition de pathologies liées au tabac. Les bénéfices immédiats Sur le plan cardiovasculaire, vingt minutes après la der- nière cigarette, la pression sanguine et les pulsations cardiaques redeviennent normales. F Après huit heures d’arrêt, la quantité de monoxyde de carbone du sang régresse de 50 % et l’oxygénation des cellules redevient normale. F Vingt-quatre heures après la dernière cigarette, l’organisme commence à se débarrasser du mucus et des résidus de fumée, et le risque de survenue d’un infarctus du myocarde diminue. F Au bout de quarante-huit heures, le goût et l’odorat sont peu à peu retrouvés. F Enfin, après trois jours d’arrêt, la respiration devient plus aisée car la bronchoconstriction diminue [1,2]. Les bénéfices à long terme F Sur le plan respiratoire, en deux semaines à trois mois, la toux régresse, la fatigue diminue et la respiration devient plus aisée. En un à neuf mois, les cils bron- chiques repoussent et l’essoufflement commence à diminuer. Après cinq ans, le risque de cancer du pou- mon est divisé par deux. © 2014 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés © 2014 Elsevier Masson SAS. All rights reserved Sébastien FAURE a, * Maître de conférences des Universités Marie BABIN b Pharmacien adjoint Hélène VELÉ c Pharmacien adjoint Guillaume DUBÉ d Pharmacien adjoint Mylène SAMSON e Pharmacien adjoint Vincent LOUBRIEU f Pharmacien titulaire *Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (S. Faure). a Faculté de pharmacie, Université d’Angers, 16 bd Daviers, 49045 Angers, France b 22 allée François-Mitterrand, 49100 Angers, France c 53 rue Jean-Monnet, 53000 Laval, France d 6 rue de la Tour, 49250 Saint-Rémy-la-Varenne, France e Les Chardons, 20 Le Chardonnet, 49600 Gesté, France f 16 Esplanade de l’Hôtel de Ville, 49240 Avrille, France Le pharmacien doit réaliser un véritable accompagnement dans le cadre d’un sevrage tabagique. © BSIP/B. Boissonnet

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• n° 535 • avril 2014 • 31

Le sevrage tabagique à l’offi cine

dossier

Mots clés - accompagnement ; sevrage tabagique ; stratégie CREA ; tabac

Keywords - “CREA” strategy; pharmacist; support; tobacco; tobacco withdrawal

© 2014 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés

http://dx.doi.org/10.1016/j.actpha.2014.02.007

Accompagnement du patient fumeur : le rôle du pharmacienLe pharmacien qui accompagne un patient souhaitant arrêter de fumer doit posséder une

bonne maîtrise du sujet. Il doit aussi adopter une posture d’écoute et d’empathie afin de

ne pas le juger, et l’aider à trouver les éléments qui lui permettront d’enrayer sa

consommation de tabac, contrôler ses envies de fumer et éviter une potentielle rechute.

Support for smokers: the role of the pharmacists. Pharmacists supporting a patient wanting to stop smoking must have in-depth knowledge of the subject. They must be prepared to listen and show empathy in order not to judge and help the person find the elements which will enable them to give up their consumption of tobacco, control their craving to smoke and avoid a potential relapse.

D ans le cadre d’un sevrage tabagique, il n’existe pas de solution miracle mais une multitude de prises en charge à adapter à chaque patient

selon sa propre situation. Impliquer l’entourage dans l’aide au sevrage et son maintien peut s’avérer très efficace.

Identifi er les bénéfi ces liés à l’arrêt du tabacIl existe toujours un bénéfice à arrêter de fumer, d’autant plus si l’arrêt est précoce et ce, même après l’apparition de pathologies liées au tabac.

Les bénéfi ces immédiatsSur le plan cardiovasculaire, vingt minutes après la der-nière cigarette, la pression sanguine et les pulsations cardiaques redeviennent normales.

F Après huit heures d’arrêt, la quantité de monoxyde de carbone du sang régresse de 50 % et l’oxygénation des cellules redevient normale.

F Vingt-quatre heures après la dernière cigarette, l’organisme commence à se débarrasser du mucus et des résidus de fumée, et le risque de survenue d’un infarctus du myocarde diminue.

F Au bout de quarante-huit heures, le goût et l’odorat sont peu à peu retrouvés.

F Enfin, après trois jours d’arrêt, la respiration devient plus aisée car la bronchoconstriction diminue [1,2].

Les bénéfi ces à long terme F Sur le plan respiratoire, en deux semaines à trois

mois, la toux régresse, la fatigue diminue et la respiration

devient plus aisée. En un à neuf mois, les cils bron-chiques repoussent et l’essoufflement commence à diminuer. Après cinq ans, le risque de cancer du pou-mon est divisé par deux.

© 2014 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés

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Sébastien FAUREa,*Maître de conférences des Unive rsités

Marie BABINb

Pharmacien adjoint

Hélène VELÉc

Pharmacien adjoint

Guillaume DUBÉd

Pharmacien adjoint

Mylène SAMSONe

Pharmacien adjoint

Vincent LOUBRIEUf

Pharmacien titulaire

*Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (S. Faure).

aFaculté de pharmacie, Université d’Angers, 16 bd Daviers, 49045 Angers, Franceb22 allée François-Mitterrand, 49100 Angers, Francec53 rue Jean-Monnet, 53000 Laval, Franced6 rue de la Tour, 49250 Saint-Rémy-la-Varenne, FranceeLes Chardons, 20 Le Chardonnet, 49600 Gesté, Francef16 Esplanade de l’Hôtel de Ville, 49240 Avrille, France

Le pharmacien doit réaliser un véritable accompagnement dans le cadre d’un sevrage tabagique.

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F Sur le plan vasculaire, il faut attendre un an pour que le risque d’accident vasculaire cérébral rejoigne celui d’un non-fumeur. Il faut compter dix à quinze ans pour que l’espérance de vie redevienne égale à celle des personnes n’ayant jamais fumé.

F L’arrêt du tabac est bénéfique pour la peau et la beauté en général : le teint s’éclaircit, les rides sont moins marquées, les dents deviennent plus blanches, l’haleine plus fraîche et la voix moins rauque.

F Arrêter de fumer permet aussi de préserver son

habitat : les odeurs de tabac froid disparaissent, les murs, les canapés, les vitres ne jaunissent plus et se salissent moins vite.

F Cela permet aussi de véhiculer un message fort

à ses enfants : le tabac est très nocif pour la santé et il est préférable de ne jamais commencer. Enfin, dernier intérêt et non des moindres, l’arrêt du tabac permet de réaliser de réelles économies [1,2].

Apprendre à faire face à une envie de fumer Avoir envie d’une cigarette est tout à fait normal et fré-quent lorsque l’on arrête de fumer.

Comment se manifeste une envie de fumer ?L’envie de fumer se caractérise par des sensations physiques et psychiques (pensées obsédantes), qui varient de la simple gêne à la boule dans l’estomac, voire à l’inquiétude extrême ou la panique. Dans la majorité des cas, ces sensations se traduisent par des pensées rapides telles que « une cigarette maintenant me ferait tellement de bien » ou « ce n’est pas une petite cigarette qui va me faire du mal », susceptibles d’entraîner une rechute.Il faut savoir qu’une envie de fumer ne persiste habi-tuellement que 2 à 3 minutes. La difficulté principale pendant les premiers jours de l’arrêt consiste donc à la surmonter en se maîtrisant quelques instants.Par ailleurs, ces envies ne durent pas éternellement ; elles deviennent moins intenses et moins fréquentes progressivement après l’arrêt. Elles peuvent aussi dis-paraître totalement en quelques jours ou semaines [3,4].

Les conseils pour résister à une envie de fumerQuelques conseils simples peuvent aider un fumeur à surmonter une envie de reprendre une cigarette :• changer d’activité (se brosser les dents, téléphoner

à un ami, aller se promener, faire la vaisselle, boire un verre d’eau) ;

• avoir des pensées positives telles que « chaque jour qui passe diminue le risque de reprendre une ciga-rette », « je peux me contrôler », « je peux me détendre autrement qu’en fumant » ou encore « si je résiste, je

serai plus fort pour gérer une prochaine envie de fumer », « je suis fier de moi » permet de ne pas craquer ;

• pratiquer la respiration consciente, c’est-à-dire respirer calmement et profondément en prenant de grandes inspirations et en expirant lentement, et rem-placer la pause cigarette par une pause détente, bien meilleure pour la santé ;

• relire la liste des motivations ayant présidé à l’arrêt ;• prendre un substitut nicotinique adapté à son

niveau de dépendance si l’envie paraît insurmontable ;• se féliciter à chaque fois qu’une envie de cigarette

a été surmontée ;• enfin, pour venir à bout de ces phénomènes à long

terme, déterminer l’origine d’une envie de fumer, et repérer les circonstances et les moments propices (environnement), de manière à adopter des stratégies (besoin de soutien ou d’accompagnement) permet-tant de vaincre ses envies efficacement [3,4].

Apprendre à vivre sans tabac : la stratégie CREAApprendre à vivre sans tabac nécessite de modifier ses habitudes, ce qui n’est pas toujours facile. Pour gérer les changements liés au sevrage et éviter les situations à risque, la stratégie gagnante s’appelle CREA.

C comme “changer”Le tabac impose au fumeur un certain rythme de vie : la cigarette du matin accompagne le café, par exemple. Pratiquer le changement permet de lutter contre les automatismes. En pratique, si le fumeur commençait sa journée par un petit-déjeuner avant de se laver, il devra désormais la débuter par une douche. S’il avait l’habitude de fumer à certains endroits, il lui sera conseillé de changer les meubles de place.

R comme “remplacer”La cigarette peut donner l’impression d’aider dans nombre de situations : se calmer, se donner une contenance, se concentrer, etc. L’arrêt peut, inver-sement, procurer la sensation d’un grand vide. “Remplacer” permet de lutter contre ce sentiment. Par exemple, la cigarette peut aider un fumeur à mieux gérer son stress ; dans ce cas, il sera béné-fique de la remplacer par une activité de détente : un art martial ou quelques séances de méditation ou de relaxation. L’objectif est de supplanter la cigarette par une activité qui procure les mêmes avantages.

E comme “éviter”Il est conseillé d’éviter les situations “à risque” au début de l’arrêt : soirées entre amis, café avec les collègues, etc. Cela ne signifie pas pour autant qu’il

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faut s’éloigner de ses proches car s’assurer de leur soutien est important. Cette situation, qui peut être difficile à vivre, ne durera qu’un temps. Une fois l’arrêt du tabac mieux installé, le patient aura suffisamment confiance en lui pour affronter ces situations sans céder. Il est également important d’éviter de conserver du tabac à portée de mains, et de ranger les briquets et les cendriers afin de limiter les tentations.

A pour “anticiper”Savoir anticiper les situations “difficiles” (rencontre de proches fumeurs, soirées, proposition de cigarette par un ami...) est primordial. Il est donc important d’annoncer à ses amis fumeurs sa décision et de leur expliquer que leur soutien est nécessaire en leur demandant, par exemple, de ne plus fumer devant soi. Quelques phrases clés peuvent aider : « Moi, je ne fume plus, merci de m’aider dans ma démarche », « Merci mais le tabac, ce n’est pas pour moi » [5].

Connaître les diffi cultés et les solutionsArrêter de fumer peut exposer à des difficultés de som-meil, de concentration ou à une certaine irritabilité. Pour chacune d’entre elles, des solutions et des astuces existent.

Les problèmes de sommeilLors de l’arrêt du tabac, il est fréquent de rencontrer des problèmes de sommeil : repos de mauvaise qualité, réveil nocturne ou, au contraire, rêves incroyables, éro-tiques, violents ou hyperréalistes. Cela est normal et

transitoire car les troubles du sommeil font partie des signes de sevrage. Pour les éviter ou les limiter le plus possible, quelques conseils peuvent être donnés :• repérer son heure d’endormissement (picotement

des yeux, frissons, bâillements) et se coucher à ce moment-là pour ne pas rater le cycle sous peine de devoir attendre le suivant, en général 1 h 30 plus tard ;

• se coucher et se lever tous les jours au même endroit et à la même heure pour éviter toute perturbation ;

• arrêter ses activités au moins une heure avant le coucher pour se relaxer, se détendre ;

• diminuer la température de la chambre ;• limiter le bruit environnant (arrêter la radio, la

musique, la télévision) et, si besoin, porter des bou-chons d’oreille ;

• manger léger le soir, éviter l’alcool et les repas gras ;• proscrire les excitants (café, thé) après 17 heures ;• se ménager des temps de repos durant la journée ;• vérifier que le dosage des substituts nicotiniques

est adapté aux besoins car, en cas de sous- ou de sur dosage, des troubles du sommeil peuvent appa-raître [6-8].

L’anxiétéArrêter de fumer peut générer du stress ; il est donc important d’apprendre à bien réagir et de ne pas se laisser submerger, par exemple en modifiant ses réac-tions, ce que l’on dit et ce que l’on ressent face à l’anxiété. Il existe également des stratégies pour dimi-nuer les tensions intérieures avant que le stress ne sur-vienne : relaxation (encadré 1), détente, pause… [6-8].

F Il existe deux grands types de respiration :

• la respiration dite thoracique est une respiration courte et rapide prenant naissance dans la partie haute du thorax ; elle est provoquée par les situations stressantes de la vie quoti-dienne et n’est pas propice à la détente ni à l’arrêt du tabac ;

• la respiration profonde est une respiration ventrale permet-tant de diminuer l’anxiété ; facile et rapide à pratiquer, ce type de respiration peut être un excellent allié pour l’arrêt du tabac. F Voici quelques conseils pour apprendre à bien respirer par

le ventre :

• installez-vous confortablement ; desserrez votre ceinture, éteignez votre téléphone et couvrez-vous pour éviter d’avoir froid ; vous pouvez soit vous allonger, soit rester assis (jambes décroisées et mains détendues) ou encore rester debout, le tout étant de se sentir à l’aise ;

• placez vos mains sur votre ventre afin de prendre pleinement conscience de votre respiration, puis inspirez lentement en

fermant la bouche et sans hausser les épaules ; prenez de l’air par le nez, vous sentirez votre ventre gonfler doucement ; vous pouvez, si vous le souhaitez, fermer les yeux pour mieux res-sentir cette respiration ;

• faites un temps de pause ; à la fin de l’inspiration, retenez l’air pendant 2 à 4 secondes et concentrez-vous sur vos sensations ;

• expirez ; relâchez ensuite très doucement et par le nez, tout d’abord sans forcer, l’air que vous avez retenu pendant ces quelques secondes, puis accompagnez l’expiration en rentrant le ventre.

Vous pouvez recommencer cet exercice à deux ou trois reprises de manière tranquille et au rythme qui vous convient.La respiration est un véritable moyen de libérer les tensions. Prati-quez-la autant que vous voulez et plus particulièrement dans les moments de stress ou d’envie de fumer.

Source : Mon Partenaire Santé. Accompagner vos proches. www.mon-

partenaire-sante.com/article/que-dire-ou-ne-pas-dire-un-fumeur-adulte

Encadré 1. Stratégie de relaxation : la respiration abdominale

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L’irritabilitéLa cigarette peut, chez certaines personnes, représen-ter le moyen de prendre du recul et de faire face à des situations contrariantes. Lors de l’arrêt, le fumeur peut, de ce fait, se sentir démuni dans certains contextes. Les solutions pour se sentir mieux consistent à :• vérifier que le traitement pharmacologique cor-

respond bien au degré de dépendance ;• identifier ce qui est le plus irritant pour soi et trouver

des solutions pour que ces contrariétés aient moins d’impact sur l’humeur ;

• pratiquer une activité physique quotidienne (marche à pied, jardinage, vélo) ;

• dormir suffisamment et se reposer en cas de fati-gue ;

• éviter l’alcool et diminuer la consommation d’exci-tants (thé, café) ;

• manger calmement, à heures fixes ;• accepter de ne pas pouvoir tout faire seul

(apprendre à déléguer) ;• se relaxer chaque jour et se réserver des moments

de calme, sans dérangement ni interruption ;• se féliciter des actions accomplies ;• relativiser une remarque désagréable ;• prendre garde à ne pas être trop perfectionniste

[6-8].

La dépressionL’arrêt du tabac peut parfois rendre dépressif. Si la per-sonne présente des antécédents d’anxiété ou de dépression, il est important qu’elle soit prise en charge au cours de l’arrêt du tabac par un professionnel de santé : psychologue, psychiatre, médecin traitant.Quelques conseils et suggestions pourront l’aider à faire face au découragement et à être plus optimiste :• se donner des objectifs au jour le jour, sans se

mettre la pression ;• pratiquer un sport pour évacuer les pensées néga-

tives ;• se remémorer ses motivations initiales ;• se procurer du plaisir en prenant soin de soi, en

s’offrant des cadeaux ;• rencontrer des gens et leur parler ;• s’entraîner à penser “positif” en se félicitant des

progrès accomplis et des bénéfices ressentis, en se répétant qu’on va y arriver ;

• relativiser [6-8].

Les problèmes de concentrationLors de l’arrêt du tabac, les troubles de la concentration sont fréquents et peuvent être très problématiques. Ils entraînent parfois une incapacité à réfléchir et à faire face à un travail, laissant au patient une impression de vide. Cependant, bien que très pénalisants, ces troubles

ne durent que quelques jours ou quelques semaines tout au plus.Les problèmes de concentration peuvent être atténués :• par un apport de vitamine C qui permet de lutter

contre la fatigue et donc contre les déficits d’attention ;• par des pauses régulières permettant de relâcher la

pression et d’être plus efficace ;• par la répétition de phrases positives comme

« c’est moi qui réfléchis, pas la cigarette », « j’en suis capable, je l’ai déjà prouvé » ;

• par la réalisation d’exercices de relaxation avant de se mettre au travail ;

• par la limitation de son temps de travail et en se félicitant après [6-8].

La constipationÀ l’arrêt du tabac, une constipation peut apparaître, plus particulièrement chez les personnes prédisposées à ce type de trouble. La constipation est souvent passagère et régresse avec des règles hygiéno-diététiques simples :• s’hydrater suffisamment (1,5 à 2 L/jour) ;• consommer des légumes, des fruits et des aliments

riches en fibres (céréales complètes, lentilles, pain au son, avoine) ;

• pratiquer une activité physique journalière (marche, vélo) ;

• se masser le ventre ou se faire masser ;• pratiquer des exercices de relaxation (yoga, respi-

ration…) ;• vérifier l’absence de sous-dosage en cas de traite-

ment par substituts nicotiniques.En cas de constipation persistante et gênante, un trai-tement peut être nécessaire. Le patient ne doit pas hési-ter à demander conseil à son pharmacien [6-8].

La prise de poidsLa prise de poids est très souvent redoutée à l’arrêt du tabac et pousse même, dans certains cas, à la reprise de la cigarette. Elle concerne environ deux tiers des personnes et n’est donc pas systématique. Cinq pour cent des fumeurs perdent même du poids après avoir arrêté de fumer.

F La prise de poids s’explique par le sevrage en

nicotine. En effet, la nicotine est anorexigène : elle dimi-nue l’appétit, augmente les dépenses énergétiques et ralentit le stockage des graisses. De plus, chez certaines personnes, l’arrêt peut s’accompagner de grignotages visant à compenser l’absence du geste ou à pallier l’anxiété. Enfin, lors de l’arrêt du tabac, le fumeur redécouvre les goûts et les odeurs des aliments, ce qui peut le pousser à devenir plus gourmand. La prise de poids est en moyenne de 2 à 4 kilogrammes et n’est pas fatale.

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F De simples techniques, basées sur le bon sens, permettent de retrouver son poids de base (encadré 2) :• pratiquer des activités qui procurent du plaisir ;• programmer de faire les courses après avoir

mangé ;• boire beaucoup d’eau, ce qui procure une certaine

satiété ;• ne pas se resservir au moment des repas ;• ne pas sauter de repas ;• éviter l’alcool ;• limiter les aliments gras (fromages, pâtisserie, char-

cuterie, beurre) ;• ne pas rester à table après avoir mangé ;• vérifier que le dosage en substituts nicotiniques

est adapté ;• administrer un substitut nicotinique oral au

moment des fringales ou 20 minutes avant les repas. F Quelques exercices physiques quotidiens permet-

tent aussi de maîtriser la prise de poids et de se sentir mieux. En voici quelques exemples :• réaliser des étirements chaque matin ;• pratiquer des activités de type ménage ou jardi-

nage ;• se déplacer à vélo ;• descendre à un arrêt de bus, de tramway ou de

métro avant la destination souhaitée pour marcher un peu ;

• préférer les escaliers aux ascenseurs et escalators ;• avoir une activité sportive pour stabiliser la prise de

poids mais aussi pour éliminer les tensions tout en occupant le temps. Le sport favorise la production, par le cerveau, d’endorphines, hormones de plaisir et de relaxation.

Si malgré ces conseils, les difficultés à perdre du poids persistent, il peut être utile de consulter un nutritionniste ou une diététicienne [6-8].

Accompagner un proche F Tout d’abord, il paraît inutile de forcer une per-

sonne à arrêter de fumer si celle-ci ne l’a pas décidé car elle risque de se sentir contrainte et donc de fumer en cachette. Il est également inutile de lui répéter sans cesse qu’elle détruit sa santé ou qu’elle gaspille son argent, ce qu’elle sait probablement déjà. Un fumeur ne fume pas simplement par plaisir mais avant tout parce qu’il est dépendant à la cigarette et qu’il se sent inca-pable de vivre sans tabac. Il est victime d’une maladie et non coupable d’un vice.

F Il est indispensable qu’il prenne d’abord pleine-

ment conscience de tous les bénéfices que lui appor-tera l’arrêt du tabac. L’aidant peut lui parler des différentes méthodes qui existent pour arrêter de fumer et peut lui faire rencontrer d’anciens fumeurs. Il doit se montrer patient et compréhensif : un fumeur doit prendre le temps de se préparer avant de se décider à éteindre sa dernière cigarette.

F Une personne en sevrage souffre. Il est donc primordial de la soutenir, de faire preuve de compré-hension et de ne jamais la juger. Il ne faut jamais mini-miser ses difficultés, jamais la rabaisser en lui disant que d’autres ont réussi et que ce n’est pas si compliqué d’arrêter. Au contraire, l’aidant se doit de la féliciter et de l’encourager. Il est primordial que le fumeur qui essaye d’arrêter sente une amélioration à travers le regard des autres. Pendant la période de sevrage, il faut lui éviter toute pression inutile et tout faire pour lui rendre la vie plus facile et agréable. S’il est irritable, il faut essayer d’anticiper les problèmes qu’il pourrait rencontrer. S’il n’évoque pas la cigarette, il est aussi conseillé d’éviter le sujet. Cependant, il y a de fortes chances pour qu’il soit obsédé par la cigarette. Dans ce cas, il ne faut pas avoir peur d’en discuter avec lui [9-11].

Bien manger signifie avoir une alimentation variée et équilibrée, mais aussi manger de tout, en quantités adaptées.L’équilibre alimentaire se construit sur plusieurs jours, plusieurs semaines, pas sur un seul repas ou une seule journée. Quelques repères permettent de manger équilibré. 

F Fruits et légumes : au moins 5 par jour (ou 400 grammes), à chaque repas, en cas de petit creux, crus ou cuits, surgelés ou en conserve.

F Féculents (pain et céréales complètes, pommes de terre,

légumes secs…) : à chaque repas et selon l’appétit, en privilégiant la variété.

F Lait et produits laitiers (yaourts, fromages) : trois par jour, en favorisant les fromages les moins gras et les moins salés.

F Protéines (viande, poissons, œufs…) : une à deux fois par jour en quantité inférieure à celle de l’accompagnement. Il faut choisir les viandes les moins grasses (viandes blanches), consommer du poisson au moins deux fois par semaine et éviter la charcuterie.

F Boissons : seule l’eau doit être consommée à volonté ; les sodas, jus de fruits ou l’alcool doivent être réservés pour les grandes occasions.Enfin, il faut limiter la consommation des aliments gras, sucrés et salés (pâtisseries, viennoiseries, charcuterie…) et il est important d’avoir une activité physique régulière (au moins l’équivalent d’une demi-heure de marche par jour) afin de limiter la prise de poids.

Source : Manger Bouger Programme National Nutrition Santé. Bien manger.

www.mangerbouger.fr/bien-manger/

Encadré 2. Le conseil nutritionnel

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Déclaration d’intérêts

Les auteurs déclarent ne pas

avoir de confl its d’intérêts en

relation avec cet article.

Encourager un proche à arrêterDans un premier temps, il est nécessaire de rester atten-tif et à l’écoute des craintes du fumeur car elles peuvent constituer des freins importants à l’arrêt :• l’aider à chercher des solutions pour lui apprendre

à gérer ces situations ou du moins à y faire face de manière plus sereine ;

• l’assurer d’un soutien inconditionnel ; être présent pour l’aider le jour de l’arrêt et les jours suivants ;

• l’inciter à s’informer auprès de professionnels de santé ;

• le rassurer en lui rappelant que différentes tech-niques peuvent l’aider (traitements de substitution médicamenteux, accompagnement psycholo-gique…) ;

• prendre régulièrement de ses nouvelles ; un soutien régulier aide à tenir bon ;

• être patient et tolérant en cas de crises d’irritabilité ou d’angoisse ; le rassurer en lui disant que le manque physique de nicotine ne dure pas longtemps et lui parler éventuellement des techniques de relaxation qui existent ;

• lister avec lui les bénéfices liés à l’arrêt du tabac (économiser de l’argent, retrouver la santé et une meilleure apparence physique) et tous les effets néfastes du tabac sur sa santé et celle de son entou-rage ;

• valoriser ses efforts sur le plan personnel (change-ment de coupe de cheveux, de parfum, nouveaux vêtements) ou professionnel (souligner les progrès réalisés) et le féliciter dès qu’un cap difficile est franchi ; son estime de soi sera ainsi augmentée et il aura plus de courage pour lutter contre la cigarette ;

• prévoir des activités ensemble (sport, sorties, pro-menades…) car la présence d’un aidant est un atout majeur, surtout lorsqu’elle est régulière ;

• ne jamais fumer devant lui et ne jamais l’inciter à reprendre ne serait-ce qu’une bouffée, ce qui serait susceptible d’entraîner une rechute [9-11].

Aider un fumeur qui rechuteDes rechutes sont possibles mais ne constituent pas des fatalités. Quelques conseils peuvent permettre de ne pas dramatiser la situation et remotiver le patient : • rester toujours optimiste, même lors d’une rechute,

car chaque tentative est bonne à prendre et repré-sente un pas de plus vers un arrêt définitif ;

• ne jamais le juger, résister à une cigarette peut être très difficile lorsque l’on est soumis à la tentation, il est important d’en avoir conscience ;

• lui rappeler qu’une envie de fumer est passagère et ne dure que quelques minutes, et être disponible pour lui lors de ces moments difficiles en allant mar-cher ou discuter ensemble ;

• rester à l’écoute de ses peurs et de ses difficultés ; l’aider à analyser les causes de sa rechute (circons-tances, humeur…) pour trouver des solutions et éviter que cela se reproduise lors de son prochain arrêt ; être présent dans ces moments ;

• lui rappeler qu’il peut se faire aider par des profes-sionnels de santé pour passer ce cap difficile [9-11].

Aider un fumeur à s’orienterLa présence et le soutien d’un aidant représentent des atouts indispensables pour accompagner un fumeur. Cependant, son rôle n’est pas toujours simple. Il peut se sentir impuissant face aux difficultés rencontrées par le fumeur et peut avoir l’impression de ne pas toujours donner de bons conseils. Dans ce cas, l’aidant doit orienter le fumeur vers des professionnels de santé qui sont formés à ce type de problèmes et qui peuvent éva-luer sa dépendance au tabac, mesurer sa réelle motiva-tion et ainsi l’aider à mettre en œuvre des stratégies efficaces et personnalisées pour parvenir à arrêter défi-nitivement la cigarette.

F Le pharmacien évalue, dans un premier temps, les réelles motivations du patient, puis le renseigne sur les différents traitements de substitution qui existent, l’aidant ainsi à choisir celui qui est le plus adapté à son niveau de dépendance. Il joue également un rôle de conseil, de soutien, d’accompagnement et d’encoura-gement durant toute la durée du sevrage. Il est attentif à la survenue éventuelle d’effets indésirables lors du traitement substitutif et vérifie que les dosages de ce dernier sont bien adaptés. Le fumeur peut rencontrer son pharmacien, facilement accessible, dès qu’il en ressent le besoin, à l’improviste ou en prenant un rendez-vous pour effectuer un entretien motivationnel. Enfin, le pharmacien doit aider le patient à anticiper les reprises en lui donnant des conseils pour éviter les situa-tions à risque.

F Le psychologue et le psychiatre sont les inter-locuteurs privilégiés en cas de grandes difficultés psycho logiques (anxiété, dépression).

F Le médecin et le tabacologue effectuent un dia-gnostic complet sur le niveau de dépendance du patient qu’il accompagne vers l’arrêt.

F Enfin, le ministère chargé de la Santé et l’Institut

national de prévention et d’éducation pour la santé

(Inpes) ont développé un dispositif permanent pour accompagner et soutenir les fumeurs dans leur démarche d’arrêt : Tabac info service (tabac-info-service.fr). Des lignes téléphoniques sont accessibles du lundi au samedi, de 9 à 20 heures (le 39 89, 0,15 €/minute) pour bénéficier d’un suivi personnalisé délivré par des tabacologues [9-11]. w

Références[1] Mon Partenaire Santé. Les bénéfi ces physiques liés à l’arrêt du tabac. www.mon-partenaire-sante.com/article/les-benefi ces-physiques-lies-larret-du-tabac

[2] Bourdillon F, Brucker G, Tabuteau D. Traité de santé publique. Paris: Médecine-Sciences Flammarion; 2007.

[3] Mon Partenaire Santé. Ne craquez pas. www.mon-partenaire-sante.com/article/les-methodes-pour-arreter-de-fumer-et-eviter-les-rechutes

[4] Tabac Info Service. Faire face à l’envie de fumer. http://tabac-info-service.fr/Je-tiens-bon/Faire-face-a-l-envie-de-fumer

[5] Tabac Info Service. Apprendre à vivre sans tabac stratégie. http://tabac-info-service.fr/Je-tiens-bon/Apprendre-a-vivre-sans-tabac

[6] Tabac Info Service. Diffi cultés et solutions. http://tabac-info-service.fr/Je-tiens-bon/Diffi cultes-et-solutions

[7] Manger Bouger Programme National Nutrition Santé. Bien manger. www.mangerbouger.fr/bien-manger/

[8] Reynaud M. Traité d’addictologie. Paris: Médecine-Sciences Flammarion; 2008.

[9] Tabac Info Service. J’aide un fumeur à arrêter. http://tabac-info-service.fr/J-aide-un-proche/J-aide-un-fumeur-a-arreter

[10] République française. L’aide et la prévention. www.tabac.gouv.fr/rubrique-24168.php

[11] Mon Partenaire Santé. Accompagner vos proches. www.mon-partenaire-sante.com/article/que-dire-ou-ne-pas-dire-un-fumeur-adulte