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ACADEMIE DE PARIS
Année 2010
MEMOIRE
pour l’obtention du DES d’Anesthésie-Réanimation
Coordonnateur : Mr le Professeur Marc SAMAMA
par
Elsa DARNAL
Présenté et soutenu le 19 Octobre 2010
Signes de réveil secondaires à la décurarisation par
le Sugammadex : évaluation clinique et par
l’enregistrement de l’Index Bispectral et du
Neurosense
(résultats préliminaires)
Travail effectué sous la direction du Professeur Marc FISCHLER
et du Dr Morgan LEGUEN
2
Remerciements
- Aux membres du jury: Pr Hawa KEITA, Pr Marc SAMAMA, Pr Didier JOURNOIS et Pr
Bernard CHOLLEY. Je vous remercie d’avoir accepté d’évaluer mon travail.
- Au Pr Marc FISCHLER. Je vous remercie vivement pour votre aide et votre immense
disponibilité.
- Au Dr Morgan LEGUEN. Merci infiniment pour ton aide, ta disponibilité et ta patience.
- Au Dr Thierry CHAZOT pour ton soutien, et à Bernard TRILLAT.
- Un grand merci également à toute l’équipe des médecins de l’hôpital Foch, ainsi que
l’équipe des IADE, les IBODE, les aide-soignants et les chirurgiens qui ont permis le bon
déroulement du protocole, et avec qui ce fut un plaisir de travailler.
3
REMERCIEMENTS page 2
INTRODUCTION page 4
ETUDE page 7
I. MATERIEL ET METHODES 7
1. Population étudiée 7
2. Déroulement de l’étude 8
3. Analyse statistique 13
RESULTATS page 14
DISCUSSION page 23
I. Le sugammadex 23
II. Réveil ou artéfact ? Les moniteurs de la profondeur de
l’anesthésie 25
1. L’index Bispectral 25
2. Le Neurosense 29
III. Sugammadex et réveil 30
1. Les données de la littérature 30
2. Hypothèses concernant le réveil induit par le
sugammadex 32
CONCLUSION page. 39
REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES page 40
4
INTRODUCTION
La curarisation améliore les conditions d’exposition au cours de l’intubation trachéale
chez l’adulte et l’enfant et permet de diminuer l’incidence des traumatismes
pharyngés, laryngés et les lésions dentaires survenant lors de la laryngoscopie chez
l’adulte. Le maintien de la curarisation facilite l’acte opératoire en chirurgie
abdominale et thoracique, lors de réductions difficiles en orthopédie, et permet
d’éviter les effets des convulsions lors des sismothérapies. A la question « Le
maintien de la curarisation facilite-t-il l'entretien de l'anesthésie ? », la Conférence de
consensus organisée par la SFAR en 1999 a répondu que « La curarisation n'est pas
indispensable à l'entretien de l'anesthésie. Elle peut être utile pour obtenir un bon
relâchement musculaire, sans approfondir l'anesthésie au cours de la césarienne ou
en cas d'instabilité hémodynamique. Le danger de cette attitude est de masquer un
réveil anesthésique, avec un risque de mémorisation » [1]. Dès lors, l’association des
monitorages de la profondeur de l’anesthésie, comme l’Index Bispectral (BIS), et du
degré de curarisation doit améliorer la qualité de l’anesthésie.
Le recours à la curarisation impose la prévention d’une curarisation résiduelle, qui
est une complication plus fréquente que ne l’estime la majorité des anesthésistes
français. En l’absence de monitorage et de recours à la décurarisation
pharmacologique, près d’un patient sur deux peut présenter des signes de
curarisation résiduelle en salle de surveillance post interventionnelle [2]. Debaene et
coll. ont démontré que, même en cas d’administration d’une dose unique de curare
non dépolarisant, il existe un pourcentage significatif de patients présentant une
curarisation résiduelle (37% des patients avaient un rapport T4/T1 < 90%) deux
heures après l’administration [3]. La décurarisation pharmacologique est donc
indispensable, compte tenu du lien existant entre curarisation résiduelle et survenue
de complications respiratoires en salle de surveillance post-interventionnelle [4] et
encore entre antagonisation de la curarisation en fin d’intervention et diminution de la
mortalité dans les 48 heures post opératoires [5].
La décurarisation repose:
5
- sur l’élimination spontanée du curare, ce qui expose à une curarisation résiduelle
ou à une prolongation inutile de l’anesthésie.
- sur l’administration de néostigmine, anticholinestérasique de référence. Cette
méthode possède une limite importante puisqu’il faut attendre le début de la
décurarisation spontanée pour l’administrer (présence d’au moins deux réponses, et
au mieux de quatre réponses au train de quatre à l’adducteur du pouce). De plus, il
existe un certain nombre de contre-indications à son administration (allergie connue
à la néostigmine, occlusion digestive ou obstacle sur les voies urinaires excrétrices,
maladie de Parkinson, asthme) et des effets indésirables (nausées, hypersalivation,
bradycardie notamment) même lorsque la néostigmine est associée à de l’atropine.
- ou sur l’administration de sugammadex : l’introduction récente du sugammadex
offre une nouvelle perspective qui permet de ne pas avoir à attendre le début de la
décurarisation spontanée pour inhiber rapidement et efficacement le bloc
neuromusculaire [6].
L’utilisation de cette molécule est associée à des effets indésirables, qui ont été
décrits à partir d'une base intégrée de données portant sur environ 1700 patients et
120 volontaires. Parmi les complications observées, l’une attire l’attention : les signes
de réveil. Ces signes ont été rapportés notamment par Sparr et coll. dans une étude
d’efficacité, sécurité et pharmacocinétique [7]. Ces auteurs ont étudié 88 patients
recevant une association de propofol et de fentanyl et curarisés avec du rocuronium.
Ils ont signalé que 20,5% des patients (18 / 88) ont présenté des signes de réveil
après l’administration de sugammadex : augmentation du BIS (4 cas), mouvements
de succion (2 cas), grimaces (1 cas), mouvement (7 cas), toux (10 cas).
L’interprétation de ces signes est complexe car la réapparition d’une activité
musculaire pourrait les expliquer au moins en partie, bien que ces patients aient
continué à recevoir des agents anesthésiques. Ceci concerne notamment les
observations d’augmentation du BIS dont on sait qu’une activité musculaire peut
l’accroître du fait du chevauchement des gammes de fréquence propres à
l’électroencéphalogramme (EEG) et à l’électromyogramme (EMG), comme cela a été
démontré par plusieurs équipes [8].
Le but de notre étude est d’évaluer le risque de survenue d’un réveil après injection
de sugammadex :
6
- par une évaluation clinique d’une part,
- par la mesure des indices BIS et WAVcns du moniteur Neurosense d’autre part,
dans une population de patients ayant une anesthésie dont la profondeur correspond
à un niveau compatible avec la pratique d’un acte chirurgical, alors que les
concentrations d’agents anesthésiques (hypnotique et morphinomimétique) sont
maintenues stables.
Le BIS est un dispositif bien connu permettant de surveiller la profondeur de
l’hypnose grâce à une analyse spectrale de l’électroencéphalogramme (EEG) [9]. Ce
moniteur, est actuellement la référence dans le monitorage de la profondeur
d’anesthésie utilisé en clinique.
Une approche complémentaire consiste en le recueil d’un signal électro-cortical par
le moniteur Neurosense (modèle NS-701, NeuroWave Systems, Cleveland, USA) via
4 électrodes disposées sur la face et le front. Une analyse par ondelettes de
l’électroencéphalogramme est réalisée et le moniteur fournit un index dit « index
WAVcns» [9-12].
7
ETUDE
I. MATERIEL ET METHODES
Il s’agit d’une étude prospective, monocentrique, randomisée, réalisée en double
aveugle, menée à l’hôpital Foch à partir d’Août 2010. Cette étude a reçu l’accord du
Comité de Protection des Personnes Ile de France VIII.
1. Population étudiée
a. Critères d’inclusion
Sont éligibles à cette étude les patients adultes bénéficiant d’une anesthésie
générale programmée avec myorelaxation. Les chirurgies concernées par ce
protocole regroupent les actes avec abord de la cavité abdominale intra ou rétro-
péritonéale (chirurgie digestive, urologique, gynécologique et vasculaire aortique),
ainsi que les interventions endoscopiques bronchiques ou ORL avec bronchoscopie
rigide.
b. Critères de non inclusion
Ne sont pas inclus les patients mineurs ou sous tutelle, les femmes enceintes, les
patients pour lesquels est prévu un maintien de l’anesthésie générale ou d’une
sédation en post-opératoire, et les patients ayant une contre-indication à l’utilisation :
- du propofol, telle que l’allergie au propofol, au soja ou aux arachides,
- du rémifentanil ou de la morphine, telle qu’une hypersensibilité connue aux
sufentanil, au rémifentanil, à d’autres dérivés du fentanyl, ou à la morphine,
- du rocuronium, telle qu’un antécédent connu de réaction anaphylactique au
rocuronium ou à l’ion bromure,
- du sugammadex, telle qu’une hypersensibilité connue à la substance active ou à
l’un des excipients, une insuffisance rénale sévère (clairance de la créatinine
inférieure à 30 mL.min-1), un traitement préopératoire ou postopératoire immédiat par
torémifène (Fareston®), flucloxacilline (Floxapen®) ou acide fusidique (Fucidine®),
8
- du moniteur BIS ou du Neurosense, telle qu’un antécédent de troubles
neurologiques centraux ou de lésion cérébrale, ou un patient recevant un traitement
psychotrope préopératoire, ou appareillé avec un stimulateur cardiaque.
c. Critères d’exclusion
Sont exclus de l’étude les patients pour lesquels une décision de maintien de
l’anesthésie générale en postopératoire immédiat est prise en per-opératoire, quelle
qu’en soit la raison.
2. Déroulement de l’étude:
a. Consentement éclairé
Il est recueilli lors de la visite préopératoire ou de la consultation pré-anesthésique
par un médecin anesthésiste-réanimateur participant à l'étude. Toutes les
informations concernant l’étude, ses bénéfices et ses risques sont expliquées
clairement au patient dans un langage compréhensible. En cas de consentement
validé par le patient, une signature est recueillie sur le formulaire ad-hoc.
b. Préparation anesthésique et arrivée au bloc opératoire
Les patients ne reçoivent pas de prémédication. Une fois le patient arrivé en salle
d’intervention, le monitorage anesthésique usuel est mis en place : fréquence
cardiaque, électrocardiogramme, oxymétrie de pouls, pression artérielle.
Le monitorage de la profondeur de l’anesthésie est assuré par :
- le BIS avec une électrode frontale de recueil (BIS modèle A-2000 XP®, version
3.23 Aspect Medical ou BIS recueilli directement par le moniteur GE Datex-Ohmeda
S/5TM Anesthesia Monitor, Helsinki, Finlande),
- le moniteur Neurosense modèle NS-701 (NeuroWave Systems, Cleveland, USA)
avec 1 électrode bifrontale et 2 électrodes temporales.
Le monitorage de la curarisation à l’adducteur du pouce par accélérométrie (NMT
General Electric) permet d‘obtenir le train de quatre (TOF) ou le compte post-
tétanique (PTC) en cas de curarisation profonde. Afin de disposer d’une mesure
fiable tout au long de l’intervention, on s’assure de l’absence d’entrave au couple
pouce-index, on réalise une calibration avant l’injection des curares, et on vérifie le
branchement correct des électrodes au poignet.
9
c. Induction et entretien de l’anesthésie
Les agents anesthésiques intraveineux (propofol et rémifentanil) sont administrés sur
des lignes de perfusion séparées à des posologies adaptées tout au long de
l’intervention pour maintenir le BIS dans l’intervalle de valeurs considérées comme
assurant une anesthésie de profondeur satisfaisante (intervalle 40-60).
L’administration du propofol et du rémifentanil est réalisée par l’intermédiaire du
logiciel Infusion Toolbox 95 (ITB) version 4.10, qui a été développé au sein du
Département d’Anesthésie-Réanimation du Pr L. Barvais et du Département de
Calcul Scientifique de l’Hôpital Universitaire d’Erasme (ULB, Bruxelles, Belgique)
[13]. Ce logiciel intègre différents modèles pharmacocinétiques, dont ceux de
Schnider [14] pour le propofol et de Minto [15] pour le rémifentanil. Le dispositif est
utilisé en « boucle ouverte », le médecin anesthésiste-réanimateur décidant à tout
moment des concentrations cibles de propofol et de rémifentanil [16][17]. Le
monitorage du train de quatre est débuté après la perte de conscience. La
myorelaxation est assurée dès la perte de conscience, après vérification de la
possibilité d’une ventilation manuelle, par du rocuronium administré à la posologie
initiale de 0,6 mg.kg-1 suivie par un entretien par bolus ; la posologie est adaptée aux
données du monitorage pour maintenir une curarisation modérée (TOF = 0 ou 1).
L’utilisation de kétamine est proscrite pour éviter toute interaction avec le signal de
BIS. La ventilation mécanique est effectuée à l’aide d’un mélange d’oxygène-air.
L’analgésie multimodale est démarrée une heure avant la fin de l’intervention avec
notamment l’administration intraveineuse de morphine en relais analgésique du
rémifentanil à une posologie de 0,1 mg.kg-1 et de néfopam en l’absence de contre-
indication.
d. Préparation de la solution à injecter
La solution a été préalablement préparée hors de la salle par un médecin ou une
infirmière anesthésiste ne participant pas à l’anesthésie du patient, selon les
instructions précisées dans une enveloppe cachetée correspondant à la
randomisation. La liste de randomisation est générée automatiquement par un
programme informatique, selon une randomisation en deux groupes par bloc de 4.
Elle est conservée par le coordinateur de l’étude pour lever l’aveugle en cas de
nécessité.
10
e. Recueil des données
L’étude commence après l’intervention chirurgicale, en l’absence de toute stimulation
sensorielle. La profondeur d’anesthésie correspond à des valeurs de BIS entre 40 et
60 avec des concentrations au site effet de propofol et rémifentenil stables pendant
au moins cinq minutes consécutives. Au besoin, les cibles de propofol et de
rémifentanil sont modifiées pour remplir les conditions précédemment décrites. Tous
les patients ont un TOF de 0 ou 1 (avec un PTC ≥ 2 si le TOF = 0).
Une fois obtenu cet équilibre, on procède à l’injection soit de suggamadex (posologie
de 4 mg.kg-1) soit d’un volume équivalent de sérum physiologique.
Après l‘injection, on recueille les signes cliniques spontanés de réveil (déglutition,
toux, mouvement, ouverture des yeux) et la réponse clinique éventuelle à l’appel du
patient à la 3ème minute et on enregistre en continu et en simultané les tracés de BIS
et de Neurosense pendant 5 minutes (fin de l’étude).
Le critère de jugement principal est la variation du BIS entre avant et 5 minutes après
l’injection.
Le déroulement de l’étude est représenté dans la Figure 1.
11
FIGURE 1 : DEROULEMENT DE L’ETUDE
La perfusion de propofol et de rémifentanil est arrêtée:
- dès qu’il existe un réveil clinique,
- après la cinquième minute s’il n’a pas été noté de signe franc de réveil, à la
condition que le patient soit décurarisé (retour de quatre réponses au train de quatre
et observation d’un rapport T4/T1 ≥ 90%).
Un patient non décurarisé à la cinquième minute reçoit une injection de
sugammadex, et la perfusion de propofol et rémifentanil est arrêtée ultérieurement,
après décurarisation complète.
12
-L’extubation et le séjour en salle de surveillance post interventionnelle se déroulent
selon les règles usuelles de la surveillance postopératoire et de la prise en charge de
l’analgésie postopératoire.
- Une mémorisation explicite est recherchée avant la sortie de la salle de surveillance
post-interventionnelle en utilisant un questionnaire spécifique [18].
13
3. Analyse statistique
Le nombre de patients nécessaire à l’étude, soit 50 patients, a été calculé a priori à
partir de l’estimation suivante. Il est attendu une modification de 5 ± 5 de la valeur du
BIS après l’injection de placebo contre une modification de 20 ± 20 après l’injection
de sugammadex à la 5ème minute en maintenant constantes les cibles d’agents
anesthésiques. Il est convenu dans ce calcul une erreur de type I de 5% et une
erreur de type II de 10%.
Les résultats sont exprimés en médiane [Interquartile]. L’effet de l’injection est
analysé par un test non paramétrique pairé de Kruskall-Wallis pour évaluer l’effet sur
les indices électro-corticaux (BIS et index Neurowave). Par ailleurs, la comparaison
de l’amplitude éventuelle des modifications des indices est effectuée par une analyse
de variance tandis que l’incidence des événements « réveils cliniques » est évaluée
par un Fischer exact test. Le seuil de significativité retenu est p < 0,05.
Les concentrations au site effet des agents utilisés au moment de l’injection sont
données en moyenne ± écart-type.
Les caractéristiques des patients présentant un réveil clinique ou non sont
comparées par une analyse univariée en prenant comme seuil une valeur de p < 0,1.
14
RESULTATS
Entre le 17 août et le 23 septembre 2010, 20 patients ont été inclus dans l’étude sur
les 50 initialement prévus.
L’âge médian de cet échantillon était de 50 ans [42-75], et le sexe ratio équilibré,
avec 11 femmes et 9 hommes. Les interventions réalisées ont concerné diverses
spécialités chirurgicales telles que la chirurgie digestive (cholécystectomies,
fermetures d’iléostomies), la chirurgie urologique (cure de jonction pyélo-urétérale,
prostatectomie) et l’endoscopie thoracique (laser bronchique, pose de prothèse
endobronchique), avec des durées moyennes d’intervention de 100 ± 92 minutes.
Une seule de ces interventions a nécessité une transfusion sanguine (4 concentrés
de globules rouges), sans état de choc hémorragique. Le monitorage de la
température au moment du réveil a montré l’absence d’hypothermie peropératoire
(température corporelle > 36 °C).
L’anesthésie en boucle ouverte a permis le maintien des valeurs de BIS et de
Neurosense dans les valeurs cibles de profondeur de l’anesthésie entre 40 et 60
pour la totalité des patients, avec des concentrations cibles de rémifentanil et de
propofol respectivement de 5,6 ± 2,9 ng.ml-1 et 2,3 ± 0 ,5 µg.ml-1. La profondeur de la
curarisation était similaire pour l’ensemble des patients à savoir 0 ou 1 réponse au
TOF sans bloc profond (PTC > 2 si TOF=0).
Neuf patients ont reçu du Sugammadex et onze du placebo.
L’injection de placebo n’a pas été suivie d’une modification significative des valeurs
d’indice électro-cortical tandis que l’injection de Sugammadex a été accompagnée de
variations significatives des indices de BIS (Figure 2) et de WAVcns (Tableau 1):
quatre patients sur les neuf ayant reçu du sugammadex ont eu une augmentation du
BIS de plus de 20 en 5 minutes.
15
TABLEAU 1: EVOLUTION DES INDICES DE PROFONDEUR DE L ’ANESTHESIE :
COMPARAISON AVANT/ APRES L’INJECTION
Avant Après P
Placebo (n = 11)
BIS 48 [44 - 53] 46 [41 - 53] 0,747
WAVcns 54 [49 - 55] 55 [50 - 69] 0,930
Sugammadex (n = 9)
BIS 46 [42 - 58] 79 [63 - 86] 0,003
WAVcns 54 [50 - 55] 76 [70 - 91] 0,032
Les valeurs sont présentées en valeur médiane [interquartile]
16
Figure 2 : Évolution des valeurs de BIS en fonction du temps
(La flèche noire représente le moment de l’injection)
0 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10
0
20
40
60
80
100
0 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10
0
20
40
60
80
100
BIS BIS
Temps (minutes)
0 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10
0
20
40
60
80
100
0 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10
0
20
40
60
80
100
0 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10
0
20
40
60
80
100
0 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10
0
20
40
60
80
100
BIS BIS
Temps (minutes)
Sugammadex Placebo
17
Les variations des indices de profondeur de l’anesthésie ont été significativement
plus élevées dans le groupe Sugammadex alors que les niveaux de départ étaient
similaires dans les 2 groupes (Tableau 2).
TABLEAU 2: EVOLUTION DES INDICES BIS ET NEUROSENSE : COMPARAISON
SUGAMMADEX / PLACEBO
Sugammadex
(n = 9)
Placebo
(n = 11)
P
BIS départ 46 [42 - 58] 48 [44 - 53] 0,722
Variations BIS 33 [2 - 37] -1 [-6 - 4] 0, 00007
WAVcns départ 54 [50 - 55] 54 [49 - 55] 0,934
Variations
WAVcns 25 [2 - 35] 0 [-3 - 3] 0,031
Les valeurs sont présentées en valeur médiane [interquartile]
L’injection de placebo n’a entraîné aucun événement de réveil clinique. Au contraire,
dans le groupe Sugammadex, l’injection a été suivie d’un réveil clinique dans 4 cas
(p < 0,0001). Ces réveils ont été observés malgré l’entretien de l’anesthésie avec un
BIS médian à 84 à la 5ème minute suivant l’injection. Tous ces patients ont ouvert les
yeux à la demande, et trois d’entre eux ont présenté une toux. Les BIS et
concentrations au site effet des agents anesthesiques chez ces quatre patients sont
présentés dans le Tableau 3.
18
TABLEAU 3: VALEURS DE BIS ET CONCENTRATIONS AU SITE EFFET DE PROPOFOL ET
REMIFENTANIL CHEZ LES 4 PATIENTS AYANT PRESENTE UN REVEIL CLINIQUE.
BIS avant BIS après [c] propofol [c] rémifentanil
Patient 1 49 51 1.9 3.7
Patient 2 53 91 2.2 14
Patient 3 46 82 3.2 4.6
Patient 4 44 84 1.9 2.6
Les caractéristiques démographiques des patients du groupe sugammadex, selon
leur réponse clinique, sont présentées dans le Tableau 4. La seule différence
statistiquement significative concerne l’âge des patients.
TABLEAU 4: CARACTERISTIQUES DES PATIENTS SELON LEUR REPONSE CLINIQUE.
Réveils cliniques n = 4
Pas de réveil clinique n = 5
Âge 71 [48-82] 50* [26-86]
Sexe ratio (M/F) 2/2 3/2
ASA 2 [2-3] 2 [1-2]
BMI 22 [18-28] 26 [22-30]
Les données sont présentées en médiane [valeurs extrêmes]. * p < 0,1.
19
Chez les patients qui ont présenté un réveil clinique, l’extubation a été possible après
6 ± 4 minutes en moyenne contre 10 ± 4 minutes chez les autres patients (p = 0,09).
Il n’a été constaté aucun cas de recurarisation ni de complication d’un autre ordre en
postopératoire précoce.
Aucun des patients, notamment ceux qui ont présenté des signes cliniques de réveil,
n’a présenté de mémorisation explicite précoce.
La Figure 3 montre l’évolution des indices BIS et Neurowave après injection de
sugammadex, chez un patient.
20
Figure 3 : Evolution des valeurs de BIS et Neurowave
(bilatérales) chez un patient
21
Les tracés EEG extraits du Neurosense sont en cours d’analyse. Un exemple montre
l’effet de l’injection du Sugammadex sur les différentes composantes de l’EEG et
témoigne donc d’un effet autre que musculaire (Figure 4).
La lecture de cette figure comprend le temps en minutes (abscisse), la gamme de
fréquences (ordonnée) et l’intensité du signal codé en couleurs (rouge = intense à
bleu = très peu intense).
Après l’injection de sugammadex, alors qu’auparavant l’activité corticale était
circonscrite à de l’activité basses fréquences (δ), on observe rapidement l’apparition
d’une activité dans des bandes de fréquence alpha dispersées et bêta, révélant une
activation corticale ; on peut noter qu’il n’existe pas, à l’inverse, d’activité intense au
niveau des bandes de fréquence correspondant à l’EMG.
22
Figure 4 : Analyse spectrale de l’EEG : Evolution après injection de
sugammadex (T0)
23
DISCUSSION
L’injection de sugammadex provoque chez 4 parmi 9 patients une variation de la
valeur du BIS de plus de 20 dans les cinq minutes qui suivent l’injection de
sugammadex. Par ailleurs, des épisodes de réveil surviennent dans les 5 minutes
suivant l’injection du sugammadex dans 4 cas sur 9.
I. Le sugammadex
Le sugammadex est une cyclodextrine formée de molécules glucidiques qui se
présente sous la forme d’un anneau, avec une cavité centrale lipophile et une partie
externe hydrophile en raison de la présence de groupements hydroxyles, chargés
négativement en surface (Figure 5).
FIGURE 5 : COMPLEXE SUGAMMADEX-ROCURONIUM
Ces charges négatives interagissent avec les charges positives des ammoniums
quaternaires des myorelaxants, qui sont alors capturés au centre de la molécule de
cyclodextrine. La fixation du myorelaxant au centre de la molécule de cyclodextrine
est particulièrement forte et prolongée. L’interaction entre le sugammadex et le
myorelaxant implique une molécule de sugammadex pour une molécule de
myorelaxant. Cette réaction va entraîner une baisse très rapide des concentrations
de myorelaxant libre dans le plasma [19] et une diffusion passive du myorelaxant des
récepteurs cholinergiques post-synaptique de la jonction neuromusculaire vers le
plasma (Figure 6). Ce phénomène de transfert rapide entre la jonction
neuromusculaire et le compartiment plasmatique explique l’effet rapide de cet agent
24
décurarisant parfois appelé « inhibiteur compétiteur ».Ce mode d’action permet une
décurarisation rapide [20].
FIGURE 6 : MECANISME D’ACTION DU SUGAMMADEX
Le sugammadex est éliminé par le rein sous forme inchangée avec les molécules de
myorelaxant qui ont été trappées. La demi-vie d’élimination chez l’adulte à fonction
rénale normale est de 1,8 h. La clairance estimée est alors d’environ 88 mL.min-1. Ni
le sugammadex ni le complexe sugammadex-curare ne se lient aux protéines
plasmatiques. Le complexe sugammadex-curare est pharmacologiquement inactif, il
ne peut se dissocier, la chélation étant irréversible, d’où l’absence de recurarisation
ultérieure, à la condition d’utiliser une posologie suffisante pour éliminer l’ensemble
des molécules de curare stéroïdien (≥ 2 mg.kg-1). Plusieurs études cliniques ont
montré l’efficacité et la stabilité du sugammadex sur la réversibilité du bloc
neuromusculaire, même profond, du rocuronium [7] [21-24].
25
Le sugammadex n’est efficace qu’avec les myorelaxants stéroïdiens (rocuronium,
pancuronium ou vécuronium). Le sugammadex n’interagit pas avec le récepteur
nicotinique de la jonction neuromusculaire et n’influence pas le relargage et le
métabolisme de l’acétylcholine; ainsi, il n’est pas nécessaire de l’administrer
conjointement avec des agents anticholinergiques, tels l’atropine ou le
glycopyrrolate, comme c’est le cas lorsqu’on administre de la néostigmine.
Plusieurs indications à l’utilisation du sugammadex peuvent être retenues.
L’indication la plus indiscutable est la décurarisation lors d’un bloc profond (pas de
réponse au train de quatre) dû à un curare stéroïdien. En effet, dans ce cas il n’existe
aucune autre possibilité thérapeutique pour réaliser la décurarisation en dehors de
l’utilisation de sugammadex, dont la posologie doit être dans cette indication de 4
mg.kg-1. En cas de bloc moins profond, le sugammadex peut être utilisé à la place de
la néostigmine quand il existe au moins deux réponses au train de quatre à
l’adducteur du pouce à la dose de 2 mg.kg-1. La troisième indication est la
décurarisation « de secours », au décours immédiat de l’injection d’un curare
stéroïdien, quand l’intubation oro-trachéale se révèle impossible de façon non
prévue ; la dose doit être ajustée à la dose de curare et au délai entre l’injection de
sugammadex et de rocuronium, la posologie recommandée est alors de 16 mg.kg-1.
Elle permet une décurarisation compète en deux minutes environ puisqu’une relation
dose-rapidité d’effet a été montrée [7][26].
Les effets de l’injection de sugammadex que nous avons observés sur l’activité
électro-corticale ont été mesurés à l’aide de moniteurs de la profondeur de
l’anesthésie; l’interprétation des données fournies par ces moniteurs doit tenir
compte de certaines de leurs limites, en particulier en ce qui concerne les
interférences avec l’activité musculaire.
II. Réveil ou artéfact ? Les moniteurs de la profondeur de l’anesthésie
1. L’index Bispectral
a. Bases théoriques de l’index bispectral
L’analyse bispectrale est un procédé qui quantifie la relation de phase existant entre
les composants du spectre de puissance du signal électro-encéphalographique [9]. Il
26
utilise un traitement mathématique du signal (transformation de Fourier) et aboutit à
un paramètre unique sans dimension qui prend des valeurs entre 100 (patient
éveillé) et 0 (électro-encéphalogramme plat). Les détails du calcul constituent un
brevet industriel. Une analyse par régression multiple a été pratiquée avec les
paramètres électro-encéphalographiques en tant que variable dépendante [27] de
manière à donner un continuum entre un EEG plat (BIS = 0) et un EEG de patient
parfaitement éveillé sans agent hypnotique ou morphinomimétique.
La valeur du BIS est calculée par une formule mathématique complexe qui utilise les
coefficients des sous-paramètres dont le poids relatif a été calculé : le « burst
suppression » - ou « bouffées suppressives », caractérisées pas l’alternance de
bouffées d’ondes thêta et/ou delta, parfois mêlées à des ondes plus rapides, et de
périodes de dépression majeure de l’activité cérébrale, de moins de 20 µv, le
« SynchFastSlow » (degré de synchronisation, augmente avec la profondeur de
l’anesthésie) et le « BêtaRatio » (pourcentage de fréquences rapides β,
prédominantes au cours de la sédation légère) [8].
La manipulation des coefficients des différents paramètres a pour objectif d’obtenir
une relation linéaire entre les valeurs de l’index Bispectral, les concentrations des
différents médicaments anesthésiques et les réponses cliniques (perte de
connaissance). Le moniteur indique également un paramètre appelé EMG qui
correspond à la puissance du spectre de fréquence entre 70 et 110 Hz, exprimé en
décibels et dont les valeurs sont comprises entre 27 et 80 dB.
b. Facteurs influençant l’index Bispectral
Le BIS dérivant du signal EEG, tout ce qui modifie le champ électrique à proximité
des électrodes et toutes les situations physiologiques venant perturber l’activité
cérébrale sont susceptibles d’interférer avec le recueil du spectre, ce qui a conduit au
développement du logiciel et de filtres pour limiter le poids de ces artéfacts.
Des éléments de l’environnement peuvent affecter les mesures de BIS. Les
couvertures chauffantes à air pulsé peuvent provoquer une surestimation du BIS,
comme rapporté par Guignard et coll. [28]; l’air chaud pulsé peut créer des artéfacts
en faisant « vibrer » les électrodes frontales. Cette interférence est confirmée par
Hemmerling et coll. [29] dans une série de patients de chirurgie cardiaque avec
deux versions logicielles : une ancienne et une version plus récente de l’appareil,
27
censée protéger des interactions avec les autres systèmes électriques ; les artéfacts
du BIS n’étaient alors pas accompagnés d’artéfacts à l’EEG. Ce même auteur décrit
un cas de surestimation du BIS par interférence électromagnétique d’un appareil de
chirurgie ORL de neurostimulation [30]. Gallagher [31] publie un cas de perturbation
du BIS par un pace-maker, le BIS revenant à sa valeur antérieure dès l’arrêt de la
stimulation. Enfin, Myles et coll. rapportent une observation de surestimation de la
valeur du BIS liée à l’activité électrocardiographique [32].
Cependant, la principale interférence décrite dans la littérature demeure l’activité
musculaire résiduelle, notamment pour des niveaux légers de sédation. Liu et coll.
[8] montrent que, chez des patients au moment de l’induction d’une anesthésie
générale avec une concentration cible constante de rémifentanil et une titration de
propofol, l’administration d’atracurium provoque une diminution du BIS. Chez des
volontaires [33] et chez des patients [34], de tels éléments n’ont pas été retrouvés à
des niveaux d’anesthésie profonde. Cette différence est probablement due aux
différences de niveaux d’anesthésie. En effet, comme le montrent Vakkuri et coll.
[35], les facteurs prédominants dans le calcul du BIS varient en fonction du niveau de
d’anesthésie. Ainsi, pendant une anesthésie légère ou une sédation profonde, le
poids du BêtaRatio est plus important que lors d’une anesthésie profonde. Bêta
Ratio = log (P30-40 Hz/P 11-20 Hz). Il inclut donc des fréquences proches des fréquences
générées par l’activité musculaire; on explique donc l’effet des curares sur le BIS à
des niveaux légers d’hypnose. Messner et coll. [36] ont étudié l’évolution du BIS chez
des volontaires sains non sédatés après curarisation. Après injection d’alcuronium
puis de succinylcholine, la valeur du BIS diminue rapidement, alors que les sujets
restent conscients (par la technique du bras isolé, les sujets continuent de
communiquer). Cette diminution du BIS se fait de façon concomitante à la diminution
de l’activité musculaire. L’explication donnée à cette époque était que ces
observations provenaient d’un filtrage insuffisant des fréquences EMG
(électromyogramme) proches des fréquences EEG (électroencéphalogramme) de la
sédation profonde. En effet, le spectre des fréquences EEG utilisées dans la
détermination du BIS va au-delà des 30 Hz, jusqu’à 47 Hz. Les signaux EEG
appartiennent conventionnellement à la bande [0,5-30 Hz], alors que les signaux
EMG appartiennent à la bande [30-300 Hz] [37] (Figure 7).
28
FIGURE 7 : CHEVAUCHEMENT DES SPECTRES DE FREQUENCE EEG ET EMG
D’après Jensen et coll. [37]
Ce chevauchement entre les bandes de fréquence pourrait expliquer l’influence de
l’EMG sur le BIS. Malgré des améliorations technologiques pour mieux détecter
l’activité EMG [38], les interférences existent encore, comme le montre l’étude de Liu
et coll. [8]. Les signaux situés à des fréquences supérieures à 30 Hz contiennent
non seulement l’activité EMG, mais aussi des marqueurs importants électro-
encéphalographiques de l’état de conscience. Ainsi, filtrer les fréquences entre 30 et
50 Hz, comme dans l’étude de Sleigh et coll. [38], fait perdre en performance le
monitorage cérébral lorsqu’il s’agit de discriminer l’état d’éveil de l’hypnose. En effet,
la conception classique du spectre électro-encéphalographique avec les 4 bandes δ
(delta), θ (thêta), α (alpha) et β (bêta), ne suffit pas à décrire toutes les variations du
spectre. Des recherches neurophysiologiques ont mis en évidence l’importance de la
bande de fréquence appelée γ (gamma), qui correspond à des oscillations entre 40
et 60 Hz. Cette bande est présente chez des sujets conscients impliqués dans des
processus d’attention [39]. Enfin, l’intérêt porté aux bandes de fréquences au-dessus
de 30 Hz pour monitorer l’hypnose concerne aussi l’activité musculaire. La reprise de
l’activité musculaire du muscle frontal est considérée comme un marqueur de reprise
de conscience ou de nociception.
29
2. Le Neurosense
Le second moniteur utilisé dans cette étude est le Neurosense. Il recueille également
un signal électrique provenant du cerveau. Les algorithmes du Neurosense sont
fondés sur une décomposition par ondelettes des signaux électro-
encéphalographiques, ce qui permet d’observer et de caractériser aussi bien les
changements fréquentiels que temporels qui résultent de l’action des agents
anesthésiques. Ceci permet une détermination rapide de l’état cortical du patient. En
outre, l’algorithme du Neurosense est fixe: les paramètres d’analyse ne changent
pas, que le patient soit éveillé ou profondément endormi. La valeur calculée
principale, l’indice WAVcns, mesure l’activité corticale du patient de façon à évaluer
l’effet cérébral des agents anesthésiques. Le moniteur permet le monitorage en
continu des deux hémisphères cérébraux, ce qui le différencie du BIS; notre analyse
a été effectuée sur les données de l’hémisphère monitoré par le BIS. Le moniteur
calcule l’indice Suppression Ratio (SR), qui représente le pourcentage de temps
calculé sur 1 minute durant lequel l’activité corticale est nulle, ainsi que
l’électromyogramme (EMG) qui est une indication de l’activité musculaire frontale. La
qualité du signal étant essentielle, une mesure des impédances des électrodes, ainsi
que du bruit ambiant est faite de façon continue. Une alarme visuelle et auditive est
déclenchée lorsque la qualité du signal ne permet pas un calcul précis de l’état du
patient.
L’expérience clinique du Neurosense, peu importante du fait du très faible nombre de
patients étudiés, peut se résumer ainsi:
- excellente corrélation entre les valeurs de BIS et de WAVcns (r = 0,969) durant les
périodes de stabilité de l’anesthésie [40],
- préconisation de bornes de valeurs identiques, intervalle de 40 à 60, pour qualifier
d’adéquate la profondeur de l’anesthésie [41],
- reproductibilité intra-patient meilleure que celle du BIS [41][42].
Le pouvoir de discrimination de l’indice WAVcns entre l’état d’éveil et l’anesthésie est
meilleur que celui du BIS [43].
30
Aucun des deux moniteurs de l’anesthésie n’est dénué d’artéfacts dus à l’activité
musculaire, car leur analyse inclut les bandes de fréquence correspondant à l’activité
électromyographique. Ainsi, on ne peut pas exclure avec certitude une part d’artéfact
musculaire dans les augmentations des indices BIS et WAVcns observées lors de la
décurarisation rapide par le sugammadex.
Cependant, ces artéfacts musculaires ne peuvent expliquer le fait que
l’administration de sugammadex provoque des signes cliniques de réveil. De telles
observations ont été inconstamment rapportées dans les études cliniques.
III. Sugammadex et réveil
1. Les données de la littérature
Plaud et coll. [26] montrent dans une étude récente que les effets indésirables
rapportés lors de l’injection de sugammadex sont nombreux (bradycardie,
vomissements, spasmes musculaires, etc.) tant chez l’enfant (entre 62 et 82%) que
l’adulte (57,1%). Néanmoins, les liens de causalité sont difficiles à montrer pour une
partie d’entre eux et, surtout, il n’est pas rapporté de mouvements, de réveil ou de
mémorisation. Toutefois, ceux-ci n’étaient pas explicitement recherchés, et par
ailleurs la profondeur d’anesthésie n’était pas standardisée au moment de la
décurarisation.
Des signes cliniques de réveil comptent parmi les effets indésirables rapportés du
sugammadex. Le Tableau 5 regroupe ces effets indésirables par ordre de fréquence.
31
TABLEAU 5 : EFFETS INDESIRABLES DU SUGAMMADEX
Système
physiologique Incidence Effet indésirable
Affections du système
immunitaire
Peu fréquent
(>= 1/1000, < 1/100)
Réactions
allergiques
Bouffées vasomotrices, rash
érythémateux
Lésions, intoxications
et complications liées
aux procédures
Fréquent
(>= 1/100, < 1/10)
Complication
anesthésique
Mouvements d'un membre ou du
corps ou une toux pendant
l'anesthésie ou la chirurgie, des
grimaces ou la succion de la
sonde d’intubation
Peu fréquent
(>= 1/1000, < 1/100)
Signes d'éveil
pendant l'anesthésie
Relation incertaine avec le
sugammadex
Affections du système
nerveux :
Très fréquent
(>= 1/10) chez les
volontaires
Dysgueusie
Goût métallique ou amer
observé principalement après
administration de doses
supérieures ou égales à
32 mg/kg
L’étude de Sparr et coll. [7] relève un nombre non négligeable d’événements
indésirables mineurs ou modérés, signes de profondeur insuffisante d’anesthésie,
avec élévation du BIS, mouvements de succion, grimaces et toux sur la sonde
d’intubation. Ainsi, sur un collectif de 88 patients anesthésiés et curarisés, il est noté
18 événements lors de la décurarisation par sugammadex soit un ratio de 20,4%
(Tableau 6).
32
Tableau 6 : SIGNES DE FAIBLE PROFONDEUR D’ANESTHÉSIE OBSERVÉS CHEZ 18/88
PATIENTS AYANT REÇU DU SUGAMMADEX ; SELON SPARR ET COLL. [7]
Dose de sugammadex
(mg.kg-1) 1,0 2,0 4,0 6,0 8,0 Total
Grimaces 1 0 0 0 0 1
Succion 1 1 0 0 0 2
Augmentation du BIS
1 1 0 1 1 4
Mouvement 1 1 0 2 3 7
Toux 3 1 1 1 4 10
Notre étude, avec 4 patients sur 9 qui présentent un réveil clinique après
l’administration de sugammadex, alors que l’anesthésie était maintenue stable et
profonde (médianes des cibles de propofol = 2,0 µg.mL-1 et de rémifentanil = 5,3
ng.mL-1), confirme les observations de Sparr. Celles-ci ne peuvent être liées à des
artéfacts de mesure, puisqu’il s’agit d’événements cliniques. Aucune donnée de
littérature ne permet d’affirmer avec certitude le mécanisme par lequel
l’administration de sugammadex provoque un réveil chez certains patients.
Cependant, il existe quelques hypothèses à ce sujet.
2. Hypothèses concernant le réveil induit par le sugammadex
a. Interactions propofol – rémifentanil et sugammadex ?
Les cyclodextrines sont une famille de molécules largement utilisées, notamment en
pharmacologie. En particulier, des cyclodextrines ont été testées comme excipient
pour une formulation de propofol permettant d’éviter la forme d’émulsion lipidique
sans qu’ait été étudiée l’interaction entre cette formulation de propofol et
l’administration de curare.
33
Si elle possède une affinité élevée pour l’interaction avec le rocuronium, il se pose la
question de possibilités d’interaction avec les agents intraveineux d’anesthésie.
Cette hypothèse de la captation des agents anesthésiques par le sugammadex a été
proposée par Sparr et coll. [7]. Le sugammadex possède une affinité connue pour
des molécules différentes des curares stéroïdiens (torémifène, flucloxacilline, acide
fusidique). Une captation des agents de l’anesthésie (le propofol et le rémifentanil
dans notre étude) par le sugammadex n’est donc pas impossible en théorie; ainsi, le
sugammadex en ferait chuter les concentrations au site effet, et allègerait
brutalement l’anesthésie. Aucune donnée de la littérature actuelle ne permet de
confirmer cette hypothèse, et des informations précieuses pourraient être tirées de la
réalisation de dosages des concentrations plasmatiques de propofol et rémifentanil
avant et après l’injection de sugammadex. Nous avons prévu de réaliser ces
dosages dans la suite du protocole.
Une autre hypothèse peut être discutée: celle d’une interaction entre curarisation et
hypnose. En effet, la littérature contient des résultats divergents à ce sujet, et les
études disponibles ont évalué l’effet de divers agents de curarisation et de
décurarisation à travers divers modes d’évaluation de l’hypnose.
b. La théorie de la désafférentation
La théorie de la désafférentation pourrait rendre compte d’un effet des curares sur la
profondeur de l’anesthésie. Celle-ci est le corollaire de la théorie selon laquelle toute
substance ou manœuvre qui augmente l’activité musculaire produit également une
stimulation cérébrale. Pour exemple, les figures de réveil à l’EEG vues chez
l’homme après fasciculation musculaire en réponse à l’administration de
succinylcholine ou du décamethonium [45]. Ceci rendrait compte de la modulation de
l’activité cérébrale par l’activité musculaire afférente.
Dans la partie centrale non contractile du fuseau neuromusculaire, qui contient peu
d’actine et de myosine [46], on trouve des récepteurs sensibles à l’étirement (fuseau
neuro-musculaire). Ces récepteurs sont entourés par des fibres musculaires
contractiles, et peuvent être activés par l’étirement de ces fibres ou par des
neurotransmetteurs. Les potentiels d’action générés par les afférences musculaires
sont transmis via des nerfs périphériques à la corne postérieure de la moelle
34
épinière, puis vers le cortex cérébral via la substance réticulée activatrice (SRA),
dont le niveau d’activation définit le réveil ou le sommeil. Les signaux interférant avec
le niveau d’éveil ne se limitent pas aux afférences nociceptives. Les afférences
proprioceptives ont un relais thalamique et sont diffusées vers des aires corticales
impliquées dans la fonction d’éveil. Ce signal produit sur le spectre de l’électro-
encéphalogramme un effet équivalent à une reprise de conscience. L’activité des
récepteurs musculaires à l’étirement produirait donc une stimulation cérébrale. En
bloquant les afférences proprioceptives venant du fuseau musculaire, les
myorelaxants auraient un effet de « désafférentation » en coupant la stimulation
corticale produite par ces afférences spinothalamiques. Ainsi, des chats paralysés
par de la gallamine (curare non dépolarisant) montrent des « figures de
synchronisation électrocorticale » identiques à celles des animaux à qui on fait subir
une section médullaire ou un bloc à la procaïne [47]. Selon des travaux de Hodgson
et coll. [48], l’anesthésie péridurale diminue de 34% le sévoflurane nécessaire pour
obtenir une profondeur d’anesthésie adéquate. Cet effet ne résulte pas d’une
absorption systémique de lidocaïne: les hypothèses avancées sont alors celles d’une
diffusion rostrale directe de l’anesthésique local dans le liquide céphalorachidien, ou
celle d’une désafférentiation par l’anesthésie péridurale. Par ailleurs, Gentili et coll.
[49] ont montré que, lors d’une rachianesthésie, on observe des états de sédation,
proportionnels à l’extension du bloc médullaire soulignant l’effet sédatif d’une
désafférentation brutale et étendue. Cette hypothèse de désafférentation a été
avancée dès 1994 par l’équipe de Lanier et coll. [50] sur un modèle animal de chien
pour expliquer l’effet « anesthésique » des curares.
Cette théorie est née des premières observations de l’épargne hypnotique
provoquée par la curarisation, mais elle reste controversée. Ainsi, Forbes et coll.
[51] ont montré une réduction de 25% de la MAC de l’halotane avec une
administration de pancuronium, par une technique de bras isolé. Schwartz et coll.
[52] mettent en évidence une augmentation des périodes de silence électrique à
l’EEG induites par l’isoflurane avec du pancuronium.
Au contraire, Fahey et coll. [53] ne retrouvent pas de diminution de la MAC lors de
l’utilisation de curares. Ekman et coll. [54] ont étudié les changements du BIS et des
potentiels évoqués auditifs (AAI) chez 25 patients sous anesthésie générale au
sévoflurane, recevant du rocuronium pour différents niveaux de bloc
35
neuromusculaire, en l’absence ou en présence d’un stimulus nociceptif standardisé.
L’étude conclut à une influence du bloc neuromusculaire sur les réponses BIS et AAI,
proportionnellement à la profondeur de ce bloc, ceci uniquement en présence d’un
stimulus nociceptif : plus le bloc neuromusculaire est profond, plus on assiste à un
« amortissement » de l’augmentation du BIS et des AAI en réponse à un stimulus
nociceptif.
Plusieurs études ont évalué l’effet de l’institution d’une curarisation sur la profondeur
de l’anesthésie à l’aide d’un moniteur de la profondeur de l’anesthésie, sans
retrouver d’effet sédatif de la curarisation et vont ainsi dans le sens de
l’expérimentation de Messner [36] sur des volontaires sains au cours de laquelle
l’administration de succinylcholine ou d’alcuronium entraîne certes une baisse
significative du BIS, mais pas de perte de conscience ni de sédation, le volontaire
pouvant répondre aux sollicitations via la technique du bras isolé; le volontaire
répond aux stimulations verbales, mais on ne connaît pas l’état d’éveil des patients
ainsi curarisés en dehors de toute stimulation. Vasella et coll. [55] n’ont pas mis en
évidence de modification du BIS ou des potentiels évoqués auditifs lors de
l’instauration d’une curarisation chez des patients sous anesthésie générale par
propofol - rémifentanil. Greif et coll. [33] n’ont pas noté de modification du BIS après
l’administration de mivacurium chez des patients sous anesthésie générale
entretenue par propofol. Liu et coll. [8] ne trouvent pas de modification du paramètre
SE de l’entropie (ne contenant que très peu de fréquences communes avec
l’électromyogramme) lors de l’injection de curare au cours d’une induction
anesthésique par propofol.
L’effet anesthésique des curares est ainsi une hypothèse, dont la justification
physiologique est incertaine, et les résultats retrouvés dans la littérature sont
contradictoires. Contrairement aux approches consistant à étudier les phases
d’induction anesthésique, où les concentrations d’hypnotiques ne sont pas
constantes, et contrairement aux études concernant l’entretien de l’anesthésie, dont
les résultats sont contrastés, une autre approche consiste en l’étude de la phase de
décurarisation.
36
Ainsi, Vasella et coll. [55], montrent que l’administration de néostigmine augmente
significativement le BIS et les potentiels évoqués auditifs. Dans cette étude, les
valeurs moyennes du BIS et des potentiels évoqués auditifs ont significativement
augmenté par rapport aux valeurs de base après injection de glycopyrrolate seul
(BIS : 2,2 [3,4], p=0,008 ; potentiels évoqués auditifs : 3,5 [5,7], p=0,01), et après
injection de néostigmine-glycopyrrolate (BIS : 7,1 [7,5], p<0,001 ; potentiels évoqués
auditifs: 9,7 [10,5], p<0,001) (Figure 8). Ces augmentations était significativement
plus importantes avec néostigmine-glycopyrrolate par rapport au glycopyrrolate seul
(BIS: p = 0,012 ; potentiels évoqués auditifs : p = 0,027). Après injection de
néostigmine, trois patients ont bougé et ont toussé. Un des patients a mémorisé cet
épisode.
FIGURE 8 : VARIATIONS DU BIS ET DES POTENTIELS EVOQUES AUDITIFS (AAI) APRES
INJECTION DE NEOSTIGMINE-GLYCOPYRROLATE OU GLYCOPYROLLATE SEUL. D’APRES
VASELLA ET COLL. [55].
La néostigmine, tout comme le sugammadex ne traverse pas une barrière hémato-
encéphalique intègre.
Un tel effet lors de la décurarisation pourrait être attribué à une augmentation rapide
des afférences provenant des récepteurs musculaires à l’étirement.
37
Cependant, lors de la décurarisation pharmacologique par de la néostigmine, le délai
nécessaire pour obtenir une décurarisation complète est très variable, et
l’augmentation des afférences musculaires ne survient pas toujours brutalement. En
effet, elle se fait par un phénomène indirect, qui résulte en une augmentation de
l’acétylcholine disponible dans la fente synaptique; elle ne survient donc pas
immédiatement, mais dans un délai de l’ordre de 10 à 20 minutes, voire davantage.
En effet, Kopman et coll. [56] ont montré que, parmi 30 patients recevant les doses
généralement recommandées de néostigmine (0,05 mg.kg-1) à un TOF = 2, la
récupération complète du bloc neuromusculaire (T4/T1 ≥ 90%) n’est pas obtenue
chez 5 d’entre eux, 30 minutes après l’administration de néostigmine. Cette grande
variabilité explique les recommandations de réaliser un monitorage systématique du
TOF et du rapport T4/T1 avant l’extubation [57]. De plus, le délai d’action de la
néostigmine est allongé par une hypothermie modérée (34,5°C) [58] et la présence
d’un agent anesthésique halogéné [59].
Si les phénomènes observés sont dus aux phénomènes de désafférentation lors de
la curarisation et « réafférentation » lors de la décurarisation, la variabilité dans le
délai d’action complète des anticholinestérasiques pourrait être un obstacle à la mise
en évidence d’un réveil lors de la décurarisation: en effet, plus rapide est
l’augmentation des afférences musculaires, plus l’effet sur le réveil est censé être
important. Le sugammadex, au contraire, permet une décurisation complète et
beaucoup plus rapide que celle obtenue à l’aide des agents anticholinestérasiques;
l’augmentation des afférences musculaires se fait de façon quasi immédiate, et la
rapidité de ce phénomène pourrait être de nature à provoquer une levée brutale de la
désafférentation et donc un réveil plus franc.
Un article récent d’Illman et coll. [44] a étudié l’effet d’une décurarisation par
sugammadex sur les indices BIS et entropie. 30 patients ont été inclus dans cette
étude entre août 2009 et février 2010, et ont bénéficié d’une chirurgie ORL sous
anesthésie générale entretenue par propofol et rémifentanil en AIVOC (anesthésie
intraveineuse à objectif de concentration), avec curarisation par du rocuronium.
L’injection de sugammadex n’a pas occasionné de variations significatives du BIS ou
de l’entropie. Il existe des différences notables entre cette étude et la nôtre.
Premièrement, dans l’étude finlandaise, l’entretien de l’anesthésie se faisait par
38
propofol à une concentration effet fixe de 4 µg.mL-1 et les concentrations effet de
rémifentanil étaient ajustées selon des paramètres cliniques ; l’anesthésie n’était
donc pas entretenue en fonction du BIS ou de l’entropie. Les valeurs de BIS avant la
décurarisation correspondaient d’ailleurs à une anesthésie de profondeur excessive,
susceptible de masquer un effet d’éveil lors de la décurarisation. Ensuite, la
décurarisation était réalisée à des niveaux « intermédiaires » de curarisation (TOF =
1 ou 2), le sugammadex était donc administré à une posologie de 2 mg.kg-1. Si le
phénomène de « réafférentation » était en cause dans les observations de réveil
après décurarisation, alors le fait de débuter l’expérience à des niveaux de
« désafférentation intermédiaire » pourrait avoir masqué l’effet sur le réveil. Ces
éléments sont à considérer dans l’interprétation des résultats de cette étude.
Les résultats préliminaires de notre étude montrent que l’administration de
sugammadex a provoqué un réveil clinique chez 4 sur 9 de nos patients. Nos
résultats ne nous permettent cependant pas de préjuger du mécanisme par lequel
ces réveils surviennent, ni d’expliquer pourquoi ils surviennent chez certains patients
et pas chez les autres. Les patients qui montrent un réveil clinique sont en moyenne
plus âgés que les autres, mais nous n’avons pas d’explication à ce sujet. La suite de
notre protocole nous permettra de confirmer ces données ; les dosages de
concentrations plasmatiques des agents de l’anesthésie nous permettront de tester
l’hypothèse de captation par le sugammadex, et cette dernière pourrait être éliminée
si, en réalisant un protocole similaire avec une anesthésie entretenue par agents
halogénés, on retrouvait des résultats semblables.
39
CONCLUSION
Les résultats préliminaires de notre étude ont montré que la décurarisation par
sugammadex, chez des patients sous anesthésie générale intraveineuse de
profondeur adaptée selon le BIS, provoque un réveil chez quatre patients sur neuf.
Ces observations sont en accord avec les dits « effets indésirables » du
sugammadex, déjà constatés dans l’étude de Sparr et coll. [7].
Ces observations posent la question de l’existence d’une participation des curares à
la composante hypnotique de l’anesthésie générale. Des études supplémentaires
sont nécessaires afin d’explorer les mécanismes en cause dans ces observations.
40
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