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Abords de trachéotomie et trachéostomie (réglés et en urgence) Techniques Installation. Technique anesthésique L'abord trachéal peut être réalisé de façon programmée ou en urgence, sur le terrain en dehors de l'hôpital, dans le service des urgences, au bloc opératoire ou au lit du malade en réanimation. Quelle que soit la situation, l'installation est particulièrement importante. Même en urgence, le cou doit être dégagé par la bascule prudente de la tête en arrière, un coussin sous les épaules, avec toutes les réserves à émettre chez un blessé comateux donc suspect de lésion rachidienne. En réanimation, le lit est placé à bonne hauteur de l'opérateur, le malade en décubitus dorsal, tête en rectitude et si possible également en hyperextension. Le champ opératoire doit être largement éclairé. Tout le matériel nécessaire est prêt et vérifié, la voie veineuse contrôlée. Pour les gestes programmés, l'anesthésiste à la tête du malade s'est assuré que l'intubation et la ventilation (FiO 2 = 1) sont satisfaisantes, que l'anesthésie générale est suffisante pour supprimer les mouvements de déglutition [16] . Le monitorage de la SpO 2 est obligatoire, celui de l'EtCO 2 fortement recommandé. Avant le début de la procédure on pratique toujours une aspiration trachéale soigneuse et on vérifie le bon positionnement de la sonde d'intubation. Cette vérification se fait sous laryngoscopie directe et permet de retirer la sonde dont le bec ou le ballonnet seraient menacés par un abord trachéal haut situé. Parfois le ballonnet de la sonde est placé juste derrière les cordes vocales, ce qui crée une fuite aérienne. Pour compenser cette ventilation " à fuite ", il est conseillé d'augmenter le volume courant du ventilateur de façon à rétablir la ventilation-minute initiale. La sonde est alors solidement refixée, voire tenue pendant le geste. Techniques de cricothyroïdotomies [89] Repérage de la membrane cricothyroïdienne (fig 2) L'espace cricothyroïdien est un trapèze délimité en haut par le bord inférieur du cartilage thyroïde et en bas par le bord supérieur du cartilage cricoïde. L'étude anatomique de larynx d'adultes a permis de donner des dimensions moyennes à cet espace [21] : 3 cm de large, 0,9 cm de haut sur la ligne médiane avec des hauteurs latérales de 0,3 cm. Cet espace est abordé après avoir traversé de la superficie vers la profondeur : peau, tissu sous-cutané, fascia cervical (entre les muscles sternohyoïdiens), muscles cricothyroïdiens et tenseurs des cordes vocales (celles-ci se trouvent à 1,5 cm au-dessus de la partie haute de l'espace). On trouve alors la membrane cricothyroïdienne, épaisse et résistante, élastique à la palpation du doigt chez un sujet dont la région cervicale est bien exposée. L'artère cricothyroïdienne chemine verticalement à sa surface, et peut constituer un danger à l'incision. L'échancrure thyroïdienne supérieure est repérée (" pomme d'Adam ") et le

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Abords de trachéotomie et trachéostomie (réglés et en urgence)

Techniques

Installation. Technique anesthésiqueL'abord trachéal peut être réalisé de façon programmée ou en urgence, sur le terrain en dehors de l'hôpital, dans le service des urgences, au bloc opératoire ou au lit du malade en réanimation.

Quelle que soit la situation, l'installation est particulièrement importante. Même en urgence, le cou doit être dégagé par la bascule prudente de la tête en arrière, un coussin sous les épaules, avec toutes les réserves à émettre chez un blessé comateux donc suspect de lésion rachidienne. En réanimation, le lit est placé à bonne hauteur de l'opérateur, le malade en décubitus dorsal, tête en rectitude et si possible également en hyperextension. Le champ opératoire doit être largement éclairé. Tout le matériel nécessaire est prêt et vérifié, la voie veineuse contrôlée.

Pour les gestes programmés, l'anesthésiste à la tête du malade s'est assuré que l'intubation et la ventilation (FiO2 = 1) sont satisfaisantes, que l'anesthésie générale est suffisante pour supprimer les mouvements de déglutition  [16]. Le monitorage de la SpO2 est obligatoire, celui de l'EtCO2 fortement recommandé. Avant le début de la procédure on pratique toujours une aspiration trachéale soigneuse et on vérifie le bon positionnement de la sonde d'intubation. Cette vérification se fait sous laryngoscopie directe et permet de retirer la sonde dont le bec ou le ballonnet seraient menacés par un abord trachéal haut situé. Parfois le ballonnet de la sonde est placé juste derrière les cordes vocales, ce qui crée une fuite aérienne. Pour compenser cette ventilation " à fuite ", il est conseillé d'augmenter le volume courant du ventilateur de façon à rétablir la ventilation-minute initiale. La sonde est alors solidement refixée, voire tenue pendant le geste.

Techniques de cricothyroïdotomies  [89]

Repérage de la membrane cricothyroïdienne (fig 2)

L'espace cricothyroïdien est un trapèze délimité en haut par le bord inférieur du cartilage thyroïde et en bas par le bord supérieur du cartilage cricoïde. L'étude anatomique de larynx d'adultes a permis de donner des dimensions moyennes à cet espace  [21] : 3 cm de large, 0,9 cm de haut sur la ligne médiane avec des hauteurs latérales de 0,3 cm. Cet espace est abordé après avoir traversé de la superficie vers la profondeur : peau, tissu sous-cutané, fascia cervical (entre les muscles sternohyoïdiens), muscles cricothyroïdiens et tenseurs des cordes vocales (celles-ci se trouvent à 1,5 cm au-dessus de la partie haute de l'espace). On trouve alors la membrane cricothyroïdienne, épaisse et résistante, élastique à la palpation du doigt chez un sujet dont la région cervicale est bien exposée. L'artère cricothyroïdienne chemine verticalement à sa surface, et peut constituer un danger à l'incision. L'échancrure thyroïdienne supérieure est repérée (" pomme d'Adam ") et le cartilage cricoïde 1 à 2 cm en dessous fermement maintenu entre le pouce et le majeur, tandis que l'index éprouve l'élasticité de la membrane, juste au-dessus du cricoïde sur la ligne médiane. Ce repérage est essentiel à la réussite de la technique.

Cricothyroïdotomie chirurgicale  [20, 27]

Après repérage et anesthésie locale de l'espace cricothyroïdien, la technique initiale et la plus sommaire consiste à inciser horizontalement la peau au bistouri sur 1 cm, à disséquer l'espace sous-cutané dans le sens transversal grâce à un ciseau à bout mousse jusqu'à la membrane cricothyroïdienne, à inciser cette membrane avec un bistouri (lame no 11) et à écarter doucement dans le sens vertical grâce à un écarteur de Trousseau de manière à pouvoir

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introduire une canule de bon diamètre (11 mm externe pour 8 mm interne par exemple). La suture cutanée est inutile.

Une technique plus fine seulement concevable en dehors de l'urgence, réalise une dissection médiane entre les muscles sternothyroïdiens, permet d'exposer la membrane, de faire l'hémostase, et en particulier celle de l'artère cricothyroïdienne. Une incision horizontale de 1 à 2 cm de la membrane peut être pratiquée sans léser le cartilage cricoïde, ni les muscles cricothyroïdiens. L'insertion de la canule peut être faite en douceur, rendant inutiles les instruments écarteurs  [20, 99].

Cricothyroïdotomies percutanées

Le matériel est disponible sur le marché sous forme de kits (tableau I).

Ils diffèrent essentiellement par la façon de franchir la membrane cricothyroïdienne. Une lame de bistouri avec ou sans garde ou un trocart biseauté pointu pour les plus anciens permettent d'introduire la canule (fig 3 et 4). Pour les plus récents, une ponction permet d'introduire un guide métallique puis un dilatateur et la canule (fig 5).

D'autres systèmes ne sont pas régulièrement disponibles en France : systèmes sans guide Gentofte ®, Abelson ® (Gilbert Surgical Instrument), systèmes avec guide Pertrach ® (Pertrach, Inc).

Ventilation transtrachéale percutanée

La ventilation transtrachéale percutanée est une technique ancienne  [95] le plus souvent réalisée par ponction de la membrane cricothyroïdienne  [6, 33, 46, 71], rarement plus bas entre premier et deuxième anneau trachéal  [94]. Après repérage déjà décrit, la ponction de la membrane se fait une fois le larynx parfaitement immobilisé, de façon la plus médiane possible. Un reflux d'air dans une seringue remplie d'eau et montée sur l'aiguille objective la ponction trachéale. L'aiguille peut servir à glisser un cathéter court 14 G  [96] ou un cathéter long de 10 cm 14 ou 16 G  [17]. On peut également piquer avec une aiguille de Tuohy. De l'oxygène peut ainsi être apporté en ventilation spontanée  [68, 96], assistée au ballon ou contrôlée  [107]. Un cathéter d'au moins 14 G et de l'oxygène délivré à 5 bars seraient nécessaires pour ventiler un adulte sans hypercapnie  [124]. Une jet-ventilation peut aussi être délivrée par cette voie  [10, 17, 94] soit par un fin cathéter de pression artérielle sanglante soit par un trocart plus spécifique  [94].

Trachéotomie

Réalisation

L'incision cutanée (fig 6), arciforme, est réalisée à deux travers de doigt au-dessus de la fourchette sternale. Elle mesure 5 cm et intéresse le muscle peaucier et la ligne blanche permettant l'écartement des deux plans musculaires sous-hyoïdiens. L'isthme thyroïdien apparaît alors plaqué sur l'axe trachéal (fig 7). Il sera sectionné au bistouri de bas en haut. L'hémostase de la tranche des moignons isthmiques est réalisée au fil résorbable.

L'ouverture de la trachée (fig 8) est réalisée au bistouri et aux ciseaux ; elle intéresse les troisième et quatrième anneaux trachéaux. L'ouverture trachéale peut se faire de différentes manières : en I majuscule, en volet à charnière inférieure amarré à la peau ou par la taille d'une pastille trachéale. Les volets sont repérés par un fil transfixiant pour faciliter les changements de canule, en particulier le premier. La canule de trachéotomie est introduite après aspiration. Le ballonnet est aussitôt gonflé, la ventilation vérifiée et la profondeur de canulation repérée.

La fermeture est réalisée après vérification de l'hémostase, en un seul plan par points séparés de manière non étanche.

Quelques variantes techniques existent :

la trachéotomie sus-isthmique qui expose au risque de sténose sous-glottique par lésion cricoïdienne ;

la trachéotomie sous-isthmique qui nécessite impérativement l'hémostase du paquet veineux thyroïdien inférieur ;

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une anesthésie locale avec ou sans adrénaline est systématiquement adjointe pour certains et permettrait une meilleure dissection ; il peut être intéressant de pratiquer une infiltration de la muqueuse trachéale à la lidocaïne avant ouverture.

Matériel

Canules standards

La canule la plus utilisée est à usage unique en chlorure de polyvinyle, résine stable et flexible dont la fiabilité physique est assurée pour une dizaine de jours d'utilisation. D'autres canules sont en polyuréthane ou en silicone. Plusieurs laboratoires commercialisent en France ces canules. La gamme de tailles est variée, le diamètre interne chez l'adulte va de 5 à 10 mm. Le choix d'une canule doit tenir compte :

d'impératifs anatomiques : chez l'homme diamètre interne moyen de 8 mm, soit 11 mm de diamètre externe (en général 1 mm de moins chez la femme) ;

de la nécessité d'un diamètre interne suffisant (aspirations des sécrétions, résistances, bonne maniabilité du fibroscope endobronchique à partir de 7,5 mm).

Toutes ces sondes sont munies d'un ballonnet " basse pression " à paroi mince, de diamètre important et de haute compliance, restant bien appliqué contre la paroi de la sonde une fois dégonflé (facilité de recanulation). La forme du ballonnet est variable, soit allongé avec un volume résiduel élevé et une grande surface d'application sur la muqueuse, soit au contraire plus arrondi. Une valve doit permettre le contrôle et le maintien d'une basse pression dans le ballonnet. En effet, la pression de perfusion capillaire moyenne de la muqueuse trachéale doit être respectée en permanence : 20 à 30 mmHg maximum (27 à 40 cm H2O), en pratique la pression la plus basse (< 25 cm H2O) pour le maximum d'étanchéité  [58, 87, 101].

Le risque d'une canule de petit diamètre est le surgonflage du ballonnet, celui d'une canule de gros diamètre est d'induire un granulome de l'orifice ou une sténose  [13].

Chaque marque se singularise par la taille, la forme et le type d'armature de la canule, la forme et la performance du ballonnet, la présence ou non d'une valve. Pour un même diamètre interne, certaines sont franchement courtes (6 à 8 cm) (fig 9), comme arrondies, faisant un angle de 120 à 125° visant à centrer le bec de la sonde dans l'axe trachéal : ces sondes sont bien supportées mais ont une stabilité en réanimation variable (postures, transports). D'autres sont plus longues (10 à 12 cm) (fig 10), faisant un angle à 90°, plus agressives, mais plus stables. Elles peuvent avoir une armature métallique, rendant la mobilisation et les mouvements du raccord au ventilateur plus souples.

En somme, il est souhaitable de ne pas limiter son choix à un seul type de canule. Trois paramètres sont importants :

la stabilité : selon la marque, une bague de serrage ou une collerette d'attache réglable permettent de repérer la distance à la peau ;

le maintien d'une bonne étanchéité, dépendant de la qualité du ballonnet et de sa valve mais probablement illusoire comme l'indique la grande incidence de l'inhalation dite " silencieuse "  [48] ;

le coût.

Accessoires et autres canules

Il existe un système de compensation automatique de la pression du ballonnet, le système Lanz ®. Le ballonnet est relié à un double ballonnet témoin externe ; 40 mL d'air sont envoyés dans le ballonnet témoin externe qui remplit le ballonnet trachéal pour obtenir 22 à 25 mmHg de pression. Cette pression se maintient grâce à une valve de compensation, le ballonnet externe servant de soupape en permanence  [77]. Ce système est utile quand on utilise en anesthésie du protoxyde d'azote. Ce gaz à diffusion rapide peut élever la pression du ballonnet au-delà des 40 mmHg  [14].

Il existe des canules de trachéotomie sans ballonnet (fig 11), en matière plastique ferme, type Silastic, utilisées surtout pour le sevrage respiratoire des malades ayant une bonne continence glottique. Plusieurs dispositifs sont prévus sur ces canules : un élément déflecteur des sécrétions pour rééduquer l'expectoration naturelle, une valve de phonation permettant

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l'ébranlement des cordes vocales quand le ballonnet est dégonflé. La valve de phonation comme présentée sur la figure 11 peut s'adapter sur toute canule dont l'embout proximal est standard (15 mm). Certaines canules sont fenêtrées et permettent également la phonation, ballonnet dégonflé. En général, ces canules sans ballonnet disposent d'un jeu de " chemises internes " qui ont deux objectifs : celui de maintenir propre la canule elle-même (seule la chemise est à nettoyer ou changer) et celui de diminuer le diamètre du tube et de faciliter la parole. Il existe aussi des canules sans ballonnet en argent (canules de Krishaber), coûteuses mais très bien supportées par les malades.

Il existe des canules à ballonnet " basse pression " armées de grande taille (15 à 20 cm), courbées en épingle à cheveux pour la laryngectomie. Il existe des canules de trachéotomie à double courant pour la chirurgie thoracique avec exclusion pulmonaire.

Trachéostomies percutanées  [37]

Toutes utilisent le principe de la dilatation pour pratiquer l'orifice trachéal. Les techniques anciennes qui utilisaient un " trachéostome " vulnérant ne sont plus pratiquées  [102, 112]. Ciaglia, en 1985, s'inspirant du principe de réalisation des néphrostomies percutanées, a proposé de calibrer la trachée par des dilatateurs de diamètre progressivement croissant jusqu'à pouvoir insérer une canule de trachéotomie  [23]. En 1990, Griggs proposait une technique différente consistant à disséquer entre peau et trachée, puis à ouvrir la trachée avec une pince de Howard-Kelly guidée par un mandrin métallique  [51]. En 1989, Schachner avait proposé une approche similaire d'ouverture trachéale en utilisant une pince spécialement usinée pour dilater et ouvrir la trachée en un temps, le trachéostome Rapitrac®  [100].

Partie commune aux trois techniques : la ponction trachéale

Le repérage trachéal se fait comme déjà décrit. Il peut être pratiqué une anesthésie locale adrénalinée de la peau et du tissu sous-cutané  [3]. Il est conseillé de ponctionner entre le premier et deuxième anneau trachéal, évitant la lésion cricoïdienne plus haut  [122] et celle de l'isthme thyroïdien plus bas  [63]. Deux approches diffèrent : certains ponctionnent d'emblée sans dissection prétrachéale  [43, 44, 53], d'autres font précéder la ponction d'une dissection à la pince fine pour en augmenter la précision  [23, 45, 78, 79]. En fait, une courte incision cutanée de 1 à 2 cm précède toujours la ponction (verticale dans la méthode de Ciaglia et horizontale dans celle de Griggs). Une aiguille fine montée sur cathéter court est introduite bien médiane et orientée vers le bas jusqu'à aspiration d'air dans une seringue remplie d'eau. On vérifie l'immobilité de l'aiguille en mobilisant la sonde d'intubation. On passe un guide métallique en J sur 10 cm dans le cathéter qui est retiré. Un premier dilatateur court (4 à 5 cm, 11 F) permet de faire un " avant-trou " dans la trachée.

Trois techniques diffèrent pour la réalisation de la trachéostomie

Dilatation progressive, Ciaglia  [23, 43, 81] (fig 12)

Un kit prêt à l'emploi est commercialisé par Cook-France.

Les auteurs conseillent d'injecter 3 à 5 mL d'anesthésique local dans la trachée avant de ponctionner  [81]. Le dilatateur court retiré, un cathéter-guide rigide 8 F est enfilé sur le guide en J avec lequel il forme un double guide. Ce guide 8 F permet d'éviter la plicature pré- ou endotrachéale du guide en J. Un repère proximal sur le guide en J et un renflement discret sur le guide 8 F permettent de manipuler ce double guide comme un tout indissociable : le renflement matérialise la limite à la peau au-delà de laquelle il ne faut pas sortir le double guide, qui ainsi garde le chemin de la trachée. Puis une série de sept dilatateurs de taille croissante (12, 18, 21, 24, 28, 32, 36 F) sont enfilés sur le double guide. Chacun vient buter sur le renflement. Un repère noir sur chaque dilatateur permet de limiter la profondeur de dilatation et l'ensemble est retiré jusqu'à ce que réapparaisse le renflement et l'extrémité du dilatateur. On vérifie entre chaque dilatation que le guide en J continue à bien coulisser dans le guide 8 F. Certains ne se servent que de deux ou trois dilatateurs. Pour introduire une canule de 8 mm de diamètre interne un ou plusieurs passages du dilatateur 36 F sont nécessaires. Cette canule est enfilée à son tour sur le double guide retiré avant de gonfler le ballonnet de la canule.

Dilatation " forceps ", Griggs  [51] (fig 13 A à C et D à F)

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Un kit prêt à l'emploi est commercialisé par Portex-LSSA. Le dilatateur court est retiré et le guide en J est placé dans les rainures des extrémités d'une pince de Howard-Kelly, usinée spécialement de façon à ce que le guide coulisse parfaitement une fois la pince refermée. Puis la pince va pratiquer deux dilatations douces :

une qui dissèque les tissus prétrachéaux : la pince est placée au contact de la trachée, elle est ouverte et remontée vers l'orifice cutané, parfois à deux mains, manoeuvre qui peut être répétée et/ou pratiquée dans les deux axes horizontal et vertical ;

une qui ouvre et dilate la paroi antérieure de la trachée : après avoir toujours bien vérifié que le guide coulissait parfaitement, la pince est avancée fermement dans l'orifice pratiqué par le dilatateur court et pénètre la trachée. Une issue d'air et parfois de sang marque cette pénétration. La pince bien engagée dans la trachée est alors ouverte et opère avec prudence la dilatation dans les deux axes. Une canule de trachéotomie montée sur un obturateur à bout pointu est passée dans la trachée sur le guide en J, ce dernier est retiré avec l'obturateur et le ballonnet est gonflé.

Dilatation unique, Schachner  [100]

Il existe un set prêt à l'emploi d'origine australienne (Surgi Tech Medical) non encore disponible en France et qui utilise le trachéostome Rapitrac®. Cet instrument guidé par le mandrin métallique en J pénètre la trachée et crée l'orifice par un mouvement d'ouverture horizontal puis vertical. Une canule avec obturateur à bout pointu est enfilée sur le guide en J. L'obturateur et le guide sont retirés et le ballonnet est gonflé.

Remarques

En dehors de l'utilisation d'un obturateur pointu, la canule de trachéotomie n'a rien de spécifique. Il est recommandé de disposer d'au moins deux tailles. Les canules souples armées seraient plus faciles à placer  [16]. Une canule biseautée avec ballonnet profilé a été proposée  [54].

La variante technique la plus intéressante est sans doute le contrôle par fibroscopie  [7, 79, 81, 122]. Les avantages portent sur :

le retrait de la sonde d'intubation et le positionnement du ballonnet derrière les cordes vocales ;

le repérage d'un point de ponction médian par transillumination  [122] ;

l'absence de traumatisme de la paroi postérieure de la trachée à chaque étape ;

le rôle pédagogique incontestable pour montrer et apprendre la technique.

Il existe quelques inconvénients :

augmentation de pression dans les voies aériennes ;

diminution du volume minute insufflé, pouvant participer à une hypercapnie source d'hypertension intracrânienne  [97] ;

perte de simplicité de la technique qui demande une présence médicale supplémentaire à la tête du malade ;

augmentation du temps de réalisation ;

augmentation du coût global.

La pratique d'une fibroscopie discontinue vérifiant simplement les temps principaux n'a pas été évaluée.

Les avantages l'emportent sur les inconvénients pour la majorité des auteurs. En l'absence d'hypertension intracrânienne, l'indication du contrôle fibroscopique peut être retenue, en particulier quand les repères anatomiques sont imprécis.

Certains ont proposé d'extuber les malades et de mettre en place un masque laryngé pour éviter les conséquences d'une ponction de ballonnet ou d'une éventuelle extubation accidentelle  [34, 62, 86, 110].

Surveillance initiale. Suites normalesQuelle que soit la technique utilisée, la surveillance initiale comporte :

le contrôle de la symétrie auscultatoire et des volumes expirés ;

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la palpation cutanée à la recherche d'un emphysème et l'examen de l'orifice (hémorragie extériorisée) ;

une radiographie pulmonaire de face à la recherche d'un pneumothorax et qui visualise la position du bec de la canule ;

un contrôle de la pression du ballonnet qui doit se faire au moins 6 fois par jour (25 mmHg soit 34 cm H2O maximum).

Les suites simples sont aussi le fait de soins infirmiers précis et attentifs :

surveillance clinique de l'orifice et de la ventilation (écoute attentive du " bruit de la canule " à la recherche d'un sifflement expiratoire par obstruction concentrique) ;

surveillance du gonflage du ballonnet et de son étanchéité ;

surveillance de la fixation de la canule et de sa profondeur ;

nettoyage quotidien de l'orifice ;

aspirations trachéobronchiques aseptiques, encadrées par le lavage des mains.

Un premier changement de canule, délicat avant le 5e jour, est fait par un médecin. Les changements suivants se feront tous les 8 à 10 jours. Après décanulation, l'orifice de la trachéotomie chirurgicale se referme en général en 4 à 8 jours, une fermeture en deux plans est rarement nécessaire.

L'orifice de la trachéostomie percutanée est parfois fermé 24 heures après décanulation  [54], en général en 3 à 9 jours  [122].

Résultats. ComplicationsLes résultats sont à interpréter différemment en situation d'urgence ou réglée. Beaucoup de résultats sont à considérer avec prudence pour diverses raisons. Il existe peu de séries prospectives. Dans certaines séries rétrospectives on ignore la durée d'étude et les conditions de réalisation du geste. Les séries anciennes ne portent pas toujours sur des malades de réanimation. Les indications sur la gravité des malades (risque hémorragique en particulier) ne figurent pas toujours. La qualité de l'opérateur n'est pas toujours mentionnée. Enfin, si la mortalité est en général clairement évaluée, les définitions des complications mineures ou majeures ne sont pas toujours les mêmes ou ne sont pas précisées.

Cricothyroïdotomies

En urgence

Kits percutanés

Simplicité, rapidité et stabilité caractérisent les dispositifs Quicktrach®, Tracheoquick® et MDC®. Mais ils n'ont pas été évalués en clinique humaine : quelques cas isolés pour les premiers, un travail de thèse non publié avec évaluation sur le cadavre pour le dernier  [90]. Il s'agit de dispositifs vulnérants pouvant être agressifs pour la paroi postérieure du larynx, mais l'incidence des complications n'est pas connue.

Le dispositif Nu Trake® a été mieux évalué afin d'équiper les unités médicalisées du Service de Santé des Armées américaines en 1982  [118]. Des études chez le chien anesthésié  [15], dont le larynx est assez comparable à celui de l'homme, et chez le cadavre  [93] ont conclu que ce système ni simple ni stable demande un bon entraînement. De plus, il occasionne de graves complications du fait du caractère vulnérant du bivalve et de l'absence de garde sur le bistouri (perforation de la paroi trachéale, lésions du cricoïde, hématome cervical).

Malgré l'emphysème sous-cutané, la ventilation manuelle est de bonne qualité avec les canules de 6 et 7,2 mm de diamètre interne.

Le dispositif Minitrach II® a été évalué chez l'homme et ne donne pas entière satisfaction :

son insertion n'est pas aisée ( [116] tous les gestes n'ont pas été pratiqués en urgence) ;

il est difficile de ventiler manuellement avec une canule de 4 mm de diamètre interne ou d'aspirer d'épaisses sécrétions  [83] ;

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les complications que l'on peut qualifier de majeures sont nombreuses  [116] : perforation de l'oesophage  [25], hémorragie intratrachéale  [116], pneumothorax  [103], inhalation de canule  [74], déplacement, obstruction ou expulsion de canule  [82, 116].

Bien que plus séduisante, la méthode de Seldinger appliquée au dispositif Minitrach II® n'a pas encore fait la preuve d'une fiabilité parfaite. Une étude prospective rapporte 19 % d'échecs et 23 % de complications  [66]. Le principe de la méthode de Seldinger n'est pas en cause et serait plutôt un gage de sécurité. L'attention peut être attirée sur plusieurs points importants :

l'incision cutanée doit être assez large ;

l'aiguille de Tuohy du kit ne mesure que 2 cm de long, ce qui est insuffisant quand le cou est épaissi (hématome, emphysème, oedème) ;

la force d'insertion nécessaire à cathétériser la membrane cricothyroïdienne est inversement proportionnelle au diamètre de l'introducteur  [1] ;

à chaque temps de la méthode le guide métallique doit coulisser très librement dans l'aiguille, puis dans le dilatateur et dans l'introducteur monté avec la canule : on détecte ainsi la plicature du guide métallique pré- ou intratrachéal à l'origine de nombreuses difficultés ;

les canules ne comportent pas de ballonnet ;

l'entraînement est indispensable à la réussite  [93].

Au total, les résultats concernant tous ces kits ne sont pas convaincants en termes de facilité et de fiabilité.

Cricothyroïdotomies chirurgicales (tableau II)

En urgence, la cricothyroïdotomie chirurgicale a été bien mieux évaluée que les techniques percutanées.

Il s'agit de la méthode d'abord trachéal de sauvetage enseignée aux équipes d'interventions préhospitalières aux États-Unis dans le cadre de l'Advanced Trauma Life Support ou ATLS  [27]. C'est pourquoi plus de la moitié des gestes rapportés dans la littérature ont été pratiqués par des personnels paramédicaux en dehors de l'hôpital.

Comme le montre le tableau II, pour six études dans les 10 dernières années le taux moyen de réussite de cette technique est de 96 % tous personnels confondus. Le taux de complications majeures est de 6,4 % (complications engageant le pronostic vital comme extubation, hémorragie ou lésion chirurgicale du larynx). Les complications mineures (intubation de la bronche souche droite, emphysème sous-cutané, hémorragie ne nécessitant pas de transfusion, dysphonie et voix enrouée) existent dans 12 à 40 % des cas.

Une étude plus ancienne  [36] montre que l'entraînement des opérateurs au cours de deux périodes successives permet d'abaisser presque de moitié le taux des complications majeures. Parmi les raisons expliquant ce bon résultat, les auteurs mettent l'accent sur l'incision verticale et non horizontale de la membrane et le fait de pouvoir prendre du temps en réalisant une ventilation transtrachéale temporaire. Sans qu'aucune étude prospective n'ait été réalisée, on admet généralement que l'incision verticale serait moins dangereuse en urgence pour les éléments anatomiques adjacents au larynx  [18, 38, 72, 106].

On ignore combien de patients ont bénéficié d'une trachéotomie réglée dans les suites de la coniotomie, si bien que la responsabilité de la technique initiale sur l'incidence de la sténose trachéale n'est pas évaluable.

Au total, ces résultats sont bien plus convaincants que ceux des kits percutanés et la cricothyroïdotomie chirurgicale semble préférable à réaliser en urgence.

Cricothyroïdotomies réglées

Cricothyroïdotomie chirurgicale

La majeure partie des études sur cette technique sont déjà anciennes (plus de 10 ans), rétrospectives et non randomisées. Cinq études entre 1976 et 1985 ont permis de colliger 1115 gestes  [18, 20, 49, 60, 113].

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La mortalité opératoire semble nulle mais n'est pas toujours précisée. Les complications, sans distinction de gravité, représentent 5,6 %. L'hémorragie périopératoire est la plus fréquente (2,2 %), son absence ou sa survenue n'est pas toujours précisée et dans la moitié des cas serait liée à des troubles de la crase sanguine préexistants. L'incidence de la sténose sous-glottique, dont le risque avait fait condamner cette technique par Jackson en 1921  [64], est de 2,2 % ; cinq cas seulement (0,44 %) sont des sténoses chroniques qui ont nécessité la chirurgie. Parmi les 25 patients dysphoniques, trois avaient une paralysie des cordes vocales.

Ces résultats sont excellents mais une réévaluation moderne de la technique est nécessaire car ces statistiques manquent de précision.

Cricothyroïdotomie percutanée réglée

Une seule étude, prospective et récente, concerne cette technique pratiquée comme une trachéostomie percutanée par dilatation progressive, mais au travers de la membrane cricothyroïdienne  [8]. Elle concerne 44 patients ventilés depuis 15 jours. Toutes les canules ont un diamètre interne de 7 mm. La mortalité liée à la technique est nulle, la morbidité à caractère vital est de 2 % (canulation paratrachéale), et toutes complications confondues atteint 34 % (infection d'orifice, granulome périorificiel, béance de l'orifice, dysphonie, mais aucune sténose trachéale symptomatique).

Ventilation transtrachéale percutanée

Trois séries totalisant 140 malades  [94, 105, 107] permettent de décrire les principales complications de cette technique plus souvent rapportées en chirurgie réglée ORL qu'en urgence : toux sèche (9 %), emphysème sous-cutané et médiastinal (8,5 %), hypercapnie (5,5 %), difficultés expiratoires (2,8 %) et perforation veineuse ou carotidienne en particulier en urgence (0,7 %) [120].

Trachéotomie (tableau III)Les accidents peropératoires spécifiques de ce geste sont  [109] :

une lésion laryngotrachéale par incision cartilagineuse, membranaire, voire circulaire involontaire ;

une lésion hémorragique, le plus souvent intéressant les veines thyroïdiennes inférieures, exceptionnellement un gros vaisseau en situation anormale ;

une blessure de l'oesophage par dérapage du bistouri ou des ciseaux sur une trachée aux anneaux calcifiés. La malposition de la canule peut être liée à la même difficulté lors de l'introduction ou à une ouverture trachéale trop basse suivie d'intubation sélective.

On a accusé la trachéotomie d'entraîner plus d'infection nosocomiale que l'intubation prolongée [5, 30] et de ne pas apporter de solution au problème de l'aspiration bronchique droite plus fréquente (70 %) lors des aspirations à l'aveugle  [40]. En fait, il faudrait séparer ce qui revient à la technique de ce qui revient à la pathologie du malade et sa durée de séjour en réanimation. Ces notions sont rarement précisées, ce qui explique la discordance des résultats entre études : 10 %  [125] à 50 %  [98]. L'incision cutanée large et la dissection prétrachéale peuvent être des facteurs d'infection de l'orifice.

Toutes les études ne colligent pas systématiquement la sténose trachéale. Les malades les plus graves qui décèdent assez vite n'auront jamais été décanulés et d'autres vont échapper à l'exploration à distance. Les chiffres avancés sont très variables, 4 %  [98] à 60 %  [108].

Une sténose sous-glottique postérieure est incriminée quand la trachéotomie succède à plus de 4 à 5 jours d'intubation translaryngée  [26, 35, 121]. Des lésions ischémiques et infectées apparaîtraient à partir de la 72e heure dans la région interaryténoïdienne. La trachéotomie mettrait au repos le larynx, les cordes vocales en adduction, favorisant l'évolution d'une sténose à ce niveau. La sténose basse, circulaire au niveau du ballonnet, a une fréquence diminuée par une bonne gestion du ballonnet à basse pression. Une trachéomalacie peut survenir. Le bec de la canule chez un malade agité peut entraîner une sténose fibreuse  [26, 35, 121]. La sténose au niveau de l'orifice est fréquente  [4, 108] et fait intervenir le plus souvent une faute technique (ouverture trop large, incision excentrée, invagination d'une berge lors de la canulation, incision horizontale simple qui crée un éperon sus-canalaire). C'est la lyse

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cartilagineuse qui est à l'origine de la sténose. L'infection et surtout l'irritation répétée liée à la canule (canule mal fixée, agitation du malade) entretiennent l'inflammation.

L'érosion du tronc artériel brachiocéphalique est à redouter devant un saignement trachéal abondant ou une canule qui présente un battement de type artériel. En général ces signes apparaissent 48 heures après une trachéotomie faite au-dessous du troisième anneau trachéal [69]. Mais cette complication peut survenir plus tard, même après un geste pratiqué au niveau du deuxième anneau trachéal  [92].

Plusieurs facteurs sont incriminés dans la formation d'une fistule trachéo-oesophagienne  [9, 108] : faute opératoire avec lésion de la paroi postérieure de la trachée, mauvaise gestion du ballonnet, sonde gastrique de fort calibre, malnutrition.

De nombreuses statistiques sur les complications de la trachéotomie sont anciennes, datant des années 1960-1970, et dissuadent de pratiquer ce geste. Mais ce sont les études pour lesquelles les biais d'interprétation sont les plus nombreux. Il n'est pas possible actuellement d'évaluer objectivement cette technique à partir de ces énormes séries  [22, 85] où il est souvent difficile de faire la part des complications dramatiques (malposition du tube suivie d'anoxie, hémorragie nécessitant une transfusion, pneumothorax nécessitant un drainage thoracique) et de celles plus bénignes. Selon la période d'étude la mortalité opératoire passe de 4 % à moins de 1 %, la morbidité totale de 60 % à moins de 30 %, et la sténose trachéale symptomatique de 10 % à moins de 2 %.

Trachéostomies percutanéesLes résultats des trachéostomies percutanées sont mieux répertoriés et les séries datent toutes des années 1990. Le tableau IV décrit les complications majeures et mineures rapportées dans la littérature. On retrouve celles de la trachéotomie sans doute mieux détaillées. La mortalité liée au geste est inférieure à 1 %, la morbidité totale est inférieure à 20 % et la sténose trachéale symptomatique inférieure à 2 %. Dans toutes ces statistiques, la méthode de Ciaglia est de très loin la plus utilisée. Une étude récente  [114], prospective non randomisée, a comparé la méthode de Ciaglia (premier groupe de 29 malades en 6 mois) à la méthode de Griggs (deuxième groupe de 25 malades les mois suivants). Il n'est apparu aucune différence en termes de réussite et de complications entre les deux techniques : mortalité nulle, absence d'accident barotraumatique. Saignement et ponction de la sonde d'intubation étaient les incidents les plus fréquents (9 %).

Le système Rapitrac® a été jugé dangereux par de nombreux auteurs, mis en échec devant un cou épais et court  [63, 73, 100], responsable de ruptures de ballonnet  [63], de pneumothorax et de lésions de la paroi postérieure de la trachée  [53, 61, 117].

La sténose trachéale n'est pas rapportée dans toutes les études qui arrêtent souvent le suivi au 7e jour ou au premier changement de canule. Un contrôle fibroscopique n'est pas réalisé chez tous les malades décanulés (et dans beaucoup de séries la mortalité dépasse 50 %) : il montre surtout un granulome de l'orifice, cicatriciel, traité par nitrate d'argent, laser ou chirurgie  [39, 75,

100]. La sténose basse est rare.

Ces techniques par dilatation n'entraînent pas de décalage entre les plans superficiels et l'orifice trachéal, permettant un meilleur maintien de la canule et une certaine facilité de recanulation, même avant le 5e jour  [28]. Les résultats esthétiques à distance sont souvent jugés excellents  [54, 73, 81].

Dans ces études récentes, la responsabilité du geste (en particulier le saignement trachéal éventuel et son inhalation) dans la survenue d'une pneumopathie acquise sous ventilation mécanique n'est pas mieux étudiée que dans les séries de trachéotomies.

Indications. Contre-indications

Indications (tableau V)

En urgence  [11, 27, 101]

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Il faut clairement distinguer deux situations.

L'urgence à l'hôpital, et en particulier au bloc opératoire ; la disponibilité d'un médecin anesthésiste-réanimateur est assurée et de l'oxygène sous pression peut être délivré. En France, la coniotomie figure en dernière ligne dans l'algorithme de l'intubation-ventilation impossible, après le masque laryngé et l'oxygénation transtrachéale  [16].L'American Society of Anesthesiologists considère que la jet-ventilation transtrachéale doit être disponible partout, de mise en oeuvre plus rapide plus simple et plus sûre que la coniotomie qui est déconseillée  [11].

L'urgence extrahospitalière, où le contexte et/ou l'absence d'un médecin expérimenté poussent à envisager la coniotomie plus tôt après échecs répétés d'intubation. C'est ainsi qu'en Amérique du Nord, la cricothyroïdotomie chirurgicale est réalisée très vite dans le cadre de l'ATLS  [27].

En France, quelle que soit la situation, la technique de coniotomie à mettre en oeuvre n'est pas précisée. Le plus souvent, il est conseillé d'utiliser un kit de cricothyroïdotomie percutanée.

La trachéotomie " de sauvetage " dite aussi " expéditive ", pratiquée autrefois à l'aide de " trachéotomes " vulnérants a entraîné des complications dramatiques, fausse route ou blessure de l'isthme thyroïdien  [18] et n'est plus raisonnablement réalisable que par un chirurgien expérimenté. La trachéostomie percutanée, pour ces raisons, est le plus souvent reconnue contre-indiquée en urgence.

Indications programmées  [55, 56, 57, 91, 119]

Les recommandations classiques pour entreprendre un abord trachéal programmé en réanimation figurent sur le tableau V. Elles concernent toutes les techniques. Il semble que la décision commence à être discutée à partir du 10e jour de ventilation mécanique. Certains auteurs, forts de leur expérience de la trachéostomie percutanée, ont préconisé une réalisation plus précoce de l'abord trachéal  [41, 54, 114]. En effet, la controverse ancienne sur le relais intubation trachéale-trachéotomie  [56, 80] avait comme raison essentielle le risque élevé de sténose sous-glottique après la séquence intubation prolongée plus de 4 jours-trachéotomie [121]. Mais cette complication a été contestée  [26, 35]. Plus récemment deux études portant sur des polytraumatisés  [98] et sur des traumatisés crâniens  [31] ont fortement suggéré qu'une trachéotomie pratiquée dans la première semaine était associée à une durée de ventilation mécanique et une durée de séjour en unité de soins intensifs (USI) plus courtes, comparée à un geste pratiqué après le 7e jour d'intubation translaryngée. Ces propositions qui bousculent les recommandations antérieures méritent d'être validées selon les pathologies.

Par ailleurs, la trachéotomie qui était une bonne thérapeutique chez l'insuffisant respiratoire chronique restrictif ventilé est maintenant à discuter au cas par cas depuis l'essor de la ventilation mécanique non invasive.

Contre-indications (tableau VI)

Il n'y a pas de contre-indication absolue en urgence mais probablement des indications abusives. C'est généralement le bon sens qui fait la différence entre contre-indications absolues et relatives. En ce qui concerne la brûlure profonde de la face et du cou, l'indication prime sur l'inconvénient esthétique ultérieur. La plaie moins délabrante de la trachéostomie percutanée constitue une meilleure solution, mais ce point n'a pas été discuté récemment  [70]. Trois contre-indications initiales de la trachéostomie percutanée  [24, 44] ont déjà été remises en cause du fait de la facilité et de la sécurité de gestes pratiqués par des opérateurs expérimentés sous endoscopie : en urgence  [86], chez l'obèse ou en présence d'un goitre  [111] et chez le malade porteur d'une diathèse hémorragique  [52].

Comparaison des techniques. Conclusions

En urgenceLa coniotomie chirurgicale est la technique pour laquelle on dispose du plus grand nombre de données  [19, 36, 67, 84, 76, 88, 106, 123]. Le taux de succès par le personnel médical est proche de 100 % et d'au moins 94 % pour le personnel paramédical. En regard de quoi le pourcentage d'échecs relatés dans de petites séries de coniotomies percutanées est important, 20 à 40 %, ainsi que le taux de complications hémorragiques, 10 à 16 %  [66, 116]. Une réelle évaluation de ces kits est

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difficile à mener à l'hôpital car dans tous les algorithmes de conduite à tenir l'oxygénation transtrachéale précède la coniotomie et la rend souvent inutile. Par ailleurs, la médicalisation de notre système préhospitalier doit permettre une telle réussite de l'intubation translaryngée que la coniotomie en urgence ne s'adresse qu'à un nombre très minime de situations désespérées. L'absence de codification sur la méthode de coniotomie à employer explique que son succès semble surtout opérateur dépendant.

En fait, l'oxygénation transtrachéale (avec ou sans jet-ventilation) est un geste simple et rapide qui est déjà une coniotomie " a minima ". On peut proposer de compléter le geste en disséquant et incisant la membrane cricothyroïdienne sur ce " guide " qui indique le chemin de la trachée : en effet, le risque principal des dispositifs de coniotomies percutanées est de passer à côté de la trachée ! Ce n'est que dans la situation exceptionnelle où toute ponction de la membrane a échoué, où l'oxygénation est impossible, qu'un kit de coniotomie percutanée peut être utilisé en désespoir de cause ou qu'un opérateur expérimenté instantanément disponible peut réaliser une trachéotomie.

En somme, pour l'urgence, il nous paraît préférable d'encourager l'apprentissage de la ponction de la membrane cricothyroïdienne et celui de la réalisation de la ventilation transtrachéale, par exemple en pratique de chirurgie ORL réglée. Si nécessaire, la coniotomie chirurgicale paraît sûre et fiable, plutôt que de préconiser l'usage d'un kit de coniotomie percutanée sans pouvoir préciser lequel.

Gestes réglésLe tableau VII permet de comparer les trois techniques.

Délai de réalisation, durée du geste et apprentissage sont en faveur de la coniotomie et de la trachéostomie.

La dépendance de la disponibilité d'un chirurgien, le délai variable entre décision et réalisation et parfois le transport au bloc opératoire sont des reproches faits à la trachéotomie. Ils ne sont pas pertinents dans tous les centres. La réalisation d'une trachéostomie percutanée est réputée plus simple, plus rapide (de 3 à 10 minutes en moyenne) et moins coûteuse que celle d'une trachéotomie. Ces arguments sont parfois discutables. Un opérateur expérimenté peut réaliser tout seul une trachéotomie en 15 à 20 minutes, mais doit disposer d'un bistouri avec coagulation. Il faut néanmoins avoir pratiqué de nombreuses trachéostomies percutanées avant d'être rapide et efficace. L'usage unique d'un kit de trachéostomie par dilatation progressive revient en moyenne à 1 000 F, canule non comprise. Quand la fibroscopie est requise, comme pour l'apprentissage, la réalisation est alourdie en temps, personnel et matériel. L'apprentissage plus difficile de la trachéotomie est à présent l'affaire des chirurgiens.

D'autres critères de choix sont à rechercher dans les résultats publiés, en particulier les complications (tableau VII).

La cricothyroïdotomie chirurgicale a surtout été évaluée dans les années 1980  [18, 20, 49, 60, 113], de façon non contrôlée, mais sur plus d'un millier de malades, nombre équivalent à celui des autres techniques. Son évaluation est assez imprécise. La mortalité liée à la technique (probablement faible) n'est pas connue exactement car plusieurs études ont inclus des gestes en urgence. La morbidité rapportée est très faible, 5,6 % de complications, hémorragies pour la moitié. L'incidence de la sténose sous-glottique serait de 2,2 %, survenant dans un tiers des cas sur un larynx infecté. Malgré sa simplicité, cette technique est actuellement peu pratiquée car il existe deux réserves : la difficulté à mettre en place une canule de diamètre suffisant (rappelons que la membrane cricothyroïdienne mesure en moyenne 9 mm dans sa grande hauteur au centre et qu'une canule de 8 mm de diamètre interne mesure 11 mm de diamètre externe) et la hantise de la sténose sous-glottique dont la fréquence avait fait jadis condamner la technique  [64]. Une réévaluation moderne et prospective de cette technique devrait porter sur ces deux points.

La cricothyroïdotomie par dilatation progressive selon Ciaglia a fait l'objet d'une seule série de 44 patients. Cette étude a commencé à répondre en partie aux deux réserves faites plus haut à la coniotomie chirurgicale. Les résultats étaient excellents puisque la mortalité était nulle, de

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même que l'incidence de la sténose trachéale. La canule introduite mesurait 7 mm de diamètre interne, sans qu'un inconvénient à l'utilisation soit signalé par les auteurs.

La trachéotomie chirurgicale ne donne de mauvais résultats que si on inclut dans les statistiques les séries anciennes de cette méthode. Séparons-les en deux périodes :

1969 à 1981  [85, 104, 108], n = 626 : mortalité opératoire 4 %, morbidité totale 52 %, sténose trachéale symptomatique 6,3 %.

1986 à 1996  [32, 47, 50, 54, 98], n = 283 : mortalité opératoire 0,26 %, morbidité totale 29,5 %, sténose trachéale symptomatique 1,7 %. Bien que portant sur un nombre inférieur de malades, les résultats de ces trachéotomies récentes deviennent comparables à ceux des trachéostomies percutanées effectuées sur la même période : n = 916 : mortalité opératoire 0,28 %, morbidité totale 16,7 %, sténose trachéale symptomatique 1,9 %. Des résultats similaires sont obtenus dans une série prospective de 356 gestes  [59] : respectivement 0,3 %, 19 % et 3,7 %. Une analyse rétrospective incluant 1 115 trachéostomies percutanées  [41] confirme ces données avec respectivement 0,2 %, 13 % et 2 %.

Enfin quatre centres ont réalisé un essai contrôlé randomisé comparant trachéotomie et trachéostomie percutanée. Ils totalisent quelque 110 malades dans chaque groupe. Sans que la mortalité liée au geste soit significativement différente car nulle, la morbidité est clairement supérieure dans le groupe des trachéotomies pour les trois premiers essais  [29, 42, 54] : plus de 15 % en moyenne contre moins de 5 % dans le groupe des trachéostomies percutanées. Le quatrième essai  [47] ne conclut à aucune différence entre les deux techniques.

Il est clair que les trachéotomies entraînent une plus grande incidence de complications dans leur ensemble, surtout mineures. Mais toutes les études ne les ont pas colligées avec précision. L'infection à l'orifice est aussi plus fréquente avec une trachéotomie (15 % versus 1,3 %) et les résultats esthétiques sont meilleurs avec la trachéostomie percutanée  [50, 54, 73, 108], ce qui ne peut être jugé que chez les patients survivants. L'incision cutanée de la trachéotomie est deux fois plus large et le délabrement prétrachéal plus important. C'est pourquoi la trachéostomie percutanée peut être une technique de choix chez le brûlé.

Compte tenu de la grande majorité des trachéostomies percutanées pratiquées par dilatation progressive, il est difficile de retenir des différences de résultats avec celles pratiquées par la méthode de dilatation forceps ; la seule étude les comparant n'en a pas trouvé  [114]. Très peu évaluée, avec de mauvais résultats, la méthode utilisant le Rapitrac® n'est pas conseillée.

L'incidence comparative de l'hémorragie peropératoire sur la survenue et la gravité des pneumopathies acquises sous ventilation mécanique entre trachéotomies et trachéostomies percutanées n'a jamais été relevée et la seule étude comparant les deux techniques de trachéostomie percutanée  [114] n'a pas amené d'élément déterminant sur ce sujet.

L'évaluation endoscopique précoce et à distance chez les malades décanulés n'est pas fréquente, et n'a pas montré d'élément qui serait spécifique à une quelconque technique.

ConclusionEn urgence, la cricothyroïdotomie chirurgicale par incision, après oxygénation transtrachéale, quand elle est possible, est la méthode d'abord trachéal la mieux connue et la plus sûre.

En ce qui concerne les abords trachéaux programmés, la cricothyroïdotomie chirurgicale est à réévaluer, car les études sont anciennes et imprécises malgré d'excellents résultats. La cricothyroïdotomie percutanée semble prometteuse mais encore très peu évaluée. II n'existe pas de différence nette entre trachéotomie et trachéostomie percutanée en ce qui concerne la mortalité opératoire et la sténose trachéale symptomatique. Mais il existe une moindre incidence des complications et un meilleur résultat esthétique en faveur de la trachéostomie percutanée. Le plus souvent réalisée par dilatation progressive, il s'agirait dans l'ensemble d'un geste plus simple et plus court. Par ailleurs, choisir de pratiquer la trachéostomie percutanée dans un service présente l'avantage de familiariser les personnels avec la région anatomique de la membrane cricothyroïdienne, ce qui peut être utile en urgence. Tous ces éléments justifient son essor actuel. Toutefois, sur ces chiffres, les différences ne nous semblent pas encore suffisantes ni assez documentées au point de bouleverser les habitudes. La réalisation de ces gestes dépend de beaucoup de facteurs. Une évaluation au sein de chaque centre, chez

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des malades comparables, surtout avec des opérateurs d'expérience comparable pour chaque technique, est souhaitable pour déterminer quelle méthode réalise le meilleur compromis.