À PARIS, POUR LA PREMIÈRE FOIS, FUT...

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CRASh 201. ON MIDDLE-EAST by ingie chalhoub PHOTOGRAPHY BY PIERRE FAHYS INTERVIEW PAR STÉPHANIE BUI www.ingieparis.com Vous avez choisi Paris pour installer votre showroom-atelier. Parlez-nous de Paris et de ce que la ville représente pour vous… Ouvrir mon showroom-atelier à Paris, c’était une évidence étant donné ma double culture française et libanaise, tout comme l’était de travailler avec les artisans de la haute couture parisienne représentant d’un « made in France » qui reste très important dans l’univers du luxe. Quelles ont été vos inspirations pour la collection estivale présentée à Paris ? Plusieurs influences artistiques ont inspiré la collection : l’expressionisme de Jackson Pollock traduit par des motifs coups de pinceau orange, les formes cubistes multi-colorées ont inspiré des broderies de cristal sur les ceintures, par exemple, tandis que les bleus rappellent les abstractions de Joan Miró. Pour cette première collection présentée à Paris, j’ai voulu exprimer un esprit Riviera Française avec des couleurs et parfums de l'été méditerranéens évoqués sur les cartes postales color- block des années 70. Je pense au jaune mimosa et aux couchers de soleil orange. Quant aux broderies et sequins très présents, je me suis inspirée de la porcelaine de Sèvres de couleur blanche et bleue. Vous insistez sur la couleur, on remarque aussi une attention aux effets textiles, imprimés et finitions… Oui, je veux amener de la couleur et de la lumière dans la garde-robe des femmes ! Il s’agissait de mélanger des couleurs vivantes ! Pour les effets textiles, j’ai souhaité superposer motifs et matières pour créer une alchimie entre univers floraux et graphiques. La silhouette est souvent soulignée par une ceinture-bijou faite de broderie anglaise, ce qui donne cette fraîcheur recherchée. Nous avons travaillé aussi la guipure crème et noir, les paillettes et plumetis en motif porcelaine. C’est une grande collection de 52 modèles. Comment s’est décidé ce passage de femme d’affaire très active dans l’univers de la mode et du luxe à votre nouvelle fonction de fondatrice et directrice de la création de votre marque? Ce n’était pas évident. Je ne savais pas si j’étais prête à créer ma marque, même si l’envie remonte à avant 2009! J’attendais que mes fils soient un peu autonomes pour voyager plus. J’ai demandé conseil à Jean-Jacques Picart qui me connait depuis enfant, et que j’ai continué à voir plus tard quand, jeune fille, j’allais aux défilés auprès de ma mère. Il m’a redonné confiance en moi pour poursuivre cette envie très forte. J’ai finalement pensé que je pouvais passer de l’autre côté comme vous dites ! Comment avez-vous choisi le nom Ingie Paris pour votre marque ? Au début, je pensais l’appeler Etoile d’après le nom de mon multimarque. Je me suis beaucoup posée la question du nom. Au bout d’un travail de trois semaines à huit clos avec Jean-Jacques, il m’a dit : « On doit travailler pour toi, et toi, c’est Ingie avant Chalhoub, c’est Ingie. Ta marque doit être ton ADN à toi, c’est ce que tu as à l’intérieur de toi qui doit s’exprimer ». Vous semblez avoir beaucoup douté… Au vu de votre parcours et expérience, on pourrait penser que lancer, un jour, votre marque serait une évidence, or cela ne semble pas avoir été le cas … Non, ce n’était pas une évidence malgré mon envie bien présente depuis de nombreuses années. Je ne savais pas comment aborder le sujet. J’ai vécu ce qui s’apparente à la crise de la quarantaine où vous vous dîtes que vous avez bien travaillé pendant des années mais, finalement, peut-être n’avez-vous pas encore accompli ce que vous vouliez. Je l’ai fait pour les autres, mais quelque chose me manquait. J’ai passé des années à conseiller des marques et des créateurs. À un moment, je me suis posé la question de ma capacité à créer par moi-même. Qu’est-ce qui vous plait particulièrement dans la création ? La recherche, le déclic, le détail qui fait la différence. J’ai toujours des inspirations et des envies ! On ressent votre goût pour une création habitée par un esprit couture… Oui, c’est vrai ! Quand vous travaillez pour les grandes marques de luxe, vous conseillez les clientes selon leur physionomie, la texture de leur peau etc. Il est important d’exprimer une certaine mode par rapport à ses clientes, et de ne pas les habiller pour les habiller. Je revisitais donc les pièces pour mes clientes… J’apportais quelque chose de nouveau en transformant un peu les pièces ou en les accessoirisant. L’histoire d’Ingie Paris est liée aussi à des femmes qui se demandaient pourquoi je ne créais pas ma marque. Mes amies, dont Arielle Dombasle, m’ont demandé de créer pour elles. Aujourd’hui, nous avons un petit atelier intégré. Le mot « atelier » veut dire beaucoup quand on commence à créer des pièces sur mesure. Ma première création « couture » est la robe de mariée de ma future belle-fille. C’est donc la première commande couture de Ingie Paris en plus de la collection printemps-été. La mode a changé avec la multiplication des collections, comment voyez-vous évoluer Ingie Paris ? C’est un équilibre à trouver entre le business et la création. Il faut toujours doser, mais au début, il faut créer un maximum et laisser libre cours à son imaginaire et ses envies. Après, l’étau se resserre de lui-même. Ce qui me distingue, ce qui fait ma force, c’est être une femme créant pour une femme tout en possédant ma double culture. La meilleure preuve de réussite, c’est lorsque les femmes portent mes robes. Il faudrait revenir vers moi dans un an ou deux pour voir où Ingie Paris en sera ! Quelques années seront nécessaires pour bien établir la marque. Nous commencerons par travailler à l’expression de Ingie Paris dans son univers. Nous allons créer son histoire ! À PARIS, POUR LA PREMIÈRE FOIS, FUT PRÉSENTÉE INGIE PARIS, LA MARQUE À L’ESPRIT COUTURE SIGNÉE INGIE CHALHOUB, PERSONNALITÉ INCONTOURNABLE DU SECTEUR DE LA MODE ET DU LUXE. CONSULTANTE AUPRÈS DES PLUS GRANDES MARQUES INTERNATIONALES DONT ELLE A FACILITÉ L’IMPLANTATION SUR LE MARCHÉ DU LUXE AU MOYEN-ORIENT, LA FEMME D’AFFAIRE RÉPUTÉE, CEO DU GROUPE ETOILE, S’EST DÉCIDÉE À RÉALISER SON RÊVE : CRÉER SA MARQUE ÉPONYME OU PRESQUE. COMMENT INGIE CHALHOUB EST-ELLE DEVENUE INGIE PARIS, VILLE OÙ ELLE A DÉCIDÉ D’OUVRIR SON SHOWROOM-ATELIER? LA FONDATRICE ET DIRECTRICE DE LA CRÉATION SE CONFIE.

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ON MIDDLE-EASTby ingie chalhoub

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INTERVIEW PAR

STÉPHANIE BUIwww.ingieparis.com

Vous avez choisi Paris pour installer votre showroom-atelier.Parlez-nous de Paris et de ce que la ville représente pourvous…Ouvrir mon showroom-atelier à Paris, c’était uneévidence étant donné ma double culture française etlibanaise, tout comme l’était de travailler avec les artisansde la haute couture parisienne représentant d’un « madein France » qui reste très important dans l’univers duluxe.

Quelles ont été vos inspirations pour la collection estivaleprésentée à Paris ?Plusieurs influences artistiques ont inspiré la collection :l’expressionisme de Jackson Pollock traduit par desmotifs coups de pinceau orange, les formes cubistesmulti-colorées ont inspiré des broderies de cristal sur lesceintures, par exemple, tandis que les bleus rappellentles abstractions de Joan Miró. Pour cette premièrecollection présentée à Paris, j’ai voulu exprimer un espritRiviera Française avec des couleurs et parfums de l'étéméditerranéens évoqués sur les cartes postales color-block des années 70. Je pense au jaune mimosa et auxcouchers de soleil orange. Quant aux broderies etsequins très présents, je me suis inspirée de la porcelainede Sèvres de couleur blanche et bleue.

Vous insistez sur la couleur, on remarque aussi une attentionaux effets textiles, imprimés et finitions… Oui, je veux amener de la couleur et de la lumière dansla garde-robe des femmes ! Il s’agissait de mélanger descouleurs vivantes ! Pour les effets textiles, j’ai souhaitésuperposer motifs et matières pour créer une alchimieentre univers floraux et graphiques. La silhouette estsouvent soulignée par une ceinture-bijou faite debroderie anglaise, ce qui donne cette fraîcheurrecherchée. Nous avons travaillé aussi la guipure crèmeet noir, les paillettes et plumetis en motif porcelaine.C’est une grande collection de 52 modèles.

Comment s’est décidé ce passage de femme d’affaire trèsactive dans l’univers de la mode et du luxe à votre nouvellefonction de fondatrice et directrice de la création de votremarque? Ce n’était pas évident. Je ne savais pas si j’étais prête àcréer ma marque, même si l’envie remonte à avant 2009 !J’attendais que mes fils soient un peu autonomes pourvoyager plus. J’ai demandé conseil à Jean-Jacques Picartqui me connait depuis enfant, et que j’ai continué à voirplus tard quand, jeune fille, j’allais aux défilés auprès dema mère. Il m’a redonné confiance en moi pourpoursuivre cette envie très forte. J’ai finalement penséque je pouvais passer de l’autre côté comme vous dites !

Comment avez-vous choisi le nom Ingie Paris pour votremarque? Au début, je pensais l’appeler Etoile d’après le nom demon multimarque. Je me suis beaucoup posée laquestion du nom. Au bout d’un travail de trois semaines

à huit clos avec Jean-Jacques, il m’a dit : « On doittravailler pour toi, et toi, c’est Ingie avant Chalhoub, c’estIngie. Ta marque doit être ton ADN à toi, c’est ce que tuas à l’intérieur de toi qui doit s’exprimer ».

Vous semblez avoir beaucoup douté… Au vu de votreparcours et expérience, on pourrait penser que lancer, unjour, votre marque serait une évidence, or cela ne semblepas avoir été le cas …Non, ce n’était pas une évidence malgré mon envie bienprésente depuis de nombreuses années. Je ne savais pascomment aborder le sujet. J’ai vécu ce qui s’apparente àla crise de la quarantaine où vous vous dîtes que vousavez bien travaillé pendant des années mais, finalement,peut-être n’avez-vous pas encore accompli ce que vousvouliez. Je l’ai fait pour les autres, mais quelque choseme manquait. J’ai passé des années à conseiller desmarques et des créateurs. À un moment, je me suis poséla question de ma capacité à créer par moi-même.

Qu’est-ce qui vous plait particulièrement dans la création?La recherche, le déclic, le détail qui fait la différence. J’aitoujours des inspirations et des envies !

On ressent votre goût pour une création habitée par unesprit couture…Oui, c’est vrai ! Quand vous travaillez pour les grandesmarques de luxe, vous conseillez les clientes selon leurphysionomie, la texture de leur peau etc. Il est importantd’exprimer une certaine mode par rapport à ses clientes,et de ne pas les habiller pour les habiller. Je revisitaisdonc les pièces pour mes clientes… J’apportais quelquechose de nouveau en transformant un peu les pièces ouen les accessoirisant. L’histoire d’Ingie Paris est liéeaussi à des femmes qui se demandaient pourquoi je necréais pas ma marque. Mes amies, dont ArielleDombasle, m’ont demandé de créer pour elles.Aujourd’hui, nous avons un petit atelier intégré. Le mot« atelier » veut dire beaucoup quand on commence àcréer des pièces sur mesure. Ma première création«couture » est la robe de mariée de ma future belle-fille.C’est donc la première commande couture de Ingie Parisen plus de la collection printemps-été.

La mode a changé avec la multiplication des collections,comment voyez-vous évoluer Ingie Paris ?C’est un équilibre à trouver entre le business et lacréation. Il faut toujours doser, mais au début, il fautcréer un maximum et laisser libre cours à son imaginaireet ses envies. Après, l’étau se resserre de lui-même. Cequi me distingue, ce qui fait ma force, c’est être unefemme créant pour une femme tout en possédant madouble culture. La meilleure preuve de réussite, c’estlorsque les femmes portent mes robes. Il faudrait revenirvers moi dans un an ou deux pour voir où Ingie Paris ensera ! Quelques années seront nécessaires pour bienétablir la marque. Nous commencerons par travailler àl’expression de Ingie Paris dans son univers. Nous allonscréer son histoire !

À PARIS, POUR LA PREMIÈRE FOIS, FUT PRÉSENTÉE INGIE PARIS, LA MARQUE À L’ESPRITCOUTURE SIGNÉE INGIE CHALHOUB, PERSONNALITÉ INCONTOURNABLE DU SECTEUR DELA MODE ET DU LUXE. CONSULTANTE AUPRÈS DES PLUS GRANDES MARQUESINTERNATIONALES DONT ELLE A FACILITÉ L’IMPLANTATION SUR LE MARCHÉ DU LUXE AUMOYEN-ORIENT, LA FEMME D’AFFAIRE RÉPUTÉE, CEO DU GROUPE ETOILE, S’EST DÉCIDÉEÀ RÉALISER SON RÊVE : CRÉER SA MARQUE ÉPONYME OU PRESQUE. COMMENT INGIECHALHOUB EST-ELLE DEVENUE INGIE PARIS, VILLE OÙ ELLE A DÉCIDÉ D’OUVRIR SONSHOWROOM-ATELIER? LA FONDATRICE ET DIRECTRICE DE LA CRÉATION SE CONFIE.