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59 6. LES ESPECES VEGETALES ENVAHISSANTES / INVASIVES LE LONG DE NOS COURS D’EAU L’une des principales problématiques rencontrées sur les berges des cours d’eau français, et plus généralement dans le monde, est la présence d’espèces non adaptées et/ou envahissantes. On peut noter que nous emploierons autant que possible le terme « envahissant » et non celui d’ « invasif », afin de souligner que ces espèces peuvent être exogènes mais aussi autochtones et pourtant poser des problèmes le long des cours d’eau alors qu’ailleurs ces mêmes espèces seront adaptées. Il est largement reconnu que la lutte préventive est bien plus efficace que la lutte active dans le domaine des plantes envahissantes. La réalisation de prospection de terrain permet de suivre l’évolution des distributions des plantes envahissantes et de mettre en place des actions en vue d’enrayer leur processus d’invasion. Une bonne connaissance de la répartition des espèces permet également de localiser les nouvelles populations et les sites indemnes de toute invasion à préserver en l’état. Il est en effet préférable d’éviter l’apparition d’une nouvelle population de plantes envahissantes plutôt que de devoir les gérer activement lorsqu’elles auront atteint une taille trop importante. Pourquoi lutter ? Les espèces envahissantes posent essentiellement deux grands types de problèmes le long des cours d’eau. Tout d’abord un problème écologique : certaines plantes se développent à un point tel qu'elles peuvent entraîner la disparition des espèces indigènes. Elles peuvent aussi représenter une menace pour les berges (déstabilisation) si ces espèces sont mal adaptées à ces milieux particuliers. Ce phénomène est d’autant plus important qu’il peut toucher certains ouvrages comme des ponts ou encore créer des zones dangereuses pour les promeneurs ou les pêcheurs. Quelles sont les principales espèces rencontrées le long de nos cours d’eau ? L'ailante ou faux vernis du Japon (ailanthus altissima) Cet arbre, aussi appelé faux vernis du Japon, pouvant mesurer jusqu'à 30 mètres de hauteur a été importé en Europe au XVIII ème siècle à des fins ornementales. On le retrouve dans les terrains remaniés comme les bords de route ou les terrains vagues essentiellement dans le bassin méditerranéen. Il nuit à la diversité de la flore en libérant des toxines dans le sol qui empêchent les autres essences d'arbres de s' installer. Ces toxines sont tellement puissantes qu'elles sont actuellement testées pour produire des herbicides naturels. Figure n° 35 : feuilles très caractéristiques du faux vernis du Japon

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    6. LES ESPECES VEGETALES ENVAHISSANTES / INVASIVES LE LONG DE NOS COURS D’EAU

    L’une des principales problématiques rencontrées sur les berges des cours d’eau français, et plus généralement dans le monde, est la présence d’espèces non adaptées et/ou envahissantes. On peut noter que nous emploierons autant que possible le terme « envahissant » et non celui d’ « invasif », afin de souligner que ces espèces peuvent être exogènes mais aussi autochtones et pourtant poser des problèmes le long des cours d’eau alors qu’ailleurs ces mêmes espèces seront adaptées. Il est largement reconnu que la lutte préventive est bien plus efficace que la lutte active dans le domaine des plantes envahissantes. La réalisation de prospection de terrain permet de suivre l’évolution des distributions des plantes envahissantes et de mettre en place des actions en vue d’enrayer leur processus d’invasion. Une bonne connaissance de la répartition des espèces permet également de localiser les nouvelles populations et les sites indemnes de toute invasion à préserver en l’état. Il est en effet préférable d’éviter l’apparition d’une nouvelle population de plantes envahissantes plutôt que de devoir les gérer activement lorsqu’elles auront atteint une taille trop importante.

    • Pourquoi lutter ?

    Les espèces envahissantes posent essentiellement deux grands types de problèmes le long des cours d’eau. Tout d’abord un problème écologique : certaines plantes se développent à un point tel qu'elles peuvent entraîner la disparition des espèces indigènes. Elles peuvent aussi représenter une menace pour les berges (déstabilisation) si ces espèces sont mal adaptées à ces milieux particuliers. Ce phénomène est d’autant plus important qu’il peut toucher certains ouvrages comme des ponts ou encore créer des zones dangereuses pour les promeneurs ou les pêcheurs.

    • Quelles sont les principales espèces rencontrées le long de nos cours d’eau ?

    L'ailante ou faux vernis du Japon (ailanthus altissima)

    Cet arbre, aussi appelé faux vernis du Japon, pouvant mesurer jusqu'à 30 mètres de hauteur a été importé en Europe au XVIIIème siècle à des fins ornementales. On le retrouve dans les terrains remaniés comme les bords de route ou les terrains vagues essentiellement dans le bassin méditerranéen. Il nuit à la diversité de la flore en libérant des toxines dans le sol qui empêchent les autres essences d'arbres de s'installer. Ces toxines sont tellement puissantes qu'elles sont actuellement testées pour produire des herbicides naturels.

    Figure n° 35 : feuilles très caractéristiques du faux vernis du Japon

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    De plus, l'ailante a une forte tendance à drageonner (rejets qui partent de la souche et des racines), ce qui produit un couvert végétal très dense et empêche les autres plantes de pousser en dessous.

    Comment lutter ?

    L'arrachage manuel avec évacuation des résidus peut se réaliser dans le cas d'individus peu nombreux et jeunes. En Corse, l’ONF teste des techniques d’encerclage de la tige pour faire dessécher l'arbre suivi de coupe. Le taux de réussite est de 90 %. En prévention il est préconisé de tailler les arbres avant la fructification pour éviter la dissémination par les graines.

    L’érable negundo (acer negundo)

    L'érable negundo, originaire de Chine, se prête très bien à des projets de remise en valeur des sols car il peut pousser dans des sols arides et compactés. Cependant, il s'agit d'un arbre agressif, en ce sens qu'il se reproduit et s'étend facilement. Tous les érables se régénèrent naturellement, au risque de devenir envahissants.

    Comment lutter ?

    La coupe de l’arbre n’est pas efficace car cette espèce « rejette » de souche. Des études sont en cours pour mieux connaître le fonctionnement invasif de cette espèce.

    Le peuplier (populus sp)

    Bien que n’ayant pas un caractère invasif, il est nécessaire de souligner que certaines espèces autochtones, extrêmement répandues sur toute la France, peuvent aussi poser problèmes le long des cours d’eau. L’exemple le plus caractéristique est celui du peuplier. Depuis longtemps, on a eu l'habitude de planter des peupliers notamment du temps où sa plantation était subventionnée. En effet, c'est un arbre qui se développe vite et dont le bois sert dans l'industrie pour la fabrication de papier et d'allumettes. Comme les peupliers ont besoin d'humidité, beaucoup ont été plantés dans des prairies humides ou pour assécher les marais et rentabiliser les terrains de mauvaise qualité fourragère. Un grand nombre de ces arbres a aussi été planté sur les berges des cours d'eau.

    Figure n° 37 : peupliers

    Figure n° 36 : érable negundo

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    Toutefois, dans ce cas, une autre caractéristique du peuplier devient désavantageuse. Ainsi, comme le rappelle l’AFOCEL dans son dossier peupliers et eau : « L’enracinement des peupliers cultivés n’est pas adapté à une stabilisation des berges des cours d’eau. La plantation de peupliers à proximité immédiate des cours d’eau est donc à éviter (comme le conseille la circulaire DERF du 11 Septembre 1998), surtout lorsqu’il s’agit de la seule végétation ligneuse ». En effet, si le peuplier a une croissance rapide, il a relativement peu de racines. A titre de comparaison, un saule aura environ deux fois plus de racines qu'un peuplier de la même taille. Or, sur les bords de cours d'eau, le courant érode la berge sous le peuplier et puisqu’il n'a pas assez de racines pour freiner l'érosion et « armer » le sol, la berge se déstabilise. De plus, le peuplier grandit vite et haut et se retrouve souvent exposé aux vents. Comme il est fragilisé à sa base, le vent aura moins de mal à le coucher, le déraciner, le rendant ainsi menaçant pour le cours d’eau, les ouvrages, et les hommes.

    Le robinier faux acacia (robinia pseudoacacia)

    Comme le rappelle l’Agence Méditerranéenne pour l’Environnement (AME) : « Le robinier (ou Acacia) fut importé d'Amérique du nord en 1632. Il n'est naturellement pas présent en Europe ». Il donne un bois d'une bonne durabilité et qui « ne travaille pas ». Il est utilisé comme piquets de parc ou de vigne, mais aussi comme traverses de chemin de fer ou pilotis. C’est aussi une espèce invasive qui conquiert très rapidement les espaces disponibles. Cela banalise le paysage en créant des espaces ou seul cet arbre est présent. De plus, il enrichit les sols en nitrate. Ainsi, des espèces comme les orties sont favorisées sous les robiniers. Les espèces normalement présentes (érable sycomore, aulne, frêne ou saule) ne peuvent plus s'installer car elles ne sont pas adaptées aux nouvelles conditions du sol.

    Comment lutter ?

    La coupe conduit à des rejets de souche et des drageonnements très actifs. A préconiser : la coupe (en hiver) suivie d’une coupe des rejets deux fois par an et ce, pendant plusieurs années. A poursuivre sur les souches encore vigoureuses. Prévoir aussi un arrachage des jeunes plants.

    Figure n° 38 : robiniers faux acacias

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    Le buddleia de David (buddleja davidii)

    Cette plante aussi appelée « arbre aux papillons » ou « lilas d’été », est originaire de Chine. C’est une plante rustique, vivace, arbustive, à floraison estivale et à feuilles caduques, réputée pour sa faculté à attirer les papillons. Un pied de buddleia de David produit au bas mot environ 3 millions de graines. Comme cette plante n'a pas « d'ennemi » en France, et qu'elle s'adapte à pratiquement tous les milieux, elle est devenue invasive au point de prendre la place d'autres plantes autochtones.

    Comment lutter ?

    Arrachage des plants et revégétalisation de la zone envahie (il supporte mal l’ombre). Lors de l’arrachage penser à détruire ou évacuer les rémanents pour éviter les reprises par boutures. La coupe n’a pour seul effet que de rendre les pieds coupés plus vigoureux. Le Buddléia semble mal supporter le feu.

    Figure n° 39 : buddleia de David (arbre aux papillons)

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    La renouée du Japon (fallopia Japonica)

    Comme le souligne Nature et Progrès dans son article de janvier 2005 intitulé « Les plantes invasives, une menace pour la biodiversité », « La renouée est une herbe qui peut mesurer 3 mètres de haut ! Elle ressemble au bambou mais avec de larges feuilles en cœur. Elle fut introduite en Europe au 19ème siècle comme plante ornementale. C'est une plante pionnière qui a la capacité de conquérir rapidement les terrains nus ou perturbés (tas de gravats, berges après une crue, talus de voie ferrée, bords de route). Elle se multiplie par rhizomes ou simplement par des morceaux de tiges. Cette plante nuit à la diversité de la flore. Elle occupe rapidement une place importante. Son feuillage important crée de l'ombre et empêche ainsi les autres plantes d'utiliser la lumière du soleil. De plus, elle secrète des substances qui font mourir les racines des plantes voisines. Sur les berges des cours d'eau, sa présence est de plus en plus importante du fait de la disparition de la ripisylve par endroits. Les saules et les aulnes ne peuvent plus se développer sous le couvert de la renouée. Comme le robinier, elle rend le paysage uniforme.

    Ceci est nuisible autant au paysage qu'à la faune qu'abrite une ripisylve naturelle. En outre, elle maintient très mal les berges car son système racinaire est peu développé en comparaison des saules ou des aulnes. Une crue peut alors abîmer la berge colonisée par la renouée. En cas de crue, les fragments de la plante sont emportés par le courant et iront coloniser les berges en aval. Ainsi par exemple, la renouée occupe les berges de certaines rivières sur des kilomètres en région Rhône Alpes ».

    Comment lutter ?

    - Faucher très régulièrement (pour « l'épuiser »). - Brûler ce qui est fauché (pour éviter la dissémination). - Planter des arbres à la place (afin de la priver d'un maximum de lumière, elle « n'aime » pas l'ombre).

    Figure n° 40 : renouée du Japon

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    L’ambroisie (ambrosia artemisiifolia)

    Plante annuelle, herbacée à tige fortement velue dans le bas. On la retrouve dans les zones rudérales et zones de terre laissée à nu : bords de routes et d'autoroutes, friches industrielles, terrains vagues, décharges. Dans les cultures (tournesol, maïs, colza, céréales après les moissons, sur les chaumes). Également dans les jachères et bandes enherbées où elle disparaît rapidement si le milieu n’est pas remanié. Parfois sur les berges d’étangs, dans le lit des rivières, ou en pelouses sableuses. Elle provoque des pollinoses (ou « rhumes des foins »), dues à l’inhalation de grains de pollen. Espèce adventice de culture entrant en compétition avec les plantes cultivées. Comment lutter ? L’arrachage manuel de la plante avant la floraison est très efficace mais peu adapté aux grandes surfaces car il nécessite une main d’œuvre importante. Dans les zones non cultivées envahies, un fauchage avant la floraison permet d’éviter la dissémination du pollen. Des expériences probantes de gestion de l’ambroisie par du pâturage ovin sont menées dans la Drôme.

    La jussie ( ludwigia grandiflora et ludwigia peploides)

    Cette plante qui appartient à la famille des onagracées, est devenue très envahissante dans les milieux naturels humides et dans les zones aquatiques calmes. Depuis une trentaine d’année, elle s’est propagée sur tout le territoire français. La jussie n’a pas de consommateur pour empêcher sa croissance, ce qui lui permet de se développer très vite sur les berges en composant un tapis dense et homogène.

    Figure n° 41 : ambroisie

    Figure n° 42 : jussie le long de la Loire

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    Elle ne laisse pas la possibilité aux autres espèces végétales de pousser : elle couvre la surface de l’eau et empêche ainsi la lumière d’atteindre les autres plantes aquatiques limitant leur photosynthèse. Elle nuit à la faune en général et aux oiseaux en particulier qui préfèrent la diversité alimentaire. De plus, la jussie produit beaucoup de matières organiques qui s’accumulent au fond, ce qui ferme le milieu par envasement. Sa décomposition par les bactéries consomme de l’oxygène dissous dans l’eau. Peu à peu, le milieu devient anoxique et sombre, les plantes disparaissent et, avec elle, la diversité biologique animale. Le milieu aquatique perd la diversité de la vie végétale et animale. L’ impact écologique de la jussie entraîne un déséquilibre du fonctionnement de l’écosystème. Cette plante est aussi une source de nuisance pour les activités humaines car elle gène les pêcheurs, les activités nautiques et touristiques. Comment lutter ? - Arrachage mécanique à la pelle à godet ou à griffes. - Arrachage manuel avec récupération de tous les fragments pour éviter une nouvelle propagation, cette opération se fera préférentiellement fin novembre et décembre, période où la plante est moins vivace. Cette liste non exhaustive regroupe les principales essences problématiques rencontrées et permet de se familiariser avec ces espèces. On aurait pu toutefois y ajouter : les asters Américains, la berce du Caucase, le bident à fruits noirs, l’impatiente de Balfour, l’impatiente de l’Himalaya, le raisin d’Amérique, les renouées de Sakhaline et de Bohême, le séneçon du Cap ou encore les solidage du Canada et solidage géant.

    Figure n° 43 : La berce du Caucase (heracleum mantegazzianum)

    Figure n° 44 : L’impatiente de Balfour (impatiens balfourii)

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    Figure n° 45 : La renouée de Sakhaline

    (fallopia sachalinensis)

    Figure n° 46 : Le séneçon du cap (senecio inaequidens)

    Figure n° 47 : Le solidage géant (solidago gigantea)

    Figure n° 48 : Le bident à fruits noirs (bidens frondosa)