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3èmes Rencontres Prospectives internationales
de l’AGERA
« Les « Capacity Building »,
projets de coopération au service des
établissements d’enseignement supérieur et de
recherche »
Jeudi 26 avril 2018,
POYTECH Lyon
Manifestation organisée en partenariat et avec le soutien de :
Et avec les écoles du réseau AGERA :
3èmes Rencontres Prospectives internationales de l’AGERA 2
Lyon, le 26 avril 2018
SOMMAIRE
Mot de bienvenue ......................................................................................... 3
Pr. Emmanuel PERRIN, Directeur de Polytech Lyon ...................................... 3
Introduction ................................................................................................. 5
Pascale PAYAN, Déléguée Générale de l’AGERA ........................................... 5
« Capacity building » au sens large .............................................................. 8
Laurent SCHWAB, Secrétaire Général d’IDEFIE .......................................... 8
« Capacity building » et Erasmus + action-clé n° 2 mode d’emploi ............ 20
Dimitris KOKKALIS, EVALUE .................................................................... 20
Table ronde : les Capacity building dans nos écoles – études de cas .......... 29
Olivia CHATEAU, Responsable des relations internationales, ENSATT ............ 29
Dr Nicolas FARGES, Directeur du développement de la formation continue et de
l’international, ENTPE ............................................................................. 29
Dr Mohamed EL MANKIBI, Directeur de recherche au laboratoire de tribologie
et dynamique des systèmes, ENTPE .......................................................... 29
1. Capacity building et le génie civil et le bâtiment ..................................... 29
2. Capacity building et l’interprétariat artistique ......................................... 33
3. Capacity building et la formation continue ............................................. 36
« Take home messages » et conclusions .................................................... 41
Brendan KEENAN, Responsable du département programme international
ENTPE / AGERA ...................................................................................... 41
3èmes Rencontres Prospectives internationales de l’AGERA 3
Lyon, le 26 avril 2018
La séance est ouverte à 9 heures 15.
Brendan KEENAN, Animateur de la commission internationale de l’AGERA
Bonjour et bienvenue à la troisième session des Rencontres Prospectives
Internationales de l’AGERA (Alliance des Grandes Écoles Rhône-Alpes Auvergne).
Je cède très rapidement la parole à Monsieur Emmanuel PERRIN, Directeur de
Polytech Lyon, qui nous fait l’honneur d’être présent. Nous vous remercions
beaucoup pour votre accueil.
Mot de bienvenue
Pr. Emmanuel PERRIN, Directeur de
Polytech Lyon
Pr Emmanuel PERRIN
Bienvenue à Polytech Lyon. Polytech Lyon est une école d’ingénieurs très
particulière, puisqu’elle est à la fois l’école interne de l’université Claude Bernard
Lyon 1 et membre du réseau Polytech.
Avant de dire quelques mots sur notre école, bienvenue à l’Université Lyon 1.
L’Université Lyon 1 est l’une des plus grandes universités françaises spécialisées en
sciences et en santé, avec :
43 000 étudiants inscrits, regroupés dans une quarantaine de mentions de
Masters, de diplômes de santé, etc. ;
un potentiel Recherche d’environ 85 laboratoires de recherche, partagés avec
d’autres établissements du site et tous labellisés auprès des grands
organismes que vous connaissez.
En conséquence, l’école bénéficie d’un site exceptionnel.
Notre école fait partie du réseau Polytech, composé de 14 écoles d’ingénieurs,
internes aux universités. Ces écoles membres sont quasiment toutes semblables. La
première caractéristique du réseau est de ne pas avoir d’école dominante. La
seconde caractéristique est que ce réseau d’égal à égal a pu mettre en place des
dispositifs très particuliers dans le paysage national.
Ainsi, le recrutement est partagé, quel que soit le niveau entre les écoles. Le
Directeur de Polytech Lyon ne définit donc pas qui est recruté. Cette tâche revient au
réseau Polytech via des dispositifs de concours en post-bac. Nous partageons nos
étudiants de classes préparatoires, qui représentent environ 50 % de nos effectifs en
cycle ingénieur. Nos élèves intègrent le cycle ingénieur en venant des classes
préparatoires de Nantes, Paris, Marseille, ou autres : 50 % des étudiants restent
dans leur école, 50 % changent d’école. Ils représentent environ 1 500 étudiants par
an. Le réseau Polytech compte une centaine de diplômes d’ingénieurs habilités par la
Commission des Titres d’Ingénieur (CTI). Il propose un règlement d’études commun
sur une centaine de spécialités d’ingénieur, ce qui constitue une grande spécificité du
réseau Polytech.
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Lyon, le 26 avril 2018
Le Réseau est fédéré autour de la Fondation du réseau Polytech, dont les membres
du Conseil d’administration sont les 14 Présidents des Universités, ainsi que des
industriels et des représentants. Nous diplômons 3 400 ingénieurs par an, dont
3 100 via la formation initiale sous statut d’étudiant.
Polytech Lyon est la 13e école du réseau historiquement. À l’origine, nous étions
l’ISTIL (l’Institut des Sciences et Techniques de l’Ingénieur de Lyon) que beaucoup
d’entre vous ne connaissent pas, devenu Polytech Lyon en 2012, après avoir intégré
deux nouvelles spécialités d’ingénieurs (génie biomédical et informatique). Nous
avons six spécialités d’ingénieurs habilités par la CTI pour la durée maximale. Nous
diplômons actuellement 200 ingénieurs par an. Notre plan de charge vise à atteindre
250 ingénieurs diplômés à l’horizon 2020, grâce à de nouveaux recrutements, soit
environ une cinquantaine d’ingénieurs par spécialité.
Nous sommes également une réelle composante de l’Université Lyon 1. J’ai ainsi
deux métiers, directeur d’école et directeur de composante d’un établissement, qui
est une université. À ce titre, nous sommes porteurs, pour le compte de l’Université,
de diplômes nationaux de Masters. Nous organisons deux mentions de Masters -
Ingénierie de la Santé et du Médicament et Méthodes informatiques appliquées à la
Gestion -, avec des parcours recherche, des parcours professionnels, dont deux
parcours par alternance, avec une vingtaine d’étudiants.
Au niveau de la recherche, Polytech Lyon, contrairement à d’autres écoles
d’ingénieurs, n’a pas de laboratoire rattaché, mais nous disposons de 14 laboratoires
dans lesquels nos enseignants-chercheurs font de la recherche. Ce spectre
scientifique est très large. Nous bénéficions ainsi de la quasi-intégralité du spectre
scientifique extrêmement riche de Lyon 1, avec ces 14 laboratoires spécialisés en
mathématiques fondamentales, mathématiques appliquées, chimie, ingénierie, etc.
Nos étudiants sont donc exposés au côté professionnel, comme toute école
d’ingénieurs, mais également à l’innovation et à la recherche nécessaire.
S’agissant des relations internationales, je vous laisserai poser toutes les questions
nécessaires au Professeur Didier LEONARD, Responsable relations internationales de
l’école, qui me représentera pour le reste de la séance. Je le remercie, ainsi que
Bénédicte MARTI, Assistante des relations internationales, qui a beaucoup œuvré
pour vous accueillir.
Je vous remercie de votre attention. Très bonne journée à tous et bienvenue encore
à Polytech Lyon.
Applaudissements.
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Introduction
Pascale PAYAN, Déléguée Générale de
l’AGERA
Brendan KEENAN
Nous allons vous présenter l’AGERA et les travaux de la Commission internationale,
avant d’entrer dans le vif du sujet avec nos intervenants.
Je passe la parole à Pascale PAYAN, Déléguée Générale de l’AGERA.
Pascale PAYAN, Déléguée Générale de l’AGERA
Bonjour à toutes et à tous. Nous vous remercions pour votre présence. Nous
remercions également Polytech Lyon de nous accueillir au sein de ce bel
amphithéâtre.
Je commencerai par quelques mots sur l’AGERA qui porte cet événement, organisé
par la Commission internationale de l’AGERA. Je remercie Brendan qui a beaucoup
œuvré à son organisation.
Vous connaissez l’AGERA, bien sûr, puisque vous faites partie de ce réseau : elle est
la première conférence de grandes écoles en France après la Conférence des
Grandes Ecoles (CGE), et la correspondante de la CGE en région Auvergne-Rhône-
Alpes. Elle est également un réseau de grandes écoles pluridisciplinaires sur le
territoire de la grande région Auvergne-Rhône-Alpes.
Pour citer quelques chiffres, les écoles de l’AGERA fédèrent environ 38 000 étudiants,
dont 64 % de garçons et 36 % de filles, 22 % d’étudiants internationaux et 9 %
d’étudiants apprentis.
Le réseau AGERA est constitué de 42 grandes écoles, essentiellement des écoles
d’ingénieurs, des écoles de management, des écoles de sciences politiques, des
écoles d’architecture, d’art et de design, et une famille d’écoles dites
« d’enseignement spécialisé », car proposant des cursus non « standards » (les
écoles de bibliothèques, les écoles de protection sociale, l’ENSAM Chambéry, l’École
de Santé des Armées) et représentant un spectre assez large. Depuis le mois de juin
dernier, l’ITII Lyon a rejoint l’AGERA, en tant que représentant des acteurs
économiques.
Les missions de l’AGERA sont les suivantes :
Une instance de représentation des grandes écoles auprès des pouvoirs
publics, essentiellement dans le périmètre régional et une instance de
promotion des grandes écoles ;
Un lieu de partage, d’expérience et de bonnes pratiques, de création de
synergies autour de projets communs, au travers des commissions de travail,
dont vous êtes la parfaite illustration, avec la Commission internationale de
l’AGERA, qui est une des commissions les plus actives, portant deux
événements phares ;
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Lyon, le 26 avril 2018
La mise en valeur du réseau, à travers divers outils de communication (le site
Web portail français-anglais, la lettre d’information Les Échos de l’AGERA, à
vocation interne et externe, disponible en format numérique, et une présence
sur les réseaux sociaux qui s’est énormément développée ces dernières
années) ;
La mission de think tank, avec l’organisation de colloques en collaboration
avec le CESER (Conseil Économique, Social et Environnemental Régional) sur
le lien entre la formation, le monde économique et le développement
territorial, et la participation à des chantiers régionaux, dont le chantier phare
Élence, qui porte sur les thématiques de santé et de qualité de vie au travail
comme levier de performance globale des entreprises.
Les valeurs communes de l’AGERA et des écoles qu’elle fédère sont que les écoles
portent une stratégie et un projet pédagogique propres, des formations d’excellence,
avec une approche pluridisciplinaire, des liens étroits avec les milieux économiques,
dont de nombreux partenariats avec les entreprises, des activités de recherche et de
transfert de technologie, et de forts liens avec l’innovation. Un certain nombre de
valeurs sont défendues et traduites par des actions autour de la promotion de la
réussite et de l’égalité des chances.
L’AGERA, autour de la thématique partage de bonnes pratiques et création de
synergies, fonctionne avec cinq commissions phares :
la Commission Formation sous statut de salariés et Approche par les
compétences, qui couvre l’apprentissage et la formation continue ;
la Commission Relations avec le Monde économique ;
la Commission Innovation pédagogique ;
la Commission Communication ;
la Commission internationale, dont vous faites partie en grande majorité, et
qui porte l’organisation de l’événement de ce jour.
La Commission internationale, au-delà de la mission de réunions plénières, au cours
desquelles vous partagez des pratiques et faites intervenir des intervenants experts
sur des thématiques variées, porte deux événements phares :
La Journée d’accueil des étudiants internationaux, qui a lieu tous les
ans, au mois d’octobre, afin de bien accueillir ces étudiants à Lyon et de faire
en sorte qu’ils soient les ambassadeurs de la Région ;
Depuis 2007, la Commission avait organisé des Journées Pays, avec l’objectif
de développer des partenariats dans le domaine de la formation et de la
recherche avec des pays ciblés, tels que l’Inde, le Brésil, les États-Unis.
Depuis trois ans, la Commission a souhaité orienter vers les Rencontres
Prospectives Internationales, avec :
o une première édition en 2016 sur les cursus en anglais, éléments-clés
de la stratégie d’internationalisation des écoles, enjeux et
opportunités ;
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Lyon, le 26 avril 2018
o une deuxième édition en 2017 sur l’expertise internationale, un enjeu
majeur pour l’Enseignement supérieur et la Recherche ;
o une troisième édition sur les programmes de « Capacity building »
(renforcement des capacités).
J’en ai à présent terminé avec la présentation de l’AGERA. Je laisse véritablement
place au cœur des interventions.
Applaudissements.
Brendan KEENAN
Merci. Je tiens à vous présenter les excuses de deux intervenants qui ne peuvent
être parmi ce jour :
Monsieur Gérard PIGNAULT, Vice-Président de l’AGERA et directeur de CPE
Lyon ;
le Docteur Mohamed MATMATTI, qui est souffrant.
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« Capacity building » au sens large
Laurent SCHWAB, Secrétaire Général
d’IDEFIE 1
Brendan KEENAN
Notre allons commencer par notre premier intervenant qui a une carte de visite
impressionnante. Nous pouvons dire que ce monsieur « a roulé sa bosse » depuis
quelque temps à l’international. Il est économiste, titulaire d’un doctorat de
macroéconomie, obtenu à l’Université Paris 1–Panthéon Sorbonne. Il a travaillé au
Commissariat Général au Plan, puis au Bureau d’Informations et de Prévisions
Économiques. Il a été expert auprès de la Commission Économique et Sociale pour
l’Asie et le Pacifique (Nations Unies, Bangkok), intervenant dans un programme
d’appui aux pays les moins avancés d’Asie.
En 1992, il s’est établi au Vietnam comme représentant d’un consortium de sociétés
françaises de conseil. Il a également été représentant de la Caisse des Dépôts et des
Consignations au Vietnam. En 1995, il a pris la direction du Centre franco-vietnamien
de formation à la Gestion à Hô Chi Minh ville, une école de gestion fondée par le
ministère des Affaires étrangères et le ministère de l’Éducation du Vietnam. Il en est
devenu le directeur général en 2001 à Hanoï. De 2003 à 2004, il a représenté
Sofreco pour le Cambodge, le Laos et le Vietnam.
En 2005, il a pris la direction d’un projet visant à créer l’Institut de gestion HIBA à
Damas, dans le cadre d’un projet financé par la Commission européenne. Il a été
ingénieur de recherche au Réseau Asie du CNRS, en charge de plusieurs projets
concernant l’Asie. Il est à présent consultant et intervient dans des missions pour le
compte de la Commission européenne, de l’Agence Française du Développement, de
la Banque Asiatique de Développement, principalement pour des projets concernant
l’enseignement supérieur.
Je vous demande de bien vouloir applaudir Monsieur Laurent SCHWAB, s’il vous plaît.
Applaudissements.
Laurent SCHWAB
Bonjour à tous.
Je suis très heureux d’être avec vous ce matin, pour parler de « Capacity building »
au sens large. N’étant pas personnellement spécialiste des programmes spécifiques,
j’évoquerai davantage les relations entre les programmes d’enseignement supérieur
dans les pays en transition et dans les pays en développement. Comme vous
l’entendrez avec les autres interventions, de fait, il existe des liens entre ces deux
types d’activités, et il est intéressant de réfléchir à ces liens.
1 Think tank spécialisé sur le développement et les bonnes pratiques de l’expertise
française et francophone.
3èmes Rencontres Prospectives internationales de l’AGERA 9
Lyon, le 26 avril 2018
Pour ma part, je suis consultant en développement. J’interviens principalement sur
des projets d’enseignement supérieur dans différents pays. J’ai ainsi travaillé au
Vietnam, en Syrie et en Algérie.
Tout d’abord, notons un élément frappant, c’est la demande croissante d’expertises
dans le domaine de l’enseignement supérieur, en provenance des bailleurs de fonds
(la Banque mondiale, l’Union européenne, les banques régionales de développement,
l’Agence Française de Développement). Cette demande porte à la fois sur des
interventions concernant des universités ou des établissements d’enseignement
supérieur spécifiques, et plus généralement, sur des appuis à la rénovation des
systèmes, c’est-à-dire des approches plus générales, impliquant les ministères de
l’Éducation ou de l’Enseignement supérieur. Il est frappant de constater que les
établissements d’enseignement supérieur français sont peu présents sur ce secteur.
Qui intervient dans les projets financés par la Commission européenne ? Ce sont des
cabinets de consultants, qui assurent le suivi de projets, le lobbying dans les pays
bénéficiaires lorsqu’il est nécessaire, et qui établissent des contacts avec des
universités ou des établissements d’enseignement supérieur, afin de constituer un
consortium qui répondra à l’appel d’offres pour intervenir dans l’université.
Il ne s’agit pas d’une règle générale et des exceptions existent, mais globalement,
les établissements d’enseignement supérieur français sont peu présents et sont
plutôt dans une position passive. Ils sont contactés par des bureaux de consultants
et se retrouvent dans des projets pour lesquels ils n’ont pas élaboré la méthodologie
et dont la stratégie ou la démarche ne leur conviennent pas nécessairement.
La problématique de mon intervention est de savoir comment favoriser une
intervention accrue des établissements d’enseignement supérieur français dans des
projets d’appui à l’enseignement supérieur dans les pays en transition. Très
schématiquement, si nous regardons du côté européen, les programmes de type
« Capacity building » relèvent de la Direction de l’Éducation, alors que les
programmes que j’évoque ici relèvent de la Direction du Développement et de la
Coopération. Il est intéressant d’observer que les bailleurs de fonds sont les mêmes,
mais avec des sections et des programmes différents.
Je souhaite aborder la question autour de quatre parties :
l’intervention croissante des bailleurs de fonds, en vous apportant des
informations sur la manière dont fonctionne ce secteur ;
les thématiques à l’œuvre ;
les raisons pour lesquelles les établissements français sont peu présents sur
ce marché ;
les pistes à explorer pour qu’ils le soient davantage.
L’intervention croissante des bailleurs de fonds
L’intervention croissante des bailleurs de fonds dans le financement de
l’enseignement supérieur est relativement récente, puisqu’elle date d’une dizaine
d’années. Traditionnellement, dans le cadre des objectifs de développement
internationaux, la priorité était donnée à l’alphabétisation, à l’enseignement primaire,
puis à l’enseignement secondaire.
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Un certain nombre de pays ont mis en œuvre ces stratégies. Leurs populations sont
désormais mieux formées dans le primaire, sont passées dans le secondaire et
commencent à passer dans le supérieur. On observe un très fort accroissement des
effectifs étudiants. Dans le cas du Vietnam et de l’Algérie, par exemple, les
augmentations sont stupéfiantes. La demande est très forte. Les universités dans ces
pays sont en nombre insuffisant et/ou sont organisées selon un modèle ancien et peu
performant, avec une offre de formation peu professionnalisante. Je suis intervenu
en décembre au Congo Brazzaville à la demande de l’Agence Française de
Développement pour l’Université Marien Ngouabi de Brazzaville. La situation est tout
de même très préoccupante, car il est difficile d’imaginer que les nombreux masters
d’économétrie ou de finances internationales permettront à leurs étudiants de
trouver du travail. Par ailleurs, les ressources financières sont bien évidemment
insuffisantes.
Qui sont les bailleurs de fonds ? La réponse est un peu technique, mais elle est
importante pour la suite de la présentation.
La Commission européenne est le premier des bailleurs de fonds. Elle intervient
uniquement sous forme de dons. Néanmoins le blending se développe, c’est-à-dire
des projets dans lesquels sont mixés un élément don, financé par la Commission
européenne, et des éléments prêts financés par des banques, telles que la BERD ou
la KFW. J’ai ainsi assuré le suivi d’un projet en Tunisie de rénovation de
l’enseignement scolaire, avec une très forte composante de construction d’écoles,
une composante hard (génie civil et architecture), mais également une composante
soft, financée par la Commission européenne, et qui aurait très bien pu être mise en
œuvre par un consortium avec de grandes écoles françaises, par exemple.
Nous reviendrons ensuite sur les thématiques, relativement nombreuses. Il est
intéressant de noter que ce type de projet entretient des liens avec le H2020, pour
permettre aux chercheurs des universités ou des centres de recherche des pays
bénéficiaires d’être davantage présents.
Le deuxième type d’acteurs, ce sont la Banque mondiale et les banques régionales de
développement. Elles interviennent essentiellement sous forme de prêt, avec parfois
un élément don. Les interventions financées par des prêts sont complètement
différentes des interventions financées par des dons, simplement parce que les
montants sont beaucoup plus élevés. J’ai travaillé récemment sur une étude de
préfaisabilité pour l’AFD (Agence Française de Développement) sur un projet au
Vietnam. Le financement envisagé s’élève à 25 millions d’euros, alors que, dans des
projets de type dons financés par la Commission européenne, les montants sont de
l’ordre de 3 à 4 millions d’euros, parfois moins. Les montants sont donc plus
importants. Les procédures changent, puisque les marchés liés à ces prêts peuvent
relever des procédures locales. Les pays bénéficiaires jouent donc un rôle de plus en
plus important.
Un autre aspect, peu connu, mais qui marque une évolution intéressante dans le
domaine du développement, est le déliement de l’aide. Traditionnellement, l’aide
anglaise bénéficiait à des opérateurs anglais, l’aide française à des opérateurs
français, et ainsi de suite. Or depuis une quinzaine d’années, l’OCDE (Organisation
de coopération et de développement économiques) encourage le déliement de l’aide.
Dans le domaine de l’enseignement supérieur, elle est relativement peu déliée. Elle
l’est néanmoins. Des pays comme les Pays Bas ou le Danemark peuvent ainsi
3èmes Rencontres Prospectives internationales de l’AGERA 11
Lyon, le 26 avril 2018
concevoir un projet mis en œuvre par un consortium. Le leader sera danois si le
financement est danois, anglais s’il est anglais, mais un ou plusieurs établissements
supérieurs français peuvent faire partie du consortium.
Je vais effectuer un zoom sur la France, car ces éléments sont peu connus. Je serais
d’ailleurs curieux de savoir si vous en avez connaissance. Traditionnellement, tous
les projets en matière d’enseignement supérieur étaient financés par le ministère des
Affaires étrangères. Or le CICID (Comité interministériel de la coopération
internationale et le développement), lors de sa session de novembre 2016, a fait
basculer la plupart des financements concernant l’enseignement supérieur et la
recherche du ministère des Affaires étrangères à l’Agence Française de
Développement. Cette situation est relativement récente et j’ignore si vous êtes au
courant.
En tout état de cause, les conséquences seront visibles dans les mois ou les années à
venir. Même si les ambassades continuent à jouer un rôle, notamment en matière
d’expertise et de mobilité, l’acteur principal est désormais l’Agence Française de
Développement, sachant qu’à l’exception de l’Afrique subsaharienne, l’Agence
Française de Développement intervient sous forme de prêts. Elle intervient sous
forme de dons en Afrique subsaharienne (subventions versées par l’Etat), mais pour
des montants relativement faibles. Il est intéressant de retenir que, dans ces projets
de renforcement des capacités dans l’enseignement supérieur dans les années à
venir, l’AFD est en passe de devenir l’interlocuteur principal pour les opérateurs
français.
Les thématiques
Comme je l’ai précisé, mon approche est beaucoup plus large que les sujets qui
seront abordés ensuite, mais cette focale plus large est intéressante.
Il y a une dizaine ou une vingtaine d’années, les universitaires ou les enseignants du
supérieur dans les pays en développement enseignaient ou faisaient de la recherche.
Aujourd’hui, la demande devient beaucoup plus complexe, dans la mesure où elle
peut porter sur :
la gouvernance des systèmes d’enseignement supérieur dans les pays ;
les systèmes d’information. La France a développé des éléments de grande
qualité dans ce domaine, qui demandent à être adaptés aux contextes locaux
et parfois traduits quand les pays concernés ne sont pas francophones ;
l’appui à la recherche et à l’innovation, avec l’idée de favoriser la participation
à des programmes H2020 avec la Commission européenne ;
le renforcement des liens avec le secteur productif, demande de plus en plus
forte ;
l’utilisation du numérique ;
l’assurance qualité ;
le montage de réseaux entre partenaires du Nord et du Sud.
3èmes Rencontres Prospectives internationales de l’AGERA 12
Lyon, le 26 avril 2018
Cette liste n’est pas exhaustive. La demande d’intervention dans l’enseignement
supérieur ne se résume plus à l’enseignement et à la recherche. Elle porte sur le
système d’ensemble de l’université.
Un point m’a frappé dans les deux universités avec lesquelles j’ai travaillé au cours
des trois derniers mois : lorsque nous leur demandons quelle est leur stratégie et
quelles sont leurs prévisions à trois ou cinq ans, elles sont dans l’incapacité de
répondre. Elles n’ont jamais réalisé un exercice consistant à envisager l’évolution du
nombre d’étudiants, des frais de scolarité le cas échéant, du nombre d’enseignants,
des autres charges, des projets d’investissement. Elles gèrent année par année. Le
fait d’introduire une vision à trois ou cinq ans, ce qui reste du court terme dans
l’enseignement supérieur, permet d’élargir le champ des possibles.
Les établissements d’enseignement supérieur français peu présents sur ce
marché
Pourquoi les établissements supérieurs français sont-ils peu présents sur ce marché ?
Attention, je ne prétends pas qu’ils sont absents de tous les secteurs. Mon propos se
concentre spécifiquement sur les marchés financés par des bailleurs, tels que les
agences internationales évoquées précédemment, la Commission européenne et
l’Agence Française de Développement.
Les raisons sont multiples. Parfois, cela ne fait pas partie de la stratégie de
l’établissement. Cela peut également s’expliquer par le fait que les procédures des
bailleurs sont mal connues. Il est vrai que ce n’est pas toujours simple. Cela peut
encore s’expliquer par le fait que, dans des financements sous forme de dons, les
approches projets d’une durée de quatre à cinq ans sont des durées relativement
courtes. Ainsi, pour une promotion de Master (deux ans), il faut compter au mieux
une mise en place la deuxième année et, si le programme dure trois ans, les
promotions de Master seront de deux au maximum. Par ailleurs, les établissements
se positionnent davantage en réponse à des demandes de cabinets de conseil qu’en
situation proactive.
Ensuite, ces établissements ne participent pas nécessairement à l’élaboration des
méthodologies. J’ai ainsi eu à suivre des projets pour lesquels toute la méthodologie
avait été construite par un cabinet de consultants et où il était simplement demandé
à l’établissement d’enseignement supérieur (EES) de les signer pour être porté tel un
blason, sans pouvoir intervenir sur la gestion du projet.
Une autre raison est que les ressources humaines sont insuffisantes et surtout mal
identifiées.
Enfin, les enseignants-chercheurs interviennent de manière individuelle sans retour
sur leur établissement et les individus peuvent être très présents, en participant à
différents projets. Pourtant, l’expérience l’a montré, il existe des compétences tout à
fait significatives et de grande qualité.
Quelques pistes à explorer
J’ai distingué deux moments, en amont, avant les projets, et en aval, après les
projets.
3èmes Rencontres Prospectives internationales de l’AGERA 13
Lyon, le 26 avril 2018
En amont
L’idée de base est d’essayer de se positionner en amont. À l’IDEFIE, nous essayons
de développer cette idée, pas seulement dans le domaine de l’enseignement
supérieur et de la recherche, mais également dans d’autres secteurs d’intervention et
d’opportunité pour l’expertise. Se positionner en amont consiste à déterminer, dans
les pays avec lesquels vous travaillez, les besoins. Il existe des commissions mixtes,
toutes sortes de structures dans lesquelles les pays partenaires expriment leur
demande et s’adressent à des bailleurs pour rénover une université, construire une
extension, mettre en place de nouveaux cursus, etc. Dans cette phase amont, il est
donc possible de savoir ce qui va se développer.
Ensuite, il convient de mieux connaître le marché. J’ai intégré à ma présentation une
copie d’écran de la fenêtre du site EuropeAid, à partir de laquelle il est possible
d’effectuer des recherches sur les projets, selon trois catégories : les projets clos ou
terminés, les projets en cours et les projets à venir (forecasts). Ces trois catégories
sont intéressantes.
Il convient également de se familiariser avec le langage des bailleurs : l’utilisation du
cadre logique, de la theory of change sont des éléments qui se développent. Se
rapprocher de l’AFD est une autre piste, l’AFD devenant, comme je l’ai démontré
précédemment, un acteur majeur en France du financement de projets dans
l’enseignement supérieur et la recherche. Je considère que l’on ne peut pas éviter de
se rapprocher des cabinets de conseil. De fait, pour encore de nombreuses années,
ils seront les plus actifs dans le suivi de projet. Nous avons donc beaucoup à
apprendre d’eux. Une autre piste à explorer, avec laquelle beaucoup
d’établissements représentés ici sont certainement familiers, est la construction de
consortiums.
La deuxième piste principale consiste à identifier les ressources mobilisables au sein
des établissements d’enseignement supérieur et de recherche. Les ressources
existent, mais le problème est qu’elles sont mal identifiées. Ce sont bien entendu les
enseignants-chercheurs qui ont participé à des projets mais il existe d’autres
catégories de personnels. En effet, la demande se complexifiant, les personnels
spécialisés en comptabilité, systèmes d’information, finances, bibliothèques, etc.,
peuvent également intervenir dans des projets et ne se limitent plus aux seuls
enseignants-chercheurs. Il convient de repérer ces personnes, en fonction d’abord de
leur intérêt pour ce type de projets, mais également de leurs expériences, soit dans
le cadre professionnel, soit dans le cadre d’autres activités, de type ONG.
L’importance des personnels d’origine étrangère est également à souligner. Encore
une fois, lorsque j’ai travaillé au Congo Brazzaville et que j’ai cherché des
informations en France, les personnes qui m’ont répondu le plus rapidement étaient
des Congolais naturalisés français, vivant en France depuis 30 ans et travaillant avec
leur pays d’origine. Pour le Vietnam, ma démarche a été identique. Les personnes les
plus réactives, les plus dynamiques et les plus motrices ont été les personnes
d’origine vietnamienne. Elles représentent des sources d’information de très grande
qualité.
Les réseaux d’anciens élèves sont également très importants.
De même, les personnels retraités peuvent être mobilisés dans ces projets.
S’agissant de projets qui mobilisent des consultants, la notion de retraités n’existe
3èmes Rencontres Prospectives internationales de l’AGERA 14
Lyon, le 26 avril 2018
pas en réalité. Sur le projet dont j’avais la charge en Syrie, un expert italien, venu
nous aider à installer un modèle de prévision stratégique, avait 85 ans. Cela
n’empêche évidemment pas de faire appel à des personnes plus jeunes.
Il convient de recruter des chargés de projet ayant connaissance des procédures des
bailleurs de fonds.
Il est enfin nécessaire de rassembler tous ces éléments dans une base de données, à
actualiser régulièrement, avec des CV, non pas sous une forme académique, mais
qui suivent le modèle de la Commission européenne, et qui font apparaître
l’expérience par pays et par projet.
Toujours en amont, une des pistes vise à articuler la participation à des projets à la
stratégie internationale de l’établissement. L’objectif n’est pas d’aller au Burkina Faso
pour aller au Burkina Faso, mais d’aller dans un certain nombre de pays parce que
l’établissement a la volonté de développer - ou a déjà développé - des actions de
coopération avec des établissements dans ces pays. Des choix doivent être opérés et
des priorités doivent être définies. Il convient de privilégier une approche de long
terme et de se créer des références en participant à des projets. L’idée consiste à
avoir, au début peut-être, un strapontin dans un consortium, mais à s’en servir pour
comprendre comment cela fonctionne, comment placer son personnel et ses experts,
pour quelle durée, etc.
Il convient encore de s’assurer que la réglementation des établissements permet de
recevoir des ressources telles que le financement de bailleurs, sujet sur lequel je
serais heureux de vous entendre si nous en avons l’opportunité. Il y a quelques
années, j’avais travaillé avec l’Université de Bordeaux, qui rencontrait des difficultés
importantes, pour des raisons de réglementation, à encaisser des financements de
l’étranger. Pour vos écoles, le problème se pose peut-être différemment.
Enfin, le dernier point, non sans importance, est de ne pas négliger les questions de
langues. En dehors de l’Afrique francophone, par définition, les langues sont
différentes, ce qui crée des complexités malheureusement souvent négligées et
découvertes lorsqu’il est trop tard.
Après les projets
La remarque suivante est davantage une remarque de praticien. J’effectue
également du monitoring de projets pour le compte de la Commission européenne.
Le monitoring de projets consiste en du suivi et de l’analyse de projets à travers les
critères de pertinence, d’efficience, d’efficacité et de durabilité. Un dernier critère est
la durabilité. Or la durabilité d’un projet suppose qu’à l’approche de la fin du projet,
des réflexions aient été conduites sur la suite. On ne part pas en fermant la porte et
en laissant la clé sous le paillasson. Malheureusement, c’est souvent le cas ; et en
matière d’enseignement supérieur et de recherche, c’est catastrophique. Il s’agit
d’une question compliquée, qui n’appelle pas de réponse simple, surtout dans les
pays à faibles revenus. Nous reviendrons certainement sur ces questions dans le
cadre du « Capacity building ». Dans les pays à revenus intermédiaires, il est
nécessaire d’identifier les capacités de paiement et la volonté des acteurs de
poursuivre.
Échanger sur les expériences est également nécessaire. C’est ce que nous ferons au
cours de la matinée. Il s’agit d’un élément très important. Il existe de nombreuses
3èmes Rencontres Prospectives internationales de l’AGERA 15
Lyon, le 26 avril 2018
expériences. J’avais vaguement envisagé d’essayer de les recenser, mais cela se
révèle impossible. Il existe un consortium d’établissements français auquel
participent certainement des établissements de la région Rhône-Alpes-Auvergne. Il
intervient en appui à l’Université des Sciences et des Techniques de Hanoï. Des
établissements interviennent dans différents pays (Philippines, Tunisie, Vietnam,
etc.). Les expériences existent, mais les lieux dans lesquels ces expériences sont
mises en commun sont rares, ce qui est tout à fait regrettable. Je cite un autre
exemple : en Algérie, où j’ai travaillé pendant près d’un an, le passage au LMD a été,
de l’aveu des universitaires algériens, une catastrophe pour les formations des
ingénieurs. Cette remarque était valable il y a quatre ou cinq ans. Je ne sais pas
comment la situation a évolué depuis. Cependant, pour un établissement qui
souhaiterait intervenir en Algérie sur cette thématique, il est important d’en être
conscient.
J’interviens ce matin en tant que Secrétaire Général d’IDEFIE. AGERA nous a rejoints
et nous en sommes très heureux. EVAL-UE2 l’avait fait deux ans auparavant. Plus
récemment, lors d’un colloque au Ghana, plusieurs universitaires africains ont adhéré
à notre réseau. Ils souhaiteraient monter une sorte de section africaine d’IDEFIE.
Nous sommes donc très heureux de favoriser la mise en commun d’informations et
d’échanges d’expériences, au-delà de cette journée, c’est-à-dire en croisant, soit sur
des thématiques précises, soit sur des pays, car nous pensons que nous avons tous à
apprendre et à retenir des expériences des autres.
Je vous remercie beaucoup.
Applaudissements.
Brendan KEENAN
Nous pouvons consacrer quelques instants aux questions-réponses. Merci de bien
vouloir vous présenter en déclinant votre nom et votre établissement.
Olivia CHATEAU, ENSATT
Votre présentation était très intéressante. Pour ces pays du Sud, nous rencontrons
en effet des difficultés à trouver des financements. Vous avez démontré qu’il était
possible de recourir à d’autres bailleurs et la nécessité de diversifier nos sources de
financement.
Ma question est très pragmatique. Vous pointez un problème humain ou mal identifié
au niveau des ressources dans le pilotage et la gestion du projet pour expliquer le
fait que les établissements d’enseignement supérieur français soient peu présents
sur le marché. Quand nous nous adresserons aux bailleurs pour la recherche de
fonds, une partie financière nous permettra-t-elle de dépasser cette contrainte ou,
au contraire, cette démarche n’ajoutera-t-elle pas une contrainte supplémentaire
pour piloter des projets dans notre stratégie internationale ?
Laurent SCHWAB
2 Association des experts de l’agence européenne Erasmus+
3èmes Rencontres Prospectives internationales de l’AGERA 16
Lyon, le 26 avril 2018
Si je comprends bien, vous craignez que la recherche de financements ne pèse sur
vos maigres ressources humaines.
Olivia CHATEAU, ENSATT
En effet.
Laurent SCHWAB
Ce sera nécessairement le cas.
Olivia CHATEAU, ENSATT
Je me demandais quel était notre intérêt. Nous ne faisons pas appel à ces dispositifs,
mais à d’autres car nous y trouvons un intérêt. D’une part, nous ne sommes pas
équipés en termes de ressources humaines, et, d’autre part, si nous nous engageons
dans les dispositifs présentés, aurons-nous un retour sur investissement intéressant,
profitable pour l’établissement ?
Laurent SCHWAB
Ce sont deux questions. Un des éléments de réponse est que vous ne pouvez pas y
aller seul. Comme je ne connaissais pas très bien vos expériences, le mot-clé est
consortium. Dans un consortium, nous sommes tous égaux, mais certains sont plus
égaux que d’autres. Le leader porte évidemment une lourde responsabilité, mais si
vous placez un peu d’expertise, vous pouvez avoir un strapontin. Cela ne mobilisera
pas trop de vos ressources en interne, même si une personne devra suivre les
réunions du consortium et le projet. Dans un premier temps, cela peut être gérable
sans que cela ne pèse trop lourdement sur vos ressources. Alors, comme
l’investissement est modeste, le retour s’exprime en termes d’expérience d’une part,
et en termes de références d’autre part. Il serait d’ailleurs intéressant de déterminer
comment les références, telles que Tempus, Erasmus ou « Capacity building »,
peuvent être utilisées pour servir à d’autres projets.
Pour revenir à votre question, avez-vous des cibles en termes de pays, par
exemple ?
Olivia CHATEAU
Oui, nous avons une stratégie internationale. Mon propos visait à répondre à la
problématique de l’absence des établissements d’enseignement supérieur. Sur les
dispositifs de l’Agence Française de Développement, par exemple, nous n’y allons
pas car nous ne voyons pas quel est notre intérêt. Quel est donc notre intérêt,
financier, humain ?
Laurent SCHWAB
L’intérêt financier n’est pas véritablement mirobolant. Il existe des accords de
coopération internationaux. Ces accords, dans la plupart des cas, sont financés, si
nous parlons de la France, par la France, par votre établissement. Ils permettent un
certain niveau d’interventions : des cours, des animations de Master, des projets de
recherche, etc. Les volumes d’activité sont relativement faibles. L’intérêt est à
examiner au regard de l’évolution de la demande. Le Vietnam souhaiterait, par
exemple, créer 20 universités dans les 20 ou 25 ans à venir. Nous faisons face à un
3èmes Rencontres Prospectives internationales de l’AGERA 17
Lyon, le 26 avril 2018
problème de changement d’échelle. La question est de savoir si l’on souhaite
répondre ou non.
Je vous retourne donc la question. Par rapport à votre stratégie pays ou à votre
stratégie thématique, souhaitez-vous y aller ou pas ? Je ne peux pas vous répondre
de manière générique, en vous assurant que ce sera formidable. En règle générale,
c’est compliqué et difficile au début. En revanche, si vous en avez l’occasion, allez
consulter le site de la Liverpool School of Tropical Medicine, sur lequel vous trouverez
un onglet « consulting opportunities ». Cela signifie qu’ils ont une culture de 10 ou
15 ans de participation à des projets. Je ne vois pas pour quelle raison, en France,
nous ne serions pas capables de faire de même.
Nicolas FARGES, ENTPE, Directeur du développement, de la formation
continue et de l’international
Je formulerai davantage des remarques et des éléments de réponse que des
questions.
Pour les écoles d’ingénieurs vis-à-vis de l’international, l’intérêt de participer à ce
type de développement est évident. Nous cherchons à développer de la collaboration
à l’international, pour aider à la formation de personnes de haut niveau, et, à partir
de là, en fonction d’objectifs pédagogiques que nous nous fixons en termes
d’établissements français, envisager la manière dont nous les transposons sur le
pays. C’est un premier intérêt majeur.
Le deuxième volet est d’être en mesure d’accueillir des étudiants dans nos
établissements, qui ont déjà des prérequis leur permettant de satisfaire aux critères
d’évaluation que nous fixons en France pour la délivrance de nos diplômes.
Le troisième volet est qu’il existe clairement, sur les activités de recherche, des
enjeux sur certains territoires. Il convient donc de les analyser pour développer des
activités de recherche en lien avec des systèmes universitaires, qui répondent à nos
ambitions académiques et de recherche et scientifiques. Il est vrai que c’est
compliqué, mais nous sommes bien sur ces principes.
Je l’évoquerai lors de mon intervention, mais je mettrai également en avant, en tout
cas dans nos champs, le développement d’activité à l’international des entreprises
françaises.
Les intérêts peuvent donc être identifiés relativement rapidement.
Vous avez très bien identifié les freins. Aujourd’hui, le problème en France est que
nous sommes sur des démarches individuelles au sein de l’établissement et entre les
établissements, et non sur des démarches collectives. Je suis frappé, quand nous
travaillons à l’international, de voir des établissements se concurrencer sur des
projets, alors que si nous étions en mesure de créer des consortiums, cela faciliterait
beaucoup les choses et nous nous y retrouverions. Il s’agit donc bien d’un problème
d’individus.
Le deuxième problème est notre capacité à faire reconnaître notre expertise à
l’international, notamment à travers les appels à projets. Pour avoir travaillé sur
certains appels à projets avec la Commission européenne, avec l’AFD, ce qui est
demandé, c’est « le mouton à cinq pattes », c’est-à-dire un porteur de projet
identifié, qui ait 50-55 ans, qui soit expert, ayant déjà développé des projets, qui
3èmes Rencontres Prospectives internationales de l’AGERA 18
Lyon, le 26 avril 2018
représente bien les enjeux du projet. Il s’agit d’un réel problème, car les populations
sont parfois vieillissantes au sein de nos établissements. Nous allons arriver dans des
périodes où nous devrons gérer du transfert de compétences en interne, car les
personnes partent à la retraite. Ce savoir, nous n’avons pas su ou pas pu à un
moment donné le transférer.
Le troisième volet est le volet financier. Aujourd’hui, quand nous travaillons sur des
projets de réorganisation d’universités avec des approches intégrées, la vision de nos
interlocuteurs, notamment dans les pays émergents, est que la formation en France
est gratuite. Ils ne comprennent donc pas et n’arrivent pas à comprendre pourquoi,
quand un établissement français se positionne auprès d’eux, ils auraient à payer ou
pourquoi il est nécessaire de trouver des systèmes de financement.
Aujourd’hui, ce système économique n’existe plus. Il convient qu’à l’international, les
établissements partenaires en prennent conscience. Je connais de nombreux projets
pour étayer mon propos. Dès que nous avons parlé financement, tout s’est arrêté.
Cela correspond à la vision de la formation en France. Les Anglo-Saxons n’ont pas du
tout cette image, car, depuis 100 ans, leurs formations sont payantes. Ce n’est pas
le cas en France. Expliquer à un établissement au Congo qu’à un moment donné,
l’ingénierie pédagogique se paie, l’expertise se paie, l’accompagnement se paie,
l’envoi d’enseignants pour participer à la formation se paie, est souvent complexe. Ils
ont parfois énormément de difficultés. Vous citiez le Vietnam. Je travaille avec l’École
Nationale Supérieure de Génie Civil à Hanoï, le problème est le même. Ils ont
également des difficultés à mobiliser les modèles financiers qui sont à leur
disposition.
Ce sont les freins que j’identifie.
Je me permets une incise sur l’AFD, avec laquelle je suis en discussion sur un projet
en Indonésie. Selon moi, il convient de distinguer deux niveaux, le siège à Paris et
les politiques locales. Nous rencontrons des difficultés quant aux articulations entre
les deux. Les positionnements ne sont pas nécessairement les mêmes, ce qui
complexifie beaucoup l’élaboration du projet en fonction de la méthode d’approche à
l’échelle nationale ou à l’échelon local. Aujourd’hui, l’AFD finance des projets
concrets, plutôt dans nos champs de développement d’infrastructures,
d’aménagements, etc., Il s’agit davantage de business pour les entreprises que de
restructurations d’enseignement. Lorsque nous en avons discuté avec l’AFD, nous
avons reçu une fin de non-recevoir.
Laurent SCHWAB
Cela évolue.
Nicolas FARGES
Oui. J’entends votre discours aujourd’hui, mais, dans la réalité, comme dans toutes
les structures, le changement de culture doit être accompagné et il n’est pas simple.
Laurent SCHWAB
Il est certain que cela ne se fera pas du jour au lendemain. Je considérais qu’il était
néanmoins important de souligner le rôle de l’AFD. Vous êtes informé, mais d’autres
collègues ne le sont peut-être pas. Quand j’ai travaillé au Congo, j’ai échangé avec
un collègue universitaire de Poitiers, il a ouvert de grands yeux et s’est étonné que
3èmes Rencontres Prospectives internationales de l’AGERA 19
Lyon, le 26 avril 2018
ce ne soit plus l’ambassade. Les ambassades disposent d’un budget ridicule. Il est
important de le noter. Vous changez de méthode d’approche.
Nicolas FARGES
Je ne voudrais pas que nous restions sur le système du « serpent qui se mord la
queue ». Il faut donner l’opportunité à nos jeunes (chercheurs, enseignants, cadres)
de se positionner sur des projets, peut-être en strapontin dans un premier temps.
Laurent SCHWAB
J’ajouterai un mot sur le sujet : il y a 25 ou 30 ans en arrière, il existait environ
20 000 assistants techniques à travers le monde. Il y a deux ans, il en restait 900.
J’ai quelques cheveux gris et lorsque j’allais au Vietnam, il y avait du monde en
architecture, en métiers de l’ingénieur, en médecine, en management, en
agriculture. Maintenant, il n’y a plus personne. C’est un problème typique de très
mauvaise gestion des ressources humaines au niveau national. Des personnes de
50 ans, vous en aurez de moins en moins et nous aurons du mal à trouver des gens
avec une expérience terrain. Nous avons créé IDEFIE car c’est une des questions qui
nous préoccupe beaucoup. Il faudrait réfléchir à la manière de former, de créer de
jeunes experts, c’est-à-dire un enseignant-chercheur avec trois ans d’expérience au
Burkina Fasso, et deux ans au Mali. C’est compliqué.
Brendan KEENAN
Nous avons le temps pour une dernière question.
Jeanne ROCHE, Polytech Clermont-Ferrand
Ma question est simple. Dans le cadre des « Capacity building », est-il possible, au
titre d’un réseau, de se proposer comme un consortium ? Un réseau est-il éligible ?
Je pense notamment au réseau Polytech.
Laurent SCHWAB
Je pense que cette question sera abordée dans la suite de la matinée. Je ne refuse
pas de répondre à votre question, mais je pense que Dimitris KOKKALIS y répondra
beaucoup mieux que moi. On rentre dans un programme spécifique avec des
procédures spécifiques, et je ne voudrais pas dire de bêtises.
Jeanne ROCHE, Polytech Clermont-Ferrand
Un consortium implique-t-il nécessairement de s’allier avec des partenaires
étrangers ?
Laurent SCHWAB
Non, tout dépend de quoi il est question. Par exemple, le consortium d’appui à
l’Université des Sciences et Techniques de Hanoï était composé d’établissements
français. De même, le consortium de mise en œuvre du deuxième projet d’appui à la
réforme de l’enseignement supérieur en Algérie était un consortium européen, avec
une société française leader, Sofreco, et composé par ailleurs de l’Université Paris
Dauphine, d’une université belge et d’une université italienne. Ma réponse est qu’il
convient d’analyser institution par institution. Vous pouvez tout à fait avoir un
« petit » consortium franco-français. J’aimerais que l’on trouve un exemple de
3èmes Rencontres Prospectives internationales de l’AGERA 20
Lyon, le 26 avril 2018
consortium franco-international sur un projet AFD car je n’en ai pas encore
rencontré. Par définition, les projets de la Commission européenne sont des
consortiums européens.
Brendan KEENAN
Nous pouvons remercier Laurent SCHAWAB. Merci beaucoup.
Applaudissements.
« Capacity building » et
Erasmus + action-clé n° 2 mode d’emploi
Dimitris KOKKALIS, EVALUE
Brendan KEENAN
Notre deuxième intervenant est Dimitris KOKKALIS. Dimitris a travaillé pendant
plusieurs années auprès des services de la Commission européenne dans la gestion
des programmes Socrates, Erasmus, et Erasmus Mundus. Il est actuellement
consultant à la gestion des programmes européens et expert évaluateur pour le
programme Erasmus+.
Son intervention portera sur les objectifs de l’action-clé n° 2 dans le programme
Erasmus+, avec le renforcement des capacités (« Capacity building ») et la
préparation d’une candidature. Nous allons donc véritablement entrer dans le détail.
Je vous demande de bien vouloir applaudir Monsieur Dimitris KOKKALIS, qui nous
vient de Grèce.
Applaudissements.
Vous pourrez lui poser des questions en anglais, en allemand, en français, en
espagnol et en néerlandais.
Rires de la salle.
Dimitris KOKKALIS
Bonjour. Je suis consultant indépendant et je travaille avec plusieurs agences
nationales Erasmus plus comme évaluateur. Je suis aussi membre de l’association
EVAL-UE, une association d’experts qui travaillent avec l’Agence nationale française.
Mon diaporama est en anglais, mais je vais m’exprimer en français. Et vous pouvez
poser des questions en français.
À travers ma présentation, je vais essayer de vous donner un aperçu des
informations contenues dans les documents de la Commission européenne, et, en
particulier, du programme Erasmus+, des informations sur le processus de
candidature, la procédure d’évaluation et de sélection, et enfin quelques astuces et
conseils issus de ma propre expérience en tant qu’évaluateur et conseiller pour
préparer une candidature. Il faut bien noter que ces informations sur les documents
3èmes Rencontres Prospectives internationales de l’AGERA 21
Lyon, le 26 avril 2018
de la Commission européenne ne remplacent pas les informations détaillées du guide
du programme Erasmus plus qui est le document de référence pour tous les aspects.
Il y a énormément à dire mais j’essaierai d’être synthétique.
Le programme Erasmus+ est né en 2014 de la fusion de plusieurs programmes
(Lifelong Learning Programme, Erasmus Mundus, Tempus, etc.) en un seul.
Le programme Erasmus+ se décline en grandes actions appelées « actions-clés »,
dans le continuum des anciens programmes.
Ces actions-clés sont gérées soit au niveau central par Bruxelles soit par les agences
nationales Erasmus+. Les agences nationales Erasmus+ travaillent avec la
Commission Européenne sur le développement du programme et elles gèrent les
actions dites « décentralisées » et les crédits correspondants.
A ce titre, peuvent être soutenus des projets dans les actions suivantes :
Action-clé 1, mobilité à des fins d'apprentissage, avec des activités
centralisées et décentralisées ;
Action-clé 2, coopération en matière d'innovation et d'échange de bonnes
pratiques avec des activités centralisées et décentralisées ;
Action-clé 3 : soutien à la réforme des politiques, avec des activités
principalement centralisées à Bruxelles ;
Activités Jean Monnet avec des activités centralisées à Bruxelles ;
Activités Sport avec des activités centralisées à Bruxelles.
L’action de « Capacity building » dans le domaine de l’enseignement supérieur est
intégrée à l’action-clé n° 2 du programme Erasmus+ et gérée de manière centralisée
à Bruxelles. Elle est née de la fusion de trois anciens programmes (Tempus, ALFA et
Edulink).
Cette action vise à soutenir la modernisation, l’accessibilité et l’internationalisation de
l’enseignement supérieur dans les pays partenaires éligibles.
Elle sera mise en œuvre dans le cadre des politiques extérieures de l’Union
européenne, qui sont définies par les instruments financiers de l’Union européenne
qui appuient cette action, à savoir :
L’Instrument européen de voisinage (IEV ou ENI) ;
L’Instrument de coopération au développement (ICD ou DCI) ;
L’Instrument d’aide de préadhésion (IAP ou IPA) ;
Le fonds européen de développement (European Development Fund).
Grâce à une coopération structurée, à des échanges d’expériences et de bonnes
pratiques et à la mobilité des individus, les projets de renforcement des capacités
visent à :
soutenir la modernisation, l’accessibilité et l’internationalisation de
l’enseignement supérieur dans les pays partenaires éligibles ;
3èmes Rencontres Prospectives internationales de l’AGERA 22
Lyon, le 26 avril 2018
aider les pays partenaires éligibles à traiter les problèmes rencontrés par
leurs établissements et systèmes d’enseignement supérieur, notamment en
matière de qualité, de pertinence, d'égalité d’accès, de planification, de mise
en œuvre, de gestion et de gouvernance;
contribuer à la coopération entre l’Union européenne et les pays partenaires
éligibles (ainsi qu’entre les pays partenaires admissibles) ;
promouvoir la convergence volontaire avec les évolutions de l’enseignement
supérieur dans l’Union européenne ;
encourager les contacts interpersonnels, la sensibilisation à la dimension
interculturelle et la compréhension interculturelle.
Trois catégories de priorités nationales/régionales sont proposées, couvrant les
domaines suivants :
la modernisation des curricula par le développement et création des nouveaux
programmes et méthodologies ;
modernisation de la gestion et du fonctionnement des établissements
d’enseignement supérieur ;
développement du secteur de l’enseignement supérieur au sein de la société
au sens large.
Les projets nationaux des pays dans lesquels des priorités nationales ont été définies
devront respecter les priorités nationales. Pour les autres pays, les projets devront
respecter les priorités régionales.
Les priorités nationales sont établies en étroite consultation entre les
délégations de l’Union européenne et les ministères en charge de l’Education
nationale et de l’Enseignement supérieur dans les pays partenaires concernés.
Les priorités régionales sont établies par les services de la Commission sur la
base des objectifs et priorités définis au niveau de l’action extérieure de
l’Union européenne avec les pays partenaires admissibles regroupés en
régions, selon les différents instruments financiers.
Enfin, des priorités transversales seront prises en considération en fonction des
appels d’offres, telles que l’intégration des réfugiés dans l’enseignement supérieur.
Les pays programmes sont au nombre de 33 : il s’agit des 28 pays membres de
l’Union européenne ainsi que des pays hors Union européenne qui participent au
financement du programme Erasmus+ (Islande, Liechtenstein, Norvège, Turquie et
Ancienne République yougoslave de Macédoine (ARYM)).
Les pays partenaires éligibles, quant à eux, sont divisés en 11 régions :
les Balkans occidentaux (région 1) ;
les pays du partenariat oriental (région 2) ;
les pays du sud de la Méditerranée (région 3) ;
la Fédération de Russie (région 4);
3èmes Rencontres Prospectives internationales de l’AGERA 23
Lyon, le 26 avril 2018
l’Asie (région 6) ;
l’Asie centrale (région 7) ;
l’Amérique latine (région 8) ;
l’Iran, l’Irak et le Yémen (région 9) ;
l’Afrique du Sud (région 10) ;
les pays d’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique (région 11).
Ces régions sont éligibles à l’action-clé 2 et couvrent plus de 150 pays.
Il est à noter que les régions 5 (Andorre, Monaco, Vatican et Saint-Martin), 12 (pays
industrialisés issus de la coopération du Golfe) et 13 (autres pays industrialisés) ne
sont pas éligibles, évidemment, s’agissant de pays riches.
Deux grandes catégories de projets de renforcement des capacités se distinguent au
sein de l’action-clé 2 :
les projets conjoints ;
les projets structurels.
Ces deux types de projets couvrent plus ou moins les mêmes priorités et les mêmes
contenus. La différence tient au fait que, dans les projets conjoints, l’impact se
focalise sur les institutions d’un pays partenaire qui participent au projet, là où, dans
les projets structurels, c’est le système de l’enseignement supérieur d’un pays
partenaire qui est en jeu. Cette première étape est très importante avant d’engager
une action de « Capacity building ». Elle permet de déterminer l’aspect sur lequel
vous vous concentrerez et les actions que vous souhaitez mener avec vos
partenaires.
A titre d’exemple, les projets structurels et conjoints peuvent réaliser un vaste
éventail d’activités, à savoir :
Pour les projets conjoints :
élaboration, mise à l’essai et adaptation de programmes, cours, supports et
outils d’apprentissage, méthodologies d’apprentissage et d’enseignement et
approches pédagogiques, qualité d’assurance au niveau des programmes et
au niveau des institutions, coopération entre les universités et l’entreprise
etc.;
renforcement de l’internationalisation des EES et de leur capacité à créer des
réseaux efficaces ;
modernisation des infrastructures nécessaires à la mise en œuvre des
pratiques innovantes ;
organisation de formations du personnel incluant le personnel enseignant et le
personnel de soutien, les techniciens ainsi que les chefs d’établissement et les
directeurs des universités.
Pour les projets structurels :
3èmes Rencontres Prospectives internationales de l’AGERA 24
Lyon, le 26 avril 2018
renforcement de l’internationalisation des systèmes d’enseignement
supérieur ;
utilisation d’outils de transparence tels que les systèmes de crédits, les
procédures d’accréditation, les lignes directrices pour la reconnaissance de
l’éducation ;
élaboration et la mise en œuvre de systèmes/lignes directrices internes et
externes pour l’assurance de la qualité ;
conception et la mise en œuvre de nouvelles approches et de nouveaux outils
d’élaboration et de suivi des politiques ;
renforcement de l’intégration de l’éducation, de la recherche et de
l’innovation.
Des règles spécifiques de composition du consortium ont été définies selon les
priorités.
Pour les projets concernant un seul pays partenaire (projets nationaux):
un pays partenaire éligible et au moins deux pays programmes doivent être
associés au projet :
Ces projets doivent inclure, en tant que partenaires à part entière, un nombre
minimum d’établissements d’enseignement supérieur (EES), comme suit :
au moins un EES issus d’au moins deux des pays programmes participant au
projet ;
au moins trois EES du pays partenaire participant au projet ;
les projets doivent inclure au moins autant d’EES de pays partenaires que
d’EES de pays participant au programme.
Par exemple, pour l’appel d’offres 2018, les projets nationaux doivent répondre aux
priorités nationales établies pour les pays partenaires appartenant aux régions 1, 2,
3, 7 et 10 ; pour les pays partenaires appartenant aux régions 4, 6, 8, 9, 11 pour
lesquelles aucune priorité nationale spécifique n’a été définie, les priorités régionales
s’appliquent.
Pour les projets concernant plusieurs pays partenaires (projets plurinationaux) :
au moins deux pays partenaires éligibles et au moins deux pays programmes
doivent être impliqués dans le projet. Les pays partenaires peuvent appartenir
à une même région ou à différentes régions couvertes par l’action.
Ces projets doivent inclure, en tant que partenaires à part entière, un nombre
minimum d’EES, comme suit :
au moins un EES issu d’au moins deux des pays programmes participant au
projet ;
au moins deux EES de chaque pays partenaire participant au projet ;
3èmes Rencontres Prospectives internationales de l’AGERA 25
Lyon, le 26 avril 2018
les projets doivent inclure au moins autant d’EES de pays partenaires que
d’EES de pays participant au programme.
Dans ce cas, il n’est plus question de priorités nationales, mais régionales.
Il existe quelques critères spécifiques supplémentaires. Pour les projets structurels :
les projets doivent aussi intégrer des ministères en charge de l’enseignement
supérieur dans chacun des pays partenaires admissibles ciblés par le projet. Les
projets impliquant des partenaires de la région 4 (Fédération de Russie) doivent être
plurinationaux. Les projets impliquant des partenaires de la région 8 (Amérique
latine) doivent être aussi plurinationaux et associer au moins deux pays partenaires
de cette région.
Les organisations participant à un consortium se distinguent en trois catégories :
Candidat/coordinateur : Le candidat est l’organisation participante qui
soumet la candidature au nom de tous les partenaires. Il peut s’agir d’une
organisation publique ou privée, d’une association ou d’une école/un
institut/un centre éducatif de tous niveaux, d’un ESS, institut de recherche ou
fondation, etc. Pour les projets structurels uniquement, d’autres organisations
peuvent intervenir, telles qu’une association d’étudiants, de professeurs ou de
recteurs.
Une fois la candidature sélectionnée, le candidat devient coordinateur et
assume l’entière responsabilité de la gestion du projet. Son rôle comporte
notamment les obligations suivantes : représenter les partenaires du projet
devant la Commission européenne et agir en leur nom ; assumer la
responsabilité financière et légale de la bonne mise en œuvre opérationnelle,
administrative et financière de l’intégralité du projet ; coordonner le projet en
coopération avec les partenaires du projet.
Partenaires à part entière : organisations participantes, situées dans des
pays programmes ou des pays partenaires, qui contribuent activement à la
réalisation des objectifs du projet de renforcement des capacités. Il peut
s’agir d’un établissement d’enseignement supérieur, de toute organisation
publique ou privée active sur le marché du travail ou dans le domaine de
l’éducation, de la formation et de la jeunesse. Chaque partenaire à part
entière doit signer un mandat de procuration.
Partenaires associés (facultatif) : il peut s’agir du même type
d’organisation que pour les partenaires, à la différence que ces partenaires ne
reçoivent pas de financement et n’entrent pas en ligne de compte dans les
conditions minimum de composition du consortium. Leur rôle est
d’accompagner le projet en accomplissant des tâches/activités ponctuelles ou
soutenir la diffusion et pérennisation du projet. Par exemple, il n’est pas
nécessaire qu’ils participent à toutes les réunions ou à toutes les activités.
Le budget d’un tel projet doit être compris entre 500 000 euros et 1 million d’euros.
Les projets de « Capacity bulding » peuvent durer de deux à trois ans.
Dans l’estimation de budget, il convient de distinguer les coûts unitaires des coûts
réels. Les projets de renforcement des capacités dans le domaine de l’enseignement
supérieur doivent faire face à un large éventail de coûts, divisés en cinq catégories :
3èmes Rencontres Prospectives internationales de l’AGERA 26
Lyon, le 26 avril 2018
les coûts de personnel, coût unitaire qui ne doit pas dépasser 40 % du budget
global ;
les frais de déplacement, coût unitaire ;
les frais d’hébergement/de séjour, coût unitaire ;
les frais d’équipement, coût réel qui ne doit pas dépasser 30 % du budget
global ;
les frais de sous-traitance, coût réel qui ne doit pas dépasser 10 % du budget
global.
Pour soumettre une candidature, il convient de remplir un formulaire de demande en
ligne (eForm), divisé en trois parties :
l’identification des partenaires,
la description sommaire du projet,
les informations spécifiques au « Capacity building », avec la définition des
priorités et d’indicateurs.
Ensuite, il convient d’adjoindre les annexes, qui, malgré leur intitulé, se révèlent plus
importantes que le formulaire de candidature lui-même. Elles doivent fournir la
description détaillée du projet dans un document Word joint à l’eForm, ainsi que le
détail des postes budgétaires, les déclarations sur l’honneur et les mandats.
Le processus d’évaluation de la candidature commence par l’éligibilité formelle : la
composition du consortium, le respect des priorités, etc.
Des critères d’exclusion existent tels que la faillite, la fraude, le défaut de capacité
opérationnelle et financière, etc.
Les critères d’attribution sont au nombre de quatre :
la pertinence du projet, 30 points maximum,
la qualité de la conception et de la mise en œuvre du projet, 20 points
maximum,
la qualité de l’équipe responsable du projet et modalités de coopération,
20 points maximum ;
l’impact et la durabilité du projet, qui valent 30 points maximum.
Pour pouvoir bénéficier d'un financement, les propositions doivent obtenir au moins
60 points au total et ‒ sur ces points ‒ au moins 15 points pour le critère
« pertinence du projet ».
Le critère de la pertinence du projet couvre : les objectifs et priorités fixés par le
programme, l’analyse des besoins des groupes cibles, les objectifs spécifiques et
détaillés, son caractère innovant et/ou complémentaire par rapport aux autres
projets, son aspect transnational.
Le critère de la qualité de la conception et mise en œuvre du projet couvre
l’adéquation entre les activités proposées et les objectifs escomptés, la méthodologie
3èmes Rencontres Prospectives internationales de l’AGERA 27
Lyon, le 26 avril 2018
et la faisabilité des activités proposées, une analyse des risques identifiés, un plan de
travail clair et réaliste, le contrôle de la qualité et le respect du budget.
Le critère de la qualité de l’équipe responsable du projet et modalités de
coopération couvre la composition de l’équipe, la répartition des tâches et des
responsabilités, une bonne coordination et une communication fluide, l’implication
des organisations participantes des pays partenaires.
Le dernier critère de l’impact et de la durabilité est très important, car le projet
aura une incidence structurelle durable pendant et au-delà du cycle de vie du projet.
Il aura des effets multiplicateurs à différents niveaux (individuel, institutionnel,
régional, etc.). Ce critère couvre également le plan de diffusion et ses mécanismes,
le mode d’évaluation de l’impact et les indicateurs choisis et la pérennité des
résultats.
Ci-après les étapes à suivre pour répondre à l’appel d’offres 2019, qui sera publié
en octobre 2018 :
Les candidatures devront être envoyées au plus tard en février 2019.
L’éligibilité des candidatures sera vérifiée entre février et mars 2019.
L’évaluation des projets par les experts interviendra de mars à mai 2019.
La procédure de consultation des délégations par l’Agence, très importante,
aura lieu en juin 2019. Cette consultation peut entraîner le rejet d’une
candidature si une des délégations consultées rend un avis négatif. Il importe
donc d’établir un contact de qualité avec les délégations.
Les candidatures finalement retenues seront connues en juillet 2019.
Les conventions seront signées entre les mois d’août et de septembre 2019.
Le début du projet est prévu le 15 novembre 2019 ou en janvier 2020.
Ce planning reste toutefois prévisionnel et est susceptible de subir des modifications.
Pour préparer sa candidature, il convient que l’ensemble des partenaires se pose un
certain nombre de questions, telles que : la nature du problème à résoudre, en quoi
ce problème répond aux objectifs du programme et aux priorités
régionales/nationales. Cette première étape exige transparence et clarté.
Ensuite, le candidat doit s’interroger sur les régions et les partenaires choisis (pays
partenaire ou pays programmes). Il est nécessaire de bien connaître les profils des
partenaires, leur capacité à travailler ensemble et à être complémentaires.
Le candidat doit s’attacher également à justifier son choix sur la thématique du
problème a résoudre dans le projet et le régions choisis. Il faudra décrire quelles sont
les origines du projet (expérience, projet antérieur, coopération existante, etc.).
Ensuite, il convient de vérifier si d’autres projets similaires ont déjà été conduits,
d’expliquer si le projet est une idée personnelle ou dans quelle mesure le projet est
complémentaire ou totalement innovant par rapport à l’existant.
Enfin, les porteurs du projet doivent démontrer aux experts qu’ils sont parfaitement
informés du contexte. Il convient de déterminer la valeur ajoutée européenne et
3èmes Rencontres Prospectives internationales de l’AGERA 28
Lyon, le 26 avril 2018
transnationale du projet, et en quoi les fonds européens ou nationaux/régionaux sont
indispensables au projet.
Une fois ces questions posées, il est nécessaire de structurer les réponses apportées,
en définissant les forces et les faiblesses du projet, la nature du projet (conjoint ou
structurel, national ou multinational). L’analyse des besoins doit être réalisée avec
les partenaires, afin d’envisager les synergies possibles. Tous les partenaires doivent
connaître les règles du jeu : quelle est la nature de leurs obligations, de leurs droits,
les règles de financement, la méthode de travail, etc. Le budget doit être vérifié pour
être évalué au plus juste. Une fois le budget total établi, il convient de déterminer ce
que les fonds européens couvriront et dans quelle mesure. Le résultat visé à l’issue
du projet et son diffusion et pérennisation doivent également être clairement et
concrètement définis.
Afin de remplir au mieux le dossier de candidature, il est évidemment nécessaire de
lire avec attention l’appel d’offres et les documents qui lui sont attachés, de vérifier
et d’adapter si nécessaire l’idée initiale du projet, de s’assurer de l’éligibilité du
partenariat, de formaliser la contribution des partenaires, en préparant les lettres de
mandat, de composer l’équipe qui travaillera sur le projet, et, enfin, de consulter les
délégations des pays concernés par le projet.
Lorsque l’on rédige sa candidature, il faut garder à l’esprit que ce qui n’est pas inscrit
dans la candidature ne sera pas évalué. Chaque assertion doit donc être énoncée
clairement et argumentée. Il convient également de répondre strictement aux
questions, sans aller trop loin. La réponse doit être équilibrée, d’autant que le
nombre de caractères par réponse est limité. Le style d’écriture doit être clair. Les
réponses doivent être structurées et démontrer que les estimations budgétaires sont
correctes. Il convient également de s’assurer que le projet présenté est cohérent de
bout en bout.
Enfin, une relecture minutieuse du dossier doit être effectuée. Les candidats ne
doivent pas hésiter à s’informer auprès des points de contact internationaux et
nationaux. Les liens vers ces sources d’information sont fournis dans le support de
présentation.
Je vous remercie.
Applaudissements.
Brendan KEENAN
Je vous remercie beaucoup.
3èmes Rencontres Prospectives internationales de l’AGERA 29
Lyon, le 26 avril 2018
Table ronde : les Capacity building dans nos écoles – études de cas
Olivia CHATEAU, Responsable des
relations internationales, ENSATT
Dr Nicolas FARGES, Directeur du
développement de la formation continue
et de l’international, ENTPE
Dr Mohamed EL MANKIBI, Directeur de
recherche au laboratoire de tribologie et
dynamique des systèmes, ENTPE
Brendan KEENAN
Nous reprenons avec notre table ronde. Je vous présente nos trois intervenants :
Le Docteur Mohamed EL MANKIBI, Directeur de recherche au laboratoire
de tribologie et dynamique des systèmes à l’ENTPE, chercheur et expert des
bâtiments à faible impact, il est fortement impliqué dans les réseaux
internationaux, notamment au niveau de l’Agence Internationale de l’Énergie.
Professeur et chercheur invité de plusieurs universités, il est également
responsable de la voie d’approfondissement Bâtiment de l’ENTPE.
Madame Olivia CHATEAU, Responsable des Affaires et Relations
internationales de l’ENSATT, elle développe et met en œuvre toutes les
actions visant à dynamiser et renforcer les partenariats. Elle est professeur
agrégé en économie et gestion, et conduit une réflexion sur les territoires et
les créations de coopération européenne dans la stratégie des entreprises.
Elle évoquera ici la manière de mettre en place la culture du partenariat
stratégique dans une organisation.
Le Docteur Nicolas FARGES, Directeur du Développement, de la Formation
continue et de l’International, ingénieur-docteur à l’ENTPE, en charge du
développement des actions de partenariat entreprise, du développement et
du pilotage des activités de la formation continue sur le territoire national et
également à l’international, et de la coordination de l’action internationale au
sein de l’ENTPE. Il a notamment monté, organisé et mis en œuvre des projets
liés au renforcement des capacités à l’international pour différents maîtres
d’ouvrage. Il aura le mot de la fin.
Nous avons donc trois interventions et je cède la parole au
docteur Mohamed EL MANKIBI pour commencer.
1. Capacity building et le génie civil et le bâtiment
Dr Mohamed EL MANKIBI
Je vous remercie beaucoup. Merci, Brendan.
3èmes Rencontres Prospectives internationales de l’AGERA 30
Lyon, le 26 avril 2018
Aujourd’hui, je vais évoquer la façon dont nous utilisons l’argent savamment accordé
par l’Europe ou l’ADEME au niveau français. Je n’aborderai que le bâtiment, qui est
ma spécialité, et je vais vous relater notre expérience à travers une sélection de
projets. Je me suis interrogé sur le « Capacity building » à l’ENTPE, qui va au-delà du
renforcement des compétences, à mon sens. Il ne s’agit pas uniquement de la
formation et de la mise sur le marché de docteurs et d’ingénieurs, mais il a vocation
à créer des réseaux et à intégrer la dimension sociale. Nous avons beaucoup évoqué
la dimension scientifique, industrielle et économique, mais la dimension sociale entre
également en ligne de compte.
J’aborderai dans un premier temps les éléments de contexte, puis ce que nous avons
développé en termes de « Capacity building » à l’ENTPE, et enfin, j’apporterai
quelques conclusions.
Éléments de contexte
Notre fonds de commerce est le bâtiment dit « à faible impact », vers lequel nous
nous dirigeons dans les années à venir, avec des enjeux et des problématiques de
plus en plus soulignés, dont l’efficience énergétique. Je rappelle que « efficience » ne
signifie pas « efficacité ». Pour atteindre l’efficacité énergétique, éteindre le
chauffage suffit. Pour atteindre l’efficience, il est nécessaire que les ambiances
intérieures soient confortables, thermiques, aérauliques, acoustiques, tout en
minimisant l’impact environnemental, via la sélection des matériaux et la diminution
des transports, et l’impact sociétal, tel que la précarité énergétique. Les impacts à
minimiser sont donc d’ordre environnemental, tels que les énergies grises,
consacrées à la construction et à la fabrication des matériaux, d’ordre sociétal, tels
que les ambiances intérieures et l’accessibilité énergétique (de plus en plus de
familles ont du mal à se chauffer correctement), et d’ordre économique, en termes
de coût global de l’opération. Nous nous posons perpétuellement la question de la
conception pour le futur.
La vision adressée par les accords internationaux, par les Cop21 et 22, déclinée dans
les directives européennes, les lois Grenelle 1 et 2 et les réglementations thermiques
au niveau national, est le BPOS (bâtiment à énergie positive) pour le neuf et le BBC
(bâtiment basse consommation) pour l’existant. Sont prônés la sobriété d’usage,
l’usage des techniques passives et hybrides, notamment la ventilation naturelle, la
minimisation du chauffage actif ou de la climatisation, et le recours aux énergies
renouvelables. Cela correspond au discours et à la vision de nos décideurs.
Ensuite, « y a qu’à ». Les objectifs sont fixés, la mobilisation est générale, la
technologie et le savoir-faire sont disponibles. Nous avons une technologie, un
savoir-faire, mais nous nous posons la question de savoir comment nous allons
relever ce défi. Nous le faisons via des projets démonstrateurs, financés par les
procédés ou les approches présentés en première partie, ou via des projets de
recherche intrinsèques aux laboratoires. C’est à ce niveau que nous sommes
confrontés à une réalité de faisabilité. Nous développons des idées et nous
démontrons leur faisabilité en laboratoire, mais il manque un déploiement à grande
échelle, au niveau national ou international. Nous sommes capables de concevoir des
bâtiments beaux, performants, qui fonctionnent bien, mais, malheureusement, nous
sommes incapables de « tayloriser » la production du bâtiment, à l’image de ce qui
se pratique dans l’industrie automobile. Il serait en effet plus intéressant de le
réaliser à grande échelle, mais, à ce niveau-là, nous manquons de moyens de
3èmes Rencontres Prospectives internationales de l’AGERA 31
Lyon, le 26 avril 2018
conception, d’outils et d’implication des acteurs. Le « Capacity building » intervient à
ce niveau pour que nous puissions réussir ce défi.
Cela m’amène à évoquer avec vous les actions que nous menons pour régler ce
problème. Je souhaitais aborder le « Capacity building » à trois niveaux :
le niveau individuel (l’acquisition de compétences, la formation, la mise en
place sur le marché des ingénieurs et des chercheurs) ;
le niveau organisationnel (la mise en commun d’institutions, d’industriels,
voire de pays) ;
le niveau institutionnel (le soutien et le conseil des decision makers, en
amont de la définition des réglementations).
Au niveau individuel, je présente l’exemple de mon équipe actuelle. Il s’agit de
groupes multiculturels et multidisciplinaires. Nous travaillons sur les domaines de la
ventilation, du stockage, de l’enveloppe du bâtiment, de l’utilisation et de
l’optimisation du bâtiment. Les groupes sont composés d’un certain nombre de
doctorants, de post-doctorants, formés par la Recherche, qui viennent de France,
d’Italie, du Maroc, de Chine. Cette équipe va développer des outils innovants et
multi-échelles, allant d’un prototype de stockage thermique à des cellules de
laboratoires. À grande échelle, vous reconnaîtrez sans doute le projet Hikari,
composé de trois bâtiments situés à la Confluence, face au bâtiment du Conseil
régional. Nous avons décliné le prototype à grande échelle dans ces bâtiments. Toute
la complexité à ce niveau est de fédérer un certain nombre de compétences, pour
faire fonctionner trois grands bâtiments, composés de commerces, de bureaux et
d’habitations, en gérant les apports solaires et le stockage énergétique.
Le deuxième exemple illustre le niveau individuel associé au niveau
organisationnel. Il s’agit d’un exemple de mutualisation de la connaissance, qui,
selon moi, entre dans le « Capacity building ». Il s’agit d’un projet européen inter-
régions, Rhône-Alpes et Piémont, avec neuf partenaires, dont quatre partenaires
français (le CAUE de Haute-Savoie, un bureau d’études, le CMDL, un assistant à
maîtrise d’ouvrage, l’ENTPE, et l’Agence Qualité Construction), et cinq partenaires
italiens, dont la région Piémont. Le projet a été financé sur trois ans. Il permet de
capitaliser sur le retour d’expérience sur les bâtiments de montagne. La Haute-
Savoie, la Savoie et le Piémont se caractérisent en effet par une typologie de
bâtiments, dont nous connaissons mal le fonctionnement. L’objectif du projet est de
favoriser le partage innovant d’expériences. Nous avons une expérience française et
une expérience italienne. Nous sommes en train de mutualiser la base de données de
l’agence italienne de construction. Nous organisons des réunions d’experts, chaque
mois, pour discuter ces problématiques, qui sont ensuite diffusées dans les écoles, et
définir des cycles de formation (10 journées de formation autour de la construction
en montagne, mutualisant les apports italiens et les apports français, et fédérant les
neuf partenaires).
Nous terminerons par un serious game autour de la construction, qui impliquera
notamment les étudiants de l’ENTPE. Au niveau individuel, nous formons des
ingénieurs et même des apprentis, des décideurs, le corps technique, notamment
des ingénieurs et des architectes. Au niveau organisationnel, nous avons mis en
collaboration neuf entités différentes. Ce projet court jusqu’en 2020. Son apothéose
sera la déclinaison du projet en formation continue certifiante.
3èmes Rencontres Prospectives internationales de l’AGERA 32
Lyon, le 26 avril 2018
Un autre projet illustre le niveau organisationnel. Il s’agit du projet Heart, un
projet H2020, qui traite de la complexité du bâtiment. Le bâtiment est un objet
complexe. Nous voudrions que le bâtiment soit performant, fonctionnel, beau et
évolutif. Il est composé de l’enveloppe, des énergies renouvelables, de la
communication à l’intérieur du bâtiment, des équipements (chauffage, eau chaude).
L’idée du projet est de réhabiliter le bâtiment à partir d’un cloud, en synchronisant
les interventions des industriels, des entreprises, des architectes et des chercheurs, à
partir d’un cloud. L’objet du projet est donc de développer une plateforme
numérique, fédérant l’ensemble des intervenants pour mener à bien des
réhabilitations. Il s’agit d’une approche systémique en intégrant le numérique dans la
réhabilitation. C’est très complexe. Il est beaucoup question de systémique et de
numérique, mais nous ne savons pas comment faire. Ce projet va donc révéler les
difficultés que les acteurs ont à travailler ensemble et sera mené de 2017 à 2022,
avec 16 partenaires européens.
Une fois le bâtiment réhabilité, la deuxième phase est celle de la vie du bâtiment,
toujours autour d’un cloud, qui communique avec les utilisateurs la performance du
bâtiment, l’accès à une énergie fournie par les fournisseurs ou à une énergie fournie
par les énergies renouvelables, et les stakeholders, c’est-à-dire les décideurs ou ceux
qui évaluent le bâtiment et ceux qui gèrent le bâtiment. Au cours de sa vie, le
bâtiment est monitoré. Nous suivons sa performance, et en fonction de la
performance dans le temps, nous réagissons. C’est très complexe. Cela nécessite
une synchronisation des acteurs et une information entre les différentes parties.
C’est à mon avis la clé de la réussite de toute opération de réhabilitation à grande
échelle.
J’aborde désormais un autre exemple, d’un projet terminé, au niveau
institutionnel. Nous avons accompagné, toujours dans le cadre d’un projet
européen, avec une douzaine de partenaires, le projet Qualicheck. Son objet était de
remédier à la non-qualité dans les bâtiments. Il est souvent question de la guerre
des performances, mais nous ne savons pas la faire dans le cadre d’un bâtiment. À
l’exception du test de perméabilité à l’air et de la caméra infrarouge, nous ne
pouvons pas garantir à un occupant ou à un investisseur que son bâtiment
consommera x ou y kilowattheure par an. Dans le cadre de ce projet, nous avons
aidé l’Europe en quelque sorte – et la directive européenne – à définir les méthodes
de vérification de la non-qualité et la manière d’y remédier de manière
institutionnelle. Nous avons en effet constaté que 30 % des surcoûts sont dus à des
défauts de mise en œuvre.
Je terminerai par un autre projet, mené avec le ministère des Équipements
marocain. Il s’agit également d’un cas d’école. Nous avons été sollicités après un
petit fiasco de définition de la réglementation marocaine. Dans une première
approche, le gouvernement marocain avait confié la mission à un consortium
européen (France, Allemagne). Or ce consortium a défini une réglementation
marocaine sur les bases de considérations européennes (climat et culture). Ils ont
donc abouti à des épaisseurs d’isolation impressionnantes, des systèmes de gestion
non adaptés au pays. Nous avons donc été consultés pendant quatre ans pour définir
un contexte marocain, prenant en compte le climat, les habitudes d’occupation, le
comportement de l’occupant marocain, qui sont totalement différents. Nous avons
accompagné le ministère des Équipements marocain dans la définition de nouvelles
règles de base sur la réglementation thermique. Nos travaux ont abouti à une
3èmes Rencontres Prospectives internationales de l’AGERA 33
Lyon, le 26 avril 2018
première réglementation marocaine et à l’initiation d’un noyau de recherche. Ceux
qui accompagneront la réglementation marocaine ne seront pas les Français, ni les
Allemands, mais ceux qui sont conscients du contexte. Il est par conséquence
nécessaire d’introduire le côté culturel, le côté social.
Enfin, je terminerai sur une anecdote. Nous avions réalisé des tests de température
et d’humidité dans un bâtiment de fonction. Systématiquement, nous observions des
pics de température et d’humidité à 4 heures du matin, alors que les pics de
consommation chez nous sont observés à 7 ou 8 heures, lorsque tout le monde se
réveille. Cela démontre des habitudes complètement différentes : la première prière
du matin est généralement à 4 heures. Si nous transposons le profil français
(8 heures-12 heures, 14 heures-18 heures), nous ratons complètement notre cible.
Je tiens à remercier les personnes qui réalisent ce travail et je remercie Brendan de
m’avoir donné l’occasion de m’exprimer.
Brendan KEENAN
Je te remercie.
Applaudissements.
2. Capacity building et l’interprétariat artistique
Olivia CHATEAU
L’objet de ma présentation est de montrer comment des petites écoles, singulières,
atypiques, peuvent aller sur ce type de projet, y participer, leur permettant de se
renforcer et de faire entendre des voix un peu différentes.
Pour aller sur ce type de projet, l’improvisation n’est pas de mise. Le « Capacity
building » requiert en effet une certaine expertise et une expérience de gestion de
projets européens. La problématique est donc de déterminer dans un premier temps
la manière de récupérer une expertise, qui va nous permettre ensuite de la
transformer et de la transposer sur des projets qui seront transeuropéens. Nous
avons travaillé ensemble, entre pays européens, pour ensuite ouvrir sur des pays
hors Europe.
Je sais que les membres de l’AGERA sont extrêmement sensibilisés à la cause de
l’ENSATT, mais pour ceux qui ne la connaissent pas, l’ENSATT est l’École Nationale
Supérieure des Arts et Techniques du Théâtre. Nous sommes la seule école de
théâtre en France à dépendre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche.
Toutes les autres écoles de théâtre dépendent du ministère de la Culture. La seule
autre école d’art ayant la même tutelle que nous est l’école de cinéma Louis Lumière.
Notre école a été créée en 1941, date qui n’est pas neutre. Elle est plus souvent
connue sous le nom de l’École de la rue Blanche. Nous sommes arrivés en 1997 à
Lyon, au moment de la politique de décentralisation des grandes écoles. L’École de la
rue Blanche est donc venue s’installer en 1997 sur la colline de Saint-Just.
Nous formons à tous les métiers du théâtre, majoritairement en trois ans à partir du
niveau bac jusqu’à la Licence (en partenaire avec Lyon 2) ou à partir du niveau
bac+2 jusqu’au grade Master. Nos étudiants sont effectivement des acteurs, mais
pas seulement. Nous formons des concepteurs son, des concepteurs lumière, des
concepteurs costume, des scénographes, qui sont des artistes-ingénieurs. Et aussi
des administrateurs ou des écrivains pour le Théâtre.
3èmes Rencontres Prospectives internationales de l’AGERA 34
Lyon, le 26 avril 2018
Pourquoi est-il important de connaître l’histoire de l’ENSATT ? Notre stratégie
internationale est liée à notre histoire. À l’origine, nos actions à l’international
émanaient d’appels des ambassades de France, pour répondre à des besoins de
formation de techniciens, pour monter une coproduction avec la Bolivie ou la Chine.
Pendant très longtemps, nous avons donc fonctionné ainsi, également au gré des
rencontres artistiques, des envies de metteurs en scène ou de professeurs de se
rencontrer et de travailler ensemble. Ce mode de fonctionnement était valable dans
l’ancien monde, quand nous n’avions pas de problème de budget. Il était possible
d’appeler une école nationale pour lui demander d’intervenir, et ce sans
compensation. Ce n’est désormais plus possible, puisque nous sommes une école
nationale, sous contrainte budgétaire, avec des missions qui se sont accrues mais
des budgets qui stagnent voire diminuent.
Nous avons donc dû faire évoluer cette politique, au sein de laquelle nous étions le
bras armé de la mission du service public de l’État pour faire rayonner la culture.
Jusqu’en 2016, nous étions souvent appelés pour faire de l’ingénierie pédagogique,
ce que nous continuons, dans beaucoup de pays, souvent des pays émergents, des
pays du Sud également, qui ont besoin de notre expertise. Nous arrivons avec notre
mallette, nos compétences, et nous transmettons, nous donnons. Nous avons des
contributions à des productions, via des rencontres artistiques. Nous organisons des
stages, des colloques, des workshops, etc. Nos activités sont donc variées, mais ce
sont souvent des projets unilatéraux, one shot, que nous ne pérennisons pas. Nous
sommes appelés, nous venons, et nous repartons lorsqu’il n’y a plus d’argent.
Par ailleurs, cette posture, ce type d’actions au niveau international, pose un
problème éthique de collaboration ou de coopération. Nous sommes toujours sur de
l’opération, mais rarement sur du « co ». L’objectif était donc également de modifier
les postures néocoloniales, pour ne pas faire jouer du Molière à Cotonou, par
exemple, mais de pouvoir travailler sur les autres langues ou langages. En théorie,
cela semble simple, mais dans les faits, cela s’avère beaucoup plus compliqué, et ce,
des deux côtés. En tant qu’école nationale, lorsque nous arrivons dans un pays,
parce que nous avons de l’argent, nous pensons que notre rôle est de tout donner.
Lorsque nous essayons de changer cette posture, cela s’avère très compliqué.
Pour l’école, il était important d’apprendre à recevoir. Notre culture depuis 70 ans est
de partir, et nous rencontrons par conséquent des difficultés à recevoir. Or le don
engage. L’idée était de se dire : en recevant, nous serons obligés de changer nos
pratiques, de modifier notre pédagogie et de nous décentrer.
Par ailleurs, en règle générale, toutes ces actions internationales s’effectuaient sans
recherche. Nous sommes uniquement sur de l’action, et pas sur de la recherche qui
puisse être diffusée, diffusable et transmise. Il s’agit encore de répartir la charge
humaine et financière, puisque pèsent sur nous des contraintes financières et
humaines de plus en plus lourdes.
Comment avons-nous procédé ? Pas à pas. Nous avons adhéré très tardivement à la
charte Erasmus, en 2016. Nous sommes partis sur des mobilités classiques. Ensuite,
nous avons travaillé avec la Serbie, donc hors Union européenne, mais suffisamment
proche pour qu’il soit facile de travailler ensemble. Puis, nous avons participé à un
partenariat stratégique, avant d’aller sur un « Capacity building ». Le partenariat
stratégique se distingue du « Capacity building » dans le sens où il implique
seulement des pays européens et dépend d’une agence nationale d’un des
partenaires. Par conséquent, la constitution d’un consortium n’est pas obligatoire. Le
partenariat est beaucoup plus léger à construire.
3èmes Rencontres Prospectives internationales de l’AGERA 35
Lyon, le 26 avril 2018
L’intérêt du partenariat stratégique est que nous travaillons beaucoup en réseau,
puisque nous faisons partie d’un réseau européen d’écoles de théâtre. En travaillant
en réseau, nous parvenions à nous rencontrer, mais pas à concrétiser nos actions. Le
partenariat stratégique nous permet de concrétiser et de produire quelque chose de
construit entre nous. Par ailleurs, nous sommes tellement atypiques et singuliers,
l’école nationale étant souvent seule dans chaque pays, que de travailler ensemble
nous permet de nous sentir moins seuls.
Les objectifs sont toujours les mêmes, il s’agit du rapprochement d’une multitude
d’acteurs. Les modalités pratiques sont des projets de deux à trois ans, et nous
devons être au minimum trois organisations de trois pays différents. Nous avons
travaillé sur les activités suivantes : mise en place de pratiques innovantes
(méthodes d’apprentissage, création de nouveaux cursus), développement de
programmes d’étude communs, de diplômes conjoints et de programmes intensifs.
Le partenariat stratégique sur lequel nous nous sommes engagés était
l’entrepreneurship artistique. À l’origine, nous faisons tous le même constat : les
artistes doivent compléter leurs connaissances par l' acquisition de compétences
douces . Nous avons fait le même constat dans tous les pays européens. Ce constat
était commun et a été à la base de notre réflexion commune.
Concrètement, le partenariat réunissait l’école de Lisbonne, l’école de Hambourg,
l’école de Copenhague, l’école de Londres, l’école de Vilnius, l’association Prima Del
Teatro de San Miniato et l’ENSATT.
Lorsque nous avons commencé à réellement travailler ensemble, nous nous sommes
rendu compte que nous n’étions pas d’accord sur le terme « entrepreneurship »,
puisque l’entreprenariat n’est pas entendu de la même manière en Angleterre ou en
France. Il fallait donc trouver un cadre de référence commun et des mots communs
et pas nécessairement anglophones. Le problème est que nous travaillons tous avec
la même langue, l’anglais. Or l’anglais véhicule sa culture alors que les histoires
racontées ne sont pas les mêmes. Nous avons donc construit un cadre de références
commun. Nous nous sommes répartis les rôles, nous avons créé des groupes de
recherche, administratifs et enseignants. Pour rentrer dans ce type de partenariat, il
est nécessaire d’être adaptable, et de se remettre en permanence en question. L’idée
de départ va évoluer par rapport à l’idée d’arrivée, et nous devons être dans du
compromis, sans imposer un point de vue.
Ensuite, il convient d’être flexible. C’est un lieu commun mais il correspond à une
réalité. Pour faire vivre ce partenariat stratégique, nous devons utiliser les
événements qui surviennent dans chaque pays ou que chaque partenaire peut vivre.
Les autres doivent pouvoir se déplacer en même temps pour les intégrer à cette
recherche.
C’est aussi de l’investissement, car cela rythme deux ans d’une activité à
l’international, avec une alternance entre des activités réalisées entre les professeurs
et les étudiants, la partie administrative et la partie recherche. Cela représente donc
beaucoup de temps et de travail en interne.
En externe, la démarche est plus facile, car les personnes qui se rencontrent ont
envie de travailler ensemble, sont ouvertes à l’international et sont dans cette
dynamique d’être ensemble. En interne, la situation est plus compliquée, car nous
rencontrons davantage de résistance. L’idée est double : impact et dissémination.
Qu’il s’agisse de partenariat stratégique ou de « Capacity building », l’intérêt est nul
à le faire tourner seul. Une dissémination et un impact en interne sont
indispensables, et ce, sur le long terme. Il convient donc d’être en capacité de faire
3èmes Rencontres Prospectives internationales de l’AGERA 36
Lyon, le 26 avril 2018
le lien, de ne pas demander à tous le même niveau de participation, de respecter les
différents niveaux de participation (information, consultation ou prise de décisions).
À mi-parcours – nous avons commencé en 2017 –, l’expérience s’avère très
enrichissante. Nous gagnons en maturité très rapidement. Erasmus est un
programme tellement balisé et nous sommes tellement accompagnés avec les
agences que, sur des partenariats stratégiques, nous ne partons pas seuls. Nous
partons avec les partenaires, avec les agences nationales. Nous pouvons poser des
questions aux agences nationales, et tout le monde nous aide, ce qui est
extrêmement positif. Nous pouvons créer des cercles vertueux. Notre courbe
d’apprentissage est très rapide.
De surcroît, une fois un premier partenariat stratégique lancé, tout se déclenche.
Nous serons habitués à travailler avec nos partenaires européens. Nous pourrons
intégrer les partenaires hors Europe de chacun de nos partenaires européens. Depuis
que nous avons commencé notre partenariat stratégique, nous avons reçu trois,
quatre ou cinq sollicitations de partenariats stratégiques, et nous sommes désormais
en capacité de répondre à des « Capacity building » pour lesquels nous sommes
sollicités, car nous sommes passés par toutes ces étapes.
Je vous remercie.
Applaudissements.
3. Capacity building et la formation continue
Brendan KEENAN
Je vous remercie.
Dans votre activité, qu’est-ce que le « Capacity building » ? Dans un deuxième
temps, comment fonctionnez-vous au sein de votre Direction ? Dans un troisième
temps, merci de nous fournir quelques exemples concrets.
Dr Nicolas FARGES
Pour répondre à la première question – je serai un peu provocateur et parfois décalé
dans mon discours, il ne faudra pas m’en vouloir –, le « Capacity building » n’est pas
un concept nouveau. Nous avons l’impression aujourd’hui que la notion de « Capacity
building » est un champ qui apparaît dans les appels à projets. Selon moi, il s’agit
d’un terme à la mode, qui répond à des orientations françaises, internationales et
autres.
Tout simplement, le « Capacity building », ce sont toutes les démarches que nous
mettons en place dans nos établissements, où l’objectif est d’identifier des
trajectoires ou des chemins pour impacter beaucoup plus fortement le marché de
l’emploi. Sur la formation initiale, par exemple, nous formons des étudiants pour leur
délivrer un diplôme dans différents secteurs. Le but du jeu pour eux est de trouver
un emploi, de répondre aux besoins en compétences des entreprises ou des services
de l’État, en ce qui nous concerne, dans des secteurs d’activité. Il s’agit bien du rôle
des établissements d’enseignement supérieur. Pour certains, ils l’exercent depuis
100 ans. Simplement, on ne lui avait pas nécessairement donné un nom.
Aujourd’hui, les gouvernements divers et la Commission européenne prennent
conscience que nous ne pouvons plus parler uniquement dans la formation de
3èmes Rencontres Prospectives internationales de l’AGERA 37
Lyon, le 26 avril 2018
transfert de connaissances, mais que l’objectif doit être beaucoup plus supra, en
identifiant beaucoup plus fortement les liens entre les transferts de connaissance et
les métiers que les étudiants auront à exercer. Nous le constatons dans leur
discours. Aujourd’hui, quand vous discutez avec un étudiant qui a 18 ans, qui rentre
dans l’enseignement supérieur, la première question qu’il est pose est : « Que ferai-
je comme métier ? » À la limite, il se moque de savoir qu’il va apprendre à jouer un
rôle dans une pièce de théâtre ou à dimensionner un pont. Ce qui l’intéresse, c’est
quel sera son métier, demain. Les étudiants ne parlent plus de connaissances, mais
de compétences et de métiers.
L’entreprise, en France, et ce, depuis très longtemps, se moque également du
transfert de connaissances. Elle le renvoie à la responsabilité des établissements
d’enseignement supérieur. Elle veut une personne qui ait développé des
compétences à travers son cycle de formation et qui soit capable de répondre dans
un système opérationnel ou professionnel à la commande qui lui sera passée, et
notamment de développer de l’activité. C’est son enjeu, sinon l’entreprise ne
fonctionne pas. Par conséquent, le « Capacity building » n’est pas nouveau.
S’agissant de l’international, je suis arrivé à l’ENTPE en 2008, nous avions déjà des
projets financés sur certains territoires, par la Banque mondiale, par des fonds
européens, en « Capacity building ». Dans le cadre du projet, la demande portait sur
du transfert de compétences, du développement de compétences, à destination
d’une sphère privée ou publique, à travers un outil, évocateur en France mais
absolument pas à l’international, qu’est la formation continue. Sur ce point, nos
établissements font tous de la formation continue et la notion de « Capacity
building » est intégrée depuis un certain temps.
Aujourd’hui, les modes de financement et les guichets ouverts visent à densifier ces
actions de transmission de compétences, et nous voyons émerger des éléments
désormais traduits dans des documents, tels que des référentiels de compétences,
des référentiels métiers, etc. À travers les modes de financement mis en place, et
aujourd’hui intitulés « Capacity building », il s’agit d’aider les établissements à
mettre en valeur, à mettre en exergue toutes les démarches qu’ils ont pu mener par
le passé.
Je me permets ici une incise. Quand la France s’est posé la question du
développement économique vers la Chine, les premiers contrats avec la Chine
impliquaient que les entreprises françaises soient jumelées avec une entreprise
chinoise. Il était attendu des entreprises françaises du transfert technologique et du
transfert de compétences. Cette situation ne date pas d’aujourd’hui, mais déjà d’une
quinzaine, vingtaine d’années. En Afrique, c’était déjà le cas. J’ai connu des cas dans
lesquels une entreprise française qui voulait décrocher un marché avait l’obligation
de s’adjoindre une entreprise locale et d’assurer du transfert technologique et du
transfert de compétences.
Nous l’avons d’ailleurs constaté à travers les différentes présentations de cette
matinée : la présentation des différents guichets, d’Erasmus et de la Commission
européenne, la présentation de l’ENSATT. Aujourd’hui, nous donnons de la lisibilité à
nos actions de « Capacity building ». Nous ne sommes plus dans du transfert pur et
dur de connaissances, mais nous accompagnons par du transfert méthodologique, de
l’expertise, etc., pour amener nos interlocuteurs à transposer de manière intelligente
la connaissance que nous pourrons leur fournir et les aider à acquérir cette
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Lyon, le 26 avril 2018
connaissance, ces compétences, le plus rapidement possible. Nous sommes bien sur
des phénomènes d’entraide.
Pour moi, le « Capacity building » - je me montre là très méchant – est un peu la
« tarte à la crème » aujourd’hui. Pour autant, nous agissons sur différents vecteurs :
la recherche, la formation initiale.
Nous n’avons pas évoqué le sujet relatif à la coopération et à l’aide technique. La
Commission européenne lance par exemple des principes de jumelage avec des
territoires. Cela concerne bien le transfert de compétences et les « Capacity
building ». Je vois des projets de coopération technique, portés par des entreprises,
avec obligation de transfert. Le dernier volet est la formation continue, dont c’est le
métier premier, et qui doit assurer ce transfert de compétences. Nous ne sommes
plus sur du transfert de connaissances. Les personnes, en règle générale, qui
s’inscrivent dans nos cycles de formation continue, ont la connaissance. Ils ont
simplement besoin de rafraîchir cette connaissance et de disposer d’outils innovants,
tels que ceux présentés par Mohamed EL MANKIBI sur les thématiques techniques
adaptées.
Pour répondre à la deuxième question, qui portait sur le fonctionnement au sein de
notre Direction, le premier constat que nous opérons sur le « Capacity building »,
comme cela a été très bien dit ce matin, est que, dans ce type d’action, nous
sommes sur une somme d’individus et non sur un collectif. Pour nous, tout l’enjeu
est d’arriver à créer un collectif sur un périmètre défini, pour impacter un peu plus la
démarche à l’international, et donc de parvenir à repérer les forces vives au sein des
établissements, mais pas seulement, dans l’écosystème dans lequel nous vivons.
Le deuxième volet rejoint mes propos antérieurs sur le changement de modèle
économique. La formation tout au long de la vie a un coût, essentiellement supporté
par le gouvernement français, à travers les salaires, les bâtiments et la couverture
éventuelle de certains frais. Le plus difficile aujourd’hui est de faire comprendre à
nos interlocuteurs que cela un coût et que ce coût, pour parvenir à un certain niveau
d’expertise, doit être couvert. Ils ont des difficultés à le comprendre, notamment
dans des pays émergents.
Le troisième schéma, que nous essayons de nous fixer au niveau de l’ENTPE, est de
partir du constat que nous sommes une école d’ingénieurs, que nous formons des
ingénieurs, que les entreprises françaises dans notre domaine sont plutôt de bon
niveau. Nous n’avons pas à rougir par rapport à d’autres pays. Comment les amener
avec nous pour leur offrir des possibilités de business à l’international ? Selon moi, le
champ de la formation, le champ de la recherche, c’est du business, ce n’est plus de
l’offre gratuite. Il est nécessaire d’intégrer ce modèle.
Les Allemands fonctionnent très bien sur ce modèle. J’ai participé au Vietnam à la
définition de projets de creusement de tunnels pour les métros. J’ai vu arriver les
Allemands - Siemens pour ne pas les citer -, réaliser les travaux, fournir le matériel
roulant, fournir tous les équipements et, de surcroît, former les cadres qui allaient
gérer le système de métro à l’utilisation du matériel mis en place. Ils
accompagnaient le maître d’ouvrage à se développer en matière de compétences. Ils
sont arrivés ensemble et non avec, d’un côté le fournisseur, d’un autre celui qui
réalise les travaux, d’un autre celui qui dispense la formation. Ils ont créé un
consortium, empochant ainsi le marché. Par ailleurs, à travers les outils et la
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formation mis en place, ils se sont mariés intellectuellement avec le commanditaire.
Quand vous disposez de matériels Siemens, que Siemens a défini votre système tel
qu’il l’a souhaité, et que, de plus, il vous forme à l’utilisation, ne vous inquiétez pas,
l’entreprise Siemens s’y retrouvera financièrement pendant dix ou vingt ans.
C’est justement ce que nous essayons de faire à l’international, c’est-à-dire de partir
sur des projets à enjeux, en valorisant la recherche et en développant l’activité dans
ce cadre, en apportant notre expertise en formation initiale et formation continue, et
en triant des entreprises, principalement d’ingénierie, afin qu’elles puissent valoriser
leur expertise, leur savoir-faire. Ensuite, charge à elles de faire prospérer ces
démarches et de développer du business.
C’est le modèle que nous essayons de mettre en place et de pousser.
Ce qui me désespère par rapport aux présentations de ce jour est le mode de
fonctionnement « européo-européen », en silos. Erasmus + développe ses projets
« Capacity building ». La Commission européenne développe ses appels à projets
« Capacity building » en parallèle. Au niveau français, nous évoquions les
consultants, type Expertise France, qui est le bras armé de Bercy, pour essayer de
répondre au mieux à ces projets. Nous sommes sur un écosystème complètement
éclaté, où il est compliqué de fédérer les différents modes de financement et les
différents bailleurs, pour obtenir une visibilité sur l’ensemble du système. Je rêverais
dans un monde absolu d’avoir, au moins à l’échelle de la France, un interlocuteur
unique qui assure de la veille et qui vienne nous solliciter en fonction de nos champs
de compétences, indépendamment du volet Erasmus+, Commission européenne,
Banque mondiale, AFD, etc. La difficulté majeure pour nous est d’arriver à identifier
nos éventuels financeurs.
Enfin, je citerai au moins un exemple de test de ce schéma de fonctionnement. Nous
ne répondions pas à un appel d’offres Erasmus+ ou européen ou de la Banque
mondiale, mais à une sollicitation de notre ministère de tutelle, le ministère de la
Transition écologique et solidaire, pour développer en Indonésie de la compétence
dans ses champs d’expertise. L’ENTPE est une école qui forme des ingénieurs dans le
domaine de l’aménagement. Nous avons donc commencé à identifier les besoins.
Nous avons compris que seule, l’ENTPE, avec 65 permanents, n’était pas en mesure
de répondre à la demande de former 4 000 personnes. Nous avons donc regardé
autour de nous, en considérant qu’y aller à plusieurs serait peut-être intéressant.
Nous nous marions donc avec l’École des Ponts et je n’exclus pas, à un moment
donné, de revenir vers l’Université de Lyon pour essayer de fédérer.
Par ailleurs, nos interlocuteurs nous demandent de la formation-action, c’est-à-dire
que nous les aidions à développer des projets concrets, tels que l’élaboration d’un
plan local d’urbanisme en Indonésie. Or des entreprises privées françaises savent
très bien faire cela. Nous allons donc leur demander de s’associer à nous. Nous
approchons donc des entreprises d’ingénierie, de planification urbaine, qui vont nous
aider à développer du contenu et, éventuellement, dans un deuxième temps, de
développer du business et de poursuivre un accompagnement, pour éviter des
phénomènes de one shot.
Notre seul point de blocage aujourd’hui, vous l’avez deviné, est le financement. Les
Indonésiens ne comprennent pas pourquoi ils paieraient si la formation est gratuite
en France. Nous devons donc leur expliquer que le temps que nous passons à
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développer le contenu a un coût, tout comme les frais de déplacements de personnes
pris en charge par l’entreprise, etc. Investir, pourquoi pas, mais avec quel retour?
Le système a très bien fonctionné au Cameroun, pendant 8 ans, de 2004 à 2012.
Nous avons formé environ 300 ingénieurs pour les collectivités territoriales et pour
des entreprises privées, en accompagnement du développement économique. Nous
avons été financés par des fonds européens. Nous sommes allés chercher les
financements. Le souci majeur que nous rencontrons est de récupérer l’argent
ensuite. En règle générale, sauf à souscrire une assurance internationale, les
bailleurs financent les gouvernements, qui, ensuite, paient. Dans des pays à forte
corruption, cela s’avère parfois compliqué. Il nous a fallu trois ans pour recouvrer
nos 400 000 euros. Nous avons dû batailler, notamment avec la Commission
européenne, pour qu’elle mette en demeure le gouvernement de payer. Sur un autre
projet en Algérie, malheureusement, nous avons perdu 200 000 euros.
À l’international, dans le « Capacity building », la formation initiale, la recherche, la
formation continue et le développement économique sont les quatre champs sur
lesquels nous travaillons.
En conclusion, les questions à se poser en premier lieu sont : Quel intérêt
l’établissement a à développer ce genre d’actions ? Comment finance-t-on le projet ?
Comment mobilise-t-on en interne ?
Aujourd’hui, lorsque l’on demande à un chercheur de faire à la fois de la recherche,
de la formation initiale, de la formation continue, et en plus du développement de
projet à l’international, il vous répond que les journées ne font que 24 heures. A un
moment donné, il faut faire des choix. L’accès à la ressource est compliqué. C’est
pour cette raison que nous cherchons l’expertise opérationnelle au niveau de
l’entreprise.
Brendan KEENAN
Merci à vous trois.
Applaudissements.
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« Take home messages » et conclusions
Brendan KEENAN, Responsable du
département programme international
ENTPE / AGERA
Brendan KEENAN
Nous arrivons au terme de nos troisièmes Rencontres Prospectives Internationales.
Je tenais à remercier Laurent SCHWAB et Dimitris KOKKALIS pour leurs interventions
et leurs conseils, ainsi que les intervenants de notre table ronde pour leurs
témoignages forts intéressants.
Merci également à Pascale PAYAN, Bénédicte MARTI, Caroline NOVARINA et Didier
LEONARD.
Enfin, un grand merci à la région Rhône-Alpes-Auvergne d’avoir financé cette
matinée.
Nous vous donnons rendez-vous l’année prochaine.
Applaudissements.
La séance s’achève à 12 heures 50.
Ce document a été rédigé par la société point COM’, [email protected]
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Lyon, le 26 avril 2018
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