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CASSIOPÉE 45 le nouveau pouvoir judiciaire - n° 392 Livre blanc bilan 2010 Depuis maintenant 2 ans, les tri- bunaux de grande instance sont tour à tour concernés par l'im- plantation de « Cassiopée », application informatique desti- née à créer un bureau d'ordre national, autrement dit une chaîne pénale complète avec des échanges inter-applicatifs per- mettant à terme : d'une part, une alimentation en amont par les services enquêteurs (pour éviter des saisies de données à chaque stade de la chaîne pénale, lorsque les procédures sont transmises au procureur de la République) ; d'autre part, en aval, une alimentation des fichiers du trésor pour le paie- ment des amendes, des fichiers GIDE, du casier judiciaire, et sur- tout le contrôle automatique des fichiers police (FNAEG, STIC….)… L’outil permettra en outre, dans le cadre de la poli- tique de la ville, d’obtenir des outils tels qu’une cartographie de la justice pénale, commune par commune. Cassiopée est ainsi vouée à rem- placer les différents « applicatifs métiers » de la chaine pénale. Les juridictions sont reliées par Intranet à la base nationale (constituée de plusieurs centres de serveurs), qu'elles alimentent et par laquelle elles peuvent accéder à de multiples informa- tions, au niveau national, alors que jusque là, les seules don- nées consultables étaient celles de la juridiction. Ainsi, les par- quetiers peuvent, par exemple, accéder à tous les antécédents d’un individu, y compris dans les autres juridictions françaises... Bien en amont du début de l'im- plantation, des juridictions pilotes ont été choisies sur des critères de volumétrie et de représentativité par rapport à la moyenne nationale (TGI d'Angoulême, TGI des cours de Caen et Rouen). Cette contribu- tion a d'abord concerné la valida- tion de fiches procédurales de septembre 2001 à novembre 2002, par des réunions. Puis, les utilisateurs des sites pilotes ont participé au maquettage de l’ap- plication de juin à septembre 2004. Pour tester Cassiopée et contribuer à son amélioration et à son développement, ces juri- dictions ont été implantées en premier (Angoulême en janvier 2008, les TGI des cours de Caen et Rouen à l'automne 2008) et ont essuyé les plâtres d'une applica- tion expérimentale, imparfaite, et chronophage. Sur le papier, cette application apparaît à terme une réelle modernisation de l'outil de travail des juridictions pénales mais il y a loin de la théorie à la pratique. Si chacun peut comprendre la nécessité, après tests en labo- ratoire, de la confrontation à la réalité, nul ne peut comprendre, à part l'obstiné Ministère, la volonté du secrétariat général et de la direction des services judiciaires de poursuivre le déploiement à marche forcée d'un outil qui a pour consé- quence immédiate d'achever de « couler » bon nombre de juri- dictions déjà asphyxiées par l'accumulation des réformes sans moyens supplémentaires (voire avec des moyens de plus en plus restreints). Toutes les organisations syndi- cales de fonctionnaires et magis- trats, dans le cadre de l'observatoire national du déploiement Cassiopée, ont réclamé un moratoire, évoquant pour cela les chiffres catastro- phiques des retards accumulés dans les juridictions implantées. Pourtant, sans contester ces chiffres et ces difficultés, la chancellerie a poursuivi le déploiement. En octobre 2008 au congrès de l'USM, le Secrétaire Général du Ministère, répondant aux interro- gations quant à la fiabilité du logiciel, a indiqué que l'implanta- tion de Cassiopée dans les 175 TGI cibles devrait être achevée à la fin de l’année 2009 et la pré- sentait comme un « succès en devenir ». CASSIOPÉE

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CASSIOPÉE

45le nouveau pouvoir judic ia ire - n° 392 Livre blanc bi lan 2010

Depuis maintenant 2 ans, les tri-bunaux de grande instance sonttour à tour concernés par l'im-plantation de « Cassiopée »,application informatique desti-née à créer un bureau d'ordrenational, autrement dit unechaîne pénale complète avec deséchanges inter-applicatifs per-mettant à terme : d'une part, unealimentation en amont par lesservices enquêteurs (pour éviterdes saisies de données à chaquestade de la chaîne pénale,lorsque les procédures sonttransmises au procureur de laRépublique) ; d'autre part, enaval, une alimentation desfichiers du trésor pour le paie-ment des amendes, des fichiersGIDE, du casier judiciaire, et sur-tout le contrôle automatique desfichiers police (FNAEG,STIC….)… L’outil permettra enoutre, dans le cadre de la poli-tique de la ville, d’obtenir desoutils tels qu’une cartographiede la justice pénale, communepar commune.

Cassiopée est ainsi vouée à rem-placer les différents « applicatifsmétiers » de la chaine pénale.

Les juridictions sont reliées parIntranet à la base nationale(constituée de plusieurs centresde serveurs), qu'elles alimententet par laquelle elles peuventaccéder à de multiples informa-tions, au niveau national, alors

que jusque là, les seules don-nées consultables étaient cellesde la juridiction. Ainsi, les par-quetiers peuvent, par exemple,accéder à tous les antécédentsd’un individu, y compris dans lesautres juridictions françaises...

Bien en amont du début de l'im-plantation, des juridictionspilotes ont été choisies sur descritères de volumétrie et dereprésentativité par rapport à lamoyenne nationale (TGId'Angoulême, TGI des cours deCaen et Rouen). Cette contribu-tion a d'abord concerné la valida-tion de fiches procédurales deseptembre 2001 à novembre2002, par des réunions. Puis, lesutilisateurs des sites pilotes ontparticipé au maquettage de l’ap-plication de juin à septembre2004. Pour tester Cassiopée etcontribuer à son amélioration età son développement, ces juri-dictions ont été implantées enpremier (Angoulême en janvier2008, les TGI des cours de Caenet Rouen à l'automne 2008) et ontessuyé les plâtres d'une applica-tion expérimentale, imparfaite, etchronophage.

Sur le papier, cette applicationapparaît à terme une réellemodernisation de l'outil de travaildes juridictions pénales mais il ya loin de la théorie à la pratique.

Si chacun peut comprendre la

nécessité, après tests en labo-ratoire, de la confrontation à laréalité, nul ne peut comprendre,à part l'obstiné Ministère, lavolonté du secrétariat généralet de la direction des servicesjudiciaires de poursuivre ledéploiement à marche forcéed'un outil qui a pour consé-quence immédiate d'achever de« couler » bon nombre de juri-dictions déjà asphyxiées parl'accumulation des réformessans moyens supplémentaires(voire avec des moyens de plusen plus restreints).

Toutes les organisations syndi-cales de fonctionnaires et magis-trats, dans le cadre del'observatoire national dudéploiement Cassiopée, ontréclamé un moratoire, évoquantpour cela les chiffres catastro-phiques des retards accumulésdans les juridictions implantées.Pourtant, sans contester ceschiffres et ces difficultés, lachancellerie a poursuivi ledéploiement.

En octobre 2008 au congrès del'USM, le Secrétaire Général duMinistère, répondant aux interro-gations quant à la fiabilité dulogiciel, a indiqué que l'implanta-tion de Cassiopée dans les 175TGI cibles devrait être achevée àla fin de l’année 2009 et la pré-sentait comme un « succès endevenir ».

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Jean-Marie Bockel, lors de laséance des questions orales du11 mai 2010 a indiqué « Et je vousassure que, quand ce logicielfonctionne, il fonctionne trèsbien. Nous faisons tout notrepossible pour mettre fin aux dys-fonctionnements et rattraper lesretards bien réels que vous avezeu raison de souligner ».

UN SYSTÈME DÉFAILLANT

Pourtant, le rapport des sénateursYves DETRAIGNE et SimonSUTOUR (avis du Sénat, présentéau nom de la Commission des Lois)précisait que « lors de sa visite à lacour d’appel et au Tribunal deGrande Instance de Rouen, (le rap-porteur) a pu constater que la miseen place de l’application Cassiopéeperturbait le bon fonctionnement decette juridiction pilote (…) Il estimequ’il convient d’apporter aux juridic-tions pilotes tout le soutien logis-tique nécessaire lorsqu’elles sontconfrontées à la mise en placed’une nouvelle application de cetteampleur. A fortiori, il serait souhaita-ble que cette mise en place n’inter-vienne qu’au moment où la fiabilitéde la nouvelle application paraît suf-fisamment assurée ».

A ce jour, l'agenda n'a pas été res-pecté, non pas parce que la chan-cellerie aurait écouté les demandesdes utilisateurs, mais uniquementdu fait des difficultés rencontrées :

- les dernières juridictions (cou-ronne parisienne) serontdéployées début 2011 alors qu'enoctobre 2008 la chancellerieannonçait la date de fin 2009,- l'interconnexion avec lecasier, prévue (février 2009) en

début d'année 2010, n'est pasencore d'actualité- l'interconnexion avec la gen-darmerie n'aura lieu qu'en mars2011.

En réalité, Cassiopée est, souvent,un outil de déstabilisation des juri-dictions et de dégradation de condi-tions d'exercice des personnels, quise voient, à moyens réduits,contraints de résorber des stocksde plusieurs mois induits par l'im-plantation de Cassiopée, sans lamoindre reconnaissance de leurministère.

Ainsi, au delà du temps d'adapta-tion lié à une nouvelle application, afortiori aussi exigeante et rigide queCassiopée dans les données àenregistrer, force est de constaterque les défaillances du système ontentraîné d'importants retards sur ledéploiement.

En raison des dysfonctionnementstrop importants constatés àAngoulême, l'implantation des juri-dictions des cours de Caen etRouen, prévue en mars 2008, a étéreportée à septembre et octobre2008.... sans pour autant que tous lesdéfauts constatés aient été corrigés.

A plusieurs reprises, alors quemagistrats et fonctionnairess'étaient formés, que la juridictions'était préparée à l'implantation,gelant toute activité pour permettrela reprise des données et que lesgreffiers de l'équipe Cassiopéeétaient sur site pour permettre l'as-sistance des personnels, lesimplantations ont été reportées enraison de problèmes sur le serveurnational (TGI de la cour de Rennes

en fin d'année 2009, Charleville-Mézières et Troyes en juin 2010)obligeant notamment à changer enurgence le serveur, pour un coûtsupplémentaire de 1,5 million d'eu-ros (sur un budget estimé début2009 de 40 à 45 millions d’euros)alors qu'un nouveau serveur seranécessaire pour l'implantation enrégion parisienne.

Régulièrement, des ralentisse-ments ou même l'indisponibilité duserveur (national, régional ou local,souvent sous-dimensionnés poursupporter cette application quipasse par internet, au même titreque la numérisation, la visio-confé-rence....) empêchent les utilisateursde travailler, ou retardent considéra-blement leur travail en les contrai-gnant à utiliser les anciennesapplications encore disponibles, àgeler complètement leur activité pourles services qui ne sont plus autori-sés à travailler que sous Cassiopée,voire à ré-enregistrer à plusieursreprises des données perdues lorsdes déconnexions intempestives ;ainsi, le serveur a régulièrement étéindisponible courant 2010.

De nombreuses erreurs apparais-sent en outre dans les éditions, obli-geant les utilisateurs à une grandevigilance et à consacrer du tempssupplémentaire aux corrections.

Dans le langage Cassiopée, les édi-tions correspondent à la formalisa-tion des décisions, au documentpapier qui sera édité après fusionde toutes les données entrées aupréalable dans l'application. Outreles fautes d'orthographe, apparais-sent de nombreuses erreurs procé-durales ou des oublis flagrants.

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Ces problèmes de serveur, ceserreurs et le fait que cette applica-tion exige d'entrer de très nom-breuses données, entraînent desretards conséquents sur toute lachaîne pénale.

Les mêmes difficultés ont été évo-quées dans toutes les juridictionsayant déjà été implantées lors desvisites de l'USM.

Les deux indicateurs de perfor-mance retenus par la chancelleriesont : le nombre de procédures enattente d'enregistrement au bureaud’ordre et le nombre de jugementsen attente de frappe, ce qui poussecertaines juridictions à fausser leschiffres en exigeant des greffes quetous les jugements soient tapés,même s'ils ne sont ni relus ni signéset donc pas transmis aux servicesde l'exécution et de l'application despeines.

L'AUGMENTATION DESSTOCKS

Dans beaucoup de juridictions où lasituation était saine avant implanta-tion, les bureaux d'ordre ont vuapparaître des stocks (notammentAngoulême, Belfort, Aurillac,Nancy, Cambrai, Abbeville...) qu'ilfaut plusieurs mois pour résorber, lasituation n'étant toujours pas assai-nie près d'un an après l'implantation(Quimper, Vannes, Laval...).

A Caen, deux mois après l'implan-tation, plus de 4000 procéduresdemeuraient en attente d'enregis-trement au BO, ce service fonction-nant à 45% de son rendementnormal ; à la Roche sur Yon, près

d'un an après l'implantation, 750procédures étaient en attente d'en-registrement au BO bien que leretard se soit stabilisé ; à Bressuire,650 procès-verbaux sont en attented'enregistrement ; aux Sablesd'Olonne, le retard, qui était montéà près de 3000 procédures enattente d'enregistrement à la fin del'été, pour une implantation en juin2009, n'était résorbé qu'au prin-temps 2010 ; à Niort, le retard estmonté jusqu'à 2 500 procédures(soit plus de 19% des 13 000 PVenregistrés chaque année) ; àBeauvais, un an après l'implanta-tion, les délais d'audiencement ontaugmenté de 4 mois, desaudiences ayant du être annuléespour permettre le renforcement duBO (où ont notamment été affectéstous les vacataires) ; il y a 2 900procédures en attente d'enregistre-ment puisqu'il était possible aupara-vant d'enregistrer 300 procédurespar jour contre 100 sous Cassiopée ;à St Nazaire : augmentation de22% des dossiers en attente d'enre-gistrement, soit un retard de 6 moisentraînant une pénurie de dossiersà audiencer ; au Mans : le stock dedossiers en attente d'enregistre-ment est passé de 1500 avant l'im-plantation en janvier 2010 à 3000 ;ainsi, le 12 octobre l'enregistrementportait sur les procédures du 2 août ;à Senlis : des stocks se sont consti-tués au parquet malgré la redistri-bution des personnels entre lesservices ; ces retards ont entraînéune chute de l'audiencement, fautede dossiers, qu'il faut désormaisrattraper, et des répercussions enchaîne sur toute la juridiction.

Le retard le plus important aubureau d'ordre a été sans conteste

celui de Bordeaux première grossejuridiction implantée. Si des pro-blèmes structurels préalables ontété évoqués pour justifier une partiede ce retard, il n'en reste pas moinsque l'agenda a été mal choisi, l'im-plantation s'étant faite alors qu'il n'yavait plus ni directeur de greffe, nigreffier en chef pénal depuis plu-sieurs mois pour réorganiser lesservices en vue de l'implantation. Enjanvier 2009, avant implantation,suite à un effort important, le stockde dossiers en attente d'enregistre-ment était de 5 000 selon l'équipeCassiopée chancellerie (le chiffre de1000 ayant été avancé par ailleurs).Il était passé au printemps 2009 à25 000. En février 2010, malgré lacréation de deux postes supplémen-taires de fonctionnaires, 18 à 20 000procès-verbaux sont toujours enattente d'enregistrement.

Dans les greffes correctionnels, enseptembre 2010, la chancelleriereconnaissait que dans les 89 juri-dictions jugées représentatives(sur les 140 implantées) le retardmoyen pouvait être estimé à 4 mois.A titre d'exemples, ont été évo-quées lors de nos visites desretards conséquents un an aprèsl'implantation aux Sables d'Olonne,à Quimper, à Moulins (alors pour-tant que des audiences avaient étéannulées en prévision de l'implanta-tion) ; à Aurillac, quelques moisaprès l'implantation et alors que desretards subsistent au BO, le nombrede jugements en attente de frappecommence à gonfler ; au Mans, lestock de jugements en attente defrappe lors de l'implantation était de382 ; 10 mois plus tard, il est passéà 639 ; à St Nazaire le nombre dejugements en attente de frappe a

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augmenté de 34% entraînant unretard important à l'exécution despeines (jugements non tapés, nonsignés, 385 dossiers en attenteaprès retour des significations desjugements contradictoires à signi-fier) et donc, par voie de consé-quence à l'application des peines ;à Arras, sept mois après l'implanta-tion, plus de 500 jugements étaientencore en attente de frappe ; àBordeaux, au greffe correctionnelet à l'audiencement, les délais senormalisent. Il a été évoqué lors dela visite de l'USM, que la prépara-tion d'une seule audience par leservice de l'audiencement prenaitdésormais 24 demi journées de tra-vail contre 4 sous l'ancienne appli-cation. Le stock au greffecorrectionnel au bout d'une annéed'implantation est de 1200 à 2000jugements ce qui s'explique aussipar un poste vacant.

DES AUDIENCES DE COM-PARUTION SUR RECON-NAISSANCE PRÉALABLEDE CULPABILITÉ PLUSLONGUES

De nombreuses erreurs ont étérelevées dans les éditions des juge-ments d'homologation de CRPC(comparution sur reconnaissancepréalable de culpabilité, « plaidercoupable »).

De plus, le fait que l'application soit« verrouillée » empêche de prépa-rer à l'avance les procès verbauxd'homologation et les trames desjugements. Auparavant en effet, lestrames étaient préparées àl'avance, ne nécessitant que d'y

insérer les propositions de peinefaites le jour même par le procureurde la République juste avant l'au-dience d'homologation. Désormais,il faut attendre la proposition depeine pour préparer les trames, cequi prend énormement de temps,alors que les procès verbaux doi-vent être édités à l'audience. Pourrestreindre ces délais, la solutionserait la saisie en temps réel de laproposition de peine faite par le pro-cureur de la République, et donc laprésence d'un greffier à ce stade,ce que l'état des effectifs interdit.

Des juridictions se plaignent deslenteurs de l'application sur cetteprocédure (Avesnes sur Helpe, LaRoche sur Yon, Angoulême,Alençon, Lons Le Saunier....).Ainsi, à Valenciennes, lesaudiences d'homologation, quiduraient une heure durent désor-mais 4 heures, notamment lorsqu'ily a des victimes. A Beauvais, il n'estdésormais possible de passer que15 dossiers de CRPC par audience,contre 20 ou 25 auparavant.

Dès lors, de nombreuses juridic-tions ont fait choix de n'envisagerles CRPC que dans les procéduressans victime, voire même de ne trai-ter cette procédure que sous lesanciennes applications, notammentsur la quasi intégralité des TGI dela cour d'appel d'Amiens.

DES RÉORGANISATIONSDIFFICILES

Des problèmes sont égalementévoqués dans les procéduresrelevant du juge des libertés et dela détention (Laon, Béthune,

Bordeaux...), avec notamment deserreurs procédurales dans les édi-tions (articles manquants, cause denullité dans un contentieux touchantpourtant aux libertés).

Toute une cour d'appel étant impac-tée, il n'est pas possible pour gérerces difficultés de déléguer des fonc-tionnaires placés ou relevant d'au-tres juridictions de la même cour.

On constate que les seules juridic-tions n'ayant pas connu de retardsliés à Cassiopée ou ayant pu lesabsorber très rapidement sont depetites ou moyennes juridictions quiont pu anticiper l'implantation parune réorganisation des services,une pré-selection des dossiers àenregistrer, voire la chance d'avoirdes effectifs complémentaires lorsde l'implantation : Alençon, Dole,Compiègne, Moulins (où le stockavait été traité en intégralité avantl'implantation et les audiencesannulées le premier mois),Avesnes sur Helpe, Abbeville.

C'est donc à effectifs constants(donc en sous effectif chronique)que l'essentiel des juridictions intè-gre ces changements. Si en débutd'année 2010 la chancellerieannonçait des crédits fléchés« vacataires Cassiopée » permet-tant le recrutement de contractuelspour venir en soutien ponctuel, il nes'agissait nullement d'un budgetsupplémentaire mais d'une priorisa-tion des budgets, dans une enve-loppe contrainte et encore réduite.

Des vacataires sont donc venus enrenfort dans de nombreux endroits(Bressuire, les Sables d'Olonne,Moulins, Arras, Quimper,

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Beauvais, Senlis, Gap, Cambrai,Abbeville...), au détriment destâches habituelles auxquelles ilssont affectés (ce qui entraînera àterme des problèmes sur les ser-vices des scellés, des archives....).Il a fallu les former « sur le tas »puisque, recrutés après les sessionsde formation organisées par la chan-cellerie, ils n'ont pu en bénéficier.

Pourtant, leurs contrats étant limi-tés dans le temps, pour éviterd'avoir à leur payer de trop lourdesindemnités, ils ont déjà quitté la juri-diction quelques mois après l'im-plantation, comme à Béthune, ousont en voie de partir, laissant lespersonnels dans l'inconnu(Montpellier,...).

En termes d'économies, à l'heurede l'Etat « éco responsable » et desbudgets de fonctionnement de plusen plus réduits (au point que, sousles anciennes applications, les juri-dictions étaient régulièrement dansl'impossibilité d'imprimer des déci-sions, faute de papier), Cassiopéeest grande consommatrice depapier du fait des mises en pagedes éditions, à La Roche sur Yon,Arras…

En outre, la collecte des statistiquessera faussée pour l'année 2010concernant notamment :

- l'activité des parquets quin'ont pu procéder à l'enregistre-ment des procédures contre X,du fait de la priorité mise à l'éva-cuation des stocks ;

- l'activité des juridictions sup-primées et par voie de consé-quence les statistiques des

juridictions absorbantes, du faitdes déconnexions des serveursparfois plusieurs semaines avantla fermeture réelle empêchantl'enregistrement de l'activité surcette période, ce qui aura uneincidence sur l'ajustement deseffectifs pour l'année 2011 ;

- plus généralement, dans l'at-tente de la mise en œuvred'INFOCENTRE (qui permet lacollecte automatisée de don-nées et offre de nouveaux ins-truments de pilotage auxjuridictions), les juridictionsimplantées devaient procéder àdes comptages manuels pourrenseigner les documents rela-tifs par exemple au dialogue degestion avec la chancellerie, lerapport annuel de politiquepénale du parquet, les statis-tiques demandées régulière-ment par la chancellerie.... ;depuis, il existe une différenceentre les données recueillies vial'INFOCENTRE et un comptagemanuel...

Ces difficultés ne sont pas la preuved'un refus d'adaptation des person-nels qui s'investissent pleinementmalgré les obstacles rencontrés. Eneffet, hormis dans certaines juridic-tions (comme Bordeaux, où il estévoqué un retour 20 ans en arrière),Cassiopée, malgré ses défauts, estconsidérée comme une avancée(Valenciennes, Hazebrouck,Quimper, Auch, Briey,Montbéliard, Péronne, Abbeville...)par rapport aux applications obso-lètes qu'étaient notamment au par-quet la micro pénale et la minipénale (les fonctionnaires travail-lant encore sous DOS) voire

comme un bond en avant dans lesservices d'exécution des peines quin'étaient pour certains pas encoreinformatisés et travaillaient surfiches cartonnées.

A l'inverse, les services d'exécutiondes peines déjà informatisés trou-vent Cassiopée moins performantequ'EPWIN (Béthune, Le Mans) etdans les fonctions spécialisées dontles applicatifs métiers étaient per-formants, Cassiopée est vécuecomme une régression, bien qu'elleles intègre dans la chaîne pénale.

A l'application des peines, l'outilAPPI n'ayant que 5 années, il avaitété décidé de ne pas l'intégrer àCassiopée, mais de prévoir uneinter-connexion évitant la reprisemanuelle des données. Celle-ci,annoncée en fin d'année 2008 pourle début d'année 2009, n'est tou-jours pas effective (ni program-mée). Ainsi, alors que la connexionavec les services de gendarmeriedoit se faire en mars 2011, le boutde la chaîne pénale au sein mêmede la juridiction ne sera pas relié àl'outil Cassiopée, ce qui ne permetd'ailleurs pas d'avoir de visibilité surle taux d'exécution des décisions dejustice pénale.

UN LOGICIEL INADAPTÉPOUR LE TRIBUNAL POURENFANTS

A l'origine, Cassiopée devaitregrouper les dossiers d'assistanceéducative et les dossiers pénaux,avec une interconnexion APPI, per-mettant le traitement de toute lacompétence du juge des enfantsavec un seul outil, alors que jusqu'à

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présent, les services du tribunalpour enfants travaillaient sousWineurs pour le civil et le pénal, etsous APPI pour l'application despeines. Cassiopée devait doncconstituer une avancée.

Or le volet « assistance éducative »(enfance en danger) de Cassiopéen'a pas été développé obligeant lesservices du tribunal pour enfants àtravailler sous trois applications :Cassiopée, Wineurs et Appi, ce quimultiplie les manipulations d'autantque Cassiopée ne permet pasd'éditer un « historique » du mineurpour avoir une vue d'ensemble desa situation.

Dès lors, certaines juridictionscontinuent à travailler essentielle-ment les dossiers pénaux sousWineurs (quitte à faire un doubleenregistrement pour alimenter leBO national tout en conservant lesfonctionnalités accrues de Wineurs)même après un an d'implantation :Angers, Vannes, Cahors, Pau,Brest, Laon, Belfort, Besançon(sauf un cabinet), Compiègne,Senlis; d'autres ne travaillent dés-ormais plus qu'avec une des deuxapplications: Cassiopée àBordeaux ou Angoulême ; Wineursà Quimper, Lons Le Saunier, Brest,Soissons malgré l'annonce de lasuppression, à terme, de cetteapplicatif métier.

L'INSTRUCTION : UNE VER-SION NON ABOUTIE

Au prétexte de la réforme de la pro-cédure pénale et du projet de sup-pression du juge d'instruction, laversion instruction n'a pas connu

d'évolution depuis plus d'un an, l'in-cidence essentielle pour les greffesétant donc le double enregistrementdes dossiers sous Cassiopée (pours'inscrire dans la chaîne pénale etassurer la reprise des données parl'audiencement et le parquet) etsous Winstru pour respecter l'obli-gation légale de transmission desnotices semestrielles au présidentde la chambre de l'instruction et per-mettre à cette juridiction d'effectuerun contrôle effectif de l'activité descabinets (cette fonctionnalité, pour-tant prévue par la loi, n'ayant pasété envisagée dans Cassiopée).

Cela entraîne une augmentationconsidérable du travail de greffe(estimée à Libourne ou Compiègneà 4 à 5 fois le temps que nécessitaitWinstru).

Ce double enregistrement, ajouté àl'inaccessibilité régulière du serveurest aussi source d'erreur : le greffierqui, dérangé dans son travail, auraenregistré un changement d'avocatsous Cassiopée et non sousWinstru, prend le risque, en casd'impossibilité de se connecter àCassiopée (ce qui, nous l'avons vu,n'est pas une hypothèse d'école), etconfronté à l'urgence, de notifierune décision au mauvais avocat...De plus, Cassiopée n'est pas enl'état adapté au traitement des dos-siers complexes (plusieurs auteurset/ou infractions) que l'on trouvenotamment à l'instruction (instruc-tions visant des home-jaking, destrafics de stupéfiants, des infra-ctions commises en bande organi-sée...), ce à quoi la chancelleriecommence à réfléchir.

Autre détail qui a son importance :

l'utilisateur est déconnecté automa-tiquement après 50 minutes sansmanipulation, ce qui n'est pas rare àl'instruction et a entraîné, dans denombreux cabinets (qui n'avaientpas été informés de cette particula-rité), la perte de toute la partie d'in-terrogatoire déjà retranscrite. Il n'estpas non plus possible, du fait duverrouillage du système, de prépa-rer une ordonnance la veille pour lelendemain.

Pour toutes ces raisons, Cassiopéen'est pas utilisée dans de nombreuxcabinets d'instruction (sauf le dou-ble enregistrement pour alimenterla chaîne pénale) : Nantes,Béthune, Valenciennes, Saumur,Vannes, Cahors, Pau, Brest,Laon, Belfort, Besançon,Compiègne, Senlis, SaintNazaire, Bergerac, Cambrai,Saint Omer, Vesoul, Soissons,Caen, Lisieux...

Ce n'est finalement que de manièreanecdotique que l'application estmajoritairement utilisée : Sablesd'Olonne, 3 des cabinets borde-lais, Arras et elle n'apparait utiliséeà 100 % qu'à Abbeville où lesnotices semestrielles, en accordavec la chambre de l'instruction, nesont donc plus transmises selon laforme prévue d'autant que toutesles données enregistrées sousWinstru ne pourraient être reprisespar la juridiction absorbante à la fer-meture du TGI en décembre 2010.

UNE FORMATION A L’AP-PLICATION CHAOTIQUE

Dans de nombreuses cours, pourdes questions budgétaires, tous les

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fonctionnaires et magistrats ame-nés à travailler sur la chaîne pénalen'ont pu recevoir la formation (unejournée de formation générale etdeux jours sur une fonction spéciali-sée) soit parce qu'elle n'était pasproposée, soit parce que les datesétaient diffusées tardivement :Avesnes sur Helpe, Montbeliard,Arras, Béthune, Dunkerque...d'autant que cette formation n'étaitpas obligatoire.

De plus, il est unanimement relevéque Cassiopée est une applicationqui est basée sur une bonneconnaissance de la procédure,alors qu'elle a vocation à être utili-sée majoritairement par des fonc-tionnaires de catégorie C (voire desvacataires) qui n'ont pas toujoursles bases suffisantes sur l'ensemblede la chaîne pénale.

Cette absence de formation de tousles personnels pose problème encas de changement de service ausein d'une même juridiction ou demutation. De plus, l'ENG et l'ENMn'ayant pas été intégrées au pro-gramme de formation, les promo-tions entrant en fonction ne sontpas formés à l'outil. Ainsi, le jour dela présentation de Cassiopée àl'ENM pour la promotion qui vientd'entrer en fonction, le serveur étaitindisponible..... la présentation n'adonc eu lieu qu'à partir d'écransfixes, présentés à un amphithéâtreregroupant des dizaines de futursparquetiers, juges des enfants,juges d'instruction...

Dès lors, même là où Cassiopéeétait utilisée, les changements depersonnels vont entrainer unerégression : à Arras, les deux cabi-

nets d'instruction fonctionnaientmajoritairement sous Cassiopée ;l'entrée en fonction d'un juge sortantd'école et d'un greffier non formé àcette application vont réduire l'utili-sation de Cassiopée de 50%...

Le ministère aurait pu tirer lesenseignements du déploiementd'autres applications récentes, parla « mission modernisation » :

LES AUTRES APPLICA-TIONS INFORMATIQUES

L'application APPI, pour l'applica-tion des peines, via intranet justiceet dont les lenteurs avaient réguliè-rement été dénoncées ; si sur cepoint, au bout de 5 ans, la situations'est améliorée, tous les juges d'ap-plication de peines (notamment àLille, Boulogne sur Mer, SaintOmer, Dunkerque, Abbeville,Cambrai, Bergerac, Thionville)dénoncent encore l'impossibilitéd'éditer des statistiques dans uncontentieux qui appelle pourtant demanière très régulière desdemandes d'informations chiffréesde la part de la chancellerie elle-même, incapable de fournir lesoutils adaptés à ses propresbesoins.... De plus, aucune mise àjour n'a été faite depuis l'entrée envigueur de la loi pénitentiaire et dela loi visant à amoindrir le risque derécidive criminelle, pourtant votéesen novembre 2009 et mars 2010.

MINOS, destinée au traitement descontraventions, application décritecomme particulièrement chrono-phage (lenteur et complexité) danssa version 1 (Boulogne sur Mer,Avesnes sur Helpe) entraînant une

augmentation des stocks ; siMINOS 2 a amélioré la situation, ilexiste encore de nombreusesdéconnexions intempestives et leséditions sortent parfois en alphabetcyrillique (Saint Omer).

TUTI, logiciel de suivi des dossiersde tutelle qui n'a pas subi d'adapta-tion en vue de l'absorption de trèsnombreux TI, obligeant les TIabsorbant à ré-enregistrer les don-nées de tous les dossiers de la juri-diction supprimée pour éviterqu'elles n'« écrasent » tous les dos-siers enregistrés sous un mêmenuméro dans le tribunal absorbant(même quand les logiciels sontcompatibles) : Avesnes sur Helpe,Peronne, Tarascon... Les tramesn'ont en outre pas été adaptées à laréforme des tutelles pourtant entréeen vigueur depuis de nombreuxmois, obligeant chaque tribunald'instance à créer ses proprestrames, aucune alerte n'étant parailleurs prévue pour les fins demesure de protection (points rele-vés à Avesnes sur Helpe,Peronne) ; quand les trames exis-tent, elles sont imparfaites et nesont pas modifiables aisément (lesSables d'Olonne). La juridiction bordelaise évoqueen outre les nombreux bugs de l'ap-plication qui ne permettent pasl'édition de statistiques.

CASSIOPÉE

51le nouveau pouvoir judic ia ire - 392 Livre blanc bi lan 2010

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