Offrandes et amendes dans les sanctuaires du monde romain ...

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Offrandes et amendes dans les sanctuaires du monde romain Ȥ l’Ȗpoque rȖpublicaine Sylvia Estienne et Olivier de Cazanove Depuis l’article fondamental de G. Bodei Giglioni sur la pecunia fanatica, jusqu’Ȥ la contribution d’A. Malrieu dans un rȖcent colloque consacrȖ aux dieux manieurs d’argent, les richesses des sanctuaires romains, ou plus largement italiens, ont dȖjȤ fait l’objet d’enquÞtes attentives 1 . Si l’inventaire de sources gȖnȖralement allusives et disparates permet de se faire une idȖe relativement prȖcise des fonds dont pouvaient disposer ces sanctuaires, de leur origine, de leur gestion, il est plus difficile d’en mesurer ‘l’incidence Ȗconomique’ pour reprendre les termes de G. Bodei-Giglioni. D’un cɄtȖ, l’analyse de ces ‘richesses sacrȖes’ montre la force de pratiques de thȖsaurisation, de l’autre, les dieux romains ne s’avŕrent guŕre Þtre des ‘manieurs d’argent’ et ne font pas ou peu circuler l’argent ainsi accumulȖ. Ce n’est finalement que dans le cadre de ‘dȖthȖsaurisations brutales’, pour reprendre le terme utilisȖ par A. Malrieu Ȥ la suite de M. Corbier, c’est-Ȥ-dire d’actes de pillage, de confiscations lors des guerres civiles, d’emprunts de la part d’empereurs indȖlicats ou encore de la fermeture des temples paȹens, que ces richesses ont pu Þtre massivement remises en circulation. Sinon, la circulation des richesses, notamment sous forme de mȖtaux prȖcieux, fait en principe retour au sanctuaire lui-mÞme : les vieilles offrandes peuvent Þtre refondues pour embellir le temple ou honorer la divinitȖ, l’argent des stipes utilisȖ pour des travaux et des embellissements. Les richesses accumulȖes dans les temples romains semblent donc avoir a priori peu circulȖ. Cette apparente thȖsaurisation ne peut s’expliquer simple- ment par le statut de ‘richesses sacrȖes’. Comme le rappelait TibȖrius Gracchus, pour justifier, de faÅon certes abusive, la destitution de son collŕgue Octavius : « rien n’est si sacrȖ et inviolable que les offrandes aux dieux (Req¹md³ ja·%sukom oqd³movtyr 1st·m ¢rt± t_m he_m !mahlata), et cependant personne n’a jamais empÞchȖ le peuple d’en disposer, de les faire bouger et de les transfȖrer Ȥ sa guise » 2 . Le rȖgime qui est celui des offrandes n’interdit ni de les vendre ni de les transformer, pourvu que ce soit au profit du sanctuaire, comme on peut le voir Ȥ 1 G. Bodei-Giglioni, « Pecunia fanatica. L’incidenze economica dei templi laziali », RSI, 1977, p. 33– 76 (repris dans F. Coarelli Ȗd., Studi su Praeneste, 1978) ; A. Malrieu, « Le rɄle Ȗconomique des sanctuaires romains : thȖsaurisation et investissement de fonds sacrȖs », dans Les dieux manieurs d’argent, Topoi, 12 – 13, 2005, p. 95 – 116. 2 Plut., Tib. Gracch. , 15, 8.

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Offrandes et amendes dans les sanctuaires du monderomain � l’�poque r�publicaine

Sylvia Estienne et Olivier de Cazanove

Depuis l’article fondamental de G. Bodei Giglioni sur la pecunia fanatica,jusqu’� la contribution d’A. Malrieu dans un r�cent colloque consacr� aux dieuxmanieurs d’argent, les richesses des sanctuaires romains, ou plus largementitaliens, ont d�j� fait l’objet d’enquÞtes attentives1. Si l’inventaire de sourcesg�n�ralement allusives et disparates permet de se faire une id�e relativementpr�cise des fonds dont pouvaient disposer ces sanctuaires, de leur origine, de leurgestion, il est plus difficile d’en mesurer ‘l’incidence �conomique’ pourreprendre les termes de G. Bodei-Giglioni. D’un c�t�, l’analyse de ces ‘richessessacr�es’ montre la force de pratiques de th�saurisation, de l’autre, les dieuxromains ne s’av�rent gu�re Þtre des ‘manieurs d’argent’ et ne font pas ou peucirculer l’argent ainsi accumul�. Ce n’est finalement que dans le cadre de‘d�th�saurisations brutales’, pour reprendre le terme utilis� par A. Malrieu � lasuite de M. Corbier, c’est-�-dire d’actes de pillage, de confiscations lors desguerres civiles, d’emprunts de la part d’empereurs ind�licats ou encore de lafermeture des temples pa ens, que ces richesses ont pu Þtre massivement remisesen circulation. Sinon, la circulation des richesses, notamment sous forme dem�taux pr�cieux, fait en principe retour au sanctuaire lui-mÞme : les vieillesoffrandes peuvent Þtre refondues pour embellir le temple ou honorer la divinit�,l’argent des stipes utilis� pour des travaux et des embellissements.

Les richesses accumul�es dans les temples romains semblent donc avoir apriori peu circul�. Cette apparente th�saurisation ne peut s’expliquer simple-ment par le statut de ‘richesses sacr�es’. Comme le rappelait Tib�rius Gracchus,pour justifier, de faÅon certes abusive, la destitution de son coll�gue Octavius :« rien n’est si sacr� et inviolable que les offrandes aux dieux (Req¹m d³ ja· %sukomoqd³m ovtyr 1st·m ¢r t± t_m he_m !mah¶lata), et cependant personne n’a jamaisempÞch� le peuple d’en disposer, de les faire bouger et de les transf�rer � saguise »2. Le r�gime qui est celui des offrandes n’interdit ni de les vendre ni de lestransformer, pourvu que ce soit au profit du sanctuaire, comme on peut le voir �

1 G. Bodei-Giglioni, « Pecunia fanatica. L’incidenze economica dei templi laziali », RSI,1977, p. 33–76 (repris dans F. Coarelli �d., Studi su Praeneste, 1978) ; A. Malrieu, « Ler�le �conomique des sanctuaires romains : th�saurisation et investissement de fondssacr�s », dans Les dieux manieurs d’argent, Topoi, 12–13, 2005, p. 95–116.

2 Plut. , Tib. Gracch. , 15, 8.

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travers la loi de d�dicace du temple de Jupiter Liber � Furfo3. Les templesromains, s’ils n’atteignirent jamais le niveau de richesse et d’autonomie dessanctuaires grecs ou �gyptiens4, offraient donc une source non n�gligeable der�serves m�talliques, dans une soci�t� o la masse mon�taire �tait restreinte5 ;que les magistrats aient pu y faire appel semble particuli�rement �vident �l’occasion des guerres civiles multiples, o les temples firent, � travers toutel’Italie, l’objet de nombreuses confiscations6. Les richesses mobilis�es alors ne

3 CIL I, 603 = CIL IX, 3513 =ILLRP, 508, cf. U. Laffi, « La lex aedis Furfensis », dans Lacultura italica. Atti del convegno della societ� italiana di Glottologia (Pisa, dicembre 1977)(Orientamenti linguistici, 5), Pise, 1978, pp. 121–144, ll. 8–17: (…) Sei quod ad eamaedem donum datum donatum dedicatu(m)que erit, utei liceat oeti, uenum dare ; ubeiuenum datum erit, id profanum esto. Venditio, / locatio aedilis esto quemquomque ueicusFurfens(is) fecerint, quod se sentiunt eam rem /10 sine scelere, sine piaculo ; alis ne potesto.Quae pequnia recepta erit, ea pequnia emere, / conducere, locare, dare, quod id templummelius, honestius seit, liceto ; quae pequnia ad eas / res data erit , profana esto quod d(olo)m(alo) non erit factum. Quod emptum erit aere aut argento / ea pequnia, quae pequnia ad idtemplum data erit, quod emptum erit, eis rebus eadem / lex esto, quasei sei dedicatum sit. Seiqui heic sacrum surupuerit, aedilis multatio esto /15 quanti uolet ; idque ueicus Furf(ensis)m(aior) pars, Fif(iculani) e[t] Tares(uni) sei apsoluere uolent siue condemnare / liceto ; seiquei ad huc templum rem deiuinum fecerit Ioui Libero aut Iouis Genio, pelleis / coria faneisunto. « Si quelqu’objet est donn�, offert et d�di� � ce temple, qu’il soit permis del’utiliser, de le vendre ; lorqu’il aura �t� vendu, il sera profane. La vente, la mise enadjudication sera de la comp�tence de l’�dile, que les habitants du vicus de Furfo auront�lu, pourvu que (les �diles) estiment pouvoir le faire sans violer les lois humaines etdivines ; nul autre ne pourra le faire. Qu’avec l’argent qui en aura �t� retir�, il soit permisd’acheter, de louer, de donner en location, de faire des offrandes, pour l’am�lioration et lapromotion de ce temple ; l’argent qui aura �t� donn� par ces op�rations sera profane, s’iln’a pas �t� agi malhonnÞtement. Tout le m�tal acquis, bronze ou argent, avec les sommes,qui auront �t� donn�es au temple, pour tout cet argent, pour tous ces objets sera appliqu�le mÞme r�gime, comme s’il avait �t� d�di�. Si quelqu’un vole un objet sacr�, l’�dilepourra lui infliger une amende, du montant qu’il voudra. Qu’il soit licite, de la part duvicus de Furfo, – dans sa majorit� –, des Fificulani et des Taresuni d’annuler ou deconfirmer l’amende. Si quelqu’un fait aupr�s de ce temple, un sacrifice � Jupiter Liber ouau g�nie de Jupiter, les peaux, les cuirs seront pour le sanctuaire. » Sur le statut des ressacrae, voir en dernier lieu Y. Thomas, « La valeur des choses : le droit romain hors lareligion », Annales (HSS), 2002, 57, p. 1431–1462.

4 Voir C. Ampolo, « Fra economia, religione e politica : tesori e offerte nei santuari greci »,G. Bartoloni, G. Colonna, C. Grottanelli �d., Anathema. Regime delle offerte e vita deisantuari nel Mediterraneo antico (Roma, 15–18 giugno 1989), Scienze dell’antichit�, 3–4(1989–1990), p. 271–279.

5 Cf., pour le monde grec, C. Ampolo, loc. cit. � la note pr�c�dente, p. 271–272.6 Par exemple, lorsqu’en 217 av. J.-C. des ambassadeurs napolitains, devant la menace

carthaginoise, offrirent � leurs alli�s Romains l’or de leurs temples, soit 40 coupes,arguant de ce qu’il servait « tant pour l’ornement des temples que pour faire face auxmauvaises passes » (cum ad templorum ornatum tum ad subsidium fortunae, Liv. , 22, 32,4–5), les Romains refus�rent cette aide g�n�reuse, se contentant de la coupe la plus

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consistent pas seulement en tr�sors jalousement gard�s dans des chambressecr�tes, mais c’est la parure mÞme des temples, les ornamenta, qui sont pr�lev�set fondus7. Toutefois cette pratique r�pond � des situations d’urgence ; certains�l�ments montrent que les finances de la cit� ne se confondent pas tout � faitavec celle des sanctuaires publics8.

Comment ces richesses �taient-elles venues aux temples ? On partira d’unautre constat de G. Bodei Giglioni. Elle faisait remarquer que « les recettes dessanctuaires romains devaient Þtre constitu�es plus par les offrandes des fid�les(en argent et en ex-voto) que par les b�n�fices provenant des terrains agricoles etdes bois sacr�s »9. De cette assertion, pleinement acceptable, on ne modifieraqu’un mot. Il vaut mieux �viter de parler des « recettes (entrate) des sanctuairesromains », et de la mÞme mani�re de « d�penses » de ceux-ci, ce qui laisseraitsupposer qu’on vise � un certain �quilibre entre les premi�res et les secondes.Rien de tel parce que le temple est, dans le monde romain, contr�l� par desmagistrats publics, et que donc les d�penses de manutention sont prises encharge par la communaut�.

On se concentrera donc, dans les deux premi�res parties de cettecommunication, sur les dons faits p�riodiquement par des particuliers ausanctuaire, qui constituent sa principale source de richesses, avant de traiter,dans un troisi�me temps, des amendes qui peuvent lui Þtre affect�es et quicontribuent donc pour leur part, elles aussi, � son embellissement.

l�g�re. Pour les confiscations effectu�es au Ier s. av. J.-C., voir le recensement fait parBodei-Giglioni, loc. cit. � la n.1, p. 33–38.

7 Voir, par exemple, Val. Max, 7, 6, 4 : (en 82 av. J.-C.) senatus consulto aurea atqueargentea templorum ornamenta, ne stipendia deessent, conflata sunt, « sur avis du s�nat, lesornements en or et en argent des temples furent fondus, afin de verser leur solde auxsoldats ». Cf. Cass. Dio, 48, 12, 4 : « (les partisans d’Octavien) rassembl�rent enparticulier de l’argent de partout et mÞme des temples ; ils enlev�rent toutes les offrandes(t± c±q !mah¶lata) qui pouvaient Þtre converties en argent, aussi bien � Rome que dansles autres r�gions d’Italie alors en leur pouvoir sous leur domination ». Par ornamenta,peuvent donc Þtre d�sign�s tant des �l�ments architecturaux, des statues ou des vases quedes offrandes votives beaucoup plus modestes.

8 Il est r�v�lateur de constater que, dans certains cas, il y a promesse de restitution : siOctavien, apr�s 42 av. J.-C., d�pouille les sanctuaires italiens, Auguste, � partir de 29 av.J.-C. aura une politique, sinon de restitution (App., B.C. , 5, 24, 97 ; Aug., RGDA, 24 ;cf. Bodei-Giglioni loc. cit. , p. 36–38) du moins de restauration des temples ; de mÞme,la g�n�rosit� de Sylla envers le temple de Diana Tifatina est g�n�ralement interpr�t�ecomme une compensation, apr�s les larges « emprunts » que le dictateur avait d� faireauparavant dans les caisses du sanctuaire, cf. E. Gabba, « Aspetti economici e monetaridel soldo militare dal II sec. a. C. al II d. C. », dans Les « d�valuations » � Rome : �poquer�publicaine et imp�riale (Rome, 13–15 novembre 1975) (CEFR, 37), Rome, 1978,vol. 1, p. 217–225.

9 Ce faisant, elle �tablissait une nette distinction entre sanctuaires grecs et romains, lespremiers ayant « un poids �conomique global sur la vie de l’Etat plus grand qu’� Rome »(p. 57).

Estienne / de Cazanove, Offrandes et amendes 7

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1. Les offrandes non mon�taires et leurs espaces d’exposition

Les dons faits aux temples dans l’Italie r�publicaine, lorsqu’il s’agit d’objets enm�tal noble, de bijoux et d’autres produits des arts pr�cieux10, peuvent Þtreattest�s indirectement par des inscriptions de d�dicace11, ou par des allusionslitt�raires12. Mais rares sont ceux connus directement, et pour cause. Justement �cause de la valeur qu’ils repr�sentaient, ils ont �t� soustraits d’une mani�re oud’une autre au sanctuaire qui les abritait, souvent apr�s avoir �t� recycl�s une ouplusieurs fois, c’est-�-dire fondus pour obtenir de nouveaux objets de m�tal13.Pour l’essentiel, les offrandes qui nous restent sont les offrandes non-recyclables,celles qui une fois cass�es ne pouvaient plus servir � rien. De l�, lasurrepr�sentation dans le mobilier arch�ologique provenant des lieux de culted’Italie Centrale, des offrandes en terre cuite : statues grandeur nature d’adulteset d’enfants en langes, tÞtes, ex-voto anatomiques repr�sentant des membres etdes organes14, statuettes, typiques de l’Italie romaine r�publicaine du Ve au IIe s.av. J.-C., avec un pic aux IVe et surtout IIIe s.15 La terre cuite est un mat�riauimpossible � refaÅonner, l’objet en terre cuite perd toute valeur une fois rompu.D’o la mise au rebut de ces classes d’ex-voto, au bout d’un temps plus ou

10 P. G. Guzzo, « Doni preziosi agli dei », dans I culti della Campania antica. Atti delconvegno internazionale di studi in ricordo di Nazarena Valenza Mele, Napoli 15–17maggio 1995, Rome, 1998, p. 27–36.

11 Mais celles-ci sont peu nombreuses dans le monde latin avant le IIIe s. av. J.-C., qui est lemoment o les offrandes changent en partie de nature (sur ce processus, voir infra led�veloppement sur les offrandes mon�taires).

12 Parmi beaucoup d’autres exemples, on peut citer les couronnes d’or offertes par les Latins� Jupiter Optimus Maximus : Liv., II, 22, 6 (495 av. J.-C.) ; III, 57, 7 (448 av. J.-C.).

13 Le recyclage des offrandes de m�tal faites aux sanctuaires est bien connu dans le mondegrec : T. Linders, « The melting down of discarded metal offerings in greek sanctuaries »,dans G. Bartoloni, G. Colonna, C. Grottanelli �d., Anathema, cit. n. 4, p. 281–285 ; C.Ampolo, « Fra economia, religione e politica : tesori e offerte nei santuari greci », ibid. ,p. 271–279. Et voir en outre les analyses de S. B. Aleshire, The Athenian Asklepieion, thePeople, their Dedications, and the Inventories, Amsterdam, 1989, sur les inventaires del’Asklepieion d’Ath�nes, en partie pr�liminaires � une refonte des offrandes m�talliqueslist�es.

14 Voir � ce sujet la contribution fondatrice de M. Fenelli, « Contributo per lo studio delvotivo anatomico : i votivi anatomici di Lavinio », Arch. Class. , XXVII, 1975, p. 206–252.

15 Sur le « faci�s » de ces ensembles d’offrandes en terre cuite, cf. l’article classique d’ A.Comella, « Tipologia e diffusione dei complessi votivi in Italia in epoca medio- e tardo-repubblicana. Contributo alla storia dell’artigianato antico », MEFRA, 93, 1981, 2,p. 717–803 ; en outre les volumes de la collection Corpus delle Stipi votive in Italia,dirig�e par A. Comella et M. Torelli ; et maintenant, pour une large gamme d’exemples,le volume d’actes d’A. Comella, S. Mele (�d.), Depositi votivi e culti dell’Italia anticadall’et� arcaica a quella tardo-repubblicana. Atti del convegno di studi, Perugia, 1–4 giugno2000, Bari, 2005.

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moins long, dans ce qu’on appelle improprement des d�p�ts votifs et qu’il seraitplus exact d’appeler des d�charges ou des d�potoirs votifs16. En ce cas, lath�saurisation n’aurait pas de sens. Il en va de mÞme pour les offrandes enmat�riaux p�rissables, par exemple les tableaux votifs de bois, repr�sentant entreautres des marins �chappant aux p�rils de la mer, assez bien attest�s par un petitnombre de sources litt�raires17. Cela ne veut pas dire que ces offrandes n’aientpas eu au d�part un co�t, parfois �lev�, pour leur acheteur. Certaines d’entreelles, comme l’impressionnant ensemble de statues du sanctuaire oriental deMinerve, � Lavinium, exigent � coup s�r une main d’œuvre hautementsp�cialis�e, rel�vent de l’artisanat artistique et repr�sentent des membres des�lites locales, comme le montrent les reproductions de bijoux en terre cuitequ’elles exhibent, vraisemblablement surmoul�es directement sur des origi-naux18. Mais le prix � payer pour faire ex�cuter ces belles effigies en pied allaitsans doute � l’artisan et non au sanctuaire – mÞme si reste ouvert le probl�medes rapports entre ateliers et lieu de culte, rapport sans doute de simplecontigu t� dans la plupart des cas19. Le sanctuaire, lui, ne tirait pas profit de tousles dons en mat�riaux non pr�cieux qui y �taient d�pos�s, sinon indirectement.On sait que ce que nous appelons, avec une certaine marge d’approximation, unex-voto, n’est souvent qu’une offrande d’accompagnement de la r�solutionproprement dite du vœu, destin�e � la comm�morer. Or cette offrandeprincipale pouvait avoir un prix tarif�, une victime sacrificielle par exemple.

Quant aux offrandes de m�tal, celles qui poss�dent une valeur marchande,on en est le plus souvent r�duit � documenter en quelque sorte en n�gatif leurrecyclage, par leur absence des d�potoirs votifs. Au Lucus Feroniae par exemple,

16 O. de Cazanove, « Ex-voto de l’Italie r�publicaine : sur quelques aspects de leur mise aurebut », dans J.-L. Brunaux �d., Les sanctuaires celtiques et leurs rapports avec le mondem�diterran�en, Paris, 1991, p. 203–214.

17 Iuuen., Sat. XII, 17–28 (part. 24–28) ; Tibull. , I, 3, 27–28 ; Cic. , Nat. deor. , III, 37,89.

18 F. Castagnoli, M. Fenelli et alii, « Santuario orientale », dans Enea nel Lazio. Archeologia emito. Bimillenario virgiliano (cat. d’expo., Rome, septembre–d�cembre, 1981), Rome,1981, p. 187–271.

19 Le texte bilingue de la tuile de Pietrabbondante, trouv�e pr�s du temple B et provenantsans doute de sa toiture (A. La Regina, A. L. Prosdoscimi, M. Lejeune, REI SE, 44, 1976,p. 283–291), donne le nom de deux esclaves appartenant � Herennius Sattius. Celui-cipouvait Þtre le propri�taire de la fabrique qu’il est raisonnable de localiser �Pietrabbondante mÞme (J.-P. Morel, « Artisanat, importations et romanisation dans leSamnium aux IIe et Ier si�cles av. J.-C. », dans La romanisation du Samnium aux IIe et Iersi�cles av. J.-C. , Naples, 1991, p. 187–201, part. p. 195–199). Au sanctuaire d’Angitiasur les bords du Lac Fucin, les fouilles r�centes au lieu-dit « Tesoro » ont r�v�l� lapr�sence, en contrebas de la terrasse sur laquelle se dressaient trois �difices cultuels, d’unfour pour la cuisson des terres cuites votives : R. Cairoli, « L’area sacra di Anxa-Angitia »,dans A. Campanelli �d., Il Tesoro del Lago. L’archeologia del Fucino e la CollezioneTorlonia, Avezzano, 2001, p. 258–261 e 271–279, part. p. 259 et fig. 3 ; pl. � la p. 260.

Estienne / de Cazanove, Offrandes et amendes 9

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dans la couche de remplissage d’une fosse votive allong�e pertinente au boissacr�, on a trouv� des statuettes et des ex-voto anatomiques de terre cuite20, ainsique des bases de pierre pour des statuettes de bronze arrach�es (il reste danscertains cas les scellements de plomb)21. Il est �vident qu’au moment de mettreen rebut les offrandes obsol�tes ou endommag�es on a mis � part le m�tal pourle recycler. R. Bloch, qui a comment� voil� un demi-si�cle ce mat�riel qui venaitd’Þtre fouill�, en donnait une interpr�tation diff�rente. Pour lui, le pillage dusanctuaire par Hannibal en 211 expliquerait la disparition des statuettes,emport�es par ses soldats, tandis qu’ils auraient laiss� « par crainte religieuse …tout ce qui n’allumait pas leur cupidit� … »22 A vrai dire, dans son r�cit succinctdu pillage du sanctuaire, Tite-Live23 dit le contraire, et il vaut la peine des’arrÞter un instant sur ce passage : (Hannibal) « poursuivit sa route vers le boissacr� de Feronia (ad lucum Feroniae), temple illustre, � cette �poque, par sesrichesses (templum … inclutum diuitiis). Les Cap�nates et les autres peuplesvoisins, en y apportant les pr�mices des r�coltes et d’autres offrandes suivantleurs ressources, l’avaient par� d’or et d’argent (multo auro argentoque idexornatum habebant). De tous ces dons, le temple fut alors d�pouill�. Desmonceaux de bronze furent trouv�s apr�s le d�part d’Hannibal (aeris acerui …magni), parce que les soldats, pouss�s par la crainte religieuse, jetaient les lingots.Le pillage de ce temple (huius populatio templi) ne fait aucun doute pour leshistoriens … » Bien loin d’emporter un butin de bronze, les soldats pris descrupule s’en d�barrassent au contraire. G. Bodei Giglioni a quelques mots decommentaire de ce passage24 qui montrent qu’elle superpose le texte de Tite-Live et le commentaire arch�ologique que fait R. Bloch des fouilles de G. Foti.L’interpr�tation qu’elle donne n’est gu�re convaincante : elle voit dans laconduite des soldats d’Hannibal une offrande de substitution. Ils laisseraient dum�tal vil � la place de m�taux nobles. Elle compare cette conduite � celle tenuepar C�sar et Vitellius qui, selon Su�tone, remplacent dans les temples de Romel’or et l’argent par du bronze dor�, du laiton, de l’�tain. Mais, dans ces passages,l’insistance sur la couleur (on �change couleur contre couleur, dor� contre dor�,

20 A. M. Sgubini Moretti, G. Bordenache Battaglia, « Materiali archeologici scoperti aLucus Feroniae », dans Repertorio degli Scavi e Scoperte nell’Etruria meridionale, 3, 1971–1975, Rome, 1981, p. 110–132 ; 147 ; 149–151.

21 Ibid. , p. 145, n8 141 ; p. 152, n8 156 ; p. 153, n8s 157–158, 160–161.22 R. Bloch, G. Foti, « Nouvelles d�dicaces archa ques � la d�esse Feronia », RPh, 27, 1953,

p. 65–77.23 Liv. , XXVI, 11, 8–10 : (Hannibal) inde ad lucum Feroniae pergit ire, templum ea

tempestate inclutum diuitiis. Capenates aliique, qui accolae eius erant, primitias frugum eodonaque alia pro copia portantes, multo auro argentoque id exornatum habebant. Iisomnibus donis tum spoliatum templum. Aeris acerui, cum rudera milites, religione inducti,iacerent, post profectionem Hannibalis magni inuenti. Huius populatio templi haud dubiainter sciptores est ; cf. Sil. Ital. , XIII, 84–91.

24 G. Bodei Giglioni, loc. cit. � la n. 1, part. p. 49–50.

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argent� contre argent� : C�sar selon Su�tone remplace tre milia pondo auri partantumdem inaurati aeris25 ; quant � Vitellius, il d�robe les dons et les ornamentades temples en remplaÅant l’or par le laiton, l’argent par l’�tain26) montre bienque le dessein est ici de tromper, de faire illusion, et non de substituer.

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Un autre moyen de documenter indirectement la pr�sence de dons pr�cieux faitsau sanctuaire serait d’identifier les espaces o ils �taient exhib�s et/ou gard�s.Ces lieux sont ceux qu’on appelle g�n�ralement, dans le monde grec, desthesauroi, avec une ambigu t� bien connue27. Thesauros d�signe d’une part un�difice, d’autre part un tronc d’offrandes. Dans le monde romain (et italique),thesaurus, emprunt� bien s�r au grec, d�signe presque exclusivement le troncd’offrandes. On y reviendra28.

Le latin dispose de son c�t� du substantif donarium, mais lui aussi est�quivoque, quoique de mani�re diff�rente. Donarium d�signe dans les sourceslitt�raires � la fois l’offrande et le lieu o sont conserv�es les offrandes. Dans lesens de don, on rappellera un texte bien connu de Macrobe29 : par oppositionau temple et � l’�quipement cultuel d�dicac�s dans les r�gles « les boucliers,couronnes et dons de cette sorte ne sont que des ornements (ornamenta uero suntclipei, coronae et cuiuscemodi donaria)30. En effet, les dons (donaria) ne sont pasd�dicac�s au moment o l’on consacre le temple ». D’autres passages31 vont dansle mÞme sens, et l’on voit mÞme, dans le langage po�tique, donarium (ou plut�tdonaria, au pluriel) d�signer le temple, ou l’autel, puisque eux-mÞmes peuventavoir �t� des dons offerts � la divinit�32. Au contraire, les glossateurs etgrammairiens en font un lieu : « les donaria sont des lieux dans les temples, ol’on d�pose les dons »33. De mÞme, pour Apul�e, le canthare d’or vol� � la

25 Suet. , Diu. Iul. , 44, 3.26 Suet. , Vitell. , 5, 2 : dona atque ornamenta templorum surripuisse, et commutasse quaedam

ferebatur, proque auro et argento, stamnum et aurichalcum supposuisse.27 M.-C. Hellmann, L’architecture grecque. 2. Architecture religieuse et fun�raire, Paris, 2006,

p. 111–121.28 Infra, part. n. 83 et 95–96.29 Macrob., Sat. , III, 11, 16.30 Repris dans Granius Flaccus, Iurisprudentia, fr. 8.31 Ov., Amores, II, 13, 13 ; Valer. Flacc., Argonaut. , V, 644 ; Lucan., BC, IX, 516 ; SHA,

Maxim. duo, 19, 4 ; Diu. Aurelian. , 25, 6.32 Ov., Fast. , III, 335 ; Verg, Georg, III, 533.33 Serv. Auct., ad Aen. , II, 269 : donaria uero loca in templis, in quibus dona ponuntur ;

Serv. , ad Aen.XII, 199 : sacrarium proprie est locus in templo, in quo sacra reponuntur, sicutdonarium est, ubi ponuntur oblata, sicut lectisternia dicuntur, ubi homines in templo sedere

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Grande M�re des Dieux est restitu� et consacr� apud fani donarium, « dans letr�sor du temple ».34 Particuli�rement claire � cet �gard est, dans les Florides35, sadescription du donarium de l’H�raion de Samos : « le tr�sor de la d�esse(donarium deae) est particuli�rement opulent. Il renferme une somme consi-d�rable d’or et d’argent, sous forme de plats, de miroirs, de coupes et d’autresustensiles semblables. Il s’y trouve �galement une riche collection de bronzesfigurant toutes sortes de sujets, d’un travail ancien et admirable ».

Peut-on identifier arch�ologiquement ces lieux destin�s � la conservation, �la garde et � l’exhibition des offrandes, particuli�rement des offrandes de prix36 ?Il a d� s’agir souvent d’�difices annexes, portiques, chapelles analogues auxthesauroi grecs. Mais la d�finition des donaria donn�e par Servius, si elle aquelque valeur, invite � les chercher �ventuellement aussi � l’int�rieur mÞme destemples (donaria uero loca in templis, in quibus dona ponuntur). Ils devaient alorsse confondre presque avec ce que Servius, dans une autre glose, appelle sacraria(sacrarium proprie est locus in templo, in quo sacra reponuntur, sicut donarium est,ubi ponuntur oblata)37. En effet, « sous l’Empire, le terme [sacrarium] d�signesouvent une niche ou un reposoir dans un lieu de culte public, destin�s �accueillir des objets rituels », comme le notent A. Dubourdieu et J. Scheid dansun article sur la terminologie des lieux de culte. Mais ils rel�vent aussi que leterme, peu fr�quent, renvoie plut�t � des chapelles priv�es38. L’enquÞte resteenti�rement � faire pour d�tecter ce type d’am�nagements39.

consueuerunt ; ad Georg. , III, 532 : donaria autem proprie loca sunt, in quibus donareponuntur deorum, abusiue templa ; cf. de differ. , 524, 18.

34 Apul. , Met. , IX, 10.35 Apul. , Florid. , 15, 5–6 : ibi donarium deae perquam opulentum : plurima auri et argenti

ratio in lancibus, speculis, poculis et huiusce modi ustensilibus. Magna etiam uis aeris uarioeffigiatu, ueterrimo et spectabili opere (trad. P. Vallette, CUF, 1924) ; il est ensuite questiond’une statue de Bathyllos, ante aram.

36 L’article donarium dans le vol. IV du ThesCRA n’est d’aucun secours. En effet, selon unusage purement conventionnel en italien, donario d�signe ici l’ex-voto important, doncinamovible.

37 Supra, n. 33.38 A. Dubourdieu, J. Scheid, « Lieux de culte, lieux sacr�s : les usages de la langue. L’Italie

romaine », dans A. Vauchez dir., Lieux sacr�s, lieux de culte, sanctuaires. Approchesterminologiques, m�thodologiques, historiques et monographiques (Coll. �.F.R., 273),Rome, 2000, p. 59–80, part. p. 75–76, o ils citent les exemples suivants : les livresSibyllins sont conserv�s dans un sacrarium dans le temple de Jupiter (libri tres insacrarium conditi Sibyllini appellati : Gell. , NA, I, 19, 10) avant qu’Auguste ne les fasseenfermer dans deux armoires dor�es (duobus forulis auratis) sous la base de la statuecultuelle du temple d’Apollon Palatin : Suet. , Aug. , 31, 1 ; Serv. , ad Aen. , VI, 72. Lechariot processionnel de Jupiter (tensa) est rang� dans un sacrarium (Suet. , Vesp., 5, 7).Les lances de Mars sont conserv�es dans le sacrarium de la Regia (Gell. , N.A. , IV, 6, 2).Quant au terme de penetrale, Auguste (R. Gest. Diu. Aug. , 29, 2) l’emploie pour d�signerle lieu o, � l’int�rieur du temple de Mars Ultor, sont conserv�es les enseignes reprises

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On analysera cependant, � titre d’exemple, les am�nagements d’un templed�couvert voil� vingt ans mais sur lequel on ne dispose que de donn�espr�liminaires, celui de Castel di Ieri, en territoire p�lignien40. Le temple dont ilva Þtre question a �t� pr�c�d� par un premier �difice de culte avec �l�vation enbriques crues sur socle de pierre. A cette premi�re phase sont � attribuer lesoffrandes de terre cuite (tÞtes, masques, ex-voto anatomiques, statuettes de

Fig. 1. Plan du temple de Castel di Ieri (d’apr�s A. Campanelli, Il tempio italico di Castel diIeri, p. 18).

aux Parthes (ea autem signa in penetrali, quod est in templo Martis Vltoris, reposui). Laversion grecque montre qu’il s’agit d’un �quivalent d’adyton.

39 Au Lucus Feroniae, la « camera blindata » dont parle G. Bodei Giglioni, « Pecuniafanatica », cit. supra, p. 58, qui serait adjacente au temple de la d�esse, est en faitl’aerarium de la cit�, pratiqu� dans le podium de la basilique.

40 A. Campanelli, Il tempio italico di Castel di Ieri : architettura e religione dell’antica areasuperequana, Raiano, 2004, p. 15–30.

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bovins) datables sans doute pour la plupart du IIIe s. av. J.-C. Le temple primitifest remplac� dans un deuxi�me temps par un temple monumental, d’assezgrandes dimensions (15,12 x 19,8 m). Il est tripartite, de type toscan, surpodium avec escalier d’acc�s frontal (fig. 1). A. Campanelli tend � le dater « allafine del secondo secolo e comunque prima della guerra sociale »41. Elle le situeainsi dans la vague de constructions sacr�es du IIe s., av. J.-C. qui donne auxsanctuaires d’Italie centrale, et particuli�rement du Samnium, un aspectmonumental qui doit beaucoup aux exp�riences hell�nistiques, de Schiavid’Abruzzo � Pietrabbondante42. Au contraire, M. Buonocore qui a �tudi�l’inscription mosa qu�e qui s’�tend au seuil de la cella centrale, la date du milieudu Ier s. av. J.-C.43 Cette inscription mentionne l’�dification du temple ex pagidecreto, d’apr�s le d�cret du pagus44. On conna�t d’autres inscriptions latines enterritoire p�lignien qui mentionnent des travaux ex pagi decreto45. La naturecontrovers�e des pagi et uici, et particuli�rement leur pr�sence dans l’Italiecentrale apenninique, ne nous concernent pas directement et l’on se contenterade renvoyer � l’ouvrage r�cent de M. Tarpin46. Ce qui importe davantage ici,c’est la datation du temple. Il serait important de pouvoir choisir entre la fin duIIe s. et le milieu du Ier s. av. J.-C., parce qu’entre ces deux termes se trouve laguerre sociale. En tout �tat de cause, mÞme avant la guerre sociale, il est possibleque nous nous trouvions dans la partie du territoire p�lignien annex�e par

41 Ibid. , p. 26.42 A. La Regina, « Il Sannio », dans Hellenismus in Mittelitalien. Kolloquium in Gçttingen

1974, Gçttingen, 1976, p. 219–244 ; G. Tagliamonte, I Sanniti, Milan, 1996, p. 185–193.

43 M. Buonocore, « Roma e l’Italia centrale dopo la guerra sociale : amministrazione,territorio e comunit� », Panorami. Riflessioni, discussioni e proposte sul diritto el’amministrazione, 8, 1, 1996 [1998], p. 19–31 = L’Abruzzo e il Molise in et� romanatra storia ed epigrafia, I, L’Aquila, 2002, p. 29–45, part. p. 41 et fig. 1.

44 Sup. It. , 22A, 58 = AE, 2004, 489 : C(aius) [Vib]idius C(ai) f(ilius) Ser(gia) Decr(ianus)L(ucius) P[eti]edius V(ibi) [f(ilius)] / [ae]de(m) fac(iendam) ex pag(i) de[cr(eto)] c(urave-runt) eid(em)q(ue) [p(robaverunt)] .

45 CIL, I2, 1794 = IX, 3137 = ILS, 5643 = ILLRP, 621 (Prezza-Lavernae) : T(itus) AnniusT(iti) f(ilius) Rufus / L(ucius) Septimius Sa(lvi) f(ilius) Dentio / L(ucius) Annius T(iti)f(ilius) Gritto magistr(i) / ex pagi d(ecreto) scaina(m) fac(iendam) coir(averunt) / T(itus)Annius T(iti) f(ilius) Ruf(us) L(ucius) T(iti) f(ilius) Gritto / probaverunt ; CIL, I2, 1801 =ILS, 5575 = ILLRP, 635 (Pescosansonesco) : [—] / Sentius C(ai) f(ilius) P(ublius) VettiusT(iti) f(ilius) L(ucius) Avidius L(uci) f(ilius)/ C(aius) Arrius L(uci) f(ilius) / T(itus) Vinuci/us Tit(–) f(ilius) L(uicus) Ateius V(ibi) f(ilius) / mag(istri) Mart(is) fornice(m) / et parietescaementicios / ex pagi decr(eto) faciundum / coer(arunt) probaruntq(ue) ; CIL, I2, 1797 =IX, 3312 = ILS, 5773 = ILLRP, 671 (Secinaro / Superaequum) : T(itus) Statius P(ubli)f(ilius) Marr(-) / T(itus) Ammaus P(ubli) f(ilius) Nerva / C(aius) Caedius T(iti) f(ilius)Pansa / aed(iles) ex p(agi) d(ecreto) aquam / saliendam c(uraverunt). Cf. M. Buonocore,« Roma e l’Italia centrale », cit. supra, p. 41–43.

46 M. Tarpin, Vici et pagi dans l’Occident romain (EFR, 299), 2002.

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Rome, d�s 305 av. J.-C., et � laquelle avait �t� conc�d�e la citoyennet�47. Lemunicipe de Superaequum (Castelvecchio Subequo) sera cr�� un peu plus tard,apr�s le milieu du Ier s. av. J.-C. et, selon l’opinion courante, par la r�union despagi connus �pigraphiquement.

En tout �tat de cause, l’inscription et le temple sont contemporains. Le seuilde mosa que n’est pas une r�fection mais fait partie du sol originel des cellae,d’opus signinum � tesselles. Ce sol par contre a subi des modificationspost�rieures, en particulier lorsque a �t� install�e, dans la cella centrale, unpodium massif recouvert d’enduit noir, �videmment destin� � la statue de culte.Les morceaux de celle-ci, en marbre blanc vein�, ont �t� retrouv�s �pars dans lacella, mais mÞme hors du temple. Il s’agit d’une Ath�na � l’�gide, nettement plusgrande que nature48.

La base de la statue de culte mord sur le cadre noir du pavement, maissurtout elle a oblit�r� un seuil de pierre qui s’�tend sur toute la largeur de la cellacentrale. La position de ce seuil est apparemment aberrante, � une soixantaine decm du fond de la cella. D’ailleurs, le mÞme type de dispositif se trouve dans lescellae lat�rales49 : de la mÞme mani�re, � une soixantaine de cm en avant de laparoi du fond, des seuils continus barrent transversalement tout l’espace. A quoipouvaient-ils bien servir ? Il s’agit en fait de la base d’une grille m�tallique. Lesbarreaux verticaux eux-mÞmes ont disparu, mais les mortaises d’encastrementsubsistent. Au milieu de la grille s’ouvrait une porte � deux battants,vraisemblablement grillag�e elle aussi (fig. 2). Grce � cet am�nagement, lesobjets appendus au mur du fond �taient en mÞme temps visibles et inaccessibles,

47 Diod. Sic., XX, 90, 3.48 A. Campanelli, Il tempio italico di Castel di Ieri, cit. supra, p. 18–21.49 … qui ne sont peut-Þtre que de simples alae ; l’�tat de conservation des vestiges ne

permet pas de trancher.

Fig. 2. Base de la grille au fond d’une cella lat�rale du temple (d’apr�s A. Campanelli, Iltempio italico di Castel di Ieri, p. 20).

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sauf lorsqu’on ouvrait la porte, qu’on imagine bien s�r ferm�e � clef, pour lesmettre en place ou au contraire les retirer. On peut penser � la rigueur � desarchives, si l’on avait affaire � des tables de bronze ; mais l’hypoth�se la plusprobable est qu’on y gardait des objets pr�cieux, � la fois exhib�s et bienprot�g�s.

Par analogie, on pourrait proposer de reconna�tre dans les petites pi�cessitu�es � l’arri�re des cellae lat�rales – et quelquefois centrale – des templestripartites des IIe-Ier s. av. J.-C., des donaria ou des sacraria, des chambres dutr�sor, p. ex. � Luni, Cori, Minturnes, Pietrabbondante, Aquinum (mais d�j�dans le temple A de Pyrgi, vers 450 av. J.-C.50) ; c’est en fait une variante assezcourante du plan type du temple toscan (fig. 3).

Dans d’autres cas, les offrandes, pr�cieuses ou non, �taient simplementdispos�es contre la paroi du fond de la cella, suspendues ou sur des �tag�res. La

50 Pyrgi. Scavi nel santuario etrusco (1959–1967), II Suppl. NSA, 1970, p. 23–47. Aucontraire, le temple de Junon Moneta � Segni, longtemps consid�r� comme tardo-archa que et pourvu de deux locaux derri�re les cellae lat�rales dans la restitution deDelbr�ck, serait datable de la fin du IIe s. av. J.-C. et poss�derait bien trois cellae, maissans pi�ces post�rieures selon F. M. Cifarelli, Il tempio di Giunone Moneta sull’acropoli diSegni. Storia, topografia e decorazione architettonica (Studi su Segni antica, 1), Rome,2003, p. 72 et 80.

Fig. 3. Temples tripartites pourvus de pi�ces post�rieures : en haut, de gauche � droite : Pyrgi,temple A (d’apr�s Colonna) ; Luni, Capitole ; Pietrabbondante, temple B ; Aquinum, grandtemple. En bas, de gauche � droite : Cori, temple des Disocures ; Luni, grand temple ;

Minturnes, temple de Jupiter (d’apr�s P. Pensabene et P. Gros).

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fouille du sanctuaire de Feronia � Poggio Ragone en territoire vestin, r�cemmentpubli�e51, a permis de documenter le mobilier en position de chute � l’int�rieurde la cella d’un temple � alae. Au mur du fond, � gauche, �tait suspendue unecouronne de bronze, dont il ne reste plus que l’armature ; � droite, toujourscontre la paroi du fond, un meuble de bois reposant sur deux bases de pierreencore in situ permettait de ranger de la vaisselle c�ramique et m�tallique, ainsiqu’une statuette en bronze de Jupiter. Le centre de la cella �tait occup� par unebase carr�e flanqu�e d’un c�t� par une table d’offrandes circulaire, une mensadont est tomb�e une pat�re de bronze � ombilic, portant une d�dicace �Feronia52, et de l’autre c�t� par un tambour de colonne cylindrique53. Si tout cemat�riel est r�ellement in situ ou du moins en position de chute54, on tient l�une image pr�cise et vivante de l’int�rieur d’une cella, avec tout son �quipement.Bien s�r, pour permettre de garder efficacement les objets de valeur qu’ellecontenait, la cella devait fermer � clef. On a effectivement retrouv� la serruretomb�e sur le seuil55. La chambre cultuelle � Poggio Ragone et sans doute dansbeaucoup de temples, dans d’autres cas comme � Castel di Ieri la partiepost�rieure de la cella, ailleurs encore des �difices annexes, jouent le r�le dechambres fortes o sont gard�es les offrandes pr�cieuses.

2. Les offrandes mon�taires et les troncs d’offrandes, stipes et thesauri

Des offrandes d’objets pr�cieux, m�talliques ou autres, ont toujours �t� faites, onl’a vu, dans les sanctuaires d’Italie, depuis l’�poque archa que (ainsi les pen-dentifs d’argent et les fibules de bronze du « d�p�t votif ancien » de Mater

51 M. R. Sanzi Di Mino, A. R. Staffa, « Il santuario italico-romano della dea Feronia inlocalit� Poggio Ragone di Loreto Aprutino (PE) », Rend. Pont. Accad. , 69, 1996–1997[2000], p. 155–186 ; M. R. Sanzi Di Mino, « I materiali votivi del santuario di Feroniaa Loreto Aprutino », dans Dalla valle del Fino alla valle del medio e alto Pescara, Pesacara,2003, p. 134–139.

52 AE, 1999, 594 : Fer(oniae) aed(i) C(aius) Vibius C(ai) f(ilius) Carbo.53 Il s’agit de la base de la statue de culte selon les �diteurs du monument (M. R. Sanzi Di

Mino, A. R. Staffa, « Il santuario italico-romano della dea Feronia », cit. supra, p. 166–169 et fig. 11). Mais M. H. Crawford, « Thesauri, hoards and votive deposits », dans O.de Cazanove, J. Scheid �d., Sanctuaires et sources. Les sources documentaires et leurs limitesdans la description des lieux de culte, Naples, 2003, p. 69–84, part. p. 84, a r�cemmentpropos� de le r�interpr�ter comme base d’un tronc � offrandes mon�taires.

54 … car on ne peut exclure tout � fait que le mobilier ait �t� entass� l� au moment de lad�saffectation du petit temple.

55 M. R. Sanzi Di Mino, A. R. Staffa, « Il santuario italico-romano della dea Feronia », cit.supra, p. 164–166, fig. 8–10.

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Matuta � Satricum56) jusqu’� celle de Cic�ron et, au-del�, sous l’Empire. Lecand�labre d’or serti de gemmes qu’Antiochos voulait offrir � Jupiter Capitolinen est probablement l’exemple le plus c�l�bre57, tandis qu’une inscriptionprovenant du sanctuaire de Diane � Nemi fournit une liste sans doute asseztypique d’objets inventori�s pour leur valeur : dix-sept statues, une tÞte de Sol,quatre bustes d’argent, un bouclier, deux autels de bronze, puis, parmi d’autresdons, de la vaisselle et des bijoux enrichis de pierres pr�cieuses, ainsi que desvÞtements58.

En revanche, les dons de moindre prix, ceux du tout-venant pourrait-on dire– donc de loin les plus nombreux – ont chang� avec le temps, mÞme si cechangement a �t� moins radical et plus �tal� qu’on ne le dit souvent. Les ex-votoanthropomorphes et anatomiques de terre cuite, omnipr�sents dans les lieux deculte de l’Italie m�dio-r�publicaine, disparaissent progressivement d�j� � partirde deuxi�me moiti� du IIIe, et au IIe s. av. J.-C. Certes, ce ph�nom�ne doit Þtrenuanc� : d’abord parce que la nature mÞme de la documentation arch�ologiquefait en sorte qu’est surrepr�sent�, on l’a dit plus haut, le mat�riel non recyclable,de terre cuite. En r�alit�, les mÞmes cat�gories d’offrandes, les ex-votoanatomiques en particulier, continuent � exister, de mani�re limit�e, jusqu’enpleine �poque imp�riale, mais r�alis�s en m�tal, bronze et argent, si bien qu’onn’en a plus que des attestations indirectes, �pigraphiques59. Ensuite, les

56 G. Bartoloni, G. Colonna, F.-W. von Hase, dans Civilt� del Lazio primitivo, Rome,1976, p. 328–334, part. 1–3, 32–35, 36–47.

57 Cic. , II Verr. , 4, 28–30.58 CIL, XIV, 2215 = ILS, 4423 : Res traditae fanis utrisque / signa n(umero) XVII caput Solis

I imagines / argenteas IIII clupeum I aras aeneas / duas delphicam aeneam spondeum I /argenteum et patera basileum ornatum / ex gemmis n(umero) I sistrum argenteum inauratum/ spondeum inauratum patera cum frugibus / collarem ex gemmis beryllis spat(h)alia cum /gemmis II collarem alterum cum gemmis / n(umero) VII inaures ex gemmis n(umero) Xnauplia II / pura corona analempsiaca I cum gemmis / topazos n(umero) XXI et carbunculosn(umero) LXXXIIII cancelli / aenei cum Hermulis n(umero) VIII intro et foras / vestemlineam tunicam I pallium I zona I / cum segmentis argenteis stola I vestem altera / lintea puratunicam pallium stola zona / Bubasto vestem syricam purpuream et / callainam labellummarmoreum cum / columella hydria Hypsiana et lintea / purpurea cum clavis aureis et zona /aurea tunicas II praecincta et discincta / et palliolum vestem altera alba tunica / stola zona etpallium. La mention de Bubastis fait supposer que ces objets pr�cieux �taient conserv�sdans un lieu de culte mineur consacr�, � l’int�rieur du sanctuaire principal, aux divinit�s�gyptiennes.

59 Sur ce point, O. de Cazanove, « Oggetti muti ? Le iscrizioni degli ex voto anatomici nelmondo romano », dans Religious dedications in the Greco-Roman World (InstitutumRomanum Finlandiae – American Academy of Rome, 19–20 aprile 2006), Rome, 2009.L’un des exemples les plus clairs est la rate d’argent offerte � Esculape � Rome mÞme parN�ochar�s Julianus, affranchi imp�rial du IIe s. de notre �re : IGVR, 105 et I, 84 et suiv.)sjkgpi` he[`] / l. ecist` [s]yt/[qi] / eqe.q. [c]´t, emwo[m] / spkgm¹r syhe·r / ".p¹ s_mwiq_m / o.x tºde d. ?cla !q/c¼qeom eqwaqist[¶]/qiom he` Meow²q[gr] / [S]ebasto[O

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d�charges dans lesquelles sont entass�s les ex-voto de terre cuite mis au rebut nesont quelquefois constitu�es que tr�s tardivement : la fosse de la porte Nord �Vulci, avec ses abondantes s�ries d’enfants en langes et ses remarquables terrescuites model�es � la main (tÞtes janiformes, statuettes, maquettes d’�difices) n’estpas scell�e avant l’�poque flavienne60.

Malgr� ces nuances, le ph�nom�ne garde sa force cumulative : il reste vraiqu’� l’�poque tardo-r�publicaine, on n’offre plus qu’exceptionnellement des ex-voto de terre cuite. Pourquoi ? On a voulu mettre en rapport la disparition desdons de terre cuite avec l’appauvrissement et la disparition des petitspropri�taires ruraux d’Italie Centrale – qui auraient �t� les donateurs61. Ceraisonnement est � y bien regarder paradoxal. Dans d’autres cat�gories d’objetsmanufactur�s, la terre cuite devient �galement d’usage moins fr�quent au coursdu IIIe s. av. J.-C. On pensera par exemple aux formes ferm�es et profondes(cruches et gobelets) qui disparaissent � cette �poque du r�pertoire de lac�ramique � vernis noir. Dira-t-on que la client�le n’avait plus les moyensd’acheter ce type de service � boire ? C’est au contraire la concurrence des vasesm�talliques que l’on met en avant62, un nouveau go�t du luxe induit par laconquÞte. Dans un autre ordre d’id�es, si l’on d�die d�sormais dans les templesd’Italie, � partir du IIe s. av. J.-C., d’autres statues divines que celles de bois oude terre cuite, ce qui avait �t� la r�gle jusqu’alors63, c’est l’enrichissement globaldes Romains et de leurs alli�s, et non leur appauvrissement qui en est la cause.Le luxe import� de l’Orient, la luxuria asiatica, impose � pr�sent ses mod�les decomportement. Et l’on pourrait dire la mÞme chose des d�cors architecturaux deterre cuite des temples de Rome (les antefixa fictilia deorum Romanorum) quiparaissaient obsol�tes et risibles aux contemporains de Caton l’Ancien64.

!p]ek[e¼]/[h]eqor Youkiam[ºr] ; cf. M. Besnier, L’�le Tib�rine dans l’antiquit� (BEFAR,87), Paris, 1902, p. 213.

60 Le t�moignage formel de S. Paglieri, « Una stipe votiva vulcente », RIASA, 9, 1960,p. 74–96, part. p. 75, qui fait �tat d’une s�quence ininterrompue de monnaies pr�sentesdans la fosse jusqu’� Domitien, est r�voqu� en doute, sans raison valable, par A. Pautasso,Il deposito votivo presso la porta Nord a Vulci (Corpus delle stipi votive in Italia VII – RegioVII, 3), Rome, 1994, p. 91 et 108, n. 407.

61 P. Pensabene, « Doni votivi fittili di Roma : contributo per un inquadramento storico »,Archeologia Laziale, II, Rome, 1979, p. 217–222 ; Id., « Contributo delle terrecottevotive alla storia dei culti di Praeneste e dei suoi rapporti con altri centri etrusco-laziali »,dans A. Comella, S. Mele (�d.), Depositi votivi e culti dell’Italia antica, cit. n. 15, p. 127–138, part. p. 136.

62 J.-P. Morel, La c�ramique campanienne. Les formes (BEFAR, 244), Rome, 1981, p. 505.63 Plin., NH, XXXIV, 34 : lignea potius aut fictilia deorum simulacra in delubris dicata usque

ad deuictam Asiam, unde luxuria.64 Liv., XXXIV, 4, 4 : iam nimis multos audio Corinthi et Athenarum laudantes mirantesque,

et antefixa fictilia deorum Romanorum ridentes.

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Il est donc vraisemblable que les dons de terre cuite ont �t� progressivementrelay�s par d’autres mat�riaux : inscriptions sur pierre et sur bronze65, objets dem�tal (statues et statuettes, quelques ex-voto anatomiques66, vaisselle et mobiliercultuel, �quipement et parure67) accompagn�s ou non d’inscriptions, et surtoutm�tal monnay�. La grande majorit� des objets de m�tal non monnay� a d� Þtrefondue et recycl�e68. Quant aux monnaies romaines conserv�es provenant delieux de culte (p. ex. � Nemi, Gabii69, Carsoli70, Bolsena71, Tessennano72, San

65 S. Panciera, « Le iscrizioni votive latine », dans G. Bartoloni, G. Colonna, C. Grottanelli�d., Anathema. Regime delle offerte e vita dei santuari nel Mediterraneo antico (Roma, 15–18 giugno 1989), Scienze dell’antichit�, 3–4 (1989–1990), p. 905–914 ; l’auteur noteen particulier (p. 909) : « fra III e II sec. si ha anche ampio uso d’iscrizioni su laminabronzea, un po’ ovunque. Passato questo periodo entrambi gli usi si assottigliano sinquasi a scomparire ». Aux exemples cit�s n. 49 de cet article, on ajoutera entre autres leslamelles de bronze avec des noms de divinit�s, de la 2�me moiti� du IIIe s. , de Mesa diPontinia (Latina) : N. Cassieri, dans Il Lazio, regione di Roma, Rome, 2002, p. 65–66 ;ou encore les d�dicaces campaniennes � Iouis Tifatinus : M. Minoja, B. Grassi, « SanPrisco (Caserta). Localit� Monte Tifata. Scavi al tempio di Giove Tifatino », BA, 37–38,1996, p. 88–91 ; S. De Caro, B. Grassi, M. Minoja et al. , « Nuovi dati per il santuariocapuano di Giove Tifatino », dans RendNap. , 67, 1997–98, p. 15–29.

66 R�f�rences dans l’art. cit. supra, n. 59 (rate d’argent de N�ochar�s Julianus, oreillesd’argent de L. Callidius Primus [CIL, XI, 1295], etc.).

67 Pour l’offrande de fibules � l’�poque imp�riale, voir V. Rey-Vodoz, « Les fibules gallo-romaines de Martigny VS », Jahrbuch der Schweizerischen Gesellschaft f�r Ur- undFr�hgeschichte, 69, 1986, p. 149–198.

68 Supra, n. 13.69 M. H. Crawford, « Thesauri, hoards and votive deposits », cit. n. 53, p. 80–84, donne

une liste provisoire des monnaies associ�es � des « d�p�ts votifs » et la commente.70 A. Cederna, « Carsoli. Scoperta di un deposito votivo del III secolo av. Cr. », NSA, 1951,

p. 169–224, part. p. 178–185. Aux 2,9 kgs d’ « aes rude » (sur lesquels D. Ferretti,« L’‘aes rude’ du d�p�t votif de Carsoli », Bull. Soc. Fr. Num. , 44, 1989, p. 589–591 ;Id., « Aes rude. Forme standardizzate a Carsoli ? », dans Actes XIe Congr�s int.Numismatique, Bruxelles, 1991, Louvain, 1993, p. 95–97) s’ajoutent 712 monnaies debronze et 16 d’argent, essentiellement du IIIe s. av. J.-C., d�couvertes en 1950, et plusd’une centaine d’exemplaires trouv�s en 1906 : M. C. Biella, « Contributo per unarilettura della stipe di Carsoli. I rinvenimenti del 1906 », Arch. Class. , 57, 2006, p. 347–370.

71 E. Gabrici, « Scavi nel sacellum della Dea Nortia sul Pozzarello », MonAL, 16, 1906,col. 169–240, part. 46 et 51 : env. 2000 monnaies du IIIe s. av. J.-C. � l’�poqueimp�riale ; cf. V. Acconcia, Il santuario del Pozzarello a Bolsena ‘scavi Gabrici 1904)(Corpus delle stipi votive in Italia, X, reg. VII, 5), Rome, 2000. Un tr�sor mon�tairecomprenant 719 exemplaires entre le milieu du IIIe s. et l’�poque de Nerva a en outre �t�trouv� dans les fouilles de l’Ecole FranÅaise de Rome en 1961 : J.-P. Callu, F. PanviniRosati, « le d�p�t mon�taire du Pozzarello (Bolsena) », MEFR, 76, 1964, p. 51–90.

72 C. Angeletti, dans S. Costantini, Il deposito votivo del santuario campestre di Tessennano(Corpus delle stipi votive in Italie,VIII), Rome, 1995, p. 127–140 (IIIe-IIe s. av. J.-C.) ;cf. I. Edlund-Berry, dans Thesaurus Cultus et Rituum Antiquorum, I, 2004, p. 375–376.

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Pietro di Cantoni73, Rossano di Vaglio74) ou au moins document�es (p. ex.Pesaro75 ou Mandoleto pr�s de P�rouse76), elles ne repr�sentent � l’�videncequ’une infime partie de celles qu’on y avait offert77. Elles ont �t� remises encirculation dans leur immense majorit� (sans doute selon les mÞmes modalit�s etaux mÞmes conditions que celles qu’�nonce la loi de Furfo en 58 av. J.-C. pourles offrandes revendues78), ou �ventuellement elles aussi refondues. Aussi less�ries les plus nombreuses que l’on poss�de sont des monnaies jet�es dans l’eau,qui n’�taient pas faites pour Þtre r�cup�r�es, ou ne l’�taient que de loin enloin79 : par exemple dans la source chaude des Aquae Apollinares � Vicarello, pr�sdu lac de Bracciano80, dans le « lago degli Idoli » au Monte Falterona81, ou

73 F. Catalli, « Le monete », dans M. Matteini Chiari �d., La Dea, il Santo, una Terra.Materiali dallo scavo di San Pietro di Cantoni di Sepino, Rome, 2004, p. 163–175.

74 A. Siciliano, A. Stazio, « Macchia di Rossano. La documentazione numismatica », dansDa Leukania a Lucania. La Lucania centro-orientale fra Pirro e i Giulio-Claudii, Rome,1992, p. 86–90 ; A. Siciliano, G. Sarcinelli, « Metapontum – Siris/Herakleia : ladocumentazione numismatica », dans Presenza e funzioni della moneta nelle chorai dellecolonie greche dall’Iberia al Mar Nero. Atti del XII Convegno di Studi Numismatici, Napoli2000, Rome, 2004, p. 247–304, part. p. 254–257.

75 M. T. Di Luca, « Il lucus Pisaurensis », dans Pesaro nell’antichit�. Storia e monumenti,Venise, 1984, p. 91–107, part. p. 73 ; Ead., Il lucus Pisaurensis, Pesaro, 2004 ; M. H.Crawford, « Thesauri, hoards and votive deposits », cit. n. 53, p. 82.

76 C. Cagianelli, « La stipe di Mandoleto (Perugia). Nuovi-vecchi dati per lo studio dei cultidel Trasimeno », dans A. Comella, S. Mele (�d.), Depositi votivi e culti dell’Italia antica,cit. n. 15, p. 295–306, part. p. 295 et 298.

77 Les monnaies retrouv�es dans les lieux de culte de l’Italie septentrionale constituent uncas � part : voir P. P. Agostinetti, « Torques d’oro e monete come offerte votive dei CeltiCisalpini », dans G. Bartoloni, G. Colonna, C. Grottanelli �d., Anathema, cit. n. 4,p. 437–464, part. p. 451–456.

78 CIL, I, 756 = CIL, IX, 3513 = ILS, 4906 = ILLRP, 508, d�j� cit� � la n. 3.79 M. H. Crawford, « Thesauri, hoards and votive deposits », cit. n. 53, attire l’attention sur

une inscription de Narnia qui mentionne l’utilisation des monnaies provenant d’un lac :CIL, XI, 4123 = ILS, 5446 : Q(uintus) Lae[lius(?) -] f(ilius) Pal(atina) Pietas / C(aius)Vib[ius – f(ilius) P]ap(iria) Secundus / IIIIvir [quinq(uennalis ?) e]x stipe quae ex / lacuV[elino ? e]xsempta erat / signum [—c]urarunt valvas / ahen[as—]s et superlimen [la]/pide[um] et fastigium M—] / [3 porti]cum adorn[averunt] / [—Q(uinto) Volu]sio P(ublio)Corn[elio co(n)s(ulibus).

80 A. M. Colini, « La stipe di Vicarello. Notizie sul complesso dlla scoperta », Rend. Pont.Accad., 40, 1967–1968, p. 35–56 ; F. Panvini, « Monete della stipe di Vicarello nelMuseo Nazionale Romano », ibid. , p. 57–74 ; L. Gasperini, « Le terme-santuario diStigliano e Vicarello nel Foroclodiense », dans Usus veneratioque fontium. Atti delConvegno internazionale di studio su Fruizione e culto delle acque salutari in Italia, Roma-Viterbo, 29–31 ottobre 1993, Tivoli, 2006, p. 189–225.

81 L. Fedeli, « La stipe votiva del Lago degli Idoli », dans Etruschi nel tempo. I ritrovamenti diArezzo dal’500 ad oggi, Florence, 2001, p. 89–110.

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encore dans le torrent sulfureux du sanctuaire de M�fitis, � Ansanto82. Le don depi�ces de monnaie dans un lieu de culte peut aussi Þtre document�e de mani�reindirecte, grce aux troncs d’offrandes (les thesauri) qui se multiplientpr�cis�ment dans l’Italie r�publicaine � partir du IIe s. av. J.-C.83 On enreparlera dans un instant.

La pratique de l’offrande de monnaies dans les sanctuaires du monderomain n’est au fond qu’un cas particulier d’un ph�nom�ne plus g�n�ral : Romese dote progressivement d’une �conomie mon�taire � partir du IIIe s. av. J.-C.,et surtout de la mise en place du syst�me du denier et de la r�duction semilibralepuis sextantaire lors de la Deuxi�me Guerre Punique. La masse de num�rairecro�t �norm�ment � partir de cette �poque, si bien que le m�tal monnay� devient�galement disponible pour Þtre donn� aux dieux. Ce moyen de s’acquitter enversla divinit� pr�sente une souplesse in�dite, puisqu’il permet aussi bien lepaiement de taxes (sacrificielles, d’acc�s au lieu de culte …), mais peut�galement Þtre proportionn� aux ressources de chacun, � l’importance qu’ilentend donner � son offrande personnelle. En 212 av. J.-C., pour c�l�brer lesJeux Apollinaires, le peuple est pri� d’apporter � Apollon une stips du montantappropri� (stipem quantam commodum esset), sous-entendu aux disponibilit�s desparticuliers84. Stips d�signe, on le sait, les monnaies donn�es en contextereligieux, mÞme si le mot a aussi des acceptions profanes. On l’entend souventcomme « menue monnaie », alors qu’en r�alit� elle vaut quelle que soitl’importance de la somme, comme le montre bien l’exemple de 212.

Cette mon�tarisation de l’offrande ne veut pas seulement dire et n’impliquepas forc�ment que tous les dons aux dieux se feront en argent. C’est loin d’Þtre lecas. Elle signifie plut�t que l’offrande poss�de une valeur mesurable (p. ex. on

82 O. de Cazanove, « Le lieu de culte de M�fitis dans les Ampsancti ualles : des sourcesdocumentaires h�t�rog�nes », dans O. de Cazanove, J. Scheid �d., Sanctuaires et sources.Les sources documentaires et leurs limites dans la description des lieux de culte, Naples, 2003,p. 145–178, part. p. 175–176, avec bibliographie pr�c�dente.

83 D. Nonnis, « Un ‘thesaurus’ iscritto d’et� repubblicana da Anagni », Rend. Pont. Accad. ,67, 1994–1995, p. 153–165, part. p. 155 : « per quanto concerne il mondo romano,monumenti identificabili come thesauri cominciano a diffondersi a partire dal II sec. a.C., con una certa concentrazione nei decenni finali e nel secolo successivo » ; Id.,« Dotazioni funzionali e di arredo in luoghi di culto dell’Italia repubblicana », dans O. deCazanove, J. Scheid �d., Sanctuaires et sources, cit. supra, p. 25–54, part. p. 33.

84 Liv. , XXV, 12, 14 : ludos praetor in circo maximo cum facturus esset, edixit ut populus pereos ludos stipem Apollini, quantam commodum esset, conferret. Un peu plus haut, Tite-Live(XXV, 12, 9) rapporte que les carmina marciana avaient stipul�, non sans obscurit�, quele peuple devait participer � la c�l�bration des Jeux aux frais du tr�sor, ex publico, maispr�vu aussi « que les particuliers y contribuent pour eux et pour les leurs », cum populusdederit ex publico partem, priuati uti conferant pro se atque suis. Sur le sens de stips, voir J.-L. Desnier, « Stips », RHR, 204, 3, 1987, p. 219–230.

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donne � Esculape-Eshmun Merres un autel de bronze de 100 livres85, � Sylvainun buste d’Hadrien pesant une livre d’argent86, � Fortuna Primigenia 11 livres, 9onces, 11 scrupules d’argent87 sans qu’on sache mÞme sous quelle forme le m�talpr�cieux se pr�sentait …) et surtout monnayable : parmi les rares souscriptionsde vœu (nuncupationes uoti) �pigraphiques que l’on poss�de pour le monderomain, un graffiti sur enduit peint du sanctuaire de Chteauneuf en Savoie estparticuli�rement explicite : « je sacrifierai � Mercure 5 deniers (ou plus) et �Maia je sacrifierai deux deniers et demi »88. Dans ce texte du d�but du Ier s. denotre �re, l’indication de sommes d’argent en guise d’offrandes indique peut-Þtre que le souscripteur, qui reste pour nous anonyme, va effectivement donnerdes pi�ces de monnaie � Mercure et Maia. Mais une solution certainementpr�f�rable est de penser qu’il va sacrifier du b�tail pour une contre-valeur�quivalente. En ce cas, l’accent est mis, non par exemple sur l’esp�ce de lavictime ou ses caract�res morphologiques (qu’elle soit adulte, sans d�faut, etc.),mais purement sur son prix. En tout �tat de cause, ce qu’il importe de souligner,c’est que les dons faits aux dieux, comme les autres formes de l’�change social,rentrent d�sormais pleinement dans une �conomie mon�taire. Elles sontdonn�es pour ce qu’elles valent.

Revenons aux modes de pr�sentation de l’offrande mon�taire, stips : elle peutÞtre d�pos�e sur la table d’offrandes, la mensa, devant la divinit�, ce qui ressortd’un texte de Macrobe souvent cit�89. Elle peut Þtre jet�e dans l’eau, comme aux

85 Inscription trilingue de S. Nicol� Gerrei en Sardaigne, milieu du IIe s. av. J.-C. : CIL, I2,2226 = ILLRP, 41.

86 G. G. Pani, dans Sesta Miscellanea Greco-Romana, Rome 1978, p. 420–433, fig. 2 = AE,1979, 62 : Numini sacrum / Silvano sancto / salutari conservator(i) / restituto / Ti(berius)Cl(audius) Priscus s(ua) p(ecunia) d(onum) d(edit) / collegio item imaginem / ImperatorisCaesaris / Hadriani Augusti / argenteam p(ondo) I cum basi aerea / de suo d(onum) d(edit)actum VII K(alendas) Iunias / Q(uinto) Gargilio Antiquo Q(uinto) Vibio Galloco(n)s(ulibus).

87 CIL, VI, 194 = XIV, 2861 : Nomaeus / Neronis / Aug(usti) l(ibertus) / tabularius /Fortunae / Primigeniae / votum solvit / ex arg(enti) p(ondo) XI j(unciis) IX s(cripulis) XI.

88 AE 1984, 635 = 1993, 1112b : [—sacr]ificabo Mer[c]urio j(denariis) V[—] / et Maiae /sacrifica[b]o j(denariis) II s(emisse). Cf. C. Mermet, « Le sanctuaire gallo-romain deChteauneuf (Savoie) », Gallia, 50, 1993, p. 95–138, part. p. 106–107 ; Id., « Ch-teauneuf-les-Boissons : un sanctuaire d’agglom�ration secondaire », dans J.-P. Jospin �d.,Les Allobroges. Gaulois et Romains du Rh�ne aux Alpes, Gollion, 2002, p. 158–159. Led�but de la nuncupatio, plus lacunaire, est d’interpr�tation difficile : [—cum primum(?)h]abuero j(denarios) V[—] / [—tum don]um ponam j(denarios) XII s(emissem) / [—]eretic(u)lu[m] idon(e)is. D’autres graffitis des parois du temple mentionnent �galement dessommes d’argent : n8 14, 16, 18, 45, 57, 60, 61 ; ainsi que des graffitis sur tuiles : n8 3,38, 40, 74, 75.

89 Macr., III, 11, 6 : « … la table sur laquelle on d�pose offrandes alimentaires (epulae),libations (libationes) et dons en argent (stipes) ».

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sources du Clitumne90, ou encore � Vicarello ou � Ansanto comme on vient dele voir91. Elle peut Þtre enfin et surtout gliss�e dans la fente d’un troncd’offrandes, un thesaurus, comme l’attestent � la fois des textes litt�raires(Varron92, S�n�que93), des inscriptions (ILS 9260, de Lamb�se94) et surtout uneample documentation arch�ologique. Les thesauri en pierre sont une cat�goried’objets de mieux en mieux �tudi�e, qui a b�n�fici� d’une ample bibliographier�cente et dont le corpus est en perp�tuelle augmentation : les listes de r�f�rencesont celles de F. Catalli et J. Scheid en 199495, et de M. Crawford en 200396. Surcette forme par excellence de th�saurisation dans les sanctuaires, nos connais-sances ont fait de grands progr�s depuis une vingtaine d’ann�es. Il est doncinutile d’y insister, sinon peut-Þtre pour souligner deux choses : d’une part,l’implication fr�quente des magistrats, qui ressort des inscriptions, mÞme si l’onvoit ici et l� des particuliers offrir des thesauri, p. ex. une certaine Maxima Nasia� Morrovalle dans les Marches97. A Anagni, Sora, Pettino pr�s d’Amiternum,

90 Plin., Epist., VIII, 8, 2 : Vidistine aliquando Clitumnum fontem ? […] Modicus collisassurgit, antiqua cupressu nemorosus et opacus. Hunc subter exit fons et exprimitur pluribusuenis sed imparibus, eluctatusque quem facit gurgitem lato gremio patescit, purus et uitreus,ut numerare iactas stipes et relucentes calculos possis. Cf. J. Scheid, « Pline le Jeune et lessanctuaires d’Italie. Observations sur les lettres IV.1, VIII.8 et IX.39 », dans A.Chastagnol, S. Demougin, Cl. Lepelley (�ds.), Splendissima civitas. Etudes d’histoireromaine en hommage � FranÅois Jacques, Paris, 1996, p. 241–258.

91 Supra, n. 80 et 82.92 Varr., L.L. , V, 182 : hoc ipsum stipendium a stipe dictum, quod aes quoque stipem dicebant :

nam quod asses librae pondo erant, qui acceperant maiorem numerum non in arca ponebant,sed in aliqua cella stipabant, id est componebant, quo minus loci occuparet ; ab stipandostipem dicere coeperunt. Stips ab stoibg ; fortasse, Graeco uerbo. Id apparet, quod tuminstitutum etiam nunc diis cum thesauris asses dant stipem dicunt, et qui pecuniam alligat,stipulari et restipulari.

93 Sen., Epist. , 115, 5 : colitur autem, non taurorum corporibus contrucidatis, nec auroargentoque suspenso, nec in thesauros stipe infusa …

94 ILS, 9260 = AE, 1908, 11 = AE, 2003, 2021 : Religiosi / qui stipem / ad Aescula/piumpone/re volunt / in thes/aurarium / mittant / ex quibus / aliquod / donum / Aescula/pio fiat.Cf. M. Christol, M. Janon, « Religio iuxta Aesculapium », Ant. Afr. , 38–39,2002–2003, p. 73–86, part. p. 76–79. L’inscription ne vient pas du temple, maisdes thermes du camp.

95 F. Catalli et J. Scheid, « Le thesaurus de Sora », Revue numismatique, 1994, 36, p. 55–65.96 M. H. Crawford, « Thesauri, hoards and votive deposits », cit. supra n. 53, p. 76–80.97 CIL, I2, 1928 = CIL, IX, 5803 = ILS, 3213 = ILLRP, 49. Cf. L. Gasperini, « Spigolature

epigrafiche marchigiane. IV. Sul ‘thesaurus’ iscritto tardo repubblicano da S. Lucia diMorrovalle (MC) », Picus, 3, 1983, p. 7–21. Pour T. Vettius de Pescosansonesco, qui afait placer un thesaurus dans le sanctuaire de Monte Queglia (C. Letta, « Un thesaurus nelsantuario oracolare ? Osservazioni sull’iscrizione vestina di Monte Queglia a Pescosan-sonesco (PE) », dans Archeologica Pisana. Scritti per Orlanda Pancrazzi, Pise, 2004,p. 237–243), aucune charge n’est indiqu�e : un T. Vettius (son fils, selon Letta, p. 239)figure parmi les magistri pagi de Pescosansonesco : CIL, I2, 1801 = ILLRP, 635.

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Carpineto nella Nora, Luni98, Ameria, Ferentillo, Hatria, ce sont des magistratsqui interviennent pour installer des troncs d’offrandes, que ce soit avec leurpropre argent, les deniers publics ou encore � Anagni, selon la lecture de D.Nonnis, avec l’argent de V�nus99. La pecunia de la d�esse sert � faire un troncd’offrandes pour y mettre de nouvelles stipes. Mais l’intervention publique estencore mieux document�e sur le cippe campanien d’Abella. Cette inscriptionosque reproduit, comme on sait, les clauses d’un accord pass� au IIe s. av. J.-C.entre les deux cit�s limitrophes de Nola et d’Abella qui d�clarent poss�der encommun un sanctuaire d’Hercule situ� sur la fronti�re100. Un tr�sor (thesaurum)se trouve dans le terrain qui entoure le temple, terrain sur lequel ni les gens deNola ni ceux d’Abella n’ont le droit de btir. Le tr�sor ne peut Þtre ouvert quesur d�cision commune des deux parties. Le contenu du thesaurus sera alors divis�en deux parties �gales101. On peut supposer – mais ce n’est qu’une hypoth�se, letexte ne le dit pas – que le produit de ce partage sera ensuite r�investi parchacune des deux parties et leurs repr�sentants l�gaux, pour l’embellissement dusanctuaire qu’ils poss�dent en commun, de mani�re analogue � ce que stipule laloi de Furfo102. Mais il est tr�s int�ressant de noter qu’� Abella, pour parvenir�ventuellement � ce r�sultat, c’est-�-dire peut-Þtre embellir le sanctuaire, il faut enpasser par chacune des parties contractantes. C’est l� parfaitement illustrer le faitqu’il n’existe d’administration autonome du sanctuaire, ni en mati�re civile ni enmati�re religieuse. Tout passe par le questeur d’Abella, le meddix de Nola, lesdeux s�nats locaux et les l�gats qu’ils ont d�l�gu�s. L’argent d’Hercule, pour Þtreutilis�, doit Þtre transf�r� aux deux cit�s en pr�sence pour ensuite, �ventuellementon l’a d�j� dit, faire retour au sanctuaire sous forme de travaux oud’�quipements neufs.

Une deuxi�me remarque sur les thesauri arch�ologiquement attest�s. J.Scheid a fait observer que dans les quelques cas o les troncs d’offrandes sontencore in situ (Esculape � Fregellae, Hercules Curinus pr�s de Sulmone,Minerve � Sora), ceux-ci flanquent l’escalier d’acc�s au lieu de culte « en bordure

98 CIL, XI, 1343: C(aius) Calvius C(ai) f(ilius) / T(itus) Lurius T(iti) f(ilius) IIvir(i). Cf. G.Ciampoltrini, « Un thesaurus di Luni (CIL XI, 1343) », Athenaeum, 81, 1993, p. 642–644.

99 CIL, I2, 2536 = ILLRP, 271. D. Nonnis, « Un ‘thesaurus’ iscritto d’et� repubblicana »,cit. supra : L(ucius) Metiliu[s—] / P(ublius) Gavius P(ubli) f(ilius) / pr(aetores) s(enatus)c(onsulto) / p(ecunia) Venerus.

100 E. Vetter, Handbuch der italischen Dialekte, Heidelberg, 1953, p. 8–13, n8 1 ; H. Rix,Sabellische Texte. Die Texte des Oskischen, Umbrischen und S�dpkenischen, Heidelberg,2002, p. 114–115, Cm 1. Cf. A. Franchi De Bellis, Il cippo abellano, Urbino, 1988.

101 Face B, lignes 22–28 : aut.the/saurfflm.pffld.e()se.tere.st/pffln.patensns.mfflnkad.ta[n]/gnffld. Patensns. nm.pd.e[se]thesaure.pfflkkapd.ee[stit]/[a] ttfflm.alttram.alttr[ffl]s/[f ]errns = sed thesaurum, qui in eo territorio est, quando aperirent, communi sententiaaperirent (trad. Vetter).

102 Supra, n. 3.

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de l’espace proprement sacr� ». Il pense qu’il s’agit essentiellement de percevoirla taxe sacrificielle103. Cette observation semble confirm�e par un autre exempler�cemment mis en valeur104 : devant le temple B du Largo Argentina, � Rome,une cavit� ferm�e par un couvercle perc� d’une ouverture, dans laquelle ont �t�trouv�e douze monnaies, surtout august�ennes, fait penser � un thesaurus105. Onpeut �voquer aussi de c�l�bres passages de Tertullien. Dans l’Apolog�tique, soninterlocuteur d�plore le d�clin d’une pratique, celle de la iactatio stipis : « lesrevenus des temples baissent chaque jour. Combien peu de gens jettent encoredes pi�ces dans les temples ! »106 Le livre I du ad nationes est plus pr�cis (je cite cetexte dans l’�dition d’A. Schneider, sans discuter dans le d�tail la traduction) :« vous pr�levez un droit sur l’entr�e dans l’enceinte des temples (? pro solotempli), sur l’acc�s au sanctuaire (pro aditu sacri), sur les offrandes mon�taires(stipes), sur les victimes »107. Ce passage, si souvent cit�, s’applique � l’affermagedes revenus des temples, comme le montre clairement la conclusion deTertullien (« vous vendez la divinit� tout enti�re : il n’est pas permis de l’adorergratuitement. Bref les publicains couvrent leurs frais mieux que les prÞtres »108).Et cette conclusion elle-mÞme fait �cho au d�but de son d�veloppementrh�torique sur les « dieux tributaires » : « … vous traitez plus indignement etplus insolemment encore les dieux publics ; et tout d’abord, ceux que vous avezinscrits sur la liste d’ench�res, que vous avez afferm�s � des publicains, que tousles cinq ans vous adjugez parmi vos redevances, sur la mÞme affiche de mise enadjudication. C’est ainsi qu’on sollicite le temple de S�rapis, le Capitole. Ladivinit� est adjug�e, prise � ferme, sans que le crieur change sa voix, ni lequesteur son mode de perception … La majest� divine est prostitu�e en vued’un gain, la religion est avilie par le trafic, la saintet� mendie sonadjudication »109. Mommsen commentait les indications de Tertullien sur le

103 F. Catalli et J. Scheid, « Le thesaurus de Sora », cit. supra, p. 63–65.104 MÞme si, naturellement, il faudrait davantage de cas connus pour pouvoir g�n�raliser �

coup s�r.105 C. Andreani, M. P. Del Moro, M. De Nuccio, « Contesti e materiali votivi dell’area sacra

di largo Argentina », dans A. Comella, S. Mele (�d.), Depositi votivi e culti dell’Italiaantica, cit. supra, p. 111–125, part. p. 120.

106 Tert. , Apol. , 42 : templorum uectigalia cottidie decoquunt ; stipes quotusquisque iam iactat ?Trad. J.-P. Waltzing, 1914.

107 Tert. , Nat. , I, 10, 24 : exigitis mercedem pro solo templi, pro aditu sacri, pro stipibus, prohostiis. Trad. A. Schneider, Le premier livre ad nationes de Tertullien. Introduction, texte,traduction et commentaire (Bibliotheca Helvetica Romana, IX), p. 86–87.

108 Ibid. , 1, 10, 24 : uenditis totam diuinitatem : non licet eam gratis coli ; plus deniquepublicanis reficitur quam sacerdotibus !

109 Ibid. , 1, 10, 21–24 : (sed aliquo solacio priuatorum et domesticorum deorum querellaeiuuantur), quo publice turpius contumeliosusque tractetis. Iam primum, quos in hastariumregressistis, publicanis subdidistis, omni quinquennio inter uectigalia uestra proscriptosaddictis. Sic Serapeum, sic Capitolium petitur ; addicitur, conducitur diuinitas eadem uoce

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paiement exig� pour l’acc�s au temple et aux sacra en supposant que si « cerevenu �tait mis � ferme publiquement, probablement … en retour l’entrepre-neur se chargeait des frais du culte »110. On peut �galement se demander,toujours avec Mommsen, si ces pratiques existaient d�s l’�poque r�publicai-ne111 : les taxes d’acc�s sans doute, comme tendent � le prouver les thesauri d�s leIIe s. av. J.-C. ; pour l’affermage de ce type de revenus, c’est plus douteux. ARome, sur l’�le Tib�rine, ce sont les �diles qui disposent de la stips d’Esculape(s’il s’agit bien de l’argent provenant du tronc d’offrandes) pour faire faire destravaux, et les r�ceptionnent une fois devenus pr�teurs112. En tout �tat de cause,les sommes d’argent provenant des thesauri sont certes employ�es dans l’int�rÞtdu sanctuaire, mais leur gestion lui �chappe, qu’elle soit directement du ressortdes magistrats, ou �ventuellement afferm�e.

praeconis, eadem exactione quaestoris … Maiestas prostituitur in quaestum, negotiationereligio proscribitur, sanctitas locationem mendicat …

110 Th. Mommsen, Staatsrecht, II, 66 = Droit public romain, III, p. 75–76, n. 5.111 Ibid. , citant Cic. , Leg. , II, 10, 25 : quid est enim, cum paupertatm diuitiis etiam inter

homines esse aequalem uelimus, cur eam, sumpu ad sacra addito, deorum aditu arceamus ?« Et quoi ? alors que nous voulons que, parmi les hommes, la pauvret� soit �quivalente �la richesse, pourquoi la d�tournerions nous de l’acc�s aux dieux en taxant les sacra ? »

112 CIL, I2, 800 = VI, 7 = ILS, 3836 = ILLRP, 33 :—] / [V]al[eriu]s L(uci) f(ilius) Flaccus /aid(iles) d(e) stipe Aesculapi / faciundum locavere / eidem(que) pr(aetores) probavere. Plusambigu� est, sur l’�le Tib�rine, une inscription sur sol de mosa que, puisque le th�onymeest au datif : C(aius) Volcaci(us) C(ai) f(ilius) har(uspex) de stipe Iovi Iurario [—m]oni-mentom (CIL, I2, 990 = VI, 379 = ILS, 3038 = ILLRP, 186 (p 321) = AE, 1991, 81).Que l’expression de stipe + th�onyme au g�nitif, signifie « avec l’argent provenant duthesaurus de telle divinit� » semble confirm� par la monnaie portant l’inscription Diouis/stipe, trouv�e l’int�rieur du th�saurus de Collepietro chez les Vestins (CIL, I2, 2484 =ILLRP, 191). De mÞme, un as au Cabinet des M�dailles porte s(acrum ?) f(actum ?) //Fortunai / stipe (CIL, I2, 2485 = ILLRP, 114). Par contre, les travaux financ�s dans letemple de Diana Tifatina � S. Angelo in Formis de stipe Dianai sont si importants qu’onne voit pas qu’ils proviennent d’un simple tronc d’offrandes, si rempli soit-il (CIL, I2,680 = X, 3781 = ILS, 5561 = ILLRP, 717 : M(arco) Antonio / A(ulo) Postumioco(n)s(ulibus) / heisce mag(istreis) murum ab grad/u ad calcidic(um) et calcidicum / etportic(um) ante culin(am) long(am) p(edes) [—] / et signa marm(orea) Cast(oris) etPol(lucis) / et coc(um) privat(um) de stipe Dian(ae) / emendum [et f ]aciendum / coeraver[e] ;CIL, X, 3935 = ILLRP, 721 : L(ucius) Geminius L(uci) [f(ilius)—] C(aius) Metius C(ai)f(ilius) L(ucius) Maius N(umeri) f(ilius) C(aius) Conius L(uci) f(ilius) / M(arcus) NaeviusM(arci) [f(ilius)—]s L(ucius) Maamius L(uci) f(ilius) [M(arcus)] Seius M(arci) f(ilius)P(ublius) Paccius L(uci) f(ilius) / h[e]isce magis[treis pavimentum faciun]dum aidemqu[e]reficiundam / col[u]mnas [—]uineis ina[—] de stipe Dianai / faciunda coe[raverunt L(ucio)Licinio L(uci) f(ilio)] M(arco) Aurelio [M(arci) f(ilio) c]onsolibus. Mais le statut de cesanctuaire, et des magistri qui l’administrent, est � l’�poque tardo-r�publicaine, tout � faitparticulier.

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3. L’utilisation de la pecunia multaticia dans les templesdu monde romain

Aux revenus r�guliers des temples pouvaient s’ajouter des entr�es exceptionnel-les, en particulier au titre des amendes. La gestion du produit des amendesperÅues par diff�rents magistrats, et en particulier par les �diles, est relativementmal connue113. On distingue d’ordinaire deux types de destinataires, soit letr�sor public (in publicum), soit les dieux (in sacrum)114. Comment ces sommespouvaient-elles Þtre mises en quelque sorte au compte des dieux ?

Les quelques r�glements municipaux que nous avons conserv�s permettentd’en avoir une certaine id�e. La loi du municipe de Tarente stipule ainsi que lesamendes inflig�es sur les d�molitions ill�gales devront Þtre employ�es par lemagistrat comme suit : la moiti� de la somme sera vers�e au tr�sor, l’autre moiti�pourra Þtre d�pens�e en jeux, qui devront Þtre c�l�br�s lors de la mÞmemagistrature ; mais elle autorise �galement le magistrat � utiliser cette sommepour la construction d’un monument public de son choix115. La charte de lacolonie d’Urso prescrit en revanche que « l’argent qui, � titre d’amende auchapitre des imp�ts, aura �t� vers� dans le tr�sor public de la colonie GenetivaIulia, cet argent que personne ne puisse ni le d�penser, ni le donner � quelqu’un,ni l’attribuer si ce n’est pour les rites qui seront accomplis au nom des colonsdans la colonie ou ailleurs »116. Le produit des amendes ne revient donc pas

113 Voir en dernier lieu S.M. Marengo, « Le multae », dans Il capitolo delle entrate nellefinanze municipali in Occidente ed in Oriente. Actes du colloque Rome, 27–29 mai 1996(CEFR, 256), Rome, 1999, p. 73–84, avec bibliographie ad loc.

114 Sur la distinction entre sacrum et publicum dans l’Italie tardo-r�publicaine, voir M.Crawford, « Aut sacrom aut poublicom » dans P. Birks (�d.), News perspectives in the RomanLaw of Property, Oxford, 1989, p. 93–98, qui, sans porter pr�cis�ment sur la destinationdes amendes, souligne � la fois la proximit� de ces deux sph�res g�r�es par les autorit�spubliques et leur n�cessaire distinction dans les pratiques municipales.

115 CIL I2, 590, p. 915 : magi(stratus) quei exegerit dimidium in [p]ublicum referto, dimidiumin [l]udeis, quos / publice in eo magistratu facie[t] , consumito, seiue ad monumentum suom /in publico consumere uolet l[icet]o idque s(ine) f(raude) s(ua) facere liceto, cf. M. Crawford(�d.), Roman Statutes (BICS, suppl. 64), Londres, 1996, vol. I, n8 15, p. 304–305 et310–311. Un r�glement similaire existait peut-Þtre � Pomp�i, o des duumvirs del’�poque de Sylla font des travaux dans les thermes « sur l’argent qu’ils doivent, d’apr�s laloi, d�penser en jeux ou dans un monument », ex ea pequnia quod eos e lege in ludos aut inmonumento consumere oportuit (CIL I2, 1635 = ILLRP 648), cf. Marengo, loc. cit. n. 112,p. 77 ; M. C�beillac Gervasoni, Les magistrats des cit�s italiennes de la seconde guerrepunique � Auguste. Le Latium et la Campanie (BEFAR, 299), Rome, 1998, p. 100–101,donne toutefois une autre interpr�tation : la loi d�finirait ainsi la faÅon dont lesmagistrats devaient d�penser la summa honoraria � laquelle ils auraient �t� astreints.

116 Cf. M. Crawford, o. c. � la note pr�c�dente, n8 25, p. 401, ch. 65, l. 18–22 : quaepecunia poenae nomine ob uectiga<l>ia, quae / colon(iae) G(enetiuae) Iul(iae) erunt, inpublicum redacta erit, eam / pecuniam ne quis erogare neue cui dare neue attri/buere

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directement aux temples, mais, comme le pr�cise la charte d’Urso, au tr�sorpublic ; l’affectation d’une partie ou de toute la somme perÅue � une d�pensereligieuse pouvait varier suivant les cit�s, la nature des amendes, la volont� desmagistrats, et n�cessitait l’accord du s�nat ou du peuple117. Pour Rome mÞme,nous disposons d’une quinzaine de mentions litt�raires, tir�es pour l’essentiel ducorpus livien, qui permettent d’avoir un aperÅu de l’utilisation du produit desamendes et des confiscations par les �diles, de la fin du IVe au d�but du IIe s. av.J.-C118.

Les fonds ainsi perÅus sont utilis�s de trois mani�res : pour la c�l�bration dejeux, pour la construction d’�difices, tant�t publics (portiques, route), tant�tsacr�s (temples de la Concorde, de V�nus, de la Victoire, de la Libertas, deFaunus), et enfin sous forme d’offrandes m�talliques (statues, boucliers, vases) �Jupiter Capitolin ou � C�r�s. La c�l�bration de jeux organis�s par les �dilespl�b�iens sur ces fonds n’est signal�e que deux fois, en 295 et en 209 av. J.-C. ;s’il n’est pas certain dans le premier cas qu’il se soit d�j� agi de la c�l�bration desjeux pl�b�iens, dans le deuxi�me cas on peut vraisemblablement supposer queles �diles trouv�rent l� un moyen de compl�ter une dotation sans doute r�duitepour pouvoir c�l�brer dignement les jeux pl�b�iens en ces temps difficiles de ladeuxi�me guerre punique119.

Les offrandes m�talliques sont de loin les plus nombreuses (10 fois sur 15mentions), mais elles sont le plus souvent associ�es � des constructions d’�dificespublics (7 fois) ou � la c�l�bration de jeux (2 fois). Ces diff�rentes affectationspourraient certes s’expliquer par l’importance des sommes perÅues : la d�dicacede boucliers, de statues ou de vases ne concernerait que des sommes insuffisantespour un investissement �dilitaire ou les sommes r�siduelles apr�s la constructiondes �difices. On notera cependant que les offrandes aux dieux sont toujourscit�es en tÞte du compte rendu livien, avant des constructions publiquescertainement plus co�teuses, signe du respect d� aux dieux, sans pour autantque l’essentiel des d�penses se fasse pour leur b�n�fice. Par ailleurs, la part ainsiofferte aux dieux n’est pas transf�r�e au tr�sor du temple, elle ne sert pas aux

potestatem habeto nisi at ea sacra, quae in / colon(ia) alioue quo loco colonorum nominefia<n>t.

117 Comme semble l’indiquer le fragment de la Lex Valeria Aurelia retrouv� � Todi, malgr�les lacunes, cf. Crawford, o. c. � la n. 114, n8 27–38, p. 522, l. 7 : [si quis mag(istratus)multam irrogare uolet inue publicum] populi iudicio [—] petere uel in sacrum iudicarelicet[o.

118 Voir tableau n81. � ces quinze occurrences, on peut �ventuellement en ajouter deuxautres, o sont signal�es des offrandes similaires faites par des �diles, sans que soitpr�cis�e pour autant la provenance (27, 36, 9 : d�dicace � C�r�s de trois signa par les�diles pl�b�iens ; 29, 38, 8 : d�dicace au Capitole de quadriges en or par les �dilescurules).

119 Cf. Liv. XXVII, 6, 19 : Aediles plebei Q. Catius et L. Porcius Licinus, ex multaticio argento,signa aenea ad Cereris dedere et ludos pro temporis eius copia magnifice apparatos fecerunt.

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besoins du culte120, mais elle est utilis�e pour embellir le sanctuaire, comme leprescrit le r�glement du temple de Jupiter Liber � Furfo121. C’est ainsi qu’en 295av. J.-C. lorsque les fr�res Ogulnii, �diles curules, utilisent les biens d’usuriersconfisqu�s au profit de l’Etat (in publicum redactum) pour embellir le Capitole,ils font faire des portes en bronze, remplissent trois tables d’offrande de vases enargent dans la cella du dieu et font placer une statue de Jupiter sur un quadrigeau fa�te du temple122.

Des rivalit�s certaines se d�gagent de ces t�moignages : les �diles curulescontribuent � l’enrichissement du Capitole, tandis que les �diles pl�b�iensconsacrent naturellement leurs offrandes � C�r�s ou honorent des divinit�s dontla signification politique est assez claire : aussi bien le modeste �dicule de bronzed�di� � la Concorde par l’�dile pl�b�ien Cn. Flavius123 que le temple de Libertas,construit par le grand-p�re des Gracques sur l’Aventin, s’opposent auxorgueilleux quadriges dor�s du Capitole. Certaines constructions se fontv�ritablement concurrence : au temple de V�nus Obsequens �rig� par Q. FabiusGurges au cirque Maxime r�pond le temple de la Victoire, construit par sonrival politique, L. Postumius Megellus, sur le Palatin124. Dans la version livienne,les motivations politiques semblent n�anmoins ob�ir � une certaine logiquereligieuse : l’amende inflig�e aux matrones adult�res est consacr�e � la

120 Les besoins r�guliers du culte �taient pris en compte par le s�nat qui fixait chaque ann�e �l’avance le budget allou� aux c�r�monies publiques, en particulier aux jeux. Pour autant,certaines c�r�monies exceptionelles pouvaient s’ajouter : le s�nat devait alors trouver unfinancement, soit en puisant dans le tr�sor public, soit en organisant une collecte. Il estint�ressant de constater que justement en 295, en r�ponse � de nombreux prodigesinqui�tants, le s�nat ordonna deux jours de supplication, imposant ainsi au tr�sor publicune d�pense impr�vue pour fournir aux citoyens l’encens et le vin n�cessaires � cettec�r�monie, cf. Liv. X, 23, 1–2.

121 Voir supra n. 3.122 Liv. X, 23, 11–12. L’action des �diles se focalise sur les espaces les plus en vue du

sanctuaire, ceux qui sont li�s au d�roulement du culte : les portes, les tables d’offrandesdevant la cella, le fa�te, cf. les remarques de P. Gros � propos des descriptions de templesdans la po�sie august�enne dans « Stabunt et Parii lapides. Virgile et les premiers frontonsaugust�ens d’apr�s les G�orgiques, III, v. 24 », dans M.-M. Mactoux, E. Geny (�d.),M�langes Pierre LevÞque, vol. 7 : anthropologie et soci�t� (Centre de recherche d’histoireancienne 121 ; Annales litt�raires de l’Universit� de BesanÅon, 491), BesanÅon, 1993,pp. 153–159.

123 Voir I. D’Arco, Il culto di Concordia e la lotta politica tra IV e II sec. a.C. (Studi pubblicatidall’Istituto italiano per la storia antica, 68), Rome, 1998, p. 85–92 ; M. Humm, AppiusClaudius Caecus, la R�publique accomplie (BEFAR 322), Rome, 2005, p. 622–624.

124 Identifi� avec le temple voisin de celui de Cyb�le, voir P. Pensabene, « Vent’anni di studie scavi dell’Universit� di Roma ‹ La Sapienza › nell’area Sud Ovest del Palatino (1977–1997) », dans Il Palatino. Area Sacra Sud Ovest e Domus Tiberiana (Studia archaeologica,95), Rome, 1998, p. 31–32. Sur les circonstances de sa d�dicace, voir A. Ziolkowski,The temples of Mid-Republican Rome and their historical and topographical context (Saggidi storia antica, 4), Rome, 1992, p. 174–176.

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construction d’un temple � V�nus Obsequens, qui patronne les liens de l’amourdans le strict cadre du mariage125. De mÞme avec les amendes inflig�es � des�leveurs, on �l�ve un temple � Faunus, divinit� qui pr�side aux espaces � demi-sauvages qui, entre champs et forÞt, sont ceux du pturage126, et ce dans un lieu�galement ambigu, aux limites de l’espace urbain, dans l’�le Tib�rine.

Les plus ambitieux des �diles choisissent donc d’�riger des �difices, templesou portiques, qui porteront la marque de leur action ; pour autant, l’offranded’objets m�talliques dans un temple semble avoir constitu� la pratique la pluscourante jusqu’au d�but du IIe s. av. J.-C. pour affecter les revenus impr�vusd’un Etat somme toute peu habitu� aux recettes. Les lacunes de nos sources nesuffisent pas toutefois � expliquer le silence qui entoure ensuite l’utilisation duproduit des amendes. Le butin acquis dans les conquÞtes du IIIe-IIe s. etl’�norme afflux des richesses qui s’ensuivit permirent d�sormais de financer denombreux temples127, rendant sans doute le financement ex multaticia pecuniainutile et d�risoire. On peut n�anmoins supposer que ces sommes servirent entreautres � financer les journ�es suppl�mentaires qui s’ajout�rent de plus en plusfr�quemment lors des jeux, suivant une �volution dont la loi de Tarente, aud�but du Ie s. av. J.-C., se ferait l’�cho. L’�pigraphie italienne, surtout � l’�poquer�publicaine, atteste en effet de pratiques similaires dans des cit�s latines ou descolonies, confirmant en partie les donn�es liviennes128.

Moins pr�cises et souvent lacunaires, les inscriptions ne permettent pastoujours de pr�ciser � quoi a servi l’argent des amendes. Les plus anciennesremontent au IIIe s. av. J.-C. ; � en juger par les supports conserv�s, il s’agitsouvent d’offrandes pr�cieuses, comme le vase de bronze consacr� � Hercule,pr�s de Lanuvium129, l’objet qui allait avec le titulus de bronze conserv� avec unpetit tr�sor mon�taire � Firmum Picenum130 ou celui qu’ornait la plaquette de

125 Servius, ad Aen. , I, 720, se fait cependant l’�cho d’une autre version de la d�dicace de cetemple, qui aurait �t� construit � la suite d’un vœu prononc� pendant les guerressamnites. Sans doute le financement de la construction du temple a-t-il �t� compl�t� demanubiis, cf. A. Ziolkowski, o. c. � la note pr�c�dente, p. 167–170.

126 Voir G. Dum�zil, La religion romaine archa�que, Paris, 19742, p. 350.127 Sur l’utilisation des manubiae pour l’�rection de temples, voir par exemple M. Aberson,

Temples votifs et butins de guerre dans la Rome r�publicaine (Bibliotheca Helvetica romana,26), Rome, 1994.

128 Pr�s d’une vingtaine d’inscriptions renvoient � l’aes multaticium, mais elles sont souventfragmentaires et ne permettent pas une mise en s�rie sous forme de tableau. Le dossier�pigraphique est �tudi� en d�tail par S.Marengo, loc. cit. n. 112, p. 73–84.

129 CIL I2, 2442 = ILLRP 130a (sur la l�vre d’une petite cruche retrouv�e avec une autred�dicace � Hercule) : Q., A. Aidicio(s) Q. f. , T. Rebinio(s) Q. f. aidile(s) moltatico. IIIe– IIes. av. J.-C.

130 CIL I2, 383, p. 999 = CIL IX, 5351 = ILS 6132 = ILLRP 593 : L. Terentio(s) L. f. / C.Aprufenio(s) C. f. / L. Turpilio(s) C. f. / M. Albanio(s) L. f. / T. Munatio(s) T. f. / quaistores /

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bronze retrouv�e pr�s d’Alvignano131. Certaines se rapportent � la constructionou la r�fection d’un btiment, comme le temple r�publicain d’Apollon in Circo� Rome132 ; d’autres �taient associ�es � des monuments non identifi�s, comme �Tivoli, o un pavement mosa qu� large de 5 m t�moigne ainsi de l’utilisation del’aes moltaticus par deux �diles133, ou � Paestum, o plusieurs inscriptionsprovenant de la zone du forum attestent de l’utilisation des amendes pour laconstruction de monuments par diff�rents magistrats134. Si l’objet offert n’est pastoujours conserv�, l’indication du statut du d�dicant garantit qu’il s’agit biend’un lieu public135. Certaines statues �rig�es sur un march�, comme � AlbaFucens136 ou, plus tard, celle de Liber Pater � Lepcis Magna137, symbolisaientautant la pi�t� des magistrats qui y officiaient que leur puissance. Sous l’Empire,certains �diles transforment cette d�pense contrainte en acte d’�verg�tisme, enajoutant de l’argent de leur poche138.

Les enjeux et le contexte �conomique ayant chang�, la valeur p�cuniaire desoffrandes faites sur le produit des amendes s’�tait sans nul doute affaiblie et lapi�t� des magistrats avait trouv� d’autres moyens de s’exprimer. � l’�poqueflavienne, la loi municipale d’Irni ne pr�voit qu’une seule destination pour lesamendes, le tr�sor public139. L’importance des dons faits aux dieux avec leproduit des amendes doit donc Þtre relativis�. Ils ne repr�sentent pasv�ritablement un revenu pour le temple ; le produit des amendes revientclairement au tr�sor public, mÞme si la cit� peut choisir de l’affectercompl�tement ou en partie � une destination religieuse. Il convient � ce proposde remarquer qu’au chapitre 65 de la charte d’Urso, seul le produit de certaines

aire moltaticod dederont. 2e moiti� IIIe s. av. J.-C. Une autre inscription trouv�e dans lemÞme vase fait �tat d’une d�dicace � Mircurio.

131 AE 2001, 856.132 CIL I2, 2675c = ILLRP 45 (inscription sur le pavement mosa qu� de la cella) : [—]aidiles

curules moltaticod dedere, esdem probauerunt.133 CIL I2, 1496, p. 999 = ILS 6231 = ILLRP 683 (inscription sur un pavement mosa qu�

retrouv� dans une cave) : M. Scaudius C. f. / C. Munatius T. f. / aediles aere moltatico.134 AE 1967, 106b : L. Manio(s) [—] f. / M. Fadio(s) M. f. / L. Megonio(s) C. f. / C. Vibio(s)

C. f. / O. Bracio(s) V. f. / quaistores / aired moltaticod / fecere (IIIe s. av. J.-C.) ; AE 1975,269 : ]coura[uerunt] / airid m[oltaticod ?]/ fixe[runt] ; AE 1975, 268 : ] / aeremolt(aticio)/IIIuir fecit. Voir Marengo, o. c. , pour les magistratures concern�es.

135 Comme pour cette base de statuette provenant des alentours de N�mes et portant lamention Iulius Boudus aedilis ex multis (AE 1955, 107).

136 AE 1951, 22 : T. Manius / Laetus / P. Vettius A/pronianus/ IIIIuiri aed(iles) / ex aeremultatic(io). Voir F. De Visscher, F. De Ruyt, « Les fouilles d’Alba Fucens », AntClass, 20,1951, p. 71.

137 IRT 294 : Libero Patri sac(rum) / Boncarth Muthumbalis f. / sobti IIIIuir macelli ex multis/(denariorum) LXII quibus adiecit de suo / (denarios) LIII.

138 Cf. CIL VIII, 972 : Q. Coelius Laeti f./ Laetus et / M. Caelius Syllae f. / Pacatus aed(iles) /super quantitatem / ex multis redactam alt[e]/ra tanta de suo erogata / pecunia posuerunt / l.d. d .d. et IRT 294, cit� note pr�c�dente.

139 CIL II.4, 1201, ch. 66.

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amendes est assign� � l’entretien des c�r�monies publiques ; cette ‘lignebudg�taire’ est par ailleurs clairement distincte des revenus que la cit� retire del’affermage de « tout ce qui sera n�cessaire aux c�r�monies et aux chosesdivines », envisag� au chapitre 69, des sommes allou�es par la cit� et descontributions des prÞtres pour le financement des jeux, d�finies aux chapitres 70et 71, et enfin des revenus que chaque temple pourra tirer des offrandes qui ysont faites et qui lui reviennent en propre, comme le stipule clairement lechapitre 72140. Dans le cas de Rome, on l’a vu, si le produit des amendes a pu,selon les circonstances, contribuer � l’embellissement de certains temples, il nepeut en revanche servir � l’entretien du culte que dans le cadre de d�pensesaffect�es aux jeux, qui au fond rel�ve du financement public.

** *

Le recyclage des dons m�talliques, la mon�tarisation progressive des offrandes,l’affectation �ventuelle du produit des amendes � l’�rection de statues ou detemples refl�tent de diff�rentes mani�res l’�tat de l’�conomie romaine � l’�poquer�publicaine. Elles n’impliquent pas pour autant que le sanctuaire dispose d’une�conomie propre, d’une quelconque autonomie financi�re. Les magistrats quig�rent les comptes de la cit� et, entre autres, peuvent d�cider de la vente de tel outel ornamentum du temple, les adjudicataires qui prennent � ferme les travaux der�fection du lieu de culte (et aussi, selon Arnobe, la perception de taxes li�es auxsacra), les donateurs qui d�posent leurs ex-voto aupr�s de la divinit�, ou encores’acquittent de la d�me qu’ils ont promise (une forme de don que nous n’avonspas envisag�e), tous sont des acteurs de la vie �conomique. Mais le sanctuaire,lui, ne constitue pas un espace �conomique � proprement parler. Existe-t-ild’ailleurs une cat�gorie unitaire d’avoirs qui seraient les « biens des temples » ?On a parfois l’impression que les Modernes regroupent sous cette �tiquette deschoses tr�s diverses (les offrandes votives, les taxes, les �verg�sies, d’�ventuelsrevenus fonciers) que les Anciens n’auraient sans doute pas consid�r�esensemble. Mommsen, dans son Droit Public avait certes consacr� un d�velop-pement aux bona templorum (dans la section traitant de la magistrature), maisresserrait autant que faire ce peut le champ d’application du concept : « les biens

140 Pour le texte, voir M. Crawford, o. c. n. 114, n8 25, p. 402–403 ; pour le commentaire,voir J. Scheid, « Aspects religieux de la municipalisation. Quelques r�flexions g�n�rales »,dans M. Dondin-Payre, M.-Th Raepsaet-Charlier (�d.), Cit�s, municipes, colonies. Lesprocessus de municipalisation en Gaule et en Germanie sous le Haut-Empire, Paris, 1999,p. 394–396 ; A. Raggi, « Le norme sui sacra nelle leges municipales », dans L.Capogrossi-Colognesi, E. Gabba (�d.), Gli statuti municipali, Pavie, 2006, p. 701–721.

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des dieux (�taient) ainsi restreints aux objets du culte et maintenus dans leslimites les plus �troites possibles »141. Les Anciens, eux, parlaient plus justement,de dona templorum. Agricola fut nomm� par Galba « pour inventorier lesoffrandes faites aux temples » (ad dona templorum recognoscenda)142. On a essay�,mais de mani�re arbitraire, de corriger le texte de Tacite143. C’est bien des donatemplorum – et non de bona templorum – dont Agricola e�t � s’occuper. Chargeexceptionnelle, notons-le, qui suit le principat « sacril�ge » de N�ron. Il estsignificatif que ce genre de v�rification ne soit connu qu’en p�riode de crise.

141 Th. Mommsen, Staatsrecht, II, 63 = Droit public romain, III, p. 71.142 Tac., Agric. , 7, 6.143 J. Gwyn Griffiths, « Galba’s commission relating to temples (Tac., Agric. , 6, 5) », Class.

Quat. , 27, 1977, p. 437.

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