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La Météorologie - n° 41 - mai 2003 20 Prévision Pour l’agriculture, la demande de prévisions météorologiques saisonnières est très ancienne. (Photo Météo-France, P. Taburet) Résumé Au-delà de la limite théorique de pré- visibilité déterministe des phéno- mènes météorologiques, la prévision numérique reste possible parce que l’évolution lente des conditions aux limites de l’atmosphère – essentielle- ment la température de surface des océans tropicaux – induit une réponse atmosphérique spécifique. À l’échelle quotidienne, cette réponse est masquée par les fluctuations chaotiques, mais elle peut être mise en évidence par des moyennes tem- porelles et des moyennes d’ensemble. Les résultats d’expériences conduites avec plusieurs modèles de prévision numérique montrent que la prévisibi- lité à l’échéance saisonnière est meilleure dans les régions tropicales et, pour les régions tempérées, pen- dant la saison hivernale. Abstract Numerical weather prediction in the seasonal time scale: state of the art and perspectives Numerical weather prediction beyond the theoretical limit of deter- ministic predictability is possible because the slow evolution of atmos- pheric boundary conditions (mainly tropical sea-surface temperature) induces a specific atmospheric res- ponse. This response is blurred at daily time scale by chaotic fluctua- tions, but appears if time averaging and ensemble averaging are perfor- med. Results of experiments based on several models show a higher predic- tability in the tropical regions and, for the midlatitudes, during winter. La prévision numérique à l’échelle saisonnière : que sait-on faire et que peut-on espérer ? Michel Déqué Météo-France Centre national de recherches météorologiques (CNRM) 42, avenue Gaspard-Coriolis – 31057 Toulouse Cedex [email protected] Les premiers pas Le besoin en prévisions météorolo- giques à l’échéance de quelques mois est aussi ancien que le besoin en prévi- sions à court terme. Ainsi, le nombre de dictons consacrés aux mois futurs est au moins aussi élevé que le nombre de dictons fondés sur l’observation de l’évolution du temps sur quelques heures. L’activité agricole ayant été dominante dans notre pays pendant des siècles, la planification de travaux pénibles dont le résultat reste aléatoire a été porteuse d’une demande devant laquelle la science est restée muette. C’est pour répondre aux marins, puis aux aviateurs, que la science météoro- logique s’est faite science appliquée. Avec la naissance de la météorologie opérationnelle moderne dans les années 1950, certains pays, dont les États-Unis mais surtout les pays à économie diri- giste fondée sur la planification, ont développé une pratique opérationnelle de la prévision à longue échéance. D’autres, comme le Royaume-Uni ou la France, se sont limités à des travaux de recherche (voir Gilchrist, 1986, pour une synthèse). La technique employée pour produire ces prévisions était la méthode de prévision statistique. Bien que le présent article traite de prévision numérique, l’application des méthodes statistiques en prévision saisonnière sera évoquée page 27. Dès les années 1960, les prévisions à courte échéance ont été produites à partir de modèles

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La Météorologie - n° 41 - mai 200320Pr

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Pour l’agriculture, la demande de prévisions météorologiques saisonnières

est très ancienne. (Photo Météo-France, P. Taburet)

RésuméAu-delà de la limite théorique de pré-visibilité déterministe des phéno-mènes météorologiques, la prévisionnumérique reste possible parce quel’évolution lente des conditions auxlimites de l’atmosphère – essentielle-ment la température de surface desocéans tropicaux – induit uneréponse atmosphérique spécifique. Àl’échelle quotidienne, cette réponseest masquée par les fluctuationschaotiques, mais elle peut être miseen évidence par des moyennes tem-porelles et des moyennes d’ensemble.Les résultats d’expériences conduitesavec plusieurs modèles de prévisionnumérique montrent que la prévisibi-lité à l’échéance saisonnière estmeilleure dans les régions tropicaleset, pour les régions tempérées, pen-dant la saison hivernale.

AbstractNumerical weather prediction in the seasonal time scale:state of the art and perspectives

Numerical weather predictionbeyond the theoretical limit of deter-ministic predictability is possiblebecause the slow evolution of atmos-pheric boundary conditions (mainlytropical sea-surface temperature)induces a specific atmospheric res-ponse. This response is blurred atdaily time scale by chaotic fluctua-tions, but appears if time averagingand ensemble averaging are perfor-med. Results of experiments based onseveral models show a higher predic-tability in the tropical regions and,for the midlatitudes, during winter.

La prévision numérique à l’échelle saisonnière : que sait-on faire et que peut-on espérer ?Michel DéquéMétéo-FranceCentre national de recherches météorologiques (CNRM)42, avenue Gaspard-Coriolis – 31057 Toulouse [email protected]

Les premiers pasLe besoin en prévisions météorolo-giques à l’échéance de quelques moisest aussi ancien que le besoin en prévi-sions à court terme. Ainsi, le nombre dedictons consacrés aux mois futurs estau moins aussi élevé que le nombre dedictons fondés sur l’observation del’évolution du temps sur quelquesheures. L’activité agricole ayant étédominante dans notre pays pendant dessiècles, la planification de travauxpénibles dont le résultat reste aléatoirea été porteuse d’une demande devantlaquelle la science est restée muette.C’est pour répondre aux marins, puisaux aviateurs, que la science météoro-logique s’est faite science appliquée.

Avec la naissance de la météorologieopérationnelle moderne dans les années1950, certains pays, dont les États-Unismais surtout les pays à économie diri-giste fondée sur la planification, ontdéveloppé une pratique opérationnellede la prévision à longue échéance.D’autres, comme le Royaume-Uni oula France, se sont limités à des travauxde recherche (voir Gilchrist, 1986, pourune synthèse). La technique employéepour produire ces prévisions était laméthode de prévision statistique. Bienque le présent article traite de prévisionnumérique, l’application des méthodesstatistiques en prévision saisonnièresera évoquée page 27. Dès les années1960, les prévisions à courte échéanceont été produites à partir de modèles

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numériques fondés sur des équationsplus ou moins simplifiées des mouve-ments de l’atmosphère. Dans les années1970, ont été développés des modèlesde circulation générale (MCG) cou-vrant le globe et pouvant être intégréssur plusieurs mois (Smagorinsky, 1969).Mais il faut attendre dix ans de plus pourque ces modèles puissent être employésdans le but d'élaborer des prévisions àquelques mois d’échéance. En 1979, lapremière expérience mondiale du GlobalAtmospheric Research Project (Garp)fournit des observations quotidiennessur le globe. Le Centre européen pourles prévisions météorologiques à moyenterme (CEPMMT) complète ensuitecette couverture mondiale, en diffusantet en archivant des analyses planétairesopérationnelles. Il avait été précédé dequelques années par le NationalMeteorological Center (NMC) améri-cain, devenu depuis National Center forEnvironmental Prediction (NCEP), dontles analyses sont moins utilisées enEurope. Tous les ingrédients sont alorsen place pour produire de façon systé-matique des prévisions numériques sai-sonnières. Un des premiers articles àrendre compte de cette activité est celuide Shukla (1981). Le phénomène ElNiño de 1982-1983 sert de révélateur dela capacité des modèles à produire uneanomalie atmosphérique de grandeéchelle en réponse à une anomalie de latempérature de surface de l’océan(Owen et Palmer, 1987). À cetteépoque, on employait l’expression pré-vision dynamique à échéance étendue(acronyme anglais DERF) pour désignerla prévision à échéance 30-40 jours. Latempérature de surface de l’océan, quiest la source de la prévisibilité, étaitconsidérée comme constante au cours del’intégration du modèle.

Au début des années 1990, apparaissentles premiers modèles couplés océan-atmosphère capables de faire évoluerde façon réaliste un phénomène commeEl Niño. C’est à cette époque que l’oncomprend que la prévision d’unemoyenne mensuelle ne présente quepeu d’intérêt, car le résidu constitué parles fluctuations quotidiennes impré-visibles au-delà de 10-15 jours est plusimportant que la réponse atmosphériqueau forçage de surface. La prévision sai-sonnière devient alors le point de pas-sage obligé des études de prévisibilité àlongue échéance (Palmer et Anderson,1994). Toutefois, pendant la premièremoitié des années 1990, on ne pouvaitpas utiliser les modèles couplés océan-atmosphère car on ne connaissait pas lesconditions initiales pour l’océan ; on se trouvait alors dans une situation

analogue à celle desMCG atmosphériquesdes années 1970 qui ne disposaient pasde mesures tridimensionnelles sur leglobe. La question même de l’existenced’une prévisibilité à l’échelle de la sai-son, alors que la prévision numérique nedonnait rien d’intéressant au-delà decinq jours, restait posée car les expé-riences numériques portaient sur trèspeu de cas ; les équipes qui présentaientde bons scores pouvaient être soupçon-nées d’avoir opéré une sélection des casles plus favorables.

C’est dans ce contexte qu’en 1993Jean-Claude André (Météo-France) etDavid Burridge (CEPMMT) proposentde conduire une expérience de grandeampleur que l’on ne pourra mettre endoute et qui permettra d’évaluer l’inté-rêt pour un service météorologique de

mettre en place un système opération-nel de prévision numérique saisonnière.Ce projet, appelé Seasonal Forecasting,devient quelques années plus tard unprojet soutenu par la Commission euro-péenne sous le nom de Provost. Nousreviendrons un peu plus loin sur leprincipe de cette expérience et sur sesrésultats. Après les progrès de l’obser-vation océanique et le succès de la pré-vision du phénomène El Niño de1997-1998 par les modèles couplésocéan-atmosphère, un nouveau projetbaptisé Demeter a vu le jour en 2000,pour prendre la suite de Provost enincluant la prévision de l’état del’océan. Avant d’aller plus loin, tentonsde comprendre pourquoi la prévisionsaisonnière est possible et quels sont lesmécanismes mis en jeu.

La grande puissance de cal-cul nécessaire pour élaborerdes prévisions à longueéchéance avec un modèlenumérique n’était pas dispo-nible avant l’apparition dessuperordinateurs vectoriels,de type Cray 1, à la fin desannées 1970. Sur la photo,le Cray 2 de Météo-Franceinstallé à Toulouse en 1992.(Photo Météo-France)

Mesurer le score d’une prévision saisonnièreLes champs météorologiques bruts produits par une prévision saisonnière sont assezéloignés de la réalisation qu’ils sont censés prévoir. Tout d’abord, les modèles pré-sentent une erreur systématique non négligeable, par rapport à une prévision àcourte échéance. Ensuite, la méthode de prévision d’ensemble, destinée à atténuerl’effet papillon et les divergences de conception des modèles (dans le cas d’un multi-modèle), se traduit par des champs plus lisses et des extrema émoussés. Ceschamps prévus sont en fait une matière première à partir de laquelle on élabore desproduits plus raffinés (indices, probabilités). On n’utilise pas l’erreur quadratiquecomme instrument de mesure du succès d’une prévision, mais le coefficient de cor-rélation spatio-temporelle entre la prévision et l’observation. Ce coefficient synthé-tise l’erreur quadratique et les variances des champs prévus et observés, tout enfaisant abstraction du biais des prévisions. Si P et O désignent la prévision et l’obser-vation, si P

–et O

–sont des moyennes pluriannuelles de ces deux quantités (on dit

aussi des climatologies) et si d(X,Y) est un critère de distance moyenne entre X et Y(en pratique, la moyenne quadratique spatiale, temporelle ou spatio-temporelle deleur différence), le coefficient de corrélation peut se définir par :

d2(P, P–

) + d2(O, O–

) - d2(P - P–, O - O

–)

Corr(P, O) = ———————————————————————2d(P, P

–) d(O, O

–)

Il existe une formule plus brève, mais qui n’utilise pas le concept de distance, utilepour réaliser l’agrégation spatio-temporelle. Ce coefficient est une mesure de la qua-lité potentielle d’une prévision (Déqué et Royer, 1992) ; il ne faut donc pas se laisserabuser par sa valeur. Le coefficient de corrélation prend la valeur maximale de 1quand la prévision est liée à l’observation par une formule linéaire. Deux séries quise ressemblent à l’œil ont en général une corrélation supérieure à 0,80. À l’échellesynoptique, les prévisionnistes considèrent qu’en dessous de 0,60, une carte prévuen’est pas exploitable. En prévision saisonnière, on est moins difficile. Les tests utili-sant la méthode de chaotisation montrent qu’au-dessus de 0,20, la prévision apporteune certaine information. Il dépend ensuite de son utilisateur de déterminer si cetteinformation est utile ou s’il vaut mieux se fier au hasard ou à la climatologie.

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Le paradoxe de la prévision saisonnièreLes météorologistes tentent depuis long-temps d’expliquer au public que si leursprévisions se limitent à quelques jours,ce n’est pas du fait de leur paresse ni deleur incompétence, mais à cause ducaractère fondamentalement imprévi-sible des mouvements atmosphériques.On cite la non-linéarité, le chaos, l’attrac-teur de Lorenz (1963) et le célèbre effetpapillon. Il est possible de prévoir uneéclipse des années à l’avance avec uneprécision horaire, mais on ne peut affir-mer à quelle heure il pleuvra demain. Cediscours a été relativement facile à tenirtant que la prévision saisonnière enFrance était laissée aux almanachs (dontcelui du service public de La Poste).

On peut illustrer la chute brutale de pré-visibilité en fonction de l’échéance enutilisant un score très répandu en prévi-sion météorologique du fait de sa stabi-lité : le coefficient de corrélation dugéopotentiel à 500 hPa sur l’hémisphèrenord. Les lecteurs qui ne sont pas fami-liers avec le géopotentiel à 500 hPa peu-vent imaginer ce champ, aux latitudestempérées, comme une forme lissée de lapression réduite au niveau de la mer.L’expérience numérique décrite ici n’estpas Provost, mais une expérience quenous appellerons Persist et que nousdétaillerons page 25. Pour l’instant,considérons seulement qu’il s’agit d’unjeu de 15 prévisions d’hiver à 120 joursd’échéance, dans lequel la températurede la mer est prévue par persistance(1).Comme le montre la figure 1, le coeffi-cient de corrélation décroît fortement aucours des vingt premiers jours, puisoscille autour de 0 avec une faible ampli-tude. Un coefficient de corrélation empi-rique n’étant jamais rigoureusement nul,une zone de non-corrélation peut êtreestimée par une méthode de chaotisa-tion : on effectue des permutations aléa-toires des années pour les prévisions eton calcule les coefficients de corrélationcorrespondants. Parmi les 15! permuta-tions possibles, on n’en prend que 200 auhasard ; on dispose alors d’une série de200 coefficients pour lesquels la ressem-blance entre la prévision et l’observationne peut être que fortuite. En considérantles quantiles à 97,5 % et 2,5 %, onobtient la zone hachurée qui correspond

la partie imprévisible des fluctuations ?Des expériences de type Provost ont étémenées en prenant, soit la situation ini-tiale de l’année précédente et la tempéra-ture de la mer de l’année en cours, soit lasituation initiale de l’année en cours et latempérature de la mer de l’année précé-dente. Les résultats montrent que si lestempératures de la mer ne sont pas lesbonnes, il n’existe aucune prévisibilité àl’échelle saisonnière. Mais, si les tempé-ratures de la mer sont les bonnes, il y ade la prévisibilité. Sous les tropiques,cette prévisibilité ne dépend pas du faitque les conditions initiales atmosphé-riques soient ou non les bonnes. Aux lati-tudes tempérées, le fait de dégrader lesconditions initiales dégrade un peu lesscores. Il est donc clair que les tempéra-tures de la mer, par leur évolution lente,impriment à l’atmosphère un signal degrande échelle auquel se superposent desfluctuations prévisibles seulement à uneéchéance inférieure à la vingtaine dejours. Le rôle, de second plan, joué parles conditions initiales dans la prévisibi-lité des latitudes tempérées s’expliquepar la présence de grandes ondes atmo-sphériques quasi stationnaires ainsi quepar le caractère persistant du contenu eneau du sol et de la couverture de neigequi sont des variables évolutives dans unMCG.

Puisqu’un opérateur de moyenne tempo-relle augmente la prévisibilité par effetde lissage, les chercheurs ont tout desuite pensé à produire un ensemble deprévisions au lieu d’une seule. Cettetechnique est appelée méthode deMonte-Carlo ou prévision d’ensemble.Pour produire un ensemble de petitetaille, on peut effectuer des prévisions àpartir de conditions initiales décaléesdans le temps (dans Provost, le décalageest de 24 heures). Pour produire desensembles dont la taille dépasse ladizaine, on introduit une petite perturba-tion aléatoire dans les conditions ini-tiales ou dans les conditions aux limites.Dans tous les cas, la distance entre deuxprévisions individuelles appartenant àun même ensemble ne croît plus au-delàd’une vingtaine de jours d’intégration.Dans l’expérience Persist que nous ana-lysons ici, 60 prévisions ont été effec-tuées pour chacun des 15 hivers, enperturbant la température de surface dela mer. Le score de la prévision saison-nière obtenu en moyennant les 60 prévi-sions individuelles passe de 0,10 à 0,24.On ne peut pas espérer aller beaucoupplus loin en augmentant la taille de l’en-semble car l’observation ne contientqu’un seul membre. Pour améliorer lescore, il faut améliorer le MCG et affi-ner la prévision de température de la

Figure 1 - Coefficient de corrélation du géopotentiel à 500 hPa sur l’hémisphère nord en fonction de l’échéancede prévision (jours). La zone hachurée correspond à l’in-tervalle de confiance à 95 % d’une prévision aléatoire.

(1) La prévision par persistance consiste à prévoir,dans le futur, des états identiques à l’état initial.Dans ce cas précis, la température de la mer estconsidérée comme constante au cours de l’évolution.

-0,20

0

0,20

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0,60

0,80

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Corr

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ion

Jour0 10 20 30 40 50 60 70 80 90 100 110 120

à un intervalle de confiance à 95 % pourun coefficient de corrélation empiriquedont la véritable valeur est zéro. Onconstate que la courbe du coefficient decorrélation se situe assez souvent au-dessus de la zone hachurée et ne passejamais en dessous. À ce stade, nousavons une présomption que toute la pré-visibilité n’a pas disparu, mais pasencore une preuve.

Si les prévisions quotidiennes étaientcomplètement indépendantes de l’obser-vation, leur moyenne temporelle neserait pas corrélée avec la moyenne des observations correspondantes.Considérons la moyenne des jours 31 à120, pour éliminer les cas où la prévisi-bilité des données quotidiennes restevisible. Le coefficient de corrélationatteint alors 0,10. Ce n’est pas une corré-lation élevée, mais, comme on disposede 60 prévisions du modèle pour chaquecas, on peut calculer un intervalle deconfiance à 95 % et on trouve [0,08 ;0,12]. Une autre façon de se convaincrequ’un tel score ne peut être obtenu parhasard est d’appliquer la même tech-nique de chaotisation pour les moyennesde 90 jours. On trouve un intervalle simi-laire à la zone hachurée de la figure 1, àsavoir [-0,02 ; 0,02]. Cela montre que,compte tenu de la taille des échantillonset de la stabilité statistique de l’estima-teur, une corrélation de 0,10 ne peut pasêtre obtenue par hasard.

D’où vient cette infime prévisibilité quo-tidienne qu’un opérateur de moyennetemporelle met en évidence en réduisant

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mer. On peut avoir une idée du secondfacteur d’amélioration en utilisant latempérature de la mer réellement obser-vée. Ce n’est plus vraiment une prévi-sion, mais c’est ainsi que l’expérienceProvost a fonctionné. Le coefficient decorrélation grimpe alors à 0,41. Lescaractéristiques techniques des diffé-rentes expériences mentionnées ici(Provost, Persist, etc.) sont résuméesdans le tableau 1.

L’expérience Provostet ses résultats

Les conditions de l’expérience

L’absence de données homogènes sur leglobe pendant une longue périodeconstituait la plus grande difficulté pourproduire des prévisions rétrospectives.En 1994, le CEPMMT a lancé une vasteexpérience pour retraiter les observa-tions de la période 1979-1993. Cet exer-cice est connu sous le nom de réanalysedu CEPMMT ou ERA15. Dans le projetProvost, les données ERA15 ont servide conditions initiales atmosphériques,de conditions aux limites océaniques etde données de vérification. L’expé-rience de prévisibilité a reposé surquatre modèles : Arpège (Météo-France), IFS (CEPMMT), UnifiedModel (Met Office britannique) et

Arpège à plus haute résolution horizon-tale (appelé ici EDF). Pour chacune desquinze années disponibles, quatre prévi-sions ont été effectuées (une pourchaque saison, EDF ne traitant que lescas d’hiver). Enfin, chaque prévisionconsistait en neuf intégrations sur quatremois du modèle, à partir de conditionsinitiales décalées de 24 heures. Ainsi, laprévision de l’hiver 1979-1980 utiliseneuf simulations numériques démarrantles 22, 23, ..., 30 novembre 1979.Quand on agrège les quatre modèles, ondispose de 36 simulations d’un mêmehiver. Cette approche, que l’on nommemultimodèle, offre l’avantage deprendre à la fois en compte l’incertitudesur les conditions initiales et celle sur laformulation des modèles. En revanche,dans cet exercice, l’incertitude sur lesconditions aux limites n’est pas prise encompte puisque les 36 simulations fontappel aux mêmes températures de sur-face de la mer.

L’expérience Provost, qui représente descentaines d’années simulées, s’estdéroulée pendant deux ans sur le cal-culateur du CEPMMT. Une expérience

du même type a été menée aux États-Unis, sous le nom de DynamicalSeasonal Prediction (DSP), uniquementpour les cas d’hiver et à partir d’unesituation initiale fixée à la mi-décembre.Elle regroupait le National Center forAtmospheric Research (Ncar), le Centerfor Ocean-Land-Atmosphere Studies(Cola), le Goddard Space Flight Center(GSFC) et le NCEP. Les résultats desexpériences Provost et DSP ont fait l’ob-jet d’un ouvrage collectif (Palmer etShukla, 2000).

Les résultats

Pour illustrer les conclusions de l’expé-rience Provost, nous nous limiterons àdeux paramètres, la température de labasse troposphère, au niveau 850 hPa,et les précipitations, ainsi qu’à deux sai-sons, l’hiver et l’été. Dans cette expé-rience, l’hiver désigne les mois dejanvier, février et mars et l’été les moisde juillet, août et septembre. Ce déca-lage d’un mois par rapport aux saisonsmétéorologiques traditionnelles est des-tiné à éviter des scores artificiellementélevés pour une prévision saisonnière.En effet, les simulations débutant res-pectivement fin novembre et fin mai,les situations prévues pour les quinzepremiers jours des mois de décembre etde juin sont assez proches des observa-tions correspondantes. Par ailleurs, nousconsidérons ici uniquement le score dela moyenne du multimodèle (36 casd’hiver ou 27 cas d’été).

Les figures 2 et 3 concernent les prévi-sions d’hiver. On utilise comme score lecoefficient de corrélation simple entreles 15 valeurs observées et prévues pourchaque position géographique. Le coef-ficient de corrélation pour la tempéra-ture est positif pratiquement sur tout leglobe. Des valeurs supérieures à 0,6sont obtenues sur les océans Indien etPacifique. Sur l’Europe, à l’exceptionde l’Angleterre, le coefficient dépasse0,2. La qualité de la prévision est

Tableau 1 - Caractéristiques des différentes expériences numériques mentionnées dans le texte.

Pour la production et la distribution d’énergie, l’enjeu économique des prévisions météorologiques saisonnières est très important. Très tôt, les producteurs d’électricité ont financé les recherchesdans ce domaine. Actuellement, ils figurent au premier rang des clients de la prévision saisonnière avec les producteurs de gaz et les assureurs. (Photo Météo-France, N. Lépine)

Nombre Taille Température Nombre Observation de modèles des ensembles de la mer d’années de référence

Provost 4 9 Observée 15 ERA15(3 en été)

Elmasifa 1 3 Prévision 15 Archivesstatistique (+ temps réel) des SMN

Provost 2 1 60 Observée 15 ERA15

Persist 1 60 Prévision 15 ERA15statistique

Couple 1 15 Couplage 15 ERA15

Demeter 7 9 Couplage 30 ERA40

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moindre en ce qui concerne les précipi-tations. Des noyaux négatifs apparais-sent ça et là, en particulier sur la France.C’est sous les tropiques que l’on trouveles corrélations les plus élevées.

En été (figures 4 et 5), les corrélationssont un peu plus faibles qu’en hiver,notamment aux latitudes tempérées : enparticulier, la prévisibilité de la tempé-rature sur l’Europe se limite au nord ducontinent. En ce qui concerne les préci-pitations tropicales, le Brésil et le Sahelont des scores honorables, mais on nepeut pas en dire autant de la moussonindienne.

Le caractère prévisible d’un paramètreest dépendant de la région et de la sai-son. On va voir que la prévisibilité estaussi variable d’une année sur l’autre.Revenons au géopotentiel en hiver surl’hémisphère nord, afin d’avoir unscore suffisamment stable pour être sta-tistiquement significatif. La figure 6montre, pour chaque hiver, la valeur ducoefficient de corrélation d’anomaliede chaque modèle et du multimodèle.On constate que, pour quatre hivers, lecoefficient du multimodèle dépasse0,5 ; trois de ces hivers correspondent àun phénomène El Niño, ce qui n’est pasun hasard. On constate aussi que, pourdeux hivers, le score est négatif, ce quicaractérise une mauvaise prévision. Ilfaut quand même noter que le modèle 1a quatre scores négatifs, le modèle 2 ena trois, le modèle 3 en a cinq et lemodèle 4 en a deux. On peut se poser laquestion de l’intérêt de prendre plu-sieurs modèles, plutôt que de prendre lemeilleur. Le tableau 2 montre qu’enmoyenne, le multimodèle ne fait pasmieux que le modèle 4 pour le géopo-tentiel. Mais il indique aussi que lemodèle 4 n’est pas le meilleur pour laprévision de température et que le mul-timodèle reste toujours au moins aussibon que le meilleur des quatre. Cerésultat se retrouve pour les autres sai-sons et pour les régions tropicales.

Les expériences similaires

Les scores du projet DSP ne concernentpas les mêmes années ni la mêmepériode de l’année. Ils ne sont donc pasdirectement comparables au tableau 2.

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Figure 2 - Coefficients de corrélation pour une prévisionsaisonnière de température à 850 hPa en hiver. Isolignes±0,2, ±0,4 et ±0,6 avec coloration progressive en vertau-dessus de 0,2 et en rouge en dessous de – 0,2.Figure 3 - Idem figure 2 pour les précipitations en hiver.Figure 4 - Idem figure 2 pour la température en été.Figure 5 - Idem figure 2 pour les précipitations en été.

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0.6

0.60.6

0.6

2

3

4

5

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Cependant, pour l’hémisphère nord, onretrouve les meilleurs scores pour leshivers 1982-1983, 1988-1989 et 1991-1992. En dehors de Provost et de DSP,des expériences ont été menées au Japon(Kobayashi et al., 2000) et au Canada(Derome et al., 2001). La communautéscientifique s’accorde pour constaterqu’avec les modèles actuels et une pré-vision parfaite de température de la mer,la corrélation de géopotentiel à 500 hPasur l’hémisphère nord en hiver nedépasse pas en moyenne 0,4, maisqu’elle présente de fortes variationsd’une année sur l’autre et peut atteindre0,7 certaines années. En ce qui concernedes scores plus localisés, la grandediversité traduit sans doute le fait qu’iln’existe pas encore de série assez longuede couples prévision-observation pourobtenir des scores stables.

Après Provost

Une nouvelle version du modèle atmosphérique

L’expérience Provost a fait usage demodèles atmosphériques développés audébut des années 1990. En cinq ans, degros progrès ont été accomplis enmodélisation. En ce qui concerneMétéo-France, le modèle Arpège-Climat a été profondément remanié

dans la partie dyna-mique, la discréti-sation horizontale,verticale et tempo-

relle, ainsi que dans la paramétrisationdes processus physiques. On trouveradans Déqué (2001) une descriptionsommaire des changements et plus dedétails sur les expériences mentionnéesci-dessous. Avec la version 3 d’Arpège-Climat, la simulation du climat présentest plus réaliste qu’avec la version 1,aussi bien sur l’Europe que sous les tro-piques. Nous n’avons pas résisté à latentation de chercher si cette nouvelleversion améliorait la prévisibilité sai-sonnière par rapport à son aînée de cinqans. Une expérience du même type queProvost, limitée à l’hiver et à l’été, maiscomprenant 60 prévisions individuellesau lieu de 9, a été réalisée en 2000.Quand on choisit au hasard 9 prévisionsparmi les 60, on obtient en moyenne uncoefficient de corrélation de géopoten-tiel à 500 hPa sur l’hémisphère nord enhiver de 0,37, ce qui est un progrès parrapport à la valeur de 0,31 obtenue dansProvost avec Arpège-Climat version 1.Il existe donc un espoir de voir les pro-grès de la modélisation se traduire pardes progrès de la prévisibilité. Deuxremarques viennent tempérer cet opti-misme. Si l'on calcule un intervalle deconfiance à 95 % lié au tirage des 9prévisions parmi les 60, on trouve[0,30 ; 0,43]. La valeur plus faible obte-nue dans Provost peut donc être laconséquence d’un manque de chance.Si l'on regarde le score de températuresur l’Europe, il est plus faible dans lanouvelle version : l’amélioration n’estpas uniforme ou, plus vraisemblable-

ment, les estimateurslocaux de score nesont pas assezstables. Avec les 60prévisions, le scorepasse de 0,37 à 0,41,mais ce n’est pas enaugmentant encore lataille de l’ensemblede prévisions quel’on atteindra 0,9(voir Déqué, 1997pour une étude del’asymptote).

La prévision statistique de la température de la mer

Une autre expérience menée avec la ver-sion 3 d’Arpège-Climat a consisté à serapprocher d’une prévision opération-nelle en ne faisant plus l’hypothèse d’unocéan parfaitement connu. Depuis 1999,le service de prévision opérationnelle deMétéo-France produit chaque mois uneprévision à quatre mois d’échéance, àdes fins d’analyse interne pour l’instant,mais bientôt pour des partenaires exté-rieurs. Contrairement à Provost, il n’estévidemment plus possible d’utiliser latempérature de la mer observée. Unalgorithme de prévision statistique a étémis au point au CNRM dans le cadre duprojet Elmasifa de la Commission euro-péenne, ciblé sur la prévision de précipi-tations hivernales sur le Maghreb. Il aété récemment amélioré pour créer dif-férents ensembles de température de lamer : il est naturel de faire porter l’incer-titude sur cette variable qui donne uneinformation essentielle à l’échelle sai-sonnière. Dans les deux cas, c’est unesimple régression linéaire à partir de lavaleur du mois précédent qui est mise enœuvre. L’expérience Persist, mention-née au début de cet article, consiste àrefaire l’expérience Provost avec destempératures de la mer prévues et avecla version 3 d’Arpège-Climat. Lesensembles contiennent chacun 60 prévi-sions individuelles, mais, ici, chaqueprévision individuelle a sa propre tem-pérature de la mer : au cours du premiermois, les différences sont minimes,mais, au bout du quatrième mois, lesanomalies par rapport au climat moyenpeuvent être très différentes. Le score dugéopotentiel à 500 hPa sur l’hémisphèrenord en hiver n’est plus que 0,24. Onmesure ainsi le gain potentiel apportépar une bonne prévision de la tempéra-ture de la mer.

Prévisions couplées océan-atmosphère

Pour espérer faire une bonne prévisionde la température de la mer, il faut dis-poser d’un modèle couplé océan-atmosphère, surtout si l'on vise uneéchéance supérieure à quatre mois. Leprojet Demeter est un projet européen,coordonné par le CEPMMT, qui se pro-pose de poursuivre l’expérience Provostdans deux directions : s’appuyer sur lanouvelle réanalyse ERA40 duCEPMMT, qui s’étendra sur quaranteans (1960-1999), et introduire desmodèles couplés océan-atmosphère. Les

Figure 6 - Coefficient de cor-rélation du géopotentiel à 500 hPa sur l’hémisphère norden hiver, pour chaque annéede l’expérience Provost. Lescore de chacun des quatremodèles est représenté parune barre de couleur et celuidu multimodèle par une barrenoire au centre de l’ensemble.

79 80 81 82 83 84 85 86 87 88 89 90 91 92 93 94 95

1

.8

.6

.4

.2

0

-.2

-.4

-.6

-.8

-1

Corr

élat

ion

Année

Tableau 2 - Coefficients de corrélation moyens de Provost en hiver sur l’hémi-sphère nord pour chaque modèle individuel et pour le multimodèle.

Modèle 1 0,31 0,24 0,26

Modèle 2 0,31 0,28 0,29

Modèle 3 0,28 0,14 0,28

Modèle 4 0,38 0,24 0,36

Multi-0,38 0,29 0,37modèle

Géopotentiel Température Précipitations

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partenaires sont plus nombreux que dansProvost, mais certains se limiteront à lapériode 1990-1999, beaucoup plus richeen observations océaniques. Le projetdevrait aboutir fin 2003.

En attendant la fin du projet, nous avonsmené au CNRM une expérience pré-Demeter. Elle couvre les 15 hivers et les15 étés de Provost, avec des ensemblesde 15 prévisions individuelles. Le scoredu géopotentiel à 500 hPa sur l’hémi-sphère nord en hiver est de 0,23, ce quiest comparable à ce que l’on obtient avecune prévision statistique de températurede la mer. C’est sur la bande intertropi-cale (30° N-30° S) que l’on peut mesurerl’apport de la méthode couplée, seulecapable de prévoir une évolution correctedu phénomène El Niño comme l’a mon-tré, en temps réel, le cas des prévisions de1997. Le tableau 3 contient les scores deprécipitations pour janvier-février-mars etjuillet-août-septembre. Toutes ces corré-lations ont été calculées à partir d’en-sembles de 15 prévisions individuelles,pour comparer des choses comparables.

Les limites de la prévision saisonnière

La prévision probabiliste

Les scores mentionnés jusqu’ici sontencourageants sur le plan scientifique, carils démontrent que le système, d’équa-tions employé pour modéliser l’atmo-sphère n’a pas un comportement aberrantlorsqu’il porte sur plusieurs mois desimulation. Sur le plan pratique, c’estune autre histoire. Un utilisateur de cetype de prévision va connaître à peu prèsautant de satisfactions que de déconve-nues et il lui faudra de nombreusesannées avant de réaliser qu’une prévisiondotée d’une corrélation de 0,2 estmeilleure qu’une prévision fantaisiste.On voit sur la figure 6 que certainesannées sont intrinsèquement plus prévi-sibles que d’autres.

La méthode scientifique pour gérer l’in-certitude liée à une information consisteà faire appel à la théorie des probabilités.La figure 7 illustre ce que peut être uneprévision probabiliste. Pour un hiverdonné, la température moyenne sur laFrance est 1,4 °C au-dessus de la nor-male saisonnière (ligne bleue). Il s’agitdonc d’un hiver modérément doux. Aulieu de chercher à prévoir exactementcette valeur avec un modèle, on va pro-duire une courbe de densité de probabi-lité (courbe magenta). Dans cet exemple,on est pratiquement certain que l’anoma-lie de température sera positive et qu’ellene dépassera pas 2 °C au-dessus de lanormale. Même si le maximum de den-sité ne coïncide pas avec la valeur obser-vée, on peut dire que l’on a affaire ici àune bonne prévision. Pour lui attribuerun score, il faut la comparer à une prévi-sion de référence disponible à un coûtquasi nul. Dans le cas d’une prévisiondéterministe, la référence est implicite-ment la prévision d’une anomalie nulle.Dans le cas d’une prévision probabiliste,la prévision à battre est matérialisée par

la courbe rouge qui correspond à la dis-tribution des anomalies observées surune période de référence (ici 15 ans aveclissage par une courbe de Gauss). Ils’agit de la prévision climatologique ausens probabiliste.

Pour Provost, une présentation plus com-plète des méthodes et des résultats seraitassez austère et plutôt décevante. Nousnous limiterons à quelques généralités.L’évaluation par un score est de la plushaute importance en approche probabi-liste, car une prévision probabiliste peuttoujours être considérée comme juste : sil'on prédit avec une probabilité de 0,9 unhiver froid, on n’exclut pas pour autant lapossibilité d’un hiver doux. Le critère leplus naturel pour mesurer un écart entreune distribution prévue (courbe magenta)et observée (ligne bleue) est la distancequadratique. Cette distance est ensuitecomparée à la distance entre la distribu-tion de référence (courbe rouge) et l’ob-servation. On obtient alors le score deBrier (1950), qui est en quelque sorte lependant de l’erreur quadratique moyennepour la prévision déterministe. Le pro-blème est que, dans Provost et ses suc-cesseurs, le score probabiliste desmodèles est souvent inférieur à celui dela prévision climatologique. Il y a deuxraisons pour cela. La première est que lesfaibles niveaux de corrélation traduisentune prévisibilité assez faible de la posi-tion du pic de densité. Quand on utilisel’erreur quadratique moyenne pour éva-luer une prévision saisonnière détermi-niste, on se retrouve souvent en dessousde la prévision climatologique alors quele coefficient de corrélation est positif.La deuxième raison est plus fondamen-tale. Quand on considère que les diversesprévisions individuelles d’un ensemblesont des réalisations possibles du prédic-tand(1), on commet l’erreur de croire quela seule source d’incertitude provient del’état initial. Autrement dit, on faitcomme si le modèle représentait parfaite-ment les lois de la nature et on sous-estime la dispersion autour du pic dedensité qui devrait aussi tenir compte dufait que le modèle peut avoir une réponseà son forçage externe différente de cellede la réalité. Par exemple, un modèlepeut produire en moyenne des hiversfroids sur l’Europe lors des phénomènesEl Niño tandis que, dans la réalité, leshivers ne sont ni plus chauds ni plusfroids en moyenne sur cette région.

Pour corriger le premier travers, il suffitd’utiliser un critère d’évaluation à la foismoins sévère et plus proche du besoin

Figure 7 - Illustration d’une prévision proba-biliste : le paramètre est l’anomalie hiver-nale de température sur la France. Lacourbe rouge est la distribution climatolo-gique, la courbe magenta est la distributionprobabiliste prévue, la barre bleue est l’ano-malie de température observée.

Provost 0,53 0,42

Provost 2 0,47 0,40

Persist 0,39 0,34

Couple 0,47 0,34

Tableau 3 - Coefficients de corrélation moyens pour lesprécipitations tropicales sur deux saisons (janvier-février-mars et juillet-août-septembre) et diverses expériences :Provost en mode multimodèle, Provost refait avec la ver-sion 3 d’Arpège-Climat (Provost2), prévision statistiquedes températures de la mer (Persist) et modèle coupléocéan-atmosphère (Couple).

Contrairement au géopotentiel sur l’hé-misphère nord, les précipitations de labande intertropicale sont très stables vis-à-vis du choix de l’ensemble, car chaqueprévision individuelle d’un ensembleréagit à peu près de la même façon auforçage océanique. Les comparaisons dutableau 3 sont donc pertinentes. On yvoit la supériorité du multimodèle surchacun des modèles, de la températurede la mer observée sur la températureprévue et de la méthode couplée sur laméthode statistique. Dans ledernier cas, cette supériorité nese manifeste qu’en hiver, carc’est la période de prédilectiondes événements El Niño.

(1) On appelle prédictand la variable que l’oncherche à prévoir.

Janvier JuilletFévrier AoûtMars Septembre

2

1.5

1

.5

0-4 -3 -2 -1 0 1 2 3 4

Den

sité

Anomalie (°C)

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des utilisateurs. Pour la prévision déter-ministe, le coefficient de corrélation jouebien ce rôle. Pour la prévision probabi-liste, le candidat le plus sérieux est le cri-tère de valeur économique. Il s’appuiesur la théorie de la décision (Murphy,1977). Ses limitations sont le choix arbi-traire d’un seuil, puisqu’il ne s’appliquequ’aux prévisions à deux modalités, et lechoix du rapport coût sur perte, quidépend de l’utilisateur. On peut quandmême produire des résultats robustes enprenant la partition qui distingue anoma-lie positive et anomalie négative et enchoisissant le rapport coût sur perte égalà 1/2 ; en effet, c’est pour cette valeur durapport coût sur perte que l’utilisateur ale plus besoin d’une prévision probabi-liste pour optimiser sa stratégie de déci-sion. Avec ce critère, on montre dansProvost que, là où la corrélation est signi-ficativement positive, par exemple pourles pluies tropicales, on obtient des gainsde 20 % : si une stratégie de décisionfondée sur la seule climatologie apporteen moyenne un bénéfice B, et si la straté-gie idéale (supposant le futur parfaite-ment connu) apporte un bénéfice B+100,alors la stratégie utilisant les prévisionsnumériques apporte B+20 en moyenne.

Le deuxième défaut de l’approche clas-sique est plus difficile à corriger : il nesuffit pas de changer de thermomètre, ilfaut trouver le bon médicament.L’utilisation de plusieurs modèles est lapremière méthode qui vient à l’esprit.Avec des modèles différents, on vaimplicitement prendre en compte l’incer-titude sur les équations car chaquemodèle utilise une formulation différentepour représenter les phénomènes. Hélas,cela ne suffit pas, car, en augmentantartificiellement l’écart type des distribu-tions prévues, on parvient encore à amé-liorer un peu les scores, ce qui montreque la dispersion du multimodèle est tou-jours sous-estimée.

La figure 6 semble montrer que, lors deshivers pour lesquels les modèles sontd’accord, il faut attribuer une plus grandeconfiance à la prévision. Cependant,l’approche probabiliste classique, quiconsidère que les prévisions indivi-duelles de l’ensemble forment un échan-tillon de la loi probabiliste qui produit laréalité observée, n’exploite pas bien cettepropriété. En effet, quand on produit àpartir de Provost des prévisions probabi-listes gaussiennes dans lesquelles l’écarttype est remplacé par la moyenne des 15 écarts types, les scores ne sont pasdégradés. Cela veut dire que l’informa-tion contenue dans la variabilité, d’unhiver sur l’autre, de la dispersion n’estpas source de prévisibilité. Une consé-

quence de ce résultat est qu’à l’heureactuelle, la meilleure prévision probabi-liste que l’on puisse obtenir à partir deProvost consiste à prendre une loi deGauss ayant pour moyenne la prévisiondéterministe de l’hiver considéré et pourécart type un écart type constant issu dela prévision climatologique.

Pour essayer de faire de vraies prévisionsprobabilistes, deux approches sont explo-rées. Elles combinent les résultats du oudes modèles numériques et une connais-sance statistique des prévisions passées.La première consiste à chercher à prévoirl’écart type de la distribution prévue parune méthode statistique. Les prédicteurs(1)

évidents sont la dispersion du modèle etl’état de l’indice d’oscillation australe.Mais il en existe sûrement d’autres et l'ontombe sur un problème de stabilité statis-tique avec les 15 cas de Provost. Ladeuxième approche reprend le conceptd’analogues utilisé en prévision statis-tique non linéaire (Clark et Déqué, 2003).Si l'on dispose d’une série d’hivers assezlongue, on va chercher dans cette sérietous les cas où le modèle s’est comportéde manière similaire et l'on prend commeensemble de prévisions les observationsde ces années-là. La méthode offre deuxavantages. Si un paramètre n’a aucuneprévisibilité, les années analogues obser-vées seront obtenues au hasard et la pré-vision probabiliste ne sera pas plusmauvaise que la prévision climatologique(avec des ensembles de taille supérieure à10), contrairement à l’approche classiquequi peut être pire que la prévision clima-tologique, par excès de confiance. Ledeuxième avantage vient de l’utilisationd’ensembles de prévisions. La difficultéavec les méthodes d’analogues vient dece que l’atmosphère a tellement dedegrés de liberté que les meilleurs ana-logues ne se ressemblent pas vraimentquand ils sont issus d’un échantillon dequelques dizaines. Avec des ensemblesde 10 membres, la recherche des ana-logues se fait dans un échantillon 10 foisplus grand. Cependant, Provost est tropcourt pour offrir une variété suffisante entermes de forçage par les températures dela mer (trois épisodes El Niño et deuxépisodes La Niña en quinze ans). Làencore, les résultats de Demeter sontattendus avec impatience.

La prévision statistique

Les prévisionnistes à longue échéanceont d’abord cherché des lois empiriquespour obtenir les prévisions que leurpublic ou l'État leur demandait. Ledécouvreur de l’oscillation australe,

G. Walker, cherchait à prévoir la mous-son indienne. Comme pour les pro-verbes, on a d’abord fait appel à lamémoire humaine. Puis la représentationgraphique de certains indices, commel’indice d’oscillation australe ou l’indicede l’oscillation nord-atlantique, a permisde faire des synthèses plus efficacement.Enfin, les méthodes d’analyse de don-nées, comme la régression linéaire mul-tiple avec sélection des prédicteurs oul’analyse factorielle discriminante, ontpermis d’optimiser la solution par rap-port à un critère donné. Tant que les cal-culs étaient faits à la main ou avec desmachines à calculer rudimentaires, ledanger de cette approche empirique nes’est pas manifesté. De nos jours, n'im-porte quel micro-ordinateur est capable,en quelques minutes, de tester toutes lescombinaisons de prédicteurs et de coeffi-cients jusqu’à obtenir une série prévuequi « colle » pratiquement à la sérieobservée. Il existe un garde-fou quiconsiste à séparer une série d’apprentis-sage (pour l’optimisation) et une sérietest (pour la vérification). Mais, si l'onn’est pas content du score sur la sérietest, rien n’empêche de recommenceravec d’autres prédicteurs sur la séried’apprentissage. Cela n’implique pas quela méthode de prévision ainsi mise aupoint n’ait aucune valeur, mais le scorepromis est certainement au-dessus duscore que l’on obtiendra en exploitationréelle. C’est pourquoi les méthodesnumériques annoncent des corrélationsd’au mieux 0,4, tandis que les méthodesstatistiques promettent des corrélationsde 0,6, voire de 0,8. Le jour où l'on dis-posera d’une puissance de calcul suffi-sante pour mener des expériences detype Provost en 48 heures, la crédibilitédes scores correspondants sera affectéecar on pourra tenter toutes sortes demodifications dans le modèle et garder laversion qui donne le meilleur score sur lapériode de référence.

Dans le cadre du projet européenElmasifa, une expérience intéressante aété menée pour prévoir les précipitationssur le Maroc en hiver. Une équipe a reçules données de la période 1950-1978 et amis en place deux algorithmes : l’unpour prévoir les précipitations sur leMaroc, l’autre pour prévoir les tempéra-tures de la mer sur le globe. Les algo-rithmes ont été fournis à une deuxièmeéquipe qui disposait de données pour lapériode 1979-1993. Des prévisions sta-tistiques de précipitations et de tempéra-ture de la mer ont alors été effectuées.

(1) Les prédicteurs sont les variables explica-tives employées pour prévoir la variable considé-rée (le prédictand).

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Quelques exemples de prévisions saisonnières

À l’heure actuelle, seuls quelques organismes produisent desprévisions saisonnières à l’aide de modèles climatiques :

• Le CEPMMT, le NCEP et le Met Office disposent de modèlesocéaniques et atmosphériques couplés ; le modèle duCEPMMT s’est montré particulièrement apte à prédire les der-niers épisodes El Niño et La Niña.

• Les autres, dont Météo-France, utilisent des modèles où latempérature de la surface de la mer est prescrite en début desimulation ; elle peut cependant évoluer, avec en général unrappel vers la climatologie.

Les prévisions saisonnières, qui sont obtenues par la techniquede prévision d’ensemble, peuvent être présentées sous formedéterministe (la prévision moyenne par exemple) ou probabi-liste. Les modèles employés ont une résolution spatiale de 200à 300 km. Les prévisions sont en général de meilleure qualitépour la température que pour les précipitations et pour l’hiver(de l’hémisphère considéré) que pour l’été.

Les figures représentent quatre exemples de prévision saison-nière, calculés à partir d’états initiaux de janvier ou février 2003pour la période mars-mai 2003.

De haut en bas :

International Research Institute (IRI). Prévision saisonnière multimodèle calculée àpartir d’états initiaux de février 2003 pour la période mars-mai 2003. Probabilité(en %) d’anomalie de température par rapport à la normale climatologique (probabilité du tercile le plus probable). Les anomalies positives sont représen-tées en rouge, les anomalies négatives en bleu.

Met Office. Prévision saisonnière de quantité de précipitations, calculée le 28février 2003 pour la période mars-mai 2003. Probabilité (en %) que le cumul deprécipitations durant cette période soit supérieur à la normale climatologique. Lescouleurs orange et rouge indiquent des conditions plus sèches que la normale,tandis que les couleurs bleu clair et bleu foncé sont représentatives de conditionsplus pluvieuses que la normale. (© Crown copyright, UK Met Office)

Météo-France. Prévision saisonnière d’anomalie de température à 850 hPa (en °C), calculée à partir de dates de janvier 2003 pour la période mars-mai 2003.(© Météo-France)

CEPMMT. Prévision saisonnière d’anomalie du cumul trimestriel de précipitations (enmm), calculée à partir du 14 février 2003 pour la période mars-mai 2003. (© CEPMMT)

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Puis un ensemble de prévisions obtenuesavec un modèle numérique forcé par cestempératures de la mer a été constitué etl'on en a extrait les prévisions de précipi-tations. Avec la méthode purement sta-tistique, la corrélation est – 0,26. Avec laprévision numérique forcée par les tem-pératures de la mer prévues, la corréla-tion est 0,22. En extrayant lesprécipitations prévues par Provost, onobtient une corrélation de 0,48 (Provostutilise les températures de la mer obser-vées). Le protocole expérimental quiconsiste à isoler, non seulement lesfichiers, mais aussi leur traitement est unbon garant de la crédibilité des scores.

S’il est clair que les méthodes statistiquespures ont peu d’avenir, ne serait-ce queparce que les fichiers actuels de donnéescouvrent à peu près cinquante ans et nesont extensibles que vers le futur, lesméthodes hybrides vont jouer un rôlecroissant. Tout d’abord, les modèles neproduisent une information crédible qu’àgrande échelle. Pour obtenir des para-mètres utiles comme la température à 2 mètres à Orly, la solution passe parl’adaptation statistique. Ensuite, la tech-nique de prévision d’ensemble est néces-saire mais pas suffisante pour produireune prévision probabiliste plus efficaceque la prévision climatologique. Commeon l’a vu p. 27, une partie de l’informa-tion sur la dispersion ne peut venir quesous forme statistique.

ConclusionCe qui précède montre que le choix dumot prévision pour désigner la prévisionsaisonnière est mal approprié et source

de malentendus car il évoque uneannonce de ce qui va se passer dans lefutur. Le futur de l’atmosphère est gou-verné essentiellement par le chaos etl’objet de la prévision saisonnière estseulement de dire en quoi le climat de lasaison à venir se distingue du climat desdernières années. Ce futur n’est qu’uneréalisation possible d’un ensemble quel’on peut appeler le climat d’une annéeparticulière. Sur le plan pratique, ce cli-mat peut s’estimer par le calcul d’unemoyenne saisonnière, mais le climat nese limite pas à la seule moyenne ; ilcontient aussi de l'information sur lavariabilité à l’intérieur de la saison et surla fréquence de certains événements. Àpartir d’un ensemble de prévisions, onpeut produire une information assezriche et statistiquement fiable, à défautd’être physiquement sûre. La difficultévient de ce que les caractéristiquesréelles de la saison à prévoir ne sont esti-mées que sur une seule réalisation etn’ont pas cette stabilité statistique.

Une comparaison un peu osée mais ins-tructive peut être faite avec les pronosticshippiques. Aucun pronostiqueur sérieuxne prétendra donner à l’avance le tiercégagnant. Mais le pronostiqueur possèdedes informations sur le terrain, la santé etles performances passées qui font que lesrésultats de tous les chevaux ne sont paséquiprobables. La connaissance, mêmeapproximative car les modèles numé-riques sont loin d’être parfaits, du climat,c’est-à-dire de l’espérance mathématiquedes paramètres météorologiques, permetde choisir une stratégie de décision quipeut être fructueuse sur le long terme. Legrand public, c’est-à-dire les personnesqui ne sont pas placées devant un choixdont les conséquences sont chiffrables en

fonction du temps qu’il va faire au coursde la saison à venir, n’est pas concernépar la prévision saisonnière.

La grande question scientifique liée à laprévision saisonnière n’est pas la pro-duction de prévisions, mais l’évaluationde ce qui peut être utilisé dans une pré-vision. Il faut trier entre le bon grain dela réponse correcte aux forçages etl’ivraie des fantaisies du modèle. Unprojet comme Demeter couvrant aumoins trente ans, mettant en jeu la plu-part des modèles européens et utilisantle couplage avec l’océan va permettred’aller plus loin dans cette voie. Lesprogrès majeurs de la prévision au coursdes dix prochaines années viendrontalors d’une bonne initialisation de l’étatde l’océan en amont (on peut citer leprojet Mercator) et d’un bon traitementstatistique en aval pour obtenir des pro-babilités crédibles et une adaptation auxparamètres locaux de l’utilisateur.Pendant ce temps, les modèles atmo-sphériques et océaniques continuerontde se perfectionner. On peut raisonna-blement espérer que ces progrès se tra-duiront par une amélioration des scores.

RemerciementsJe remercie mes collègues du CNRM etdu CEPMMT pour leur contributiondans les projets Provost et Demeter etpour l’aide qu’ils m’ont apportée àdiverses étapes. La lisibilité de ce tra-vail a été bien améliorée par lesremarques pertinentes d’un relecteuranonyme. Le projet Demeter est cofi-nancé par la Commission européennesous le numéro EVK2-1999-00197.

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Bibliographie