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D U R A B L E M E N T (S) Avec le soutien du 2010-2011 10032011

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DURABLEMENT(S)

Avec le soutien du

2010-2011 10032011

SommairePréambule

DS Org. retour sur une année

Un engagement au quotidien

Développement Durable et Industrie

Mayotte : l’énergie, gestion systémiqued’un milieu insulaire

Americorps, french translation

L’âge d’or ou la fin d’un critère

Mode d’emplois durables

Vive l’avenir !

Identité et identitaire : de Bertillon à Philippe K. Dick

Pour construire une société à responsabilité sociale et écologique

Un petit geste… pour une éducation citoyenne au service de l’humain

de PATRICK KANNER, Président de l’UNCCAS

Par Christine KOTALA, Directrice de la CommunicationGroupe Chèque Déjeunerpar DANIEL ZIELINSKI, Délégué Général de l’UNCCAS

par DELPHINE LEPAGE, Présidente de Card. Coop SCE

par STEPHEN CAZADE, Directeur Général UNIS-CITE

par CATHERINE ORPHELIN, Directrice Générale Agence Cocarde

par JEAN-PHILIPPE TEBOUL, Orientation Durable-Expert négociateur Grenelle de l’environnement

par GILLES VANDERPOOTEN, auteur du Tour deFrance du Développement Durable

par JEAN-FRANÇOIS CELIER, Adjoint au Maire d’Auch

par JEAN-PAUL LE DIVENAH, Inspecteur général del’administration du développement durable

par MARIE VERREY, bénévole association d’éducation au développement durable

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Handicap et politique

Management et identité

Le lien social : utopie, paternalisme ouvision d’avenir ?

New York, New York : notables expérimentateurs contre l’indigence

France des quartiers

Madame FSE

Logique(S)

Eco-Compatibles

Engagez-vous ! Un pari sur la jeunesse

Des subventions et des projets

Inclusion et Prévention : les deux piliers d’une même démarche.

par BENOIT CALMELS, Responsable National Réseau UNCCAS

par DAMIEN LORTON, auteur

par ELISA CHELLE, Doctorante en science politique -IEP Grenoble

par JOËL PAIN, Directeur Général de PlaNet Venture

par PASCALE GRUNY, Députée de l’Aisne, Députée européenne jusqu’en 2010

par JEAN-MARIE HEYDT, Président de la Conférence des OING du Conseil de l’Europe

par JEAN-GUY HENCKEL, Directeur National du Réseau Cocagne

par MARTIN HIRSCH, Président de l’Agence du Service Civique

par ANNIE POUZARGUE, Vice-Présidente du CCAS deLibourne

par YVES COLLOMBAT, Fédération des Banques Françaises

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Les textes publiés n’engagent que leurs auteurs. Contact : Christèle CALMIER. [email protected]. UNCCAS - Villa Souchet - 105, av. Gambetta - BP 3 - 75960 Paris Cédex 20

Conception : UNCCAS - Réalisation : Com on Mars. Contact : [email protected]. Crédits photos : Gettyimages. 08/2011.

Patrick KANNERPrésident de l’UNCCAS (Union Nationale des Centres Communaux d’Action Sociale) et Vice-président d’ELISAN(European Local Inclusion & Social Action Network). Président de DS Org.Adjoint au Maire de Lille. Président du Conseil général duNord.

Daniel ZIELINSKIDélégué Général UNCCAS (Union Nationale des Centres Communaux d’Action Sociale) et Comité Directeur DS Org.

Catherine ORPHELINDirectrice Générale Agence Cocarde.Comité Directeur DS Org.

Christèle CALMIERResponsable Développement Social Durable et PartenariatsComité Directeur DS Org.

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DS Org.Le concept de développementdurable est aujourd’hui tant utiliséet dans tous les milieux que l’onpeut se demander si tous saventce qu’il recouvre…

Victime de son succès, le conceptest ainsi bien souvent utilisé demanière tronquée, oubliant quetrois piliers le composent et passeulement les piliers économiqueet environnemental.Suivant une évolution classique, ledéveloppement durable est devenuun concept marketing, déclinableà l’infini, source d’enthousiasme etd’excès. Aujourd’hui, il est frac-tionné sur l’ensemble du terri-toire et exploitéquasi-exclusivement sous l’angleenvironnemental malgré l’inter-action évidente avec l’économie.

Et comme beaucoup, je m’interroge :quelle est la place de l’hommedans tout ça ? Lui qui tel Atlasdevrait porter un si lourd fardeau…

Aujourd’hui, l’urgence est à la miseen place de stratégies d’envergurepour nos collectivités territorialesen matière de développementsocial durable. Des stratégiesconstruites à partir du foisonnementdes dispositifs que nous avons pumettre en place et auxquels ils’agit de donner de la cohérence…

La capacité d’innovation, d’expé-rimentation des CCAS/CIAS a étédéterminante au cours de l’histoire.Nous pouvons et devons laconcentrer aujourd’hui sur ledéveloppement social durable.

Il est temps de revenir aux fonda-mentaux : le développementdurable repose sur 3 piliers. Les 3doivent se développer ensemble.Les 3 doivent être consolidésensemble. Les 3 doivent s’adresserà l’ensemble des citoyens.

A l’écoute des élus, de ses partenaireset des usagers, l’UNCCAS, légitiméepar sa représentativité (65 % de lapopulation soit 44 millions decitoyens), choisit aujourd’hui des’engager en dépassant les cli-vages public-privé et lucratif-nonlucratif traditionnellement oppo-sés.

Ainsi naquit DS Org., le laboratoired’idées Développement SocialDurable de l’UNCCAS.

Par Patrick KANNER

Président de l’UNCCAS(Union Nationale desCentres Communauxd’Action Sociale)

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DS Org.DS Org., le Laboratoire d’idéesde l’UNCCAS est né sur un constat,une idée, une conviction :celle que, si la France semblealler bien mal, les territoireset les acteurs, eux, sont d’unedynamique sans faille.

Combien d’acteurs engagés,combien de forums locaux,nationaux et européens, surl’innovation sociale ? Ce n’estpas un effet de mode, un graalque tout le monde se dispute :c’est une envie commune departager et de disséminer lesbonnes pratiques que chacun aexpérimenté dans sa structure,son CCAS, son entreprise. Tropsouvent de façon isolé, parfoissans concertation.

L’UNCCAS a donc choisi de

rassembler autour de projetscommuns, les acteurs del’économie sociale et solidaireet les entreprises engagéesdans une démarche de RSE.C’est ainsi que naquit, officielle-ment le 8 juin 2010 : DS Org., lepilier du développement socialdurable de l’UNCCAS.

A ce jour, nous disposons d’unepublication « Durablement(S) »que vous retrouverez bientôten ligne et avons organisé unpremier colloque « Quel modèleéconomique pour lutter contrel’exclusion » en partenariatavec le Bureau parisien du Par-lement Européen, le 28 octobredernier.

Nous avons conventionné avecla Fondation de la 2ème chance

qui peut permettre aux usagersdes CCAS/CIAS de financer desprojets de réinsertion profes-sionnelle et également avec lesMédiateurs d’UNIS-CITE, trèsimpliqués dans le service civiqueet le développement durable.

Mais il nous fallait aller plus loinpour aider nos CCAS/CIASadhérents qui doivent souventrenoncer à des projets innovantsfaute de moyens financiers oulogistiques.

Dès le mois de juin, notre labo-ratoire s’est donc doté d’unfonds de dotation qui a pourvocation d’affecter des finance-ments à la réalisation de projetsà caractère de développementsocial durable. Nous privilégieronsplus particulièrement les actions

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Retour sur une année

touchant à l’innovation, l’expé-rimentation, la recherche, laformation dans le domaine socialet médico-social, dans le respectdes principes fondamentauxchers à l’UNCCAS notammentles valeurs laïques et républi-caines.

Des entreprises telles que laFondation Simply, EDF et ChèqueDéjeuner ont d’ores et déjàchoisi de nous apporter leursoutien.

Nous espérons que la mutuali-sation de nos intérêts se traduirapar la possibilité pour nosadhérents d’expérimenter denouveaux projets sur leurterritoire.

Nos rendez-vous et nos différentséchanges nous ont égalementconfortés dans l’opportunité etla nécessité d’utiliser les nouvellestechnologies pour produire unCCAS disponible en intranet.

En effet, nous sommes conscientsque :

l’amélioration de l’accèsaux droits passe par unesimplification des outilsd’information tout commedu vocabulaire utilisé dans

la relation avec l’usager ;

l’action sociale, victime d’uneimage trop souvent réduiteà l’aide aux plus démunis,mérite d’être reconsidéréeau regard de sa capacité àrépondre aux besoins del’ensemble des habitantsde la commune (rôle d’in-formation et d’orientation)qu’ils soient citadins ou ruraux.

face à la constante évolu-tion des dispositifs sociaux,l’information requiert desprocessus de mise à jourtoujours plus souples et plusrapides ;

les usagers restent relativementpeu informés de l’ensembledes dispositifs mis à leurdisposition par les adminis-trations publiques (CCAS/CIASmais aussi CAF, CRAM,Conseils généraux, ...).

Nous pensons que ce sitepermettra, d’une part, auxtravailleurs sociaux de trouverrapidement l’informationnécessaire, d’autre part, auxentreprises de répondre à lademande d’information deleurs salariés.

Parions que 2012 devrait êtreun bon crû pour DS Org. !

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Un engagement au quotidien

Conjuguer croissance économiquedurable avec développement socialet respect de l’environnementn’est pas une posture ou uneopportunité marketing pour leGroupe Chèque Déjeuner. C’est unengagement !Le développement durable, nousle vivons, chaque jour, commel’alliance des trois grands élémentsconstitutifs de l’identité de notreGroupe : sa politique sociale,l’économie solidaire et le respect

de l’environnement. Des valeursqui, depuis 47 ans, irriguent tousnos projets et portent, jour aprèsjour, le développement de notreGroupe.

S’engager pour une politiquesociale juste et équitableDepuis plus de 47 ans, nousportons des valeurs socialesfortes de solidarité, de mixité etd’égalité. À sa création en 1964,notre maison mère, Chèque Déjeu-ner, s’est constituée en sociétécoopérative ouvrière de produc-tion (Scop). Ce statut conjugueréussite économique et déve-loppement social. Son fondateur, Georges Rino,fondateur était un syndicalisteconvaincu et un grand humanistequi souhaitait offrir à tous lessalariés, une véritable pause dansla journée de travail à l’heure dudéjeuner.

Aujourd’hui, nous en sommesconvaincus, nos succès sur lemarché très compétitif des titresde paiement sont étroitement liésà cet engagement social quiaccompagne, depuis toujours,notre vision de l’entreprise dura-ble.Nous défendons une vision nonspéculative de l’entreprise. Preuveen est, notre mode de gouvernanceparticipatif induit une visionstratégique à long terme guidéepar la pérennité de l’entreprise.

Agir pour un développementéconomique solidaire et durablePour un acteur majeur de « l’économiesociale » comme le Groupe ChèqueDéjeuner, l’engagement économique« durable » fait partie de cesvaleurs fortes qui le différencientdes autres entreprises. Tous lesproduits du Groupe sont conçus etdéveloppés pour le bien-être des

Une entreprise durable

Par Christine KOTALA

Directrice de la CommunicationGroupe Chèque Déjeuner

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salariés et le progrès social. Soucieux de pérenniser ces enga-gements, le Groupe a entamé unedémarche d’évaluation ISO 26 000afin d’attester et de faire progresserla Responsabilité Sociétale del’Entreprise (RSE).Par ailleurs, le groupe est précurseurde la collecte de dons en entrepriseet a contribué en 2009 à la mise enplace d’une législation permettantà toutes les associations œuvrantpour l’aide alimentaire de recevoirà tout moment des dons sousforme de titres restaurant. Fort de cette victoire, nous pour-suivons aux côtés d’Action contrela Faim, notre grande opération decollecte de titres baptisée « Je déj,je donne » visant à perpétuer et àdémocratiser un geste de solidaritéau sein des entreprises.

Maîtriser nos impacts et respecterl’environnement sur le long termeCertification ISO 14 001, siègesocial HQE (Haute Qualité Environ-nementale) bénéficiant d’une THPE(Très Haute Performance Energé-tique), formation des salariés auximpacts environnementaux : notrepolitique environnementale privi-légie ses engagements sur le longterme. De même, un bilan car-bone a été entrepris pour pouvoirentreprendre des actions de ré-duction de l’empreinte carbone.Nos engagement environnementaux

concernent nos activités industrielles,commerciales et de communication,nos prestations de service etjusqu’aux partis pris architecturauxde notre siège social ! Pour nous,penser développement durable,c’est investir et croire en l’avenir.

Un enjeu pour demain : ladématérialisation !Toujours à l’écoute des nouveauxbesoins et avant-gardiste enmatière d’innovations sociales,notre Groupe a anticipé les évolutionstechnologiques sur ses marchés,qui passent notamment par ladématérialisation de tout ou partiede ses produits et services.Anticipant les futures transpositionsdes directives européennes sur lestitres de paiement, le GroupeChèque Déjeuner est à même deproposer en France et dans lemonde, des solutions innovantes,entièrement sécurisées et infalsifiablespour répondre aux attentes de ses

clients et bénéficiaires, d’aujourd’huiet de demain, en matière dedématérialisation.

www.groupechequedejeuner.comwww.jedej-jedonne.comwww.fondationgroupecheqdej.com

La Fondation Groupe Chèque Déjeuner Pour la création d’emplois et l’innovation socialeDepuis 12 ans, près de 1,9 million d’euros a été accordé poursoutenir 440 structures. L’action de la Fondation se concentre, entre autres, sur lesdomaines d’activité suivants :

l’accès à la culture, l’éducation et la lutte contre l’illet-trismel’animation de la Cité, la lutte contre les discriminations

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IndustrieLa notion de développement durablesuppose d’agir conjointement surles trois piliers que sont l’économique,l’environnemental et le social afinde construire un véritable projetde société. Comme le souligne leConseil Economique Social etEnvironnemental (CESE) dans sonrapport consacré à « la stratégiede développement durable 2009-2013 », cette approche globale né-cessite un changement de posturedans chacun des trois domaines.

Ainsi, toute démarche industrielleassociant la notion de croissanceverte devrait-elle également inclurela notion d’impact social. De la

même manière, un modèle decroissance fondé sur l’innovationet la création de nouveaux produitsplus respectueux de l’environne-ment ne peut se concevoir, de ma-nière durable, que s’il proposeégalement des implications so-ciales.

Dans les faits, la Stratégie Nationalede Développement Durable (SNDD)à l’origine des « Grenelle » 1 et 2 aété lancée parallèlement aux étatsgénéraux de l’industrie et de laCommission du Grand Emprunt.

Ces travaux se sont déroulés sansréférence explicite à l’un ou à l’autre.Pourtant de nombreux constats etpropositions se rejoignent ets’appliquent – ou s’appliqueront àl’industrie française.

Les modes de production subissentet subiront des modificationsprofondes.

A terme, l’épuisement des énergiesfossiles ou traditionnelles maisaussi de ressources telles que l’eau

nécessite, très en amont, la priseen compte de cette nouvelleapproche dans nos modes deproduction. Ce n’est désormaisplus seulement une question dechoix.

Des processus économes enressources naturelles, réduisantde manière importante les émissionsde gaz à effet de serre, devrontêtre imaginés.

Comme le souligne le CESE, cestransformations nécessaires se-ront « sans aucun doute trèslourdes dans nombre de sec-teurs ».

Ainsi, afin de produire des biens etservices durables, les industriesdevront-elles intégrer d’un pointde vue stratégique et technologique,l’ensemble des dimensions induitespar ces transitions vers une écono-mie durable (taux de carbone baset haute efficacité énergétique).Les prix devront également tenircompte « des dégâts causés par letransport, les emballages, le tri, le

Développement durable

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Par Daniel ZIELINSKI

Délégué général de l’UNCCAS (Union Nationale des CentresCommunaux d’ActionSociale)

recyclage ».

La réflexion sur les prix passeraégalement par des relocalisationsde productions dont certaines ontdéjà commencé comme en témoi-gnent les entreprises Lethu (art dela table), Smoby (jouets), Parisot(meubles), Kindy (chaussettes)…

Incontestablement, et bien quenous assistions encore à une relo-calisation pour dix délocalisations,une nouvelle tendance se dessine.Le Livre blanc de l’industrie Azu-réenne, signalait d’ailleurs que « lesopérations de délocalisations indus-trielles opérées ces dernières an-nées s’avéraient peu rentablespour la compétitivité des entre-prises du fait des surcoûts qu’ellesengendrent : perte de proximité, coûtdu transport, baisse de la qualité fi-nale des produits et services ».

Dans ce cadre, le CESE rappelle lerôle fondamental de l’Etat pourfavoriser « l’écologie industrielle »,« l’économie circulaire » (organi-ser l’utilisation des sous-produitsdans d’autres processus de pro-duction) et « l’économie de la fonc-tionnalité » (donner la priorité à lalocation par rapport à l’achat).

Un rôle fondamental joué parl’Etat pour soutenir l’innovationet la recherche dans l’industrie.

L’objectif principal du GrandEmprunt, au cœur des réflexionsengagées par Alain Juppé etMichel Rocard, était justementd’envisager une transition de lasociété française vers un nouveaumodèle moins dépendant desénergies fossiles et davantagetourné vers la connaissance.Aujourd’hui, le soutien de lacroissance et de l’emploi passenécessairement par de nouvellessources de développement centréessur l’économie de la connaissanceet l’économie « verte ». Pour cela,la recherche et l’innovation sontfondamentales. Malheureusement,cette recherche est encore troporientée vers le développementindustriel.

Or, si le défi de l’investissementdans la connaissance et le défiécologique ne sont pas relevés, lacourse à la croissance risque d’êtrevaine. Nous continuerons à nousexposer à des ruptures d’approvi-sionnement (ressources fossiles,biodiversité, eau, sols…) ou auxconséquences des changementsclimatiques.Les travaux de messieurs Juppé etRocard rejoignent les conclusionsde Joseph Stiglitz dans son étudesur la mesure des performanceséconomiques et du progrès social.Pour ce dernier, « le bien être ne se

résume pas au taux de croissancedu PIB ».Un changement de comportementest nécessaire et i l doit êtreaccompagné. Ce nouveau modèlebasé sur la connaissance etl’économie « verte » appelle eneffet des mutations socialesd’envergure, en matière d’emplois,de mobilité et de formation. Lesinvestissements d’avenir proposésdevront ainsi pleinement intégrer ladimension sociale du développementdurable.

Enfin, il est fréquemment soulignéque le développement des innova-tions, pour devenir économiquementviables et constituer la base denouvelles filières industrielles,nécessite des investissementsrisqués et à long terme, que lesfinancements privés ne peuventassurer seuls.

En un mot, et pour reprendre lestravaux des deux anciens premiersministres : « L’urgence environne-mentale et sociale que nousconnaissons aujourd’hui porteune exigence de mobilisationrapide de tous les moyens etcompétences nécessaires ».

La commission de travail sur leGrand Emprunt consacre une partimportante de ses travaux auxbesoins de formation afin de

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répondre aux nécessités del’innovation du futur en matièred’industrie « verte ». Cependant, ilest ici question d’une prise deconscience générale du besoin deformation tout au long de sa viedes citoyens, afin d’assurer un em-ploi durable, voire non délocalisa-ble.

Mobiliser la formation pourrépondre aux besoins de l’industriedurable et pour un développementplus solidaire de la société.

Le CESE, quant à lui, s’interroge :« le mode de développementdurable est-il par essence créa-teur d’emploi ? ». Comme nousl’avons vu plus haut, le solde descréations et des suppressionsd’emplois est difficile à établir.

Des activités nouvelles vont êtrecréées, d’autres vont disparaîtretandis que de nouveaux emploisseront créés. Comme dans laproduction, une mutation degrande ampleur devra par conséquentse produire dans les emplois actuelsdont beaucoup seront amenés àdisparaître (automobile, raffineries…)ou à se transformer. Une questionreste néanmoins posée : quedeviendront les emplois détruits ?

La formation professionnelle devientà cet égard un enjeu primordial, ycompris pour les personnes ayant

pas ou peu de qualification. C’estce que le CESE appelle « assumercollectivement les conséquencessociales de ces mutations ».

La réduction des inégalités et lalutte contre la précarité deviennentalors des objectifs forts et assignésà tous, dans la mise en place de cenouveau modèle. Le sommet de laTerre de Rio en 1992 signalait déjàque l’éradication de la pauvretéétait le but prioritaire de la mise enœuvre du développement dura-ble. Il en sera de même pour lalutte contre la précarité énergé-tique, laquelle constitue déjà unenjeu réel pour l’industrie du bâti-ment.

L’Agence Nationale pour l’Amélio-ration de l’Habitat, dans le cadredu Grenelle de l’environnement,est ainsi chargée de mettre desoutils financiers à disposition despersonnes en situation de précaritéafin de rénover l’habitat.

Jean-Louis Borloo, Ministre del’Environnement, a pour sa partdéveloppé une mission spécifiqueintitulée « Pacte de SolidaritéEcologique ».Il n’est pas neutre que les groupesde travail créés à cette occasionaient réfléchi aux modes de vie,aux comportements en matière deconsommation, aux cadres de vieet aux modes de déplacements

des personnes sur leurs territoires,mais aussi à l’emploi, à la formationprofessionnelle et à l’insertion.

Fort heureusement, de nombreuxsyndicats industriels professionnelsont compris cet enjeu pour leurpropre développement et pour lasociété en général. C’est le cas parexemple de l’UIMM qui a créé unfonds « a2i » abondé annuellementde 14 millions d’euros afin defavoriser l’insertion et de stimulerles adhésions.

Frédéric Saint-Geours président del’UIMM, a ainsi insisté sur « laresponsabilité des industriels àagir pour l’insertion, conçuecomme une pierre à l’édifice de lacohésion sociale et de l’emploiindustriel » de demain.

En d’autres termes, la « Responsabi-lité Sociale des Entreprises » tendà s’imposer.

Celle-ci passera notamment parune réflexion conjointe des sala-riés et de leur entreprise autourd’une meilleure conciliation entrevies personnelle, familiale et pro-fessionnelle.Et si les industriels se mettaient àl’action sociale…

Sous l’égide de l’école HEC s’estréuni un groupe de travail composéde grandes entreprises désireuses

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de s’investir – voire d’investir –dans la lutte contre les précaritéset la pauvreté.

Ardent partisan du micro-crédit,le célèbre Mohammad Yunusintroduisait cette manifestationen donnant une définition duconcept de « Social Business » :« Vous avez dans votre entourageou votre voisinage des personnesen situation de précarité. Votre devoiren tant que PDG ou DG de grandesentreprises privées est de trouverdes solutions pour ces personnes.Des solutions durables qui fontintervenir votre entreprise. Unefois leur problème identifié – logement,santé, emploi, alimentation, transport,etc.

- vous avez en effet les moyensd’agir pour aider ces personnes àcréer une activité pérenne etéconomiquement viable (…).

Vous devez mettre les compétencesde votre entreprise, son expertise,sa créativité, son savoir-faireprofessionnel au service de cespersonnes. L’idée n’est pas decréer de la charité mais dubusiness rentable, mais avec unepréoccupation pour les plusdémunis ».

Dans cette optique, certains industrielsprécurseurs innovent.Et de nombreuses expériences se

mettent en place. Le concept deDéveloppement Durable peutdonc devenir un concept gagnant-gagnant pour tous. C’est ainsiqu’un nouveau modèle verra lejour pour une société plus solidaire,plus cohérente, compétitive etnon plus motivée par les seulesperspectives économiques d’unmarché émergent à moyen terme.

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MayotteTerre française depuis 1841,Mayotte, île volcanique de 374 km2,est situé dans l’hémisphère sud,entre l’équateur et le tropique duCapricorne, à l’entrée du Canal duMozambique, à mi-chemin entreMadagascar et l’Afrique.

Mayotte comprend deux îlesprincipales et une trentaine depetits îlots parsemés dans unlagon de plus de 1 500 km² d’une ri-chesse faunistique et floristiqueunique. En 35 ans, la population deMayotte a été multipliée par 5,pour atteindre 186 452 habitants

en 2007. La densité moyenne surl’île s’élève à 429 habitants au km²en 2002 et 544 habitants au km²en 2007.L’économie mahoraise traverseune période de transition où deuxmodes de fonctionnement cohabitent :un traditionnel, peu monétarisé,peu rentable et un, plus moderneet en fort développement. Enmatière d’énergie, l’île se caractérisepar une dépendance quasi-totalevis-à-vis des produits pétroliers etpar une très forte croissance desconsommations.En effet, en 2008, plus de 90% del’approvisionnement énergétiquetotal mahorais provenaient d’im-portation de produits pétroliers. Lereste de l’approvisionnement estréalisé de manière traditionnelle :bois, charbon de bois et autrebiomasse. On constate enfin unecroissance de 11% des importationsde produits pétroliers entre 2007et 2008.Plus spécifiquement, en 2009, la

production d’électricité (238 682MWh) dépendait à 99,5% dugazole. Il faut là aussi noter unecroissance des consommationsélectriques, + 9,6% entre 2008 et2009. La péréquation tarifaire, quipermet aux Mahorais de bénéficierdu même tarif pour l’électricitéque la métropole ou les DOM, aété engagée à Mayotte dès 2003.Le kilowattheure (kWh) est ainsipassé de 22,70c€ en moyenne en2003 à 9,6c€/kWh en 2007.

Cette baisse des tarifs a soutenu lacroissance des consommations eta permis l’amélioration du confortdes mahorais, rendue notammentvisible par l’augmentation du tauxd’équipement des ménages en-core relativement faible par rap-port à la moyenne nationale.Ces fortes croissances en énergieet en électricité, records enFrance, s’expliquent égalementpar une forte croissance démogra-phique (3,1% en moyenne an-

L’énergie, gestion systémique d’un milieu insulaire

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Par DelphineLE PAGE

Présidente et ProducteurExécutif de CARD.COOPSCE

nuelle entre 2002 et 2007),Mayotte ayant le plus fort taux denatalité de France.Le bilan énergétique de l’île montredonc que le territoire est dépendantà plus de 90% des importations deproduits pétroliers. Cette dépendancese retrouve dans les principalesconsommations dites finales : desconsommations d’électricité auxconsommations de carburant pourles transports (terrestres, aérienset maritimes).

Seules les consommations decombustibles et de chaleur dans lerésidentiel, le tertiaire et l’industriefont appel à une part renouvelableimportante, mais non-majoritaire :48% de l’énergie dans ce secteurest produite à partir de bois, decharbon de bois et de solairethermique.

Etant donné les limites des réserves,leurs concentrations et la volatilitédes prix du pétrole, le territoiremahorais se trouve face à un vrairisque économique et social. Deplus, les produits pétroliersprésentent un fort impact envi-ronnemental qui comporte desrisques importants de maréesnoires locales et d’émissions deGaz à Effet de Serre contribuantau réchauffement global.

La mise en place d’une stratégieénergétique durable est nécessairedans le but de réduire la dépendancede Mayotte vis-à-vis du pétrole. Lerapport du Comité Opérationneln°10 du Grenelle de l’Environnementainsi que les décideurs locauxs’orientent dans cette direction.

Cette stratégie énergétique maho-raise sera basée sur deux axesprincipaux : la Maîtrise de laDemande en Energie (MDE) et ledéveloppement des énergiesrenouvelables.

Ces deux objectifs sont indéniable-ment liés et devront être menésde concert. La MDE, un secteurdynamique à Mayotte, va amenerla population à considérer l’achatd’équipements moins énergivores(classe énergétique A au minimum),à adapter la construction deshabitations au climat tropicalpour un meilleur confort et demeilleures performances énergé-tiques et enfin à être sensibiliséede manière plus forte sur la nécessitéd’économiser les ressourcesénergétiques.

Ces ressources énergétiques sontindispensables et leurs originesdoivent être repensées pour allervers plus d’autonomie locale. Depuis5 ans, des études sont menées par

le conseil général de Mayotte pourévaluer le potentiel en énergiesrenouvelables de l’île. Le potentielen énergie solaire est confirméavec un développement fulgurantdu photovoltaïque et une filièresolaire thermique en essor.

Les potentiels géothermique,hydraulique et éolien sont moinsassurés au vu des techniquesactuelles et des spécificités duterritoire mahorais. Les énergiesmarines semblent un réservoirprometteur pour la productiond’énergie thermique et électriquedans les prochaines années.

Le développement de l’énergiebiomasse demanderait la structurationdes filières et des infrastructureslocales.

L’énergie, gestion systémique d’un milieu insulaire

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4 jeunes femmes et une inspirationaméricaine

Unis-Cité est née en 1994 de larencontre de Lisbeth Shepherd,américaine de 23 ans diplômée deYale, et de trois étudiantes de l’ESSEC,Marie Trellu, Julie Chenot et Anne-Claire Pache.

Avec une bourse d’entrepreneu-riat social, Lisbeth Shepherd vou-lait tester l’intérêt de lancer enFrance un service civique desjeunes. Cette idée lui est venueaprès avoir découvert aux Etats-Unisl’association City Year, « l’annéepour la ville ».

City Year propose aux jeunesAméricains de dépasser leursdifférences culturelles et sociales,pour consacrer douze mois de leurvie, à temps plein, à l’actioncommunautaire en équipe. Habillésen « uniformes », comme unearmée de jeunes souhaitant rendrevisible leur engagement pour eninspirer d’autres, ils allaient dans lesécoles, les hôpitaux, pour aider lesenseignants, les soignants… Unconcept tellement porteur qu’il aconvaincu Bill Clinton de créerAmericorps, le « service civilaméricain ».

Réunir autour de projets de solidaritédes gens venus de mondes différentspour qu’ils apprennent à seconnaître et à se respecter… Telleétait la motivation de ces quatrejeunes fondatrices qui avaientdécidé d’adapter le modèle de« City Year » à la France. Celas’appellerait Unis-Cité, pour « tousunis pour améliorer la vie dans lacité ».

Inspiré par ce modèle, Unis-Cités’est fixé un double objectif :mobiliser concrètement des jeunesvolontaires au service de la collec-tivité ; et contribuer par cetteexpérience à développer unmouvement pour la création d’unservice civique en France ouvert àtous les jeunes, qui soit un véritableoutil pour « changer la société ».

Être utile aux autres autant qu’àsoi

Depuis 1995, Unis-Cité a mobiliséplus de 4 000 jeunes de toutesorigines sociales et culturelles etde tous niveaux d’études. Cesvolontaires agissent en équipesau service de différentes causes :lien social avec des personnesâgées isolées, sensibilisation àl’environnement dans des quartierspopulaires, prévention de la violencedans les écoles…Unis-Cité a voulu également quecette période de service soit, pources jeunes, une étape de réflexion,

French translation

Par Stephen CAZADE

Directeur général UNIS-CITE

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Americorps

un tremplin vers la vie active. Unepartie du temps est donc consacréeà un programme de formationcitoyenne et d’accompagnementau projet d’avenir des jeunes afinque cette étape de vie permette àchaque jeune de bien définir etpréparer son projet d’avenir.

Une attention particulière pourréussir le brassage social

Inspiré par les méthodes de CityYear, Unis-Cité a travaillé à rendrece brassage social et culturel effectifdans l’ensemble de ses équipes devolontaires. Pour atteindre cetobjectif, Unis-Cité travaille mé-thodiquement à sensibiliser trèslargement toutes les « jeunesses »à cet engagement : d’interventionsen missions locales au partenariatavec les écoles de commerce, dulien avec les animateurs de quartieren passant par les réseauxd’orientation, ces actions seconcentrent notamment auprèsdes jeunes les plus éloignés de cetype d’engagement.

Après la sensibilisation vient laméthode de sélection qui prendcomme unique critère de recrutementla motivation : ni les diplômes ni lesexpériences préalables des candidatsne sont pris en compte. Unis-Citérépartit ensuite les volontairesrecrutés au sein d’équipes en

prenant en compte différentscritères permettant d’assurerune réelle mixité qui reflète ladiversité de la société française.

Un dernier point d’attention estporté par Unis-Cité sur le choix desmissions d’intérêt général qui nedoivent pas être trop sélectives etdoivent surtout mobiliser des capacitéshumaines et relationnelles.

Et si un jour, chaque jeunepouvait consacrer une étape desa vie à la collectivité ? Le rêveporté par Unis-Cité à sa créationcommence à prendre forme avecun Service Civique qui va prendrede l’ampleur en France sousl’impulsion notamment deMartin Hirsch et avec le soutienconsensuel des décideurs publicset de nombreux acteurs de lasociété civile.

French translation

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Le vieillissement de la populationva entraîner une modificationprofonde de notre société. Nonseulement la pyramide des âges vaévoluer, puisqu’un habitant surcinq était âgé de 60 ans ou plus en2005, soit un sur trois en 2050,mais l’action publique va représen-ter un défi majeur.

Il est important d’aller au-delà decette vision réductrice : le vieillis-sement est une victoire sur ladurée de vie avec une longévitéaccrue pour tous, et plus encore,une longévité en bonne santé.

Notre réflexion devrait évoluerdonc vers cette interrogation :comment organiser une sociétédans laquelle les individus vivraientet seraient actifs plus longtemps ?

Le vieillissement de la populationest un processus long, qui a dé-buté au XIXe siècle et concerne au-jourd’hui l’ensemble des pays à desrythmes et selon des ampleurs dif-férents.Mais ce qui est singulier dans lasituation actuelle, c’est l’extrêmerapidité de ces évolutions. Cetteaccélération est liée à l’arrivée à cesâges des générations nombreusesissues du baby-boom, c’est-à-direnées entre 1946 et 1975.

Par ailleurs, contrairement à uneidée reçue, le problème de ladépendance touche statistiquementrelativement peu d’individus :actuellement, 7 % des plus de 60ans sont dépendants en raisond’une maladie invalidante, soit un

peu plus d’un million de personnes,dont plus des deux tiers ont unemaladie d’Alzheimer ou une autreforme de démence.Des incertitudes fortes quant à laprévalence de la dépendance dansles années à venir demeurent,notamment du fait de comportementsdes seniors d’aujourd’hui enmatière de prévention, qui sontsensiblement différents de ceux deleurs aînés.

Depuis les années 1950, grâcenotamment aux progrès médicauxet aux modifications des com-portements, nous observonsune augmentation continuede l’espérance de vie.Aujourd’hui, elle correspondessentiellement à une augmen-tation d’espérance de vie sansincapacité.

Aujourd’hui, les temps sociaux etle temps biologique ne coïncidentplus au niveau individuel : avec

Ou la fin d’un critère

Par Catherine ORPHELIN

DG Agence Cocarde

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L’âge d’Or

l’augmentation de l’espérance devie en bonne santé et sans incapacité,l’entrée dans la vieillesse ne cessede reculer.

Au niveau collectif, l’âge de lavieillesse est surtout affaire dereprésentations sociales : para-doxalement, l’âge de la vieillesseau sens collectif tend, lui, à diminuer.

Ainsi, en France, un individu d’unecinquantaine d’années sera perçucomme « vieux » dans l’emploi –improductif et menacé de sortiedu marché du travail – alors qu’ilaura « rajeuni » quelques annéesplus tard, lorsqu’il sera devenu unjeune retraité actif et en bonnesanté.

Ainsi, l’âge n’apparaît plus commele critère le plus pertinent pourdiscriminer des groupes depopulation. Il est incontestablequ’il y aura certainement plus desimilitudes en termes de modes etde conditions de vie entre unindividu de 55 ans encore actif etun individu de 80 ans en parfaitesanté et très inséré socialement,qu’entre ce dernier et un autreindividu du même âge, mais ayantdes problèmes de santé importantsqui détériorent sa qualité de vie.

Pourtant, l’âge reste le critère

fréquemment retenu par lespolitiques publiques pour définirde façon simple et rapide leurspublics cibles.

Avec l’allongement de la durée dela vie au niveau individuel, onobserve la coexistence de davantagede générations à l’intérieur desfamilles : ce ne sont plus trois,mais bien souvent quatre généra-tions qui vivent simultanément.Cela conduit à d’importantestransformations des relationsintergénérationnelles.

On est aujourd’hui en présencenon pas d’« un » vieillissement,mais « des » vieillissements. Eneffet, au-delà de l’apparenteuniformité du processus, apparaissentde fortes inégalités entre individusface au vieillissement. Les trajec-toires dans le vieillissement se ré-vèlent donc d’une grandehétérogénéité.

Si l’espérance de vie augmente demanière globale dans l’ensemblede la population, cette augmentationest plus ou moins forte en fonctiondes catégories d’individus.

Vivre ensemble plus longtemps,quels enjeux pour l’action publique ?

Les Français vivent plus longtemps

et ils vieillissent en bonne santé enrestant autonomes le plus longtempspossible. Or, les politiques deprévention du vieillissementn’interviennent pas suffisammenten amont, c’est-à-dire dès le débutpuis tout au long du cycle de vie,afin d’accompagner les trajectoiresindividuelles.

Finalement, si le processus devieillissement n’apporte pas deproblématiques fondamentalementneuves, il tend à exacerber lestensions et à accentuer des fragilitésdéjà présentes. En ce sens, répondreau défi du vieillissement constitueaussi une opportunité pour refonderle pacte social.

Vivre ensemble plus longtemps,pourquoi pas ? Mais ne faudrait-ilpas réinventer une société ?

Ou la fin d’un critère

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Selon la déjà fameuse étude duBoston Consulting Group, la croissanceverte devrait créer 600 000 emploisen France d’ici 2020. La Commissioneuropéenne table sur sa part pourla même période pour plus de 2,8millions d’emplois au niveau del’Union. Sur quelles réalités sereposent ces prédictions ?

Se poser la question de l’emploi dudéveloppement durable oblige àsortir des grandes interrogationsliées à l’avenir de la planète pourse focaliser sur deux questions trèspratiques :Dans quelle mesure le développe-ment durable va-t-il susciter desinvestissements publics ou privésdans les années à venir ?

A quels postes et compétences vontcorrespondre les investissementsen question dans les années àvenir ?

Dans quelle mesure le développe-ment durable va-t-il susciter desinvestissements publics ou privésdans les années à venir ?Si tout exercice de divination intè-gre par définition une marge d’er-reur, il est possible dans le casprésent de se baser sur plusieurs in-dicateurs très concrets.

Un cadre législatif fortementincitatif :La directive européenne REACH, laloi « handicap », l’adoption de laloi Grenelle 2 le 12 juillet 2010,sont autant de sources de nou-velles obligations et opportuni-tés économiques pour lesentreprises. D’autant plus quenombre des lois en question sontaccompagnés d’un dispositif finan-cier (sanction ou encouragementfinancier).

Un changement tiré par la demande

privée et publique :La consommation « responsable »progresse en France avec unecroissance de 91 % du chiffred’affaires par exemple pour lesproduits labellisés NF Environnementet Ecolabel Européen entre 2007et 2008 (Source : Agence Bio etADEME AFNOR 2010).

De plus en 2009, 2,3 % de l’ensem-ble des marchés publics étaient sou-mis à la clause environnementaleet 1,5% à la clause sociale. Cetteproportion est surtout en progres-sion de 50% par rapport à l'annéeprécédente.

Une demande des investisseurs :Les Investissements SocialementResponsables (ISR) sont des inves-tissements qui ne sont accessiblesqu’aux entreprises ayant un meil-leur comportement social ou envi-ronnemental… que leursconcurrents.

En France le volume global de l’ISRa franchi en 2009 la barre des50 Milliards d’euros (70 %

Combien d’offres d’emploi ?

Par Jean-PhilippeTEBOUL

Orientation Durable, marchés et métiers du développement durable

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Mode d’emplois durables

d’augmentation par rapport à2008).

Moins d’incertitudes liées auxréférentiels : beaucoup d’entreprisesont bloqué leurs programmesd’améliorations de leurs impactsdu fait d’une incertitude sur lesfuturs référents de la bonne pratique.(Les normes qualité ont connu lemême blocage dans la premièremoitié des années 80).

Fruit d’un processus de négociationde plus de cinq ans, ayant entraînéla participation de 78 Etats,l’implication de 37 organisationsen liaison (OIT, UN, Global Compact,OMS, etc.) et plus de 500 experts,la norme ISO 26000 sur la respon-sabilité sociétale des organisationsest susceptible de lever ces blocages.

A quels postes vont correspondreles investissements en questiondans les années à venir ? Enseptembre 2009, 16 000 emploisdans le développement durableétaient listés au Pôle Emploi.

Deux familles de profils se distinguentclairement à travers le niveau desalaire comme à travers le nombred’offres pour l’emploi visé :Les profils développement durable« généralistes » : on retrouvederrière ces profils des demandeurs

d’emploi cherchant à développerune approche globale du dévelop-pement durable.Les profils axés sur un domaine despécialisation du développementdurable : les profils en questionintègrent des compétences techniquesgéothermie, solaire thermique,efficacité énergétique… Mais aussiune nouvelle approche, achatsresponsables, éco-conception,fundraising… Souvent acquise parformation courte ou autoformation.

Si la première catégorie souffreparticulièrement d’une très forteconcurrence et d’un décalage parrapport aux besoins des organisations,la seconde semble – avec de fortesvariations selon les spécialisations– clairement tirer son épingle dujeu.Cette notion de spécialisationcomme ligne de démarcation deschances d’embauche peut êtreprécisée.

Sont recherchées aujourd’huiles personnes maîtrisant une« vieille » compétence (achats,process industriels, marketing,urbanisme…) à laquelle le chercheurd’emploi a su ajouter une dimensionresponsable.

Cette professionnalisation dudéveloppement durable a de

fortes chances d’être pérenne. Elleest le signe d’un gain de maturitédu développement durable.Son impact est double :Pour un chercheur d’emplois’orientant vers les métiers dudéveloppement, le choix d’undomaine précis devient un impératif.

Pour la planète et ceux qui y vivent,cette accélération des compétencesvers les corps des métiers desentreprises est une excellentenouvelle. Elle signifie que lesdiscours se rapprochent de la seulechose qui importe : l’améliorationdes impacts.

Combien d’offres d’emploi ?

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Tout le monde aujourd’hui se réclamedu « développement durable ».Mais les symboles, les mots, leseffets d’annonce ne suffisent pas.Le temps est venu de mettre encohérence les intentions, les actes,avec la réalité. Et de proposer dessolutions concrètes. Agriculturebio, éco-habitat, énergies vertes,biodiversité, économie sociale etfinance solidaire, commerce éthiqueet équitable : face à la criseécologique, sociale, économique,des solutions existent, ici en France !

Certains n’ont pas voulu attendreque le temps du politique, dulégislateur ou de la grande entreprises’adapte aux exigences des impéra-

tifs écologiques, sociaux, sociétauxpour trouver des remèdes à la« polycrise ». Et ils s’emploient,parfois depuis plus de 30 ans, àconstruire des alternatives. C’est larencontre de ces femmes et de ceshommes, entreprises, coopératives,collectivités, qui a motivé notre« Tour de France du développementdurable ».

Pourquoi un « Tour de France » ?Certes, le caractère des enjeux estévidemment global. Mais n’est-ilpas crucial de connaître et demettre en place des alternatives àl'échelle locale ? Les enjeux, lanécessité du changement, et lessolutions à mettre en oeuvre nedoivent pas demeurer des questionslointaines. Nous devons nous ensaisir et apporter des réponseslocales. C'est pourquoi nous avonschoisi de réaliser cette « moissond’informations positives » au plusproche de nous.

Les initiatives que nous avonsrencontrées suscitent un intérêt

croissant de la part des citoyens enquête de « bien vivre », de sens,d'une économie respectueuse dela nature et des hommes. Ellesnécessitent de se développer, des'essaimer, d'être connues davan-tage des citoyens, des entreprises,des pouvoirs publics. Car elles sontnon seulement utiles, mais crédi-bles : elles ont fait et font leurspreuves !

L'exemple des Amaps – dont nousavons rencontré les fondateurs enFrance – témoigne de l’existencede modèles permettant de construireune économie de proximité,plus juste, plus respectueuse del'environnement.

Le concept est simple : l'agriculteur,plutôt que de commercialiser saproduction via la grande distribution,pratique la vente directe.Affranchi des exigences des super-marchés et de la pression qu’ilsexercent sur les prix, il assure sesdébouchés et perçoit une rémunéra-tion plus élevée, tout en offrant à

Ecologie, social, économique, éthique 

Par Gilles VANDERPOOTEN

Auteur

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Vive l’avenir !

ses clients des prix inférieursaux circuits « classiques ».

Les Amaps sont l'exemple d'unnouveau modèle, qui profite àtous, tant en termes économique(les fruits et légumes y sontmoins chers pour le client, touten permettant à l'agriculteur demieux s'y retrouver et d'assurerl'écoulement de sa production àun prix raisonnable et équitable),que sanitaire (les Amaps sontsouvent des exploitations agricolesbio), et de solidarité – la relationdirecte crée du lien, souvent desamitiés...

Et ça marche ! Les Amaps, qu'ellessoient situées en zones rurales oupériurbaines, ne peuvent répondreà la demande des clients qui sepressent toujours plus nombreuxdans leurs fermes.

Le Tour de France du développementdurable, c'est une invitation àdécouvrir des initiatives quipréfigurent peut-être, à l’imagede ces Amaps, la société de demain.

On y trouve des entreprises del'économie sociale et solidaire, desfournisseurs d'énergie verte, descoopératives dans lesquelles lessalariés sont aussi leurs proprespatrons et gèrent ensemble larichesse produite collectivement,

des chercheurs qui développentdes alternatives naturelles auxpesticides pour lutter contre lesmaladies des plantes, des banquesqui financent exclusivement desprojets locaux à caractère social etécologique, des particuliers quiconstruisent leurs maisons auto-nomes en énergie...

Ces initiatives, aujourd’hui éparses,souvent s’ignorent et sont ignorées.Elles donnent le sentiment qu'une« métamorphose » – comme lanomme Edgar Morin (qui signe laconclusion de l'ouvrage) – est engestation. Elles sont peut-être lesfondements d’un nouvel ordreéconomique, écologique et social...

Que nous enseignent ces initiativesqui partout progressent ? Qu’ilfaut innover, expérimenter,conduire la mutation écologique,ne pas se résigner, et tenter deconstruire ensemble un avenir du-rable ! Une utopie, une illusion ?Non, une réalité.

Soyons « opti-pessimistes » au sensd’Edgar Morin… « opti-réalistes » !Réalistes quant à l’ampleur desenjeux et des crises, optimistesquant aux réponses qu’il est possi-ble d’y apporter. Des solutionsexistent déjà, nous les avons ren-contrées.

Alors découvrons-les, parlons-en,et agissons à notre tour ! Pourparaphraser l’écrivain et écolo-giste Hervé Kempf, « Ce n’est pasla fin de l’histoire, c’est le débutd’une nouvelle histoire. Tâchemagnifique, impressionnante,incertaine. Notre vie ne sera passimple. Mais elle sera dense. »

« Le Tour de France du développementdurable », éditions Alternatives.Conclusion d'Edgar Morin.

Ecologie, social, économique, éthique 

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Si paradoxalement, le nomadismepermit à l’homme de s’émanciperde son état sauvage en renforçantson patrimoine génétique et enétendant sa domination sur uneterre alors hostile à l’humain, ildevient assez rapidement unproblème une fois la sociétésédentarisée.

Les premières traces de papierspermettant de prouver l'identitéen France apparaissent au XVe

siècle. Ce sont des sauf conduitsqui permettent souvent auxmarchands et aux voyageurs deprouver leur identité durant leursdéplacements. Au XVIe siècle, l'éditde Villers-Cotterêts (renforcé en1579 par l'ordonnance de Blois)rendra obligatoire la tenue deregistres baptismaux, de mariageset de décès qui reviennent au finalà prouver l'identité d'un individu.

La Révolution française instaure« la carte de sureté » qui décritl’attitude générale de son réci-

piendaire. Napoléon III introduiradeux documents d’identité qu’ilestime nécessaire à l’identificationde deux populations considéréescomme potentiellement dange-reuses pour l’Empire : le livret pourles ouvriers et le passeport inté-rieur pour les nomades. Les pre-miers sont jugés subversifs, lesseconds incontrôlables.

Une fois au pouvoir, les républicainssupprimeront le passeport intérieuret le livret ouvrier.

Sous la Troisième République, levagabond est supplanté par «l’étranger ». Ainsi, en 1908, le com-missaire de police de Limoux, Lhuil-lier, écrit à propos des gitansd’origine espagnole ou hon-groise : « Tous les commissaires depolice savent combien sont em-barrassés les braves gens des pe-tites villes ou villages quand ils’agit de donner le signalement d’unindividu quelconque, et d’un gitanonomade en particulier. Les signale-

ments qui suivent sont fréquents :« Femme petite, très brune, vêtuecomme les gitanes, vêtements ba-riolés en loques ». Ils savent aussi combien il est difficilede se servir d’un tel signalement,étant donnée surtout la « ressem-blance ethnique ». »

C’est ici que les travaux anthropo-métriques d’Alphonse Bertillon,alors directeur du service de l’identitéjudiciaire de la préfecture de police,trouvèrent un certain succès.

En 1882, Alphonse Bertillon, petitchef du service photographique dela préfecture de police de Parisdécouvre qu'en prenant les me-sures anthropométriques (taille,pieds, main, nez, oreilles, etc.) surn'importe quel individu, il y a de fortesprobabilités pour qu'on ne retrouvepas les mêmes chez une autre per-sonne. Mais outre le côté fasti-dieux de la chose, cela n’établissaitqu’une probabilité.

De Bertillon à Philip K. Dick

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Identité

Bertillon opte alors pour la dacty-loscopie1, technique de prise desempreintes digitales (observéesdès le XVIIe siècle par un anatomisteitalien, Marcello Malpighi) maisalors utilisées uniquement defaçon empirique. Grâce à cetteméthode, il confondra Henri-LéonScheffer (un dentiste qui avaitassassiné son domestique) le 24octobre 1902

Les crêtes papillaires que l’ontrouve à l’extrémité des doigtsprésentent des dessins différentspour chaque doigt et pour chaqueindividu. Ces signatures immuables,inaltérables et indélébiles constituent,bien plus que l’anthropométrie,cette marque d’identificationabsolue que l’on cherchait avecobstination : dix-huit points decomparaison donnent une marged’erreur de 1/68 719 000 000.

Cet ensemble de méthodes futappelé « bertillonnage » et estconsidéré comme la genèse dessciences médico-légales. Elles furentprogressivement appliquées àl’ensemble de la population par lebiais de la carte nationale d’identité.

En 1912, le port d'un carnetanthropométrique est doncimposé aux nomades. Selonl'art. 8 du décret d'application de

1913 : « Il doit, en outre, recevoirle signalement anthropométriquequi indique notamment la hauteurde la taille, celle du buste, l’enver-gure, la longueur et la largeur dela tête, le diamètre bizygomatique,la longueur de l’oreille droite, lalongueur des doigts médius etauriculaires gauches, celle de lacoudée gauche, celle du piedgauche, la couleur des yeux : descases sont réservées pour lesempreintes digitales et pour lesdeux photographies (profil et face)du porteur du carnet ».

C’est la brigade mobile qui estresponsable, au niveau départemental,du service préfectoral chargé del’application de la circulaire du 3octobre 1913 émanant du troisièmebureau de la Sûreté générale.

Des tournées sont organiséesrégulièrement et chaque maillonde la sécurité publique (commissaires,surveillants des maisons d’arrêt,policiers municipaux…) est mis àcontribution.

De provisoire et limitée, la carted'identité devient permanente etse généralise en 1921. Le préfet depolice du département de la Seine,Robert Leullier, institue une «carte d'identité de Français »,qui demeure toutefois facultative

car dans les années 30, ni les Fran-çais, ni l’administration ne sonten capacité d’accepter et de gérerune telle base de données.

Le 27 octobre 1940, le maréchalPétain décrète que « tout Français,de l'un ou de l'autre sexe, âgé deplus de seize ans, ne peut [désormais]justifier de son identité […] que parla production d'une carte d'identité,dite «carte d’identité de Français ».En 1942, la mention « juif » y estapposée le cas échéant.

Le numéro d'inscription au répertoirenational d'identification despersonnes physiques (NIR) verrale jour en 1943.

L’après-guerre la voit revenir sousune forme amendée et facultative :elle devient la carte nationalecertifiant l'identité de son titulaireavec une durée de validité de dixans (décret n°55-1397 du 22 octobre1955).

Il faudra néanmoins attendre la loin°69-3 du 3 janvier 1969 pour quela loi de 1912 soit abrogée.

Le carnet anthrométrique est alorsremplacé par des carnets et livretsde circulation. Obligatoire à partirde 16 ans, le carnet ou livret doitêtre visé chaque trimestre par un

De Bertillon à Philip K. Dick

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commissariat ou une gendarmerie.Le développement de l’informatiquedes années 80, va favoriser uneapproche plus technologique de lasécurité : c’est l’ère de la pucesécurisée introduite par le ministrede l’intérieur de l’époque, CharlesPasqua.Le passeport électronique contenantune puce électronique où étaientenregistrées toutes les donnéesd'état civil (de la première page),ainsi que la photo d'identité enformat numérique est bientôtsuivi du passeport biométriquecontenant en plus les empreintesdigitales numérisées de deuxdoigts du détenteur du document.

A ces nouveaux papiers se sontajoutés progressivement denombreuses bases de données(le rapport Alain Bauer de 2007 encomptait 36 ; celui de 2008 endénombrait 45 et le rapport desdéputés Delphine Batho et Jacques-Alain Bénisti, publié en mars2009, en recense 58) croisant lesdifférentes composantes socialesde la population.

Le plus polémique est certainementcelui du FNAEG (Fichier NationalAutomatisé des EmpreintesGénétiques) qui fut créé en 1998pour centraliser les données surles délinquants sexuels et est géré

par la police scientifique à Ecully (69).

Une loi de 2001 l'étend auxpersonnes mises en cause dansles cas de meurtres, violencesdiverses et actes terroristes.

Depuis la Loi pour la sécurité intérieurede 2003 (loi Sarkozy II), une centainede délits obligent à se soumettreau prélèvement génétique. Ainsilimitée, à l'origine, aux infractionssexuelles, la législation concerneaujourd'hui les meurtres et lescambriolages, les vols simples, lestags ou les dégradations.Le prélèvement s'applique auxpersonnes condamnées maisaussi aux simples suspects. La loine prévoit pas d'âge minimum.

Depuis l'entrée en vigueur de cesdispositions, le FNAEG explose.Entre 2003 et 2006, le nombre deprofils enregistrés est passé de2 807 à plus de 330 000.

Le fichier EDVIGE a pour missionde « centraliser et d'analyser lesinformations relatives aux personnesphysiques ou morales ayant sollicité,exercé ou exerçant un mandatpolitique, syndical ou économiqueou qui jouent un rôle institutionnel,économique, social ou religieuxsignificatif, sous condition que cesinformations soient nécessaires au

Gouvernement ou à ses représentantspour l'exercice de leurs responsa-bilités ; mais aussi de centraliser etd'analyser les informations relativesaux individus, groupes, organisationset personnes morales qui, en raisonde leur activité individuelle oucollective, sont susceptibles deporter atteinte à l'ordre public [...] ».

Mieux connaitre l’homme pourmieux prévoir l’avenir ? Arrêter lecriminel avant que le crime ne soitcommis ?

Homme déchiré souffrant de crisede paranoïa, Philip K. Dick poussele concept à son maximum dans sanouvelle « Minority Report » adaptéeau cinéma par Steven Spielberg en2002.

En 2054, la ville de Washington aréussi à éradiquer la criminalité.Grâce aux visions du futur fourniespar trois individus précognitifs, lesagents de Précrime peuventécrouer les criminels juste avantqu’ils n'aient commis leurs méfaits.Bien évidement ce n’est qu’unefiction…

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Roms, Tziganes, Manouches, Cagots*,que de noms et de vocables pourune même source identitaire.

Alexandre Romanès revendiquecette origine commune des tribusvenues de l’Indus lointain et quipeuplèrent l’occident et notrevieille Europe avant même que nese forment les peuples et lesnations qui aujourd’hui les rejettenten contestant leur nationalité etpar conséquent leur identitémême.

Le sud ouest, et plus largementtous les territoires situés aucontact de la chaîne pyrénéenne,sont des lieux d’échanges, de voyages,de migrations et d’invasions, pources peuples ayant acquis ladénomination commune de «gens du voyage ».

Si les invasions ont disparu, leséchanges et les voyages se perpétuententre Andalousie et Gascogne,entre Aragon et Aquitaine. Pourdes raisons culturelles mais aussi

économiques, les gens du voyagereprésentent traditionnellementune force de travail historiquementutilisée de manière massive desdeux cotés de la frontière dans lestravaux agricoles et les grandsprojets d’infrastructures (tunnels,barrages, …).

Une grande migration traditionnelleet cultuelle intéresse notre région,il s’agit du pèlerinage annuel desgitans à Lourdes.Ici, point de recherche d’identité,de nationalité, mais pour le peuplegitan l’occasion de maintenir lesliens profonds et la culture ances-trale qui soudent et aident aumaintien de leur reconnaissance.

Là, point de roi des tziganes maisune personnalité forte et recon-nue de tous, celle de Robert Zie-gler, patriarche à la barbe blancheet au verbe haut et clair.

C’est lui et son groupe familial quiorganisent, coordonnent et enca-drent le pèlerinage en lien avec

les autorités locales qu’ellessoient d’état, des collectivités lo-cales ou des autorités reli-gieuses. Cette reconnaissance avalue à Robert Ziegler d’être insti-tué dans un rôle de référent, par-fois de médiateur et toujoursd’expert entre la société civileet les gens du voyage, notam-ment dans le cadre de la mise enplace de la loi Besson.

C’est ainsi que lors de réunions enpréfecture, de colloques oud’inaugurations d’aires d’accueil,lorsque invariablement les discourset les conversations abordent lethème de l’identité et de la natio-

Par Jean-FrançoisCELIER

Adjoint au Maire d’Auch

Identitaire

nalité, Robert Ziegler, lui quid’ordinaire tempête et porte leverbe haut sur des sujets techniquesou d’observance de la loi, sort deson veston un carnet jauni parl’âge et soigneusement protégé.

Ce carnet écrit à la plume d’unecalligraphie ancienne et appliquée,atteste qu’au seizième siècle, lafamille Ziegler, française et résidantà Muret en Gascogne, sillonnaitdéjà les routes du sud de l’Europeen exerçant le métier d’étameur etde fabricant de meubles.A la vue du document, exhibé, nonpas avec condescendance maisjuste avec le sentiment du bondroit, les conversations se tarissentd’elles-mêmes pour glisser versune reconnaissance unanime etévidente dont l’enthousiasme estinversement proportionnel au douteexprimé dans les minutes précédantla sortie du document.

De nombreuses familles possèdentde tels documents anciens dont lescopies devraient être envoyéesaux pourfendeurs d’identité etaux défenseurs de la nationalitépour qu’enfin soient évoqués entoute clarté et réalité, les qualitéset les défauts de tel ou tel individuet non plus les seuls défauts d’unpeuple dont la principale erreurest de vouloir conserver parl’oralité une culture et une mémoire

qui paraissent décalés aux spécialistesde l’image et de la communicationaudiovisuelle.

L’exemple des Cagots* atteste quela controverse est ancienne et queles débats et les actions actuelssont bien une régression et sûrementpas un axe de progrès.

* Les Cagots (ou Capots) composaient un peuple

proche des gens du voyage et qui fût intégré

voir digéré par la société occidentale à la fin du

Moyen-âge. Ils s’étendaient sur un vaste terri-

toire de la Guyenne à la Gascogne et mi-

graient régulièrement vers ou depuis

l’Espagne. Leurs particularité résidait dans leur pe-

tite taille et un teint de peau très mat. Ils étaient

spécialisés dans la charpente et dans toutes les

« basses besognes ».

Ils n’avaient pas d’identité reconnue et leurs

naissances et leurs décès ne figurent pas sur les

registres tenus par les paroisses.

Ils résidaient toujours à l’écart des villes et

villages et l’on trouve encore leur trace dans

des dénominations de lieux-dits « le champs des

Cagots », « le chemin de la Cagotière », « bois

ou fontaine des Capots ».

Certaines églises de notre région ont encore des

petites portes de côté par lesquelles ils pénétraient

dans les lieux de culte et des petits bénitiers qui

leur étaient réservés (basilique St Savin en

Lavedan, Eglise St Laurent de Fleurance).

Ces traces témoignent d’une ségrégation

ancienne et forte au sein de notre société

mais aussi d’une intégration réussie puisque

aujourd’hui, ce peuple est complètement

assimilé à notre société, sans pour autant

que l’on en saisisse le processus.

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« Océans » de Jacques Perrin,« Home » de Yann-Arthus Bertrandou encore « Le syndrome du Titanic »de Nicolas Hulot : trois films, troiscris d’alarme, trois prises deconscience. A leur façon, les troiscinéastes attirent l’attention surtrois dangers : la dégradation del’espace maritime pour l’un,l’épuisement des ressourcesnaturelles pour le deuxième,l’exposition des personnes lesplus fragiles aux risques et pollutionspour le dernier.

Par leur impact, ces témoignages-chocs contribuent à façonner l’étatd’esprit de la population, du moinscelle des pays occidentaux. Etforce est de constater que celui-cise modifie très sensiblement et deplus en plus fortement chez noscitoyens. Il peut prendre plusieursformes : tri des ordures ménagères,extinction des lumières en sortantd’une pièce, choix de modes detransports plus économes en énergie,intérêt accru pour les produitsissus de l’agriculture biologique.

Est-ce à dire que nous assistons làà un changement systémique, àune mutation en profondeur descomportements économiques,culturels et sociaux de la population ?Difficile à dire à ce stade.

On sent confusément qu’il resteencore beaucoup à faire, qu’onagit un peu pour se donner bonneconscience, un peu aussi parcequ’on est vaguement inquiet pourl’avenir des générations futures.Et puis il y a tout ce débat sur leréchauffement climatique : grou-pement international des expertsen climatologie peu identifié versusclimato-sceptiques souvent mé-diatiques et au verbe plus direct etsouvent plus facile à comprendre.

Difficile de croire ces dernierscependant, car on voit bien quequelque chose cloche dans lessaisons, on voit bien que la populationmondiale s’accroit et on se doutebien que si Indiens et Chinoisadoptent le même comportementque nous en matière de consom-mation, les émissions de gaz à

effet de serre vont s’intensifier sitant est qu’il y ait suffisamment deréserves de pétrole pour répondreà la fois à leur demande et à lanotre.

Malgré ce constat, difficile de direque la société ait à ce stade décidéde s’orienter vers un modèle decroissance autre que celui qui estmesuré par le taux de croissancedu Produit Intérieur Brut.

Même si les critères du bien-êtresocial qui, selon le rapport Stiglitz,permettraient de mieux mesurerl’évolution du progrès social,commencent à être pris encompte, notamment dans la stratégie

Par Jean-PaulLE DIVENAH

Inspecteur général del' administration du développement durable

Développement Solidaire

Pour construire une société à responsabilité sociale et écologique

nationale du développement durableadopté par le Gouvernement enseptembre 2010, ils ne contribuentpas à ce stade à réorienter lespolitiques publiques, pour le momentcontraintes par les échangeséconomiques mondiaux et lestraités internationaux auxquelsnotre pays est tenu.

Toujours est-il que l’urgenceenvironnementale interrogesérieusement le modèle écono-mique actuel issu de la révolutionindustrielle, modèle en tout étatde cause fragilisé par les crises,financières ou monétaires quiémaillent l’actualité économiqueinternationale depuis quelquesannées.C’est dans ce contexte que le Grenellede l’environnement marque uneétape essentielle pour l’avenir denotre société. Et comment ne pasreconnaître que cette démarche aété un succès majeur ?

Ce succès c’est celui d’une méthode,celle de la fameuse gouvernance à5 permettant la prise en compte àégalité des opinions des associationsde protection de l’environnementau même titre que celles des élus,des entreprises, des partenairessociaux ou de l’Etat.

Deux ans après l’adoption des 268

engagements du Grenelle, c’est unpari gagnant pour Jean-Louis Borloo,ministre d’Etat : « En moins dedeux ans, notre pays a déjà effectuédes ruptures irréversibles danstous les chantiers du Grenelle del’environnement : énergies renou-velables, bâtiment, transports,protection de la biodiversité,gouvernance ou agriculture. Et lesrésultats sont là : hausse de 600%en deux ans de la puissanceéolienne raccordée au réseau,signature de 120 000 éco-prêts àtaux zéro pour financer la rénovationthermique chez les particuliers,construction en cours de 365kilomètres de lignes de trans-ports collectifs supplémentaires, lan-cement de cinq nouvelles lignes àgrande vitesse… »

Au-delà de ce constat éloquent, ladynamique des Grenelle constitueune opportunité pour inventer unnouveau modèle de société àresponsabilité sociale et écologique.

Sans évolution des valeurs, descomportements et des organisations,sans partage d’un nouveau projetde société, sans association detous les citoyens, la mutationculturelle du développement durablene pourra s’opérer.C’est en cela que développementdurable et développement solidaire

sont indissociables. C’est à cetteréflexion qu’invite le projet dePacte de solidarité écologiqueproposé par Valérie Létard, secré-taire d’Etat auprès de Jean-LouisBorloo.

Alors que cette mutation concernetoutes les couches de la population,nombreux sont ceux qui considèrentque le développement durablen’est pas pour eux ou n’est pas àleur portée. Ils l’associent à despratiques ou à des consommationsréservées à un petit nombre, voireà une élite aisée. Ce sentiment estd’autant plus fort que certains sesentent menacés par les reconver-sions économiques annoncées,dont certaines sont liées à l’orien-tation de notre économie vers lacroissance verte. Cela peut expli-quer que certaines mesuresvertes (achats, fiscalité verte…)soient parfois mal comprises.

En effet, la diffusion des pratiquesenvironnementales reste corréléeà des facteurs tels que l’âge, leniveau de ressources, l’instructionou plus largement l’insertion socialedes personnes. Ainsi, les populationsvulnérables restent aujourd’huitrès éloignées du développementdurable.

Pourtant, les populations défavorisées

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sont souvent les plus exposées auxnuisances telles que le bruit, auxpollutions de l’air, de l’eau et dessols et aux risques liés à la présencede sites industriels, que ces risquessoient accidentels ou chroniques,parce qu’elles habitent dans deszones dégradées et/ou dans deslogements plus fréquemmentinsalubres. Ces inégalités sontsouvent cumulées avec une plusgrande précarité dans l’emploi etune situation de plus grandefragilité en matière de santé. Lescollectivités d’outre mer sontparticulièrement touchées par lesproblèmes d’habitat insalubre etde précarité énergétique.

De plus, cette mutation intervientdans un contexte de crise économiqueoù les risques de précarisationsociale font du pouvoir d’achat etde l’emploi les préoccupationsmajeures voire exclusives despopulations les plus modestes. Lacrise accentue aussi le besoin deprotection des plus vulnérables etleur peur d’être « laissés de côté ».Ce sentiment tend à se diffuserplus largement.

C’est pourquoi dans son approche,le pacte privilégie l’appropriationpar tous d’un nouveau modèleculturel. C’est la perspective d’unenouvelle croissance à partager,

mais c’est surtout le rapprochementdes enjeux environnementaux etsociaux ; c’est mettre au cœur denotre projet collectif, la réductiondes inégalités sociales et environ-nementales.

Promouvoir une écologie humaine,telle est l’ambition du Pacte desolidarité écologique, Pacte danslequel écologie signifie à la foisprotection de l’environnement etrenforcement du lien social.

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Face aux défis d’aujourd’hui,l’éducation des citoyens apparaîtcomme un enjeu majeur. Bonnenouvelle : en cherchant à développerdes comportements adaptés enmatière d’environnement, ondécouvre malgré nous des modesde vie innovants.

C’est fou comme les choses changent !Il n’y a pas si longtemps, la protectionde l’environnement n’intéressaitque des savants excentriquessoucieux de l’avenir du planctonou du devenir des abeilles.Puis, grâce aux diverses actions desensibilisation engagées à tous lesniveaux, cette conscience del’environnement a fini par intégrer

la vie quotidienne des français.Certes, il reste encore beaucoup àfaire, mais tout de même !

De nos jours, tous les hypermar-chés vendent des sacs « durables», les enfants apprennent à leursparents à économiser eau ou élec-tricité et les transports en com-mun sont de plus en plusfréquentés.En matière de tri des déchetsnotamment, les efforts réaliséspar la majorité des communes ontfini par porter leurs fruits. L’idéequ’un petit geste peut avoir unimpact considérable à l’échelle dela planète fait donc petit à petitson chemin.

On pourrait s’effrayer de cettenouvelle tendance « verte » quicomporte des limites. Bien sûr,trier ses déchets, limiter sesdégagements de carbone ou sesdéperditions d’énergie sont devenusde vrais impératifs sociaux à faireappliquer. Mais si l’on ne prendpas garde à la façon dont on pré-

sente les choses, on vient encorecreuser les inégalités.

Le message véhiculé par les médiasincite surtout à la consommationde produits ou équipementsexcessivement coûteux ou difficilesd’accès.

De ce fait, la majorité des françaisplébiscite désormais une alimenta-tion saine, un habitat plus économeen énergie, mais pense ne pasavoir les moyens d’adopter lescomportements indiqués.Une nouvelle forme de culpabilitéapparaît alors et vient parfoisalourdir le sentiment de frustration.Difficile de manger bio et de roulerélectrique lorsqu’on élève seul sesenfants ou que l’on vit du revenuminimum. Difficile d’obéir auxdiverses injonctions officielles. Difficilede se sentir un « bon » citoyen.

Et si cette « fracture écologique »ouvrait en fait la voie d’un autredéveloppement ? Si la contrainteenvironnementale nous aidait à

Pour une éducation citoyenne au service de l’humain…

Par Marie VERREY

Enseignante/Bénévole associations d'Éducationau développement durable

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Un petit geste…

imaginer de nouvelles formes desolidarité ? En tout cas, il est grandtemps de rappeler à ceux quipossèdent le moins qu’ils sont déjàles champions de l’action citoyenne!En effet, tout comme pour les dé-chets, en matière de consomma-tion, la tendance est à la réductionà la source1.

Donc, si on agit à son niveau, pasbesoin d’avoir de gros moyenspour être un éco-citoyen méritant.La mode s’empare ainsi de certainespratiques traditionnellementréservées aux plus démunis.

Tendance « recyclage » oblige,les « ressourceries » connaissentun succès grandissant2.

Dans le même esprit, les réseauxde « troc » se développent, enparticulier pour les livres et autresbiens culturels3.

On voit même apparaître les « troc-partys », ces réunions impromptuesqui sont autant d’occasions de serencontrer que d’échanger desobjets devenus introuvables dansles circuits de distribution habituels.Certains s’inquièteront d’assisterlà à une certaine forme de régres-sion, un retour angoissant vers unevie moins confortable.Mais ce serait passer à côté d’unedimension essentielle : étant

désormais obligés de préserverl’environnement, nous noustrouvons forcés d’inventer desactivités économiques plus justes,des rapports sociaux plus chaleureux.

Serions-nous en train de devenirplus « humains » ? C’est là qu’esttoute l’innovation. Si nous apprenonsla solidarité comme nous avonsappris l’environnement, nousdécouvrirons peut-être un jource que « qualité de vie » signifievraiment.

1. Voir la campagne de sensibilisation sur le site

de l’ADEME :

http://www.reduisonsnosdechets.fr/

2. Une «ressourcerie» ou «recyclerie» est un

lieu de collecte : chacun est invité à y rapporter

certains déchets ménagers afin qu’il soient

revalorisés et remis en circuit de consommation.

C’est aussi un lieu privilégié d’éducation à

l’environnement pour tous les citoyens. Le

développement de telles structures permet

souvent la création d’emplois spécifiques pour

les publics en réinsertion.

Pour en savoir plus : http://ressourcerie.fr/

3. De nombreux sites internet proposent des

services de troc : Chacun sa tribu, Troc tribu,

etc.

Pour en savoir plus :

http://www.troqueurs.org/

Pour une éducation citoyenne au service de l’humain…

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Un petit geste…

Vous souvenez-vous ? Enfant, vousavez vu cette photo prise à Yaltaen février 45 qui réunit les troisprincipaux dirigeants des alliés,dont les décisions pesèrent sur lavictoire ou la défaite finale et sur lesort de plusieurs centaines demillions de personnes. Nul neniera qu’il s’agit, à ce moment pré-cis, et en mettant à part touteconsidération politique, de lareprésentation la plus pertinented’hommes de pouvoir au sens leplus fort du terme.

Pour autant, le prisme moderne dela capacité physique fait de cetteimage le rassemblement de trois

personnes en situation de handicapphysique ou psychique.

Roosevelt est paralysé des mem-bres inférieurs.

Churchill est bègue, partiellementsourd et souffrait potentiellementde troubles bipolaires.

Quand à Staline, le peu d’informationsdisponibles permet tout de mêmede diagnostiquer une paralysie dubras gauche.

Ils ne passeraient probablementpas le test d’un entretien préalabled’embauche car ce bref inventairefragilise, en un flash, ces troispersonnages. Pour autant sont-ilsdevenus moins capables ?

La réponse naturelle est non. Etpourtant la « communicationpolitique » a généralement cherchéà masquer le handicap des politiques.C’est d’ailleurs pour ne pas mettreen lumière le handicap de Roosevelt

que les trois leaders serontphotographiés assis.

A une époque où chacun tente dedire que la personne en situationde handicap est un hommecomme un autre, le politique sedoit d’être mince et sportif, mouillantle tee-shirt entre deux réunions,de faire du basket, de la moto, voirmême de sauver des journalistesdes griffes d’un tigre !

L’homme politique doit être unsurhomme. Alors que l’essentieldes compétences utilisées estd’ordre intellectuel, il serait admisque pour exercer une fonctionimportante d’ordre politique lapleine possession de ses moyensphysiques soit indispensable.

Alors d’où vient cette vision « idyl-lique » du politique ?Cela renvoie, pour une part, à lareprésentation du « Chef » dansl’inconscient collectif. Le héros del’ancien temps est avant tout un

Par Benoit CALMELS

Responsable National Réseau UNCCAS

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Handicapet politique

militaire, un chef de guerre. Lesrois étaient à la tête des armées, ets’ils ne le pouvaient physiquementpas, leurs représentations artistiquesles paraient des vertus combattives.

Un grand nombre de chefs d’Etatsfurent également d’anciens militaires.Mais Alexandre le Grand étaitépileptique et Périclès souffraitd’une malformation du crâne…

A notre époque où, heureusement,les hommes politiques n’ont pasconnu de période de conflit, ilssemblent donc devoir compenserpar une intégrité physique irrépro-chable.

Il est d’ailleurs étonnant de constater,alors que la condition des personnesen situation de handicap dans lasociété évolue, pas assez vitecertes, que le rejet de toutesdéfaillances physiques chez lepolitique est de plus en plus pré-gnant.

Il en va ainsi du débat sur la nécessitéde publier un bulletin de santé deschefs d’Etats. En d’autres temps,Richelieu, autre grand épileptique,n’aurait sans doute pas été un desprincipaux dirigeants de l’ancienrégime.

Si le politique doit avoir une identité,il est à craindre que celle-ci soit de

plus en plus tronquée par l’imagequ’il doit donner à l’opinionpublique. N’est-il pas plus impor-tant qu’il soit capable d’organisa-tion, de décision, d’espritd’initiative et de raisonnement ?

En quoi la capacité physique, ouplutôt l’incapacité physique, viendraitinterférer dans le schéma ?

La plupart des hommes politiquesactuels se fichent bien de savoir sitel ou tel autre est handicapé ouvalide. Seul compte le regard de lasociété et donc du gouverné. Celarevient à dire que la société n’estpas encore assez mature pouraccepter la personne en situationde handicap comme un citoyencomme les autres.

Beaucoup diront que c’est le caspour les minorités ou pour lesfemmes.

Il suffit pourtant d’un exercicesimple : cherchez sur un moteurde recherche les occurrences liéesà l’association du mot « pouvoir »avec les termes « race », « homme »,« femme » et « handicap ».

« Pouvoir » et « homme » proposedès la première occurrence desarticles sur la vie politique. Il en vade même pour « pouvoir » et« femme ».

« Pouvoir » associé à « race »devient plus difficile à trouver.

Mais lorsqu’on tape « pouvoir » et« handicap », nous frôlons lesabysses… Et encore s’agit-il desmodalités d’accès des personneshandicapées dans les bureaux devote belges.

Après tout l’urne est la premièreétape de la vie politique…

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Que sera le management dans 10,20 ou 30 ans ?L’appellera-t-on encore « manage-ment » d’ailleurs, ou aura-t-ontrouvé un autre mot pour parlerde notre manière d’être ensembleen entreprise et de diriger les au-tres ?

De l’organisation industrielle à lapsycho-sociologie, il embrasse lessciences les plus dures comme lesplus molles et se trouve aujourd’huipris dans un double mouvementcontradictoire : vers davantaged’objectivation d’une part, avec

la prolifération des chiffres quiaccompagne la culture dite durésultat, et vers davantage desubjectivité d’autre part avec lagrande vague psy qui déferlecomme jamais dans les organisa-tions.D’un côté, la pression des objectifset de l’autre les colin-maillard deséminaire…

En dépit de leur apparente antinomie,la culture de résultat s’accom-mode très bien de celle de l’effu-sion : la première impose une fortepression aux individus que la se-conde leur permet d’évacuer.

Pour ne parler que des entreprisesprivées où ce mode de gestionsemble le plus approprié, il n’enest pas moins critiquable à denombreux égards. Présenté commeune condition nécessaire de laresponsabilisation des individus,il crée un surcroît de complexité

dans la gestion, encourage lescomportements individualistes etles tactiques d’ingénierie financière,et peut finalement détourner lesesprits de l’intérêt général.

Mais plus préoccupante estl’extension de ces nouveauxmodes de management issus de laculture marchande anglo-saxonneà toutes les organisations, de laplus petite à la plus grande, et cecidans la sphère privée comme dansla sphère publique ou associative.

Au-delà des frontières de l’univers« marchand », d’autres corps demétier se trouvent ainsi soumis àcette nouvelle logique selon laquellela définition de responsabilitésdoit s’accompagner de la détermi-nation d’objectifs quantitatifs et me-surables, alors même que d’autreslogiques y prévalaient jusqu’à pré-sent, comme celle de l’honneur,

Par Damien LORTON

Ecrivain

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Management et identité

de l’excellence ou encore du « ser-vice public ».Les policiers ne comprennent pasqu’on leur fixe des objectifs de procès-verbaux ou d’arrestations : ils nesont pas là pour « faire du chiffre ».La culture leur apparaît, ainsiqu’aux enseignants ou au corpsmédical, comme une forme denégation de leur sacerdoce, presquede trahison. Corps enseignant,corps médical, corps policier oujudiciaire : trois milieux où la culturede résultat peine à s’imposer,même fortement impulsée dans lecadre de la modernisation del’Etat.

Pour deux raisons principales :d’une part elle nie les spécificitésculturelles, et en l’espèce, la spé-cificité française ; d’autre part, ellenie la réalité passionnelle quiconstitue le moteur des organisations.

Philippe d’Iribarne l’annonçaitclairement dans ce qui allait devenirun grand classique de la sociologieet du management (La logique del’honneur) : « Chaque pays a sestraditions, sa manière de définirles droits et devoirs de chacun, safaçon de commander, d'obéir, decoopérer et de s'affronter. Notre culte sourcilleux de l'honneur,nos distinguos infinis entre lenoble et le vil nous font vivre dansun univers bien différent de celui

où s'affrontent, outre-Atlantique,l'avidité du gain et la passion del'honnête, ou encore des prudentesdémarches qui conduisent lesNéerlandais à accorder leurs volontés.A discerner les ressorts de chaqueculture, on découvre ce qu'y ontde spécifique les moteurs del'efficacité ».

Les gens n’ont pas besoin de chiffrespour se faire une haute idée deleur fonction : c’est précisémentl’absence de chiffres qui en faitpour eux la grandeur.Même les organisations œuvrantdans le domaine associatif, socialou humanitaire se mettent à « parlerprocessus, audit, reporting »,comme si la phraséologie del’entreprise les lavait d’une mauvaiseréputation. Laquelle d’ailleurs :archaïsme, idéalisme ? C’est peut-être ici que réside le fond duproblème, dans l’interdit colportépar l’air du temps de reconnaîtrenotre besoin de grandeur, et,osons le mot, de désintéressement.

Sous le pseudo Téodor Limann :- Morts de peur (2007), Les empêcheursde penser en rond / Le Seuil - Classé X (2009), - Petits secrets des classes prépa, Lesempêcheurs de penser en rond / LaDécouverte

En nom propre :

- Le père est une mère comme les autres(2010), - Les empêcheurs de penser en rond /La Découverte

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Comment le « lien social » à la ter-minologie si aliénante contribue-t-il à libérer l’individu ? Le XIXème,siècle de l’expérimentation et del’Innovation où l’homme triomphait,conquérant, de la matière, dutemps et de la distance, doit-ilnous inspirer de nouveau ?

« Nunc est Bibendum » : telles lesflèches noires de la cathédrale deClermont-Ferrand, elles surgissentà la vue des automobilistes… Elles,ce sont les rampes d’essai del’entreprise Michelin, berceau degénérations d’auvergnats.

Fondée près de la place desCarmes en 1889, par les frèresMichelin (André et Édouard), l’usineMichelin compte rapidement plusde cinquante salariés.

Pneumatiques, autorails (la fameusemicheline), panneaux de signalisation(en lave émaillée sur le bord desroutes) mais aussi les fameuxguides (qui encourageaient lesnouveaux aventuriers de l’auto-

mobile à user leurs pneumatiquessur les routes de campagne) fu-rent autant d’inventions inno-vantes qui firent le succès del’entreprise.

Son histoire est intimement liée àcelle de la France…

Ainsi en 1936, l'entreprise serabloquée à trois reprises par desgrèves ouvrières.La C.G.T. passe alors de 100 àplus de 6 000 adhérents. Lesouvriers obtiennent près de 25 %d'augmentation de salaire !

En 1944, afin de préparer laprogression des troupes dans unpays dévasté, le commandementAllié, en accord avec la directionde Michelin, fait réimprimer et distri-buer à chaque officier l’édition duguide de 1939 (la dernière pu-bliée), qui contient des centainesde plans de villes très détaillés.

Peu à peu, l’entreprise forge lepaysage de Clermont-Ferrand

jusque dans le nom de ses rues :on travaille Michelin (jusqu’à 30 000salariés dans les années 70), on vitet on dort dans les cités Michelin,on fait ses courses Michelin, onenvoie ses enfants à l’école Michelin…Si cette osmose entre une entre-prise, ses salariés et une ville pa-raissent, à tort ou à raison commeempreinte de paternalisme, res-tent que les funérailles d'ÉdouardMichelin en 2006 rassemblèrentprès de 9 000 personnes. La find’un règne ou la fin d’une époque?

En 1849 dans l’Aisne naissait leFamilistère de Guise issu del’idéologie d’un fils d’artisan :Jean-Baptiste André Godin. Inventeurdu fameux « poêle Godin » qui fitsa fortune, cet industriel s’inspirad’un concept très en vogue inspirépar Charles Fourier : le phalanstèrequi est un ensemble d’élémentsarchitecturaux considérés commenécessaires à la vie harmonieused'une communauté.A l’exception du Familistère de

Utopie, paternalisme ou vision d’avenir ?

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Le lien social

Guise, qui conserva sa fonctionjusqu’en 1968, cette « utopiesocialiste » fut globalement unéchec.

Convaincu que l’action économiqueet sociale pouvait gommer leseffets néfastes du progrès, Jean-Baptiste André Godin élabore lui-même les plans du Familistère (ilfigure alors parmi les 137 premiersactionnaires de l'Ecole spécialed'architecture (Paris) aux côtés deFerdinand de Lesseps, Emile Pe-reire, Eugène Flachat, Dupont del'Eure, Anatole de Baudot, EugèneViollet-le-Duc ou Emile Muller).Son but : améliorer les conditionsde vie des familles (1 700 en 1888).

Le familistère comprend ainsiplusieurs ensembles de bâtiments :le Palais social et le pavillon Cambraidestiné à l'habitation, le bâtimentdes économats, le bâtiment desécoles et du théâtre, la buanderie,les bains et la piscine, construits ducôté de l'usine.

L’eau qui les approvisionne, arrivedirectement chauffée de l’usine ouelle a servi préalablement à refroidirles tuyaux de la fonderie.Ne se contentant pas de l’environ-nement, Jean-Baptiste André Godinmet également en place un systèmede protection sociale instaurantdes caisses de secours protégeant

contre la maladie, les accidents dutravail et assurant une retraite auxplus de 60 ans… L’école est mixteet obligatoire jusqu’à 14 ans.A noter que ces dispositifs serontégalement transposés dans lesbassins miniers.

On ne peut ici parler de paternalisme :le but ultime de l’industriel est depermettre à terme, d'abolir lesalariat et de lui substituerl'Association du capital et dutravail prémices de l’entreprisecoopérative. Tous bénéfices étantredistribués aux salariés sousforme d'actions de la société : lesouvriers deviennent ainsi propriétairesde l'entreprise.

Malgré le décès de Godin en 1888,le Familistère prospère jusqu’à lafin des années 1960.Malheureusement, le concept nesurvivra pas aux développementsde la Société. Les impératifsd’agrandir les bâtiments d’habitationse heurtent à la volonté de préserverle patrimoine historique. Les en-fants du familistère deviennent prio-ritaires, les tensions apparaissent.

L’entreprise se transforme enSociété Anonyme puis est inté-grée au groupe Le Creuset.

La marque Godin appartientaujourd’hui à la société « CheminéesPhilippe ».

Classés « Monuments historiques »en 1990, les bâtiments font depuis10 ans l'objet d'une restauration(le programme de valorisation Utopia)menée par la ville de Guise et ledépartement de l'Aisne.

Ces deux exemples lient profondé-ment le modèle de l’entreprise àson fondateur, qui parfois, s’éteintdonc avec lui. Heureusement, larecherche de continuité du lien so-cial entre le salarié, l’entreprise etla communauté perdurent.

Ainsi les principes de Rochdale(The Rochdale Society of EquitablePioneers1), du nom d’une villeanglaise de la région de Manchester,établis autour de 1844 sont toujoursen vigueur aujourd’hui.

Ces règles servent de principes debase au mouvement coopérateur.Il s’agit de « la porte ouverte »(toute personne est libre d’acheterdes actions de la Société), « d’unhomme, une voix » (les sociétairesdisposent d’une voix, quel que soitle nombre d’actions dont ils disposent),« la répartition des bénéfices »(intérêts proportionnels au nombred’actions et non aux bénéfices).

1. En 1844, 28 tisserands se rassemblent

pour fonder une association et un magasin

coopératif, « la Société des Équitables Pion-

niers de Rochdale ». 40 ans plus tard, la société

Utopie, paternalisme ou vision d’avenir ?

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Le lien social

compte 10 000 membres. Cette initiative

essaimera dans toute l’Angleterre.

L’économiste Ludwig von Mises(1881-1973) écrivait dans sonœuvre magistrale « L’Action hu-maine, traité d’économie » :« L’économie ne se laisse pasdécomposer en branches spécialisées.Elle traite invariablement del'interconnexion de tous lesphénomènes de l'action économique.Tous les faits économiques seconditionnent mutuellement.

Chacun des divers problèmeséconomiques doit être traité dansle cadre d'un système complet quiassigne sa juste place et son justepoids à chaque aspect des besoinset des désirs humains. Toutes lesmonographies restent fragmentairessi elles ne sont pas intégrées dansun traitement systématique ducorps entier des relations socialeset économiques. »Aujourd’hui, le mouvementcoopérateur, et d’une façon pluslarge, l’entreprenariat socialtouche de nombreux domaines :agriculture, banque, assurance,commerce, services, associatif…Ce secteur pèse 8 % du PIB etreprésente 9 % des entreprises enFrance, soit plus de 200 000établissements. Un taux de croissancedes emplois entre 2006 et 2007 de4,7 % contre des taux de croissancedes emplois de 3,8 % dans le privé

hors ESS et de 1 % dans le public.Près de 2,2 millions de salariéstravaillent dans ce secteur, soitenviron 10 % de la masse salarialefrançaise (sources INSEE 2007).

Pour sa part, l'Organisation Inter-nationale du Travail s’intéresseaux coopératives, elle dispose ainsien 2002 : « Les coopérativesjouent un rôle important dans laréduction de la pauvreté etcontribuent à la mise en œuvre duprogramme de l'OIT en faveur dutravail décent. » « les coopérativesont un rôle d'émancipation enpermettant aux couches les pluspauvres de la population departiciper aux progrès économiques.Elles offrent des possibilitésd'emploi à ceux qui ont descompétences, mais peu ou pas decapital et assurent protection enorganisant l'assistance mutuelleau sein des communautés. »

L’ONU a également proclamé 2012comme l’Année Internationale desCoopératives.

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Pourra-t-on un jour placer lespauvres sous l’œil du microscope ?Avec ses méthodes « basées surla preuve » (evidence-based),l’expérimentation sociale prometdes quasi-conditions de laboratoirepour évaluer l’efficacité d’untraitement contre la pauvreté. Etc’est aux Etats-Unis qu’il fautchercher l’origine d'une tellevolonté politique.

La ville de New York est historique-ment précurseur en matière d’inno-vation de politiques publiques. Ellepréfigura par exemple la grande ré-forme du welfare de 1996 sousl’impulsion du maire républicainRudolph Giulani. En 2007, sonsuccesseur, républicain puis in-dépendant, Michael Bloomberg,lance une initiative inédite contrel’indigence : Opportunity NYC.Récompenser des comportements« vertueux »

Cette expérimentation sociale,première du genre aux États-Unis,voit le jour dans les quartiers lesplus relégués de Brooklyn, deHarlem et du Bronx, « ciblés » enraison de leur fort taux de pauvreté.Les habitants de ces quartiers sontmajoritairement Afro-Américains

ou Latinos. Dans certaines zones,c’est jusqu’à un tiers de la populationqui ne maîtrise pas l’anglais. Leprojet pilote est entendu durertrois ans. Et les résultats de sonévaluation conditionner unepossible pérennisation au niveaulocal.

Son principe ? Offrir des récompenses(rewards) financières aux parentspauvres qui accepteraient detravailler plus d’heures, d’emmenerleurs enfants à des visites médicalesrégulières ou d’assister à desréunions de parents d’élèves.Condition impérative : il faut enfournir la preuve auprès del’administration. Ecoliers etcollégiens de ces quelques 2 500familles du « groupe test » sontaussi des membres actifs. Dessommes d’argent allant de 50$

Par Elisa CHELLE

Doctorante en science politique - Institut d'EtudesPolitiques de Grenoble

New York, New York

Notables expérimentateurs contre l’indigence

pour une carte de bibliothèque, à600$ pour avoir décroché unecertification (de l’équivalent dubrevet) leurs sont proposées.

L’idée en toile de fond est, selonles mots de M. Bloomberg d’« inciter» les pauvres à faire les « bons choix» (to do the right thing).« Nous allons inciter les pauvresexactement comme nous incitonsles riches », avait-il déclaré le 21avril 2009 devant le Center forAmerican Progress.

Cette façon de concevoir la politiquesociale est bien connue des paysen développement. Sous l’impulsiond’organismes internationaux commela Banque mondiale ou l’OCDE,quasiment toute l’Amérique la-tine, quelques pays d’Afrique,mais aussi l’Inde, ont mis en placece qu’il a été convenu d’appelerdes « transferts monétaires condition-nels » (conditional cash transfers).

Leur efficacité reposerait sur le faitde rendre financièrement attrac-tifs certains comportements donton suppose qu’ils n’auraient pasété adoptés autrement. Pouvantfonctionner à partir de budgetsrestreints, ce type de politiquerelève d’une conception entermes d’ « activation » ou de« rationalisation » des dépensessociales.

A la différence qu’ici, ce n’est pasl’argent des contribuables new-yorkais qui a été mobilisé, maiscelui de philanthropes nationauxet locaux.Dollars philanthropiques, opérateurscommunautaires

Distinguer le privé du public : voilàune manière bien française. Demême que séparer, ne serait-cequ’analytiquement, le politique del’économique ou du religieux. Et ladifférence n’est pas anecdotique àen juger le retour du débat de lalaïcité dans l’actualité. Aux Etats-Unis, ces dimensions, s’entremêlentcar on ne songe pas à les distinguer.

Et pourtant. Opportunity NYC estfinancé par une petite dizaine defondations philanthropiques, aupremier rang desquelles la fonda-tion Bloomberg – éponyme dumaire en cours de mandat – et lafondation Rockefeller. Leur rôle ?Apporter des fonds. Mais ce n’estpas tout. En tant que co-financeursprincipaux, leur dotation de 10millions de dollars respective leurouvre le droit à viser et révisertous les documents ayant trait à lapréparation, au déroulé et à l’éva-luation du projet.Dans un système d’allers-retoursavec le cabinet du maire et l’institutde recherche privé, travaillant souscontrat sur cette même dotation

financière, ces fondations amendentles protocoles, valident les procédures,contrôlent les résultats à mesurequ’ils sont produits. Plus qu’uneparticipation financière, c’estdonc un droit de regard qui estici introduit.

La dotation globale de 25 millionsde dollars par an est notammentemployée à recruter une séried’intermédiaires pour administrerle programme. Il faut le relever :aucun fonctionnaire public n’estappelé à délivrer ces aides. Ce sontdes associations communautaires(protestantes, catholiques etséculières), implantées dans lesquartiers, qui reçoivent et conseillentles « clients » de ce programmesocial. Sous contrat avec la mairie,elles n’interviennent pas, enrevanche, dans l’aspect décisionnel.

Autre acteur d’importance de ceprojet : l’institut privé de recherchesMDRC. De renommée nationale etinvesti de longue date dans lesquestions de politiques sociales etd’emploi, MDRC a participé dès2006 à la conception de ce transfertmonétaire conditionnel.Une équipe de 25 experts de cemême institut a même été encharge de produire une évaluationscientifique de cette expérimenta-tion.31 mars 2010, six mois après une

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réélection difficile pour un troisièmemandat, les résultats de l’évaluationsont rendus publics. Un terme estofficiellement mis à OpportunityNYC. Michael Bloomberg s’estrefusé à le reconnaître comme unéchec, arguant que « certaineschoses [avaient] marché, d’autrespas » et que « d’autres résultats[étaient] attendus ».

Reste qu’il en a pris acte en posantun point final à trois annéesd’expérimentation. Le New YorkTimes l’a « applaudi pour sonouverture aux approches innovantespour lutter contre la pauvreté »,dans une ville où « un habitant surcinq est pauvre ». Une manière desuggérer que ce programme avaitmalgré tout rempli son office.Reste à savoir lequel : celui de lalutte contre la pauvreté ou celui dela politique et de la communication ?

[email protected]

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La France est empêtrée dans leshabits trop grands de sa grandeurpassée. Elle ne s’est jamais remisede son passé impérial, se refusantà admettre qu’elle n’avait plus lesmoyens de ses ambitions et qu’ilfallait ramener ses objectifs auniveau de ses moyens…

Nos banlieues en sont la stigmati-sation peut être la plus frappante.Concentrés de colonies perduesou abandonnées, scories d’exo-tisme qui voyait la nation françaises’étendre tout autour d’un globequi, alors, semblait à portée de

volonté politique, les banlieuesrassemblent aujourd’hui dans desensembles aussi grands que« ghettoïsant » des populationsarrivées en des temps et pour desraisons divers.

Que ce soit pour participer à desguerres qui n’étaient pas les leurs,pour contribuer à un développe-ment économique qui ne leur pro-fiterait que très peu, pour venirréclamer les dividendes d’une ci-toyenneté qu’on leur avait impo-sée ou plus simplement pourexploiter les écarts de niveau derevenu et renvoyer un peu d’ar-gent au pays chaque mois, l’ex-ri-chesse d’un empire s’esttransformée en misère d’un mondecivilisé.Misère économique, misère morale.Notre société est en déclin, incapablede se réformer et atteinte d’unemyopie collective. Cette dernièreest fort utile lorsqu’il s’agit deregrouper à l’écart des grandes villes

des populations embarrassantes,anesthésiées par le chômage et lespolitiques d’assistanat mal ciblées,terrorisées par les trafics, le racketet les tournantes dans les caves.

Le résultat en est que les personnesconcernées vivent en autarcie,jusqu’à ce que le vase déborde,périodiquement et au gré desévénements qui rythment la vied’une société à laquelle elles neparticipent pas.

Toutes les politiques qui ont tentéde traiter le sujet ont échoué. Lesincidents et autres émeutes enprovenance de quartiers sensiblessont autant de signes de cet échec,et il devient possible de les anticiperen croisant des données commeun niveau élevé du taux de chômage,un faible taux de populationdiplômée, l’indigence du revenumoyen par foyer fiscal, et un tauxde densité de population supé-rieur à la moyenne urbaine natio-

Par Joël PAIN

Directeur Général de PlaNet Venture

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France desQuartiers

nale.Force est de constater que lavolonté de dynamiser l’économiedes quartiers se heurte à desobstacles incontournables. A l’instardu niveau de salinité de la merMorte qui ne permet à aucuneforme de vie d’éclore, la dégradationéconomique et sociale de certainsquartiers à atteint un niveau telqu’aucune forme de vie écono-mique ne peut espérer s’y déve-lopper.

Le sociologue Hugues Lagrange arécemment démontré dans son« Déni des cultures » que dès qu’ilsen ont la possibilité les habitantsde ces quartiers fuient pour rejoin-dre des zones de vie plus clé-mentes. Dans ce contexte,comment espérer dynamiser unquartier ?

La même étude établit des corrélationsentre origine géographico-ethniquede certaines personnes et fréquencede leur présence dans des incidentsde diverse nature.Toutefois, la morale bien-pensantedominante interdit à la sociétéfrançaise d’aller plus loin, des’auto-analyser et de se soigner.

Les statistiques ethniques sontinterdites, ce qui empêche decibler les populations en risque,les statistiques de délinquance parquartier sont inaccessibles au

grand public, ce qui empêche desavoir ce qui se passe, hormis dansles cas les plus explosifs qui font laUne du 20 heures, mais sanslendemain…

Que penserait-on d’un médecinqui observerait un malade et luidirait « vous n’allez pas bien, maisje n’ai pas le droit de faire d’analyses,je vais donc vous donner del’aspirine » ? Il serait à coup sûrtaxé d’incompétence. Le parallèleest facile, mais réel. Les causes etles responsables doivent pouvoirêtre identifiés précisément, nonpas pour les renvoyer chez eux àgrand renfort de charters maispour les aider, depuis le début deleur scolarité jusqu’à l’accompa-gnement de leur vie professionnelle,ce qui passe notamment par unsoutien ciblé à l’entrepreneuriatdes quartiers, que ce soit sousforme opérationnelle ou financière.On ne maintiendra pas indéfini-ment une sorte de « QuartMonde Français » en marge dusystème, surtout lorsque la pro-portion de personnes concernéesexcède le stade anecdotique.

Trois mesures urgentes doi-vent être prises : casser l’homogénéité socialedes quartiers afin de ne plusregrouper les populations « àproblème », ce qui passe parune gestion adaptée de

l’habitat à caractère social

détecter de manière précoceles individus susceptibles derencontrer des difficultésscolaires, puis professionnelleset donc, au final, d’insertion,ce en recourant aux ciblagesnécessaires

investir massivement dansla formation et la création

d’entreprises dans les quartiers.

Le traitement préventif prôné icicoûtera moins cher que l’inévitablecuratif, qui se traduira par descoûts liés aux émeutes, au financementdu chômage induit et du renforce-ment de la sécurité locale, auxretombées sur la santé publique…

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De la mondialisation, nous avonsretenu que nos habitudes ont étébousculées et nous devons désormaisnous adapter en permanence : lemonde bouge vite et les défiss'intensifient.

Face à une mondialisation qui rendl'avenir incertain aux yeux descitoyens, les collectivités localesapparaissent comme un échelonqui rassure.

La crise économique et financièreque nous traversons a annulé desannées de progrès économique et

social. Pour relever la tête, nousavons besoin des collectivitésterritoriales et des structurescomme les vôtres, les CCAS, quisont directement confrontées auxdifficultés de nos concitoyens et aucœur de leurs préoccupations.

C'est le niveau local qui doit faireremonter les attentes de la popu-lation, pour que nous, décideurseuropéens, puissions adopter unelégislation adaptée à la réalité duterrain !C'est pourquoi l'échelon local estun maillon incontournable de laréussite de la Stratégie 2020,récemment lancée par l’Unioneuropéenne. Les objectifs fixés enmatière d’inclusion sociale et delutte contre la pauvreté sontambitieux :

75 % de la population âgée de20 à 64 ans devrait avoir unemploi ;

Le taux d’abandon scolairedevrait être ramené à moins

de 10 % et au moins 40 % desjeunes générations devraientobtenir un diplôme de l’ensei-gnement supérieur ;

Réduire de 20 millions le nombrede personnes menacées par lapauvreté.

La prise en considération del’inclusion sociale et de la luttecontre la pauvreté dans la stratégie2020 est pour moi une avancéesignificative. La crise économiquea accentué les phénomènesd’exclusion et de la pauvreté cesdernières années. Il est doncindispensable que l'Union euro-péenne encourage et aide lesEtats membres à faire face à cesproblèmes.

Nous connaissons les chiffres : 20millions de chômeurs dans l’Unioneuropéenne, 85 millions depersonnes affectées par lapauvreté en Europe soit 17 % dela population. L'action politique

Inclusion sociale

Par Pascale GRUNY

Députée de l’Aisne

Députée européenne de 2009-2010

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Madame FSE

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n'est donc pas à justifier, bien aucontraire !

Selon moi, le Fonds Social Européenest l'outil adéquat qui doitpermettre de briser le cerclevicieux du chômage et de lapauvreté en ramenant la personnedans l'emploi, ce qui lui permettrade lui rendre sa dignité humaine.

Je suis Présidente d'un groupe detravail du Parlement européen surle FSE et récemment j'ai été nomméerapporteur permanent sur cethème au sein de la commission« emploi et affaires sociales » duParlement. Vous pourriez vous dire qu'avecma casquette « Madame FSE », ilest normal que je défende cetinstrument.

Mais croyez bien que je suis avanttout profondément convaincueque nul besoin de créer denouveaux outils pour atteindreles objectifs de la Stratégie 2020,ce dont nous avons besoin: ce sontdes instruments connus desopérateurs et qui ont prouvé leurefficacité.

Pourtant, nous pouvons fairemieux, le FSE peut encore fairemieux ! C'est pour cela qu'il estimportant de préparer l'avenir.Nous devons resserrer les objectifsdu futur FSE autour des objectifs

de la Stratégie 2020 et des lignesdirectrices de l'UE en faveur del'emploi.

Laissez-moi développer quelquesidées sur l'avenir du FSE…

Premièrement, le FSE est uninstrument en faveur de l'EMPLOILe FSE a cette vocation depuis sacréation avec le Traité de Rome etil doit la garder. Je pense que c'estentre autre pour cette raison quele FSE a maintenu son utilité àtravers les décennies.Il doit donc maintenir sa vocationen faveur de l'emploi et l'inclusionsociale : Agir contre la pauvreté :oui mais alors en ramenant lapersonne vers le marché du travailet pas autrement !

Exemple concret : quand vousrencontrez quelqu'un dans la vie,la première question que vous luiposez, c'est : que faites-vous dansla vie? C'est-à-dire quel est votreemploi ?

Deuxièmement, le FSE doit resterun outil en faveur de toutes lesrégions.Cette cohésion concerne toutesles régions. Certaines plus qued'autres et c'est pour cela quenous devons proposer un cadreplus adapté, aux besoins desrégions, aux besoins de l'êtrehumain.

Car si les régions des nouveauxpays entrants ont clairementbesoin du FSE pour rattraper leurretard, d’autres régions en ontbesoin aussi.Je vous rassure : les FondsStructurels de l'après 2013continueront de s'adresser àtoutes les régions et seront axéssur des résultats, des performanceset seront mieux ciblés. C'est leCommissaire lui-même qui s'estengagé en ce sens vendredidernier.

Les régions, quelle que soit leurnature institutionnelle, c'est-à-dire des régions autonomes auxservices déconcentrés de l'Etat,doivent conserver ce rôled'ordonnateur de la dépensepublique : ce sont elles qui sontau plus près du terrain.

Pour impliquer les collectivitéslocales dans la définition desobjectifs du futur FSE, les ré-gions doivent être pleinementimpliquées dans les méca-nismes de gouvernance.

Et cela tombe bien puisqu'à traversla publication de son 5ème rapportde cohésion paru mercredi der-nier, la Commission abonde en cesens et parle même de développerdes contrats de partenariats.

Cette idée de contrat de partenariat

Inclusion sociale

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Madame FSE

entre la Commission européenneet les Etats membres est nécessairepour établir les grandes prioritésd'investissement et de répartitiondes ressources entre les différentsprogrammes et les objectifs àatteindre.

Troisièmement, il est urgent queles Etats-membres procèdent àdes réformes pour mieux utiliserle Fonds Social européen et lesfonds structurels en général.

L'objectif est que les Etats et lesrégions s'attaquent aux problèmesqui empêchent la bonne consom-mation et la mise en œuvre desprogrammes opérationnels.

L’Union européenne pourrait parexemple aider directement lesrégions qui en ont besoin. Et si lesEtats membres ne procèdent pasaux réformes nécessaires, s'ils n'ymettent pas de la bonne volonté(?), quelles sanctions envisager ?Couper les aides financières ?

Ce n'est pas selon moi, la solutioncar nous parlons ici de la personneen difficulté qui se verrait priver definancement public déterminantpour sa réinsertion sociale.Je terminerai mes propos ensoulignant le rôle central quedoivent jouer les États en matièrede politique sociale. L'Europe est

là pour les accompagner, compléterleur action mais n'a pas vocation àse substituer à eux. L'Europe nepeut résoudre tous les maux. LesEtats doivent prendre leursresponsabilités et lutter aussiactivement contre la pauvreté etle chômage.

La lutte contre l’exclusion et lapauvreté ne doivent pas resterdans les écrits mais se traduireconcrètement sur le terrain !

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L’année européenne du volonta-riat nous offre l’opportunité denous pencher sur cette force vi-vante de nos sociétés, l’occasionde réfléchir au sens des mots. Eneffet, l’acception « volontaire »,selon les zones linguistiques sedistingue de celle de « bénévole »et il convient de préciser les pointscommuns et les spécificités res-pectives.

Tout n’est pas « associatif », toutn’est pas « bénévolat », tout n’estpas « volontariat », etc. mais celleset ceux qui agissent dans cesdomaines sont tous acteurs de lasociété civile.Le bénévolat se distingue duvolontariat par sa spécificité pre-mière : ne percevoir aucune rému-nération ou indemnisation, n’êtreassujetti à aucun cadre horaire nicontrat.

Le volontariat se distingue du salariat

par sa particularité d’être limitédans le temps, de ne pas s’inscriredans le champ des prescriptionspropres au salarié tel qu’inscritdans les codes du travail des Etatseuropéens.

L’associatif accueille ces deuxtypes d’acteurs pour mener ses ac-tions, aussi diversifiées soient-elles. A ces acteurs, s’ajoutent lessalariés associatifs, souvent ap-pelés des permanents, qui devaient,à l’origine, faciliter les interven-tions des bénévoles. Or, nous de-vons prendre en considérationqu’aujourd’hui, dans de très nom-breuses associations, les bénévolesont quasiment disparu et ce sontles permanents qui occupenttoute la place.

Loin de nous la thèse qui viserait àaffirmer que l’arrivée des salariésaurait chassé ces bénévoles. C’estpour répondre aux exigences et

contraintes diverses de diplômes,sans qui point de salut dans certainsdomaines d’activité, mais aussipour faire face à la diminutioncatastrophique du bénévolat queles associations ont eu recours à lacréation de postes de salariés.

A ce stade, nous devons nousinterroger sur les raisons qui sontà l’origine de ces deux probléma-tiques :

La diminution du bénévolat :

Par Jean-MarieHEYDT

Président de la Conférencedes OING du Conseil del'Europe

Logique(S)Vie associative

Nous constatons un vieillissementdes acteurs bénévoles et une relèvenettement inférieure aux partants.Les attentes ne sont plus lesmêmes. Hier, des personness’engageaient dans des associationset y agissaient.

Aujourd’hui, le profil du bénévolea évolué tout comme ont changésles repères et attitudes de lasociété. Si les bases contributivesà l’engagement bénévole semblentglobalement stables (se rendreutile – contribuer à une action –vouloir poser des actes citoyens –se faire plaisir – se sentir valoriser –lutter contre l’oisiveté, etc), lesdegrés d’engagement et dedurée, quant à eux, ont fortementévolué (avoir le sentiment decréer du nouveau – agir dans untemps plus ou moins défini –poser des exigences et des li-mites – ne perdre de temps, voirede l’argent, que si le retour sur in-vestissement se confirme, etc).

Ainsi on n’échappe pas à l’affirmationd’une société de plus en plusindividualisée, société « marchande »qui propose des produits et desservices que l’humain va choisir ounon en papillonnant constamment.Pour exemple, nous pouvonsobserver les nombreux parents

qui, le temps d’une année scolaire,vont cotiser à l’association au seinde laquelle leur enfant va participerà une activité, puis passeront àautre chose. Nombreux aussi sontceux qui adhèrent à une associationle temps d’avoir la réponse à unproblème ou à un questionnementdu moment et ne se réengagentpas par la suite.

Par ailleurs, jusqu’à des temps récents,on décidait de faire « association »d’idées pour créer et agir autourd’un objectif, cet objectif réunis-sait des personnes qui au-delàd’être membre d’une association,en devenait « des membres agis-sant bénévolement au seind’une association » communé-ment appelées bénévoles ou mi-litants.

Et ce choix « militant » s’inscrivaitdans une temporalité non définieau préalable, car l’objectif àatteindre restait le déterminantà long, voire très long terme.Aujourd’hui, l’objectif s’est muéen « but à atteindre » et fixeintrinsèquement une échéance.

Nous sommes devenus desconsommateurs d’associations etpar voie de conséquence, cesdernières sont devenues des

produits de consommation. De cefait, les associations sont confron-tées à devoir gérer la fluctuationdu nombre de membres et plusencore de bénévoles. Dès lorsque les « anciens bénévoles » netrouvent plus de successeurs,membres dont on pense qu’ils onttoujours été là, on observe lapremière incitation au recrutementd’un permanent pour gérer etmaintenir une cohérence dans lavie de l’association.

La conséquence en est qu’il fautpenser la dynamique associativeen fonction de ces nouveauxparamètres qui créés en fait denouveaux paradigmes.

La montée en charge du salariat :Le secteur associatif s’est vuconfier des missions de « service »public, appelé « d’utilité publique ».

Il s’agit là de la reconnaissance etde la valorisation d’un savoir fairecomplémentaire au « servicepublic » national ou local. Cepen-dant, à l’image de la spirale quicréée une énergie, mais accélèreaussi les mouvements, l’associationest souvent confrontée à s’engagerdans une politique d’embauchede salariés pour répondre« professionnellement » aux

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missions nouvelles. Face à cette montée en charge, onobserve souvent un fonctionnementassociatif qui va cliver les « profes-sionnels » et les « bénévoles ». Cependant, dès l’instant où lesdeux disposent de champs d’inter-ventions bien déterminés, laperception d’une tâche, l’analysed’une situation, la mise en œuvred’une action, leur manière d’agirdifférente, voire contradictoire,finit par trouver des voiesconstructives.

A l’inverse, si les champs d’actiondes uns et des autres ne sont pasbien définis, si l’intérêt d’unecollaboration bénévole/salarié,n’est pas intégré, on aboutit aurepli, au conflit, voire à la ruptureet, le plus souvent, la mise àl’écart du bénévole.

Ce sentiment de dévalorisation,de non reconnaissance du bénévoleest aussi propice à une désaffectionimportante du militantisme. Tropsouvent, la volonté de « profes-sionnaliser » le travail associatifa contribué à une domination dusalariat par le « savoir » et unaffaiblissement, un découragementdu bénévole.

Face à cette situation, nous pourrions

imaginer qu’il suffirait simplementde trouver « la bonne articulation »entre les deux acteurs associatifs :bénévole et salarié. Nous avonstout lieu de penser que ce n’estqu’un leurre, car une autre réalitévient accroitre la difficulté : lesengagements associatifs dans lesmissions publiques.Nous devons nous interroger surla place qu’occupent la notion etla dimension de « service »

associatif dans une dé-marche marchande. En effet,le dispositif français a posi-tionné le secteur associatif dedeux façons distinctes :

d’une part, des personnes quise retrouvent autour d’unobjectif commun, réunissantleurs connaissances ou leurspratiques, tout en agissantdans un but non lucratif, quece soit pour eux ou pour leurassociation ;

d’autre part, des personnes quidécident de répondre à des be-soins repérés, non couverts parles pouvoirs publics.

Dans ce cas, il s’agit d’une activitésupplétive à la charge publique,activité souvent appelée à êtregérée par la collectivité elle-

même. Cependant, durant letemps de réalisation et parfoiscelui de la reprise par la collectivité,le secteur associatif va être invitéà gérer cette activité en contre-partie d’une compensationpartiel le des frais que celaoccasionne pour la missionconfiée.

Or, trop fréquemment, au nomd’une pseudo-volonté de transpa-rence de l’usage des fonds publics,on observe, de la part de l’Etat,une transformation de la gestionassociative conventionnelle enappel à la concurrence.

De ce fait, la dynamique associativese mue en dynamique marchande,dynamique pour laquelle l’associationn’a ni vocation ni compétence.Cette affirmation prend encoreplus de valeur dès lors qu’onobserve ces dernières annéesque le secteur de l’économiemarchande investit des secteursinitialement dévolues au secteurassociatif.

Faut-il rappeler combien lesecteur associatif reste fragile,notamment parce qu’il n’est pasautorisé à faire du profit, qu’il nedispose donc pas des mêmesoutils nécessaires pour faire face

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aux fluctuations des marchés. Il adonc tendance à se désengagerde certaines de ces activités. Quese passera-t-il le jour où elles neseront plus lucratives pour lesecteur marchand ?

Le temps est venu pour le secteurassociatif de s’interroger, avec lespouvoirs publics, sur son avenir,sa place et son rôle d’acteur civildans nos sociétés.

La confusion entre activité« marchande » activité « deserv ice public » et activité« associative » devra être levéeou tout le moins réétudiées. Cettedémarche doit s’accompagnerd’une réflexion, au sein du sec-teur associatif, sur la place, le rôleet le statut du bénévole au-jourd’hui et surtout d’une forme devalorisation de ce qui n’est autrequ’une démarche citoyenne.

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Sous une serre rafistolée desfemmes et des hommes emmitoufléss’activent, c’est vendredi, l’hiverjoue les prolongations, il fait froid.Pas le temps de lambiner ni de seplaindre le camion attend sonchargement de paniers de lé-gumes bios hebdomadaires.

On a beau avoir des consomm’acteurs comme clients, ils attendentleurs victuailles pour le week-endcomme les autres. Une radio d’uneautre époque accompagne cetteagitation et déverse son flotquotidien d’actualités : émeute dela faim à Haïti, tsunami au Japon,le Maghreb dans la rue, mariageprincier en vue, grève des supportersau PSG… et les grands groupes duCAC 40 annoncent des résultatsrecords… Publicité.

En contemplant cette scène, il merevient en tête une discussionanimée avec des participants à uncolloque qui se posaient la question

de savoir, si l’engagement duRéseau Cocagne dans le dévelop-pement durable n’était pas un« truc » trop bobos/intello, loindes préoccupations du terrain ?

Plutôt que de fournir de grandesexplications j’aurais rêvé qu’uncinéaste capte et visionne cettescène ou se juxtapose quotidiend’un jardin et nouvelles de laplanète. Avec pour simplecommentaire : vous penseztoujours que produire un peu desolidarité et quelques légumesbios n’a rien à voir avec le reste dumonde ?

Le développement durable, (lesdéveloppements durables devrions-nous dire, tant le concept estparfois galvaudé et transformé enpoudre aux yeux), n’est pas unpetit paramètre que l’on prend encompte quand on a considéré tousles autres, c’est une imprégnationtransversale de tous nos choix.Cela s’apparente à un tamis :

chaque choix public et privé doitpasser à travers.

Il n’y a guère de doute sur ce quise trame devant nous, la preuveen est qu’on ne trouve plus d’in-terlocuteur quel que soit son ni-veau, sa sphère, ses opinionspolitiques qui oppose de vrais ar-guments à nos inquiétudes so-ciales, environnementales,économiques…

Individuellement tout le mondeest d’accord, mais collectivementquasi rien ne bouge.Hypocrite, fainéant, effrayé par

Par Jean-GuyHENCKEL

Directeur national du Réseau Cocagne

Eco-compatiblesSolidarité, bio et bobos

l’ampleur de la tâche parce quec’est lourd et complexe, beaucouppréfèrent… oublier.

Bossuet déjà constatait il y alongtemps que nous étions descréatures étonnantes qui nousaffligions des effets dont nouscontinuions à adorer les causes etmême les encourageons.

Et bien quelques uns ont décidésd’épouser cette cause du dévelop-pement durable, un travail defourmis avec ce qu’ils sont, àl’endroit où ils sont, sans céder aufatalisme ambiant, ni faire semblantde ne rien voir. Passer de la pen-sée globale à l’agir local en deve-nant des petits poucets dudéveloppement.

« Parce que ça ne peut plus durer,parce qu’il faut durer » proclamons-nous régulièrement à Cocagne !

Envisager nos métiers à traversune logique de développementdurable, nous semblent une idéequi ne peut que conforter nospratiques sociales, économiqueset environnementales, en lesresituant à leur juste place dansun débat mondial qui se généralise.Comme le dit l’économiste RenéPasset, « une croissance quis’accompagne d’une déculturation,

d’une exclusion sociale et d’unespoliation des milieux naturelsn’est pas un développement ».

L’enjeu est d’inventer un dévelop-pement durable qui soit le nôtre,avec les valeurs qui ont toujoursprévalues dans les Jardins deCocagne, en faisant le pari quenous trouverons dans cette voiede nouvelles pratiques, de nou-veaux partenariats, l’envie decontinuer, en contribuant à unmonde plus équitable, sur unterre toujours habitable.

Rien de plus cohérent quand oncultive solidarité et qualité, que depenser et d’agir durable....Le premier jardin de Cocagne aété créé en 1991 à Besançon.Rapidement, ce modèle de chantierd’insertion, qui favorise l’insertiondes personnes par la productionde paniers de légumes biologiquesvendus à des adhérents-consom-mateurs, a fait des émules. Il yavait 45 jardins d’insertion enFrance fin 1999, quand le RéseauCocagne a été fondé afin de lesfédérer. Il réunit aujourd’hui109 jardins, tous spécialisés dansl’IAE et dans la production maraîchèrebiologique.

Ses membres sont des associations

ou des ensembliers qui réunissent,outre les jardins, des lieuxd’accue i l et des entreprisesd’insertion. 20 000 adhérents-consommateurs versent unecotisation annuelle à ses structures,qui en reversent une partie auRéseau. Les Jardins de Cocagnepermettent aux 3500 jardiniers-maraîchers de se reconstruire, etde ré-envisager leur avenir dansun cadre convivial de plein air,mais surtout dans une exploita-tion maraîchère professionnelleet exigeante.

Essaimer, animer, professionnaliser,communiquer…Le Réseau accompagne et soutientles nouveaux projets de jardinsd’insertion. 30 projets sont ac-compagnés par an, pour une duréemoyenne de 24 mois, permettantl'ouverture de dix nouveauxjardins, en proposant une nouvelleoffre d'insertion sur le territoire eten répondant à l'attente desconsommateurs.

Le Réseau aide également àconsolider les jardins existantsgrâce à une offre de services etconseils, et organise de multiplesformations en direction des équipesd’encadrement. Il a aussi développéune démarche qualité participativeen développement durable, visant

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à aider les jardins à perfectionnerleur méthodologie. Le Réseau travaille en outre àdévelopper les liens entre lesjardins : parrainage, montage dedossier financier en commun,convention de partenariat avec denombreuses fondations d'entreprises,forum annuel à thème, rencontresde jardiniers, clubs d'entreprisespartenaires…

Le Réseau a aussi développéFleurs de Cocagne qui produit,confectionne et distribue desbouquets de fleurs biologiques,locales et solidaires : i l a étéexpérimenté au sein du jardinSemailles à Avignon, et va êtredupliqué en 2011.

A travers son label « CocagneInnovation » le Réseau fédèreaujourd’hui d'autres initiatives dansl'IAE, en lien avec l'environnement.Il a repris aussi le concept « PlanèteSésame », et développe desrestaurants d'insertion soucieuxd'environnement.

Enfin, il expérimente des lieux devie et de travail, pour répondreaux besoins d'hébergement et demise au travail des publics lesplus désocialisés.Le Réseau s'inscrit aussi dans lamise en place du Synesi, du

développement de l'agriculturebiologique avec le secteur profes-sionnel, et de l'entrepreunariatsocial avec le Mouvement desentrepreneurs sociaux et leLabo-ess.

Les jeunes ont longtemps faitl'objet d'une certaine méfiance.Comment les comprendre, alorsque nous les percevons souventcomme désabusés, peu désireuxde s'investir dans la politique etnon concernés par la vie descollectivités ? Comment fairesens d'évènements, tels que lesémeutes qui ont eu lieu dans lesbanlieues en 2005, qui ont fortementmarqué et ébranlé l'ensemble denotre société ?

Un an après sa création, le servicecivique a infligé un démenticinglant à ceux qui exprimaient

un certain scepticisme quant àl'appétit d'engagement des jeunesen tant que citoyens, leur volontéde contribuer à construire notreavenir commun et leurs aspira-tions à davantage de solidarité età une société plus juste.

En permettant à tout jeune, quelsque soient son origine et sonniveau de qualification, d'effectuerdes missions d'intérêt généralpendant une période de 6 à 12mois, le service civique a fait unpari ambitieux : celui de faireconfiance à des jeunes aspirant àredonner du sens aux notions desolidarité et de citoyenneté, àredéfinir le vivre ensemble à leurfaçon, pour construire un avenircommun plus juste et durable.

Par leur engagement, des milliersde jeunes ont montré l'atoutmajeur qu'ils représentaient pourl'ensemble de la société.

Les jeunes en service civique

contribuent à améliorer la vie ensociété dans un grand nombre dedomaines, parmi lesquels : l'aideaux sans-abris, la lutte contrel'exclusion des personnes les plusvulnérables, la solidarité auprès despersonnes âgées, les interventionsdans les quartiers défavorisés, lesoutien aux enfants handicapés,notamment par le sport…

Il s'agit, par exemple, d'améliorerl'accueil des personnes sans abridans les centres d'accueil de jour :animation, organisation d'activi-tés, échanges...

Il s'agit également d'aller à larencontre les personnes âgéesisolées, en recueillant leurs souvenirsou en les faisant participer à desactivités collectives animées pardes volontaires. Le projet « Passeursde mémoire » lancé en 2008 apermis de renforcer la solidaritéintergénérationnelle, bénéficiantainsi à la fois aux jeunes souhaitantpartager la richesse de l'expérience

Un pari sur la jeunesse

Par Martin HIRSCH

Président de l’Agence du Service Civique

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de leurs aînés et aux personnesâgées, souvent isolées, dont ilsrecueillent les souvenirs.Les jeunes en service civiquepeuvent également initier lesenfants de quartiers défavorisésou les enfants handicapés à desactivités sportives auxquelles ilsn'ont pas les moyens d'avoir accès,et les sensibiliser ainsi au compor-tement citoyen.

De nombreux jeunes sont égalementengagés dans la sensibilisation desfamilles modestes, souvent trèsexposées aux nuisances dues à ladégradation de l’environnementet frappées par la précarité énergé-tique, aux économies d'énergie.

L'engagement de ces milliers dejeunes ne saurait certes pas sesubstituer aux actions menéesquotidiennement dans les collecti-vités territoriales et les associations,mais il les complète, leur apporteune énergie essentielle dont on nedevrait pas se passer.

Un peu plus de 50 conventions ontd'ores et déjà été signées avec lescollectivités territoriales et CCAS,ce qui permet à près de 2 500jeunes de s'impliquer dans la viecommune grâce à des missionsallant de l’accompagnement d’en-fants handicapés aux pratiquessportives à la lecture à domicile de

personnes âgées en passant par lesoutien scolaire aux enfants degens du voyage.

D’autres thématiques autour del’environnement, la biodiversité ouencore la culture sont égalementtrès demandées par les jeuneseux-mêmes. Enfin, 50 jeunes sesont succédés depuis un an à Haïti,dans des conditions difficiles, pouraider à la reconstruction d’un paysdévasté, en intervenant dans lesécoles, en aidant à la constructiond’un hôpital, ou en formant dejeunes apprenties cuisiniers.

Une société qui parie sur sajeunesse est une société qui a del'avenir. Aujourd'hui, les jeunesplébiscitent le service civique. Auxresponsables politiques, associatifs,et aux élus de se montrer à lahauteur de leurs attentes.

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Dans l’objectif de maîtriser lesdépenses publiques mais aussi demaintenir le haut niveau d’inter-vention municipale auprès desassociations libournaises, de nou-velles modalités de subventionne-ment ont été mises en place sur laVille de Libourne.

Ainsi, depuis l’année 2010, adjointeen charge des associations solidarité- 3ème âge et Vice présidente duCCAS, j’ai décidé de définir descritères d’attribution sur la based’« appels à projet ».

Ces 4 critères sont issus des principalespréconisations et orientations

retenues par les élus libournaissuite à la réalisation d’une Analysedes besoins sociaux conduite sur leterritoire communal de 2005 à2007 et, plus récemment, sur leterritoire communautaire en 2010.

Dans le cadre des demandes desubvention, l’association doit, outreses activités classiques et variées,émettre des propositions deprojets portant sur les besoinsémergeants en direction de lapopulation libournaise et contribuantà l’animation de la Ville. Ainsi, la commune a formulé 4appels à projet :

animation en direction despersonnes âgées ou des per-sonnes en difficultés sociales,accompagnement à la viequotidienne des personnesen difficultés sociales.la participation aux manifesta-tions communication… autourdu handicap,action de mobilisation denouveaux bénévoles.

3 projets ont vu le jour suite à lacréation de ces appels à projet :

la mise en accessibilité desœuvres du musée des BeauxArts de Libourne,une exposition relative à unmarathon photo sur le thèmede la discrimination relativeaux personnes en situation dehandicap,la mise en œuvre d’un réseaude services en direction despersonnes âgées.

La mise en accessibilité des œuvresdu musée :L’objectif de cette action est depermettre aux personnes déficientesvisuelles (aveugles ou malvoyantes)d’avoir accès aux œuvres dumusée.

Afin de rendre accessible lesœuvres sélectionnées, une méthodea été utilisée pour chaque ta-

bleau :description minutieuse etdétaillée du tableau ;explications portant sur la

Des projets

Par Annie POUZARGUE

Vice-Présidente du CCASde Libourne

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technique picturale ;historique de l’œuvre.

L’ensemble de ce travail a étéenregistré sur un CD qui a ensuiteété mis en ligne sur le site internetde la Ville de Libourne.

Ce projet a été porté par le grou-pement des intellectuels aveugleset amblyopes (GIAA) et élaboré enpartenariat avec le conservateurdu musée, la mission handicap etsanté publique du CCAS et leservice communication.

Suite à la mise en ligne de ce CD, leGIAA a exprimé sa satisfaction enindiquant que l’initiative de la Villede Libourne était à mettre àl’honneur.

Une exposition relative à unmarathon photoCe projet a été mené par l’associationdes Paralysés de France. Sonobjectif premier était de sensibiliserle public autour de questions tellesque la discrimination, l’accessibi-lité du cadre bâti ou l’accès audroit.

Pour mettre en œuvre cet objectif,l’association a opté pour uneexposition de photos représentantdes personnes en situation dehandicap.Cette exposition itinérante a étéprésentée du 11 au 25 mars à la

médiathèque de Libourne.Cette démarche a permis unevision positive du handicap. Deplus, l’exposition a été mise envaleur grâce au cadre architecturalremarquable de la médiathèque.La moitié des documents à dispositionont été retirés ce qui laisse supposerune fréquentation satisfaisante decette exposition.

La mise en œuvre d’un réseau deservices en direction des personnesâgéesCette action est pilotée parl’association AGIR abcd. Elles’appuie sur deux objectifs

principaux :créer du lien social avec lespersonnes âgées à domicile ;conduire une action répondantà des besoins répertoriés etprenant en compte et/oucomplétant les réponses

existantes.

Les personnes âgées isolées et neprésentant pas de pathologies gravesconstituent plus particulièrementle public ciblé par l’action portéepar l’association AGIR abcd.

Cette action consiste, dans unpremier temps, à proposer desactivités ludiques et convivialesaux personnes âgées afin de lesdistraire et de les couper de leurisolement : conversation, jeux,lecture…

Ensuite, suivant les envies, désirset souhaits exprimés par lespersonnes âgées, sorties, promenades,accompagnement vers lieuxculturels, activités associative…pourront être mises en œuvre.

A la demande de l’association, leCCAS de la Ville de Libourne a pourrôle de structurer et d’encadrercette action. Une convention departenariat a été élaborée afin dedéfinir les rôles respectifs du CCASet de l’association AGIR abcd.

Des projets

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D’une époque où quelques grandsbanquiers géraient la fortune dequelques grands capitainesd’industrie, l’imaginaire collectifa parfois gardé l’image d’uneprofession exerçant un métierd’argent et l’idée qu’elle doit –certainement – se tenir éloignéede ceux qui en manquent. C’estoublier que le compteur des sièclesa par deux fois tourné et que lesystème bancaire français actuels’est construit autour des notionsd’accessibilité et d’universalité, cequi en fait aujourd’hui un modèlesomme toute assez original dans lepaysage mondial.

Le droit au compte est inscrit dansla loi, le réseau de 39 000 agencesde proximité est d’une exception-nelle densité, le dialogue s’estinstallé dans des lieux de rencontresentre professionnels de la banqueet représentants des clients commele Comité Consultatif du SecteurFinancier.

Dans un pays où le taux debancarisation est de l’ordre de99 %, la clientèle bancaire est defait un fidèle reflet de notresociété dans toute sa diversitéavec des besoins – déjà divers àl’origine – qui évoluent au fil deparcours de vie parfois heureux,parfois heurtés.Depuis longtemps activité deservices au grand public avantd’être une activité « d’argent », labanque fait face depuis quelquesdécennies à de nouveaux défis liésau rôle particulier qu’elle jouedans une société qui s’est rapide-ment et fortement financiarisée.

Le système bancaire français doitainsi concilier industrialisation,réglementation et personnalisationde la relation. Gérer 72 millions decomptes à vue et 15 milliards detransactions de paiement par andans de bonnes conditions derapidité et de sécurité demandeune forte informatisation des process.Prendre en compte la situationparticulière d’un ménage endifficulté demande de pouvoirs’attarder dans la recherche d’unesolution personnalisée.

Ces deux priorités, qui relèventd’une même exigence de service àla clientèle, ont amené lesbanques à mener de front leurmutation industrielle et le déve-loppement de réponses spécifiquesadaptées aux clients les plusfragiles.

Ainsi, l’élargissement de la gammede produits et services a intégrédes offres destinées aux clientsdont la gestion du budget familial

Et prévention : les deux piliers d’une même démarche

Par Yves COLLOMBAT

Fédération Bancaire Française

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est un exercice difficile. Par exemple,la création de la carte bancaire àautorisation systématique, d’outilsd’alerte sur le solde, la diffusion demoyens de paiement à datecertaine (prélèvement automatique)mais aussi la mise en œuvre d’unegamme de moyens de paiementsalternatifs au chèque (GPA) ontpermis une forte évolution del’équipement des ménages enservices sécurisants pour le budgetet non discriminatoires.

Le taux de détention d’une cartebancaire est ainsi passé de 39 % à80 % entre 2001 et 2009 pour lesménages bénéficiaires de minimasociaux (source Crédoc).

Le développement du microcrédita permis d’élargir l’accès au crédità des clients bien plus fragiles,susceptibles de connaitreponctuellement des difficultésde remboursement qui sont trèsmajoritairement surmontées grâceà l’accompagnement budgétaireassuré par un acteur social.

Les principaux réseaux bancairesont par ailleurs individuellementmis en place des dispositifs résolu-ment orientés vers la recherchede solutions sur mesure et parfoisextra-bancaires. Citons, parmi lesdispositifs intégrés, l’exemple des

Parcours Confiance ou des PointsPasserelle, et parmi les dispositifsexternalisés, les conventions passéesavec certains réseaux associatifs.

Aux cotés de ces actions propres àchaque banque, souvent destinéesà apporter une solution à desdifficultés déjà matérialisées, laprofession bancaire a souhaités’investir collectivement dans unedémarche de prévention ens’appuyant sur son organisationprofessionnelle, la FédérationBancaire Française.

Considérant que la préventionpasse d’abord par une meilleureinformation du public sur l’argentet les services de la banque auquotidien, l’action de la FBF aconsisté, dès 2002, à développerun programme d’éducation finan-cière et budgétaire largementouvert au grand public via un siteinternet : Les Clés de la Banque(www.lesclesdelabanque.com).

Conscient qu’une base documentaireen ligne n’est accessible qu’auxménages possédant un outilinformatique mais aussi engagésdans une recherche pro-actived’informations, deux vecteurs dediffusion additionnels ont éténaturellement identifiés : les réseauxbancaires et les 107 comitésterritoriaux de la FBF en région.

L’utilisation de ces deux nouveauxcanaux a permis de rapprocherl’information des publics concernés,mais aussi de constater que lesactions des banques pouvaientrejoindre et compléter celles desstructures les plus engagées dansla prévention et le traitement desdifficultés des ménages, à savoirles acteurs sociaux locaux.

Quoi de plus naturel, pour traiterune problématique socio-écono-mique, que d’associer des acteursdu monde social et du mondeéconomique ? Mais aussi, quoi deplus difficile que de bâtir despasserelles opérationnelles entredeux métiers jusqu’alors considéréscomme si différents ?

Les premiers partenariats, nés en2008 entre des comités territoriauxde la FBF et des Conseils Généraux,ont cependant ouvert le chemin àde nouvelles initiatives avec d’autresdépartements, avec des CCAS ouencore avec le réseau France Active.Elles se doivent d’être encouragéeset démultipliées.

Dans une approche combinantl’exercice de sa responsabilitésociétale, la nécessité de réduireles coûts économiques et sociauxdu surendettement et le dévelop-pement de la qualité des servicesrendus à la clientèle – à toute la

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clientèle – la profession bancaireest engagée dans une démarcheactive et pragmatique favorisantl’accessibilité aux services bancaireset la prévention. Miroir des difficultésbudgétaires des ménages et desproblématiques économiques etsociales de notre pays, les banquescroient au dialogue constructif età des solutions partenariales pourune prise en compte globale etpréventive des fragilités de leursclients.

C’est par le partenariat que nouspourrons collectivement aller plusloin et être plus efficace. Il restecependant une question structurantedont il faut avoir l’honnêteté dereconnaître qu’elle nous dépasse,c’est celle du niveau de ressourcesde certains ménages pour faireface à leurs besoins courants.Quand ces ressources sont insuffi-santes, la banque ne peut apporterde solution durable. Cela doitinterpeller, bien au-delà dumonde bancaire et associatif, tousles acteurs de la société.

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