100719_NP__RD 013_ Immigration irrégulière

52
1 RDIA – 013 Réflexion doctrinale interarmées N°184/DEF/CICDE/NP du 05 juillet 2010 CENTRE INTERARM CENTRE INTERARM CENTRE INTERARM CENTRE INTERARMÉES ES ES ES DE CONCEPTS, DE CONCEPTS, DE CONCEPTS, DE CONCEPTS, DE DOCTRINES DE DOCTRINES DE DOCTRINES DE DOCTRINES ET D ET D ET D ET D’EXP EXP EXP EXPÉRIMENTATIONS RIMENTATIONS RIMENTATIONS RIMENTATIONS Contribution des armées à la lutte contre l’immigration irrégulière (LC2I)

Transcript of 100719_NP__RD 013_ Immigration irrégulière

1

RDIA – 013Réflexion doctrinale interarmées

N°184/DEF/CICDE/NP du 05 juillet 2010

CENTRE INTERARMCENTRE INTERARMCENTRE INTERARMCENTRE INTERARMÉÉÉÉES ES ES ES DE CONCEPTS, DE CONCEPTS, DE CONCEPTS, DE CONCEPTS, DE DOCTRINES DE DOCTRINES DE DOCTRINES DE DOCTRINES ET DET DET DET D’’’’EXPEXPEXPEXPÉÉÉÉRIMENTATIONSRIMENTATIONSRIMENTATIONSRIMENTATIONS

Contribution des arm ées à la lutte contre

l’immigration irrégulière (LC2I)

2

(PAGE VIERGE)

3

RDIA – 013

CONTRIBUTION DES ARMÉES À LA LUTTE CONTRE L’IMMIGRATION IRRÉGULIÈRE

(LC2I)

N° 184/DEF/CICDE/NP du 05 juillet 2010

4

(PAGE VIERGE)

5

_____________________________________________Préface

Le Général de Division Aérienne Guillaume GELÉE Directeur du CICDE

Le « Concept d'emploi des forces1 » (2010) prévoit la possibilité d’engager des forces armées dans le cadre d'une contribution à la « lutte contre les phénomènes criminels transnationaux et la piraterie ». Envisagée dans le concept interarmées intitulé « La Sauvegarde Générale2 » (2007), « la lutte contre le trafic d'être humains et l'immigration illicite organisée » constitue une préoccupation nationale dans laquelle les forces armées étaient déjà impliquées. Le RETEX3 disponible permettait alors d'identifier des lacunes dans divers domaines : planification, organisation, formation, etc.

Une réflexion doctrinale sur la « Contribution des armées à la lutte contre l'immigration irrégulière (LC2I) » a été rédigée avec le soutien des organismes concernés.

Ce document du CICDE permet de mettre en perspective les dimensions de la contribution des armées à cette lutte et la façon dont elle doit s'accorder avec l'exécution des opérations de combat dans un cadre interarmées, interministériel et multinational. À partir du modèle général des contributions militaires, il propose l’édification d’une stratégie cohérente fondée sur des principes opératifs dont les résultats pourront être confrontés à des critères de pertinence.

1 CIA – 01, Concept d’emploi des forces (CEF), n° 004/DEF/CICDE/NP du 11 janvier 2010. 2 CIA – 0.7, La sauvegarde générale, n° 163/DEF/CICDE/NP du 11 mai 2007. 3 Retour d’expérience.

Paris, le 05 juillet 2010 N° 184/DEF/CICDE/NP

6

(PAGE VIERGE)

7

__________________________________________Sommaire

Page

Préambule…….…………………………………………………………….…………...…………. 9

Chapitre 1 – L’immigration irrégulière : une menace doublée d’un risque………..…. 11

11 Le phénomène de l’immigration irrégulière……………………...…..…..…………... 11

111. Immigration et régularité………………………………………………..….. 11

112 Immigration et clandestinité………………………………..………………. 12

12 L’action militaire actuelle de lutte contre l’immigration irrégulière….…...…………... 13

121 L’Union européenne…………………………………………….…………. 15

122 Les DOM-COMs………………………………………..…………………. 17

Chapitre 2 – Le dispositif de lutte contre l’immigration irrégulière……………….……. 25

21 La lutte interministérielle…………………………………………………...….……. 25

211 Coopération internationale…………………………...…………………….. 25

212 Coordination interministérielle……………………………………..………. 25

22 Une synthèse de l’effort capacitaire …………...……………………………….…… 26

221 La tutelle préfectorale……………………………………………………… 26

222 Le dispositif en réseau………………………………………….………...… 26

223 Une contribution complémentaire…………………………………………. 26

23 Perspectives d’évolution ……………………………………………..……...……… 27

231 Enseignements généraux…………………………………………....……… 27

232 Améliorations……………………………………………………………… 28

233 Éléments de prospective opérationnelle………………………….………… 28

Chapitre 3 – La contribution militaire…………………………………………………..……. 31

31 La contribution des armées à la politique publique de lutte contre l’immigration irrégulière………………………………………………………….……...………… 31

311 Définition de la contribution militaire à la lutte contre l’immigration irrégulière 31

312 Économie générale de la contribution militaire à la lutte contre l’immigration irrégulière………………………………………….……………………….. 32

8

32 L’apport militaire à la stabilisation des populations : un segment de l’approche globale 34

321 Les modalités de l’apport militaire à la stabilisation des populations...……… 34

322 Les règles de l’apport militaire à la stabilisation des populations……………. 35

Chapitre 4 – Les modalités de l’engagement des capacités militaires………….....…. 37

41 Dix principes « cadres »……………………………………………………………...... 37

42 Six critères d’un engagement rationnel……………………………..……………….. 39

43 Les actions militaires dans la lutte contre l’immigration irrégulière………………….. 41

431 Les buts recherchés………...………….…………………………………… 41

432 Les effets à obtenir……………………….…………………………...……. 43

Conclusion…………………………………………………………………………………..…….. 47

Annexe A – Représentation des flux migratoires irréguliers vers le territoire français……………………………………...………………………………… 49

Annexe C – Lexique

Partie I Acronymes et abréviations…………………..……………………... 51

Partie II Termes et définitions……………….......………………………….. 51

Résumé (quatrième de couverture)………………………………….…………………..…... 52

9

__________________________________________Préambule

Les phénomènes migratoires clandestins sont des mouvements erratiques de population qui révèlent leur complexité au contact des souverainetés. L’immigration irrégulière constitue à la fois un risque de déstabilisation des sociétés et une menace en raison de l’organisation clandestine qui lui est liée.

Le Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale envisage plus l’immigration irrégulière comme un facteur aggravant de déstabilisation des quatre zones de crise qui entourent les intérêts français, qu’une menace directe. Dans le contexte de l’incertitude stratégique en général et de la géographie des migrations mondiales en particulier, le contrôle des flux de populations constitue une préoccupation grandissante pour la stabilité de l’Europe et de la France. Les structures ou les modalités clandestines qui les supportent, doivent donc être considérées comme une expression agressive contre les intérêts nationaux.

Selon les termes du Concept d’Emploi des Forces (CEF), les contributions militaires à l’action de l’État dans ce domaine relèvent à la fois d’une situation générique dite « de sécurité intérieure sur le territoire national », mais également d’une situation générique « de lutte contre les phénomènes criminels transnationaux ».

Dans le cadre de la coordination interministérielle, les missions ponctuelles de sécurité intérieure pour les armées sont liées à « l’élévation du niveau de risque » qui exige de solliciter ses capacités et ses savoir-faire d’exception. Face à un risque lancinant qui tend à s’accroître, la protection du territoire national consiste dans la réduction de la portée des impacts sécuritaires de ce phénomène sensible. Dès lors, la contribution militaire à la stratégie générale de défense contre ce phénomène se manifestera dans la combinaison de missions de surveillance, de détection et d’interdiction des approches du territoire à défendre, et ce dans un souci de coopération internationale.

Les contributions des armées à la Lutte contre l’Immigration Irrégulière (LC2I) seront réglées selon une économie adaptée qui, tout en préservant les principes fondamentaux de l’action militaire, satisfera les objectifs gouvernementaux dans ce domaine.

Sur ce sujet, la nature de la contribution militaire qui relève de la doctrine de sauvegarde générale, sera inversement proportionnelle à la profondeur stratégique envisagée. En effet, plus les foyers d’immigration seront éloignés de la France / Zone Schengen, moins les contributions seront contraignantes pour les armées. A contrario, plus les foyers d’immigration seront proches, plus les moyens exigibles obéreront les capacités foncières des armées.

La contribution militaire à la lutte contre l’immigration irrégulière est également liée à l’approche globale de règlement des crises et des conflits internationaux. Souvent indispensable au traitement des zones déstabilisées, le pilier militaire peut également favoriser une émigration erratique. Ce phénomène de déplacement des populations engendre un afflux de réfugiés, ce qui représente une source supplémentaire de désordre dans une zone d’intérêt. La responsabilité des forces armées est donc de saisir toutes les opportunités pour favoriser le traitement de ce problème au travers des effets de son opération de combat. Cette compréhension des enjeux au niveau local est d’autant plus décisive que sa négligence pourra entraîner des perturbations ultérieures dans des zones plus éloignées voire domestiques.

La contribution des armées à la politique publique de lutte contre l’immigration irrégulière doit dépasser les prestations d’appoint pour fournir des propositions partenariales à la fois garante des obligations internationales de l’État français et des modalités de protection du territoire national.

10

(PAGE VIERGE)

11

__________________________________________Chapitre 1 L’immigration irrégulière : une menace doublée d’un risque

11 Le phénomène de l’immigration irrégulière

111 Immigration et régularité

Les mouvements de populations sont anciens et constituent un phénomène régulier de la démographie mondiale. L’écheveau géopolitique des migrations est davantage resserré et sensible par le fait qu’il s’agit de personnes et non de simples produits. Aussi, le traitement de cette question est-il à la fois incontournable et profondément délicat.

Le système démographique mondial est instable ; il est en perpétuelle évolution. Il présente une dynamique soumise à des tensions qui varient de manière circonstancielle. Les causes de cette entropie relèvent de différents facteurs : la démographie, l’économie, l’histoire, le droit, la politique… Ceux-ci changent en fonction du contexte international qui peut favoriser les échanges, les signaux politiques d’un État à l’autre, la perméabilité des frontières, la performance des moyens de communication et l’évolution des transports.

Le phénomène migratoire peut s’expliquer par deux causes complémentaires. D’une part, une population peut être attirée par une certaine zone géographique. D’autre part, la zone géographique d’origine dans laquelle vit une population peut être la source de pressions et générer des motifs d’émigration. Cependant, il arrive que les États d’une zone géographique « attractive » n’acceptent pas la migration à l’intérieur de leur propre espace, auquel cas ils établissent des interdictions et des contraintes aux émigrants. Ces derniers sont donc enclins à ne pas respecter le droit instauré dans l’État cible et la migration se transforme alors en trafic qui tend à déjouer les contraintes. Dans un État de droit, le critère de légalité discrimine la nature des courants migratoires.

La migration illégale est une migration échappant au contrôle de droit du pays hôte. Le caractère irrégulier de cette migration consiste, pour partie et en ce qui concerne les individus, dans la confusion ou dans l’absence de statut du candidat à l’immigration entre son pays d’origine et son pays d’installation.

Ainsi, l’immigration illégale peut être définie comme un mouvement de personnes entrant et séjournant illégalement sur le territoire d’un État.

Les migrations régulières pour le travail ou les migrations de réfugiés n’entrent pas dans cette répartition.

Le caractère illégal de cette partie du phénomène migratoire conduit à ce qu’il échappe aux circuits de contrôle officiel. Les contingences matérielles de cette migration et les fortes motivations présidant à sa constitution engendrent un circuit alternatif se structurant dans la clandestinité. L’illégalité et la clandestinité se combinent alors pour préciser le caractère irrégulier de l’immigration.

Dès lors qu’elle n’est pas ponctuelle ou circonstancielle, l’immigration irrégulière est adossée à une structure criminelle. Cette dernière peut être élémentaire, ponctuelle, mais également se renforcer et se développer lorsqu’elle est entretenue par une finalité lucrative pérenne.

Ainsi, le phénomène de migration irrégulière favorise la multiplication des genres migratoires irréguliers et développe des phénomènes de traites dont le but est l’exploitation économique de

12

personnes réduites à une situation de servage. La prostitution et le travail sous-qualifié dans le secteur primaire, mais également dans les services de domesticité ou de confection sont les domaines d’élection des traites modernes.

Les migrants irréguliers sont donc des migrants de fait qui relèvent d’une incrimination particulière dont il faut saisir les nuances afin de discerner les enjeux et les difficultés liés à la prohibition de l’immigration irrégulière.

À côté des voies migratoires légales qui correspondent aux règles d’un État de droit, se constitue une économie de circonstance dont la nature et les effets peuvent désorganiser l’entropie du système migratoire ouvert. La régulation du phénomène migratoire consiste donc à assurer la tension entre les deux pôles migratoires. Cette police migratoire est naturellement complexe et nécessite une amplitude de moyens significatifs.

En 2005, près de 200 millions de personnes ont quitté leur pays, soit 3% de la population mondiale. Parmi eux, entre 2,5 et 4 millions ont choisi la clandestinité pour parvenir à leurs fins. Actuellement, la péninsule eurasiatique est un pôle attractif du système migratoire mondial. Chaque année, plus d’un million de migrants entrent irrégulièrement sur le sol de l’Union européenne. En Europe, la France compterait aujourd’hui entre 200 000 et 400 000 clandestins. Ses territoires ultra marins, en particulier, connaissent une pression migratoire singulière.

Pays d’origine Pays d’accueil

Immigr ation régulière / légale

Immigr ation irrégulière / illégale

Entrée régulière / Séjour irrégulier

Figure 1 : Illustration des définitions4.

112 Immigration et clandestinité

Les migrations irrégulières peuvent prendre les deux formes représentées sur le schéma ci-après.

• Dans le cas 1 d’un circuit de « décompression administrative » d’un pays origine (A) vers un pays cible (B) il s’agit, pour un réseau transnational sophistiqué, de faire transiter un candidat à l’immigration irrégulière d’un pays à un autre en lui procurant successivement un passeport différent à chaque étape. Au fur et à mesure de son voyage, le « vrai-faux » migrant paye son voyage. S’il est découvert, il se replie sur le pays précédent. Dans sa progression, le migrant clandestin capitalise ses étapes successives. Le système mafieux doit ainsi s’assurer du renouvellement de sa tentative vers le point d’arrivée envisagé. Il n’y a que très peu de contacts entre le migrant irrégulier et le réseau. Ce schéma s’impose dans les projets de migration longs et éloignés.

• Dans le cas 2 d’un projet de migration de proximité, l’organisation est plus simple. Elle peut être groupée et un intermédiaire au plus dans chaque pays suffit à structurer un réseau élémentaire.

Ces deux types d’organisation transnationale sont cloisonnés et volatiles. Les limites de la coopération judiciaire internationale et de l’information d’investigation ne permettent pas

4 L’immigration irrégulière « directe » constitue une partie de l’immigration irrégulière totale. L’entrée irrégulière sur le territoire national peut être convertie en séjour irrégulier et grossit le nombre des personnes en situation irrégulière.

13

d’éradiquer systématiquement ces réseaux. Leur répression s’effectue essentiellement sur le territoire national.

Pays d’origine

A

Pays d’origine

A

Projet migratoire

Pays étape 1

Pays étape 2

Pays étape X

PE X+1

Trajet « aller »

Trajet « retour » éventuel

Réseau sophistiqué

Réseau élémentaire

Réseaux transnationaux

Pays d’accueil

B

Pays d’accueil

B

Cas 1

Cas 2

Flux migratoires

Figure 2 : Schéma d’organisation des migrations irrégulières.

12 L’action militaire actuelle de lutte contre l’immigration irrégulière

Si la lutte contre l’immigration irrégulière est une mission dévolue aux forces de sécurité intérieure telles que la Police Aux frontières (PAF), la gendarmerie nationale et les douanes, elle constitue, au regard de l’importance prise, une politique de service public à part entière. À ce titre, elle implique une mobilisation de tous les moyens dont dispose l’État pour y faire face. Les moyens militaires sont donc naturellement concernés.

Au titre de leur contribution à la défense civile, les armées participent également à la Lutte contre l’Immigration Irrégulière (LIC) dans les approches maritimes de la métropole et dans les Départements et Collectivités d’Outre-Mer (DOM-COMs). En soutien des services d’État compétents et conformément aux directives gouvernementales relayées par les Délégués Du Gouvernement (DDG)5, leurs actions s’inscrivent dans le cadre de la défense et de la sécurité générale du territoire national, et plus particulièrement dans le cadre de l’exercice de la souveraineté et de la lutte contre les trafics illicites en mer. Elles font l’objet d’un axe général du plan stratégique des armées, c'est-à-dire : « renforcer le rôle des armées dans le domaine de la protection et de la sauvegarde du territoire et des populations », concrétisé par des contrats opérationnels fixés à l’autorité militaire concernée6.

Le décompte des contributions des armées à la lutte contre l’immigration irrégulière doit s’effectuer dans le cadre de la mission de protection. Elle traverse à la fois les mesures liées à la posture permanente de sécurité et aux contributions ponctuelles exigibles dans ce type de sollicitation. Ces dernières correspondent aux aptitudes et aux caractéristiques des moyens militaires. L’économie générale de ces actions s’inscrit dans la charge opérationnelle assignée aux armées.

5 Préfet maritime (métropole) et Préfet de zone (DOM-COM). 6 Commandant de Zone Maritime (CZM) en métropole ou COMmandant SUPérieur (DOM-COM).

14

HERMÈS : 18/09/07 au 09/10/07 Opération annulée

NAUTILUS : 15/09/08 au 26/09/08 PSP « Arago »

POSEÏDON : 18/09/07 au 09/10/07 Opération annulée

INDALDO : 04/11/08 au 20/11/08 BBPD « Archeon »

Figure 3: FRONTEX (FRONTières EXtérieures de l’espace SCHENGEN)

15

121 Union européenne

Depuis 2006, l’agence « FRONTEX7 » a vocation à protéger les frontières extérieures de l’Union européenne de l’afflux d’Étrangers en Situation Irrégulière (ESI), à partir d’une coordination de moyens fournis par d’autres États et d’échanges d’informations entre administrations.

En mer, ces missions reviennent à détecter puis pister toutes les embarcations de migrants à destination d’un « État FRONTEX » et placer les migrants dans un centre de rétention en vue de l’organisation du retour vers le pays d’origine.

Depuis mars 2007, la France met à la disposition de FRONTEX des moyens de surveillance et d’intervention. En fonction des disponibilités, l’État-Major des Armées (EMA) engage des moyens participant à la Posture Permanente de Sûreté (PPS) et, sous certaines conditions, d’autres moyens navals et aériens.

À l’origine, la participation militaire française été organisée sous la forme de missions de surveillance par des aéronefs de la marine en 20068 et 20079 (Falcon 50 ou Nord 262).

Avec le début de la clarification des aspects juridiques (prise en charge des migrants par l’État responsable de la zone), la participation des bâtiments de surface a pu être envisagée.

Cependant, ces opérations peuvent produire l’effet contraire à celui recherché dans les zones maltaise et italienne : loin de restreindre les flux d’immigrants illégaux par voie de mer, la présence de bâtiments de guerre semble attirer les immigrants.

Ceux-ci n’hésitent pas à saborder leurs embarcations pour être certains d’être recueillis, aucun accord préalable entre les États européens requérants et les États d’origine des migrants n’étant établi. Aussi, le potentiel de défense alloué à ces missions peut être galvaudé en dehors d’une coordination européenne plus ambitieuse.

-

Zone maritimeMANCHE - MER DU NORD

ZD Nord43 hommesZD NordZD Nord

43 hommes43 hommes

ZD Est0 hommes

ZD EstZD Est0 hommes0 hommes

ZD PARIS535 hommesZD PARISZD PARIS

535 hommes535 hommes

ZD Sud-Est38 hommesZD ZD SudSud --EstEst38 hommes38 hommes

ZD Sud56 hommes

ZD SudZD Sud56 hommes56 hommes

ZD Sud-Ouest28 hommes

ZD SudZD Sud --OuestOuest28 hommes28 hommes

ZD Ouest&8 hommesZD OuestZD Ouest

&8 hommes&8 hommes

Zone maritime Manche – Mer du Nord

• 2 bâtiments

Zone maritime Méditerranée

• 3 bâtiments

• 8 avions

• 5 HL

• 1 C 135

• 1ESF

• 8 avions

• 5 HL

• 1 C 135

• 1ESF

Moyens

• Terre : 718•• Terre : 718Terre : 718

• 7 bâtiments de surface• 7 bâtiments de surface

• Mer : 177• Mer : 177

Effectifs

• Air : 217• Air : 217

Zone maritime Atlantique

• 2 bâtiments

Figure 4 : Dispositif permanent de sûreté et de protection en métropole.

7 Agence européenne pour la gestion de la coopération opérationnelle aux frontières extérieures de l’UE. 8 HÉRA I et II, NAUTILUS. 9 HÉRA III, POSÉIDON.

16

GuadeloupeGuadeloupe

MartiniqueMartinique

Armée de terre :

33e RIMa

- une unité de commandement et de soutien, une Cie MAINT

- une compagnie d’infanterie

- deux unités élémentaires PROTERRE

41e BIMa + COMIL

- une unité de commandement et de soutien

- 3 compagnies PROTERRE

EFFECTIF TOTAL : 1100 terriens

Marine nationale :

Base navale du Fort Saint-Louis

- frégate de SURV Ventôse et un hélicoptère Panther

- bâtiment de transport léger (BATRAL)Francis Garnier

- patrouilleur La Fougueuse

- remorqueur côtier Maïto

EFFECTIF TOTAL : 400 marins

Armée de l’air :

Base aérienne 365 (Fort de France)

- 3 appareils de transport CN 325 CASA

- 3 hélicoptères Puma et un hélicoptère léger Fennec

Zone aérienne militaire du Raizet (Pointe à Pitre)

- un HL Fennec

EFFECTIF TOTAL : 200 aviateurs

• 43e BIMa + COMIL•• 4343ee BIMaBIMa + COMIL+ COMIL

• EA / 01.366• EA / 01.366

• 33e RIMa + COMIL•• 3333ee RIMaRIMa + COMIL+ COMIL

• Base aérienne 365• Base aérienne 365

• EMIA / FAA• EMIA / FAA

Pointe à Pitre

Fort de France

Le Lamentin

• 1er RSMA•• 11erer RSMARSMA

• Base navale• Base navale

Figure 5 : les Forces ArmFigure 5 : les Forces Arm éées aux Antilles (FAA)es aux Antilles (FAA)

17

122 Les DOM COMs

Sous le commandement opérationnel du chef d’état-major des armées, les armées contribuent aux missions de lutte contre l’immigration illégale à Mayotte et en Guyane et, dans une moindre mesure dans la zone Antilles. Placées aux ordres du COMSUP, elles agissent en soutien de l’action du préfet de zone.

Outre-mer, les missions de LIC sont conduites par voie de demande de concours du préfet de zone au COMSUP. En général, un protocole cadre entre le COMSUP et le préfet de zone est établi et définit les modalités générales du soutien apporté par les armées. L’atout principal de ce type de texte réside dans la présentation explicite du cadre dans lequel elles peuvent agir.

Les Antilles

En provenance d’Haïti via La Dominique, le flux d’immigrés clandestins à destination des Antilles (vers La Guadeloupe essentiellement) s’accroît considérablement et a incité le Secrétariat d’État chargé de l’Outre-mer à demander, en 2005, un renforcement des moyens de l’État afin de lutter contre ce trafic. Trois opérations « coup de poing » ont d’ailleurs été menées par la marine nationale sous l’autorité du préfet de Guadeloupe cette année là et un poste de conseiller marine (officier réserviste) a été créé auprès du préfet et de son centre opérationnel10.

CEMATCEMAT CEMM

CEMA

3333ee RIMaRIMa

4141ee BIMaBIMa

Base navale

11erer RSMARSMA• Ventôse

• Francis Garnier

• La Fougueuse

• Maïto

CEMIA BA 365

Adjoint TerreAdjoint Terre Adjoint Mer CEMIA

CEMAA

Adjoint Air

ETOM 0058

Chaîne organique Chaîne opérationnelle

22ee RSMARSMA

ELEBN

COMSUP FAA

Figure 6 : Organisation des Forces Armées aux Antilles (FAA).

La participation des Forces Armées aux Antilles (FAA) aux missions de LIC s’illustre par :

- le déploiement d’un hélicoptère léger Fennec qui, en fonction des besoins exprimés par le préfet de zone, est appelé à participer à des missions de surveillance en coordination avec l’hélicoptère de la gendarmerie, ainsi qu’à des missions de nuit d’observation et de renseignement, en vue d’aider à la détection des bateaux convoyant des immigrés illégaux ;

- la participation ponctuelle des moyens de la marine nationale lors de missions dans la zone maritime des Antilles dans le cadre de l’Action de l’État en Mer (AEM) ;

10 Le Délégué Du Gouvernement (DDG) pour l’AEM est le préfet de zone, préfet de Martinique. Jusqu’en 2006, les opérations

maritimes en Guadeloupe étaient dirigées directement par le préfet de zone. Cette situation complexe et peu flexible était inefficace. Pour pallier à cette difficulté et accroître le degré d’autonomie du préfet de Guadeloupe à déléguer l’AEM, il a donc été décidé de placer un conseiller marine nationale pour faciliter l’expression du besoin auprès du préfet de zone.

18

Figure 7 : les Forces ArmFigure 7 : les Forces Arm éées en Guyane (FAG)es en Guyane (FAG)

Armée de terre :

3e REI

- une CCS

- une Cie INF Légion

- deux Cies INF tournantes

- 2 modules PROTERRE

9e RIMa

- une CCS, une CM

- deux Cies INF et une Cie PROTERRE

- un Détachement Maroni

EFFECTIF TOTAL : 1550 terriens

Marine nationale :

Base navale de Degrad des Cannes

- deux patrouilleurs P400

- deux vedettes côtières de SURMAR (GEND MAR)

EFFECTIF TOTAL : 155 marins

Armée de l’air :

Base aérienne 365 de Rochambeau

- BA 367 de Rochambeau

- EHOM 00.068 : 4 Puma et 2 Fennec

- Centre de contrôle militaire 06.967 du CSG

EFFECTIF TOTAL : 240 aviateurs

• 3e REI + COMIL•• 33ee REI + COMILREI + COMIL

• CCM• CCM

Kourou Rochambeau

• VCSM Organabo• VCSM Organabo

• 9e RIMa + COMIL•• 99ee RIMaRIMa + COMIL+ COMIL

• EMIA / FAG• EMIA / FAG

Cayenne

Régina

Camopi

• 3e REI (une section)•• 33ee REI (une section)REI (une section)

Saint Georges

• 3e REI (CEFE)•• 33ee REI (CEFE)REI (CEFE)

• Base aérienne 367• Base aérienne 367

Saint Jean

• 9e RIMa (1 section)•• 99ee RIMaRIMa (1 section)(1 section)

Nasson

• 9e RIMa (2 sections)

• GSMA (600 H)

•• 99ee RIMaRIMa (2 sections)(2 sections)

•• GSMA (600 H)GSMA (600 H)

• 9e RIMa (1 section)•• 99ee RIMaRIMa (1 section)(1 section)

Maripasoula

• 3e REI (une section)•• 33ee REI (une section)REI (une section)

19

- la mise à disposition de capacités terrestres pour « conduire, sur demande, des opérations de surveillance côtière en renfort des services de police, de gendarmerie ou des douanes » dans le cadre de protocole interservices entre le préfet de Martinique et le COMSUP FAA. Il n’a pas été activé depuis 2005.

La Guyane

Du fait de l’implantation du Centre Spatial Guyanais (CSG) à Kourou, la Guyane est le département d’Outre-mer revêtant le caractère stratégique le plus marqué.

En Guyane, les contrastes socio-économiques de la région, l’étendue et la vulnérabilité des frontières favorisent d’importants flux migratoires illégaux, principalement en provenance du Brésil. Ces nombreux clandestins se livrent à l’orpaillage illicite qui génère dans son sillage diverses formes de délinquances et des nuisances pour l’environnement et la communauté locale. Dans le cadre de protocoles passés entre le COMSUP et le préfet de Guyane, les Forces Armées en Guyane (FAG) conduisent en permanence des missions de surveillance des frontières fluviales sur le Maroni et l’Oyapock, en soutien des services compétents en la matière.

Outre ce dispositif permanent, les armées interviennent également depuis 2008 à une mission intérieure de grande envergure de lutte contre l’orpaillage clandestin en Guyane. Bien que l’objectif de cette opération soit le contrôle des flux logistiques pour asphyxier les zones d'orpaillage clandestin et le démantèlement des sites de prospection illégaux, celle-ci contribue fortement à la lutte contre l’immigration illicite.

En outre, les armées participent à la surveillance des frontières fluviales sur le Maroni et l'Oyapock avec quatre sections se déployant alternativement pendant un mois.

CEMATCEMAT CEMM

CEMA

99ee RIMaRIMa

33ee REIREI

Base navale

RSMARSMA

• Capricieuse

• Audacieuse

CEMIA BA 307

Adjoint TerreAdjoint Terre Adjoint Mer CEMIA

CEMAA

Adjoint Air

Moyens Air

COMSUP FAG

Chaîne organique Chaîne opérationnelle

Figure 9 : Organisation des Forces Armées en Guyane (FAG).

Opérations terrestres et cas particulier de l’opération HARPIE

L’action est conduite, sous l’autorité du préfet, par la gendarmerie nationale sur les fleuves du Maroni et de l’Oyapock en vue de déceler des mouvements migratoires en provenance de la frontière brésilienne et surinamienne.

L’armée de terre concourt, en soutien de la gendarmerie, à des missions de surveillance des frontières par l’intermédiaire :

- d’une section du 9e RIMa11 basée à Saint-Jean du Maroni ;

- d’une section du 3e REI12 déployée à Saint-Georges de l’Oyapok ;

11 9e Régiment d’Infanterie de Marine.

20

Les patrouilles limitent leur rôle à la seule protection et défense rapprochée de la gendarmerie dans son action de police administrative et policière. Elles participent à la recherche du renseignement sur les axes d’infiltration et saisissent toute occasion de préciser les zones de destination finale aux services d’État spécialisés. La participation des forces à toute action de contrôle, de fouille ou de contrainte est exclue. Fin 2009, le préfet de Guyane a réquisitionné des moyens militaires13 des FAG afin de démultiplier la surveillance et le contrôle du fleuve Maroni qui fait l'objet d'une recrudescence des traversées illégales de personnes et de matériel en provenance du Surinam.

Au titre du protocole TOUCAN établi entre le préfet de Guyane et le COMSUP le 29 juin 2006, les armées conduisent des missions de soutien de la gendarmerie en opération de lutte contre l’orpaillage illégal (moyens terrestres et aériens). Dans ce cadre, elles contribuent également de manière significative à la lutte contre l’immigration irrégulière en assurant :

- des actions de renseignement et d’appui (missions de reconnaissance et de contrôle de zone) ;

- l’extraction primaire par hélicoptère de manœuvre (HM) et avion de transport CASA des ESI arrêtés dans les chantiers illégaux vers les centres de regroupement avant leur reconduite à la frontière par les services compétents.

Constituant en engagement important d’environ 500 hommes pour des périodes de 4 à 6 mois, elle a permis d’interpeller 349 étrangers en situation irrégulière en 2008.

Opérations maritimes

Lors de leurs patrouilles maritimes, les patrouilleurs de type P400 de la marine nationale participent à la recherche du renseignement sur les flux migratoires en provenance de la frontière brésilienne. Ils participent également à des missions d’interception et de contrôle des « tapouilles14 » et pirogues dans les eaux territoriales15.

Opérations aériennes

Il n’y a pas de moyens aériens engagés de manière spécifique dans la lutte contre l’immigration irrégulière. La participation de l’armée de l’air se résume seulement à des missions d’opportunité ne nécessitant pas plus d’un hélicoptère de manoeuvre. Lors de liaisons régulières ou inopinées sur la région frontalière Ouanary-Saint-Georges-Camopi, l’armée de l’air s’engage dans l'acquisition du renseignement sur les flux de « tapouilles ». Elle a permis d’interpeller 349 étrangers en situation irrégulière en 2008.

Mayotte

Traditionnelle à Mayotte, l’immigration irrégulière connaît depuis l’an 2000 une expansion considérable en provenance des Comores dont l’île la plus proche (Anjouan) n’est distante que de soixante-dix kilomètres. Sur les 180 000 habitants de Mayotte, 40 % sont des clandestins. Cette arrivée massive d’ESI a eu des conséquences désastreuses sur le développement économique et social de l’île16.

12 3e Régiment Étranger d’Infanterie. 13 Une embarcation de type GRAGE et un groupe de combat (2 trinômes). 14 Bateau de pêche local dont le surnom évoque le bruit émis par son moteur. 15 Conformément au règlement prescrit par les instructions générales sur la mer, les bâtiments de la marine sont habilités à mener

des enquêtes de pavillon et des perquisitions. 16 L’île doit faire face à une implication croissante des travailleurs clandestins dans une économie parallèle, à un sous-

dimensionnement des moyens et des infrastructure scolaires et à un surencombrement des hôpitaux (65 % des femmes qui accouchent à Mayotte sont comoriennes).

21

Dans le cadre de leur contrat opérationnel17, les Forces Armées dans la Zone Sud de l’Océan Indien (FAZSOI) « participent aux missions de lutte contre l’immigration irrégulière à Mayotte » en soutien de la gendarmerie nationale, de la Police de l’Air et des Frontières (PAF) et des douanes.

Cette participation comporte trois volets d’importance inégale : le déploiement d’un Fennec deux fois par an (mission abandonnée en 2009), le concours du Détachement de la Légion Étrangère de Mayotte (DLEM) à des missions de renseignement à terre, et la participation d’unités de la marine nationale à des opérations de LIC dans le cadre de l’AEM.

Opérations maritimes

Dans le cadre de l’AEM, la marine nationale participe à des actions de lutte contre l’immigration illicite par voie de mer. Pour remplir cette mission, l’île dispose d’un ÉLÉment de Base Navale (ELEBN) et d’un renfort d’unités de la marine basées à La Réunion.

Même si la vocation première de l’ELEBN est le soutien et l’appui des bâtiments de passage à Mayotte, son activité est très souvent entièrement centrée sur sa participation à la LIC.

Au quotidien, c’est presque la totalité du personnel de l’ELEBN, soit trente-huit marins, qui est impliquée dans cette mission. Cette dernière se fait, en mer, à trois niveaux :

- le commandant de l’ELEBN est, par délégation du commandant de zone maritime, l’assistant du préfet de Mayotte pour l’exercice des compétences en mer qui lui sont déléguées par le préfet de La Réunion. Sous l’autorité du préfet, il coordonne l’action en mer des différentes administrations et la mise en œuvre de leurs moyens ;

- le PC AEM de l’ELEBN qui contrôle et coordonne l’ensemble des moyens de reconnaissance et d’intervention contre les « kwassa-kwassas18 ». Le PC, dirigé par un officier marinier supérieur et armé par huit officiers mariniers, assure une veille et exploite les informations données par les trois radars de surveillance installés sur l’île ;

- le reste des effectifs de l’ELEBN participe également aux missions de surveillance maritime ou de soutien aux unités des autres services déployées dans le cadre de la lutte contre ce trafic à travers :

� une vedette de 14 mètres DHARUBA qui n’est plus adaptée à la surveillance en mer compte tenu de ses limitations de vitesse et de sa vétusté. Son retrait étant prévu pour 2010, une procédure de remplacement par une embarcation semi-rigide est en cours. Le personnel de l’ELEBN participerait alors à des missions d’interception avec le concours d’un Officier de Police Judicaire (OPJ) ;

� un CTM 18 qui permet la mise en place de personnes lors d’opérations de secours en mer19.

17 Mission permanente n° 3 du contrat opérationnel des FAZSOI. 18 Embarcation de 30 passagers clandestins effectuant la traversée entre l’île d’Anjouan et Mayotte et dont le surnom évoque le

bruit caractéristique émis par son moteur. 19 Compte tenu de ses moyens, la marine nationale est à ce jour vue comme la seule administration qui ne participe pas à des

missions d’intervention en mer, ce qui est, selon le commandant de zone maritime, « de nature à entamer sa légitimité et sa place dans le dispositif ».

22

Figure 9 : les forces armFigure 9 : les forces arm éées es àà Mayotte (Mayotte ( éélléément des FAZSOI)ment des FAZSOI)

Armée de terre :

Détachement de Légion Étrangère de Mayotte (DLEM)

- une Compagnie de Commandement et des Cervices (CCS)

- 2 compagnies d’infanterie

Le chef de corps du DLEM est également commandant militaire de Mayotte (COMIL). À ce titre, il représente le COMSUP et a délégation des forces armées stationnées ou de passage sur l’île.

Il est aussi le correspondant privilégié du préfet.

EFFECTIF TOTAL : 261 terriens

Marine nationale :

ÉLÉment de Base Navale à Mayotte (ELEBN)

- 2 vedettes, un chaland

- matériel ANTIPOL

- PCOPS pour l’exploitation des radars de surveillance

EFFECTIF TOTAL : 38 marins

• DLEM•• DLEMDLEM

Dzaoudzi

Combani

• GSMA•• GSMAGSMA

• ELEBN• ELEBN

Radars

Camp militaire

23

Les moyens de la marine nationale des FAZSOI basés à La Réunion (P400) ou temporairement stationnés dans la zone maritime et placés sous le contrôle opérationnel du COMSUP (Falcon 50, Fennec), sont régulièrement associés à la lutte contre l’immigration illicite20.

En raison des très nombreuses autres missions à assurer dans les domaines de la lutte contre la piraterie et la surveillance des pêches en zone économique exclusive, leur participation est en très net recul. Sur les 20 000 ESI interpellés en 2009, un tiers des interceptions a été réalisé en mer. Quatre vingt dix pour cent (90%) des 256 « kwassa-kwassas » interceptés en mer l’ont été à partir d’une détection radar.

Opérations terrestres

La mission HIBOU consiste en la participation des moyens du DLEM à la surveillance des bandes côtières de Mayotte. Elle s’effectue dans le cadre d’un protocole signé entre le préfet de zone et le COMSUP, réactualisé en date du 24 mars 200921. Les effectifs engagés dans le cadre de cette mission sont de l’ordre de vingt-cinq personnes pour une quarantaine de sorties par an (quarante-huit sorties en 2009). Les nomadisations sur Grande-Terre sont réalisées de nuit par une unité PROTERRE, en complément du dispositif radar en place soit :

- prioritairement face au sud (trou radar) ;

- face au nord dans la région de M’tsamboro (zone d’ombre radar).

Le rôle des unités se limite à l’acquisition de renseignements ensuite transmis aux services compétents en la matière. Leur participation à une éventuelle interpellation est exclue et l’emploi des armes est strictement limité à la légitime défense telle que définie dans l’article 122-5 à 122-7 du code pénal. Entre 2008 et 2009, la mission HIBOU n’a permis d’intercepter que deux « kwassa-kwassas ».

CEMATCEMAT CEMM

CEMA

22ee RPIMaRPIMa

DLEMDLEM

Base navale

RSMARSMA• Rieuse

• Boudeuse

• Grandière

• Albatros

CEMIA BA 181

Adjoint TerreAdjoint Terre Adjoint Mer CEMIA

CEMAA

Adjoint Air

Moyens Air

COMSUP FAZSOI

Chaîne organique Chaîne opérationnelle

GSMAGSMA

ELEBN

Figure 10 : Organisation des Forces Armées de la Zone Sud de l’Océan Indien (FAZSOI).

20 L’activité de ces unités en 2008 et 2009 a été la suivante (HDM : heure de mer ; HDV : heure de vol) :

- P400 : 657 HDMs (2008) – 70 HDMs (2009). - Fennec : 20 HDVs (2008) – 1 HDVs (2009). - Falcon 50 : 2 HDVs (2008) – 0 HDVs (2009).

21 La procédure implique une demande du préfet de Mayotte vers le préfet de zone de La Réunion qui fait ensuite une demande de concours vers le COMSUP. Ce dernier, après avoir étudié la demande, doit la répercuter vers le DLEM à Mayotte. Selon le COMSUP FAZSOI, cette procédure, lourde à mettre en œuvre, n’est pas respectée. La demande de participation des armées effectuée par le préfet est rarement formalisée par une demande de concours, se plaçant ainsi hors du cadre strict du protocole et des procédures de l’Organisation Territoriale InterArmées de Défense (OTIAD).

24

Territoire métropolitain

Dans le cadre de l’Action de l’État en Mer et de la sauvegarde maritime, les forces armées peuvent être amenées à participer, en renfort d’autres administrations, à des missions de LIC. Sous le contrôle opérationnel du préfet maritime (officier général de la marine), ces missions reposent sur la chaîne sémaphorique des façades maritimes métropolitaines et sur des dispositifs maritimes de surveillance et de souveraineté (mis en œuvre par la marine nationale) présents en permanence en mer dans toutes nos zones de souveraineté et de juridiction22.

22 Le dispositif permanent de sûreté appelé VIGIMER est présenté annexe A.

25

__________________________________________Chapitre 2 Le dispositif actuel de lutte contre l’immigration irrégulière

21 La lutte en interministériel

211 Coopération internationale

La politique de l’État français de lutte contre l’immigration irrégulière s’intègre à une volonté de l’Organisation des Nations Unies de lutter contre la criminalité transnationale organisée en général et le trafic illicite des êtres humains en particulier23.

Le texte fondateur de cette volonté commune d’approche globale et internationale de lutte contre ce défi de la mondialisation a été signé à Palerme et a été ratifié par l’Union européenne et par la France. Cette convention vise à prévenir et à combattre la traite des personnes, en accordant une attention particulière aux femmes et aux enfants. Elle prévoit de protéger et d’aider les victimes d’une telle traite en respectant pleinement leurs droits fondamentaux et encourage la coopération entre les États parties.

Consacré à la lutte contre le trafic illicite de migrants par terre, air et mer, le protocole additionnel III, est essentiellement un outil de droit pénal qui définit les termes du trafic et contraint les États parties à légiférer dans ce domaine.

L’Union européenne a établi un plan d'action de prévention et de lutte contre l'immigration illégale et la traite des êtres humains à l'intérieur de ses frontières. Il vise à définir une approche commune et intégrée. Il fournit des mesures et des actions à adopter et exécuter dans sept domaines dont les échanges d'informations, le contrôle des frontières et les mesures à prendre lors de leur franchissement.

212 Coordination interministérielle

La France qui a ratifié la Convention de Palerme, souligne la nécessité à réussir une politique d’équilibre entre, d’une part, l’objectif répressif de lutte contre les trafiquants et les migrants et d’autre part, la protection des victimes de ces trafics et notamment les femmes et les enfants.

Placée sous l’autorité du Ministère de l’Immigration, de l’Intégration, de l’Identité Nationale et du Développement Solidaire (MIIINDS), la politique de l’immigration et du contrôle des flux migratoires est coordonnée par la Direction Centrale de la Police aux Frontières24 (DCPAF). Sa mise en œuvre définit deux axes de coordination, l’un interministériel et l’autre opérationnel.

Concernant le premier aspect, sa conduite est assurée par le comité interministériel de contrôle de l’immigration. Il anime le comité des directeurs des administrations centrales et des établissements publics concernés.

L’axe opérationnel est assuré par le Ministère de l’intérieur, de l’outre-mer et des collectivités territoriales (MIOMCT). La police de l’immigration est coordonnée au niveau central par l’Unité de COordination de Lutte contre l’Immigration Irrégulière (UCOLII).

23 Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée et son protocole contre le trafic illicite de

migrants par terre, mer et air (décembre 2000). 24 Circulaire concernant la mise en place de la police de l’immigration du 23 août 2005.

26

Dans le domaine de la sécurité intérieure, les unités spécialisées se répartissent la lutte contre l’immigration irrégulière et la lutte contre la traite des êtres humains. Cette spécificité française est à conserver à l’esprit dans la perspective du dialogue opérationnel.

22 Une synthèse de l’effort capacitaire

221 La tutelle préfectorale

L’action des forces armées dans la lutte contre l’immigration irrégulière s’inscrit dans une demande préfectorale de concours des forces chargées de missions de police. Parfois, en fonction des spécificités de la zone concernée (notamment à Mayotte), la procédure de demande de concours, trop lourde à mettre en œuvre, est remplacée par un mode de coordination plus souple qui nécessite une régularisation des formes légales25. Les missions des forces armées se résument donc à une assistance au préfet pour l’action de l’État contre l’immigration illicite que cela soit en mer ou sur terre.

222 Le dispositif en réseau

Le déploiement des dispositifs de lutte contre l’immigration irrégulière repose sur la coopération et la coordination de plusieurs unités civiles et militaires des différentes forces armées, forces de polices et douanes. Ce déploiement s’effectue par une combinaison de patrouilles terrestres, fluviales, maritimes et aériennes en appui des forces de sécurité intérieure. Des unités mixtes participant aux interpellations ont été mises en place. Au-delà des missions de stricte surveillance, elles disposent de moyens et de matériels militaires pour lutter contre l’immigration irrégulière (la plupart du temps, ces groupes mixtes sont constitués de militaires de la marine ou de forces terrestres qui accompagnent, en appui, un officier de police judiciaire).

Ces arrangements mixtes nécessitent une coordination étroite et un cadre juridique clair pour coordonner, sans empiétements, l’action des différents services. La tendance va vers une mutualisation des moyens26.

223 Une contribution complémentaire

La surveillance

Les missions de surveillance constituent l’un des principaux aspects des armées dans la Lutte Contre l’Immigration Irrégulière27.

Quelle que soit la zone d’opération, la contribution des forces militaires aux activités de surveillance prend une place centrale parmi celles d’organismes d’État spécialisés. Tous les types de forces – aériennes, maritimes et terrestres – participent aux missions de surveillance, souvent avec des moyens similaires (surveillance radar, patrouilles maritimes, fluviales, aériennes ou terrestre). Dans la coordination interministérielle, les forces armées contribuent systématiquement aux opérations de surveillance.

Les armées sont également engagées dans le dispositif européen de surveillance en coordination avec des États voisins.

25 COMmandant SUPérieur des Forces Armées dans la Zone Sud de l’Océan Indien, « Participation et engagement des FAZSOI dans

la lutte contre l’immigration illicite à Mayotte » du 12 novembre 2009. 26 COMmandant SUPérieur des Forces Armées dans la Zone Sud de l’Océan Indien, « Participation et engagement des FAZSOI dans

la lutte contre l’immigration illicite à Mayotte » du 20 novembre 2009. 27 État-Major des Armées, « Lutte contre l’immigration irrégulière à Mayotte, en Guadeloupe et en Guyane », Télécopie n° 7366/CM11 du

02 juin 2006.

27

L’appui

La mobilisation des forces armées dans la lutte contre l’immigration irrégulière s’effectue en soutien d’une action de l’État, pour la sécurisation, dévolue aux forces de police, des douanes et de gendarmerie. Cette mise à disposition implique un transfert d’autorité du commandant des forces armées vers l’autorité investie de la mission de police, c'est-à-dire le préfet. Cette participation des armées s’inscrit dans la mission permanente de soutien de l’action de l’État.

Ce soutien peut consister en la mise à disposition de personnel militaire pour l’assistance et la protection des personnes chargées de la mission de police (gendarmes ou policiers), et en la mise à disposition de matériels (moyens nautiques, embarcations, hors-bord, radars…).

Pour le moment, en aucun cas, les militaires en soutien ne peuvent procéder aux fouilles ou aux interpellations.

23 Perspectives d’évolution

231 Enseignements généraux

Les contraintes

Pour les premières missions de soutien des armées à la lutte contre l’immigration irrégulière, le cadre légal n’était pas suffisamment étayé et posait problème28, en Guyane notamment où les premiers dispositifs mixtes ont été mis en place. Les contraintes reposent aujourd’hui sur les difficultés de coordination des différents services. En effet, selon les organisations, les méthodes de travail et les logiques d’emploi des moyens sont divergentes. Par ailleurs, puisque le principe est la coordination, son efficacité repose sur la bonne volonté de chacun. Ainsi l’action des militaires est contrainte dans la mesure où ils ne disposent pas du plein contrôle opérationnel des moyens, y compris militaires29. Pour les préfets, le problème est similaire puisqu’ils ne peuvent pas exercer un contrôle hiérarchique direct sur les opérations.

La dispersion et la fragmentation des moyens ne permet pas une coordination efficace des services et contraint l’exercice de l’autorité de chaque acteur du réseau.

Des logiques concurrentes

Cette fragmentation des moyens est également source de concurrence entre les administrations, notamment pour la coordination des opérations. Cette concurrence s’organise globalement autour des capacités d’action de chacun et des moyens à disposition prêts à être engagés dans les missions de lutte contre l’immigration illicite. De sorte, l’administration30 qui pourra bénéficier du rôle de coordinateur, est celle qui détient les moyens logistiques nécessaires à la poursuite des missions de lutte contre l’immigration irrégulière (c’est par exemple le cas de la marine à Mayotte qui détient les principaux moyens maritimes et aériens de surveillance). Par ailleurs, les forces armées, surtout en départements et collectivités d’outre-mer, sont prises dans une tension entre garder une posture militaire31 – en-dehors des missions de police – et valoriser leur présence dans ces territoires en contribuant par leur soutien à la poursuite de ces missions.

28 COMmandant SUPérieur des Forces Armées en Guyane, « Dispositif de participation à la lutte contre l’immigration irrégulière, des

FAG sur l’Oyapock ». 29 COMmandant SUPérieur des Forces Armées dans la Zone Sud de l’Océan Indien, « Participation et engagement de la marine

nationale dans la lutte contre l’immigration illicite à Mayotte » du 10 novembre 2009. 30 COMmandant SUPérieur des Forces Armées dans la Zone Sud de l’Océan Indien, « Participation et engagement de la marine

nationale dans la lutte contre l’immigration illicite à Mayotte » du 10 novembre 2009. 31 COMmandant SUPérieur des Forces Armées dans la Zone Sud de l’Océan Indien, « Participation et engagement des FAZSOI dans

la lutte contre l’immigration illicite à Mayotte » du 20 novembre 2009.

28

Par son appui logistique, aujourd’hui indispensable à la poursuite des missions de lutte contre l’immigration en départements et collectivités d’outre-mer, le Ministère de la Défense joue un rôle d’influence éminent, lui permettant de veiller à la prise en compte des intérêts de la Défense. Néanmoins, une telle position est conditionnée à la poursuite du soutien aux missions de police dans lesquelles une implication de plus en plus importante des forces armées est attendue.

232 Améliorations

Un besoin accru de coordination et de définition des rôles de chacun des différents services des ministères concernés se fait également sentir, pour éviter les empiétements.

Une coordination élargie mêlant le Ministère des Affaires Étrangères et Européennes (MAEE) est également souhaitable, notamment dans le but d’obtenir en permanence des renseignements « d’ambiance »32 sur les différents territoires desquels sont issues les populations migrantes (Surinam, Brésil, Comores, Haïti notamment).

233 Eléments de prospective opérationnelle

L’extension des moyens

La tendance générale va vers une pérennisation et une augmentation des moyens militaires mis en œuvre dans la poursuite de la lutte contre l’immigration irrégulière. Cette plus forte implication des forces armées passe d’abord par une augmentation des moyens mis en œuvre (déploiement de radars supplémentaires, mise à disposition de matériels, renforcement des patrouilles terrestres avec augmentation des effectifs qui y sont attachés, renforcement des moyens nautiques etc.) comme en Guyane par exemple où le soutien du 3e REI ne devait être au départ qu’exceptionnel33.

Cela reflète bien le rôle cardinal joué par les forces armées dans la lutte contre l’immigration irrégulière, qui accroît l’efficacité opérationnelle des forces chargées des missions de police (à Mayotte par exemple, l’élément de base navale est presque entièrement dévolu à la lutte contre l’immigration illicite, le PC Action de l’État en Mer étant presque exclusivement tournée vers des missions de surveillance des embarcations de clandestins34).

L’extension du champ d’application

L’idée d’un engagement militaire plus poussé (consistant à donner aux forces armées des prérogatives de police, c'est-à-dire constater des infractions, procéder aux interpellations etc.) rentre dans le champ du possible, voire du probable. Si cette décision relève du gouvernement, une contribution plus avancée des armées dans la lutte contre l’immigration irrégulière nécessiterait une réflexion sur la plus-value opérationnelle que peuvent apporter leurs capacités et savoir-faire spécifiques ; il n’est pour l’instant pas question d’une substitution aux services compétents35 (gendarmerie, police, douanes). Néanmoins pour certaines situations, les préfet maritimes ou délégués du gouvernement peuvent habiliter les officiers de la marine exerçant sur bâtiment et les commandant des aéronefs de la marine chargés de mission de surveillance, à

32 COMmandant SUPérieur des Forces Armées en Guyane, « Soutien des forces armées en Guyane au plan Alizé-bis », MSG n°

2931/DEF/COIA/COTNDT/DR du 02 avril 1996. 33 COMmandant SUPérieur des Forces Armées en Guyane, « Dispositif de participation à la lutte contre l’immigration irrégulière, des

FAG sur l’Oyapock ». 34 COMmandant SUPérieur des Forces Armées dans la Zone Sud de l’Océan Indien, « Participation et engagement de la marine

nationale dans la lutte contre l’immigration illicite à Mayotte » du 10 novembre 2009. 35 État-Major des Armées (EMA), « Réponse à la question parlementaire n° 47 relative à la contribution des armées à la lutte contre

l’immigration irrégulière ».

29

constater les infractions relatives à l’immigration irrégulière36, dans les eaux territoriales (jusqu’à 12 nautiques) comme en haute mer.

La perspective d’une évolution vers des missions d’ordre public – autrement dit, de police – changerait radicalement la posture des forces armées. Celles-ci auraient alors pour mission une participation active et visible dans la gestion et le traitement des immigrants clandestins. Non souhaitable, cette évolution, entraînerait une dérive de l’état de militaire au détriment de la vocation à combattre, raison d’être des forces armées.

36 État-Major des Armées (EMA), « Réponse à la question parlementaire n° 47 relative à la contribution des armées à la lutte contre

l’immigration irrégulière ».

30

(PAGE VIERGE)

31

__________________________________________Chapitre 3 Évolution de la contribution militaire

Les phénomènes migratoires sont des mouvements de population hétérogènes. Ceux qui ne sont pas encadrés constituent des sources de déstabilisation pour les territoires cibles. Ces déplacements intempestifs sont également nuisibles aux territoires désaffectés.

La régulation des tensions internationales consistant de plus en plus dans des dispositifs intégrés à caractère interministériel et international, le défi migratoire irrégulier peut donc entrer dans le processus d’une gestion intégrée.

Par leur rôle et leurs capacités, les forces armées sont à l’articulation des champs domestiques et étrangers de la gestion de ce type de phénomène erratique. Cependant, la plasticité de leurs aptitudes et la qualité de leurs capacités ne doivent pas affecter la spécificité de leurs actions.

Les analyses d’une contribution militaire à la lutte contre l’immigration irrégulière ou d’un apport des forces armées à la stabilisation des populations dans une crise extérieure ne se conçoivent qu’au regard de l’intégrité de principes génériques fondant la performance de l’outil militaire.

Ces principes sont :

• Le respect de la spécificité de l’emploi de la force armée dont la finalité reste l’emploi de la force légitime de l’État. Les opérations de combat priment sur les actions de soutien et d’appui aux actions interministérielles.

• Les attributions du Chef d’État-Major des Armées (CEMA) sont irréfragables. « Il est responsable de l'emploi des forces françaises en opération, il exerce le COMmandement OPérationnel (OPCOM) ; en dehors de quelques exceptions, cette responsabilité n'est jamais déléguée37 ».

• La chaîne de commandement des opérations militaires, quelle que soit leur nature, est inaltérable. Son organisation répond aux principes d’unicité, de permanence, de coopération et de continuité38 du commandement des opérations.

• L’emploi des moyens militaires doit respecter le principe de la liberté d’action et de la subsidiarité. Les demandes extérieures à la chaîne de commandement seront exprimées sous la forme d’un effet à obtenir plutôt qu’en une expression de besoin en moyens.

31 Contribution des armées à la politique publique de lutte contre l’immigration irrégulière

311 Définition de la contribution militaire à la lutte contre l’immigration irrégulière

Du point de vue national mais aussi international, le contrôle migratoire représente un défi constant qui prend aujourd’hui une importance de premier ordre. À ce titre, il est devenu une politique publique dont la mise en œuvre est interministérielle. La lettre de mission du Ministère de l’Immigration, de l’Intégration, de l’Identité Nationale et du Développement Solidaire (MIINDS) précise que la maîtrise de l’immigration constitue l’une des priorités du quinquennat39.

37 DIA – 3 : (Doctrine interarmées) « Le commandement en opérations », n° 674/DEF/EMA/EMP.4/NP du 04 octobre 2006 (en

cours de refonte). 38 Voir DIA -3. 39 2007-2012.

32

Elle engage ce ministère à poursuivre les efforts entrepris depuis deux ans en organisant notamment son action autour de cinq priorités dont la première consiste à renforcer la lutte contre l’immigration irrégulière, en insistant en particulier sur la répression des trafics.

Ainsi, le Ministère de la Défense doit contribuer à répondre à cette préoccupation sécuritaire. Toutefois, la nature des contributions dépend du poids des opérations de combat dans la stratégie de défense et de sécurité nationale. D’une manière générale, il s’agit, pour les armées, de proposer des contributions partenariales et non des prestations de moyens.

La politique de défense n’est pas tournée essentiellement vers ce problème lancinant. En revanche, basée sur le concept de sauvegarde, son économie générale permet d’appréhender un tel phénomène disparate et insidieux. Aussi, l’enjeu de la définition des contributions militaires à une question qui sort du champ exclusif des préoccupations de la défense pour recouvrir celui de la sécurité collective, correspond-il à une réponse nécessairement différenciée si elle veut être pertinente : c'est-à-dire répondre aux exigences de la problématique et s’adapter aux finalités essentielles de l’outil de défense.

Les contributions relatives à la lutte contre l’immigration irrégulière excluent le phénomène extraordinaire d’une arrivée massive qui relèverait d’une réponse d’urgence de protection du territoire national.

Le Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale envisage une économie générale des moyens militaires permettant une intégration des capacités militaires aux nécessités précisées par le gouvernement. La singularité et l’exception des moyens militaires mais aussi les savoir-faire de ses personnels peuvent ainsi être valorisées dans des missions particulières qui répondent à des critères d’impérieuse nécessité.

En effet, l’immigration irrégulière exerce une pression migratoire incontrôlée et déstabilise les territoires les plus perméables à ce type de transgression géographique, ce qui constitue un défi à la souveraineté de la puissance publique. La lutte contre l’immigration irrégulière participe à la stratégie de sécurité nationale. Elle constitue également une obligation pour l’État français qui doit honorer ses engagements et manifester sa solidarité dans ce domaine.

Les armées doivent dorénavant se préparer à des situations d’engagement variées. Outre leur responsabilité fondamentale des opérations de combat, elles doivent souscrire à l’action de l’État dans une logique de contributions militaires.

La définition de la contribution militaire à la lutte contre l’immigration irrégulière pourrait être la suivante :

« Par leurs capacités militaires de combat et de soutien, les Armées, doivent fournir à l’État des options d’action ou des moyens susceptibles de conforter ou d’étendre la portée de la politique publique40 de lutte contre l’immigration irrégulière. »

312 Économie générale de la contribution militaire à la lutte contre l’immigration irrégulière

La contribution des armées à l’exercice de la puissance publique, administrative ou judiciaire dans le cadre de la lutte contre l’immigration irrégulière résulte de l’expression d’un effet à obtenir dans le respect du cadre légal et règlementaire applicable. Il est de la responsabilité de l’autorité militaire d’identifier les capacités les mieux à même de contribuer à la réalisation de cet effet et d’exercer, autant que nécessaire, le commandement militaire garantissant la parfaite exécution de la mission (planification, préparation, engagement, conduite, désengagement). Les mécanismes décisionnels et les responsabilités sont spécifiques. Une autorité non militaire peut exercer des fonctions de

40 Voir CIA – 01.

33

coordination ou de direction sur des moyens des armées. Cependant, elle ne peut pas se voir transférer des responsabilités militaires globales telles que le CONtrôle OPérationnel (OPCON) ou le CONtrôle TACtique (TACON). Le soutien militaire à une autorité civile s’effectue dans le respect des principes et procédures interarmées pour la planification et la conduite des opérations interarmées. Il s’agit là de garantir, à l’action de l’État, la plus grande qualité des activités réalisées (adéquation des moyens et des savoir-faire ; clarté du cadre et des contraintes d’emploi ; mise à profit de la pleine performance des structures interarmées de commandement et de soutien aux opérations).

Consolidée par la logique de résultat, la perspective interministérielle consiste à conjuguer les capacités tant au niveau stratégique que tactique. Dans ce cadre, les forces armées doivent faire valoir, à tous les échelons, les déterminants de l’efficacité de l’action militaire dans le projet d’ensemble.

Parallèlement, elles doivent appréhender pleinement ceux des autres acteurs dans un double souci de cohérence globale et de résultats. Pour ce faire, elles doivent d’abord établir et entretenir des relations avec les acteurs étatiques du processus de lutte contre l’immigration irrégulière. Devant être entretenue, cette démarche qui, vise à faciliter le travail conjoint d’anticipation stratégique, d’analyse de la situation, d’identification des enjeux et de formulation des options d’engagement.

À l’échelon central comme aux échelons déconcentrés, il importe que l’organisation des armées dans le domaine de la lutte contre l’immigration irrégulière soit explicite pour les différentes autorités, administrations et services de l’État. L’organisation doit veiller à ce que les correspondants extérieurs des armées identifient sans ambiguïté les points d’entrée, de suivis particuliers et de décisions qui concernent cette politique publique, mais aussi ses expressions spécifiques par milieux - terrestre, maritime et aérien. Ces mêmes exigences valent dans les relations internationales avec des partenaires militaires étrangers sur ce sujet.

À l’échelon interarmées, le pilotage d’ensemble de la lutte contre l’immigration irrégulière est conduit par l’État Major des Armées (EMA). La coordination à cet échelon recouvre principalement la mise en cohérence de toutes les orientations, directives par le Chef d’État-Major des Armées (CEMA) vers les commandements interarmées, les structures interarmées, les armées, les directions et services, mais aussi les représentations militaires à l’étranger.

Quel que soit le milieu, l’efficacité de la relation opérationnelle avec les autorités déconcentrées de l’État rend nécessaires certaines délégations permanentes de décision d’engagement et de désengagement à l’échelon des commandements interarmées.

Le dialogue entre l’autorité militaire et le décideur politique tout au long de l’action militaire repose sur les fondements de légitimité, de maintien de la cohérence des buts et de réversibilité de l’action militaire.

La légitimité constitue le premier fondement de l’action militaire sur le territoire national comme à l’extérieur. Elle doit être acquise avant même l’engagement et être maintenue dans le temps, étayée par la légalité de l’intervention et le respect de l’éthique militaire. Conférée par le droit international et confirmée par les lois nationales, la légalité se traduit par la mise en oeuvre d’un cadre juridique spécifique préalable à l’engagement des forces. L’emploi de la force n’est concevable que dans le respect de la légalité.

À partir de l’expression des buts politiques fixés aux forces armées et une fois choisie l’option stratégique militaire, il est nécessaire que la cohérence reste assurée dans la durée jusqu’aux échelons tactiques dont l’action doit toujours s’inscrire dans la perspective politique du règlement de la crise. Gage d’efficacité, cette cohérence doit embrasser l’ensemble des zones de mission et des forces engagées en assumant d’éventuelles modifications ou ruptures imposées par les évolutions du cadre politique ou stratégique. Face à la diversité et à la dispersion des engagements, le maintien de la cohérence des buts est l’un des fondements d’une action militaire s’inscrivant

34

dans la durée, dans un cadre global et parfois multilatéral. Veillant à intégrer l’ensemble des acteurs et à bien comprendre leurs interactions avec l’engagement militaire, cet effort de cohérence est porté par un dialogue constant à tous les niveaux de commandement.

La réversibilité permet de préserver la liberté d’action du pouvoir politique. Elle repose, dès le lancement de l’action militaire, sur des choix stratégiques autorisant son arrêt, voire un retour en arrière, ainsi que sur un dispositif militaire offrant des possibilités d’ajustement. Sur le plan tactique, la réversibilité exprime la nécessité de pouvoir changer rapidement le mode de l’action entreprise en fonction de l’attitude générale de l’adversaire. Elle est compatible avec un engagement ferme et résolu des forces armées. Elle doit néanmoins s’inscrire dans une logique de refus de l’escalade de la violence, et tenir compte des risques de déséquilibre et de montée aux extrêmes induits par l’action militaire.

L’efficacité de l’action militaire repose sur des principes de liberté d’action ou de préservation de l’initiative, de concentration des efforts ou supériorité focalisée, d’économie des moyens ou de juste suffisance, de surprise ou d’exploitation des vulnérabilités adverses et, enfin, de maîtrise de l’emploi de la force ou de refus de l’escalade de la violence. Ces principes concourent à la réalisation d’objectifs précis issus du dialogue entre l’autorité politique et militaire

32 L’apport militaire à la stabilisation des populations : un segment de l’approche globale

La lutte contre l’immigration irrégulière est décisive en deçà des frontières nationales. Cependant, elle ne représente qu’un des aspects des enjeux de ce phénomène qui doit être envisagé dans la profondeur décrite par les courants migratoires et notamment lorsqu’ils sont liés aux zones de crise des États fragiles ou faillis.

Ainsi, l’aspect interministériel de la contribution militaire ne se délimite plus qu’aux seules approches et aux limites du territoire national. Le défi humanitaire des migrations illicites, sous-tendu parfois par des logiques mafieuses, doit être abordé dans le cadre de l’approche globale appliquée dans la gestion de crise extérieure.

321 Les modalités de l’apport militaire à la stabilisation des populations

La meilleure parade contre une émigration incontrôlée depuis des territoires défaillants correspond au maintien ou à la restauration de la stabilité de ladite zone. Pour parvenir à cet objectif, il est nécessaire d’agir sur les trois piliers interdépendants fondant la stabilité étatique : la sécurité, la gouvernance et le développement ; il s’agit de rompre la spirale de crise par une dynamique globale.

L’apport militaire de l’approche globale concerne essentiellement le pilier de la sécurité sous la forme générique d’une opération de combat. Néanmoins, le positionnement et les capacités des forces armées peuvent permettre d’étayer le projet collectif du règlement d’une crise extérieure qui parfois se caractérise par une émigration massive. Ainsi, les forces et les moyens logistiques dont elles disposent, peuvent être utilisés de manière ponctuelle et temporaire pour des actions dans le domaine du développement ou de la gouvernance.

Face à des effets collatéraux d’ordre « démo-socio-économiques » d’une gestion de crise, l’apport militaire à la gestion de crise selon l’approche globale consisterait à « surveiller », « contenir » et « intervenir ».

Surveiller des mouvements migratoires néfastes dans des zones d’instabilité potentielle

L’objectif serait d’élaborer une analyse interministérielle des zones instables (« arc de crise »). Elle impliquerait l’élaboration d’une connaissance partagée, fondée sur l’échange d’informations entre

35

les ministères, l’exploitation de cette connaissance et l’identification de nos intérêts stratégiques dans chaque zone.

L’apport militaire repose sur la collecte et le partage de certaines informations issues du renseignement d’intérêt militaire, des dispositifs prépositionnés, du réseau des attachés de défense, des forces déployés, de l’ensemble des capteurs à disposition des armées (moyens satellitaires).

Contenir les causes de la dégradation de la stabilité

L’objectif est d’empêcher l’enclenchement de la spirale migratoire et éviter ainsi des dispositifs de contrôle de zone plus dispendieux aux abords des zones d’intérêt national. Il est nécessaire d’agir rapidement et conjointement sur les piliers de la gouvernance et du développement. Cette action préventive constitue l’un des points clefs de l’approche globale.

La contribution militaire implique la mise à profit de l’expertise des armées dans le domaine mixte des actions d’influence et de protection des populations en partenariats avec les acteurs civils, publics et privés.

Intervenir dans une situation de crise

Au-delà de l’objectif primordial d’imposer le silence des armes par l’emploi délibéré de la force, la préoccupation militaire doit favoriser au plus tôt la concertation interministérielle et internationale afin de mieux synchroniser les actions civiles et militaires sur le terrain en matière de gouvernance et de développement.

Le succès de la phase d’intervention repose sur l’appropriation par la nation hôte des efforts de la communauté internationale.

322 Les règles de l’apport militaire à la stabilisation des populations

L’apport militaire dans la gouvernance et le développement local impose des règles.

Les forces armées et les moyens dont elles disposent, ne peuvent contribuer que de manière limitée, marginale et temporaire à des actions qui ne relèvent pas du champ sécuritaire. Cependant, il est possible d’envisager des contributions militaires ponctuelles suite à la phase d’intervention, destinées par exemple à restaurer les services vitaux à la population, lorsque les acteurs civils ne se sont pas encore déployés sur le terrain.

Concernant les synergies civiles et militaires, les forces peuvent proposer aux acteurs civils leurs capacités de planification, leurs moyens de Contrôle et de Commandement (C2) dans le but de favoriser la coordination des actions civiles et militaires. Certaines mutualisations (moyens médicaux / logistiques) peuvent également être envisagées. Ces mutualisations ne doivent néanmoins pas entraîner une dépendance des acteurs civils aux moyens militaires qui peuvent être réorientés à tout moment par le pouvoir politique.

Pour favoriser la démultiplication des effets de l’approche globale sur l’émigration induite dans les crises internationales, les forces armées doivent être impliquées aux structures civiles et militaires au niveau national, international et de théâtre.

La contribution militaire à l’approche globale respecte les spécificités propres à l’emploi de l’outil militaire.

La chaîne de commandement des opérations militaires ne peut être remise en cause par la nécessité de coordonner l’action interministérielle. Tous les personnels militaires d’active et de réserve, ainsi que les moyens dont disposent les forces armées sur les théâtres, dépendent de cette chaîne.

36

(PAGE VIERGE)

37

__________________________________________Chapitre 4 Les modalités de l’engagement des capacités militai res

La contribution militaire doit permettre de gérer les accès au continuum territorial franco-européen en assurant la protection de différentes frontières, de participer à la connaissance de ces phénomènes et de définir des modalités d’action propres à endiguer les courants migratoires irréguliers. Dans la perspective d’éventuels arbitrages portant sur l’emploi des moyens de l’État, il convient de préciser les principes de la contribution militaire et de proposer des options d’action et de soutien.

41 Dix principes « cadres »

La lutte contre le trafic de migrants irréguliers ne constitue pas une mission permanente des armées, bien que celles-ci contribuent déjà au volet intérieur de cette lutte. Le facteur déterminant de cette contribution est la coordination interministérielle mais également la prise en compte de ce phénomène en amont des limites de souveraineté nationale.

Le dispositif de la contribution militaire doit donc déterminer la qualité des interlocuteurs pertinents et assurer le bien fondé administratif et juridique des procédures engagées ultérieurement par les services « menants ». Le corpus administratif et judiciaire disponible (code de procédure pénale, code pénal) permet d’y satisfaire, tant dans les domaines aérien, maritime que terrestre.

Mais les armées apportent également leur contribution au volet extérieur de la lutte dès que des enjeux de sécurité nationale sont manifestement affectés par l’impact des trafics. L’orientation des moyens militaires dans un champ d’action les détournant d’autres priorités stratégiques (dissuasion, aptitude à des opérations conventionnelles majeures, etc.) peut alors être décidée. Objet d’arbitrage, ce choix devrait procéder normalement d’orientations formelles du ressort du Conseil de défense et de sécurité nationale.

Ainsi, la lutte contre le trafic irrégulier de migrants peut, dans un cadre espace-temps défini, devenir un élément central de la mission militaire. Cette contribution doit alors s’adosser aux capacités et aptitudes fondamentales des armées à réaliser leurs missions militaires en toute circonstance. Dans l’approche régionale, considérant certaines caractéristiques essentielles du trafic de personnes, les activités militaires doivent être appréhendées dans un souci permanent de pertinence stratégique, d’économie des moyens et de synergie des efforts.

Les activités militaires doivent être conçues avant tout comme suit :

• Elles peuvent se superposer à la mission principale, raison d’être première du dispositif déployé ou actif sur une zone. Les engagements ne doivent pas porter préjudice à la réalisation de la mission principale. Si la mission principale autorise certaines marges d’emploi ou de combinaisons favorables et utiles, des activités de lutte contre le trafic de migrants peuvent être planifiées puis engagées, mais sous réserve de conditions assurant une réversibilité dans des délais maîtrisés pour une réaffectation à la mission principale.

• Elles s’inscrivent dans une perspective multinationale, notamment européenne, pour, d’une part, porter l’action militaire là où elle apporte une plus-value notable par rapport aux efforts et formes d’engagement d’autres partenaires, et d’autre part, démultiplier les effets réalisés par le biais de combinaisons immédiatement utiles. Ces combinaisons doivent être recherchées en considérant tout autant les apports d’activités permettant

38

d’élaborer et d’entretenir la connaissance des phénomènes que les actions directes sur la traite.

• S’agissant des actions directes sur les flux, les combinaisons multinationales doivent être résolument recherchées. Si l’un de nos partenaires n’est pas à même de réaliser l’ensemble des tâches autorisées par nos forces, son apport peut être essentiel dans les volets de la surveillance, de la détection, du transport ou du ravitaillement. À l’inverse, si l’un de nos partenaires est mieux placé sur le plan juridique, nos forces peuvent lui fournir certaines fonctions lui faisant défaut pour conduire l’action.

• Elles doivent prendre en compte la dynamique d’adaptation et de reconfiguration des flux face aux opérations de contention. À l’égard de phénomènes mobiles, ayant l’initiative du moment et des modes opératoires, jouant des changement de milieux (terrestre et maritime) et des discontinuités administratives et juridiques entre États, les bons résultats opérationnels obtenus sur un segment trop focalisé seront de fait appelés à décliner à courte échéance (dispositif mis en œuvre par les trafiquants pour se renseigner sur les opérations programmées et la présence dans la zone de moyens d’interdiction ; changement de routes, changement de type de vecteurs, combinaisons d’actions aériennes et maritimes, etc.).

• Elles doivent organiser et favoriser la continuité et le retour d’expérience entre les zones : au même titre que les organisations criminelles partagent et s’échangent savoir-faire, connaissances, tactiques, techniques et procédures entre continents, l’approche régionale ne doit pas cloisonner la connaissance, l’innovation et le retour d’expérience par zone. Elle doit bénéficier à l’ensemble des zones, d’autant plus que des zones contiguës peuvent être impactées par un même phénomène.

Par ailleurs, quelles que soient leur forme et leur nature, les engagements militaires doivent évidemment satisfaire aux principes généraux du droit et notamment au respect des droits fondamentaux des personnes objets des opérations d’interdiction réalisées.

Enfin, les activités militaires de lutte contre l’immigration irrégulière doivent veiller à satisfaire aux exigences de protection du secret de la défense couvrant certaines aptitudes et capacités militaires. Leur contribution à la lutte contre la traite de personnes ne doit pas entamer la protection du secret. Le principe directeur est que, hormis les constatations visuelles des faits nécessaires à la documentation de la traite dans les phases tactiques terminales d’interdiction, toutes les informations brutes issues des capteurs militaires ayant contribué à déceler et désigner des constituants d’une traite sont de source secrète et ne peuvent pas être versées aux dossiers ultérieurs des procédures judiciaires.

En conclusion, toute contribution militaire en matière de lutte contre les immigrations irrégulières impose de respecter les principes suivants :

1. Connaître les phénomènes à l’œuvre dans les zones d’intérêt.

2. Définir une option stratégique actualisée dans la zone d’intérêt concernée.

3. Évaluer l’engagement par le retour d’expérience.

4. Être intégré au dispositif interministériel de pilotage des activités pour la zone.

5. Etre intégré au dispositif multinational de conduite des activées dans la zone.

6. Définir des partenariats avec les pays de la zone.

7. Élaborer les cadres juridiques et opérationnels applicables pour les activités militaires.

39

8. Organiser les modalités de planification, de commandement et de contrôle des activités militaires

9. Préciser l’exercice de la fonction renseignement aux niveaux stratégique et tactique sur la zone.

10. Respecter la protection du secret sur tout le spectre des activités militaires.

42 Six critères d’un engagement rationnel

Dans une perspective partenariale, l’interlocuteur militaire doit être en mesure d’évaluer sa contribution. Pour ce faire, il pourra établir la pertinence de l’action militaire selon six critères.

1. Disposer d’une politique cohérente de lutte contre l’immigration irrégulière.

2. Comprendre la nature de l’ensemble du phénomène.

3. Obtenir les options stratégiques dans la zone d’intérêt concernée.

4. Préciser le cadre juridique et le coût logistique des activités militaires.

5. Participer au dispositif interministériel de prévention.

6. Assurer le contrôle de l’activité des moyens militaires.

Critère 1 : L’efficience de la contribution militaire à l’entrave des flux illicites – maritime et terrestre – passe par des coopérations étroites, bilatérales ou multilatérales avec les pays concernés. Ces coopérations ne peuvent être développées sans une forte volonté politique, compte tenu de leurs volets diplomatique, administratif et judiciaire. Dans le domaine maritime par exemple, il importe de rechercher la mise en place d’un dispositif en relation avec les États côtiers pour que ces derniers endossent la charge du traitement judiciaire du navire contrevenant et de son équipage41.

Critère 2 : Le suivi du phénomène est une nécessité sans laquelle les contributions militaires sont faibles ou sans portée stratégique, voire contre-productives en termes d’économie des moyens.

Tout engagement militaire doit s’appuyer sur une appréciation réaliste du degré de connaissance des phénomènes à l’œuvre. L’absence de connaissance ou une connaissance partielle doit être objectivement reconnue si elle est patente. À ce titre, développer un niveau minimum de connaissance par un effort de renseignement spécifique sur une zone peut constituer un objectif à part entière de la politique nationale dans des zones d’intérêts prioritaires et motiver la conception, la planification et la conduite d’opérations de zone spécifiquement dédiées au renseignement sur les phénomènes de mouvements de populations.

D’un point de vue externe aux armées, une attention sera portée sur les modalités de pilotage stratégique de l’établissement, l’évaluation et l’entretien de la connaissance des phénomènes considérés. L’utilisation, en soutien de la lutte contre le trafic de migrants, de certains capteurs militaires très spécifiques, même dans un cadre espace-temps limité, doit être décidée en Conseil National de Renseignement (CNR).

41 Les dispositions prises avec le Kenya dans le cadre de l’opération ATALANTA pour les activités militaires de lutte contre la

piraterie sont, à cet égard, illustratives.

40

D’un point de vue interne, la connaissance des phénomènes de migrants, y compris dans les zones prioritaires de sécurité nationale, n’entre pas explicitement dans le champ du renseignement d’intérêt militaire. De fait, la fonction interarmées du renseignement ne le considère qu’à la marge, dans un soutien minimum aux opérations déjà pratiquées dans le domaine maritime. A l’échelon des commandants de zone de responsabilité permanente (ZRP), cette connaissance n’est ni recherchée, ni entretenue dans les domaines aérien et terrestre. Dans le domaine maritime, elle reste partielle, procédant du besoin d’établissement d’une « situation de zone » minimum à l’intention des moyens aéro-maritimes engagés dans des opérations d’interdiction de zone planifiées.

Critère 3 : L’axe global de la lutte dans une zone donnée est en théorie celui de l’interdiction, entendue comme recouvrant les efforts de toute nature (préventifs ou répressifs) déployés pour contrarier la pénétration, l’ancrage et l’essor des activités de trafic sur le tissu administratif, économique, social et sécuritaire de la région considérée. Mais la réalité des phénomènes déjà à l’œuvre dans certaines régions et sous-régions impose cependant une déclinaison nuancée de la logique d’interdiction. Les objectifs ne pourront qu’être de « contenir », « d’entraver », de « perturber », ou de « réduire » le mouvement migratoire. Cette « campagne » d’interdiction est à mettre en œuvre par l’intermédiaire de partenariats actifs avec les pays de la zone, stimulant l’engagement individuel et collectif de chacun d’eux.

Ce critère appelle une question externe aux armées. La définition et la déclinaison de l’option stratégique de zone, sa mise en œuvre, son évaluation et sa réactualisation nécessitent un pilotage stratégique ainsi qu’une manœuvre diplomatique particulière s’inscrivant dans la durée. Il convient de prendre en compte le caractère particulièrement difficile et exigeant des processus gouvernementaux en jeu qui impliquent des acteurs ayant des cultures, des attributions, des niveaux de logiques, des méthodes de travail et des capacités spécifiques. Comme dans toute activité multidisciplinaire, le développement d’une appréciation de situation partagée et l’identification de finalités partagées par l’ensemble des acteurs constituent deux préalables fondamentaux.

Face aux enjeux sécuritaires des mouvements de populations, les armées sont légitimes pour s’inscrire, à bon niveau, dans ce processus comme un acteur à part entière. Elles disposent :

- de la fonction d’anticipation stratégique interarmées (GAS42, CAS43, CPCO44, DRM45) qui permet normalement de traiter des sujets transverses de cette nature avec tous les partenaires du ministère de la Défense concernés, et de piloter les travaux amont ad hoc dans les domaines de la planification opérationnelle, du renseignement et de la coopération militaire à vocation opérationnelle46 ;

- des instruments d’analyse, de planification, de développement conceptuel et d’expérimentations opérationnelles qui peuvent utilement être placés en soutien de cette démarche ;

42 Groupe d’Anticipation Stratégique. 43 Cellule d’Analyse Stratégique. 44 Centre de Préparation et de Conduite des Opérations. 45 Direction du Renseignement Militaire. 46 Note n° 563/DEF/EMA/ESMG/DR du 04 juin 2009.

41

- de la fonction RETEX interarmées et des processus particuliers mis en œuvre par chaque armée pour les sujets ayant une dimension interarmées47.

Critère 4 : Les conditions d’emploi des capacités militaires dans ce type de contribution doivent être respectueuses des cadres juridiques en vigueur. Le cadre légal pour chaque type d’opération doit être étudié et planifié avec soin et correspondre strictement au droit en vigueur sur la zone d’intervention. Le coût de ces opérations doit pouvoir être quantifié et chiffré afin d’envisager à la fois une compensation financière et estimer un rapport entre les résultats et l’investissement.

Critère 5 : La fonction des postes de défense dans les pays situés dans les zones d’intérêt de sécurité nationale mérite une analyse particulière. À ce stade, ils n’ont pas de mandat explicite sur les questions de migration illégale. Ils se situent pourtant à un échelon naturel de coordination des différents acteurs de l’État sous la direction de l’Ambassadeur (adjoint de sécurité intérieure48, mission économique, etc.) et peuvent être des acteurs clés du renseignement. Ils sont par ailleurs directement concernés par les questions de coopération de défense et de sécurité par les liens qu’ils entretiennent avec les autorités locales chargées de la lutte contre le trafic des migrants.

Critère 6 : Les notions de « contrôle » revêtent une importance toute particulière. Lors d’actions combinées dans un cadre multinational et interministériel, il s’agit d’une part de s’assurer que les activités militaires respectent strictement le cadre opérationnel et juridique d’emploi des moyens militaires et, d’autre part, d’assurer avec efficacité la conduite tactique de moyens partenaires, militaire et non militaire, qui pourraient être ponctuellement confiés.

Dans tous les cas, il importe que le contrôle opérationnel reste exercé par une autorité nationale, laquelle ne peut être que militaire pour les moyens militaires français. En revanche, le contrôle tactique peut faire l’objet d’échanges croisés circonstanciels, sous réserve que ce transfert soit assorti de conditions très claires d’encadrement. La présence d’un officier de liaison français, représentant du contrôleur opérationnel, placé auprès du centre de commandement non national exerçant ce contrôle tactique doit être la règle pour ce qui concerne les moyens militaires français.

Cette dialectique contrôle opérationnel / contrôle tactique, déjà pratiquée à double sens avec efficacité et une bonne assurance dans le domaine maritime comme cela se déroule déjà dans le cadre de la lutte contre le trafic de drogue dans la zone Amérique du Sud49, paraît cependant peu entendue au niveau central interarmées et mériterait d’être davantage institutionnalisée.

43 Les actions militaires dans la lutte contre l’immigration irrégulière

431 Les buts recherchés

Sous l’angle de la prospective opérationnelle, les activités militaires de lutte contre l’immigration irrégulière peuvent recouvrir un large panel d’actions. Pouvant s’exercer à des degrés divers selon les cadres opérationnels et juridiques, ils peuvent être classés en trois domaines d’activités

47 Exemple de la marine nationale et des fiches RETEX CCDM. 48 ASI. 49 Le COMSUP FAA exerce le TACON des moyens des armées, de la garde côte américains, ou des marines néerlandaise ou

britannique.

42

génériques : la « surveillance », la « détection », et la « contention ». Ces notions structurantes ont un sens et une portée allant au-delà de leur acception militaire tactique traditionnelle.

La surveillance est l’activité contribuant à l’acquisition d’une connaissance et d’une compréhension, à un niveau plus élevé de perception, de toute activité certainement ou probablement liée au trafic de migrants. Elle s’exerce dans les espaces physiques et immatériels, et dans des cadres espace-temps variables.

La détection est à entendre comme l’acquisition de paramètres à même de qualifier, dans l’espace et dans le temps, une activité comme potentiellement liée au trafic de migrants. Elle est orientée par des critères de ciblage pertinents, spécifiques ou issus d’un service de renseignement.

La contention, est l’activité contribuant à détourner, perturber, retarder, intercepter, visiter, investiguer, retenir, contraindre ou dérouter des navires, des aéronefs ou des véhicules.

Ces trois domaines d’activités trouvent des champs d’application à toutes les étapes du trafic de migrants irréguliers : financement, soutien, regroupement et transfert des migrants irréguliers dans les domaines terrestre, maritime, voire aérien hors du territoire national.

Par ailleurs, la notion de renseignement est commune et centrale dans l’exercice des trois domaines d’activités. Ces domaines sont interdépendants : la détection est tributaire d’un premier niveau de connaissance établi grâce à la surveillance ; il n’y a pas d’action d’interdiction bien orientée sans le préalable d’une détection bien ciblée ; les actions d’interdiction nourrissent en retour les données d’entrée de la surveillance et de la détection.

Sur le plan conceptuel, il convient donc de prendre en compte la logique itérative du développement de la connaissance en général, du renseignement en particulier, et de favoriser une dynamique de « développement » du renseignement par zone inhérente aux activités de lutte contre le trafic de migrants.

Dans le cadre des enjeux sécuritaires de la lutte contre le trafic de migrants irréguliers, la contribution des armées doit :

- être centrée sur les zones à haute intensité de trafic et d’exercice des flux primaires de l’axe stratégique majeur « Afrique / Asie- Méditerranée » ;

- s’organiser autour des activités de surveillance, de détection et de contention et d’une dynamique de développement du renseignement par zone.

Cet énoncé générique de la contribution des armées se décline en différentes activités :

- connaissance des mouvements de migrants et de leurs modes d’apparition ;

- actions sur les causes des départs ;

- actions sur les passeurs ;

- actions sur le soutien criminel.

Les trafics de migrants irréguliers concerne des zones en forte déstabilisation socio-économique dont les causes peuvent être endogènes (crises politiques ou sociales…) ou exogènes (catastrophe naturelle, changement climatique…) et sont articulées autour d’un pôle criminel (passeurs, finances et soutiens divers…).

43

La libre circulation des personnes et les nécessités liés aux situations des réfugiés rendent difficiles l’appréhension d’un phénomène qui se caractérise au fur et à mesure de son développement (destination et moyens).

La chaîne de renseignement militaire et les moyens SA2R50 militaires - notamment ROIM51, ROEM52 - peuvent le cas échéant contribuer à :

- compléter l’établissement de la connaissance des zones de regroupement ;

- détecter les installations de départ dans des zones particulièrement difficiles d’accès par d’autres moyens.

432 Les effets à obtenir

Dans le cadre de la prévention

Contenir la pénétration et l’ancrage du trafic de migrants amène à considérer un large spectre de coopérations qui ne sont pas spécifiques à la lutte contre le trafic des migrants.

Les missions consistent dans la mise en place ou la consolidation :

- de capacités tactiques d’action dans les espaces aéroterrestres et aéromaritimes lorsque les forces de sécurité militaires sont de fait les principaux acteurs du contrôle du territoire ;

- de capacités locales et sous régionales de surveillance et de détection dans les espaces aériens et maritimes ;

- d’un cadre administratif pour les affaires maritimes et aériennes, l’exercice de la police en mer et de l’air, etc.

L’investissement dans ces coopérations génériques :

- crée de la valeur en termes de connaissance et de renseignement. Il confère des accès à nombre d’informations locales dans certains domaines clés53 pour les organisations criminelles impliquées dans les trafics de personnes. Ces données qui peuvent être simplement de nature administrative (registre de la flotte maritime ou aérienne, logiques d’activité, etc.), sont autant d’éléments permettant de mieux connaître et cibler les activités participant à des trafics (absence de cohérence économique, etc.) ;

- constitue un préalable souvent nécessaire à la possibilité de conception ou de réalisation d’opérations combinées avec l’État partenaire concerné, tant dans les domaines aérien, maritime que terrestre (évaluation et amélioration des niveaux de savoir-faire des forces partenaires, confiance mutuelle, interopérabilité des tactiques, techniques et procédures, etc.).

Les armées doivent se mettre en position de devenir une force de proposition pour des activités qui, bien que non spécifiques, facilitent ou soutiennent de fait l’efficacité de la lutte contre l’immigration irrégulière :

50 Surveillance, Acquisition d’objectifs, Renseignement et Reconnaissance. 51 Renseignement d’Origine IMage. 52 Renseignement d’Origine ÉlectroMagnétique. 53 Ces domaines, dans lesquels les organisations criminelles investissent car ils leur sont nécessaires pour fonctionner, sont

typiquement dans le milieu maritime local les sociétés d’exploitation des ressources de la mer ou liées aux activités économiques de bord de mer, dans le milieu aérien les sociétés aéroportuaires ou les compagnies aériennes locales, et concernent aussi le segment sécuritaire local exerçant la surveillance du milieu où se place l’activité criminelle (suivant le cas, les forces de police, les forces militaires, la garde territoriale ou la garde-côtes, des milices, etc.

44

- dans le cadre général de la coopération militaire de défense et de sécurité, structurelle ou opérationnelle ;

- dans le cadre d’initiatives régionales spécifiques relevant de communautés d’intérêts bien identifiées.

Dans le cadre de l’intervention

Les conditions d’exercice des trois domaines clés d’action militaire à mener sont à considérer dans des partenariats régionaux et sous-régionaux (occidentaux, UE, sous régionaux, etc.), différenciés suivant les zones d’intérêt qui correspondent souvent à la carte de la présence militaire française :

- la présence et la coopération de défense et de sécurité au titre d’accords ou de conventions à caractère permanent ;

- la conduite d’une opération militaire sous mandat international spécifique (opérations de paix).

Les forces armées peuvent être directement concernées par des actions sur l’immigration irrégulière dans le cadre d’opérations de maintien et de rétablissement de la paix dans des situations pour lesquelles la question de la stabilisation des populations constitue un nœud dans le règlement global de la crise.

Très clairement, le retour d’expérience en la matière (Afghanistan) indique l’impérieuse nécessité d’une approche globale au sein de laquelle les effets des actions directes de protection des populations et d’aide au retour, de destruction ou de démantèlement sur la chaîne de transfert des migrants sont analysées : la déstabilisation d’une région étant centrale dans l’élaboration des causes de l’immigration, ces actions directes s’avèrent souvent inopportunes voire contradictoires avec les objectifs premiers de rétablissement de la sécurité.

Pour l’essentiel, les actions de soutien des populations locales et de maintien sur place ne sont pertinentes que de façon circonstanciée. Elles doivent s’inscrire dans le cadre d’une stratégie globale de long terme, établie en partenariat avec l’État concerné ou l’autorité politique d’emploi. Elles ne prennent place et sens que fermement adossées à des programmes concomitants d’information (communication / éducation), de construction de l’État de droit (police / système judiciaire) et de socialisation (travail et autosuffisance).

D’une manière générale, dans le cadre des opérations de paix, les armées doivent :

- exercer une fonction d’alerte dans le domaine des mouvements de population (regroupements, départs, transferts) ;

- conduire des actions directes ponctuelles, limitées dans le temps et dans l’espace, sur certains segments de la chaîne de transfert et en soutien de forces de sécurité locales et en conformité avec l’appréciation nationale ou multinationale de la pertinence stratégique de ces actions ;

- agir sur les flux sortants (migrants) dans la zone d’opérations ou à sa périphérie en lien avec les ONGs54 s’occupant des réfugiés.

Dans le cadre des fonctions stratégiques « connaissance et anticipation » et « intervention », la contribution des armées est principalement attachée à des enjeux sécuritaires dans des zones d’intérêts prioritaires, et renvoie en premier lieu à un objectif général de stabilité régionale et internationale. Les zones d’intérêt sont notamment les régions et sous-régions constitutives de

54 Organisations Non Gouvernementales.

45

l’axe stratégique majeur « Atlantique - océan Indien » défini par le Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale55. La contribution militaire vise à réduire l’impact de l’immigration irrégulière sur l’environnement sécuritaire des différentes zones, poursuivant notamment un objectif spécifique d’entrave sur les flux de personnes le plus en amont possible. Elle s’inscrit dans un cadre multidisciplinaire et multinational.

Dans le cadre de la protection

Dans le cadre de la fonction stratégique « protection », le facteur déterminant de la contribution des armées à la lutte contre l’immigration irrégulière est la réalisation d’un objectif explicite de sécurité intérieure. Par leurs capacités, leurs savoir-faire et leur connaissance de certains milieux non détenus par les autres services de l’État, les armées sont un acteur à part entière de la politique de l’État en matière de lutte contre l’immigration irrégulière dans les espaces sous juridiction nationale et leurs approches. Les contributions militaires relèvent d’une logique de soutien, de concours et d’expertise au profit du dispositif interministériel d’exécution de cette politique. Elles sont principalement centrées sur le soutien circonstanciel à des actions de police administrative et judiciaire, dont les objectifs ne peuvent être atteints sans s’adosser aux fonctions de surveillance et aux capacités d’interception des armées dans les milieux aériens et maritimes. Ces capacités sont celles couramment mises en œuvre dans le cadre de la sûreté aérienne, de la défense, la sécurité et la sûreté maritime.

L’exigence première des actions demandées aux militaires est la parfaite réalisation d’objectifs répressifs policiers ou douaniers précisément exprimés (nature ; désignation des cibles ; cadre espace-temps d’action). Compte tenu de l’intégration européenne progressive en matière de sécurité et de justice, la contribution militaire peut également s’exercer au profit d’attendus répressifs de nos partenaires européens dans le cadre d’enquêtes communes entre services spécialisés.

Dans le domaine maritime

Dans le domaine maritime – mer territoriale et approches hauturières du territoire national - les formes et processus d’engagement des moyens aériens et maritimes s’inscrivent dans le dispositif permanent de coordination et de direction administrative des différents services de l’État agissant en mer (Action de l’État en Mer), animé à l’échelon du Premier ministre par le Secrétariat Général de la Mer (SG Mer) et au niveau local par le préfet maritime.

S’agissant des eaux internationales de haute mer, dans le cadre du corpus légal actuel, les moyens militaires sont globalement en mesure de satisfaire à la réalisation d’objectifs répressifs et douaniers dans un cadre national (exercice d’une juridiction française). La distance de la zone d’action au port français le plus proche est dans ces circonstances souvent importantes ce qui pose deux difficultés de nature à réduire l’efficience de l’action militaire :

- la légalité de l’opération doit rester garantie d’autant que son principal objectif est la poursuite judiciaire des contrevenants par une voie nationale. L’action qui ne peut s’envisager dans un cadre strictement national, doit associer l’État du pavillon du navire contrevenant lorsqu’il est connu ;

- l’opération de rapatriement vers un port français du navire contrevenant allonge sensiblement la durée d’éloignement du moyen militaire de sa mission première sur la zone. L’emploi de moyens militaires dans cette opération d’accompagnement et de rétention administrative obéit d’ailleurs peu au principe d’apport déterminant devant régir l’engagement des capacités militaires.

55 Ces enjeux sécuritaires ne sont pas exclusifs d’enjeux de sécurité intérieure (« Retours en sécurité intérieure » - §2.1). Mais suivant

les zones, les liens avec la sécurité intérieure – protection de la population et du territoire national - ne peuvent être appréhendés que de façon implicite ou de façon indirecte.

46

La conjonction de ces deux inconvénients fait que la contribution des armées peut perdre rapidement en efficacité opérationnelle, juridique et humanitaire au-delà d’une durée de 96 heures pour rallier un port français pour le navire contrevenant intercepté.

Dans le domaine aérien

Dans le domaine aérien – espaces sous souveraineté nationale et sous responsabilité nationale – les formes de contributions et les processus d’engagement des moyens militaires s’inscrivent :

- dans le cadre de la sûreté aérienne : principe de coordination interministérielle, corpus administratif et judiciaire ;

- en application des protocoles particuliers entre le CDAOA56 et différents services de l’État (notamment policiers et douaniers) ;

- suivant des accords bilatéraux passés avec certains États voisins :

Les contributions peuvent en particulier prendre la forme :

- de détection et de pistage discret ;

- d’application particulière de mesures POLAIR (police de l’air transféré au sol) permettant un transfert d’autorité entre la HADA57 et les autorités compétentes au sol si l’aéronef concerné est en infraction relativement au code de l’aviation civile ;

- de renseignement, notamment d’étude de flux intéressant directement la sécurité intérieure, de reconnaissance spécifique et de « levée de doute » (recherche d’élément d’identité) dans le cadre d’investigations et d’enquêtes des services spécialisés policiers et douaniers.

Dans le domaine terrestre

Dans le domaine terrestre – espaces sous juridiction nationale y compris les eaux intérieures – l’engagement des moyens des armées procède de réquisitions administratives ou judiciaires circonstancielles. Hormis dans certains DOM/COM, elles ont un caractère exceptionnel, le domaine terrestre national étant celui où toutes les compétences et aptitudes nécessaires sont normalement détenues par les autres administrations et services de l’État.

Matrice opérationnelle de contribution à la lutte c ontre les trafics illicites de migrants

/ Scénario 5 du CEF Sécurité Intérieure

Scénario 9 du CEF Lutte contre les phénomènes criminels

transnationaux

Fonctions stratégiques

Protection Connaissance

Anticipation Prévention Intervention

Capacité de combat

Soutien

Domaine maritime Domaine aérien

Domaine terrestre Transformations

militaires/ Extension des moyens et des champs d’application

Conditions d’efficacité des contributions

militaires

Coopération internationale Coordination interministérielle

56 Commandement de la Défense Aérienne et des Opérations Aériennes. 57 Haute Autorité de Défense Aérienne.

47

_________________________________________Conclusion

La contribution militaire à la lutte contre l’immigration irrégulière prend différentes formes selon l’aire géographique de souveraineté ou d’intérêt considérée. Cependant, l’augmentation de la pression démographique conduit à faire du phénomène des migrations irrégulières une menace importante. Si le territoire métropolitain n’est pas explicitement menacé par des migrations transcontinentales ou intercontinentales massives, les zones européennes extra-périphériques commencent à subir cette pression58.

La contribution militaire à l’action de l’État en matière de lutte contre l’immigration irrégulière correspond à un vaste plan d’action de lutte contre les trafics illicites de migrants. Au regard des responsabilités internationales de la France et notamment de ses obligations de solidarité européenne, la stratégie militaire française doit envisager des prestations internationales et domestiques.

Cette dimension moderne de la stratégie militaire de défense s’appuiera sur les efforts entrepris par les autorités administratives et judiciaires en relation avec leurs auxiliaires.

La nature et le volume des capacités mobilisées seront évalués au regard des circonstances générales et pour lesquelles les opérations de combat sont prioritaires.

Les contributions sont la conversion d’un effet à obtenir en justes capacités. Pour cela, les contributions militaires doivent être analysées selon la matrice opérationnelle suggérée précédemment. Des critères d’efficacité des actions entreprises dans une approche globale restent néanmoins à déterminer.

Garant de l’emploi régulier des moyens militaires, le chef d’état-major des armées en exerce le commandement opérationnel. Les principes de commandement et d’emploi des capacités militaires demeurent intangibles. Le respect inconditionnel de ces prérogatives leur garantit un emploi adapté et convenable. De sorte, la mobilisation de tels moyens entretient leur intégrité et consacre le signe d’une volonté politique forte.

58 Voir Annexe A page 49 : « Représentation des flux migratoires irréguliers vers le territoire français. »

(PAGE VIERGE)

48

49

___________________________________________Annexe A Les flux migratoires vers le territoire français

Continuitécontinentale

Pays source

Réseau diplomatique de sécurité

et de défense

Migrations transcontinentales

Migrations intercontinentales

Zones de crises

La France métropolitaine est située à l’intérieur de la zone Schengen. Certains de ses Départements et Collectivités d’Outre-Mer (DOM-COMs) sont situés en dehors de cette zone.

Les migrations irrégulières peuvent être de nature transcontinentale : mouvements de l’Orient (Asie et Moyen-Orient) vers l’Occident européen ou transaméricains (de la Guyana et du Brésil vers la Guyane française).

Elles peuvent également être de nature intercontinentale (de l’Afrique vers l’Europe du nord, ou vers Mayotte).

50

(PAGE VIERGE)

51

___________________________________________Annexe C Lexique

Partie I – Acronymes et abréviations

AEM Action de l’État en mer ASI Attaché de Sécurité Intérieure. CAS Cellule d’Analyse Stratégique CDAOA Commandement de la Défense Aérienne et des Opérations

Aériennes. CPCO Centre de Planification et de Conduite des Opérations. COMSUP Commandant supérieur DCPAF Direction Centrale de la Police aux Frontières. DDG Délégué Du Gouvernement DLEM Détachement de la Légion Étrangère à Mayotte DOM-COM Départements et Collectivités d’Outre-Mer DRM Direction du Renseignement Militaire. ELEBN ÉLÉment de Base Navale ESI Étranger en Situation Irrégulière FAA Forces Armées aux Antilles FAG Forces Armées en Guyane FAZSOI Forces Armées de la Zone Sud de l’Océan Indien GAS Groupe d’Analyse Stratégique HADA Haute Autorité de la Défense Aérienne. LIC Lutte contre l’Immigration Irrégulière MIIINDS Ministère de l’Immigration, de l’Intégration, de l’Identité

Nationale et du Développement Solidaire. MIOMCT Ministère de l’Intérieur, de l’Outre-Mer et des Collectivités

Territoriales. OPJ Officier de Police Judicaire OPCOM COMmandement OPérationnel PPS Posture Permanente de Sûreté POLAIR POLice de l’AIR. ROEM. Renseignement d’Origine ÉlectroMagnétique ROIM Renseignement d’Origine IMage. SA2R Surveillance, Acquisition d’objectifds, Reconnaissance et

Renseignement SG Mer Secrétariat Général de la Mer TACON CONtrôle TActique UCOLII Unité de COordination de Lutte contre l’Immigration

Irrégulière ZRP Zone de Responsabilité Permanente

Partie II – Termes et définition

(Sans objet).

52

Ce document est un produit réalisé par le Centre Interarmées de Concepts, de Doctrines et d’Expérimentations (CICDE), organisme interarmées travaillant au profit de l’État-Major des Armées (EMA). Le point de contact au CICDE est le :

Sous-directeur Corpus doctrinalCICDEÉcole militaire21, Place JOFFRE75700 PARIS SP 07Téléphone 01 44 42 83 38

La version électronique de ce document est disponible sur le site INTERNET du CICDE à l’adresse htpp://www.cicde.defense.gouv.fr, dans la rubrique « Corpus Conceptuel et Doctrinal InterArmées ».

Résum éRésum é1. L’immigration irrégulière est un phénomène historique constant et naturel. Cependant, les

dérèglements sociétaux actuels provoquent des mouvements de populations sans précédent, eux-mêmes amplifiés par le contexte de la globalisation.

2. Pour la France, l’immigration irrégulière groupée devient une préoccupation de solidaritéeuropéenne ainsi qu’une question de souveraineté impliquant les territoires nationaux proches des foyers d’immigration notoires.

3. Intitulée « Contribution des armées à la lutte contre l’immigration irrégulière (LC2I) », la réflexion doctrinale RDIA -013 est une publication interarmées définissant la nature et les enjeux de l’immigration irrégulière pour la stratégie de défense dont elle expose les concours.

4. Inscrite dans la perspective de l’association des forces armées à une politique publique, ce document présente les conditions stratégiques et tactiques posées par cette menace doublée d’un risque. Elle propose dix principes cadres pour un dialogue avec les partenaires et six critères de conduite des opérations.

5. La nouveauté consiste à fournir des moyens militaires spécifiques pour des objectifs fixés en interministériel.

6. Ces contributions n’obèrent pas la capacité militaire consacrée aux opérations de combat.

7. Afin de garantir une grande efficacité à l’action militaire, la chaîne de commandement militaire est entièrement respectée.

8. L’intérêt d’une telle contribution correspond à l’amplitude de son engagement tant dans l’implication de ses partenaires que dans la volonté affirmée de tous les échelons militaires àlutter contre une forme de perturbation.

10. L’une des causes de l’immigration irrégulière étant l’instabilité internationale provoquée par les troubles dus à la violence armée contre lesquels nos forces sont parfois engagées, la contribution militaire n’est pas seulement réactive.

11. Elle adopte également un caractère proactif en lien avec les acteurs locaux de gestion de crise.

12. En conclusion, la réflexion doctrinale sur la « Contribution militaire à la lutte contre l’immigration irrégulière (LC2I) » propose un cadre utile pour l’engagement des forces armées dans une politique publique sensible et actuelle.