Foot immigration

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L’Équipe de France de football à la Coupe du monde. Trois instantanés de l'état de l'immigration et de l’intégration en France (1958-1998)

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L’Équipe de France de football à la Coupe du monde.

Trois instantanés de l'état de l'immigration et de l’intégration en France (1958-1998)

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La coupe du monde 1958 en Suède.

La percée de la bande à Kopa et Fontaine.

L'équipe de France atteint les demi-finales. Elle perd cinq buts à deux contre le Brésil, futur vainqueur de la coupe mené par le jeune prodige Pelé.

Mais elle se classe troisième en battant nettement la RFA six buts à trois.

Conduite par des joueurs dynamiques issus de l'immigration, elle frappe les esprits par son beau jeu (celui du Stade de Reims) et par l'exploit de Just Fontaine, meilleur buteur dans une phase finale de Coupe du monde (treize buts). Il faudra attendre 1982 pour retrouver de tels exploits chez des footballeurs français.

But de Just Fontaine.

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Maryan Wisniewski, né en 1937 à Calonne-Ricouart (Pas-de-Calais), d'origine polonaise.

Raymond Kopa (Kopaszewski), né en 1931 à Noeux-les-mines (Pas-de-Calais), d'origine polonaise.

Just Fontaine, né à Marrakech en 1933 (Protectorat du Maroc).

Roger Piantoni, né en 1931 à Etain (Meuse), d'origine italienne.

Photographie d'une partie de la sélection française pour la Coupe du monde 1958 en Suède.

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1914 1918 1939 1945

1958Coupe du Monde en Suède

Italiens

Polonais

Belges

Espagnols

Première Guerre

mondiale

Seconde Guerre

mondiale

Front populaire

1936

Polonais

Ve République

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Sélection des Bleus – 1958.

Immigrés polonais et Français issus de l'immigration

polonaise

Régions industrielles du Nord et de l'Est de la France

Intégration lente par les associations sportives ou les

écoles professionnelles

Xénoph

obieColoniaux européens et

indigènes

Immigrés italiens et Français issus de l'immigration italienne

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Une lente intégration par le sport.

Dans les années 1920, la France a besoin de main d’œuvre après les pertes humaines et les destructions causées par la Première Guerre mondiale. Ente 1920 et 1931, le nombre d'immigrés passe de 1,5 à 2,9 millions (soit 6,6 % de la population totale). On dénombre des Italiens, des Polonais mais aussi des Yougoslaves ou des Hongrois. Une migration politique apparaît dans les années 1930 (Juifs d'Europe centrale fuyant l'antisémitisme, Espagnols fuyant la Guerre civile).

Les nouveaux immigrés se substituent aux anciens, peu à peu intégrés à la société française. A la fin du XIXe siècle, nombre d'Italiens sont venus travailler dans les mines du Nord ou de Lorraine (Roger Piantoni). Au début des années 1920, les Polonais remplacent les Italiens à la fosse (Kopa, Wisniewski). L'intégration de ces populations nouvelles n'est pas évidente. Au Début, les communautés immigrées vivent repliées sur elles-mêmes.

Les Polonais travaillant aux mines, vivant en groupe, n'ont que peu ou pas de rapports avec nos ressortissants. Loin de les rechercher, ils s'efforcent de vivre uniquement entre eux, encouragés par leurs ministres du culte et par leurs autorités consulaires elles-mêmes. […] Quelle est l'aptitude de l’immigrant polonais à s'assimiler ? La réponse est nette : aucune, quant au présent au moins ; j'ai dit plus haut que le Polonais ne recherchait pas la compagnie de l'ouvrier français. Cette observation se vérifie même durant les heures de travail. Au fond de la mine comme sur le carreau ou à l'atelier, un mur invisible les sépare. A l'issue de la journée, chacun se sépare. L'estaminet ne les rapproche même pas, non plus que le sport.

Rapport du préfet du pas-de-Calais, 11 octobre 1929.

A la fin des années 1940, le football devient une voie d'intégration et un fabuleux ascenseur social pour certains fils d'immigrés. Les clubs miniers locaux propulsent de jeunes mineurs de quinze ans vers les grandes formations régionales puis nationales. Maryan Wisniewski a commencé à jouer à l'US Auchel et Raymond Kopaszewski à l'US Noeux-les-mines. Roger Piantoni et son copain polonais Tadeuz Cisowski ont débuté leur carrière à l'US Piennes. Cette lente intégration ne doit pourtant pas faire oublier une xénophobie importante, surtout dans les années 1930 (rapatriements dans les pays d'origine pour faire baisser le chômage durant la crise, racisme dans le monde du travail).

La présence de Just Fontaine, français originaire du protectorat du Maroc, marque le prolongement d'une intégration progressive de sportifs issus du monde colonial : le Sénégalais Raoul Diagne et le Marocain Larbi Ben Barek (sélection française à la Coupe du monde 1938). Teintée de paternalisme, voire de racisme, cette intégration d' « indigènes » reste exceptionnelle.

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La coupe du monde 1982 en Espagne.

Les rires et les larmes de la bande à Platoche.Qualifiée de façon médiocre, l'équipe de France atteint pourtant avec brio les demi-finales de la compétition. Au terme d'un match dramatique entré dans la légende, elle perd aux tirs au but (3-3) face à la RFA après avoir menée 3-1 à quelques minutes de la fin du temps réglementaire.

Dépités, les Bleus se classent quatrième, battus par la Pologne (3-2). Ils deviendront cependant champions d'Europe en 1984.

Cette équipe intègre des Français issus de l'immigration italienne ou espagnole de la première moitié du XXe siècle, des Français d'Outre-Mer et des Français issus d'une plus récente immigration africaine subsaharienne.

Battiston à terre après le choc avec le gardien de but ouest-allemand Schumacher.

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Marius Trésor, né en 1950 à Saint-Anne (Guadeloupe).

Manuel Amoros, né en 1962 à Nîmes(Gard), d'origine espagnole.

Jean Tigana, né en 1955 à Bamako (Mali), arrivé en France en

1958

Photographie d'une partie de la sélection française à la Coupe du monde 1982 en Espagne.

Bernard Genghini, né en 1958 à Soultz

(Haut-Rhin), d'origine italienne

Michel Platini, né en 1955 à Joeuf

(Meurthe_et_Moselle), d'origine italienne

Gérard Janvion, né en 1953 à Fort-de-France (Martinique).

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1914 1918 1939 1945 1958

Italiens

Polonais

Belges

Espagnols

Première Guerre

mondiale

Seconde Guerre

mondiale

Front populaire

1936

Polonais

Ve République

1982Coupe du monde en Espagne

Les années De Gaulle Les années Mitterrand

Africains du Nord

Africains subsahariens

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Sélection des Bleus – 1982.

Français issus de l' Immigration méditerranéenne

Banlieues des métropoles françaises

XénophobieFrançais d'Outre-mer

Intégration lente par les clubs de banlieues puis les clubs

professionnels

Français issus de l' Immigration africaine

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Une intégration par le sport plus complexe.

Michel Platini témoigne de l'enracinement d'une forte immigration italienne dans le Nord-Est. Le père de Platini était lui-même un joueur local de renom et le premier entraîneur du jeune prodige de Nancy.

Le déclin progressif des régions industrielles du Nord et de l'Est déplace l'immigration vers d'autres espaces. Les Espagnols, les Portugais et de plus en plus de migrants africains venus des anciens territoires coloniaux français viennent s'installer dans les banlieues en expansion des grandes métropoles françaises. En pleine période de prospérité et de consommation (les Trente Glorieuses), la France accueille plus de 700 000 étrangers au début des années 1960. Ces immigrés participent à la construction des infrastructures (autoroutes, logements collectifs) et des produits (automobiles) qui transforment le pays et la société.

Pourtant, leur intégration n'est pas évidente. Il n'y a pas de Français d'origine maghrébine dans la sélection de 1982. Les joueurs issus de l'immigration et des « quartiers difficiles » ont eu du mal à s'imposer à leur début. Ils sont doublement marqués par leur origine et leur lieu de résidence.

Dans toute la région, notre équipe avait mauvaise réputation. Partout on disait que les Minguettes, c'était le quartier des loubards. Les autres équipes avaient peur de venir chez nous et lorsque nous allions chez l'adversaire, nous étions accueillis presque comme des pestiférés

Luis Fernandez, Le ballon rouge, Paris, Carrère, 1988.

A cette époque, je suis déjà confronté à l'insoluble problème du racisme. Je suis souvent agressé, insulté. On me traite de sale petit nègre ou d'Arabe pourri... Mon amour propre sera souvent meurtri. Combien de fois ai-je dû ravaler ma salive, serrer les poings et me taire.

Jean Tigana, L'enfant de la balle, Paris, Calman-Lévy, 1982.

Si Tigana se tait, le jeune Fernandez en vient souvent aux mains dans les années 1970. Sa colère préfigure celle d'une génération de jeunes Français issus de parents immigrés qui protestent contre le racisme ambiant. La composition de l'équipe de France 1982 montre que l'intégration des immigrés européens et africains est réelle mais difficile. Ses exploits précèdent d'un an la Marche des Beurs et la victoire électorale du Front national à Dreux (1983) et de deux ans la fondation de SOS Racisme (1984).

Les DOM s'intègrent dans le territoire de la République avec une présence de plus en plus importante de sportifs d'Outre-mer, présence qui n'exclut pas un certain racisme à leur endroit en métropole.

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La coupe du monde 1998 en France.

La France championne du MondeJouant à domicile, l'équipe de France remporte la Coupe du monde pour la première fois de son histoire. Elle bat le Brésil à Paris au Stade de France trois buts à zéro.

Sur sa lancée, elle sera championne d'Europe deux ans plus tard.

Les succès de l'équipe entraînée par Aymé Jacquet ont alimenté l'image d'une France « Black-Blanc-Beur » métissée ayant réussi l'intégration de ses différentes composantes. Une image écornée au début du XXIe siècle.

Le triomphe de l'équipe de Zidane à Paris en juillet 1998.

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Zinedine Zudane, né en 1972 à Marseille

(Bouches-du-Rhône), d'origine algérienne. Il a la double nationalité franco-

algérienne.

Lilian Thuram, né en 1972 à Point-à-Pitre (Guadeloupe).

Marcel Desailly, né en 1968 à Accra (Ghana), arrivé en France

en 1972.

Photographie d'une partie de la sélection française à la Coupe du monde 1998 en France.

Christian Karembeu, né en 1970 à Lifou

(Nouvelle-Calédonie).

Youri Djorkaeff, né en 1968 à Lyon (Rhône), d'origine kalmouke,

polonaise et arménienne.

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1914 1918 1939 1945 1958

Italiens

Polonais

Belges

Espagnols

Première Guerre

mondiale

Seconde Guerre

mondiale

Front populaire

1936

Polonais

Ve République

Les années De Gaulle Les années Mitterrand

Africains du Nord

Africains subsahariens

1982

Coupe du monde en France

1998

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Sélection des Bleus – 1998.

Français issus de migrations européennes

Intégration par les clubs professionnels de métropole et

d'Outre-mer

Français issus de migrations africaines

Français d'Outre-mer

Critiques à

l'égard des

joueurs issus

des banlieuesDans les années 2000

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Un idéal « Black-Blanc-Beur » en trompe-l’œil.

Le triomphe des Bleus offre l'image d'une France réconciliée avec toutes ses composantes, qui semble avoir digéré les différentes vagues de migration arrivées jusque sur son territoire. Les Français de la province (Blanc, Deschamps, Guivarch, Lizarazu) se mêlent aux Français d'Outre-mer (Diomède, Karembeu, Henry, Lama et Thuram à la suite de Trésor ou Janvion), aux Français issus d'une immigration ancienne (Djorkaeff) ou plus récente, venue d'Europe méridionale (Candela, Pirès), d'Afrique subsaharienne (Marcel Desailly et Patrick Vieira) et d'Afrique du Nord (Zidane).

Fils d'un Algérien kabyle ayant quitté l'Algérie au début des années 1950 pour travailler dans le bâtiment, Zidane Zidane incarne une génération de Français issus de l'immigration nord-africaine qui semble s'imposer enfin. Un symbole cependant ambigu et limité. Yazid de Castellane est devenu Zizou de France. Le gamin des quartiers nord de Marseille symbolise, résume et incarne à lui seul ces Bleus qui gagnent. La France l'admire, s'y mire et découvre, étonnée, parfois agacée, le reflet d'un pays qu'elle préfère trop souvent ignorer. […] L'histoire tourmentée qui lie la France à l'Algérie a donc produit Zidane. Et ses coups de patte tourneraient enfin la page de la guerre d'Algérie. « Il clôt quelque part une histoire de l'imaginaire français: il montre qu'on peut rester fidèle à un père nationaliste et être pour la France, qu'on peut être musulman et Français à part entière. Et tout le monde accepte qu'il chante la Marseillaise», analyse l'historien Benjamin Stora. […] Emblème d'une intégration réussie, Zidane reste cependant un symbole à portée limitée. «Un fils d'immigrés est condamné à l'excellence pour que la société française le reconnaisse», tempère l'ancien ministre Kofi Yamgnane, président de la Fondation pour l'intégration républicaine. Outre l'évidente connotation affective, Benjamin Stora décèle d'ailleurs dans les «Zizou» scandés au Stade de France «une réserve» du public français à prononcer un nom arabe.

Renaud Dely, Libération, 10 juillet 1998.

La large intégration dans l'équipe nationale des jeunes issus des « quartiers » a pourtant suscité de nombreuses critiques dans l'opinion publique durant les années 2000. Une stigmatisation de la mauvaise éducation supposée des jeunes de banlieues apparaît ici, qui cache parfois une xénophobie qui ne dit pas son nom. Ces critiques ont émergé lors : -de l’invasion de la pelouse du stade de France par des jeunes supporters de l’équipe d’Algérie en octobre 2001 durant le match France-Algérie ;-du coup de tête de Zidane sur le joueur italien Materrazzi lors de la finale de la Coupe du monde 2006 ;-des tristes frasques de l'équipe de France en Afrique du Sud en 2010.