Voici l

DEBOUT KINSHASA !Continuité dialoguée définitive

Un film de Sébastien MaitreSACD n° 000081755

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0 – G É N É RIQUE INTRO

Samuel (OFF)C’est quoi l’Article 15 Papa?

Gauthier (OFF)La légende nous apprend que quand Mobutu est arrivé au pouvoir, et qu’il dictait les articles de la nouvelle Constitu-tion, le secrétaire a sauté de l’Article 14 à l’Article 16. Le Maré-chal s’en est aperçu et il a dit ceci: « et bien pour l’Article 15, débrouillez-vous! ».

Rires (OFF)

1 – MARCHE AUX CHAUSSURES, EXTERIEUR JOUR.

Samuel arrive au marché, et repère un stand sur lequel pendouillent des paires de baskets et des souliers vernis. Il prend une chaussure et s’adresse au vendeur.

Samuel Bonjour Monsieur, c’est à combien la chaussure ?

Dieumerci15 $

SamuelEt si je vous laissais mes chaussures ?

Dieumerci (jetant un œil aux chaussures de Samuel)

15 $.

SamuelEt si je prenais moins grand ?

Dieumerci15 $!

Samuel (dépité en s’éloignant)Ouais, c’est ça. Et le plaisir des yeux aussi c’est 15 $ aussi?

Il repart, essayant de digérer l’échec de sa négociation.

TITRE: DEBOUT KINSHASA!

2 – ECOLE, EXTERIEUR JOUR.

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Samuel arrive devant l’entrée de l’école, il essaie de se faufiler parmi quelques gamins. Il repère de loin Fête Nat, le surveillant qui gère et auto-rise les entrées à l’école.

Fête Nat (désignant Samuel)Eh! toi, viens ici. Toke na yo. C’est quoi ça ? Passe comme ça!

Samuel est forcé de se séparer du groupe qui entre, et se place sur le côté, face à Fête Nat.

Fête NatIl faut le dire comment et combien de fois qu’il faut avoir une tenue irréprochable pour venir étudier. Chemise blanche, cu-lotte bleue, et chaussures fermées ! Tu as vu l’état des chaussures?

Samuel baisse les yeux vers ses chaussures trouées.

Fête NatQuel est le mot que tu ne comprends pas?

Samuel Aucun, Monsieur Fête Nat.

Fête Nat (menaçant)Tu rentres chez toi. La tenue n’est pas correcte, tu restes en rue. Tu rentres chez toi! Bon, je vais chercher mon café. Tu dis quoi ?

Sans un mot, Samuel sort de sa poche un petit sac contenant quelques beignets, et le donne à Fête Nat, d’un air inquiet.

Fête NatTu iras loin dans les études. Entre, entre, tu es en retard…

Samuel file dans la cour, chaussures usées aux pieds. La porte de l’école se referme derrière lui.

3 – SALLE DE CLASSE, INTERIEUR MATIN.

Un silence de cathédrale règne et seule la voix de l’enseignant résonne malgré le nombre d’élèves.

L’Instituteur (en montrant le tableau)Écrivez A en bleu.

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Samuel est assis au milieu de ses camarades dans la salle de classe. Comme tous les élèves, il prend ses notes silencieusement.

L’Instituteur (en montrant le tableau)La barre de fraction en noir. Et B en vert, c’est le dénomina-teur.

Le Bic vert de Samuel ne fonctionne plus. Il se penche vers sa voisine pour lui emprunter le sien.

L’InstituteurAlors, pour lire une fraction, on lit d’abord le nombre du nu-mérateur, puis le nombre du dénominateur en ajoutant le suffixe « ième ». Alors comment lit-on 9/11 ?

Une forêt de doigts se lève pour répondre à la question. Samuel insiste pour que le maître l’interroge mais le maitre s’intéresse à un autre gamin.

L’InstituteurTrésor?

TrésorNeuf onzième.

L’InstituteurTrès bien, et comment lit-on ceci…

4 – ECOLE, EXTERIEUR JOUR.

Plusieurs dizaines d’enfant jouent et chahutent dans la cour de l’école pen-dant la récréation.

5 – RUE, EXTERIEUR FIN DE JOUR.

Samuel parcourt la rue d’un pas décidé, entre les stands du marché.

Jeanine, une femme d’une trentaine d’années garnit un petit pain pour un client.

JeanineAh comment ça rassis ! Ça c’est la Pâtisserie Nouvelle, c’est pas le pain du marché ! Tu peux vérifier toi-même. Pourquoi je te mentirais?

Samuel s’approche d’elle pendant qu’elle sert son client. Jeanine tend le pain préparé au client, qui lui tend l’argent.

Jeanine (à Samuel)

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Tu as vu mon fils? C’est ça le commerce, il faut toujours avoir une phrase de plus que l’autre. Tu as compris?

SamuelOui, Maman

Samuel s’accroupit à côté de sa mère.

Samuel (timidement) Maman?

JeanineOui chéri.

Samuel (timidement) Il me faut des chaussures. Pour l’école.

JeanineAh Samuel… Toi quand tu débarques ici c’est seulement pour demander l’argent. Hein Samuel? Ton père il est là hein! Il a fait Mobutu avec la voiture et moi ce soir je dois en-core acheter les sucrés pour la fête. Tu te rends compte? Hein? Il faut pas toujours demander, hein Samuel.

Une jeune femme hèle Maman Jeanine.

Cliente MundeleBonjour, Madame ! Ils sont à combien vos pains?

Samuel répond avant sa mère.

Samuel 1000 francs.

Cliente MundeleOkay!

Jeanine est stupéfaite. Elle tend machinalement un pain à sa cliente, qui lui tend un billet.

Jeanine Merci.

Cliente MundeleMerci! Au revoir!

Une fois éloignée, Jeanine et Samuel éclatent de rire.

Jeanine

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C’est pas possible! Comment ça, 1000 francs?

Samuel Mais Maman… C’est le prix mundele! Plus c’est clair plus c’est

cher !

JeanineSans blague! Où est-ce que tu es allé trouver ça?

Samuel est fier de lui. Jeanine hèle les passants avec le sourire. Samuel se joint à elle et crie à son tour.

6 – GARAGE, EXTERIEUR JOUR.

Gauthier et Junior, jeune homme massif d’une trentaine d’années, sont dans l’habitacle d’une voiture. Junior travaille visiblement à la préparation de la voiture. Gauthier, côté conducteur, tient dans ses mains le volant, qui n’est rattaché à rien.

Gauthier (confus)Et les clignotants, du coup ils sont inversés avec les essuies glace ?

JuniorGauthier, rien ne change, tout ce qui est à droite passe à gauche.

GauthierEt la marche arrière alors ?

JuniorGauthier… Elle reste sur place !

Samuel entre dans la parcelle. Plusieurs voitures, motos et véhicules di-vers sont en train d’être réparés, briqués, astiqués.

GauthierOh! Sam! Ça va?

Samuel Bonjour Papa.

GauthierBonjour. Et alors l’école ?

Samuel C’était bien l’école, mais sauf que Monsieur Fête Nat veut me

déclasser.

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GauthierPourquoi?

Samuel Mes chaussures, Papa!

GauthierQu’il attende, lui aussi!

Samuel s’éloigne, déçu.

GauthierEh! écoute, écoute… Sam. Je te paierai une paire, même une neuve si tu veux. Très bientôt mais maintenant là je n’ai plus rien. On a mis toutes nos économies dans cette voiture. Tu me comprends mon grand?

7 – BORDS DU FLEUVE - SOIR

Samuel marche, seul, sur les berges du fleuve Congo. Le soleil se couche sur l’autre rive.

8 – PARCELLE, EXTERIEUR FIN DE JOUR.

Samuel entre dans la parcelle, et découvre ses deux parents en pleine em-brouille.

JeanineC’est ta première journée, et tu rentres à la maison sans quelque chose. Avec quoi je fais à manger?

GauthierJ’ai connu une panne…

JeanineArrête avec tes salades! J’en ai marre de t’entretenir!

GauthierToi m’entretenir? Toi!?

JeanineJ’en ai marre!

Samuel ne dit pas un mot. Triste, il s’éloigne tandis que ses parents conti-nuent à se crier dessus en Lingala.

9 – PARCELLE EXTERIEUR SOIR.

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Dans la parcelle, la nuit, un prêtre appelle à la prière. Il y a des spectateurs, Junior le mécanicien, Samuel, Jeanine et des amis. Des enfants courent dans la parcelle.

Père BlaiseChers frères et sœurs en Christ. Prions! Éternel Dieu! Nous te demandons de bénir cette voiture. Donne beaucoup de force à son conducteur.

Jeanine baille mais demeure silencieuse. Kiripi, grand gaillard d’une tren-taine d’années, un chapeau sur le crâne, grignote en essayant de ne pas faire de bruit. Tout le monde est rassemblé autour de la voiture de Gau-thier.

Père BlaiseQue cette voiture apporte prospérité et bonheur dans cette famille, et aux ancêtres. Nous t’avons ainsi prié au nom de notre Seigneur Jésus-Christ. Amen!

L’assistance répète en chœur: Amen. Puis tout le monde crie et applaudit. On ouvre les bouteilles de soda. Père Blaise répand quelques gouttes sur la voiture. Kiripi intervient pour retirer à temps des papiers du capot.

KiripiOh! Ça va pas, non?

Père Blaise s’éloigne sans rien dire. Plus loin, Gauthier interpelle son fils qui court avec les enfants.

GauthierOh Sam!

Il l’éloigne de la foule vers un coin de la parcelle.

Père Blaise s’adresse à Jeanine:

Père BlaiseHein Jeanine! Il ne faut plus vous disputer.

Jeanine s’éloigne sans répondre au Père.

Gauthier (à Samuel)Ton Papa a pensé à toi.

Gauthier tend à Samuel un véritable Bic 4 couleurs.

SamuelMerci!!!

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Il embrasse son père avec tendresse.

Junior (l’interrompant)Que vive Gauthier, le chauffeur des chauffeurs et que vive la Starlett !!

Tout le monde lève sa bouteille et trinque à la santé du nouveau patron.

Plus tard, Gauthier parle au Père et à Jeanine.

GauthierFinie la galère! Dès demain je suis sur les routes

Père BlaiseAlors, n’oublie pas les offrandes à l’Église…

GauthierJamais, mon Père!

Ils rigolent de bon cœur.

10 – MAISON INTERIEUR NUIT.

Il fait nuit noire, la pluie tombe sur Kinshasa et fait un bruit assourdissant sur le toit en tôle de la maison. Son Bic 4 couleurs en main, Samuel re-prend l’exercice des fractions vu en classe, en changeant de couleur comme il le faut.

1 1 – ECOLE EXTERIEUR JOUR.

Le lendemain, devant l’école, Samuel sort de la voiture de son père et se dirige vers l’école, joyeux. Fête Nat et quelques amis de Samuel sont là. Il entend derrière lui les sifflets et se retourne.

Il découvre deux agents des voiries sortir de force son père de la voiture pour le faire passer à l’arrière. Le sourire de Samuel s’efface et il court vers la voiture. Avant qu’il n’ait pu l’atteindre, l’un des agents a pris la place de Gauthier, et l’autre a fermé la portière.

Samuel appelle son père et continue de courir derrière la voiture qui dé-marre dans un nuage de fumée.

1 2 – RUES KINSHASA, EXTERIEUR JOUR.

Samuel court toujours, et arrive à un conteneur, devant lequel un agent de police, en plein soleil, se fait faire les ongles par un vernisseur. Samuel ra-lentit devant l’entrée du conteneur, sur laquelle on peut lire « Gendarmerie de Quartier Saint-Picon ».

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SamuelBonjour Monsieur…

L’AgentBonjour…?

SamuelEst-ce que je peux voir le Commandant?

L’AgentLe Commandant?

SamuelOui…

L’Agent fait signe à Samuel d’entrer.

13 – CONTENEUR GENDARMERIE - JOUR

Samuel rentre lentement dans le conteneur. Une femme d ’une quaran-taine d’années, en uniforme de gendarme bleu, se tient affalée derrière un bureau. Derrière elle, des étagères remplies de bibelots en mauvais état.

SamuelBonjour Madame la Commandante…

CommandanteBonjour.

SamuelEuh… Je suis venu pour mon Papa.

CommandanteTon Papa, c’est qui?

SamuelC’est lui…

Samuel fait un geste de la tête vers l’extérieur.

CommandanteAh… Le faux chauffeur!

Le visage de la Commandante se fend d’un sourire moqueur.

1 4 – RUES KINSHASA, CONTENEUR EXTERIEUR JOUR.

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Samuel contourne le conteneur et retrouve Gauthier, assis et menotté à un grand morceau de métal. Samuel s’assoit près de son père.

GauthierOn va pas y arriver…

Samuel soupire, Gauthier désigne sa propre poche de chemise du regard et appelle son fils.

GauthierSam! Tiens, appelle ta Maman… Préviens-la.

Samuel s’exécute et se relève. Il compose le numéro.

GauthierElle va hurler!

Gauthier surveille, inquiet, Samuel, qui place le téléphone contre son oreille et croise les bras.

1 5 – RUES KINSHASA, AUTOBUS INTERIEUR JOUR.

Samuel est dans le bus, secoué de toute part par les cahots de la route. Dehors, les visages et les cris défilent.

1 6 – ECOLE EXTERIEUR JOUR.

Samuel essaie d’entrer dans l’école à la suite d’une file d’élèves. Il est arrêté par Fête Nat et son bâton

Fête NatHier j’ai dit quoi ?

Samuel, avec un sourire, sort un sac de beignets et le tend à Fête Nat. On voit un sac similaire dépasser de la poche de Fête Nat.

Fête Nat (montrant une poche plastique)Non petit. Aujourd’hui j’ai pas faim.

Fête Nat entre et ferme la porte au nez de Samuel. Samuel se retrouve de-vant le portail, tout seul.

1 7 – RUES KINSHASA, EXTERIEUR JOUR.

Samuel marche d’un pas vif dans les rues. Un bout de plastique vole au vent sur son chemin, il l’écarte d’un geste énervé.

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Samuel se promène dans les rues de Kinshasa, désœuvré. Il s’approche de différents stands, à la recherche de quelque chose.

Il s’approche d’un coiffeur en plein travail.

SamuelBonjour Monsieur!

CoiffeurBonjour.

SamuelEuh… C’est à combien que vous faites, comme ça, la coiffure?

Coiffeur2000 francs

Samuel2000 francs?

CoiffeurOui

SamuelEt… vous pouvez m’apprendre à faire?

CoiffeurNon.

Plus tard, à la sortie d’une supérette, Samuel repère une Cliente Mundele chargée de course. Il court vers elle.

SamuelMadame! Madame! Je peux vous aider à porter?

La sentinelle du magasin le chasse s’approche avec de grands gestes me-naçants.

Cliente MundeleMais, ne vous énervez pas comme ça c’est un enfant!

Samuel voit une maman bien en chair devant une flaque d ’eau. Aussitôt, il se précipite.

SamuelMaman, je peux vous porter, je ne suis pas cher.

La MamanQui? Toi?

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Elle le regarde et éclate de rire.

Un gaillard arrive à travers la flaque, muni de grandes bottes. La femme se moque de Samuel en Lingala. L’homme chasse Samuel. Samuel s’en va. L’homme se retourne et se baisse pour permettre à la Maman de se hisser sur son dos. Il se redresse et pénètre à nouveau dans la flaque, prenant soin d’empêcher la Maman de toucher l’eau.

18 – BORDS DU FLEUVE - SOIR

Samuel marche à nouveau, seul, sur les berges du fleuve Congo. Le soleil se couche sur l’autre rive.

1 9 – MAGASIN CHINOIS, INTERIEUR JOUR.

Samuel est attiré par une pancarte dans une échoppe. C’est une publicité pour un produit « Dent Blanche ». Le mannequin aux dents blanches qui pose sur la photo a un sourire éclatant. Il la regarde longtemps puis re-garde le prix des tubes de dentifrice. Il se dirige vers la caisse.

Samuel Ni ha Papa Chinois.

Monsieur FongNi ha.

Samuel Combien Dent Blanche ?

Monsieur Fong2500.

Samuel Et… c’est à combien la pâte chinoise?

Monsieur Fong1500.

Samuel1500 ? Faut faire moins cher !

Monsieur Fong1500.

SamuelPapa Chinois, on fait ceci.

Samuel vide ses poches, il sort son cahier et son Bic et quelques billets.

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SamuelJ’ai ici 500 francs et 3 beignets.

Le vendeur prend et examine le Bic de Samuel.

SamuelOn dit que pour les 500 francs, vous me donnez 1/3 du tube et pour les trois beignets...

Il s’interrompt en voyant Monsieur Fond tester le stylo.

Monsieur Fong (désignant le stylo)Affaire Bic, OK.

Samuel (désarçonné)Mais il vaut plus cher le Bic ! Vous pouvez pas le prendre!

Monsieur Fong (désignant le stylo)OK.

20 – PARCELLE DE KIRIPI , EXTERIEUR JOUR.

Samuel entre en courant dans une parcelle enfumée, avec une pancarte sous le bras.

SamuelKiripi!! Kiripi!!

Il parvient jusqu’à la porte en tôle et frappe. La porte s’ouvre sur Kiripi dans un nuage de fumée opaque.

SamuelRegarde! Dent Blanche et la pâte chinoise, pour mon nou-veau business, on fait comment??

Kiripi regarde un temps la pancarte, interloqué. Puis il répond à Samuel.

KiripiEntre petit, on va consulter les ancêtres.

Samuel s’engouffre dans l’abri enfumé.21 – RUES KINSHASA, EXTERIEUR PETIT MATIN.

Samuel parcourt les rues, son panneau vantant les bienfaits du denti-frice « Eclat blancheur » autour du cou.

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Samuel (chantant)Eclat blancheur, en un trait c’est du bonheur ! Pas cher 150 francs !

Samuel distribue des traits de dentifrice à des kinois dans les rues. En peu de temps, Samuel a vendu l’intégralité de son tube et compte sa recette.

22 – MARCHE AUX CHAUSSURES, EXTERIEUR JOUR.

SamuelPapa Dieumerci, j’ai ici 7,5$ et 3 beignets. On fait affaire ?

Dieumerci le regarde et se frotte le menton, pensif.

23 – ENTREE DE L ’ ECOLE, EXTERIEUR JOUR.

Samuel arrive devant l’école. Il frappe au portail, Fête Nat arrive pour lui ouvrir la porte.

Fête NatTu es en retard !

SamuelMonsieur Fête Nat, j’ai connu un accident. Je me suis fait rou-ler le pied gauche.

Fête NatPauvre Samuel. On va désinfecter ça.

Fête Nat sort et ouvre un couteau à cran-d’arrêt. Samuel sursaute et s’éloigne en courant. Il porte une chaussure neuve au pied droit, et un ban-dage de fortune au pied gauche.

Il se retourne, vexé, et s’éloigne sous le regard suspicieux de Fête Nat.

24 – MARCHE AUX CHAUSSURES, EXTERIEUR JOUR.

Samuel est au marché aux chaussures.

Samuel Je vous ai donné 7,5$ et 3 beignets. Vous pouvez pas me rembourser 6$. En plus la chaussure elle est comme neuve ! Je l’ai même cirée!

DieumerciJe te retiens un dollar pour la location, et je te rembourse 6 500 francs. Tiens. Allez.

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Samuel s’approche pour prendre l’argent. Il s’arrête et regarde Dieumerci d’un air songeur.

25 – MAGASIN CHINOIS, INTERIEUR JOUR.

Samuel est à nouveau dans le magasin chinois. Il est à la caisse.

Monsieur Fong6000.

Samuel6000 francs!? Mais, Papa Chinois, et la fidélité, pour vous, ça ne compte pas ?

Monsieur Fong tape une longue série de chiffres sur sa calculette. Samuel attend le verdict.

Monsieur Fong6000.

Samuel soupire et pose une liasse de billets sur le comptoir.

26 – RUES DE KINSHASA , EXTERIEUR FIN D ’ AM.

Samuel court dans les rues. On entend les cris des écoliers qui quittent l’école.

27 – ENTREE DE L ’ ECOLE, EXTERIEUR FIN D ’ AM.

Les amis de Samuel, un garçon et deux filles, sortent de l’école. Quelqu’un les siffle. Ils se retournent et s’approchent en courant de Samuel. Ils se sa-luent.

SamuelEcoutez les amis, j’ai lancé un nouveau business, et j’ai be-soin de bons commerciaux. Vous en êtes?

Les enfants acquiescent.

YasmineSamuel tu me connais non? Je vends de l’eau du fleuve pour l’eau bénite !

SamuelOK, venez je vais vous expliquer.

28 – RUES KINSHASA, EXTERIEUR PETIT JOUR.

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On entend les vendeurs de Samuel au son de « Eclat blancheur, en un trait c’est du bonheur ! 150 francs le trait ». Ils s’activent dans les rues et distri-buent des traits à de nombreuses personnes. Samuel porte toujours sa pancarte, les autres en ont de vulgaires copies en carton.

29 – PARCELLE, INTERIEUR/ EXTERIEUR FIN DE JOUR. Samuel, installé dans sa chambre, compte les billets. Il entend dehors la voix de Junior qui interpelle sa mère. Il se lève et part jeter un œil.

Junior Compliqué.

Jeanine Compliqué comment?

Junior s’installe face à Jeanine qui remue une sauce qui mijote sur le feu.

Junior Il faut payer une amende.

JeanineDe combien?

Junior80$…

Jeanine (en off, la voix étranglée par l’émotion)Hein?? Junior… 80$ ? Où est-ce que je vais les trouver?

Samuel se rassoit près de la table, et se prend la tête dans les mains en soupirant.

JuniorIl faut demander aux voisins, Mère.

JeanineAujourd’hui je n’ai gagné que 9000 francs aujourd’hui ? On ne va pas y arriver.

30 – PARCELLE, INTERIEUR NUIT

Samuel réfléchit, les yeux rivés face à lui.

31 – MARCHE AUX CHAUSSURES, EXTERIEUR JOUR.

Dieumerci ouvre son stand. Samuel est déjà devant la devanture.

Samuel (essouflé)

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J’ai les 15$! Il me faut une paire complète, cette fois-ci ! Une droite et une gauche!

Samuel s’avance en tendant les billets. Il reçoit une paire de souliers neufs. Il repart en courant, tandis que Dieumerci recompte l’argent.

32 – DEVANT L ’ ECOLE EXT JOUR.

Samuel est posté derrière un stand de fortune à proximité de l’école. Il sur-veille le passage de ceux qui n’ont pas de chaussures vernies et qui vont se faire refouler.

SamuelTss Eh! Janvion, Janvion, viens ! Regarde Janvion, 200 francs! Avec ça tu passes le portail !

Janvion (intéressé)200 francs ?

SamuelOui!

Janvion (mettant la main à la poche)Mais c’est trop cool!

Janvion donne les billets à Samuel, enfile les chaussures neuves. Sans en-combre, il passe devant Fête Nat qui le salue.

Samuel attend inquiet dans la rue d’à côté. S’écoulent quelques secondes quand tout à coup la paire de chaussures vole par dessus le mur et tombe à quelques mètres de lui. Il s’en saisit et retourne à sa place. Un élève s’ap-proche.

L’ÉlèvePapa, combien pour les chaussures?

Un temps.

Samuel500 francs !

L’élève tend quelques billets et prend les chaussures.

33 – QUARTIER MARCHE AUX CHAUSSURES, EXTERIEUR JOUR.

Samuel fouille dans un carton de chaussures. Il les sort en essayant de faire des paires.

Samuel

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Mais, Papa Dieumerci! Regardez y’en a plein …

Dieumerci (l’interrompant) Oh! T’es pire qu’un Sénégalais !

34 – DEVANT L ’ ECOLE, EXTERIEUR MATIN.

Des chaussures tombent par dessus le mur de l’école. Une amie de Samuel court les ramasser et les ramener par paires près de Samuel. De l’autre cô-té du mur, les enfants envoient en continu des chaussures par-dessus le mur. Samuel reçoit les billets les uns après les autres, la file ne désemplit pas. Les enfants enfilent tous leurs chaussures de location.

SamuelArrêtez de vous bousculer… Faites une file indienne!

Plusieurs gamins chaussés de souliers vernis ou de chaussures dépareillées passent tour à tour devant Fête Nat. Ils entrent sans encombre sous l’œil attentif de Fête Nat. Une dernière élève s’éloigne du « bureau » de Samuel avec une paire de chaussures.

SamuelTu m’as pas donné l’argent!

Samuel (comptant ses billets)Ah si, elle me l’a donné.

3 5 – CONTENEUR, INTERIEUR JOUR.

Samuel, est au commissariat, devant la Commandante assise sur une chaise de plastique usée.

Samuel100$!!?

La Commandante compte des billets, penchée sur son bureau.

Commandant (recomptant l’argent)Utilisation d’essuie-glaces par beau temps: 15$. Et il a es-sayé d’écraser un policier dans l’exercice de ses fonctions. Comme ça, j’oublie la partie administrative et on ne le transfère pas à la prison de Buluwo. On dit quoi ?

Le commandant se recule sur sa chaise. Sous son poids, le dossier de la chaise cède. La Commandante tombe lourdement par terre. Samuel retient un éclat de rire. La Commandante se relève tout doucement.

Samuel (avec un large sourire) Je pense que j’ai quelque chose à vous proposer…

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La Commandante attend la suite, passablement énervée.

3 6 – CONTENEUR, EXTERIEUR JOUR.

Au-dehors, l’Agent de police est affairé au siège passager de la voiture de Gauthier.

CommandanteTu as retiré le boulon?

L’AgentC’est bloqué!

CommandanteRetire le boulon!

L’Agent s’exécute et tire sur le siège passager, qui finit par sortir de ses fixations. L’Agent se tourne fièrement vers la Commandante.

CommandanteVa le mettre dans mon bureau.

AgentÀ vos ordres.

Gauthier, libéré, et Samuel sont assis plus loin, en train de regarder l ’Agent s’éloigner.

GauthierQui a donné l’argent ? Ce sont les amis qui ont cotisé ?

Samuel (mystérieux)Non Papa. L’Article 15, le miracle Congolais !

GauthierComme tu grandis vite.

Gauthier se penche vers Samuel et l’embrasse sur le front.

3 7 - PARCELLE, EXTERIEUR MATIN.

Samuel sort de la maison, ses belles chaussures neuves aux pieds. Il fait le tour de la voiture, rentre côté passager et s’installe sur la chaise de plas-tique de la Commandante.

SamuelBonjour Papa!

GauthierSalut mon grand, comment tu vas?

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SamuelJe vais bien.

Jeanine surgit de la banquette arrière avec une assiette de beignets.

JeanineHey! Beignets pour tout le monde!!

Samuel et Gauthier crient de joie.

3 8 – ENTREE ECOLE, EXTERIEUR JOUR.

Samuel arrive devant le portail de l’école avec ses chaussures neuves au milieu d’un groupe d’élèves. Il se méfie en approchant de Fête Nat mais ce-lui-ci le laisse passer.

Samuel Bonjour Monsieur Fête Nat.

Fête Nat (regardant les chaussures) Bravo Samuel, des vraies chaussures de patron !

Samuel Merci!

Fête Nat acquiesce et reprend sa surveillance avec un sourire.

Samuel et ses amis courent rejoindre leurs rangs parmi une centaine d’autres gamins. Le sifflet retentit, les rangs sont dispersés par classe et s’évanouissent, laissant quelques surveillants seuls dans la cour, autour du drapeau congolais central.

GÉNÉRIQUE DE FIN

39 – MAGASIN CHINOIS, INTERIEUR JOUR.

Samuel est à nouveau dans le magasin chinois, à nouveau à la caisse.

Samuel (pleurnichant)Mais Papa Chinois, s’il-vous-plaît j’en ai besoin!… Rendez-moi le Bic…

Il s’arrête et sort une liasse de billets de sa poche. Monsieur Fong s’inter-rompt immédiatement, les yeux fixés sur les billets.

FIN

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