Sommaire · Numéro 7 - Octobre 2010 Chaire Modélisation prospective au service du développement...

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Numéro 7 - Octobre 2010 Chaire Modélisation prospective au service du développement durable Sommaire Approches sectorielles : une alternative crédible pour les pays en développement à un accord global de réduction des émissions Meriem HAMDI-CHERIF, Céline GUIVARCH et Philippe QUIRION Recherche Le Produced Water dans les champs de pétrole : une source de géothermie non conventionnelle Cam Thao NGUYEN THI Technologie Analyse Le renouvellement des concessions hydrauliques Nicolas MEUNIER Crise financière, croissance verte et enjeux pour la modélisation prospective Etienne BENOIST et Camille THUBIN Agenda Journée de la Chaire Modélisation prospective 17 novembre 2010 - 9h15-16h15 MINES ParisTech, Boulevard Saint Michel, PARIS Cette année, la Journée de la Chaire propose une analyse prospective des enjeux Energie-Climat : - Enjeux de l’électricité, de ses usages et de sa gestion - Enjeux des tensions sur l’eau - Enjeux des négociations climat pour les pays à croissance rapide Pour en savoir plus : http://www.modelisation-prospective.org

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Approches sectorielles : une alternative crédible pour les pays en développement à un accord global de réduction des émissionsMeriem HAMDI-CHERIF, Céline GUIVARCH et Philippe QUIRIONR

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Le Produced Water dans les champs de pétrole : une source de géothermie non conventionnelleCam Thao NGUYEN THI

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Le renouvellement des concessions hydrauliquesNicolas MEUNIERCrise financière, croissance verte et enjeux pour la modélisation prospectiveEtienne BENOIST et Camille THUBIN

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Journée de la Chaire Modélisation prospective17 novembre 2010 - 9h15-16h15MINES ParisTech, Boulevard Saint Michel, PARISCette année, la Journée de la Chaire propose une analyse prospective des enjeux Energie-Climat : - Enjeux de l’électricité, de ses usages et de sa gestion - Enjeux des tensions sur l’eau - Enjeux des négociations climat pour les pays à croissance rapidePour en savoir plus : http://www.modelisation-prospective.org

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Approches sectorielles : une alternative crédible pour les pays en développement à un accord global

de réduction des émissions

Meriem HAMDI-CHERIF, Céline GUIVARCH et Philippe QUIRIION (CIRED)

Beaucoup d’économistes considèrent que la solution optimale, pour réduire les émissions de gaz à effet de serre, consiste à fixer un prix unique à ces émissions, dans tous les secteurs et tous les pays. Cependant, les gouvernements des pays en développement refusent de participer à un tel système, au moins à court et moyen terme, aussi une telle architecture climatique a peu de chance de convaincre les pays en développement d’ici la fin de la période d’engagement du protocole de Kyoto en 2013. Face à ce constat d’échec, de nombreux chercheurs, représentants d’ONG et d’organisations industrielles, et récemment la commission européenne(2009) prônent la mise en place progressive d’accords sectoriels de réduction des émissions. Ces approches moins globales, qui consistent à fixer des objectifs aux pays en développement seulement sur certains secteurs, sont considérées comme des approches plus pragmatiques et moins contraignantes (Meunier et Ponsard (2009)).

Cet article fournit l’une des premières évaluations macroéconomiques d’une telle approche sectorielle pour les pays en développement. Cette analyse quantifiée est menée à l’aide du modèle d’équilibre général hybride d’IMACLIM-R du CIRED (Sassi et al, 2010). Plus précisément, cet article évalue deux scénarios dans lesquels les pays développés adoptent des engagements quantifiés échangeables de type Kyoto, alors que dans les pays en développement, seules les émissions du secteur électrique sont soumises à une contrainte carbone (même prix du CO2 que celui des pays développés). Ces deux scenarios sont comparés à une architecture globale de type cap and trade (scénario Global_Cap), en termes à la fois de coût macroéconomique et de réductions des émissions. Le produit de la taxe carbone est soit reversé entièrement aux

ménages (scénario SectE_HH), soit redistribué aux producteurs d’électricité sous la forme d’une diminution des taxes à la production ou d’une subvention à la production -quand le montant des recettes est supérieur à celui de ces taxes- (scénario SectE_Reb).

Le choix de modéliser une approche sectorielle dans la production d’électricité s’explique pour trois raisons. Premièrement, il s’agit du premier secteur émetteur au niveau mondial : 41% des émissions de CO2 en 2007 provenaient du secteur « électricité et chaleur » (principalement électricité), soit une augmentation de 60% depuis 1990 (AIE, 2009). Ensuite, la construction d’installations peu intensives en CO2 dans les prochaines décennies constitue un enjeu majeur pour répondre à la forte croissance de la demande d’électricité d’ici 2030 (+76% soit 4800GW de capacité additionnelles selon l’AIE) et éviter les situations de carbon lock in dans les techniques intensives en CO2, en particulier dans les pays non Annexe I. Enfin, les potentiels de réduction d’émissions à faibles coûts dans ce secteur sont relativement élevés par rapport à d’autres secteurs tels que le secteur des transports, du résidentiel ou de l’agriculture dans lesquels les sources d’émissions sont plus diffuses.

Trois résultats principaux découlent de cette analyse :

1- Tout d’abord, comme le montre la figure 1, les réductions d’émissions dans les deux scénarios sectoriels (SectE_HH et SectE_Reb), sont presque aussi importantes que dans un système global type cap and trade (scénario Global_Cap). Elles atteignent, en 2030, 80% des réductions d’émission du scénario Global_Cap. Cette conclusion positive s’explique d’une part par le fait que le potentiel de réduction des émissions dans le secteur électrique est plus important, pour un prix du CO2 donné, que dans

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les autres secteurs, en particulier dans les pays non annexe I1. D’autre part, dans le scenario de référence (sans politique climatique), le secteur électrique est le secteur le plus émetteur, représentant 41% des émissions des pays en développement en 20302 .

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Figure 1: émissions de CO2 pour les pays non Annexe

2- Ensuite, l’approche sectorielle adoucit le coût de la transition pour les pays en développement par rapport à un système global de type cap and trade. Dans le scenario Global_Cap (figure 2), les coûts de transition (pour les pays hors annexe I) qui suivent l’introduction d’un prix du carbone sont significatifs : on observe des pertes supérieures à 3% par rapport au scenario de référence autour de 2018.

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Figure 2 : Variations de PIB (par rapport au scenario de référence) dans les pays non Annexe 1

Ces coûts macroéconomiques de court terme s’expliquent par les inerties du parc de production installé3, les anticipations imparfaites des producteurs et des consommateurs 1- En raison principalement de la vétusté des installations.2- Dans toutes les figures de ce résumé apparaissent deux scenarios supplé-mentaires non décrits ici. Le scenario BAU correspond au scenario Business as Usual (sans politique climatique) qui est le scenario de référence. Le scenario A1_Only correspond à un scenario où seul les pays de l’annexe I s’engagent dans une politique climatique. Ils ont les mêmes émissions que dans Glo-bal_Cap et participent à un marché de quotas (aucune politique climatique n’est mise en œuvre dans les pays en développement).

et les rigidités des marchés du travail qui empêchent une adaptation rapide de l’économie au choc sur les prix induits par une taxe carbone. Le rattrapage observé après 2018 s’explique par les effets d’apprentissage liés au changement technique induit (Crassous et al., 2006) et une vulnérabilité moins forte au peak oil. Les scénarios sectoriels permettent d’atténuer l’impact da la politique climatique sur le PIB. Cette atténuation est considérable dans le scenario SectE_Reb : les pertes sont toujours inférieures à 1% et, dès 2020, on observe des gains par rapport au scénario de référence. En effet, les subventions diminuent l’augmentation du prix de l’électricité, ce qui limite la baisse de la production.

3- Enfin, l’approche sectorielle peut atténuer les tensions sur les marchés de l’électricité, si les revenus de la taxe carbone sont recyclés aux producteurs (figure 3).

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Figure 3 : Prix de l’électricité en Chine

En effet, dans le scenario SectE_Reb, le prix de l’électricité augmente beaucoup moins du fait de la subvention à la production et de manière surprenante, après 2020, il tombe même en dessous de son niveau BAU. Ceci peut s’expliquer par le fait qu’un prix du CO2 corrige partiellement la myopie incite les producteurs à réduire la part d’énergie fossile dans leur mix énergétique3 et accroît ainsi les effets d’apprentissage dans les technologies bas carbone.

3- La durée moyenne de vie d’une centrale à charbon par exemple est de plusieurs dizaines d’années (AIE, 2008)4- Dans Imaclim-R, les producteurs d’électricité fixent leur prix au niveau du coût complet de la production d’électricité sur la durée de vie de leurs centrales, en utilisant le niveau actuel des prix des combustibles comme anticipation des prix futurs. En fait, ces prix augmentent, ce qui rend le parc électrique trop intensif en carbone par rapport à l’optimum. Un prix du CO2 aide à corriger cette myo-pie en poussant les producteurs à réduire la part de centrales à charbon dans leur parc.

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Par conséquent, l’approche sectorielle,citée comme une option possible à

Copenhague, peut constituer une étape transitoire avant une intégration progressive

dans un système qui englobe tous les secteurs de l’économie. En effet, de telles politiques présentent plusieurs avantages : en termes d’émissions réduites, de pertes voire de gain de richesse mais aussi en termes d’acceptabilité des pays en développement de participer à des efforts d’atténuation du changement climatique, la forte croissance des grands pays émergeants comme la Chine et l’Inde laissent penser qu’ils auront plus de latitude à terme pour contrôler les émissions de l’ensemble de leur économie.

Références :

AIE, 2009. World Energy Outlook, International Energy Agency, Paris

AIE, 2009. Sectoral Approaches in Electricity – Building Bridges to a Safe Climate, International Energy Agency, 186 pages, ISBN 978-92-64-06872-8

Bosetti, V. and Victor, D.G. 2010. Politics and Economics of Second-Best Regulation of Greenhouse Gases: The Importance of Regulatory Credibility. FEEM Working Paper No. 29.2010. Available at SSRN: http://ssrn.com/abstract=1593586

Crassous, R., Hourcade, J.-C., Sassi, O., 2006, ‘Endogenous structural change and climate targets : modeling experiments with Imaclim-R’, Energy Journal, Special Issue on the Innovation Modeling Comparison Project

European Commission, 2009. Commission staff working document accompanying the Communication from the Commission to the European Parliament, the Council, the European Economic and social Committee and the Committee of the Regions, Stepping up international climate finance: A European blueprint for the Copenhagen deal {COM(2009) 475}. Brussels, SEC(2009) 1172/2, September

Hamdi-Cherif, M., Guivarch, C., Quirion, P. 2010. ‘Sectoral targets for developing countries : Combining “Common but differentiated responsibilities” with “Meaningful participation”’,FEEM NOTA DI LAVORO 37.2010. (accepted in Climate Policy)

Meunier, G. and J.-P. Ponssard, 2009. A proposal combining sectoral approaches in developing countries with cap and trade in industrialized countries. Working paper, Ecole polytechnique, http://www.enseignement.polytechnique.fr/economie/chaire-business-economics/meunierponssardsectoralapproaches.pdf

Quirion, P., 2009. Historic versus output-based allocation of GHG tradable allowances: a comparison. Climate Policy, 9: 575–592

Sassi O., Crassous R., Hourcade J.-C., Gitz V., Waisman H., Guivarch C., 2010. ‘Imaclim-R : a modelling framework to simulate sustainable development pathways’, International Journal of Global Environmental Issues Vol 10, n°1, p 5-24.

Sawa, Akihiro. 2008. A Sectoral Approach as an Option for a Post-Kyoto Framework. Discussion Paper 08-23, Harvard Project on International Climate Agreements, Belfer Center for Science and International Affairs, Harvard Kennedy School.

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AnalyseLe renouvellement des concessions hydrauliques

Nicolas MEUNIER, Mastère OSE promo 2009

Une introduction électrique…

L’environnement électrique actuel : un bilan contrastéPour comprendre le contexte actuel, partons d’un constat : celui de l’ouverture du marché de l’électricité à la concurrence. Au 31 décembre 2009, l’ouverture du marché français s’était concrétisée chez certains clients : 1 399 000 sites résidentiels en offre de marché, dont 99% chez un fournisseur alternatif ; 752 000 sites non résidentiels en offre de marché [1]. Débutée dans les années 2000, l’ouverture du marché s’est effectuée progressivement : d’abord centrée sur les plus gros consommateurs non résidentiels, elle a ensuite intéressé les consommateurs de plus en plus petits et pour toucher enfin, depuis 2007, l’ensemble des clients. Fort de ce constat chiffré, le bilan est très peu concluant : la concurrence n’est donc pas assez effective en France. En plus, la France a une position ambiguë face à l’ouverture du marché : la mise en place du TaRTAM (Tarif Réglementé Transitoire d’Ajustement du Marché) a permis aux clients ayant quitté le tarif historique et subi l’augmentation des prix dès l’ouverture du marché de revenir à un nouveau tarif réglementé plus avantageux, le TaRTAM. Ce tarif, très contesté par l’Union Européenne, est d’ailleurs amené à disparaître très prochainement.

Des solutions mises en avant Pour pallier ce manque de concurrence, le projet de loi NOME (Nouvelle Orientation des Marchés de l’Electricité) a été voté à l’Assemblée Nationale le 15 juin 2010 [2]. Proposition émise dans le rapport Champsaur rendu en avril 2009, l’Accès Régulé à la Base Nucléaire (ARB) pour tous les fournisseurs d’électricité est l’une des recommandations phare de cette mesure : l’entreprise EDF serait alors contrainte à céder à ses concurrents, les fournisseurs alternatifs, 100 TWh/an. L’esprit de la loi NOME voudrait que cette stimulation de la concurrence incite EDF à optimiser et fluidifier son fonctionnement interne pour réduire ses coûts.

Le renouvellement des concessions hydrauliques intervient quant à lui en parallèle de cette fameuse loi Nome, sans pour autant avoir un lien avec elle. Ce sont en effet les échéances des concessions d’EDF, qui arrivent à terme dès 2010, qui sont la raison de ce renouvellement [3]. Cette mesure associée au vote de la loi Nome risque d’opérer une totale reconfiguration du paysage énergétique français. Elle est un enjeu considérable puisqu’elle permettra un accès à la production d’électricité à des fournisseurs n’ayant pas ou peu de capacités de production [4]. Dans le contexte de la loi NOME et la mise en place d’un marché de capacité de pointe, le renouvellement des concessions hydrauliques prend en effet une toute autre importance.

Un mix énergétique français avantageux, basé sur le Nucléaire et l’Hydraulique…Le mix électrique Français actuel, à dominante d’origine nucléaire en raison des choix politiques et en réaction aux chocs pétrolier des années 1970, permet à la France d’avoir un des prix de l’électricité le moins cher d’Europe.

Figure 1 : Puissance maximale installée (GW) et production (TWh/an) [3]

Analyse

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En 2008, le coût d’achat de l’électricité pour un ménage continuait à

être avantageux par rapport aux autres pays européens, puisqu’inférieur de 26% à la moyenne

des 27 pays [5]. Source d’électricité majeure avant l’apparition du nucléaire, l’hydraulique continue à constituer une part importante de la production française, elle correspond à 26 GW soit 22% de la puissance maximale installée [3]. La production hydraulique représentait encore en 2005 plus de 90% de la production d’origine renouvelable [15] (Figure 1).

Il est important de noter que la production d’origine hydroélectrique varie très largement d’une année sur l’autre. L’évolution des productions électriques des 25,3 GW de capacités de production installés en France sur les dix dernières années fluctue entre 53,2 TWh et 76,1 TWh [6] [15] (Figure 2). Cette production est en effet très dépendante des conditions météorologiques : sécheresses et précipitations, mais aussi des températures hivernales et enfin des conditions économiques avec les marchés de l’électricité en ce qui concerne les productions hydrauliques de pointe.

Figure 2 : Production hydroélectrique française (TWh/an) [6] [15]

Et chez nos voisins, quelle place occupe l’hydraulique ?La part de la production hydroélectrique varie considérablement d’un pays à un autre, elle dépend en effet des ressources géographiques mais aussi des volontés des états à développer une énergie par rapport à une autre. En tête la Norvège possède 98% d’hydraulique dans son mix électrique, viennent ensuite les pays suivants : le Brésil (84%), le Venezuela (72%) et le Canada (58%) [7].

Les concessions

Les concessions hydrauliques…D’après la loi du 16 octobre 1919, seul l’Etat est en mesure d’autoriser l’utilisation de la force motrice de l’eau, il délivre donc le droit de construire et de gérer un tel aménagement. Chaque concession hydroélectrique fait l’objet d’une délégation de service public délivrée par l’état, si la puissance installée est supérieure à 100 MW, ou de la DRIRE pour les ouvrages de puissance inférieure. Seuls les ouvrages dont la puissance installée est supérieure à 4,5 MW sont soumis au régime des concessions [8].

Depuis la loi du 23 janvier 1993 sur les procédures publiques, toutes les délégations de service public sont soumises à une procédure de publicité ouvert à tous et permettant la présentation d’offres concurrentes [15], toute société peut donc candidater pour l’octroi d’une concession. Cette concession est accordée pour une durée déterminée avec un maximum de 75 ans. A la fin de cette durée de concession, l’Etat devient propriétaire des ouvrages.

Pour les puissances inférieures à 4,5 MW, à l’issu de la durée de concession, la société reste propriétaire mais peut être tenue de détruire l’ouvrage [8]. La fiscalité des concessions hydrauliques : chaque année, le concessionnaire doit s’acquitter d’une redevance dite proportionnelle. Un tiers du montant de cette redevance est répartie entre les départements et communes concernés par la concession. Le reste, soit les deux tiers, est attribué à l’Etat [9].

Quels sont les concessionnaires prépondérants sur le sol français ?Les concessions hydrauliques françaises concernent 399 ouvrages produisant, en 2009, 61,8 TWh pour une puissance installée de 23,3 GW. Les échéances des concessions arrivant à terme, c’est l’ensemble de ces concessions qui devra être renouvelé d’ici à 2040.

Les principaux concessionnaires sont bien connus : EDF pour plus des trois-quarts des ouvrages, GDF-Suez par ses filiales CNR (Compagnie Nationales du Rhône) et SHEM (Société Hydro-Electrique du Midi), et pour finir de petits producteurs [3] (Figure 3).

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Analyse

Figure 3 : Répartition des concessionnaires : en nombre et en puissance installée [3]

Le renouvellement des concessions hydrauliquesLes concessions hydroélectriques relèvent de l’application de la loi « Sapin » de 1993. À ce titre, elles s’apparentent à des délégations de service public et doivent donc être mises en concurrence. Ces mesures ne sont cependant pas applicables aux Etablissement Public Industriel et Commercial (EPIC). Depuis la transformation d’EDF, anciennement EPIC, en société anonyme par la loi n° 2004-803 du 9 août 2004, la dérogation à la loi « Sapin » de 1993 ne s’applique plus [10]. La loi « Sapin » permettait en effet à EDF de ne pas être mis en concurrence sur les concessions hydroélectriques.

Par conséquent tous les renouvellements des concessions intervenant après 2004 sont soumis aux règles de la concurrence. Une liste close de 42 chutes hydrauliques ne seront cependant pas soumises à concurrence et donc concédées automatiquement à EDF : les procédures de renouvellement ayant commencé avant le 9 août 2004 [8]. Dix concessions hydroélectriques concernant une cinquantaine d’ouvrage, soit un total de 5300 MW, seront renouvelées d’ici à 2015 : soit 20% du parc hydroélectrique français ! Parmi ceux-ci, 2800MW de concessions arrivaient à échéance d’ici 2015 ; mais en ce qui concerne les 2500 autres mégawatts, ceux-ci sont remis en question de façon prématurée en raison de la cohérence énergétique

et géographique [3]. Le MEEDM a en effet souhaité regrouper les ouvrages hydrauliquement liés dans une même vallée,aussi appelé bassin versant (ensemble des zones dont les eaux de ruissèlement vont alimenter un exutoire commun) [6].La procédure débute onze ans avant la fin de la durée de la concession. Le concessionnaire adresse une lettre d’intention de conserver la concession, il fournit alors un bilan économique de la gestion des dix dernières années, ainsi qu’un rapport des effets constatés sur le milieu au cours de la concession. Cinq ans avant l’expiration de la concession, l’administration décide de mettre fin ou non à la concession.

Les candidats aux concessionsDe très nombreux candidats locaux, nationaux ou internationaux regardent de très près ces nouvelles concessions. Les appels d’offres qui devraient être lancés dès 2010 séduisent déjà de très nombreux opérateurs étrangers, prêts à détrôner EDF : l’Allemand E.ON ayant racheté la SNET (Société Nationale d’Electricité et de Thermique), l’Italien Enel, le norvégien Statkraft, l’Autrichien Verbund (actionnaire de référence de Poweo) et le Suisse Alpic. Mais ce sont aussi tous les opérateurs français qui seront intéressés : GDF Suez par le biais de la SHEM et de la CNR, ainsi que d’autres producteurs et fournisseurs nationaux indépendants tels que Direct Energie et enfin certaines ELD (Entreprises Locales de Distribution) [11]. Pour des acteurs non spécialisés dans l’hydraulique, des regroupements avec des spécialistes de gestion de parc hydraulique ainsi que de valorisation des actifs risquent de naître. Tous ces opérateurs semblent voir dans cette remise en question des concessions une formidable occasion de venir concurrencer EDF et d’acquérir des capacités de production [13].

Le jugement des offres Les candidatures seront jugées sur trois critères essentiels [9], que sont : - Le partage de l’eau entre les usages électriques et les autres usages de loisir, les besoins de prélèvement ;- L’impact sur le milieu aquatique en réalisant une bonne gestion de l’ouvrage par rapport à son environnement ;- La sécurité publique.

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ConclusionLa remise en question des concessions

hydrauliques fait partie de la profonde évolution que connaît le secteur énergétique

français actuellement. On peut même dire que celui-ci rentre dans une toute nouvelle ère, avec un changement de paradigme de l’accès aux moyens de production historiques, tels que le nucléaire par le biais de procédure de rachat de l’électricité produite par les centrales, ainsi que l’hydroélectrique par le biais de l’ouverture à la concurrence des concessions.

Cette remise en question des concessions peut toutefois nous interroger questions quant à la perte d’un service public de l’eau. Risque-t- on des dérives dans l’utilisation de ce bien commun [14] ? Peut-on imaginer qu’en tant qu’opérateurs économiques, les candidats aux concessions tenteront de minimiser les coûts d’exploitation des centrales, risquant de mettre en danger les populations aux alentours de ces ouvrages ? Tant de questions qu’il est très difficile d’estimer a priori… D’ici là il faudra faire confiance au sérieux des candidatures et être vigilant sur les règles de surveillance et de régulation.

Il faut néanmoins garder à l’esprit que cette remise en question des concessions est un formidable accélérateur de concurrence et va permettre de remodeler le paysage énergétique français en parallèle de la loi Nome. Très intéressés de posséder des moyens de production de pointe, relativement à la loi NOME, tous les acteurs énergétiques risquent donc d’être présents sur le devant de la scène, rendant la bataille d’autant plus serrée…

Références[1] L’ouverture des marchés de détail de l’électricité et du gaz - Bilan 2009 – Note d’information 1er Mars 2010 - CRE

[2] France : Nome devrait être voté à l’Assemblée le 15 juin – Europe Energies - Flash du 10 Juin 2010

[3] Production d’électricité en France : 2010, année de tous les changements ? Essai de typologie des producteurs d’électricité en France dans la perspective de la Loi NOME – SEA Conseil

[4] http://www.fournisseurs-electricite.com/loi-nome

[5] Eurostat 2009, Electricity prices for second semester 2008

[6] h t t p : / / w w w. e n e r z i n e . c o m / 7 / 9 5 9 0 + l e - p a r c -hyd r o e l e c t r i q u e - s o u v r e - a l a - c o n c u r r e n c e + . h t m l

[7] Key World Energy Statistics 2009 – AIE

[8] Le renouvellement des concessions hydrauliques : une procédure clé pour les systèmes aquatiques – La Lettre Eau n°41 – France Nature Environnement

[9] Les concessions hydrauliques – Plaquette de la DRIRE Rhône-Alpes

[10] http://www.uneriviereunterritoire.fr/dossiers/la-mise-enconcurrence-des-concessions-hydrauliques.html

[11] La gestion des barrages remise en compétition – Le Figaro –Mercredi 26 Mai 2010

[12] http://www.norvege.no/News_and_events/policy/statkraft/

[13] http://www.euractiv.fr/energie-climat/article/2010/04/22/borloo-precise-criteres-calendrier-renouvellement-parc-concessionshydrauliques_66876

[14] http://www.andrechassaigne.org/php/bleu-Les-concessionshydrauliques.html

[15] Rapport sur le renouvellement des concessions hydroélectriques– Rapport Novembre 2006 – Conseil général des Mines, Conseil Général des ponts et chaussées et Inspection générale des finances.www.developpement-durable.gouv.fr/IMG/pdf/rap-cgm-concessionhydraulique.pdf

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AnalyseCrise financière, croissance verte et enjeux pour la modélisation prospective

Etienne BENOIST (Master TRADD/CIRED) et Camille THUBIN (CIRED)

Les VIIèmes Journées d’Economie Financière qui se sont déroulées à Tunis les 14-15 octobre 2010, avaient pour thème principal « la régulation de la finance mondiale ». Les participants, parmi lesquels des chercheurs du CIRED1 et Michel Aglietta2 ont abordé des sujets ayant trait à la régulation du secteur bancaire, au rôle des banques centrales et aux perspectives d’après-crise. Le compte rendu suivant porte sur la Session VII : Stratégie de sortie de crise : la croissance verte dont l’idée sous-jacente de cette session était de présenter la crise financière comme une opportunité pour résoudre la crise environnementale.

Aux origines de la criseAvant de s’interroger sur les outils pour sortir de la double crise financière et climatique, il s’agit d’abord de mieux cerner leurs origines. Dans un article publié dans Médiapart, Stéphane Hallegatte développe l’idée selon laquelle ces deux crises auraient des causes communes : « elles sont liées aux comportements d’agents économiques qui consomment une ressource d’une manière incompatible avec l’exploitation durable du stock. » Finitude des stocks de matières premières d’un côté et limite des niveaux d’ « endettement soutenable » de l’autre. M. Aglietta insiste sur la déconnexion entre le niveau de dette et la richesse produite, qui s’est opérée depuis le milieu des années 80 et aggravée avec la crise des subprimes aux Etats-Unis. Comment expliquer cette « insouciance » des acteurs économiques à puiser dans des stocks finis de ressources ?

1- Nicolas Bouleau, Stéphane Hallegatte, Naceur Chaabane, Camille Thubin et Etienne Benoist2- Professeur d’économie à l’Université de Paris-X Nanterre et conseiller au CEPII

« Elle vient d’une part des limites de la rationalité des agents économiques et de leurs capacités d’anticipation, et d’autre part de « l’aléa moral », c’est-à-dire le fait que les responsables d’une crise ne sont pas forcément ceux qui en subissent les conséquences. », explique S. Hallegatte. La myopie des opérateurs et leur incapacité à prédire les effets de seuil sont entretenues voire renforcées par le phénomène de hasard moral, qui ne fait que « reporter » le problème sur les générations futures. Comme le rappelle S. Hallegatte, « le changement climatique est un processus très lent, et l’essentiel des conséquences se produiront après 2050, voire après 2100. La génération actuelle qui émet des gaz à effet de serre n’est donc pas la génération qui subira le plus fortement les conséquences de ses décisions. » De la même manière, les déficits que les gouvernements ont creusés pour le sauvetage des banques touchées par la crise des subprimes vont grever les comptes de leurs successeurs.

Toutefois, ces deux crises n’ont pas la même temporalité. Alors que les dettes ne sont (théoriquement) qu’affaire d’années, les mécanismes environnementaux à l’œuvre se mesurent en décennies voire en siècles. Les conséquences doivent donc être appréhendées de manière différenciée. Par exemple, comme le souligne M. Aglietta, il n’existe pas d’échappatoire dans le cadre de la crise environnementale alors que la monnaie peut servir de refuge dans un contexte de crise financière. Nonobstant cette différence d’échelle, peut-on envisager des remèdes qui nous permettraient d’opérer sur les deux fronts ?

Une solution, la croissance verteAutrement dit peut-on « guérir » le système financier tout en réduisant notre impact sur

Analyse

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l’environnement ? La crise financièrepeut être considérée comme une

opportunité pour mener de profondes réformes et engager les économies sur un

sentier plus soutenable C’est un moment unique pour lier refonte de l’architecture financière et intégration des enjeux environnementaux dans les futurs schémas de développement. Il semble qu’une façon d’y parvenir réside dans le concept de croissance verte ; dont le but est de décarboner tous les secteurs de l’économie et ce à travers l’introduction de mécanismes incitatifs tels que la taxe carbone, les permis d’émission/MDP, les fonds climatiques, les produits de couverture de risque / assurance et les normes. Ces instruments devraient participer à cette mutation profonde de l’économie, en facilitant le financement de politiques de lutte contre le changement climatique (atténuation et adaptation), de secteurs « propres » (énergies renouvelables, technologies propres) et de filières « efficaces » (traitement des déchets, recyclage, biochimie).

Repenser le cadre de financement de financement institutionnel… Pour inciter les acteurs financiers à participer au financement de cette transition, le mode de calcul des risques doit être repensé en y intégrant la composante environnementale, par le biais d’une méthode capable de trouver une valeur fondamentale du carbone. Les permis d’émissions sont une première approximation du prix du carbone. Le système communautaire d’échange de quotas d’émission européen EUETS donne ainsi un cadre formel pour le développement d’instruments financiers « carbone ». Des produits dérivés de carbone ont par ailleurs vu le jour depuis deux années environ mais il est difficile de prédire si le carbone deviendra une classe d’actif financier à part entière, au même titre que les matières premières cotées telles le pétrole3. Si tel était le cas, les risques de bulle spéculative ne sont pas négligeables

Dès lors, il serait pertinent de réguler davantage le marché des dérivés à l’aide d’une chambre de compensation pour mieux maîtriser le levier ou bien par un meilleur contrôle des marchés à terme. 3- La Chine, premier émetteur de gaz à effet de serre, privi-légie notamment la solution de la capture et du stockage du carbone (CCS) pour limiter les émissions liées à ses centrales à charbon, qui produisent 70% de l’énergie chinoise.

Cet aspect pourrait faire partie d’une réforme plus globale de la finance mondiale telle que prônée par M. Aglietta Les Accords de Bâle 3 sont un premier pas, avec une obligation pour les institutions bancaires d’immobiliser davantage de fonds propres et de se constituer des réserves modulables contra-cycliques. Les Etats-Unis (Dodd-Frank) et l’Europe (réforme du système de supervision des marchés financiers) sont en train de se doter d’une législation spécifique. Cependant le périmètre des réformes, s’il se veut efficace, doit s’étendre au « shadow banking », c’est-à-dire à toutes les institutions financières non bancaires telles que les banques d’investissements, les hedge funds, les places offshore, etc.

Il apparaît impérieux de mettre en place une instance de supervision qui agirait comme un contre-pouvoir afin de remettre la finance sous contrôle démocratique. Cette nécessaire régulation plus centralisée des marchés pourrait s’accompagner d’une rénovation du système de mesure des risques, avec la prise en compte des ressources rares, en passant par exemple d’une comptabilité de flux à une comptabilité de patrimoine (conservation des richesses des sociétés). Ce nouveau paradigme peut se traduire, au niveau macroéconomique par l’établissement d’une valeur sociale du carbone, de droits de tirage spéciaux verts et, à un niveau méso voire microéconomique, par des mesures incitant les acteurs économiques à investir dans les technologies à faible contenu de carbone.

…pour mieux accompagner la transition vers une société bas carboneLa gestion de la transition vers une croissance verte reste cependant difficile car elle impose des contraintes fortes sur la consommation d’énergie, pilier central du développement des pays émergents. La communauté internationale, et les pays développés en particulier, doivent donc réfléchir à des outils d’accompagnement,, au premier rang desquels se trouve la taxe carbone. La taxe carbone est en effet l’un des instruments économiques les mieux à même de limiter les coûts de transition vers une économie moins intensive en carbone. La littérature théorique étudie la possibilité, grâce à l’introduction d’une taxe carbone dans nos systèmes fiscaux, d’un double dividende. Il s’agit à la fois d’un premier dividende, de nature environnementale et énergétique, par le biais d’une

Chaire Modélisation prospective au service du développement durable ~ 11 ~

Analyse

réduction des gaz à effet de serre ou d’une moindre dépendance aux énergies fossiles. Mais la « valeur ajoutée » d’une taxe carbone réside dans la possibilité d’un second dividende, de nature économique, qui réduirait les coûts strictement économiques de la réduction des émissions de gaz à effet de serre.

Sur le long terme, la montée des tensions sur le financement des systèmes de protection sociale, dans un contexte de vieillissement de la population et de chômage structurel, invite à réfléchir sur la possibilité de recycler une partie des recettes fiscales de la taxe dans un allègement des cotisations sociales. On sait que le chemin est long entre la justification théorique d’un instrument de politique publique et sa mise en pratique. Malgré les vertus intrinsèques d’une taxe carbone, sa traduction en projet de loi a connu quelques réussites mais surtout de nombreux échec. Si ces deux enjeux sont effectivement incontournables pour penser une réforme fiscale environnementale juste et efficace, la taxe carbone reste une mesure à privilégier pour orienter les producteurs et les consommateurs vers des techniques et des produits moins intensifs en énergie. L’autre avantage collatéral d’une politique ambitieuse et crédible de fiscalité carbone serait d’ancrer les anticipations de prix du carbone des investisseurs et de réduire l’incertitude liée aux investissements dans les nouveaux secteurs de la croissance verte.

Les enjeux pour la modélisation : vers une meilleure représentation des mécanismes financiers En conclusion, la quantification des investissements nécessaires à la transition vers une économie bas carbone, en particulier dans les pays en développement, et des mécanismes financiers, constitue des enjeux méthodologiques de taille pour les modèles d’équilibre général traditionnels4. S’ils représentent de manière plus ou moins fine les instruments de politiques climatiques tels la taxe carbone, les MDP, le développement des technologies

4- Le dernier « World Development report » de la Banque Mondiale (World Bank, 2010) estime les besoins financiers pour remplir les objectifs de l’UNFCCC à $140-$175 milliards par an jusqu’à 2030 pour la mitigation et $30-$100 milliards par an pour l’adaptation. Ces chiffres sont à manipuler avec précaution, et sont par ailleurs souvent mal interprétés car ils ne représentent pas un coût d’investissement supplémentaire (par rapport à une « baseline » à définir) mais bien le montant total d’investissements à rediriger vers les projets bas carbone.

renouvelables, dans la plupart desdescriptions de ces modèles, les modélisateurs restent très lapidaires quant à leurs hypothèses sur les flux de capitaux,la politique monétaire des Etats, voire sur la représentation des investissements. Des travaux sont ainsi en cours au sein du modèle IMACLIM-R, dans le cadre de la chaire MPDD, afin de combler en partie ce déficit méthodologique.

Lien vers le programme de la conférence : http://www.centrecired.fr/IMG/pdf/Programme_des_7e_JEF_-_Tunis_2010.pdf

Références :Aglietta M., La crise. Les voies de sortie, Michalon, Paris, 2010, p.124

Bouleau N., Mathématiques et risques financiers, Paris, 2009, Odile Jacob, 265 p

Hallegatte S., L’épuisement d’un monde fini - La crise financière et la crise environnementale ont les mêmes causes , Mediapart, 8 Mars 2010

B. Perrissin Fabert, P. Dumas, J-C. Hourcade. Quelle valeur du carbone pour les projets de développement ? Rapport pour l’Agence Françoise de Développement. 2009.World Bank. World Development Report 2010.

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Technolo

gie Le Produced Water dans les champs de pétrole : une source de géothermie non conventionnelle

Cam Thao NGUYEN THI, Elève MASTERE OSE, promo 2009

Depuis longtemps, les opérateurs pétroliers ont vu les eaux usées comme un sous-produit coûteux du processus de forage. Ces eaux, aussi appelées « l’eau produite », sont le produit d’un processus d’injection de l’eau dans les puits pour faire augmenter la pression et amener le pétrole à la surface, puis de la séparation de l’eau et du brut. Ces eaux constituent un flux de déchets et sont traitées par une série de bassins de traitement, puis déversées dans un cours d’eau adjacent (Figure 1).

Figure 1 : Le cycle de l’eau produite (Extraite du livre « Eau et Energie » du Mastère OSE, chapitre 2)

Aujourd’hui, avec l’avancement des nouvelles technologies, les entreprises géothermiques sont en train d’explorer les moyens de convertir ces eaux en électricité renouvelable sans émission de carbone. Le fait que les puits de pétrole aient un potentiel de production géothermique a été récemment exploité par Dr David Blackwell avec la SMU (Southern Methodist University) et le premier test a été réalisé au centre de test Rocky Mountain Oilfield, Wyoming, Etats-Unis. Ce projet est soutenu par le Ministère de l’Énergie des États-Unis et une unité géothermique d’Ormat Technologies, exploitant la chaleur résiduelle, a été choisie pour la démonstration.

La production de l’électricité à partir de l’eau produite est fondée sur le fait que cette eau, après séparation du pétrole, a une température d’environ 90°C. Cette chaleur est recyclée pour chauffer un fluide secondaire, l’isopentane.

Celui-ci effectue un cycle de Rankine pour produire de l’électricité (Figure 2), avec refroidissement à l’air pour économiser l’eau ; l’eau résiduelle est réinjectée dans la formation.

Figure 2 : Le processus de production de l’électricité à partir des eaux usées des champs de pétrole (http://media.popularmechanics.com/images/oilfield-binary-

ormat-470-0.jpg)

Depuis que le système a été mis en service à temps plein en septembre 2008 à Rocky Mountain Oilfield, jusqu’à février 2009, le système de production a fonctionné plus de 90% du temps et a produit plus de 586 000 kWh d’électricité à partir de 0,35 millions de mètres cubes d’eau produite. La puissance moyenne est de 217 kilowatt en utilisant les eaux usées de huit puits de pétrole. Elle fournit environ 10% de l’électricité nécessaire pour pomper le pétrole provenant de puits du champ. Cela permet ainsi de réduire la facture d’électricité de la société, et par la même occasion de diminuer dans une certaine mesure, l’impact qu’a l’industrie pétrolière sur l’environnement.

Cette source d‘énergie est relativement «renouvelable» et propre car elle est créée par le processus d’extraction de l’huile elle-même

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Technologie

et le système n’émet pas de CO2. Pourtant Il ne s’agit pas d’une source naturelle, car elle cesse une fois que l’extraction du pétrole se termine.

Le potentiel de cette technologie n’est pas négligeable sachant que dans la plupart des champs de pétrole, la moitié du pétrole brut est extraite avec la méthode d’extraction à l’aide d’injection d’eau. Aux États-Unis, elle représente 50% de la production totale. Selon le Ministère de l’Energie des Etats-Unis, chaque baril de pétrole qui est pompé du gisement génère environ 10 barils l’eau, dont 71% sont susceptibles d’être réinjectés dans les puits ; cela donne une quantité d’eau chaude pour la production géothermique d’environ 0.13 millions de mètres cubes par jour. Ce potentiel deviendra plus important lorsque l’on prendra en compte l’eau produite dans les champs de gaz qui utilisent la même méthode d’extraction.

Bien que cette technologie permette aux entreprises pétrolières et gazières de réaliser des économies sur leur facture énergétique, et qu’elles envisagent le partenariat avec nombreuses sociétés géothermiques sur les projets d’énergie, George Alcorn, un oilman du Texas, dit que la plupart des entreprises de pétrole au Texas ne sont pas prêtes à intégrer cette technologie dans leurs opérations. Certains ont du mal avec la perspective de devoir modifier un champ en bon fonctionnement, tandis que d’autres préfèrent investir dans de nouveaux puits qui pourraient générer des bénéfices plus élevés.

Pourtant, selon Lyle Johnson, ingénieur de projet au centre de test Rocky Mountain Oilfield, toutes les conditions nécessaires pour l’implémentation d’un tel système sont là. Car les unités pouvant s’installer sur des puits de pétrole existants, les entreprises ne doivent pas investir dans des forages risqués ou dépenser de l’argent pour de nouvelles routes ou lignes de transmission. Au moins 30 entreprises pétrolières ont déjà visité le centre pour en apprendre davantage sur la technologie. Il nous reste à attendre et croire au futur de la géothermie des eaux usées des champs de pétrole.

Références :

1/ “DOE Introduces Big Oil to New Energy Source: Waste Heat Geothermal”, Susan Kraemer,Octobre 2009 http://cleantechnica.com/2009/10/04/doe-introduces-big-oil-to-newenergy-source-waste-heat-geothermal/

2/”RENEWABLE ENERGY: Oil industry waste could be geothermal treasure”, Phil Taylor, Mai 2010http://www.rmotc.doe.gov/PDFs/LandLetter_May2010.pdf

3/ “Co-Production: Geothermal Energy from Oilfield Waste Water”http://www.borealisgeopower.com/expertise/details/co-productiongeothermal-from-waste-water/

4/ “Eau et Energie”, le livre du Mastère OSE promo 2009, chapitre 2

5/”Oil Production Waste Stream: A Source of Electrical Power”, Thomas C. Anderson, Lyle A. Johnson et Everett D. Walker, Rocky Mountain Oilfield Testing Center, publié dans Renewable Energy World North America magazine, November 2009

Evénem

ent

Chaire Modélisation prospective au service du développement durable~ 14 ~

Mercredi 17 novembre 20109h15 - 16h15

MINES ParisTech60 Boulevard Saint Michel

75006 PARIS

Salles V111-V117

Journée de la Chaire Prospective pour les enjeux Energie-Climat

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Evénement

Programme

Accueil dès 8h45

9h15 - 9h30 : Introduction de la Journée de la ChaireNadia MAÏZI (directrice CMA) et Jean-Charles HOURCADE (directeur CIRED)

9h30 - 10h30 : Eléments de prospective de l’électricité, de ses usages et de sa gestionPrésident de séance : Bernard DELPECH (EDF)

Le véhicule électrique au risque des incertitudes des politiques publiques.Adrien VOGT-SCHILB (CIRED)

Qualité et fiabilité de la fourniture électrique : approche prospective pour l’île de la Réunion.Mathilde DROUINEAU (CMA)

10h30 - 10h45 : Pause café

10h45 - 11h45 : Outils de prospective des tensions sur l’eauPrésident de séance : Gilles GUERASSIMOFF (CMA)

Modéliser la gestion de l’eau face au changement climatique : les leçons d’un essai sur le bassin méditerranéen.Hypathie NASSOPOULOS (CIRED) et Patrice DUMAS (CIRED)

Analyse prospective des interactions Eau et Energie : modélisation de l’eau dans la famille des modèles TIMES.Stéphanie BOUCKAERT (CMA) et Aurélie DUBREUIL (CMA)

11h45 - 12h30 : Mise en perspectivePrésident de séance : Thierry CHAMBOLLE (Académie des Technologies)

Discutants : - Pascal BONNEFOI (SCHNEIDER ELECTRIC) - Franck JESUS (ADEME) - Philippe SCHULZ (RENAULT) - Philippe TANGUY (TOTAL) - Georges VALENTIS (VEOLIA)

12h30 - 13h45 : Déjeuner

13h45 - 16h15 : Les enjeux des négociations climat pour les pays à croissance rapidePrésident de séance : Jean-Eudes MONCOMBLE (CFE)

Les objectifs post Copenhague des pays émergents : regards croisés de scénarios prospectifs de TIAM-FR et d’IMACLIM.Nadia MAÏZI (CMA) et Jean-Charles HOURCADE (CIRED)

Enjeux climatiques et enjeux de développement en Chine.LIU Qiang (Energy Research Institute, China)

Discutants: - Richard BARON (AIE) - Priyadarshi SHUKLA (Indian institute of Management, Ahmedabad)

Chaire Modélisation prospective au service du développement durable

Contact

Nadia MAÏZIDirectrice du Centre de Mathématiques Appliquées (CMA)

MINES ParisTech / CMARue Claude DaunesseBP 20706904 Sophia Antipolis

Tel: +33(0)4 97 15 70 79 / Fax: +33(0)4 97 15 70 66Courriel: [email protected]

Jean-Charles HOURCADEDirecteur du Centre International de Recherche sur l’Environnement et le Développemenr (CIRED)

CIREDCampus du Jardin Tropical45 avenue de la Belle Gabrielle94736 Nogent sur Marne Cedex

Tel: +33(0)1 43 94 73 63 / Fax: +33(0)1 43 94 73 70Courriel: [email protected]

Site Web: http://www.modelisation-prospective.org

Contact de la Chaire: [email protected]