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À l'affiche

C'est le premier numéro de Cinémag ! Nous sommes très heureux de publier ce premier magasine virtuel. Chaque mois, en téléchargement libre, le magasine reviendra sur les films sortis à l'affiche, et proposera également un regard sur l'actualité du cinéma ainsi que son Histoire à travers des rubriques spéciales concoctées par l'équipe.Alors sans perdre un instant, feuilletez-nous !

+ de 20 critiques p.5

Conception et mise en pageJérémy

CouvertureBatcrusher de Jloy

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T h e D a r k K n i g h t R i s e s

La légende prend donc fin, dans un dernier tableau complétant un triptyque à l'obscure beauté, conjuguant avec maestria les tenants intellectuels plus matures qu'exigeait la mythologie très dense de l'homme chauve-souris et les aboutissants artistiques que cela impliquait nécessairement.Oui, Christopher Nolan a érigé pour jamais le chevalier noir comme symbole suprême dans la catégorie des (supers) héros, le plaçant en porte-étendard incandescent du blockbuster nouvelle génération, qui ne rime plus seulement avec profits indécents et lobotomie de masse, mais surtout avec divertissement dit « intelligent ». Un modèle du genre, en somme, qui, avec cette conclusion sous haute tension, assoit définitivement son leadership d'éveilleur de consciences face à un spectacle ne sacrifiant à rien d'autre que la qualité.

Batman Begins n'était pas complètement le reboot parfait, mais peu s'en faut, tant il a su relancer l'engouement autour du protecteur de Gotham avec une soif de renouveau que l'on n'avait pas vu depuis bien longtemps. Premier à tirer son épingle du jeu s'agissant des origines du héros, Nolan tisse une genèse âpre dans laquelle un homme plein de culpabilité affronte ses premiers démons sur fond de cauchemar urbain. Efficace, brillamment mené, mais pas exempt de défauts. Il faudra attendre The Dark Knight pour connaître l'uppercut, le vrai. La claque magistrale, sans fausse note, pleine d'une fureur dévastatrice mêlant aliénation pure et critique en miroir d'une société malade de l'intérieur, dans une ambiance anxiogène et fébrile. Un joyau cinématographique dont la superbe connaîtra peu d'égaux. Pas même se propre suite. Car si The Dark Knight Rises clôture en beauté l'ère Nolan, il ne parvient cependant pas à se hisser au niveau d'excellence de son prédécesseur.

Il est déjà formidable d'avoir réussi à tenir le pari fou de maintenir - voire de monter en puissance - le niveau

oilà. C'en est fini de l'ère Nolan. L'homme aux commandes du reboot le plus abouti de l'histoire de toutes les adaptations de comics au cinéma vient delivrer l'ultime volet de sa trilogie d'anthologie.V

• PAR ASHTRAY-GIRL

d'exigence sur trois films d'une franchise désormais illustre. Réussir la conclusion parfaite tenait de l'impossible en l'état.The Dark Knight Rises valse entre déchéance et renaissance. La chute d'un héros tombé en disgrâce, la renaissance d'un homme qui ne s'assume que sous le masque dont il n'est plus vraiment digne, et dont les peurs profondes le terrassent. Cantonné au rang de bouc-émissaire, réduit à néant, le chevalier noir doit, une nouvelle fois, apprendre à se relever de sa chute. Secondé par une galerie de personnages exemplaires, qu'il s'agisse des figures traditionnelles - Alfred, Fox, Gordon - de jeunes espoirs - Blake, Selina - ou de vilain - Bane - Batman achève son périple dans un Gotham pacifié au prix du mensonge, qui va de nouveau aller de mal en pis. Comme s'il refusait de léguer son background a qui que ce soit, Nolan dynamite sa cité, l'égratigne, la défigure, encore et encore, jusqu'à la laisser quasi exsangue. A mesure que le climax final approche, ce qu'il a érigé dans la décennie passée tombe en ruines, sous les coups de l'impitoyable Bane.

Difficile de passer après le Joker, habité par le regretté Heath Ledger. Pourtant, si l'on ne se prête pas au jeu des comparaisons, Tom Hardy s'en sort haut la main - autant qu'il est possible de le faire avec une moitié de visage en tous cas - dans le rôle de Bane, mercenaire aguerri, terroriste déterminé à (re)plonger Gotham dans le chaos. Propre à insuffler une terreur diffuse, la brute sous respirateur joue partiellement dans la même catégorie que le Joker - jusqu'au-boutiste et sans états d'âme - la folie en moins. Pourtant, si les attentats perpétrés par Bane sont de l'ordre de l'apocalypse, réservant par ailleurs quelques séquences d'anthologie, quelques-uns regretteront peut-être un manque de renouvellement s'agissant des desseins du super-vilain. Car en la matière, on a un peu la sensation d'un déjà-vu (mais autrement)...De même, la pénible renaissance de Batman fait elle aussi écho au premier volet, trop peut-être pour créer la surprise. En effet, à plusieurs reprises, et malgré une réelle fébrilité par rapport à ce final tant attendu, on aura la sensation de naviguer en terrain connu. Pas parce que les balises sont les mêmes, mais

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parce que l'histoire se répète.Enfin, le final reflète un certain manque de courage, qu'il m'est difficile de développer ici, sous peine de spoiler.

Nolan réussi malgré tout à maintenir son épopée dans une continuité de très bon ton, dont les rouages savamment pensés se mettent en branle avec application, s'imbriquant parfaitement pour parachever l'ensemble, finaliser sa cohésion indiscutable et faire définitivement entrer cette trilogie dans la légende. La mise en scène, pensée avec maestria, est irréprochable. Et comme si le scénario seul ne suffisait pas à ancrer l'ensemble dans le réel, comme un écho quasi prophétique à la crise sans précédent que le monde traverse aujourd'hui, la récente tragédie d'Aurora qui endeuille la sortie du film confère ironiquement à The Dark Knight Rises un surcroît d'exposition et de réalisme macabre, comme un témoignage sanglant de ce que la violence filmée engrange de clichés du terrorisme ordinaire, tout droit issu de nos systèmes gangrenés enfantant les pires déséquilibres. Les frères Nolan et David S. Goyer ne se contentent pas, d'ailleurs, de faire état d'une cité fictive secouée par des démonstrations armées hors normes, mais la place en métaphore directe des USA de l'après crise des subprimes, dans lesquels les écarts de richesse sont de plus en plus criants. Un arrière-plan soigné on l'aura compris, qui témoigne d'une volonté de faire de Batman un héros résolument moderne.

La galerie de personnages est hallucinante donc, parce que bien croqués et suffisamment co-existants à l'écran, mais les interprètes, eux, sont tout bonnement monstrueux. A commencer par Christian Bale, que l'on identifiera à jamais comme le chevalier noir, torturé à souhait, véritablement habité par le double personnage de Wayne/Batman, prétexte à une introspection quasi gémellaire faisant la part belle aux considérations coupables, et au sens aigu du sacrifice. Michael Caine, Morgan Freeman et Gary Oldman sont exemplaires, campant avec ferveur les soutiens indéfectibles du vengeur masqué. Mais c'est sans nul doute Anne Hathaway, Catwoman manipulatrice d'une sensualité maximale, et Joseph Gordon-Levitt, véritable révélation du film en disciple (idéologique) de Batman, qui tirent leur épingle du jeu, en s'imposant comme les figures incontournables de ce dernier volet.

Avec cette conclusion qui ne manque pas de panache, Nolan nous offre près de trois heures d'un spectacle sous haute tension, plein d'une intensité peu commune et d'un brio certain qui confine au chef-d'oeuvre dans sa globalité, porté par le score lui aussi épique de Hans Zimmer. Même si ce volet ne brillera pas (complètement) par son innovation qui l'aurait, de fait, approché de la perfection, The Dark Knight Rises élève le niveau vers des hauteurs vertigineuses, qui met à genoux le tout Hollywood dans sa moribonde course au box-office. Une trilogie de haute volée, indétrônable avant (jamais ?) longtemps. Bye Batman-Nolan. Et merci. •

Réalisé par Christopher Nolan • Avec Christian Bale, Michael Caine, Gary Oldman • américain • 2h45 • Date de sortie en France : 25 juillet 2012

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De la case à l'écran

Avant-propos

Dur, dur de consacrer un article à ce qui constitue désormais un genre vieux de 35 ans (vous pouvez demander au redac-chef, je lui rends cet article à 1 jour du bouclage et plus d'un mois après la date prévue). Avec près de 70 films pouvant s'affilier à la galaxie super-héroïque, il aurait fallu un livre entier pour décrire toutes les petites et grandes histoires, pour analyser chaque film et fournir un document complet sur les films de super-héros. En attendant un tel ouvrage, ce dossier tente une rétrospective exhaustive du genre, se penchant sur certains films, écumant son enthousiasme et sa mauvaise foi sur d'autres tout en prenant soin de parler un peu de toutes les tendances. L'ommission de certains films tient à la non-vision de ces derniers (les premiers Spiderman et Captain America ainsi que le Punisher de 1989 et celui de 2003 et Defendor).

D'hier à aujourd'hui

Il y a près de 70 ans, des rêveurs binoclards se ruaient dans les librairies du monde entier pour acheter en masse des comics. Dans ces pages bon marché, chaque semaine, s'étalaient dans des couleurs vives les exploits de surhommes, de justiciers costumés protégeant le monde du crime et de la vilenie Leurs noms étaient synonymes d'espoir, de vertu, de sagesse et d'aventure. Batman, Superman, Spiderman venaient de remplacer les cow-boys, soldats et autres aventuriers dans l'inconscient collectif et l'un des plus gros morceaux de la pop-culture était en marche.

2012. Les Avengers de Joss Whedon ont dépassés le milliard de dollars au box-office, The Amazing Spider-Man (Marc Webb – 2012) est la seconde adaptation de l'homme araignée et The Dark Knight Rises (Christopher Nolan – 2012) clôt en beauté la réinvention ultra-réaliste de Batman. Bref, il n'aura échappé à personne qu'en 70 ans, les super-héros ont plus que réussi leur mutation du papier à l'écran. Comme si les cases étaient devenues trop petites pour des héros de leur envergure, les surhommes ont conquis la plus grande case possible pour imposer leur loi aux spectateurs et au box-office pareils à une mafia en collants. Et le pire, c'est que ça marche et que nous en redemandons !

DC Comics ouvre le bal

Chronologiquement, tout commence d'abord à la télé dans les années 1950 avec les adaptations de Superman et Batman pour le petit écran. A l'époque, on ne prend pas trop au sérieux ces histoires abracadabrantesques de surhommes en collants qui volent ou utilisent des gadgets. D'où l'aspect parodique revendiqué de l'adaptation de Batman, avec onomatopées à l'écran, décors en carton-pâte et surréalisme kitsch. Le succès est au rendez-vous, surtout auprès des enfants, à tel point que l'adaptation

• PAR ADRIEN

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de la série, Batman – Le film (Leslie H.Martinson), sort en 1966. Mais ce qui peut être drôle durant 20 minutes chaque samedi devient alors une interminable curée d'1h40, nanar mou du genou insupportable qui en plus, vieillit très mal. Il marquera cependant la légende Batman en donnant du grain à moudre sur la supposée homosexualité de Batman et Robin. Et hop, dans le placard pour 13 ans !

En 1978, le premier super-héros fait lui une entrée fracassante sur le grand écran. Mis en scène par Richard Donner, Superman casse la baraque et impose une adaptation fidèle et fantastique de l'homme d'acier. Le film n'a d'ailleurs rien perdu de sa magie, de sa naïveté et de sa pureté. Malgré le poids des années, il est encore un modéle de story-telling et sa qualité à tous les

de Jack Nicholson en Joker, la musique complétement hors-sujet de Prince...) mais qui, contre toute attente, fonctionne et cartonne dans le monde entier prouvant, si besoin est, qu'un auteur peut s'épanouir au sein d'une oeuvre commerciale. La Warner rassurée, elle réengage ni une, ni deux Burton pour un deuxième épisode. Ce dernier hésite mais le studio lui offre une liberté telle qu'il rempile. Burton devient maître à bord et offre alors un chef d'oeuvre du genre : Batman – Le défi (1991). Avec de plus grandes marges de manoeuvre, plus de liberté et plus d'argent entre les mains, Tim Burton se lache complétement et offre une oeuvre très personnelle. Débarassé de l'installation de Batman, le réalisateur centre son intrigue sur les freaks : le Pingouin et Catwoman. La virtuosité visuelle du film est impressionnante, Gotham devenant une cité gothique à tomber par terre et le film s'autorisant plus d'humour et de maturité. Gonflé de sous-entendus sexuels, qui culmine dans une Catwoman sexy en diable, et traversé de scènes surréalistes (le climax du film est assez incroyable), Batman – Le défi va véritablement se poser comme une référence du genre. Mais si le succès est au rendez-vous, le film est l'assaut de critiques assassines qui reprochent à Burton d'avoir vampiriser le film et de ne pas savoir gérer son histoire (il est vrai que le script de ce Batman returns est légérement bancal). La violence et la sexualité du film sont également pointés du doigt si bien que Burton lâche l'affaire, jurant qu'on ne l'y reprendra plus. L'orage gronde sur la franchise et un tsunami du nom de Joel Schumacher s'approche pour ne pas arranger les choses.

Les années 1990 – Le petit laboratoire

Pendant ce temps, le genre super-héroïque prend un peu plus d'aises. Pas au point d'adapter les grands noms mais

niveaux lui vaut une place d'honneur dans l'histoire du genre. Le succès fut d'ailleurs tel que trois suites et un spin-off autour de Supergirl verront le jour les années suivantes, imposant la suprématie et l'exclusivité de Superman sur le genre pendant 10 ans.

Mais il faut se méfier de la chauve-souris qui dort ! En 1989, la Warner récupère les droits de Batman à la Fox et lance la production d'un film sous la houlette de Tim Burton. Contre vents et marées, ce dernier impose Michael Keaton en Bruce Wayne et intègre son univers biscornu et gothique dans l'urbanité gangsterienne de Gotham. Pas totalement libre, Burton répond aussi aux exigences de la commande et le film devient ce mélange étrange et séduisant entre héritage pulp (voulu par la Warner) et ambitions artistiques plus sombres. D'où un résultat un peu bancal où chacun fait un peu ce qu'il veut (le cabotinage sous cocaïne

suffisamment pour que quelques outsiders prennent le chemin des salles obscures. Sam Raimi monte son Darkman (1990), film atypique car il est l'un des très rares films de super-héros à ne pas adapter un comics. Déployant un univers plus sombre qu'à l'accoutumée mais très respectueux des codes du genre, Raimi compose avec les limites de son budget et une mythologie assez conventionnelle mais s'éclate visuellement et préfigure déjà, sans le savoir, son travail sur Spiderman (jusque dans certains plans, troublant dans leur mimétisme). Deux suites suivront en 1994 et 1996 mais sans Raimi. Disney produit de son côté Les Aventures de Rocketeer (Joe Johnston - 1991), divertissement sympa qui croise Indiana Jones et Iron Man dans une ambiance pulp et steampunk assez efficace. A la barre de ce film, on retrouve un certain Joe Johnston qui réalisera 20 ans plus tard... Captain America –

Revenons à Batman quelques secondes. Comme dit précèdemment, Burton jette l'éponge pour un troisième volet et la Warner engage Joel Schumacher. Pourquoi lui plus qu'un autre ? Oui... pourquoi lui en effet. Pourtant adoubé par Bob Kane (le créateur de Batman), ses deux adaptations font partie des pires films de super-héros jamais tournés ! Mettons que Batman Forever (1995) puisse encore trouver un peu d'indulgence, la production tenant encore la bride à Schumacher pour éviter la grosse catastrophe. Mais Batman et Robin (1997) ? Sérieux ! Car l'effet nocif du succès d'un film déjà pas terrible, c'est que si le réalisateur rempile, il a plus de liberté pour faire pire. Et Schumacher FAIT pire avec un humour de bac à sable, tous les acteurs en mode portnawak, une réalisation aux fraises, un script indigent et surtout, surtout la direction artistique la plus horrible de tous les temps. Tant d'argent pour des lampes fluos, des décors kitsch et des SFX foireux, ça tient presque du crime. Mais Schumacher (homosexuel avoué) cache à peine ses motivations, à savoir transformer l'univers de Batman en gigantesque boîte de nuit gay (les tétons sur le costume, les sous-entendus,...) prompte à vendre un max de jouets aux petits nenfants ! Bref, un cas d'école dans le genre blockbuster commercial et cynique qui condamnera le chevalier noir à 8 années (méritées) de piquet.

Les années 1990 vivotent donc entre le bon et le beaucoup moins bon mais sans vraiment définir une nouvelle tendance. Et puis, en 1998, Stephen Norrington adapte le vampire black Blade (héros Marvel) et c'est le carton (130 millions de dollars pour un budget de 45) ! Préfigurant la

First Avenger ! Et nul doute que sa nomination tient à Rocketeer tant les connexions sont

similaires entre les deux films. Six ans plus tard, c'est Spawn (Mark A.Z Dippe - 1997) qui fait un

saut sur le grand écran pour un film universellement vu comme un navet. C'est vrai

qu'entre un univers ultra-violent complètement aseptisé, des effets spéciaux dignes d'une

Nintendo 64, une réalisation de vidéo-clip métal et tous les éléments constituant d'un film

qui se font la malle, Spawn essuie les plâtres mais le film reste assez attachant dans le genre

nanar par son mauvais goût absolu. Un véritable plaisir coupable, aussi constituant des années 1990 que les vétements à motifs ethniques, la

veste en jean ou la sacoche-banane.

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génération Matrix (du hard-rock, des mecs cools, des univers undergrounds, des combats spectaculaires), Blade surprend son monde et allume, sans le savoir, la méche. Son succès commercial prouve aux studios qu'il y a peut-être de la thune à se faire avec les BD, Columbia lance alors Spider-Man (Sam Raimi – 2001) tandis que la Fox met en route X-Men (Brian Singer - 2000). Non seulement ce dernier cartonne plus que Blade (300 M$) mais Brian Singer livre une adaptation fidèle, intelligente et spectaculaire. La machine est lancée et la règle du jamais deux sans trois va se vérifier l'année suivante et mettre le feu aux poudres.

Les années 2000 - L'explosion

Car le film qui va véritablement asseoir la mode super-héroïque n'est autre que l'adaptation de Spider-Man. Le film de Sam Raimi (encore lui), par son succès monstrueux, va ouvrir la voie à quantité de transpositions des autres créations Marvel (dans une valse des droits et des options des studios assez phénoménale). Et pourtant, combien arriveront à atteindre le niveau de pureté de l'oeuvre de Raimi ? Nourri d'un amour profond du personnage, le réalisateur explore cette mythologie avec humour mais surtout respect tout en ne reniant rien de ses origines horrifiques. Parfois outrancier et peu subtil dans son découpage, Raimi transpose mine de rien à l'écran toute une grammaire comic-book avec une fidélité et une sincérité désarmante. D'où le spectaculaire, la naiveté et la pureté du film. Et encore, le premier épisode n'est qu'une gentille mise à bouche face à la tornade d'un second épisode plus sombre, plus dense et plus émouvant qui apparait comme un véritable film d'auteur à 200 millions de dollars. Quant au troisième épisode, qui continue de faire polémique, il offre une conclusion ultra-spectaculaire à cette saga d'anthologie. Moins profond mais d'une générosité absolue, le film boucle les grands arcs narratifs de la série avec brio. L'une des très grandes réussites du genre.

Mais les années 2000 ne vont pas être tendres avec les autres copains de Spider-man. Majoritairement tombés dans le giron de la Fox ou de la Columbia (pourtant respectivement productrices de X-Men et Spider-Man), les super-héros de la maison, des idées vont se suivre pendant près de 10 ans avec une rivalité dans la médiocrité assez hallucinante. Hulk (Ang Lee - 2003), Blade Trinity (David S.Goyer – 2004), Elektra (Rob Bowman - 2005 et spin-off de Daredevil), Les Quatre fantastiques (Tim Story - 2005), X-Men III (Brett Ratner – 2006), Ghost Rider (Mark Steven Johnson - 2007), Les Quatre fantastiques et le Surfer d'argent (Tim Story - 2007 et premier cross-over Marvel), X-Men Origins – Wolverine (Gavin Hood - 2009), .... Est-il besoin encore une fois de dire à quel point ces films sont ratés ou à côté de la plaque ? Des scénarios interchangeables, des B.O de soupe pop-rock, des acteurs à la ramasse, l'irrespect total des franchises, des productions faramineuses mais des résultats cheaps, cyniques et sans âme,.... Si on veut une preuve que le genre super-héroïque s'est bien foutu de notre gueule pendant quelques années, il suffit de jeter un oeil à la décennie passée. La seule bonne chose qu'aura apporté cette déferlante d'adaptations foireuses, c'est la reprise en main de ses bébés par la Marvel qui, catastrophée par les résultats, rachète ses franchises. D'où la quantité de reboots annoncés pour les années à venir. Allez hop, tout le monde à la maison !

Au milieu de tout ça, Brian Singer nous livre tout de même un X-men II (2003) supérieur au précédent épisode, Daredevil (Mark

Hellboy, de Guillermo Del Toro (2004)

Steven Johnson - 2003) fait figure d'honnète divertissement et Guillermo Del Toro signe le meilleur épisode de Blade (Blade II - 2001) tout en portant par deux fois Hellboy (2004 et 2008) à l'écran (échecs commerciaux mais grandes réussites artistiques).

Et pendant que Marvel fait marcher le tiroir-caisse avec quelques-uns des 5000 héros de son univers, DC (pourtant précurseur autrefois) tarde à se re-lancer dans la course... ou fait n'importe quoi ! Citons le navet Catwoman (réalisé en 2004 par le français Pitof, la honte...) qui mixe le sadomasochisme et le R'n'B pour un résultat proche de la patée pour chat : informe et nauséabond. Que le film ne respecte pas le personnage et l'univers investi parait dès lors presque anodin. Pendant ce temps, Batman se remet de sa gueule de bois et prépare son grand retour devant la caméra du prometteur Christopher Nolan. Le reste appartient désormais à l'histoire. Batman Begins (2005) réinvente la mythologie du chevalier noir sans jamais la trahir en propulsant le héros dans un univers ultra-réaliste, sombre et violent. The Dark Knight, le joyau de la série, laisse tout le monde K.O en 2008 avec son spectacle total, son Joker anthologique et sa virulente métaphore politique. Quant au récent The Dark Knight Rises, il clôt en beauté cette formidable et exemplaire trilogie qui risque de briller longtemps comme l'une des grandes sagas du cinéma. C'est bien simple, même ceux qui n'aiment pas les super-héros adorent !

Le fils de Krypton, lui, se voit offrir un retour plus polémique avec Superman returns (Brian Singer – 2006). A l'époque film le plus cher jamais produit et suite officieuse de Superman II (Richard Lester - 1980), Superman returns fait figure d'OVNI dans le genre. Durant près de trois heures, le film déroule une histoire solide mais d'une simplicité telle que tout le monde y a vu une vaste fumisterie. Ajoutons à cela des scènes d'actions rares, une attention poussée envers les personnages et le public fuit en masse cet hommage absolu d'un fan à son super-héros préféré. Aussi touchant que pur et naïf (comme le film de Donner), ce reboot déguisé se dévoile pourtant pleinement au fil des visions mais la Warner répond à l'ordre logique des chiffres (pourtant pas si mauvais) et des critiques et Superman returns ne relancera en rien la franchise. Parions cependant que Christopher Nolan (producteur) et Zack Snyder (réalisateur) nous préparent quelque chose de grand pour 2013, date de sortie du reboot Man of steel.

En 2008, Marvel Studios (désormais seule entité décideuse sur pas mal de ses personnages) lance discrétement le plan de communication le plus dément de l'histoire du cinéma. En

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sortant Iron Man (Jon Favreau - 2008), le producteur Kevin Feige (tel Nick Fury) teste la viabilité d'un futur projet Avengers. A savoir la sortie étalée de différents films consacrés à Hulk (L'Incroyable Hulk – Louis Letterier - 2008), Thor (Thor - Kenneth Brannagh – 2011) ou Captain America (Captain America – First Avenger – Joe Johnston - 2011) avant de réunir tout ce petit monde dans un seul et même film. Méga-cross-over, qui transpose au cinéma une dynamique de comics et de série télé (où chaque nouveau film ou suite s'avère légitime et tisse le même univers commun), Avengers tenait du fantasme de geek absolu. Un fantasme devenu réalité en 2012 grace à Joss Whedon et aux sous des fans.

Car au-delà du succès commercial (le cumul des recettes fait palir) de ce qu'on peut appeler aujourd'hui le Marvel Universe, c'est la qualité des films qui marque la nouvelle ère de Marvel au cinéma. On est certes loin d'un Dark Knight, d'un Spider-Man 2 ou de la saga Hellboy niveau mise en scène et thématiques mais question fun, Marvel se débrouille plus que bien. Impeccablement produits, les films du Marvel Universe réussissent à réunir les fans des héros et les novices dans une grande messe ultra-divertissante qui répond avec jubilation au cahier des charges du blockbuster. Explorant des voies parrallèles au simple film de super héros (l'héroic-fantasy, le film d'aventures, ...), chaque film Marvel 2.0 tire son épingle du jeu par un savant mélange d'humour et d'action et une quantité phénoménale d'easter-eggs disséminés pour asseoir la crédibilité de cet univers étendu. Les scénarios sont bons et les réalisateurs, sans être des auteurs, sont des artisans appliqués. Marvel ne réinvente pas du tout le film de super-héros mais s'y ballade avec une croyance absolue et une énergie rock'n'roublarde qui court tout le long des six films actuellement produits. Du blockbuster pas prise de tête, oui, mais du bon ! Et vu qu'on va sans taper six autres dans les quatre ans à venir, il vaut mieux être fan.

Au milieu de ces deux gros morceaux que sont le Marvel Universe et la saga Batman-Nolan, les deux sagas qui ont confirmés la tendance continuent de survivre dans leurs studios respectifs. Ainsi, X-Men vient de s'offrir une second jeunesse l'année dernière sous la caméra de Matthew Vaughn (Kick-Ass, Stardust, Layer cake,...) avec X-Men – Le commencement (2011). Intelligent et fun, malgré des défauts de fabrication évidents, le film est considéré comme l'un, si ce n'est le, meilleur épisode de la saga. Beau succès pour un film produit en moins d'un an (ce qui est TRES court) et par la Fox qui plus est. Spider-man, lui, se fait rebooter inutilement au bout de dix ans pour des questions de droits (et de gros sous) pour un résultat polémique sur lequel je ne m'épancherais pas plus (car tout est dit dans notre critique sur le site). Warner à aussi tenté d'imposer Green Lantern (Martin Campbell - 2011) mais l'affaire est grillée vu l'échec artistique (moins mauvais qu'on ne veut bien le dire) et commercial du film. Dommage pour la luciole, l'un des rares encapés à même de croiser le space-opéra et le film de super-héros.

Comédie, animations et lointains cousins

Bon, Batman et Spider-man, c'est bien gentil mais il ne faut pas oublier les outsiders, ces mecs lambdas qui décident de devenir super-héros ou ces super-héros malgré eux. Dans la catégorie, le spectre est large et plutôt récent mais la comédie est volontiers privilégiée comme axe d'attaque, analytique ou post-moderne. Dès 1998, Ben Stiller est ainsi à l'affiche de Mystery

men, adaptation d'un obscur comics qui mixe comédie et super-héros. Si le film n'est pas forcément indispensable, il est étonnament d'une grande ambition visuelle pour un pastiche revendiqué. Une gentille connerie très en avance sur son temps.

À l'inverse, on passe vite sur Super-héros movie (David Zucker - 2008), la parodie revendiquée du genre qui n'est qu'un piteux agrégats de gags pourris et vieillots (les ZAZ quoi...) doublé d'une direction artistique catastrophique. Un putain de navet. Attardons nous donc un peu plus sur Hancock (Peter Berg - 2008). Un film qui ne sait jamais vraiment si il est sérieux ou parodique, d'où son côté bancal mais sympathique. Will Smith s'éclate dans un rôle de héros alcoolo qui enchaine les dommages collatéraux et insulte tout le monde. Cependant, soucieux de son image, l'acteur (et donc le personnage) revient vite à celle du gendre idéal dans une normalisation assez irritante. Mais la romance impossible avec Charlize Theron, le déplacement des enjeux super-héroiques dans une réalité plus marquée et l'originalité de l'histoire emportent le morceau. Petit morceau certes, soufflant le chaud et le froid mais qui remplit agréablement son contrat.

Par contre, ceux qui mettent quasiment tout le monde d'accord, il faudra attendre respectivement 2009 et 2010 pour les voir. Watchmen – Les gardiens (Zack Snyder - 2009) tout d'abord, monumentale et mature adaptation de la bible des geeks ! Alors oui, ça ne prend pas beaucoup de risques en reproduisant case pour case le comics, c'est gavé de ralentis pompeux et c'est parfois ampoulé mais quel pied de voir s'animer la meilleure BD au monde ! Dans un univers uchronique d'une cohérence et d'une noirceur absolue, sur une histoire brillante et avec des personnages complexes, Snyder déploie toute l'ambiguité et l'intelligence de l'oeuvre de Moore et Gibbons dans un film passionnant qui questionne comme jamais la figure du super-héros. Le comics est une référence, surement ce qui s'est écrit de mieux dans le genre. Le film ne pouvait donc que déçevoir mais il n'en reste pas moins une excellente transposition.

Kick-Ass (Matthew Vaughn - 2010) préfère, lui, déconstruire cette figure super-héroïque dans un tourbillon post-moderne. Film culte avant même sa sortie, réalisé pendant que le comics s'écrivait, Kick-Ass raconte l'histoire d'un loser qui décide de mettre un costume et d'aller botter les culs des malfrats. Cheminement compliqué mais d'une insolence assez jubilatoire qui ne se moque jamais des super-héros mais fait redescendre sur Terre le mythe, Kick-Ass carbure au fun, à la violence décomplexée et au capital sympathie. Sa dimension ironique apporte un vent de fraicheur dans un genre souvent empesé dans le sérieux. A côté de ça, c'est un peu creux dans le fond mais ça reste éminemment sympathique.

Le super-héros en cartonKick-Ass, Matthew Vaughn (2010)

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The Green hornet (Michel Gondry – 2011) tente, lui, une greffe entre le genre super-héroïque, l'humour Apatow et le style Gondry. Pétard mouillé, le film n'est pas désagréable mais les forces en présence augurait d'un tel feu d'artifice que la déception est légitime. Peut être l'addition des talents n'a conduit qu'à l'annulation de ces derniers entre eux (Gondry et Rogen n'étaient souvent pas d'accord) mais le constat est là, The Green hornet avait tout pour être génial, il n'est que fréquentable. Une pure oeuvre de commande pour l'un des grands réalisateurs français.

Si on veut une petite perle dans le genre super-héros loser, on ira plutôt voir du côté de Super (James Gunn - 2011). Naviguant entre plusieurs genres sans jamais se disperser, Super est à la fois drôle, acide, violent, touchant et profond. Un film encore méconnu, qui enterre complétement Kick-Ass et qui est amené à devenir une véritable référence indépendante dans le futur. Un petit chef d'oeuvre.

Dans un autre genre, The Spirit (2008) de Frank Miller (grand nom des comics et créateur de Sin City) tentait de transposer l'univers du héros de Will Eisner via les techniques infographiques de 300 et Sin City mais le résultat incohérent, mou et étrange ne convainc ni les fans du genre, ni le grand public. Une bizarrerie que tout le monde a balayé depuis.

En début d'année, sorti de nulle part, nous pouvions aussi découvrir de l'inédit avec Chronicle, film en found-footage sur des ados se découvrant des super-pouvoirs. Blockbuster déguisé, profond et innovant dans les deux genres investis (le found footage et le film de super-héros), Chronicle était le sleeper de 2012 et mérite amplement sa place au panthéon des films de super-héros pour son approche audacieuse et réussie.

ça n'en reste pas moins spectaculaire, drôle et thématiquement intéressant sur bien des points. Et pour un Dreamworks, c'est déjà pas mal.

Et maintenant ?

The Avengers enfin devenu réalité, Batman prenant sa retraite.... Il y a de quoi se demander ce que nous réserve l'avenir question collants et super-pouvoirs. Ne vous inquiétez pas, les studios ont pensé à vous !

Rayon suites, chez Marvel vous reprendrez bien pour la troisième fois du Iron Man (Iron Man 3 - Shane Black – 2013) et pour la deuxième fois du Thor (Thor – The Dark world – Alan Taylor - 2013) et du Captain America (Captain America – The

« L'hybridation étant l'une des principales caractéristiques du genre super-héroïque - après avoir traversé l'héroic-fantasy, la science-fiction, la comédie, le found-footage - il fallait bien forcément un jour que l'animation s'attaque à ces figures surhumaines. »

L'hybridation étant l'une des principales caractéristiques du genre super-héroïque. Après avoir traversé l'héroic-fantasy, la science-fiction, la comédie, le found-footage, il fallait bien forcément un jour que l'animation s'attaque à ces figures surhumaines. Le premier à dégainé fut Pixar en 2004 avec Les Indestructibles. Comme on pouvait s'y attendre, le film est un chef d'oeuvre à tous les niveaux et l'un des meilleurs films de super-héros jamais produits. Mais le Megamind de Dreamworks, sur une veine plus parodique, n'est pas en reste en prenant un super-méchant rigolo pour anti-héros. C'est moins virtuose, moins maitrisé mais

Winter soldier – Joe et Anthony Russo - 2014). Bien évidemment, c'est en attendant Avengers 2 en 2015 qui intégrera aussi Ant-man (en 2014 sous la direction d'Edgar Wright, miam) et probablement les Guardians of the galaxy (une cohorte d'extra-terrestres super-héros) à l'équipe actuelle.

Bref, suivant sa logique de feuilleton sur grand-écran à base de spin-off, crossovers et suites en pagaille, le Marvel Universe s'étoffe pour un bon moment. Et c'est sans compter les reboots des Quatre fantastiques et de Daredevil par la maison mère !

La Fox, elle, prépare la suite de X-Men – Le commencement (toujours avec Matthew Vaughn aux manettes) ainsi que celle de Chronicle tout en tournant actuellement The Wolverine (James Mangold – 2013). Metropolitan mise sur Kick-Ass 2 tandis que Pixar travaille sur la suite des Indestructibles. La Columbia persiste dans sa volonté de rebooter Spider-man (après le peu concluant The Amazing Spider-Man) en lui offrant également une suite pour 2014.

Pour Ghost Rider, il vaut mieux lâcher l'affaire car l'aberrante purge signée Neveldine et Taylor (Ghost Rider – L'esprit de vengeance – 2012) en début d'année, en plus d'être un four cosmique, est l'arrêt de mort en bonne et due forme de la franchise. Tant mieux !

Chez DC-Warner , on se console de l'arrêt de Batman (après Harry Potter l'année dernière, ça doit pleurer chez eux) avec le reboot tant attendu de Superman qui augure déjà d'une franchise toute neuve si le succès est au rendez-vous.

Et on ne se base ici que sur les projets concrets à l'état de pré-production. Car si on élargit cela au cercle des rumeurs, on n'en

comics, jeux-vidéos et séries télé du genre) et les exigences de plus en plus pointues des spectateurs en la matière, on peut sentir pointer à vue la saturation d'un genre tout entier. Et ce si les producteurs venaient à trop tirer sur la corde pour quelques dollars de plus au détriment de la qualité. L'imaginaire geek n'a de raison d'être que doublé d'un recul sur ce qu'on nous propose. A nous, spectateurs, de ne pas être passifs et de rester vigilants car nous sommes ceux qui surveillont les gardiens.

Pour l'instant, Excelsior ! ■

sort plus avec les noms de Dr Strange, Wonder woman, Flash, Deadpool, La ligue des justiciers...

En définitive, la poule aux oeufs d'or se porte bien, merci, et les planches à billets n'ont pas fini de fonctionner pour transcrire sur grand écran les exploits des surhommes. Tout le monde semble pour l'instant s'y retrouver, entre studios détenteurs de franchises juteuses et public avide de fantastiques justiciers mais la question reste : pour combien de temps ? Car avec quatre films de super-héros par an en moyenne (sans compter les

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J'at tendrai...

e pointer au cinéma armé de sa carte

Pass, c'est un peu comme de se radiner en terrain conquis,

les mains dans les poches : l'on franchit les portes avec une

formidable impression de puissance, celle que nous

confère la notion scintillante de l'illimitation. Le sentiment

d'être un peu un spectateur V.I.P., l'idée alléchante que l'on

peut se pointer à peine dix minutes avant la séance, en

toute nonchalance. La conviction que le Pass nous fait

griller toutes les files, zappe l'attente, édulcore la "pré-

séance". Une impression de puissance, oui, mais un

mirage, en vérité.

Ici, à Orléans, Pathé règne en maître. Et entend

mener le jeu comme il l'entend. Ne souffrant d'aucune

autre concurrence que la sienne - mis à part le spectre

absolument terrifiant d'un irréductible cinéma de quartier

diffusant films d'art et d'essai et autres raretés en VO (et

résistant encore et toujours face à l'envahisseur) - le

mastodonte semble penser que la masse de spectateurs

anonymes que nous sommes peut - et doit - se contenter

de ce qu'il a à offrir. Mais, quand l'offre ne répond pas à la

demande, et que la demande ne créé pas vraiment l'offre,

qu'advient-il du service minimum requis?

Détentrice d'un précieux sésame aux couleurs du

distributeur, j'ai la naïveté de croire que la modique somme

dont je m'acquitte chaque mois (soit 20,90€) me donne

non seulement le droit d'assister à la projection en temps

et en heure, mais me confère aussi, par la même occasion,

quelques privilèges qui, s'ils ne me sont pas clairement dûs,

seraient néanmoins les bienvenus. De menus passes-droits,

en substance, rien qui n'excède, par exemple, une borne

Le billet d'humeur d'Ashtrayd'AshtrayS

Pathé, je ne t'aime plus mon amour...

1/5

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automatique réservée exclusivement aux abonnés,

m'évitant ainsi la corvée astreignante d'une file d'attente

sinueuse, informe, désordonnée, et complètement paumée

au moment d'entrer en contact avec la prodigieuse

machinerie dressée à délivrer tickets de cinéma et reçus

bancaires imprimés au dos d'une Mandise ou de Fruits à

Croquer gratuits chez McD... quand celle-ci fonctionne,

évidemment. C'est un dicton désormais contredit : ici, ça

n'est pas «jamais deux sans trois» mais bien plutôt «jamais

trois, mais deux». Ainsi, en règle générale, et

particulièrement les soirs de grande affluence, on peut

tabler sur 2 bornes sur 3. Pas si mal, me direz-vous, si l'on

met de côté les indécis, les néophytes en matière d'écrans

tactiles, les oublis de codes CB, les postulants aux

projections 3D ayant omis le fâcheux détail que pour

obtenir les fameuses lunettes, il faut fatalement passer par

le guichet, les réservations mal enregistrées, etc, etc, etc...

Et nous, ma pote et moi, notre Pass à la main, de compter

les minutes, l'attente se faisant de plus en plus longue

quand le début du film, lui, se fait imminent, écourtant

d'autant nos chances d'être assises avant l'extinction des

lumières...

Passer au guichet, alors, à l'ancienne, comme

avant ? Vous n'y pensez pas, malheureux ! Les

désagréments sont sensiblement les mêmes qu'aux bornes

automatiques, à ceci près qu'on ne peut dialoguer - et

donc, argumenter - avec une borne. Un guichetier, c'est un

interlocuteur en chair et en os, capable de ce fait

d'entendre griefs et réclamations quant aux tarifs

exhorbitants des billets, suppliques quant à l'absence du

bon justificatif pour bénéficier d'une réduction, requêtes et

délibérations quant au choix du film, etc, etc, etc... Et puis,

d'ailleurs, là non plus, ça n'avance pas. Et pour cause ! La

logique des êtres censés que nous sommes voudrait que,

devant la hausse du traffic dans ses salles - surtout en

période de vacances scolaires, semaines toujours un peu

casse-têtes - le nombre de guichetiers (et donc de guichets

ouverts) augmente lui aussi. Mais il n'en est rien. Non. En

revanche, il n'y a toujours qu'un accès possible aux salles,

désormais gardé par non pas un, ni deux, mais trois

2/5

Ô joie des bornes automatiques ! (sic)

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contrôleurs. Admettons.

Pourtant, tandis que nous attendons, que la file allant

jusqu'au guichet grossit, s'amplifie, déborde même sur les

autres files (celle des deux bornes valides, puis celle - en

serpentin - des futurs spectateurs munis, eux, de leur billet,

petits veinards), les contrôleurs n'ont rien (encore) à

contrôler... jusqu'à ce que, face à un hall plein à craquer,

vomissant ses hordes de cinéphiles affamés jusque sur le

parvis, au-dehors, la nécéssité de désemplir l'espace pour

en remplir d'autres, plus petits, plus sombres, se fasse

impérieuse, et qu'ils soient pris d'assaut.

Le E-billet, alors ? Sérieusement ? Et pourquoi,

d'abord ? Hormis pour les avants-premières, s'entend. Ou

les "grosses" sorties. Une double-sécu, en quelque sorte.

Ok. Mais un jour en semaine, pour un film sortit depuis

plusieurs jours déjà ? Et la place à l'imprévu, là-dedans ? Je

réserve ma place. Je valide donc le fait que, quoi qu'il

arrive, ce soir, je vais au cinéma. Et si jamais j'ai plus envie

d'y aller, hein ? Et si je sors trop tard du boulot, du resto ?

Et si je tombe en rade sur le chemin ? Et si je trouve pas de

place au parking ? Non, non. Avec le E-billet, je ne suis plus

actrice de ma séance, mais tributaire de ma réservation.

Nuance. Et puis, si j'ai pas de smartphone, je fais

comment ? Parce que, euh, oui, tout le monde n'a pas un

smartphone... 'voyez ? Non à la numérisation à outrance !

Non à la pixélisation de mon ticket de cinéma ! Non aux

files d'attente évitées ! Pardon, je m'égare, et j'en perd le

fil: éviter la cohue, c'est justement le propos...

Pendant ce temps, donc, alors que les contrôleurs

déchiquettent frénétiquement les tickets des chanceux

venus une demi-heure en avance (comment perdre du

temps pour en gagner...), les autres files, elles, ne bougent

qu'imperceptiblement, secouées par moments d'un

sursaut, d'un «aller en avant». Avant une nouvelle

stagnation. Et les minutes s'écoulent, de plus en plus

stressantes (quand l'on vient au ciné pour se détendre,

quelle ironie !), de plus en plus pressantes. Ma pote lance

des regards courroucés tout autour d'elle : si ça bloque,

c'est forcément qu'un boulet a tout planté, devant. Elle est

3/5

Non ! Oui ! Non ! Oui ! En fait non... ?De quoi je parle déjà ?

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à deux doigts de se manger les cheveux. Moi, de tourner

les talons, certaine qu'on va rater le coche. Et les questions

inquiètes et autres remarques amères fusent (entre nous

et autour de nous) :

"- Combien de places disponibles, encore ?

- Tu crois qu'ils vont lancer le film alors qu'on est encore

là ?

- Mais non, enfin, y'a encore trop de monde...

- Ca y est, on a loupé les bandes-annonces...

- Y'a quoi, autrement, à part ton film ?

- On attend encore 5 minutes, et on se barre.

- Ils peuvent pas continuer à vendre des places pour un film

déjà commencé, si ?

- Nan ! De toute façon, si le film est commencé, je pète un

scandale.

- Mais on paye pas, de toute façon, on a le Pass...

- C'est pas faux. N'empêche que si le film est commencé, je

me barre. On paye pas, de toute façon..."

De fil en aiguille, la foule se disloque, s'amenuise,

se réduit à peau de chagrin, par découragement, par dépit,

ou parce que, tout bêtement, et sans que ça en ait l'air, la

machine s'est mise en branle, et a matté l'invasion, portion

par portion. Les bandes-annonces sont terminées depuis

longtemps. Nous sommes dans la file depuis vingt minutes.

On parvient enfin à notre borne (l'autre est pas loin de

rendre l'âme, elle aussi), on tapote sur l'écran, on insère

notre carte Pass, on réceptionne notre billet. Vingt

secondes. Chacune. Chrono. Vingt... toutes petites...

secondes. C'est tout ce dont nous avions besoin pour avoir

le temps... de prendre notre temps. On passe le point de

contrôle, justificatif à la main, bonnes élèves. Question

laconique :

"- Le film a commencé ?"

Des fois qu'on pourrait se barrer, encore, dans un simulacre

de vaine rébéllion... Réponse du mec, encourageant (limite,

il te presse) :

"- Il vient juste de commencer ! Allez-y, c'est Salle 7, juste

au bout, à droite..."

4/5

Enfin, ma pote est pire que moi niveau paranoïa, je m'en fout elle lira pas. (Si... ?)

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Juste. Et moi je suis juste énervée. On se fraye un chemin

jusqu'à nos places, à la lueur de nos portables (oui, ils ont

même supplanté les lampes de poche, les bigophones),

tandis que les plans du générique d'intro se succèdent déjà

à l'écran, imperturbables dans leur logique de

divertissement... On lâche prise, déjà. Loin des turpitudes

de ce monde absurde dans lequel les bornes ne

fonctionnent qu'une fois sur trois.

Allez savoir, c'est peut-être ça, aujourd'hui, la

magie du cinéma.

5/5

Et je pèse mes mots,Ashtray

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Le Tableau de chasse

Andrew GarfieldSuzanne ClémentLéos Carax

• PAR SQUIZZZ

A

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l ne manquait plus qu’un blockbuster pour que le talent de la révélation de Boy A et The Social Network éclate aux yeux du grand public. En devenant le nouveau Spider-Man, Andrew Garfield prouve qu’il faudra désormais compter avec son nom.

IÀ même pas 29 ans, le jeune Andrew Garfield peut se targuer d’avoir déjà

une belle carrière derrière lui, et qui plus est sans fausse note. Né d’une mère anglaise et d’un père américain, il passera toute son enfance et son adolescence en Grande-Bretagne, et y fera ses premières armes en tant qu’acteur. Il débute sur les planches, en décrochant au passage deux prix, puis se tourne vers la télévision, où il apparaîtra dans plusieurs séries avant de tenir en 2007 le premier rôle du magnifique Boy A de John Crowley. Il y donne la réplique à Peter Mullan et y incarne un jeune homme tentant de se construire une nouvelle vie à sa sortie de prison. Sa prestation d’une rare justesse, empreinte d’une naïveté et d’une vulnérabilité bouleversantes, séduit unanimement le public et la critique, et est couronnée d’un BAFTA du meilleur acteur de télévision. La même année, Robert Redford le fait débuter au cinéma dans Lions et Agneaux, et le magazine Variety le classe numéro un des acteurs à suivre.

En 2009, il tient le rôle principal du premier épisode de la trilogie Red Riding, dans laquelle il se fait de nouveau remarquer en incarnant un jeune inspecteur viscéralement impliqué dans son enquête. Il tape ensuite dans l’œil de Terry Gilliam (L’Imaginarium du Docteur Parnassus) et Spike Jonze (le court I’m Here), avant de tenir l’un des rôles titre de Never let me go aux côtés de Carrey Mulligan et Keira Knightley. Si le film n’est pas une totale réussite et passera relativement inaperçu, Andrew Garfield subjugue et émeut encore une fois en jeune homme candide, dont l’amour est condamné par une destinée déjà tracée.Mais c’est bel et bien David Fincher qui va donner un sacré coup de pouce à la carrière du jeune acteur en lui offrant le rôle d’Eduardo Saverin dans The Social Network. S’il n’est que l’ex-ami en procès contre Zuckerberg, il arrive parfaitement à se faire une place à côté du rôle principal interprété Jesse Eisenberg. Il donne profondeur et envergure à un personnage qui aurait pourtant pu être lisse. Sa prestation est saluée par deux nominations, aux Golden Globes et aux BAFTA, et devient désormais la référence filmographique qui permet de le définir. Cependant elle risque de rapidement changer…

En effet, contre toute attente, en juillet 2010, alors même que le film de Fincher n’est pas encore sorti sur les écrans, Sony annonce qu’Andrew Garfield sera le nouveau Spider-Man. Voilà qui ravive l’intérêt pour ce reboot très décrié… tout en suscitant des interrogations sur ce choix osé. Andrew Garfield, acteur plutôt classé « indépendant » à la tête d’un blockbuster ? La sortie fait taire toute critique. Si le film divise, la presse est par contre unanime quant à la prestation de Garfield, qui fait de Peter Parker un ado toujours aussi tourmenté, mais moins marginal et plus humain, plus attachant mais avec ses zones d’ombres et une certaine prétention.Le jeune acteur avoue lui-même avoir hésité à accepter le rôle, par peur de la célébrité et de l’impact qu’elle pourrait avoir sur sa vision du monde. Si The Amazing Spider-Man risque effectivement de créer un tournant dans sa carrière, on peut compter sur Andrew Garfield pour continuer à la mener de manière aussi intelligente que jusqu’alors, comme en témoigne d’ailleurs son récent retour sur les planches à Broadway, avec la reprise de Mort d’un commis voyageur d’Arthur Miller. Une carrière à son image, partagée entre l’intimité de l’Europe et la grandeur des Etats-Unis, gouvernée avant tout par la qualité, la passion et l’émotion.

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ctrice populaire au Québec, Suzanne Clément se révèle aujourd’hui au public international grâce à son rôle dans Laurence Anyways de Xavier Dolan, couronné par un prix d’interprétation au dernier Festival de Cannes dans la catégorie « Un certain regard ».

A

Si le nom de Suzanne Clément nous était jusqu’ici inconnu en France, l’actrice québécoise d’une quarantaine d’années n’en est pas à son coup d’essai. Après avoir fait ses armes au Conservatoire d’art dramatique du Québec, elle entame une carrière éclectique entre théâtre, télévision et cinéma. Elle tiendra plusieurs rôles récurrents dans des séries dont notamment Sous le signe du lion, avant d’être l’héroïne pétillante des Hauts et les bas de Sophie Paquin qui lui fera remporter deux Gémeaux, récompenses de la télévision québécoise. Au théâtre, elle multipliera les personnages féminins des pièces de Tchekhov avant de briller en Nina dans une version revisitée de La Mouette. Au cinéma enfin, elle compte aujourd’hui quatorze films à son actif dont on retiendra notamment ses débuts dans Le Confessionnal de Robert Lepage, ses nominations aux Génie et Jutra du cinéma canadien et québécois grâce à son rôle dans L’Audition de Luc Picard, ou encore son rôle titre dans Trompez le silence de Julie Hivon.

Elle rencontre Xavier Dolan alors que celui-ci vient d’achever d’écrire, à 17 ans, son premier scénario. Elle soutient alors le jeune artiste qui peine à lancer la production de J’ai tué ma mère. C’est pendant le tournage du film, dans lequel elle interprète un personnage secondaire, que va naître le projet Laurence Anyways et que Xavier Dolan va lui offrir l’un des rôles principaux. En étroite collaboration avec le réalisateur, Suzanne Clément va développer pendant deux ans le personnage de Fred, une femme qui découvre un jour que son compagnon veut changer de sexe. Elle va lui apporter une profondeur et une nuance telles qu’au final son personnage va s’avérer bien plus complexe que celui de Laurence qui, s’il se heurte à de nombreuses difficultés, sait parfaitement qui il est et où il veut aller. Fred est quant à elle une femme complètement déchirée entre d’un côté sa passion pour Laurence et d’un autre la vie dont elle a toujours rêvée. Suzanne Clément livre une prestation bouleversante et d’une très grande justesse entre la dévotion totale de Fred pour Laurence et un égoïsme naturel. En somme, elle fait de Fred un personnage totalement humain. Sa prestation subjuguera le jury cannois de « Un certain regard », qui la récompense d’un prix d’interprétation.

Un rôle et un prix qui devraient lui ouvrir les portes du cinéma européen voir mondial, à l’image de son compatriote Marc-André Grondin. En attendant elle n’a pas mis entre parenthèse sa carrière québécoise tant sur le petit écran, avec la série Unité 9, que sur le grand puisqu’elle débutera à l’automne le tournage d’Amsterdam, premier long métrage d’un jeune cinéaste canadien, Stefan Miljevic. Et pour ceux qui n’auraient pas la patience d’attendre ces nouveaux projets, il est peut-être temps de découvrir le début déjà très riche de la carrière de Suzanne Clément.

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our à tour enfant prodige puis enfant maudit du cinéma français, le réalisateur de Boy Meets Girl signe avec Holy Motors sa renaissance cinématographique.

T

À 24 ans, il réalise son premier film (Boy Meets Girl) présenté à Cannes et salué par la critique. À 26 ans, il transforme l’essai avec Mauvais sang, bien accueilli par le public et couronné du Prix Louis Delluc. Leos Carax devient rapidement l’un des grands espoirs du cinéma français. En même temps, quand on choisit comme pseudonyme une anagramme mélangeant son vrai prénom (Alex) au nom de la plus célèbre des récompenses du septième art (comprenez Oscar), il vaut mieux tenir la route derrière pour éviter de passer pour un sale gosse prétentieux.

C’est pourtant ce qui va se passer par la suite. Fort de ses deux premiers longs-métrages, Carax se lance dans l’ambitieux projet des Amants du Pont-Neuf. Un Denis Lavant blessé, deux interruptions de tournage et une explosion du budget plus tard, le film sort enfin sur les écrans, mais ne remporte pas le succès escompté. Les Amants du Pont-Neuf et Leos Carax entrent dans la légende, mais pas la bonne, celles des films et des réalisateurs maudits.Ce n’est que huit ans plus tard que le cinéaste sort Pola X, libre adaptation de Pierre ou les ambiguïtés d’Herman Melville. Si le film est sélectionné à Cannes, il divise la critique et ne remporte pas l’adhésion du public. Débute alors la traversée du désert pour Carax qui disparaît des écrans pendant neuf ans, pour revenir en 2008 à travers le segment Merde du film Tokyo !. On ne le sait pas à l’époque mais ce court métrage, passé relativement inaperçu, annonce les prémices du retour du réalisateur…

Quatre ans plus tard, Carax est à nouveau à Cannes, en sélection officielle, ce qui ne fait qu’attiser la curiosité quant à son « come-back ». S’il repart bredouille, Holy Motors est salué à la quasi unanimité par la critique et signe la renaissance cinématographique de son auteur. Dans ce film ovni, le réalisateur crie son amour au cinéma tout en dressant un portrait pessimiste sur l’avenir du septième art. Et pourtant, la maestria de la mise en scène de cette expérience cinématographique inédite prouve justement le contraire. Le cinéma, tout comme Carax, peut peut-être mourir, mais pour mieux se relever et toujours étonner.Mais Holy Motors est aussi (et surtout ?) une introspection du cinéaste sur sa carrière. En multipliant les références et les regards sur son propre travail, Carax se livre, s’explique, donne une cohérence et un sens à son œuvre. Faut-il y voir un pied de nez aux critiques d’antan ou une volonté de partager avec le public la douleur d’une plaie qui fût difficile à panser ? La poésie et la mélancolie qui se dégage du film ferait plutôt pencher la balance pour la deuxième option. Dans tous les cas, Holy Motors prouve que le réalisateur n’a rien perdu de sa fougue, de son talent, de son inspiration et de sa singularité. Avec son dernier film, Carax sonne la fin d’une ère, mais parallèlement en ouvre une nouvelle qu’on lui souhaite moins chaotique, mais toujours aussi passionnée.

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