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OliviaDean

SEXYRIDER

Volume1

1.VivaLasVegas

ArrivéeauLucifer,unclubhuppédeVegas, jem’attendaisàretrouvermasœuretnonàtombersurlui.Sexyàsedamner,avecuneauradedangerauquelonaenviedesuccomber,cethommedontjeneconnaismêmepaslenomdégageuntelmagnétismequec'enestpresqueinsupportable.Etpasseulementparcequesoncorpsestparfaitementmisenvaleurparsoncostumedontlachemiselaisseentrevoir un sublime tatouage. C’est aussi et surtout son regard qui le rend si troublant. Ses yeuxm’enveloppent,meprennenttoutentièreetj’aimeça…malgrémoi.

–Les joueursde casino sont làparcequ'ils s'ennuient, affirmemon inconnuenmedévisageantavec insolence.Qu'ilsperdentouqu'ilsgagnent, ça leur est égal.Cequ'ilsveulent c'est tromper lamortàcoupd'adrénaline.Moijenem'ennuiejamais.

Jerestesaisieparsonassuranceetleregardesansriendire.

– C'est ce genre de regard étonné qui me prouve que vous êtes nouvelle à Vegas. Ceux quitravaillenticidepuisplusd'unansontdéjàblasés.Riennelessurprendplus.Quandjevousaivue,j'aipensé«tiens,voilàunangeégaréenenfer».Quellefauteavez-vouscommisepourêtrechasséeduparadis?

–Aucune, j’enaipeur, jesuissagecommeuneimage,répliqué-jeavantdeboireunegorgéedechampagnehistoired'éteindrelefeuquicommenceàm'embraserlesentrailles.

–J'aimeraisbienvoirça…

Cequej’ailudanssonregardàcemoment-làauraitdûmemettrelapuceàl’oreille.J’auraisdûfuirloinetvite.Maisjenel’aipasfait.

Commentensuis-jearrivéelà?

Toutacommencéquelquesjoursplustôt…

***

Huitheuresquejesuissurlarouteetjecommenceàtrépignerd’impatienceàl’idéededécouvrircette ville mythique, oasis artificielle bâtie sur un désert de sable. Je sais que j’ai pris la bonnedécisionet jeprofiteduvoyagepoursavourer lasensationdem’évaderversunenouvellevie.LasVegas,sescasinos,sespalaces,sonluxe,bientôtj’yserai!EtquellehâtederevoirJane!

C’estdécidé,j’arrivechezelle,jeprendsunedoucheetjel’inviteàdînerauGoldenGate!

Ilest19heureset,encettefinseptembre,lachaleuresttorridedansmonvieuxbreakChrysler.Jen’aipaslaclimetjesenslasueurperlersurmonfront.Plusjemerapproche,plusj’ail’impressionque le thermomètre grimpe, ce qui ajoute à ce voyage en terre inconnue un petit côté exotique et

sensuel…

Çayestj'ysuis!LasVegassetrouveauboutdelaroute.Depuisbientôtneufheuresquej'aiquittél'Utahetjesuisenmodesourireaupointquemeszygomatiquessontunpeutendus.Maisçaenvalaitla peine ! C'est la première fois que je ressens un tel sentiment de liberté, mêlé, c'est vrai, à unsoupçondecrainte.

Combien de fois, enfant, ai-je fixé le bout de l'Interstate 15 en me demandant ce qu'il y avaitderrière cette ligne d'horizon brûlante ? Jeme revois petite fille sage, appuyée à la barrière de lamaison, en train de regarder les camions chromés quitter la station-service de mes parents pours'élancerversl'inconnu.

Maiscommentaurais-jepuimaginerqu'àmoinsde800kilomètresdeSpringville,lapetitevilledel'Utahentouréedemontagnesverdoyantesoùj'aigrandi,pouvaits'étendrecedésertderocaille?Jeralentis.Unemainsur levolant, lecoudeappuyéà la fenêtreouverte, je laisse l'airchaudcaressermonvisageenadmirantcepaysagehallucinantoùlerougelaisseéclatersasuprématie.

On dirait qu'ici la nature s'est laissée aller à sa fantaisie. De grands blocs rocheux aux formesimprobablessedressentorgueilleusementversleciel.

Si je n'étais pas si pressée d'arriver je m'arrêterais bien pour admirer ce paysage à couper lesouffle.Mais j'aurai tout le temps de faire du tourisme une fois que je serai installée, et pour lemoment mieux vaut me concentrer sur la conduite, je n'ai pas envie de risquer un accident. Pasmaintenantquel'avenirs'ouvredevantmoi!

Soudain, un air connu s'échappe dema radio grésillante, me tire dema rêverie et me projettequelquesannéesplustôt.

«SingleLady»deBeyoncé!

Jemontelesonetcollelepiedauplancherdemonbolide,80kilomètres/heure,quellepuissancedefeu!Lemoteurgémitetmontredéjàdessignesdefaiblesse.Pourtantj’aiconfianceencettevieillecarlinguepourm’emmeneràbonport.Ah!Cettechansonmerappellemasœurjumellequim'attendàlagareroutière.

Jevaisenfinlaserrerdansmesbrasaprèsplusd'unandeséparation.

«SingleLady»,c'étaitnotrechanson,ànousdeuxquiétionssiproches,solidementliéesl'uneàl'autre.Janeetmoi,adolescentes,avonspassédesdimanchesentiersàreproduire,encachettedenosparents,lachorégraphieendiabléedelaDivadelaPop.

OhOh!OhOh!OhOhOhOh!

ÀSpringville,sinosparents,plutôtaustères,avaientsurprisleurspetitesfillesblondesentraindese déhancher comme des sauvageonnes sur cette musique du diable, ils nous auraient sucré latélévision!

Horreur,malheur!Notrefenêtresurlemonde.

Enfin, c’est ce que nous nous imaginions… En tout cas, j’ai, comme à l’époque, la sensationexcitante de transgresser un interdit. Et encore une fois c'est grâce à Jane ! Sans elle, je n'auraiscertainementpaseul’idéedepartir.Noussommesjumellesquoiquetrèsdifférentes.Lesmêmesyeuxverts illuminent notre visage et nous pouvons sans mal échanger nos vêtements cintrés, mais laressemblances'arrêtelà.

Àl'écoledéjàtoutlemondes'étonnaitdeladifférenceentrelesfillesStockton,lesjumellesdelastation-service. C'était un sujet de plaisanterie qui pourtant n'amusait guère mes parents et j'étaistoujourscitéeenexemple,parfoisinjustement,quandilsréprimandaientmasœur.J'étaispoureuxlasageChloétandisqueJanenetenaitpasenplaceetfaisaitvolontierslemurpourallerdanseràSaltLakeCity,laseulevillequ’ellejugeaitdignedecenomdanstoutlecomté.

Denousdeuxc'estellel'audacieuse,l'impétueuse,larévoltée!Janeestpleinedevie,intrépideetentêtée.Quandelleaune idéeen tête, il seraitplus faciled'inverser lecoursd'unfleuvequede luifairechangerd'avis.Ellen'ajamaissupportél'autoritéetlesinterditsetnes’enestjamaiscachée.Elleatoujoursrêvéd’autreshorizons,d’aventuresetderomanesque.Sesprétenduesbêtisesn’étaientenréalitéquelerefletdecettenaturefougueuseéprisedeliberté.

Elleatoujoursassuréqu'elledirait«ciao!»àSpringvilledèsqu'elleseraitmajeureetelleatenuparole.SortiedeHighSchoolà18anssansl’ombred’undiplôme,elleafaitplusieurspetitsboulots,serveuse,puisvendeuseàSaltLakeCity.Économisantdanslesecret,aprèsavoirfêtéses21ans,elles’esttirée,commepromis,pourfaireunroadtripdanslegrandOuestaméricain.

À l’époque, je l'avais regardée partir avec un mélange de fierté et de chagrin. Nous étionsinséparablesetelleauraitvouluquejelasuive.J’étaisd’autantplustentéequenousn’avionsjamaisétéséparéesbienlongtemps.Depuisletempsquejerêvaismoiaussidansmonforintérieurd'espaceetde liberté…Pourtant, jenepouvaism’empêcherdepenseràmesparentsetmedisaisquenotredépartàtouteslesdeuxseraitpoureuxunmalheursupplémentaire.Lavienelesavaitpasépargnés,jenepouvaismerésigneràleslaisserseuls,etj’avaisfinalementdécidéderesterauprèsd’eux.

Aprèslelycée,jen'avaispasenviedepoursuivremesétudes.Jen'aijamaisaimél'écolemêmesij'étaisuneélèveappliquée,plusconsciencieusequepassionnée.Ilfallaitdoncquejetrouveunboulot.Jetravaillaisd’abordcommecaissièredanslastation-servicefamilialelorsquej’aieul’opportunitéde suivre une formation de croupière à Salt Lake City dans une petite academy qui présentaitl’avantagedeplacersesélèvesencollaborantaveclescasinosducoin.J’aidesfacilitéspourlecalculmentaletmesuistoujoursamuséeàfairedesréussitesetautrestoursdecartes.Unbonmoyen,selonmoi,detuerl’ennuilorsquemasœurn’étaitpaslà.

Si ce n’était pas lemétier demes rêves, quelque chosepourtantme fascinait dans l’univers desjeuxd’argent.JemerappelaisencoredufilmdeScorsese,Casino,regardéenstreamingsurmonPCun soir d’hiver etm’imaginais des tas d’histoires demafia et de coups de poker. Je pouvais doncgagner ma vie tout en faisant preuve d’un peu d’originalité et sortir enfin du cocon familial quim’étouffait.Cechoix,biensûr,n’enchantaitguèremesparentsquiauraientpréféréqu’unedeleursfillesreprennelastationunjour,mais,faceàmadétermination,ilsavaientdûs’yrésoudre.

SixmoisaprèsledépartdeJane,dontnousneparlionsjamais,j'aitrouvémonpremierboulotdecroupièredansunpetitcasinoàSaltLakeCity.Jem’amusaisbeaucoup lorsdespartiesdepokeràobservercesbluffeursàlapetitesemaine.Ilsjouaientdessommesquirestaientmodestesmais,pourcertains,ilsarrivaientquandmêmeàtoutperdre.

Depuis ledépartdeJane, jeveillais sur«papaetmaman»chezqui je rentraispresque tous lessoirsmais,simaconscienceetmoncôtépetitefillemodèlemeretenaientauprèsd’eux,aufonddemoijerêvaissecrètementdem’enfuir.

Desoncôté,Janemedonnait régulièrementdesesnouvellesetelles’éclatait,preuvesà l’appui.Ellem'envoyait des selfies tous plus improbables les uns que les autres ! Jane guide àMonumentValley, Jane plagiste à Santa Monica, Jane auto-stoppeuse sur la Nationale. Finalement, selon ledernier selfie qu’elle m’a envoyé, elle est devenue serveuse dans un club sélect de Las Vegas, leLucifer!

LaclasseàVegas!

Aussi,quandellem’aappeléepourquejelaretrouve,entrel’enviedeprendreunnouveaudépartet cellede retrouvermasœuradorée, jen’aipashésitéetmadécisionaviteétéprise.Ellen’aeuaucunmalàmeconvaincredepartagersonappartement.Àl'encroire,àVegasonpeut trouverduboulot à tous les coinsde rue etmêmedevenirmilliardaire enunenuit. Je connaisma sœur et satendance à l'exagération, mais je suis d’une nature plus réservée, j’ai donc préféré assurer mesarrièresavantdefairelegrandsaut.J’aibesoind’unpeudesécuritépourmelancer,c’estmoncôtépragmatique et raisonnable. En tout cas, ça me rassure de le croire. J'ai donc trouvé une offred'emploipourunpostedecroupièreetj'aienvoyémacandidatureenlignesanstropycroire,malgrémapetiteexpérience.Maiscontretouteattente,l'unedesplusgrandeschaînesdeVegasm'arépondu.J'aipasséunentretienparSkypeet j'ai été engagée sur-le-champdansundes casinosdeVegas, lecasinoHanson.

Lerêveaméricain!

Enmoinsd'unesemainec'étaitbouclé.Lorsd’undîner,j'aiannoncélanouvelleàmesparentsquin’ontpassembléréagir,résignéscommed'habitude.Ilssesontcontentésdehausserlesépaulestoutenterminantensilencelesdoughnutsquej’avaisramenéspourledessert.J'aidémissionnédemonposteàSaltLakeCity,achetéunevoiture,etaprèsavoirrassembléquelquesaffairesj'aiprislarouteversl'ouest.

J'ail'impressiond'êtreunepionnière!

Tandis que j'aborde les faubourgs de Las Vegas, l'excitation monte d'un cran. Je traverse desrangéesdemobil-homes,devieillescahutesdéglinguéesenpleindésertdevantlesquelleslanguissentdesombreshumaines.

Un immense panneau indique «Welcome to Fabulous Las Vegas. Nevada. » Le tout en grosseslettrescolorées.Moncœurbonditd'impatience.Ilest20heures.Lejourcommenceàfaiblir,lanuittombequandsoudainlesmilleetunelumièresdelavilles'illuminentd'uncoup.Lesfaubourgs,puis

laville,lecontrasteestsaisissant.

Waouh!

J'avanceauralentisurleStrip,lacélèbreavenuebordéedebâtimentsgigantesquesetluxueux,tousplusloufoqueslesunsquelesautres,ettoujourscetteimpressiond’êtredansunfilm!Desenseigneslumineusesclignotentdetoutesparts,desécransgéantsdiffusentdesimagesdeshowsentrecoupésdepublicités, ilyadelamusiquepartoutet tellementd'informationsquidéfilent,quejemesensd’uncoupcommehypnotisée.

Vegasestunefoliearchitecturale.Lesmormonsquis’yinstallèrentlespremiersétaientsansdouteloindesedouterdecequedeviendraitcettebourgade,désormaisunedesvilles lesplusattractivesdesÉtats-Unis.

Jesorsdemarêveriequandjepénètredanslagareroutièreoùdoitm'attendreJane.Lesjambesengourdies jedescendsenfindevoitureavantdem'étirer encherchantmasœurdu regard. Jevaisenfinlaserrerdansmesbras,etànousdeuxlabellevie!Moncœurbatàtoutrompre.Jemedirigeversleguichet,notrepointderendez-vous,maisjenelavoispas.

JeluiaipourtantenvoyéunSMStoutàl'heurepourl'avertirdemonarrivéeimminentemaisellenem’apasrépondu.Elleexagère.Commed'habitudeelleestenretard.Elleauraitpufaireuneffortpourmonarrivée.Dix-huitmoisqu'onnes'estpasvues!Jenepeuxretenirunsourire,sacréeJane!C’estelletoutcraché!

Aprèsdelonguesminutesd’attente,jemeposesurunboutdetrottoiretmedécideàcomposersonnuméro.Lessonneriess'enchaînent,jetombesurlerépondeuretlaisseunmessageenessayantdenepaslaisserparaîtremonagacement.

L'heure tourne et toujours pas de Jane à l'horizon. Elle m'énerve. Même si je sais qu'elle estcapabledetoutetparticulièrementdezapperunrendez-vous–cen'estquelacentièmefoisetencorejesuismodeste!–jecommencesérieusementàm'inquiéter.Jetrépigneetlancedesregardsanxieuxautourdemoitoutenmordillantnerveusementmesongles.

Est-il possible d’être si tête en l’air ? La petite phrase qu’ellem’a dite la semaine dernièremerevienttoutd’uncoupetellesemblemaintenantprendretoutsonsens:«Notebienmonadresse.Ilvaut mieux que tu saches où j'habite, imagine qu'en venant te chercher je tombe nez à nez avecl'hommedemavie!»Maisbiensûr!Paslapeinederesterplanterlàvisiblement!Jemeredressed’unbondetd’unpasdécidéjefendslafouledesvisiteurspoursauterdansmavoiture.

Par chance l'appartement de Jane n'est pas très loin du Strip. Ma colère se transforme enfascinationàmesurequejetraverselesavenuesbruyantes.Unefoulevenuedumondeentiersepresseauxportesdescasinosétincelants.

JesuisàBabel!

Maisquellemerveille !Springvillemeparaît le vieux souvenir d’une carte postale jaunie alorsqu’icitoutbrilledemillefeux.Ilfaitnuitnoire,lesoleils'estcouchémaisonyvoitmieuxqu'enplein

jouretlatempératuredépassetoujoursles35degrés.

J'arrive enfin à l'angle deClarckAvenue et de la 7e Rue, où habite Jane.Après l'effervescencehystériqueduStrip,lapetiteruemesemblepresquepaisible.Jenesaispascommentjemedébrouillemais j'arrive à stationner devant l'immeuble, une petite bâtisse, apparemment sans prétention, àl'alluretranquille.

Lehallestaccueillant,sobreetélégant.Bétonbrossé,miroirs,grandesbaiesvitréesdonnantsurun jardin et plantes vertes sous un puits de lumière, l’intérieur semble être à la mesure de ladescriptionquemasœurm’enafait:«J'aiunsuperappartdansunerésidencesympa…»

Sympa,c’estuneuphémisme!Jesensquejevaismeplaireici.

Je cherche le nomdeStockton sur les boîtes aux lettres afin de trouver l'étage et le numérodel'appartementetm'engagedansl’escalierenmarbregris.Lemoinsqu'onpuissedirec'estquejenem’imaginaispasunendroitaussismart.

Devant la porte de l'appartement, j'hésite quelques secondes avant d’appuyer sur la sonnette. SiJaneestlà,ellen'estpeut-êtrepasseule.Jetendsl'oreille,maispeineperdue,jen'entendsrien!

Enfinsi!Latélévisiondel’appartementvoisin,dontlesonestpousséaumaximum.

Je sonnemaispersonneneme répond. J’essaie encored’appeler sur le téléphonede Janemais,commetoutàl’heure,jetombesursonrépondeur.Dépitée,jenelaissepasdemessageetsonneàlaported’àcôté.Lesvoisinspourrontpeut-êtremerenseigner…

Unevoixs'empressedecrier:

–Y'apersonne!

Quelaccueil!

Jemefigemais,aprèsquelquessecondesd'hésitation,jetrouvelecouragedecrier:

–Jesuisdésoléedevousdérangersitardmaisjevoudraisjusteunpetitrenseignement.

J’entendsmaugréerderrièrelaportemaislavoisinevientquandmêmem'ouvrir.Lacinquantaine,lescheveuxblondsséchésparlesdécolorationssuccessives,ellemefixed’unairsuspicieux.Mainssur les hanches dans un peignoir en satin panthère, elle mâche un chewing-gum, la télévisionvrombissantentoiledefond.

–Bonsoirmadame,commencé-je,décontenancéeparsonregardréprobateur.–Qu'est-cequevousvoulez?mepresse-t-ellesansménagement.– Juste savoir par hasard si vous connaissez votre voisine, Jane. C'est ma sœur. On devait se

retrouvercesoiretjem'étonne…

Lafemmesedétend,comprenantquejenevienspaspourelle.

–Dequoivousétonnez-vous?melance-t-elle.–Je…Est-cequevoussavezoùjepourraislatrouver?demandé-je.–Non,aucuneidée.Ellen'estpasrentréedepuisplusieursjours.Remarquez,riend'étonnantpour

lecoup.C'estpaslapremièrefois;votresœurs’absenterégulièrementetellechangesouventdepetitami,sivousvoyezcequejeveuxdire.

– Ah ? Non, je ne vois pas très bien, répliqué-je un peu gênée par les confidences de cetteobservatricevoisine.Désoléepourledérangementalors, j’avaisrendez-vousavecellecesoiret jepensaisquepeut-être…

–Jenepeuxpasvousdiregrand-chose, jenelaconnaisquetrèspeu,àpeinesionsecroisedetempsàautre.Mais jevaisdevoirvous laisser,medit-elle toutd’uncoupd’unairempressé.C’estbientôt mon feuilleton préféré et je ne raterais un épisode pour rien au monde. Au revoir,mademoiselle,etboncourage.

–Mercietbonnesoiréeàvous,ai-jeàpeineletempsderépondre.

Maisdéjàellerefermelaporteetjemeretrouveànouveauseuledanslecouloir.

Toujours est-il que je n’en sais pas plus. Comment Jane a-t-elle pu oublier que j’arrivaisaujourd’hui?Invraisemblable!Jem'attendaisàautrechosepourmonpremierjouràVegas.JesaisqueJaneestcapabledetout,surtoutsielleestamoureuse,maismeplanterlàsansmêmeunendroitoùdormir,c'estimpardonnable!

Elleneperdrienpourattendre…

Ilnemeresteplusqu'àpatientercommejel'aifaittantdefoisquandJanefilaitendoucependantlanuit. Je la connais. Elle va bien daigner rentrer d'ici quelques heures ou quelques jours… Je suisépuiséeetl'idéededormirdansmavoiturenem'enchanteguère.Maisquefaire?Pourlemoment,jenevaispasclaquerlepeud’économiesquimerestentpouralleràl’hôtel.

Çacommencebien!

Exténuée, désenchantée, je sens que la colère me gagne, j'attrape mon portable et compose unSMS:

[Jeteconseillederappliquerplusvitequeça.Jesuisenbasdecheztoi,jemeursdesoifetrêved’unedouche!Tasœur]

MerdeJane,oùes-tu?

2.Fullauroi

[Pardonpour l'accueil.Jesuispartiequelques joursavecunmec.Jesaisque tu tedébrouilleras.Toutvabien.Jeteraconteraiàmonretour.Biz.]

Jen'arrivetoujourspasàycroire,maisc'estbienmasœurquim'aenvoyéceSMS.Jel'aireçulesoirmêmedemonarrivée,voilàtroisjours,tandisquejepoireautaisdansmavoitureaupieddesonbelimmeuble.Mondésespoird'alorss'esttransforméenrageetj'airéponduillico:

[Vatefairevoir!]

Moiquirêvaisderetrouvaillesémouvantes,jesuisservie…

Depuis,rien.Ellen'amêmepasdaignérépondreetd'ailleurssonportableestsurmessagerie.Biensûr,Janeestlibredemenersaviecommeellel'entend,maisenfin,pourlecoup,jedoisbienadmettrequejesuisfranchementvexée.

Jepensaisnaïvementquej'auraisdroitàuntraitementspécial.Jecroyaisqu'elleétaitimpatientedeme revoir.Quand je pense que, par sa faute, j'ai passéma première nuit àVegas sur la banquettearrièredemaChrysler…Etencore,sicen’étaitqueça!Janesuitsesimpulsionscommetoujoursetpeuimporte!

P*****!Ellem'auratoutfait!

Dès le lendemain, à l'aube, j'ai décidé de trouver un endroit où me poser. Je n'étais pas trèsexigeante, justeun lit etunedouche,histoirede reprendre formehumaineavantdemeprésenteràmonboulotenfindejournée.J'aiécumélespetitesannoncesetc'estcommeçaquej'aiatterriici,auxportesdudésert,danscemobil-homeunpeubringuebalantmaisquiprésentel'avantaged'êtredansmonbudget.

100dollarslasemaine.Payableàl'avance.

Pas de voisin à proximité, pas d’éclairage public, juste le ciel au-dessus du désert, jeme laissealler,chaquesoir,enobservantlesétoilesquidansentàl’infiniau-dessusdematête.Lepropriétairenem'ariendemandédeparticulier,nifichedesalaire,niextraitdecasierjudiciaire.Parcontre,j'aihésitéàluidemanderlesien.Àmonavis,ildevaitêtrebienrempli,maisj'aipréférénepasm'attardersurcedétaild'autantqu'ilavaitunevagueressemblanceavecHanniballecannibale!Ilm'aprévenue:«Iciiln'yaquedeuxoptions:payorquit.»End'autrestermes,tupayesoùtutetires.

Çaalemérited'êtreclair.

J'espère que d'ici la prochaine traite, Jane se sera remise de son dernier coup de cœur et serarevenue!Maispourl'instant j'aimieuxàfairequederuminer.Ilfautquejemepréparepouraller

bosser.C'estmondeuxième jouraucasinoHansonet si jeneveuxpas retournerd'où jeviens j'aiintérêtàassurer.

Difficiledesemotiveraveccettechaleur!

Jesorsdeladoucheetjesuisdéjàennage.Jemontel'intensitéduventilateurpouravoirunpeuplusd’air.J’accuselecontrecoupduvoyageetj'aisomnoléunepartiedelamatinéeaprèsavoirbossétoutelasoirée.Parcontre,jecommenceàtrouvermesmarquesdansmonmobil-homesimplemaisarrangé avec goût, contrairement à ce que lesmanières rustres du propriétairem’avaient d’abordlaissépenser.J’ysuisaucalme,cequicontrasteaveclebourdonnementcontinueldelaville.

Lanatureicim’impressionneetjemeplaisdanscenouveaudécor.JesuisalléefaireuntourdansleRedRockCanyon, à une trentaine de kilomètres, hiermatin. J’ai été éblouie : des canyons auxteintes de rouille comme on en voit dans les westerns, des falaises escarpées et des valléesplongeantes,merappelantd’uncouplescoursd’histoirequej’avaissuivisaulycéeetpensaisavoiroubliés.

Unpanoramaàcouperlesoufflequel’onvisitepardessentierspédestrespeuplésdeserpentsetdelézards.Là,levacarmedesmachinesàsouscèdelaplaceausilencedesgrandeurs.Etpuismonjobmeplaîtetjecroisbienquej'aifaitbonneimpression.Seuleombreautableau,toujourspasdeJaneàl’horizon…

Aujourd'huijetravaillede15heuresà22heures,avecunepausede10minutesà18h30.Mêmesijen'aipasvraimentrécupéré,jesuispresséedereprendremonposteàlatabledeblackjacketdemereplongerdansl'ambianceducasino.

Excitanteetsurtoutclimatisée…

Aumoins,concentréesurmescartesfaceauxjoueursjenepensepasàJane,carmalgrétoutjenepeuxpasm'empêcherdem'inquiéterpourelle.Le restedu temps jesuispartagéeentreangoisseetcolère. Trois jours sans nouvelles, ça commence à faire long. Elle a peut-être vraiment croisél'hommedesavieaprèstout!

Commentluienvouloir?Elleestsipassionnée,ellefoncetêtebaissée,etn’apaspeurdefairedeserreurs,elle !Tandisquemoi, j’hésite, je tergiverse, jememéfieetneme livre jamais.Quand j’yrepense,jenecroispasêtretombéeamoureuseuneseulefois,jenemelaisseaucunechance.

Maisc’estbientroprisquédepenserparcettechaleur,ondevientviteaphasique.Jemeressaisisetsautedansunshortenjeanetuntopnoiràbretellesavantd'attacheràlava-vitemescheveux.Inutiledememaquillermaintenantetdefairelechignonréglementaire,aveccettechaleurtoutseraàrefaireàmonarrivée.Jemeprépareraisdanslesvestiairesaprèsavoirenfilématenuedecroupière.

Sansoublierdemettremonplanàexécution…

JesuispasséedevantleLuciferlelendemaindemonarrivée.LecluboùtravailleJaneétaitfermédepuis une semaine pour travauxmais il vient de rouvrir ses portes. Tout comme les casinos, cetétablissement appartient aux Hanson. Je suis bien décidée à aller y faire un tour dès aujourd’hui.

J'attrapemon unique robe de soirée, celle que je portais pour le bal de promo. Ce soir, après leservice,jel’enfileetj’yfaisunsaut.

Avecunpeudechance,elleysera…Lucifer,tuvasvoirdequelboisjemechauffe!

***

Cintréedansmontailleur-jupenoirj'accueillesobrementlesjoueursquirejoignentmatable.Unsourireàpeinevisible,unhochementdetête,unsignedelamainpourlesinviteràs'asseoir,etc'estparti.

Règled'orducroupier:concentrationetfroideuràtouteépreuve.

Saufquejesuismortedetrouille.Jusque-làj'étaisassignéeaublackjacketàlaroulette,deuxjeuxque jemaîtrise parfaitement,mais un des croupiers de lapokerroom s’est fait porter pâle etmonresponsablem’envoieleremplacer.

Je sens la tension quimonte. J'ai déjà géré des parties de poker dansma vie, c’était ce que jepréférais àSaltLakeCity,mais vu la taille des enjeux ici, pas trop le droit à l’erreur ! Je respirecalmementpournepaslaisserapparaîtremanervosité.Bon,ilfautquej’arriveàmeconcentrer,etsurtout pas de boulette !D'ordinaire, je parviens à faire abstraction de l'agitation alentourmais lapressionaiguisemessensetj'ail'impressiond'êtreaspiréeparlebrouhaha.

Commepresquetoujours,iln'yaquedeshommesautourdelatable.Bienquejen'aiepasencoredistribué la moindre carte, la partie a déjà commencé. Ce n'est pas un grand tournoi, aussi c'estplacementlibre.Jereconnais,enuncoupd'œil,lesnéophytesdesjoueursaguerris.Lesdébutantsseplacentn'importeoù.Lesmoinsmalinsseretrouventàmagauche,«underthegun»,etvontêtrelespremiersàprendrelamain.

Engénéralilsserontaussilespremiersàlaperdre…

J'assiste à la lutte sansmerciqui consiste à sepositionner à lameilleureplace, juste en facedubouton du donneur. Je fais de mon mieux pour conserver un visage de marbre pendant que lesjoueursempilentleursjetonsdevanteux.Alorsquejem'apprêteàdéclarerlapartieouvertejesuislittéralementfoudroyéeparleregarddel'hommequis'estassisenfacedemoi.

Deuxyeuxsombresetpénétrantsmefixentavecuneinsistanceàpeinesupportable.Alorsquejedevraisdéjàlancerlapartiejeresteparalysée,commeenvoûtée.

Cetypeauraitpumettredeslunettesnoires,unbermudaetunT-shirtcommelesautres,plutôtquececostume-cravatenoir.Sosexy!

Le joueur à ma droite, un type barbu, casquette vissée sur le crâne, marque déjà des signesd'impatience.Sesdoigts tapotentnerveusementsur lerebordde la table. Ilsemblemedire :«C'estpouraujourd'huioupourdemain?»Jetentedemeressaisirmaisvoilàquemoncœurs'emballe.

Aumoins190pulsationsminute…Sic'estpasdavantage!

Mesmains deviennent moites et mon ventre se tord.Mais c'est quoi ce truc ?! Cette sensationinédite, aussidélicieusequedéroutante,me fait perdremesmoyens.L'hommemedétailled’unairénigmatique.J'ail'impressiond'êtrenuesoussonregard.Maisqu’est-cequim’arrive?!J’ailecœurquibatlachamade,cen’estpasmoidutoutça!Jen’aipaspourhabitudedemelaissersubjuguerparlepremierinconnuquipasse!

C’estlemoinsqu’onpuissedire!

S’il pouvait regarder ailleurs, que jeme ressaisisse !Quoique… Je ne suis pas sûre d'en avoirenvie.D'unevoixenrouéeparl'émotiontoutenessayantdenepasbaisserlesyeux,jemereprendsetannoncelesrègles:

–Jevousdemanderai,messieurs,avantdeprendrelamain,d'annoncerclairementvosintentionsafinqu'iln'yaitpasdemalentendu.

Àpeineai-jeprononcécesmotsqu'unnouveléclairtraverselespupillesdel'inconnu.Unsourireamusés'étiresurseslèvrescharnuesdévoilantdesdentsd'uneblancheurdelait.Uncourtinstant,ilme transperce d’un regard intense. Je fais mine de ne pas m’en apercevoir pour garder macontenance.Ilalapeaumateetunebarbedetroisjours.Onpeutdirequ'ilsuitlesconsignesàlalettreetqu'ilm'annonceclairementlacouleur:ilmetrouveàsongoût!

Cettepenséedéclencheunedéchargeélectriquedanstoutmoncorps.Jevoudraisfuir,mecacherdansuncoinoumedissoudre,maisj'ail'impressionquejem'embrase.

Merde!Jedoisêtreaussirougequ'unasdecœur!

La partie commence. Je me recentre sur ce que j'ai à faire et distribue les cartes. Les joueursregardent discrètement leur jeu. L'inconnu jette un coup d'œil rapide au sien et recommence àm'observer,medévorant du regard à la dérobée. Il a l’air décontracté, cachant ses cartes, les brasrelâchéssurlatable.Autantlesautressemblenttendus,autantluiparaîtindifférent…saufàmoi!

Je ne peuxm'empêcher de le regarder en douce. J'ignore s'il est scandaleusement beauou justetellementatypiquequ'onnepeutvoirquelui.Iladescheveuxbrunsmi-longs,untatouages'échappedesachemiseblanche,pasasseztoutefoispourendistinguerlemotif.

Sontourarrive,sans lamoindrehésitation, il jettenégligemmentquelques jetonssur le tapis.Jeremarque ses longs doigts et les cinq points tatoués sur samain gauche entre le pouce et l'index.Tension à la table.Ça se couche ici, ça relance là. J'enprofite pour détailler ses traits puissants etharmonieux, sa mâchoire volontaire. Impossible de savoir ce qu'il pense. Mais assez pour êtretétanisée par autant de virilité mêlée à une assurance sans faille. Je manque de défaillir quand jedécouvrequ'ilvientdemesurprendrealorsquejeleregarde,fascinée.Ilfaitsemblantdenepasyprêterattentionetdeseconcentrersurlejeu.Ilestd’uncalmeolympientandisquelesautresjoueursmarquentdéjàleuragacement.Jesenslefeumemonterauxjoues.Quelcharmeinsolent,cetype!

Maisqu’est-cequiteprend,Chloé?Çanevapas?

Nouvelledistributiondecartes.Moi,siprofessionnelled'habitude,jecommetsuneerreur.Undes

joueurs, le barbu qui s'impatientait un peu plus tôt et qui, de surcroît, vient de perdre sa premièremise,s'énervecontremoi:

–Onn'estpasauclubMickeyici,c'estdusérieux.Jenesuispasdugenreàjoueràlatabled'unedébutante!

Jemeconfondsaussitôtenexcusesmaisl'hommequimefaitfaceetmedétailledepuisplusd'unquartd'heureprendmadéfense:

–Cen’estpasparcequevousallezperdrequ’ilfautvousmontrerinsultant,assènemoninconnu.

Puisseretournantversmoi:

– Il n'y apasmort d'homme,mademoiselle, reprend-il d'unevoix aussi gravequ'envoûtante, cen'estqu'unjeu.Gardezlecap.

Gardezlecap!Ilestdrôle,jel'aiperduparsafaute!

Je me ressaisis rapidement, la partie reprend tandis que des regards discrets mais non moinséloquents fusent entre nous. Je suis subjuguée par sa prestance, même si je n'en montre rien etparticulièrementimpressionnéeparl'habiletédesonjeu.Cetypeestàmillelieuesdesflambeursquejecroisehabituellement.Ilnejouepas«bien»,ilesttoutsimplementparfait!Encorequelquesmainsremportéesavecbrioetvoilàqu'ilselèved'unbond.Ilmefrôleaupassage.

–Àplus tard !me lance-t-il àvoixbasse surun tonmalicieux, cequine fait qu'augmenter soncharmeetmontrouble.

J'ignorequelleforcemepermetderesterprofessionnelle.Jefondslittéralement.Cethommemeplaît-ilà l'excèsoum'exaspère-t-ilplusencore?Jene répondspaset joue l'indifférence touten leregardants'éloigner.Ilestgrand,particulièrementsolide,etmarcheavecunbalancementdiscretdubassinquimerenverse.Avecautantd'élégancequededésinvoltureiltraverselecasino,toutlemondeleregarde,lafoules'ouvredevantluiets'agiteétrangement.J'ail'impressionqu'ilflottedansledécorsomptueuxentrelamoquettebleueauxmotifsdorésetleslustresmagistrauxduplafond.

Maisquiest-ilexactement?

***

Aprèsavoirreprismesespritsetpassélasoiréesansfairedebêtise,j’arriveauLucifer. Jen'osepas confier les clés de ma vieille Chrysler au voiturier. Il n'y a que des limousines dans la filed'attente!

Jefaisvraimenttache!

Jemegarecomme jepeuxdansune ruevoisineetmediriged'unpashésitantvers l'entrée.Ungrandcostaudencostumese tient justedevant, levisage fermé. Ilmedévisageavantdeme laisserrentrersansprononcerunmot.

Dansmalonguerobeécrue,vaporeuseetéchancréedansledosetsurlesépaules,jepénètredansle club.Cette robe était sans doute parfaite pour le bal de promo,mais ici àVegas j'ai l'air d'uneprincessedepacotille!Jen'enmènepaslargemaisj’avancecourageusementtandisquelecharmeduclub commence à produire ses effets. Ilme semble être revenue dans les années 1930.D’un styletotalementArtdéco,l'endroitesttrèséléganteteneffettrèssélect,l’illusionestparfaite.

Encoreunefois,Janen'apasmenti.

Lalumièredelasalleesttamisée.Seuleunedouchedelumièreéclairesurlascèneunechanteuseenfourreaurouge.Accompagnéed’unpianiste,ellereprenddesavoixchaudedesstandardsdejazzd’unautre temps, tandisqu’uncoupled’amoureuxdanse lascivement sur lapiste à côté.Les tablessontrempliesdemondeetdesrireslégersfusentçàetlàdansl’ambiancefeutrée.Àcôtédemoi,unetrèsbellefemmedansunerobecoutureimpriméezèbrecommandeunmojitoàundesserveurs.

Excentricité et élégance, tout ici respire le luxe et la volupté. Un homme, très classe dans uncostumegrissouris,s’approchedubar.Jemetournedececôtépourtenterdevoirsij’aperçoisJaneparmilesserveuses,maisnelatrouvepas.Jesensmonteruneboufféed’angoisse.

Jedécidedemerapprochermoiaussidubar.Avecunpeudechance, j’apprendraioùse trouveJane.Jem'installesuruntabouretetcommandeunBloodyMary.

Quelleaudace!

Pendantque lebarmanpréparemaboisson, je réfléchis à lameilleure façonde lui soutirerdesinformationssanspourautantluidirequejesuislasœurdeJane.Jenevoudraispaslamettredansl’embarrasdevantsescollèguesavecnospetitsproblèmesd’organisationfamiliale.

–C'estoffertparlamaisonpourfêterlafindestravaux,m'annoncelebarmanenmeservantmonverre.Commenttrouvez-vouslenouveauLucifer?medemande-t-ilensouriant.

–Magnifique!C'estbeaucoupmieuxqu'avant,réponds-jeavecaplombalorsquej'ignoreàquoipouvaientressemblerleslieux.

–Quinze joursde travaux, le tempsde faire l'extensionpour lanouvelleboîtemais çavalait lapeine.

–Ladernièrefoisquejesuisvenueuneserveusem'avaitpromisdemefairevisiter.Jane,jecrois,ellen'estpaslà?

–Ahoui,Jane!Uneblondeavecunpetitlionstylisétatouésurlepoignet.Elleadémissionnélasemainedernière,maisjemeferaisunplaisirdevousfairevisitermoi-même…

Quoi?Janeadémissionné?!

J'accuselecoup.J’ajouteduTabascodansmonBloodyMarypourmedonnerdelaforceetboisunpeupourtenterdemereprendre.

–Mais,elleatrouvéautrechose?demandé-jetandisquemagorgeseserred'inquiétude.–Jen'ensaisrien…Pourquoi?Çavousregarde?Ellevousapiquévotremec?Jemesouviens

d'unefillerentre-dedans.

Pasdedoutec'estbienelle!

–Ohnon,jel'avaistrouvéesympa,c'esttout,dis-jeleplusnaturellementpossible.

Maispourquoinem'a-t-ellepasprévenue?

Lebarmanfiles'occuperd'autresclients.Jenesaisplusquepenser, jesirotemoncocktailépicétoutenpensantquejedevraistrouveruneamorcepourouvrirunediscussionavecunedesserveuses,sait-onjamais?Maisaumomentoùjemelèvepourmedirigervers l’uned’elles, j’aperçoismonaffolantjoueurprèsdel’entréeduclub!Moncœurs'arrête.Jepaniquesanstropsavoirpourquoi.Niunenideux, jemerassiedsetm'agrippeaubar, têtebaisséeafinqu'ilnemevoiepas.Si jesuis là,c’estpourtrouverJane.

Surtout,nepasoublierl’ordredemespriorités…

Vingtsecondesplustard,unevoixvibrantemesortpourtantdematorpeur:

–Ilmesemblaitbienquec'étaitvous,memurmurel'inconnuens'asseyantàcôtédemoi.–Onseconnaît?lancé-jeenmetournantverslui.

Ahbravo!

L'hommes'accoudenégligemmentaubaretmefixe,unemainappuyéecontresajoue.Ilmelanceunsouriremagnétiquequiachèvedemedéstabiliser.Danslalumièrebleutéedesnéons,lesyeuxdumystérieuxjoueurbrûlentd'unfeusiardentqu'ilmesemblequejemeconsumesurplace.

Demainàlaune:«PremiercasdecombustionspontanéeauLucifer.Lavictimen'atoujourspasétéidentifiée.»

–Biententémaisjesaisquevousm'avezreconnu.Sivousvoulezunconseil,essayezdemaîtriserletremblementdevoslèvres,mechuchote-t-ilensepenchantversmoi.Onvoitquevousmentez.Or,leseulmoyenderésisteràVegas,c'estdesavoirmentirmieuxquelesautres.Jepeuxvousdonnerquelquesleçonsparticulièressivouslesouhaitez?

Ilestsiprèsdemoiquejesenssonsouffledansmoncou.Jesuisàdeuxdoigtsdedéfaillirmaisluttecourageusementcontremoi-même.Jem’écarteimmédiatementet,d'untonquej'auraissouhaitémoinssec,rétorqueenleregardantdroitdanslesyeux:

– Non je vous remercie, je devrais m'en sortir toute seule. D'ailleurs je suis attendue. Veuillezm'excuser.

Et jeme lève pour partir. Sans lamoindre hésitation l'homme pose samain surmon bras. Cecontactsurmapeaum'électrise.J'aipeurqu'ils'enrendecompteetjen’oseplusbouger.

–Vousbluffezencore,vousn'êtespasattendue.Parcontre,maintenant,vousêtesaccompagnée,meréplique-t-ilsûrdelui.

–Ahbonetparqui?demandé-jesurletondelavertuoutragéetoutenluifaisantface.

–Asseyez-vous, jevousenprie,me répond-ilun souriredésarmantaucoindes lèvres. Jevousoffreunverre.

–Vousnedoutezderien,dis-jetandisque,fuyantsonregard,jeluiobéisdéjà.

Quellerésistance!

–Ledouteestunepertedetempsetjen'enaipasbeaucoup.Autantalleràl'essentiel.Qu'enpensez-vous?

Et sans attendrema réponse, il commande une bouteille de champagne. Le barman le salue, ilsembleleconnaître.Unhabituésansdoute.Jefaisdemonmieuxpourjouerl'indifférentealorsquejetremble de toutmon être. J'évite de le regarder, mais l'inconnu persiste àme détailler sans gêne.Malgrémoijesensunfrissonmeparcourir.Sonaplombtoutenmemettantmalàl'aisemechavireétrangement.

C'estàn'yriencomprendre!Çavafinirparsevoirquej'exulte.

–C'étaitvotrepremièresoiréeàlatabledepoker?medemande-t-ilsoudain.–Icioui.Maisvousdevriezlesavoir,voussemblezêtreunhabitué,répliqué-jedutacautac.–Jefuisleshabitudes.C'estleseulmoyendegardersalibertéetj'ytiensbeaucoup.

J'attrape la coupequ’ilme tendetmanquede la renverser.Lui,ultra-sexy,dénoue sacravate ensouriantetdégrafelepremierboutondesachemiseavantdefairetintersonverrecontrelemien.Jenepeuxm’empêcherderegardersontatouagequisedévoileunpeuplus.J’entraperçoislesvolutessensuellesdecequej’avaisd’abordprispouruntribal.Descouleurssubtilesquejen’avaispasvuestoutàl’heureapparaissentsoussachemise.Ledessinauxtraitslégerssembled’inspirationjaponaise.Jecroisreconnaîtrelepelaged’untigre.

J’aicommeunefolleenviedevérifiertoutd’uncoup!

Ledessins’étireàdroitesursoncouetplongedanssachemise.Rienàvoiraveclespointssursamaingauche,sisimples.Àlafoissauvage,avecsonairsombreetsestatouages,etdistinguédanssoncostumeitalienàlacoupeparfaite,plusjeleregarde,plusjemesensirrésistiblementattirée.

Arrachersachemise…

Je tente, sansgrande conviction, de jouer la froideur et réplique avecun aplombqui n’a rien àenvieraurougequimemonteauxjoues.

– Refuser les habitudes, c’est accepter d’être un éternel débutant, le provoqué-je en remettantnégligemmentdel'ordredansmescheveuxlâchés.Jemedisaisaussiquevousétiezbienchanceuxàlatabledepokertoutàl’heure…

–N'est-cepas?C'estcequejemesuisditaussiquandjevousaivueaubar…Sij'aigagnéc'estparcequej'aihorreurdeperdre,continue-t-ilsurletondelaconfidence.

–Commen'importequeljoueur,c'estmêmepourçaqu'ilssontàVegas.Ilssonttouspersuadésderemporterlejackpotavantdes'écroulerenslipsurletrottoir.

–Cen’estpascequejeportedoncçanepeutpasm'arriver,lâche-t-ild’unairfaussementsérieux.

Jenepeuxm’empêcherd’esquisserunsourire.

–Non,ilssontlàparcequ'ilss'ennuient.Qu'ilsperdentouqu'ilsgagnent,çaleurestégal.Cequ'ilsveulentc'esttromperlamortàcoupd'adrénaline.Moijenem'ennuiejamais,dit-ilenmedévisageantavecinsolence.

Encoreunefoisjerestesaisiepartantd'impétuositéetleregardesansriendire.

–Etvoilà,continue-t-il,c'estcegenrederegardétonnéquimeprouvequevousêtesnouvelleàVegas.Ceuxquitravaillenticidepuisplusd'unansontdéjàblasés.Riennelessurprendplus.Quandje vous ai vue à la table de poker jeme suis demandé quel péché vous aviez commis pour vousretrouverlà?

–Aucun, j’enaipeur, je suis sagecommeune image, répliqué-jeavantdeboireunegorgéedechampagnehistoired'éteindrelefeuquicommenceàm'embraserlesentrailles.

–J'aimeraisbienvoirça…medit-ilsoudainens'approchantdemoi.

Si je suis étrangement attirée par son aura de danger indéfinissable il me semble bien quemaprétendue sagesse l'intrigue tout autant. Voudrait-il s'en assurer par hasard ?! Il plonge ses yeuxsombres au fond desmiens.Quel âge peut-il avoir ?La trentaine tout juste… Je bois aussitôt uneautre gorgée de champagne histoire de me rafraîchir. Ma température est bien au-dessus de lanormale.Ce type, avec sa sensualité débordante et sa virilité à faire pâlirApollonde jalousie,medonnelafièvre!Maisqu'est-cequejepourraisbienrépondrepournepasavoirl'airtotalementàsamerci?Letempssemblesuspendu.

–Jeconnaisd'autresmoyensd'exulterquejeseraisravidevousfairedécouvrir,reprend-ilalorsd’untonassuré.

Jerestesansvoix.Cethommeque jeconnaisàpeineesten traindemefairedesavancesonnepeutplusclairesetsembleliredansmespensées.Jesuissaisiepartantd'impudenceetleregarde,lesyeuxécarquillés,sansriendire,lesjouesenfeu.

Tandisqu'ilmesourit,àquelquescentimètresdemeslèvres,jesensmesentraillessetordresousl'impulsiondudésir.Undésirjamaiséprouvéjusqu'alorsquipourraitmeconduireàfaireunebêtisequejeregretteraisaussitôt!J’aiunefurieuseenviedel'embrasser.Jen'auraisqu’àtendreleslèvres…Jemereprends:

– Je suis sage commeune image, répété-je enmedétournant de lui avant d'ajouter :mais pourvotregouvernesachezquel'endroitd'oùjeviensn'arienduparadis.

À ces mots, un éclair traverse les yeux de l'inconnu. Ma réponse a l'air de lui plaire. Ça seconfirme, ilestséduitparmoncôté jeunefilleenfleur.Serait-ilsidéraisonnableque lasagesse lefascineàcepoint?

–Tantmieux,réplique-t-ilaprèsunsilence,ilparaîtqu'ons'yennuieterriblement!

Ilfaudraitsavoir!

Mais,jen'aipasletempsderépondrequedéjàunjeunehommefaitirruptionentrenousenriant.Vêtud'unblousonen jean, lescheveuxchâtainsenbataille, ildonneunebourradedans l'épauledemonséducteurdontlevisagetriangulaires'éclaire.Sonsourireestsifrancetnaturelqu’ilenferaitpresqueoublier l’hommemystérieuxqu’ilmesemblaitêtrelaminuted’avant.Ils'exclameaussitôt,jovial:

–Maisoùétais-tudoncpassé?!Tuesenretard!–Tunet’espasennuyéenm’attendant,ondirait,luirépondlejeunehommed’unairamuséenme

coulantunregardadmiratif.

Moi,justeunelubiepourpasserletemps,jen’oseycroire!

– Je vous présente mon petit frère, Owen, il devrait être couché à cette heure-ci mais c'est unincorrigiblefêtard,lance-t-il.

Àcestade,jem’attendaisàtoutsaufàcequ’ilmeprésentesonfrère.Aumoinsçaaleméritededétendre l’atmosphère qui devenait un peu trop explosive àmon goût. Owenme lance un regardamicaletassezcharmant.

–Enchanté,mademoiselle…–Chloé,meprésenté-je.– Malheureusement, je dois vous laisser, Chloé, s'excuse l'inconnu, mon frère et moi avons à

discuterd’affairesprivées.–Désolédevousinterrompre,glisseOwen,l’airmalicieux.

Ilsselèventtouslesdeuxetsedirigentversunescalier.

–Àtrèsbientôtdonc,Chloé,melancemonbelétrangerenmejetantunregardénigmatiqueavantdedisparaître.

Ilnem’amêmepasditsonnom.

3.Aumilieudesétoiles

Mon boulotme plaît,maître du jeu, quoi de plus excitant ?À la place que j’ai, la certitude detoujoursgagnerestunavantagesérieux.Quiplusest, lesalaireestplusquecorrectetonpeutdirequelescasinosHansonsaventrécompenserleursemployés.Jen’aijamaisétéaussilibredemavieetcettelibertémefaittournerlatête.Pourtant,unefoisseuledansmonmobil-home,j’aibiendumalàtrouverlesommeil.

Entremonmystérieuxjoueur,aussivitedisparu,etmasœurquejen’aitoujourspasrevue,jesuisdéboussolée.Jenereprendsmonsouffleetmoncalmequelorsdemesbaladesdansledésert.Maischaque chose en son temps ! Pour le moment il n’est pas question de rêvasser, je dois resterconcentrée.

–Faitesvosjeux!annoncé-je.

Àmoninvitationlesjoueursposentleursmises.Pendantcetemps,deboutdevantlaroulette,jenepeux,malgrémoi,m'empêcherdesonderlafouledansl'espoird'ytrouverJane.Voilàunesemainequejetravailleici,unesemainequejefaisletrajetentremonmobil-homeetleStrip,etquemasœurn’atoujourspasmontréleboutdesonnez.J'essayedemeraisonnermaisjeredoutemaintenantqu'illuisoitarrivéquelquechose.

–Lesjeuxsontfaits!annoncé-jeenlançantlaboule.

Lesjoueursautourdelatablefixentlabillequihésiteentrelerougeetlenoir.Moiaussidepuisplus d'une semaine, j'hésite entre colère et inquiétude. Je m'étais donné huit jours avant d'agir,persuadéequeJanefiniraitbienparsemanifester.Endésespoirdecause, j'aidécidédeprendreleschosesenmain.

Depuis avant-hier, je la cherche partout.Dans les bars, les boîtes de nuit et les casinos. 164 audernierdécompte,autantdirequejenesuispassortiedel'auberge!Partoutjerestesidéréeparcequeje vois. L'eau jaillit des fontaines magistrales et on trouve des jets d'eau aussi hauts que descathédrales,alorsquenoussommesenpleindésert.Audétourd'unerue,ontombesurdespyramides,des volcans – en éruption s'il vous plaît ! – , des vaisseaux de pirates et même la tour Eiffel !N'importequipeutsemarierdanslesdeuxheures,sansmêmesortirdesavoitureetonpeutmêmeavoirpourtémoinundesinnombrablessosiesd'ElvisPresley.

Plusoumoinsressemblant,ilestvrai.

Mais je suis également en train de découvrir l'autre visage de Sin City. La ville mythique estsurtoutpeupléedetouristesentongs,shortsfleurisetlunettesbonmarché.Àcettefoulebigarréesemêle le bruit incessant des sirènes des voitures de police. On croise d’inquiétants vagabonds, deshommesetdesfemmesquifouillentlespoubellesdeshôtelsdeluxe.

C’estaussiçaVegas,ladémesureentout,leluxequicôtoiel’extrêmepauvreté.Bizarrement,çanemechoquepas,àSaltLakeCity, lamisèrenesecacheplusdepuis longtemps.Quantàmoi, jefaistoujoursattentiondenejamaisgarermavieilleChryslertropprèsdesendroitsquejefréquenteenville.Jepasserégulièrementdevant lapyramideduLouxor,mepaieparfoisun tourengondoleauVenetian.

Jesaisbienqu’icitoutn’estpasrose,quelamafiaestpartout,c’estlepropredecetteville.Maisenmêmetemps,celamerappelletouscesvieuxfilmsquej’aivusdansmonenfance:deshistoiresdechercheurs d’or, de bandits de grand chemin, de truands au charme fou.Autant de fantasmes plussavoureuxqu’interdits.

Lespetitscaïdsd’aujourd’huiaffichentclairementleurschaînesenor,façonstardurap,maisoncontinuedevoirpasserd’élégantsmessieursencostumesgriffésdontcertainsn’ontrienàenvierauxparrains d’autrefois. Je frissonne à l’évocation des dangers qui m’environnent tout en prenant duplaisiràmemêleràlafauneenvironnante.

SaufquequandjepenseàcequiapuarriveràJane,lapaniquemenacedemegagneret,danscesmoments-là,LasVegasm’apparaît soussonpire jour. J’essaiedenepasme laissersubmergerparl’inquiétude,maisj’aideplusenplusdemalàlateniràdistance.Ellenerépondpasautéléphone,jen’aiaucunenouvelle.Etpirequetout,jesensquesonabsencen’estpasnormale.J’aiunlienspécialavecma jumelle, j’ai toujourscruques’ilyavaitunproblème, je le sentiraisdansmachair.Maispourunefoisj’espèremetromper.

Latensionmonteautourdelatableetmeramèneàlaréalité.Quandj'annonce«riennevaplus»enessayantdenepasyvoirunfunesteprésage,l'airsecharged'adrénaline.Untypeinsignifiant,sicen’estunlégerstrabismequin’arrangerienàl’ensemble,tented’attirermonattention,àgrandrenfortdeclinsd’œillourdementappuyés,etnes’adresseàmoiqu’enlouchantetenm’appelant:chérie!

Commencesérieusementàmetapersurlesnerfs,celui-là!

Sanscompterquejenepeuxm'empêcherdefairelacomparaisonaveclesublimeinconnuquiétaitàmatabledepokerl'autresoiretquimedévisageaitavecuneclasseinsolente.Depuisqu'ilm'aoffertceverreauLucifer j'aibiendumalàmelesortirducrâne.Rienàvoiraveccetyped’unebanalitétotale.Aucuneclasse,aucuncharme,rien.

Maisvoilàquelaroulettesestabilise,jedoisannoncerlerésultat:

–14,rougepairetmanque.–Tum’as porté chance,mapetite, exulte àmondésespoir le lourdingue qui vient de tripler sa

mise.

J'enraged'autantqu'ilpersisteàmeprovoquer.J'auraisdonnén'importequoipourqu’ilsefasseplumer,celui-là.

J’auraistruquélaroulette!

Pendantqu'ilramassegrossièrementlesplaquessurlatable,ilm'interpelledirectementd'unevoix

nasillarde:

–Hé,macocotte!Çatediraitd'arrondirtesfinsdemoisaveclebeauLarry?Jevaistemontrercequec'estqu'unhomme!

Jesuisauborddel'explosion.Jecherchedel'aideauprèsdemessupérieursquinesemblentpasvouloirréagir.Pire!L'und'euxmefaitcarrémentsignedegardermonsang-froidetderelancerunenouvelle partie.Rien d'étonnant en fin de compte, àVegas un gagnant est un gagnant, on le laissejouerjusqu'àcequ'ilperde…

–Monsieurjevouspriedesurveillervotrelangage,réponds-je toutdemêmepourasseoirmonautorité.

–Allez,faistourner,poulette!persistelebigleuxenlaissantfuserunriregrasbientôtrelayépard'autresjoueurs.

C’enesttrop!Jenesuispaslàpourmefaireinsulter.Jesensdeslarmesd'exaspérationmemonteraux yeux en même temps qu'une colère noire et m'apprête à remettre en place le malotru quandquelqu'unintervientpourmeportersecours.

Moncœurbatinstantanémentlachamade.Ceparfum!Impossibledel’oublier!Jetournelesyeuxet,plusencorequeladernièrefois, jesuissaisieparsoncharismeénigmatique.Vêtud'uncostumesombre,d'unechemiseblancheetd'unecravatenoire,encoreplusgrandquedansmonsouvenir,jeregarde fascinée mon mystérieux séducteur saisir le lourdaud par l'encolure et l'entraîner sansménagementverslasortie.Letoutsansunmot…

…Etsansmêmeunregardpourmoi!

Enmoinsdedeux,l’imbécileestneutralisé.D'ungestesouplemonbelinconnuluiatordulebrasderrièreledos.Entempsnormal,jesuisplutôtdugenreàcondamnertouteviolence,maiscettefoisje reste sidérée par la force tranquille de mon sauveur qui demeure le visage impénétrable maisdéterminé.

Uneagitationetdescommentairesadmiratifsplustardildisparaîtdemavue.Jecroiselesdoigtspourquemonsauveurréapparaisse,j'essayedel'apercevoir,maisdenouveauxjoueursarriventàmatable.Encoresouslechocdecetterencontreaussifugacequepalpitante,jetentedemeressaisirmaisjem'étonnequemessupérieursnesesoientpasinterposéspourempêcherunsimplejoueurd'envirerunautre…

Quipeut-ilbienêtrepourqu'onluimanifesteautantderespect?

***

20heures.J'aifinimonboulot,jerejoinslesvestiaires.Toutsemélangedansmatête:l'inquiétudepourmasœuretledésirfouderevoirl'hommequiaprismadéfenseetm'aévitédemefairevirertoutàl'heure.Jesuislessivée,pourtantl'idéemetraversedemerendreauLucifer.MaispourquoiaujustepuisqueJaneadémissionné?

Lavraiequestionseraitplutôt:pourqui?!

Interrompant lefildemespensées,despasrésonnentdans lecouloirdésertderrièremoi.Jemeretourneetmefigedanslaseconde:c'estlui!Danslecorridorétroitj'ail'impressionqu'iloccupetoutl'espace.Ils'avanceversmoid'unpasdécidé.

Quefait-ildanslesdépendancesdupersonnel?!M’a-t-ilsuivie?Malgrémoijenepeuxréprimerunfrissondecrainteetmefigecontrelemur.Jejetteuncoupd'œilauxcamérasdesurveillance.Aupire,s'iltentequelquechosecontremoi,onviendramesecourir.Ilarriveàmahauteur.Encoreunefoisceconcertdepulsationscardiaquestotalementhystériquesdansmapoitrine,cespapillonsdansmonventreetcesfourmisdanstousmesmembres!

Delapeuroududésir?Lesdeuxsansdoute…Deuxfacesd'unemêmepièce.

Il se poste devantmoi etme lanceun sourire à peineperceptiblemais totalement ravageur.Sesyeuxsefontpluscaressants.Ilestévidentquecetypesaitqu'ilestirrésistible!J'ailasensationquelaterre s'ouvre sous mes pieds. Subjuguée, je tente de fuir son regard mais y reviens comme unefatalité. Je me noie dans l'océan sombre de ses yeux. Ma respiration s'accélère et une déchargeélectriqueme foudroie quand, sûr de lui, il pose unemain contre lemur juste au-dessus demonépaule.Mefrôlantpresquelajoue,ilsepencheversmoi.Jedétournelesyeuxettombenezànezavecsonpoignet…Jeremarquequ'ilportedesboutonsdemanchettesenoravecdesinitialesgravéesquejen'aipasletempsdedistinguer.

–Jenevoulaispasvousfairepeurmaisvousemmenerdîner,m'informe-t-ild'unevoixgrave.

C'estuneinvitationouunordre?

Je le regarde à nouveaudroit dans les yeuxmais ne répondspas. J'en suis incapable.Autant devirilité,declasseconcentréeàquelquescentimètresdemeslèvresmeporteaumalaise.Jenesuispasaccoutumée à ce cocktail détonant de puissance, d'élégance et de désinvolture quim'attire pourtantcommeunaimant.

Maismerde,quem'arrive-t-il?!

Je lutte pour résister à mon instinct qui me guide tout droit vers ses lèvres. Je suis commepossédée,envoûtée,jenesaispasexactementdequoiilretournemaisjenesuisplusmoi-même…Deplusenplussubjuguée, j'hésiteentre la fuiteet l'abandon,mais restesilencieuseà le regarder.Unemèchebrunetombesursonlargefrontetvientsoulignerlabarreparfaitedesessourcils.

–DeuxfoisquejevouscroiseaucasinoHansonenmoinsd'unesemaine…Attentionvousprenezdeshabitudes,dis-jesansréfléchiralorsquejeretrouveunpeudesang-froid.

Merde!Maintenant,ilsaitquejen'airienoubliédenotreconversationauLucifer…

– Merci pour tout à l'heure, reprends-je. Ce type était vraiment insupportable, sans votreinterventionjecroisbienquejel'aurais…

–Jevousenprie,ilneméritaitpasmieux,jel’aijusteaidéàtrouverlasortie.Alors,vousvenez

dîneroupas?Cettepropositionvoustente?mesouffle-t-ilàl’oreille.

Désorientéeparsesmanièresplusquecavalièresjedemeurequelquessecondesdansl'expectative.Élégant,certainement,maissanslamoindreéducation,ilfautcroire!Jeneparviensvraimentpasàidentifiercequejeressensprécisément.Unmélanged'agacement,derévolteetd'admiration.

–Maisjeneconnaismêmepasvotrenom!medéfends-je.– Samuel Brooke, déclare-t-il avec un sourire en coin, me regardant d’un œil amusé. Et

maintenant,vousvenez?–Jedoispasserchezmoi,m'écrié-jesansbouger.

Ils’éloignebrusquementetmefixe,étonné.Jemetrompeouiln'apasnonplusl'habitudequ'onlui résiste ? Je ne lui ai pas dit oui et un voile de surprise indigné trouble son regard, le rendantencoreplusmagnétique.Durantquelquessecondes il sembleoffusquéparmonrefusd'obtempérer,puisunsourirefrémitsurseslèvres.

–Dansdeuxheuresdevantlecasino,m'annonce-t-ilsansmelaisserlechoix,avantdetournerlestalons.

Commentdit-ondéjà?Ahoui:lesjeuxsontfaits…

***

Qu'onseledise:SpeedyGonzalesn'estpaslasourislaplusrapidedudésert!C'estmoi!Jeviensdelabattreàplatecouture.Enmoinsdedeuxheuresj'aieuletempsderentreraumobil-home,demedoucher,dem'épiler,dememaquilleretmêmedemefairelesongles…

Etlasourisn’aplusqu’unehâte:tomberentrelesgriffesduchat!

Aprèsavoiressayéunedizainedetenuesplussexylesunesquelesautres,j'aifinalementoptépourunerobeàbretelles toutesimple.Ni tropcourte,ni tropdécolleté,mais légèreetplus rougequ'unpiment.

Quand j'arrivedevant lecasino, il est exactement22heures, etmoncœurestprêt à s’arrêterdebattre.Jetentedecontenirmontracmaisjetremblecommeunefeuille.Ets'iln'étaitpaslà?Ousiaucontraire il était vraiment au rendez-vous ? Je me demande ce qui serait le pire ! Je le cherchenéanmoinsdanslafoulebruyantedestouristesagglutinéssousl'enseignelumineuseduhalld’entrée.Uncolosseencostarddanscettemaréedeshortsdoitêtrefacilementidentifiable.Soudain,ilsurgitdevantmoivêtud'unjeansombre,d’unT-shirtnoiretd'unevestelégèreenlin.

Danscettetenuequiledévoilebienplusquesoncostume,ilesttoutsimplementrenversant!Lesgriffes du tigre que j’avais entraperçues se dessinent maintenant nettement dans son cou, dans undécorquisembles’étendresursonbrasdroitend'étrangescirconvolutionsbleutées.SamuelBrookepromènesurmoiceregardmystérieuxquimefaitfondre.Mescheveuxremontésenchignonflou,magorgedénudéesemblentnepaslelaisserindifférent.

–Vousêtestrèsbellecesoir,Chloé,medit-ilenmeprenanttendrementlamainpourm’emmener.

Surprise, je reste silencieusemais, presquemalgrémoi, je répondsparune légèrepression.Cecontactchaudetpuissantmedonneunfrissonlelongdelacolonne:jen’aipasditunmotquejemesensdéjàprêteàtout.

Chloé,ilesturgentquetuteressaisisses!

Nousmarchonsquelquesminutesdanslacohuedesgrandsboulevards,sansunmot,justesamaindans lamienne,etcetteassurancenouvellequemeconfèresaprésenceprèsdemoi.Àmongrandétonnement,nousentronsdanslehallmagistrald'unhôteldeluxe.Leplafondquidoitatteindrelestrentemètresestornéd'unemultitudedestrasslumineuxquimeforcentàplisserlespaupières.

Jerêveouilm'entraîneversl'ascenseur!Nonmaispourquiseprend-il!Horsdequestion!J'aiacceptéuneinvitationàdînerpourlemoment,pasplus!Jem’arrêtenet,m'apprêtantàluifairesavoirenquelquesmotsbiensentisque jenesuispas la fillequ'il s'imagine–celleque je rêved’êtreaufonddemoi,certes,maisquejenesuispasprêteàdevenirdesitôt!Ilseretourneet,croisantmonregardnoir,esquisseunsourireamusé.

–SurlaterrasseilyalemeilleurrestaurantdeVegas.Jen'aipasl'intentiondevousdévorer.–Jen'imaginaisriendetel!mens-je,offusquée,enrougissantjusqu'auxcheveux.

Nous entrons dans un petit ascenseur aux multiples miroirs, projetant nos reflets à l’infini. Lalumièreestchaudeetdiffuse,etl'attiranceentrenouspalpable.UnepianoinvisiblejouelaSonateauclairdelune.Uninstantdeparfaiteintimité.

Avecunparfaitinconnu.Jedeviensdingue!

Heureusementnousarrivonssurlaterrasse!Ilestencoretempsdetournerlestalonsmaisjen'enaipaslamoindreenvie.J'aidumalàcroirequejesuisencoreàLasVegas.Noussommesmaintenantdansunjardingréco-romainquelquepartentrePompéietSyracuse,unîlotdecalmeetdesensualité.C'estàpeinesionentendleclapotisd'unefontaineetquelquesnotesdejazzenfond.

Maisleplusétonnantc'estqu'iln'yapersonne!Noussommesseuls!D'abordimpressionnée,jemelaisseviteemporterparlamagiedulieu.Samuelmeconduitsousunepergolasoutenuepardescolonnes où pendent des voilages blancs qu'un air léger soulève. Il m'invite àm'installer sur unebanquetteautourd'unetabledéjàdresséeets'assoitenfacedemoiavantd'enleversaveste.

Jesensquejevaiscraquer!

Sontatouages'étireeneffetsursonépauledroite,disparaissantsouslamanchedesonT-shirt,puisréapparaissantpourcontinuersurtoutlebrasjusqu'aupoignet,encercles,entrelacsetvolutesquimedonnent furieusementenviede les suivreduboutdesdoigtscommeondéchiffreun labyrinthe.Lebras gauchen'est pas en reste : une aile colorée lui prend le biceps et descend jusqu'au coude, lesplumes semblent si douces et détailléesque j’ai enviede les toucher, de les caresser.Ledessin estmagnifique,medis-je,toutencherchantintérieurementdesexcusesàmacurieuseetsoudaineenvie!

JedécouvresoudainqueSamuelmefixedesesprunelles incandescentes.Je tentede leregarderdanslesyeux,maisc'estencoreplusdifficile.Ils'estrenducomptequejedétaillaissamusculatureet

lestatouagesquilamettentenvaleur.Jemesensdevenirécarlate.

Damned!

Lui en revanche semble particulièrement ravi de son effet. Toujours silencieux, il prendnonchalammentlabouteilledechampagnedansleseauetremplitnoscoupesavantdes'enfoncerdansla banquette, les bras étendus de chaque côté. C'est pire que tout ! Dans cette position, je ne peuxqu'admirerlesmusclesquitendentsonT-shirt.

Ilaétéphotoshopé,cen’estpaspossible!

– C'est normal qu'il n'y ait personne ? demandé-je dans l'espoir de censurer les imagesscandaleusesquimeviennentàl'esprit.Vousêtessûrquel'endroitestvraimentréputé?

–Personnellementj'aihorreurdubruitdescouvertsetdesserveursquis'agitentautourdemoi.J'ail'impression d'être au réfectoire… J'ai pensé que vous aspireriez vous aussi au calme après votrejournéeaucasino,j'aifaitprivatiserlelieu.

Délicateattention…

Jesuisforcéedereconnaîtrequecetaveum'impressionne!MaisquiadonclesmoyensdefaireuntrucpareilàpartBugsySiegel,quiestàl'originedecequ’estdevenuelavilledeLasVegas?Sijenem'abuse,c'étaitaussiunmafieuxnotoire,grandamateurdefemmes,depokeretdeflingues.J'aitropregardédefilmsmaisl'idéed'êtretombéesouslecharmed'unvoyoumefaitfrissonner.

Etpasquedecrainte!

–Ehbien,remarqué-je,vousavezdesméthodesradicalesquandquelquechosevousdéplaît…–Quandquelquechosemeplaîtaussi,merépond-ilcalmementsansmelâcherduregard.

Une nouvelle bouffée de chaleurmemonte au visage. Je tente de remettre en place unemècherebelle,histoiredemedonnerunecontenance.Pourtant,inutiledejouerl'effarouchée,àl'évidenceilnem'apasinvitéepourparlerchiffons.Jem'endoutaisunpeumaisjenem'attendaispasàcequeleschosessoientsiclairesd'emblée!Jevidemacoupedechampagnepresqued'untrait.Jenesuisplussûredutoutd'assumermesdésirsetencoremoinslesactesquiendécoulent…

Maisjen'aipasenviedem'enfuir,loindelà.Etc'estçaquim'inquiète…

–Vous aimez le caviar, j'espère ?medemande-t-il sans transition enmemontrant une coupellepleineàrasborddepetitsœufssombresainsiqu'uneassiettedetoastsminuscules.

Jen'ensaisriendutoutmaispuisqu’ilfautmentir…

–J'adore!Jepourraisenmangeraupetitdéjeuner,répliqué-jeenmeressaisissant.

Etjeplongemacuillèredirectementdansleramequinavantdelaporteràmaboucheavecentrain.Jefermelesyeuxpourmieuxsavourercedélicetandisquelesexquisespetitesbullesgrisesroulentets’écrasentdansmabouche.Jenepeuxréprimerunsoupirdesatisfaction.

Jesuisfoutue!

Ilmeregardeattendrietamusé,apparemmentsouslecharme.

–Vous habitez àVegas ? demandé-je ragaillardie par son sourire tout en profitant demapetitevictoire.

Quinedurequetrèspeudetemps.Ils'assombritànouveau.

–Non.J'aihorreurdecetteville.Cen'estquedubluff.Unempiredecarton-pâteconstruitsurdusablemouvantquiengloutitceuxquis'yattardent,meréplique-t-ilfroidement.Moij'aimeleréel.

Etilplongesesyeuxaufonddesmiensaucasoùjen'auraispassaisilesous-entendu.Jetentedesoutenirsonregardlepluslongtempspossiblemaisfinisparcéder.Non,vraiment,j'ail’impressiond’êtrepriseaupiège.

Etj’adoreça!

–Pourquoiêtes-vouslàalors?Pourrendrevisiteàvotrejeunefrère.Owen,c'estça?

Jesensqu'ilhésite.L'aurais-jedéstabilisé?

–Entreautres,maisjesuisd'abordicipouraffaires.Jenefaisquepasser,merépond-il.–Quelgenred'affaires?demandé-jeunpeuinquiète.

DestrucsàlaBugsySiegel?!

Ilsemblesurprisdemoninsistancemaisfinitparm'annoncer,désinvolte:

–Jesuisreprésentantenclays.–Vousvendezdesjetons?Trèsdrôle!réponds-je,sanschercheràcachermonairdubitatif.–Vousnemecroyezpas?dit-ilenprenantunairfaussementcontrit.–Ehbienj'aiunpeudemalàvraidire.

Unreprésentantenjetons?...

–JepeuxvousproposerdesmodèlescollectorenBakéliteetmêmeenosdebison.Jepourraisvouslesprésenteraprèsledînersiçavousintéresse…

…Quiprivatisedesrestaurants!

Commes'ilregrettaitd'êtreallétroploin,Samuelchangeaussitôtdetonetmeditd'unevoixdoucequejeneluiconnaissaispasencore:

–JesuistatoueuràSanFrancisco.JenesuisàVegasquedepuisunesemaine.

Ah,jepréfèreça!Maispeut-êtremebalade-t-il?

–Est-cequevousvousmoquezencoredemoi?répliqué-jeenluifaisantface.–Non,pasdu tout,m'assure-t-ilenmeservantunenouvellecoupedechampagne.J'aimontéun

salonavecDean,monamietpartenaire,etnotreaffaire tourneplutôtbienaujourd’hui.Pourtantcen’étaitpasgagnéd’avance.Quandonaouvert, j’étais tellementexcitéque j’aicommencéà tatouermonpremierclientsansm’apercevoirquej’avaisoubliél’encre!Çam’apristrentesecondesavantdem’enapercevoir.Heureusementquec’étaitsonépaule,ilnes’enestpasrenducompte,meraconte-t-ilsuruntontragi-comique.

Jelaisseéchapperunéclatderire.

–Aujourd’hui, iln’yaqueDeanque j’autoriseàdessinersurmoi.Lespreuvesdeson talentsetrouventsousvosyeux,s’amuse-t-ilenouvrantlesbraspourmemontrersestatouages.

–Oui,eneffet,murmuré-jetoutendétournantlesyeuxdececorpstropparfait.–Vousaimezlestatouages?medemande-t-ilplongeantintensémentsesyeuxdanslesmiens.– Les vôtres sont magnifiques, enfin ce que je peux en voir, m’exclamé-je avec un peu trop

d’enthousiasme.

Maisqu’est-cequiteprend,Chloé,tuasperdulatête?

–Ilsontunesignificationparticulière?reprends-jed’unevoixquiseveutposée.–Biensûr…Mêmesiletatouageestunemode,çaresteunefaçondemarquersonindividualité.

Personnellement, tous les moments forts de mon existence sont inscrits dans ma chair au proprecommeaufiguré…Celui-làparexemple,continue-t-ilenpassantsamainsursonbrasgauche,c'estl'undespremiers.Jemesuisfaittatoueruneailedecondoralorsquejemesentaisclouéausoldansl'espoirfoudem'envoler…meconfie-t-ilalorsqu’unvoiledetristessetraversesonregard.

Pourlapremièrefoisdelasoirée,ilmesemblequeSamuelBrooken'estpasuniquementl'hommesûr de lui et un peu brusque qu'il veut laisser paraître.Cette impression ne fait qu'augmentermontrouble etma curiosité. En le voyant toucher sa peau, une folle envie d'en faire autant s'empare ànouveaudemoi.J'aienviedelecaresser,desentirsesmusclessousmesdoigtsetdedécouvrirsesautrestatouages.

Son regard sur moi se fait plus tendre mais aussi plus insistant. Il promène ses yeux sur mesépaules jusquesurmondécolletédiscret.Pourtant, j'ai la sensationd'êtrenue.Nesachantquedire,totalementsensdessusdessous,jedéclarecommeuneultimetentativepouréviterdemejetersurlui:

–J’aimoiaussiuntatouage.–Oùça?medemande-t-illavoixplusgrave.

Jecherchevraimentlesennuis!

–Surlescôtes,murmuré-je.–C’était lepremier?Vousêtescourageuse, c’est l’undesendroits lesplusdouloureuxpour se

fairetatouer!–Ilétaitimportantpourmoi,affirmé-je.

Je n’aurais pas dû parler de ça, je porte lemême tatouage quema sœur, une petite tête de lion

stylisée,maisc’estnotresecretànousdeux.Jen’aipasvouluqu’ellesoitvisibledetoutlemondeetjen’aipasenvied’entrerplusavantdanslesconfidences.Pouréchapperàlagênequim’envahit,jemelèveetmedirigeverslabaievitrée.Jesensunevagued’émotionmesubmergertandisquemonregardseperddansleslumièresdeVegasquiscintillenttelunmiragedanslelointain.

Mais soudain, une chaleur irrépressible me monte dans le corps. Samuel s’est levé. Il estmaintenantderrièremoietaenroulésesbraspuissantsautourdemesépaules.Pendantuneminuteouuneéternité,nousnedisonspasunmotetjen’osebougerdepeurd’interromprecemomentparfait.Samuelglisseunemaindansmescheveuxetfaitcourirlentementseslèvressurmanuque.Unlongfrissondedésirmeparcourt.J’inclinelégèrementlatêteetm’abandonnelesyeuxfermésàlamagiedumoment. Samuel, qui s’est aperçu demon trouble, prend tout le tempsde savourer l’instant. Jelaisseéchapperunsoupir.

Sonsoufflechaudsurmapeaum’électrise,toutcommesesbrasquienlacentmataille.Jesenslachaleurdesesdoigtsàtraversmarobe,soncorpsmusclécontremondos,toutproche…Lorsquejeme retourne, tremblante de désir, je croise son regard brûlant et déterminé. Jamais on nem’avaitregardée avec autant d’assurance, de flamme. Il reste un instant immobile, comme s’il attendaitquelquechose.Mapermission,monaccord?Jesensconfusémentquesijedonnelefeuvert, jenecontrôleraiplusrien…Alorsjem’approcheetposemeslèvressurlessiennes.

Commes’iln’attendaitquecesigne,Samuelprendaussitôt lecontrôledubaiser,déchaînantunepassion sauvage quime surprend autant qu’ellem’embrase. Perdue entre ses bras puissants, jemelaisseemportersansaucunerésistance,noslanguessecherchantmaintenantsansaucunepudeur.

Soudain, Samuel se fige. Son étreinte se desserre. Il a reculé d’un pas etme dévoremaintenantd’unregardbrûlant.

–Vienst’asseoirprèsdemoi,medit-ilensedirigeantversunsofa.

Je lesuissansréfléchiret, incapablederésisteraudésirquimonteenmoi, l’enlaceetmecollecontrelui.

–Est-cevraimentcequetuveux?medemande-t-ilalors,commeprisd’unscrupuleàl’idéedemeposséder.

–Oui,murmuré-je,avecunaplombquimesurprendmoi-même.

Qu’est-cequ’unhommecommeluipeutmetrouver?

Jen’ensaisrienmais,àcemomentprécis,soussonregardemplidedésir,jesaisquelaréponsen’apourl’instantaucuneimportance.J'aitoujourspenséquejepouvaisêtreplusaudacieusequejenel'étaisenréalité.

Iln'estjamaistroptard–outroptôt—pourdevenircequenoussommes…

Dansunélanpassionné,jem'accrocheàsesépaulesetmelovecontrelui.Jesenstoutsoncorpstenducontre lemien,sapeauchaude,et laisseéchapperunsoupirdebien-être.Toutmoncorpsestmaintenantenfeu,jenemaîtriseplusrien,jenemereconnaispas.Jeprendssamainetlaguidevers

mapoitrine,nousnousembrassonsànouveaufougueusement,nossoufflessemêlenttandisqu’uneboufféededésirmonteaucreuxdemesreins.Jesenslachaleurdesamainquiemprisonnemonseinàtraversletissudemarobe.Ilprendsontemps,savourantlemoment,etcommenceàmecaresser.Samainglissemaintenantenbasdemondos.

Plaisirsinsoupçonnés…

Depuisledébutdelasoiréejen'aiqu'uneenvie:touchersoncorpsmuscléetincroyablementviril.Tandisquenos lèvressont toujours jointes je laisseglissermesmainssursesbicepsetsavouresapeaudouce.Jedécouvreenfinsamusculatureparfaiteetredoubled'ardeur.Jefermelesyeuxetmelaissealler.

Jeveuxqu’ilmeprenne,jen’aijamaisressentiunteldésir.

Tousmessenss’affolent.Quandjerouvrelesyeux,ilestlàtoutd’uncoupimmobileetsilencieux,me regardant comme un fruit défendu.Moi, à moitié nue sous ma robe légère, je n’attends plusqu’unechose:melivrertotalement.Ilestsouslecharmemaissembles’amuserdemonimpatience.

Jesuispriseaupiège.

Enunriendetempsetsansquejesachevraiments’ilm’aguidéeousij’enaiprisl’initiative,jemeretrouveàcalifourchonau-dessusdecethommequejeconnaisàpeineetdontjenesaispresquerien. Je sais seulement qu’il est intense, irrésistible, puissant, et pourtant capable de délicatesselorsqu’ilmemanipule.Tantdeforcecontrôlée!Ilpourraitaisémentmeréduireàsamerci,prendreledessussurmoi,etpourtantilnelefaitpas.Ilestdirectif,ilsaitcequ’ilveutetcommentl’obtenir,maisjenemesenspasmenacéeunseulinstant.

Rienàvoiravecmesexpériencesratéesoùjemesentaismalàl'aise,ignoranteentrelesbrasdemesdeuxamantsprécédents, aussi inexpérimentésquemoi. Ilme semblequeSamuelme transmetsonassuranceparlagrâcedesescaressesetjemesenscapabledetout!Àmongrandétonnement,loind'êtregênée,jesuisdansunétatd'excitationinédit.Samuelplaquemonbassincontrelesienetjedécouvreengémissantsonérectionsouslatoiledesonjean.

Sesmainssontposéessurmeshanchesetalorsqu'ildéposeunepluiedebaiserssurmagorgeendescendant vers ma poitrine, me tirant de nouveaux soupirs de plaisir, il fait bouger mon bassind'avant en arrière. Bientôt, il n'a plus besoin de le faire car c'est moi quime frotte contre lui ensoupirant.

Samuelinclinelanuqueenarrièreensavourant.Ilaimedonccequejesuisentraindefaire!Çam'étonneetm'exciteunpeuplus.

Est-cemoi,vraiment, laresponsabledeces frémissementsdeplaisirsursonvisageou l'alchimieparfaitedenoscorpsquiserépondentsansmêmeavoirbesoindeparler?

J'enfouis mes doigts dans ses cheveux épais. Sa langue court sur ma poitrine, mes tétons sedressent. Sesmains remontent dansmon dos en prenant le temps d'en sentir chaque détail. Jemecambre, il vient dénouer mon chignon flou. Ses gestes sont d'une dextérité de connaisseur qui

m'affole.

Sa bouche vient aussitôt se plaquer surmapoitrine et je laisse échapper un petit son rauque desatisfaction. Encouragé par mes manifestations de plaisir, Samuel glisse sa main sur une de mesjambes et remonte sousma robe le longdemes cuisses. Il soulève levêtementpour caressermesfesses.Jesoupirealorsqu'ilmemordilledélicatementleslèvres.

Sesmainssecrispentsurmoncorps.Sonsexequidurcitencoreunpeuplusm'affoletotalement.Jemesensdevenirdeplusenplushumide.Jebasculelanuqueenarrièresousl'effetduplaisirquandSamuelglissesamainsousmaculottetrempéeets’approchedemonsexe.

Jemesoulèvelégèrementafinqu'ilpuissemetoucher.Ileffleureàpeinemonclitorisquejegémisdéjà.Ilmesemblequejenem'appartiensplus,quejen'aipluslescommandesdemoi-même.Pourtantjesaisexactementcequejeveux:êtrepossédéeparcethomme,maintenant!

Ressent-illamêmechosequemoi?

Soudain, d'un mouvement vif que je n'attendais pas, il me bascule sur la banquette et vients'allonger au-dessus demoi.Lepoids de son corps sur lemienne fait qu'augmentermondésir etj’entouresoncoudemesbraspourl’attirerversmoi.Ilselaissefairepuiss’emparedemeslèvrespourunbaiserfougueux,quimefaitperdrelatête.

J’enoublieraispresquemonenviepremière:découvrirsoncorps.

Son T-shirt m’agace prodigieusement. Je veux sentir sa peau, ses muscles, découvrir tous sestatouages.Toutdesuite!Jeglissemesmainsdessouspuisjelefaisremontersurseslargesépaulestoutencaressantsondospuissant.Ilsedétachejusteletempsdefairepasserlevêtementpar-dessussatête.Jecontemple,subjuguée,cetorsetatouéàlapeaucuivrée.Duboutdesdoigts,jesuislalignedesa clavicule, de ses pectoraux, de ses abdominaux… Je descends dangereusement vers sa ceinturelorsqu’ilarrêtesoudainementmamain.D'unevoixgraveetsensuelle,ilm'ordonneplusqu'ilnemedemande:

–Regarde-moidanslesyeux!

Non!Horsdequestion…

Pourtouteréponsejetentedel'attirerversmoimaisilrésisteetrépèteplusfermement:

–Regarde-moidanslesyeux!J'aienviedetoidepuislapremièresecondeoùjet'aivuemaisjeneteferaipasl'amoursitunepeuxsoutenirmonregard.Jenecouchepasavecdesfemmeshésitantes.

Hésitante!C'estuneplaisanterie…

Contretouteattente,loindem'offusquer,saremarqueetsoninsistanceunpeubrutalesm'excitentdavantage.Cethommen'attendriend'autrequemonconsentement!Jusqu'alorsaucundemesamantsn'avaitcherchéàsavoirsij'avaisvraimentenvieaumomentdemeprendre!

Ai-jedéjàeuenviedequiconqued'ailleursavantcetinstant,j'endoute!

L’assurance de Samuel, sa détermination et cette marque de respect me laissent sans voix etdécuplentmaconfiance.Jemesenssoudaininexpérimentéefaceàlui,maisaveclafolleenviedetoutessayer.Qu’ils’emparedemoncorps,demesenvies,demescrisetdemesgémissements!Alors,lecœurbattant,lesoufflecourt,jelèvelesyeuxetlefixequelquessecondesdanslalumièretamisée.

Sesprunellessombresbrûlentdedésiretmarespirations'emballe.Maismonregardestattiréparle tatouage qui s’étire sur son torse. Le tigre que je voismaintenant entièrement est posé sur desnuages.Ilsembles’animer,meregardant,prêtàbondir.

Samuelserrealorsmamaindanslasienneetlaposesurlaboucledeceinturedesonjeanavantdemefixerànouveaudanslesyeux.

Je soutiens son regard en évitant de trembler, je commence à la défaire avant de dégrafer lepremierboutondesonpantalon.Unbrasposésurlereborddelabanquette,ilm’observefaireavecintérêt,leslèvresentrouvertesetlesoufflesaccadétouteneffleurantmesseinsduboutdesdoigts…

Cequimefaitchavirer!

Àchaque bouton que je défais, je sens son sexe durcir un peu plus et bientôt il apparaît dressédevantmesyeux.Jeprendssonpénisentremesdoigtsetcommenceàlecaressertandisqu'ilmefixetoujours,lesouffledeplusenplusrapide.

C’estmoiquiluifaisunteleffet?

Moncapital confianceest exponentiel, j'accentuemesgestesautourde sonsexe.Aprèsquelquesminutesdecedélice sensuel,Samuelm'arrêtedélicatement. Jemanquedeprotestermais ilme faittaire d’un nouveau baiser brûlant avant de venir s'agenouiller sur le sol. Sans un mot, mais d'unmouvementpleindevivacité,ilm'attrapeparlatailleetmepositionnefaceàluisurlabanquette.Ilenlèvemaculotteavantdem'écarterlescuissesetmerelèvelesjambes.

Va-t-ilvraimentoser?

Monexcitationestàsoncomble.Toutmoncorpspalpited'impatiencequandilapprocheseslèvresdemon sexe. Je n'ai jamais laissé aucun hommem'embrasser dans les tréfonds demon intimité !J'avais trophontemais voilà qu'avec lui, je gémis etm'agrippe à ses épaules tandis que sa languetitillemon clitoris. Ce délice insoupçonnéme fait perdre la tête. Très vite une première vague deplaisirmonteenmoi,rugissante.Jebougelebassinenenfouissantmesmainsdanssescheveuxpourqu'ilnes'arrêtesurtoutpas.

Maiscen'estpasdanssesintentions.Samueldeplusenplusaudacieuxglissesalangueenmoipuiscommenceàmepénétrerdesesdoigtsqu’ilenfoncetoujoursplusprofondément.Cettefoisj'exploselittéralement.Jejouisetcriesifortquej'aipeurqu'onm'entende,maismonamantexpérimentés’enmoqueéperdumentetpersistejusqu’àmesubmerger.Tandisquejereprendsdoucementmesesprits,ildéposedesbaisersdélicatssurmescuisses.

–J’aimetonodeur,tuesmagnifique,souffle-t-ilavantdeseredresser.

Sansvoix,encoresouslecoupdecetorgasmeviolent,jeleregardesortirdelapochearrièredesonjeanunpréservatif.

–Enlèvetarobequejetevoistoutentière,mesusurre-t-ilensedébarrassanthabilementdetoussesvêtements.

Jenepeuxdétachermonregardde luipendantqu'il faitglisser sonpantalonàsespiedsetqu'ildéchire avec ses dents l'emballage du préservatif avant de le mettre sur son sexe. Son corps estparfait, le tigre sur sa peau cuivrée semble vraiment prendre vie. J’ai l’impression qu’il va medévoreretledésirs'immisceenmoiplusprofondément,animal.

J'entrouvremes jambes pourm'apprêter à le recevoirmais déjà il agrippemes hanches de sesmains puissantes. Il plonge au fond demoi d'un seul coup,m'arrachant un nouveau cri de plaisir.Samuelmeprendsansretenue,sansdétachersonregarddumien,etjemelaissepossédertoutentière.Ilvaetvientdeplusenplusvite,puiss'arrêtequelquessecondesavantdereprendreavecencoreplusdeforce.Jejouisunesecondefoisplusintensémentquelapremière.Samuelmesuitaussitôt.

Jesenstoutsoncorpstrembleretfrémir,illaisseéchapperungémissementprofondetrauque.Uncriviril d'hommesatisfait que jen'avais jamais entenduquimebouleverse etmecomble.C'estdemoi, la sage Chloé qu'il tire ce plaisir ! Son soupir agit comme un accélérateur, et alors que j'ail'impressionquemajouissancetoucheàsafin,unenouvelledéchargevientmesubmerger.

Samuellaisseretombersoncorpssurlemien,satêteaucreuxdemoncou.Ilreprendsonsouffleenmecaressant lescheveuxet faitglisser ses lèvres surmapeau. J'ai la sensationquecethommevirilsefaitplustendre,etcesentimentmetordétrangementlesentrailles.

–Viens,medit-ilenseredressant,prendstesaffaires,jeveuxtefairel'amourdansunlit.

Sansmêmeréfléchir,j'attrapemonsacàmainetmelève.J'ailasensationquejepourraisfairetoutcequ'ilmedemandeetsurtoutjesensquejen'attendsqueça.Pourtant,jen'osepasleregarderalorsqu'ilretiresonpréservatifetleglissedansl'emballage.J'ignorecequ'ilenfaitetneveuxpassavoir.Jecherchelachaleurdesesbras,maisdéjàilmerepoussedoucementpourremettresonjean.Jesuismalàl'aise.Cetteintimité,cesgestesduquotidienmetroublentetmeferaientpresquerougir.J’enfilerapidementmarobeetglissemaculottedansmonsac.Jem’aperçoisquetoutcetempsj’avaisgardémesescarpinssansyprêteraucuneattention.

Là,c’estsûr,j’aidéfinitivementperdulatête!

Soudainilmesoulèvedanssesbras.Jem'accrocheàsoncouetenfouismatêteaucreuxdesonépauletandisqu'iltraverselaterrasse.Moncœurbatàtoutrompre.Jen'arrivepasàcroirequec'estmoiquimetrouvedanscettesituation,entrelesbrasd’unhommequejeconnaisàpeineetquivientdemefairejouircommejamais.Ilamêmeprisletempsdeserhabiller!

Etavecdusex-appealencore!

Blottiecontrelui,jefermelesyeuxetmegrisedesonodeur.Savourantlemoment,jemelaisseportersanssavoiroùnousallons.J'ignorecombiendetempss'estécouléetqueltrajetnousavonspufairelorsquej’entendss’ouvriruneportequisemblemeneràunesuite.

J’aiperdutoutenotiondutemps.

Aprèsquelquespasseulement,Samuelmeposesurunlitrecouvertdedrapsensatinnoir.Lapièceestplongéedans l'ombremais la lumièredudehors s'infiltrepar lesbaiesvitrées. Jepeuxdevinersansmalleluxedel'endroit.

Unesuitedansunhôtelcinq-étoiles,c'estlesoirdespremières!

Deboutprèsdulitilmedétailleavecunelueurfauvedansl'œil.J'aienviedefermerlesyeuxpourfuirsonregard,maisjecrainsqu'ilnemettesesmenacesàexécutionetrefusedemefairel'amouralorsquejen'attendsqueça.

Torse nu, je peux encore une fois admirer son corps immense couvert de tatouages alors qu'ilretiredélicatementmarobeetmeschaussurestouteneffleurantmoncorps.Jelelaissefairecommeenvoûtée,sentantrenaîtreenmoil'impétuositédudésir.Jemetordsd'impatienceetsuffoquedéjàenmeforçantàsoutenirsonregard.

Aprèslaséanceérotiquequ'ilvientdemefairevivrejesuisimpatientededécouvrircequecedieudusexemeréserve,maisSamuelsemblevouloirprendretoutsontemps.Ilsortdesapochearrièrequelquespréservatifs –preuvequ'il avait tout prévu et je nem'enoffusquemêmepas ! –pour lesdéposersurlatabledenuit.Ilretireensuitesonpantalonetvients'allongerau-dessusdemoiavantdem'embrassersensuellement.

Sonbaiserestsidélicatquejemesensenvahiedetendresse.Jel'enlace,caressesescheveuxavantde laisser courirmesmainsdans sondos jusque sur ses fessesdivinementbombées.Commedeuxlianes souples, nos corps semêlent enmême temps que nos langues. Jeme sens happée dans untourbillondevoluptéensentantsonsexedurcirànouveau.

–Est-cequetuastoujoursenviedemoi?meglisse-t-ilsoudainàl'oreille.–Oui,murmuré-jeencherchantseslèvres.–Dis-le-moi,mechuchote-t-ilenmemordillantlecou.–Jeviensdelefaire,réponds-jedansunsoupir.–Jeveuxquetuledises,insiste-t-il.–J'aienviedetoi,encore…–Dis-moicomment.Jeveuxsavoircequetusens.–Jesens…Maisjenesaispas,medéfilé-jeenriant.–Alorsj'arrête!Jeveuxêtresûrquetusaiscequetufais,meréplique-t-ilenserelevantsurles

coudes.Sesyeuxsemblentbrillerd’unfeuardent.

Ilfautquejeréponde.Toutd’uncoup,lesmotssemettentàsortirdemabouche.

–Jesenslefeudansmonventre,j’aidel'électricitédanstoutlecorps.Jeveuxsentirtapeaucontrelamienne…Jeveuxtout!Toutsavoir,toutconnaître,maintenant!

Sesyeuxontuneclartésombrequimechavire.

–Maissurtout,murmuré-je,jesensquejepourraisdiren'importequoipourvuquetumefassesl'amourtoutdesuiteettoutelanuitcommesijen'étaispasunedébutantemaisunefemmeexpéri…

Jen'aipasletempsdefinir.Ilfautcroirequej'enaiditassezcarSamuels'empareànouveaudemeslèvresplusardemmentetmefaitroulerau-dessusdeluiensoupirant.

4.Rouletterusse

Unrayondesoleils'infiltreparlafenêtreetvientmecaresserlevisage.Jem'éveilledoucement.Moncorpsestencoreengourdidesommeiletmonesprittoujoursdansleslimbes.Jem'étireetouvreenfinlesyeux.ÀcôtédeSamuelquisembledormirprofondément,jeréaliseétonnéecequivientdesepasser.

Est-cequejel'aifait?

Couchésurledos,lesbrasencroix,iloccupepresquetoutlelitpourtantaussilongquelarge.Soncorpsmusclés'épanouitsur lesdrapsnoirs.Jen'aurais jamais imaginémeréveillerunjourauprèsd'untelhomme!

Àlalumièredujour,sapeaum'apparaîtplusambréeetjemereculeunpeupouradmirerplusendétailletigremajestueuxsursontorse.L’ailed’oiseautatouéesursonbrasgauchesembleaccrochéeauxnuagesàtraverslesquelslefauveévolue.Légèreté,férocité,lesdessinsdifférentssecomplètent,liéspard’étrangesetsomptueusesvolutes.Monregardestirrésistiblementattiréparl’œilperçantdel’animalsauvagequisemblemaintenantm’observercalmement.

Commeunchasseurattendantsaproie!

Pasdedoute!Mêmesiçayressembleétrangement,jenem'éveillepasd'unrêvesulfureux,maisbien de la nuit la plus érotique de mon existence. Samuel Brooke est bien entièrement nu etprofondémentendormiàmescôtés.Jerestequelquessecondessidéréeavantquelesimagesdelanuitmereviennentenflashsintermittentsetscandaleux.

Je suis totalement réveillée.Hier soirnousétions sur la terrassequand ledîneradérapé.Enfin,nousn'enétionsqu'àl'apéritif…

Merde,jel'aifait!J'aicouchéavecunquasi-inconnu!

Maislepirec'estquejeseraisprêteàrecommencerdanslaseconde.JerestefascinéeparlabeautéviriledeSamueletlespulsionsqu'elleprovoqueenmoi.Jeprofitequ'ilsoitendormipourdétailleràloisir les traits de son visage qu'un sourire imperceptible éclaire d'un voile paisible. Ses cheveuxsombresnimbentsonfrontmettantenvaleur les traitsréguliersdesonvisagetailléaucouteau.Delongscils,noirs,unebouchepulpeuse,ilestd’unebeautésingulière.

Àcouperlesouffle,soyonshonnête!

J'approchemamaindeseslèvresquim'attirentcommeunaimantmaismeretiensetlaretireauderniermoment.Mesyeuxs'égarentquelques instants sur son sexequi reposeentre sescuisses. Jedétourneleregarddepeurdesuccomberànouveau.

Uneboufféedechaleurmemonteauxjoues.Jemesouviensdemonexcitationdelaveillequandj'aidécouvertsoncorps.Àcetteévocation,unsoupçondegênes'emparedemoi,vitechasséparundésir bienplusgrand encore. Je tressaille quandSamuel soupire et se tourne sur le côtém'offrantmaintenantsonlargedos.

Jesuissaisieparlavisiondecetautretatouagequejen'aipasvucettenuit.Uncepdevigneprendracine au bas de ses reins et remonte en vrilles tortueuses jusque sur ses épaules. Une dizaine defeuillesvertesensortent,s’épanouissantlelongdesacolonnevertébraleverslehautdesondos.

Cequimedérouteencoreplus,c'estdeconstaterquenotreétreinteétait toutsaufromantique,etj'ai adoré ça !Une autre idéeme traverse l'esprit. Il vaudrait peut-êtremieuxque je parte tant queSamuelestendormi.Jemerendscomptequejenesaispasdutoutcommentmecomporteraveclui.Quandonapassélanuitavecuninconnu,onluirouleunpatinauréveilouonluiserrelamainpourleremercierdesesperformances?

Jen’aieuquedeuxamantsauparavant,monpremierpetitamietDylan.C’étaituntrèsbonamiquej’avaisrencontréaulycée.Perdudevuependantuneannée.Ilétudiaitàl’universitédeSaltLakeCitytandis que je travaillais dans la station-service demes parents.Un an plus tard, je le recroisai parhasardàlasortieducinéma.Ilm’avaitinvitéeàboireunverreetnousavionscommencéàdiscuteretàrire,complicescommesinousnousétionsquittéslaveille.

Quelques rendez-vousplus tard,notreaventureavait commencé simplement.Huitmois s’étaientécoulés, agréables mais sans passion. Nous ne pouvions nous voir que les week-ends, tout étaittoujoursconvenuàl’avanceetcetteroutinem’ennuyait.Regrettantd’avoirgâchénotreamitié,jemedécidai à le quitter. Au fond de moi je savais que la rupture, trop douloureuse pour lui, étaitirréversible.Ilétaitcharmant,attentionné,mais…

Peut-êtreunpeutropgentil!

Rien à voir avec Samuel et son tempérament tumultueux. Mélange de virilité et de tendresse,autoritaire,divinementbeau,faroucheetinsaisissable,ilacemagnétismeirrésistibledonttouteslesfemmesontunjoursecrètementrêvé.

Cen’estplusunhomme,c’estunfantasme!

Et lanuitvolcaniqueque jeviensdepasser !LeVésuve !Malgrémonpeud’expérience, jemedoutebienqueçan’arrivepastouslesjoursuntrucpareil…

Jepensaisqueçan’existaitquedanslesfilms.

Penseràtoutçamemetmalàl’aise,jemesensd’uncouptoutepetite,perduefaceàcethommeexpérimenté.Ilfaitdéjàgrandjouretjedoispasserchezmoiavantd’allerauboulot.

Décidément, il vaut mieux que je m'éclipse tant qu'il dort, même si j'ai une furieuse envie deressentirànouveaulesdivinessensationsde lanuit.Jemelèvedoucement,commeunevoleuse,etcherche dans l'immense chambre luxueuse mes affaires. Au bout d'un temps qui me sembleanormalementlong,jelestrouveenfin.

Dumoinsmarobe.

Ellegît,écarlateetfroissée,prèsdulit.Parchance,meschaussuresetmonsacàmainsontjusteàcôté.Jem'habilleàlava-viteetrenonceàtrouvermaculotte.

Ahouiçamerevient!Monsac…

Alorsquej'aidéjàlamainsurlapoignée,unecraintem'envahit.Ets'ilprenaitmafuitepourunefindenon-recevoir?S'ils'imaginaitquejenevoulaispluslerevoir?!Cen'estpasdutoutlecas.Aucontraire!J'attrapeunecartedel'hôtelquitraînesurunguéridon,fouillemonsacpourytrouverunstyloetinscrisaudosmonnumérodeportable.Jenepeuxm’empêcherd’ajouter:«Appelle-moi»avantdegriffonner«Chloé»etretournelaposersurl'oreiller.

Bienenévidence!

J'admireunedernièrefoissonvisagedemarbre,songrandcorpsassoupiquim'arévélétantdemerveillesinsoupçonnées,hésitequelquessecondespuisfinisparquitterlachambre.

Àregret.

***

Àcetteheurematinale,leStripressembleàunparcd'attractionsquin’apasencoreouvert.MaisVegas est une fourmilière et déjà les camions de livraison déversent leurs victuailles dans lescomplexeshôteliers.QuelquesgroupesdeJaponaissuiventleurguideenphotographiantàtoutva.

Jemarchedans laruefaisantattentionàcequemarobenesesoulèvepaset rejoinsmavoituregaréenonloindelà.J'aiunpeufroid,jesuisfatiguéeetjenepeuxm’empêcherdem’inquiéter.Cettevillem’apparaîtsoudainpleinedemystèresetdedangersetjerecommence,malgrémoi,àpenseràJane.Soudainjeculpabilise.PasquejeregrettelanuitquejeviensdepasseravecSamuel,loindelà!Nileplaisirintensequej'airessenti.Maisjemesuislaisséedistrairedelachoselaplusimportanteàmesyeux:retrouvermasœur.Etplutôtquedelachercherj'aipréféréfairel'amouraveccetinconnu.

Oùest-ellepassée?

Il est déjà 9 heures et je prends mon poste à midi. J'ai juste le temps d'aller me doucher etrécupérerquelquesaffairesaumobil-home.Àpeinearrivéedansmavoiture, je tenteunenouvellefoisdel’appeler.Commed'habitudejetombesurlamessagerie.

« Vous êtes sur le répondeur de Jane. Laissez-moi un message et je vous rappellerai dès quepossible.»

Magorgeseserremaisjeraccroche.Àquoibonlaisserunmessage?J'enailaissédesdizainesetellenem'ajamaisrappelée.

Unebouled’angoissememontedanslapoitrine.Majumellenepeuts’êtreévaporée.Jepressensquequelquechosen’estpasnormal,ellenem’auraitpasabandonnéecommeça.

Je repensesoudainaumessagequ’ellem’aenvoyé lepremier jour.Et sic’étaitvrai?Et sielleavaitvraimentrencontréquelqu’un?

Aprèstout,jesuisbienplacéepoursavoirquetoutestpossibleici.Moi,d’habitudesisage,jemesuislaisséeemportersansvergognedanslelitd’uninconnuetj’aiprisavecluiunplaisirinsensé,jen’auraisjamaispenséenêtrecapable.Iln’empêche,j’ail’impressionquec’estmoiquiaiabandonnéJane.Quelquechosenevapasdanscettehistoire.Meplanterunsoir?Peut-être…huitjours,çanetientpas.Ellen’ajamaisfaitça.

Jen’auraispasdûmelaisserdétournerdemesrecherches.Toutsemélangedansmatêteetjesensleslarmesmemonterauxyeux.Jemedemandecequejepourraisfaire,d’ailleurs.Jusque-làonnepeutpasdirequej’aieubeaucoupd’idées.Hiersoir,jen’auraispasdûlâcherlapisteduLucifer sifacilement.Jemesenscoupableet inutile, jefaisunpiètredétectiveet jecommencevraimentàmedemandersijeneferaispasmieuxdesignalersadisparition.Pourtantjesuisconvaincuequec’estàmoidelaretrouver.

Moietmoiseule!

Dèscesoir,jereprendslesrecherches.Jejuredeneplusmelaisserdétournerdemonenquêteparquelqueirrésistibletatoueurquecesoit!

Ilfaudraitcependantquej'arriveàlechasserdemonesprit…Unedouche,vite!Sonodeursuaveimprègnedangereusementmapeau…

***

Àpeinesortieduvestiaire,jesuisenvoyéeàunetabledeblackjack.Jesuisharasséeaprèscettefolle nuit mais le travail est un remède. J’observe les joueurs, ce qui me distrait de toutes mespensées, et me concentre sur le jeu. Un étranger, parlant une langue qui résonne à mes oreillescommedujaponais,vientdeperdre.Ilmaugréedesmotsincompréhensiblesenmedévisageantd’unregardoblique.Sacolèrecontenuem’indiffère.

Cen’estqu’unjeu!

17heures,enfinlapause.Jemedirigeàgrandspasverslevestiairepourrallumermontéléphone.Janem’apeut-êtreappelée…ouSamuel?Maisnon,pasl’ombred’unmessage,personne.Leconstatest sans appel, je prendsun café serré aubar et reparsvers la tablede jeu. Il est tempsque jemereprenne.

Depuiscematinoùj'aiquittél'hôtel,jenepeuxm’empêcherdepenseràluienboucleenespérantunsigne.Quandjelechasseparuneportedemonesprit,ilrentreparlafenêtre.C'estinsupportable!Jeluttecontremoi-mêmepourneplusysonger,cequinefaitqu'empirermonétat.Dèsquej'aiunmomentdelibreentredeuxparties,jemerefaislefilmdelasoirée,puisdelanuit,etjemanquedem'évanouiràmesurequemereviennentdesdétailsoubliés.

Censurésparmoninconscient!Àmoinsquecesoitparmonsubconscientoumonpré-conscient.

Voilàcequec'estdebailleraufonddelaclassedephiloquandonabordeFreudetlapsychanalyse,onnesaitplusquicensurequoi!

Encesamedisoirlecasinoestpleinàcraqueretvibred'unetensionparticulière.Depuisledébutdel'après-midi,larumeurcourtqueRihannaseraitdanslesparagespourvenirassisteraushowdeBritneySpearsauPlanetHollywood.Toutlemondeestsurlequi-vive,lescroupiers,lestouristes,lesjoueursetmêmelechefdelasécuritéquin'arrêtepasdefairedesrondesdanslecasino.

Moiaussijesondelafoulemaisc'estdansl'espoird'yvoirapparaîtreSamuel!Encoreunefoisjemesenscoupable.Ilyaquelquesjoursàpeine,avantdelerencontrer,jen'espéraisvoirqu'uneseuleetuniquepersonnesurgirdelamassecompactedesjoueurs:masœur!Jane,sapassion,safougue,songraindefolie.Toutd’uncoupjeréalisequejenesuispassidifférented’elle.Agirsuruncoupdetêtepermetdeselaissersurprendre.

Parlesautresautantqueparsoi-même!

Soudainunealtercationéclateprèsdubar.Cen'estpaslapremièrefoisqueçaarrive.C'estmêmerécurrent. L'alcool ne fait pas bon ménage avec la sensation désagréable de s'être fait plumer.Professionnelle,jenetournepaslatêteetamorceunenouvellepartie.

Maislesjoueursnesontpasaurendez-vous.Leurattentionestattiréeparladisputequinecessedeprendredel'ampleuretduvolume.Lesbadaudss’agglutinentautourdubar.Poussésparlacuriosité,ils cherchent à voir ce qui se passe. Bizarrement, personne n’intervient. D’habitude, la sécuritérappliqueenvitesse,etleplussouventleclientbagarreurseretrouvedehorsenmoinsdetempsqu’ilnefautpourledire.

Maislà,riendutout.Étrange…

Jefinisparjeterunœilàlascène.Medressantsurlapointedespieds,j’aperçoisungrandtypeencostard-cravate.Plutôtsec,lestraitsfins,ilportedeslunettesnoiresetunefinemoustachebrunequiluivabien.Ils’agiteet,n’arrivantpasàsecontenirdavantage,élèvedeplusenpluslavoix.

J'essayedevoirlapersonneàquiils'adresse,maislafouleesttropdenseetmebarrelavue.

–C'estHanson,mesoufflederrièremoiNina,unejoliefilleduMinnesotaquirêved'êtreactriceàHollywood.Putaindebordeldemerde!Çacraint!s'exclame-t-elledépitée.

Jen'auraispasditmieux!

–Hanson?m'étonné-jesoudain,commelescasinos?–Jeteprésentetonpatron,macaille,LukeHansonenpersonne,medit-elle.

Jecomprendsmieuxpourquoilasécuritén'intervientpas!

–Depuisquesonpèreestmort,ilareprislasuite.Maisrienàvoiraveclepaternel,poursuit-elle.Autanttoutlemondesedemandaitlesliensquelevieuxpouvaitbienentreteniraveclamafia,autantilavaitlaclasse.Luiestaccroaujeu,souventàcranetfinalementbeaucoupplusduraveclepersonnel.

Plutôtbeaugosseetbonpartiparcontre,jetel’accorde,dit-elleenmejetantunregardcomplice.–Vatefairefoutre!Jen'aipasdeconseilsàrecevoirde toi!Allez, tire-toi!éructemaintenant

Luke Hanson hors de lui en lançant un verre sur l'objet de sa haine, que la foule compacte medissimuletoujours.

– Je m'arrache, ma caille, je veux pas voir ça, me lance Nina. Déjà que j'ai horreur de lahiérarchie…

Jesaispourquoij'aimebienNina.Avecsoncôtéunpeuloufoqueetindépendant,ellemefaitpenseràJane!

Autour de la scène, les commentaires vont bon train. Prise à mon tour par la curiosité, je mefaufiledanslafoule.Jejouedescoudesetfinisparmetrouverpresqueaupremierrang.Jeblêmisavantdemesentirvireraurougepuisauvert.Moncœurfaitundérapageultra-périlleux,s'arrêteetrepartàtoutevitesse.LapersonnesurlaquellesedéchaînelepatrondescasinosHansonn'estautrequeSamuel!

Il a troqué sa tenue décontractée de la veille pour un pantalon de costume bleu marine et unechemiseblanche.Mêmedanscette situation jenepeuxm'empêcherde le trouver follement sexy. Iltrépigne,lesmâchoirescontractées,avantdedonneruncoupdepoingsurlebar.IlabiendumalàsemaîtrisermaistentedecalmerHanson.

–Arrête,Luke,c'estridicule,luiassène-t-ilentrelesdents.

Luke?Ilappellelebossparsonprénom!

–Jet'emmerde!sedéchaîneLukeHansontandisqueSamuelboutensilence,levisageplusferméquejamais.Retourned'oùtuviens,jen'aipasbesoindetesconseils!

Jenecomprendsabsolumentrien!Lesenjeuxdecettealtercationm'échappenttotalement.Samuels'approchedeLukeetluiattrapelebrascommepourlecontraindreàlesuivre.L'autresedégaged'uncoupsecetluienvoieuncoupdepoing.Samuelesquivedejustessetandisquelechefdelasécuritésembleneplus savoir où il en est.Les spectateurs sontmaintenant excités et encouragent les deuxhommesàsebattrecommedansunearène.

J'ailanausée…

–Pourquiteprends-tu?persisteLuke.

Ninavientdem’apprendrequeLukeHansonestàlatêteducasinooùjebosseetilestentraindesebattreavecSamuel, lemec leplussexyque j’ai jamais rencontré.Etpersonnen’intervient.Toutcecin’estpasréel.Jerestecommemédusée.

DécidémentSamuelestpartoutetsurtoutlàoùonnel’attendpas!

–Net'amusepasàremplacernotrepère, tun'enespascapable,c'estmoiquigère ici,moi!Tuentends?!

C'estmoiquiaimalentendu?

Cettefoisj’accuselecoup,tropc’esttrop!LukeHansonabiendit«notrepère»?!Non,cen'estpaspossible !Samuelnepeutpasêtre le frèredeLukeHanson, ilm'aditqu'il s'appelaitBrooke !Alors que la tensionmonted'un cran, jeme rends compte, abasourdie, queSamuelm'amenti ! Jecomprends mieux pourquoi il me proposait des « leçons particulières » en mensonge. Il estvisiblementmaîtreencedomaine!

Il s'est bien gardé de faire lamoindre allusion aux casinos !Et pour cause ! Jamais je n'auraiscouchéaveclefrèredemonpatron!J'ailadésagréablesensationdem'êtrefaitabuseretjesenslacolèreetledégoûtmonterenmoi.Maisjen'aipasletempsderéfléchir.Lukesejettesursonfrèreetessaye une nouvelle fois de le frapper. Je tressaillemalgrémoi et ferme les yeux sans le vouloir,mêmesijepenseintérieurementqueSamuelmériteraitbienunebonnecorrection.

J'iraislaluidonnermoi-mêmesiseulementj’osais!

Samuelesquiveencoreunefoiset tentemaintenantdemaîtriserLukeenle tenantenrespectunemainsurletorse.Illeforceàreculercommes'ilvoulaitl'entraînerverslesbureauxdeladirection,dontlaportesetrouveàquelquesmètresdubar.

– Luke, sois raisonnable, arrête de te donner en spectacle et cesse de te comporter comme ungamin,souffleSamuel,levisagepresqueimpassiblemaistouslesmusclestendus.

–Ettoi,arrêtedemedonnerdesconseils!cracheLuke,horsdelui.Jesuisl'aîné.Iciiln'yenaqu'unquiméritedereprendrelescasinosetc'estmoi!Moi,tuentends?Cartoi,moncherfrère,tun'esqu'unputaind’ex-taulard.

Quoi?!Samuelafaitdelaprison?!

Mevoilàvidéede toutesubstance.Cen'estplusunedégringolade,c'estundécrochage fatal. J'ail'impressionquejesuisdansun747quiestsurlepointdesecrasher.Lachuteestvertigineuseetçasecouedanstous lessens.Nonseulement j'aicouchéaveclefrèredemonboss,maisenplus ilestpotentiellementdangereux.Qu’a-t-ilbienpufaire?Cestatouages,cetteauradedangerquil’entoure,cettepuissancequ’ildégage…Soudain,toutcelameparaîtterriblementsombre.

Lukes'énerveunpeuplus,maiscette foisSamuel,excédé, lemaîtrisesans lemoindremalet lemaintientlatêteécraséecontrelebar,unbrastorduderrièreledos.

Etmoiquimejettedanslesbrasd’uncriminel,lecomble!

Pourcoupercourtauscandale,Samuelentraînesonfrèrevers lesbureauxde ladirection.Lukesemble vaincu et se laisse presque traîner. Alors que Samuel passe devant moi, nos regards secroisent.Quand ilm'aperçoit, une lueur indéfinissable jaillit dans sesprunelles,mais il se reprendaussitôt.Ilal'airplusdurquejamais.Jeletoisesansciller,luilanceunregarddeméprisettournelestalons.

5.Coupdepoker

Heureusement,aujourd’hui,jefinisà18heures.Dèsquejevoisl'aiguilledelagrandehorlogedelasalleserapprocherdel’heurefatidique,jeprendsmontempspourfinirladernièrepartiedemajournée, pour être sûredenepas avoir à en recommencerunenouvelle.Pasquestionde fairedesheuressupaujourd’hui,j’aieumadose!

Je me précipite maintenant en courant vers les vestiaires. Folle de rage, je fends la foule destouristesetbousculequelquesjoueurssansprendrelapeinedem'excuser.Jen'aiqu'uneidéeentête:fuircetendroitmauditauplusviteetallermeréfugierdansmonmobil-home.

J’ai besoin de réfléchir à tout ça et il me faut reprendre des forces. La journée a été plusqu’éprouvante,sansparlerde lanuit,et jedoism’organiserpourchercherJane.J’aibesoindemereposerpouravoirlatêteclaire.Demain,jecommenceplustard, jevaisreprendremesrecherchesdèslematin,etcettefoisjevaistoutmettreenœuvrepourtrouvermajumelle.

Assezperdudetemps!

Etquantauboulot,c’estLukelepatronetnonSamuel.Jen’aidoncaucuncompteàluirendreàcelui-làetj’aibesoindecejob.C’estdepireenpireàchaqueinstant,j'ail'horribleimpressionquejemesuisfaitavoir.SamuelestàVegaspouraffairesmaisjemedemandebienlesquelles?Cellesducasinooudesaffairesillégales?

Etpourquoipasunbusinessdejetonsencorned’antilopetantqu’onyest!

Leschosesm'apparaissentdeplusenplusévidentes.Maispourquoin'yai-jepaspenséplustôt?!Ilfallaitquecesoitquelqu'und'importantpourquemessupérieursrestentdemarbrequandilaexpulsémanumilitari le typed'hier. Jecomprendsaussipourquoi il avait rendez-vousauLucifer avec sonjeunefrèreOwen:toutsimplementparcequ'ilétaitchezlui!

Après la rage je sensmonter dans toutmon être une sorte de désespoir incompréhensible.Unedéceptionteintéedechagrinetdelassitude.Jemelaisseglisserausoletfondsenlarmes,lesjambesrepliées sur lapoitrine, la têtedans lesgenoux. Jepleureainsiquelquesminutesenmeberçant, lecorpsaussividequel'esprit.

–Çan'apasl'aird'aller,poulette!melanceNinaentrantàsontourdanslesvestiaires.

Jesèchemeslarmesetmeremetsaussitôtdebout.Jenelaconnaispasassezpourmeconfieràelle.

–Jecroyaisquetuétaispartie,dis-jepourtouteréponse.–Tuparles!Monchefm'ademandédefairedurab,merépond-elleenrassemblantsesaffaires.

C'est toujours pareil…Alors, tu l'as rencontré comment ?me demande-t-elle soudain,mutine, en

mettantunchewing-gumdanssaboucheavantdemefaireunclind'œil.

Mais de quoi parle-t-elle ? Fait-elle allusion à la nuit que je viens de passer avec Hanson ?Commentpeut-ellesavoir?Soudain,l'évidencemefrappecommelafoudre.Jemecraquelledebasenhaut, jevaismefendrepar lemilieu.Maisbiensûr ! Ildoit faire lecoupà toutes lesnouvellesemployées!Ninaaussisiçasetrouveestpasséeàlacasserole!

Jevaisfaireunmalaise!

–Jenevoispascequetuveuxdire,répliqué-jesurladéfensiveenouvrantmoncasierpouréviterdelaregarderenface.

–Allez,arrête!C'estunmecquitefaitpleurercommeça,jem'yconnais!Comments'appelle-t-il?Tul'asrencontréàVegasouc'esttonpetitamiquimenacedeteplaquersitunerevienspastoutdesuiteaubercail?

Ninanesaitrienetellen’ajamaiscouchéavecSamuel.Jeressensunsoulagementindescriptible!

–Telaissepasmalmener,reprend-elleendonnantuntourdecléaucadenasdesoncasier,detoutefaçon c'est tous des salauds. Plus facile à dire qu'à faire, je sais bien, surtout quand on estamoureuse…

Qu'est-cequ'elleraconte?

–Tufaisfausseroute!lacoupé-jesèchement.Jen'aipasdecopainquim'attendàSpringvilleetjenesuisamoureusedepersonne.

–Ahouais…EtmoijesuisencoreviergeetjevaisrentrerauCarmel…Bon,excuse-moi,jemesauve,j'airendez-vousavecunproducteurdeLosAngeles,cettefoisj'espèrequec'estlabonne.Avecunpeudechance,jevaispouvoirmetirerdececoinpourri,etàmoiHollywood!

Elle éclate de rire,m'envoie un baiser en soufflant sur samain et quitte les vestiaires.La porteclaque,mefaisantsursauter.

Quellenaïveté!UntrophéefacilepourSamuel!Jenesuispasamoureuse,justehumiliée.

EnfinautantlaisserNinasefairedesfilms.Siellesavait…

***

J’arrivechezmoietmerepasselesépisodesdepuismonarrivée.Moiquimecroyaispartieàlaconquêtedemoi-même,j'ailafâcheuseimpressiond'êtresurtoutpartieàlarencontredesennuis!Jesuismaintenanttrèsencolère,etsurtoutcontremoi.J’aidérogéàtousmesprincipes.Moid’habitudesimesurée, j’ai succombé à la tentation, faisant fi de tousmes principes. Et voilà le résultat !Unmobil-homeauxportesdudésert,uneplacedansuncasinodont l’inconnuavecqui j’aicouchéestl'héritier,unesœurdisparue.

Unvraisuccès!

SamuelHansonpeutseféliciter,ilm’abieneue.

Depuis mon arrivée, je ne me suis jamais sentie aussi seule et désemparée. Ce matin déjà, enquittantl'hôtel,ilm'avaitsembléquequelquechoseclochait.

Maisàcepoint…

Jen’auraisjamaispumedouter.Inexpérimentéepeut-êtremaispastotalementidiote!J’essayedecomprendrecequim’estarrivé,maisimpossibledetirerdesconclusions.Rienderationneldanslafaçondontjemecomportedepuismonarrivée.Àpartpeut-êtreauboulot.Etencoreàconditionquemonapollonnetraînepasdanslecoin,sinon…

Pourlereste,jen’aisuiviquemespulsions.EncherchantJane,jesuistombéesurSamuel,etquantàlasuite,n’enparlonspas!

Pourtantl’aiguillondudésirmereprenddèsquejerepenseàlui.C’estunecatastrophe!Pourlapremière fois, jecomprendscequesignifie l’expression :avoirquelqu’undans lapeau,etmalgrétous mes efforts j’ai du mal à lui en vouloir. Il s’est joué de moi mais c’est ce que je voulais.Commentpeut-onsesentirtrahiparquelqu’unqu’onconnaîtàpeine,d’ailleurs?

Pourtant,jesuisscandalisée…

J’auraispeut-êtreintérêtàtenterquelquesautresexpériencesmaintenantquej’ypense.Monuniqueaventure avecDylan,ungarçon tout cequ’il y adeplusnormal, ne risquait pasdemepréparer àaffronterunhomme telqueSamuel.Non, là, j’ai juste suivimon instinctanimaletmesuis laisséeporterparlemomentprésentenmeracontantdeshistoirespourjouirsansculpabilité.Ettoujourscedésirdanslebasduventre!

Pouruncoupd’essai,c’estuncoupdemaître!

Maisbientôt, jesensque la fatigueprend lepassur le tourbillond’émotionscontradictoiresquim’envahit.DemainjeparschercherJane.Surcettebonnerésolution,laseulesenséequej’aiprisedelajournée,jem’endorstouthabilléeetsombredansunsommeilprofond.

***

6heuresdumatin,jemeréveillesonnéeparlachaleurdéjàétouffante.Hiersoir,jen’aimêmepaspensé à allumer leventilateur.Tantmieux, celavame laisser le tempsde remettreunpeud’ordredansmes idées pour préparer un plan de bataille. Je suis rapidement sur pied, prends une douchefraîcheetm’habillelégèrement.

Short, baskets et débardeur, j’ai besoin d’être à l’aise.À cette heure, pas la peine de hanter lespalacespourcherchermasœur.Pourça,jevaisdevoirpatienterjusqu’ausoir.L’odeurducaféchaudcommenceàmechatouillerlesnarines.Unepremièretasse.Puisuneseconde.

Ilfautaumoinsça.

Jevaisprofiterdecettematinéepourpasseràl’appartementdeJane.J’aiquelquesheuresdevantmoiavantdecommencerleboulotà14heures,çatombebien.

Peut-êtreest-ellerentrée?

Jen'ycroispasvraiment,sic'étaitlecasellem'auraitcontactée,maisjen'aipasd'autreplansouslamain, et rester à attendre sans rien fairem'est insupportable.Quelques fantaisies géographiquesplustard–j'aiquandmêmelongélegrandcanaldeVeniseetfranchilepontdessoupirs!–jerentredans le hall de l'immeuble. Je tente d'allumer la lumière de l'escalier, mais après un inquiétantgrésillementetdeuxoutroiséclairsjaunâtresquisesoldentparunepétarade,jesuisplongéedanslenoir.

Merde!

Prenant mon courage à deux mains, je cherche mon portable pour m'éclairer à la lumière del'écran et commence, anxieuse,mon ascension jusqu'au troisième étage. Soudain je heurte quelquechose,unanimalsansdoutequiémetunsifflementensefaufilantentremespieds.Jecriedeterreurenimaginantquec'estunratetmanquededégringoler.Jetremblecommeunefeuilleaccrochéeàlarampequandjesurprendsdeuxyeuxluisantsquimefixentdansl'obscurité.

Ouf!Cen'estqu'unchat!

Jemecalmeetfranchislesquelquesmarchesquimeséparentdutroisièmeétageetsorsenfinducouloirobscur.Devantlaportedel'appartementjereprendsespoir.Ilestencoretôt,maislavoisineadéjàallumésatéléetpoussélevolumeàfond.JecroisreconnaîtrelavoixduprésentateurdeLarouedelafortune.Cevacarmem’arrangeetjemedisquec’esttantmieux,avantd’appuyersurlasonnettedel’appartementdeJane.Maiscettefoisencore,çanerépondpas.Jen’insistepaspournepasalerterlesvoisins.Cettefois,jesuisprêteàentrerpartouslesmoyensetjesuisbiendécidéeàyarriver.

Benvoyons!Commesij'avaisfaitçatoutemavie!

Certesnon!Maisj'aiquandmêmeregardébonnombredefilmsd'espionnageetjesaisquepourpénétrerpareffractiondansunappartementdontonn’apaslaclé,iln'yapastrente-sixsolutions.Ilyenaquatre:

Un:oncanardelaserrurededeuxcoupsdeflingueéquipéd'unsilencieux.Problème:jesuisunefaroucheopposanteauxarmesàfeu…

Deux:ondéfoncelaportemaisjen'aipaslacarrurepourçaetjenevoudraisalerterpersonne,surtoutpaslavoisine.

Trois : on utilise une radiographie qu'on glisse entre la porte et le loquet.Mais si la porte estferméeàclé,çanemarchepasetjen'airiendetelsouslamain.

Quatre:oncrochètelaserrureàl'aided'uneépingleàcheveux…

Bingo!J'enaipleinlatignasse!

Je fouillemonchignonet en tireune avantdem'accroupirdevant l'entrée. Il fait encore frais àcetteheure,maisjecommenceàtranspireràgrossesgouttes,furetantdegaucheàdroiteaucasoùuneportes’ouvre.Ilmefautéviterdemefaireattrapercommeunevulgairecambrioleuse.L’épingleglissedemesmainsmoites.

UnvéritableArsèneLupin!

Je tremble autant de nervosité que de peur d'être surprise par un voisin. Je n'ai pas lamoindreenviedemeretrouverauposte!Quandjeparviensenfinàglisser lepetitboutdeferrailledans laserrureetquejem'apprêteàactionnerlapoignée,j'enfoncel'épingleunpeutropfortetelletombedel'autrecôté!

Jesuismaudite!

Je ne peux m'empêcher de râler contre Jane dont l'inconséquence me met dans de pareillessituations,maisjem’enveuxaussitôt.D’autantquejesuisconvaincueque,pourunefois,ellen’yestpourrien.Cecoup-ci,ils’estpasséquelquechose.

Mais jedoismerendreà l'évidence.Jen'aipas lemoindre talentdecambrioleuse, il fautque jetrouveune autre solution.Mes genouxme fontmal, jeme redresse enm'appuyant sur la poignée.Miracle:laportes'ouvrecommeparenchantement!

Jen'arrivepasàycroire!J'aipenséàtoutsaufàl'éventualitéquel'appartementn'étaitpasferméàclé.PourtantJaneestbiendugenreàsortirsansverrouillersaporte!Lecœurbattantàtoutromprejen'osepasrentrer.

Jefinisparpousserlaporteetcequejedécouvremesidère!Lalumièredujours'infiltreparlesvolets fermés et éclaire par intermittence une vision d'apocalypse. L'appartement est sens dessusdessous. Je me fige sur le pas de la porte, effrayée. J'hésite à m'enfuir, mais du bruit dans unappartementvoisinm'obligeàrentrer.

Lesoufflecourt,jecherchel'interrupteur.Etquandjefinisparletrouvermasidérationsechangeen effroi. L'espace de quelques instants je crains qu'un psychopathe ne me saute dessus, mais àl'évidencelestudioestvide.

Maisdansquelétat!

Lescoussinsduclic-clacsontéventrés,lesétagèresrenversées,lesplacardsouverts.Deslivresetdespapiersgisentpartout sur le solainsiquedesvêtements,deschaussuresetdessacsdevoyage.Épouvantée, je reconnais même quelques affaires de Jane et étouffe un gémissement de douleur.Maintenantplusdeplaceaudoute:ilestarrivéquelquechosedegraveàmasœur!

Bouleversée,jefaisquelquespasdanscecapharnaümàlarecherched'indices,maistoutn'estquedésolation.Dans le coin cuisine, c'est lemême désordre. La vaisselle est cassée, le four àmicro-ondes,lacafetièreélectrique,toutaétédétruit.Jusqu'aufrigidairequiestrenversé.Uneflaquedelaitséchésurlelinomelaissesupposerquel'appartementaétémisàsacvoilàdéjàplusieursjours.

Peut-êtremêmeavantmonarrivéeàVegas!

Soudain,jedécouvreuneautreporte.Unefoisencorejeredouted'entrer.J'aipeurdecequejevaisy trouver, j'ai des sueurs froides, mais je prends courageusement sur moi. J'enjambe les affairesentasséesetpénètredanslasalledebainsplongéedansl'ombre.J'allumelalumière.Lapetitepièceasubi le même sort que le reste du studio. Là encore, tout est sens dessus dessous, l'armoire àpharmacieaétévidée.Desboîtesdemédicaments,dumaquillageetdesproduitsdebeautéjonchentlecarrelage.

Figée, lesbrasballants, jenepeuxqueconstater lesdégâts. Jemesensgagnéeparunsentimentd'impuissanceépouvantable.J'ailesjambescoupées,jem'assiedssurlereborddelabaignoirepournepastomber.

J’ignorecequiabienpusepasser,maisc’estloind’êtrerassurant.Est-elleseulementencoreenvie?Moninstinctmeditqueoui,maisledécorravagélaissepourtantsupposerlepire.

Je croisemon reflet dans lemiroir, cheveux blonds collés au visage, et cette imageme désolequandd’uncoup,faceàcemiroirquirenvoiemonrefletdésespéré,undéclicsefaitdansmatête.

Quandnousétionsadolescentes,Janeetmoiavionsunjeuhéritédel'enfance.Nousnouslaissionsdes petitsmessages cachés derrière lesmiroirs.À lamaison, au snack, dans les toilettes du lycée,partoutoùc'étaitpossible.

Unecomplicitédejumelle!Unefaçondetoujoursresterconnectées…

Jemelèveavecespoir,glissemamainentrelemiroiretlemur.Jecherchequelquessecondesàtâtonsquandunpetitboutdepapierpliétombedanslelavabo.Jem'ensaisisaussitôtpleined'espoir,ledéplienerveusement,maiscequiestécritdessusmefaitl'effetd'uncoupdepoignard.

Aufondducœuretjusquedanslesentrailles!

Unseulmotpourtant,maisquisuffitàmedonnerlevertige.Janeétaitcertainementpresséeetn'apaseuletempsd'expliciter,maisc'estàmoiqu'elleaadressécemessage,çanefaitpasl'ombred'undoute.Lesoufflecourt,blême,jefixelessixlettrescapitalesécritesàlava-viteetjesuisbienobligéede me rendre à l'évidence, les quatre consonnes et les deux voyelles forment bien le mot«HANSON»!

CommeSamuelHanson…

Je ne comprends plus rien. Pourquoim’a-t-il approchée ?Qui est vraiment cet homme ?Quelrapportya-t-ilavecJane?

Ets’ilétaitresponsabledesadisparition?

Àsuivre,nemanquezpasleprochainépisode.

Retrouveztouteslesséries

desÉditionsAddictives

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Septembre2016

ISBN9791025733370