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EmmaM.Green

CORPSIMPATIENTS

Volume2

ZFIN_002

1.Rienàfaireici

J’ai l’impression qu’octobre étale ses nuages bas sur ma rue du Queens, comme un privilègemaussadequ’ilmeréserve.Mapetitepunitionrienqu’àmoi.LecielsedégagedèslepâtédemaisonssuivantetétiresonbleuazurverslesbuildingsdeManhattan,lecampusdeColumbia,làoùlavienes’arrête pas.Et pourquoi en serait-il autrement ?C’estmoi qui ai choisi de venirme réfugier ici.Chezmamère.Dansmamisérabletanière.Desécherlescoursetderécupérerlesnotesd’AbrahametPhoebe,quiontlagentillessedetoutm’envoyerparmail,sansmeposerdequestions.Enfinsi,maisilssecontententdemesnon-réponses.Jazmininsiste,elle.Chacunsonstyle.JereçoisrégulièrementcegenredetextosdemesTroisFantastiques:

[Reviens,Thelma.Jecasserailesdentsdupremierétudiantquioserateregarderdetravers.Sinon,onpeutallercourir,nager,ramer.Làsibesoindetedéfouler.Phoebs]

[McNeiletladoyenneontpasséunsavonàtoutlegroupedetravail.Tolérancezéro,bla-bla-bla.Plusrienàcraindrepourtoi.C’estjustedeuxphotosetunepauvrerumeur.Déjàoubliée.Ilspeuventpastevirerpourça.Enfinsi,ilspeuvent.Maisonvadirequ’ilsleferontpas.Grouille-toiderentreroujemefaistatouertonprénomsurlecul.Abe]

[Pourquoitutecaches?T’asrienàtereprocher,si?Enplus,t’étaiscanonsurlesphotos!EtyapirequeMcLovepourposeràcôtéd’unprof…Ellessonttoutesjalouses.D’ailleursmoiaussi!Çatedérangesijet’emprunteundébardeur?Désolée,déjàfait.Rentre,c’esttousdesgrosnazes!Etj’aipersonneàquiparlerdecertains trucs.Tucroisque jedevraisme fairegonfler les lèvres ?Kiss,Jazz]

[C’estbon,lavoieestlibre:troisfillesdufan-clubdeMcNeilontpostédesphotosdeleursseins,avecdeslunettesàmonturesnoiresdessinéesau-dessusdeleurstétons.Onneparleplusquedeçaàlafac.Ilsnesaventmêmepluscommenttut’appelles.Ont’attend!Abe]

[JazminacommandédubotoxsurInternet.Lacolocpartensucette.Si turevienspasvite, je luiinjectemoi-même.Directdanslecerveau.Sinonçava?Phoebs]

Ilsmefatiguentdéjàmaisilsmemanquentencoreplus.Entoutcas,ilsarriventàmefairesourireàdistancealorsquetoutmonespritestencoreassombriparceslettresnoirestracéesaumarqueursurletableaublancdel’amphi:«MCLOVESETAPETHELMABELLAMY».Àcesmotshumiliantssemêlentlesmenacesdeladoyennedelafac,quitournentenboucledansmoncerveau:«Ilestindiquédans la charte centenaire de cette université que les relations entre élèves et professeurs sontformellementinterditesetqu’ellespeuvententraîneruneexclusionimmédiate.Jenetransigepasaveclesrègles.J’oseespérerquevousnonplus…J’aidesyeuxetdesoreillespartout…Ilseraittragiquequecetteboursevoussoitretirée…»

Elles nem’ont été dites qu’une foismais je les connais par cœur. Et plus que toutes les autresphrases (criantes de vérité) prononcées parMrs Seymour ce jour-là, celle-ci résonne enmoi,mevrillelestempesetmetordleventre:«Quevouslecroyiezounon,jelefaisdansvotreintérêt.UnhommecommeFinnMcNeil…Ilpourraitvousfaireperdrecepourquoivousvousêtestantbattue».

Cettefemmeque j’admireautantque je lacrainsnepourraitpasavoirvuplus juste.Parceque j’aibeaumemaudirepourcemomentdefaiblessequim’ajetéeviolemmentdanslesbrasdeL’Homme,j’aibeauregrettermoninconscience,haïrcetteattractionpuissanteàlaquellejen’aipasrésisté:elleaussi me manque. Cette chose-là entre nous. Indéfinissable. Lui me manque. J’ai davantage vibrépendant cette heure dans sa loge VIP que les vingt et une dernières années. Et c’est pourtant lapremièreetladernièrefoisqueçaseproduisait.Juré,craché.Surlatêtedemespetitsfrères.

Commentlameilleurechosequivoussoitjamaisarrivéepeut-elleaussisetrouverêtrelapire?

Jeconsultemescomptesbancairessurl’applicationdemontéléphone,ceuxdemamèredansdesenveloppesencorefermées,j’ouvrelesplacardsetlefrigoetleurpointcommunmesauteauxyeux:tousdésespérémentvides.Oupresque.Jenoteaudosdel’enveloppe(mouchetéedetachesdegras),enappuyantcommeunemaladesurlaminequipeineàécriredansl’huiledefriture:lait,céréales,pain demie, laitue, tomates, cheddar, pommes.Leminimumvital.Et lemaximumque je peuxmepermettrede leur acheter sansme ruiner complètement. Il reste tout lemoisd’octobreà tenir.Descornflakesetdessandwichesaufromage,ceseratoujoursmieuxquedesnuggetsetdestartinesdebeurredecacahuètesàtouslesrepas.

J’attrapemes clés, ma liste presque illisible, pensementalement à ajouter « aspirine » pour ladernièrecuitedemamèreet«vraicafé»pourmoi,plutôtquecettehorreursoluble,marronnasseetsansgoûtquej’avaledepuisquatrematins.Jeramasseunslipvertquitraînedevantlaported’entrée,me demande auquel demes deux plus jeunes frères il appartient, s’il est propre ou sale, et décidefinalementque jeneveuxsavoirni l’unni l’autre.Alors je le rouleenbouleet le jetteau loinenpriantmentalement pour qu’il saute tout seul dans lamachine à laver (au hublot pourtant fermé).L’important,c’estd’ycroire.Résultat:ilatterritsurlatêteduchienets’enrouleautourd’unedesesoreilles tombantes. Le gros Forrest daigne ouvrir un œil du même côté, agite ses naseaux sansbougerriend’autrepuisserendortensoupirantdanssesbabines.Sicechiendevaitapparteniràunerace,ceseraitunsaint-blasé.

Je descends lesmarches en essayant d’ignorer la déchargede trucs cassés et abandonnésqu’estdevenulejardinsansherbe.Jeregardemespieds.Jedoisshooterdansunballoncrevépourpouvoirouvrir le portail etme retenir à un barreau blanc et rouillé pour ne pas tomber : FinnMcNeil estadosséàlaportièredesaberlinebleumarine,garéedansJamaicaStreet.Marue.Celleoùildénotetant.Sachemiseblancheouverteaucolesttropbienrepassée,savestedecostardanthracitetropbiencoupéepourlequartier.Lesmonturesnoiresdeseslunettesdoiventvaloirunmoisdenosloyers.Etlecadrandesamontrebrillesouslesoleilquivientdefaireunepercée.Onvadirequec’estçaquim’éblouit.Paslereste.Sonaura.Savirilité.Sonregardpénétrantbraquésurmoi.Sasimpleprésenceici. Ou le fait qu’il porte des Stan Smith blanches usées sous sa tenue de parfait professeurd’université. J’avais presque oublié que l’écrivain prestigieux, le célèbre présentateur télé, lerichissimebusinessmann’étaitjamaislàoùonl’attendait.

–Jemedoutaisquetutecachaisparici,prononcesavoixprofonde,suruntondécontracté.–J’aihésitéavecunhôteldeluxesurParkAvenuemaisNewYork,c’esttellementvuetrevu…

Lesarcasme:jeneconnaisaucuneautrearmecontreuncœurquibattropfort.

– C’est vrai que le Queens a un certain charme… mais pas le même genre d’universités, meprovoque-t-ilenlevantunsourcil.

– Jen’aipasabandonné,medéfends-jeaussitôt, en tombantdans lepanneau. Je fais justeprofilbas.Unepetitepausepourmefaireoublier.Etj’airattrapétouslescours.

–Jenecroispast’avoiraccuséedequoiquecesoit,Thelma…

Monprénomdanssabouchemefaitl’effetd’unélectrochoc.Ilmerenvoieparflashdesimagesdenousdans sa loge secrète,des soupirs échangés,desmotsmurmurés,des supplications.«Thelma,dis-moinon…».Aujourd’huinonplus,jenetrouverienàrépondre.

Hasarddelavie:jeportelamêmechemiseenjeanclairquecesoir-là.Etillesaitaussibienquemoi. Il l’observe.Sous toutes lescoutures.Jemeretiensdefermerunboutondepluspourquesesyeuxbleusintensescessentdememettreànu.Finnn’apasledroitd’êtrelà.Demeregardercommeillefait.Etj’aiencoremoinsledroitdel’appelercommeça.

–Est-cequejepeuxfaireunboutdeta«petitepause»avectoi?medemande-t-ilenseredressant.

Voir L’Homme semouvoirme paralyse. Je cherche à toute vitesse une porte de sortie, tout enrestantcoincéederrièreleportailblancsalequinoussépareencore.Frontièrebienvisibleentrenosdeuxmondes.

– J’allais partir.Un frigo à remplir, expliqué-je avec un haussement d’épaules et une pointe demépris dans la voix, comme s’il était incapable de comprendre l’intérêt de ce genre de bassesbesognes.

–J’aidequoitenourrirpouraumoinsquelquesminutes.

Unpetit sourireencoinétire ses lèvres fines. Il se retourne,bascule son torseà travers lavitreouverteenseretenantd’unemainaumontantdelavoiture.Jenepeuxpasm’empêcherderegardersavestesesouleveretsonfessiersecontracterdanssonjean.Cetypeestàlafoisbientropsexypourqu’onpuissel’oublieretbientropsexypournepasvousfaireencoreplusd’effetlafoisd’après.Jecroisquelecerveaufémininn’estpasprogrammépourencaissertantdecharismeetdesensualité.Entoutcaspaslemien.

IlressortdesaberlineavecungénéreuxpaquetdeM&M’sàlamainetunsouriredesalegossefierdeluigreffésurlevisage.

–C’estgentilmaiscen’estpassurmaliste,rétorqué-jepourleprincipeenbrandissantmonpapiergrasetgriffonné.

–Dequoituasbesoin?mequestionne-t-ildutacautac,reprenantsonairgrave.–Surtoutpasdetonargent.–OK,alorsjereposemaquestion:dequoitesfrèresont-ilsbesoin,là,maintenant?–Detoutsaufdetacharité.

Aprèslesarcasme,lafiertémalplacée:madeuxièmearmepréférée.

Finn émet un long soupir en se frottant la tempe, près de sa tignasse soyeuse, comme s’ilréfléchissaitàunefaçondemeprendre.

Mauvais choix d’expression. En tout cas, une façon de s’y prendre avec moi, l’irrécupérablechieuse qui refuse toutemain tendue et tout bonbon au chocolat offert. Soudain, comme s’il avaittranchésurmoncas,monprofs’avanceversmoid’unpasdécidé,mebalancelepaquetdeM&M’sque j’attrapeauvol,par réflexe, franchit lepetitportail etm’attrapepar lesépaulespourme fairereculer jusqu’auxmarches. Unmélange de douceur et de fermeté qui me déstabilise, me trouble.J’arrêtederésister,ilm’assieddeforcesurlatroisièmeets’installeàcôtédemoi.

–Parle-moi,Thelma.–Tuvastesalir…–Arrêteunpeuavectoncynisme.Jesaisquetunememéprisespastantqueça.Etjesuiscapable

defairelalessive,contrairementàcequetucrois.

Savoixassuréeetsesrepartiesbienchoisiesviennentdememoucher.Jedétesteça.Normalement,c’estmoi laprodesphrasesassassines.Et lachaleurquiémanedesoncorpsetcontaminelemienm’empêchederéfléchir.

–Parle-moideschosesquicomptent,insiste-t-iluntonplusbas.

Jemeconcentreànouveausurmespiedspour fairecesser le tournisdansma tête.MesvieillesConversebleudélavéfrôlentsesStanSmithblanchesetcraquelées.Jemesurprendsàmedemanderquelle paire est la plus ancienne. Je n’imaginais pas le ProfesseurMcLove en grand sentimental,attachéàsesvieilleriesvintage.EtcapabledevenirusersessemellesjusquedansleQueensparcequej’aimanquéquatrejoursdecours.

– Est-ce qu’il faut que je quitte la fac pour que tu y remettes les pieds ? me lance-t-il alors,apparemmentsérieux.

–Non!Biensûrquenon!Paslapeinedejouerleshérosprêtsàsesacrifier!riposté-je,outrée.–Paslapeinedejouerlesvictimesprêtesàtoutlaissertomberàlamoindredifficulté.

Cetteremarqueacerbem’envoieuneflècheenpleincœur.C’estmalmeconnaître.Àmoinsquecesoittoutlecontraire,etqu’ilsacheparfaitementcommentmeprovoquer.

– Je n’ai pas décroché, déclaré-je dema voix la plus affirmée. Il faudra plus qu’une partie dejambesenl’airavecunprofetunpetitrappelàl’ordredeladoyennepourmefaireabandonner.

–Tantmieux,acquiesce-t-ilsansmeregarder.–J’avaisjustebesoindesouffler.Dem’éloignerdelafacpourlaisserpasserlatempête.Riende

telqu’unpetitséjouricipourmerappelercequejefuis.Etmerecentrersurl’essentiel.–Troispetitsfrèresetcentsoixante-douzeM&M’s:lekitdesurviedeThelmaBellamy,s’amuse-

t-ilàrésumer.

Jesourismalgrémoietmedécideenfinàouvrirlepaquet.Jecroquedansunbonbonchocolatépuisj’enengloutisunedizained’autresavantdepenseràluienproposer.Etdememettreàparler.

–Jesuislapremièredemafamilleàalleràl’université.C’estmonuniquechancedemesortirdecequartier.D’échapperàcedestinquimeretient.Etd’offrirquelquechosedemieuxàmesfrères.

Ilsoupiredoucement.Etsonparfumléger,sucrémemonteàlatête.

–Tudevraispenseràtoi,parfois…–Ladernière foisque j’ai faitça,maviea faillivolerenéclats,chuchoté-jeen tournant la tête

pourallercherchersonregard.–Çan’arriverapas,m’assure-t-ildutacautac.

L’Hommemefixesansciller.Jecrèved’enviedel’embrasser.

–Jenepeuxpastoutgâcherpourunehistoiredesexe,répété-jeenmenoyantdanssesyeuxbleus.–Jenesaispaslequeldenousdeuxtuessaiesdeconvaincre,murmure-t-ilàvoixbasse.Maisje

suisd’accordavectoi.

Pendantquelquessecondes,leregardprofondetsilencieuxquenouséchangeonsmesemblediredestasdechoses:quecettehistoireétaitbienplusqueça,pourluicommepourmoi,qu’ellenepeuttout simplement pas s’arrêter là.Mais FinnMcNeil se relève d’un bond, retire sa veste qu’il jettenonchalammentsurlarampedel’escalier,etcommenceàretrousserlesmanchesdesachemiseenmebalançantcesphrasessansplusjamaiscroisermonregard:

–Jenesupporteraipasquetuabandonnesàcausedemoi,Thelma.Jesaisquetuparsdeloin,quetut’esbattuepourenarriverlàoùtues.Cen’estcertainementpasmoiquimemettraientraversdetonchemin.Onvaenresterlà.Pourlebiendetesétudesetdemacarrière.Jeveuxquetureprenneslescours.Dèsdemain.Qu’onrespectelesrègles:tuesmonétudiante,jesuistonprof.Riendeplus.Sijefaiscemétier,c’estpourêtreutileauxautres,paspourleurnuire.

Savoix robotique s’éloigne tandisqu’il rejoint saberline,ouvre lecoffre sans toucheràaucunboutonetensortunepompedegonflage.Ilfranchitànouveauleportail,s’empareduvieuxballondebaskettoutaplatietsemetàleregonfler.Lesmusclesdesesavant-brassetendentaurythmedesesgestessûrs,desveinesapparaissentsurlapeauhâléedesespoignets.Soncorpstoutentensionetenvirilitémerappellededélicieuxsouvenirs.Dedouloureuxsouvenirs.Déjàbientroplointains.

–Tun’aspasbesoindefaireça,Finn,dis-jeenmemordant la langueaumomentdeprononcersonprénom.

–Tuasuneidéedequiapuprendrecesphotos?medemande-t-ilenm’ignoranttotalement.–Àpartlesfillesdeton«fan-club»,non…–Ouquelqu’unquisetrouvait làparhasard.Ilparaîtquec’estmonnaiecourantesurlecampus.

Les fausses paparazzades. Ceux qui ont fait ça devaient juste vouloir s’amuser un peu. Ils serontbientôtpassésàautrechose,déclare-t-ilenhaussantseslargesépaules.

–Tun’espasaucourantdesphotosdeseinsàtoneffigie?dis-jedansunsourire.–Pardon?!

Ilmetendsonvisageaufrontcrispéparl’effortetauxyeuxétonnés.

–Teslunettescarréesdessinéessurdestétonsenguisedenez.–Jecroisquej’ensaisdéjàtrop,semarre-t-ilenremontantsesmonturesnoiresd’ungestesexy

dudosdelamain.

Ilserelève,faitrebondirlaballeenquelquesdribbleshabilesetshooteverslepanieràmoitiéfixéaumur.Jen’aipasletempsdeleprévenir.Leballonrentre.Lepanierdégringoleaussitôt.

–Etmerde.–Jolitir!memoqué-jeàlavuedesamouedépitée.–Un fandesNewYorkKnicksnepeut pas avoir dumatospareil ! s’agace-t-il en ramassant la

casquettequitraînaitparterreetensel’enfonçantsurlatête.

Lerevoilàrepartiverslecoffredesavoiture,dontilrevient,uneénormeperceuseàlamain.

–Tuasvraimenttouteunecaisseàoutilsdanstaberlinedeluxe?demandé-jeenécarquillantlesyeux.

–J’aimepouvoirmedébrouillertoutseul,merépond-ilpourtouteexplication.

Sans quitter mes marches, je le regarde ramasser un escabeau bringuebalant qui n’a pas servidepuisdesannées, retirerses lunettesqu’il rangedans lapochedesachemise(demoinsenmoinsblancheetdeplusenplusfroissée),refixersolidementlepanneaudebasketaumurpuislepaniersurson socle. Il abandonne sa perceuse puis se suspend à l’arceau pour tester sa solidité. Avec sacasquetteorangeetbleu,sesexploitsphysiquesetsonsourirelumineux,onluidonneraitdixansdemoins.Etaumoinsdixpointsdeplusensex-appeal.Jelesavaisdouédesesmainsmaisj’ignoraisquel’intellorebellepouvaitaussijouerlesbricoleurshorspair.

Est-cequ’ilexisteuneseulechosesurterrequeL’Hommenesaitpasfaire?

Jesavourecesquelquesinstantsànerienfaireàpartleregarderremettred’aplombmaviequivade travers. Et le contempler, lui, fantasme assouvi mais redevenu intouchable, mâle multitâche etmultifacetteauqueljeviensdedéciderderenoncer.

Alorsqu’ilarangétoutsonéquipementdeself-made-manets’apprêteàpartir, lestroisgarçonsarriventencourantdel’école.Enfinça,ceseraitdansunerueverdoyantedel’UpperEastSide.DansJamaicaStreet,lascèneressembleplutôtàça:aumilieud’autresgossesbruyantsetdébraillés,Neo,l’aîné,traînelentementsonbaggytropgrandquil’empêchedemarchernormalement.Anakintented’accélérer en soufflant commeun bœuf,moulé dans unT-shirt trop petit. Et Sparrow, le dernier,voûtésousuncartablebientroplourdpourlui,foncesejeterdanslesjambesdeFinn.

– Qu’est-ce qui t’amène de beau par ici ? ! lui demande numéro 1, sur un ton d’adulte, maistoujoursaussiapproximatifdanslaréutilisationdesexpressions.

– Trop cool, tu as regonflé le ballon ? ! s’extasie numéro 2 en rougissant entre ses taches derousseur.

– Je rêve ou c’estma casquette sur ta tête ? ronchonne numéro 1, le regardmauvais, prêt à endécoudreavecl’intrussursonterrain.

–Et comment t’as fait pour réparer le panier ? ! s’écrie encoreAnakin, les yeux rivés au ciel,remplisd’admiration.Neoaessayéaumoinsdixfois!

–Ferme-la,MarshmallowMan!C’estpasenjouantaubasketquetuvasperdretestroiscouchesdegras.

–Onsecalme,toutlemonde!tenté-jepourfaireredescendrelatensiond’uncran.

Finnretirelacasquetteetlatendàmonfrèreleplusâgéetlemoinscommode,ensoutenantsonregarddegrosdur.

–Tupeuxtelagarder,marmonnelerebelleenbaggy.Detoutefaçon,elleaservidegamelleauchien.

–Jesuisàpeuprèssûrequecen’estjamaisarrivé,rectifié-jeavecunsouriregênéendirectiondeFinn.Ettoi,tupeuxallerjouerlescaïdsdanstachambrequandtuveux!m’adressé-jefermementàl’ado.

–Vousaussi,trouvez-vousunechambreaulieudefaireçadanssabagnole.Mêmemaman,elleal’idéedes’enfermerquandelle…

–Neo!lecoupé-jeenhaussantleton.–Situasdeschosesàmedire,jesuisjustelà,luilanceFinnd’unevoixparfaitementcalme.Mais

laissetamèreettasœurendehorsdeça.–Rienàtedireàtoi,décrètemonfrèrequiaapparemmenttrouvéplusfortquelui.

Puisiltourneledos,luioffrel’arrièredesoncrâneraséauxinscriptionsindéchiffrables,avantdemonterl’escalieretdedisparaîtredanslamaison,desadémarchelaplusnonchalante.

–Jesuisdésolée,fais-jeàFinndansunsoupir.Ilaunpeudemalavecleshommesquimarchentsursesplates-bandesde«chefdefamille».

–Jecomprends,medit-ilsimplement.J’aieuquatorzeansavantlui.Etlemêmegenred’attitudesfaceauxadultes,àl’autoritéengénéral…

–FinnMcNeil,adolescentdifficile?résumé-jepourtenterdem’enconvaincre.–Tune sais riendemoi,Thelma, souffle savoixgravependantque son regardbleu seperdà

l’horizon.–Etnosnouvellesrèglesm’obligentànerienvouloirsavoir,tuterappelles?–Jeferaismieuxdem’enaller,acquiesce-t-ildansundemi-sourire.

Il dépose la casquette des Knicks sur la tête d’Anakin, rougeaud et tout essoufflé, qui a déjàdélaissélebasketpourserabattresurlepaquetdeM&M’sabandonnésurlesmarches.

–Sparrow,combiende«t»à«attention»?braillesoudainmamèreensortantdelamaison,unecigaretteetunstylocoincésdanslesdoigtsdechaquemain.

–Troisentout,luirépondmonplusjeunefrèredesavoixstridente.–Etoùest-cequejelesmets,petitgénie?!Viensmemontrer!Ettoi,Thelma,disàtonpetitami

d’entrer.Vous avezpassé l’âgedevousbécoter en cachette sous leperron !Quoique,ma fillen’ajamaisbeaucoupaiméflirteraveclesgarçons…Ohça,ilsauraientpasditnon!Maisilauraitfalluqu’ellesoitunpeumoinscastratriceaveccespauvresgrandscouillons!

–Maman,jecroisquec’estbon..,tenté-jedelastopperdanssonélanvolubile.–Finn,çaveutdirequoi«cascadrice»?luidemandeSparrow,toutàcoupintéressé.–Hmm…C’est le genre de femme qui retombe toujours sur ses pieds, qui n’a pas besoin des

hommespourl’aideràserelever,improvisemonprofavecunregardmalicieuxversmoi.–Bon, vous entrez tous ou on se fait un cours de vocabulaire dans le jardin ? s’impatientema

mère.–Mercipourl’invitation,MissBellamy,maisj’aidelarouteàfaire…– Avec un bolide pareil, ça ne doit pas vous prendre beaucoup de temps ! commente Jill en

louchantsurlaberlinedeluxegaréelelongdutrottoir.

Mamèreignoretotalementqu’ilestmonprofesseurdelittérature,pasplusqu’elleneconnaîtsonstatutd’écrivaincélèbreoudeprésentateurtéléàsuccès:ellen’estpasdugenreàliredesbouquinsouregarderdesémissionslittéraireslevendredisoir.Maisapparemment,sonniveausocialneluiapas échappé. Il faut croirequemême laplus sévèredes cuitesn’empêchepas cegenred’éclair delucidité.JillBellamysaitreconnaîtrel’odeurdel’argentdèsqu’ellelaflaire.Lesoccasionssonttroprares.

–Uneprochainefoispeut-être,s’excusepolimentFinnenallantrécupérersaveste.

Sonsourireravageuragitsurmamèrequinepensemêmepasàinsisterlourdementcommeellesait si bien le faire. Je l’entends seulement bougonner « c’est con, y avait plein d’autres trucs àrépareràlamaison»,puiselletiresursaclopeconsumée,laissetomberdelacendresursonpiedetretourne à sa lettre. Sans doute « à l’attention » de je ne sais quel organisme qui lui réclame del’argentqu’elledoit,etqu’elletrouvedégradantqu’onleluirappellechaquemois.Sparrowaccourtderrièreellepour lescorrections.Anakin rentreà son tour,en lançantunepoignéedebonbonsauchienetsonéternel«Cours,Forrest!»quin’obtientpasderéponse.

–Cettefoisj’yvais,déclaresolennellementL’Hommeenrechaussantseslunettes,commepoursecacherànouveausoussoncostumedeprof«biensoustoutrapport».

Celuiquirespectelesrègles.Alorsqu’illesdétesteautantquemoi.

–MercipourlesM&M’s,hésité-je.Etlesréparations...Etpourladiscussion.–Derien,écourte-t-il.–Si.J’enavaisbesoin,avoué-jeduboutdeslèvres.Jeseraideretouràlafac,demain.

Jem’appuiedesdeuxmainssur lepetitportailblancqueFinnfranchitenfin.Ils’arrête, justedel’autrecôté.Iladumalàpartir,jelesens.Autantquej’aidemalàlelaissers’enaller.Ilseretournelentement. Plonge ses yeux brillants dans les miens. Glisse ses doigts frais à l’intérieur de mespoignets.Penchedoucementlatêteetmurmure:

–Jesaiscequetestatouagescachent.J’aisentilescicatricessurtapeau.Tuasdéjàbiensouffert,Thelma.Etjeneseraipasceluiquiteferasouffrirencore.C’estpourcetteseuleraisonquejepars.

Jefixelaplumeetlaflèchetatouéesàl’intérieurdemesavant-bras.Sesdoigtsquimetouchentetmapeauquin’enrevientpas.J’entrouvrelabouchepourtrouverquelquechoseàrépondre,maissesmainsquittentdéjàmoncorps.Sonregardbleusoutenuquittemesyeuxhumides.L’HommequittemarueduQueens,emportédanssaberlinequin’avaitrienàfaireici.

D’accord,mais…Est-cequejepeuxveniraussi?

2.Silesyeuxpouvaientparler

Il arpente fièrement la longue estrade comme le ferait un félin sur ses terres, la tête haute et leregardperçant.Maisquelquechoseachangé.FinnMcNeilneportepasseslunettes,aujourd’hui.Sesépaischeveuxchâtainssontplusenbataillequed’ordinaire.Savesteunpeumoinsbienrepassée.Jesuisprobablementlaseuleàremarquercegenrededétails.Laseuleàleconnaîtreau-delàdecequ’ilveutbienlaisserparaître.

Laseuleàmedemandersitoutçaaunrapportavecmoi…

Dé-bi-le.

Distrait,McLovelaisseéchapperunefeuilleetsepenchepourlaramasser.Unetrentainedepairesd’yeux (dont les miens) se posent sur son parfait postérieur, moulé juste ce qu’il faut dans sonpantalondecostard.Enseredressant,L’Hommefaitsigneàsesgroupiesdupremierrangdesetaire,puisilappuiesurleboutondurétroprojecteur.Toutcommesonhumeur,l’amphithéâtreseretrouveplongé dans le noir et les images se mettent à parler pour lui. Les portraits de grands auteurscontemporainss’enchaînent,accompagnésdecitationsinspirées.Mescamaradesdeclassesemblentcaptivés, contrairement à moi qui suis incapable de me concentrer. Je vois défiler chaque visagefamiliersansvraimentyprêterattention,lischaquephrase,maislesmotssedéfilent,commedénuésdesens.Jemordillemonstylojusqu’àsentirlegoûtâcredel’encresurmalangue.

Jesuisunebouledenerfs.Uneboulequin’aplusdestylopourécrire,plusdeself-controlpours’instruire…Etplusd’amantpourlafairegémir.

Finnn’apas croisémon regardune seule foisdepuis ledébutducours.Alorsque levisagedeHarperLeeoccupetoutl’écran,jelecherchedesyeuxdanslapénombre.Riendevant.Jemeretournesoudain et pendant un millième de seconde, je prie pour qu’il ait bafoué les règles que l’on ainstaurées.Pourquelerebelleenluiaittoutenvoyévalseretsoitvenus’asseoirauquatrièmerang,justederrièremoi.Jedonneraistoutpourressentirànouveaucesi joli trouble,cettedouceivressequim’habitedèslorsqu’ilestàmoinsd’unmètredemoi.

–Paxton,vouslafermezouvoussortez…entends-jesoudainsavoixprofondegrogner.

Jelerepèreetréalisequemonvœuesttrèsloind’êtreexaucé.Finnestrestéàdistance.Ilachoisilasecondemarchedugrandescaliercentral.Ilasuivilesrègles.

Presquedixjourssansunregard,unsourire,uncontact,unfoutumotsurmacopie…

C’est donc ça, le manque. Celui qui vous suit à la trace, vous grille le cerveau, vous retournel’estomac,vousréveillelanuit.

Je mords à nouveau machinalement dans mon stylo et le regrette aussitôt. Je le repose

rageusement, en le faisant claquer sur la table et fixe farouchement l’écran en espérant que maconcentration revienne.Mais rien ne change, si ce n’est les regrets qui s’accumulent. Après monretour à la fac, les premiers jours, la torture était presque supportable. Les révisions et l’écriturem’aidaientà tenir.Jemepensaisassezfortepour tireruntraitsur lui.Pourrespecternotreaccord.Maismoncorpssembleaussibornéquemonespritetlesdeuxsesontliguéscontremavolonté:ilsrefusentdel’oublier.

La grande pièce s’éclaire à nouveau, l’écran s’éteint.McNeil se lève, annonce qu’il n’a pas decopies ànous rendrecette semaineetqu’il est tempspournousdedécamper.Un joyeuxbrouhaharetentitparmilesélèves,chacunyvadesonpetitcommentaireenrassemblantsesaffaireset,depuismonsiègeisolé,j’assisteàceremue-ménagesansbouger.Moiquinem’étaisjamaisvraimentsentieàmaplaceici…Çanevapasens’arrangeant.

–Aufait,Emma,m’apostropheuneblondeperfidelorsquejemedécideàrejoindrelasortie.–C’estThelma.–C’est pareil, hausse-t-elle les épaules, en faisant signe à ses copines duCercle des Étudiantes

Transiesd'Amourderappliquer.

Cinqcontreune…Classe.

–Onvoulaits’excuserdet’avoiraccuséeàtort,sourit-ellefaussement.–Oui,confirmeune jolieblackaucrâne rasésurunseulcôté.Onacruqu’il sepassaitun truc

entreMcLoveettoi,maisons’estclairementtrompées.–Tun’esrienpourlui,c’estflagrant!ricanelesosiedelapremièreblonde.

Peudechosesm’atteignent,etlaméchancetégratuiten’enfaitcertainementpaspartie.Çafaitdesannéesquej’essaiedeconvaincreAnakinquel’indifférenceestlameilleureréponsefaceàcegenred’attaques(etquelekarmafiniraparretrouverceuxquim’ontfaitdescrasses).Jerespirecalmementetsourisàlarondeenm’apprêtantàreprendremoncheminquandunerousseausacàmainVuittonmecrachesonvenin:

–Nonmaisfranchement,tut’esvue?Etcelook?!Pourquoiest-cequ’ilt’auraitchoisie,toi?

Bonnequestion…

Connasse.

Lavoixstridentedecettedernièreencouraged’autresétudiantsàs’approcheret lescinqvipèrescontinuentdemedétaillerdelatêteauxpieds,unrictusdedégoûtsurleslèvres.Cequilesdérange?Jepréfèreleslivrescornésauxémissionsdetéléréalitéetlavraiesolitudeauxamitiésvirtuellesdesréseauxsociaux.LesConverseauxLouboutin.Toutestnaturelchezmoi,quitteàresterimparfaite:pasdechirurgie,pasd’obusàlaplacedesseins,pasd’extensionsnidefaussesdentsétincelantes.Jedéteste tricher. À peine un peu de noir sur les yeux et de vernis transparent au goût amer pourm’empêcherdemerongerlesongles.Maisquandonsefaitoffrirunedécapotableàseizeansetuneliposuccionàdix-huit,onpeutdifficilementvoirplus loinque leminusculeboutdesonnezrefait.Mes poings me démangent, je connais un dictionnaire de lettres anciennes qui pourrait faire des

dégâtssur lespommettesparfaitementbotoxéesdecettepétasse,mais jegardelecontrôletantbienquemal.

Quelquesmètresplusloin,jesurprendsleregarddeFinn,braquésurmoi.Ilal’air…furieux.Sesyeuxsontplissés, sesmâchoirescontractées, je le sensàdeuxdoigtsd’intervenir.Àdistance,d’uninfimesignedetête,jeluifaiscomprendrequecen’estpasnécessaire.Onnes’estpasparléseulàseuledepuisuneéternité,maisnosyeuxviennentde le faire. Ils saventparfaitementcommuniquer.Alorsquemoncœurbatlachamade,jemeretourneverslabandedescinqetleurbalance:

–Vousêteslàuniquementparcequepapaetmamannesavaientpasquoifairedeleurfricetqu’ilsontfaitunebelledonationàColumbiapourvousmettresurlaliste.Vousêtesdescoquillesvidesetsivouspensezuneseulesecondequ’untypecommeFinnMcNeils’intéresseraunjouràvous,vousêtesencore plus stupides que ce que vos propres géniteurs s’imaginent !Ouvrez les yeux,mes petiteschéries : si dans deux ans vous n’avez pasmis lamain sur unbonparti, assez naïf pour voir unequelconquebontéd’âmeenvous,vousêtesfoutues!

Jetournelestalonsetdéguerpisdanslecouloir,suiviedeprèsparunAbrahamtotalementhilare.

–Tulesasdégommées,Bellamy!lâche-t-ilenpassantsonbrassurmesépaules.EttuauraisvulatêtedeMcNeil!Ilavaitl’airaussifierquemoi!

Lesjambesencoretremblantes,jequittemoncolocdevantleréfectoire.Jen’aipasfaimetaucuneenviederaconteràJazzetPhoebecequivientdesepasser.Abes’enchargeratrèsbien.Jepréfèreprendremontempsenprofitantdesquelquesrayonsdesoleilquitranspercentbravementlesnuages,jelongelesfaçadesenbriquesblanchesetrougesducampus,dépasselaLowLibraryetsesmarchessurpeupléespuispénètredanslebâtimentprincipaloùsetrouvemoncasier.Lorsquejel’ouvrepouryrécupérerquelqueslivres,unmots’enéchappe.Surunefeuilledéchiréeendeux,enlettresrouges:

[Jen’aipasledroitdetedireça…Maissij’avaisunchoixàfaire,ilseraitévident.]

Pasbesoindesignature,jereconnaisl’écriture.Finnvientdeglissercesquelquesmotsdansmoncasieretrienqu’avecça,ilaembellimajournée.Masemaine.Maputaindevie.

***

–AbrahamLawson!Ouvrecetteporteoujeladémolis!–Non,jeprépareledéjeuner!Etsitucasses,tupayes!

Samedimidi.Depuisdixminutes,JazmintentedeconvaincreAbedeluilaisserl’accèsàlacuisine.Sesparentssontsurlepointd’arriveretMissParfaiteestenpanique.

–Jesaisquetuesobsédéparleguacamole,lesnachos,burritosettouscestrucsen«os»,maistunepeuxpasservirunrepasmexicainàmesparents,ilsvontmetuer!s’égosille-t-ellefaceàlaporteclose.

J’assiste à ce spectacle sans intervenir, curieuse de connaître le dénouement de ce match Inde-

Mexique.Attiréeparlescris,Phoeberappliqueenbasdejoggingetbrassièredesport.Jel’interrogeduregard,ellesoupireetpasseauxexplications:

– La dernière fois qu’elle est venue, lamère de Jazz a fait un curry de poisson et a empuantil’appartpendantunesemaine…

–J’aihâtedelesrencontrer,ris-jedoucement.–Neparlepas tropvite…murmure lablondeavantde retournerdanssachambrepourallerse

changer.

Quelquesminutesplustard,lasonnetteretentitetJazzhyper-ventileenlissantfrénétiquementsoninterminable chevelure brune.Arun et ShantiRasgotra embrassent chaleureusement leur fille, puisl’observentdehautenbasdansunrituelétrange.Pourl’occasion,leurfillearevêtusonsarileplustraditionnel, ses bijoux les plus précieux et a eu la main plutôt légère sur le maquillage. MaisapparemmentpasassezaugoûtdemamanShanti,quieffaceénergiquementleblushrosedesjouesdeJazzen laréprimandantdanssa languenatale.QuantàpapaArun, il fixe tourà toursaRolex,sontéléphoneetlesposterssurlesmurs(quinesemblentpasluiplaire)enfaisantremarquerqueçanesentpasdutoutlesépicesindiennes.

Lorsqu’ilssetournentenfinversnous,c’estpournousserrerlamaindemanièrerigideetgênée.Jeme présente simplement aux deux parents, quime dévisagent presque aussi longtemps que leurfille,avecunhochementdetêteincompréhensiblemélangeantle«oui»etle«non».Aucuneidéedecequ’ilspensent.JedécidealorsdemeportervolontairepouralleraiderAbeencuisine.

–Ilsfontflipper!chuchoté-jeenremuantlechiliconcarne.Tuessûrdetonmenu?–Onestcheznous,marmonnelebeaumétis.Ilssontlesbienvenus,maislanourritureindienne,je

nepeuxplus.Sonpoissonaucurry,j’aifaillinejamaism’enremettre…

Onfrappeàlaporte,AbeannoncequeledéjeunerseraservidanscinqminutesmaisShantinesecontentepasdecetteréponse.Lapetitefemmeautempéramentdefeutentederentrerdanslacuisineen force, avant d’être calmée par son mari et sa fille. Finalement, les tensions s’apaisent et nouspassonsà table,aussiembarrassés lesunsque lesautres.LamèredeJazzrestemuetteet refusedegoûteràquoiquecesoit.

–Avoue,turegrettes,murmuré-jeàl’oreilleducuistot.–Ouais,jecroisquejepréféraisencorelecurryexplosifàcesilencedemort…

L’ambiance pesante s’allège peu à peu. Sous nos regards étonnés, Arun fait honneur au platprincipaletShantifinitparselaissertenter.Jazminpeutenfinrespireretreprendresonrôledepetitefillemodèledevingt-deuxans,tandisquePhoebe,Abeetmoi-mêmemâchonsensilence.

–EtOwen?Iln’étaitpasconviéàcettepetitesauterie?demandé-jetoutbasàmavoisine,quandonseprécipitepourallerchercherledessertencuisine.

–Turigoles?s’étouffepresquePhoebe.Fréquenterunepersonnedotéed’unpénis,c’estpéché!Etaveclapeaunoireetdestressessurlatête,jeneteracontemêmepas…Officiellement,OwenLamarn’existepas!

Je pouffe dans le brownie puis l'emmène à table, toujours hilare, avant de croiser le regardréprobateurdeMrRasgotra.

–Compris !Le rire, c’est comme le blush et les pénis : totalement proscrit, grommelé-je pourmoi-même.

TandisquePhoebe(de loin lapluscourageusedenous tous)revientde lacuisineunebièreà lamain,Jazzmedemandedelaprendreenphotoavecsesparents.Jecherchemontéléphonedansmespoches:introuvable.

–PrendsceluidePhoebs,ellesserontdemeilleurequalitéquelestiennes!piaillelaprincesse.

C’estvraiquejen’aipaslesmoyensdem’acheteruntéléphoneà1000dollars:mavieestfoutue.

Jem’empare du smartphone dernier cri qui traîne sur la table et prends plusieurs clichés de lafamille royale indiennequicommence légèrementàmecourirsur leharicot rouge.Enpassant lesimagesenrevue,jeremonteunephotodetropet…moncœurs’arrête.

Finnetmoi…Danssavoiture…SurletéléphonedePhoebe.

Jedeviens livide, repose l’appareiletvidemonverred’eaud’un trait. Jememetsà imaginer lepire.Àenvisagerquelaplusloyaledemesamiespuisseêtrecellequim’aespionnéepuisbalancéesurlatoile.C'estàcetinstantquel’armoireàglaceblondereprendsaplaceàcôtédemoi.J’ailatêtequitourne,l’estomacauborddeslèvres…

–Thelma,çava?s’inquiète-t-elleenreposantsabière.Unproblèmeaveclebrownie?

Lesmotsneviennentpas,alorsjemecontented’allumerl’écrandesontéléphoneetdeluimontrerlaphotoenquestion.Elleposelesyeuxdessuspuismefixeànouveau,l’airparfaitementinnocent.

–Qu’est-cequetut’imagines?!Jel’aienregistréepourtelamontrer,c’esttout!–Tunel’aspasprise?murmuré-je,pourm’enassurer.–Biensûrquenon!Tumeprendspourqui,Ti?!

Elleselèved’unbondetfaitminedes’éloigner,outréeparmesaccusations.Maisjelaretiens:

–Phoebe,jesuisdésolée.Jedeviensparano…–Personnenetesoutientplusquemoi,Thelma.Jetelejure.

Ellemeserredanssesbraset,ce faisant,mesoulève littéralementdusol.Abesemarreetnousdonneunefesséeamicalechacune.Faceànous,Jazznousfaitdegrandssignesnerveux,l’airdedire:«Unpeudedécence,bordeldecul!»

–MretMrsRasgotra,c’étaitunplaisir,fais-jedansladirectiondesinvitésavantdem’échapper.

Cinqminutesplustard,ontapeàlaportedemachambre.Jedélaisseletroisièmechapitredemanouvellepourallerouvrir.Derrièrelaporte:Phoebe,Abrahametunebouteilledevindébouchée.

–Onasurvécu,soupireAbe.–Onméritebienunpetitverre,ajoutePhoebe.–Toutelabouteille,tuveuxdire!marmonné-jeenlasaisissantpourboireaugoulot.

***

Évidemment,boireunedemi-bouteilledevinrouge(suivied’uneautre)endébutd’après-midi,cen’étaitpaslameilleureidée.Évidemment,traînerdevantlatéléetzapperjusqu’àtombersurFinnlorsde l’avant-premièreàL.A.de sonnouveau film,cen’étaitpas judicieuxnonplus.Évidemment, luienvoyerunSMSpourluidireàquelpointilmemanque,suruncoupdetête,c’étaitlapirechoseàfaire.

Etévidemment,jen’aijamaiseuderéponse…

***

Je ne suis pas spécialement fraîche au réveil et les cris qui proviennent du fond du couloirmeconvainquentderegagnermachambreàpeinelevée.

–Non!Thelma,reviens,j’aibesoindetoi!s’écriePhoebe.

Ellevientmechercherets’emparedemonavant-braspourmetraînerjusqu’ausalon.

–Regardez-moicettetrouillarde!ricaneJazzdesavoixnasillarde.Ellemetn’importequelmecautapis,maislaseulevued’unerobelafaitflancher…

–Dis-luiquejen’enveuxpasdeson«relookingextrême»!medemandePhoebeengrognant.

Jelèvesoudainlesdeuxmainsenl’airetlâche,d’unevoixd’outre-tombe:

–D’abord,uncafé!

Jazz se rue dans la cuisine pour aller me chercher une tasse, Phoebe en profite pour fairedisparaîtrelesdeuxrobeslespluscourtesparmitoutescelleséparpilléessurlatable.

–Jet’aivue!lâchelaprincesse.–Jem’enfous!rétorquelasportive.

Troisdosesdecaféplustard(etquatreessayagesdouloureuxpourPhoebe),jem’interposeenfin:

–Jazz,tuvoisbienqu’ellen’apasenviedejoueràça…– Jouer ? répète la relookeuse, indignée. C’est très sérieux ! Je suis en train de lui rendre un

immenseservice!

Dépitée, Phoebe se laisse tomber sur le canapé, sa jupemoulante remontant plus haut que sonshortyencoton.

–Ellen’apasbesoind’aide!riposté-je.Elleestparfaitecommeelleest!

–Jenedispaslecontraire,répondJazz,gênée.Jeneveuxpaslachanger!C’estjusteque…–Quejetefaishonte!s’emportelablondeenretirantledébardeurscintillantdeuxfoistroppetit

pourelle.–N’importequoi!–Alorspourquoim’imposercetteséancedetorture?–Jevoudraisquetumecomprennesmieux,murmuresoudainlaprincesse,d’unevoixtriste.On

esttellementdifférentestoietmoi…

Jazmin a beau avoir tous les défauts du monde, j’ai rarement vu une personne plus touchantelorsqu’ellesedécideàmettresafierté(etsasuperficialité)decôté.

– Aide-moi à retaper mon vélo et je porterai une de tes stupides robes à la prochaine soirée,grommellelagéante.Deal?

–Ilfautvraimentquejebricole?soupireJazz.–C’estçaoutuvienscouriravecmoidemain…–Quelleheure?–De6à1.–Vapourcevélodemalheur,lâchelabruneenrassemblantsesvêtementséparpillés.

Jerisdoucementenlesregardants’agiter,puismerappelleenfinquej’aidestonnesderévisionsauprogramme.

Pendantquaranteminutes,j’aipresqueoubliéMcLove…

McLove.McLove.McLove.Etmerde…

***

Lundi soir, je sors toute chamboulée du dernier film de Finn. S’il a accepté de collaborer àl’écriture du scénario, c’est parce que l’histoire était inspirée de l’un de ses plus beaux romans :L’Enfantsansvisage.Unehistoired’enlèvement.D’espoir.Derenoncement.D’amour.

Jazzabeaucouppleuré,pasmoi.J’aitoutgardéàl’intérieur.Enfouilàoùpersonnen’estjamaisallé.Personne,sicen’estlui.Peut-êtremêmesanslesavoir.Enmecouchant,cesoir-là,j’aicraquépourladeuxièmefois.J’aidégainémonvieuxtéléphoneetjeluiaiditdansunmessageàquelpointsesmotsavaientrésonnéenmoi.Toutaufonddemoi.Maiscettefoisencore,ilnem’apasrépondu.

Mardi,jel’aiappelé,iln’apasdécroché.Sparrowm’aappris,toutexcitéautéléphone,qu’ilvenaitde recevoir unemagnifique encyclopédie pour enfant en six volumes et j’ai deviné que Finn étaitderrière ce cadeau. Peut-être l’avait-il achetée plusieurs semaines plus tôt ? Ou était-ce un aveudissimulé?

Est-cequ’ilexisteunetoutepetitechancepourquejeluimanque?…

Mercredi,j’aireprismavieenmainetdécidéquejenecraqueraisplus.Jamais.Quej’étaisplusfortequeça.À21heureset2minutes,jel’aiappelé.J’aiécoutélavoixenvoûtantedesonrépondeur

etj’aimurmuré:

–Tantpispourl’interdit,jesuisprêteàprendrelerisque.

***

Trente-septminutes plus tard,mon téléphone sonne etFinnMcN s’affiche. Je décroche, fébrile,j’attends sans rien dire, tentant de maîtriser ma respiration. Je perçois son souffle. Et l’entendsfinalementprononcerd’unevoixprofonde,calmeetdéterminée:

– Je suis en bas, dansma voiture. Si tume rejoins, c’est pour de bon. Pas de retour en arrièrepossible.Réfléchisbien,Thelma.

Lalignecoupe.Jetraverselittéralementl’appartementenhuitsecondesetdévalelesmarchestroispartrois.Enchemin,jerefaismaqueue-de-cheval,tapotemesjouesetvérifiequetoutestenplace:jeanslim,sweatnoiràcapucheetConversebleuesdéglinguées.

Êtresexyàl’intérieur,c’estpossible?

Jemeglissedanslaberline,m’attache,ildémarreauquartdetour,unsourireinsolentaucoindeslèvres.

–Jepensaisquemonappeltedécouragerait,fait-ildesavoixvirile.–Jen’aipaspeur,Finn.Regarde-moi,murmuré-jeenposantlamainsursonavant-brasnu.

Ils’exécutetoutenconduisant.Ilestbeauàcrever,danscettechemisebleupâleunpeufroisséeauxmanchesmalretroussées.SonséjourenCaliforniea laisséunjolivoilehâlésursapeau.Sesyeuxbleusbrillentderrièreseslunettesqu’ilretireetrangedanslaboîteàgantsensepenchantversmoi.

Ilsentincroyablementbon.Maisilestencoresurlaretenue,jepeuxlesentiraussi.

–Jen’aipluspeur,répété-jedoucement.–C’estjustementçaquim’inquiète,soupire-t-ilensegarantdeuxruesplusloin.–Lavieesttropcourte,non?souris-jetimidement.

Il rit dans sa barbe puis pose un instant le front sur le volant de son allemande. Lorsqu’il seredresse,sesyeuxattrapentlesmiens.Faceàleurintensité,moncœurs’arrête.

–Commentest-cequetuveuxquejerespectemaparole?grogne-t-il.Arrêtedemetenter,Thelma.Saufsituessûredetoi…

–Aucunhommenem’ajamaiséloignéedemespriorités,soufflé-je.Aucunavanttoi.

Ilsemordlalèvretoutenmebouffantduregardpuissesmainssontsurmoi.Partout.Brûlantes.Ellesentourentmonvisage,descendentdansmoncou.Finnsoupireàcecontacttantdésiréetremontemacapuchesurmatêtepourm’attireràlui.

–Tuserasmonpetitsecret,glisse-t-il.

Seslèvresdoucesetfiévreusesrencontrentlesmiennes,affamées.Etjegémistandisquesalanguemerappelletoutcequ’onapartagé…Ettoutceàquoij’aifaillirenoncer.

3.Toutdoucement

–Sijesuistonsecret,alorstuseraslemien,soufflé-je,griséeparsesbaisers.

Il grogne entremes lèvres, un frisson parcourtma colonne vertébrale. J’ai encore dumal à ycroire.FinnMcNeil.Jesuisbeletbiendanssesbras.Nonseulementunmilliarddefillestueraitpourêtreàmaplace,maisenplus,jetransgresselesrègles.Jen’aipasledroitdegoûteràsabouche.Àsapeau.Maisl’addictionestunegarce.Etj’adoreça.

La buée n’a pas encore recouvert les vitres de la berline, mais pas loin. Finn est redoutable.Entreprenant.Ardent.Unbrindominateur.Ilapprofonditnotreétreinte,salanguedansesensuellementautour de lamienne,m’arrachant un nouveau gémissement. Lorsque sesmains fraîches tentent des’aventurersousmonsweat,jel’arrêtenetenfaisantappelàmesdernièresforces.

–Finn,attends,murmuré-jeentreseslèvres,essoufflée.

L’Hommereculeimmédiatement,s’adossantànouveauàsonsiègeencuir,lesdeuxmainslevéespourprouversoninnocence.Maissonsourire,lui,n’ariendeceluid’unenfantdechœur.Danssonregard, je lisundésirpuissant.Enpartieéclairépar les réverbèresde la rueoù il s’estgaré, ilestbeauàcrever.Presqueirréel.Etenunéclair,j’aipeurquetouts’arrête.

Moi,lasauvage,laméfiante,lapragmatique,l’emmerdeuse,l’anti-romantique,jeveuxfairedurercemoment,cettechoseentrenous,sitantestqu’ellepuisseavoirunnom.Uneidylle.Uneparenthèse.Unehistoire.Jeneveuxrienprécipiter.Jeviensdedéciderquej’yavaisdroit,àmoncontedefées.

–Vu les risques qu’on prend, tu ne crois pas qu’on devrait y aller doucement ? lui lancé-je enreprenantmonsouffle.

McLoveplisselesyeux,semordlalèvreenfixantmabouche,puisrétorque:

–Dèslepremierjour,j’aisuquetumerendraisfou…

Jelâcheunrirefranc,toutensentantmoncœurs’emballer.Cethommealedondemesurprendre.Demedéstabiliser.Etpourtant,jesuisunecoriace.

–Pourquoimoi?luidemandé-jesoudain.–Personnenerenversetouteunerangéedelivresaussibienquetoi,Thelma…

Ses lèvres atterrissent à nouveau sur les miennes, mais cette fois de manière plus légère. Unecaressetendre,patiente,augoûtsucré.Sesdoigtsseposentsurletatouageaucreuxdemonpoignetetcaressentlepetitrenflementlaisséparlacicatrice.J’avaisseizeans.Jevoulaismourir.Ouqu’onmesauve.Finnlesait,enpeudetempsilaréussiàmecerner,àm’apprivoiser.Monpassénel’effraiepas,mafamillenonplus.Cethommeestunovni.Delameilleureespècequisoit.

Jerépondsurgemmentàsonbaiser,prêteàenvoyervalsermesbonnesrésolutions,maisilreculeavantquej’enaieeuassez.

– Peut-être que « doucement » était un peu exagéré, en fait, soufflé-je en réclamant qu’ilm’embrasseencore.

–Non,tuavaisraison,fait-ilenposantdoucementsonindexsurmabouche.Jetefaisprendredesrisquesinconsidérés.

–Tunemefaisrienfairedutout!riposté-je.C’estmoiquisuisvenuetechercher!

Finn sourit en m’entendant me rebeller, puis il m’étudie longuement, son regard intenseparcourantchaquecentimètrecarrédemonvisage.

–Peut-être,mais tabourseest en jeu, reprend-il. Je saiscequeColumbia représentepour toi…Pourtafamille.

–Finn,jesaistoutçaparcœur,affirmé-jeenfixantlefeurougeàquelquesmètresdenous.Jesuisprêteàprendrelerisque.Jenesaispaspourquoi.Jusque-là,jen’auraisjamaisfaitça.Maistues…différent.

–Merci,rit-ildoucement.–Qu’est-cequitefaitcroirequec’estuncompliment?–J’adorequandtum’appellesFinn.

Silence.Nosregardsquisecherchent.Setrouvent.Etseslèvresimpatientessurlesmiennes.

Cequecethommesaitfaireavecsabouche…

Soudain,maportières’ouvreetjesursaute,persuadéequequelqu’unvientdenoussurprendre.

–Toutdoux,c’estmoiquiaiouvert,semarredoucementFinn.–Tutrouvesçadrôle?grommelé-jeenvérifiantànouveauquepersonnenenousobserve.–Unpeu.Fileavantquejechanged’avis,masecrète.–Tunemeraccompagnespas?–Troprisqué.Ettun’esqu’àdeuxrues…

Je soupire en remettant ma capuche en place, il observe chacun de mes faits et gestes sans sedépartirdesonsourireinsolent.

–Laclandestinité,çademandequelquessacrifices.–Jepeuxsavoirquelssacrificestufais,toi?

Sonregards’obscurcitsoudainetsavoixprofondemefaitfrissonner:

– Je te laisse partir alors que j’ai envie de te faire unmilliard de choses absolument interdites,Thelma…

J’ai tout lemal dumonde à sortir de cette voiture.Mais je le fais. Parce que cet homme a unevolonté de fer. Et que cette fois, je veux faire les choses bien.Dans l’ordre. Pas complètement detravers.

Pourmoi,c’estunegrandepremière.

***

FinnMcNeil est un homme d’action. C’est indiqué dans toutes les biographies qui le décriventcommeuncitoyenengagé,unbourreaudetravailquivitetécritàcentàl’heure,auxquatrecoinsduglobe.Ilestrarequ’ilpasseplusdetroisjoursd’affiléedanslamêmeville.Pourtant,troisjoursdesuite,j’aidroitàmadosedelui.

Jeudimatin,jereçoisunmessageénigmatiquequimedonnerendez-vousà19heuresaucoindemarue.PrécisionquiclôtleSMS:

[Pasdedresscode.Portecequetuveux.Oumieux:neporteriendutout.]

Jeudisoir,unchauffeurm’attendàl’endroitconvenu.D’abordgênéedemefairetrimballerdelasorte, je fais connaissance avecBrett, alias l’hommeà la casquette, etme laisse conduire jusqu’auLowerManhattan.BrettmedéposedevantleNapoléon,unpetitrestaurantquej’imaginetypiquementfrançais(commentlesaurais-je,jen’ysuisjamaisallée?…),àlafaçadegrissouris,aussicharmantequ’épurée.

Lorsquejepénètreàl’intérieur,dansmonjeanslimetmavesteencuir(cequej’aitrouvédeplussobreentrelatotalenuditéetlarobedesoirée),l’endroitesttotalementdésert.J’observelesgrandesbaiesvitrées,lesplantesquigrimpentunpeupartout,lesbougiesalluméesquiscintillentlelongdesfenêtres et remarque que des flèches ont été dessinées à même le sol. Je les suis et atterris…directementencuisine.

Finn est aux commandes d’un immense piano de cuisson. Il jongle avec plusieurs poêles, lesremueavecdextéritéens’emparantvigoureusementdeleursmanches,untorchonblancposésursonépaule.Imageparfaitedufantasmevivant.Etl’odeuralléchantenegâcherien.

–Iln’yapersonne?luidemandé-jesoudainenguisede«bonsoir».Seulementnous?–Lechefetpropriétaireestunami,mesouritlerebelleenpolonoiretjeanbrut.Tuesdéçue?Tu

voulaispeut-êtrequej’invitequelqu’un?

Jeresteàdistance,maisrisdoucement.Jen’enrevienspasqu’ilfassetoutçapourmoi.

–Çasentterriblementbon,murmuré-je.–Tuesterriblementbelle.–Jen’aipasmisderobe,niriendespécial.Jepréfèreêtremoi,souris-jeenlevoyantmedétailler.–Jen’enattendaispasmoinsdetoi,Thelma…

Pendantlestroisheuresquisuivent,Finnmefaitladémonstrationdesestalentsculinaires.Desonhumour.Desarepartie.Etdetoutcequ’ilsaitfaireavecsesmains,sansallertroploin.

Etjeprendssurmoipournepasfinirnue,danssonassiette…

***

Vendredisoir.J’aiprévudem’enfermeràdoubletourpourm’attaquerenfinauquatrièmechapitredemanouvellelorsquelasonnettedel’appartementretentit.JazzetPhoebesontsorties,Abefricoteavecunejolieblondedanssachambre,jemedévouedoncpourallerouvrir.Unlivreurauxdentsdubonheursetientderrièrelaporteetmetendungrandcartondepizza.Avantdemeleremettre,ilmedemande:

–VousêtesbienThelma?–Oui.–Cool.Bonappétit.

Unefoisderetourdansmachambreriquiqui,j’ouvrelecartonetdécouvreuneimmensepizzasurlaquelleestinscritunmessageenrondellesd’olives:

«Masecrète,jet’attendsau47E60thStreet…»

Inutiledepréciserque jedélaisse lapizza, renonceàécrireetquitte l’appartementsur lechamppour aller affronter l’Upper East Side où m’attend un certainMcLove. Comme le promettait sonmessage,ilestlà,danssoncostardnoir,discrètementadosséaubuildingancien,lorsquejedescendsdel’Uberquim’amenéeàbonnedestination.

Finnmesouritenmevoyanttrottinerjusqu’àlui,ilregardeàdroite,àgauche,puism’attrapeparla main pour me guider jusqu’à une porte dérobée, sur le côté du vieil immeuble. Une fois àl’intérieur,ilmeplaquecontrelemuretm’embrassesauvagement,englissantunemainrebelleentremescuisses.Jegémis,puislerepousseenriant.

–Toujoursaucunemanière,MrMcNeil.–Toujourspasderobe,MissBellamy.–C’estpournepastroptetenter,luisouris-je.–Parcequetutrouvesquej’ail’airindifférent?

Ses yeuxbleus intensesme caressent farouchement de la tête auxpieds, puis il se reprend et semasse lentement la tempe du bout des doigts, en soupirant. Je le rends dingue. Et c’estdouloureusementréciproque.

–Jenet’aipasamenéeiciparhasard…Suis-moi.

J’attrape à nouveau lamain qu’ilme tend etmonte derrière lui les escaliers en colimaçon quimènentàunepremièrepiècedonttouslesmurssontrecouvertsde…livres.

–LaplusgrandebibliothèquesecrètedeNewYork,sourit-ilenvoyantmamineébahie.800m2

d’ouvragesanciens.Despremièreséditions,pourlaplupart.

Pendantuneéternité,jetournesurmoi-même,lâchedescrisd’admiration,parcourscetteimmensegaleriedanstouslessens,encaressantlesreliuresanciennes,véritablespiècesdecollection.

–C’estincroyable.Toutcemondefascinantquiesthorsdemaportée.Ettouteslesporteslesplusinfranchissablesquis’ouvrentsurtonchemin,soufflé-jeenvenantm’asseoiràcôtédeFinn,suruncanapéLouisXVrestauré(ouest-ceunLouisXVI?Aucunefoutueidée…).

–Jepeuxlesouvrirpourtoi,cesportes,murmurel’hommesublimeàmescôtés.–Non…Cen’estpasàtoide…Personnen’ajamais…

Leslarmesmemontentauxyeuxetjemesensridicule.Minuscule.Pasàmaplace.Jemelève,Finnmeretientparlebrasetmeforcedoucementàmerasseoir.

–Si tubossescommeuneacharnée,sanscompter tesheures, lessacrifices, tu lesouvriras touteseule,cesputainsdeportes!Jevoisçaentoi.Tun’asaucuneidéedetonpotentiel…

–C’estpourçaquetueslà?luidemandé-jesoudain.Pourmon«potentiel»?Sic’estuneœuvredecharité,tupeux…

–Non !m’interrompt-il. Je suis làparceque je suis incapablede te sortir demaputainde tête,Thelma!

Jemeruesursabouche.Qu’importent les larmessaléesquicontinuentdecouler,qu’importe legouffrequinoussépare,l’épéedel’interditquiplaneau-dessusdenostêtes,jel’embrassecommesimavieendépendait.Auboutd’unmillierdesoupirs,ilmetfinànotreétreintelorsquejem’emporteetluimordsférocementlalèvreinférieure.

–Etc’esttoiquiparlaisd’yaller«doucement»?lâche-t-ilenreprenantsonsouffle.–Mapetiteculotteesttoujoursenplace,non?–Paspourlongtemps,situcontinuescepetitjeu…

Je ris,me lèved’unbondet reparsà la rencontrede tousces livresquinedemandentqu’àêtreadmirés,touchés,sentis.Jesuispirequ’unegamineaffaméedansunmagasindebonbons.

Jesuisdéfinitivementsouslecharme.Decetendroit.Etdecethomme.

Etcen’estpasDUTOUTcequiétaitprévu…

Etj’aidit«souslecharme».PasDUTOUT«amoureuse».Dutout.

***

Samedisoir,jem’échappedelacolocavantledîner,prétextantuneurgencefamiliale.Finnn’apaseu besoin d’insister, il a suffi d’un « Descends » pour que j’enfile une petite robe noire, des DrMartens(toujoursmieuxquemesConverse)etquejemelancecommeunefolledanslesescaliers.J’ai fait en sorte que personne ne me voie dans cette tenue étrange pour aller régler une crised’adolescencedans leQueens.L’Hommeestvenumechercherde lamanière lamoins risquéequisoit :soussoncasquedemoto,nulnepourrait lereconnaître.PasmêmePhoebe,quisembleavoirunemystérieusedentcontreluietsemetàgrommelerdèslorsquequelqu’unévoqueleprofesseursexy.

–Troissoirsdesuite,souris-jeàFinnenledécouvrantsursamonture.Jevaisfinirparcroireque

jeterendsaccro…–Ça…Oualorsc'estjustelaperspectivederevoirunjourtapetiteculotte,lâche-t-ilenremontant

savisière.Monte!

Enparlantdeprofsexy,levoirdanscettevesteencuircamelmerenddingue.J’enfilelecasquequ’ilmetend,grimpederrièreluietm’installecontresoncorpssolideenremontantmarobelelongdemescuisses(jenevoispassonvisagesoussoncasque,maisdanslerétroviseurdelamoto,sonlumineuxregardvautunmilliard…).

Finn roule vite dans les avenues encombrées de New York, d’une conduite nerveuse maismaîtrisée.Ilpileàplusieursreprises,plaquantmonventrecontresondos.Lorsquelamotosepenchedanslesvirages,jemeserreunpeupluscontrelui.Àchaquefeu,lesautomobilistesnousregardentetjeressenssecrètementunefiertéimmense.Personnenesaitquel’hommecontrelequeljesuislovéeestunecélébrité.Unhommebrillant,richissime,désiréparlesplusbellesfemmesdelahautesociété.Jesuis«sasecrète».

Moi,lagamineduQueens,j’aicettechance.Etjenecomptepaslapartager.

Monpilotegarel’enginpuissantdevantunpetitcinémadequartier,aumilieudeSoho.Lorsqu’ilretire son casque, je regarde autour de nous, inquiète qu’on le reconnaisse. Nous pénétronsrapidementdans lecinémaetaprèsunpassageencaisseoùpersonnenenousprêteattention,nousrentronsdanslapetitesalledéjàplongéedanslenoir.

–IlsrepassentLaLeçondepianodeJaneCampion,memurmure-t-ilàl’oreille.Tul’asdéjàvu?–Commenttuassu?–Quoi?–Finn,c’estmonfilmpréféré…

Ilmesourit,déposeunbaisersurmeslèvres,glisseunemainsousmarobeetmefrôlelacuisse.Jem’écarteenriant.Nousnousinstallonsaudernierrang,justeendessousduprojecteur.ÀcôtédeL’Homme,jemelaissebercerparlesnotesdepianodelabandeoriginale.Etjeretombeamoureusedecefilm,pourlamillièmefois.

Etpeut-êtrepasquedufilm…

Deuxminutesavantlegénériquedefin,jeprendsFinnparlamainetluifaissignedemesuivre.Ce serait bien tropdangereuxde se retrouver aumilieude tous ces gens, aumoment de sortir ducinéma.Unefoisderetouràlamoto,jeluivoleunbaiserlangoureuxavantdeglissersoncasquesursatête.Ilfaufileànouveausesmainsbaladeusessurmapeau,sousletissunoir,jelesretireetgrimpesurl’engin.

–Tum’emmènesoù,maintenant?

Ils’apprêteàmerépondrelorsquesontéléphonesemetàsonner.Ildécrochedepuissoncasqueets’engagedansuneconversationconfuse.

–Merde, c’est vrai…J’avais totalement oublié…Dansvingtminutes ? Je serai là, comptez sur

moi.

Ilraccroche,remontesavisière,allumelemoteuretm’annonceenforçantlavoix:

–Changementdeprogramme!J’aidesgensàvoir,impossibled’ycouper.Tum’accompagnes?–Quoi?Etjesuiscenséeêtrequi?paniqué-jeàmoitié.–Monassistante?–Danstesrêves!sifflé-jeendonnantuncoupdanssoncasque.

J’enfilelemientandisqu’ilsemarre.

–Mameilleureétudianteàquij’offrelapossibilitéderencontrerdegrandsauteurs?propose-t-ilcettefois.

–Aucunrisquequeladoyenneenentendeparler?–Aucun,affirme-t-ilenretirantlabéquille.Cesgensqu’onvavoiremporterontmessecretsdans

leurstombes.

Lemoteurrugitetnousdécollonsdanslanuit.Cequejeneluiaipasdit,c’estquejesuismortedepeuràl’idéederencontrersesproches.Maistouchéeenpleincœurqu’ilm’inviteàentrerdanssoncercle.

Vingt-deux minutes plus tard, je me bénis d’avoir enfilé cette robe. J’ai atterri dans un hôtelparticulier somptueux, au milieu d’une vingtaine d’auteurs accomplis et mégalos. Je connais laplupart,devue,denom,j’ailupasmaldeleursbouquinsetlechampagnem’aideàredescendreenpression.Jenemesuispasencoreridiculisée,maisçanesauraittarder.

–Alorscommeça,MrBest-sellervousdonnedescoursd’écriture?m’alpagueSeamusBourne,PDGd’unegrandeboîted’éditionetromancieràsuccès.

–Avouez,Thelma, ilest justebeauà regardermais iln’a rien là-haut?blaguesonvoisin,plusamicalquelepremier.

–Jack,tunetesouvienspas?J’aiécritàtaplacetonpremierrecueildepoèmes,riposteFinnenmecouvantduregard.

L’assembléeéclatederire.Lesvieuxamistrinquent,selancentdespiquesetdesbourrades,dansune ambiance légère.Quelque choseme frappe, cependant. En le voyant évoluer aumilieu de sesamisetcollègues,jeréalisequeFinnestnonseulementleplusbrillantdetous,maisaussileplus«simple».Ilnesedonnepasdegrandsairs,netentepasdesemettreenavant,nerivalisepasdebonsmotsmaisrépondauxprovocationsavecfinesseetsubtilité.Iln’apasbesoind’attirerlalumièresurluietçanelerendqueplusdésirableàmesyeux.

J’admirelefaitqu’ilasugarderlespiedssurterremalgrésaréussiteetsafortune.Etjedevinequequelquechosel’yaaidé: l’humilitéestrarementinnée,c’estsouvent lavieet lesépreuvesquivousl’apprennent.Vousl’imposent.QuecacheFinn,derrièreceregardsipur?

LaurenArcherl’approcheetjeserrelesdents.Labellerousseplantureusefaitsouventlestitresdela presse locale : célibataire et croqueuse d’hommes, auteure reconnue de pièces de théâtrecontemporaines, elle a le profil idéal pour attirer tous les regards.Et tout à coup, jeme sens trop

jeune,tropfade,pasassezcultivée,sophistiquée.Jem’assiedssurunfauteuil,àl’écart,etjesirotemacoupedechampagnesansgrandentrain.

Jen’aijamaiscomprisl’hystériecollectiveautourdecesbulles…

Unbonshotdetequilaseraitbienplusefficace.

CertainsamisdeFinnsontbienveillants,ilsm’abordentavecnaturelets’intéressentàcequej’aiàraconter.D’autresmesnobentàmoitiéetcen’estpasfranchementpourmedéplaire.Monprofesseurpasseautantdetempsqu’ilpeutavecmoi,ilmemetàl’aise,meprovoque,mefaitsourire,meglissedeschosesinterditesàl’oreille,aussi.

Etjebaisselagardetropfacilement.Lechampagneaidant,jedéposeunbaisersurseslèvres.Unbaiserfurtif,maisremarquéparlefameuxJack.Lepetithommealagentillessedenepasenfaireuneaffaire d’État, il s’éloignepour nous laisser seuls,mais jem’enveux. J’ai dépassé les bornes.Maplace à Columbia, ma bourse, mon avenir : tout est en jeu. Et un simple baiser comme celui-làpourraittoutbriser.

–Jedevraisrentrer,fais-jeàFinn.–Jevaisteraccompagner.–Non,reste.Taplaceestici.–Thelma…

Ilposelamainsurmajoue,jereculed’unpasetévitesonregard.

–J’aibesoindeprendrel’air,insisté-je.Ettoi,tuasbesoindeterappelerquitues…Etquijesuis.–Qu’est-cequeçavientfairelà?grogne-t-ilenplissantlesyeux.–Tupeuxencorechangerd’avis,tusais?–Arrêteça.

Savoix était grave, sérieuse.Finnest en colère.Et il n’est jamaisplusbeauquequand il est encolère…

–Finn,je…–Thelma,situdisunseulmotdeplusetsiturefusesquejeteraccompagne,jet’arrachetapetite

culottedevanttouscesgens.Compris?

Jeristoutbas,puisl’observetandisqu’ilvasaluersesamis.

–Tusaisquemêmesitumeraccompagnes,tuneverraspasmapetiteculottecesoir?luiglissé-jeàl’oreillealorsquenousprenonslasortie.

–Avantdetombersurtoi,lapatienceétaitundemespointsforts,soupire-t-il.

4.Bonnejournée!

–Putain, qui a laisséunebouteille de lait videdans le frigo ? !m’agacé-je en lorgnant dans legoulot.

–Ilrestaitquelquesgouttes,jen’aimepasgâcher,sedéfendleseulgarçondelamaison.–Tufaischier,Abe!Mêmemonpetitfrèredeseptanssaitqueçanesefaitpas!–C’estbon«maman»,t’asfini?réplique-t-il,vexé.–Depuisquandtujurescommeuncharretier,toi?OndiraitPhoebe!intervientJazzenmefixant

desesgrandsyeuxtropmaquillés.–Laisse-moiendehorsdeça,MissParfaite! ronchonne l’armoireàglacemalréveillée.Et t’as

intérêtàm’avoirlaissédel’eauchaude!–Maisqu’est-cequim’aprisdevivreavec troisnanaset toutes leurshormones? !demande le

métisenimplorantleplafond.–C’estbon,MachoMan,t’asfini?fais-je,irritée.–Justement,non!Maisvousm’avezcoupél’appétit,jevaisauStarbucks!lâche-t-ilenrepoussant

sonboldecéréalesramollies.Tiens,jetelaissemonlait!–Jen’enveuxpas,detesrestes!luibraillé-jealorsqu’ilquittel’appart.–Thelma,t’eschiante,là,oseJazmind’unepetitevoix.–Jesais!m’énervé-jecontremoi-même.–Bon,onpeutprendrenotrepetitdéjtranquille?soupirePhoebe.C’estquoileproblème?!–J’aicouchéavecMcNeil!balancé-jesansréfléchir.Enfinpasvraiment!Maisjedétestegarder

dessecrets!–Hein?!–Quoi?!–TuasQUOI?–Tupeuxrépéterça?!–McLoveettoi?!s’étouffelajolieIndienne.–Pas lapeinedefairecette tête-là…Jesaisque jesuis ladernièreà laquellevousauriezpensé

pourfairecegenredeconneries.Jesaisquejeneressemblepasauxfillesdesonfan-club.Niàtoutesles femmes qui doivent ramper à ses pieds.Mais c’est arrivé, voilà. Je ne tiens pas à en débattrependantdesheures,jevoulaisjustequevouslesachiez.

–Alorslesphotos,c’étaitvrai?soufflePhoebequiadumalàs’enremettre.–Non!Enfin, ilnes’est rienpasséces fois-là.Danssavoiture,à la librairie, jenevousaipas

menti…Bref,iln’yaeuqu’unefois!Etonavaitdécidéd’arrêter.Maisjecroisquejenepeuxpas.–Thelma,tunepeuxpasfaireça!grognelablonde.–Jelesais,qu’est-cequetucrois?Jeneveuxpasfoutremavieenl’air,maisc’estplusfortque

moi…–Non, tupeuxet tudoisfaire ça ! renchérit la brune.Ne serait-ce quepour toutes celles qui en

crèventd’envieetquinepeuventpas.–Maisc’estinterdit!beuglePhoebe.–Ettellementexcitant,soupireJazzens’éventantd’unemain.

–Çamestressetellement,avoué-jeàvoixbasse.Maisjen’arrivepasàm’enempêcher.Ilyacetrucentrenous…

–Queltruc?Cen’estpasuniquementsexuel?m’interrogeJazz.–Jenecroispas.Jesuiscomplètementfolle,hein?!–Oui!meconfirmePhoebe,toujoursdanslademi-mesure.TuveuxtefairevirerdeColumbiaou

quoi?!–Non,biensûrquenon!medéfends-jecommejepeux.Onfaitattention…–Ilestcomment,alors?Viril,sauvage,dugenrebestial?insisteJazmin,sesyeuxnoirsbrillants

decuriosité.–Dugenre«pasuntypebien»,nousrappellemacolocraisonnable.McNeiln’estpaspourtoi,

Thelma.Cen’estpaspourriensionl’appelleMcLove.Ilnevat’attirerquedesemmerdes…–Dumomentqu’il t’attireencoredanssonlit !gloussemacolocenflammée.Est-cequ’ilgarde

ses lunettes quand vous le faites ?Est-ce qu’il temet des fessées avec ses romans ? Il déchire tesfringuescommeildéchirelescopies?Han,etc’étaitoù?Dansunamphi?Contreuncasier,danslafac déserte, en pleine nuit ? Sur le bureau de la doyenne en envoyant tout valser ? C’est pour çaqu’elleétaitfurax?!

–Sérieux,vaprendreunedouchefroide,Jazz!s’agacePhoebe.–Cen’estpasparcequetun’aspasvuleloupdepuisdesannéesquelesautresn’ontpasledroitde

fantasmer! larembarre-t-elleavantdeseretournerversmoi.Ilestmontécomment?Circoncisoupas?Etniveautoison,çadonnequoi?

–C’estbon,j’ailanausée!lâchelaplusprudeenselevantdetable.Thelma,penseàtonavenir,c’esttout.Jeteledisentantqu’amie,arrêtetoutdesuiteavecMcNeil,çafiniramal.Ettoi,arrêtedel’encourager!Jevaisnager!

–Ilexisted’autresfaçonsdesedéfouler!luilanceJazz,hilare.

Puiselleattrapeunbouquinquitraînesurlatableetsemetàmefesseravec,toutenprenantunemoue cochonne. Très loin d’une bonne imitation de Finn McNeil. Mais très drôle quand même.Phoebs lui répondd’undoigtenfoncédans labouche, languependanteet regarddégoûté.Avantdedéguerpir,sacdesportàl’épaule.

Jefinisdemepréparerpourlescours,pendantquelaprincesseenrutmeharcèledequestionssurmon nouvel amant, son corps, ses muscles, ses râles, sa force, son endurance et son degré desensualité. Sa note technique et artistique. « Juste pour voir si ça colle à sa réputation. » Et ça ladépasselargement.Jesuissoulagéed’avoirJazminensoutienmêmesijesaisquePhoebearaison.Etjedoisbienavouerquemonegoest flattéd’entendreunecoqueluchede la facauxcheveuxetauxjambes interminables enviermes ébats sexuels avec le prof le plus canondeNewYork.Voire desÉtats-Unistoutentiers.

–Jenetedirairien,soufflé-jedansunsourireàmacopinetropcurieuse.Justequ’iladeuxgrainsdebeautéabsolumentadorablesetterriblementsexyjusteàcôtédutétongauche…

–Oh,gémit-elleenfermantlesyeux.Arrête,j’aifailliavoirunorgasmevisuel!

***

J’aiàpeineletempsd’assisteràuncoursetdemi(littératurecomparéeetpoésieaméricaine)que

leproviseurducollègedeNeomelaisseunmessagevocal.Jel’écoutediscrètement,cachéederrièremonsac:

« Bonjour, mademoiselle. Vous êtes le deuxième numéro à joindre en cas d’urgence sur leformulairedecontactetlamèredeNeo,MrsBellamy,estinjoignable.Votrefrèreayantagressél’unede ses professeurs ce matin, il me semble bien qu’il s’agit d’un cas d’extrême urgence. Je vousprieraisdemerecontacterrapidementetdevousprésenteraubureauduproviseur,dèsquepossible,pour que nous puissions discuter du comportement inadmissible de votre frère. Neo est suspendupourlemomentetrisquel’exclusiondéfinitive.Mercietbonnejournée.»

Lavoixpincéeestcelled’uneprobablesecrétairedébordéeparlenombred’élèvesturbulentsetdeparentsdémissionnaires.Jeluienveuxàpeinedemesouhaiterune«bonne»journéetoutensachantqu’elle vient de la ruiner. En revanche, je suis déjà furax après ma mère qui doit dormir assezprofondément, à11heurespassées,pournepasentendre le téléphone,assomméepar sonmélangepréféré:vodkaetsomnifères.Sansparlerdemonimbéciledefrère,incapabledechoisirentrelerôledepetitefrappeducollègeetceluide«bigboss»delamaison.Jevaistouslestuer.Enfin,quandjeleurauraisauvélavieàtouslesdeux.LatribuBellamypartenvrille:jejoueaveclefeuconcernantmonaveniràlafacetvoilàqueNeoprendexemplesurmoi(ceseraitbienlapremièrefois).Notrefamillecatastrophen’a franchementpasbesoindedeuxexclusionsquasisimultanées.Mamèresaittrèsbiencommentnousexclureelle-mêmedusystème.

Jequittel’amphithéâtreenmefaisanttoutepetiteetjefonceendirectiondelasortie.Métro,trainde banlieue, bus : je profite de l’heure et quart de trajet vers le Queens pour faire chauffer montéléphone,monoreilleetmesphalanges.Coupdefilauproviseurpourluiassurerquejefaismonpossiblepourvenirauplusviteetluiexpliquerquemamèreamalheureusementunempêchement(unentretiend’embauchetrès importantquemoncerveauvient justedelui trouveralorsqu’ellen’enapaspassédepuisaumoinsquatreans).PuisrafalesdemessagessurleportabledeNeo:

[J’arrive!Tiens-toitranquilleetnedisrienquipuisseseretournercontretoi!][Merde!Nelispastestextosdanslebureauduproviseur!][Etnedispas«merde».Jeretire.][Etnerispas!]

Jecessecetteconversationabsurde(onn’estpastoujourslameilleuregrandesœurdumonde!)etj’endémarreuneautreavecmestroiscolocataires,entirgroupé(onpeutaumoinsessayerd’êtreunepastropmauvaiseamie…):

[J’aidûpartir.IFU:interventionfamilialed’urgence.Jeveuxbienrécupérervoscourscesoir.Siquelqu’uncroiseunephotocopieuseparhasard…Désoléepourcematin. Je ferai àdînerpourmerattraper.Promis,pasdecurrynidechili!Thelma]

Puisj’enchaîneavecunmessagedestinéseulementauxfilles:

[PasunmotàAbesurmesconfessionsdupetitdéj.Toutcequisepassedevantunboldecéréalesrestedansleboldecéréales!Sauflelait,onarrêtedegâcherlelait,OK?!Etdeparlerdequivoussavez…Ti]

Je crois qu’il faut que j’arrête de toutmélanger.Mesmessages n’ont vraiment ni queue ni tête.Enfin,surtoutnitête.LesréponsesdemesTroisFantastiquesnesefontpasattendre:

[Jesuisunetombe.Maistufaisquandmêmen’importequoi.Appelle-moisibesoind’enterreruncorps.Jecreuseplusvitequemonombre.Phoebs]

[Est-cequetuvaslàoùjepensequetuvas,mêmesi tudisquetuvasailleurs?Ceneseraitpasplutôtune InterventionSexuelled’Urgence?Éclate-toibien,veinarde.T’as intérêt àme raconter !Jazz]

[Doncenplusd’êtreunechieuse,tumecachesdeschoses?!Abe]

Etmerde!Merde,merdeetre-merde!Trompédedestinataire.Abrahamnedevaitpasrecevoirledeuxième texto ! Je sens le rougememonterdes joues jusqu’au front etmesdoigts fourmillerdehonte.Jevérifiequejen’airienenvoyéd’étrangeauproviseurouàmonfrèredequatorzeans…Etjetapeàtoutevitessepourtenterderattraperlecoupauprèsd’Abe:

[Oui…J’aiavouéauxfillesquej’avaisfaitunrêveérotique…Avectoiettesbicepsdedans.Dansunsalondetatouage.T’avaismonprénominscritpartoutsurlapeau.Ettutefrottaislecorpsavecdel’encrepourm’exciter.C’estpourçaquejen’arrivaispasàtesupportercematin.Tusaistout,t’escontent?]

J’aihontedementirautantetaussifacilement.Unmensongepourcouvrirunautremensonge.Jevaisfinirpardétestercellequejesuisentraindedevenir.EtlaphrasedePhoebemerevientcommeuneclaque : «McNeil neva t’attirerquedes emmerdes».Peut-être.Sûrement.Et jem’envoudraiéternellement.Mais là, toutde suite, jemeursd’enviede lui envoyerquelquechosecomme«Toi,moi,tavoiture:emmène-moiloind’ici.»D’ailleurs,jeluienvoie.Justeparcequej’enaienvie.Etque cet homme me ferait faire n’importe quoi. Pour tout ce qui concerne Finn McNeil, je n’aiabsolumentaucunerésistance.Ilvafalloirquejemefasseàcetteidée.Etquejemesurveilledeprès.

Moncœurbonditquandmonportablevibreànouveau.Maisc’estAbrahamquimerépondplutôtqueFinn:

[Haha ! Il te les faut tous,ThelmaBellamy!Mais jenepassepasaprèsMcLove,moi,désolé !Abe]

Mon cœur grimpe en pensant qu’il a tout compris, puis dévale de nouvellesmontagnes russesquandjeréalisequ’ilfaitjusteallusionàlarumeurquicirculaitàlafac.

[Çava,jedéconne.T’espardonnée.Jetefilerailescours.Abe]

Ouf.

[Etjet’enduirailecorpsd’encreetdelaitsiçapeuttefaireplaisir…Abe][Thelma,tuasbesoindemoi?F][Nonmerci,jecroisquejevaisplutôtmefairenonne.]

Mesdoigtsvonttropvite,dérapentetc’estàmonprofquejerépondsçaaulieudemonpote.Jemetape la têtecontre lavitredubuset j’hésiteàpiétinermontéléphonede toutesmesforcessous

mesConverse.Àlaplace,jelebalancedansmonsacpourarrêterdefairedesconneries.Etnepasloupermonarrêt.

Troisheuresplustard,jeressorsépuiséedubureauduproviseuravecunNeoquitraînedespieds.J’airéussiàluitirerlesversdunez(ilaurait«juste»envoyéuncoupdecoudeinvolontaireàsaprofdemathsqui essayait de séparerunebagarre entre élèves, quemon frèren’aurait évidemmentpascommencée).Jesuisparvenuàluifaireprononcerdesexcusesàpeuprèssincèresetlapromessedeseteniràcarreausionluidonnaitunenouvellechance:lamenaced’exclusions’esttransforméeendouzeheuresderetenueétaléessurquatresamedismatin.Jemesuisditqueçaferaitaumoinsquatrematinéesoùquelqu’unlesurveilleraitdeprès.Sous-entendu,quelqu’und’autrequemamère.Quiesteffectivementtoujoursentraindecuver,à4heuresdel’après-midi,surlecanapédusalon.

Après troisnouvellesheuresà remettre lamaisonenordre,mamère surpied, à accueillirmesdeuxautresfrères,àgérerlesdevoirs,lesdouchesetledîner,jequitteleQueenscomplètementvidée.Lavoixenrouéepartousmessermonsdébités.LeT-shirttrempéparlesexpérimentationsaquatiquesdeSparrowet tachépar les tentativesculinairesd’Anakin.Neoabienvoulunettoyerderrièrenouspourjouerlesgrandsfrères.Maislesdeuxdernièrestomatestombéesparterreontfiniparservirdeballes pour le chien.Qui n’est jamais, au grand jamais, allé les chercher. « Surtout, ne cours pas,Forrest.Turisqueraisdetefatiguer.»

Est-cequecette«bonne»journéevaunjours’arrêter…?

Il est plus de 8 heures du soir quand je regagnemon appartement duBronx. J’espère quemescolocsm’ontattenduepourmanger.Jeleuravaispromisundîner.Tropfatiguéeàl’idéedecuisinerànouveaupourquatre, jem’arrête au restaurant chinois aubasdema rue et en ressors avecun sacrempliàrasbord.Etunnouveaupetittrousurmoncompteenbanque.

Aumomentderentrerdansnotreimmeuble,jemeretournepourpousserlalourdeporteavecmesfesses.Mesyeuxtombentsuruneberlinebleumarinegaréelelongdutrottoir.Unevitreteintéequidescendlentement.Deuxirisbleufoncéetdeuxlèvrespâlesquis’entrouvrent:

–Toi.Moi.Mavoiture…–Finn?balbutié-je.–Oùest-cequejet’emmène,masecrète?ajoutesavoixprofondequim’arriveenpleincœur.–Et si onnousvoit ? commencé-je àpaniquer, en restant paralyséedevantmaporte,mesyeux

scrutantchaquecôtédelarue.–Pour l’instant,moi, je suisplanqué ici.Et ilyauneplacepour toidansmacachette, sourit-il

effrontément.Toutcequetuasàfaire,c’estvenirt’asseoirsurlesiègepassager.–Ledîner…Mescolocs…Putain,quandest-cequejevaistenirmespromesses?!–Toutvabien,Thelma.Jeneteforceàrien.Tupeuxrentrercheztoi,sic’estcequetuveux.–Cen’estpascequej’aidit,soufflé-jeencommençantàflipperqu’ilpuisses’enaller.–Oujepeuxleurfairelivrerduchinois.Sur-le-champ.Ettuviensdîneravecmoi.

Son sourire ravageur. Son assurance. Ses lunettes si sérieuses. Sa bouche si dangereuse. Sessolutionsàtousmesproblèmes.Saprésenceenvoûtante,rassurante,effrayante.Jen’arrivedéjàplusàpenser.Plusàrésister.

–Regarde-moi,soupiré-jeentirantsurmonT-shirtinfâme.Jenepeuxpassortircommeça.– Tu n’auras qu’à l’enlever, dit-il en me défiant de son regard brillant. Sinon, je peux m’en

charger.

L’Hommesourit encoinpuis sepenchepourouvrir laportièrepassager.Commesi laquestionétait réglée. Elle l’est. Je grimpe dans sa berline de luxe avec mon sac de nourriture chinoise àemporter,quejecaleentremespieds.Àpartirdecetteseconde,plusrienn’estentremesmains.Finnremonte la vitre électrique, sans parler. Il pose délicatement ses doigts frais surmes hanches.MeretiremonT-shirt,commesic’étaitlaplusnaturelledeschosesàfairedansunevoiture,à8heuresdusoir,justedevantmonappartement.Puisilenlèvesaveste,laposesurmesgenoux,défaitlesboutonsdesachemiseblanche,sousmesyeuxmédusés,avecplusdesex-appealquej’enaijamaisvuchezunhomme.Aveccetteaisanceinouïe,commes’ils’étaitdéshabillétoutesaviedansl’habitaclerestreintd’unevoiture.Aveccetaplombincroyable,commes’iln’yavaitabsolumentriend’étrangeaufaitdeseretrouveràmoitiénus,l’unàcôtédel’autre.

Alorsquejerêvedemejetersurlui,detouchersapeausoyeuse,degoûteràsesdeuxgrainsdebeauté que j’entrevois à nouveau sur ses pectoraux… Finn retire sa chemise et la glisse sur mesépaules.Ilfaitpasserlesmanches,uneàune.Ilrefermelesboutons,lentement,enfrôlantmesseinsde la pulpe de ses doigts. Je peux sentir son souffle surmon visage, son parfum sucré dansmesnarines.Ettoutmoncorpsquivibreàl’intérieur.L’Hommeprendsoindedégagermescheveuxducoldelachemise.Deretrousserlesmanchessurmesbras.Puisilsepenchepourembrasserlapeaufinedemespoignets,justesurmaplumeetmaflèchetatouées.

–Tunepeuxpas te faire nonne,murmure-t-il enfin.Tu es déjà une artiste et uneguerrière.Çaferaitbeaucouppouruneseulefemme…

Ilmesourit.J’aienviedel’embrasser,deluisourireàmontour,demelovercontresontorsenu,de lui diremercioudes tasd’autres chosesdébiles.Mais jenepeuxpas empêchermes larmesdemonter.L’épuisementdecettejournée.Touteslesémotionsmélangées.Ladétressedemesfrères.Lesentimentdeculpabilité.L’interditdecettesituation.Ledanger.Etl’effetquemefaitcethomme.FinnMcNeil,pasMcLove.

–Tuasaussiledroitd’êtrefragile,Thelma,ajoute-t-ilavecunetendresseinfinie.

Quelque chose que je n’avais encore jamais vu chez lui. J’ai l’impression que nos masquestombent enmême tempsquenosvêtements.Quedans le silence et l’obscurité de cette voiture auxvitresteintées,dansleplusparfaitsecret,onestenfinnous-mêmes.

Maismonprofretrouvesoudainsamaîtrise.Enfronçantlessourcils,commes’ils’envoulaitdes’être égaré un instant, il s’empare de sa veste et l’enfile sur son corps dénudé. Plonge entremesjambespourmémoriserlenumérodetéléphoneinscritsurlesacdurestaurantchinois.Lecomposesur le tableaudeborddesaberline toutesoptions,puisdémarre.Toutenconduisant, ilcommandetroismenusqu’ilfaitlivreràmonadresse,monétage.Medemandesijeveuxajouterquelquesmotsàl’attentiondemescolocataires.Puisfinitletrajetsansendireundeplus.

Lavoitures’arrêteaucœurdeGreenwichVillage.CequartierbranchédeManhattann’estpasle

plushuppé:lesimmeublessontbas,lesruespittoresques,ilrègneuneambianceintimisteetunpeubohèmeentreboutiquesvintage, galeriesd’art, restos italiens authentiques, bars à scèneouverte etpetitsthéâtreshistoriques.Jenesaispasoùj’imaginaisvivreFinnMcNeil,maiscecoinpréservé,àl’avant-gardeculturelleetàlaforteidentité,colleparfaitementàl’imagequejemefaisdeL’Homme,l’intellorebelle,l’anti-conformiste,aussilibreetinsouciantquesensibleettorturé.

Si j’étaisdéjà conquisepar lemâle, sonunivers achèvedeme séduire.Sansmedemandermonavis, ilmeguide jusqu’à chez lui, un immense loft ouvert, presque sans cloison,quimêlebriquesrougesapparentes, énormespoutresmétalliques, solsenbétonbrutetverrièresauxstructuresd'unnoirmat.Undécorviril,pleindecaractère,plutôtfroidmaisréchauffépardescentainesdelivres,peut-êtredesmilliers,occupantdesétagèrestropremplies,endésordre,courantdusolauplafondsurdes murs interminables, et ressemblant plutôt à des rayonnages de hangar qu’à des bibliothèquesd’écrivain.

Jesuiscommesubjuguée.JepensaisFinnMcNeilriche,maispasàcepoint.Jelesavaisoriginal,dugenreànerienfairecommetoutlemonde,maispasdelààhabiteruntelendroit.Jepressentaischez lui desmystères, un certain goût pour la noirceur, pour les excès, et son intérieur est aussiindéchiffrablequelui,dénuédephotosetdebibelots,remplidemeublesimposants,usés,sansdoutechargésd’histoireetdesentimentsmaisquirefusentdeleslivreraupremiervisiteurvenu.

–Parle-moi,Finn,fais-jeenlerejoignantaumilieudelapièceouverte.–Tuasfaim?–Raconte-moiquitues,essayé-jedegratter.–Ilyaduchinoispourdix,danscesac.–Parfoisj’ail’impressiondeteconnaître,insisté-jeenluitournantlentementautour.–Thelma,nefaispasça,soupire-t-ilenpenchantlatêteenarrière.–…maislaplupartdutemps,tum’échappes,dis-jeenglissantmamainsoussaveste.–OK,tupeuxcontinueràfaireça,lâche-t-ildansunsourire.

Mesdoigtssefaufilentsursontorsemisànu,dessinentleslignesdesespectoraux,s’attardentsurles deux grains de beauté qui m’avaient tant manqué, descendent le long de ses abdominaux… etdécouvrentunautregraindebeauté,plussombreetbienplusindécentquelesprécédents,àl’extrêmelimitedesonventre.LàoùleVdesatailles’arrêtepourdisparaîtresoussaceinture.Làoùilm’estformellementinterditd’allerlevoir.L’exactendroitoùmafoliem’entraîne.Etoùmaraisoncède.

– Une règle m’empêche de t’avouer la seule chose que j’ai envie de te dire, grogne Finn enattrapantmonpoignetpourl’immobiliser.

–Lesrèglessontfaitesuniquementpourceuxquinelesrespectentpas,ledéfié-jeenplantantmonregarddanslesien.

–Çafaituneéternitéquej’aienviedetoi,grondesavoixprofonde.

La sentence tombe. Et avec elle,mes dernières résistances. Son corps s’abat surmon corps. Sabouchesurmabouche.Sesmainssurmapeau.Nosdésirssepercutentetserencontrentenfin.

Jecroisquecette«bonne»journéenevapasfinirsimalqueça…

–Jecroisquej’aiunechemiseàrécupérer,mesusurreFinnenm’attrapantparlecol.–Ahbon?Jecroyaisquec’étaitaprèsmapetiteculottequetuenavais,leprovoqué-je.–Chaquechoseensontemps,petiteimpertinente.

Ilmesourit,parfaitement sûrde lui.Semetàdéboutonner lentement lachemiseblanchequi luiappartientetrecouvremoncorps.Ilsembleprendreplaisiràledécouvrirànouveau,laissantcourirsesdoigtsentremesseins.

–C’estunedetespetitesmaniesd’artistemaudit?Habilleretdéshabillerlesfemmes?Pouravoirtoutlecontrôlesurelles?continué-jeàlechercherpendantqu’ilmedénude.

–Quellesfemmes?Jenevoispasdefemmeici.Justeunegamineunpeupeste,perduedansunechemisetropgrandepourelle…

Soninsolenceetsarudessepourraientmevexer.Maisilm’enfautplus.Etl’intensitédesonregardbrillant,lamalicedesonsourireencoin,lasensualitédesesmainsquimecaressent,laprofondeurdesavoixenattestent:jesuisunefemmedanssesyeux,unefemmederrièreseslunettes,unefemmeentre sesbras.Une femmequ’il aimedéfier, agacer, pousserdans ses retranchements.Pourque jel’affronte d’égal à égal. Que l’on fasse disparaître le prof et l’élève. Apparaître l’amant et lamaîtresse.

–Jeconnaisunboxeurquin’estplusassezgrand,lui,merebiffé-jeenplaquantunemainsursonentrejambe.

Jesenssonérectionquitendsesdeuxcouchesdevêtements.Sonsexebandéquitenteunepercéehorsdecetteprisondetissu.Aulieudelelibérer,jelecaressedehautenbaspourlefairegrandirencore,durcirencore,mevouloirencoreplusfort.Finngrogneetsouritfaceàmonaudace.Commepour tenterdesemaîtriser, il reportesonattentionsurmoiet fait sauter lesderniersboutonsde lachemise:ilécartelesdeuxpansd’uncoupsecetmetmonventreànu.Letissublancmefouettelapeau pendant qu’il le fait disparaître. Je le touche toujours,massant sa bosse qui grossit sousmapaume,maismonamantpresqueimpassiblefaitunpasenavant,puisdeux,quimeforcentàreculer.Toutencontinuantàmarcher,ses irisbleusplantésdans lesmiens, ilenlèveses lunettes, lesrangedanssapoche intérieure, retiresavesteet la laisse tomberausol,m’offrantàvoirson torsenuetmuscléquimedéconcentre.Saloperiesdemuscles.Foutuepeauhâlée.Putainsdegrainsdebeauté.

Jechangedestratégieetmeruesursespectoraux.Malanguesursapeau.J’aiàpeineletempsdelegoûterqueFinnmeretourned’uncoupsecetmeplaquecontrelemurdebriques.Samainbrûlantedégagelescheveuxdemanuque,sabouches’abatdansmoncou,sesdentsmemordillentl’épauleetdéplacentmabretelledesoutien-gorge,prêtesàlafairecéder.Elleclaquesurmapeau.Ladouleurréveilleencoremondésir.Puismonagrafecèdesousdeuxdoigtshabilesetmonsoutien-gorgenoirdisparaît. Deux mains masculines empoignent soudain mes seins. Je jette la tête en arrière pourespérerobtenirunbaiser.Finnserefuseàmoi.Soncorpssiduretàlapeausidouceépouselemien,par-derrière. Cemélange de force et de sensualitéme fait perdre la tête. J’aime autant ses gestesbrusquesquesescaressesvoluptueuses.Sadominationvirilequesonsourirejoueur.

–Ànousdeux,petiteculottedemalheur,m’annonce-t-ildansunsouffle.

L’unedesesmainsvientseplaquerentremescuisses,contremonjean.Lacouturememordàunendroitdivin.Maisleplaisirestdecourtedurée.Lamainrepart,faitcédermonbouton,descendremabraguette,etseposecontremonlycranoir.Sansdoutetrempé.Àquelquesmillimètresseulementdemanudité.Jegémissouslachaleurdesamain.Ondulecontreladuretédesapaume.

–Salut, vulgaire bout de tissu, s’amusemon amant quand ilme sent bouger. Je crois qu’on t’aassezvu…

Àcesmots, ilplongesamainexperte sous le lycra, sonmajeurglissantparfaitemententremeslèvresetm’arrachantunsoupirderavissement.L’avant-brasmusclédeFinns’enfoncedansmonjeanetjelecaressecommesonsexequejenepeuxpastoucher.Ilrendmonclitorisfoudeplaisirpendantque jehalète,coincéeentre lesbriqueset lespecs.Sabossefrottecontremesfesseset je l’entendsgrogneràmonoreille.Ilaimeçaautantquemoi.Jetendsunbrasenarrièrepourenfoncermamaindanssamassedecheveuxsoyeux.Jenepeuxpasvraimentlevoir,pasvraimentletoucher,toujourspasl’embrasser…maisleplaisirqu’ilmeprocureoccupetoutesmespensées.

J’essaiedésespérémentdenepasmelaisserenvahir,submerger,d’agiraulieudesubir,delefairerugir au lieu de me contenter de gémir. Et je faufile mes mains dans mon dos pour atteindre saceinture, la défaire, trouver le bon sens, la faire coulisser.Comment voulez-vous vous concentrerquandl’hommeleplussexydel’universtentedevousfairejouird’unseuldoigtexpert?Sonmajeurs’enfonceenmoipendantqueFinnmesusurre:

–Jecroisquetumedéshabillerasplustard.

J’étouffeuncri, deplaisir autantquede frustration, contre sonbicepscontracté. Je le laissemecaresser,mevisiter,meposséder, justeunpeu, justeparcequec’est sibon, justeparceque je suisincapabledem’enempêcher…Etjetentedereprendreledessus,demavoixlaplusaffirmée:

–Contrairementàbeaucoupd’hommes,jesaisfairedeuxchosesàlafois.

Jejoinslegesteàlaparole,peut-êtreunpeuprésomptueuse,etjemedébats,àl’aveugle,lesmainsdansledos,pourouvrirsonjean,descendresabraguette,passerlabarrièredesonboxer,m’emparerdesonsexedur,immense,impatient,pendantqueledoigtmagiquecontinueàs’occuperdemoi.Unexploit.

Mescaressessemêlentauxsiennes,noscorpsvibrentl’uncontrel’autre,nossoufflessaccadésserépondent,etj’aiuntoutpetitpeugagné,pourquelquesinfimesetdélicieusessecondes.

Finnmeretourneànouveau,sourireauxlèvresetregardremplidedéfi.Ilsaisitmespoignetsetlescroiseau-dessusdematête,contrelemurenbriques.Puisilrestelààmeregarder,sexyàcreveravecsonjeanouvert,sontorseauxmusclesbandés,sapeauàpeinebrillantedesueur,sapoitrinequise soulève, frôlant mes tétons pointés vers lui, ses soupirs qui balaient mon visage, ses cheveuxchâtainsenbataille,etsabouchesensuellequirestesuspendueàquelquescentimètresdelamienne:

–Tuesdécidémentpleinederessources,ThelmaBellamy…–Tunemeferaspasjouiraussifacilement,FinnMcNeil.–C’estunemenace?

–Unevérité.–Jevois,dit-ilenpenchantlatêtesurlecôté,commes’ilessayaitdemedéchiffrer.–Pourquelqu’unqui«avaitenviedemoidepuisuneéternité»,jetetrouved’unepatienced’ange,

lâché-jepourleprovoquer.

Son regard bleu brillant vire au noir. Son sourire insolent disparaît. Et ses lèvres fines serapprochentencoreunpeuplus.

–Unpetitconseil:nemetraiteplusjamaisd’ange.

Sabouchevoracefondsur lamienneet jereçois lebaiser lepluspassionné, leplusprofond, leplusérotiquedetoutemavie.Monamantdiaboliquemesoulèvesouslescuisses,croisemesjambesautourdesataille,écrasesespectorauxcontremesseinsetm’entraîneàtraverssonloftnew-yorkais,sansjamaiscesserdem’embrasser.

Toutaufonddel’immenseespaceouvert,Finnenfonceunedesraresportesde l’appartementetmefaitpénétreravecluidansunevastepiècefermée.Plongéedansunesemi-obscurité.Maiséclairéepar une large baie vitrée qui laisse filtrer les lumières dorées de la ville. Au loin, je perçoisManhattanilluminée,sublimedanslanuitquicommenceàtomber.

–C’esttachambre?demandé-jeentredeuxbaisers,lesoufflecoupé.– C’est l’endroit où je dors, parfois… L’endroit où j’écris… L’endroit où j’avais envie de

t’emmener.

Savoix est sombre,grave.Son regard indéchiffrable. Il finit parmeposerpar terre,prèsde lavitre.

–Lavueestincroyable,commenté-je,bouleversée.–Pasautantquecequemoijevois,ajoute-t-ilenm’observantintensément.

Finnsejetteàgenouxdevantmoi,faitdescendremonjeanlelongdemesjambes,medébarrassedemeschaussuresavecuneinfiniedouceur…etdéchiremaculotteenlycrad’ungestesec,sanslamoindre délicatesse.Une flèche de désirme transperce de part en part. L’Homme imprévisible serelève, me contemple longuement, promenant ses yeux gourmands sur ma nudité. Les lumièresdorées du dehors se reflètent sur ma peau par endroits. Une autre traverse les iris de Finn et lesillumined’unéclatpresque irréel.Àcet instant, jenecroispasm’êtredéjàsentieaussibelle,aussipuissammentdésirée.

Sansplusparler,maissanscesserdemefixer, ilenlèveseschaussuresduboutdespieds,baisseson pantalon et son boxer dumême geste, se débarrasse de ses derniers vêtements avec cemêmeaplomb, cemême sex-appeal quime renverse chaque fois.Quelques pas nonchalants de côté, uneboîteenhauteur,sesmusclesbandésetilseretrouveavecunemballagedepréservatifcoincéentrelesdents.J’aitoutletempsdel’admirer.Etdedéfaillirendedans.Quelquesnouveauxpasversmoi,parfaitementcadencés,commeun fauvequiconnaîtparcœur le rythmequivahypnotiser saproiesansl’effrayer.Etjemeretrouveàdéchirerlepapierbrillantsansmêmeyavoirpensé,àdéroulerlacapotesurcesexedresséquim’aimante.Mefascine.M’appelle.

Undernierregardverscegraindebeautéenvoûtant,àlalisièredesonintimité,etjemedressesurla pointe des pieds. Croisemes poignets tatoués derrière sa nuque.Noiemes yeux dans les siens.Sautepourenroulermesjambesautourdesataille.Collemesseinscontresontorsebrûlant.Etnouemes lèvres aux siennes, glissantma languedans sabouchehumide, sucrée, appelantde toutesmesforcespourqu’ilseglisseenmoiàsontour,qu’ilnousfassefusionnercommej’enrêvedepuislepremierjour.

–Dis-moioui,cettefois…Dis-moioui,Thelma…susurresavoixprofondeentremeslèvres.–Oui,millefoisoui,Finn,cédé-jeensentantmoncœurexploser.

Toutmoncorpsfrémitetbouillonne,pendantquemonamantempoignemesfesses,mesoulèveàpeine,etmepossèdeenfin,d’un lentetmerveilleuxcoupde reins.Leplus long, leplusbrûlant, leplusprofondquisoit.Leplusdivin.Leplusdiaboliqueàlafois.Marespirations’arrêteetuncrideplaisirs’échappedemagorge.Contrelabaievitrée,Finnmequittepourmieuxrevenir.Nosbassinsondulent et s’apprivoisent, comme s’ils étaient faits exactement pour ça, nos sexes s’imbriquent ets’épousent, comme s’ils se connaissaient déjà, nos plaisirs semélangent et nos soupirs s’unissent.Nos peaux se rencontrent et s’adorent. Nos corps en osmose se rendent à l’évidence. Je décollependant qu’il me comble. Il grogne pendant que je le reçois. Je m’ouvre à lui pendant qu’il mepercute.Jelegriffependantqu’ilmetranscende.Ilm’embrassependantqu’illâchepriseetl’orgasmenousemporte,immense,magique,bienplusfortetplusgrandquelui,quemoi,quetouslesinterdits.

5.Pasdemensonges

J’ouvrelesyeux.Lesreferme.Uneodeurfamilièreetsucréevientmechatouillerlesnarines.Sonodeur.Mes billes noires s’ouvrent pour de bon, cette fois, et se tournent vers L’Homme endormi.C’est la première fois que jeme réveille à ses côtés.Et dansmapoitrine, quelque chose semet àdanser.

Sa peau légèrement hâlée tranche sur les draps immaculés, ses traits parfaits semblent reposés,paisibles.Sachantquenousn’avonsfermél’œilquequelquesheuresetquejedoisressembleràunefolle hirsute et mal démaquillée, je suis tentée de crier à l’injustice. Mais non. Je l’observe.Silencieusement.Religieusement.

–Tudirasàtapetiteculottequej’aiétéravidelarevoir,murmure-t-ilsoudainenétirantsondos.–Çanet’apasempêchédeladéchirer,souris-jeencroisantsonregard.

Finnritdoucement,puisclaquedeuxfoisdanssesmains.Lesstoresremontentautomatiquement,laissantentrerlalumièrechaudedecematind’automne.

–Justeparcuriosité,continué-je.Tulescollectionnes?–Quoidonc?–Tusais…

Ilmelanceunregardespiègle,attendantquejecrachelemorceau.Salopard.

–Lespetitesculottes,finis-jeparlâcher.–Non.Etcertainementpasici.–Commentça?–Tu es la première à passer la nuit dans cette chambre.Ce bureau quime sert normalement à

écrire.–Lapremièreétudiante,tuveuxdire?–Non.Lapremièretoutcourt.

Jesuisscotchéeetne trouverienàrépondre.Luisembleréfléchir, toutàcoup,sonbeauregardbleuassombrietperdudanslevague.Desregrets?Desdoutes?J’ignorecequiseproduitdanssoncerveaudegénietorturé.Toutàcoup,soncorpsreprendledessusetsontorsemusclés’abatsurmoi.L’Hommem’embrassecommeilsedoit.Salanguepassesurmeslèvresetdesflash-backdelanuitprécédentemereviennent.J’enailesjambesquitremblent…

–Café?mepropose-t-ilsoudainenquittantlelit.–Unebassine!m’écrié-jeenmeprécipitantderrièrelui.

C’estàcetinstantseulementquejeréalisequejesuisnueetqu’unpeudepudeurneseraitpasde

trop(tandisquesonfessiers’éloigne,parfaitementmoulédansunnouveauboxernoir).J’attrapesachemisedelaveille,l’enfileetlerejoinsentrottinant.Lecafém’appelle.

–Doncjesuislapremière,répété-jetroisminutesplustard,enserrantmesmainsautourdumugbrûlant.

Adosséeauplandetravaildelacuisine,jeleregardedécouperunpamplemousseenquartiers.Ilacquiescemaisnerépondrien.Jedevinequecommemoi,cettenuitl’atroublé.Etceréveilencoreplus.

–Finn,est-cequeçaveutdire?…–Onnevapasparlerdeça,Thelma,m’annonce-t-ilgravement,commesiladiscussionétaitclose.–OK,mais…Jeveuxjustesavoirsitoietmoi…c’estjustetoietmoi?Personned’autre,jeveux

dire?–Jen’aipasletempspourquiquecesoitd’autre,secontente-t-ilderépondre.Etmêmesij’avais

letemps…–Oui?–Jeviensdedéciderquejenefiniraipascettephrase,déclareL’Hommeauxmillemystères.–Tuterebellescontretoi-même,maintenant?–C’estsansdouteplusraisonnable,gronde-t-ilenfronçantlessourcils.

Çadanseànouveau, là-dedans.Çapulse.Çadéménage.Etpourtant, ilévitesoigneusementdesedévoiler.Commetoujours.Maisjesaisliredanssonregard.Jecrois…Jefixesonvisagemasculinetracé,sontorsesculpté,sesmainsexpertes.Sesdentsquicroquentdanslepamplemoussejuteux.

J’aimetoutchezlui.Etçameterrifie.

–Jenedemanderien,ajouté-jedoucement.Enfinsi,justeunechose:pasdemensonges.

Son expression se fait plus grave encore, il s’approche de moi mais je tends le bras pourl’empêcherdemetoucher.J’aibesoindevidermonsac:

–J’enaitropentenduengrandissant,tucomprends?Jenesupporteplusqu’onmemente,qu’onbrisemaconfiance…

–Jeneteferaijamaisdemalsciemment,susurre-t-ilàmonoreilleenmeprenantdeforcedanssesbras.Pourlereste,jenepeuxrientepromettre,masecrète.

Jeposematassedecafélàoùjepeuxetmelaisseemporterlàoùbonluisemble.Enchemin,onrenverse un vase, une lampe métallique et une pile entière de bouquins. Je ris aux éclats, ilm’embrassecommeunfou.Ondébarquefinalementdanslasalledebains.Finnmedéposesurlesoldeladoucheàl’italienneetcommenceàretirersonboxer.Jeneluilaissepasletempsdefinirsongeste:j’actionnelesjetsetnoushurlonsdeconcertsousl’eauglaciale.

Jeluisautedanslesbras, l’embrassepassionnément, ildéboutonnelachemisequejeporte,puisl’arrachecarrémentdemapeau.Commehiersoir.Jegémisentreseslèvres,ilmetouchelàoùmoncorpsneserepaîtjamaisdelui.

– Je veux… que tu me parles de ton passé, parviens-je à articuler. Je veux savoir… ce que tucaches.

–Paslemoment,grogne-t-il.–Est-cequ’unjour…ceseralemoment?soufflé-jealorsqu’ilmecaresse.–Jenesaispas,Thelma.Jesuisincapablederéfléchirquandjet’aientrelesmains…

L’eaudevientbrûlante,commelessensationsquiserépandentaucreuxdemesreins.

–Finn,jeveuxteconnaître.Teconnaîtrevraiment,insisté-je.

Ilme fixe longuement, intensément, d’unemanière quime trouble au plus profond. Et puis seslèvresfondentsurmoi,sesmainssefontplusaudacieusesetj’oublietout.Ànouveau.

***

LecinquièmecoursmagistraldeFinnMcNeiltoucheàsafinetlesétudiantsrangentleursaffairesencommentantlesujetdujour(oulematchdebasketquiestentraindesedisputernonloindelà).Pendantprèsde troisheures,Finna tentéderésister, je l’aisenti.Quelquesregardsencoin luiontéchappé, quelques sourires insolents,mais globalement, nous avons parfaitement donné le change.Lesrumeurssesontévanouiesauprofitdenouveauxscandales,personnenesedouteplusdequoiquecesoitpourcequinousconcerne,luietmoi.

Jesuisjusteuneétudiantelambda.Quisetapesonprofencachette.Etquirisquegros.Trèsgros.

–MissBellamy,m’appellel’intéressédepuisl’estrade.

Jerangemonbloc-notesetmonportabledansmabesace,puisdévalelesescaliersdel’amphipourm’approcher.Enunéclair, tous les regardsdu fan-clubconvergentversmoi.Et jedécidedem’enamuser.

–MrMcNeil,vousm’avezappelée?dis-jeensurjouantunpeu.–Jemedemandaissivousétiezàjourniveaulecture.S’ilvousmanquequelquesouvrages,j’aice

qu’ilfaut.Vouspourrezpasserdansmonbureauàl’occasion.

Des chuchotements agacés fusent dans mon dos et je me pâme comme une abrutie face auprofesseurauxbeauxyeuxsousseslunettessexy:

–Oh,commec’estgentil!Jen’hésiteraipas,MrMcNeil!–Bien,sourit-il.Voussavezoùsetrouvemonbureau?–Non!Quellebécasse!fais-jeenpapillonnantdescils.

IlseretientderireetsetourneversTiffany,aliaslareinedesgarces.

–MissGate,vouspourrezluimontrerlechemin?–Oui,MrMcNeil,répond-elleàcontrecœur.

L’Hommesouritàlapeste,mebalanceunclind’œildiscretpuisdécampe.

–Situcroisquetuvasrejoindrenotregroupe,tupeuxtoujourscrever,sifflelafameuseTiffanyenmefusillantduregard.

–Non!Nedispasça!m’écrié-jeenfaisantminedesangloter.Mavieestfoutue!–Tuasétédure,Tiff,luibalanceunepetitebrunetoutdestrassvêtue.–Tunevoispasqu’ellesefoutdenous,idiote?!enragelachefdebande.

Surce,lessixpétassessebarrentenroulantdesfessesetmelaissentseuleavecmonfourire.

***

Avec toutesceshistoires, j’ai réussi àme foutredans lamerde.C’estvraiquemaviemanquaitjusted’unpeudebordelsupplémentaire:manouvelleestaupointmort,mespetitsfrèresmefontlagueule parce que j’ai raté la soiréeMacaroni alla Bellamy et je n’ai toujours pas commencé ladissertationdedouzepagesdemacroéconomiequejedoisrendre…dansneufheures.

Saloperiededoublecursus.

–Commenceàrédiger,tumaîtriseslesujet!m’encourageAbeenfeuilletantmonmanuelsurlaconsommationautonomedesménages.

–J’étaiscenséeconsacrertroissoiréesàceputaindedevoir,grommelé-jeenmehaïssant.–Onvat’aider!sepointePhoebe.–Ilestpresque23heures,allezvouscoucher…–Salut,lesnazes!balanceJazminenrentrantdesasoirée.Owennedortpaslàfinalement,jepeux

m’incruster?–Thelmaaunedissertàrendredemainmatinàlapremièreheure,luiexpliqueAbe.

La princesse penche la tête sur mon bureau et fait la grimace en lisant le sujet. Comme je lacomprends…

–Laisseztomberlesgars,jevais…

Desontondecaporal-chef,Phoebemefaitsignedenepasajouterunmot.Ensetournantverssesdeuxadjudants,elleexposeleprogrammedelanuit:

–Jazz:missioncaféine,théine,amphétamines,toutcequetutrouves,tunousl’apportes!Abe,tuescaléenmiseenpageetenorthographe:tusecondesTipourl’écriture.Moi,jevérifielessources,jemotivelestroupesetjegardeunœilsurl’horloge!Auboulot,lacompagnie!

L’union fait la force et cette nuit blanche le prouve : alors que le challenge me paraissaitimpossibleàrelever,jelancel’imprimanteà7h06dumatin,avecvingt-quatreminutesd’avancesurleplanningmilitaire.Jazzronflesurmonlit,Phoebesurmontapis,tandisqu’Abeaencorelesyeuxouverts,maisplusfranchementenfacedestrous.

Ilsn’ontjamaisautantméritéleursurnom…MesTroisFantastiques!

***

Le soirmême, après une longue journéede cours, je leur concocte des pizzasmaisonpour lesremercier.

–Tunevoispas«Quitusais»cesoir?medemandediscrètementJazzencroquantdansmapartdepizza.

– Pas là, fais-je sommairement en vérifiant qu’Abe a ses écouteurs dans les oreilles. UneconférenceàChicago,jecrois.

– On va aller boire une bière, ajoute Phoebe en faisant une drôle de tête. Tu viens avec nous,Beyoncé?

Jazzsourit,flattéed’êtrecomparéeàsonidole,puisrépondparlanégative.

–Owenditquejeledélaisse,soupire-t-elle.Onvaauciné,jecrois.–Tantmieux,j’auraiTipourmoitouteseule,lâchelagéanteenhaussantlesépaules.

Parfois,jejureraisqu’ellenesupportepasqueJazzaituneviepersonnelle.Toutcommeilm’estdéjàarrivédemedemandersilablonden’avaitpasdessentimentspourlabrune…Homoouhétéro?JenesaispasdansquellecaserentrePhoebe.

Maispourquoifaudrait-ilquelesgensrentrentdansquelquecasequecesoit?

–Vousneparlezpasde«Quivoussavez»sansmoi!s’écrieJazzenmepointantdudoigt.–Discrétion,please,marmonné-je en jetantuncoupd’œilversAbe (qui est totalement ailleurs,

danssonmonde).–Ilfaudrabienquetuluidisesunjour,sevexe-t-elle.–Jesais,maispascommeça!

Labruneencombinaisonargentéelèvelesyeuxauciel,soupireets’adressedirectementauseulmâledelacoloc:

–Abe, jeviensdans tachambrechaquenuitet j’admire toncorpsnusous lesdrapspendantdesheures.Puisjeretournedansmachambreetjemerendors,habitéeparlessouvenirsdetavirilité…

–C’estbon,j’aicompris,ilentendquedalle!éclaté-jederire.

Ellesemarreàsontour,etencoreplusquandAbrahamretireenfinsesécouteursetnousdemandecequinousfaitglousser.

–Bonnesoirée,lesnazes!

Jazminestlapremièreàquitterl’appart.Abelasuitdeprèspourallerretrouversoncrushde lasemaine.QuantàPhoebeetmoi,onnedécollequetard,pourallerboireunebièreetjoueraubillarddansunpubprèsdeColumbia.Jen’ytenaispasplusqueça,maislablondeainsistéetj’aicapitulé.LemétronousdéposeàquelquesmètresduLuckyStrikeetjerepèreladevanturedeloin:étalagederouge,destickershumoristiquesetdetagsplusoumoinsartistiques.

Alorsque jepresse lepasen resserrantmonblouson (lemoisdenovembreestarrivé,amenantavecluiunventfroid),jerestefigéesurplace,incapabledefaireunpasdeplus.Del’autrecôtédela

vitre,assisàunetablerondesurlaquelletrônentdenombreuxverres…Finnetunejolieblonde.

Respire,Ti…

Pasforcémentlegenredefillessurlesquelleslesplusbeauxmecsseretournentdanslarue,maisma rivale a un charme fou.Après l’avoir étudiée,mon attention se reporte surL’Homme.McNeilporteunpologrisàmancheslonguesprèsducorps,dontlecolestremontéverssonvisage.Ilselajoue incognito.Avec une autre quemoi. J’ai envie d’exploser en sanglots.Ou de lui exploser lesdents,auchoix.

–Thelma,jelesaivuslasemainedernièreaumêmeendroitet…lepatronm’aditquec’étaitdeshabitués.C’estpourçaquejet’aiemmenéeicicesoir.

–Tusavais?!m’étouffé-jepresque.Phoebs,tusavaisettunem’asriendit?–Écoute…–Tu t’esditquoi?Queceseraitmarrantdevoirma troncheendécouvrantendirectqu’ils’en

tapaituneautre?–Thelma…–Jecroyaisquetuétaismonamie,Phoebe!–JELESUIS!s’époumone-t-ellesoudain.Laisse-moienplacerune,merde!

Ellese lancedansdesexplicationsconfusesmais jene l’entendsplus.Cequi sepassesousmesyeuxm’empêchedeconnectermesneurones.Finnembrasselablondesurlajoue.Il luicaresselescheveux.

Jelehais.Troisjoursplustôt,ilmepromettaitdenejamaismefairedemal.Jeluiaiservimoncœur,moncorpsetmestripessurunplateau.Ilestentraind’enfairedelabouillie.

–Ti,tum’entends?s’acharnePhoebe.Nem’enveuxpas.Ilfallaitquetulevoiesdetespropresyeux!

–Tuasraison,Phoebs.Jecomprendsmieuxpourquoituledétestes.–Jenedétestepersonne,murmure-t-elle.Jememéfiedelui,c’esttout…Etdetoutescesfillesqui

sontprêtesàseprosterneràsespieds.C’esttroppourtoi.–Jevaisréglerçatoutdesuite,décidé-jesoudain.Tupeuxrentrer.–Quoi?Non,attends!Tuluiparlerasàfroid,demainou…–Rentreàlacoloc’,Phoebe,grogné-jeenlafixant,glaciale.

Lablondelèvelesmainsenl’air,tented’insistermaismonregardl’endissuade.Finalement,aprèsm’avoirdemandédenepasfairedeconneries,ellereprendladirectiondumétro.

Il faitunechaleur intenabledanscepub. Je retiremonblousonetm’approchede la tableoù setrouveFinn.Enchemin,jevoislablondeluitriturerlamain.Lamêmemainquiprenaitpossessiondemachairtroisjoursplustôt.

Enviedevomir.

Lebarmanmedemandecequejeveuxboire,jel’ignoresansfairepreuvedepolitesseetvaismeplanterdevantMcEnfoiré.

–Vousdésirezautrechose?lancé-jed’unevoixacideendirectiondestourtereaux.

Lesyeuxd'unbleuprofonddeFinntrouventimmédiatementlesmiensets’écarquillentsousl’effetdelasurprise.Sesbrasmusclésquittentlecorpsdesavoisine,quipointesonadorablepetitnezversmoi.

–Jepeuxvousproposeruneblonde,unebrune,unerousse,unefine,uneronde,une…–Thelma,nefaispasça,m’interromptleprofesseurententantderesterdiscret.–Vouspouvezchoisirabsolumenttoutcequevousvoulez,jesuislàpourvoussatisfaire,souris-je

d’unemanièrefausseetexagérée.–Katie,jereviensdansdeuxminutes,glisse-t-ilàl’oreilledesadulcinée.

Jeserre lespoingsetmeretiensde renverser l’intégralitédesverressur la jolie robeàpoisdeKatie.

–Jenebougeraipasd’ici,fais-je,obstinée.–Cen’estnilemoment,nilelieu,MissBellamy,grondeFinnenregardantautourdelui.

«MissBellamy».Savoixlointaineetfroidem’atranchéecommeunelame.

Lacolèreprendledessussurlasurprise,lapeine,ladéception,etjesorsdubaraprèsavoirshootédansunechaisesurmonpassage.Jeretrouvel’airglacialdesruesdeNewYork,lacirculationsansfin,lesvisagessanssourires.J’aidesenviesdemeurtre.Ilfautquejem’éloignedeluiauplusvite.

–Thelma!retentitsavoixgrave,justederrièremoi.–MissBellamyaeusadose!éructé-jeenmeretournant.Fous-moilapaix!Onestcombiende«

secrètes»,aufait?!Jeviensdecomprendre,c’esttrèsclair!C’estcommeçaquetusurnommestesmaîtressespourleurfairecroirequ’ellessontlaseule,l’unique…Maisquelpoète!

Jereparsdansladirectioninverseenespérantledistancer,ilmesuitàlatrace.

–Maistuvasvraimentmerendretaré!enrage-t-ilenposantsamainsurmonépaule.–Lâche-moi!–Tuveuxqu’onnoussurprenne,c’estça?murmure-t-ild’unevoixassassine.Tuveuxfoutreta

vieenl’air?Bousillernotreseulechance?

Jetentedemedégagermaisilmeretientetm’entraînedansunepetiteruellesombre,àquelquesmètresdelà.

–Lâche-moioujehurle!lemenacé-je.–Tusaistrèsbienquejeneteferaijamaisdemal,bordel!

Ilal’airsincère.Inquiet.Furieux.Ilestbeauàsedamner,intense,puissant,sombre,maisiln’estpaspourmoi.Etsadernièrephraseopèrecommeundéclic.Ilnemeferaitjamaisdemal?Jeprendscetteaffirmationcommeunegifleenpleinvisage.Ellemefaitmonterenpressionetsanspouvoircontrôlerlesmotsquisortentdemagorge,jem’entendsluiproférer:

–Arrêtede te fairepasserpourquelqu’unque tun’espas,Finn !Tunevauxpasmieuxque tesamisassoiffésdefric,defemmesetdepouvoir.Tut’esservidemoietdemafamille!Etpourquoi,au juste ? Pour te donner bonne conscience ? Ou pour m’ajouter à ton tableau de chasse ? Tun’approcherasplusjamaismesfrères,jeneveuxpasqu’ilsaientunhommecommetoipourmodèle!Varetrouvertablonde,s’iln’yaqueçapourcomblertasolitude!

Ladernièrechosedontjemesouviensavantd’avoirtournélestalons,c’estsonregard.

Noir.

Blessé.

Indélébile.

Àsuivre,nemanquezpasleprochainépisode.

Egalementdisponible:

Corpsimpatients-3

Aprèsundébutdeviechaotique,consacréàsamèrealcoolique,sestroispetitsfrèreslivrésàeux-mêmesetsesquatrejobssous-payés,Thelmaadécidéd’échapperaudestinmédiocrequil’attend…etdes’occuperd’elle,enfin.Àvingtetunans,elledécrocheuneboursepourentreràlaprestigieuseuniversitédeColumbia,NewYork.

Lesmecs?Pasenvie.Lesloisirs?Pasletemps.Lesamis?Toutjustedivertissants.Sourire?Etpuisquoiencore?!Thelmasaitqu’elletientsonuniquechancedes’ensortir.Etriennepourral’empêcherderéussir.

Maissurlechemindelaréussite,ellevatrèsvitecroiserFinnMcNeil,lepluscélèbreetleplussexydesprofsdelittérature,dontlesbest-sellerss’arrachentparmillions.Thelmasefaitalorsunepromesse:nejamaisintégrerleCercledesÉtudiantesTransiesd’AmourquigraviteautourduProfesseurMcLove…

Retrouveztouteslesséries

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Octobre2016

ISBN9791025733196