Post on 04-Apr-2015
Syndrome de restitution de l’immunité
Matthieu Revest, Maladies Infectieuses et Réanimation Médicale
Rennes, le 27 février 2014
Une petite histoire ancienne…
• Homme de 42 ans
• Originaire de Côte d’Ivoire
• Découverte d’une infection par le VIH
• Tuberculose diagnostiquée avec quelques adénopathies cervicales
Une petite histoire ancienne…
• Bilan:– CD 4: 50/mm3
– Charge virale : 150 000 copies/mL– BK tubage: positifs
• Début d’un traitement anti-tuberculose
• Début 5 jours plus tard d’un traitement antirétroviral
Une petite histoire ancienne…
• 8 jours plus tard:– Altération de l’état général– Fièvre à 39°C– Douleurs cervicales intenses
1ère description IRIS
• French et al., AIDS, 1992 nov;6(11):1293-7
– 64 patients avec CD4 < 200
– Tous anergiques à la tuberculine
– 47% positivent cette réaction après AZT
– 4 : dans les deux semaines suivant la mise sous AZT• Polyadénopathies• Fièvre• AEG
Rappels d’immunologieApplication au VIH
Lymphocytes T CD4 : chef d’orchestre de la réponse immunitaire
LymphocytesT CD8
LymphocytesT CD8
Lymphocytes B
Lymphocytes B
Cellules présentatrices d’antigène
(CPA)
Cellules présentatrices d’antigène
(CPA)
LymphocytesT CD4
LymphocytesT CD4
Natural KillerNatural Killer
Chatenoud L et al. De la biologie à la clinique. Immunologie 5è édition. Edition Médecines-Sciences Flammarion, Paris 2008.
Cellules présentatrices d’antigènes (CPA)
• CPA
– Cellules dendritiques, dont cellules de Langerhans
– Monocytes, macrophages
– Lymphocytes B
• Présentation de l’antigène dans le contexte des molécules HLA de classe II aux lymphocytes T CD4
• Forte expression membranaire des molécules HLAde classe II
Chatenoud L et al. De la biologie à la clinique. Immunologie 5è édition. Edition Médecines-Sciences Flammarion, Paris 2008.
Le lymphocyte T CD4+
• Lymphocyte T auxiliaire ou T Helper
• Reconnaît l’antigène associé aux molécules HLAde classe II des CPA
• Possède un récepteur de surface pour l’antigène (TCR) associé au complexe CD3 qui existe sur tous les lymphocytes T
• Exprime la molécule CD4 qui interagit avec les molécules HLA de classe II
Joue un rôle central dans la générationdes réponses immunes cellulaires et humorales
Joue un rôle central dans la générationdes réponses immunes cellulaires et humorales
Chatenoud L et al. De la biologie à la clinique. Immunologie 5è édition. Edition Médecines-Sciences Flammarion, Paris 2008.
Le lymphocyte T CD8+
• Principale fonction : cytotoxicité spécifique de l’Ag
• Les lymphocytes cytotoxiques sont des lymphocytes T CD8
• Reconnaît un peptide viral présenté dans le contextedes molécules HLA de classe I
• Possède un récepteur de surface pour l’antigène :
– Le TCR associé au complexe CD3
• Exprime la molécule CD8 qui interagit avec les molécules HLA de classe I
Chatenoud L et al. De la biologie à la clinique. Immunologie 5è édition. Edition Médecines-Sciences Flammarion, Paris 2008.
Activation des lymphocytes T CD4+ naïfs
HLA de classe II
TCRCD4
Ag
CD3
TCD4+ activé
Prolifération Production de cytokines
CPACellule présentatrice
d’Ag
Ag
Chatenoud L et al. De la biologie à la clinique. Immunologie 5è édition. Edition Médecines-Sciences Flammarion, Paris 2008.
HLA de classe I
TCR
Cellule cibleinfectée
T CD8+ activé
IFN-
CD8
CD3
Lymphocyte T CD4
PerforineIL-2
Cytotoxicité
AgMolécule HLA
Coopération T-B
Activation des lymphocytes T CD8+
Chatenoud L et al. De la biologie à la clinique. Immunologie 5è édition. Edition Médecines-Sciences Flammarion, Paris 2008.
Th1
IFN-γ, IL-2 … IL- 3, IL-4, IL-5, IL-13 …
CD4naïve
IL-17, IL-22 … IL-10, TGF-β…
Immunitécellulaire
Immunité humoraleRéponse
anti-inflammatoire
RéponsePro-inflammatoire
TregTh2 Th17
Réponserégulatrice
IFN-γ, IL-12
IL-4
TGF-β
IL-23TGF-β + IL-6
Sous-populations de lymphocytes T CD4 matures
Chatenoud L et al. De la biologie à la clinique. Immunologie 5è édition. Edition Médecines-Sciences Flammarion, Paris 2008.
Fouser LA et al. Immunol Rev 2008; 226: 87-102.
Mills KHG Nat Rev Immunol 2004; 4: 841- 55.
Le lymphocyte B
• Reconnaît l’antigène par des immunoglobulines de membrane
• Internalise le complexe antigène-immunoglobuline
– Association peptide/molécules HLA de classe II
• Présente l’antigène aux lymphocytes T CD4
• Activation, prolifération et différenciation des lymphocytes B spécifiques de l’antigène en présence de cytokines d’origine lymphocytaire T CD4
• Sécrétion d’anticorps spécifiques par les plasmocytes différenciés
Chatenoud L et al. De la biologie à la clinique. Immunologie 5è édition. Edition Médecines-Sciences Flammarion, Paris 2008.
Cytokines et réponse spécifique anti-VIHCPA
VIH
IL-2
IL-2 IL-2IFN-
IL-12, IFN-,
Peptide VIH
Cellule infectée par le VIH
TH1
Lymphocyte T CD8 cytotoxique
anti-VIHExpansion clonale
Lymphocyte T auxiliaire quiescent
Lymphocyte T auxiliaire activé
Levy JA. AIDS 2009; 23 : 147-60.
Chatenoud L et al. De la biologie à la clinique. Immunologie 5è édition. Edition Médecines-Sciences Flammarion, Paris 2008.
Primo-infection
Virémie plasmatique +++
Dissémination virale
Stockage du VIH dans les tissus lymphoïdes
Activation immune ++
Atteinte muqueuse avec déplétion des LT CD4+CCR5+
Réponses immunes anti-VIH
Diminution de la virémie plasmatique
Équilibre viro-immunologique
Étapes initiales de l’infection VIH
Girard PM et al. VIH édition 2007 Doin, 2007. P 71-6.;Chatenoud L et al. De la biologie à la clinique. Immunologie 5è édition. Edition Médecines-Sciences Flammarion, Paris 2008; Gordon S et al. J. Immunol. 2007; 179 : 3026–34; Grossman Z et al. Nat. Med. 2006; 12 : 289–95.
Clerici M et al. J Clin Invest. 1989, 84 : 1892-9.
Rosenberg ES et al. Science. 1997, 278 : 1447-50.
Miedema F et al. J Clin Invest. 1988, 82 : 1908-14.
Altérations quantitatives et qualitatives des lymphocytes T CD4
Au cours de l’infection VIH : • Diminution du nombre des lymphocytes T CD4
• Altérations qualitatives variables des fonctions des lymphocytes T CD4
– Déficit de la production d’IL-2 (cytokine Th1)
– Diminution des réponses T CD4 spécifiques contre des antigènes de rappel (tuberculine, tétanos…)
– Diminution des réponses T CD4 spécifiques anti-VIH
Évolution naturelle
T4
Temps1 à 6 mois 3 à 15 ans
200
1000
Charge virale
Primo-infection
Contamination
PNEUMOCYSTOSEPNEUMOCYSTOSE
Candidoses buccales, leucoplasie de la langue…Candidoses buccales, leucoplasie de la langue…
CANDIDOSE ŒSOPHAGIENNECANDIDOSE ŒSOPHAGIENNE
TOXOPLASMOSE CÉRÉBRALETOXOPLASMOSE CÉRÉBRALE
CYTOMÉGALOVIRUSCYTOMÉGALOVIRUS
MYCOBACTÉRIESMYCOBACTÉRIES
Tuberculose pulmonaire, infection bactérienne type pneumococcieTuberculose pulmonaire, infection bactérienne type pneumococcie
Altérations des fonctions des lymphocytes T CD8
• Rôle des lymphocytes T CD8 dans le contrôle de l’infection VIH :– Cytotoxicité
– Production de facteurs solubles qui inhibent la réplication virale(-chimiokines notamment MIP1, MIP1, RANTES et -défensines)
• Si déficit des lymphocytes T CD4, les lymphocytes T CD8 sont moins fonctionnels :– cytotoxicité T CD8
– production des facteurs solubles inhibant la réplication virale
Yang OO et al. J Virol. 1997, 71 : 3120-8.
Kalams SA et al. J Exp Med. 1998, 188 : 2199-204.
Cellules NK
Rôle des cellules NKdans l’infection à VIH Impact du VIH sur les cellules NK
La communication entre cellules NK et cellules dendritiques joue un rôle important dans la génération des réponses adaptatives
Diminution des fonctions NKchez les patients infectés par le VIH (phase précoce de l’infection)
Rôle des cellules NK dansle contrôle de la réplication virale
Altération de la lyse médiée parles cellules NK, corrélée àla progression de la maladie
Corrélation inverse entrele maintien de l’activité NKet une charge virale plasmatique indétectable
Perturbations du répertoire NK observées lors de l’infection VIH
Fauci AS et al. Nature Rev Immunol 2005, 5 : 835-44.
Scott-Algara D et al. Plos One 2008, 3 (4): e1975.
Mécanisme du déficit immunitaire lié au VIH
Effet du traitement antirétroviral
T4
Temps1 à 6 mois 3 à 15 ans
200
1000
Charge virale
Primo-infection
Contamination
ARV
Syndrome de reconstitution immunitaire (IRIS)
• Ensemble des manifestations cliniques:– Survenant dans les jours à semaines suivant la mise
en route des antirétroviraux– Concerne surtout des patients très immunodéprimés
• Survient à la faveur de la restauration des T4, quantitatif mais surtout qualitatif
Critères diagnostics IRIS
• 2 critères majeurs ou 1 critère majeur A + 2 critères mineurs
• Critères majeurs:– A: présentation atypique d’une pathologie opportuniste ou tumorale chez un patient
répondant à un traitement antirétroviral• Réaction inflammatoire exagérée• Réponse inflammatoire atypique• Progression d’une atteinte d’organe ou augmentation de taille de lésions présentes à l’initiation du
traitement• Après exclusion d’une toxicité médicamenteuse ou d’un autre diagnostic
– B: baisse de charge virale > 1 log10 copies/mL
• Critères mineurs:– Augmentation du nombre de T4– Augmentation de la réponse immunitaire spécifique (ex: IDR)– Résolution sans traitement spécifique et avec poursuite du traitement ARV ou anti-
infectieux
French, AIDS, 2004
French, AIDS, 2004
• Certains:– Infection opportuniste disséminée (charge microbienne plus
importante)– CD4 bas (< 50/mm3)– Instauration des ARV rapide– Certaines infections opportunistes (IO)
• Moins certains:– Remontée des CD4– Vitesse importante de charge virale
– Charge virale plasmatique pré thérapeutique élevée
Facteurs de risque IRIS
• Forme paradoxale:– IO connue au moment de la mise sous ARV
– Aggravation des lésions connues
• Forme démasquant une IO:– IO non connue à l’initiation des ARV
– Apparition des symptômes révélant la maladie sous ARV
• Forme inflammatoire ou auto-immune:– Manifestations inflammatoires sous ARV sans IO
– Sarcoïdose like, etc…
3 formes cliniques IRIS
Breton G, 2012
OI free
IRIS OI
Non IRIS OIEffet protecteur IRIS ?
Park, AIDS, 2006
• Prévention:– Dépister toutes les IO chez les patients au stade Sida– Débuter par le traitement des IO– Début différé du traitement ARV
• Traitement:– Traitement symptomatique simple le plus souvent suffisant– Ne pas arrêter les ARV– Parfois : corticoïdes
Prise en charge IRIS
• Règle générale:– Débuter ARV 15 jours après le début du traitement de l’IO– Si trop d’attente, risque d’autres IO
• Tuberculose:– Entre 2 et 8 semaines– Si CD 4 bas: plutôt 2 semaines– Si atteinte « dangereuse » (méningée…): essayer de retarder 4 semaines si
CD 4 bas, 8 semaines sinon
• Cryptococcose neuroméningée:– Attendre obligatoirement 4 semaines
Quand débuter le traitement ARV ?
Mais il n’y a pas que le VIH dans la vie…
• Tolérance materno-foetale:– Anergie tests tuberculiniques– IL 10
• Rupture de tolérance à l’accouchement: rebond de prolifération dès H24
• Poussées de maladies auto-immunes après accouchement (LED,…)
IRIS et grossesse?
• 29 cas de TB postpartum
• Survenue: 4ème j postpartum (1-30)
• Formes graves: méningites, miliaires
Histoire naturelle tuberculose hors VIH
Tuberculose hors VIH
Histoire naturelle tuberculose
D’après Anne Bougarit, 2009
D’après Anne Bougarit, 2009
• Mise sous traitement anti-tuberculose:– Destruction des bacilles de Koch– Levée de l’immunosuppression induite par la bactérie– Relargage des produits de destruction
• Réponse inflammatoire exacerbée:– Aggravation possible des lésions– Même tardive
• Facteurs de risque: – Miliaire– Tuberculose extra-pulmonaire
Réaction paradoxale et tuberculose hors VIH
La lèpre
La lèpre
La lèpre
• Maladie chronique due à Mycobacterium leprae (non cultivable)
• Source de stigmatisation
• En diminution mais pas en voie d’extinction
• Incubation longue voire très longue
• Contagiosité: contact étroit et prolongé avec un malade (forme multibacillaire)
Source: ePillyTrop
La lèpre
• Présentation clinique liée à la réponse de l’hôte à l’infection
• Contrôle de la maladie: immunité cellulaire
• Forte réponse cellulaire:– Forme pauci-bacillaire (ex-tuberculoïde): < 5 lésions– Forme indéterminée: 1 seule lésion (traitement minute)– Très peu contagieuse
• Réponse cellulaire faible ou inexistante: forme multi-bacillaire (ex-lépromateuse): > 5 lésions
D’après Darie, 2010
La lèpre
Source: ePillyTrop
La lèpre pauci-bacillaire
Source: ePillyTrop
La lèpre multi-bacillaire
Source: ePillyTrop
La lèpre: réaction paradoxale
• Type 1: instabilité immunitaire
• Réactions réversion:– Sous traitement dans les formes multi-bacillaires– Apparition d’une réaction inflammatoire sous traitement– Œdème des lésions cutanées– Poussées de nevrite hypertrophique douloureuse
• Réactions de dégradation:– Multiplication des lésions– Signes généraux– Souvent sans traitement
La lèpre: réaction paradoxale
• Type 1: instabilité immunitaire
D’après Darie, 2010
La lèpre: réaction paradoxale
• Type 2: érythème noueux
• Que dans la forme multibacillaire
• Associé à des signes généraux, nevrites (optique), etc…
• Maladie à immuns complexes avec vascularites
La lèpre: réaction paradoxale
• Gravité avec notamment un pronostic neurologique
• Traitement:– Type 1: corticoïde– Type 2: corticoïde, clofazimine (prévention), thalidomide