Qu'est-ce que connaître ?

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Qu'est-ce que connaître ? Comment s'établit la vérité ? Que dit à ce sujet la philosophie de la connaissance ? Comment établir le vrai ?

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Qu’est-ce que connaître ?

http://fr.slideshare.net/BJarrosson/questce-que-connatre http://www.unishared.com/notes/15-ZWrq18YJ98fmu7VHEHH0221vNmFi75qA0Q97-K-2Q

www.bruno-jarrosson.com

La gravitation : une vérité absolue ?«  Il est inconcevable que la matière brute inanimée, sans la médiation d’autre chose qui ne soit pas matérielle, agisse sur une autre matière sans contact mutuel… Et c’est une des raisons pour lesquelles je désirais que vous ne m’attribussiez pas la gravitation innée. Que la gravitation soit innée, inhérente et essentielle à la matière, de sorte qu’un corps puisse agir sur un autre à distance, dans le vide, sans aucune médiation à travers et par laquelle leur action et leur force puisse passer de l’un à l’autre, c’est pour moi une si grande absurdité que je crois qu’aucun homme doué d’une faculté compétente de penser en matière de philosophie ne pourra jamais y tomber. La gravitation doit être causée par un agent agissant constamment selon certaines lois : mais quant à savoir si cet agent est matériel ou immatériel, je laisse cela au jugement des mes lecteurs. » Isaac Newton, Lettre à Richard Bentley

L’inductivisme naïf : David HumeLa connaissance fonctionne par généralisation d’obser vations p a r t i c u l i è r e s . À p a r t i r d’observations répétées on induit une loi générale. Il existe un principe d’induction qui permet d’induire le général à partir du particulier. Ce principe d’induction est une disposition naturelle de l’esprit humain qui n’a pas de justification logique. La connaissance résu l te de l ’ a s s o c i a t i o n d u p r i n c i p e d’induction et de l’observation.

David Hume (1711 – 1776)

Énoncé d’un fait futur

n’appartenant pas à la théorie newtonienne

Faits passés Théorie newtonienne

Pavé logiquement

consistant

Pavé logiquement

contradictoire

Le problème de David Hume

Le problème de David HumeSi la mécanique newtonienne est vraie absolument, cet absolu de la vérité ne peut pas reposer sur les faits uniquement. Des faits ne peuvent jamais être logiquement contradictoires entre eux. Une théorie qui serait logiquement équivalente à un ensemble d’énoncés de faits ne pourrait donc pas être contradictoire avec un autre énoncé de fait. L’existence d’une contradiction suppose donc que l’on ait adjoint aux f a i t s u n e a u t r e s o u r c e d e connaissance.

Newton et le savoir ouvert« Je ne sais ce que j’ai pu paraître aux yeux du monde, mais selon moi il me semble n’avoir été qu’un enfant jouant sur la grève, heureux d’avoir trouvé, par chance, un plus beau coquillage ou un galet plus lisse, alors que le grand océan de la vérité demeure encore inconnu devant moi. » Isaac Newton !«  Si j'ai vu si loin, c'est que j’étais un nain monté sur des épaules de géants. »

«  J e l ’ a v o u e franchement, ce fut l ’ ave r t i s s e m e n t d e D a v i d H u m e q u i interrompit d’abord, voilà bien des années, m o n s o m m e i l dogmatique. » !  « Nous ne connaissons a priori des choses que ce que nous y mettons nous-mêmes. »  

Cercles de Titchener

Illusion de Ponzo

Motif de Kanizsa

Ci-contre, les cercles ont l’air de bosses.

Une fois retour nés (ci-contre), ils ont l’air de creux. Pourquoi ?

Il y a un dalmatien dans l’image. Où est-il ?

Une fois qu’on a vu le dalmatien, on ne peut plus ne pas le voir.

La révolution copernicienne

Unité, Pluralité Totalité, Réalité Négation, Limitation Inhérence et subsistance Causalité et dépendance Communauté Possibilité / impossibilité Existence / non-existence Nécessité / contingence

Catégories a priori de

l’entendement

Formes a priori de la sensibilité

Temps Espace

Jugement synthétique

Sensation assimilée

Sensation

La révolution copernicienneL’esprit est actif dans l’élaboration de la connaissance. La connaissance n’est pas qu’une accumulation de sensations. Nous passons de la sensation à la sensation assimilée par un processus d’assimilation qui fait intervenir deux formes a priori de la sensibilité que sont le temps et l’espace. Nous passons de la sensation assimilée au jugement en faisant intervenir les catégories a priori de l’entendement. Connaître consiste donc à projeter sur les sensations venues de la nature les catégories a priori de notre entendement. La « source cachée » de connaissance est donc l’entendement humain avec ses catégories a priori. Emmanuel Kant

1724 - 1804

« Notre entendement ne puise pas ses lois dans la nature mais les lui prescrit. » Emmanuel Kant  « Comment un jugement synthétique a priori est-il possible ? » Emmanuel Kant  

«  À cinq ans, ma marraine me rapporta un accordéon de Moscou. P e n d a n t p l u s i e u r s j o u r s , j’empoisonnai l’existence de ma f a m i l l e p a r m e s e x e r c i c e s musicaux. Par bonheur, je m’en lassai rapidement. Je m’armai de ciseaux, m’isolai et découpai l’instrument en morceaux pour en percer le secret. Mais il n’y avait rien à trouver. Ma mère ne me punit pas pour avoir détérioré un objet de valeur. Elle se contenta de me dire des paroles qui se gravèrent pour toujours dans ma mémoire  : c’est avant tout dans notre propre tête que les secrets doivent être cherchés. » Alexandre Zinoviev  

Karl Popper et le problème de la démarcation

Un savoir est scientifique s’il produit des prédictions réfutables c’est-à-dire des prédictions qui peuvent être mises en échec par l’expérience. Il existe des prédictions réfutables et des prédictions non-réfutables. La réfutabilité lie la théorie à l’observation. La démarcation entre savoir s c i e n t i f i q u e e t s avo i r n o n -scientifique est nette. Le savoir scientifique est d’une nature différente des autres savoirs.

Karl Popper (1902 – 1994)

Tous les cygnes ne sont pas blancs

Nos certitudes ne peuvent porter que sur le faux. !Il est possible de prouver que l’affirmation « tous les cygnes sont blancs  » est fausse par l’observation d’un cygne noir, mais il est impossible de prouver que cette affirmation es t v ra ie même s i l ’on n’observe que des cygnes blancs.

Conjecture et réfutationLe scientifique doit élaborer des conjectures, des «  hypothèses hardies ». Il doit tenter de réfuter ces hypothèses par des expériences car seule la réfutation peut apporter la c e r t i t u d e . L a c o n n a i s s a n c e scientifique se définit donc comme un ensemble de conjectures non réfutées. En plaçant la réfutation – le fait – au cœur de la connaissance, Karl Popper signe le retour du réalisme contre l’idéalisme kantien.

« L’entendement ne puise pas ses lois dans la nature, mais t e n t e – e n y réussissant dans des p r o p o r t i o n s variables – de lui prescrire des lois librement inventées par lui. » Karl Popper

Les failles de la réfutation

Tout fait est observé dans le cadre d’une théorie. Constater un fait suppose toujours de postuler l’exactitude de certaines théories. Il n’y a pas de fait en soi. Les théories impliquées dans l’élaboration du fait ne sont pas forcément explicites et conscientes. On ne peut donc pas savoir quelle théorie est réfutée par un fait. La réfutation ne peut donc pas rétablir, même de façon négative, l’objectivité de la connaissance.

Évolution et révolution

L’histoire des sciences fait apparaître une alternance de périodes d’évolution (science normale) et de périodes de r é v o l u t i o n ( s c i e n c e révolutionnaire). !L’exis tence de polémiques scientifiques montre que les faits ne permettent pas toujours de trancher entre les théories. La polémique réfute la réfutation.

Évolution et révolutionL e d é v e l o p p e m e n t normal se fait dans un cadre donné et plus ou moins explicite. L a s c i e n c e r é v o l u t i o n n a i r e correspond à une remise en question de ce cadre. Le développement de la science fait interagir des faits et des cadres de pensée.

Le paradigme : Thomas KuhnLe cadre de développement – nommé paradigme – est irréfutable.   Le paradigme est irréfutable par décision méthodologique. !Le paradigme conditionne la lecture des faits, ce qui est scandaleux du point de vue de l’objectivité. On change des faits avec des p a r a d i g m e s p a s d e s paradigmes avec des faits.

Thomas Kuhn (1922 – 1996)

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Le paradigme : Thomas KuhnLa polémique scientifique ne s ’ e x p l i q u e q u e p a r l a concurrence entre paradigmes. Elle n’est donc pas résolue par les faits. La science normale est le développement du paradigme. Elle développe un mécanisme de défense – l’hypothèse ad hoc – e t e n c o u r t u n r i s q u e d’épuisement. La science révolutionnaire r e n v e r s e l e p a r a d i g m e dominant, profitant de son épuisement.

«  Si la science évolue, ce n’est pas parce que les scientifiques changent d’avis, c’est parce que les vieux scientifiques meurent avant les jeunes scientifiques. » Max Planck

Le mouvement rétrograde des planètes

Géocentrisme ou héliocentrisme ?

Isaac Newton 1642 - 1727

Tycho Brahé 1546 - 1601

Galileo Galilei 1564 - 1642

Johannes Kepler 1571 - 1630

Nicolas Copernic 1473 - 1543

Les fentes d’YoungC o r p u s c u l a i r e o u ondulatoire ? Quelle est la v r a i e n a t u r e d e l a lumière ?

Thomas Young (1773 – 1829)

Le chat de Schrödinger

Le chat est-il mort ou vivant ?

Peut-on normaliser la méthode ?

«  Il est bon que le lecteur se rende compte

par lui-même de la torture endurée par les

physiciens de cette époque. Ils ne pouvaient

faire autrement que de la supporter bon gré

mal gré et erraient, çà et là, la mine sombre,

disant d'une voix triste et plaintive que les

lundis, mercredis et vendredis il leur fallait

considérer la lumière comme une onde, et

les mardis, jeudis et samedis comme une

particule. Les dimanches, tout simplement

ils priaient. »

Banesh Hoffmann, L'Étrange histoire des quanta

Peut-on normaliser la méthode ?L’effort de création en science peut aussi bien porter sur le contenu que sur la méthode mise en œuvre pour créer. L’histoire des sciences montre que des innovations de méthode ont débouché sur des innovations de contenu (cf. Galilée et la mesure, l’ordinateur et la théorie du chaos). L a m é t h o d e e t l e c o n t e n u n ’ é v o l u e n t p a s d e f a ç o n indépendante. L’épistémologie doit céder la place à l’anarchisme.

Paul Feyerabend (1924 – 1994)

« Tout est bon »

«  L’idée que la science peut, et doit, être organisée selon des règles fixes et universelles est à la fois utopique et pernicieuse. » !« Le positivisme prékuhnien était resté infantile, mais relativement clair (cela inclut Popper qui n’est qu’une petite bouffée de vapeur au-dessus de la tasse de thé posi t iv is te) . Le posi t iv isme postkuhnien est resté infantile – mais il est en plus très peu clair. »

Théorie anarchiste de la connaissance

Chaque domaine de connaissance est pertinent dans son ordre. Chaque domaine de connaissance a s e s p r o p r e s r è g l e s méthodologiques. Une connaissance ne peut être jugée qu’à partir des règles méthodologiques qui lui sont propres. La science n’est pas supérieure a u x a u t r e s f o r m e s d e connaissance.

- D’après les études de faisabilité, c’est tout à fait faisable, mais d’après les études d’idiotabilité, c’est complètement idiot.

Le quatuor des épistémologues

Karl Popper : «  Seul a un caractère scientifique ce qui peut être réfuté. Ce qui n’est pas réfutable relève de la magie ou de la mystique. » !Thomas Kuhn : « Toute théorie scientifique contient un cœur que l’on ne peut remettre en question sans renoncer à la théorie elle-même. » !Imre Lakatos : «  En science, on trouve d’abord et on cherche ensuite. Il n’y a pas de fait en soi mais des faits observés. » !Paul Feyerabend : « L’idée que la science peut et doit être organisée selon des règles fixes et universelles est utopique et pernicieuse. »

Qu’est-ce que connaître ?

Thomas Kuhn 1922 - 1996

Emmanuel Kant 1724 - 1804

Paul Feyerabend 1924 - 1994

David Hume 1711 - 1776

Karl Popper 1902 - 1994

Qu’est-ce que connaître ?Connaître, c’est induire des lois générales à partir d’observations particulières. (David Hume, 1711 - 1776) Connaître, c’est projeter sur la nature les catégories a priori de notre entendement. (Emmanuel Kant, 1724 - 1804) Connaître, c’est tenter de réfuter par des faits des conjectures librement inventées par notre esprit. (Karl Popper, 1902 – 1994) Connaître, c’est décider méthodologiquement que nos paradigmes sont irréfutables. (Thomas Kuhn, 1922 – 1996) Connaî t re , c ’est dépasser les règles méthodologiques fixes de connaissance. (Paul Feyerabend, 1924 – 1994)